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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 1 Colloque Civique et Citoyen Assemblée nationale | 9 mars 2015 ______ Prélude à l’ouverture David ABIKER, journaliste animateur du colloque ______ M. ABIKER.- En attendant le président de l'Assemblée nationale qui va nous faire le plaisir de nous retrouver, je suis là parce que tout simplement François CHEREQUE me l’a demandé. Je vous donne le programme en attendant Claude BARTOLONE arrive. Vous êtes environ 300, c'est pas mal. On commence en théorie à 9 h 25 sur le service civique avec l’ouverture par Claude BARTOLONE. Je demanderai ensuite à Martin HIRSCH de nous parler de la genèse du service civique. Je passerai ensuite la parole à François CHEREQUE. Tout cela sera interactif. On les empêchera de faire de longs tunnels. On fera en sorte de peut-être les faire débattre entre eux « LE HIRSCH » et « LE CHEREQUE ». Olivier TOCHE et Joaquim TIMOTEO nous présenteront une étude avec des chiffres sur le service civique, son action depuis cinq ans. Puis vous aurez un débat sur l’engagement de la jeunesse et les impacts du service civique sur la société d’aujourd’hui et de demain. J’animerai à cette table, qui n’est pas ronde, une table ronde, avec Anne MUXEL, directrice de recherche au Cevipof, Camille PEUGNY, chercheur en sociologie, Florence AUBENAS, grand reporter, Matthieu RICHE, directeur de la RSE du Groupe Casino. Il y aura aussi des témoignages, notamment celui de Sophia HOCINI, Guillaume MONTROCHER-OBER ainsi que le retour d’expérience de Jérôme ANDRE qui est là. On aura le résultat, tout le début et aussi les perspectives. Ensuite, il y aura la remise des prix du concours photos #ReflexeCivique. Le jury se prononcera. Il y aura évidemment des larmes. Vous savez que le lauréat des concours, généralement, se met à pleurer. Donc j’espère qu’il y aura cette émotion. Discours de conclusion de notre colloque par Patrick KANNER. Un point presse à 12 h 20 mais vous ne serez plus concernés.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 1

Colloque Civique et Citoyen Assemblée nationale | 9 mars 2015

______

Prélude à l’ouverture

David ABIKER, journaliste animateur du colloque ______

M. ABIKER.- En attendant le président de l'Assemblée nationale qui va nous faire le plaisir de nous retrouver, je suis là parce que tout simplement François CHEREQUE me l’a demandé.

Je vous donne le programme en attendant Claude BARTOLONE arrive. Vous êtes environ 300, c'est pas mal. On commence en théorie à 9 h 25 sur le service civique avec l’ouverture par Claude BARTOLONE.

Je demanderai ensuite à Martin HIRSCH de nous parler de la genèse du service civique. Je passerai ensuite la parole à François CHEREQUE. Tout cela sera interactif. On les empêchera de faire de longs tunnels. On fera en sorte de peut-être les faire débattre entre eux « LE HIRSCH » et « LE CHEREQUE ».

Olivier TOCHE et Joaquim TIMOTEO nous présenteront une étude avec des chiffres sur le service civique, son action depuis cinq ans.

Puis vous aurez un débat sur l’engagement de la jeunesse et les impacts du service civique sur la société d’aujourd’hui et de demain. J’animerai à cette table, qui n’est pas ronde, une table ronde, avec Anne MUXEL, directrice de recherche au Cevipof, Camille PEUGNY, chercheur en sociologie, Florence AUBENAS, grand reporter, Matthieu RICHE, directeur de la RSE du Groupe Casino. Il y aura aussi des témoignages, notamment celui de Sophia HOCINI, Guillaume MONTROCHER-OBER ainsi que le retour d’expérience de Jérôme ANDRE qui est là. On aura le résultat, tout le début et aussi les perspectives.

Ensuite, il y aura la remise des prix du concours photos #ReflexeCivique. Le jury se prononcera. Il y aura évidemment des larmes. Vous savez que le lauréat des concours, généralement, se met à pleurer. Donc j’espère qu’il y aura cette émotion.

Discours de conclusion de notre colloque par Patrick KANNER.

Un point presse à 12 h 20 mais vous ne serez plus concernés.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 2

Enfin, il paraît que cet après-midi, le président de la République rencontrera les jeunes du service civique qui sont ici. Il ne peut le faire à l’Assemblée nationale en raison d’un principe qui a plus d’un siècle, celui du principe de séparation des pouvoirs. Le président de la République ne peut pas venir à l’Assemblé nationale. C’est comme ça. Même pour prendre un café ou rencontrer des jeunes du service civique. Sinon, on n’est plus dans un Etat de droit selon un principe défini par Montesquieu, si j’ai bien révisé mes fiches. C’est cela ? Les politologues confirment…

(Rires)

Maintenant vous prenez votre mal en patience. Claude BARTOLONE va arriver. Il ne sera pas venu, lui non plus, pour rien puisqu’il va pouvoir vous dire tout un tas de choses sur le service civique.

Il y a une pression politique et sociale énorme sur ce service civique. François CHEREQUE me disait en off, évidemment, que l’exécutif était pressé. « Ils veulent déjà 150 000 jeunes par an. Comment va-t-on faire ? » Mais CHEREQUE oubliait de me dire qu’il avait quelques moyens et surtout la motivation de toute une société. Il va donc falloir faire le boulot avec vos jeunes, Monsieur le Sergent recruteur CHEREQUE.

Claude BARTOLONE ne repartira pas sans un sweat pour lui et pour le président de la République qu’il sera obligé de porter pour l’interview du 14 juillet.

J’espère que vous allez passer une super matinée. Elle sera placée sous le signe de la bonne humeur parce qu’évidemment, les objectifs qui ont été mis sur le service civique l’ont été au cours d’une période assez dramatique. Que cela ne vous empêche pas de garder le sourire, l’espoir, l’envie de faire des choses parce que l’engagement est quelque chose d’important.

Je sais de quoi je parle puisque je suis moi-même officier de réserve. J'ai fait mon service national, mon service militaire. J’ai été en treillis. Je l’ai fait volontairement et j'en garde un excellent souvenir même s'il n'y a pas grand rapport entre le service civique et le service national mais quelques points communs quand même. On en parlera tout à l’heure au cours du débat et des développements.

Je meuble, je meuble, je meuble, Claude BARTOLONE n'est toujours pas là.

François CHEREQUE, avez-vous envie de meubler aussi, de dire quelques mots ou attendez-vous ?

M. CHEREQUE.- Déjà ?

M. ABIKER.- Je n’en sais rien. Je mets toujours un peu d'inattendu dans les animations. Sinon, on s’emmerde. On y va.

M. CHEREQUE.- Bonjour. Quand on me tend le micro, je le prends toujours. On va donc attendre le président de l’Assemblée nationale. Il était prévu à 9 h 30. Donc il n’est pas en retard.

Mme DHENNIN.- Il arrive, il est en chemin.

M. CHEREQUE.- Il est en chemin, il a juste le boulevard à traverser.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 3

Bonjour à toutes et à tous. D’abord, je voudrais vous remercier d’être là pour cette journée, cet anniversaire. Cinq ans. Cela fait longtemps qu’il ne m’était pas arrivé de fêter mes cinq ans. Je remercie, en particulier, les jeunes en service civique de nous le permettre et à Martin HIRSCH, qui est au départ de cette grande aventure, de nous permettre de le faire cinq ans après.

Je pense que cette idée est venue après des débats. Tu nous raconteras l’histoire. Je ne vais pas le faire à ta place mais je ne suis pas sûr que tu pensais que cinq ans après, on serait dans une telle dynamique. On est boosté par les événements, par l'actualité mais, en même temps, c'est une belle aventure qui était promise à ce développement, même si on va pouvoir en faire un peu plus.

Merci à toutes et à tous. Je ne vais pas citer toutes les personnes qui sont là.

Tous nos intervenants. Je pense qu’à la fin, on n’aura peut-être pas le temps de le faire comme on a toujours quelques minutes de retard. On fera des photos. On en fera plein. C’est filmé.

Les jeunes en service civique qui sont là l'ont fait, le font ou vont le faire. On a toute la palette des engagements. Vous verrez. Ils pourront s'exprimer.

Tout le monde associatif.

Les collectivités territoriales.

Les hôpitaux, Monsieur le Directeur de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui accueillent les jeunes en service civique et qui vont faire un effort surmultiplié pour en accueillir un peu plus.

Tous ceux qui font le service civique.

Je voudrais remercier le personnel de l'Agence qui travaille avec moi. Je vous assure que depuis deux à trois semaines, ça booste un maximum. Je ne sais pas s'ils vont tenir la semaine. Déjà, en fin de semaine dernière, ils étaient très fatigués.

Je remercie aussi tous ceux qui travaillent dans les régions. J’en profite. Ce n’est pas seulement pour meubler. J’ai également l’occasion de le faire. Je pense aux directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et aux directions départementales. C'est important car ce sont eux qui organisent le service civique dans les régions. Certains sont là.

Enfin, je voudrais m'excuser auprès de ceux qu'on a refusés. On a refusé à peu près une centaine de personnes car, pour des raisons de sécurité, on ne pouvait pas être beaucoup plus dans cette salle.

Voilà ce que je voulais vous dire. J'ai l’air idiot maintenant… Non, M. le Président arrive… Non, ce n'est pas lui. Entrez ! Entrez ! Il y a de la place.

M. ABIKER.- On peut dire aussi à ceux qui le souhaiteraient qu’ils peuvent twitter… Merci, François. Allez-y. Vous pouvez twitter. Il y a un mot de passe pour vous connecter au Wifi de l'Assemblée nationale puisque là où nous nous trouvons, nous sommes à 150 mètres sous terre environ. Le code Wifi est « #ServiceCivique », me semble-t-il. C'est cela ?

Mme DHENNIN.- Non, le code Wifi est « AN_Visiteurs ».

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 4

M. ABIKER.- Pour le Wifi, c'est « AN_Visiteurs » et le hashtag pour twitter pendant la rencontre, c'est « #ServiceCivique ».

Dans les colloques, au début, les gens sont très silencieux. Cela dure cinq à six minutes. Ensuite, il y a des petits groupes qui se mettent à bavarder. Comme ils ne s’entendent plus au bout d’un certain moment, le groupe d’à-côté parle beaucoup plus fort. Donc le brouhaha, je vous rassure, devrait intervenir dans sept à huit minutes. Vous pouvez être confiants, il y aura du bruit bientôt.

On va improviser quelque chose. Je vais vers ces jeunes gens qui sont en tee-shirt et qui vont se présenter.

Vous n’avez pas de bol. Bonjour. Vous avez le tee-shirt. Levez-vous…

(Rires)

Dites-nous qui vous êtes, quel âge vous avez et ce que vous faites.

David.- Je m'appelle David. J'ai 19 ans. Je suis du Secours catholique de Chambéry dans une association d'échanges de services.

M. ABIKER.- C'est pas mal. Merci, David. Mademoiselle… Madame. Il faut faire gaffe maintenant.

Marie-Andrée.- Bonjour. Je suis Marie-Andrée. Je viens d’Ajaccio et je suis à la délégation de la Corse pour le Secours catholique.

M. ABIKER.- Bien. Le problème, ce sont les gens qui sont au bord.

Matthieu TINES.- Oui, c’est cela. Bonjour à tous et à toutes. Je suis Matthieu Tinès en service civique aux Petits Frères des Pauvres à Lyon.

M. ABIKER.- Merci. Mademoiselle ?

Divine.- Bonjour à tous, Moi, c’est Divine. Je suis en service civique avec Unis-Cité à Ermont-Eaubonne.

M. ABIKER.- Divine, c'est classe. Et vous ? Oui, vous.

Alisha.- Bonjour. Je suis Alisha. Je fais mon service civique au lycée Jules Verne à Château-Thierry et je viens d'Allemagne.

M. ABIKER.- Et quand on vient d'Allemagne, on peut faire son service civique. C'est génial. Je ne le savais pas.

Monsieur, levez-vous.

Ludji JOAB Bonjour. Je m’appelle Ludji JOAB. Je fais mon service civique à Henri-Mondor, Maisons-Alfort.

M. ABIKER.- Vous avez remarqué que ceux du milieu ne se lèvent pas, ceux des bords se lèvent.

Lucie.- Je me lève ?

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 5

M. ABIKER.- Oui, c’est mieux.

Lucie.- Bonjour. Je m’appelle Lucie. Je suis en service civique à l'association Les Enfants du Canal dans un projet qui s'appelle Romcivic.

Milienne.- Bonjour. Je m’appelle Milienne. Je suis volontaire en service civique à l’UFCV au siège de la délégation de Paris.

M. ABIKER.- L'UFCV, c'est quoi ? Aujourd’hui, c'est journée sans sigle aussi. C’est la journée du Service Civique mais journée sans sigle.

Milienne.- C'est l'Union française des centres de vacances.

M. ABIKER.- Parfait, c'est clair.

Miss ? Vous vous appelez Victor Hugo ? Ah, non.

Anne-Lise.- Bonjour. Je m’appelle Anne-Lise GUILLET. J’ai 25 ans et je fais mon service civique au Secours catholique de Montpellier.

M. ABIKER.- Quelqu'un qui ne soit pas du Secours catholique ?

(Rires)

Il y en a ? Mais c'est vachement bien. J'attends les Scouts maintenant.

Vous. Je vous sens contestataire, vous. Cela fait deux fois que vous intervenez.

INTERVENANT.- Le scoutisme ne se résume pas au Secours catholique et au Scouts et Guides de France.

M. ABIKER.- Evidemment. C’est une association… Mais évidemment. Il y a les protestants. Il y a les juifs. Il y a les musulmans. Il y a les laïcs. Mais évidemment que les scouts sont aussi divers qu'une soirée d'hiver.

A vous. Vous êtes Secours catholique ou pas ? Alors, tenez, vous avez le droit de parler.

Mathilde.- Bonjour. Je suis Mathilde. J’ai 23 ans et je suis en service civique au GENEPI qui est une association étudiante qui milite sur les questions carcérales.

M. ABIKER.- Le GENEPI. Le « JINEPI » ou le « Génépi » ? Ce n'est pas du tout pareil.

Sophia, vous parlerez tout à l'heure mais vous pouvez vous présenter.

Sophia.- Je suis Sophia HOCINI. Je viens de Marseille et je suis volontaire en service civique pour l’Association de la fondation étudiante pour la ville. On a dit qu’on ne faisait pas de sigle. Donc l’AFEV. Voilà.

M. ABIKER.- Bien. Claude, on t'attend.

Tenez, jeune homme. Vous nous raconterez, on va varier un peu, d’où vous venez mais ce que vous y faites.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 6

VOLONTAIRE.- Je suis volontaire pour ATD Quart Monde. Cela veut dire agir tous ensemble pour la dignité. Actuellement, je suis à Paris. C’est exceptionnel puisque je vis en Franche-Comté où j’organise des séjours de vacances.

M. ABIKER.- Très bien. Je refais un petit tour… Martin HIRSCH, pour l’instant, ce que vous entendez ne vous surprend pas ? Il n’y a pas d’association que vous ne connaissiez pas ?

M. HIRSCH.- Non, le Secours catholique, je connaissais. ATD aussi. L’AFEV aussi. On les connaît mais les associations sont nombreuses. Je ne sais plus combien il y a d'associations maintenant. Peut-être plusieurs milliers. En fait, elles ont été au rendez-vous dès le départ. Je pense qu’il n’y en a pas beaucoup qui ont dit non au service civique. Elles sont de plus en plus nombreuses. Effectivement, il n’est pas surprenant de voir qu’ils ont l’air plutôt de bonne humeur, non ?

M. ABIKER.- Ils sont bien. Tout le monde a accepté de répondre aux questions. Il n’y a pas eu de violences, de choses comme cela… Avec les jeunes, je me méfie maintenant.

Bonjour. Vous n'avez pas le tee-shirt, vous, mais vous avez des bons treillis.

Mathilde.- Bonjour. Je m’appelle Mathilde WISSLE. Je suis en service civique chez les Pompiers de Paris. Je suis infirmière, en fait, dans les ambulances de réanimation pompier.

M. ABIKER.- Pompier. Et vous, c’est pareil ?

Guillaume.- Non, du tout. Je m’appelle HERNANDEZ Guillaume. J’ai 19 ans et je suis en stage chez les Pompiers de Paris.

M. ABIKER.- Si, c’est un peu pareil quand même. Enfin, vous n’êtes pas infirmière mais bon…

Théo.- Et moi, c’est pareil. Je m’appelle Théo LAMBERT. J’ai 19 ans.

M. ABIKER.- Les pompiers, ça marche toujours. Ils ont la cote. Merci, Messieurs… Mesdames.

On les aura tous faits avant la fin de la journée. Tiens, vous. Hop !

Manon.- Bonjour. Je m’appelle Manon et je suis en service civique aux Petits Frères des Pauvres.

M. ABIKER.- Vous y faites quoi ?

Manon.- L'accompagnement des personnes âgées, des personnes de plus de 50 ans qui sont isolées ou malades et en situation de précarité.

M. ABIKER.- Bien. On va demander à des gens qui ne sont pas complètement jeunes.

Bonjour. C’est les questions-pièges. Vous avez fait votre service militaire, vous ?

INTERVENANT.- Oui, un peu. 39 ans.

M. ABIKER.- 39 ans ? Vous êtes militaire ?

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 7

INTERVENANT.- Ancien.

M. ABIKER.- Où cela ?

INTERVENANT.- Ancien. Ancien.

M. ABIKER.- Vous ne voulez pas donner de détails. DGSE ?

INTERVENANT.- Non, non.

(Rires)

INTERVENANT.- Non mais je suis directeur général d'une association qui est possible employeur de services civiques, de jeunes.

INTERVENANT.- Cela vous intéresse. Recruteur ?

M. CHEREQUE.- Oui, il est recruteur. Employeur, non.

M. ABIKER.- Recruteur. Il y a une nuance très importante.

M. CHEREQUE.- Oui, tout à fait.

M. ABIKER.- Ce n'est pas tout à fait pareil.

M. CHEREQUE.- Il a cinq minutes de retard.

M. ABIKER.- Il a cinq minutes de retard. On peut continuer la tournée des popotes. Cela ne me dérange pas.

M. CHEREQUE.- J'ai oublié tout à l'heure de remercier David ABIKER qui va animer toute la journée. Vous le connaissez peut-être. Il est journaliste à Europe 1. Je tiens à le remercier, parce qu'on va finir en catastrophe à toute vitesse, de cette aide précieuse qu'il nous apporte et va apporter toute la matinée.

M. ABIKER.- Merci.

(Applaudissements)

Allez, on continue. Je vous ai posé la question ?

Florina.- Non.

M. ABIKER.- Ne levez pas les yeux au ciel. Levez-vous plutôt et dites-nous ce que vous faites.

Florina.- Bonjour. Je suis volontaire en service civique aux Enfants du Canal. Je m'appelle Florina. Je suis Roumaine et on travaille sur le projet Romcivic aux Enfants du Canal.

M. ABIKER.- Donc le service civique, c'est l’Europe comme le soulignait Martin HIRSCH tout à l'heure.

Nina.- Bonjour. Je suis Nina TRENEL. J’ai 24 ans et je fais du volontariat à l'Association pour la fondation étudiante pour la ville à Paris.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 8

M. ABIKER.- Bien. Monsieur ?

Valentin.- Bonjour. Je m’appelle Valentin PINEAU. J’ai 22 ans. Je suis volontaire service civique auprès de l'association Energie Jeunes. Energie Jeunes, en fait, c'est pour lutter contre le décrochage scolaire. On apprend l'autodiscipline aux élèves et cela, pendant tout le parcours du collège, de la 6ème jusqu’en 3ème.

M. ABIKER.- Comment s’autodiscipline-t-on ?

Valentin.- On a certaines méthodes. C'est surtout par rapport à la motivation, des méthodes de travail. On leur apprend à se coucher plus tôt… Oui, cela me paraît logique.

Je me suis mis au milieu exprès pour qu'on ne me pose pas de question. Apparemment, ça a foiré.

(Rires)

Et donc des méthodes pour mieux apprendre. Voilà.

M. ABIKER.- Merci. Donc si vous n'avez pas de discipline, couchez vous plus tôt.

Vous ! Non, Victor Hugo. Oui, c'est vrai.

Vous, Mademoiselle.

Camille.- Bonjour. Je m'appelle Camille ROUGNON. Je suis volontaire en service civique chez Energie Jeunes. Je m'occupe de la logistique du matériel pédagogique et je fais aussi des interventions en classe.

M. ABIKER.- Donc si on perd du matériel, c’est de votre faute. Bonjour.

Djaga.- Bonjour. Je m’appelle Djaga. Je suis accompagnatrice au service d’accueil d'urgence de l’hôpital Bichat.

M. ABIKER.- Accompagnatrice, c'est-à-dire que vous aidez les gens qui arrivent en catastrophe à se repérer, à trouver un service, à patienter.

Djaga.- Oui.

M. ABIKER.- C’est le stress.

Djaga.- Oui.

M. ABIKER.- Vous êtes stressée ?

Djaga.- Non.

M. ABIKER.- C’est bien. C’est ce qu’il fallait répondre.

Ça y est ? Il y en a qui se plaignent parce qu’on ne leur a pas posé la question. « Oh non ! Ce n’est pas vrai ! Waouh ! » Vous vouliez le micro, allez-y.

VOLONTAIRE.- Non, c'est elle qui voulait le micro.

M. ABIKER.- C’est elle qui voulait le micro. Non, allez. J’ai fait le déplacement.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 9

Chancella DIBER DOLLET.- Bonjour. Je m’appelle Chancella. J'ai 20 ans et je fais ma mission de service civique au point d’accès aux droits dans la ville d’Evry.

M. ABIKER.- Donc vous êtes juriste.

Chancella.- Oui, je suis en fac de droit. Future juriste.

Amel.- Bonjour. Je m’appelle Amel. Je suis en service civique à la mairie d’Evry au service Jeunesse même.

Gilan.- Bonjour à tous. Je m’appelle Gilan. J’ai 20 ans et je suis en service civique à la mairie d’Evry aussi au service Communication.

M. ABIKER.- Là il y a un groupuscule mairie d’Evry. Mais il y a quelqu’un de connu qui a été maire d’Evry, non ? Oui.

Ahmadou Lamine BERTE.- Ahmadou Lamine BERTE. Volontaire en service civique de la mairie d’Evry pour les découvertes institutionnelles.

M. ABIKER.- Et vous ne voulez pas vous mélanger aux autres et tout cela. Vous restez entre vous.

VOLONTAIRE.- Il y en a de l'autre côté aussi.

M. ABIKER.- Il y en a de l’autre côté de la mairie d’Evry. Allez, on y va.

VOLONTAIRE.- Non, pas d’Evry.

M. ABIKER.- Ah bon, pas d’Evry. C'est la mairie de Meaux ? Non.

Stéphanie.- Bonjour à tous. Je suis Stéphanie NAISSANT. J’ai 26 ans, donc ex-volontaire service civique. J'étais avec le défenseur des droits. Donc je sensibilisais les jeunes sur leurs droits, droits des enfants, et les informais sur l’institution qui n’est pas bien connue d'eux... (problème de micro)… Ne vous inquiétez pas… Et surtout, je suis… Voilà… Bonjour à tous. Et je suis lauréate de l'Institut du service civique avec mes camarades.

(Applaudissements)

Merci.

M. ABIKER.- Ce n'est pas fini. On a une lauréate. Elle a fini son service civique. On va faire un petit interview de dix minutes.

Donc Ex, défenseur des droits, lauréate. Ex, qu’en avez-vous retenu et pourquoi l'avez-vous fait d'abord ?

Stéphanie.- Bonne question. En fait, pour moi, cela a été à la suite de mon Master 2. J’ai fait un master Droit public des collectivités territoriales et je n'ai pas eu l'occasion pendant mes études de m'investir vraiment dans l'associatif. J’ai travaillé pour mes études et je me suis dit qu’avant d'entamer ma carrière professionnelle longue, j'espère, et prospère...

M. ABIKER.- Surtout que les collectivités locales recrutent énormément. Elles recrutent trop même.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 10

Stéphanie.- Beaucoup même. J’ai dû refuser beaucoup d’offres… Non, j'ai voulu vraiment me lancer dans le service civique parce que je voulais m'engager. Cela m'a permis de m’ouvrir un peu plus sur l'économie sociale et solidaire. Du coup, je travaille actuellement dans un centre social à Dugny dans le 93 où j’accompagne à l’emploi et je fais des ateliers sociolinguistiques. Cela m'a un peu sortie du droit, finalement. Mais cela m’a fait m’ouvrir.

M. ABIKER.- Défenseur des droits. Vous avez donc connu et Dominique BAUDIS et Jacques TOUBON.

Stéphanie.- Je n’ai pas rencontré Jacques TOUBON.

M. ABIKER.- Non, il est arrivé après.

Stéphanie.- Après.

M. ABIKER.- D’accord. Que faisiez-vous chez le défenseur des droits ?

Stéphanie.- J’étais JADE, jeune ambassadrice des droits auprès des enfants.

M. ABIKER.- C’est fou ce que ce secteur associatif adore les sigles. Et quand il trouve un très beau sigle comme JADE, il est content ! « J’étais JADE ! » « JADE… » J’allais dire « JADE et jolie » mais non. « JADE », jeune ?

Stéphanie.- Jeune ambassadrice des droits auprès des enfants.

M. ABIKER.- Objectifs ?

Stéphanie.- Objectifs, dans les collèges, les hôpitaux, les centres sociaux, tous les lieux où il y a des enfants, on les rencontre, on fait des activités. On fait du ludique, en fait, pour parler des droits des enfants et de la convention internationale des droits de l’enfant.

M. ABIKER.- Pour ou contre la fessée ?

Stéphanie.- C’est un de nos débats en classe. Donc je ne me positionnerai pas. Justement, Il fallait être plutôt neutre et expliquer les choses pour que les...

M. ABIKER.- Vous savez que si on renonce à la fessée, il y a des gens qui disent que c'est un abandon de souveraineté.

Stéphanie.- C’est un vaste débat. C’est délicat.

M. ABIKER.- Battrez-vous vos enfants ou pas ?

Stéphanie.- Non, j’éviterai. Non. Par rapport à tout ce que je… Non, j’éviterai. Je ne pense pas.

M. ABIKER.- Sinon, si vous continuiez à battre vos enfants, vous n’auriez pas été lauréate. Pourquoi avez-vous été lauréate ?

Stéphanie.- Pourquoi j'ai voulu être lauréate plutôt ? Enfin, je ne sais pas.

M. ABIKER.- Je ne sais pas. C’est quelqu’un qui décide. On n’est pas auto-lauré.

(Rires)

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 11

Stéphanie.- Je ne sais pas pourquoi j’ai été choisie mais je sais pourquoi je voulais le faire en tout cas. C'était pour justement être dans la continuité de mon service civique, pouvoir rencontrer, participer à des colloques. On fait des événements, des visites, des choses auxquelles je n’avais pas forcément accès. Donc rencontrer d'autres lauréats qui font plein de choses dans toute la France et être suivie par des personnes qui vraiment nous accompagnent tout le temps au quotidien. Cela m'a même complètement aidée dans ma recherche d'emploi.

M. ABIKER.- Parce que vous avez trouvé ?

Stéphanie.- Oui, je travaille actuellement.

M. ABIKER.- Ce n’est pas vrai !

Stéphanie.- Oui.

M. ABIKER.- Un jeune qui a du travail.

(Applaudissements)

Deuxième interview de dix minutes. Vous avez trouvé du travail ?

Stéphanie.- J'ai trouvé du travail. Ce fut quand même laborieux, je dois le dire. Après mon service civique, j'ai cherché quand même pendant plusieurs mois. Ce qui était bien, c’est que l'institut m'a vraiment accompagnée. Il m'a permis de rencontrer des personnes, et par une rencontre vraiment, cela s'est fait comme cela. Une autre lauréate et moi avons été recrutées comme cela.

M. ABIKER.- Etes-vous entrée dans la banque et la finance ou avez-vous continué dans les collectivités locales ?

Stéphanie.- Je continue. Comme je l’ai dit, je suis à la mairie de Dugny. Vous n'avez pas suivi…

M. ABIKER.- Non.

(Rires)

Non, je m’attendais à la mairie de Meaux, mais la mairie de Dugny, je ne connais pas.

Stéphanie.- Non, dans le 93, Dugny. Je suis dans la collectivité territoriale complètement. En même temps, c'est en lien avec mes études et avec le service civique que j'ai pu faire. Je suis donc ravie.

M. ABIKER.- C’est vrai que vous avez l’air hyper épanoui. Qu’allez-vous dire à François HOLLANDE tout à l’heure ? S'il s'approche de vous, qu’il vous dise bonjour et vous pose une question, allez-vous vous effondrer en larmes, le serrer dans vos bras ? Que ferez-vous ?

Stéphanie.- Non, je serai quand même impressionnée de le rencontrer. Je l'avais croisé aux Solidays mais j’avais vu le haut de son crâne, en fait. Il y avait plein de monde.

(Rires)

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 12

M. ABIKER.- Première connerie. C’est bien. C’était un sans-faute. Vous aviez fait un sans-faute vraiment. Vous ne serez pas présentée à François HOLLANDE. Quel dommage !

(Rires)

Stéphanie.- Je ne l’avais pas rencontré vraiment face à face. Donc là, ce sera déjà un plaisir de le rencontrer. Cela va m'impressionner honnêtement.

M. ABIKER.- Bravo. Merci. Pas mal… Pas mal.

(Applaudissements)

On en prend un autre ? Un lauréat. Un garçon ? Allez, affirmez-vous. Levez-vous. En France, on a du mal à remplir les premiers rangs et le premier qui prend la parole est un lèche-cul. Il ne faut plus penser comme cela. C'est débile. Allez, le garçon, là. Vous avez mis du gel et tout. Donc vous pouvez parler.

(Rires)

Maxime.- Bonjour à tous. Je m’appelle Maxime FAVETTE. Je suis lauréat de l'Institut du service civique 2013. J’ai fait mon service civique à l’UFCV, comme le jeune homme juste là-bas. Donc l’Union française des centres de vacances. Je faisais de la création de séjours de vacances pour les jeunes principalement dans un petit centre de loisirs en Normandie. J'ai intégré l'Institut du service civique en 2013. J'ai pu intégrer, grâce à l’institut, une école de commerce à Paris, l’ESCE Paris, et aujourd’hui je suis en stage de fin d’études chez Accenture Consulting.

(Applaudissements)

M. ABIKER.- Ce n'est pas fini. Cela veut dire que sur votre CV, la ligne « service civique » vous a plutôt servi.

Maxime.- Oui, totalement.

M. ABIKER.- Donc vous avez eu des entretiens, etc. Et les gars ont dit « Houlà ! Vous avez fait votre service civique, mon garçon. C'est bien ! C'est ça. Bon esprit ! ».

Maxime.- C'est un peu cela, oui.

M. ABIKER.- Comment l'avez-vous défendu ?

Maxime.- Pour moi, le service civique était une continuité parce que je faisais beaucoup de centres de vacances quand j'étais jeune. C'était l'occasion de m'investir un peu plus pendant à peu près neuf mois dans une association. Sur mon CV, après, cela m’a servi parce que lors des entretiens, c’est vrai que ce n'est pas très connu encore, malheureusement, pour certaines entreprises, mais par exemple, pour Accenture, cela a eu aussi un poids. Ils ont réussi à comprendre ce que j'avais fait et, du coup, c’était intéressant.

M. ABIKER.- Alors là, effectivement, c’est un des enjeux du service civique : dans les endroits où on peut accueillir ou recruter des gens qui ont fait leur service civique, il faut expliquer à tout le monde son service civique, comment ça marche, qui le fait, etc. et que c’est valorisant pour la ligne du CV.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 13

On arrive au terme de ce colloque. Laissez-moi vous remercier d’être venus. Il est 12 h 05 déjà.

Le coin Administration. On m’a dit qu'il y a des services civiques Administration dans le coin. M'aurait-on menti ? Ce n'est pas vous... Non ? Vous vous cachiez comme cela, je me suis dit... Où sont-ils ? Service civique, non ?

INTERVENANTE.- Référente.

M. ABIKER.- Les référents.

INTERVENANT.- Les référents s’organisent.

M. ABIKER.- Vous l’organisez. Qu’est-ce qu’un référent, mon Référent,… mon Référent père ? Allez, hop !

INTERVENANT.- Bonjour. Un référent est quelqu'un qui travaille dans chaque région sous l’autorité du préfet, d’une directrice ou d’un directeur régional de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale, en lien étroit avec l'Agence du service civique et qui fait la promotion, contribue au développement et veille à la qualité des missions de service civique dans toutes les régions de France.

M. ABIKER.- Non, ce n’est pas fini. Cela veut dire qu’en fait, vous allez voir les associations, les organismes susceptibles de les accueillir. Vous achevez de les convaincre qu’il faut en prendre et, évidemment, vous êtes soumis aux objectifs que le président de la République va fixer au préfet. Il faut faire du chiffre dans la quantité et la qualité. C'est cela ? Racontez-nous un peu la prospection.

INTERVENANT.- La prospection se fait à la fois au niveau régional et au niveau départemental grâce à des collègues dans les directions départementales de la cohésion sociale qui font vraiment un travail de terrain. L'enjeu est, effectivement, d'aller à la rencontre des associations et des collectivités locales, mais aussi des établissements publics ou des hôpitaux, des établissements scolaires, pour parler du service civique et les convaincre d’en accueillir. On contribue aussi à la mise en œuvre des grands programmes nationaux, notamment aux formules service civique « lutte contre le décrochage scolaire » ou aussi par rapport à l'accessibilité, par rapport aux jeunes en situation de handicap pour qu’eux aussi puissent avoir accès au service civique.

M. ABIKER.- Quand on est une association ou une entreprise ou même un service, quand on a déjà du mal à accueillir les stagiaires, on se demande comment on va les faire bosser et ce qu’on va leur faire faire. Aidez-vous ces associations à définir le poste ? Même si ce n’est pas un poste de travail au sens strict, il faut quand même faire quelque chose. Donc il faut le définir. Il faut définir des horaires, etc. C'est toute une « économie » qui ne doit pas se confondre avec celle d’un véritable emploi. Et c’est là que cela devient compliqué. Vous allez répondre à la question, je vous rends le micro.

INTERVENANT.- Oui, c'est extrêmement compliqué. L'enjeu est bien de permettre aux structures qui accueillent les volontaires à la fois, d’un point de vue sémantique, de bien être sur du volontariat et de bien définir des missions qui ne soient pas de la substitution à l'emploi, qui ne soient pas ce que l’on peut imaginer de la part d’un stagiaire, et qui vont aussi impliquer notamment, en termes de tutorat, que des personnes qui sont salariées ou bénévoles veillent à la qualité de l’accompagnement durant les missions mais aussi par rapport à l'après-volontariat car, là, on a vu dans les témoignages que ce qui était très important était, certes, ce qui se passait pendant la mission mais surtout à l’après-

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 14

volontariat. Là, il y a autant de jeunes que de parcours et de potentiel. L'accompagnement est donc extrêmement important.

M. ABIKER.- Merci pour ces précisions. On aura l’occasion d’y revenir pendant le colloque.

Claude BARTOLONE, me dit-on, va arriver d'une minute à l'autre pour la conclusion de nos débats.

Je vais rendre le micro à François CHEREQUE. François CHEREQUE est-il là ou est-il dehors ?

INTERVENANT.- Il est dehors.

M. ABIKER.- Il est dehors. Donc c’est François CHEREQUE qui va accueillir le président de l'Assemblée nationale.

Où parle Claude BARTOLONE ? Vous voulez qu’il soit ici comme un vrai président de l’Assemblée nationale ?

(Mme DHENNIN confirme)

A la tribune, OK.

Merci à tous ceux qui nous ont non seulement aidés à meubler mais à entrer dans le sujet. C’était vachement bien d’entrer par le début.

Vous savez qu’en France, quand on commence des exposés, il y a toujours un contexte incroyable. On fait des diagnostics dans tous les sens. « Compte tenu de… » « Et parce que les temps sont difficiles… » C'est fini ? Il arrive ? En tout cas, on est entré direct dans l'affaire.

Le film.

(Projection du film de présentation du service civique)

M. ABIKER.- C'est tout ?

(Rires)

Ça dure six mois un service civique au moins, vous faites un film de trente secondes.

INTERVENANTE (hors micro).- Il n’y a pas de service civique correct…

M. ABIKER.- Mais vous poserez les questions tout à l'heure. Qu'est-ce que c'est que cette façon d’intervenir ? Mais c’est incroyable ! Pourquoi n'avez-vous pas demandé s'il y avait un service civique en Suisse ? Peut-être que les Suisses ont besoin de nous aussi.

Voilà le président de l'Assemblée nationale, Claude BARTOLONE, escorté de François CHEREQUE.

(Entrée de M. BARTOLONE à 9 h 51)

M. ABIKER.- Il y a une tribune ici, Président. Bonjour. Mes respects, Président. La tribune est là.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 15

Le rôle du Président est d’introduire le colloque.

On s'est pas mal marré en vous attendant. On aurait pu regarder notre montre, etc., mais il y a déjà pas mal d’ambiance. Donc la salle est chaude. Donc si vous avez envie d’être un peu free style, tranquille. Vous pouvez y aller.

Claude BARTOLONE, on vous écoute. Merci d'introduire ce colloque. On est tous en piste.

Je vais demander à Joaquim TIMOTEO et Olivier TOCHE de nous rejoindre à la tribune et, dans une poignée de secondes, c’est à vous, Président.

M. BARTOLONE.- Très bien, vous me le dites.

M. ABIKER.- Je vous le dis… C’est parti, Président.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 16

Ouverture

Intervention de Claude BARTOLONE, président de l’Assemblée nationale ______

Monsieur le président, cher François, Monsieur le directeur général, cher Martin, Monsieur le directeur de l’INJEP, Mesdames et messieurs, Chers amis,

C’est avec un très grand plaisir que je vous accueille ce matin à l’Assemblée nationale pour célébrer, à l’occasion de ce colloque, les 5 ans du service civique.

Quel symbole ! Quel symbole de nous retrouver pour cette occasion dans la salle Victor Hugo, ce géant indigné, ce combattant résolu et intransigeant de la République !

Le service civique est né, en effet, d’un besoin de République.

Lorsque le président CHIRAC a décidé la suspension du service national obligatoire et donc, en premier lieu, du service militaire, c’était certes parce que nos armées devaient changer de format mais aussi parce que le service national ne remplissait plus alors cette fonction de creuset républicain que mettent aujourd’hui en avant ceux qui le regrettent.

Il ne remplissait plus cette fonction parce que toute une partie de notre jeunesse n’y trouvait aucun sens, le considérait comme une contrainte et cherchait à s’y dérober, d’une façon ou d’une autre.

A cette époque, les formes de service civil – par plusieurs traits, les ancêtres de l’actuel engagement de service civique – étaient ainsi totalement discriminantes puisque largement réservées aux diplômés.

C’est parce que ce service national apparaissait aux Français en décalage total avec son essence républicaine qu’il a pu disparaître en même temps qu’était décidée la professionnalisation de nos armées.

Dès la disparition du service militaire, ont ainsi émergé de nombreuses initiatives, destinées à favoriser les différentes formes d’engagement volontaire, et qui allaient permettre de prendre en compte la volonté d’engagement des filles. On ne peut pas dire que le service militaire permettait de prendre en compte cette dimension.

Mais sans statut, sans valorisation, bref, sans réelle reconnaissance, elles n’ont pas connu le succès attendu. Nous avons collectivement échoué, c’est vrai, à mettre en place un véritable service civil et volontaire, lors de la fin de la conscription.

Depuis que le président de la République m’a confié une mission de réflexion et de proposition sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine, je constate les nombreux parallèles entre les débats d’il y a 10 à 15 ans et ceux d’aujourd’hui.

Preuve que nous n’avons que partiellement répondu aux enjeux : c’est d’ailleurs le sens de vos travaux ce matin : comment aller plus loin dans l’engagement citoyen avec le service civique ?

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 17

Les principaux points communs sont, à mes yeux, le contexte dans lequel se rouvre le débat et le fait qu’il soit rapidement, trop rapidement d’ailleurs, ramené à l’alternative volontariat ou obligation.

Il y a 10 ans, ce sont les émeutes urbaines qui ont placé au cœur du débat public la question d’un véritable service civil.

Ce sont les partisans d’un service obligatoire d’ailleurs, je pense à Max ARMANET, Edgar MORIN, Stéphane HESSEL ou Germaine TILLON, qui ont lancé ce débat et qui ont, rapidement, obtenu le soutien de 400 parlementaires et de 10 000 citoyens.

Parce que le service civil, mis alors en place, est apparu rapidement comme insuffisant, les trois principaux candidats à l’élection présidentielle de 2007 ont partagé le projet d’un service civique plus structuré et qui ne serait pas, dans un premier temps au moins, obligatoire.

L’ambition était au moins d’un « service obligatoirement proposé », pour reprendre une expression alors employée et qui trouve son écho dans l’annonce d’un service universel faite il y a quelques semaines par l’actuel président de la République, François HOLLANDE.

Comme en 2005, c’est dans un climat de sidération de notre communauté nationale que ressurgit aujourd’hui ce débat. Une sidération d’un tout autre ordre, j’en conviens, bien sûr, une sidération face à l’impensable.

Car l’assassinat froid et systématique de 17 personnes parce qu’elles incarnaient la liberté de penser, l’ordre républicain pour d’autres ou parce simplement qu’elles étaient juives et cela, 70 ans après la libération des camps nazis, c’était pour notre communauté républicaine, rien d’autre qu’impensable.

Bien sûr, il n’y a la place pour aucune sorte de généralisation entre ces trajectoires criminelles et terroristes et la crise du message républicain.

Parce qu’évidemment il ne saurait y avoir aucune justification sociale ou sociologique au parcours de mort de ces centaines de jeunes partis rejoindre en Iraq, au Yémen ou en Syrie des organisations terroristes et dont certains avaient, tout donnait à le penser, justement bénéficié de cette promesse républicaine.

Pour le dire simplement, le service civique, comme toutes les formes d’engagement citoyen, ne sont pas des outils de la lutte contre les terroristes.

Mais si, demain, nous réinstallons la République partout, si chacun, dans le monde rural comme dans les quartiers, peut très concrètement voir de nouveau s’incarner cette promesse, alors aucune propagande ne pourra plus se nourrir des déceptions, des replis et des discriminations.

Nous ne devons pas avoir seulement à l’esprit ceux qui s’excluent de notre communauté républicaine mais aussi ceux qui affirment les comprendre et ceux qui ne voient pas de raison pour participer aux moments de communion nationale.

Nous devons parler avec eux de leur ressenti. Mais pour y répondre, une chose est à mes yeux certaine : il faut à nouveau que les valeurs de la République s’incarnent, se vivent et non seulement se scandent.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 18

Nos mots n’ont plus le droit de sonner creux ou faux.

Cette ambition, c’est naturellement la vôtre, ici rassemblés, acteurs du service civique, depuis 5 ans, avec un succès incontestable. Le service civique, né dans un climat de très large consensus politique en 2010, a accueilli plus de 80 000 jeunes.

Chiffre encore modeste, me direz-vous, au regard du nombre actuel de candidats potentiels.

Mais nous connaissons tous ici les difficultés pour qu’une telle structure puisse atteindre sa « vitesse de croisière » et nous avons tous à l’esprit également les contraintes financières qui ont pesé jusqu’à aujourd’hui sur l’Agence mais qui vous a permis quand même l’an dernier de proposer, je crois, 23 000 nouveaux contrats.

Disons les choses clairement : le service civique est victime de son succès, avec cinq demandes pour une mission proposée.

Avec l’initiative « La France s’engage », l’an dernier, et avec, il y a quelques semaines, l’annonce que chaque jeune qui le souhaite pourra se voir offrir une mission, le président de la République vous a tracé une feuille de route, c’est le moins qu’on puisse dire, ambitieuse, et à laquelle vous ne répondrez pas que par des moyens supplémentaires.

Même si, et je sais que les services de ministère de la Ville y seront vigilants, ces moyens supplémentaires seront, bien sûr, indispensables.

La réussite du service civique ne se mesure pas seulement à cette aune du nombre de candidats.

C’est également le succès d’un message fort, en direction de la jeunesse et de la société toute entière, avec les neuf thématiques prioritaires définies.

Avec, en premier lieu, les missions qui se déroulent dans le champ de la solidarité en direction des plus fragiles, des personnes isolées, en insertion ou réinsertion, le service civique a fait participer en 5 ans plus de 15 000 jeunes à la mise en œuvre de nos politiques sociales, et ainsi illustré très concrètement que la consolidation du lien social n’était pas la seule affaire des pouvoirs publics ou des professionnels, mais aussi celle des citoyens, dans une démarche d’engagement.

C’est ainsi que les volontés individuelles d’engagement trouvent à s’exprimer, grâce au rôle d’orientation et d’intermédiation de l’Agence et à la mobilisation de plus de 4 000 structures d’accueil, et qu’elles participent ainsi activement à la réalisation de politiques publiques.

Autrement dit, s’est mise en place une mécanique vertueuse qui permet de favoriser naturellement la mixité et la cohésion sociale.

Cette mixité, vous devez le savoir, moi, élu de la Seine-Saint-Denis, j’y suis particulièrement attaché.

Elu d’un territoire facilement stigmatisé, je sais combien le sentiment de relégation peut produire chez les habitants de conséquences négatives que la relégation elle-même. Parce qu’aux plafonds de verre que notre société a engendrés s’ajoutent les plafonds qu’ils se créent eux-mêmes.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 19

Et ce n’est pas par les mots que nous pouvons les détruire. Parce que nos mots, hélas, trop souvent ne portent plus. Nous devons leur montrer que rien ne leur interdit ni impossible au simple fait qu’ils sont nés ou vivent dans ces territoires.

C’est pourquoi j’ai été particulièrement sensible aux derniers chiffres communiqués par l’Agence du service civique sur le profil des jeunes engagés.

Il n’y a pas, au regard des statistiques, de sous-représentation des jeunes résidant dans les quartiers prioritaires.

Nous devons réfléchir à l’opportunité, à l’inverse, d’aller maintenant vers une pondération inverse, une légère surreprésentation.

Dans la mesure où cet outil d’intégration professionnelle et sociale fonctionne bien, dans la mesure où il permet aux jeunes, à l’issue de leur mission, d’avoir une image plus positive de leur environnement social et d’être ensuite plus actifs dans la recherche d’un emploi, dans la mesure où ces effets positifs sont d’autant plus marqués que les jeunes sont moins qualifiés et les moins favorisés, et que la mission a permis de leur offrir un cadre structurant, ne devons-nous pas renforcer la dimension « rattrapage » du service civique ?

Mais en tout cas, dans l’immédiat, je me réjouis de voir que le service civique n’est pas ou en tout cas n’est plus, contrairement à ce que certains laissaient encore penser, un outil pour les jeunes socialement et scolairement les plus favorisés, bref un outil supplémentaire de reproduction sociale.

Car ce n’est pas à ceux qui le connaissent déjà que nous devons réserver l’opportunité de rencontrer le succès.

J’évoquais tout à l’heure le débat sur le caractère obligatoire que certains voudraient attribuer au service civique.

Si un débat serein sur l’existence du temps obligatoire qui viendrait prolonger et densifier la journée défense et citoyenneté est souhaitable, je pense que nous devons éviter d’une part la nostalgie de l’âge d’or perdu car, comme je le soulignais, le service militaire n’était plus dans les années 90 ce qu’il avait été et aurait dû rester.

De plus, dans le cadre d’un service civil, inscrit dans le champ social et territorial, je m’interroge sur la compatibilité des notions d’engagement et d’obligation.

Autant il me paraît souhaitable que certains parcours de formation intègrent un temps citoyen, autant il me paraît évident qu’il faut renforcer de façon très visible et très concrète la reconnaissance des engagements volontaires en créant pour les élèves, les étudiants, les apprentis voire les salariés une « valorisation des acquis de l’engagement » sur le modèle de la VAE, autant je crains qu’un service civique obligatoire pour tous les jeunes à un âge donné soit vu comme quelque chose de désincarné dont la dimension contraignante pourrait être contre-productive.

Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans saluer le mouvement associatif, sans lequel le service civique n’aurait pu connaître le succès qui est le sien et sans lequel la nouvelle phase qui s’ouvre ne pourrait se réaliser. Notre pays est, en Europe, un des pays où la société civile a su le plus et le mieux se structurer hors du champ caritatif, avec plus d’un million d’associations de tous ordres.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 20

Ce monde associatif, que l’on nous dit souvent en crise, a ainsi pourtant répondu présent au défi du service civique et je ne doute pas qu’il le fera encore dans les prochains mois.

Parce qu’au-delà de la solidarité, le sport, l’éducation populaire, l’environnement sont autant de champs par lesquels la citoyenneté et l’appartenance à la communauté républicaine apprennent à se vivre, sans grands discours, par l’évidence des actions réalisées, des liens tissés et des échanges noués.

Le service civique est un magnifique outil pour redonner, par l’engagement citoyen, de la chair et donc du sens aux notions fondatrices de notre République, la liberté de s’affranchir de ses assignations sociales et territoriales, l’égalité réelle et la fraternité.

Je souhaite donc au service civique et à ses acteurs un bel anniversaire et l’espoir que, pour ses 10 ans, nous pourrons de nouveau dresser un bilan réussi, celui de son ouverture universelle à tous ceux qui souhaitent s’y investir.

Je vous souhaite une matinée fructueuse.

Et puisque lundi matin, on m’a demandé aussi une partie de « free style »…

M. ABIKER.- Exactement. Vous savez qu’il y a les dérapages et les reprises AFP.

M. BARTOLONE.- Je vais vous dire une chose, je regrette profondément que ce soit une marque multinationale sportive et en anglais qui a trouvé cette belle formule mais je voudrais que l’Etat, les collectivités locales, les associations puissent proposer à chaque jeune le choix dans un engagement civique et qu’après, il puisse se dire une seule chose : « just do it ! ».

(Rires)

M. ABIKER.- « Juste fais-le ! »

(Applaudissements)

Claude BARTOLONE, puisque vous évoquez le sport et ses valeurs, au nom des pouvoirs qui me sont conférés par les budgets et les crédits budgétaires nouveaux de François CHEREQUE, je vous offre, nous vous offrons ce sweat du service civique. Donc mercredi prochain, aux questions parlementaires…

M. BARTOLONE.- Je le mets.

M. ABIKER.- Chiche ! Vous le pourriez.

(Rires)

Interdit ? Vous pouvez le mettre avec une cravate, ça marche.

M. BARTOLONE.- La preuve !

M. ABIKER.- J’ai ma cravate. Président, merci. On va continuer le colloque. SI vous voulez rester, vous restez.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 21

Histoire, enjeux du Service Civique et perspectives ______

Martin HIRSCH, directeur général de l’AP-HP, président de l’Institut du service civique

François CHEREQUE, président de l’Agence du service civique, inspecteur général des Affaires sociales

______

M. ABIKER.- Martin HIRSCH… Je donne la parole à Martin HIRSCH, François CHEREQUE, parce que je ne veux pas créer d'incident diplomatique. Je fais très attention.

Martin HIRSCH, c'est l'éternel jeune homme de l'engagement, de l'intérêt général. J'allais dire que vous êtes le grand-père du service civique. Mais non ! C’est je jeune oncle, le grand frère du service civique.

Martin HIRSCH, on a envie de vous entendre finalement sur les intentions de départ, ce qui s'est passé et ce qui reste à faire.

Vous allez partager la parole avec François CHEREQUE qui va donner des perspectives par rapport aux objectifs récents donnés par le président de la République, lourde tâche, mais vous, sur ce qu’est devenu le service civique et vos intentions de départ. Peut-être aussi sur la genèse. Si finalement vous êtes satisfait ou à moitié. Il ne faut jamais être complètement satisfait.

M. HIRSCH.- Il ne faut jamais être autosatisfait mais je pense que ce qui caractérise le service civique c’est que les jeunes qui l’ont fait en sont satisfaits. Cette satisfaction est partagée.

On n'est pas loin des idéaux de départ. On ne s’est pas trompé quand on est venu devant le parlement proposer cette loi ou, plus exactement, quand le parlement a travaillé avec le gouvernement et les associations pour que le service civique naisse, il y a cinq ans.

Toutes celles et tous ceux qui avaient milité dans les associations savaient que les associations pouvaient être réceptives pour accueillir des jeunes qui accomplissent des missions, qui les aident et qui soient probablement plus tard des engagés de longue durée. Cela m’avait frappé.

Je me suis retrouvé à m’occuper du service civique un an avant la loi, en 2009, quand on m'a demandé d'être haut-commissaire à la Jeunesse. J'ai succédé à une ministre qui s’appelait Roselyne BACHELOT. Je l’ai appelée la veille en lui disant : « Ecoute, il paraît que, demain, je vais m’occuper de la jeunesse ». Elle m’a dit : « Très bien. Je vais te donner un double conseil. Premier conseil, il y a un truc, ce n'est même pas la peine d'essayer, ne le fais surtout pas, c'est le service civique. Tu n’y arriveras pas. Il faut des sous. Il y a eu des rapports. C’est très bien. Laisse les rapports. Mais ne t’occupe pas de cela. N’essaie pas de le faire, ça va se planter. En revanche, un truc qui ne coûte rien, le vote à 16 ans pour les jeunes ».

Avant de prendre mon boulot, je suis allé voir des jeunes et leur ai dit : « Ecoutez, je vous laisse le choix. Que prenez-vous ? Le service civique ou le vote à 16 ans ? ». Ils m’ont dit : « Le vote à 16 ans, on n’en a rien à foutre. Le service civique, en revanche, ça nous intéresse ».

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 22

On est parti là-dessus en se disant que si on ne voulait pas se planter, il fallait qu’on le construise, du coup, entre nous, vieux qui n’avons pas forcément compris les choses, mais en essayant de travailler ensemble avec des jeunes, des mouvements de jeunes, avec les acteurs associatifs, avec des élus.

Pour le faire, on a essayé de partir de quatre ou cinq principes.

Le premier, c'est de ne pas se gourer de diagnostic. Il y avait deux diagnostics possibles. Premier diagnostic, la jeunesse est foutue, elle n'a pas de cadre, elle dérive et on va la contraindre à faire quelque chose, on va lui dire qu'il faut s'engager. On va la pousser à l'engagement parce qu'elle est amorphe. Etant amorphe, il faut lui faire une piqûre d'engagement qui fait mal, comme on le fait, et ça va venir.

Il y avait un deuxième diagnostic possible, celui de dire que les jeunes, naturellement, ont envie de s'engager mais qu’ils ne peuvent pas s'engager parce que, comme le président de l’Assemblée nationale l’a dit tout à l’heure, il n'y a pas de cadre, il n’y a pas de statut, il n’y a pas de reconnaissance. Il ne faut donc pas aller pousser à inoculer l’engagement chez les jeunes qui ne voudraient pas, mais permettre à des jeunes qui veulent spontanément de l'engagement de passer à l'acte. C’est la première chose. Toute la philosophie de la loi et du service civique tel qu’il existe aujourd’hui part de cela.

Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas aller chercher certains jeunes et leur donner envie mais cela veut dire que l’on part de l’idée que d'abord il y a une envie chez les jeunes de s’engager et que c’est la société qui n'a pas su la satisfaire. C’est la première chose.

Le deuxième principe, c'est de partir de l'histoire et de ne pas faire comme si on commençait à zéro. L’histoire, comme cela a été rappelé aussi, c’était des mouvements associatifs qui n’avaient pas attendu les pouvoirs publics pour croire au volontariat. Il y a celles et ceux qui s’étaient inspirés de l’objection de conscience. il y a celles et ceux qui s’étaient occupés du volontariat. Vous avez entendu qu’ATD Quart Monde avait des volontaires avant le service civique.

Ainsi, plutôt que de dire « l’Etat arrive, il est tout puissant, il fait table rase du passé, il va vous organiser un truc », on s’est demandé, et on a construit la loi comme cela, ce que l’on pouvait faire ensemble entre la société civile, c’est-à-dire les associations, les acteurs engagés dans la société, et l’Etat, la puissance publique et les collectivités locales. Pas l'un à la place de l'autre, pas l'un contre l’autre, pas l’un après l'autre, mais l'un avec l'autre.

On a construit tout le système comme cela avec, en haut de l'Agence, un comité stratégique où on trouve tous les acteurs ensemble qui réfléchissent aux orientations, par exemple avec des conventions ou des contrats avec les grands mouvements associatifs, pour qu'ils puissent continuer à garder l'initiative même dans quelque chose qui est devenu une grande politique publique. C’était le deuxième principe.

Le troisième principe est assez naturel, c'est de fonctionner sur la confiance. Quand on arrive et qu’on crée le service civique, on vous donne les vingt raisons pour lesquelles cela ne va pas marcher et se planter. « Ça ne va pas marcher. Personne ne va vous croire. Les associations ne vont pas vouloir parce qu’elles ont déjà les emplois d'insertion et autres. Les collectivités locales ne vont pas être chaudes. Les jeunes s'en fichent. Il n’y aura que des jeunes d’une certaine catégorie et pas les autres… »

M. ABIKER.- Est-ce toujours Roselyne BACHELOT qui disait cela ou quelqu'un d'autre ?

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 23

M. HIRSCH.- Non, beaucoup de monde le disait. Et surtout « Oh là là ! Ça va se substituer à l’emploi. Ça va être la catastrophe ! »

Face à cela, il y a deux hypothèses, on a pris la troisième. Il y a une première hypothèse, celle de dire « oui, c'est compliqué, on ne va pas le faire ».

La deuxième hypothèse, « il y a plein d'effets pervers, on va mettre 40 verrous, 50 contrôles, 74 000 inspecteurs, etc., et on va vérifier que le service civique est d'une pureté absolue ».

La troisième hypothèse que l'on a faite, « on fonctionne dans la confiance : on y croit, on a les mêmes valeurs, on fonctionne, il y a des trucs qui marcheront, d’autres moins bien mais grosso modo on les lancera et on avancera ». On a fait cela vraiment sur la confiance. Les conventions avec les associations. Les agréments. L'appel des jeunes, etc. C'est le troisième principe.

Le quatrième principe, cela rejoint ce qui a été dit tout à l’heure sur le service civique obligatoire, était de dire « vous avez raison, ça va être très bien, mais ne fera son service civique qu'une catégorie de jeunes que je peux vous dépeindre tout de suite. C’est un jeune dont la grand-tante était déjà vice-présidente d’une association. Ses deux parents étaient dans l'éducation populaire plus profs. Le jeune lui-même a déjà fait des études bac+6 et a été scout dès l'âge de 7 ans. Alors lui, vous l'aurez en service civique. Mais tous les autres, vous ne les aurez pas ».

Face à cela, il y a des hypothèses. On va réserver le service civique à ceux qui peuvent démontrer que leur grand-tante n’a jamais travaillé dans une association, qu’ils ont bien raté toutes leurs études, etc. Comme on fait, de temps en temps, des dispositifs qui sont ciblés et qui partent d'une bonne intention : on veut atteindre telle cible, on le réserve à telle cible.

On a fait l’inverse. On a dit « il est ouvert à tous mais on se responsabilise, nous pouvoirs publics, nous agents, nous Etat, nous associations, nous collectivités locales. Il doit être mélangé et on s’organise pour veiller à ce qu’il n’y ait pas trop de diplômés ou trop de pas diplômés ou trop d'urbains ou trop de ruraux puis on regarde ». On fait des statistiques, effectivement. Les statistiques servent quand même à quelque chose, elles permettent de vérifier qu'on ne dérive pas et qu'involontairement, on n’est pas devenu un service civique réservé à une catégorie.

Cela est absolument essentiel et fait écho à ce qu’on dit aujourd’hui sur l’universel. Le service civique ne concerne peut-être pas tous les jeunes mais toutes les catégories de jeunes et s'est ouvert à tous dans toutes les catégories de jeunes, et on mélange. C’est-à-dire que pour que le service civique ne soit pas identifié à un truc élitiste pour ceux qui ont fait des études ou, au contraire, à la voie de rattrapage pour ceux qui ont raté, etc., on fait en sorte que le service civique concerne les autres.

Le dernier principe était de lui donner une reconnaissance et de le lier aux valeurs républicaines. C’est pour cela, par exemple, que dès le départ, on a imposé la formation au brevet premiers secours. On est parti d’un principe très simple. Pourquoi dans cette société met-on des défibrillateurs dans toutes les pièces – je ne sais pas où ils sont dans cette salle – alors que l’on est le pays où on a le moins formé les gens à utiliser le défibrillateur ? On a investi pour acheter de nombreux défibrillateurs, mais vous prenez celles et ceux qui n’ont pas fait leur service civique, à peu près un sur quinze ou un sur

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vingt a fait une formation pour utiliser l’appareil. C’est donc un peu idiot. Ensuite ils viennent dans nos hôpitaux, etc. On préfère donc qu'ils soient prévenus avant.

On s’est dit que, derrière le service civique, il y a aussi l'idée d'une société qui sait se motiver, se former, s'organiser pour pouvoir répondre à cela. Donc formation civique et citoyenne avec le brevet premiers secours et, ensuite, les contacts avec les institutions en disant « c’est une période où on fait une mission utile, vous le savez, et en même temps on doit pouvoir découvrir ce qu'est un préfet, un député, un maire, ce qu’est le civisme, la citoyenneté, ce qu’est la responsabilité d'un citoyen ».

Par ailleurs, il faut que cet engagement soit reconnu. On a vu tout à l’heure deux lauréats de l’Institut du service civique. Donc dans la loi, on a mis un article qui est très beau. Il dit que tous les établissements de l'enseignement supérieur doivent reconnaître l’engagement de service civique. On savait qu’en faisant cela, on avait la moitié du boulot. C’est-à-dire que, oui, cela permettait aux établissements d'enseignement supérieur d’avoir quelque part en tête qu’il fallait valoriser le service civique mais que cela ne suffisait pas.

C'est pour cela que très vite après, on a créé l’Institut du service civique comme l'une des formes qui donnent l’exemple pour montrer que l’on peut valoriser et que quand on a fait un service civique, on a des compétences. On a peut-être raté trois trucs en 4ème ou autre. On s’est peut-être gouré de fac quand on a commencé à s’inscrire, etc. On a peut-être été dans des éléments d’échec mais si, pendant son engagement, on a découvert sa voie, il ne faut pas vous couper la voie derrière. On a donc fait en sorte qu’il puisse y avoir accès.

Aujourd’hui, il y a une école en France, qui s’appelle l’Institut du service civique, où on peut entrer à la fois pour être berger et pour faire Sciences Po Paris. Il n'y en a pas beaucoup comme cela où on peut entrer à la fois pour travailler dans le social et pour voir les portes s'ouvrir dans une grande multinationale pour dire qu’effectivement, la valeur de l’engagement est une valeur extrêmement forte et que la société sait la reconnaître.

Excusez-moi d'avoir été un petit peu long mais voilà les principes du service civique, et je pense que ces principes tiennent aujourd’hui, tiendront dans cinq ans et tiendront dans dix ans car, pour une fois, par rapport à des lois qui font 28 pages, on a une loi courte parce que c'est une loi de confiance. C’est effectivement une loi où les acteurs se retrouvent. On n'a pas besoin d’avoir mis le quatrième alinéa qui indique que l’on vérifie le matin si le jeune en service civique s'est bien couché tôt, pour revenir à ce que l’on se disait tout à l’heure. On considère que c'est le cadre dans lequel on fait son service civique qui donne envie de faire et d’accomplir joliment sa mission.

M. ABIKER.- Martin HIRSCH, avez-vous revu Roselyne BACHELOT pour lui raconter tout cela ou rase-t-elle les murs quand elle vous voit ? Elle ne vous a pas dit complètement cela quand même. A-t-elle vraiment dit cela ?

M. HIRSCH.- Oui, vous le lui demanderez, elle a vraiment dit cela.

M. ABIKER.- Elle s’est plantée.

M. HIRSCH.- Je n’ai pas enregistré, je ne suis pas un des types qui mettent des enregistrements mais elle a vraiment dit cela. Mais on comprenait parce qu’on disait à chaque fois qu’on voulait faire le service civique... C’est pour cela que ce qui se passe en ce moment peut être « historique » car, à chaque étape, oui, tout le monde adore le service civique, c’est gentillet comme tout, etc., mais de là à mettre du fric pour pouvoir le faire, il y a un pas que beaucoup ne veulent pas franchir. Or, lui donner les moyens de

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l'élan est probablement ce qui est en train de se passer en 2015. C’est peut-être pour cela que 2015 sera une année historique pour le service civique.

M. ABIKER.- J'ai noté : donner un cadre, se référer à l'histoire pour travailler le volontariat, agir en confiance. J'ai oublié le point 4… J’ai fait semblant qu’il y en avait trois mais j’ai oublié le point 4.

M. HIRSCH.- Ouvert à tous.

M. ABIKER.- François CHEREQUE, Martin HIRSCH vous a donné un beau bébé. Elle marche, la Ferrari.

M. CHEREQUE.- Oui, elle marche mais il faut y mettre un peu d'essence si je peux faire le lien et Martin vient d’y faire allusion.

M. ABIKER.- Et cela consomme.

M. CHEREQUE.- Ce colloque était prévu depuis plusieurs mois. Les événements ont changé la nature du colloque, mais le service civique démarrait et on avait un problème d'alimentation, on vient de le dire. Le président l’a dit tout à l’heure, 140 000-150 000 jeunes veulent faire leur service civique, on avait les moyens d’en accueillir 35 000 au maximum dans l'année. D'ailleurs, le président de la République n’a pas inventé le chiffre de 150 000. Il l’a pris par rapport à cela.

Juste après les attentats, ce moment terrible qu’a traversé notre pays, on s'est posé la question : doit-on globalement changer les choses ? On s'est interrogé. Tout de suite, on s’est demandé si le service civique était bien fait pour répondre à la demande. D’un seul coup, les débats publics sur l’obligation, la citoyenneté…

M. ABIKER.- Fallait-il réagir à chaud ? Pardon de vous couper mais c’est une question centrale. Les politiques publiques sont réfléchies. On les instruit pendant des années. Finalement, pour le coup, à toute chose malheur est bon, fallait-il réagir à chaud et se cabrer là-dessus ?

M. CHEREQUE.- Justement, on n’a pas réagi à chaud. Après l'émotion, très rapidement on s'est dit non. Martin vient de l'expliquer d'une façon très claire. Le service civique a été créé pour répondre à cette demande qui ressurgissait après les attentats. A partir du moment où il a été créé pour cela, inévitablement il ne fallait pas « s'affoler », comme on dit, et se dire que l’on va faire autre chose. Il faut peut-être le faire mieux. Il faut surtout le faire pour plus de jeunes mais il ne faut pas changer le cap. Les objectifs sont clairs, ils viennent d’être rappelés : l’engagement d’intérêt général donné à tous les jeunes qui veulent le faire de pouvoir le faire et surtout donner le sentiment inverse de celui qui était donné de la jeunesse. La jeunesse a envie de s'engager. Je les vois devant moi. Je les rencontre tous les jours. La jeunesse a envie de s'engager. Donnons-leur les moyens de le faire et ne tombons pas dans une démarche punitive.

C'était un petit peu cela, « quelques-uns ont dérapé, on va tous les punir ». C’est la fameuse piqûre à laquelle ma réaction, un peu impulsive, comme cela m'arrive de temps en temps, a été : pourquoi les punir ? Qu'ont-ils fait ? Au contraire, ils ont envie de s’engager. Donc donnons-leur les moyens. Faisons en sorte que le service civique ne soit pas la solution à tout mais un des éléments de ce parcours de citoyenneté parce que 18 ou 20 ans pour devenir citoyen, j’ai envie de dire que c’est trop tard. C’est trop tard s'il n'y a pas eu le travail avant. Le travail de la famille. Le travail de l’école. Il y a la journée défense et citoyenneté qui est un moment. Faisons en sorte que tout au long de la vie, il y

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ait des étapes de citoyenneté, le service civique en étant une supplémentaire qui deviendrait une démarche naturelle. Au bout d'un moment, on se dit « oui, on le fait », mais pour cela, il faut inévitablement en offrir la possibilité.

La question qui se pose à nous maintenant, est de savoir comment on fait car, comme vous l'avez dit, Monsieur le Président, ce n'est pas qu'une question de moyens, cela est sûr. Mais c’est quand même un petit peu une question de moyens. Les associations qui sont là peuvent témoigner du nombre de fois où on a dû dire « non, on ne peut pas vous donner des jeunes en service civique suffisamment parce qu'on n'a pas les moyens ». Je m’en suis rendu compte. Le bébé était beau, mais je disais plus souvent non que oui. J’ai dit : « Il est gonflé, lui. Depuis que je suis président du service civique, je me fais engueuler parce que je ne veux pas donner de moyens aux associations ». Au bout d’un moment, la patate était…

M. ABIKER.- Chaude.

M. CHEREQUE.- Elle était chaude et d'un seul coup, et c’est peut-être là qu’il y a une précipitation, elle est justifiée, les moyens arrivent. On peut avoir plus de personnels à l’Agence du service civique. Le président de la République a donné le cap et on développe. Mais derrière, c'est comment on fait.

C’est un élément important car je trouve que la France est un drôle de pays. 70 % des Français sont pour un service civique obligatoire et on nous dit « oui mais c'est de la substitution à l'emploi, c'est pour maquiller les comptes de l'UNEDIC, c'est pour montrer qu’il y a moins de chômeurs, c’est parce que vous ne savez pas quoi faire des jeunes »… On a une forme d’injonction paradoxale : il faut que tout se fasse mais il ne faut pas que cela concurrence l'emploi. Il nous faut sortir de cette vision qui devient stupide. Il faut se débarrasser de ces préjugés. Non, il n’est pas question de remplacer les infirmières à l’hôpital. La personne âgée qui entre à l’hôpital et qui voit le hall… Les halls d’hôpitaux sont assez déshumanisés. Je suis allé récemment à l’hôpital Cochin…

M. ABIKER.- Il n'y a pas besoin d'être âgé pour se paumer à la Salpêtrière, je peux vous le dire.

M. HIRSCH.- Tout de suite…

M. CHEREQUE.- J’étais en train de le dire.

M. ABIKER.- C’est ce que je dis. A la Salpêtrière, pour se repérer, il faut au moins 10 000 services civiques.

(Rires)

M. CHEREQUE.- Ils ne font pas que cela.

M. HIRSCH.- Vous vous occuperez de M. ABIKER quand il viendra.

M. CHEREQUE.- C’est ce qu’ils font à l’hôpital intercommunal de Créteil. Ils ont mis une petite voiture électrique. C’est Banlieue sans frontières, ils doivent être là. J’ai vu le président, il est là-bas. C’est étonnant qu’il n’ait pas encore parlé car, généralement, il prend tout de suite la parole. Simplement, la petite voiture électrique. Lui a su convaincre. Il a su convaincre qu’il faut que la personne qui arrive à l’entrée de l’hôpital se déplace si elle est au pavillon au fond de l’hôpital. Une petite voiture électrique et on l'amène. De plus, le jeune en service civique est super content de le faire. Après, ce jeune en service

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civique découvre ce qu’est l'hôpital et peut-être qu'il aura envie de devenir aide-soignant et ainsi de suite. Ce sont des éléments.

Faire en sorte que ce soit un vrai engagement citoyen et pas un emploi, ce n’est pas le problème. Plus il y en aura, moins on aura ce risque. Cela est un élément important.

Faisons en sorte que les jeunes ne soient pas tous seuls. C'est important car, parfois, ils sont tous seuls dans les associations. Faisons en sorte que ce soit quelque chose de collectif parce qu'on ne peut pas faire de mixité sociale si on est tout seul dans son coin.

Faisons en sorte aussi que l’on ait des jeunes ensemble qui puissent échanger en organisant des rassemblements comme on le fait aujourd’hui. On a un jeune en service civique là, il sourit. J’ai assisté à la remise des diplômes à la faculté de Mulhouse – ils ont combiné service civique et retour à la formation –, avec les parents. C'était à chialer tellement c’était beau. Et moi qui suis un peu sensible, j’avais aussi cette larme à l'œil.

M. ABIKER.- Que voulez-vous dire par « un peu sensible » ? Vous vous êtes effondré ?

M. CHEREQUE.- Non, je ne me suis pas effondré parce que je suis un homme. Vous comprenez. Cela ne se fait pas.

(Rires)

M. ABIKER.- Dérapage ! Enorme dérapage !

M. CHEREQUE.- Mais on a dit « live ». C'était très émouvant. Je l’ai fait aussi à Evry. Franchement, quand toute la famille vient dans la salle des mariages et que le maire remet le diplôme de service civique, c'est une marque d’engagement citoyen forte vis-à-vis de la République. Il y a ces moments. On parle de rites. On parle d'éléments de ce type. Je pense que ce sont des éléments importants.

Après, il faut trouver les moyens. C’est la dernière chose. Je l’ai dit, Le gouvernement a décidé de développer les moyens. Pour le dire en toute clarté, le budget de l'Agence du service civique était à un peu plus de 170 millions, il y a un mois. On va pouvoir faire une délibération en conseil d’administration, ce sera 230 millions à la fin du mois. Vous avez vu l’augmentation, elle se poursuivra l’année prochaine. On sait donc déjà que l’on fera au moins 70 000 cette année et que s’il y a plus de volontaires, on en fera plus. C’est-à-dire que la nation a décidé de mettre les moyens.

On se dit aussi que le service civique ne peut pas se faire dans les entreprises, c'est un élément important, parce que c'est un engagement citoyen. Il n’est donc pas question que les jeunes s’engagent dans les entreprises car, autrement, ce serait, pour le coup, un vrai dérapage.

Par contre, les entreprises ont le droit d'être citoyennes parce que quand elles recherchent, après, des jeunes pour travailler, le jeune qui a fait son parcours dans une association au service de la nation a quand même un plus par rapport aux autres. Cela veut dire qu'il a une capacité de travail collectif, d'échange, d'engagement, de construction de projet que cherchent les entreprises.

Je dis donc aux entreprises maintenant : « Aidez-nous. Vous pouvez donner de l’argent à l’Agence du service civique, à l’Institut du service civique, à toutes les structures pour qu’on ait les moyens de le faire, que les jeunes soient des vrais citoyens. On va signer, cette semaine, avec CNP Assurances le premier contrat où CNP Assurances va financer

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 28

50 jeunes en service civique, pas pour eux, mais pour faire des actions citoyennes dans les quartiers, en particulier sur tout ce qui relève de la prévention sur la santé et autre. Cela a du sens.

Je crois que soutenir l'engagement citoyen est de la responsabilité de l'Etat, des collectivités territoriales, des associations, c’est leur rôle, mais c’est aussi de la responsabilité des entreprises qui, à la limite, ont aussi une responsabilité pour faire en sorte que cette mixité sociale, ce « vivre ensemble » soit meilleur parce que globalement, on est un pays, aujourd’hui, qui souffre un petit peu au niveau économique. Or faire en sorte qu’on soit bien ensemble est aussi un facteur de réussite pour tout le pays.

M. ABIKER.- François CHEREQUE, merci.

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Bilan des travaux menés sur le service civique : quels impacts sur la société après 5 ans d’existence ?

______ Olivier TOCHE, ancien directeur de l’INJEP, chef de service des relations et conditions de travail, Direction générale du Travail

Joaquim TIMOTEO, chargé d’études et de recherche à l’INJEP ______

M. ABIKER.- Je me tourne vers mes voisins, tout simplement, Joaquim TIMOTEO de l’INJEP et Olivier TOCHE de la direction générale du Travail. Là, on a vu les intentions, les conditions… Que se passe-t-il ? Une réaction peut-être de Claude BARTOLONE, c’est ça ?

M. CHEREQUE.- Non.

M. ABIKER.- Il est parti.

M. CHEREQUE.- C’était prévu.

M. ABIKER.- Il est parti mais comme l'éclair, dans une discrétion...

M. CHEREQUE.- Non, il m'a dit « à tout à l'heure ».

M. ABIKER.- Donc à tout à l’heure, Claude. Pardonnez-moi, on y va.

Joaquim TIMOTEO, Olivier TOCHE, juste à ma droite, vous êtes tous les deux de l'INJEP. Olivier TOCHE, vous l'avez quitté très récemment mais vous êtes là car vous étiez partie prenante dans ce qui va être développé maintenant, le service civique vu par nos compatriotes.

M. TOCHE.- J’espère que vous vous êtes tous couchés de bonne heure hier parce qu’on va avoir à faire la partie un peu rébarbative avec un certain nombre de chiffres.

M. ABIKER.- Il ne faut pas dire les choses comme cela. Cela va être formidable. Ils vont être brillantissimes. Pourquoi voulez-vous…

M. TOCHE.- Vous allez voir.

M. ABIKER.- D’accord.

M. TOCHE.- En tout cas, bonjour à toutes et à tous. Je suis ravi d’être ici, devant toute cette assemblée.

L'Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, donc l’INJEP – je développe puisqu’on a dit qu’il fallait développer les sigles –, en tant qu’observatoire de la jeunesse et des politiques de jeunesse mais aussi parce qu’il travaille sur les questions d’engagement, parce qu’il est proche des associations de l’éducation populaire, accompagne le service civique depuis sa création, donc depuis 2010.

Vous venez de le rappeler, je ne suis plus en poste à l’INJEP depuis quelques semaines mais je ne pouvais pas ne pas venir ici fêter les 5 ans du service civique et je tiens, pour cela, à remercier de leur confiance – on parlait de confiance tout à l’heure – à la fois

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Martin, François, et je voudrais aussi associer Hélène PAOLETTI qui est directrice de l’Agence du service civique et qui a été ma collègue et complice.

(Applaudissements)

Dès 2010, la question de l'impact du service civique a été posée. Dès le départ, on s’est dit « quel va être l’impact de ce service civique ? ». Nous bénéficions, à l’INJEP, des travaux de la sociologue Valérie BECQUET qui avait déjà travaillé sur le volontariat de service civil à Unis-Cité et nous étions en train de les publier, ce qui a été fait, d’ailleurs, début 2011.

En 2011 a été mis en place un groupe de travail sur l’évaluation du service civique qui était présidé par le député Bernard LESTERLIN, que je salue ici puisqu'il nous a rejoints – ici, au premier rang. J’ai reconnu d’ailleurs, dans la salle, un certain nombre d’associations qui participent au groupe de travail. J’ai ensuite eu l’honneur de le coprésider avec Hélène.

Ce groupe a défini trois registres d'impacts à mesurer, en tout cas à essayer de mesurer, l'impact sur les jeunes eux-mêmes, ce que le service civique change pour eux en termes :

- de compétences acquises, en termes de citoyenneté – on va beaucoup en parler aujourd’hui,

- d’épanouissement et de bien-être – on a vu des jeunes particulièrement épanouis tout à l’heure,

- d'impact sur les bénéficiaires des missions, puisqu’il s’agit de missions de service public – savoir quel est l’impact sur ces missions portées par le service civique,

- d’impact sur les structures d'accueil – on ne le développera pas ici mais cela modifie aussi l’ensemble du tissu associatif chez qui ces jeunes se trouvent engagés.

Cinq ans, vous allez me dire que c'est déjà beaucoup, qu’on peut faire une évaluation. C’est un bel âge mais c'est encore un peu court pour faire une évaluation complète de l'impact puisqu'il faudrait analyser les cohortes de jeunes entrés et sortis du service civique et voir ce qu’ils deviennent. Or on a quand même l’intuition et le sentiment que les effets ne sont pas que des effets de court terme mais peuvent aussi être des effets de long terme.

Néanmoins, nous avons conduit avec l'Agence et pour l'Agence du service civique un certain nombre d'études quantitatives et qualitatives qu'on va vous présenter. On peut déjà en tirer un certain nombre d’enseignements même si c’est toujours un peu compliqué. En effet, François parlait de budget. Or, pour faire un peu d’analyse, il faut aussi un peu de budget et c'est toujours un peu compliqué dans une période où tout cela est très tendu.

Je vais laisser mon collègue, puisqu’il est encore en poste à l’INJEP, Joaquim TIMOTEO, chargé d'études et d'évaluation – il a été coauteur d'un Atlas des jeunes en France – vous présenter ces quelques chiffres.

Evidemment, on va être très schématique, se réduire à quelques diapositives. On a fait une sélection parce qu’on avait envie, en tout cas, ce matin, de vous présenter le profil de ces jeunes en service civique – a-t-on ou non réussi cette mixité qui a été vantée tout à l’heure ?.

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On veut vous présenter l'impact du service civique sur le parcours des jeunes – cela leur sert-il à quelque chose après ? – et essayer de commencer à élaborer sur l'utilité pour les bénéficiaires et, au delà, pour la société civile, c’est-à-dire essayer d’apprécier l’utilité sociale et citoyenne du service civique qui sera le thème débattu dans la table ronde suivante.

Je donne tout de suite la parole à Joaquim et aux diapositives.

M. TIMOTEO.- C’est à moi, bien sûr, Olivier. Bonjour à tous. On va essayer de rattraper notre petit retard et de ne pas être trop long.

M. ABIKER.- C'est une attention louable.

M. TIMOTEO.- Je la prends.

M. ABIKER.- Mais ne vous dispensez pas d'être intéressant et complet quand même.

M. TIMOTEO.- Je vais essayer. Comme le rappelait Olivier, on a mené, pour le compte de l’Agence et avec d’autres partenaires, un certain nombre de travaux sur le service civique et l’impact qu’il a aujourd'hui sur les jeunes, sur vous, les jeunes volontaires, et sur les bénéficiaires. Mais avant d'entrer dans le vif du sujet sur l'impact à proprement parler, je voudrais que l’on prenne une ou deux minutes juste pour décrire le profil des jeunes volontaires tels qu’ils sont aujourd’hui.

1. Profils des jeunes en service civique

Plus de jeunes filles

A regarder la salle, en tout cas du point de vue que j’ai ici maintenant, puisque j’ai la chance d’être un peu surélevé, je peux vérifier la statistique qui est projetée ici à l’écran puisque on constate, et vous le constatez dans la salle, que les jeunes volontaires sont majoritairement encore des filles, pour plus de la moitié – une grande majorité, d’ailleurs –, même si aujourd’hui l’équilibre entre garçons et filles se fait un peu plus et progressivement atteint finalement l’équilibre tel qu’il est dans la population générale des 16-25 ans. C’est le premier point de constat que je voulais faire.

Un âge moyen de 21 ans

Le deuxième point de constat que je voulais faire, c’est votre âge, le jeune âge des jeunes volontaires. Chacun l’aura constaté notamment dans la première partie introductive du colloque de ce matin par les différentes prises de parole. Un jeune volontaire a en moyenne 21 ans.

Un profil proche de celui des jeunes de la classe d’âge visée

Tout à l’heure, on s’interrogeait sur le côté élitiste du dispositif, le côté élitiste ou pas du programme. Quand on regarde le poids des différents niveaux de formation, de diplômes que les jeunes détiennent, on se rend compte qu’aussi bien pour les jeunes les plus diplômés – on les a évoqués tout à l’heure – que pour les jeunes sans diplôme, le poids respectif de ces jeunes est exactement le même que dans la population totale, voire un peu plus surreprésentés du côté des sans-diplôme. Donc je crois que l'objectif de non-élitisme, en tout cas de représentativité de la diversité de la jeunesse pour ce qui concerne ce niveau, est tout à fait réalisé. Le profil de ces jeunes est exactement le même que celui de la classe d'âge des 16-25 ans en France aujourd’hui.

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Intérêt des jeunes de 18-25 ans pour le service civique

Donc plutôt des filles. 21 ans en moyenne. Diplômés ou moins diplômés. Mais surtout des jeunes avec des motivations différentes à l'entrée dans le service civique. On sait qu’aujourd'hui près des deux tiers des jeunes de 18 à 25 ans se disent prêts à s’engager dans une mission de service civique. Cela est d’autant plus vrai pour les jeunes peu diplômés. Deux tiers des jeunes de 18 à 25 ans aujourd’hui sont prêts à frapper à la porte, s’ils ne le font pas déjà, du service civique. Les éléments de réponse qui ont déjà été donnés dans les deux discours précédents laissent augurer deux réponses largement favorables à cela.

Des logiques qui s’articulent en fonction du projet professionnel et de la vision du service civique

Mais quand on s’intéresse aux motivations des uns et des autres, elles ne sont pas forcément les mêmes, bien évidemment. Chacun vient avec une attente particulière. C’est ce qu’a démontré ou montré l’exploitation d’une enquête qui a été faite, il y a deux ans, par TNS Sofres pour le compte de l’Agence de service civique. Elle a mis en évidence un certain nombre de profils de jeunes selon leurs motivations et attentes du service civique.

Ces différentes motivations et attentes, quand on les regarde avec des lunettes qui, du côté droit, regarde, pour le dire vite, le projet professionnel, la façon dont il est plus ou moins précisé et, d'un autre côté, la façon dont on approche ce dispositif de façon plus ou moins utilitariste, on distingue trois grands profils, on met en évidence trois grands profils de jeunes. Cela recoupe, d’ailleurs, les mêmes distinctions que Valérie BECQUET avait déjà faites au moment du service civil et qu'elle continue à faire aujourd'hui au travers des travaux qu’elle mène pour le compte d'Unis-Cité. On retrouve trois profils qui révèlent ou dénotent soit à un engagement fort soit à un certain attentisme, je vais le dire comme cela. Ou peut-être l’idée de saisir quelques opportunités.

Ce sont ces trois grands profils que je voudrais détailler extrêmement rapidement tout de suite. D’abord les engagés, ceux qui arrivent avec une logique d’engagement.

Un engagement fort et un projet bien défini

Tous arrivent avec une logique d’engagement mais certains avec une logique encore plus marquée. C’est, en gros, six jeunes sur dix. C’est donc quand même une grosse majorité des jeunes volontaires qui arrive vraiment avec une volonté. Ils sont en quête d'une expérience émotionnelle assez forte, je vais le dire comme cela.

Avec des valeurs citoyennes très marquées qui, d'ailleurs, très souvent ont pu être véhiculées par une expérience préalable dans le bénévolat. Ce n’est pas forcément la grand-tante qui était présidente de l’association, mais une vraie expérience déjà acquise du côté du bénévolat. Quelquefois même des expériences de mobilité, que ce soit en France ou à l'étranger.

Ces jeunes que j’appelle « engagés » attendent essentiellement deux grandes choses du service civique. D'abord, qu'on valorise leur parcours professionnel qu’ils ont pu déjà avoir ou leur parcours de formation puis un sentiment extrêmement marqué de valoriser l'utilité sociale, un sentiment très fort de se rendre utile, de l’être de façon importante.

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Des motivations faiblement exprimées et un projet peu défini

Deuxième grand profil, celui que je vais caractériser d'attentiste. Ce n’est pas un terme péjoratif…

M. ABIKER.- Y a-t-il des « attentistes » dans la salle ? Levez la main, ceux qui y sont allés pour voir ? Il n’y en a aucun. Là, vous avez l’appartement témoin du service civique. Ils sont tous engagés.

M. TIMOTEO.- Je le vois mais je pense que les trois pièces que j’évoquais doivent être représentées. Il faut juste que l’on arrive à trouver les portes.

M. ABIKER.- Nous mettrons la main sur les attentistes et les opportunistes. Nous savons qui ils sont.

(Rires)

M. TIMOTEO.- Ces jeunes arrivent avec un projet qui est peut-être moins précisé, un projet plus flou, un projet justement qu’ils souhaiteraient voir confirmé, en tout cas construit avec cette séquence de service civique. Donc on cherche plutôt à ce que le service civique pose un cadre, soit une expérience forte de découverte de soi, d’accompagnement à la recherche d’emploi ou d’orientation.

Des motivations avant tout utilitaristes

Dernière catégorie, celle dite des opportunistes. C’est à peine un jeune sur dix.

M. ABIKER.- Mais le seraient-ils, cela ne serait pas grave puisque c’est volontaire. Il faut avoir une bonne raison de le faire.

M. TIMOTEO.- Evidemment. Là, on est plutôt dans une logique de recherche d'effets d'aubaine. Il y a une expérience professionnelle que l'on voudrait surtout valoriser par rapport à cette période et on profite d'une certaine manière, mais positivement, d’une pause active entre la fin des études et l'emploi. La séquence du service civique est donc un bon moment pour cela.

Evidemment, on n'est pas que l'un. On est souvent un mélange des trois mais je voulais juste illustrer cela de façon un peu rapide avec trois profils pour montrer comment les attentes qui sont là sont diverses, variées, et il faut pouvoir y répondre aussi dans l’action.

2. Impact sur les parcours des jeunes volontaires

Au terme des cinq ans comme le rappelait tout à l’heure Olivier, il est évidemment légitime de s’interroger sur ce que, finalement, le service civique fait aux jeunes. On entre dans la boîte « comment on en ressort ». En ressort-on pareil ? Un peu changé ? Beaucoup changé ? C'est un petit peu ce qu'on a essayé de regarder aussi à partir des études quantitatives récentes qui ont été conduites.

Je voudrais juste mettre en avant deux grands types de changement occasionnés par le service civique. Il y en a d’autres, bien sûr, mais ce matin, je vais en mettre deux en lumière. D’abord, des changements en termes de valeurs, notamment par rapport aux autres jeunes du même âge qui ne sont pas passés par le service civique. Je voudrais illustrer ces changements en termes de valeurs par deux questions posées aux jeunes.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 34

L’impact sur les valeurs des jeunes à la suite du service civique

D'une part, quand on sort d'un service civique, on a une forte volonté de faire bouger les choses. Une volonté de les faire bouger peut-être encore plus forte, si j’ose dire, que la moyenne des jeunes français de même âge. C'est ce que décrit le schéma coloré que vous avez, projeté ici, où on voit que plus de la moitié des jeunes sortis de service civique se sentent capables de faire bouger les choses, on envie de faire bouger les choses, que ce soit sur le territoire national ou même près de chez eux. Huit sur dix, c’est le cas, ont envie de s’investir et de faire bouger les choses, de s'engager localement à la différence de la jeunesse « non bénéficiaire » du service civique qui, elle, reste plutôt très inquiète, en tout cas très peu favorable au fait de s'engager localement et de retirer de cet engagement quelque chose qui fasse bouger les choses. C’est un marqueur, je trouve, très fort d’une certaine citoyenneté active. On parlait tout à l'heure des valeurs de la République. Je crois que là, il y a une illustration importante.

Le deuxième élément sur les valeurs que je voudrais évoquer et qui est un marqueur fort, je pense, aussi de solidarité, est celui qui a trait à la plus grande confiance envers les autres. On le voit là. Les jeunes entrant en service civique, à plus d’un tiers, se déclarent confiants dans les autres. C'est deux fois plus… Cela paraît peu mais c’est deux fois plus que les jeunes du même âge dans le reste de la population. A la sortie, presqu’un jeune sur deux, là aussi, déclare que cette confiance dans les autres est quelque chose d'important et que lui-même a cette confiance dans l'autre. Je crois que c'est aussi un marqueur très positif de l'impact du service civique sur ce que sont les jeunes volontaires après le passage par celui-ci.

L’impact sur le parcours des jeunes après le service civique

Je parlais là des impacts sur les valeurs, le deuxième type d'impact est celui sur les parcours des jeunes à la suite du service civique. Ces parcours sont différenciés selon la situation des jeunes, évidemment. Peut-être juste deux éléments pour caractériser cela.

Vous avez, je pense, dans les petits sacs qui ont été distribués, une production de l’INJEP qui revient plus en détail sur ce que je viens d’évoquer, l’effet sur le parcours des jeunes. Je vous laisse donc le découvrir plus longuement.

Juste deux points à évoquer pour moi. D’une part, évoquer le fait que selon le niveau de formation, le service civique va avoir un effet différent sur le parcours des jeunes. Pour les jeunes peu ou pas qualifiés, on constate une tendance plus grande à la reprise d’études, par exemple, à l’issue du passage par le service civique. Pour les autres jeunes qui sont, en général, plus qualifiés, une tendance à s'insérer dans l'emploi et à confirmer l'orientation professionnelle de façon plus importante.

C'est ce vous voyez sur le graphique projeté. Vous voyez qu'effectivement, plus de sept jeunes sur dix évoquent le fait que le service civique leur a permis de préciser leur orientation. C'est, d'ailleurs, souvent suivi d’une reprise d'études à la fin du service civique. C’est ce que j’évoquais tout à l’heure.

Près de la moitié (47 %) indique que la séquence service civique leur a permis de confirmer leur projet professionnel.

Deuxième aspect, on a aussi un dispositif extrêmement utile sur les parcours puisque, on le voit, une très grande majorité, presque la moitié, des jeunes volontaires va même jusqu’à considérer que dans son parcours professionnel, le passage par le service civique

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 35

a été largement plus bénéfique que n’aurait pu l’être un stage, par exemple. On parle beaucoup de stage, par ailleurs, actuellement. On voit là une plus-value de leur part beaucoup plus importante, plus marquée, que ce soit, comme je le disais tout à l’heure, dans la confirmation de leur choix ou dans le choix de réorientation dans leur voie professionnelle.

Plus globalement en termes d'insertion professionnelle, on voit que presque la moitié des jeunes volontaires qui sont entrés en service civique et qui étaient, justement à leur entrée, en recherche d'emploi, quelques mois après leur sortie, sont à peine 20 % en situation de recherche d'emploi. Cette séquence service civique a donc été favorable, utile dans leur parcours au travers des éléments que je viens d'évoquer. Cela se traduit par une insertion professionnelle bien plus favorable pour eux, d’ailleurs, à l'issue du service civique que pour les autres.

3. Utilité pour les bénéficiaires

Dernier point enfin, l’impact sur les bénéficiaires. On est sur des travaux qui démarrent, je vais donc être peut-être plus pointilliste, mais avec des éléments de compréhension utiles.

On est en train de réaliser sur la région Nord-Pas-de-Calais une étude, une évaluation… C’est le cabinet Plein Sens qui, pour le compte de l’Agence du service civique, est en train de mener ce travail. Je crois que les collègues sont dans la salle, je les salue.

Ce travail vise à évaluer l'impact du service civique sur des missions particulières, celles qui ont pour objectif de lutter contre l'isolement des personnes âgées. C'est donc quelque chose de vraiment très intéressant qui reviendra tout à l’heure sur les questions de solidarité que j’ai évoquées.

Pour aller très vite, peut-être quatre enseignements préliminaires qui sont les premières impressions du terrain puisque l’étude vient juste de démarrer. Il est donc trop tôt pour confirmer ces résultats mais ils donnent déjà, je trouve, des éléments probants de l’impact attendu du service civique, donc de l’impact du service civique et de ses missions sur les personnes âgées.

La valorisation de la personne âgée

Le premier d’entre eux est une valorisation ou un regain d’estime des personnes âgées elles-mêmes qui se voient accordées de l’attention. Elles développent le plaisir de la transmission de l'expérience et des savoir-faire. Elles aussi apprennent, d'ailleurs, des choses au contact des jeunes qui, d'une certaine manière, leur redonnent une vie sociale et un nouveau rôle.

L’autonomie et la prévention

C'est également un moyen de restituer des marges d'autonomie à la personne âgée parce qu’on permet à la personne âgée de refaire des choses qu’elle n’osait plus faire jusqu’à aujourd’hui car on fait des choses avec elle qu’elle ne faisait pas seule ou qu’elle ne peut plus faire seule. En cela, elle acquiert de nouveau une autonomie qu’elle avait perdue.

Des changements organisationnels

Olivier évoquait tout à l’heure l’effet sur les structures. On ne va pas l’évoquer complètement aujourd’hui, mais peut-être un mot sur les changements organisationnels dans les structures d'accueil.

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On dénote tout de suite que, justement, cette intervention des jeunes permet, bien sûr, de démultiplier les types d'activités qui sont proposées, en apportant de l'originalité, de la modernité, mais elle démultiplie aussi la capacité à faire des professionnels dans les structures en question.

Surtout, j’en terminerai là, elle change un point de vue essentiel : elle transforme aussi le regard de la personne âgée sur les jeunes, la jeunesse et les jeunes volontaires qui l’accompagne.

Voilà brossé, en quelques mots, un état des lieux des connaissances sur le sujet.

M. TOCHE.- On peut vraiment remercier Joaquim car ce n'est pas évident pour un sociologue et économiste de présenter plusieurs études à la fois sans le cadre méthodologique et toutes les précautions d’usage, mais il s’est bien livré au jeu.

Il me semble qu'il y a trois messages essentiels à faire passer par rapport à ces études, en schématisant – il y auras évidemment plein de nuances.

Le premier, on a un profil des jeunes en service civique très proche de la classe d'âge qu’il représente. Je crois que cela ressort massivement des études et des analyses de chiffres.

Deuxième message, un service civique qui est un vrai booster, un vrai atout pour le parcours des jeunes. Pour la citoyenneté, je pense que cela mériterait encore un peu d'être creusé.

Enfin, un service civique dont on voit qu’il contribue aux politiques publiques de cohésion nationale. On l’a vu dans le dernier exemple, la lutte contre l’isolement des personnes âgées, mais cela est aussi vrai de la lutte contre le décrochage car le fait que des jeunes en service civique sans qualification reprennent des études après est aussi une grande forme de lutte contre le décrochage scolaire qui est aussi une des priorités nationales.

Je voudrais terminer par un scoop puisqu'on avait une dernière diapositive. En janvier, juste avant que je parte, on avait lancé une convention avec l’Agence et le CREDOC pour interroger, non pas les jeunes, mais les Français en général sur leur attitude et leur sentiment vis-à-vis du service civique.

Vous avez les chiffres, ici, à l'écran, qui complètent les chiffres OpinionWay qui étaient donnés tout à l’heure. On constate que 94 % des Français sont favorables au service civique. C'est donc massif.

Un quart des moins de 30 ans – c’est un peu plus âgé que les jeunes en service civique –connaît une personne qui a fait une mission de service civique. Cela veut dire que déjà ce service civique est connu.

En revanche, et c’est le point sur lequel il faut sans doute travailler, l'inconvénient du service civique qui est mis en avant est son accessibilité. Cela renvoie sans doute au débat sur la question du service civique universel ou pas. Cela sera sans doute un des enjeux de la table ronde.

Merci de votre attention.

M. ABIKER.- Merci, Messieurs.

(Applaudissements)

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Un mot de réaction des deux parrains, en fait, Martin HIRSCH et François CHEREQUE. Martin HIRSCH me faisait remarquer qu’il n’y avait que des hommes à la tribune, cela va changer, mais que les filles étaient majoritaires dans les effectifs du service civique. Avez-vous une explication sociologique, Martin HIRSCH, vous qui avez pointé cela ? Pourquoi les filles sont-elles leaders là-dessus ? Pourquoi sont-elles pilotes ? Sur l’armée, par exemple, elles étaient largement à la traîne.

(Rires)

Largement à la traîne… Elles ont changé !

M. HIRSCH.- Vous avez vu que cela se rééquilibre. Il y a certainement un côté plus altruiste et plus volontaire qu'on remarque. On le voit aussi, c’est totalement frappant, dans les candidatures à l'Institut du service civique qui sont ouvertes à tout le monde pour lesquelles il y a trois-quarts de filles qui font leur dossier par rapport aux garçons. Ou 70 %... 75 %. On a donc besoin des filles pour secouer un peu les garçons.

M. TOCHE.- Mais les chiffres du service civique sont bien meilleurs que ceux des autres dispositifs de volontariat puisque traditionnellement, le volontariat, en général, c’est presque deux tiers de filles et un tiers de garçons. Là, on a des chiffres quand même beaucoup plus rééquilibrés pour le service civique. Il ne faut donc pas voir ces chiffres comme cela, dans l’absolu, mais relativement à tous les autres dispositifs de volontariat. C'est bien meilleur.

M. ABIKER.- François CHEREQUE ?

M. CHEREQUE.- Oui, j'ai une explication que l’on pourrait lier au débat sur le 8 mars, hier : une majorité d’actions en service civique sont dans le secteur social et sont portées par des professions féminines. On a donc aussi un des défauts… Je suis un travailleur social d'origine. J'ai une profession féminine. J'étais un des rares hommes à travailler dans les milieux de la santé et j'ai toujours travaillé avec une majorité de femmes. La société a une tendance à orienter les jeunes femmes vers des professions. Et là, comme on a des missions d'intérêt général qui sont beaucoup dans le social, on a aussi ce défaut. Mais comme on a un rééquilibrage… Et je suis sûr que toutes les missions qui se développeront et qui seront dans des domaines beaucoup plus larges que ceux que l’on a là rectifieront encore cet élément. Enfin, c'est à nous de faire en sorte qu'on n'ait pas d'orientation sexuée, y compris dans le service civique. Cela fait partie d’un combat sur l'accès égalitaire entre les hommes et les femmes à différents types de missions. Il y a des pompiers dans la salle. Ce sont des jeunes en service civique chez les pompiers. Ce ne sont que des garçons.

M. ABIKER.- Non, il y a une fille. Attention à ce que vous dites.

M. CHEREQUE.- Oui mais regardez le pourcentage. La Meurthe-et-Moselle a lancé une expérience pompiers service civique. Il y en a douze, c’est très bien, mais dix garçons et deux filles. Ce sont des éléments de ce type sur lesquels on travaille. Cela fait un clin d'œil aux expressions qu'il a pu y avoir hier à la journée du 8 mars.

M. ABIKER.- Un petit sondage réel. Je parle à nos amis porteurs de tee-shirts « service civique ». Qui y est allé par opportunisme ou opportunité ? Par attentisme ? Deux ou trois attentistes. Et par engagement ? Tous a priori. Ou il y en a qui ne savent même pas pourquoi ils y sont allés, pourquoi ils sont sortis…

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En tout cas, ce premier tour de table, ce premier tour de piste nous dit qu'on a eu du bol. On a échappé au vote à 16 ans et cela, c'est grâce à Martin HIRSCH. Merci à lui.

On passe à la suite.

(Applaudissements)

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L’engagement de la jeunesse : quels impacts sur la société d’aujourd’hui et de demain ?

Table ronde

______ Anne MUXEL, directrice de recherche au Cevipof

Camille PEUGNY, chercheur en sociologie, Paris VII

Florence AUBENAS, journaliste grand reporter, Le Monde

Matthieu RICHE, directeur de la RSE, Groupe Casino

Jérôme ANDRE, directeur HF Prévention

Sophia HOCINI, volontaire AFEV

Guillaume MONTROCHER-OBER, ancien volontaire EPICES ______

M. ABIKER.- On va maintenant avoir un débat avec des observateurs qui sont moins engagés dans l’organisation de ce service civique. Ce sont des observateurs qui de la jeunesse, qui de ses comportements politiques, qui de ses méthodes d’engagement.

Des représentants aussi des entreprises qui vont soutenir, valoriser ce service civique. Je vous rappelle que le service civique ne marche pas dans l’entreprise mais que les entreprises sont là pour le valoriser voire, pour les plus courageuses, les plus généreuses, pour financer des postes.

J'appelle à cette tribune Anne MUXEL, directrice de recherche au Cevipof. Vous pouvez l’encourager à venir.

(Applaudissements)

Ensuite, Florence AUBENAS, qui est journaliste. Je suis ravi d’accueillir ma consœur Florence AUBENAS.

(Applaudissements)

Florence est là ?

INTERVENANTE.- Oui, elle est là.

INTERVENANT.- Elle a été retenue en tout cas.

M. ABIKER.- Ça, c’est d’un goût douteux. On ne dira pas qui a fait cette blague.

(Rires)

Si, voilà. Florence AUBENAS, merci de nous rejoindre.

(Applaudissements)

Libérée par Martin HIRSCH.

Matthieu RICHE, directeur de la responsabilité sociale et environnementale de Casino.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 40

(Applaudissements)

On aura aussi avec nous, on a de la place, Sophia HOCINI que vous avez entendue tout à l’heure. Elle est volontaire du service civique.

Guillaume MONTROCHER-OBER également.

Enfin, Jérôme ANDRE qui, lui, va parler au titre d’un organisme qui fait de la prévention sur le sida et qui accueille déjà en service civique et en tant que tuteur.

Tout le monde est-il installé ? J’en voudrais bien un ou une à côté de moi. Voilà, Jérôme.

(Applaudissements)

Je vais commencer par Florence qui s’est cachée au fond de la salle. Florence AUBENAS, qui était cachée au fond de la salle comme à son habitude pour observer le terrain, être dans un coin, voir ce qui se disait, être bien à l’écoute, etc. Si vous n’avez pas lu Le quai de Ouistreham, il faut le lire. Et si vous ne lisez pas Florence AUBENAS, il faut la lire évidemment dans les journaux ou quand elle fait un reportage. Avant même d’être journaliste, c’est quelqu’un qui s’intéresse à la société, qui s’intéresse aux gens. C’est comme cela qu’on pourrait la définir. Quand vous passez un quart d’heure avec Florence, tout de suite vous avez le sentiment d’être avec quelqu’un qui est attentif. Attentif à ce qui se passe, à ce que vous dites. Attentif aux petits détails et qui est curieux de cela. Donc pour moi, c’est ta curiosité, Florence, qui a dû s’exercer sur ce qui s’est dit avant et sur ce service civique. Tu nous fais l’amitié d’être ici aujourd’hui. Un petit ressenti d’abord pour commencer.

Mme AUBENAS.- Bonjour à tout le monde. La première des choses, j’ai été assez frappée par la communication politique qui avait été faite autour du service civique en général et par l’accent qui est mis aujourd’hui, cela a été dit quasiment en ces termes, comme élément de lutte contre l’extrémisme, les attentats, les choses comme cela. Je ne vais pas dire que je trouve cela déplacé mais faire porter sur les épaules des jeunes gens qui font le service civique la responsabilité de lutter contre les attentats ou d'être force de mobilisation, etc., cela ne me semble pas sympathique pour eux, j’allais dire.

(Applaudissements)

M. ABIKER.- Il n'y a pas eu que cela. Il y a eu cela et, dans le même temps, il me semble que Claude BARTOLONE a dit qu’il serait bête de ne pas donner du répondant à cette envie d'engagement, créée par ces événements. A priori il n'y a pas de lien entre les deux, évidemment.

Mme AUBENAS.- Bien sûr mais cela me semble deux choses extrêmement différentes, l’une n’empêchant pas l’autre. Mais le présenter comme une recette, j’allais dire presque comme une instrumentalisation de ce qu’est le service civique qui, à mon avis, est une chose formidable… Si je suis là, c'est parce que je pense que Martin HIRSCH, avec la manière… Je trouve qu'il a une faculté à s'engager et à mettre en place des choses là où les autres continuent à se demander s’il faudrait faire ou pas. Il est champion là-dedans. Il arrive très bien à faire tout cela. C’est pour cela que cela me semble très réducteur justement sur ce qu’est ce service civique et vraiment dommageable pour ceux qui y vont de les présenter comme cela, de les embarquer dans une lutte qui n'est pas forcément la leur, en tout cas pas en ces termes. Je trouve que cela n’est pas très…

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 41

L'autre chose, c’est que la chose merveilleuse qu’est le service civique, pour moi, était la manière de donner une place aux jeunes gens dans une société, place qui aujourd’hui est difficile pour eux. C’est-à-dire que nous, les plus vieux – malheureusement, je me mets dans cette catégorie –, sommes champions pour leur fermer les portes et pas tellement pour les leur ouvrir.

C’est vrai qu’au fil des reportages que je fais, il y a à chaque fois, évidemment, des contrats précaires qui ne permettent pas d’avoir des logements. Evidemment, ces mêmes contrats précaires ne permettent pas d’acheter un frigo chez Darty parce qu’il faut avoir des fiches de paye en CDI… Il y a toute cette problématique autour de la jeunesse et de la place qu’elle a.

Je pense que le service contribue à essayer de leur donner une place, à faire cela. C’est aussi, j’en discutais justement dehors – c’est pour cela, et j’en suis désolée, que j’étais un petit peu en retard – avec des jeunes gens justement du service civique, la difficulté qu’ils avaient, eux, était aussi cette place-là. C’est-à-dire quel est leur statut ? A Pôle Emploi les considère-t-on comme chômeurs ou pas ? Les considère-t-on avec une carte d’étudiant ou sans carte d’étudiant ? Ce qui change aussi considérablement les choses quand on est payé 450 euros. Les réductions que l’on a quand on est étudiant valent donc le coup. En termes politiques, je pense donc qu’il faut clarifier aussi cette place.

Un des grands enjeux, aujourd’hui, du service civique est de dire « c'est quelque chose de formidable ». C'est 450 euros. C’est déjà cela par mois. Ce n'est pas terrible mais cela permet à un certain nombre d'avoir quelque chose qui permet de tricoter une vie, en tout cas pendant le temps que dure le service civique. Mais il faudrait que cette place soit donnée de plain-pied, que cela corresponde à quelque chose pour tous les organismes publics.

Quant aux cartes et diverses choses, on disait tout à l'heure que la France était championne des sigles, c’est vrai. Il faudrait sortir du sigle justement et leur permettre d’avoir un réel statut et une réelle place.

M. ABIKER.- C’est un débat parce que c’est quand même un engagement. Un engagement civique qui concerne la collectivité. Immédiatement faut-il un statut ?

Mme AUBENAS.- Je le pense oui.

M. ABIKER.- Faut-il des contours ?

Mme AUBENAS.- Pas un statut au sens...

M. ABIKER.- Parce que s’il y a un statut, on peut l'assimiler à un sous-contrat de travail et là, on perd de vue les choses.

Mme AUBENAS.- Oui mais ce sont des jeunes gens qui ont leur vie à faire. Si vous voulez, cela sert à la collectivité, et cela est formidable, mais cela sert aussi aux jeunes gens. C'est ce lien entre la collectivité et les jeunes gens qui veulent s’engager qui doit être fait. Ces jeunes gens aussi ont besoin de dire « je fais le service civique. Voilà ce que c’est. Voilà quelle est ma place dans la société ». Cela me semble quelque chose de très légitime. Il ne s’agit pas là de faire des CAP administratives ou des passes Navigo comme ceci ou comme cela. Cela me semble une chose très simple : qu’est-on quand on fait le service civique ? Je pense que c'est important, oui.

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M. ABIKER.- Anne MUXEL, une réaction à ce qui s'est dit et aussi à ce qu’a dit Florence puis on fera les réactions en chaîne comme cela jusqu’au pugilat.

Mme MUXEL.- Je poursuivrai assez les propos de Florence AUBENAS. Ce dont la jeunesse a le plus besoin aujourd'hui, c'est à la fois de reconnaissance de son utilité sociale. Effectivement, notre société, je crois que la France est assez championne dans ce domaine, ne donne pas suffisamment à la jeunesse les conditions de la reconnaissance de la façon dont elle est utile à la société, dont elle est utile aux générations qui l'ont précédée.

Je crois que le service civique est un dispositif parmi d'autres. Il ne faut pas non plus, je suis tout à fait d'accord, faire porter au service civique tout l'avenir de la jeunesse. Il faut d'abord régler la question du chômage. Il faut d’abord régler, effectivement, toutes les questions qui permettraient aux jeunes de trouver place dans la société. Mais le service civique, dans le sens où il contribue à cette reconnaissance de la jeunesse en tant qu'elle est utile à la société, me semble une très bonne chose.

La deuxième chose dont la jeunesse a absolument besoin, c’est effectivement des conditions de son autonomie. Les jeunes ont besoin dans ce temps de la jeunesse d'avoir des conditions d'autonomie. Ce petit pécule ne permet sans doute pas de faire grand-chose mais je pense que là, il y aurait sûrement matière à réflexion pour renforcer l'aide matérielle symbolique qui permettrait peut-être d'ouvrir des portes, d'entrer sur le marché du travail. Je crois que c'est fait. Cela va dans ce sens. Mais je crois que là, il y a tout à fait nécessité de penser aussi ce service civique comme un moyen de renforcement d'autonomie, des conditions d'autonomie des jeunes. C'est très important. Je crois que ce binôme reconnaissance de l’utilité sociale de la jeunesse et donner les moyens de son autonomie est quand même très important.

M. ABIKER.- Merci, Anne MUXEL.

Matthieu RICHE, qui est directeur de la responsabilité sociale et environnementale de Casino, Anne MUXEL et Florence AUBENAS disent qu’il y a un besoin de reconnaissance, qu’il y a un besoin d’autonomie. L'autonomie, en tout cas matérielle et financière, ils ne la trouveront pas en faisant un service civique. Ce serait mentir que de leur dire cela. Ils la trouveront dans un boulot. En trouvant un boulot. C’est pour cela que je me tourne vers vous parce que vous, vous agissez à deux niveaux. Vous êtes du côté du secteur privé. Vous recrutez dans la grande distribution des chefs de rayon, des caissières, des caissiers, j’en passe et des meilleurs. Des acheteurs… Tout l’enjeu du service civique, c’est qu’un service civique, dans le bas du CV – ou le haut du CV, d’ailleurs – soit une ligne valorisée. Deuxième enjeu, c’est que quand quelqu'un a fait un service civique, son CV soit mis un peu de côté ou un peu en avant même si, évidemment, on ne va pas recruter chez Casino que des gens qui ont fait leur service civique parce qu'il y a aussi des nuls qui font leur service civique. Il y a des gens qui ne sont pas bons, il faut le savoir, comme dans tous les autres secteurs de la société. J'ai connu des nuls qui faisaient HEC aussi.

M. RICHE.- Je ne sais pas s’ils sont nuls ou pas. Nous, on cherche des compétences dans les entreprises. Donc, effectivement, en 2011, on a eu cette discussion avec Martin HIRSCH et l’Agence du service civique sur la meilleure manière de valoriser l’expérience acquise pendant le service civique.

Le constat que nous faisons, vous avez vu les parcours très divers des jeunes en service civique, ce sont des parcours qui évidemment intéressent et doivent intéresser les

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entreprises. Par contre, en 2011 et, je pense, encore maintenant, les entreprises ne sont pas forcément bien au courant sur ce qu’est le service civique, ce que vous y faites, ce que vous y avez appris, quelles sont les compétences que vous avez apprises. Inversement, nous ne sommes pas tout à fait sûrs que vous sachiez bien les valoriser.

Notre engagement portait là-dessus. D’abord, faisons comprendre à toutes nos équipes de recrutement ce qu’est un service civique pour vous éviter… Il serait intéressant d’avoir le témoignage de Monsieur qui a postulé chez Accenture. La première question que l’on vous pose est-ce « c’est quoi un service civique ? » et vous passez dix minutes à expliquer ce qu’est le service civique – le contrat, que c’est pour les 16-25 ans, etc. – ou pouvez-vous enclencher tout de suite sur « voilà ce que j’ai appris pendant le service civique, voilà les compétences que j’ai pu acquérir et que j’ai validées » ?

Ce que nous voulons essayer de faire, c’est de s’assurer que toutes nos équipes de recrutement, quand elles reçoivent un CV et qu’elles voient « service civique », elles se disent « c’est une expérience intéressante, c’est une expérience utile et je la valorise positivement ».

On s’est même posé la question si, dans les entreprises, ces expériences, à défaut de ne pas être valorisées, pouvaient être discriminantes négativement. Cela serait intéressant… On fait des études sur la discrimination liée au quartier, à l’âge, etc. Il serait intéressant de s’assurer que le fait de s’engager dans une association – il n’y a pas d’étude qui a été faite… je crois qu’il y a une étude qui a été faite là-dessus –, qu’un engagement sur un CV, un engagement associatif, est bien un plus et pas un moins. Aux Etats-Unis, ce serait un plus.

M. ABIKER.- A priori avec les chiffres de l’étude que nous ont présentée Joaquim et Olivier, on a le sentiment que les gens qui ont fait leur service civique sont représentatifs de la société et pas d'un quartier, d'une condition sociale, etc.

M. RICHE.- Tout à fait.

M. ABIKER.- Donc cette question pourrait être réglée d'ores et déjà.

M. RICHE.- Tout à fait. Le message que nous envoyons donc en interne est de dire « le service civique est une expérience positive, intéressante, voilà en quoi cela consiste » et derrière on a validé effectivement que les jeunes apprenaient un certain nombre de compétences, de savoir-être et de savoir-faire qui sont totalement transposables dans l’entreprise.

Evidemment, nous sommes sur des métiers de services. Nous sommes des commerçants. Donc les métiers de services correspondent très bien aux missions que vous faites. On est présent sur tous les territoires, en zones rurales, en zones urbaines, dans les quartiers. Les missions que vous faites aujourd’hui sont dans des milieux très hétérogènes. Vous êtes capables d’échanger, de discuter avec toute la population dans toutes ses composantes, aussi bien des jeunes que des personnes âgées. C'est exactement la vie d’un magasin et de nos magasins. Pour nous, c’est assez facilement transposable. C'est peut-être plus compliqué à transposer dans d'autres métiers mais, pour nous, c'est simple.

Derrière, il y a l’idée aussi de se dire qu’il faut que ces jeunes qui s'engagent en tirent aussi quelque chose. On le voit bien dans toutes les discussions que l’on a eues. Oui, il y a une dimension très altruiste mais, en même temps, les jeunes aujourd'hui sont réalistes.

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Ils savent très bien qu’il faudra trouver un emploi. Pas forcément en entreprise car je ne suis pas certain qu’il y en ait beaucoup qui feront le choix d'aller en entreprise dans les jeunes qui sont là. Certains vont aller dans les administrations, les associations ou dans l’entreprise.

M. ABIKER.- Ce n'est pas sûr… Pardon mais ce n’est pas sûr.

M. RICHE.- Ce n’est pas sûr mais, effectivement, nous le voyons dans les rencontres que nous avons avec les jeunes. Il y a des profils très variés. Nous pensons donc qu'il faut tendre la main à ces jeunes et qu’en tout cas, le fait de faire un service civique doit définitivement être un plus. Sinon, de manière assez réaliste, si j’étais jeune et que j’ai le choix entre différentes possibilités et que le service civique ne me permet pas de m’aider à mieux m’insérer professionnellement, suis-je prêt à m’engager jusque-là ? C’est une question que l’on peut légitimement se poser aujourd’hui dans le contexte actuel.

M. ABIKER.- Une réaction de Jérôme ANDRE qui buvait vos paroles et qui semblait vouloir les compléter.

M. ANDRE.- On est plutôt une association. HF Prévention est une association de prévention santé. On intervient dans le domaine des IST sida.

Pourquoi s'est-on engagé dès le départ, il y a cinq ans, en faisant une demande d’agrément ? C’est tout simplement parce que le service civique, pour nous, a, en fait, les mêmes valeurs, en tout cas dans le domaine de la santé, et on souhaitait vraiment que les jeunes aient un engagement à nos côtés aussi sur le fait de pouvoir avoir une démarche un peu citoyenne.

Surtout on se rend bien compte que c'est un catalyseur d'expérience et d'énergie et qu’il faut, du coup, encadrer les services civiques. Ils nous apportent beaucoup et on leur apporte beaucoup. C’est vrai que sur les sorties, on est très vigilant.

On a identifié trois grandes phases. Il y a, effectivement, le recrutement. Ce n'est pas simple, surtout dans les domaines où on intervient puisqu’on intervient quand même au niveau des IST sida. Plus particulièrement, on se rend compte qu’il est important que le jeune volontaire soit vraiment présent sur une mission qui lui tient à cœur, pour laquelle il nous a choisis et pour laquelle on l’a choisi. Souvent, d’ailleurs, c’est ce qu’on dit.

M. ABIKER.- Parce que cela va lui donner des idées pour sa recherche d’emploi ou une nouvelle orientation.

M. ANDRE.- C’est plus que cela. Effectivement, en plus, on s'est donné pour mission, cela nous est propre, de recruter des jeunes qui sont non diplômés ou non qualifiés et que l’on va remobiliser. On a d’autres jeunes qui sont aussi diplômés et qui viennent un peu en complément. Mais on se rend bien compte que cela leur permet d'avoir une première expérience. Cela leur permet d'avoir un cadre. Chez nous, le cadre est très important. Lors de l’intégration du jeune, notamment dans la structure, il est important qu'il y ait un cadre qui soit posé. Ce n’est pas un salarié. Ce n’est pas non plus un bénévole. C’est vraiment un volontaire. Il est venu là. Il y a une indemnité. Après, on peut discuter du montant. En l’occurrence, nous allons un peu plus loin que l'indemnité du service civique puisque nous ajoutons le passe Navigo. Nous sommes une association nationale, mais il y a aussi beaucoup de travail qui est fait en banlieue. Et dans les banlieues…

M. ABIKER.- Proposez-vous une voiture de fonction ? Une Audi A6 ?

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 45

M. ANDRE.- On a des camping cars mais c'est plus pour faire du dépistage hors les murs en version rapide. En tous les cas, c’est important pour nous d’avoir une vraie réunion d’information pour qu’ils connaissent leurs droits, leurs devoirs, qu'on puisse poser une cadre, expliquer à tout le monde ce qu’est un service civique, le leur expliquer.

Surtout, dans la deuxième phase qui est au long cours, nous avons fait le choix aussi de travailler le projet professionnel, le « aller vers » dans le futur, c'est-à-dire ce que le jeune souhaite faire à la suite du service civique. Là, on a un vrai travail avec les missions locales notamment parce que les jeunes sont suivis souvent par les missions locales.

Pour qu’ensuite ils aillent en entreprise, on n’hésite pas à faire des courriers de recommandation parce que, et je le dis souvent à d’autres personnes qui ont des agréments service civique, il est important que les associations qui ont reçu ces jeunes fassent aussi ce travail de faire connaître le service civique et de le promouvoir. Faire un courrier de recommandation, quand un jeune le vaut, permet justement de faire connaître le service civique, de valoriser le jeune car dans une mission de volontariat, il est important aussi de valoriser le jeune.

M. ABIKER.- Vous avez vu comme le débat dérive sournoisement vers l'insertion professionnelle. Vous avez vu comme on est tous obsédé par le chômage. Eh bien, non ! Il y a, à 20 ans, des périodes où on peut penser à autre chose. Ce n'est pas parce que la société est complètement obsédée par l'économie qu'à un moment donné, on ne peut pas revenir à la question de l’engagement même si, vous avez vu, le dernier débat sur une simple chanson qui a foutu le bordel dans l’organisation des Enfoirés, avec les vieux d'un côté… « Vous avez tous le pognon et nous, on n’a rien », etc. Vous avez vu à quel point la société française rapidement… très rapidement victimise ses jeunes et à quel point elle transforme en vieux cons des chanteurs et les jeunes en victimes. Nous ne sommes pas du tout là pour cela et je voulais le rappeler.

Je voulais revenir à ce qu’est un engagement et je me tourne vers Camille PEUGNY parce que j’ai appris, en préparant notre rendez-vous, aujourd’hui, qu’il y avait d’autres services civiques cousins en Europe. J'ai découvert aujourd'hui, parce que j’étais nul en service civique, qu'on pouvait accueillir des Roumains ou des Allemands. C'est incroyable ! C'est incroyable !

(Rires)

Non seulement j’ai appris cela mais, en plus, il y a des équivalences service civique en Europe. Racontez-nous, Camille PEUGNY, qui êtes sociologue aussi.

M. PEUGNY.- Effectivement, il n’y a pas qu'en France qu'il y a des dispositifs qui permettent aux jeunes de s'engager. Il y a même un service volontaire européen. Mais surtout la comparaison européenne est intéressante parce qu’elle permet un peu de préciser le constat qu’ont fait Florence AUBENAS et Anne MUXEL. C'est-à-dire qu'on décrit souvent les jeunes français comme étant un peu des exceptions en Europe. C'était très frappant quand il y a eu les manifestations contre la réforme des retraites en 2010 où on disait que les jeunes français étaient quand même particulièrement tristes et pas drôles, déjà occupés à 18 ans à compter leurs trimestres retraite et à imaginer qu’à 60 ans... Etc. Mais quand on bosse dans des enquêtes un peu lourdes, académiques, un peu pénibles des questions aux jeunes européens, on s’aperçoit que les jeunes français ne sont pas plus inquiets pour l'avenir que les jeunes européens, à l'exception des jeunes scandinaves qui sont tous un petit peu béatement optimistes.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 46

M. ABIKER.- Mais ils ne sont pas plus paresseux ou plus à droite ou plus à gauche.

M. PEUGNY.- Non. Par contre, les jeunes français ont quand même une spécificité. A la question « avez-vous l’impression que la société dans laquelle vous vivez vous laisse faire vos preuves réellement et montrer ce dont vous êtes réellement capable ? », ce sont les jeunes français qui, le plus, disent non. En 2006, bien avant l’explosion de la crise financière de 2008, c'était 51 % des jeunes français et dans l’enquête « Génération quoi », menée à bien avec ma collègue Cécile VAN DE VELDE, et dont Le Monde avait publié les premiers résultats, c'était même 70 % en 2013.

On peut relier cela très concrètement à au moins deux éléments. D'abord, mais c’est hors sujet, je passe donc très vite, le système éducatif, qui reproduit beaucoup les inégalités, ce qui fait qu’en gros, si on choisit la mauvaise option en classe de 3ème, on ne peut pas faire tel bac et non pas telles études et non pas tel métier. Or, comme il n’y a pas beaucoup de possibilités de retour en arrière, les destins sont figés très tôt.

La deuxième raison, ce sont les politiques publiques quand même. On voit qu'il y a différents modèles européens – je reviens à la question européenne. Or, en France, on s'aperçoit qu'on laisse beaucoup l’accès à l'autonomie des jeunes, qui est une question essentielle, reposer sur les épaules de la famille. Evidemment, quand on fait des études, il y a un petit peu de bourse, un petit peu d’allocation logement. Si on fait des études qui sont jugées rentables par les banques, on va vous prêter un peu d’argent, etc. Mais il y a surtout beaucoup de famille. Or, dans des sociétés qui vieillissent, parce que la société française vieillit même si elle vieillit moins rapidement que ses voisines, il n’y a pas vraiment de réflexion sur la place que l’on accorde aux jeunes au-delà des discours. On peut tous dire « les jeunes, c'est l'avenir » et les trucs tautologiques comme cela, mais dans les politiques publiques, ce qui est fait c’est très peu. On se défausse assez largement sur la famille.

Il y a un exemple. Il ne s’agit pas de dire qu'il faut importer le modèle danois en France dès demain matin et très rapidement, mais il y a des pays qui vraiment considèrent qu’à l’âge de 18 ans par exemple, on devient un citoyen de plein exercice avec l’ensemble des droits et des devoirs.

En France, par exemple, pour le RSA, si vous avez moins de 25 ans, il est extrêmement compliqué d’avoir le RSA puisque les conditions sont tellement drastiques pour l’avoir qu'en réalité, vous ne pouvez pas l'avoir. C'est comme si on avait fait le RSA pour les hommes, les femmes auraient hurlé à juste titre et on aurait dit « OK, on fait le RSA pour les femmes aussi, mais à condition qu'au cours des deux dernières années, elles aient travaillé à temps plein ». On a fait cela pour les jeunes, en fait. On dit « si vous avez moins de 25 ans, vous avez droit au RSA si vous avez… »

M. ABIKER.- Là, on s'éloigne de la question de l'engagement quand même.

M. PEUGNY.- Pas seulement car pour s’engager, soit on considère que les jeunes… On pose la question de s’ils ont envie de s’engager ou pas. Evidemment, oui, ils ont envie de s'engager. Mais je pense que pour s’engager, il faut qu'il y ait des conditions qui permettent de s’engager. Je pense que l’engagement fait partie plus largement et plus généralement de l’accès à la citoyenneté. Or, nous sommes un pays qui ne pose pas vraiment l'accès à la citoyenneté des jeunes.

Je termine juste par un dernier exemple. En France, vous êtes majeur sexuellement à un certain âge…

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 47

M. ABIKER.- 12 ans et demi en principe.

M. PEUGNY.- Majeur pénalement à 14 ans trois-quarts. Majeur électoralement à 18 ans. Majeur socialement à 25 ans pour l'ensemble des prestations. C'est un symptôme d’une société qui peine, au-delà des difficultés économiques, le taux de chômage et autres – on pourrait faire pleurer beaucoup là-dessus et à juste titre –, à accorder une vraie place aux jeunes. En France, il y a un consensus pour dire que la vieillesse, la dépendance, est un âge fragile et qu’il faut que l'Etat s’en mêle et qu’on ne laisse pas cela complètement au privé ou aux familles. Je pense que l’accès à l’autonomie est un autre moment fragile. La citoyenneté est un moment essentiel, l’engagement, parce que cela permet de se trouver, de chercher sa voie, etc. Et je pense que le service civique ne peut être qu'un élément, important, certes, même s'il est augmenté, etc., d’une révolution des politiques publiques plus vastes.

M. ABIKER.- Camille, y a-t-il un service civique anglais ou allemand ou danois ? A quoi ressemble-t-il ?

M. PEUGNY.- C’est sous des formes qui peuvent être relativement voisines de celle que l’on a, avec une gratification autour de 300 à 550 euros selon les pays, avec, dans les pays qu’on observe, la plupart des débats sur « est-ce que cela ne substitue pas à l’emploi ? ». D’ailleurs, l’INJEP, en 2011, avait publié un rapport qui synthétisait ce qui existait. Il y a même un service civique en Suisse. On plaisantait tout à l’heure avec la Suisse mais il y a un service civique en Suisse. Tous les pays se posent cette question. Simplement, des pays ont fait des choix de politiques publiques plus audacieux au-delà du service public même si celui-ci est absolument essentiel. Il n’y a qu’à voir les jeunes qui sont dans la salle.

M. ABIKER.- Anne MUXEL, sur la question de l’obligation, pas obligatoire, facultatif, de se donner des objectifs quantitatifs, finalement le politique a-t-il raison de dire qu’il y a une demande qui est née dans les circonstances où elle est née, en tout cas qui a été boostée dans les circonstances où elle a été boostée et dans les circonstances que l’on connaît, dramatiques ? Faut-il y répondre ? Est-ce bien d’augmenter les possibilités, de créer ces postes de service civique ? Cela correspond-il justement à cette envie de s'engager ? Evidemment, derrière l'envie de s'engager, il y a l’envie d’être, de s'affirmer, d'être citoyen, d'être autonome, d'être quelqu'un parce qu’on veut tous être reconnu, mais est-ce bien finalement de créer des postes en plus ?

Mme MUXEL.- Je pense que c’est bien de créer des postes en plus de toutes les façons. Tous les postes que l'on peut créer en plus aujourd’hui sont bons à prendre.

M. ABIKER.- Ah ! Ah !

Mme MUXEL.- Mais c'est une question difficile, cette question de l'obligation, car, effectivement, l’engagement suppose une démarche volontaire, et dès l’instant où on en fait quelque chose d’obligé, on n’est plus dans cette dynamique d’un engagement individuel existentiel personnel propre.

Cela étant, il me semble que réfléchir à la question de l'obligation doit être important parce qu’au fond, un engagement à un moment donné du temps de la jeunesse, dans ce temps de construction identitaire, de construction sociale, d’un moment où on doit rencontrer l'autre, donc organiser finalement la rencontre avec l'autre, les autres, pas seulement les autres de la société, ses personnes âgées, ses personnes malades, ses personnes en difficulté que l'on va aider au travers d’un service civique, mais aussi les autres de son

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âge, de sa génération, ceux qu'on ne connaît pas forcément, qui habitent à d’autres endroits, qui viennent d’autres milieux. Je crois donc que cette question quand même de la rencontre avec l'autre, le service civique est un très beau dispositif pour l'organiser et peut-être l'organiser davantage.

C'est vrai qu'il ne faut pas reconvoquer avec nostalgie le rôle qu'avait le service militaire d’antan, de cette expérience de mixité sociale, d’expérience forte de vie communautaire forte, avec ses bons côtés mais aussi ses mauvais côtés. Mais tout de même, apprendre… Parce que, pour l’instant, le service civique ne prévoit pas de cohabitation entre ce qu'ils font, de mobilité non seulement géographique...

M. ABIKER.- Ils ne sont pas mélangés.

Mme MUXEL.- Pas tant que cela. Je crois que la mobilité géographique… La jeunesse est aussi un temps où il faut bouger et faire des expériences de socialisation forte. Evidemment, tous ceux qui travaillent autour de ces questions pensent à tout cela mais si on doit aller plus loin, et je pense vraiment qu’il faut, de toutes les façons, renforcer tout ce que l’on peut renforcer, je crois qu'il y a là… Il faut être audacieux. Il faut peut-être trouver des solutions plus souples. Des possibilités, par exemple, de petites expériences communautaires. Pas forcément tout généraliser mais le faire. Ou des expatriations vraiment. Des rencontres avec d’autres pays. Permettre à des jeunes qui n'ont pas du tout l’opportunité, par exemple, de voyager, de faire des expériences de mobilité comme celles que peuvent avoir, par exemple, les étudiants au travers du programme Erasmus maintenant. Il est très établi que dans le monde étudiant, en tout cas, on aille faire X mois, un semestre, un an, à l'étranger mais dans bien d'autres métiers. Par exemple, je viens de terminer une recherche et un film documentaire sur les jeunes apprentis, donc ceux qui préparent un CAP. Les occasions de mobilité, de voyage, d'expériences professionnelles ailleurs sont absolument nulles. Donc là, il y a sûrement à trouver une diversité de projets et de formules qui peuvent encore enrichir les propositions du service civique.

M. ABIKER.- Je me tourne vers Sophia HOCINI. Elle est encore en service civique. Elle va nous raconter ce qu'elle fait. Elle est tombée dans la marmite de l'engagement très tôt. A 14 ans, vous étiez militante. Je n'ai pas réussi à vous faire dire si vous étiez de gauche ou de droite ou d'extrême gauche ou droite. Vraiment très difficile. En tout cas, cela vous a piquée tôt et, vous, vous le vivez comme le prolongement, l’achèvement d’une envie de vous engager.

Mme HOCINI.- Oui, Tout à fait.

M. ABIKER.- C’est cela. Ce n'est pas en attendant mieux. Ce n’est pas en attendant de trouver du boulot, etc. C'est « haut les cœurs ! ».

Mme HOCINI.- Exactement. Tout à l’heure, Claude BARTOLONE parlait des valeurs de la République. Je trouve qu’il l’a fait à juste titre parce qu’aujourd’hui je pense que quand on s’engage en service civique, c'est également réaffirmer ces valeurs et cette devise qui a été proclamée au nom de l’universalisme, « liberté, égalité, fraternité ».

La liberté de faire une année de césure et de faire une pause, que ce soit dans ses études ou… enfin, dans son parcours de vie, pour dire « je ne veux pas travailler, je ne veux pas continuer mes études mais je vais m’engager six mois, neuf mois ou douze mois en service civique ».

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Egalité parce qu'on partage quand même tous cette volonté de lutter contre les inégalités et de faire que ce dont on parlait tout à l’heure, les schémas, ne se reproduise pas, qu’il n’y ait pas de reproduction sociale, et lutter de manière active pour les plus démunis, pour ceux qui sont marginalisés et laissés sur le bas-côté.

Fraternité parce qu'il y a cette envie également d'être altruiste. Aujourd’hui, cela manque vraiment dans notre société. On est dans une société très individualiste où c'est assez nombriliste. On pense un petit peu à soi. On n'est plus dans un schéma d'aider son voisin, d’aider son ami, d’aider sa famille. Cette recherche de fraternité, pour moi, est donc essentielle.

Ensuite, je voulais aussi souligner que c'est une réponse formidable à la peur de l'autre. Aujourd’hui, on n'est pas seulement dans une société en crise financière mais je dirais que l’on est aussi dans une société en crise sociale, en crise de cohésion sociale, et le service est aussi un moyen de pallier ce manque de la société.

M. ABIKER.- Pardon. Là, vous êtes dans le diagnostic et on est d’accord.

Mme HOCINI.- Oui.

M. ABIKER.- Vous parlez presque aussi bien que Claude BARTOLONE. Pas de problème. Mais je veux savoir qui vous avez aidé et concrètement ce que vous avez fait.

Mme HOCINI.- Comme je le disais rapidement tout à l’heure, je suis en service civique, donc pas de sigle, à l’Association de la fondation étudiante pour la ville. Une association d’éducation populaire qui est transversale. On a vraiment des actions très différentes. Les volontaires sont sur des missions très différentes.

Pour ma part, je gère une équipe de bénévoles. Je suis là pour les accompagner. Le bénévolat à l’AFEV, c'est deux heures par semaine. On accompagne des enfants entre 5 et 18 ans pour leur ouverture culturelle. Je suis donc sur l’accompagnement de ces bénévoles.

Je suis également volontaire en résidence. Le principe, c'est des volontaires qui sont appelés à intervenir dans des établissements scolaires, dans des centres sociaux, dans des BCD, les petites bibliothèques des écoles primaires. Dans des lieux divers et variés.

M. ABIKER.- Que font-ils ?

Mme HOCINI.- Pour ma part, je suis dans deux lycées professionnels et un collège. Dans les lycées professionnels, je fais principalement des ateliers de remobilisation, toujours avec nos chères techniques d’éducation populaire, des petits jeux participatifs, des cinés-débats, des théâtres-forums, des débats mouvants. Différentes techniques pour les faire s'exprimer.

Cela me tenait à cœur de l'orienter ainsi parce que je pars du principe qu'on ne peut pas construire son avenir si on ne sait pas s’exprimer clairement et si on n'a pas les idées claires. Ces petits ateliers de débats, d'expression, et de libre expression surtout, sont utiles pour les construire socialement pour en faire des citoyens. Pour nous, cela ne fait pas très longtemps que nous sommes considérés comme citoyens mais c’est aussi notre devoir, je dirais, d’éduquer les plus jeunes que nous.

Dans le collège, je suis avec une classe d'enfants nouvellement arrivés. Ils viennent d'arriver en France. Ce sont des ateliers, pareil, d'expression orale pour les aider à

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 50

maîtriser la langue française. C’est une… Je n’aime pas trop le terme « intégration » mais c’est aujourd’hui celui qu’on utilise. Savoir manier la langue de Molière est utile…

M. ABIKER.- Vous donnez un cours de français ou vous faites faire des petits exercices ?

Mme HOCINI.- Ce n’est pas un cours de français. Je ne suis pas prof. C’est justement la magie un petit peu dans ces volontariats en résidence. On n'est pas des éducateurs. On n’est pas des profs. On n’est pas des parents. On a ce statut de jeunes engagés qui venons. On a une légitimité, du coup, à intervenir parce qu’on a une proximité dans l'âge.

On a une proximité également dans les parcours de vie, notamment pour cet atelier de FLE. Je suis également arrivée en France à l'âge de 8 ans. Cela me tient à cœur de les aider et de leur dire que ce n'est pas parce qu’on arrive en France assez tard qu'on n'a pas les moyens de réussir et d'être pleinement citoyen et d'être pleinement acteur de sa citoyenneté et que ce n’est pas seulement d’être appelé une fois tous les cinq ans ou une fois tous les je-ne-sais-combien pour mettre un petit bulletin dans l’urne, mais le faire au quotidien. Le faire au quotidien en partageant justement son expérience, en partageant ses valeurs et en rendant service justement.

M. ABIKER.- Parlez-nous de quelqu'un à qui vous avez rendu service.

Mme HOCINI.- Avant d’être volontaire, j'étais également bénévole à l’AFEV. Du coup, c'est le quatrième enfant que j'accompagne. Cette année, c’est vrai que j'ai été particulièrement touchée par la situation d'une petite-fille qui a 5 ans et que j’accompagne également deux heures par semaine. Elle est réfugiée politique et était à deux doigts, il y a quelques semaines, d'être expulsée. On s’est mobilisé à l'AFEV et avec d’autres amis pour aider et faire en sorte que le papa ne reparte pas. Autrement, c'était toute la famille qui repartait dans son pays d'origine. Ils vivent dans des conditions quand même assez incroyables. Cela permet également de relativiser et de se dire que cela vaut le coup de s'engager et de donner de son temps.

M. ABIKER.- Quand vous dites, Sophia, « accompagner », qu’est-ce que cela veut dire ? Aujourd’hui, tout le monde accompagne. Alors vous ne les accompagnez pas à l’école mais aujourd’hui, quand quelqu’un dit « je suis là », il dit « j’accompagne ». Mais si on découpe « accompagner » en quinze morceaux, quels morceaux y a-t-il dans « accompagner » ?

Mme HOCINI.- On n’est pas des baby-sitters. C’est la première chose.

M. ABIKER.- Parce qu’il y a des consultants qui disent « on accompagne » aussi. Donc tout le monde accompagne. J’ouvre donc « accompagner ». Qu’y a-t-il dans la boîte « accompagner » ?

Mme HOCINI.- A l’AFEV, le mot « accompagner », ce n'est pas du baby-sitting, rappelons-le, et ce n’est pas non plus de l'aide aux devoirs.

Beaucoup croient que c’est faire les devoirs le soir, etc. Cela peut l’être si certains étudiants le souhaitent mais c'est d'abord et avant tout un accompagnement vers l'ouverture culturelle. Aujourd’hui, Bourdieu l'expliquait très bien, on a diverses socialisations et on n’a pas tous les mêmes...

M. ABIKER.- Vous ne ferez pas lire Bourdieu à une gamine de 5 ans quand même.

Mme HOCINI.- Non, quand même pas.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 51

M. ABIKER.- Je veux dire qu’il y a quand même un peu d’humanité dans un service technique. Et puis vous n'êtes pas obligée d’en faire des gauchistes immédiatement.

(Rires)

Mme HOCINI.- Qui vous a dit que j’étais gauchiste, Monsieur ?

M. ABIKER.- Je vous parle de Bourdieu.

Mme HOCINI.- Simplement, il faut remettre les choses dans leur contexte et spécifier effectivement qu’on ne part pas avec les mêmes bagages culturels. A l'AFEV, nous sommes là pour apporter ce petit plus au niveau social, apporter un petit carnet d'adresses et également des connaissances et une certaine appétence également pour les activités culturelles, que ce soit le cinéma de variété, pas les daubes qui sortent le mercredi, mais également la lecture, etc. En fait, on découpe à l’AFEV. Comme ils ont entre 5 et 18 ans, ce n'est quand même pas pareil d’accompagner un enfant qui a 5 ans et un autre qui a 18 ans. Jusqu’à 11 ans à peu près, on fait de l'accompagnement vers la lecture. Donc ce n’est pas simplement…

M. ABIKER.- L’accompagnement à la lecture n’étant pas la lecture.

Mme HOCINI.- Exactement.

M. ABIKER.- Ah, la vache !

Mme HOCINI.- Ce n’est pas juste de la lecture. Oui, c'est assez technique mais c'est tout ce qu'il y a autour. Cela peut être faire un gâteau parce qu'il faut lire une recette de cuisine. Cela peut être aller au musée et voir un petit peu ce qui s’y trouve.

M. ABIKER.- Chercher un livre.

Mme HOCINI.- Voilà. Utiliser les ressources qu’a la bibliothèque. Savoir ce qu’est une bibliothèque et comment on s’en sert. Faire sa carte de bibliothèque. Très peu en ont une.

Ensuite, au collège, ce sera de l'accompagnement vers l'autonomie. Donc comment je me déplace dans la ville, comment j’organise mon emploi du temps. C’est vrai que quand on arrive en 6ème, on est chamboulé. « Oui, j’ai 36 matières. Comment je fais mon sac ? » et compagnie. Donc accompagnement vers l’autonomie.

M. ABIKER.- Vous les coachez un peu. Pour utiliser un terme à la mode, cela inclut aussi du coaching.

Mme HOCINI.- Voilà.

M. ABIKER.- Sophia, je sais que vous pourriez parler huit heures, ce qui est beaucoup plus que le président de l’Assemblée nationale. Je vous coupe le sifflet mais vous en avez sous le pied. Bravo.

(Applaudissements)

Guillaume MONTROCHER-OBER, vous aussi, vous avez fait votre service civique.

M. MONTROCHER-OBER.- Tout à fait.

M. ABIKER.- Vous êtes en train de le faire. Est-il fini ou pas ?

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 52

M. MONTROCHER-OBER.- Je suis un ancien volontaire.

M. ABIKER.- Ancien volontaire.

M. MONTROCHER-OBER.- J'ai terminé au mois de novembre l'année dernière.

M. ABIKER.- D’accord. Que faites-vous maintenant ?

M. MONTROCHER-OBER.- Maintenant, je suis en hôtellerie-restauration, en partie notamment grâce à ce service civique qui m’a confirmé dans la voie que j'ai choisie. J'ai effectué une remise à niveau, en fait, en hôtellerie-restauration.

M. ABIKER.- Dans quoi était le service civique en question ?

M. MONTROCHER-OBER.- Il était dans une association qui s’appelle EPICES. C'est une association qui promeut la cuisine et qui essaie de montrer à différents publics qu’on peut cuisiner et que, grâce à cela, on peut transmettre des valeurs, tirer les gens vers le haut et les aider. En fait, c'était plein de cours de cuisine, et l'objectif était celui-là.

M. ABIKER.- Vous dites que cela vous a aidé à sortir ou, en tout cas, à vous orienter derrière. De quelle façon ?

M. MONTROCHER-OBER.- Depuis tout petit, j'étais passionné par la cuisine. Cette association est vraiment tombée comme un cadeau. Elle m'a confirmé dans le fait, notamment grâce à des rencontres avec certains chefs… Le fait de pouvoir entrer dans les cuisines de l’Auberge de l’Ill, par exemple, un restaurant trois étoiles en Alsace, m’a montré que je peux peut-être moi aussi devenir cuisinier un jour. Cela m’a confirmé dans cette voie. Cela a été un vrai tremplin, en fait.

M. ABIKER.- Que disent vos copains ? Qu’ont-ils dit quand vous leur avez dit « entre maintenant et l’année prochaine, je vais faire un service civique » ? Comment est-ce reçu ? Y a-t-il de la curiosité ? Des questions ?

M. MONTROCHER-OBER.- Il y a beaucoup de curiosité, notamment parce que ces associations ouvrent une porte avec un milieu, un carnet d'adresses particulier. Les jeunes autour de moi sont très curieux de ce que je fais dans ma mission, de ce que cela apporte. Ils sont aussi intéressés de voir qu’il y a une suite dans l’orientation après, que cela peut apporter quelque chose et que cela peut être valorisé sur un CV, etc. Il y a beaucoup de curiosité derrière.

M. ABIKER.- Donc vous avez eu le sentiment de ne pas perdre votre temps.

M. MONTROCHER-OBER.- Absolument pas. Non seulement j'ai pu aider des personnes en leur apprenant les bases de la cuisine mais j'ai aussi pu retirer des techniques nouvelles en partenariat, en dialoguant avec des chefs. J’ai aussi réussi à trouver ma voie. Donc je ne pas perdu du tout mon temps.

M. ABIKER.- Parvient-on au sein du service civique à faire travailler des jeunes français au-delà de 35 heures ? Quel est votre emploi du temps ?

M. MONTROCHER-OBER.- Mon emploi du temps, on avait des prestations culinaires, le soir tard, pour des partenariats et l’association. Le samedi, on organisait des manifestations pour promouvoir la cuisine au niveau des écoles maternelles. On avait notamment un parcours gourmand que l’on a installé avec une randonnée pour

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 53

promouvoir et le côté santé et sportif et le côté nutritionnel. J’avais des programmes très chargés pendant la semaine.

M. ABIKER.- Avec des obligations ? Comment cela se passe ? On n’a pas parlé des obligations mais devez-vous être là de 8 heures à 17 heures ou est-ce free style ?

M. MONTROCHER-OBER.- Pour moi, il n'y avait aucune obligation dans mon association d'être présent. Chaque membre de l'association s'arrangeait en fonction de ses contraintes personnelles, effectivement, aussi. C'est vraiment un emploi du temps qui changeait chaque semaine et apportait beaucoup de nouveautés. On travaillait avec des partenaires culturels, des partenaires sociaux. On avait beaucoup d'ateliers différents, en fait. On avait un programme qui changeait quasiment du jour au jour.

M. ABIKER.- OK. Il y a des questions. On va continuer à discuter mais, cette fois-ci, avec la salle.

J’ai des questions de Mehdi, d’Anne-Sophie et de Guillaume qui vient spécialement d'Alsace. C’est vous ? C’est vous qui venez d’Alsace ?

M. MONTROCHER-OBER.- Je n’ai pas de question.

(Rires)

M. ABIKER.- Vous n'avez pas de question. Pourquoi m'a-t-on mis cela ? C’est incroyable.

Mehdi.- Mehdi, 25 ans.

M. ABIKER.- Salut, Mehdi. Bonjour.

Mehdi.- Bonjour. Volontaire au sein de la Croix-Rouge française.

M. ABIKER.- Donc vous y êtes là.

Mehdi.- Oui.

M. ABIKER.- En plein dedans.

Mehdi.- Actuellement, oui.

M. ABIKER.- Vous avez l'air content.

Mehdi.- Je suis très content.

M. ABIKER.- Question.

Mehdi.- Question, les difficultés que rencontre la jeunesse dans sa globalité à l'échelle macroscopique sont assez quantifiées par les statistiques. Elles sont actées. On porte même le nom de « génération sacrificielle ».

M. ABIKER.- Je l’ai dit aussi. j'ai dit que j’étais génération sacrifiée, etc. J’avais le sida. Je maudissais Jean-Jacques GOLDMAN déjà… C’est bon. Chaque génération fait son truc.

Mehdi.- Tout à fait mais on ne va pas au-delà. On ne se pose pas la question de comment la jeunesse perçoit cette image et on ne va pas, au-delà, à évaluer et médiatiser l'engagement de la jeunesse dans sa globalité, notamment combien de jeunes créent des

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 54

startups, combien de startups ont été créées par des jeunes, etc. L’engagement dans le sens prendre en main son destin mais aussi s'engager pour une société meilleure qui relève les défis de l'avenir. Ma question est : comment faire pour que le service civique participe à donner une meilleure image de la jeunesse, que ce soit pour lutter contre les stéréotypes ou pour alimenter l'optimisme et la rage d'aller plus loin de cette jeunesse et lutter contre la sinistrose ?

M. ABIKER.- Je crois que la réponse est contenue dans la question. Je ne sais pas mais vous êtes là. Vous êtes beaux pour beaucoup d'entre vous…

Mehdi.- Merci.

M. ABIKER.- …ou belles, investis, présents. J'ai l'impression que la réponse est contenue dans sa question mais si quelqu’un veut répondre à cette table. Si François CHEREQUE est toujours là. J’espère qu’il n’est pas parti. Il y a le point presse, c'est vrai. Il revient.

Là-dessus, le directeur de la responsabilité sociale de Casino. J'ai le sentiment, Mehdi, qu’il a donné un élément de réponse tout à l'heure quand il a dit « notre enjeu, c’est que quand nos cadres, dans les différentes directions, des ressources humaines reçoivent des candidatures service civique, ils percutent, qu'ils sachent ce que c'est de manière que l’on puisse d'ores et déjà ne pas en rester à « —Qu’est-ce que c’est que ce truc-là ? Où étiez-vous ? Machin. C’est de la prison. —Non, pas du tout. », et qu'on passe à l’étape derrière « Tiens, qu’avez-vous fait ? ». Donc là, on est déjà dedans. Cela fait quand même cinq ans que cela existe.

M. RICHE.- C'est une question assez complexe. Je pense qu’il y a peut-être deux éléments de réponse. Un, vous avez donné le mot qui est ressorti plusieurs fois tout à l’heure, c’est le mot « stéréotypes ». Effectivement, on est dans une société extrêmement stéréotypée, notamment vis-à-vis des jeunes. Je ne suis pas sociologue, je ne sais pas classer les jeunes, mais on le voit bien quand on fait des tables rondes entre des jeunes et des seniors dans nos entreprises. Il en ressort qu’au bout d’un moment, en fait, on a tous les mêmes envies. On a envie d'avoir un travail bien payé, dans lequel on s'épanouit, avec des évolutions de carrière, etc. C'est vrai qu'on a une tendance, et même dans les entreprises peut-être, à stéréotyper ces jeunes et je pense que le service civique est un très bon moyen de lutter contre ces stéréotypes. Vous êtes un parfait exemple d’une jeunesse qui ne répond à aucun des stéréotypes que l’on veut véhiculer. Je pense qu’il y a un travail qu’il faut continuer à faire, y compris dans les entreprises, d'expliquer ce qu’est le service civique, de valoriser vos profils.

Le deuxième élément de réponse est ce que fait l’Institut du service civique aussi. C'est une aventure que l’on a rejointe depuis le début qui est de dire qu’il y a des jeunes qui, pendant leur service civique, se révèlent, avec des talents qui n’ont jamais été détectés. Ces jeunes-là, il faut qu’on arrive à les repérer, à les faire grandir et à les mettre en position demain d’être dans des carrières auxquelles ils n’auraient jamais eu accès et par eux d'avoir une valeur d'exemple aussi. Si, demain, le directeur de la responsabilité sociale de Casino a été lauréat du service civique, ce sera un exemple. Cela peut être le président d'une société, etc. Je pense que c’est un de ses objectifs de montrer que même si, au départ, on n’avait pas les mêmes choses, vous n'avez pas fait les études parfaites, le parcours parfait pour être président de telle société ou avoir tel poste, c'est possible et que cela fonctionne. Effectivement, aujourd'hui, il faut qu’on sorte de ces postures et qu’on arrive à dépasser l’ensemble de ces stéréotypes, y compris aujourd’hui dans les recrutements qu'on fait. C'est vrai qu'en France, on recrute beaucoup sur le diplôme,

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 55

beaucoup sur quel stage vous avez fait les trois dernières années, etc., ce qui n’est pas du tout le cas en Angleterre. Peut-être qu’on libérerait un petit peu plus les énergies.

Le dernier élément est aussi de valoriser, évidemment, la création d’entreprise, les parcours des jeunes qui s’engagent et créent des entreprises et notamment les startups mais là, il y a beaucoup de choses.

Je pense que les médias aussi ont…

M. ABIKER.- Oui et puis dans les créateurs de startups, il y a beaucoup de jeunes. Mais soyez fiers aussi. Soyez fiers de votre service civique et défiez-vous du défaitisme, de l’aquoibonisme et de la dérision, qui sont deux fléaux qui sévissent à tous les étages. Et Martin HIRSCH l’a dit tout à l'heure en introduction : à chaque fois que vous voulez sortir du bois en France, vous avez quelqu’un qui vous attend avec une carabine et il va tirer sur chaque tête qui dépasse. Soit il va vous avoir avec son défaitisme. Soit il vous aura avec son aquoibonisme. Soit il vous aura avec la dérision. Ces gens-là sont globalement has been mais il en reste.

Question d’Anne-Sophie.

Anne-Sophie.- Bonjour. Je m'appelle Anne-Sophie et j’aimerais revenir sur un sujet dont on a déjà parlé. J’aimerais poser une question sur l'importance de pouvoir faire un service civique à l'étranger ou accueillir des jeunes étrangers en France pour une Europe ouverte mais aussi pour un monde ouvert, où le travail devient de plus en plus international. N’est-ce pas aussi important pour l’avenir de soutenir un service civique à l'étranger ?

M. ABIKER.- Le service civique à l’étranger, est-ce que quelqu’un autour de cette table peut le dire ou je passe directement la parole à François CHEREQUE ?

François CHEREQUE, c'est une question pour vous. C'est vous l'expert. La question est : peut-on faire son service civique à l'étranger ? Un étranger peut faire son service civique, on le sait.

M. CHEREQUE.- Oui.

M. ABIKER.- Là, c’est clair.

M. CHEREQUE.- C'est oui des deux côtés. Je m’explique. Oui, on peut faire son service civique à l'étranger. Cela dépend de la structure qui accueille le jeune en service civique. S'ils ont une mission organisée à l'étranger, cela se fait. D’ailleurs, on a quelques centaines de jeunes qui le font tous les ans. En Allemagne, ce sont eux qui le font le plus parce qu’il y a l'Office franco-allemand pour la jeunesse qui doit être dans la salle, d’ailleurs, je pense. Voilà. Il organise ces échanges. Et il y a des jeunes allemands qui viennent faire leur service civique en France. On souhaite le développer mais il y a une double difficulté qui est aussi une difficulté financière. Quand un jeune fait un service civique sur le territoire de la métropole ou dans les DOM, il n'y a pas de problème de logement. En tout cas, il n’y a pas de prise en charge. Là, il y a le déplacement. Il y a le logement. Il y a tout cela. Donc s'il y a un projet associatif, on le soutient, évidemment, et on le développe, y compris pour accueillir des jeunes étrangers qui peuvent faire leur service civique en France, dans les conditions des jeunes français.

M. ABIKER.- François CHEREQUE a-t-il bien répondu à votre question, Mademoiselle ?

(Anne-Sophie acquiesce)

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 56

Merci.

M. CHEREQUE.- Je reviendrai en deuxième semaine.

M. ABIKER.- C'est bien, François CHEREQUE. Il y a d’autres questions au fond de la salle, j’en ai repéré deux déjà. Il y a un grand bras bleu qui se lève et un grand bras rouge qui se lève aussi.

INTERVENANT.- Je me lève ?

(M. ABIKER acquiesce)

Je dis d’où je pars. Je suis étudiant en sciences politiques. Je me suis intéressé un petit peu à ce dispositif du service civique. En fait, ce qui me frappe, c'est que le nom de service civique occulte le fait que la formation proprement civique, j'entends par là la vertu politique du citoyen, est, disons, pas suffisamment, à mon goût en tout cas, mise en avant. On a un service civique au sens d'un civisme des gens tournés vers les autres, tournés vers le social. Mais, et cela se sentait un petit peu dans l’intervention de Sophia tout à l’heure, où est le civisme du citoyen, du républicain ? J’ai l’impression que cet étage manque un petit peu à notre réflexion. Je voudrais donc vous entendre. Comment renforcer et valoriser cette dimension civique au sens un peu politique à côté ? Ce n'est pas du tout antithétique avec la dimension d'engagement solidaire avec les associations qui sont le fondement de ce dispositif. Il n'y a pas de service civique sans association, d’accord. Mais comment donne-t-on un statut comme l’a dit Mme Florence AUBENAS et comment forme-t-on des citoyens ?

M. ABIKER.- Finalement, cela ressemble plus à un service social qu'à un service civique, si j’ai bien compris notre étudiant en sciences politiques. A quel niveau parler politique ? Jérôme ANDRE.

M. ANDRE.- Oui, merci. Je peux en parler parce que l'association santé/social, c'est un peu nous, en tout cas autour de la table. Je voudrais juste dire que pour nous, l'engagement de service civique est un engagement de service civique républicain. J'entends par là que ce n'est pas forcément quelque chose de politique et de politisé qui doit répondre à des questions purement politiques au sens large. En réalité, dans le service civique, il y a aussi une connaissance des institutions de ce qu’est être citoyen et je pense que c'est en cela qu’il répond. C’est un engagement qui, certes, est solidaire sur l'aspect social mais qui répond aussi à quelque chose de beaucoup plus républicain et de beaucoup plus citoyen que sur un aspect politique.

M. ABIKER.- OK. J’ai été distrait par François CHEREQUE, je n'ai pas entendu la fin de votre réponse. A-t-on apporté une réponse à votre question, Monsieur ?

INTERVENANT.- Non.

M. ABIKER.- Allez, Sophia.

Mme HOCINI.- Je ne sais pas comment cela se passe dans les autres structures mais à l'AFEV, par exemple, les volontaires ont des formations également à côté, qui sont, là, pour le coup, civiques. L'AFEV est effectivement une association avec un réseau d'engagés solidaires mais on a des formations autour de l'écologie, de la responsabilité civique, finalement, et de l'attitude à avoir dans la société. Je pense que le service civique n’apporte pas seulement des outils en termes social et solidaire mais également en termes de comportement citoyen. Je ne sais pas si cela répond.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 57

M. ABIKER.- Je ne sais pas. Un sondage en temps réel à nos tee-shirts blancs. Se sent-on plus républicain quand on a fini ce service civique ? Avez-vous ce sentiment d’être plus connectés à la communauté nationale ? Oui ? Non ? Peut-être ? Ne se prononce pas ? La vache ! Allez, question suivante. Monsieur ?

M. YAMOU.- Bonjour à tous. Tout d'abord, je tenais à remercier l'équipe de l'Agence de service civique. Je trouve que l'organisation de cette journée est vraiment exceptionnelle. Nous sommes dans une institution magnifique. C'est la première fois que j'y entre et j'en suis très fier.

Je voudrais tout simplement répondre à quelques questions qui ont été évoquées autour de la table.

Je ne me suis pas présenté. Je suis M. Théodore YAMOU. Je suis le président de l’association Banlieue sans frontières en action, qui accueille des jeunes dans les hôpitaux. On a été la première association à initier cette initiative.

M. ABIKER.- Ne répondez qu'à une question qui a été évoquée autour de la table parce qu’il y en a plein d’autres derrière. Donc juste une.

M. YAMOU.- Non, cela me tient vraiment à cœur.

M. ABIKER.- Oui mais… (Rires)… Moi, il me tient à cœur de respecter mon timing. Soit vous posez une question, soit vous faites une remarque courte, mais vous ne pouvez pas monopoliser la parole. C’est la règle démocratique. C'est moi le patron des débats.

M. YAMOU.- D’accord.

M. ABIKER.- Je suis désolé, c’est comme cela.

M. YAMOU.- Florence AUBENAS parlait tout à l'heure qu'on faisait porter la charge sur le dos de la jeunesse, notamment suite aux événements qu'on a tous connus le 7 janvier et la manifestation qui a eu lieu le 11 janvier. Je tiens tout simplement à vous dire que ce dispositif de service civique, notre structure nous a permis justement d'aller toucher ces jeunes que d'autres messages de prévention n'arrivaient pas à toucher. Je pense qu'il faudrait réfléchir. Je ferai une proposition dans ce sens. Je pense qu'il faut imaginer comment on arrive à avoir des contrats de trois ou quatre mois pour ce type de profil de jeunes parce que nous en avons pas mal aujourd'hui. Je voudrais tout simplement terminer en disant que ce dispositif permet vraiment de redonner confiance, de valoriser cette jeunesse-là, même ceux qui sont issus de ces quartiers où le message de prévention…

M. ABIKER.- Vous l’avez testé, vous l’avez éprouvé.

M. YAMOU.- Et ça marche pas mal. On a 17 jeunes aujourd’hui qui sont insérés après leur service civique. C'est la preuve que ça marche. Ce sont des jeunes à qui, au préalable, sans le service civique, aucun recruteur n'était prêt à proposer des entretiens. Donc le dispositif marche. Il faut mettre des moyens. Il faut amplifier.

M. ABIKER.- Attendez, j’ai une question à nouveau pour vous parce qu’on ne va pas rester au milieu du gué. Cela leur a permis de, mais ont-ils permis à d'autres de ? C’est-à-dire cela a-t-il marché dans les deux sens ? Parce que je ne veux pas, et personne ne le veut d’ailleurs, que le service civique ne soit qu'un outil d'intégration ou d'insertion professionnelle. Il n'a pas été créé pour cela. Mais si jamais il dérivait vers cela, on

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accuserait ses concepteurs de vouloir dégonfler les chiffres du chômage, dégonfler les chiffres de ceci, et on en reviendrait aux problèmes du début.

M. YAMOU.- Ce n'est pas un dispositif d'insertion. Cela permet aux jeunes, qui étaient parfois dépourvus des références de base, de retrouver cette cohésion nationale en s'engageant pour les autres parce qu’après, ces jeunes qui sont devenus aujourd’hui des ambassadeurs de ce dispositif sont ceux qui en parlent, et c'est cela qui marche. Merci.

M. ABIKER.- Merci à vous. Madame ? Il y a une question là-bas.

Mme DE VILLEPIN.- Bonjour. Marianne DE VILLEPIN. Je suis la directrice de Développement sans frontières. Pas de question, juste une remarque. D’abord dire que les jeunes sont super motivés et super engagés. Nous voyons entre 100 et 150 jeunes chaque année... Enfin, jeunes et moins jeunes. Notre bénévole la plus âgée a 77 ans. Donc il n'y a pas que les jeunes qui s'engagent. On en envoie beaucoup, même tous, à l'international. Je voulais juste ajouter qu’il n'y a pas qu’en Europe, le service civique...

M. ABIKER.- Il faut dire qu’il y a des vieux et très vieux qui sont très sympas. Il y en a quelques-uns. Des vieux sont sympas.

Mme DE VILLEPIN.- Il y en a. Il faut trier mais il y en a.

M. ABIKER.- Il faut le reconnaître. Non mais il y a des gens de plus de 30 ans qui sont sympas.

Mme DE VILLEPIN.- Plus de 35, allez. Donc juste compléter que le service à l’international n’est pas qu’en Europe. Il y en a partout dans le monde. Nous en recherchons actuellement. Nous en envoyons en Tunisie, au Maroc, au Mexique et dans de nombreux autres pays.

M. ABIKER.- Merci de cette mise au point. Monsieur ?

M. LANGLET.- Willy LANGLET, président de l’association Cambrésis Ressources qui réunit plusieurs structures et accueille un certain nombre de jeunes en service civique. Si le nombre de jeunes doit être augmenté, je pense qu’il faut aussi penser à l’ingénierie et au suivi qualitatif, c’est-à-dire qu’il y a les tuteurs et les tutrices qui sont formés. Les associations ne font que demander des subventions mais on n’a pas forcément les réponses en retour. Donc si, effectivement, on veut garder le suivi qualitatif, ce qui a été évoqué tout le long de la matinée, sur l’engagement, le peu de jeunes attentistes qui ont été évoqués dans les statistiques, il faut absolument que les associations aient également les moyens de pouvoir accueillir convenablement et de suivre. De régler les petits problèmes parce qu’il y en a aussi pendant les six mois de service civique.

M. ABIKER.- Justement, je crois qu’il y a l’expertise dans la salle. J’ai discuté tout à l’heure avant que Claude BARTOLONE n’arrive. Il y avait un Monsieur là-bas qui est délégué par son préfet pour aller expliquer ce qu’est le service civique, trouver des solutions dans les associations et les aider justement dans cette ingénierie parce que ce n'est pas évident de créer le poste, de trouver la mission qui va avec. Ce serait bien que vous nous fassiez part de votre expérience à nouveau, maintenant que la question se pose plus précisément encore. Levez-vous et présentez-vous, s’il vous plaît.

M. DURAND.- Bonjour. Je suis David DURAND, correspondant régional de service civique en Haute-Normandie.

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M. ABIKER.- Donc vous avez des éléments de réponse à la question posée par ce Monsieur.

M. DURAND.- Oui, on est soucieux, autant que les associations et les collectivités locales, de la qualité de l'accompagnement et des missions. On partage aussi, avec un certain nombre de mes collègues, cette montée en puissance qui a été annoncée puisque vous, dans les associations, vous allez devoir être peut-être plus nombreux et plus formés. Et lorsque vous dites que tous les tuteurs sont formés, nous constatons le contraire en région. Il y a beaucoup de structures qui accueillent encore des volontaires sans que les tuteurs soient forcément conscients de ce qu’on attend d’eux. Au niveau des services de l'Etat, donc dans les départements et les régions, c'est un exercice qui va être aussi compliqué dans la mesure où il va falloir veiller à la qualité des missions telles qu’elles sont formulées dans la demande d'agrément, telles qu’elles sont mises en œuvre. Et là, on rencontre des jeunes dans la formation civique et citoyenne. On rencontre les tuteurs grâce aux formations de tuteurs qui sont organisées. On ne peut pas doubler ou tripler le nombre de volontaires sans penser justement à cet accompagnement, à la fois humain et logistique. Par rapport à cela, je pense que la responsabilité est collective pour qu’on ne s’éloigne pas de l’esprit de la loi de 2010.

Et pour rebondir sur ce que Monsieur évoquait tout à l'heure dans son allocution sur le côté un peu trop social et pas assez politique, je rappelle qu’il y a une formation civique et citoyenne qui est obligatoire pour les jeunes en service civique. Cela a peut-être été évoqué. C'est dans le cadre de cette formation qu'on a la possibilité de leur faire rencontrer des élus locaux, des acteurs qui, au quotidien, s’engagent sous différentes formes d’engagement, et c'est pour eux l'expérience, quelquefois la rencontre, avec des opportunités d’engagement qu'ils vont eux-mêmes vivre plus tard.

Enfin, je terminerai en évoquant la nécessité vraiment forte de préciser les modalités qui vont impacter les services de l’Etat par rapport à la montée en charge du service civique parce qu’aujourd’hui, aussi bien au niveau administratif qu’au niveau de l’accompagnement et des contrôles, parce qu’on est aussi garant de la qualité des missions qui sont proposées, il y a une forte attente et une forte interrogation des services de l’Etat qui sont, par ailleurs, les premiers engagés pour la mise en œuvre du service civique.

M. ABIKER.- Merci.

(Applaudissements)

Il y a encore plein de questions. Que fait-on, François CHEREQUE ?

M. CHEREQUE.- Il faut suivre le timing.

M. ABIKER.- Il faut suivre le timing, on est d’accord. On en prend une dernière parce qu’on a du cœur, parce qu’on n’est pas des salauds. Allez, une dernière question.

M. DESMARAIS.- James DESMARAIS. Je suis président d'un club de tennis, en fait. Mon intervention fait écho à l'intervention précédente puisque M. DURAND est référent au niveau régional et que nous sommes un club de Haute-Normandie.

Je voulais apporter un petit témoignage. Quand les experts sont intervenus sur l'enquête sur la population jeune, apparaissaient des différences de genre mais n’apparaissaient pas les différences relatives notamment aux questions de handicap. C'est de ce sujet que je veux traiter maintenant. Je voulais pointer l'initiative et le soutien que la Région, enfin la

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DRJSCS, a apporté à notre expérience qui a été de permettre l'accès à un jeune en situation de handicap mental au service civique. C’est-à-dire que grâce au soutien de son service, on a pu soutenir une mission de service civique qui a été mise en place pour et par un jeune en situation de handicap mental. Cela me paraissait intéressant de le préciser.

Par ailleurs, cette expérience a pu avoir lieu, tout simplement parce qu'on a un petit peu mis en place une expérience singulière dans le sens où M. DURAND a permis que l'on ait un service civique qui accompagne justement ce service civique en situation de handicap mental parce qu’on avait eu d'autres expériences au préalable qui ont été malheureusement des échecs liés aux difficultés d’inclusion de ces personnes. Je voulais préciser cela.

D'autant que ce service civique qui n'est pas en situation de handicap mental mais qui accompagne un jeune en situation de handicap mental permet aussi à deux personnes, membres du conseil d'administration du club, de pouvoir s’exprimer. C’est-à-dire qu’au préalable, il y a un travail d'accompagnement à l'expression de façon que ces personnes qui sont en situation de handicap mental et qui sont dirigeantes puissent être entendues. Et quand, tout à l'heure, on parlait de… je crois que c’était un jeune qui était par là-bas et qui disait « mais est-ce que, finalement, on modifie le regard de la société qui est porté sur les jeunes ? », je dirais oui puisque nous avons la preuve que non seulement cela a modifié le regard porté sur la jeunesse mais cela a aussi modifié le regard porté sur la jeunesse en situation de handicap qui s'est trouvée ainsi qualifiée. Aujourd'hui, les deux personnes qui ont été services civiques en situation de handicap mental et qui se promènent dans la ville sont saluées par l'ensemble des adhérents du club, qui est représentatif de la société. C’est-à-dire que vous pouvez avoir des chômeurs, des personnes âgées, des médecins, voire même des gens qui ont fait HEC.

M. ABIKER.- Même. Merci de ce témoignage. Il y avait une ultime question. On m’a dit qu’il fallait la prendre parce que c’est celle de quelqu’un qui porte un tee-shirt blanc. Ils sont privilégiés aujourd'hui.

Thiefaine.- Je m’appelle Thiefaine. Je suis en service civique actuellement.

M. ABIKER.- Où cela ?

Thiefaine.- A la Ligue de l'enseignement, dans un centre d'animation du 19ème arrondissement. Pour la dernière, j’ai une remarque qui est à la fois une question. Je voudrais parler de la difficulté des jeunes diplômés à s'insérer dans le monde du travail. On est beaucoup dans ce cas. Je voudrais préciser que loin de l'attentisme dont on parlait la dernière fois, on se dirige souvent vers le service civique par volonté d'engagement, bien sûr, mais aussi par choix « par défaut » – entre grands guillemets – parce qu'on est face à un vide où les entreprises ne veulent pas nous entendre car on n'a pas d'expérience mais on a des diplômes. On est dans un flou total. Au final, le service civique arrive un petit peu comme une porte de sortie pour nous accompagner vers une première expérience de six à douze mois où on peut se confronter au monde du travail même si c’est du bénévolat et du volontariat. Pour nous, cela reste quelque chose pour nous insérer dans la vie active. Ma question, au final, est : comment prendre en compte ces personnes, qui sont nombreuses, et comment répondre à leurs attentes et à leur situation ?

M. ABIKER.- Il y a des éléments de réponse qui ont été donnés par Casino. Je pense que le CNP… Parce que c’est du côté des entreprises que cela se joue. Ce n’est pas du côté

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des administrations qui dégraissent à tire-larigot même si les collectivités locales recrutent encore beaucoup. Cela se joue avec le secteur économique et les acteurs économiques. Donc je pense que culturellement et sur l’approche de la reconnaissance de cet investissement et de ce don de vous-mêmes que vous avez fait, plus le temps passera plus il y aura une reconnaissance du service civique. C'est aussi à vous d'en être fiers et de le porter. C’est aux entreprises de sensibiliser leurs cadres et leurs recruteurs pour dire « attention, le service civique est important ». J’imagine que si les gens du CNP en financent cinquante cette année, c'est ce que disait François CHEREQUE, cela veut dire que pour eux, cela a du sens.

Qui veut réagir sur ce qu’a dit cette jeune femme ? Florence, veux-tu dire un mot parce qu’elle était un peu d’accord avec toi ?

Mme AUBENAS.- Je pense que ce n'est évidemment pas réductible à cela, c'est clair. Ce choix, quand bien même il serait « par défaut » – je reprends vos guillemets –, ce n'est pas simplement cela. Evidemment que cela correspond à un temps où vous vous dites « qu’est-ce que je fais ? » alors que, quand on a 20 ans ou 25 ans et qu’on se dit « j'ai la vie devant moi », on devrait être débordé. Or, le problème aujourd'hui, c'est que vous n'êtes pas débordés malheureusement et donc vous vous dites « qu’est-ce que je fais de ce temps ? ».

Le choix du service civique est évidemment au-delà d’une expérience professionnelle. Vous avez de multiples façons d’avoir une expérience professionnelle. Vous choisissez le service civique, ce n'est pas neutre quand même. Mais c'est vrai que vous pointez une fois encore ce qui est le propre de la jeunesse aujourd'hui qui est cette espèce de trou noir des politiques publiques du choix de chacun. C’est effectivement le pas assez d’expérience, trop d’expérience, trop de diplômes… Enfin, où tout le monde s’emmêle les pinceaux et où la place n’est pas donnée.

J’ai été assez frappée, et j’en terminerai avec cela, sur le… Je faisais un reportage sur des jeunes sans-abri – ce n’est pas votre cas, Dieu merci – qui était à l'occasion, et on revient un peu à ce qu'on disait, c’est-à-dire quand la famille ne fait plus le lien et qu’un beau-père lui dit « maintenant, dehors ! Tu fais trop de conneries ». Eh bien, dehors, c’est vraiment dehors. C’était autour de cela. Et j’allais dire que 100 % des jeunes gens que j’ai interviewés dans le cadre de cette enquête, il y en a eu une bonne cinquantaine... Non, pas 100 % mais 90 % regrettaient le service militaire. Effectivement, on peut mettre toute la nostalgie là et je le conçois, mais c’est vrai que cela répond d'une autre manière et par d’autres jeunes que vous à ce même « qu'est-ce que je fais ? », « où se trouve la clé pour entrer dans cette société ? ». Je commençais à m’étrangler et j’ai dit : « Ah bon ? Le service militaire ? », etc. Il me dit : « Oui, parce qu'on était tous ensemble. Même chance, même merde ». Et s'il y a une nostalgie, je pense que c'est de cela. De cette égalité. C’est-à-dire que là, on arrive à attraper quelque chose. Il y a une chose qui nous passe devant. Oui, on va le faire. Je pense que c'est cela qui manque, les clés aujourd’hui qu’on vous donnerait.

M. ABIKER.- On va clore. Je sais mais on ne peut pas. On est contraint par le temps. Je suis désolé, Monsieur. Je suis désolé, Madame. On est obligé de s’arrêter là parce qu’on a le lauréat d'un concours de photos à distinguer et à célébrer. On a les intervenants de la table ronde à applaudir, tous ces jeunes, attentistes, opportunistes, sadiques, masos, optimistes, engagés, altruistes, etc., à féliciter et ensuite on a un ministre qui va clore et qui a écouté très attentivement, pendant les dix minutes où il était là, ce qui s’est dit.

On vous tape un peu maintenant. C’est la tradition.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 62

Le ministre de la Ville est avec nous, on l'en remercie.

Maintenant, le jury du concours de photos. Il y a des photos qui symbolisent, qui illustrent, qui font sourire ce service civique. Bravo à vous.

(Applaudissements)

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 63

Remise des prix du concours photos #ReflexeCivique par le jury

Marin KARMITZ, Thierry BOUET, Timothée DE FOMBELLE, Sylvain LESER et deux volontaires en service civique

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M. ABIKER.- Ce qu'on peut faire, si vous voulez gagner du temps, c'est peut-être de vous approcher de la tribune. Le jury du festival de photos sur le service civique va nous rejoindre. Il est composé… Voilà, le ministre mouille le maillot.

« Remise des prix du concours de photos #ReflexeCivique par le jury. Daniel invite les membres du jury à monter au pupitre pour la remise des prix. Il demande à François CHEREQUE… » C'est bien vous ?

M. CHEREQUE.- Oui.

M. ABIKER.- « Il demande à François CHEREQUE pourquoi ce concours et à Thierry BOUET et Timothée DE FOMBELLE comment s’est passée la sélection des photos et leurs impressions ». C'est exactement ce qui est marqué sur ma fiche. Alors je vais le faire.

M. CHEREQUE.- Oui, très rapidement parce que je vois que, comme toujours, à la fin d’un colloque, on précipite au niveau du temps.

L’idée est assez simple. Elle est liée à comment on peut célébrer le service civique, ses cinq ans. Je remercie tous les membres du jury. Je n’ai pas pu y participer car j’étais à une réunion à Matignon sur le développement du service civique.

M. ABIKER.- Comme ça, on est sûr que le président n’a pas orienté les débats.

M. CHEREQUE.- Voilà. Je n’ai pas orienté les débats.

M. ABIKER.- C’est l’avantage.

M. CHEREQUE.- Je n’étais pas là. Simplement, l’idée était quel regard photographique des jeunes en service civique sur le service civique. Ce sont donc des jeunes en service civique qui ont photographié le service civique. C’est simple.

On a eu à peu près 900 photos qui sont arrivées. On a été très surpris par le nombre des photos. On est super content. Je n’en dirai pas plus. Il y a eu un élan comme cela des jeunes en service civique qui voulaient montrer, je dirais, leur regard, pas obligatoirement d’eux, mais de ce qu’ils faisaient.

M. ABIKER.- Allez, Thierry BOUET et Timothée DE FOMBELLE. Thierry BOUET ?

M. BOUET.- Bonjour.

M. ABIKER.- C’est vous. Bonjour.

M. BOUET.- Bonjour.

M. ABIKER.- Je ne vous ai pas présenté. Vous êtes photographe tout simplement.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 64

M. BOUET.- Tout simplement, et on m'a confié une tâche très importante qui est de juger des photos. Comme vous le disiez précédemment, il y a eu quand même une grosse participation, la société WePlay a reçu à peu près quelque 1 000 photos.

Je fais juste un petit rappel. Il y a quand même deux grandes formes d'écot pour une action, ce sont les mots et l'image. L'image, sous cette forme, a comme vocation de synthétiser une idée et remplace souvent beaucoup de mots.

Le mot-clé pour lequel ont été jugées ces photos est l'engagement. Les photos que vous voyez devant ce pupitre sont donc les trois lauréats du concours.

Le premier prix a été décerné à Emilie WICK qui est absente. Elle doit déjà, avec son succès, être sur un grand reportage. Bravo, Emilie.

La photo qui a gagné représente vraiment tout ce qu’on attend d’un engagement sur le plan symbolique. Il est représenté par plusieurs générations. Ce qui a été très apprécié dans cette image, c’est l’énergie et le dynamisme qu’elle représentait.

M. ABIKER.- C’est bien la photo où on tire la langue ?

M. CHEREQUE.- Non, c’est celle-là.

M. ABIKER.- Ce n’est pas... Alors laquelle est-ce ?

M. BOUET.- Pardon… C’est celle-ci. C’est Emilie.

M. ABIKER.- Donc c’est le premier prix.

M. BOUET.- Bravo, Emilie WICK.

M. ABIKER.- Emilie WICK. D’accord.

(Applaudissements)

En fait, les prix sont là, devant. Ils ne sont pas derrière.

M. BOUET.- Voilà. Pardon.

M. ABIKER.- Derrière, ce sont d’autres prix mais les trois premiers… Voilà, c’est ça.

M. BOUET.- Le deuxième prix a été décerné à Florent DUBOIS qui doit être quelque part ici et qui, dans la photo qui est représentée ici…

(Applaudissements)

Bravo, Florent.

M. ABIKER.- Il a un foulard. Serait-il scout ? Il est scout ! Sérieux ?

Florent.- Oui.

M. ABIKER.- Bravo.

M. BOUET.- Formidable.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 65

M. ABIKER.- Les scouts ont tout inventé avant tout le monde… (Rires)… Evidemment.

M. BOUET.- Ce qui est très intéressant dans cette image, c'est qu’elle représente parfaitement l’engagement. C’est un moment. C'est ce qu’on appelle en photographie « un instant décisif » où est bien représenté l'engagement de quelqu’un du service civique dans un regroupement de gens qui sont dans un moment social, de communication ou de… Voilà. Cela vous va ? Parfait.

(Applaudissements)

M. ABIKER.- Merci.

M. BOUET.- Bravo à Florent.

M. ABIKER.- Le troisième prix.

M. BOUET.- Le troisième prix est le prix de l'insolite. Il est décerné à Anne PERNOT qui est ici quelque part.

M. CHEREQUE.- Elle est là-bas.

(Applaudissements)

M. BOUET.- Anne PERNOT, si vous voulez bien venir nous rejoindre… Félicitations, Anne.

S'il y a quelque chose à dire sur votre photo, on va dire qu'elle est insolite mais ce qui a été très apprécié par le jury, c'est… je ne dirais pas l’ironie mais cette attitude… Exactement, c'est un pied de nez alors qu'elle tire la langue. Disons cela comme ça.

M. ABIKER.- Et c’est votre langue.

Anne.- Oui, c’est ma langue.

M. ABIKER.- Mais pas vos lunettes. Vous aviez enlevé vos lunettes pour tirer la langue.

Anne.- Je n'en avais pas à l'époque.

M. ABIKER.- D’accord. A l’époque.

M. BOUET.- En tout cas, vous vous êtes très bien débrouillée parce que vous faites un autoportrait. On ne sait pas très bien comment vous avez fait mais, en tout cas, bravo.

Anne.- Je peux vous l’expliquer.

M. BOUET.- Avec grand plaisir. Peut-on passer un micro à Anne ?

M. ABIKER.- Elle a le troisième prix et elle se démerde pour avoir le micro. Je dis « chapeau ! ».

(Rires)

C’est ça l’engagement !

(Applaudissements)

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 66

Anne.- Pour tout vous dire, je ne pensais pas gagner. Donc je me suis permis de mettre une photo de mon amie Marie avec qui j’étais en service civique et qui est décédée malheureusement en 2013 à l’âge de 20 ans. Et pour lui rendre hommage, j’ai choisi de mettre une photo de moi avec Sarah, qui est une personne handicapée avec qui j’ai vécu avec Marie pendant un an de service civique à L’Arche. Je ne pensais pas gagner mais je pense qu'elle vous a bien influencée dans le choix de l'image.

M. ABIKER.- Ecoutez, merci. Bravo.

(Applaudissements)

Ça y est ? C'est fini ? Il n’y a plus de prix à distribuer ? Bravo à ces photographes.

Timothée DE FOMBELLE voulait dire quelque chose, non ? Timothée ? Où est-il ?

M. DE FOMBELLE.- Il est là.

M. ABIKER.- Il est là. Rien ?

M. DE FOMBELLE.- Je me réjouis pour les vainqueurs. On a vu 400 photos. On nous en a enlevé quelques-unes en présélection. 400 photos. On a eu l'impression d'avoir une rafale de vos vies en quelques moments d'un après-midi. Cela a été vraiment un très beau moment. Cela n'a pas été évident mais on est très content de ces trois photos. C'est comme des étendards, en fait, simplement, de ce que vous vivez, et c'est dans cet esprit qu'on les a choisies.

M. ABIKER.- Bravo.

Mme DHENNIN.- Je voulais juste ajouter une dernière chose, David. Il y a 19 régions représentées. Toutes les régions ont quasiment joué le jeu. Il y a donc aussi derrière…

M. ABIKER.- Quelles sont les régions qui n’ont pas joué le jeu ? Qui stigmatiser aujourd'hui ?

M. CHEREQUE.- Les autres.

M. ABIKER.- Patrick KANNER, êtes-vous prêt ?

M. KANNER.- Prêt.

M. CHEREQUE.- Partez.

M. ABIKER.- Voilà. C’est le discours du ministre de la Ville, Patrick KANNER que je vous demande d’encourager et d’applaudir.

(Applaudissements)

Restez à la tribune si vous le voulez.

M. KANNER.- Encouragez-moi, j’ai parfois du mal à parler en public.

M. ABIKER.- Mais vous avez votre superbe maillot. On dirait un scout, d’ailleurs, comme ça.

M. KANNER.- Vous trouvez ? Je vais quand même le mettre devant.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 67

M. ABIKER.- Ou un gastronome.

M. KANNER.- Parce que j’ai le sentiment comme ministre que je suis un peu en service civique, finalement.

M. ABIKER.- Depuis toujours.

M. KANNER.- Et comme cela fait bientôt sept mois, je suis dans la moyenne, c’est cela ?

M. ABIKER.- Ça va mais il va falloir penser à votre orientation professionnelle maintenant.

(Rires)

M. KANNER.- Vous avez su lire dans mes pensées mais, rassurez-vous, j'ai envie de tenir.

(Le ministre installe le tee-shirt sur le pupitre, face à la salle)

Je le mets comme cela. Cela vous va pour la presse ?

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 68

Clôture

Intervention de Patrick KANNER, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports

______

Chers amis,

En saluant le président de l'Assemblée nationale, Claude BARTOLONE, qui nous prête ces locaux – je sais qu’il a fait un très beau discours ce matin pour engager ces travaux – je souhaite saluer les parlementaires ici présents.

C'est une salle où il y a souvent des moments forts et pas toujours aussi consensuels, je tiens à le préciser. C'est la salle du groupe socialiste au sein de l'Assemblée nationale.

(Rires)

Cela fait rire certains, c’est cela ? On est dans la bonne entente. Il n'y a donc pas de souci.

Saluer le président de l'Agence du service civique, mon cher François, mais tu imagines bien que dans mon discours, je vais revenir plusieurs fois sur le travail qui est le tien et la mission que tu portes avec ton équipe permanente que je salue aussi au niveau de la directrice générale.

Saluer les chercheurs, les responsables associatifs, les différents experts qui se sont exprimés aujourd’hui.

Saluer aussi et peut-être avant tout les volontaires ici présents. Les volontaires qui sont le témoignage de cette rencontre très importante pour cet anniversaire du service civique.

Tout à l'heure j’entendais Florence AUBENAS terminer son intervention en disant « mais le service civique est peut-être la clé pour entrer dans la société ». C'est peut-être cela le mot le plus important, une clé pour entrer dans la société quand on s'interroge justement sur la place que la société va nous accorder. Mais finalement est-ce la bonne question ? Ne faut-il pas dire « mais nous voulons prendre notre place directement dans la société et le service civique peut largement y contribuer » ?

Je vais vous faire part d'une intuition qui est même une conviction. Dans un avenir proche, le service civique sera une expérience commune pour la jeunesse de France. Il fera partie du quotidien des jeunes.

Il ne sera pas obligatoire mais il sera généralisé.

Il sera reconnu comme une opportunité à saisir, une étape de la vie citoyenne et de la vie tout court.

Pour moi, le service civique, c'est construire peut-être une certaine idée de la place de chacun dans notre société.

Après cinq ans d’existence, pouvoir envisager cela, cela témoigne de toute la pertinence de la création du service civique. De son succès. Des attentes aussi qu'il recouvre, chacun l'aura bien compris.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 69

Je veux ici saluer tous ceux qui ont contribué à imaginer le service civique et à le développer. Je ne peux pas citer chacun nominativement mais quelques axes d'intervention.

Martin HIRSCH, qui était là tout à l'heure, l'incontournable, l’infatigable agitateur d'idées pour notre société. Un ami avec qui j'ai beaucoup travaillé pour la mise en œuvre du RSA. Historiquement, Martin HIRSCH a su fédérer autour de cette belle idée, dont il faut rappeler qu'elle a été votée par l'ensemble des sensibilités politiques. Il n'y a pas eu de divergence politicienne, comme on dit dans notre jargon. Il y avait un très large consensus autour du service civique.

Merci également à François CHEREQUE d’avoir pris le relais, de mettre toute son énergie à développer ce beau projet qui est si cher au président de la République, François HOLLANDE. Je sais que François CHEREQUE est plus qu'un animateur du dispositif, c'est un défenseur acharné pour son développement. Je t’en remercie avec aussi la confiance qui anime nos relations, mon cher François, c'est important de le souligner, entre le ministre en charge et le président de l’Agence du service civique.

Et comment ne pas remercier en cet anniversaire tous les agents de l'Agence, les agents d'aujourd'hui et les agents à venir puisqu'il y a de bonnes nouvelles en ce sens.

Les collègues des services de l'Etat en central comme au niveau des territoires pour leur investissement quotidien à vos et à nos côtés.

Saluer aussi mon équipe de cabinet. Daniel ZIELINSKI est ici présent, le directeur de cabinet entouré de ses collaborateurs. Je voulais aussi les remercier parce qu’ils ont beaucoup travaillé pour la préparation de cette rencontre et surtout de ce qui va se passer après.

Aujourd'hui, cela a été dit et sûrement redit, une demande sur quatre est honorée. Les jeunes veulent s'engager et nous devons leur en donner la possibilité.

Après cinq ans, nous sommes passés de la mise en place presque expérimentale au développement artisanal. Maintenant, nous sommes dans une logique de développement industriel au meilleur sens du terme, si vous m’autorisez cette analogie.

Le président de la République est déterminé sur cette montée en puissance, bien sûr avec des délais raisonnables à respecter, mais avec, encore une fois, une détermination pour que le cap soit fixé, qui est sans faille. Je tiens vraiment à vous assurer de cette détermination.

Cette montée en puissance intervient dans une période compliquée où le service civique suscite beaucoup d'espoir, beaucoup d'attentes aussi. Où le service civique n'est pas la panacée. C'est un des éléments de réponse à la crise de société qui a été longuement évoquée hier par le Premier ministre lors de son intervention sur Europe 1 vis-à-vis de sujets qui aujourd'hui viennent fragiliser les valeurs de la République, quels que soient les obscurantismes qui sont derrière ces idées.

Notre pays a été choqué, sidéré, il y a quelques semaines, et nous cherchons les voies par lesquelles il peut se relever, se rassembler.

Dans ce moment si particulier où la cohésion nationale est fragile, il est clair qu'un dispositif comme le service civique n'est pas la réponse unique, je l’ai dit, miraculeuse, mais qu'il est un des éléments importants qui a du sens parce qu’il promeut l’engagement,

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le service à la collectivité, ce fameux contrat gagnant-gagnant. On donne à la collectivité, la collectivité vous le renvoie par sa reconnaissance.

Je dis souvent que les jeunes ne demandent pas de la compassion, ils ne demandent pas la charité, ils demandent de la considération, du respect et que leur place soit reconnue dans notre société.

On a vite fait d’attribuer à la jeunesse toutes les turpitudes de cette société, tous ses errements. Il faut se prémunir de ce mauvais réflexe. Je l’ai dit à plusieurs reprises, y compris devant nos amis de la presse que je salue aujourd’hui.

J'ai trouvé quand même ce raccourci très rapide entre COULIBALY et KOUACHI, les quartiers et la jeunesse. C’est tombé très rapidement. Cela, je ne l’accepte pas. C'est pour cela que j'ai eu ce mot fort parce que tous les jeunes n'ont pas défilé le 11 janvier.

Certains peut-être ont défilé le 11 janvier, ici, dans cette salle, je l’espère, je le souhaite, mais d'autres n'ont pas défilé parce que pour eux, les mots de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité n’ont pas le sens peut-être que vous leur donnez, les adultes, ceux qui sont bien inclus dans la collectivité, les jeunes ici présents, les volontaires qui sont bien accompagnés, qui ont envie de réussir leur vie et de s’engager comme vous le faites. Et puis il y a beaucoup d'autres jeunes qui sont aujourd’hui paumés.

J'ai donc eu cette phrase qui n'a pas plu à tout le monde, notamment au leader de l'extrême droite française, Mme LE PEN, « Je veux aussi être le ministre de ceux qui ne sont pas Charlie. »

(Applaudissements)

Etre aussi le ministre de ceux qui ne sont pas Charlie, c'est-à-dire ne pas laisser tomber ces jeunes parce qu'ils n'auraient pas intégré toutes les valeurs de la société qui sont les nôtres, et des jeunes pour qui la forme de désillusion aboutit simplement à une forme de ségrégation, en tout cas à un sentiment de relégation. Qu’on l'appelle « apartheid » ou pas « apartheid », le sentiment de relégation existe chez plusieurs centaines de milliers de jeunes dans ce pays.

La jeunesse n'est pour rien dans ces attentats qui ont frappé la France. Elle n’est pour rien dans les difficultés que nous avons à surmonter.

La vérité est que cette jeunesse sait être généreuse, altruiste, fraternelle si, bien sûr, on lui offre la possibilité de pouvoir s’exprimer en ce sens. Elle est aussi prête à servir son pays, à défendre les valeurs de la République. On peut servir son pays sans être automatiquement dans une logique de service militaire. Je voudrais insister là-dessus.

La dernière conscription française pour le service militaire a eu lieu en 1997. Il y avait moins de 300 000 jeunes hommes qui étaient en conscription. Vouloir faire un service militaire de six mois pour 800 000 jeunes de manière systématique et obligatoire, excusez-moi, je ne suis pas certain que nous puissions y parvenir et pas uniquement, d’ailleurs, que pour des problèmes financiers. Je pense qu'il y a d'autres manières d'intégrer et de promouvoir la jeunesse dans ce pays et de la reconnaître tout simplement à sa juste place.

En tout cas, vous, vous avez fait ce choix de servir votre pays au sens large parce que, ce témoignage émouvant que j'ai entendu tout à l'heure, servir dans une structure, L'Arche en l'occurrence, qui accueille des personnes handicapées, c'est servir son pays.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 71

Quand on aide quelqu'un, on aide l'ensemble de la collectivité nationale quand on lui apporte quelque chose de positif.

Etre concret, être utile, le service civique, c'est la République qui se traduit en actes.

C'est la République en actes, avec cette référence à ce comité interministériel auquel j'ai eu l’honneur de participer, il y a 48 heures, pour l’égalité et la citoyenneté. Il s’est donc tenu vendredi après-midi.

Le gouvernement est dans cet esprit, je suis dans cet esprit, convaincre les Français que la République est notre avenir, et il faut les convaincre par la preuve.

Pour le service civique, nous allons quadrupler les effectifs des jeunes d'ici 2016, mon cher François. C'est ce qu'on appelle une commande publique très concrètement. Mais rassurez-vous, je suis dans la même barque que lui. Il n'y a donc pas de problème.

Un tel objectif implique que tous les acteurs, publics et associatifs, soient parties prenantes et que ce saut quantitatif, j'insiste là-dessus, ne se traduise pas par une régression qualitative.

(Applaudissements)

C'est le message essentiel.

Je ne ferai pas d'abattage du service civique. Ni François CHEREQUE ni toute l'équipe qui nous entoure.

Nous ferons du service civique aussi qualitatif que celui qui existe aujourd’hui mais en plus grand nombre. C'est l'engagement que je prends devant vous et c'est l'engagement qui est pris par le président de la République qui le rappellera tout à l'heure dans d'autres circonstances.

Ce qui fait le succès du service civique, c’est son label qualité. Nous veillerons à la qualité des missions et conserverons sa durée et son niveau d'indemnisation.

Aujourd'hui 84 % des services civiques sont portés par le secteur associatif. C'est formidable mais aussi attention à la saturation. Donc le service civique au sens large du terme doit prendre toute sa place même si..., et c'est une bonne nouvelle de vendredi. C’est même une nouvelle qui est tombée pendant la nuit, avec des SMS divers et variés, entre jeudi et vendredi. 100 millions d’euros, ceux qui avaient été supprimés dans la mandature 2007-2012 pour les associations en charge de la politique de la Ville, seront donc progressivement rétablis, non pas automatiquement pour refaire les mêmes choses, mais pour bâtir ce que j’ai appelé devant le comité interministériel un « New Deal » pour l'éducation populaire dans ce pays. Donc le secteur associatif peut s'attendre à de nouveaux moyens mais peut-être pour de nouveaux projets en direction des quartiers les plus en difficultés mais aussi en direction des territoires ruraux.

J'ai une pensée, ayant été interpellé il y a deux jours dans une réunion politique par des jeunes qui disaient : « Oui mais nous, jeunes en secteurs ruraux, c'est quoi, notre avenir ? ». Et c’est vrai que l’on a parfois une tendance à aller vers le secteur urbain parce qu’il y a peut-être plus d’interlocuteurs mais n'oublions pas les jeunes qui peuvent être isolés en secteur rural. Ce sera sûrement une des missions aussi, mon cher François, que nous mènerons pour apporter une réponse, y compris dans le cadre du comité

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 72

interministériel chargé des ruralités qui se réunira cette semaine sous l’autorité du Premier ministre.

En tout cas, sachez que je vais fait le tour, j'ai commencé d'ailleurs, de mes collègues pour les sensibiliser sur cet enjeu – quand je dis « sensibiliser », c’est un euphémisme -, pour les mobiliser sur l’enjeu.

Je souhaite, avec eux, définir de grands programmes de service civique.

Je l’ai fait récemment avec Ségolène ROYAL autour des questions de l’écologie : 15 000 services civiques seront créés dans le périmètre d’intervention du développement durable.

Je vais le faire bientôt avec Bernard CAZENEUVE. Nous avons déjà une expérience pilote avec un service civique adapté aux sapeurs-pompiers volontaires.

J'ai des rendez-vous, cette semaine, avec Fleur PELLERIN sur les questions culturelles et aussi avec Marisol TOURAINE, j’y reviendrai, sur la mobilisation des hôpitaux publics dans la dimension du service civique.

Il y a des missions utiles à l’hôpital dans la police, dans les écoles, dans la plupart des services publics. Des missions qui ne sont pas naturellement des substitutions aux postes officiels de fonctionnaires.

De la même manière, je souhaite que l’Etat déconcentré, les collectivités territoriales prennent toute leur part dans le développement du service civique car au niveau local aussi, des opportunités existent.

Le service civique est une chance pour les jeunes. Il est une chance pour les organismes d'accueil.

Une chance pour les jeunes car il leur permet de vivre cette expérience inédite, dont vous témoignez aujourd’hui, de développer de nouvelles compétences, de réfléchir à leur parcours et d'imaginer, d'inventer de nouvelles missions du vivre ensemble.

Arrêtons de parler du vivre ensemble. Essayons de le mettre réellement en œuvre, notamment au travers du service civique.

Une chance pour les organismes d’accueil aussi car ces jeunes apportent de l’énergie, de l'envie, de l'intelligence, de la disponibilité au service des missions qui n'auraient pu être confiées à du personnel permanent.

J’ai en tête un exemple auquel Martin HIRSCH, je crois, n’aurait pas été insensible, celui des gilets bleus, ces volontaires en service civique qui accompagnent les malades et les familles, les aident à aller jusqu'au lieu de leur consultation, à remplir leurs formulaires administratifs, les accompagner peut-être une fois que l’opération a été réalisée, etc. Des missions qui améliorent sensiblement la qualité de l'accueil en milieu hospitalier.

Je sais que l'AP-HP et son directeur général, Martin HIRSCH, souhaitent développer cette démarche dans de nouveaux hôpitaux et je ne peux que m'en réjouir.

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« Service civique : aller plus loin dans l’engagement » 73

Mesdames et Messieurs, Chers amis volontaires,

La feuille de route que m’a confiée le président de la République est claire. Elle reprend un engagement, faire en sorte que la jeunesse vive mieux en 2017 que celle qui vivait en 2012.

Pour cela, je crois, comme mon illustre prédécesseur, dans ces fonctions de ministre de la Jeunesse et des Sports, Léo LAGRANGE, qu'il faut, non pas proposer un seul chemin aux jeunes, mais leur ouvrir toutes les routes.

Cela signifie évidemment de donner des possibilités de formation et d’emploi à cette jeunesse. C'est fondamental, et nous y travaillons avec constance, avec détermination.

Proposer différentes routes à la jeunesse, c'est lui permettre de découvrir le monde. C’est l'objet d'Erasmus+ et des autres dispositifs de mobilité internationale. Je travaillerai avec Laurent FABIUS pour que cette dimension du service civique international soit une priorité politique au niveau du gouvernement.

Proposer différents chemins à la jeunesse, c’est aussi lui donner l’opportunité de s’épanouir dans une activité au service de l'intérêt général. Une activité qui fait que la vie est plus riche, plus stimulante.

C'est donc avec ce souci d’améliorer la condition des jeunes et d'œuvrer à une France plus fraternelle que je serai l'infatigable promoteur du service civique.

Je suis volontaire à développer le service civique dans notre pays.

Merci à toutes et à tous.

(Applaudissements)

M. ABIKER.- Oui. François CHEREQUE me dit « est-ce que je dis un mot ? ». Je réfléchis et je lui dis « évidemment ! » parce que vous avez du pain sur la planche. Fois quatre, à moyens constants évidemment, en faisant de la qualité. Je n'ai qu'un conseil à vous donner pour mettre la jeunesse dans la rue mais j’y tiens : faites de la sélection. Le service civique, ça se mérite. On n'y accepte pas n'importe qui. Il faut des gens qui soient bons.

M. CHEREQUE.- On n’accepte pas n’importe qui, on accepte tous les jeunes. Donc ce n’est pas n’importe qui, tous les jeunes.

M. ABIKER.- Oui mais il faut faire le tri aussi quand même.

M. CHEREQUE.- Ça, c'est de la provocation… Simplement, deux mots.

D'abord, merci, Monsieur le Ministre, d'être venu et d'avoir conclu.

J'ai envie de dire et on y faisait allusion à l'instant, c'est vrai que ce n'est pas toujours facile mais quelle chance on a ! Quelle chance on a !

Il y a trois ou quatre mois – j’étais président de l’Agence du service civique –, le ministre est témoin, j’hurlais parce que je n'avais pas le budget que je voulais, que globalement ce n'était pas possible. Les membres du conseil d'administration savent ce que j'en pense. Il y a eu un moment dramatique mais on est en train de dépasser ce moment.

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Puis on nous dit « faites, faites, faites, et tous les jeunes qui voudront faire le service civique pourront le faire ».

Donc aujourd'hui, j'ai envie de passer un message de bonheur et de joie. On va pouvoir permettre à tous les jeunes qui veulent faire le service civique de le faire. C'est une super bonne nouvelle. Profitons-en. Allons-y. Eclatez-vous en service civique. Notre pays a besoin de vous. Vous avez besoin de nous. C’est, je pense, un échange gagnant-gagnant. Le vieux syndicaliste que j'étais, réformiste sur les accords gagnants-gagnants, là on a un super contrat entre nous gagnant-gagnant. On vous donne les moyens, faites-le et on y arrivera.

Enfin, je terminerai simplement en remerciant notre animateur. Il a été fantastique. Merci pour tout.

(Applaudissements)

Sans faire de publicité, le matin sur Europe 1, c'est comme ça.

M. ABIKER.- Le samedi et le dimanche et toute la semaine avec Thomas SOTTO.

M. CHEREQUE.- C’est comme ça. C’est un peu cette ambiance, c'est-à-dire de l'impertinence, du sérieux, de l’imprévu. Je crois que c’est un peu le service civique. Cela peut être impertinent. Cela peut être sérieux. Mais surtout c'est très utile.

Merci et bonne chance à tout le monde.

(Applaudissements)