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Hydrological Applications of Remote Sensing and Remote Data Transmission (Proceedings of the Hamburg Symposium, August 1983). IAHS Publ. no. 145. Télédétection et modélisation hydrologique MARC LOINT1ER & SERGE PIEYNS Service Hydrologique de l'Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer (ORSTOM), 70-74 Route d'Aulnay, F-93140 Bondy, France RESUME La simulation des débits, dans un bassin versant donné, nécessite généralement la connaissance de ses principales caractéristiques physiographiques. Parmi ces caractéristiques, 1'occupation du sol peut être déterminée à l'aide des techniques de télédétection. Partant des données Landsat et utilisant, d'une part, des traitements photochimiques, d'autre part, des traitements numériques mis au point par le Bureau de Télédétection de 1'ORSTOM - procédure Loterie notamment - nous avons constitué un fichier d'occupation du sol du bassin de la Moselle française (11 477 km 2 ), sur la base d'un carroyage de 25 km 2 par carreau élémentaire. Les résultats ont été comparés à ceux primitivement obtenus à l'aide de méthodes classiques, discutés et jugés acceptables; l'erreur relative est comprise entre ±2 à ±10%, selon le thème étudié. Puis, le fichier a été connecté au modèle à discrétisation spatiale de l'ORSTOM. Remote sensing and hydrological modelling ABSTRACT Simulation of streamflows in a given basin generally requires a knowledge of its main physiographical characteristics. Among these characteristics, land use can be determined using remote sensing techniques. Starting from Landsat data and using, on the one hand photochemical treatments, and, on the other hand, processes developed by the Remote Sensing Branch of ORSTOM, especially the so-called Lottery process, we set up a file on the land use of the French Moselle basin (11 477 km 2 ), on a square grid basis, each square of the grid having a 25 km 2 area. Results have been compared to those formerly obtained by conventionnal methods and their accuracy discussed and judged acceptable, with relative error ranging from ±2 to ±10%, depending on the theme one is looking after. The file has then been connected to the ORSTOM spatially distributed model. INTRODUCTION Le Service Hydrologique de l'ORSTOM a réalisé, pour le compte de l'Agence de Bassin Rhin-Meuse, un modèle hydropluviométrique déterministe à discrétisation spatiale, permettant de reconstituer les débits moyens journaliers en chaque point du bassin de la Moselle française, soit sur une superficie de 11 477 km 2 . Ce modèle, 625

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Hydrological Applications of Remote Sensing and Remote Data Transmission (Proceedings of the Hamburg Symposium, August 1983). IAHS Publ. no. 145.

Télédétection et modélisation hydrologique

MARC LOINT1ER & SERGE PIEYNS Service Hydrologique de l'Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer (ORSTOM), 70-74 Route d'Aulnay, F-93140 Bondy, France

RESUME La simulation des débits, dans un bassin versant donné, nécessite généralement la connaissance de ses principales caractéristiques physiographiques. Parmi ces caractéristiques, 1'occupation du sol peut être déterminée à l'aide des techniques de télédétection. Partant des données Landsat et utilisant, d'une part, des traitements photochimiques, d'autre part, des traitements numériques mis au point par le Bureau de Télédétection de 1'ORSTOM - procédure Loterie notamment - nous avons constitué un fichier d'occupation du sol du bassin de la Moselle française (11 477 km 2), sur la base d'un carroyage de 25 km2 par carreau élémentaire. Les résultats ont été comparés à ceux primitivement obtenus à l'aide de méthodes classiques, discutés et jugés acceptables; l'erreur relative est comprise entre ±2 à ±10%, selon le thème étudié. Puis, le fichier a été connecté au modèle à discrétisation spatiale de l'ORSTOM.

Remote sensing and hydrological modelling ABSTRACT Simulation of streamflows in a given basin generally requires a knowledge of its main physiographical characteristics. Among these characteristics, land use can be determined using remote sensing techniques. Starting from Landsat data and using, on the one hand photochemical treatments, and, on the other hand, processes developed by the Remote Sensing Branch of ORSTOM, especially the so-called Lottery process, we set up a file on the land use of the French Moselle basin (11 477 km 2), on a square grid basis, each square of the grid having a 25 km2 area. Results have been compared to those formerly obtained by conventionnal methods and their accuracy discussed and judged acceptable, with relative error ranging from ±2 to ±10%, depending on the theme one is looking after. The file has then been connected to the ORSTOM spatially distributed model.

INTRODUCTION

Le Service Hydrologique de l'ORSTOM a réalisé, pour le compte de l'Agence de Bassin Rhin-Meuse, un modèle hydropluviométrique déterministe à discrétisation spatiale, permettant de reconstituer les débits moyens journaliers en chaque point du bassin de la Moselle française, soit sur une superficie de 11 477 km2. Ce modèle,

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626 Marc Lointier S Serge Pieyns

dont la structure est directement inspirée des travaux de Girard et al. (1972), utilise, outre les données hydropluviométriques intervenant dans le cycle de l'eau, les caractéristiques physiographiques du bassin.

Dans une première phase, le bassin de la Moselle a été décomposé en 460 carreaux élémentaires de 25 km2, calés sur le système de projection Lambert. Pour chacun de ces carreaux, on a recherche les caractéristiques physiographiques et notamment, l'occupation du sol, afin de constituer un fichier de cette caractéristique, essentielle au plan des phénomènes d'infiltration, d'évapotranspiration, de ruissellement et de transfert de l'écoulement qui sont schématisés dans le modèle sous la forme de fonctions de ruissellement et de transfert (Pieyns, 1977).

Ce fichier donne donc, pour chaque carreau du modèle, le pourcentage d'occupation du sol des 10 thèmes suivants: feuillus, résineux, friches et landes, vignes et vergers, zones imperméabilisées, lacs et canaux, marécages, prairies, cultures, rochers et carrières. Ces pourcentages ont été établis avec la collaboration du Centre d'Etudes Géographiques de l'Université de Metz, de manière tout à fait classique: planimétrage sur les cartes au 1:25 000, enquêtes auprès du Ministère de l'Agriculture et de l'Office National des Forêts, utilisation des relevés cadastraux. A cette occasion, on s'est rapidement aperçu des difficultés de l'entreprise et de ses limites, dès lors que l'on s'intéresse à des bassins versants de grande dimension. En effet, cela a représenté un travail long et fastidieux: environ 90 cartes à planimétrer, d'où risques d'erreur. De plus, les résultats ne sont pas homogènes, les dates de remise à jour des différentes cartes pouvant s'étaler sur plus de 20 ans. Ajoutons à cela les difficultés de recalage, dans le système de découpage du modèle, des informations attachées aux limites administratives - thèmes prairies et cultures principalement.

C'est pourquoi et compte tenu de l'état d'avancement des recherches dans ce domaine et des possibilités que nous offrait le Bureau de Télédétection de l'ORSTOM, nous avons entrepris la mise au point d'une méthodologie d'utilisation des données satellitaires pour la constitution d'un fichier d'occupation du sol, utilisable par notre modèle (Pieyns, 1979).

Cette opération impliquait une évaluation de l'incertitude sur les résultats et la résolution de certains problèmes:

(a) mise au point d'une méthodologie de recherche des thèmes, efficace et reproductible dans le temps;

(b) calage géographique des données satellitaires; (c) introduction du carroyage Lambert; (d) recherche de "terrain" de bonne qualité afin de définir la

précision des traitements réalisés (Lointier & Pieyns, 1979).

METHODOLOGIE

Les données satellitaires utilisées pour cette étude sont celles four­nies par Landsat I et Landsat II sur les scènes 211-026 et 212-026 aux dates suivantes: 25 août 1975, 4 mars, 18 avril, 15 mai, 13 et 14 août 1976 (Webb, 1979). Il convient de noter ici que l'année 1976 a été

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particulièrement peu pluvieuse, ce qui explique que nous n'ayons pas eu trop de problèmes de nébulosité et nous a permis de disposer d'une bonne séquence de données. Nous avons travaillé, pour chaque date, à partir des quatre négatifs au 1:1 000 000e - un par canal -et de la bande magnétique correspondante. Ces deux types de données induisent deux types de traitement qui se sont avérés tout à fait complémentaires, le traitement photochimique et le traitement numérique (Montricher et al., 1979).

Examen des informations photochimiques

C'est une façon de classer les valeurs radiométriques et de sélectionner les meilleures dates utilisables. Il doit être considéré comme une étape avant le traitement numérique. D'autre part, il ne nécessite pas d'équipements trop importants et se révèle peu onéreux (Girard, 1974).

Nous nous sommes donc livrés à une série de manipulations sur les restitutions photographiques parmi lesquelles nous citerons:

L'observation des documents au millionième de chaque canal qui permet en premier lieu de cerner les zones de légère brume susceptible d'altérer les traitements ultérieurs. Ces zones sont mises en évidence par un tirage du canal 4 avec un facteur de contraste (y) élevé. On a pu verifier - canal 5 par exemple - que la radiométrie d'un même thème est décalée de 5 ou 6 unités radiométriques, sans que la brume soit observée sur le tirage standard - facteur de contraste égal à l'unité.

L'agrandissement des documents au millionième, en particulier pour les "zones test". Cette étape est a considérer comme un premier traitement, car l'on peut modifier les paramètres photochimiques pour obtenir un étalement des valeurs de gris approprié à un thème recherché. Les échelles classiques d'agrandissement sont comprises entre le 1:500 000e et le 1:100 000e.

La composition colorée qui resuite d'une synthèse soustractive de trois des quatre canaux Landsat. Afin d'obtenir un document "codé" selon les couleurs d'un film infrarouge couleur, on attribue en général le jaune au canal 4, le magenta au canal 5 et le cyan au canal 7.

Les courbes de réponse des films employés couramment - films diazoïques - sont différentes suivant le pigment. Chaque composante colorée est donc une nouvelle dégradation de l'information. Néanmoins, ce procédé permet une première interprétation sur les thèmes recherchés. L'examen d'un tel document peut déjà conduire à préciser la position relative des thèmes, de façon globale et sur de vastes zones. L'observation au rétroprojecteur permet une approche plus fine des zones test retenues et, éventuellement à l'observateur, de faire un zonage des "classes couleurs".

La recherche densitomêtrique sur des agrandissements au 1:150 000e des zones test. En effet, il nous est apparu intéressant de préciser la position radiométrique relative des différents thèmes

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étudies, ceci préparant le traitement numérique en l'orientant vers les dates appropriées (Fig.l). C'est en fait une étape que l'on peut qualifier de "dégrossissage" de l'information temporelle et radiométrique. Les mesures ont été effectuées à l'aide d'un densitomètre numérique - cercle de mesure de 1 mm de diamètre - sur les agrandissements des quatre canaux aux six dates disponsibles, agrandissements obtenus bien évidemment avec le même type de film et dans des conditions d'exposition et de développement identiques. L'échelle utilisée - le 1:100 000e - permettait de mesurer la densité photographique des parcelles retenues pour la "vérité terrain" et des étangs dont la surface, à cette échelle, s'est avérée comprise entre 10 et 30 mm2.

Les résultats obtenus ont été homogénéisés, canal par canal et à toutes les dates permettant ainsi, en peu de temps et à peu de frais, de déterminer les dates les plus adaptées à la sélection d'un theme particulier. C'est ainsi que l'on peut voir, sur la Fig.2, qu'il sera plus aisé de séparer radiométriquement les résineux des feuillus de type 1 en utilisant la vue du 28 août 1975 ou encore celles des 4 mars, 18 avril ou 15 mai 1976 que celle du 13 août 1976, cela dans le canal 4.

L'équidensité et 1'êquidensitê colorée qui utilisent les données densitométriques obtenues à l'étape précédente. On peut choisir la plage de valeurs densitométriques correspondant à un thème donné et à l'aide de films spéciaux à réponse binaire - film trait - il sera possible d'effectuer un classement de ces valeurs radiométriques, de

CANAL.4 CANAL.5 CANAL.6 CANAL.7

FIG.l Position relative des thèmes le 13 août 1976 d'après les données densitométriques.

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I R F I F 2 E V R F 1 F 2 E V P C R FI F2 E V P C R F 1 F 2 E V P C R F 1 F 2 E V P C

Landsat1 04 03 76

Landsat 2 18 04 76

Landsat 1 15 05 76

Landsat t 13 08 76

• - Brume

L and sat 2 2 8 0 8 7 5 © Résineux o Feuillus 1 v Feuillus 2 y Eau * Vi l le a Prairie a Culture

FIG.2 Comparaison des thèmes aux cinq dates utilisées canal 4.

Calage par rapport au minima et maxima de densité du f i lm ut i l isé

ne faire apparaître que cette plage et donc d'isoler le theme correspondant sur un document photographique. En combinant plusieurs plages et quatre pigments colorés - noir, magenta, cyan et jaune - on a obtenu une equidensité colorée. Ce travail peut être fait en combinant plusieurs canaux et, dans ce cas, l'on a une analogie totale avec un traitement numérique de type Loterie, mais limité à cinq themes. Cette méthode présente l'avantage de tester rapidement, sur une vue complète, la valeur globale du futur traitement numérique.

Le traitement numérique

Les travaux ont été réalisés sur console Perlcolor et Mini 6 H.B. 643. La principale procédure utilisée pour cette étude, la procédure Loterie, a été mise au point par le Bureau de Télédétection de l'ORSTOM. Cette méthode d'analyses multivariables a été développée pour s'adapter à la classification d'images numérisées, composées d'un très grande nombre de points. Une vue Landsat, rappelons-le, comporte 31 millions de valeurs radiométriques parmi lesquelles il s'agit d'effectuer des choix informatiques performants. Cette procédure repose sur deux notions principales, celle de serpent et celle de lot.

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Notion de serpent Rappelons qu'un pixel est caractérise par quatre valeurs radiométriques, une par canal. Soit a, b, c, d ces valeurs. On appellera polynombre du niveau 4 la suite des quatre valeurs entières notées:

B^ = (a, b, c, d) Fig.3(a)

Soit un second pixel représenté par le polynombre B2 = (e, f, g, h) On appellera serpent, l'ensemble des polynombres dont les valeurs sont comprises entre les polynombres Bj et B2•

S = Fig.3(b)

Notion de lot On appelle lot "L" l'ensemble des points d'une vue "V" dont les polynombres appartiennent au serpent S. Tous les polynombres associés aux points d'un lot sont, par définition, dans le serpent S D appelé serpent de définition (Fig.3(d)).

La procédure Loterie permet de construire un ensemble de lots, définis par une ou plusieurs bornes sur chaque canal Landsat. A l'inverse de nombreux algorithmes de traitement d'images, l'initialisation peut s'effectuer sur de vastes zones,

(a) Valeurs radiométriques

Valeurs

(b)

Valeurs

(c)

1 2 3 4 Niveaux 4 5 g 7 Canaux Landsat

6 7 Canaux

7 Canaux

(d)

Canal 2

Valeurs radiométriques

LOT

Borne d'un serpent de définition

Borne d'un serpent réel

•— Canal 1 valeurs radiométriques

FIG.3 Notions de serpent et de lot.

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s'affranchissant ainsi de "parcelles test" pouvant présenter un phénomène radiométrique particulier. On élimine ainsi les hypothèses statistiques de répartition de l'information. Pratiquement, cette initialisation peut s'effectuer sur l'écran du Pericolor - 65 000 pixels. L'opérateur remet en cause les valeurs des bornes a chaque fois que le résultat recherché n'est pas atteint. La méthodologie mise au point comporte sept étapes:

(a) Dégradation d'un canal Landsat. On admet, pour cette étape, que les zones test ont été définies et que leur vérité terrain comporte un maximum d'informations. Après un repérage en lignes-colonnes Landsat de la zone à étudier, on procède à la visualisation d'un canal. Ceci permet d'obtenir les premiers éléments de repérage géographique, améliorés au cours des étapes par la découverte d'amers précis.

L'opérateur effectue plusieurs essais sur chaque canal afin de determiner les bornes cernant au mieux le thème étudié. Dans ce cas, on procède à un premier classement des points par référence avec les données de terrain: on obtient un ensemble de points, pour chaque canal, contenant tous les points du thème et les points "hors thème".

Chacune des bornes peut être considérée comme la valeur radiométrique maximale ou minimale définissant un thème: on peut les regrouper pour former le "serpent de définition" comportant au maximum huit valeurs - deux par canal (Fig.3(c)).

(b) Intersection des quatre ensembles. Application du serpent de définition. La machine trie les points appartenant à l'intersection des quatre ensembles: on obtient l'image du serpent de définition précédent ainsi que son serpent réel. L'opérateur revient à la vérité terrain et compare le résultat obtenu. Il peut classer une nouvelle fois les points en deux catégories: les points appartenant au thème et les points hors thème (en général moins nombreux que sur l'essai canal par canal).

(c) Le compromis. Recherche des meilleures bornes. L'objectif est de réaliser le meilleur compromis possible entre le thème et les points hors thème.

L'opérateur va utiliser le programme Loterie en testant les combinaisons de nombreux "découpages" sur les canaux. On utilise en général les canaux deux à deux, dans un premier temps, afin d'obtenir une représentation des combinaisons dans un plan (Fig.3(d)).

L'originalité de cette démarche est d'avoir focalisé la recherche vers un thème précis, sans analyser tous les phénomènes radiométriques liés aux points hors thème pour les éliminer ou chercher à leur attribuer une classe particulière.

L'analyse de chaque lot amène à faire les trois catégories suivantes:

lots inclus tous les points du lot appartiennent au thème,

lots sêquents mélange de points du thème et hors thème, lots exclus points hors thème.

Les lots sêquents de l'essai le plus satisfaisant sont finalement conservés ou éliminés. Afin de conforter l'opérateur sur son choix, on a imaginé de faire un test de stabilité du serpent de définition obtenu.

(d) Stabilité d'un lot. Lorsque l'on définit un serpent, à l'aide

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de huit bornes (deux par canal), on peut calculer le nombre théorique de polynombres pouvant exister dans ce serpent. Exemple:

S = 20 18 37 22

10 15 21 04

On a 11 valeurs radiométriques utilisables sur le canal 4, quatre sur le 5, 17 sur le 6, 19 sur le 7. On appellera importance du serpent, le nombre théorique de polynombres, égal au produit 11 x 4 x 17 x 19 = 14 212 et noté Tp. De même, sur un serpent réel, on peut calculer l'importance du serpent SJJ, notée TJJ.

Afin de mieux cerner les valeurs radiométriques d'un serpent, correspondant à un thème particulier, on construit un graphique de Stabilité: soit le serpent réel SJJ obtenu par la Loterie et correspondant à un lot recherche. On peut se demander s'il n'en existe pas une meilleur?

L'habillage et le déshabillage du serpent SR ci-dessus (Fig.4) permet d'étudier la relation entre l'importance de chaque serpent ainsi crée et le nombre de points qui le composent.

En portant ces deux paramètres sur un graphe (Fig.5) on retiendra pour meilleur serpent celui pour lequel un élargissement des bornes radiométriques n'entraîne pas une augmentation importante du nombre de points. Ceci se traduit par le palier A-B sur le graphe. Un habillage supplémentaire conduit à l'introduction de nouveaux points, d'un autre lot. L'opérateur retiendra le serpent n° 3 comme la meilleure définition du lot recherché. Lorsque l'on applique le serpent d'un thème sur une autre zone que celle où il a été défini, on constate que le résultat n'est pas toujours satisfaisant. On est alors conduit a rechercher la parenté d'un serpent.

(e) Parenté. La recherche de la parenté d'un serpent s'effectue lorsque le serpent du thème est défini au mieux, avec l'aide de plusieurs Loteries, complétées ou non par un test de stabilité.

"Initialise" sur des zones de moins de 100 000 pixels, le serpent d'un lot comportant huit valeurs radiométriques peut présenter des bornes (ou contraintes) inutiles entraînant sur d'autres parties de l'image une "sélectivité" trop importante. Sans étudier tous les

20

15

10

5 ••

valeurs radiométriques

FIG. 4

x: Serpent SR, importance To =3 x 4 x 6 x 11 = 792

#: Serpent SR déshabillé d'une valeur radiométrique, T, = 1 x 2 x4 x 9 = 72

__ O : Serpent SR habillé d'une T "1 ~T r^eaux valeur radiométrique,

(canaux) T2 = 5 x 6 x 8 x 13 = 3120

Exemple d'habillage et de déshabillage de serpent.

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Télédétection et modélisation hydrologigue 633

4.90 5.00 5.10 5.20

FIG.5 Forêt de fenetrange . Stabilité du lot Foret.

phénomènes radiométriques liés à un thème recherché, la "Parenté d'un lot" vise à répondre à deux objectifs:

(i) Etre la plus performante sur un thème à visualiser. (ii) Etre la moins contraignante, afin d'inclure des phénomènes

radiométriques non étudiés, mais appartenant au thème recherché.

Cette parenté est notée P IÎJJ- • Elle est un "opérateur" à appliquer sur la vue, en recherchant les bornes réellement utiles dans la définition du lot du thème recherché.

Deux niveaux de parenté sont définis: (i) La "Parenté du lot" qui est obtenue sur une zone par essais

successifs et systématiques en supprimant une, puis plusieurs bornes dans le serpent de définition.

(ii) La "Parenté du thème" lorsqu'on a pu vérifier le bon résultat sur la vue complète.

(f) Effacement sélectif des lots. Le fil conducteur de la démarche précédente était la recherche d'un thème et l'évaluation des performances du traitement. On avait insisté sur la nécessité de "focaliser" le travail sur un thème précis. Le traitement de toute l'information Landsat, pour visualiser tous les thèmes en même temps, conduirait à interpréter de nombreux lots: et effet, chaque borne utilisée pour définir un thème introduirait un "découpage" des autres thèmes en plusieurs lots rendant leur visualisation plus délicate. On perdrait, de surcroît, la possibilité de définir une parenté unique pour chaque thème.

Il est donc apparu plus simple d'effacer du fichier de données le ou les thèmes déjà cernés, avant de commencer l'étude d'un nouveau thème. Cet effacement est obtenu en appliquant l'opérateur "Parenté du thème" a l'ensemble des données. On simplifie donc

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l'information par effacements successifs, évitant ainsi la multiplication des lots à interpreter, tout en conservant la possibilité de définir une "Parenté du thème" pour les points restants.

Un telle démarche pose un nouveau problème: dans quel ordre allons-nous effacer les thèmes, c'est-à-dire quel thème étudier en premier, en second, etc.

(g) Hiérarchisation de la recherche des thèmes. Nous avons vu que l'analyse densitométrique permettait de trouver la position relative des thèmes au sein d'une même vue. On détermine ainsi les thèmes placés dans les premières valeurs radiométriques de chaque canal.

Dans l'exemple étudié, à la date du 13 août 1976 (Fig.l) on remarque que les premières valeurs radiométriques du canal 4 concernent les thèmes feuillus et résineux. Celles du canal 5 regroupent les résineux; celles du 6 et du 7, l'eau libre.

La recherche des bornes définissant ces thèmes va être plus simple, puisqu'il n'ya pas de choix à faire sur les bornes inférieures du serpent les définissant. Ces bornes seront automatiquement celles de la vue si l'on traite toutes les données.

D'autre part, ces remarques mettent déjà l'opérateur sur la voie qui permettra de trouver la Parenté d'un lot.

Le 13 août 1976, on choisira donc d'étudier, en premier lieu, les résineux sur les canaux 4 et 5 et l'eau libre sur les canaux 6 et 7. Après une détermination de la "Parenté du thème" résineux et eau libre on efface ces deux thèmes (dans un ordre quelconque) des données; on est donc ramené au cas initial en ayant à chercher uniquement des bornes supérieures dans le canal 5 pour étudier le thème feuillus (Titus & Wensel, 1977).

On aboutit à la hiérarchie suivante: 1 : eau libre et résineux, 2 : feuillus, 3 : prairies et zones urbaines, 4 : cultures.

Cette démarche présente, en plus, deux avantages: le résidu de points obtenus après tous les effacements ne pose pas de problème thématique, comme dans le cas d'un traitement unique de toutes les données, où l'on serait amené à considérer la valeur des lots composes par ces points, lors de l'interprétation. Si le résidu possède une valeur thématique, on le remarquera facilement en le visualisant et en observant l'homogénéité de sa répartition spatiale.

CALAGE GEOGRAPHIQUE

Le calage géographique est réalisé en deux temps: (a) Visualisation des informations Landsat à une échelle

identique à celle du document de référence. Les principaux thèmes (eau, feuillus, villes), même définis sommairement, fournissent de nombreux amers permettant la superposition avec le document de référence.

(b) La superposition permet de pointer avec une précision de ±1 pixel les intersections du carroyage Lambert et d'en définir les coordonnées Landsat.

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INTERSECTION DES DONNEES LANDSAT AVEC LE CARROYAGE LAMBERT

Compte tenu de la précision recherchée, trois intersections Lambert repérées en lignes-colonnes Landsat suffisent a définir toutes les coordonnées d'une centaine de carreaux élémentaires du modèle: un programme effectue alors le comptage des pixels de chaque theme isole par la méthodologie exposée en première partie, pour chaque carreau. On reconstitue ainsi le fichier "occupation du sol", tel qu'il est utilisé par le modèle. L'erreur maximale dans le positionnement d'un carreau entraîne un décalage de deux lignes et huit colonnes.

PRECISION DES TRAITEMENTS ET VERITES TERRAIN

Le calage géographique précis et la "statistique" par carreau sont deux éléments qui ont permis de mettre au point des procédés d'évaluation de la précision des traitements adaptés à chaque thème.

(a) Le theme "eau libre" a été obtenu avec une erreur ±2.5%. La vérité terrain reposait sur les cartes au 1: 25 000 mises à jour avec le concours de l'Agence Financière de Bassin Rhin-Meuse, pour l'été 1976, date des enregistrements Landsat.

(b) Les thèmes "feuillus" et "résineux" sont obtenus avec une erreur de ±2%. Les vérités terrain utilisées concernant plus de 200 parcelles forestières de 10 ha en moyenne, décrites grâce au concours de l'Office National des Forêts (Dejace et al., 1977).

(c) Les résultats sur les thèmes "prairies" (±2.5%) et "cultures" (±5.5%) ont été comparés aux enquêtes réalisées par le Ministère de l'Agriculture, durant le printemps 1976.

(d) Le thème "zones imperméabilisées" est obtenu avec une précision de +10% en moyenne. La vérité terrain reposait sur la carte IGN au 1:25 000 ainsi que sur les enquêtes de terrain pour la mise à jour en 1976.

(e) La séparation des autres thèmes du fichier "occupation du sol" n'a pas reçu de solution satisfaisante. La résolution du Landsat n'a pas permis d'isoler les vignes et les vergers compte tenu de la nature du parcellaire français. En ce qui concerne les autres thèmes, leur faible extension sur le bassin ne justifie pas un traitement numérique.

REFERENCES

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