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Move With Africa IMAGINE une fraternité humaine Supplément gratuit de La Libre Belgique du 12 Mai 2017 Mikail, Bilal, Eugène et Brian, à la ferme de Sakété au nord de Porto-Novo, Bénin. Avec l’ONG Via Don Bosco. OLIVIER PAPEGNIES/COLLECTIF HUMA

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MoveWith AfricaIMAGINE une fraternité humaine

Supplément gratuit de La Libre Belgique du 12 Mai 2017

Mikail, Bilal, Eugène et Brian, à la ferme de Sakété au nord de Porto-Novo, Bénin. Avec l’ONG Via Don Bosco. OLIVIER PAPEGNIES/COLLECTIF HUMA

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Brussels airlines,un des piliers de MWAInterview de Philippe Saeys

Vice President Sales Africa chez BrusselsAirlines pour le continent africain.

Brussels Airlines entretient depuis longtemps un lienprivilégié avec le continent africain. Comment ce lienest-il né ?C’est une relation qui existe depuis plus d’un sièclequasiment et qui est due au fait que la Belgique étaitun des premiers pays à établir un lien aérien avecl’Afrique. À l’époque, c’était le Congobelge, qui par lasuite est devenu laRDC.Au­delà de la liaisonBruxel­les­Kinshasa qui existe depuis près d’un siècle, laBelgique a continué à entretenir des contacts écono­miques avec beaucoup de pays africains. Et le prédé­cesseur de SN a poursuivi ce lien jusqu’à sa faillite.Nous avons ensuite repris le flambeaude la Sabena etnous nourrissons cette relation privilégiée que nousavons depuis toujours avec l’Afrique.

Comme vous venez de l’exprimer, vous étiez et vous res-tez une des principales compagnies aériennes à desser-vir l’Afrique. Par-delà les raisons historiques, pourquoicet intérêt particulier pour le continent africain ?C’est parce qu’il y a un lien très proche entre la Belgi­que et l’Afrique, mais aussi entre les Africains et lacompagnie. Très souvent quand vous allez dans despays africains, les gens vous disent que leur compa­gnie nationale, c’est la SN. Il en est demême par rap­port à la gestiondes crises que traverse l’Afrique : très

souvent, SN reste présente au moment où tous lesautres partent. Pendant les crises politiques, maisaussi les crises sanitaires; je pense notamment àEbola. Quand l’épidémie a commencé il y mainte­nant 3 ans, tout lemonde est parti sauf SN. Cela créeun lien fort et important dont les Africains sontconscients. Je crois que ce lien est là, bien présent etqu’il se renforce d’année en année.

Quel est le niveau d’implantation de Brussels Airlines enAfrique ?Brussels Airlines dessert 19 destinations. Le circuitcommence avec l’Afrique subsaharienne en partantde Dakar, puis la Guinée jusqu’en Afrique de l’Est, leRwanda, le Burundi, l’Ouganda.

Quels sont les grandes difficultés et les challenges aux-quels vous êtes confrontés aujourd’hui en Afrique ?Je crois qu’ils sont surtout d’ordre opérationnel et lo­gistique. Cela concerne surtout les aéroports carbeaucoup d’entre­eux sont vétustes. Quelques paysafricains ont déjà investi dans un nouvel aérogare oude nouvelles pistes, mais dans certains pays, nousopérons encore sur de vieux aéroports. Et cela créedes problèmes car quand il faut refaire ces pistes, ilne reste souvent qu’une seule piste praticable. Le se­cond problème est relatif à lamétéo car certains paysd’Afrique subissent des vents tels que l’Harmattan,un vent dudésert bien plus difficile à affronter que lebrouillard ici en Belgique. Cela crée de vrais problè­mes opérationnels.

Brussels Airlines supporte notre projet “Move WithAfrica” depuis son lancement, il y a maintenant 5 ans,qu’est ce qui a motivé votre décision ?Si nous considérons que l’Afrique est notre seconde

résidence, il est important que nous entreprenionsdes actions en faveur des Africains. Et donc tout pro­jet qui tend à développer l’Afrique, à aider les gensqui y habitent mérite que nous tentions de le soute­nir. Ce soutien peut consister en une aide logistiquecomme celle d’aider les “Mercy ships”. Ce sont desbateaux hôpitaux qui partent dans un port pendant6 ou 7mois pour fournir gracieusement à la popula­tion qui en a besoin des interventions chirurgicalesqui ne sont pas réalisables localement. En outre,nous avons créé la “b­Foundation” qui aide un cer­tain nombre d’ONGet de projets humanitaires déve­loppés en Afrique tels que des maternités ou des or­phelinats, et qui est à l’initiative de la campagne Bikefor Africa…

En plus du support à Move With Africa, votre compagniea en effet créé cette fondation d’où émane “Bike forAfrica”, l’un de ses projets les plus visibles et les plusimportants. En quoi consiste-t-il ?La campagne “Bike For Africa”, organisée tous lesdeux ans, mobilise plusieurs équipes de cyclistes aucœur de l’Afrique. Son objectif est de permettre à despersonnes de vivre ensemble une belle aventuresportive et humaine en Afrique tout en aidant lesAfricains. Pour chaque édition, nous invitons ainsides CEO de grosses sociétés belges ou européennes àsponsoriser l’opération. L’argent récolté est réinjectédans un projet local. Ce fut, par exemple, unemater­nité pour l’édition en Ouganda. En plus des CEO, 40employés de notre compagnie y participent car c’estaussi une manière de partager notre passion pourl’Afrique avec nos collègues.

Constance Frère

“Tout projet qui tend àdévelopper l’Afrique et

à aiderles Africains est

un projet quenous allons essayer

de supporter.”Philippe Saeys

BRUS

SELS

AIRLLINE

S

Move With Africa

Move with Africa. Supplément gratuit à la Libre Belgique Coordination rédactionnelle. Constance Frère Administrateur-délégué-éditeur responsable: François le Hodey

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Move With Africa c’est quoi ?Move With Africa

Déjà la 6ème édition !

C’ est déjà la 6ème édition de Move withAfrica, un projet concret et solide quipermet à des jeunes Belges de partir à

la découverte de l’Afrique.

Comment est né le projet Move WithAfrica ?

Move With Africa à été initiée par La LibreBelgique en 2011, désireuse de sensibiliserles jeunes à la citoyenneté mondiale et à l’in­terculturalité. En lançant ce projet, La Libresouhaitait donc avant tout sensibiliser unmaximum de jeunes de tous horizons et detoutes origines à la problématique des rela­tions Nord­Sud. En collaboration avec desONG d’expérience et de renom, l’objectifpoursuivi est de faire prendre davantageconscience aux jeunes Belges de leur respon­sabilité d’acteurs citoyens du monde et deleurs capacités à contribuer au développe­

ment d’une société plus juste et plus ouvertesur le monde.

Concrètement, comment cela se passe­t­il ?

Cette action est destinée aux professeurs etaux élèves du 3e degré de l’enseignement se­condaire (5e, 6e et 7e), quelle que soit laforme d’enseignement et de réseau dont ilssont issus. Elle est soutenue par le ministèrede l’Enseignement de la Fédération Wallonie­Bruxelles et de la Coopération au Développe­ment (SPF Affaires étrangères). C’est doncplus de 200 jeunes et leurs professeurs quis’engagent dans un projet qui leur est attri­bué, selon les préférences émises et qu’ilsvont développer en partenariat avec l’une desONG impliquées. Avant de s’envoler pour undes pays d’Afrique concernés pendant lescongés de détente ou de printemps. Les pro­jets que les organisations non gouvernemen­tales proposent répondent à des critèresstricts et garantissant la sécurité des partici­pants. Ils abordent des thématiques centralesdu développement et placent la rencontre etl’échange interculturels au centre des actionsentreprises dans le cadre de Move with Africa.

Une réflexion commune et l’implicationdes élèves

Il est important de considérer l’actioncomme un cheminement dont le séjour enAfrique est une étape et non pas une fin ensoi. Le projet entrepris ponctue une ré­flexion plus générale, menée de concert avecles ONG lors de journées de préparationainsi qu’avec différents organismes d’éduca­tion. Inscrits dans cette démarche globale,les jeunes sont appelés à animer un blog re­latant de manière assidue, originale et dyna­mique, les avancées de leur projet. Photos,témoignages, activités de récolte des fonds,vidéos, etc. tous les supports et les initiativessont les bienvenus pour alimenter ce lieu departage virtuel qui permet à d’autres élèves,moins chanceux, de suivre les avancées duprojet. La Libre est en effet convaincue quele recours aux technologies de l’informationconstitue un outil stimulant la créativité et laprise d’autonomie des élèves dans un par­cours d’apprentissage multidisciplinaire.

Movewith Africa c’est avant tout une ex­périence unique qui favorise la rencontre,le partage et la citoyenneté mondiale.

Ensemble, bougeonsavec l’Afrique !

Move with Africa – 6e édition 2017-2018Vous êtes chef d’établissement ou professeur du secondaire supérieur et vous avez envie d’inscrirevotre école dans un projet de sensibilisation à la citoyenneté mondiale et à la coopération au développement ?

Alors, rejoignez Move with Africa en déposant votre candidature ! Rendez-vous sur www.lalibre.be/actu/movewithafrica

Move With Africa est un projet de La Libre soutenu par le Ministère de l’Enseignement

contacts [email protected]

coordinatrice

[email protected] chef de projet

Move With Africa

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L’Institut de laSainte-Famille

S’intégrer au coeur d’une forêt qui pousseSur une plantation de teck, les élèves sesont confrontés aux enjeux dureboisement, machette à la main.

P renez vos distances pour ne pas vous blesser. Ça,vous coupez, ce sont les mauvaises herbes... Ça,vous n’y touchez pas, c’est le jeune plant du teck”,

explique un Béninois, en pointant les petits bâton­nets surplombés de quatre feuilles. Il y a un an, ungroupe de jeunes belges, accompagnés par l’ONGDéfi Belgique Afrique (DBA), était venu contribuerà un projet de reboisement sur ce terrain de Kodji,proche de la ville d’Abomey, au sud du Bénin.Aujourd’hui, c’est une armée de seize étudiants etde trois professeurs de l’Institut de la Sainte­Famillede Schaerbeek, qui tend l’oreille pour apprendrecomment les Béninois ont entretenu, depuis, ce sitede reboisement de cinq hectares. Avant d’empoi­gner, pour la première fois, un coupe­coupe, et de semettre au travail, sous la supervision de leurs cor­respondants béninois.

Lutter contre la déforestation, un défi de taille“Ce sont des citadins. A travers cette journée et la ren­

contre de paysans lors d’activités de maraîchage, nousvoulons les reconnecter à la terre, leur faire vivre les en­jeux climatiques au­delà de la théorie”, explique LaureDerenne, de l’ONG DBA, qui accompagne le groupe.La journée vient à peine de commencer, mais lesgouttes de transpiration perlent déjà sur le front desjeunes européens, sous un soleil implacable. Les unscourent s’isoler à l’ombre d’un arbre. D’autres en­core se frustrent à voir que leurs coups n’ont pas euraison de la mauvaise herbe, faute de savoir manierl’instrument. “Il paraît qu’il faut soulever bien hautpour taper d’un coup, avec force”, observe Manal.“Nous sommes vite épuisés, mais au moins cela nouspermet de vivre ce qu’endurent les Béninois dans leschamps”, estime quant à lui Adam. “Les Européens neservent à rien ici, on galère par rapport à eux”, con­fiera encore un étudiant dans le cahier bleu rempli

par le groupe tout au long du voyage.Entretenir un site de reboisement est un enjeu de

taille qui exige des efforts et, surtout, de la patience.“Celui qui n’a pas planté un arbre a vécu inutile­ment” est d’ailleurs l’un des proverbes béninois lesplus répétés, tant la dégradation de l’environne­ment a abouti à une déforestation galopante et àune dégradation des sols. Selon une récente étude,le Bénin enregistre annuellement une perte de plusde 70 000 hectares de forêts sur une couverture fo­restière estimée à 2,65 millions d’hectares. Un phé­nomène qui s’explique également par l’appétit in­satiable pour le bois des pays asiatiques, appétit quele précédent gouvernement de Boni Yayi n’a pastoujours cherché à dompter, entretenant des rela­tions plus que privilégiées avec Pékin.

Face à ce phénomène, des efforts pour lutter con­tre la déforestation ont été observés. Ainsi, le mêmeBoni Yayi a­t­il lancé en 2013 le projet 10 millionsd’âmes, 10 millions d’arbres, cherchant à pousserchaque Béninois à planter et entretenir un arbre.Lui succédant au pouvoir, l’homme d’affaires Pa­trice Talon a été jusqu’à suspendre, entre 2016et 2017, l’exploitation et l’exportation de bois, letemps de mettre de l’ordre dans le paysage forestierdu pays. Et, depuis février dernier, seule l’exporta­tion du bois “provenant des plantations domaniales etprivées” est autorisé, les forêts naturelles protégéesétant exploitées exclusivement à des fins de con­sommation nationale.

Le teck, bois idéalDans ce contexte, “les plantations forestières” telles

que celle de Kodji “contribuent à atténuer la défores­tation”, comme l’explique l’expert Jean Ganglo, del’université d’Abomey­Calavi. Encore faut­il con­vaincre la population béninoise – qui cherche à ré­colter rapidement des produits à consommer ou àvendre – de consacrer du temps à entretenir uneplantation d’arbres, qui poussent bien plus lente­ment.

Mais sur cette plantation, la recette idéale sembleavoir été trouvée. “Le taux de réussite du chantieravoisine les 100 %”, se réjouit Bernadin Tossa, de

l’ONG locale ALDIPE, partenaire de DBA. Le teck –qui ne pousse pas naturellement au Bénin, mais futimportée d’Asie avec la colonisation française –“s’est bien adapté aux conditions écologiques du Béninet croît rapidement”, arrivant à maturation après sixou sept ans, comme l’explique M. Ganglo. Et ce boisest très prisé sur le marché forestier. De plus, sur lemême terrain, pousse également du soja, une cul­ture qui protège et nourrit le sol mais, surtout, quiattise l’intérêt des habitants locaux. “Permettre decultiver autre chose en plus du teck encourage la popu­lation à entretenir la plantation”, explique Mme De­renne.

L’eau, une ressource précieuseDe quoi comprendre l’articulation parfois compli­

quée entre “la survie économique et la gestion durablede l’environnement”. D’ailleurs, si ce système estprisé, c’est aussi parce qu’il ne nécessite pas d’irriga­tion. L’atout est de taille dans un pays où l’eau se faitsouvent rare. La preuve : dans l’auberge où logentles jeunes bruxellois, un grand seau que l’on remplitaux quelques moments de la journée où l’eau estdisponible fait office de douche. “Tout au long de ceséjour, ils réalisent ce que c’est de ne pas avoir de l’eau àdisposition en permanence, de devoir la rationner, lapomper ou marcher pour aller la chercher”, expliqueMme Derenne.

Un moyen pour DBA d’éveiller les consciences,d’encourager les jeunes à décrypter les enjeux so­ciaux ou environnementaux de notre monde. Avecl’espoir qu’ils voudront à leur tour essayer de fairela différence. C’est tout l’enjeu de la citoyennetémondiale et solidaire telle que promue par l’ONG.Selon Mme Derenne, “on peut vite se sentir écrasés parun système et se demander comment on peut changerles choses. On dit souvent que l’arbre qui tombe faitplus de bruit que la forêt qui pousse. Notre manièred’agir c’est de se situer là, dans cette forêt qui pousse, ausein de ces initiatives citoyennes qui cherchent à fairebouger les choses. Nous souhaitons que les jeunes dé­couvrent comment ils peuvent contribuer à donner dusens à la société dans laquelle ils vivent”.

Maria Udrescu

Les jeunes belges et leurs correspondants béninois ont passé une matinée à désherber le site de reboisement de Kodji.

LAUR

EDE

RENN

E

Move With Africa

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A la rencontre d’autres réalitéséducativesLes seize étudiants de l’Institut de laSainte-Famille ont animé une trentainede petits béninois pendant trois jours.

“ ­ Les pouces en avant !­ Les coudes en arrière !Et tchic et tchac et tchic et tchac et tchic et tchac et

han han.”A les voir chanter en chœur cette comptine, on

pourrait croire que la trentaine de petits Béninoiset les seize étudiants belges, placés en rond dansla cour de l’école Academos, se connaissent de­puis la nuit des temps. Or les jeunes européensviennent à peine de débarquer dans cette institu­tion privée, établie au cœur d’un quartier défavo­risé de Bohicon, au sud du Bénin. “Nous aidonspar notre présence la communauté, parce qu’il fautparcourir des kilomètres pour rejoindre une écolepublique”, explique le directeur de l’établisse­ment.

Cela fait des mois que les jeunes Shaerbeekois –dont certains se destinent à être agents d’éduca­tion – préparent chansons et jeux pour faire, pen­dant trois jours, le bonheur de ces enfants âgés dehuit à dix ans. “L’araignée Gipsy”, “Les pagaies”ou “C’est Gugusse avec son violon”, sonnent ledépart de chaque journée d’animation, même siles Béninois les fredonnent à tout va en partici­pant aux divers jeux proposés. Tantôt c’est la na­ture qui est à l’honneur, grâce au jeu de l’oie tailleXL dessiné sur un drap, sur lequel on sautille enrépondant aux questions sur l’environnement.“On leur propose aussi de faire des mandalas avecdes composants naturels”, explique Yosra. Tantôt,les Béninois sont invités à faire le tour du monde,pour en apprendre plus notamment sur notreplat pays – ses paysages, sa forêt du Bois de Hal ta­pissée de jacinthes ou la Grand Place de Bruxel­les.

Un contact spontanéEt puis, pour se dégourdir les jambes, il y a aussi

la version quelque peu originale des “jeux olym­

piques” : saut de sac à patates, saut en longueur,course à pieds attachés, etc. “C’était touchant de lesvoir s’essayer pour la première fois à la corde à sau­ter. On était là pour leur apporter de la joie et on en areçu en retour”, raconte Adam. “Le contact avec lesenfants est spontané, on apprend à se lâcher. Maisc’est aussi travailler avec les enseignants, découvrirleur vision de leur métier et échanger au sujet del’éducation ”, explique Laure Derenne, de l’ONGDBA. Une expérience qui a laissé des traces.

Deux après ce voyage, quand on se rend dansl’Institut de la Sainte­Famille à Bruxelles, oncroise encore six courageux en train de laver desvoitures pour récolter de l’argent en soutien auprojet Sahel Vert mené conjointement par DBA etson partenaire local, ALDIPE, afin d’accompagnerles producteurs béninois dans leurs activités agri­coles. Tandis que sur les murs de l’école sont pla­cardées des affiches pour annoncer une “semaineBénin”, du 8 au 12 mai, où les étudiants parlentaux autres, pendant leur temps de midi, de cepays qu’ils ne sont pas près d’oublier.

M.U.

Les seize étudiants de l’Institut de la Sainte-Famille ont animé, pendant trois jours, les élèves de l’école Academos, à Bohicon.

MAR

IAUD

RESC

U

Move With Africa

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L’AthénéeAlfred Verwée

“C’est pas unvoyage, c’est uneexpérience de vie”Faire sens Le projet “Move With Africa”change les perspectives d’une jeunesseschaerbeekoise décidée à sortir de sazone de confort. Reportage au Bénin.

A thénée Alfred Verwée. En force. Drôles,inventifs. Et stylés – malgré les 39 degrésquotidiens de cette fin de saison sèchedans laquelle ils ont atterri pour 11 jours.

Empilés dans la camionnette DonBosco, ils ne perdent jamais une minute pour ba­lancer une feinte, pour créer un free style (entendezpar là un slam scandé par Bilal, Mikail et Momo,soutenus par Abdel aux bruitages).

Il n’y a peut­être que le matin, lorsque l’on estparti tôt du centre Don Bosco, lorsqu’ils ont tropjoué à Uno dans la nuit, sur la terrasse du foyer, etparce qu’en fait ils ont passé des heures à discuterde ce qu’ils vivaient depuis qu’ils sont arrivés auBénin; il n’y a peut­être que le matin, en partantpour la ferme de Sakété, qu’ils sont plus silencieux.Qu’ils se sont laissés aller au rythme irrégulier desbosses sur la route, faisant confiance au pilote Joa­chim.

Mais le repos ne peut être que de courte durée,tant ils ont décidé qu’ils n’en perdraient pas unemiette, de leur expérience “Move”.

A l’origine de leur présence ici, un dossier de can­didature signé de l’éducateur et de la prof qui lesaccompagnent sur le terrain, Kamal et Célia. Où ilest question de la jeunesse schaerbeekoise en ap­prentissage et surtout de l’utilité d’un projet tel queMove With Africa : “Le vivre­ensemble est menacé pardes jeunes ayant grandi à Bruxelles et ayant fréquenténos écoles. Au­delà de la stupéfaction, nous nous som­mes demandés, à notre niveau d’acteurs éducateurs,comment lutter contre ces phénomènes de radicalisa­tion qui touchent également les élèves dont nous avonsla charge […] Au travers de la découverte de l’altéritéapportée par un [tel] voyage, les jeunes prendront cons­cience des opportunités qui sont les leurs, et sortirontde cette logique de victimisation, fort prégnante dansles quartiers dont ils sont issus”.

“De fou, un truc de fou”Entre novembre dernier et mars de cette année,

ils se sont rencontrés plusieurs fois. Quatorze jeu­nes gens entre 16 et 19 ans, issus pour certains decursus pros, d’autres de l’enseignement général. Etils ont passé leur année à collecter les fonds néces­saires à leur séjour – sans problème d’ailleurs, bienque la prof d’histoire­géo, Célia, finisse par avouerqu’elle en avait, à la fin, soupé de faire des gâteaux àvendre à la communauté.

C’est ainsi qu’ils ont débarqué à Porto­Novo.Qu’ils ont déposé leur bonne humeur et le potinmusical qu’ils trimballent partout avec eux, dansles murs du centre Don Bosco. Qu’ils ont fait co­

“Le vivre­ensemble estmenacé par des jeunes

ayant grandi àBruxelles et ayant

fréquenté nos écoles.Au travers de la

découverte de l’altéritéapportée par un [tel]

voyage, les jeunesprendront consciencedes opportunités qui

sont les leurs.”Kamal Benhlal & Célia PonceDossier de candidature de l’Athénée

Alfred Verwée, pour “Move”.

Foyer de Cachi, Porto Novo. Tabita, qui fait“sciences fortes” à l’Athénée Alfred Verwée

propose-t-elle un peu d’aide au calcul ?

OLIVIERPA

PEGN

IES/CO

LLEC

TIFHU

MA

Centre de Cachi,Porto Novo. Le jeune

Gaël, 10 ans,remporte la manchede bras de fer contre

Mikail, 17 anspendant qu’Abdel

patiente pourrecevoir sa leçon à

son tour.

OLIVIERPA

PEGN

IES/CO

LLEC

TIFHU

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Move With Africa

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pain­copain avec les jeunes Béninois qui créchaientau foyer long séjour de Porto­Novo. C’était en avrildernier.

Trace ton cheminDon Bosco à Porto­Novo – mais aussi à Cotonou,

et Parakou, bien plus au nord – apporte depuis2000 son aide à la jeunesse béninoise laissée pourcompte. Une démarche actuelle très fidèle à la pen­sée d’origine qui guida, à la fin du XIXe siècle,l’homme d’église Don Bosco, dans son dessein defaciliter l’éducation intellectuelle et profession­nelle des plus jeunes. Proposer un chemin, le nomde “Via” Don Bosco ne dit d’ailleurs pas autre chose.Devenu ONG, VDB n’a pas perdu de sa foi dans lanécessité de soutenir la jeunesse défavorisée.

Et, à la ferme de Sakété, où l’on est enfin arrivéaprès avoir roulé une heure sur une piste rouge delatérite en chantonnant tout le répertoire béninoisde Joachim, l’histoire commence…

Ici, on offre un toit aux jeunes gens qui n’ont plusd’endroit où habiter. Un toit et aussi un projet pro :celui de devenir son propre maître en maîtrisant laterre de ses ancêtres.

Bronx- Bénin, c’est pas si loinA première vue, la scène pourrait amuser. Notre

fine équipe de jeunes bruxellois en T­Shirt “Bronx”– tous le même parce qu’on est “frères” – se re­trouve les pieds dans le potager de la ferme deSakété, suivant Brian et Eugène, Paulin et Julien. A

la découverte de la jungle béninoise (cf. la scène enpage Une). Cela pourrait donner l’impression d’unevisite touristique du yovo – le blanc en langue d’ici –en terres exotiques, mais il n’en est rien.

Instantanée, forçant au respect par sa sponta­néité, la rencontre a lieu dans le plan de papayes.Ou quand Bilal et Mikail découvrent avec curiosité“la tête” du manioc. Quand ils écoutent religieuse­ment Eugène énoncer les qualités culinaires et cu­ratives de la citronnelle et de l’amarante. QuandRouguiatou s’approche pour dompter une tourte­relle. Quand Aminata prévient gentiment les lapinsde leur sort final. Un partage d’informations inso­lite qui sera évalué par l’équipe d’éducateurs lorsd’un test devenu mythique où la presse, sous pres­sion, devait déterminer qui était le mieux informé.Et on s’est rendu compte que tout le monde avaitsacrément écouté tout le monde.

Une jeunesse “normale”De loin, on observe les jeunes, Béninois et Belges

mêlés, qui binent le potager en prévision de se­mence à venir. Et les premiers ont l’air tout demême plus organisés que les seconds : Mehmet etRuguiatou bêchent avec leur sac à dos ! Attentif à lascène, Marc, qui travaille en partenariat avec DonBosco sur le terrain depuis plusieurs années seglisse dans l’ombre d’un arbre vénérable, et évoquele boulot qui lui reste à faire. Cela fait déjà quelques

Ferme de Sakété. Eugène et Eda dansent pour Mohammed, Rouguiatou, Leila et Aminata, à l’arrière plan. “Je n’ai pas l’habitude de danser, mais là, j’ai aimé”, avoue Eda.

OLIVIERPA

PEGN

IES/CO

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Move With Africa

“Ici, les gens viennentvers nous.

Ils savent qu’on vientd’ailleurs,

mais ils ont confianceen nous,

et j’aime ça.”Mohammed dit ‘Emochat’Ces jeunes Bruxellois issus de

l’immigration et qui constituent legroupe “Move” que l’on a observési enthousiaste et si impliqué auBénin, sont cependant loin d’être

naïfs.Mohammed relaie ici ce doute quel’on fait peser, en Belgique, surleurs origines. et leurs capacités

d’intégration.

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Rouguiatou, dit Rougui, au Programme de Cours Accélérésd’Hindé, Cotonou. On a remarqué qu’elle soufflait toujours labonne réponse aux petits élèves qui, tous, ensuite lèvent la mainle plus haut possible : “moi, moi, maître, moi, je sais”.

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années qu’il bosse main dans la main avec l’ONG belge, en tantque psychologue et éducateur attaché aux questions de la jeu­nesse. “Aujourd’hui, l’échange entre Belges et Béninois à la fermeétait un test. Sont­ils capables de se rencontrer ? Sont­ils capables dese raconter ?” Marc n’aura pas manqué de voir la même choseque nous. A savoir, une qualité d’échanges assez rare.

Les Béninois ont raconté avec ferveur ce métier d’agriculteurqui représente pour euxla meilleure issue pour s’en sortir. “Ceuxqui sont là ont entre 15 et 24 ans, sont pour certains d’entre eux en‘service d’intérêt général’en quelque sorte. Les prisons sont rem­plies”, déplore Marc qui explique comme la loi béninoise est sé­vère. “Ils apprennent un métier qui les remettra sur le droit chemin.D’autres ont raté leur bac deux fois et sont hors circuit scolaire. En­fin, certains sont des enfants des rues. Parce que leurs parents sontsans le sou ou parce que l’enfant a été marqué du sceau du sorcier àla naissance : né par le siège, ou parce que la mère est morte en cou­ches, ou pour quelque autre raison qui fait qu’on estime qu’il n’estpas normal. Les jeunes qui ont un handicap sont considérés commedes enfants sorciers. Le poids des traditions est lourd, encore plus aunord du pays…”. Marc, depuis notre reportage, est allé travaillerdans le centre Don Bosco de Kandi, au nord du pays. Son idée, ilnous l’avait confié à l’ombre de l’arbre de Sakété : faire baisser lenombre de mariages forcés qui déscolarisent les jeunes filles.

D’où viens-tu, toi ?Mais Marc, soudain, se tait, et jette un œil à nos jardiniers en

herbe. Bilal et Mohammed, entre deuxcoups de pelle à la mauvaise herbe, di­sent leur respect : “Chez nous, on se plaintde beaucoup de choses mais vous ici, vousêtes chauds pour travailler !”

Tout à l’heure, dans le cercle que Bel­ges et Béninois formaient, Marc avaitobservé des mondes se rencontrer. Leilala Togolaise avait parlé de “Notre roi,Philippe de Belgique”; la ferveur dans le“nous” qui nous avait interpellée.

Les Béninois avaient beaucoup insistépour comprendre ce qu’était l’Ato­mium. Le groupe d’Emrah, Esma et Edaavait remporté ce point haut la main,précisant que “c’était un énorme atomede fer”, non sans avoir argumenté avec

Mohammed, surnommé aussi “Emochat” car il sourit tout letemps (sauf peut­être durant ce fameux quiz où il avait fallu se­couer un peu l’arbitre pour avoir le point).

Respect et incompréhension mêlés avaient traversé le groupedes Béninois. Mais à quoi peut bien ressembler un atomegéant ?… Turcs, Marocains, Togolais, Espagnole, Sénégalais, Con­golaise de Schaerbeek avaient parlé de leur Belgique ; “de leurstrois langues” ; de leurs monuments nationaux (“Le Manneken­Pis, tu vois, il fait pipi sur le canon de nos ennemis) ; de leur platspréférés de la cuisine belge. “Enfin, je te signale qu’une gaufre, c’estpas un plat, c’est un dessert, d’accord ? Comment tu te nourris, toi ?)

Et alors que certains s’agitaient encore sur le tableau despoints pour savoir, qui de l’équipe d’Abdoulaye le sage ou de Ta­bita la coquette avait gagné, on avait surpris cette amusante con­versation entre N’gom et Brian, l’un de Schaerbeek, l’autre ducoin : “Mec, mais on a le même type de cheveux !”

Leçon d’intégration“Ici, les gens viennent vers nous. Ils savent qu’on vient d’ailleurs,

mais ils ont confiance en nous, et j’aime ça”. Curieux de se direqu’il faille aller si loin pour prendre une leçon d’intégration…Marc se lève, et fait entonner un dernier chant à l’assemblée. Etalors que l’émotion pourrait prendre le dessus, il explique auxjeunes Belges qu’en Afrique, il faut demander l’autorisationquand on veut quitter quelqu’un. “Est­ce qu’on peut y aller ?” , de­mande Emrah, avec un petit quelque chose dans la voix.

Sur la route du retour, et plus tard, le soir, sur la balancelle audernier étage du foyer aux grands murs jaunes, on parlera en­core de la journée à Sakété. “J’ai vu de la spontanéité, conclutChristopher, leur accompagnateur Don Bosco depuis le débutde l’aventure. Et je crois que je suis un peu ému. Et maintenant,comment avez­vous envie de donner du sens à ce que vous avezvécu ?”

Aurore Vaucelle

Esma – dont le prénom poétique signifie “les 99 noms de Dieu” etMohamed, dit N’gom – au Programme de Cours Accélérésd’Hindé, en plein cœur du marché Dantokpa de Cotonou. Grâce àce programme, les ados exclus du système éducatif formelretrouvent le chemin de l’école. Activité ce jour-là ? Combien dejours comporte chaque mois de l’année ?

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“J’ai vu de laspontanéité. Et je croisque je suis un peu ému.Maintenant, comment

avez­vous envie dedonner du sens à ce que

vous avez vécu ?”Christopher

Accompagnateur Via Don Boscodepuis le début de l’aventure.

Au foyer court séjour de Cachi, Porto Novo, un Cour de Programme Accéléré pourjeunes Béninois. Emrah et Abdoulaye apprennent le fonctionnement de la chaînealimentaire à des petites camarades. A l’arrière-plan, Kamal joue à l’éducateur.

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Move With Africa

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Les Ursulines-LaMadeleine-

Tournai

Au carrefour de notre jeunesseEchanges culturels Africapsud a trouvéson partenaire béninois. Une histoired’hommes qui s’entendent bien.

Quand il était petit, Sylvestre n’avait pas eu dixfrancs pour aller jouer à la balançoire, au cen­tre pour jeunes, près de chez lui… Les histoiresqui nous arrivent quand on est petit sont cel­

les qui nous forgent à vie. Et n’allez pas croire, enécoutant cette histoire, que Sylvestre Dossa soit àplaindre de quoi que soit. Car il fait partie des hom­mes qui comptent à Comé, cette ville de 80000 ha­bitants située à 60 kilomètres à l’ouest de Cotonou.C’est lui le directeur de ce centre culturel jolimentnommé “Carrefour jeunesse” – un centre qu’il a faitsortir de terre, avec la détermination de quelqu’unqui veut une plaine de jeux, mais pour tout lemonde. Ce que lui reconnaît la communauté.

Toute la culture à la jeunesse pour 1000 francs CFASon “Carrefour Jeunesse” – car il en est l’incarna­

tion – ouvre ses portes à toute la jeunesse de Comé.Et toute la jeunesse, c’est beaucoup : 75 % de la po­pulation, ici, a moins de 25 ans. Et autant dire quepersonne ne se fait prier pour venir. On y entre avecfacilité, pour faire du rap ou du dessin. D’autant quele droit d’entrée pour toutes les activités n’est pastrop onéreux. Pas les 10 francs du début de l’his­toire, “c’est 1000 francs CFA par an, pour tout cequ’on veut. Et pour ceux qui n’ont pas les mille francs,on s’arrange”. Sylvestre est du genre à ne pas chô­mer. Il a la trentaine et a longtemps eu un boulotd’expert très sérieux pour le gouvernement béni­nois. Il rapportait l’état de développement de sonpays en le sillonnant. Un boulot qui ravissait sa ma­

man. Et puis, un jour, il s’est rappelé de l’histoire dela balançoire sans doute, et il est venu ici, à Comé,d’abord enseigner puis ouvrir, au fur et à mesure,des structures culturelles et sportives pour les jeu­nes. Désormais, Carrefour Jeunesse touche environ22000 jeunes par an, toutes activités confondues.

Ici, on vous propose des rencontres interculturellesC’est dans ce contexte qu’Africapsud pose ses va­

lises d’interculturalité à Comé, en collaborationavec Carrefour Jeunesse. Africapsud (sous l’égide del’Aide en Milieu Ouvert La Chaloupe) propose cha­que année à des jeunes belges de partir en voyaged’échanges culturels. “Move With Africa” est l’un deses projets, qui emportait avec lui, durant les vacan­ces d’avril dernier, dix jeunes gens des Ursulines etde la Madeleine, l’ULM de Tournai.

La coopération en Afrique, telle qu’elle existait il ya encore quelques années, a manifestement changéde visage (cf. aussi la démarche d’Iles de Paix, pp.20­21). Il y a quelques années, on faisait partir desjeunes pour pratiquer de l’aide au développement.Pierre Cantraine, grand gaillard dynamique etfranc, responsable du projet Africapsud, fait ce récitde jeunes partis aider à la culture de l’arachide.“Mais voilà, le voyage était fonction des vacances sco­laires belges, et non pas du calendrier du paysan béni­nois dont le travail de la terre prenait du retard en at­tendant les jeunes qui devaient “l’aider”. Un dysfonc­tionnement souvent observé dans les projets decoopération qui a poussé Africapsud à repenser saphilosophie. “Nous ne sommes pas là pour sauverl’Afrique comme certains pourraient le penser, maisplus pour créer l’échange et la rencontre, pour casser lesstéréotypes et les préjugés”, poursuit Pierre.

Depuis 2010, Africapsud travaille donc au Bénin,dans les murs de Carrefour Jeunesse. Pierre et Syl­vestre, entre temps, sont devenus amis et gèrent de

concert les rencontres entre Belges et Béninois.

Parle moi de toi, pour que je comprenneMais pour l’heure, en ce vendredi 7 avril, c’est

sous l’oeil bienveillant de François, prof de théâtre àl’ULM, que les Béninois et nos dix Belges préféréstravailleront à l’art de l’impro. Et les correspon­dants des jeunes belges ne se font pas prier, tant onsent leur envie de s’exprimer sur scène. Certainsfont déjà du théâtre dans les murs avec le – toujourstrès élégant – professeur d’art dramatique de Carre­four Jeunesse, Ebenizer. Justin, lui, est comédiendans l’âme, et puis, il y a Fassilath, la correspon­dante de Manon, qui joue d’ailleurs une Elena Iva­novna Popova hypnotisante dans la pièce deTchekhov, “L’Ours”, qui se donne bientôt dans lesmurs de Carrefour Jeunesse.

L’exercice d’impro auquel on assiste porte les jeu­nes gens à se raconter eux­mêmes, face à l’Autre.Dans l’altérité des duos organisés, où il faut qu’unBelge et un Béninois miment une scène de dispute,on entend parfois l’incompréhension. Les problé­matiques de la jeunesse béninoise tournent autourde la famille, la manière dont on la nourrit, dont onla protège. Les jeunes Belges sont plus portés à par­ler de leurs études, de leur rapport conflictuel àleurs parents.… Et si parfois la conversation a l’aird’un dialogue de sourds entre une culture et l’autre,on s’étonne des chemins que les jeunes trouventpour mimer la réconciliation.

Les deux cultures finissent par se rejoindre dans lemime d’une scène de fête, ou de secours à autrui –l’humain prend le pas sur le culturel. Et il n’y a quela scène de pluie qui tombe sur leurs têtes pour lesdistinguer le plus. Celle qui tombe sur les Béninoisles ravit. La même pluie fait ronchonner les Belges,qui ne veulent plus quitter le ciel de Comé.

Aurore Vaucelle

Sur la terrasse de Carrefour Jeunesse, Justin, Youri et Berjeanus miment l’arrivée dela pluie. A l’arrière-plan, Maeva est refroidie par l’ondée qui commence à tomberpour de vrai pour donner raison au jeu convaincant des jeunes gens.

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Les deux cultures finissentpar se rejoindre dans lemime d’une scène de fête,ou de secours à autrui.

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Les deux jeunes gens se font face et lèveront à peine la tête à notreentrée. Alors, certes, ils ont fait la lessive; certes, ils ont puisé des“tonnes d’eau” au puits; certes, Phéno a présenté et ses ex et ses copainsà Valentin. Ils ont même parlé de l’avenir de Phéno avec un gourou croisédans la rue et à qui le jeune Béninois accorde le crédit de la divinationcontre monnaie sonnante et trébuchante. Mais là, soudain, leurconversation du moment est trop importante pour qu’ils se laissentdistraire par la presse en observation.C’est bien de foi dont ils discutent tous deux. Phéno, 19 ans, est croyant,Valentin 17 ans, pas ; le premier vit à Comé, le second à Enghien. Il n’estpas strictement question de religion dans leur conversation, mais plutôtde la foi qui les anime. Phéno sait que le dieu qu’il prie lui envoie lesbonnes personnes. Ce qui interloque Valentin, dont le mode de penséeest manifestement titillé. Il adresse cette réponse tout sauf attendue àPhéno : “Albert Camus, tu vois, il savait qu’un jour il allait mourir, mais ilpensait que tu peux laisser les choses sur cette terre. Je ne crois en aucundieu mais je crois en l’homme. Phéno, quand je te vois, c’est comme s’il yavait un petit soleil autour de toi, et ça me plaît”.Phéno, comme en confession, précise alors à son interlocuteur qu’il n’estpas toujours aussi compréhensif : “Tu sais, après avoir vu un documentairesur les blancs et le colonialisme, il n’aurait pas fallu que tu viennes me voirtout de suite... J’étais fâché !”. Valentin opine du chef. Et conclut, dans unefascinante correspondance intellectuelle avec Phéno : “Ici, au Bénin, cheztoi, les gens ont compris que la Terre ne leur appartenait pas”.

Valentin et Phéno philosophent

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On rencontre la blonde Olivia en plein marchandagede poissons fumés. La jeune Belge fait les courses pour ledéjeuner chez son correspondant, Justin. Le jeune hommede 19 ans – qui ne quitte pas son sac à dos en cuir blanctrès stylé – est adoré par la communauté, on a eu le tempsde s’en rendre compte en quelques heures passées à Comé.Il faut dire qu’il a un mot sympathique pour chacun, à lafois très drôle et bon samaritain. Il est surtout très impliquédans les activités de Carrefour Jeunesse (cf. page 9) commecomédien-conteur notamment. Il est devenu récemment, eten un rien de temps, grand spécialiste du mölkky, ce drôlede jeu de quille finlandais trimballé dans les bagages desTournaisiens à destination des Béninois.Olivia raconte, dans un désordre qui souligne qu’on n’a pasarrêté d’apprendre de la journée : “Justin m’a tout montré !Son école primaire... J’ai discuté avec les directeurs,… On aaussi eu ce débat sur l’homosexualité” […] “Ses parentsvoyagent beaucoup, il vit chez sa mémé, j’ai fait à mangeravec elle […] Justin ne se plaint jamais”. Elle insiste. C’est sonmot de la fin.Mais, déjà, Olivia et Justin poursuivent leur marché,hésitent à acheter des ablos, petites galettes blanches etlégèrement sucrées, puis se perdent dans la foule.

Olivia au marché de Comé. Avec Justin.

Une histoire de correspondancesRécit Aurore Vaucelle

Photographie Olivier PapegniesDans Comé

Durant le séjour à Comé, les jeunes Tournaisiens passent une journée chez leurs correspondants béni­nois. Si les différences qui font leurs quotidiens respectifs sont plus ou moins saisies au vol par les Bel­ges qui s’adaptent au territoire de leur alter ego, c’est avec aisance qu’on les voit trouver les points qui

les rapprochent.

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“Bienvenue chez moi !… Enfin... Il ne faudrait pas oublierqu’on est chez Akilas, quand même”. La phrase retentit à notreadresse depuis l’autre extrémité d’une cour ombragée par unarbre à pamplemousse. Contournant son immense voisin, unavocatier vert de fruits qui prend ses aises dans la propriétéfamiliale d’Akilas, on arrive jusque sous la remise où Eline,cheveux gentiment hirsutes et sourire satisfait, est en pleinepréparation du repas du midi. Sous les yeux amusés du père,de la grand-mère, du voisin aussi. Tout le voisinage sembleavoir élu domicile autour de la marmite, posée en plein air,pour observer les gestes appliqués de l’invitée belge. La jeunefemme écrase les tomates au pilon sur la pierre de mortier, touten nous énonçant les règles de la préparation du gari, cettepâte de farine de manioc – un plat traditionnel du Bénin –,qu’elle a fabriquée avec l’eau de pluie. On lui demande ce qui arempli sa journée : “J’ai passé un peu de temps chez le voisind’en face. J’étais bien. C’est son frère… Enfin, même si ce n’est passon vrai frère, vous savez, mais ça n’a pas d’importance. On étaitjuste bien”. Immersion réussie.

Eline prépare le gari. Chez Akilas

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Il faut traverser un champ, longer une maison en construction,frapper du poing sur la porte en taule ondulée puis entrer dans la couren terre battue de la famille de Lauteux. Lauteux est fin comme unjonc et, depuis qu’on l’a rencontré, toujours extrêmement bien habillé.Il faut dire que sa maman, c’est Madame Clarisse, la couturière dechez Shekina fashion. “Travail méticuleux” : c’est ce qu’annonce en ungrand lettrage blanc la banderole au-dessus de la petite maison.Madame Clarisse, en plus de satisfaire aux exigences de mode desdames du village, taille à son fiston des vestons à brandebourgs qu’ilarbore à la messe du dimanche où il tient le rôle d’interprète – iltraduit l’homélie du fon en français pour l’assemblée des chrétiens.Au moment où l’on arrive, Lauteux a tombé son veston. Tensionpalpable. Margot a comme rôle de préparer le déjeuner avec Lauteux.Et parce qu’elle est l’invitée de marque, on tuera le poulet pour lemettre sur la table. Mais voilà, avant de manger le poulet, il faudra lefaire passer de vie à trépas. Margot a saisi l’enjeu du repas quin’arrive pas tout cuit dans l’assiette. De son côté, son très délicatcorrespondant ne fait pas pour autant semblant d’ignorer que tuerl’animal qu’on mange n’est pas parmi les habitudes des petits Belges.D’un commun accord, regards anxieux contre gestes rassurants,Lauteux prend les choses en main sous les yeux (semi) attentifs deMargot, qui cache puis relève sa main, en visière.La mère de Lauteux intervient en fon, et relaie l’ordre à Margot.– “Va chercher de l’eau pour donner à boire au poulet”.– “On offre un dernier verre au condamné ?…”Pas du tout une dernière volonté, mais bien une cérémonieordonnancée : Lauteux tient l’animal avec douceur, fait un geste lent,puis laisse couler le sang versé dans la terre rouge de la cour qu’ilavait creusée préalablement. Le sang retourne à la terre. Dans le gesteséculaire qui vient de se jouer, le respect de la Nature a toujours étémaintenu. L’animal est au centre de ce qui ressemble à un sacrificepour le bien de tous. La scène se poursuit: Margot s’assoit pourcuisiner le poulet, le plumer. Plus tard, elle nous racontera : “J’ai eul’honneur de goûter la tête et les pattes, ça n’a pas beaucoup de goût,mais ça croque”. Invitée d’honneur jusqu’au bout.

Margot et le poulet. Chez Lauteux

Une histoire de correspondances

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Le collègedu Christ-Roi

A l’Aprojumap, on s’occupe “des pluspauvres parmi les plus pauvres”RWANDA Les élèves du Christ-Roid’Ottignies ont travaillé auprès debénéficiaires rwandais. Enrichissant.

En observant la communion entre les jeunesBelges et les bénéficiaires de l’Aprojumap (As­sociation pour la promotion des jumelages et

de l’amitié entre les peuples), il n’est pas évident, àpremière vue, d’imaginer qu’ils travaillent. Dan­ses, chants et sourires rythment ainsi cette chaudejournée du mois de février. Il ne faudrait pourtantpas s’y méprendre, les élèves du Christ­Roi d’Otti­gnies ne sont pas là pour s’amuser mais bien pourmettre les mains (et les pieds) dans la boue afind’aider Epiphanie et sa famille à construire sa mai­son. “J’ai quatre enfants et le père est parti. Je suis vrai­ment très contente de prendre part à ce projet, j’auraisbientôt un logement pour la famille”, témoigne­t­elle,reconnaissante, un bonnet rose posé sur la tête.

Combattre la pauvretéDepuis 2004, l’Aprojumap, comme son nom l’in­

dique, lie des partenariats avec des communes bel­ges (Woluwe­Saint­Pierre, Kraainem, Ganshoren,Woluwe­Saint­Lambert) dans le but de construiredes ponts entre les peuples. Mais pas que. Aider lesRwandais, qui comme Epiphanie n’arrivent pas àsortir de la pauvreté, c’est l’un des objectifs pre­

mier d’Eugène Niyigena, responsable de l’ONG ba­sée à Butare. “On met sur place des petites actionsavec les jumelages mais les communes ne peuvent passatisfaire tous les besoins”, explique­t­il. “C’est pourcette raison qu’on s’allie avec des organisations par­tenaires.”

C’est notamment le cas de l’association belge En­traide et Fraternité qui aide son homologue à met­tre en place des projets de plus grande envergure.Le leitmotiv de l’Aprojumap : aider les familles lesplus défavorisées en suivant les pas du mouve­ment ATD Quart Monde. “On s’occupe des plus pau­vres parmi les plus pauvres. Ceux qui sont isolés. Onles identifie puis on fait un plaidoyer auprès des auto­rités pour obtenir des terres libres”, argumente leresponsable de l’organisation. Des formationsagricoles leur sont alors dispensées et un crédit ro­tatif est alloué pour permettre à ces laissés­pour­compte d’avoir des bêtes (vache, chèvre) et parconséquent du lait et du fumier. La communautés’organise, surtout, pour réfléchir ensemble auxproblèmes rencontrés.

Un mot d’ordre : la solidaritéChaque semaine, des actions sont ainsi organi­

sées et les bénéficiaires passent de famille en fa­mille pour cultiver un champ ou construire unemaison. “J’étais dans un état d’isolement total. Aveccette formation, j’ai compris qu’il était possible de re­trouver une dignité. Maintenant j’ai un foyer, du riz,des fruits, du maïs, on mange bien avec les enfants.

On n’a plus de problèmes pour se nourrir”, assureVestine, mère de quatre enfants chaudement ap­plaudie après son témoignage devant le grouped’élèves.

Un exemple pour les adosPour les jeunes Belges, le fait d’aider les Rwan­

dais et de passer une journée en leur compagniesur un chantier ou dans les rizières est évidem­ment très enrichissant. “Ça leur permet de changerleur façon de voir les choses, de comparer la vie localeavec leur petite vie de luxe mais aussi de découvrir larichesse de ce pays”, estime An Jacobs professeurede sciences en immersion au sein de l’établisse­ment. “Je suis déjà allé en Afrique en tant que touriste.Je trouve ça plus intéressant d’y aller pour aider lesgens”, confirme, avec maturité, Alexandre Noël,élève de 16 ans. “On a plus de contact avec eux, onéchange beaucoup et ça nous permet d’avoir du recul.Ils sont très solidaires, plus soudés, se tirent l’unl’autre. En Europe, on est peut­être plus chacun danssa vie, plus individualiste, on a moins le sentimentd’appartenir à une communauté.” Même son de clo­che pour son collègue de classe Antoine Stevens.“Cette expérience me permet d’avoir une penséemoins individualiste. Ils font avec ce qu’ils ont pourêtre heureux. C’est un bon exemple de voir qu’ils sontheureux avec ce qu’ils ont. Cela m’encourage à regar­der ce que j’ai déjà. On a tout pour être heureux, pour­quoi vouloir plus ?” Qui dit mieux ?

Jacques Besnard

“Certains m’ont dit :‘Madame, c’est bien de lire

mais ici on peut vivre etutiliser nos cinq sens’ ”

An JacobsProfesseure au Christ-Roi d’Ottignies

Chaque semaine, les bénéficiaires de l’Aprojumap se retrouvent poureffectuer des travaux collectifs pour l’un d’entre eux.

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Jeunes Belges et Rwandaisréunis autour du rapRencontre Quand le collège du Christ-Roid’Ottignies rencontre le Christ-Roi deNyanza, ça fait des moments très sympas.

L orsque les petits Belges du Christ­Roi d’Ottiginessont arrivés dans l’immense salle du Collège duChrist­Roi de Nyanza, les élèves du Plat pays ont

tout de suite moins fait les malins. Normal. Dans cettepièce toute en longueur, il n’y avait pas moins de 700élèves rwandais réunis en ce dimanche après­midi. Etle moins que l’on puisse dire, c’est que les locaux ontmis les petits plats dans les grands. Au menu : danses,musiques traditionnelles et match de basket. “On valeur présenter la Belgique mais par rapport à eux, ça faitun peu nul. On a pris seulement deux gaufres pour leurfaire goûter”, plaisante pour déstresser Thomas, unmaillot des Diables rouges sur le dos.

“Une générosité dans le regard”Pendant une petite heure, les Wallons vont présen­

ter leur pays sous différents prismes : institutionnel,culinaire, sportif ou encore culturel. Et en anglais s’ilvous plaît. Avec en clou du spectacle, la Brabançonneentonnée fièrement par tout le groupe. Une presta­tion chaudement applaudie par les élèves de Nyanzaqui ont d’ailleurs tout fait pour les mettre à l’aise. “Il yavait des bancs libres à l’avant, on aurait pu s’asseoir àcet endroit mais les Rwandais, un à un nous ont fait une

place parmi eux et nous ont accueillis. Ils avaient vrai­ment une générosité dans le regard. Ils cherchaient à ap­prendre de l’autre, ils aiment le contact, ça manque dansnotre culture à nous”, témoignait, après coup, AntoineStevens.

“Les mêmes envies”Les Belges se sont au final rapidement rendu compte

qu’ils avaient beaucoup plus de choses en communqu’ils ne pensaient avec les jeunes Africains comme leraconte Anne­Michèle Lahaye, professeure de languesgermaniques et accompagnatrice du groupe. “L’un desélèves me disait : ‘on est à 9 heures de vol d’eux et en faiton est très proches. Ils suivent les mêmes leçons, on a lesmêmes préoccupations, les mêmes hobbies…’” Et notam­ment la musique.

Apparu dans les quartiers populaires aux États­Unisdans les années 70­80, le hip­hop a traversé les géné­rations, inonde le monde entier et perce aujourd’huidans quasiment tous les milieux sociaux jusque dansle Brabant wallon. Ainsi, Alexis Vercruysse, jeuneélève d’Ottignies a eu le cran de monter pour la pre­mière fois de sa jeune carrière sur une scène, bien ac­compagné par deux amis. Il s’en souviendra assuré­ment toute sa vie. “J’étais hyper stressé au début puisvoilà j’ai réalisé que ça allait être super sympa. J’ai eul’impression qu’ils étaient contents qu’on leur offre quel­que chose.” Ça a bien fonctionné puisqu’après sonshow, une élève rwandaise au flow enflammé s’est le­vée et a pris le mic pour les faire danser.

Jacques Besnard

Les élèvesdes deux Christ-Roi ont eudu mal à se dire au revoir.

JOËLLE

DEWAS

SEIGE

Moment fort au muséedu génocideVivre-ensemble Quand onvoyage au Rwanda, il est difficilede ne pas évoquer le génocide. ÀKigali, les élèves belges ont visitédès le premier jour le Mémorialdédié à ce drame qui a fait, pourrappel, 800 000 morts en 100jours. Tout au long du musée, lesrappels historiques, lestémoignages, les photos de familleet même les crânes de certainesvictimes rappellent l’horreur de cedrame. Un moment évidemmentmarquant pour les jeunes. “C’étaitun passage assez dur. Surtout, lapartie sur les enfants”, expliqueRomane Van Overstraeten, élèvedu Christ-Roi. Malgré toutes cesexactions, les Rwandaisréapprennent, en tout cas enapparence, à vivre ensemble. “Ilsont vraiment réussi à s’en remettreet ça chapeau”, embraye AlexiaNorgaard une autre élève del’école. “Pardonner, dans certainessituations, ça peut être un exploit. Lefait de voir qu’ils ont réussi à yparvenir, ça fait relativiser nosbrouilles qui nous paraissaienténormes et qui, en fait, ne le sonttellement pas.” Une étape demémoire quasi obligatoire si vousvisitez un jour ce pays.

Épinglé

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L’Institutdes Soeurs

de Notre-Dame

Muraho (comment vas-tu) terre rwandaise?La découverte d’un pays et d’une culture,mais aussi du travail de Caritas Rwandadans diverses régions du pays.

A près une belle nuit à Nyatagare, nous partonsavec Félix et Tharcissie (aussi), les coordina­teurs de Caritas Rwanda, vers le Nord­Est du

pays. Nous nous retrouvons avec des pelles et despioches pour aider la communauté du district à laconstruction de futurs bâtiments administratifs.Et ça creuse, ça pioche sous les yeux ébahis desRwandais déjà au travail depuis l’aurore. Aprèsnous avoir longuement observés, ils s’amusent denous voir si peu efficaces et décident de nousmontrer comment évacuer la terre plus rapide­ment. Et oui ! Il ne suffit pas de creuser, il faut dé­placer de manière structurée toute cette terre afinde créer des terrassements bien droits.

Il fait chaud, mais rien n’arrête les élèves et leursprofesseurs qui travaillent sous les encourage­ments et les chants mélodieux entonnés par lesRwandais.

Petite pause à l’ombre, saveurs de brochettes dechèvre, hydratation et hop !, retour au travail. On ale choix entre découvrir deux projets soutenus parCaritas. L’un consiste à apprendre la technique du“double bêchage” et l’autre à participer à la peséemensuelle des enfants en danger de malnutrition.

Le double bêchageLes parcelles de terre par famille étant limitées

Caritas soutient et enseigne la technique du dou­ble bêchage selon les principes de la micro­agri­culture bio­intensive. Cette technique permet auxménages locaux qui ont l’habitude de planter sou­vent et en grande quantité de conserver la qualitéde leur terre. En effet, si l’on utilise la terre de ma­nière intensive, les minéraux et micro­organismesdu sol finissent par disparaître. Or, cette techniquefavorise l’aération, la perméabilité du sol et lui ap­porte des matières humifiantes. Tout cela bénéfi­cie à la pédafaune qui fournit des nutriments im­portants aux systèmes racinaires. Le but est doncd’accroître la productivité d’une surface cultivéeen augmentant le volume disponible pour les sys­tèmes racinaires et en favorisant l’activité biologi­que et microbiologique du sol en profondeur.

Et ce n’est pas un travail reposant. Les élèves ontlonguement bêché en suivant les instructions,pour finalement semer selon un plan précis desgraines de betteraves. Tout ce travail nécessiteconcentration et précision… pour certains ! Cardeux élèves, entourés d’une vingtaine d’enfantsvenus les observer, se sont mis dans un coin pourentamer un jeu scout. Entre éclats de rire et chan­sons, l’ambiance est bel et bien au rendez­vous !

La pesée des enfantsMalgré la végétation luxuriante du Rwanda, cer­

taines régions restent très touchées par la faim etla malnutrition. Une fois par mois, Caritas réunitles mères du village avec leurs enfants pour con­trer ce problème.

Au Rwanda, le manioc est très utilisé dans la cui­sine locale mais, bien qu’il soit riche en amidon ettrès bourratif, il apporte très peu d’autres nutri­ments. Le but de cette réunion est donc d’ensei­gner aux mères et aux enfants les différents grou­pes alimentaires fondamentaux pour leur bien­être. Varier les aliments, manger 3 fois par jour,surtout en bas âge, ne pas oublier de se laver lesmains avant de cuisiner, ce sont quelques rudi­ments importants pour une bonne alimentation.

Après cet échange, les mères sont invitées à pe­ser leur bébé avec l’aide de nos jeunes élèves.Cette pesée permet aux parents de suivre l’évo­lution du poids de leurs enfants grâce à des fi­ches individuelles qui en retracent les variations.Des catégories permettent d’analyser si le poidsest normal en fonction de l’âge et de la taille dubébé. À la fin de la journée, de la bouillie compo­sée de sorgho, de maïs, de soja et de haricot estdistribuée aux enfants. Les élèves participent à cepetit moment de dégustation, attendris par lesmoustaches blanches qui se dessinent rapide­ment sur les visages des enfants.

Cette journée se clôture par un au revoir ponc­tué de danses et de chants en hommage à Caritas !

Constance Frère

“Caritas veut en faire des citoyens du monde, des citoyens sensibiliséspar rapport au monde qui les entoure et qui disposent d’outils pour

pouvoir agir sur celui­ci.”Gaëlle David

Coordinatrice éducation à la citoyenneté pour Caritas

À Nyagatare, les élèves piochent et creusent pour aider la communautélocale à construire ses futurs bâtiments administratifs.

JOLIEN

CARN

EL

Move With Africa

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“Sois fière de toi dans les yeuxdu monde”Ce sont les quelques mots gribouillésdans mon carnet de notes par Sandra,une jeune étudiante rwandaise del’école Saint Aloys.

Voici déjà le troisième jour au Rwanda pourles élèves de l’Institut des Sœurs de Notre­Dame. Après une messe dans une église

bien remplie, nous nous retrouvons dans unegrande école, de plus de 1140 élèves, pour ren­contrer de jeunes étudiants rwandais. Accueillispar le directeur et les élèves qui ont organisé demagnifiques danses traditionnelles rwandaisesdans une immense salle où la chaleur humainerègne, les élèves belges présentent le plat pays àl’aide de présentations orales.

Et les voilà debout devant tout le monde, pournous présenter le fameux climat belge, les parti­cularités géographiques de la Belgique ainsi quesa faune et sa flore. Arrivent ensuite trois autresgroupes d’élèves qui nous présentent tour àtour, à l’aide de photos, la délicieuse nourriture,la musique de chez nous ainsi que notre fameuxStromae et, en clôture, le sport. Les professeurseux aussi ne sont pas en reste, ils se lèvent et pré­sentent le patrimoine architectural belge y com­pris le fameux Atomium. Suite aux réclamations

des jeunes Rwandais, étonnés de ne pas nousvoir danser, deux élèves courageuses, Hind etVanessa, présentent rapidement une danse con­temporaine qui remportera un franc succès !

Les élèves sont motivés et prêts à tout ! Unmatch de basket est organisédans la foulée. Malgré la téna­cité et le dynamisme de nosélèves, rien n’y fait, le score desRwandais décolle, qui se posi­tionnent loin devant nous. Peuimporte, ce qui compte c’estd’être ensemble et tout lemonde en est conscient. À plu­sieurs reprises, les Rwandaislaissent passer un de nosjoueurs pour qu’il puisse mar­quer sans trop de résistances !Il faut bien qu’on marque unpoint !

Pendant ce temps, les élèvesrestés sur le banc discutentavec les jeunes étudiantsrwandais. Bientôt nous nousretrouvons en petits groupes dispersés quiéchangent et parfois s’écroulent de rire. Ons’écrit des petits mots, on se pose mille ques­tions, on gribouille mais bientôt le départ se faitpressant. C’est à contrecœur que les élèves mon­

tent dans le minibus pour rejoindre leur loge­ment. “J’aurai voulu dormir là”, “C’était de loinma journée préférée…” expriment la plupart.

Mais ce n’était certes pas la dernière rencontretouchante que les jeunes allaient faire cette se­

maine car quelques joursplus tard tous se retrouvent àKigali dans les centres Abada­cogora et Intwari. Là, ils fontconnaissance avec des jeunesen situation de vie beaucoupplus difficile : orphelins suiteau génocide, fuyant les vio­lences et conflits familiaux,ce sont plus de 400 jeunes quise sont réfugiés dans ce cen­tre.

Là aussi, nous sommes ac­cueillis par des danses tradi­tionnelles mais aussi contem­poraines, incroyablementénergiques et innovantes !Tout est pensé au détail près :les costumes, les accessoires,les chants, les chorégraphies.

Rencontrer et accueillir c’est une belle façond’être citoyen du monde.

Constance Frère

Les élèves de l’institut des Soeurs deNotre-Dame en pleine discussion avec les

élèves de l’école Saint Aloys àRwamagana.

JOLIEN

CARN

EL

“Ces derniers 5 joursnous ont permis de

rencontrer un peuplequi a eu le courage delaisser ses malheurs

derrière lui pourconstruire ensemble un

monde nouveau, unpeuple qui met l’accueil

au­dessus de tout”.Serge Bontemps

Professeur de Sciences à l’Institut desSoeurs de Notre-Dame

“Ce voyage a changéma manière de vivre.Quand je suis rentréedu voyage, j’ai eu un

gros choc car lespersonnes de là­bas

me manquaienténormément. Le

simple fait de pouvoirvivre en communauté,ça m’a fait beaucoup

de bien”Marie

Élève à l’Institut des Soeurs deNotre-Dame

Move With Africa

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L’InstitutDon Bosco

Baignade dans la mangroveÀ Ndoumboudj, sous quarante degrés, lesjeunes construisent une ferme biologiquequi changera la vie du village

ReportageLaurence Bertelsenvoyée spéciale au Sénégal

I l est des images, des rires et des instants qui va­lent tous les discours du monde. Telle cettebaignade improvisée dans la mangrove de

Toubacouta, au sud du Sénégal. Proposez de nagerà des adolescents qui travaillent plusieurs heurespar jour sur un chantier, entre chaleur, poussièreet ciment et vous les verrez réagir au quart detour ! Même les jeunes Sénégalais, peu enclins à lanatation, se retrouvent à l’eau, parfois de forcemais toujours avec le sourire sachant que les na­geurs sont là pour les rattraper voire les promenersur leur dos une demi­heure durant. Existe­t­ilplus belle preuve d’échange, priorité des prioritéspour Asmae, cette association d’éducation et decoopération aux développements, qui se veut so­lidaire autrement ? Non.

Dans la savaneMais que font donc ces quarante jeunes dans la

savane ? Ils participent à deux projets, éloignésd’une vingtaine de kilomètres l’un de l’autre et seréunissent pour la première fois en ce 3 avril2017. Il s’agira d’une part, à Ndoumboudj, deconstruire un poulailler pour une ferme pédago­gique et biologique afin d’améliorer la sécuritéalimentaire, de favoriser l’agriculture durable etde lutter contre l’exode rural. Quelques poulets àmanger et à vendre au marché, de l’engrais et un

potager bio, il n’en faut parfois pas plus pourchanger la vie d’un village. Et de tous les habitantsde la communauté rurale de Toubacouta, soit26 000 personnes.

De l’autre, à Mbouloum, l’enjeu consiste à cons­truire une classe supplémentaire pour l’école duvillage. Concentrons­nous d’abord sur Ndoum­boudj, dans la région de Fatick, au nord de laGambie, où travaillent, vivent, échangent onzeSénégalais et onze élèves des écoles Collège No­tre­Dame de la Paix d’Erpent et de l’Institut Saint­Joseph de Jambes entourés par trois professeurs etpar Candice Lenoble, responsable d’Asmae, asso­ciation d’éducation et de coopération aux déve­loppements.

Des conditions parfois difficilesRendez­vous dès 9 heures à l’école du village

pour accompagner les jeunes sur le chantier. Laclasse dortoir, avec ces matelas de mousse alignésles uns à côté des autres, protégés par une mousti­quaire, vient d’être rangée. Les tâches matinaless’achèvent, dont le nettoyage des toilettes turquesqui se transforment en douche grâce au seaud’eau quotidien auquel chaque personne a droit.Difficile, pour certains, certes, mais l’humains’habitue à tout. À l’hygiène, à la chaleur – qua­rante degrés aujourd’hui ! – à l’éternel riz au pois­son partagé à six autour d’un plat et à même le sol.D’autant que ces conditions de vie accroissent lesentiment de fraternité des uns et des autres.

Ambiance camp scout ou Koh LantaD’un pas lent, sous la chaleur torride, nous ac­

compagnons les jeunes au chantier, cette fermepédagogique dont le bâtiment – une pièce d’envi­ron 11 mètres sur 7 – est déjà construit, grâce à laprésence, l’an dernier, de volontaires encadrés

par Asmae et soutenus financièrement par le col­lège Saint­Vincent de Soignies. Le poulailler, lui,est en pleine évolution. Après avoir défriché leterrain et creusé les fondations, les jeunes Belgeset Sénégalais s’activent à la construction desmurs. Transport de briques, préparation du ci­ment, élévation du mur… On se balade enbrouette, on se retartine de crème, on pose troisbriques, on cherche l’ombre et chacun trouve saplace. Grâce, entre autres, à Demba Drame, ani­mateur et volontaire d’AJE (Agence Jeunesse etEnvironnement, le correspondant sénégalaisd’Asmae).

Fin pédagogue, Demba, tire le meilleur de cha­cun, nomme Maxime responsable du reportage,son copain, du respect des horaires etc. Il sensibi­lise aussi les Sénégalais pour qu’ils assurent labonne marche de la ferme, par la suite. Pour eux,cette expérience est essentielle et l’apprentissagedu français, grâce aux échanges avec les Belges, re­présente un atout considérable.

La siesteRetour ensuite au campement pour partager le

repas préparé depuis le matin par les cuisinières.Un long temps de sieste s’impose vu la chaleurétouffante accrue par l’“Harmattan”, ce ventchaud qui souffle au point de déclencher unemini­tornade de sable. Puis, sous le manguier,sonne l’heure de la deuxième évaluation du sé­jour. Les échanges entre Belges et Sénégalais sont­ils plus fréquents qu’avant ? Oui ! Les conditionsde vie sont­elles plus faciles à supporter ? Oui !L’humour et bonne humeur restent de mise entoutes circonstances. “Au début, je me demandais ceque je faisais là”, nous dit Aurore, étudiante à l’Ins­titut Saint­Joseph et remarquable joueuse de foot­ball. “Maintenant je ne veux plus rentrer.”

“Les premiers jours, cela n’allait pasdu tout. Puis j’ai eu un déclic grâce à

la phrase d’un Sénégalais qui m’adit : “Ici, c’est comme à Koh Lanta ”.

Amauryjeune élève de l’Institut Don Bosco à Woluwe-Saint-Pierre

Vraie partie de rires et de fraternité dans lamangrove près de Toubacouta.

L.B

Move With Africa

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Le chantier et surtout,la danse sous le manguierComme le dit Amaury, la constructiond’une classe à Mbouloum sert deprétexte. Seule compte la rencontre

En route donc pour Mboumoul, au rythme ca­dencé du djembé qui ne s’arrêtera pas en sibon chemin. À destination, une pause s’im­

pose. Sous le manguier, toujours. Lieu de prédi­lection pour oublier le soleil, le chantier, la fati­gue.

Trente minutes de battement et un concertdansé s’improvisent. Chacun à leur tour, filles ougarçons, les Sénégalais, qui ont bien sûr lerythme dans la peau, et plus encore, entrent dansle cercle pour quelques pas de danse enlevés etdéhanchés.

Belle leçon de sourires, de franchise, de sponta­néité. Les lieux sont exigus, la promiscuité im­portante, le couchage sommaire, la chaleur écra­sante mais l’heure est à la fête. Un petit momentvolé au temps, suivi du match de football épiqueentre les deux équipes. Autre explosion de joie.Avant la surprise du chef, un spectacle de latroupe d’Assane Diame avec musiques, danses,acrobaties spectaculaires, cracheurs de feu, mas­ques et tout le toutim.

Rien n’a été laissé au hasard et la performancedes artistes bluffe tout le monde. Du haut vol. À lalueur du feu de camp, en prime. Juste soufflant !Et savouré sous la nuit étoilée, entourée d’unenuée d’enfants apparus et disparus comme par

enchantement.

Flot de larmesLe cœur toutefois est aussi aux larmes, celles

que versent en cascade tous les membres du pro­jet. C’est Momo qui a déclenché le tsunami, enquittant le chantier vingt­quatre heures plus tôtque prévu pour rejoindre un autre projet sénéga­lais. Pour celui qui était un peu la vedette, l’heuredes adieux a sonné. Momo… Tout le monde s’estattaché à lui. Le reste du groupe réalise alors quele projet touche à sa fin, qu’après quinze jours devie en communauté, d’échanges, de rencontres etsurtout d’amitié, il va falloir se séparer. Les pleurssont contagieux et les professeurs ne sont pas lesmoins émus… Paloum, le doyen du village qui aaccueilli les 18 Belges dans sa propre maison estégalement d’humeur sombre. D’autant qu’il con­sidère l’un des élèves de l’Institut Don Bosco deWoluwe­Saint­Pierre, comme son propre fils !

Des émotions, en tout cas, qui en disent longsur la réussite du projet : la construction d’uneclasse pour l’école du village, qui compte 282 élè­ves en primaire et 237 en secondaire – après ledéfrichage du terrain tout autour. Et ce, à la de­mande de l’association des parents de l’école.

Sensibiliser la population“On en a profité pour nettoyer la place publique

autour de la mosquée. Cela nous a aussi permis desensibiliser la population. Le dernier jour, les enfantssont venus nous aider avec des râteaux. À Touba­couta, il y a des poubelles vertes, dans le cadre d’unprojet d’assainissement mené par AJE. L’objectif se­

rait de réussir à mettre en place une tournante auniveau de ce village pour la récolte des déchets”nous dit Jean­Thomas Paridaens, responsable del’association Asmae, qui ne veut pas faire de l’hu­manitaire mais bien du relationnel, de l’échangeentre jeunes. D’où l’importance de travaillermain dans la main.

Sur le chantierRendez­vous donc le lendemain matin pour ju­

ger sur place, à la lumière du jour. Avec les man­guiers pour unique horizon. Tous les maçons duvillage avaient promis de venir en renfort pourque le chantier se termine comme prévu maisune fête religieuse, en présence du marabout,aura eu raison de leur bonne volonté. Qu’à celane tienne. La classe est presque finie et coiffée deson toit de tôle. Les jeunes terminent le crépis­sage des murs. Il ne restera plus, après le départ,qu’à couler une chape de béton pour pouvoir po­ser le carrelage.

Quoi qu’il en soit, l’inauguration de ce nouveaulocal, sis juste à côté de la classe construite parl’AJE (Action Jeunesse et Environnement) alorsque les autres classes de l’école du village sont enpaille, pourra avoir lieu en bonne et due forme,en présence des notables. Tout un programme.

La suite surtout sera assurée grâce à la partici­pation des Sénégalais au chantier et grâce à leurmotivation. Mais comme le dit très bien Amaury,élève de l’institut Don Bosco à Woluwe­Saint­Pierre, le chantier n’est qu’un prétexte. Seulecompte la rencontre.

L.B

Même sous 40 degrés, la bonne humeur reste de misepour la construction du poulailler à MDoumboudj.

L.B

L’InstitutSaint-Josephet le CollègeNotre-Damede la Paix

Move With Africa

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La prostitution déguisée,ce phénomène en accroissementNgone Sarr est souvent en contact avecles prostitués clandestins.

Entretien Laurence Bertelsenvoyée spéciale au Sénégal

Son taxi s’est perdu. Ngone Sarr, présidente del’association Aresco (Amicale des relais desanté communautaire) arrive avec un retard

qui, chez nous, pourrait être qualifié de considéra­ble. Mais nous sommes à Dakar où l’heure sénéga­laise est ce qu’elle est… Et puis, le sourire, la douceuret les couleurs de la coiffe et de la robe locales de no­tre interlocutrice pardonnent bien des attentes.

Régulièrement en contact avec les populations fra­gilisées, elle accepte de nous rencontrer pour parlerde cette prostitution déguisée qu’est le tourismesexuel, un sujet très préoccupant au Sénégal. Son as­sociation s’occupe à la fois de sensibilisation auprèsdes populations via les programmes IEC (Informa­tion, éducation et communication) et CCC (Communication par le changement de comporte­ment).

L’association travaille aussi avec des marraines dequartiers, précieux relais pour toucher les popula­tions visées comme les femmes enceintes ou en âgede procréer, les personnes atteintes par le virus dusida.

Dans le cadre d’une enquête réalisée dans le District Da-kar Ouest, votre association a été en contact avec desprofessionnels du sexe, hommes ou femmes. Qu’a révélécette enquête ?Il s’agit de prostitués clandestins. Ils se rencontrentdans des boîtes, à la plage. Souvent les femmes disentqu’elles viennent pour vendre mais elles viennentpour autre chose. Il s’agit parfois de filles de 18 ou 19ans qui se marient avec des hommes de 60, 70 ou 80ans. Ou de jeunes hommes de 25 ans avec des fem­mes de60ou70 ans. Ils disent qu’ils s’aimentmais enréalité, ils veulent partir en Europe. Parfois, quand ilsont leurs papiers, les jeunes hommes reviennentpour se marier avec des filles deleur âge.

Ce phénomène est-il en accroisse-ment ?Oui. Nous avons réalisé une en­quête démocratique sur la vul­nérabilité face au virus du sida.Et cette enquête a révélé une ex­trême pauvreté. Voilà pourquoila prostitution des hommes etdes femmes est en accroisse­ment. Comme les gens qui par­tent en Europe sur des pirogues.Au début, dans les années 1995­2000, on voyait surtout des jeu­nes filles avec des hommes euro­péens plus âgés. Depuis l’an2000, on voit plus de jeuneshommes sénégalais avec des femmes plus âgées.

Vous arrive-t-il d’en parler avec ces prostitués clandes-tins ?On les sensibilise au fait qu’ils doivent se protéger.

L’an dernier, on amenéune grande campagne pour leport du préservatif. On s’est rendus dans les hôtels,on a informé les gens, on a laissé des lots de préserva­tifs dans les toilettes et on a mené une campagne surles plages. On les approche en groupe ou on leur parleindividuellement. On privilégie aussi la mobilisationsociale via une troupe théâtrale.

Comment les aider à sortir d’une situa-tion qui est certainement doulou-reuse ?En essayant d’informer les clandes­tins. On les dirige vers des structurespour se protéger, avoir des papiers,se présenter à la visite médicalepournepas contaminer leurs parte­naires. Ces femmesne sont pas heu­reuses. Elles quittent leur famillepour venir gagner de l’argent ici. El­les sont sur la plage, vendent des pe­tites statuettes ou autres, puis vontplus loin. L’autre jour, j’en ai ren­contré une sur la plage, je lui aidonné un sandwich. À un momentdonné, elle m’a demandé de garderson bagage. Elle avait un rendez­vous… Après elle s’est confiée àmoi,

m’a avoué que si elle en avait l’occasion, parfois, ellese prostituait. Je l’ai informée des risques demaladieset encouragée à rejoindre des associations.

Existe-t-il d’autres moyens de survie au Sénégal ?

Les travaux de bonne à demeure pour 30 ou 40 000CFA (environ 50 euros). Elles restent un ou deuxmois dans une maison puis découvrent la capitale etl’argent facile. Elles sont livrées à elles­mêmes. Ellescherchent des clients. La plupart du temps, ce sontdes filles analphabètes. Les garçons ne sont pas allés àl’école, non plus. Ils se présentent comme des guidestouristiques puis un jour, deviennent des gigolos, enfaisant semblant d’être amoureux. Les femmes ycroient. Même la femme la plus laide se trouve jolielorsqu’elle se regarde dans le miroir. Elle ne sait pasqu’elle a vieilli. Et pour une femmede75 ans, être dé­sirée par un hommede 25 ans, c’est flatteur. D’autantque ce sont de beaux hommes, très soignés, bien ha­billés. Les jeunes femmes ont souvent un petit copainet lorsqu’elles sont installées en Europe, elles divor­cent. Le jeune homme a également une femme ouune copine. Il la présente parfois commeune sœur ouune cousine mais lorsque l’Européenne découvre lavérité, elle ne veut plus partager. On assiste alors à devrais drames.

Ces jeunes veulent-ils en sortir ?Oui, parfois ils se confient à ce sujet mais ils recou­

rent à la prostitution clandestine par besoin. J’aiconnu une femme qui avait pu sortir du tourismesexuel le jour où son fils a commencé à gagner sa vieet à l’aider. Il s’agit de femmes abandonnées, divor­cées, célibataires. On ne les juge pas. Les jeunes hom­mes le font aussi par besoin. Et grâce à cet argent, ilsnourrissent leur famille. Certains parents sont mêmefiers de voir leur fils sortir avec une femme blanche.

Sur la plage de Saly, deux jeunes aussi attentifs au football qu’aux dames qui passent.

LAUR

ENCE

BERT

ELS

Ngone Sarrprésidente de l’association Aresco

(Amicale des relais de santécommunautaire)

LAUR

ENCE

BERT

ELS

Move With Africa

www.forrestgroup.com

Ensemble, Nous Construisons l’Avenir

“Move with Africa” implique de jeunes européens dans des questions essentielles liées au développement en Afrique. Je suis heureux de soutenir ce projet car il rejoint les objectifs que poursuit ma Fondation. L’Europe et l’Afrique ont tout à gagner à mieux se connaître, à échanger et à bâtir ensemble une alliance forte et durable. “Move with Africa” y contribue.”

George Arthur Forrest

La Fondation George Arthur Forrest développe des initiatives, d’une part, en faveur du développement socio-économique africain et d’autre part, au profit des populations les plus fragiles, en Afrique principalement.

Parmi les projets que soutient la Fondation George Arthur Forrest figure par exemple l'introduction des techniques de laparoscopie à l'Hôpital de Panzi du Docteur Denis Mukwege, à Bukavu (R.D.Congo), une collaboration avec le Professeur Guy-Bernard Cadière et le CHU Saint-Pierre de Bruxelles. A Bukavu, le Docteur Denis Mukwege opère les femmes, victimes de violences sexuelles en R.D.Congo.

La Fondation George Arthur Forrest se bat également pour plus d'éthique et de transparence dans les affaires économiques sur le continent africain.

George Arthur Forrest est le président du Groupe Forrest, un groupe industriel comptant plus de 8.000 employés et une vingtaine d'entreprises présentes dans les secteurs de l'énergie durable, de la construction et des travaux publics, des mines et de la métallurgie, de l'agroalimentaire, de l'aviation… Depuis 1922, le Groupe Forrest est actif en République Démocratique du Congo. La dimension sociale et l'implication dans la société sont présentes depuis la création de l'entreprise et enracinées dans le projet global du Groupe Forrest: éducation, santé, accès à l'eau, culture, sports…

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Ensemble, Nous Construisons l’Avenir

“Move with Africa” implique de jeunes européens dans des questions essentielles liées au développement en Afrique. Je suis heureux de soutenir ce projet car il rejoint les objectifs que poursuit ma Fondation. L’Europe et l’Afrique ont tout à gagner à mieux se connaître, à échanger et à bâtir ensemble une alliance forte et durable. “Move with Africa” y contribue.”

George Arthur Forrest

La Fondation George Arthur Forrest développe des initiatives, d’une part, en faveur du développement socio-économique africain et d’autre part, au profit des populations les plus fragiles, en Afrique principalement.

Parmi les projets que soutient la Fondation George Arthur Forrest figure par exemple l'introduction des techniques de laparoscopie à l'Hôpital de Panzi du Docteur Denis Mukwege, à Bukavu (R.D.Congo), une collaboration avec le Professeur Guy-Bernard Cadière et le CHU Saint-Pierre de Bruxelles. A Bukavu, le Docteur Denis Mukwege opère les femmes, victimes de violences sexuelles en R.D.Congo.

La Fondation George Arthur Forrest se bat également pour plus d'éthique et de transparence dans les affaires économiques sur le continent africain.

George Arthur Forrest est le président du Groupe Forrest, un groupe industriel comptant plus de 8.000 employés et une vingtaine d'entreprises présentes dans les secteurs de l'énergie durable, de la construction et des travaux publics, des mines et de la métallurgie, de l'agroalimentaire, de l'aviation… Depuis 1922, le Groupe Forrest est actif en République Démocratique du Congo. La dimension sociale et l'implication dans la société sont présentes depuis la création de l'entreprise et enracinées dans le projet global du Groupe Forrest: éducation, santé, accès à l'eau, culture, sports…

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EcoleEuropéenneIxelles

“Rentrer dans l’aquarium, pour nager avec les poissons”

Les quinze jeunes européens se sontplongés dans la société béninoises, pourdes recontres d’égal à égal.

Vous êtes enfin là !”, lance Félix, professeurau collège de Natitingou, cette ville de100 000 âmes nichée dans une chaînemontagneuse du nord du Bénin, à 600 ki­lomètres de la capitale. Après des mois de

préparation, dix heures d’avion, une nuit à Coto­nou, une journée sur la chaussée poussiéreuse quisillonne le pays de bout en bout et un déjeuner surle bord de la route en compagnie de lézards, lesquinze étudiants de l’Ecole européenne d’Ixelles,âgés entre 17 et 18 ans, ont mis les pieds dansl’école de leurs correspondants béninois. Mettreenfin un visage sur les courriels qu’ils s’échangentdepuis des mois, c’est réaliser que l’idée de se ren­dre en Afrique, née il y a un an et demi dans untrain entre Rixensart et Bruxelles après la visited’un centre de réfugiés, s’est bel et bien concrétisée.

Cette plongée en terre inconnue ne dépayse pour­tant pas d’emblée. Autour d’une boisson et de bei­gnets, les contacts se nouent dans cette salle declasse illuminée par une ampoule en bout de vie. Etdes minutes plus tard, la quarantaine d’Européenset de Béninois se retrouve à chanter en chœur les ti­tres de Stromae, Maître Gims, Black M. ou AmelBent. “Nous connaissions déjà ces musiques sansmême que nous ayons besoin de les partager avant ! Ils’agit d’artistes issus de l’immigration, enfants desdeux cultures, européenne et africaine. C’est là leurforce !”, explique Hugo, étudiant à l’Ecole euro­péenne.

Se rencontrer, sur un pied d’égalitéCette première rencontre donne le ton du séjour

au cœur du Quartier latin de l’Afrique, du nomdonné jadis à ce pays de terre rouge, creuset de cul­tures et d’intellectuels. Pas question de faire del’aide humanitaire, de travailler aux champs ou de

construire des écoles. Après tout, comme le rap­pelle Laurent Deutsch, responsable de l’ONG Iles dePaix, qui encadre ce groupe : “Si l’objectif était le tra­vail sur place, ce voyage serait absurde puisque les jeu­nes européens sont de la main­d’œuvre non qualifiée.C’est un voyage qui travaille sur les consciences.”

“On ne voulait pas renforcer le cliché des blancs ri­ches qui vont donner des choses aux Africains. La mainqui donne est toujours au­dessus de la main qui reçoit”,explique quant à elle Yesmine. Au programme,donc, des activités permettant de se découvrir, surun pied d’égalité. Comme cette soirée gastronomi­que, où Béninois et “yovos” – surnom donné aux“blancs” tiré du dialecte fon, l’un des trente parlésdans le pays – ont préparé des plats traditionnelsdans la cour de l’école, avant de casser la croûte. Etoù l’on a appris, par exemple, qu’ici, seuls les hom­mes peuvent tuer un animal, car “comme la femmedonne la vie, elle ne peut pas la reprendre”.

L’éducation comme moteur de progrès socialOu encore cette nuit passée chez le correspon­

dant : quinze élèves éparpillés dans quinze habita­tions, les unes plus différentes que les autres. D’unappartement tout droit sorti d’une ville occiden­tale, à un foyer dit “aisé” qui n’a pas de toit, en pas­sant par des cases dépourvues d’électricité : autantde milieux économiques et de facettes de la sociétébéninoise se déclinent sous les yeux des jeuneseuropéens. “Pour le dîner, on a posé une lampe torchesur un meuble et on a mangé à terre. La douche – quiest en fait un sceau – et les toilettes – même chose –étaient dans le jardin”, raconte Adrien, de retour desa nuit passée chez Casimir, ce Béninois qui croquela vingtaine à pleines dents. “Je me lève à 4h du matinpour étudier. Je vais à l’école de 7h à midi. Puis je tra­vaille les cours et je retourne à l’école de 16h à 19 h. En­suite, j’étudie jusqu’à 1h du matin”, explique ce jeunehomme qui rêve d’Europe, toujours drapé dans unpagne et un boubou traditionnels.

De quoi trancher avec le cliché d’une Afrique pau­vre qui subit pathologiquement son sort. Parleravec des étudiants béninois, c’est réaliser la valeurde l’éducation, perçue comme un moyen de pro­grès social dans un pays où 40 % de la population vit

sous le seuil de pauvreté et où les enfants des villa­ges doivent marcher des kilomètres pour atteindreune école. Dans son dernier rapport sur le Bénin,l’Onu notait que “le niveau de pauvreté baisse lors­qu’augmente le niveau d’instruction”.

Du commerce pour plus d’autonomieDe leur côté, ces femmes du village de Kobli et de

Boukoumbé, n’hésitent pas à entreprendre, avecl’aide d’Iles de Paix, des activités génératrices de re­venus – en plus d’effectuer toutes les tâches ména­gères, comme le veut la coutume. Parce que confec­tionner de la poterie, transformer le riz, le maïs oula céréale africaine fonio pour les vendre au marché,n’est pas qu’une question de commerce. C’est sur­tout un moyen de s’élever socialement, de financerla scolarisation des enfants et d’obtenir plus d’auto­nomie. “L’homme ne la voit plus la femme comme unemachine. Elle devient un être qui pense, qui donne sonavis sur le déroulement du ménage”, explique AgnoroMaliki, directeur exécutif de Jura Afrique Bénin,une ONG locale qui collabore avec Iles de Paix.

Bref, se rendre au Bénin sans chercher à aider,c’est s’éloigner de son confort pour prendre letemps de comprendre. Comprendre la réalité d’unepopulation pour laquelle l’eau et l’électricité sontparfois un luxe. Comprendre en quoi l’agriculturedurable (lire ci­contre) peut lutter contre la malnu­trition, dans un pays où la famine n’est pas éradi­quée.

Mais c’est aussi reprendre goût aux petits plaisirs,comme “manger avec la main. Ce n’est pas forcé, c’estsimple, c’est juste manger”, se réjouit Radu. Ou dan­ser à en perdre haleine au rythme des musiques bé­ninoises, en essayant d’imiter les danseuses de latroupe “Martine” qui ont préparé un spectacle pouraccueillir les étudiants à Boukoumbé. C’est encoreréapprendre à lever les yeux pour observer les étoi­les avant de dormir plutôt que de baisser la tête versl’écran de son téléphone. “Regarder des paysages,c’est comme regarder des poissons dans un aquarium”,résume William. “Mais s’immerger dans une culture,c’est comme rentrer dans l’aquarium pour nager avecles poissons”.

Maria Udrescu

Les habitants deBoukoumbé ont réservé

un accueil tout enmusique aux étudiants.

MAR

IAUD

RESC

U

Move With Africa

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Soigner la terre à traversla permacultureDans un pays confronté auxchangements climatiques, l’agriculturedurable peut être une alternative.

D ans le village de Boukoumbé, au Nord duBénin, le ciel brumeux n’empêche pas lesoleil de taper en cette après­midi de fé­

vrier, cœur de la saison sèche où l’harmattansouffle un air sec et chargé de poussière. Deschamps s’étendent à perte de vue. Quelquesenfants saupoudrés de terre de la tête aux piedscourent pour accueillir la vingtaine d’Euro­péens venus rencontrer ces agriculteurs quis’essaient à la permaculture, concept défini par“Le Petit Robert” comme un “mode d’aménage­ment écologique du territoire, visant à concevoirdes systèmes stables et autosuffisants et à produirede la nourriture en renforçant l’écosystème”. Soitune nouvelle façon de concevoir la terre quipourrait pallier les nombreux défis auxquels seconfrontent aujourd’hui les Béninois.

“C’est un pays dans lequel les céréales sont lesprincipales sources de revenus et de nutrition. Orles sols sont appauvris, il y a beaucoup d’érosion,tandis que les engrais chimiques ne nourrissentpas le sol mais pompent tout ce qu’il y a dedanspour l’amener à la plante”, s’inquiète Jean­Christophe Maisin, coordinateur d’Iles de Paix

au Bénin, une ONG qui a notamment recentréses activités sur la permaculture.“On va donc es­sayer de travailler sur le sol en tant que matièrevivante, pour l’amener à se fertiliser lui­même.”,explique M. Maisin.

C’est tout un laboratoire de nouvelles techni­ques d’agriculture qu’a mis sur pied ce groupe­ment de paysans, soutenus par l’ONG Iles dePaix. Là, on constitue un compost qui servira àamender la terre. Plus loin, deux fosses fumiè­res permettent de remuer plus aisément lecompost en décomposition en le passant del’une à l’autre. Là encore, trône un tas de paille,utilisée pour protéger la terre contre les rayonsdu soleil, maintenir plus longuement l’humi­dité, protéger la terre contre l’érosion éolienneet empêcher le développement des “mauvaisesherbes”. Au fond, une petite rivière, où baignetranquillement un crocodile, fournit l’eau né­cessaire pour humidifier les fosses compostiè­res et arroser les périmètres maraîchers. Sur, lecôté, s’étend la plantation de piments, arroséepar un système de goutte à goutte, où destuyaux percés amènent l’eau directement prèsde la plante afin de réduire les pertes. “Les en­grais chimiques coûtent très cher, donc nous es­sayons de nous tourner vers des engrais naturels”,raconte une paysanne. “Et on voit les résultats,on a un bien meilleur rendement !”, se réjouit­elle.

M.U.

“Du Bénin, j’ai ramené lesourire. J’ai envie de parler

davantage avec les gensque je croise dans le métro.

Histoire de retrouver labonne humeur qui régnait

là­bas.””Alice

Etudiante à l’Ecole européenne d’Ixelles

Cette plantation de pimentsdu village de Boukoumbé

est irrigué grâce au systèmegoutte à goutte qui permet

d’économiser de l’eau.

MAR

IAUD

RESC

U

Move With Africa

“Cette expérience ainfluencé le type d’étudesque je veux faire. Je veux

toujours étudierl’économie, mais je vais

m’intéresser au commerceéquitable, à d’autres types

d’économies.”Adrien

Etudiant à l’Ecole européenne d’Ixelles.

“Etaprès?”

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Occas’béninoiseConsommation A Cotonou, capitalecommerciale du Bénin, le marché del’occasion est un grand cirque.

Récit Aurore VaucellePhotographie Olivier Papegnies

A Cotonou

On est y presque”, nous assure Joachim, alorsque l’on roule désormais depuis plus d’unedemi­heure vers l’extérieur de la ville.Nous nous dirigeons vers le marché auxvoitures de Cotonou. Si tu veux t’offrir une

belle voiture d’occasion, c’est “the place to be”, on l’acompris en écoutant Joachim et Edouard, tous deuxchauffeurs pour une ONG, et pas en mal de bonsplans. Tous deux nous expliquent que, chaque jour,des tonnes d’objets manufacturés sont déchargés decontainers sur les quais de Cotonou. Reconnucomme l’un des plus grands hubs de l’Afrique del’ouest, le port de Cotonou est utilisé pour le transitdes marchandises à destination des pays de l’hinter­land, que sont le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Lecommerce de la voiture débarquée des pays du Nord,se fait donc ici, sous l’œil des douaniers béninois.

“A l’ouverture des containers, c’était bien souvent lacohue, tout le monde voulait pouvoir se servir”, qui d’unmicro­ondes, qui d’un SUV, le tout arrivant entassé,d’Anvers ou de Hambourg. Depuis quelques années,poursuit Joachim, le marché de l’occasion a été réor­ganisé et segmenté. “Il y a un endroit où tu pourrast’acheter un frigo, c’est le marché aux frigos, pareil pourles micro­ondes”... Mais pour l’heure, ce qui nous inté­resse, c’est le marché de la voiture d’occasion.

Bienvenue au palais de l’autoDerrière de hauts murs dont les entrées sont gar­

dées par de grands types qui vont et viennent en vé­rifiant qu’on a bien la tête de l’acheteur convenableet solvable, des kilomètres de voitures garées. A perte

de vue. On entre sur un terrain vague couvert de ber­lines dépassées en Europe, mais qui ont ici toute leurutilité. Ce sont ces voitures familiales colorées, berli­nes quatre portes et grand coffre qui sont réutiliséescomme taxi­brousse. Remplis à craquer, de bagages,de gens, de bébés, les taxis­brousses font la liaisonentre les villes du pays, et déposent une famille pourreprendre à sa place une télé, ou tout autre barda.

Les vendeurs du site nous demandent de suitepourquoi on est là, ce qu’on recherche. Pas question,en effet, de se balader tranquille en prétextant un re­portage, on nous pousserait bien gentiment del’autre côté de la corde qui nous sépare déjà des ca­melots, et de la foule à pied.

Et si on s’offrait un SUV ?Alors, c’est parti, notre fantasme du moment,

c’est… “un SUV évidemment. Qui en jette, s’il vous plaît,

mais dans lequel on se sentirait assez en sécurité pourtransporter la famille”. Le vendeur en chef plisse lesyeux, doute, jette un œil au photographe, puis à lajournaliste, puis à leurs deux acolytes béninois.Est­on assez crédibles ? Ce ne serait pas des journalis­tes, ces deux­là? Joachim intervient, grand comé­dien, pousse son ami Edouard devant le vendeur enchef, et prévient : “Vous croyez vraiment qu’on seraitvenu avec notre mécanicien, si c’était pour faire un re­portage ?” L’argument semble prendre ; commanded’un SUV est passée.

On déambule au travers d’une zone dont la ligned’horizon n’est remplie que d’autos, sous la hautesurveillance des gardes qui, depuis leur mirador, ob­servent notre comportement de clients pas encoreconvaincants.

Le parc auto est hétéroclite. 90 % des véhicules sontasiatiques : des Honda, des Toyota, des Mazda, assez

Sous un arbre,le mécanocherche à

donner uneseconde vie à

une vieilleToyota Corollaqui traîne ses25 ans d’âge.

OLIVIERPA

PEGN

IES/CO

LLEC

TIFHU

MA

Une Mercedesclasse E desannées 90,

venued’Hambourg,

attend son futurpropriétaire.

OLIVIERPA

PEGN

IES/C

OLLECTIFHU

MA

On déambuleau travers d’une zonedont la ligned’horizon n’estremplieque d’autos, sous lasurveillancede gardes qui, depuisleur mirador,observent notrecomportementde clients pas encoreconvaincants.

Move With Africa

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récentes. Très peu d’allemandes et de françaises, etquand on en croise, ce sont déjà des modèles qui ontdes années au compteur. Par moment, un drôle denuméro sort du lot, comme cette camionnette dehippie, qui semble avoir fait Woodstock ou ce cor­billard qui a gardé ses rideaux tirés à l’arrière – on es­père livré sans cercueil.

La route de la pièce détachéeMais déjà, on est porté vers l’arrière du complexe, et

passant d’une zone à l’autre, on dépasse des mécanosqui réparent une Nissan éventrée. On contourne unhaut mur percé, et on surgit dans un monde en piè­ces détachées. Une route pavée de boutiques où l’onvend tout simplement tout. Des pneus, des autora­dios, c’est sans surprise. Mais avez­vous déjà vu desmontagnes d’amortisseurs, de pommeaux de vitesse,de radiateurs, toute marque confondue? Amusant

aussi comme on est parvenu à conditionner un air­bag – complètement saucissonné dans un scotch quile retient de sauter à la tête du premier passant venu.

Les enjoliveurs en vitrine, comme des bijoux, ruti­lent. “Ici, tu peux tout trouver, et ensuite tout monterdans la carcasse de tes rêves”, précise Joachim, qui faitles sous­titres pour la fausse acheteuse que l’on est.“Je peux mettre un bouchon Mercedes sur ma camion­nette Opel ?” Joachim opine du chef, mais ne com­prend pas bien l’enjeu de customiser une Opel Agila.Lui voudrait savoir combien il doit allonger pour sonToyota Rav4 de 2011, voiture pour laquelle on estcensé montrer de l’intérêt – son fantasme motorisé àlui, en réalité.

Marchandons un peuLa négociation se tient sur le capot de la voiture,

toutes portes ouvertes. Les hommes discutent de

l’engin, de ce qu’il a dans le ventre. Joachim casse lesprix. “Comment ça, 9,5 millions de francs CFA ?” (NdlR14 500euros). Dix minutes plus tard, on nous en de­mande 8 millions (12200 euros). Ajoutez 2 millionsde francs CFA, soit 3000 euros de plaque et douane,et on s’enquiert de l’heure à laquelle on repasserapour valider l’acte d’achat. On fait la mine de gens quihésitent, on nous propose alors un modèle très simi­laire, pas Toyota, chinois, on ne connaît pas mais c’estbeaucoup moins cher. “Chez nous, les Toyota ont dusuccès, car on sait qu’elles sont increvables”.

On n’a pas l’air assez intéressés par le modèle deSUV familial pour lequel on a dit qu’on venait. On re­garde de trop près cette Chevrolet, on a perdu notremince crédibilité. “Le parc automobile va fermer, s’ilvous plaît, repassez demain avant 17h pour rencontrerle patron, il est Libanais, il vous fera un prix. Pour ce quevous voulez”.

Du Nissan,du Mitsubishi,du Toyota,du Volkswagen :fabriquez lecarrosse devotrechoix.

OLIVIERPA

PEGN

IES/CO

LLEC

TIFHU

MA

Depuis le mirador,on domine le parcauto constitué deveilles françaiseséchouées.OL

IVIERPA

PEGN

IES/CO

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Amusant comme onest parvenu àconditionner unairbag, complètementsaucissonné dans unscotch qui le retientde sauter à la tête dupremier passant venu.

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