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N°240 - du 09 au 16 novembre 2010 Tea Party : possible en France ? (photo Kristi Noem élue en Dakota du Sud le 02 novembre 2010)

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Un Mouvement Tea Party est-il possible en France : lettre 240 exprimeo.

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N°240 - du 09 au 16 novembre 2010

Tea Party : possible en France ?

(photo Kristi Noem élue en Dakota du Sud le 02 novembre 2010)

Tea Party : possible en France ?

Une nouvelle révolution conservatrice Américaine est-elle en marche ?

C’est la question qui est posée par les résultats du 2 novembre 2010.

La dernière révolte popu-liste Américaine date du début des années 80 avec la victoire de Ronald Rea-gan.

A cette date, une révolu-tion intellectuelle se pro-duit et installe de nou-veaux schémas inconce-vables quelques années plus tôt.

1980 : la victoire des «bons citoyens contre la méchante élite»

A cette époque, une élite intellectuelle est perçue comme excessivement éloignée des concepts fondateurs de la démo-cratie Américaine.

En quelques années, un instinct de liberté est fa-vorisé, basé sur une nou-

velle alliance : l’initiative économique et la démo-cratie politique.

Le socialisme renvoie alors à une nostalgie d’un passé autoritaire et ineffi-cace.

Le capitalisme devient la démocratie, la prospérité, la modernité.

Ce populisme déclare re-tourner aux principes fon-dateurs de la démocratie Américaine :

- l’Etat doit être limité,

- la vie de l’économie doit être libérée,

- le système moral doit être solide et indépendant (Eglises, Universités, mé-dias …).

Cette approche a donné naissance à une révolu-tion conservatrice qui a changé la donne pendant de nombreuses années.

Le «new look conserva-

teur» avait emporté sur son chemin le radical chic de la côte Est.

La gauche Américaine était alors en état de fail-lite.

Tous ses principes étaient l’objet de critiques vives :

- l’Etat interventionniste devenait le symbole de la dépense inefficace,

- la régulation était per-çue comme un frein à l’emploi, - la libération des mœurs était ressentie comme une ouverture à la débau-che individuelle et au naufrage collectif,

La gauche Américaine était épuisée.

Etre de «gauche» ou radi-cal, c’était être déconsi-déré, démodé.

Les élites bureaucratiques

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John Thune : l’exemple du retour aux racines John Thune se déclare parmi les héritiers de Reagan. Le Sénateur du Dakota du Sud est sur la ligne de départ pour les primaires républicaines pour 2012. A son tour, il cède à la logique de la «roots campaign» : la campagne des racines. Plus un candidat est terroir, plus il donne l’assurance d’être éloigné de Washington, plus son avenir s’ouvre ...

sont accusées de tous les maux. Carter a incarné cet échec de façon carica-turale. Même Ted Kenne-dy à cette époque est re-légué au rang des «snobs de la côte Est» qu’il ne faut surtout pas écouter.

La personnalité de Rea-gan assume dans ce contexte un amalgame étonnant entre le populai-re, le conservatisme et le religieux.

C’est la coalition gagnan-te.

L’exaltation des valeurs traditionnelles et des droits de l’individu soude une nation éclatée qui écarte les idéologies dites progressistes parce que l’idéal de liberté gagne sur le réflexe d’égalité.

Les hippies, les radicaux, les apôtres de la drogue, la libération sexuelle, la non violence, la contre-culture … deviennent des formes de contestations qui disparaissent.

Les temps ont changé. L’attachement au contrat social renvoie au vestiaire les diverses formes de contestations. Quand sont répertoriées les référen-ces de cette époque, des places majeures sont re-connues à l’anticommu-nisme, à la haine de l’E-tat, à la proclamation passionnée de la liberté individuelle.

Ces références n’occupent plus du tout la même pla-ce désormais.

Bien davantage, la crise financière d’octobre 2008 a dévalorisé le capitalis-me perçu désormais com-me une autre forme d’ad-versaire.

Ce n’est plus la course au capitalisme mais au peuple

Pour toutes ces raisons, la nouvelle fronde 2010 est bien éloignée de celle du début des années 80.

La nouvelle révolte popu-liste réside d’abord dans la reconnaissance de la «génération du moi» qui veut une vie quotidienne meilleure.

Dans la conceptualisation de cette nouvelle révolte intervient le Mouvement Tea Party. Il réconcilie des fonda-mentaux de la théorie conservatrice avec de nouvelles idées liées pour partie à la crise de confiance actuellement traversée. Les fondamentaux sont simples : C’est d’abord le refus de l’impôt et la réaffirmation de la théorie de Laffer. Le taux d’imposition élevé n’est pas la meilleure ga-rantie des recettes pour l’Etat. Il y a des taux fai-bles qui produisent da-vantage de recettes car la motivation de richesse

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des assujettis est plus grande. La théorie de Laf-fer, très à la mode du temps de Reagan, permet dans l’idéal d’abaisser les impôts frappant le secteur privé sans couper les dé-penses du public. En réalité, les tenants de cette école n’ont pas trouvé de démonstration positive. Ils mettent en évidence des exemples a contrario des démocraties social-démocrates qui, par l’imposition élevée, démotivent et établissent une sorte de seuil prohibi-tif d’impôts. Une nouvelle fois, le dé-bat échappe à la seule théorie économique pour relever d’une logique plus globale de conviction de bon sens. C’est le socle d’une forme de révolte fiscale qui est le refus déterminé face à l’impôt, aux dépenses pu-bliques, à la bureaucratie et aux politiciens. Car le second pilier des fondamentaux, c’est le rejet de la classe politique victime d’une suspicion généralisée sur ses com-pétences, son utilité, son honnêteté. Cette logique est d’abord un refus de l’Etat provi-dence. Mais c’est bien au-delà l’expression d’un mouvement populaire qui ne se sent plus représen-té par les politiciens dé-

magogues et profiteurs. Cette logique fait l’apolo-gie des circuits courts de la démocratie dont les re-ferendums.

C’est une logique de l’Etat minimum, libertaire, qui redécouvre la «société li-bre». La «société libre» c’est la société de proximité. Tout ce qui est éloigné est cou-pé des réalités. C’est un monde présenté comme sans âme dirigé en réalité par des bureaucrates éloi-gnés du réel. Il faut donc s’éloigner de Washington pour revenir à la source, à la base, au réel. La Capitale fédérale est mauvaise, corruptrice, matérialiste, violente. En revanche, le bourg est harmonieux. Il y règne les bonnes moeurs, le bon voisinage, la solidarité de proximité. Cet ancrage conceptuel crée un univers visuel très strict : le monde des prairies face au monde des immeubles. C’est également un uni-vers visuel qui valorise le contact direct et non pas les intellectuels. C’est une logique vestimentaire qui laisse une place aux ha-bits des «racines» et non pas au modèle urbain trop uniformisé.

Sarah Palin : de rock star à leader politique … ? Chacun s’accorde à reconnaître que l’opinion publique Françai-se est de plus en plus segmen-tée. L’impact géographique est de plus en plus fort. Le Sud a une sociologie et un comporte-ment électoral différents du Nord. Face à cette réalité, que dire d’un Etat fédéral considérable-ment plus grand, diversifié, exposé à des cultures diverses. L’Amérique décide selon des schémas qui ont fait l’objet d’études très précises. Il existe un clivage réel entre les Républicains et les Démo-crates. Les Républicains attendent un leader fort. Leur principal critè-re est l’examen de la force mo-rale de son tempérament. Pour les Démocrates, c’est la capa-cité de jugement qui compte. La sécurité nationale est la première priorité pour les Ré-publicains tandis qu’elle est largement devancée par l’éco-nomie pour les Démocrates. Pour ces derniers, les ques-tions sociales arrivent même devant la sécurité nationale. Bien entendu, géographique-ment, l’Amérique des rivages est plus ouverte que l’Améri-que profonde. Mais surtout, il résulte que l’électeur Américain ne vote pas quand il ne connaît pas le candidat. Sarah Palin est connue. Elle a même le statut de rock star à voir les audiences qu’elle pro-voque. Il lui reste à consolider son sta-tut de leader politique.

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2008 et l’impact de la crise financière En pleine crise, les campagnes négatives sont devenues impossibles car elles donnaient le sen-timent de querelles politiciennes stériles. Sans cet outil, le Parti Républicain a été terrible-ment désarmé. Il a été beaucoup question des 30 minutes de vidéo clip achetées par Barack Obama à 6 jours du vote. Lorsque la décision a été prise, cet espace visait à pouvoir répondre aux attaques négatives que le candidat démocrate imaginait voir surgir de tous côtés dans la dernière ligne droite. Entre temps, la crise financière avait changé la donne. L’opinion attendait du rassemblement et non pas des divisions dévastatrices. Le Parti Ré-publicain avait perdu l’une de ses armes classi-ques dans la dernière ligne droite. Barack Oba-ma ne s’est d’ailleurs pas trompé en transfor-mant ses 30 minutes en climat d’union, de cal-me, de confiance rassurante.

Notre lettre a été l’une des premières à évoquer, dès 2006, les immenses atouts de Barack Oba-ma. C’est pourquoi, aujourd’hui, en pleine Obamama-nia historique, nous pouvons nous permettre de donner un éclairage qui diffère de la pensée uni-que du moment. Avec le recul, cette campagne apparaîtra comme ayant d’abord été perdue par le camp Républicain. Il a fallu le charisme hors du commun de Barack Obama pour limiter l’impact du facteur racial. Un candidat doté d’un moindre charisme mais pour-vu d’autres qualités aurait probablement rem-porté une victoire aussi ample tant les conditions de rejets du candidat Républicain étaient consi-dérables, voire incontournables. Pendant la campagne, l’opinion a beaucoup mûri. Elle a évolué. La crise financière a tout emporté. (extrait de notre lettre 152 du mercredi 12 no-vembre 2008)

Rand Paul est l’un des te-nants de cette nouvelle révolution conservatrice. Il vient de gagner le siège de Sénateur dans le Ken-tucky. Il est responsable d’une ligue des contribua-bles et animateur média-tisé du mouvement Tea Party. Il se veut le défenseur de cette nouvelle révolution conservatrice. Il contesterait probable-ment le terme de «conservatrice» préférant celui de populaire pour reprendre des termes de nature à entrer dans la terminologie classique de la science politique fran-çaise.

C’est d’ailleurs très diffici-le de chercher à transpo-ser tant ce courant est éloigné des repères fran-çais habituels. Rand Paul est l’incarna-tion de cette révolution conservatrice qui a mar-qué les élections du mid term de novembre. La percée de Rand Paul, comme celle de bon nom-bre d’autres candidats ré-publicains, permet de dé-gager quelques enseigne-ments majeurs au nom-bre de trois.

Premier constat : l’émer-gence des candidats d’u-ne promesse : dans un contexte de vraie transi-tion de mentalité collecti-ve qui tend à se recentrer sur les enjeux purement

intérieurs, les candidats qui sont parvenus à échapper à la grisaille sont ceux qui se sont as-sociés à une promesse claire et compréhensible de tout un chacun. La multiplication des infor-mations, l’abondance des supports ...conduisent à un constat simple de communication. La campagne gagnante est celle qui réunit deux conditions cumulatives principales. D’une part, il faut parvenir à retenir l’attention d’une grande partie des électeurs pour se faire connaître. D’autre part, il importe de faire passer un message et un seul : la promesse atta-chée à la victoire du can-didat.

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Second constat : il se confirme manifestement que l’élection devient d’a-bord une élimination. C’est justement parce que le Mouvement Tea Party est parvenu à trouver des cibles à éliminer que ses campagnes trouvent des audiences fortes. Toute la logistique mani-chéenne classique dans laquelle excellent les conseillers en communi-cation du Parti Républi-cain fonctionnent à plein régime en cadrant «l’adversaire à éliminer». Troisième constat : sur la

technique de campagne : pas de salut en dehors d’Internet et d’une com-munication visuelle. Les médias américains ont vécu, avec une certai-ne avance, deux phéno-mènes importants. Ils sont très vite parcourus. On achète un journal plus qu’on ne lit un journal. L’acte principal est celui de l’achat et non pas celui de la lecture garantie. Ensuite, les lecteurs gar-dent de la distance avec ce qu’ils lisent. Les en-quêtes d’opinion ont révé-lé que chacun interprète un article à sa façon.

La ligne éditoriale n’est donc plus une ligne de pensée influençant réelle-ment le lecteur. Ce der-nier ne retient finalement d’un article que ce qui renforce sa propre thèse de départ. Le lecteur se méfie beau-coup des médias classi-ques. Dans ces circonstances, les sites Internet sont de-venus les vrais théâtres d’opérations avec la cam-pagne «en live». Une nouvelle génération est née. La première était celle de l’écrit détaillé. La seconde fut celle de la vi-

2010 sur la même vague que … 2006 ? Et si l’opinion Américaine était d’une remarqua-ble constance ? Voilà ce que nous écrivions le 8 mai 2006 au su-jet des élections du mid term en novembre 2006 (lettre 38 page 09) : « En novembre 2006 se dérouleront aux USA les élections dites du mid term. Comme nous en-trons dans le dernier semestre avant l’élection, nous consacrerons régulièrement des rubriques pour vous donner des informations privilégiées sur l’ambiance électorale ou des initiatives nova-trices de certains candidats. Les campagnes actives débutent sur le terrain. Du côté du Parti Démocrate, le dernier week-end d’avril 2006 est marqué par trois temps forts. Tout d’abord, dans plusieurs Etats, le lancement des clips publicitaires payants (ads). Ces clips constituent souvent l’outil privilégié de communi-cation. En réalité, si le site Internet est devenu le support généraliste de communication, le clip publicitaire est l’outil de la communication évè-nementielle.

Ensuite, sur le plan fédéral, le Parti Démocrate renforce ses actions pour dénoncer le Parti Répu-blicain comme le « parti de la corruption et des mensonges ». Les périodes préélectorales sont souvent celles qui, par l’organisation des primai-res internes à chaque parti, sont marquées par des campagnes très offensives. Cette année, les campagnes du Parti Démocrate sont indiscuta-blement très agressives. Enfin, les candidats lancent souvent des « campagnes de proximité », une sorte de porte à porte dans chaque territoire des circonscrip-tions électorales. Le Parti Démocrate fédéral met en exergue la campagne de Gary Trauner dans le Wyoming, candidat à la Chambre des Repré-sentants. Une campagne de proximité méthodi-que conduite dans une circonscription que le Par-ti Démocrate pense reprendre au Parti Républi-cain suite à des comportements assez excentri-ques de la part de l’actuelle élue républicaine. »

Le Parti Républicain a montré sa capacité à se renouveler. Mais fondamentalement, l’opinion Américaine montre une étonnante stabilité dans ses atten-tes.

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velles en cassant les co-des politiques classiques. Les champions des gens ordinaires

Les élections du 2 novem-bre 2010 sont d’abord marquées par la mode des débutants. L’absence d’expérience est devenu un marqueur pour déterminer objecti-vement que le candidat en question n’avait pas pu être contaminé par les mœurs de Washington. Ce souci d’être à l’écart de Washington a ouvert des espaces nouveaux dans les tenues vestimen-taires, la façon même de tenir des discours, les ré-férences aux scènes de la vie quotidienne. La mode des «mamans Grizzly» est l’incarnation même de ce phénomène. Des candidates dont la valeur ajoutée a résidé dans le fait d’assumer comme passeport de compétence leur situation familiale comme labora-toire de la meilleure ex-périence qui soit : lutter contre les tracas de tous les jours. C’est ce parti pris de l’ordinaire qui a été le socle de la victoire républicaine le 2 novem-bre 2010.

déo. Le site Internet est l’écran permanent de la campagne en «live». Cet-te campagne qui doit être visuelle, animée, pleine de rebondissements : le nouveau feuilleton de la vie quotidienne. Pour le reste, les derniè-res élections ont respecté des tendances anciennes dont le retour aux raci-nes. La clef invariable, c’est le candidat qui mouille la chemise en s’enfonçant dans le pays profond. Pendant ce parcours ini-tiatique, il faut être au coin de la rue à serrer des

mains, parler à un petit groupe.

C’est la rencontre avec le peuple, dans une ambian-ce optimiste marquée par le changement possible. La campagne est alors un voyage dans l’Amérique profonde pour rencontrer les citoyens dans un contact direct, physique, charnel qui permet d’im-pliquer le citoyen qui de-vient un acteur très impli-qué dans le processus de décision. C’est cette rencontre que les candidats les plus em-blématiques ont su orga-niser sur des bases nou-

Editeur : Denis Bonzy Newday www.exprimeo.fr

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Loin des caricatures, Nikki Ha-ley est l’une des nouvelles élues du Tea Party en Caroline du Sud. Elle a mené une campagne exemplaire tant dans la ruptu-re attendue que dans l’authen-ticité nouvelle. Une règle de conduite : ne pas être politicien. Cette culture peut-elle impac-ter la France et si oui qui pourrait en être l’incarnation ?

Parution le : 23 novembre 2010 (suite 2/3).