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En quoi les méthodologies et outils issus des nouveaux modes de management de startup constituent des moyens cohé- rents, réels et efficaces de conduite d’un projet entrepreneurial ?

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Sommaire

Mise en pratiqueBusiness Plan + Lean StartUp = Lean Business Plan 29Le Business Model Canvas 33

Exemple de mise en pratique d’un Business Model Canvas 34Business Model Canvas et Business Plan : Quels points communs ? 36

Outils et méthodes 38Comment travailler sur la désirabilité d'un projet (marché et segments de clientèles) 38Travailler sur la faisabilité d'un projet (l’offre) 39Travailler sur la viabilité d'un projet (données financières) 42

Exemples d'application 44Vente de marinières - cas fictif 44CO Skateboarding - cas réel et personnel 46

Apports théoriquesOrigines et Influences 12Le Design Thinking 14Le Customer Development (Développement Client) 16Le Lean StartUp 20

1— Construire 202— Mesurer 203— Apprendre 21

Un socle commun de fondements théoriques 22En résumé... 22

Le Lean Design Thinking 24

RecommandationsAdopter de nouveaux savoir-être 56

« Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras » 58Raisonner en perte acceptable 58Tirer parti des imprévus 59Former des partenariats 59Contrôler plutôt que prédire 59Le cycle effectual 59

Développer de nouveaux savoir-faire 62Maîtriser de nouveaux outils 66

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RemerciementsA mon coach, Bruno Cattaneo, pour sa disponibilité et son sens de l'écoute. Les échanges que j’ai eu avec lui m’ont permis d'en-visager de nouvelles perspectives au-delà même de cette thèse, les enseignements qu'il m’a transmis me seront utiles tant dans ma vie professionnelle que personnelle. Son accompagnement a été pour moi une aide très précieuse.

A l’équipe de l’institut de l’entrepreneuriat et au Mastère Spé-cialisé Entrepreneurs, pour avoir ouvert mon esprit à la création d’entreprise, et grâce à qui j’ai développé des savoir-faire et des savoir-être dont la valeur est inestimable.

A l’ensemble des personnes avec lesquelles j’ai pu échanger sur mon sujet et qui ont fait avancer ma réflexion.

À tous les employés de LanguageCourse.Net et son PDG, Da-niel Spohn, avec lesquels j’ai passé 6 mois à Barcelone.

À ma famille et mes amis, qui m’ont soutenu dans la rédaction de cette thèse et dans son expérimentation (CO Skateboarding).

À l’ensemble des personnes avec lesquelles je suis rentré en contact dans le cadre de CO Skateboarding et qui m’ont fait par-tager leur passion.

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Choix du sujet et objectifsLe choix de ce sujet s’explique par l’in-térêt que j’ai manifesté depuis le début de mes études supérieures pour l’écono-mie numérique, et constitue en quelque sorte un bilan de mon parcours acadé-mique. Cet intérêt m’a poussé à com-prendre comment fonctionne une startup. Pour cela, j’ai réalisé l’ensemble de mes stages dans ce type de structure.J’ai notamment effectué une année de césure au sein de l’entreprise Nextmo-dernity, cabinet de conseil spécialisé dans les modes de management et usages liés aux nouvelles technologies. Au cours de cette expérience, j’ai ainsi pu affûter ma compréhension de ces problématiques, et expérimenter au jour le jour la vie de startup. Durant cette année de stage, j’ai également participé à la conception d’un business plan pour un concept d’espace de coworking appelé MyOasis. Pour cela, j’ai eu recours à une partie des méthodes abordées dans cette thèse profession-nelle, ce fut donc un premier contact avec le monde de l’entrepreneuriat qui par la suite m’a convaincu de m’orienter vers le MS Entrepreneurs.

Au cours de ma scolarité à Grenoble École de Management, j’ai eu la chance d’assister à deux électifs grâce auxquels j’ai pu réaliser un projet en adoptant la dé-marche d’un designer. Cette expérience m’a alors ouvert l’esprit sur les méthodes inspirées du Design Thinking et convain-cu de leur pertinence.Enfin, au cours de mon année passée au sein du MS Entrepreneur j’ai abordé des missions en entreprises très différentes tant du point de vue des problématiques (création, redressement, développe-ment...) que des secteurs concernés. C’est ce qui m’a donné aujourd’hui l’en-vie de rapprocher des méthodes tradi-tionnelles de création d’entreprises aux nouveaux usages qui émergent de l’éco-nomie numérique.

Cadre méthodologique Afin de réaliser cette thèse profession-nelle, j’ai eu recours à des principes et des outils d’efficacité personnelle que j’ai notamment abordés lors d’un précédent mémoire . La plupart des applications uti-lisées sont disponibles en ligne grauite-

ment, afin de les rendre plus accessibles et de les partager avec mon coach. Premièrement, afin d’aborder mon sujet dans la globalité, j’ai eu recours à un lo-giciel de carte heuristique appelé Mind-meister (accessible sur http://www.mind-meister.com/). Grâce à lui j’ai notamment identifier les liens logiques entre les dif-férents éléments qui composent mon travail, et ainsi prendre du recul sur mon sujet.Afin de capitaliser les différentes res-sources à ma disposition (articles, sché-mas, liens...), j’ai utilisé un logiciel de gestionnaire de notes appelé Evernote. J’ai ainsi pu accéder à ces éléments très facilement et rapidement. Par la suite, la rédaction a été effectuée grâce à Google Drive. Enfin, la mise en page et mise en forme ont été réalisé grâce à la suite logi-cielle Adobe, suivant les principes de re-présentation visuelle décrits dans le livre Convaincre en deux coups de crayon de Dan Roam.

La sélection des sources a eu pour point de départ la lecture de l’ouvrage Lean startup, ma volonté a ensuite été d’ap-profondir ma réflexion en fonctionnant par ricochet et en m’intéressant aux ré-férences théoriques les plus récurrentes dans chacun des ouvrages. Ces lectures

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ont ensuite été enrichies et actualisées grâce à des articles de blogs. J’ai moi-même rédigé des billets sur ce sujet sur mon blog personnel (www.iampy.com) afin de récolter des réactions et de faire avancer ma réflexion. Ces derniers ont notamment conduit à quelques échanges sur le réseau social Twitter, et à l’identifi-cation d’experts sur le sujet. J’ai attaché beaucoup d’importance à la compréhension globale de ma probléma-tique et notamment à son contexte chro-nologique. Ainsi, je me suis aussi intéres-sé dans une moindre mesure aux théories économiques qui ont mené à l’apparition de ces nouvelles méthodologies. J’ai pour cela eu recours à des sites plus gé-néralistes sur le sujet, comme Wikipedia par exemple. Au fil de mes lectures per-sonnelles, j’ai également identifié des ar-ticles de recherches n’ayant a priori pas de liens directs avec ma problématique, c’est avec l’avancée de ma réflexion que j’ai choisi de les intégrer dans cette thèse.

Afin de vérifier la crédibilité de mes sources et le statut d’expert de leurs au-teurs, j’ai eu recours à divers indicateurs. J’ai notamment vérifié que les études de cas ou les articles de recherches étaient rattachés à des organismes fiables et re-connus (Fondations, Universités, Centre

de recherche...). En outre, la sélection documentaire a été basée sur des « preuves sociales » telles que le nombre de partages d’un article de blog, le nombre de « followers » sur les comptes Twitter d’experts, mais également les no-tations et commentaires Amazon des dif-férents ouvrages.

Enfin, il me semble important d’aborder cette thèse professionnelle tant sur l’as-pect théorique que pratique. En effet, la plupart des principes que nous allons étudier reposent sur une expérimentation simple et rapide, j’ai donc choisi de les vérifier et de les expérimenter par moi même. Pour cela, j’ai décidé de mettre à l’épreuve une idée de création d’entre-prises imaginée il y a quelques années, une marque de skateboard collaborative. En l’espace de deux mois et avec des moyens réduits, j’ai effectué quelques ex-périmentations afin de tester la viabilité de ce projet. J’en présenterais les résul-tats dans la deuxième partie.

Mise en contexte Afin d’introduire ce sujet, j’ai choisi d’en poser le cadre chronologique en l’étudiant à la lumière des évolutions économiques

et sociétales. En effet, bien que privé de prise recul du fait du caractère très actuel de ce sujet, il nous est possible de juger l’importance des changements que nous connaissons en les comparant aux pré-cédentes étapes de l’évolution humaine et aux révolutions qui les ont façonnées. Dans son ouvrage, Le manager agile, Jérôme Barrand, retrace l’évolution des sociétés humaines en s’appuyant sur les travaux de Joël de Rosnay et de Michel Serres. Pour caractériser une rupture sociétale, il met alors en avant un chan-gement simultané de 3 caractéristiques : l’énergie, le média et la finalité. De ma-nière très synthétique, on distingue alors 3 étapes majeures de l’évolution hu-maine.Dans un premier temps, l’Homme s’est tout d’abord organisé en société tribale et agricole dont le but (finalité) est de garan-tir sa survie. Le développement de cette société est assuré par l’énergie humaine puis animale (énergie) et la transmission des connaissances est possible suite à l’invention de l’écriture (média).Au XIXème siècle, la révolution indus-trielle a bouleversé cet équilibre systé-mique. Le but de cette nouvelle société est la richesse, la poursuite de cet objec-tif est supportée par le développement de l’imprimerie et l’utilisation du charbon

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puis du pétrole puis du nucléaire. À présent, nous rentrons désormais dans une société de l’information. Le dévelop-pement d’Internet à la fin des années 90 et au début des années 2000, a mis l’infor-mation au coeur des échanges. L’émer-gence de la question écologique et plus globalement du développement durable ont entraîné une prise de conscience glo-bale du caractère limité des ressources à notre disposition. Ainsi, la recherche de richesse absolue (financière) n’est plus suffisante, la richesse relative (bien-être) devient alors une priorité.Cette analyse, certes réductrice et syn-thétique, permet de remettre en pers-pective et d’entrevoir la complexité des évolutions que connait notre société. En cette période de changement de para-digme et de recherche d’un nouvel équi-libre les acteurs économiques font face à monde changeant, de plus en plus com-plexe. Face à ces incertitudes, les struc-tures sociétales doivent s’adapter.

D’un point de vue entrepreneurial, cette notion d’incertitude nous ramène à la no-tion de startup telle qu’elle est définie par Eric Ries dans son ouvrage Lean Star-tUp. En effet, loin des conceptions plus traditionnelles de la startup, Eric Ries dé-fini une startup comme une structure dont

la vocation est d’adresser un nouveau un produit (ou service) dans un contexte d’extrême incertitude. Il écarte ainsi des composantes admises par d’autres dé-finitions par exemple la forte connota-tion technologique, la taille réduite de la structure ou la nécessité pour l’entreprise d’être financée par des levées de fonds.Il est intéressant d’étudier l’évolution de cette définition. En effet, le mot « startup » a été popularisé à la fin des années 90 avec l’avènement des entreprises dites « dot-com ». La bulle spéculative de 2001 qui a entraîné la faillite un grand nombre de ces entreprises illustre parfaitement ce changement de paradigme, et l’ina-déquation des modes de management traditionnels face à cette économie nais-sance. En effet, le financement de ces en-treprises relevait du pari, le couple risque élevé - rendement élevé gouvernait les décisions. L’objectif de ces entreprises était de se développer le plus rapidement possible (« Get big fast ») souvent sans réelles opportunités de marchés. Ainsi comme nous l’avons vu, ce qui ca-ractérise toute révolution et changement de système, c’est la montée de l’incerti-tude, une incertitude qu’il est important de distinguer de la notion de risque. Comme le définit l’économiste Frank Knight, l’in-certitude caractérise toutes les situations

inédites, pour lesquelles ont ne dispose pas d’historique sur lequel se baser pour calculer une probabilité. À l’inverse, dans la notion de risque tous les états pos-sibles sont connus, une démarche proba-biliste peut alors être adoptée notamment en matière de financement d’entreprise. Ainsi, cette bulle spéculative n’est autre que l’exemple concret de l’incompatibilité entre des structures nouvelles et un sys-tème traditionnel, et l’incapacité des outils classiques à prévoir les risques auxquels sont soumises ces nouvelles structures. Ce type de crise démontre la nécessité de faire émerger de nouveaux modes de fonctionnement pour tirer pleinement par-ti de ces évolutions.

D’autre part, il est intéressant d’identifier les tendances majeures qui ont conduit à ces changements. En analysant les évo-lutions de l’industrie du média, Chris An-derson, rédacteur en chef du magazine américain Wired, identifie trois méca-nismes principaux qui portent les évolu-tions de l’économie numérique.Tout d’abord, Internet à faciliter les connexions entre l’offre et la demande. L’émergence des réseaux sociaux, la création de nombreuses communautés d’intérêts, l’utilisation de dispositifs de notations et de recommandations, entre

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autres, ont permis aux entreprises d’iden-tifier et de dialoguer plus facilement avec leurs consommateurs potentiels.De plus, Internet a participé à la démo-cratisation de la distribution des produits digitaux, ouvrant la voie à une diffusion massive des contenus multimédias bou-leversant par la même occasion les in-dustries des médias, de la musique et du cinéma. Enfin, ce phénomène de démocratisation se retrouve aussi au niveau de la produc-tion des contenus, puisqu’il est désor-mais plus facile pour tout utilisateur d’être non plus « consommateur », mais égale-ment « producteur ». À terme, des évolu-tions majeures telles que l’impression 3D vont offrir la possibilité au consommateur de produire directement des objets phy-siques à domicile, et ainsi encrer davan-tage ces changements dans l’économie réelle et matérielle.

Dans cette optique, si l’on s’intéresse à l’évolution de sa définition, le concept de startup à une vocation de plus en plus globale aux vues des évolutions écono-miques, technologiques et sociétales. De plus en plus d’entreprises et d’organisa-tions sont confrontées à cette incertitude, à ce monde de plus en plus complexe, et entrent donc dans la définition d’une

start-up.

En réponse à ces mutations, de nou-velles méthodologies ont été créées pour mieux comprendre et tirer parti des avancées technologiques liées à Internet. Naturellement, le secteur du développe-ment informatique, en ligne de front de ses évolutions, a été le premier à évo-luer et s’adapter à ses changements, no-tamment au travers de méthodes dites « agiles ». En parallèle, de nouvelles tech-niques issues du design sont apparues pour répondre à un besoin grandissant de compréhension des attentes et des besoins des utilisateurs/consommateurs.

ProblématisationDans le cadre de cette thèse profession-nelle, nous serons donc amenés à traiter la problématique suivante :

En quoi les méthodologies et outils issus des nouveaux modes de management de startup constituent des moyens cohé-rents, réels et efficaces de conduite d’un projet entrepreneurial ?

Il s’agira donc ici de démontrer que les méthodologies originellement issues du monde « online » et des startups peuvent

avoir des applications sur des projets tou-chant à la sphère réelle et à des réalités palpables. Nous tâcherons d’expliquer comment ces outils offrent la possibilité d’analyser, de comprendre, mais aussi de tirer parti des évolutions technologiques, avec notamment Internet comme outil et terrain d’expérimentation. Nous nous ef-forcerons également d’étudier en quelle mesure, elles constituent une réponse cohérente face à une situation de plus en plus incertaine en proposant une ré-flexion systémique permettant d’analyser les interrelations au sein de l’environne-ment de l’entreprise. Enfin, il s’agira alors de vérifier si ces méthodes permettent d’obtenir des résultats réels tout en mi-nimisant les investissements de départs, en somme déterminer si elles sont effi-caces.Afin de traiter ce sujet, nous nous inté-resserons dans un premier temps aux ap-ports théoriques en abordant l’ensemble des mouvements et méthodologies déve-loppées autour de notre sujet. Dans un second temps, nous étudierons la mise en oeuvre de ces principes en présen-tant des outils et méthodes illustrés par des exemples d’applications. Enfin, nous aborderons les savoir-être, compétences et outils à développer dans le cadre de ce sujet.

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Origines et InfluencesAfin de mieux appréhender les fonde-ments théoriques des différentes métho-dologies et approches que nous allons étudier dans cette thèse professionnelle, nous allons dans un premier temps pré-senter leurs origines et leurs interrela-tions. Nous développerons par la suite en détail les méthodologies ayant un lien direct avec notre sujet. Nous allons donc remettre en perspectives les concepts clés de chaque mouvement, qui ont été empruntés successivement souvent sous une nouvelle dénomination. Il s’agit donc ici de démontrer le caractère transdisci-plinaire du sujet et l’enrichissement des courants de pensée successifs qui ont engendré les pratiques actuelles.

On peut remonter les origines de la pen-sée Lean jusqu’à l’apparition du Toyo-tisme à la fin des années 1940 au Japon. En effet, bien que le terme Lean soit adop-té plus tard dans les années 1990, on doit l’élaboration des fondements de la pen-sée Lean aux travaux effectués au sein de l’entreprise Toyota. Le Lean Thinking se base principalement sur l’améliora-

tion continue des systèmes et l’élimina-tion des gaspillages, fondements que l’on retrouvera sous différentes formes dans des méthodologies qui ne sont désormais plus uniquement appliquées au monde industriel, c’est notamment le cas des pratiques qui concernent notre sujet.D’autres disciplines ont influencé les mé-thodologies désormais appliquées dans le management de startup notamment les méthodes de développement informa-tique dites « agiles ». Cette influence s’explique par la forte composante technologique qui a long-temps fait partie intégrante de la défi-nition de startup, notamment au début des années 2000 pendant l’essor des entreprises « dot-com ». En effet, des méthodes de programmation telles que RAD, SCRUM ou l’Extrem programming se basent sur un fonctionnement itératif qui a poussé les startups à adopter de nouveaux modes de management.

Nous allons maintenant évoquer plus en détail les méthodologies inspirées du Design Thinking, puis nous nous in-téresserons au Customer Development et au Lean StartUp. Enfin, nous étudie-rons quelle synthèse nous pouvons faire de ces concepts grâce au Lean Design Thinking.

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Le Design ThinkingLes origines du Design Thinking re-montent aux années 1980, avec le déve-loppement de la conception centrée sur l’utilisateur. Le terme sera créé et popula-risé par Rolf Faste dans les années 1990, suite à des études menées sur les modes de fonctionnement au sein de l’agence de design IDEO. Le Design Thinking est un courant de pensée, qui se revendique comme une évolution d’une conception plus classique du design. C’est une rup-ture, car la vocation du Design Thinking est plus globale, il s’agit d’aborder le de-sign comme une discipline ne visant plus uniquement à l’amélioration esthétique d’un produit. En effet, le Design Thinking adopte une approche systémique des problèmes avec 3 objectifs principaux :uDésirabilité (pour le consommateur/utilisateur)uViabilité (économique)uFaisabilité (technique)

Pour atteindre ses objectifs, le Design Thinking repose sur plusieurs principes fondateurs. uLa compréhension (empathie) du

contexte d’un problème donné uLa créativité dans la production des idées et des solutionsuLa rationalité pour analyser et trou-ver des solutions à un problème

Pour cela, le Design Thinking suggère le recours aux recherches sur les utilisa-teurs/consommateurs, l’étude de leurs retours d’expérience (feedback) et la mise en place de cycles itératifs. Le De-sign Thinking se schématise donc par un process en 6 étapes, dont la mise en ap-plication n’est pas linéaire et permet de nombreux retours d’une étape à l’autre, il est d’ailleurs parfois présenté de façon circulaire. uObserver : revoir l’historique des problèmes rencontrés, collecter des exemples d’échecs, identifier les sup-porters, investisseurs et critiques du projet, parler au client final.uDéfinir : identifier le problème à ré-gler, prioriser le projet et déterminer ce qui en assurera le succès. (Cette étape est parfois aussi appelée Point De Vue (Point of View), sorte de microthéorie sur les besoins et attentes du consom-mateurs/utilisateurs.) uIdeater (néologisme) : Identifier les besoins et motivations des clients fi-naux, générer autant d’idées que pos-

sible pour répondre à ces besoins sans les juger, brainstormer.uPrototyper : combiner, croiser et af-finer les idées, créer des brouillons/ma-quettes/prototypes, recevoir un retour de clients potentiels ou non.uTester/Mettre en place : rédiger le plan d’action et donner les responsabi-lités, déterminer les ressources néces-saires, délivrer au client.uComprendre : recevoir un feed-back du client final, déterminer si la solution validée répond à l’objectif de départ, identifier les sources d’amélioration.

Comme nous l’avons évoqué le Design Thinking a donc une vocation transdis-ciplinaire, ces principes sont universels et peuvent s’appliquer dans bon nombre de contexte (éducation, gouvernement, milieu associatif...). L’adaptation la plus aboutie d’un point de vue Business est celle que l’on retrouve dans le livre de Yves Pigneur et Alexender Osterwalder, Business Model Generations dans lequel est décrit un outil d’élaboration de bu-siness model suivant les principes du De-sign Thinking, le Business Model Canvas auquel nous nous intéresserons dans une deuxième partie.

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Le Customer Development (Développement Client)Le Customer Development (en français Développement Client) est une méthodo-logie créée par Steve Blank au milieu des années 1990 et dont les principes ont été résumés dans le livre The Four Steps to the Epiphany. Le Customer Development posera par la suite les bases du LeanS-tartUp et s’enrichira des développements d’autres mouvements et notamment du Design Thinking.Le principe fondateur du Customer De-velopment repose sur l’équilibre entre le très classique développement produit et un nouveau concept appelé « Déve-loppement Client ». Il s’agit ici certes de créer un produit, mais aussi et surtout de comprendre le client auprès duquel il sera vendu ? Steve Blank propose donc sur un process qui repose sur l’entrelacement de ces deux cycles de développement.

Le Customer Development poursuit 4 ob-

jectifs principaux :

uS’assurer que le produit répond à un problème pour groupe d’utilisateurs identifié.uVérifier que le projet peut-être étendu sur marché suffisamment grand pour soutenir la viabilité de l’entreprise.uDéployer le projet grâce à des road-map marketing et commerciales suc-cessives.uConstruire les départements et les process de l’entreprise pour soutenir la croissance.

Steve Blank propose une méthodolo-gie-cadre en 4 étapes pour répondre à chacun des objectifs précédemment énoncés :

u1ère étape : Découverte Client (Customer Discovery) : aller en de-hors des murs de l’entreprise (« Getting out of the building ») pour aller tester les hypothèses au sujet des clients et du produit. u2éme étape : Validation Client (Cus-tomer Validation) : faire valider les hy-pothèses en étudiant le comportement des clients, notamment grâce aux ear-lyadopters/earlyvangelits. u3éme étape : Création (Company

Creation) : prouver que les hypothèses sont bonnes et que le produit peut être vendu. Il faut alors franchir le « gouffre » pour atteindre le grand public. u4éme étape : Développement (Com-pany Building) : construire l’entreprise, ses process, ses départements. Re-mettre en cause régulièrement les hy-pothèses.

Plusieurs concepts clés ont alors émergé du Customer Development, qui ont par la suite influencé profondément le Lean StartUp.

La notion d’Early adopters/Earlyvan-gelists tout d’abord qui est inspirée par les travaux de Everett M. Rogers sur les cycles d’adoption de l’innovation. Il s’agit des utilisateurs de la première heure, passionnés de nouvelles technologies ou de nouveaux produits, ils comprennent leur valeur avant le grand public. Ils sont un soutien majeur dans la phase de dé-couverte et de validation de l’entreprise, car ils comprennent les problèmes que cherchent à résoudre les entreprises gé-néralement mieux qu’elles.

Autre notion fondamentale, celle de l’adéquation entre le produit et le mar-ché (Product-Market Fit) qui sera véri-

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fiée au cours des 2 premières étapes du processus. Pour cela, 3 critères doivent être vérifiés :uIl doit y avoir suffisamment de preuves indiquant que le marché est suffisam-ment grand pour assurer la viabilité de l’entrepriseuLe coût d’acquisition d’un client doit être inférieur à ce qu’il va payer pour le produit.uLe client doit être prêt à payer pour le produit. Développement produit et développement Client

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Le Lean StartUp Les principes du mouvement Lean Star-tUp ont été énoncés pour la première fois dans le livre The Lean Startup : How To-day’s Entrepreneurs Use Continuous In-novation to Create Radically Successful Business écrit par Eric Ries et publié en 2008. Il s’agit d’une méthodologie scien-tifique dont le principe est de créer une succession de cycles en trois étapes (construire, mesurer, apprendre) qui per-met de tester rapidement et le plus tôt possible des hypothèses dans le proces-sus de développement produit. Le but est ici d’éliminer dès le début les déchets et efforts inutiles. Ainsi le Lean StartUp s’op-pose au Chaos Management et au volon-tarisme entrepreneurial irréfléchi (« just do it ») en proposant un schéma structu-rant du management de startup.

Comme nous l’avons évoqué précédem-ment, le terme « startup » définit ici une entité évoluant dans un contexte d’ex-trême incertitude, cette méthodologie peut donc s’appliquer à un grand nombre d’entreprises et d’institutions (grands groupes, gouvernements...) pour aider les parties prenantes à mieux identifier et prioriser les opportunités qui s’offrent à eux.

La méthodologie développée par Eric Ries se développe donc en 3 étapes : Construire - Mesurer Apprendre

1— ConstruireLe Lean StartUp est basé sur l’expéri-mentation empirique des suppositions avancées par les porteurs de projets.

Eric Ries définit trois niveaux de croyances au sein d’une entreprise (du global au particulier) :

uTout d’abord la vision de l’entreprise qui reste constante tout au long de la vie de l’entreprise, elle définit la direc-tion globale de l’entreprise. Elle est bien souvent portée par les dirigeants. uVient ensuite la stratégie, qui peut être amenée à évoluer en fonction de découvertes faites par les dirigeants et les équipes.uEnfin, le dernier niveau et celui des idées, qui sont testées en permanence et qui doivent être toutes validées empi-riquement.

Les suppositions faites sont aussi appe-lées par Eric Ries des « professions de foi » (Leap of Faith), car elles supportent toute la stratégie de l’entreprise, elles

doivent donc être vérifiées. Dans un jar-gon scientifique, ce sont des hypothèses. Des hypothèses « de valeur » d’une part qui vont concerner la proposition de va-leur faite aux clients, et des hypothèses de croissance, qui vont soutenir la crois-sance de l’entreprise et garantir sa péren-nité.

L’expérimentation de ces hypothèses va prendre la forme d’un prototype appelé Minimum Viable Product. Afin d’éliminer tout effort inutile, ce prototype va dispo-ser du minimum de fonctionnalités pour générer un maximum de retours clients. Dans un premier temps, les clients vont être des early adopters car ils seront les premiers à ressentir (ou non) le besoin pour le produit/service, ils seront égale-ment plus enclins à pardonner les défauts et à donner des feedbacks.

2— MesurerLe Lean StartUp s’appuie sur le concept de jalons d’apprentissage (ou Lear-ning Milestone) pour structurer les avan-cées faites par l’entreprise. En effet, dans le Lean StartUp l’accent est mis sur les découvertes faites par l’entreprise. Ce-pendant, ces avancées ne doivent pas servir d’excuses injustifiées aux échecs. Ces « jalons » doivent donc être quanti-

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fiés et vérifiés empiriquement.

Pour cela, le Lean StartUp propose un cadre comptable adapté (Innovative ac-counting framework). Ce cadre comp-table ne repose pas sur les mêmes mé-triques utilisées de manière classique, ces dernières sont appelées par l’auteur « Vanity metrics » (métriques d’orgueil). En effet, elle repose bien souvent sur des totaux et nombres bruts qui reflètent par-tiellement la réalité. L’utilisation de ses chiffres cache bien souvent d’autres pa-ramètres et ne permet pas de lier les ac-tions menées aux résultats obtenus. Elles ont d’orgueilleux le fait qu’elles servent bien souvent de prétexte pour enjoliver une situation et voiler la face de ses di-rigeants.Ce nouveau cadre comptable s’appuie sur des métriques concrètes (Actio-nable metrics) qui traduisent un réel lien de cause à effet. Chaque supposition/hypothèse va être testée sur une co-horte (ou groupe) de clients isolée. Ainsi chaque jalon (Learning milestone) se voit attribué des métriques de référence pour valider ou invalider les suppositions.

3— ApprendreEn résumé, au fil des cycles décrits par le Lean StartUp l’entreprise tire des ensei-

gnements, ses enseignements sont vali-dés ou invalidés empiriquement. Il s’agit ici du concept central de cette méthodo-logie, le Validated Learning.Au fil de ces cycles, l’entreprise est amenée à considérer régulièrement ses avancées et à effectuer un choix entre deux possibilités : continuer ou pivoter. Si les suppositions quant à la valeur et au moteur de croissance de l’entreprise ne sont pas vérifiées, l’entreprise sera alors probablement amenée à effectuer un Pivot. Il peut être de plusieurs sortes : changement de technologie, de segment de clientèle, de modèle de capture de la valeur, de moteur de croissance, de dis-tribution...

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Un socle commun de fondements théoriques

Si l’on procède à regroupements des concepts clés sur lesquels repose cha-cune des méthodologies, on peut alors clairement identifier 3 fondements com-muns à ces théories.Les approches que nous venons de dé-crire sont tout d’abord centrées sur l’uti-lisateur, avec comme objectif principal de créer de la valeur pour le client final du produit/service. Elles partagent égale-ment un mode de fonctionnement itératif, avec pour objectif d’améliorer de manière continue, les produits, les services ou les processus. Enfin, pour la plupart d’entre elles, le prototypage est utilisé comme outil pour matérialiser les avancées de l’entreprise et tester de nouvelles hypo-thèses.

Pour témoigner des emprunts succes-sifs et des inspirations mutuelles, on peut identifier des concepts clés similaires dans de nombreuses méthodologies.

Ces concepts peuvent être repris avec la même dénomination et ouvertement revendiqués comme emprunt. C’est le cas notamment du Kanban utilisé par les méthodes agiles de développement et le Lean StartUp, ou les early adopters qui sont à la fois utilisés dans le Customer Development et le Lean Startup.Il peut s’agir également d’approches dé-rivant d’un concept clé d’une autre mé-thodologie, mais sous une appellation différente. Ainsi l’on peut rapprocher les concepts de Point of View (Design Thinking) à ceux du Validated Learning et de Learning Milestone (Lean startup) qui sont enfaite deux façons similaires de matérialiser les avancées d’une entre-prise dans la compréhension du besoin client. Le concept de « Fail Fast » du Lean StartUp descend en droite ligne du Muda développé dans les usines Toyota. Enfin, la technique du “Getting out of the building” (Customer Development) peut être rapprochée du Genchi Genbutsu ( Lean Thinking)

En résumé...Dans une logique de compréhension globale des pratiques actuelles et d’une utilisation cohérente et conjointe de ces différents principes, il est intéressant de noter que chaque approche possède une

orientation propre, tant sur le plan des techniques utilisées que sur le champ d’application. Comme nous l’avons vu, le Lean Thinking est issu du monde indus-triel et à pour objectif l’amélioration conti-nue des processus et la réduction des gaspillages, il pose les principes fonda-teurs de l’ensemble des approches que nous venons de décrire. En parallèle, le Design Thinking a comme point de départ le développement produit et la prise en compte du besoin de l’utili-sateur, le prototypage est développé pour soutenir cette approche. Par la suite, les méthodes agiles de dé-veloppement transposeront une grande partie des principes du Lean au dévelop-pement informatique. Le Customer Deve-lopment mettra quant à lui l’accent sur la nécessité de la mise en place d’un cycle de développement client en parallèle du développement produit, il s’agit d’une des premières transpositions de l’approche Lean dans une optique entrepreneuriale. Enfin le Lean startup, bénéficie et s’ins-pire de l’ensemble de ces mouvements, plus particulièrement du Customer De-veloppement. Le Lean StartUp propose de tirer parti d’Internet pour prototyper un projet de startup. Cette approche est en-richie d’un point de vue quantitatif avec notamment le développement d’un cadre

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comptable adapté aux startups (Innova-tive accounting framework).

On a assisté ces dernières années à une convergence des mouvements du Cus-tomer Developement et du Lean StartUp, qui ont donné suite à de nombreux ou-vrages poursuivant les travaux de Steve

Blank et Eric Ries. En parallèle, de nou-veaux outils et méthodes inspirés du Design Thinking ont fait leur apparition et se sont développés dans les milieux entrepreneuriaux. Il convient maintenant d’étudier quels sont les points de conver-gences de ces deux méthodes, afin de donner une grille de lecture claire pour

les porteurs de projets souhaitant appli-qué ces méthodes. Pour cela, nous allons nous intéresser au Lean Design Thinking présenté dans un article de recherche pu-blié par Roland M. Mueler et Katja Tho-ring en octobre 2012 .

Comparaison des concepts clésConception centrée sur l’utilisateur Fonctionnement itératif Prototypage

Lean Thinking Aller voir par soi même (Genchi Gen-butsu)PullJust-In-Time

élimination des gaspillages (Muda)Apprentissage/ Amélioration continue (Kaizen)élimination des causes d’er-reur (Poka Yoke)Arrêt de production au pre-mier défaut (Andon)étiquetage (Kanban)

Design Thinking Centré sur l’utilisateurPoint of ViewWicked Problem

ItérationsPoint of view

Prototypage

Agile Development Centré sur l’utilisateur Itération + incrémentationétiquetage (Kanban)

Prototypage

Customer Development Early adopters / Earlyvangelists“Getting out of the building”Product/Market fit

Hypothèses CPSThe Value PathNaive Thinking

Prototypage

Lean StartUp Early adopters Leap of faith“Fail fast”Pivot

Minimum Viable Pro-duct

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Le Lean Design ThinkingLe Lean Design Thinking a pour prétention de tirer parti des forces du Lean StartUp et du Design Thinking en élargissant leur champ d’application et en mettant en avant des points de convergences entre ces deux modèles, et ce sans l’apport de nouveaux concepts. Cette analyse permet de sortir le LeanStar-tUp du contexte start-up High Tech dans lequel il est bien sou-vent cantonné et propose en même temps d’appliquer davan-tage les outils du Design Thinking aux projets entrepreneuriaux. Certes, des méthodes inspirées du monde du design comme le Business Model Canvas, que nous verrons par la suite, sont déjà utilisées, mais il s’agit ici de montrer que d’autres outils sont applicables. Il y a donc un vrai effort de rapprochement entre deux communautés qui poursuivent les mêmes objectifs, mais qui n’échangent pas forcément entre elles.

Les principales différences constatées entre les deux modèles sont les suivantes :Tout d’abord, le point de départ du processus. Dans le LeanStar-tUp il s’agit de l’idée portée par le ou les porteurs de projets alors que dans le Design Thinking les idées sont générées au cours du processus, le contexte de départ est un challenge (appelé « wicked problem »).Deuxièmement, les itérations n’interviennent pas au même mo-ment. Dans le LeanStartUp, chaque étape peut déboucher sur un pivot à l’inverse du Design Thinking où les itérations ont lieu uniquement lors de la phase de prototypage.Enfin, l’approche LeanStartUp est plutôt quantitative, chaque hypothèse est validée par des métriques définies au préalable. Le Design Thinking quant à lui, va plutôt s’appuyer sur des ou-tils qualitatifs notamment lorsqu’il s’agit de mieux connaître le

consommateur et de bâtir une microthéorie (appelée « Point of View ») qui servira de base de travail pour le reste du processus Les deux schémas suivants représentent une mise en applica-tion type des deux méthodes sous forme de process.

Process du Customer développement

Process du Design Thinking

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Le but est ici d’enchaîner des étapes de générations d’idées/de solutions et de les sélectionner en prenant en compte les dimensions quantitative et qualitative. On voit ici que le Design Thinking inter-vient en amont, avec un certain nombre d’outils et de méthodes pour générer des solutions. Les méthodes issues du Lean

Startup interviennent quant à elle plus tard dans le processus.Il bon de noter que cette analyse se base uniquement sur les process et ne tient pas compte d’autres éléments tels que les pratiques, les effets d’expériences et la culture d’entreprise.

Nous venons d’aborder dans le détail et de manière théorique l’ensemble des méthodologies qui concerne notre sujet, nous allons à présent nous intéresser à leur mise en pratique.

Process du Lean Design Thinking

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Business Plan + Lean StartUp = Lean Business Plan

Cette citation de Steve Blank, cofonda-teur du mouvement Lean StartUp, té-moigne de la volonté de remise en cause de l’approche traditionnelle de création d’entreprise, et notamment d’une de ses expressions les plus tangibles, le bu-siness plan. De nombreux experts et en-trepreneurs du web se sont accordés sur la mort programmée du Business Plan. La constitution d’un document statique de plusieurs dizaines de pages nécessi-tant de nombreuses semaines de travail parait inadéquate dans un contexte d’in-certitude grandissante qui requiert da-vantage de la souplesse de la part des organisations. Cependant, une analyse plus fine des critiques énoncées à l’en-contre du business plan nous permettent de nuancer cette affirmation.

Reprenons tout d’abord les objectifs d’un

business plan :uComme le sous-entend Steve Blank, la vocation première du business plan est tout d’abord de convaincre de po-tentiels investisseurs. Le business plan est ici un support essentiel à toute levée de fonds, concours, demande de prêts et de subventions.uD’un autre point de vue, il s’avère également être essentiel dans la prise de décision collective et l’alignement des objectifs d’une équipe afin d’évi-ter les malentendus, les incompréhen-sions, les non-dits. Dans cette optique, il constitue une sorte contrat tacite entre les associés. uEnfin, dernier objectif, le business plan offre une prise de prendre du recul, afin d’effectuer un bilan sur les avan-cées du projet et d’anticiper les grandes étapes de l’évolution de l’entreprise.

On constate donc que ces objectifs ne sont pas fondamentalement éloignés des principes fondateurs du mouvement Lean StartUp, bien au contraire. En effet, comme nous l’avons vu, le Lean StartUp présente un certain nombre d’outils et de méthodes qui permettent aux équipes de travailler ensemble et de prendre du recul sur l’avancement d’un projet tout en vali-dant des éléments tangibles (hypothèses,

données...) afin de rechercher les fonds nécessaires à la pérennité du projet.

Au sujet du business plan, les critiques ne portent donc pas sur la planification, mais plutôt sur la manière dont elle est élaborée. Le business plan n’est pas à proprement à parler remis en cause, car il reste seulement support qui traduit cette planification. On reproche davantage son manque de souplesse et le fait qu’il soit souvent considéré comme figé dans le temps. Ces critiques traduisent une nou-velle fois le besoin de flexibilité tant sur les méthodes que sur leurs outils utilisés. Ainsi, au même titre que le mode de ma-nagement de son entreprise, il revient à l’entrepreneur de choisir une forme et un support de business model adapté à la si-tuation de son entreprise.

Il ne s’agit donc pas ici d’une remise en cause du business plan, ou devrions nous dire business planning, mais plutôt d’une évolution. uUne évolution, car comme nous ve-nons de l’expliquer le business plan va grandir de manière organique pour suivre le mode de fonctionnement du Lean StartUp.uDu fait de l’apparition de nouveaux usages, le support s’en trouve lui aus-

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si changé. L’impression n’est plus for-cément la norme et de nombreux élé-ments du business plan peuvent être ainsi partagés entre les différentes par-ties prenantes sur des espaces en ligne (type Google documents). uD’autre part, davantage d’éléments graphiques peuvent également être utilisés, toujours dans cette optique de représentation systémique et en accord avec les principes de pensée visuelle avancés par le Design Thinking (voir in-fra). uEnfin, d’un point de vue des données financières, on constate un raccourcis-sement de la durée des projections, qui s’établissent entre 6 mois et 1 an pour certaines startups.

En conclusion, dans le cadre du Lean StartUp, le business plan n’est plus uni-quement un document statique dont l’ob-jectif principal est de convaincre d’éven-tuels investisseurs, il est désormais d’avantage une photographie des outils de pilotage de l’entreprise et témoigne au jour le jour des avancées de l’entreprise.

De nouveaux outils ont alors émergé pour représenter et faire évoluer le bu-siness plan, l’un des plus utilisés à l’heure actuelle est le Business Model Canvas.

Le Business Model Canvas est un outil qui répond à un besoin grandissant, une meilleure compréhension du business model des entreprises. Le business mo-del constitue une grille de lecture du projet de création pour mieux situer l’en-treprise dans un écosystème de plus en plus changeant et incertain, il devient un élément central autour duquel s’articule tous les éléments du business plan. À présent, nous allons voir comment le Bu-siness Model Canvas propose de créer et de faire évoluer le business model d’une entreprise.

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Le Business Model CanvasLe Business Model Canvas est un ou-til qui a été décrit pour la première fois dans le livre Business Model Generations écrit par Alexandre Osterwalder et Yves Pigneur. Cet ouvrage est avant tout un manuel décrivant des outils et méthodes pratiques directement inspirés du mou-vement du Design Thinking, le Business Model Canvas en est l’outil principal.

Le Business Model Canvas repose sur deux principes théoriques clés issus du Design Thinking qui permettent de tra-vailler sur les interrelations entre les diffé-rents éléments du business model.

L’idéation, tout d’abord, qui est une tech-nique qui consiste à passer au travers une phase de génération d’idée puis de synthèse pour identifier de nouvelles op-portunités. Les consignes sont ici d’igno-rer le statu quo, d’oublier le passé, de ne pas se concentrer sur les concurrents et de sortir des sentiers battus. Le principe d’idéation est notamment mis en oeuvre lors de Brainstorming et de différents ate-liers créatifs.

L’autre principe clé du Business Model Canvas est la pensée visuelle. Elle se matérialise principalement sous deux formes. Tout d’abord par l’emploi de post-it sur le Canvas. Le but est ici de limiter les mots et les concepts utilisés et de pouvoir les déplacer facilement entre les différents blocs. Cette méthodologie uti-lise aussi le dessin et le croquis, car ils permettent d’adopter un langage com-mun entre les participants des ateliers. Les images stimulent les réactions, car elles sont généralement plus impactantes que les mots.Ces techniques ont l’avantage de simpli-fier la réalité, d’adopter plus facilement une pensée systémique, de capter une vision globale et d’identifier les interrela-tions entre les différentes composantes de l’entreprise. Le Business Model Canvas se présente sous la forme d’un tableau, généralement imprimé au format poster pour être mani-pulé lors d’ateliers. Il est composé de 9 blocs :

Les Segments Client, qui représentent les différents groupes de clientèle. Ces groupes sont distincts si :uleurs besoins nécessitent une offre

différenteuIls nécessitent des canaux de distri-bution différents pour être atteints.uIls ont besoin d’un mode de relation client différentuIls ont des niveaux de rentabilité radi-calement différentsuIls sont prêts à payer pour des as-pects différents de l’offre.

L’Offre (ou proposition de valeur) ré-pond à un besoin ou à un problème d’un ou plusieurs segments de clientèle. Les facteurs qui contribuent à la création de valeur sont entre autres : la nouveauté, le design, la marque, le prix....

Les Canaux de distribution décrivent comment l’entreprise communique et at-teint ses Segments Clients pour délivrer son offre (communication, distribution et vente).

La Relation Client décrit le type de re-lation entretenu avec chaque Segment Clients. On distingue différentes catégo-ries : assistance personnalisée, assistan-ce personnalisée dédiée, Self-Service, Service Automatisé, Communautés d’en-traide, cocréation.

Les Sources de Revenus représentent

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l’argent généré par chaque Segment Clients. On distingue différent type de re-venus : la vente de bien, le forfait d’utili-sation, l’abonnement, le prêt/la location/le leasing, la licence d’exploitation, les frais de courtage ou la publicité. Les prix peuvent être soit fixes, soit dynamiques.

Les Ressources Clés sont les res-sources principales qui permettent à l’en-treprise de fonctionner (physiques, intel-lectuelles, humaines ou financières).

Les Partenaires Clés sont regroupés autour de 4 grandes catégories : les al-liances stratégiques avec des entreprises non concurrentes, la coopétition, les joint ventures et les partenariats entre clients et fournisseurs.

Les Activités clés qui sont nécessaire à la création de revenus et qui conditionne la distribution, le mode de relation client et l’offre.

Enfin, la Structure de coût regroupe l’ensemble des coûts nécessaires au fonctionnement de l’entreprise. On dis-tingue alors deux types d’entreprises : les entreprises orientées coût et les entre-prises orientées valeur.

Exemple de mise en pratique d’un Business Model Canvas

Cet exemple est tiré du livre Business Model Generations, il consiste en une analyse du journal quotidien gratuit Me-tro.

Ce quotidien d’origine suédoise, distribué dans 84 villes dans le monde, est devenu en quelques années une référence grâce à un business model innovant basé sur la publicité.

Ce business model s’appuie trois piliers : uLa gratuité du journal.uUne diffusion dans des zones à fort passage (transports/lieux publics) via une distribution manuelle ou dans des racks en libre-service. Cette stratégie a certes nécessité de la part de Métro de développer son propre réseau de distri-bution, mais il lui aussi permit d’obtenir rapidement une audience importante.uLa réduction des coûts éditoriaux qui permet de produire un journal suf-fisamment bon pour capter l’attention d’un public jeune dans les transports en commun.

Des concurrents utilisant le même bu-siness model ont alors rapidement émer-

gé, mais Metro a réussi à les tenir à dis-tance avec une stratégie intelligente. Par exemple, le journal contrôle la plupart des emplacements de racks dans les gares ferroviaires et routières, forçant ses concurrents à avoir recours à une distri-bution manuelle plus coûteuse.

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Business Model Canvas de Métro

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Business Model Canvas et Business Plan : Quels points communs ?

Une étude plus détaillée du Business Mo-del Canvas, nous permet de retrouver les éléments que l’on peut rencontrer dans un business plan traditionnel : prévisions financières, plan commercial, plan mar-keting, étude de la concurrence, offre et description du marché. Ainsi, le Bu-siness Model Canvas permet d’aborder l’ensemble de ces points et d’étudier les relations entre ces différents éléments, à ce titre il peut être utilisé comme point de départ et support à l’élaboration d’un bu-siness plan. Il est bon de souligner que par la suite les rubriques abordant l’équipe et l’Exe-cutive Summary devront être également ajoutées.

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Outils et méthodesUne multitude d’outils et de méthodes ont été créés pour répondre à des situations et contextes différents. Bien évidemment, il ne s’agira pas ici de présenter de ma-nière exhaustive l’ensemble des mé-thodes existantes, mais plutôt de faire ressortir les plus utilisées et les plus uni-verselles.

À présent, nous pouvons dégager 3 axes principaux dans notre analyse, qui vont constituer 3 blocs majeurs du Business Model Canvas : le marché (clients), l’offre (produits) et les données financières de l’entreprise. En effet, comme nous l’avons vu le Design Thinking a amorcé un travail sur une meilleure connaissance du consommateur, notamment grâce à la mise au point de prototypes. Ce travail a ensuite été poursuivi par le Customer De-velopement qui s’est intéressé à l’entre-lacement des cycles de développement produit et de développement de la clien-tèle. Enfin, le LeanStartUp en reprenant l’ensemble de ces principes a développé une vision quantitative que l’on peut faire intervenir dans les projections financières

de l’entreprise. Nous emprunterons donc à chacun de ces mouvements les tech-niques les plus utilisées afin d’illustrer la mise au point d’un business plan autour du Business Model Canvas.

Il est également bon de noter que l’on re-trouve ici, le triple objectif poursuivi ori-ginellement par le Design Thinking : dé-sirabilité, faisabilité et viabilité. C’est ces 3 axes que nous allons étudier dans les paragraphes suivants.

Comment travailler sur la désirabilité d'un projet (marché et segments de clientèles)

Comme nous l’avons vu dans la première partie, l’ensemble des mouvements que nous avons présenté partage cet objec-tif d’une meilleure compréhension des besoins des utilisateurs/consommateurs. On retrouve particulièrement ces aspects dans le Customer Development et le De-sign Thinking. On l’a vu, Steve Blank dans ses ouvrages encourage les entrepreneurs à sortir de l’entreprise (« Getting out of the building

») pour affûter la compréhension de leur client. De leur côté, les designers ont quant à eux développés de nombreuses techniques afin de mieux cerner les usages et les comportements des utili-sateurs. Ces techniques ont pour princi-pal objectif de nourrir une microthéorie sur les comportements du consomma-teur basé sur une observation empirique (Point de vue) .

Parmi les techniques utilisées dans l’éla-boration du point de vue, l’élaboration de personas reste l’une des plus utilisées. Le persona est une personne fictive stéréotypée créée pour représenter un segment de clientèle. Les personas sont utiles pour tenir compte des buts, désirs et des limitations des utilisateurs dans le but d’améliorer le processus d’achat et/ou les interactions avec le produit/service. Un persona est donc une représenta-tion des buts et des comportements d’un groupe d’utilisateurs. Dans la plupart des cas, les personas sont une synthèse des données collectées au cours d’interviews. Ils sont habituellement résumés dans un document d’une ou deux pages qui inclut des types de comportements, les buts, les compétences, les attitudes et l’environne-ment d’un personnage décrit de manière détaillée afin de le rendre réaliste. Pour

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chaque produit/service, plusieurs perso-nas peuvent être réalisées. Les personas peuvent également être élaborées grâce à un outil appelé la carte d’empathie (voir ci-après) qui, à l’instar du Busines Model Canvas, peut être imprimée au format poster pour être utilisée lors d’ateliers et manipulées à l’aide de post-its. Cette carte matérialise les comportements d’un consommateur : ce qu’il pense, ressent, voit, entend, dit et fait. Elle permet alors ainsi de faire ressortir ce que peuvent être les bénéfices et les freins d’un utili-sateur vis-à-vis d’un produit. Le parcours utilisateur est une tech-nique qui retrace les interactions qu’un utilisateur peut avoir avec un produit/ser-vice. Cette technique est principalement utilisée dans le web design et la mise au point de site et de logiciels. Le parcours utilisateur décrit de manière très détaillé, quelles sont les différentes étapes qu’un utilisateur doit effectuer pour accomplir une tâche au sein d’une application ou d’un site Internet. Cette technique permet de rendre concret le workflow (flux de travail) d’un utilisateur, et de révéler les points d’amélioration du produit.

Le storytelling intervient également dans

l’élaboration du Business Model. L’emploi de cette technique répond à plusieurs objectifs. Il rend palpable une situation nouvelle et de rendre concrets les idées en adoptant différentes perspectives (employés, clients...). Enfin, il constitue un outil puissant pour convaincre et « re-cruter » les différentes parties prenantes (direction, Investisseurs, employés et col-laborateurs).

À l’instar, de la pensée visuelle, du pro-totypage et du storytelling, la scénarisa-tion est une technique qui peut s’avérer utile, car elle rend tangible une situation hypothétique. L’objectif des scénarios est de faciliter la mise au point de nouveaux business models en précisant et en dé-taillant le contexte d’application. Pour cela, on distingue deux types de scéna-rios. Tout d’abord, les scénarios clients, qui en décrivant comment peut être uti-lisé un service par un client, permettent de travailler de manière concrète sur les différents éléments du business model. Par exemple, quels sont les canaux de distribution les plus adaptés à cette si-tuation ? Quelle relation établir avec ce client ? Qu’est-il prêt à payer ? Un scéna-rio peut être établi pour chaque segment de clientèle afin de déterminer si un seul business model peux tous les satisfaire

ou si plusieurs seront nécessaires. Autre type, les scénarios d’anticipation qui décrivent un environnement dans lequel l’entreprise pourrait évoluer dans un futur proche. L’avantage de ces scé-narios est qu’ils proposent un cadre plus restreint qui permet par exemple de ré-duire le champ de réflexion d’un brains-torming. Il est alors possible d’envisager différentes hypothèses pour chacun des scénarii. Cette technique a donc l’avan-tage de préparer l’entreprise aux diffé-rentes évolutions et tendances de son marché.

Travailler sur la faisabilité d'un projet (l’offre)

Comme nous l’avons vu précédemment, le prototypage est devenu un moyen effi-cace pour valider la faisabilité d’un projet. En termes de développement produit, le Design Thinking préconise de recourir à des prototypes très tôt dans le proces-sus de mise au point. Dans le cadre d’un objet physique, réaliser des prototypes avec des matériaux simples (papier, car-ton, bois...) permet ainsi d’effectuer des tests dans des conditions réelles, d’obte-nir des retours clients, et ainsi de le faire évoluer. Ces techniques ont évolué et de

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nouvelles sont apparues en phase avec les nouveaux outils de communication, ce que Eric Ries appellera plus tard le Minimum Viable Product. Voici quelques techniques pour mettre en oeuvre un MVP :

Le Video Minimum Viable ProductCette méthode consiste à réaliser une vi-déo montrant le fonctionnement d’un pro-duit sans pour autant avoir recours à son développement. Le VMVP rend palpable le fonctionnement d’un produit afin de tester l’adhésion des potentiels clients avec des moyens (temps/argent) limités. Cette technique a notamment été utilisée pour le développement de l’application en ligne Dropbox.

The Concierge Minimum Viable Pro-ductLa technique du « Concierge » consiste à tester un service ou un produit sur un seul client. Ce dernier pense être un client parmi tant d’autres, mais ce n’est pas le cas. Le porteur de projet peut alors inte-ragir directement avec le client, et ainsi collecter un maximum de feedback pour faire évoluer son concept. Petit à petit, les process et les tâches sont automatisés, ce qui permet d’incorporer davantage de clients dans l’expérimentation.

Le magicien d’OzLe magicien d’Oz peut être utilisé dans le cadre d’un produit nécessitant une in-teraction entre le client et un système in-formatique automatisé (application, site internet...). La technique du magicien d’Oz consiste remplacer la composante informatique par un être humain à l’insu de l’utilisateur, et ce dans l’optique d’évi-ter des développements inutiles. Cette technique s’avère utile entre autres pour identifier les fonctionnalités essentielles d’un produit.

Le « Smoke test »Le « Smoke test » est directement ins-pirée de méthodes utilisées par le mar-keting direct dans les années 1980-1990. À l’époque, une annonce factice vantant les mérites d’un nouveau produit était publiée sur des quotidiens puis un nu-méro de boite vocale collectait les appels des clients potentiellement intéressés. Aujourd’hui, les annonces et les boites vocales ont été remplacées par des mi-nisites, ces derniers pouvant être plus ou moins élaborés. Par exemple, il est ainsi possible de créer une simple page de description du produit accompagnée d’un champ pour renseigner une adresse e-mail ou un site plus détaillé disposant

d’un faux panier d’achat pour obtenir une estimation du taux de conversion (un exemple ici). Cette technique offre donc l’avantage de pouvoir valider une hypothèse très rapidement notamment avec des sites comme launchrock.co, qui offrent la possibilité de créer des pages de présentation en quelques clics.

Le test du Crowd-FundingLes plates-formes de crowdfunding, en français plates-formes de finance parti-cipative, permettent aux créateurs d’en-treprise de lever des fonds auprès d’une communauté d’utilisateurs. Certaines plates-formes de crowdfunding vont plus loin que la simple levée, et constituent un moyen de tester son idée auprès de leurs utilisateurs. Ainsi le porteur de projet peut tester la faisabilité de son projet et de pré vendre ses produits ou services auprès d’une communauté qui saura le soutenir.Le crowd-funding est donc une étape plus avancée du prototypage pour vali-der la faisabilité d’un produit à partir d’un simple prototype, conçu par exemple grâce à une imprimante 3D, et accompa-gné d’une simple description et/ou d’une présentation vidéo. Les plates-formes de crowdfunding permettent à l’entreprise d’obtenir les premiers fonds nécessaires à l’industrialisation du produit, mais aussi

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d’identifier des earlyadopters extrême-ment impliqués puisqu’ils sont prêts à in-vestir sur un projet en devenir. C’est la startup américaine KickStarter.com qui est aujourd’hui leader du crowd-funding aux États-Unis, en France des plates-formes commencent à émerger comme ReservoirFunds.com, Fundme.fr, Wiseed.fr ou KissKissBankBank.com.

Travailler sur la viabilité d'un projet (données financières)Nous allons à présent étudier les tech-niques pour tester la viabilité d’un projet de création et établir des projections fi-nancières. L’ensemble de ces techniques s’appuie sur les principes de compta-bilité innovative (Innovative Accounting Framework) décrits par Eric Ries. Comme nous l’avons évoqué, ce cadre de comp-tabilité permet d’identifier et de suivre des métriques pertinentes (Actionable Metrics) afin de piloter un projet de créa-tion. L’objectif étant de valider de manière concrète les avancées de l’entreprise.

L’une des techniques notamment s’ap-puie sur un outil bien connu des entre-preneurs, le tableur Excel. En effet dans

leur ouvrage Business Model Generation, Alexandre Osterwalder et Yves Pigneur, préconise de tester chaque hypothèse de business model en la prototypant au sein d’une feuille Excel. La méthodologie dé-veloppée avec le Business Model Canvas encourage les créateurs d’entreprise à envisager différents business models et scénarios et d’estimer les potentiels profits pour faire émerger les meilleures options. Cette technique peut donc être combinée avec la création de scénarios d’anticipation que nous avons vue précé-demment.

Le cadre comptable posé par Eric Ries repose principalement sur l’analyse en cohorte des consommateurs et utilise deux techniques concomitantes, le split test et l’A/B testing.

Le split test consiste à tester un nou-veau produit, service ou fonctionnali-tés auprès d’un groupe d’utilisateurs/consommateurs. Eric Ries préconise une analyse en entonnoir, en utilisant des mé-triques qui vont traduire le comportement du consommateur de la prise de contact jusqu’à l’achat/le réachat... (exemple : vi-site sur le site internet, inscription à une version d’essai, achat.) Cette notion de « métriques entonnoir “ se rapproche de

celle du tunnel de conversion (voir ci-des-sous).On raisonne ici non plus en nombres glo-baux, mais en flux de consommateur. Le réseau social Facebook utilise régulière-ment cette technique pour tester de nou-velles fonctionnalités, ces dernières étant souvent expérimentées à l’échelle d’une zone géographique avant d’être générali-sées sur tout le site.

Tunnel de conversion

L’A/B testing est une méthodologie qui utilise des expériences aléatoires utilisant

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deux versions d’un produit, A et B. Ces expérimentations sont souvent utilisées dans le développement web, dans le mar-keting, mais également dans des formes plus traditionnelles de publicité. Online, cette technique est particulièrement utili-sée par le web design (particulièrement dans le Design orienté utilisateur), le but est d’identifier les changements sur les pages web qui pourrait augmenter ou maximiser l’intérêt des utilisateurs (par exemple le taux de clic sur une publicité). Comme le nom l’indique, deux versions (A et B) sont comparées, lesquelles sont identiques à l’exception d’une variation qui peut avoir un impact sur le compor-tement de l’utilisateur. La version A pou-vant être la version en cours du produit et du site, alors que la version B subit des modifications. L’A/B testing est notam-ment utile pour améliorer le processus de conversion, en identifiant clairement les goulots d’étranglement sur le tunnel de conversion. Cette technique peut être utilisée avec davantage de variables.

L’émergence du Lean StartUp et de ces techniques d’optimisation a été rendue possible avec la démocratisation et une simplification des outils d’analytique, ces derniers permettant une meilleure traça-bilité du processus de vente, facilitant son

optimisation. L’outil Google Analytics, par exemple, analyse finement le comporte-ment d’un consommateur tout le long de sa visite sur un site Internet, et ce gratui-tement.

L’arrivée d’Internet a donc permis aux entreprises de se rapprocher de leurs consommateurs et de mieux les com-prendre. La publicité en ligne notamment connaît un véritable essor en Europe puisque les dépenses de publicité on line devraient croître à un taux annuel moyen de 13 %, passant de 4,8 milliards d’euros en 2012 à 7,7 milliards d’euros en 2016. De nouvelles techniques ont alors été développées pour tirer parti de ces nou-veaux, plus particulièrement de Google Adword avec quoi il est possible de créer une publicité qui apparaîtra dans les ré-sultats du célèbre moteur de recherche. Ces publicités sont élaborées à partir des mots-clés pour lesquels l’ont souhaite voir apparaître la publicité.Eric Ries préconise notamment une tech-nique qu’il appelle « le budget Adword de 5 $ par jour ». Ce budget réduit ne per-met pas certes de garantir la visibilité et la présence en ligne de l’entreprise, mais il génère néanmoins des visites qui vont pouvoir être étudiées et servir à valider les hypothèses de l’entreprise.

Il également possible d’envisager ce type de publicité sur les réseaux sociaux. En effet, Facebook propose désormais un panel d’outils pour adresser des publici-tés à une population extrêmement ciblée. Parmi les paramètres, il est ainsi possible de choisir, l’âge, la profession, les centres d’intérêt et la location des personnes au-près desquels la publicité sera diffusée. On comprend alors l’intérêt de ces nou-veaux outils d’un point de vue marke-ting, car ils permettent en quelques clics et pour un budget modéré d’atteindre la plupart des segments de clientèle. Il est aussi bon de noter que ces outils donnent accès à des tableaux de bord de pilotage disposant d’indicateurs très précis. Il est alors également possible d’adopter un fonctionnement itératif en affinant petit à petit les messages délivrés et la segmen-tation adoptée.

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Exemples d'applicationNous allons à présent aborder deux exemples d’applications illustrant di-verses techniques que nous venons de présenter. Le premier est un exemple fic-tif tiré du livre La semaine de 4 heures de Timothy Ferris, le second quant à lui est une expérimentation personnelle d’un projet de création d’une marque de skate-board collaborative.

Vente de marinières - cas fictifDans son livre La semaine de 4 heures, Timothy Ferris décrit une technique ba-sée sur l’utilisation de publicités en ligne peu coûteuses pour tester les réactions des clients avant la mise en production d’un produit. Cet exemple constitue une bonne synthèse des techniques que nous venons de présenter puisque nous allons retrouver, entre autres, les principes du smoke test et de l’A/B testing.

Comme nous l’avons vu, par le passé, il suffisait d’utiliser une petite annonce et une boite vocale pour mettre en place

une expérimentation marketing. À l’heure d’Internet, des outils moins chers et plus efficaces ont fait leur apparition, et no-tamment le plus utilisé Google Adwords, le système publicitaire en ligne le plus so-phistiqué du marché. Celui-ci affiche des annonces ou bannières publicitaires, qui sont ciblées en fonction des mots-clés que tape l’internaute ou en fonction de son comportement de navigation. Ces publicités sont diffusées sur le moteur de recherche Google ou sur d’autres sites proposant des espaces publicitaires sur la plate-forme Google.Les annonceurs paient lorsque l’inter-naute clique sur la publicité selon un sys-tème d’enchère et de qualité : plus l’an-nonce sera pertinente pour l’utilisateur, plus le prix au clic sera bas et l’annonce en évidence. Ceci afin d’inciter les pu-blicitaires à fournir des renseignements pertinents par rapport à la demande de l’utilisateur. Adwords repose donc sur un système de rémunération à la perfor-mance puisque l’annonceur paye le mo-teur de recherche ou un éditeur de site lorsqu’un clic amène un visiteur sur son site depuis le lien d’une publicité (texte, image, vidéo...), c’est le système du coût par clic (CPC).

La technique du microtest selon Timothy

Ferriss se déroule en 3 étapes :uétudier la concurrence et créer une offre plus attractive sous la forme d’un minisite (2 à 3 pages) - temps néces-saire : entre 1 h et 3 h,uTester l’offre en utilisant des cam-pagnes Google Adwords (3 heures d’installation et 5 jours d’observations)uInvestir si les résultats sont convain-cants ou abandonner ce projet. (L’étape « pivoter ou persévérer » en somme)

Voici l’exemple d’application directement tiré du livre de Timothy Ferriss.Sherwood est américain, il a acheté un pull marin rayé bleu (une marinière) lors d’un voyage en France l’été dernier. Dès son retour à New York, il a été très sou-vent abordé dans la rue par des hommes, entre 20 et 30 ans, qui souhaitaient en acheté un. Sentant l’opportunité, Sherwoord décide de s’adresser des ma-gazines hebdomadaires destinés à cette cible et d’appeler le fabricant en France pour effectuer une première estimation des coûts et des recettes. Il a ainsi ap-pris qu’il pouvait acheter des marinières à un prix unitaire de 20 $ et les revendre pour 100 $. Ce à quoi il ajoute 5 $ par pull pour le transport soit 25 $ au total pour une marinière.

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Pour étudier ce marché, Sherwood utilise l’outil de mots-clés de Google Adwords, avec lequel il teste les mots-clés, il ob-tient le volume de recherche approximatif lié à ces mots-clés, mais aussi des mots-clés alternatifs.

Pour se différencier de la concurrence, Sherwood peut utiliser 3 leviers :uUtiliser plus d’indicateurs de crédibili-té (média, associations, témoignages...)uAvoir une meilleure garantieuOffrir une meilleure sélection de pro-duitsuUne livraison gratuite ou plus rapide

Sherwood a remarqué que les mari-nières sont souvent difficiles à trouver sur les sites concurrents. Ces derniers proposent souvent des dizaines des pro-duits, ils sont soit fabriqués aux États-Unis (et donc pas authentiques) soit expédiés depuis la France (les consom-mateurs doivent alors attendre entre 2 et 4 semaines). Sherwood créé alors une page (300 à 600 mots) de témoignage qui souligne les avantages de son offre et ses facteurs différenciateurs en utilisant des photos qu’il a lui-même prises ou ayant recours à des banques d’images. Il propose également à des amis de tester son produit et demande au fabricant des

photos et échantillons publicitaires.

Vient ensuite la phase de test, Sherwoord a maintenant besoin de tester son offre sur des clients réels. Pour tester son pro-duit, Sherwood met tout d’abord en place une enchère de 72 heures sur eBay. Il dé-termine son prix de réserve (le plus bas qu’il peut accepter) à 50 $ la marinière, il annule la vente en dernière minute pour éviter des poursuites. Il a reçu des en-chères allant jusqu’à 75 $ et décide de passer à la prochaine étape de son expé-rimentation.Il réserve ensuite un nom de domaine pour son futur minisite qui s’appelera www.shirtsfromfrance.com (coût moins de 5 $). Pour créer son site de deux pages, il utilise le service Weebly.com, qui permet en quelques clics de créer facilement un site Internet sur lequel il ajoute un formu-laire créé grâce au site wufoo.com (ces deux services sont gratuits). Ainsi Lors-qu’un client clique sur « acheter », il est redirigé vers une seconde page conte-nant les information de prix et de livrai-son, il peut renseigner des informations de bases (nom, email et téléphone). Si le visiteur clic sur « continuer et acheter », il est alors redirigé sur un page indiquant le message suivant « Malheureuresement, nous sommes actuellement en rupture de

stock, nous vous tiendrons informé dès que ce produit sera à nouveau disponible. Merci pour votre compréhension ». Cette structure lui permet de tester sa première page et son prix de manière dissociée.

Sherwoord met ensuite en place sa cam-pagne Adwords avec 50 à 100 mots-clés pour tester différentes phrases d’ac-croche et pour générer du trafic sur le site Internet. Son budget quotidien est de 50 $ par jour. Sherwood détermine les meilleurs mots-clés en utilisant les suggestions de l’outil précédemment mentionné, il opte pour des mots-clés plus spécifiques pour un meilleur taux de conversion et un coût par clic moins élevé (exemple : « french sailor shirts » plutôt que « french shirts »). Il uti-lise ensuite des outils d’analytique gratuit mis gratuitement à disposition par Google pour suivre les commandes et étudier les taux d’abandon sur le site (quel pourcen-tage de visiteurs part du site sur quelle page). Les publicités Adwords doivent être alors conçues pour mettre en valeur les axes différenciateurs de l’offre. Les publicités Google Adwords prennent la forme d’un titre et d’une description qui ne doit pas excéder 35 caractères. Dans le cas de Sherwoord, il va créer 5 groupes de 10

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mots-clés chacun. Voici deux de ces pu-blicités.

Publicité 1 :SAILOR SHIRTS FROM FRANCEFrench Quality, Shipped from U.S.Lifetime Guarantee!wwww.shirtsfromfrance.com

Publicité 2 :REAL FRENCH SAILOR SHIRTS French Quality, Shipped from U.S.Lifetime Guarantee!wwww.shirtsfromfrance.com

Nous avons ici un exemple de mise en pratique de l’A/B testing, avec cette tech-nique on peut ainsi tester différentes composantes comme la pertinence d’une garantie, le nom d’un produit ou d’un nom de domaine. Le coût total de la campagne est de 50 $*5 jours= 250 $.

Vient l’étape finale de la prise de déci-sions quant à la viabilité du projet. Au vu des résultats, Sherwood n’est pas encore pleinement convaincu, mais il entrevoit du potentiel. Il a dépensé 250 $ sur Ad-words et vendu 3 marinières pour un pro-fit hypothétique de 225 $. Il a suffisam-ment de trafic sur son site Internet, mais le gros des visites sort du site une fois

arrivée sur la page des tarifs. Plutôt que de baisser les prix, il décide de tester une nouvelle garantie « remboursé 2 fois » sur cette page. Les clients recevront 200 $ si les marinières ne sont pas « les plus confortables qu’ils n’aient jamais porté ». Il procède à un nouveau test et « vend » cette fois-ci 7 marinières pour un profit hypothétique de 525 $. Au vu de ces résultats, Sherwood décide de mettre en place un système paiement par carte bancaire sur son site Internet et d’importer une dizaine de marinières de France pour lancer officiellement cette activité.

CO Skateboarding - cas réel et personnel

L’exemple suivant détaille une expéri-mentation d’une idée de création d’une marque de skateboard collaborative ap-pelée CO Skateboarding. Cette idée se calque sur les business model de sites Internet de cocréation de T-shirts comme threadless.com ou lafraise.fr qui pro-posent à leur communauté de créer leurs t-shirts puis de sélectionner/voter pour les modèles qui feront partie de la collection. Ayant pratiqué le skateboard pendant environ 5 ans, cette idée m’est venue de

l’observation de ce marché et de l’identi-fication de plusieurs facteurs favorables.

Tout d’abord, le skateboard est un sport relativement jeune puisqu’il a été créé dans les années 70, il est aujourd’hui lar-gement répandu puisqu’on estime à 200 000 le nombre de personnes pratiquant la discipline de façon assidue en France (Source: Chiffre de la CNS : Commission Nationale de Skateboard) . De plus, étant un sport assez physique, voire relative-ment dangereux, il est rarement pratiqué au-delà de 30 ans. Le public auquel nous nous adressons est donc relativement jeune et technologiquement mature, très au fait des nouveaux usages liés à Inter-net et aux nouvelles technologies. La dimension communautaire est très importante dans culture skateboard, longtemps considéré comme une contre-culture, elle est aujourd’hui une sous-culture à part entière avec de nombreux codes et un fort sentiment d’apparte-nance. Paradoxalement, cette approche communautaire est encore très peu dé-veloppée par les marques de skateboard traditionnelles qui tirent très peu parti des nouvelles pratiques liées aux réseaux so-ciaux. Il y a là un véritable axe différencia-teur à développer, en utilisant la gestion de communauté et la cocréation comme

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des éléments centraux de la stratégie d’entreprise. Enfin, la culture skateboard entretien des liens très fort avec la création artistique, que ce soit au travers de la réalisation des figures, mais aussi grâce à des acti-vités périphériques : réalisation de t-shirt, de visuel de skateboard, montage vidéo...

À titre personnel, ce projet est pour moi l’occasion d’associer mes passions (ska-teboard, création artistique...) à la créa-tion d’entreprises. Cette expérimentation a été effectuée durant 2 mois et a pris la forme de deux prototypes, nous allons en présenter les résultats.

Premier prototype (MVP 1) - Page de présentation

Le premier prototype a pis la forme d’une page de présentation (landing page) réa-lisée grâce au site launchrock.co. Cette page se présente sous la forme d’une courte description (3 lignes), d’un logo, d’une image d’arrière-plan et d’un champ invitant les visiteurs à renseigner leur adresse email. Le lien de cette page a ensuite été posté sur des forums en ligne spécialisés dans la pratique du skate-board.

ObjectifsL’objectif était dans un premier temps, de collecter les premières réactions, d’ef-fectuer un « teasing » pour éveiller la cu-riosité de potentiels consommateurs et d’identifier les premiers early adopters.

CoûtsCette page a été créée en moins de 3 heures, la majeure partie de ce temps ayant été consacré à la réalisation d’une minicharte graphique. L’investissement est ici réduit puisque la seule dépense a été la réservation du nom de domaine (www.coskateboarding.com) d’un mon-tant de 7 euros pour l’année.

RésultatsGrâce à ce premier prototype, une ving-taine d’adresses e-mail ont été collec-tées. Grâce à cela des early adopters ont été identifiés notamment un blogger avec qui j’ai pu rentrer en contact par la suite. Ces contacts m’ont permis d’identifier une cible pro-am (contraction de proamateur), c’est-à-dire, des amateurs disposant de compétences en graphisme sans forma-tion particulière et qui n’en font pas leur profession. Grâce à ces avancées, j’ai pu formuler une première hypothèse et tes-ter ce concept auprès d’une cible proam

au travers d’un second prototype.

Second prototype (MVP 2) - Site Internet version 1

Le second prototype prend la forme d’un site complet qui dispose des fonction-nalités essentielles pour la tenue d’un concours de création graphique réparties en 3 pages. uUne page d’accueil présentant le concours (appelé contest dans le jargon skateboard)uUne page d’inscription pour suggérer un visueluUne page de vote où sont affichées les propositions de visuels et où les visi-teurs peuvent voter (note sur 5, un seul vote autorisé par adresse IP)

Ce site sert de support à l’organisation d’un premier concours dont la date de fin est le 7 juin 2013 et qui a pour lot une planche de skateboard complète (avec roues et fixations) imprimée du visuel ga-gnant (valeur 160 euros).

Des pages ont également été créées sur Facebook et Twitter afin d’amorcer l’ani-mation et la gestion d’une communauté. La page Facebook est notamment un outil central pour générer du trafic et as-

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surer un minimum de visibilité au site. La première action menée sur cette page a été la création d’un jeu-concours permet-tant de remporter une planche. Ce jeu se présente sous la forme d’un sondage afin de collecter des informations nécessaires à la poursuite du projet. De plus, la par-ticipation au concours est conditionnée par l’adhésion à la page Facebook, une technique courante pour constituer plus rapidement une communauté.

En parallèle de ce jeu-concours, une cam-pagne de publicité Facebook a été lancée avec un budget quotidien de 4 euros afin d’accroître le trafic sur la page Facebook et sur le site Internet.

ObjectifsL’objectif de ce second MVP n’est donc pas de tester une hypothèse de vente des produits. En effet, notre business model se base sur un fonctionnement

en plate-forme où des illustrateurs pro-posent des visuels qui vont être votés et acheter par la communauté. Nous nous adressons à deux types de segments de clientèle. D’une part, les illustrateurs qui vont proposer des visuels, et d’autre part les membres de la communauté qui vont voter et acheter les boards.Dans notre cas, nous ne pourrons dans un premier temps tester l’ensemble des hypothèses puisque l’hypothèse de vente

CO Skateboarding - Prototype 1

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est conditionnée par la création anté-rieure des visuels. Nous allons nous inté-resser à deux hypothèses.

Hypothèse 1 : les illustrateurs sont prêts à proposer des visuels pour remporter une planche de skateboard complète. Hypothèse 2 : la communauté est prête à voter pour les visuels.

CoûtsLa mise au point de ce second prototype a nécessité l’achat d’un hébergement dont le coût s’élève à 5 euros/mois. L’en-semble des coûts liés à l’animation de la communauté s’élève à 80 euros répartis de manière égale entre l’organisation du concours (via shortstackapp.com, ser-vice payant) et les campagnes publici-taires. La majeure partie des dépenses a été entraînée par l’achat des lots, une planche de skateboard complète (environ 160 euros) et une planche sans fixations et roues (environ 50 euros). Le site In-ternet a été réalisé grâce à un gestion-naire de contenu de site Internet appelé Wordpress (www.wordpress.org), totale-ment gratuit.L’investissement en temps reste limité puisque la mise en place de ce site In-ternet a nécessité 4 jours et l’installation du concours Facebook une journée. La

gestion courante du site et des réseaux sociaux nécessite environ 1 à 2 heures par jour.

RésultatsÀ l’heure de la rédaction de cette thèse professionnelle (27 mai 2013), nous ne pouvons présenter que des résultats partiels, le premier concours de création n’étant pas encore achevé (fin : 7 juin 2013). Après deux semaines d’expéri-mentation, 13 visuels et 244 votes ont été collectés. De plus, une communauté de 125 fans a été constituée sur la page Facebook.Même si cette expérimentation n’est pas encore achevée (10 jours restants), nous pouvons dégager quelques conclusions et tendances issues des retours obtenus. Grâce à ce MVP, nous pouvons à présent identifier un risque et émettre des doutes sur le système de vote qui peut ne pas être représentatif de la volonté de la com-munauté. En effet, un visuel pourrait être sélectionné grâce aux votes d’amis d’un des illustrateurs qui ne portent pas forcé-ment d’intérêt au skateboard et donc à l’achat d’une planche de skateboard. Ce risque est à nuancer dans le cas d’une communauté importante et active, il reste cependant à prendre en compte avant que cette dernière ne soit constituée.

D’autres parts, le plus important, cette ex-périmentation est source d’apprentissage sur les cibles du projet. En effet, comme nous l’avons expliqué ce prototype a été conçu à destination des illustrateurs proamateur, or une grande partie des gra-phiques collectés nous permet d’émettre des doutes sur la qualité et donc l’attrac-tivité des produits. La rémunération telle que conçue ne semble pas adaptée à des illustrateurs professionnels qui pour-raient, eux, garantir des graphiques de qualité.C’est à la suite d’un commentaire sur notre page Facebook (voir ci-contre que l’ana-lyse de cette hypothèse a pu être appro-fondie en rentrant en contact l’auteur de ce commentaire, un illustrateur/graphiste professionnel. Un entretien avec ce der-nier m’a permis de mieux comprendre les problématiques de cette cible et d’envisa-ger un autre mode de rémunération. En effet, une rémunération en nature ne peut être envisageable en échange d’un rendu professionnel, de plus cet échange a fait ressortir la nécessité de bien comprendre et intégrer les enjeux d’une profession qui manque de considération (faible ré-munération, délais de paiement non res-pectés, travail précaire...). Ces retours ont ensuite été approfondis et validés par d’autres entretiens, avec notamment

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pour objectif de déterminer les modes de rémunération et les niveaux de prix prati-qués dans l’industrie du skateboard pour une illustration.

Troisième prototype (MVP 3) - Site Internet version 2 et nou-velles fonctionnalitésCe projet bien que commencer dans le cadre de cette thèse professionnelle m’a donné l’envie de poursuivre les expéri-mentations afin d’en déterminer la via-

bilité. Pour cela, au vu des retours obte-nus, l’une des prochaines fonctionnalités concernera la mise place d’un système de précommande ou de faux panier d’achat (tel que décrit dans la précédente expé-rimentation) pour déterminer les ventes potentielles sur le premier modèle de planche sélectionné par la communau-té. Enfin, la mise en place d’un système de rémunération adapté aux illustrateurs professionnels semble être une priorité et devra faire l’objet de plusieurs autres ex-

périmentations.

Conclusions sur les expéri-mentationsNous pouvons tirer quelques conclusions de l’application de ces méthodologies sur ce cas concret. Tout d’abord, les pre-mières impressions collectées font part de l’aspect professionnel du site qui donne l’impression d’une structure déjà créée. Ceci démontre l’intérêt des stratégies ins-pirées du « smoke test » qui donnent en quelques clics de la crédibilité à un projet. C’est notamment grâce à ces techniques que j’ai pu obtenir des feedback d’illustra-teurs professionnels pour faire évoluer le concept.Cependant il bon de noter que la mise en place d’une landing page (avec un champ de collecte d’email) ne permet d’obtenir qu’un nombre de réactions limitées, la mise en place rapide d’un prototype plus aboutit semble nécessaire pour commen-cer à interagir pleinement avec les po-tentiels clients et early adopters. C’est le caractère concret d’un prototype qui en-traînera des retours clients. D’autre part, nous nous adressons ici à une population mature technologique-ment, ainsi certains marchés de niche bénéficiant de peu d’early adopters tech-nophiles ne pourront pas bénéficier du

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levier de l’outil Internet et donc de l’appli-cation des méthodologies décrites précé-demment.La constitution d’une communauté d’ealy adopters reste un point clé lors de la mise en place de ce type de projet, il est en effet très difficile d’intéresser les premiers

« clients », ce sont les actions de gestion de la communauté qui permettent d’avoir un effet cumulatif et de collecter de plus en plus de retours. À ce titre, nous pou-vons également souligner le fait qu’une analyse quantitative telle qu’elle est pré-sentée dans le cadre du Lean StartUp est

très difficile dans les premières semaines d’une expérimentation, puisque les don-nées sont très souvent négligeables.

CO Skateboarding - Prototype 2

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La mise en oeuvre des méthodologies que nous venons d’aborder nécessite de la part de l’entrepreneur le dévelop-pement de nouveaux savoir-faire et sa-voir-être mais également d’utiliser de nouveaux outils.

Adopter de nouveaux savoir-êtreIl est nécessaire d’adopter vis-à-vis de ces méthodologies de nouveaux modes de comportements. Afin de synthétiser ces savoir-être et d’identifier les compor-tements adaptés aux nouveaux modes de management de start-up, nous allons à présent nous intéresser au principe d’effectuation. Nous allons ici aborder une analyse comportementale des entre-preneurs à succès, dont la pertinence à ce moment de notre analyse vient du fait qu’elle permet d’établir de nombreux pa-rallèles avec les méthodes managériales que nous venons d’évoquer.

L’effectuation est une théorie qui a été publiée en 2005 dans une thèse intitu-

lée Effectuation : Elements of Entrepre-neurial Expertise rédigée par le docteur et spécialiste en sciences cognitives Sa-ras Sarasvathy. Cette thèse s’appuie sur une enquête menée auprès de 27 en-trepreneurs ayant fondé des entreprises valorisées entre 200 millions de $ et 6,5 milliards de $. De cette enquête a été éla-boré un modèle de pensée formalisant le processus de décision des entrepreneurs à succès. Pour présenter cette théorie, nous nous appuierons également sur son adaptation française, que l’on peut retrouver dans l’ebook, Effectuation : les principes de l’action entrepreneuriale de Philippe Silberzahn.

Les principes de l’effectuation s’ap-pliquent une nouvelle fois dans le contexte d’incertitude Knightienne que nous avons évoqué en introduction de cette thèse. Pour rappel, ce contexte d’incertitude est défini par l’impossibilité d’établir des prédictions et où les buts ne peuvent être prédéterminés. Ces principes s’appuient sur l’opposition entre un mode de pensée traditionnel qui est basé sur la pensée causale, et un mode de pensée entrepre-neuriale appelée pensée effectuale.Dans la pensée causale, un acteur éco-nomique part d’un objectif et définit la problématique en tant que choix optimale

pour atteindre l’objectif. À l’inverse, dans la pensée effectuale, l’acteur économique part d’un ensemble de ressources dispo-nibles à partir desquels il construit les ob-jectifs possibles. Ce mode de raisonne-ment s’applique donc dans des contextes de forte incertitude et sur des marchés de ruptures où la définition d’objectifs clairs est impossible.

Il est intéressant de noter que cette op-position est plus profonde qu’il n’y parait, puis qu’elle tire avant tout ses origines d’une opposition philosophique. En effet, c’est le cartésianisme qui pose les bases de la causalité qui explique l’ensemble des phénomènes du monde par un en-chaînement de causalités. Rappelons que pour Descartes pensée et action doivent être distinguées, seule la pensée est source de nouveautés, l’action elle est non réfléchissante. En opposition au Cartésianisme, on re-trouve une approche holistique, qui s’ap-puie davantage sur la pensée systémique et où l’analyse est associée à l’action. C’est cette philosophie que l’on retrouve dans la pensée effectuale. De cette opposition, Saras Sarasvathy tire 5 grands principes fondateurs de l’ef-fectuation :

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« Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ’Ce principe repose sur cet adage popu-laire qui signifie qu’il vaut mieux opter pour quelque chose que l’ont peut obtenir immédiatement plutôt que pour quelque chose de plus grande valeur, mais que l’on n’est pas sûr d’obtenir plus tard. C’est-à-dire qu’à l’inverse de la pensée causale, un entrepreneur va plutôt établir ses objectifs en fonctions de ses res-sources et de ses moyens. Saras Sa-rasvathy distingue 3 types de moyens à disposition de l’entrepreneur : uQui je suis : c’est l’individu qui est le point de départ pas l’idée. C’est de la personnalité de l’individu confronté à une certaine situation que va découler une opportunité.uCe que je connais : C’est ici la res-source principale, à la base de la mise en oeuvre et de l’action. Elle est d’au-tant plus importante que nous rentrons dans l’ère de la société de la connais-sance. uQui je connais : la ressource est ici le réseau de l’individu qui va permettre de susciter l’engagement des parties prenantes pour mettre en oeuvre un projet. Ce principe est à la base des

échanges avec des earlyadopters, des experts ou dans la mise en place de partenariats

Raisonner en perte acceptableOn oppose ici la perte acceptable au gain attendu. Dans un contexte incertain, l’in-dividu dispose de peu d’information pour estimer le potentiel d’un marché. Les prévisions de recettes sont donc hasar-deuses, voire extrêmement fantaisistes, à long terme. À l’inverse, les coûts sont

plus facilement estimables et peuvent être contrôlés lors de la mise en oeuvre. Ce principe suggère d’adopter une ap-proche étape par étape, à chaque étape sont définies des ressources prêtes à être « sacrifiées », les résultats sont jugés a posteriori. On retrouve ici l’approche en étapes d’apprentissage (learning miles-tone) définie par Eric Ries, avec un mode de fonctionnement qui conditionne la dé-cision de pivoter ou de persévérer. Cette approche entrepreneuriale s’oppose une

Approche différente du risque par les entpreneurs et les banquiers

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approche financière (voir schéma).

Tirer parti des imprévusOn retrouve une nouvelle fois cette op-position entre la pensée causale qui en-courage à bâtir un plan à partir d’objectifs prédéfinis et la pensée effectuale où les objectifs émergent au fur et à mesure. Dans cette optique, l’entrepreneur ne consacrera pas son énergie à se prému-nir contre de « mauvaises » surprises, mais plutôt à transformer les « mauvaises surprises » en « bonnes opportunités ». Il s’agit donc ici d’être réceptif aux signaux de marché. Ce principe peut être rap-proché à celui de la pensée naïve (naive thinking) prônée par le Design Thinking et au mode de fonctionnement itératif de l’ensemble des méthodologies que nous avons analysées.

Former des partenariatsDans la logique causale, la priorité va être donnée au passé du marché et notam-ment à sa structure concurrentielle alors que dans la logique effectuale, l’entrepre-neur va d’abord chercher à coconstruire l’avenir de son marché avec des parte-naires. Pour illustrer ce principe, Saras Sarasvathy utilise l’image du patchwork

fou, chaque partie prenante amène sa pièce de tissus, mais il est impossible de prévoir comment et où elle sera intégrée. On retrouve ici une approche systémique de la résolution de problème que l’on re-trouve dans le Design Thinking avec la notion de weak problem.

Contrôler plutôt que prédire La pensée causale, s’appuie sur le prin-cipe que l’avenir peut être contrôlé s’il est prévisible. Dans un monde incertain, il convient d’adopter une logique effec-tuale, qui repose sur le principe que si l’avenir peut être contrôlé, il n’a plus be-soin d’être prédit. L’opportunité n’est donc pas prédite par l’entrepreneur, elle autant construite que découverte. Ici contraire-ment à la pensée cartésienne, l’action et la réflexion sont associées. L’action est réfléchissante et source d’apprentis-sage, elle est privilégiée à l’analyse où du moins mise en équilibre avec elle en al-ternant les phases de réflexion et de mise en oeuvre.

Le cycle effectualDe ces 5 principes Saras Sarasvathy définit un processus de décision entre-preneurial appelé cycle effectual. Sur un

marché incertain, la mise en oeuvre de ce processus permet d’adapter les moyens et les objectifs en fonction des signaux de marchés, ce qui va conditionner par la suite les interactions avec les différentes parties prenantes pour créer des parte-nariats nécessaires à la mise au point de nouveaux services et de nouveaux pro-duits.

Comme nous l’avons évoqué tout au long de la présentation des principes de l’effectuation, les parallèles avec les modes de management de startup sont nombreux. L’effectuation à l’instar de ces méthodologies permet d’aborder la com-plexité d’un problème en abordant une démarche itérative avec pour objectif l’apprentissage et une connaissance plus globale du contexte dans lequel évolue l’entreprise. On peut alors conclure que l’effectuation n’est autre que la transposi-tion de ces principes au niveau de l’indivi-du, cette approche est alors intéressante, car replace l’entrepreneur et plus généra-lement l’Homme au sein du processus de création d’entreprise et de management de startups.

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Développer de nouveaux savoir-faireOutre de nouveaux savoir- être, la mise en oeuvre des nouveaux modes de ma-nagement de startup nécessite de la part de l’entrepreneur la maîtrise de nouvelles compétences techniques. En effet, au-delà des savoir-être, comme nous l’avons évoqué il devient néces-saire d’allier l’analyse à l’action, maîtriser les outils pour mettre en oeuvre le pro-totypage. En somme, il devient vital pour l’entrepreneur de mettre les mains dans le cambouis pour tirer pleinement parti de ce terrain d’expérimentation qu’est Inter-net. L’acquisition de ces nouvelles compé-tences est rendue possible par la démo-cratisation des moyens de production. La mise en oeuvre est désormais simple et rapide puisqu’il est possible en quelques clics d’atteindre facilement une audience ciblée et massive. Les outils à disposi-tion sont pour la plupart peu coûteux, l’émergence des business models free-mium permet d’utiliser des services d’une très grande qualité de manière gratuite

ou quasi gratuite. Par exemple, la mise en place d’un site vitrine, dans le cadre d’une stratégie smoke test ne coût qu’une dizaine d’euros, soit le prix d’un nom de domaine et d’un hébergement.Enfin, l’apprentissage de ces nouvelles compétences est rendu possible par l’au-toformation et l’existence de nombreuses ressources et communautés d’entraide. Ainsi, il nous parait essentiel d’acquérir dans un premier temps une culture In-ternet pour en comprendre ses méca-nismes, de disposer d’un socle de com-pétences de base pour utiliser la majeure partie des services à disposition. Dans le paragraphe suivant, nous allons lister des compétences clés qui sans pour au-tant être toutes fondamentales, peuvent accroître la compréhension du consom-mateur et la rapidité d’exécution.

Comprendre le fonctionnement d’un site Internet semble inévitable pour ap-pliquer les principes que nous avons évo-qués. Il advient alors d’intégrer le fonc-tionnement des gestionnaires de contenu (ou CMS, Content Management System) afin d’administrer un site Internet. Ils sont aujourd’hui massivement utilisés. Ces gestionnaires de contenus ont l’avantage d’offrir la possibilité de créer et d’adminis-trer un site Internet sans connaissances

préalables des langages de programma-tion. Il peut cependant être intéressant de maîtriser en surface les langages les plus répandus sur le web, comme le HTML et le PHP. Ainsi il sera alors possible de per-sonnaliser le site Internet et d’ajouter de nouvelles fonctionnalités. En parallèle, il est bon de maîtriser les différents modes d’hébergement et de gestion de nom de domaines afin de donner une identité vir-tuelle au projet d’entreprise, notamment pour déterminer un nom de marque en fonction des domaines disponibles.

Le référencement est également une compétence à développer, notamment le référencement payant qui répond à un triple objectif :uAssurer la visibilité du projet en ache-tant des espaces publicitaires sur Goo-gle.uObtenir des données nécessaires aux expérimentations comme nous l’avons vu avec la stratégie du budget quotidien de 5 $ sur Google Adwords. uQuantifier un marché (voir outils ci-dessous)

Comme nous l’avons vu, les données ont une place prépondérante dans le Lean Startup, il convient de maîtriser les ou-tils d’analyse statistique. Il s’agit ici

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de comprendre les comportements qui se cachent derrière les statistiques d’un site internet (nombre de pages vues, le nombre de visiteurs, le taux de rebond...), mais aussi et surtout d’identifier les mé-triques pertinentes pour la survie du pro-jet.

Savoir tirer parti des réseaux sociaux fait aussi partie des atours majeurs dans la mise en place de ces stratégies. L’objectif est ici de tirer parti de ces nouveaux outils pour identifier les experts d’un domaine spécifique, d’éventuels partenaires ou concurrents, mais également de pouvoir gérer une communauté d’early adopters, pour obtenir des retours et cocréer son produit avec les consommateurs. Enfin, les réseaux sociaux permettent d’avoir recours à de nouveaux modes de publici-té ultra ciblés comme Facebook ads.

Des compétences graphiques peuvent elles aussi se révéler utiles notamment pour créer en une identité visuelle tempo-raire qui donnera à un projet une crédibili-té nécessaire dans la mise en place d’une stratégie smoke test. Ces compétences peuvent s’avérer vitales lorsqu’il s’agit de créer ou de mettre à jour des supports de communication.La maîtrise du support vidéo, dont l’im-

portance est grandissante sur le net, per-met quant à elle de présenter rapidement un concept et ainsi capter l’attention des visiteurs, il s’agir également d’un moyen incontournable dans la présentation de produits complexes (voir Video Minimum Viable Product).

À l’avenir, on peut présager que des compétences telles que la modélisation 3D rentreront dans ce champ de compé-tence pour faciliter le prototypage des ob-jets physiques. Cependant, ces pratiques bien qu’existantes sont encore peu ré-pandues.

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Maîtriser de nouveaux outilsVoici une sélection des outils les plus répandus dans la mise en place des méthodologies que nous venons d’étudier. La plupart des outils suivants ont été utilisé dans la mise en pratique du projet CO Skateboarding. Une liste plus complète se trouve à l’adresse suivante : http://steveblank.com/tools-and-blogs-for-entrepreneurs/

Nom URL DescriptionLaunchrock Launchrock.co Service de création de page

de présentation et page de lancement (landing page)

Mailchimp mailchimp.com Service d’envoi d’emaling

Google analytics google.com/analytics/ Service de collecte et d’ana-lyse statistique

Google trends google.com/trends/ Service d’analyse des ten-dances de mots clés permet-tant de quantifier un marché

Google adwords adwords.google.fr/ Service de référencement payant

Facebook ads facebook.com/advertising Service de publicité sur Face-book

Weebly Weebly.com Service simplifié de création de sites Internet et gestion-naire de contenu

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Wordpress wordpress.com (hébergement géré par Wordpress)

wordpress.org (installation sur serveur personnel)

Service avancé de création de sites Internet et gestionnaire de contenu

Optimizely optimizely.com Service d’A/B testingWufoo Wufoo.com Service de création de for-

mulaire en ligne et de panier d’achats.

Fotolia fotolia.com Banque d’image payanteCreative Commons search search.creativecommons.org/ Service de recherche de res-

sources Creative Commons pouvant être utilisées com-mercialement (et gratuite-ment)

Font squirrel fontsquirrel.com Banque de polices pouvant être utilisées commerciale-ment (et gratuitement)

LeanLauchLab Leanlaunchlab.com Service gratuit de création de Business Model Canvas et de suivi d’hypothèses

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En conclusion...Ces nouveaux modes de management de startup tirent leur cohérence de la réponse qu’ils apportent à nouveau contexte économique et social. La révo-lution informationnelle que nous sommes en train de vivre va déboucher sur l’avè-nement d’une société où informations et connaissances seront les nouvelles ma-tières premières. La montée de l’incerti-tude qui accompagne ces mutations va obliger de plus en plus d’entreprises à agir comme des startups. Bien que ces méthodologies apportent de nouvelles réponses, elles n’en restent pas moins inspirées des théories écono-miques qui les ont précédés. À ce titre, elles sont une évolution naturelle, résul-tat de nombreuses influences, dont l’inté-rêt réside dans la proposition faite d’une grille de lecture simple et adaptée à ce nouveau contexte.De plus, ces nouveaux principes s’ins-crivent dans la réalité, car ils répondent à une évolution des usages tout en restant cependant conditionné par le change-ment des comportements. En effet, ces méthodologies ne présentent leur plein potentiel que lorsqu’elles sont confron-tées à des marchés technologiquement matures. De plus, la totalité de leurs ré-

sultats ne peut être qu’exploitable dans le cadre d’un écosystème adapté, notam-ment en matière de financement d’entre-prise. L’évolution de ces usages induit également de nouveaux comportements entrepreneuriaux. Un nouveau mode de pensée s’appuyant sur une pensée sys-témique et non probabiliste doit être alors adopté. En outre, face à la démocrati-sation des outils numériques, il devient nécessaire de développer de nouvelles compétences pour tirer parti d’Internet et l’utiliser comme un terrain d’expérimenta-tion.Enfin, ces méthodes tirent également leur force d’une démarche scientifique basée sur des observations objectives, il devient alors essentiel d’utiliser au mieux les nou-veaux outils statistiques pour en prouver leur efficacité. Cependant, au-delà des chiffres et des processus, il également bon de remettre l’Humain au centre de ces principes, car il en est à la fois l’ori-gine et la cible.

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BibliographieOuvragesRIES, Eric. The Lean Startup: How To-day’s Entrepreneurs Use Continuous In-novation to Create Radically Successful Businesses. Crown Business, 2011, 336 p.

OSTERWALDER, Alexander. PIGNEUR, Yves. Business Model Generation: A Handbook for Visionaries, Game Chan-gers, and Challengers. Wiley, 2010, 288 p.

BLANK, Steve. DORF, Bob. The Star-tup Owner’s Manual: The Step-By-Step Guide for Building a Great Company. K & S Ranch, 2012, 608 p.

BLANK, Steve. The Four Steps to the Epiphany: Successful Strategies for Pro-ducts that Win. Cafepress.com, 2005, 275 p.

COOPER, Brant. VLASKOVITS, Patrick. The Entrepreneur’s Guide to Customer Development: A cheat sheet to The Four Steps to the Epiphany. Cooper-Vlasko-vits, 2010, 104 p.

COOPER, Brant. VLASKOVITS, Patrick. RIES, Eric. The Lean Entrepreneur: How Visionaries Create Products, Innovate with New Ventures, and Disrupt Markets. Wiley, 2013, 288 p.

FERRISS, Thimothy. The 4-Hour Workweek: Escape 9-5, Live Anywhere, and Join the New Rich. Harmony, 2009. 416 p.

SILBERZAHN, Phillippe. Effectuation: Les principes de l’action entrepreneuriale. Amazon Media EU S.a r.l, 2012, 120 p.

MUELLER, Roland. THORING, Katja. Design Thinking vs. Lean Startup: A com-parison of two user-driven innovation strategies. , 2012, 12 p.

Sites InternetEffectuation Society for effectual action [En ligne] [Page consultée le 4 avril 2013 ]. Disponible sur http://www.effectuation.org/

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sur http://startupsthisishowdesignworks.com/

Blog de Steve Blank [Page consultée le 10 mai 2013 ]. Disponible sur http://steve-blank.com/

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