traduction et commentaires par andrÉ beaujard · 2018-02-12 · introduction la traduction que...

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Notesdechevet

parSeiShônagon

TRADUCTIONETCOMMENTAIRESPARANDRÉBEAUJARD

nrf

GALLIMARD/UNESCO

INTRODUCTION

Latraductionquel'ontrouveraci-aprèssuitcellequifutpubliéeilyavingt-sixansparlalibrairieGustave-PaulMaisonneuve,etleremercievivement,ici,M.MaxBesson,quidirigemaintenantcettemaison,pour l'agrémentqu'ilabienvouludonnerà lanouvelleédition.Celle-ci,presque identiquepourlefond[Parmilesphrases,enassezgrandnombre,queletraducteuraplusoumoins«remodelées»,certainesontprisdecefaitunesignificationlégèrementdifférente.Lesensqueproposelapremièreéditionn'enrestepasmoins,àsesyeux,égalementadmissible.Voirp.23 lepassage concernant l'imprécisionde l'original.Dans lapréfacede l'éditionprimitive sont notées quelques réflexions sur les difficultésrencontréesparl'interprètede japonais, sur lesprocédésqu'ilemploiepouressayerde lesvaincreoude les tourner, sur le résultat que l'onpeut,danslesmeilleuresconditions,attendredesontravail.]àlaprécédente,endiffèrecependantparquelquestraits.D'abord,afinderendre la lecturemoinsmalaisée, j'aisupprimé lescrochetsdont jem'étaisservi

pour isoler, dans un ouvrage en premier lieu destiné àdes spécialistes, les mots ajoutés au texte.Quandilsn'ontpasparuvraimentindispensables,cesmotseux-mêmesontétéretranchés.Ensuite,j'airemaniélesnotes,j'ailaissédecôtébonnombredecellesqui,parexemple,concernent

lestitres,lesnomsdelieux,d'animaux,deplantes,devêtements…Onpourraleschercheraubasdespagesdans l'éditionprimitive ;onpourraégalementconsulterun livreconsacréà«SeiShônagon,sontempsetsonœuvre»,qu'apubliéilyavingt-sixansaussilalibrairieG.-P.Maisonneuve,etquiavaitétéspécialementécritpourfournir,àceuxqu'intéressentles«Notes»deSeietlesœuvresdelamêmeépoque,lesrenseignementspropresàenfaciliterlacompréhension:surl'histoire,leslégendes,le gouvernement, les coutumes, les religions, les littératures du japon et de la Chine ; sur lespersonnagesquenomme l'auteur, et engénéral sur tout ce qui, dans sesmémoires, est étrangeraulecteur français.Dans « Sei Shônagon, son temps et sonœuvre », d'où j'ai tiré les éléments de laprésente introduction et la substance de quelques-unes des notes qui accompagnentma version, setrouventenparticulierletexteetlatraductiond'environdeuxcentspoésies,pourlaplupartextraitesdes vieilles anthologies nippones (les poèmes auxquels Sei a pu penser en écrivant sesmémoires),ainsiqu'unelistebibliographiqueassezabondante.Enfin,pouréviterdesdisparatesaveclesvolumesdéjàparusdanslamêmecollection,aulieud'un

système de transcription fondé sur l'usage français, j'ai employé pour les mots japonais celui quepréconisa laRômajikwai (Société pour l'adoption de l'alphabet latin). Si on ne veut pas trop lesdéformer,ontiendradonccomptedecequisuit:-eseralucommeé,ucommeoudanssou(ubrefestpresquemuetdansunesyllabenonaccentuée,

surtoutaprèss,ts,z).-Quanddeuxvoyellessesuivent,onlesliraséparément,commesilasecondeportaituntréma.-L'accentcirconflexeindiquequ'unevoyelleestlongue.-metn,aprèsunevoyelle,sefonttoujoursentendre,commedanslefrançaiséden.-gseralucommedansgare(mêmedevante,i).-scommef(mêmeentredeuxvoyelles).-shcommechdanschat.-chcommetch.-w comme ou dans oui (après g et k, w est muet dans la prononciation de Tôkyô, et beaucoup

d'auteurs,encetteposition,nel'écriventpas).Pourlesautreslangues,notonsseulementquelalettreureprésentedanslesmotschinoislemême

sonqu'enfrançais,alorsqu'onlaliracommeoudanslesmotssanskrits.

Leschangementsdetranscriptionsignalésci-dessusn'ontpasmanquédecompliquerletravaildeM.EdmondVeau,quiaprislapeine,pourcettenouvelleédition,derecopiermontexteàlamachine,etquej'aigrandplaisiràremercier.Remarques:I.Enjaponaiscommeenchinois,lenompersonnelsuitlenomdelafamilleouditclan.Fujiwarano

Michitaka,ouplussimplementFujiwaraMichitaka,estlenomduseigneurMichitaka,quiappartenaitàlafamilleFujiwara;lepoètechinoisLiChang-yinfaisaitpartiedelafamilleLi.II.L'année,dansl'ancienJapon,commençaitplustardquelanôtre,leretardvariantdedix-septà

quarante-sixjours.C'étaituneannéelunaire,dedouzeetparfoistreizemois.Certainsdesnomsqu'ondonnaitàceux-cirappellentcurieusementnotrecalendrierrépublicain:maispourlesplusnombreuxlatraductionestpeusûre.C'estpourquoi,suivantl'usagemoderne,j'aidésignésimplementlesmoisparleurnumérod'ordre.Leplussouvent,j'aifaitdemêmepourlesjours.OndoitsavoirpourtantquelesanciensNippons,imitantlesChinois,comptaientparfoislesjoursaumoyendedeuxséries,l'unededixtermes,ou«troncs»,l'autrededouzetermes,ou«rameaux».Les«troncs»étaientle«frèreaîné»,le«frèrecadetditBois»le«frèreaîné»,le«frèrecadetdu

Feu»;ceuxdelaTerre,ceuxditMétaletceuxdel'Eau.Les«rameaux»étaientleRat,leBœuf,leTigre,leLièvre,leDragon,leSerpent,leCheval,leMouton,leSinge,l'Oiseau,leChienetleSanglier.Enappliquantauxjourslesnomsdes«troncs»oudes«rameaux»,onavaitparexemplelejourdu

«frèreaînéduBois»,oulejourduTigre.Pourpréciser,ondisait«lepremierouledeuxièmejourdufrèreaînéduBois,detelmois»,etlemêmejourpouvaitêtreparexemple,danscemois,lepremierjourduTigre.Ondisaitsouventaussi« le jourdu frèreaînéduBois,etduTigre»;maisainsionfixait seulement sa position dans une période de soixante jours. (Tous les soixante jours sereproduisaitunepareillecombinaison.)Le jourétaitpartagé,deminuitàminuit, endouze«heures»valantchacunedeuxdesnôtres, et

désignéesparlesnomsdes«rameaux [Les noms des « rameaux » servaient aussi, parfois, à désigner les divers points del'espace.Ilssontalorsremplacésdanslatraductionparlesmotsfrançaiscorrespondants.C'estainsiqu'àlapage154,tatsu-mi(littéralement«dragon-serpent») est rendupar« sud-est».]»,l'heureduRats'étendantentreminuitetdeuxheuresdumatin,l'heureduBœufentredeuxetquatreheures,etainsidesuite.Aupalaisimpérial,ces«heures»étaientannoncéesparunnombredecoupsdegongdécroissantdeneufàquatrepourlessixpremières,et,denouveau,deneufàquatrepourlessixdernières.Les«Notesdechevet»furentécritesparunedamed'honneurappartenantàlacourimpérialedu

japon,danslespremièresannéesduXIesiècle,c'est-à-direverslemilieudelapériodeàlaquelleleshistoriensontdonnélenomdeHeian,quiautrefoisdésignaKyôto:Heiankyô,«Capitaledelapaix».LesNipponsfontcommencerlapériodedontils'agiten794,quandl'empereurKwammuétablitsa

résidenceetsongouvernementdanscettevillenouvellementfondée,etbâtie,commeNara,lapremièremétropolefixedupays,àl'imagedeTchang-ngan,lacapitalechinoise.Onadmetgénéralementqu'ellefinit en1183.Cetteannée-là,Edo, qui plus tard devait s'appeler Tôkyô, devint le siège du pouvoirréel,passéauxmainsd'ungouverneurmilitaire,leshôgun.C'estautempsdeHeian,etplusprécisémentdanslesseptouhuitdizainesd'annéeslesplusproches

del'anmille,queseplacel'âged'ordelalittératurenippone,sonépoqueclassique,bienantérieureàcellequenousconnaissonsdansnotreproprehistoire.Alors,aumoinsthéoriquement,ladominationjaponaises'étendaitàtoutl'archipel,exceptéaunord

l'îled'Ezo,oùrésistaientlesAïnous.Sidesguerresciviles,auxquellesprenaientpartmêmelesbonzes,faisaient rage entre les divers clans, l'étendue desmers, périlleuses pour les bateaux de l'époque,

assurait à l'empire une paix extérieure qui fut rarement troublée. À peine doit-on signaler, pour letempsquinousintéresse,unevainetentatived'incursionpardespirateschinois,en1019,dansl'îleméridionaledeKyûshû.ÀlafinduIXᵉsiècle,surlesconseilsducélèbreministre,etlettré,SugawaraMichizane,leJapon

avait cessé d'envoyer des missions diplomatiques vers la Chine, déchirée par les désordres quiprécédèrentlachutedesTang,etquandvintl'anmille,lesNipponsavaientputoutàloisiradapteràleurgénie,commeilssaventsibienlefaire,cequ'ilsavaientrepuducontinent.L'administrationetlesystèmedegouvernement, bienqu'ils eussent été copiés sur ceuxde laChine, se trouvaient animéschez eux parun nouvel esprit. Tandis qu'en Chine la carrière s'ouvrait devant le talent, seuls lesenfants de l'aristocratie, dans le japon de Heian, pouvaient acquérir quelque instruction. Quatreministères, surhuit, s'occupaientuniquementdupalais impérial, et c'estdansceux-làqu'affluait lajeunessedorée;fréquemment,quandilssevoyaientassignerdespostesenprovince,lesgensbiennésenlaissaientlachargeàdessubalternes,pourrestereux-mêmesàlacapitale,prèsdusoleil.Audemeurant,lemaîtrequigouvernaiteffectivement,etdequitousrecherchaientlafaveur,n'était

paslemonarque.C'étaitunkwampaku(unrégentouplusexactementunmairedupalais).Depuis leIXᵉsiècle,leskwampakusesuccédaientdansl'illustrefamilledesFujiwara,dontlafortuneatteignitsonapogéeavecMichinaga,quidirigealesaffairesde995à1027.Avant lui,de990à995,avaientgouvernésesfrèresMichitakaetMichikane,ledernierdurantunmoisàpeine.Pour les empereurs, on gardait au moins en apparence le respect que l'on devait aux augustes

descendantsdeladéessesolaire;maisilsn'avaientaucuneautorité.C'étaientdesenfants,oudetoutjeuneshommes,quelesmairesdupalais,dontilleurarrivaitd'êtreenmêmetempslesneveuxetlesgendres,forçaientàseretireretàsefairebonzesquand,l'âgevenu,etmalgrétouteslesprécautionsprisespourlesenchaîner,cesfantocheslaissaientvoirquelquevelléitéd'indépendance.Autour de ces empereurs, de leurs épouses et de leurs concubines, s'empressaient une foule de

courtisansetdedames,danslesdiverspavillonsauxnomsévocateursdontl'ensemble,entouréd'unedoubleenceinte,formaitlepalaisdeHeian.Endehorsdecelui-ci,certainsgrandsseigneursavaientdesrésidencesparticulières,souventdésignéesparlenomd'uneavenue.Lesdamesetlesgentilshommes,queleskwampakuvoyaientsansdéplaisiruserleuractivitéendes

choses étrangères au gouvernement,menaient une vie qui, réglée pour le dehors par une étiquettesévère et compliquée, était en réalité fort libre. Plus préoccupés d'esthétique que de morale, ilsmettaient leurgloireàcalligraphierdespirituellesmissivesqu'ils liaient,avantqu'unmessager lesprît pour les emporter, à un rameau tout vert ou fleuri, dont la couleur s'accordait avec celle dupapier ; ou bien, en langue japonaise pure de tout mot tiré du chinois, ils composaient, souventimpromptu,des«courts-poèmes»,outantra(cinqvers,entouttrenteetunesyllabes),etseplaisaientàglisserquelquefineallusionlittéraire.Avec adresse, ils savaient employer les artifices, et placer à propos les « ornements » de la

versification japonaise : « mots d'appui » (makura-kotoba), sortes d'épithètes homériques,traditionnellementappliquéesàtelleou tellechose;«motsconnexes» (engo),dont l'un,s'il figuredans une poésie, y appelle pour ainsi dire l'autre ; «mots-pivots » (ken-yô-gen, kakekotoba),motsentiers ou non, qui, écrits et lus une seule fois, doivent être entendus deux fois, avec deuxsignifications,différentes,maisayanttouteslesdeuxleurrôledanslaphrase.Ontrouve,enfrançais,quelquechosed'analogueàcedernierprocédédansdesapostrophesplaisantes,dansdes«chaînes»oùnebrillepasunespritparticulièrementdélicat;maiscommeellesn'ont,nilesunesnilesautres,aucunsensraisonnable,ilnes'agitpasdevéritables«mots-pivots».Aucontrairec'estbienunken-yô-gen qu'avaient introduit au siècle dernier les peintres de Barbizon dans un couplet où ils

exprimaientleurregretdenevoirsurleurtable:…pasmêmeunmisé-Râbledelièvreencivet.Unamoureuxemploierait luiaussiun«mot-pivot» s'il écrivaità sabelle« j'irai vousattendre,

amie»,enespérantluifairecomprendre«j'iraivousattendre,tendreamie».Aprèsavoirparlédeleurtalentpoétique,onpourraitdirequelesgensdeHeianaimaientlesfleurs,

lamusique…etlevinderiz,dontilsabusaientparfois;onévoqueraitlesbanquets,lesnombreusesfêtesquilesréunissaientaupalaisouprèsdestemples;ons'émerveilleraitdevantlarichesseetlasplendeurdeleurscostumes,dontlesnuancesétaienttoujoursappropriéesàl'époquedel'année.Avecenthousiasme, on décrirait les cérémonies du shintô, et surtout celles, beaucoup plus somptueuses,qu'offraitàcescourtisanslebouddhisme;maisonrisqueraitdedonnerainsi,delavieaupalaisdeKyôto,unetropbelleimage,sil'onnemontraitégalementl'enversdudécor.Lacournerestaitpasindifférenteauxrivalitésquimettaientauxpriseslesmembresdela famille

Fujiwara.Quandilsvoyaientlapuissancedetelseigneuroulafortunedetelclans'écroulerenpeudejours,lesgenssesentaientgagnerparuneinquiétudequ'aggravaientlescalamités,lesincendiessifréquentsdansl'ancienjapon,lestremblementsdeterre,lesépidémies.Toutes ces influences agissaient ensemble sur des âmes déjà profondément modifiées par le

bouddhismeetparlesidéestaoïstesquelesouvrageschinoisavaientrépandueschezlesjaponaisdelaclassesupérieure.Letaoïsmes'accordaiteneffetaveclebouddhismepourempreindredansl'espritlacroyanceaucaractèretransitoire,irréelmême,del'univers,etlesentimentdelaparentéquiunittouslesêtres,emportésdanslasuitedestransmigrations.Ilss'alliaientpourluidonnercettetournureparticulière,cettehumeurromantiquefaitedesympathiepourlanature,depitiépourlatristessedesêtresetdeschoses,qu'exprimelemot,sisouventemployéparlesauteursjaponais,d'aware.Pourtant,grâceàleurtempéramentnaturellementgai,lesNipponsnelaissaientpasdesedéfendre

contrelefatalisme.Certains,quiavaientquittélemonde,yrevenaientplusoumoinssecrètement,etlaplupartdesgensquivivaientaupalaisdeHeiancherchaientàépuiserlacoupedesplaisirsavantdela sentir se briser dans leurmain. Ce désir de volupté semble un des traits principaux de l'espritjaponaisàl'époquequinousoccupe,etsicetteépoqueestmarquéeparlecultedubeauplutôtqueparcelui du bien, c'est assurément à cause de ces tendances hédonistes ; elles nous expliquent ladélicatessepousséeàl'extrême,l'excessifraffinementqu'affectaientlesaristocrates.On s'est demandé quelle place pouvait tenir la femme à la cour de Kyôto, parmi des hommes

efféminés;là-dessuslesauteursdiffèrent,etlaréponsenesauraitêtresimple:lafemme,sansdoute,jouait un rôle considérable ; mais sa situation n'était nullement privilégiée. On ne trouve dansl'ancienJaponrienquiressembleàl'adorationrespectueuseduchevalierpoursadame.LesgensdeHeiancourtisaientlesfemmespourleurbeauté!Ilspouvaientbien,aussi,tâcherdeplaireàl'épouseouà la favorite d'un haut personnage, ou à telle autre femmeprès de le devenir, avec l'espoir quepeut-être elles agiraient pour eux ; mais ils appréciaient vraiment celles qui brillaient par leurstalents;ilsrespectaientainsilemériteplutôtqu'unsexeauquelilsn'accordaientaucunesupériorité.AvecM.MichelRevoit,nousdironsqueversl'anmille,«lacourd'Ichijôestleroyaumedesfemmesd'esprit»,lederniermotnedevantpasmanquerd'accompagnerleprécédent.Lecaractèregénéraldel'âmejaponaisesetrouvaitalors,bienquecelan'apparûtpasauxyeuxdes

contemporains,mieuxexpriméchezlesfemmesquechezleshommes,etilestunechosecertaine:lalittératureécritedanslalanguedupaysàlafinduXᵉsiècleetdanslesdeuxpremierstiersduXIᵉest

une littérature féminine. Dès le début du Xᵉ siècle, les femmes, comme les hommes, s'exerçaient àécrireenchinois,etprenaientpourmodèle,danscettelangue,lestyledesessayistes.Pourtant,verslamêmeépoque,certainsauteursemployèrentleurpropreidiome.AinsilepoèteKinoTsurayukirédigeaen 922 un véritable manifeste littéraire pour servir de préface à une anthologie fameuse, leKokinwakashû[OuplussimplementKokinsbû(Recueilancienetmoderne).](Recueildepoésiesjaponaisesanciennesetmodernes).Treizeansplus tard,enleprésentant ilestvraicommel'œuvred'une femme, lemêmeécrivainpubliasonTosanikki(journaldeTosa).C'estégalementàdesauteursmasculinsqueseraientduslescontes(monogatari)rappelantdeslégendesmerveilleuses,ourassemblantdesanecdotesetdespoésies,ouencorefondéssurdestraitsdemœurs,deshistoiresd'amour [À lapremière catégorie appartient le«Conteducueilleurdebambou»(Taketorimonogatari),paruversl'an900,sansdouteaprèsd'autrescontesquinenoussontpasrestés.Àladeuxièmecatégorieappartiennent les«Contesd'Ise» (Isemonogatari), unpeumoins anciens, et dont le héros serait le célèbre poèteAriwaranoNarihira(825-880).Demêmeles«ContesduYamato»(Yamatomonogatari,vers950.Danslatroisième,seplacentle«Contedelacave»(Ochikubomonogatari,vers965)etle«Conteducreux»(Utsubomonogatari,finduX

esiècle).],quisesuccédèrent

danstoutleXᵉsiècle;maisbientôtleshommes,absorbésendelaborieusescompositionschinoises,laissèrent,dansledomainedelaprosejaponaise,lechamplibreàleurscompagnes.Habiles à profiter des facilités qu'avait procurées aux scribes l'élaboration de deux syllabaires

figurant chacun quarante-sept sons simples (le katakana, formé de caractères chinois tronqués, etsurtout le hiragana, représentant des caractères cursifs), les femmes se montrèrent pareillementadroitesàmanierune langueharmonieuse, fluide, qui n'était pas encore, commeon le verrait plustard, fort éloignée de l'idiome employé pour la conversation, et dans laquelle les mots d'originechinoiserestaientpeunombreux.Elles écrivirent des journaux (nikki) où sont rapportés les incidents qui marquèrent leur vie

d'amante,d'épouseetdemère(«Journald'unelibellule[Envoyantcombientout,ici-bas,estfragileetfugitif,l'auteursesent pareille à l'insecte dont la vie est éphémère.]»,Kagerônikki, finduXᵉsiècle,et« journalde ladameIzumiShikibu»,vers1004)oulespéripétiesd'unvoyage(«JournaldeSarashina»,milieuduXIᵉsiècle).Parfoisellesnotèrent,commenouslevoyonssurtoutdansle«journaldeladameMurasakiShikibu»(vers1009), lesévénementsplusoumoinsgravesde lavieaupalais, enattendantquevînt l'Eigwamonogatari,ou«Récitdesplendeur[Lasplendeurdontils'agitestcelledel'époqueoùgouvernaitMichinaga,décriteavecunsoinparticulierdansunouvragequis'étendsurtoutelapériodecomprenantleX

eetleXI

esiècle.]»,ouvragehistoriqueaumoins

pourl'essentiel,achevéenvironl'an1200,maisdontlapoétesseAkaeomeEmon(débutduXIᵉsiècle)passepouravoirécritlapremièrepartie.Siintéressantsqu'ilssoient,pourtant,cesouvragessontloind'avoir l'importance que tous les critiques, au Japon et ailleurs, accordent à un roman de cour, lecélèbreGenjimonogatari,composévers l'anmillepar ladamed'honneurMurasakiShikibu,dont lenomvientd'êtrecitéàproposdesjournaux,etquiservituneépousedel'empereurIchijô,laprincesseAkiko,filledeMichinaga.Murasakiracontelonguementlesaventuresamoureusesd'undonJuannippon,leprinceGenji.Elle

peint un monde où la morale n'est guère respectée ; mais sa touche est légère, elle le fait avecbeaucoupderetenue.Le«RomandeGenji»,purchef-d'œuvredestyleetdefinepsychologie,occupedanslalittérature

classique,etl'onpeutdiredanstoutelalittératurejaponaise,uneplaceéminente.Aveclui,onnepeutmettreenparallèlequ'unseulouvrage,d'ungenre,ausurplus,toutdifférent:c'estceluiqu'écrivitàpeu près enmême temps Sei Shônagon, une autre dame d'honneur, attachée à la princesse Sadako,laquelle,filledeMichitaka,futavantsacousineAkikolaprincipaleépoused'Ichijô.CommeceuxquenousemployonspourMurasakiShikibu,pourAkazomeEmon,pourIzumiShikibu,

lenomquidésigneSeiShônagonestseulementunsurnom,telqu'enportaient,àKyôtolesdamesdupalais. La seconde partie du sien est à proprement parler le nom d'une fonction. Le mot shônagon

pourraitsetraduirepar«troisièmesous-secrétaired'État»,maisiln'aiciqu'unevaleurdécorative,ou peut-être rappelle-t-il qu'un parent de notre auteur avait eu cette dignité. Quant à la premièrepartie,Sei,c'estlalecturechinoise,ouplusprécisément la lecture imitéeduchinois,d'uncaractèreexprimantl'idéedepureté,querendenjaponaislaracinekiyo;nousretrouvonscetteracinequandnouslisonslenomdelafamilleKiyowara(littéralement«Landepure»),danslaquellefutélevéeSeiShônagon.Les Kiyowara descendaient du prince impérial Toneri, célèbre pour avoir été, au début du VIIIᵉ

siècle, le principal compilateurduNihongi (Annales du japon), un recueil de chroniques écrites enchinois.UnKiyowara,Natsuno,avaitprispartàlarédactiond'unimportantcommentairesurleslois(Ryônogige,833);unautre,Fukayabu,figurehonorablementparmilespoètesduKokinwakashû,etc'estégalementcommepoètequenousestconnusonpetit-filsMotosuke(9o8-99o).Cedernier,dontplusieurs anthologies ont recueilli les vers, fut l'un des cinq lettrés que l'empereurMurakami, lesayant réunis au Palais du jardin des poiriers (Nashitsubo) en un « bureau de poésie japonaise »(wakadokoro), chargea de fixer la lecture duMan.yôshû (« Recueil des dix mille feuilles » uneanthologiepoétiqueachevéevers820),etderassemblerlespoésiesquidevaientformerleGosenshû(«Recueilchoisipostérieur»,921).D'aprèscertains,quis'appuientsurunécritdesoncontemporainFujîwaraYukinari,Seieutpour

père Akitada, un seigneur contemporain de la famille Fujiwara, qui gouverna les provinces deShimotsukeetdeShimosa;Motosukel'auraitadoptée.Akitada,cependant,avaitaumoinssoixante-septansquandellenaquit,etlaplupartdesauteurspensentqueMotosuke,plusjeunequeluidedixans,futlevéritablepèredeSei.Quelquesmots,dansles«Notesdechevet»,semblentconfirmercetteopinion, et quoi qu'il en soit, l'influence de Motosuke sur la formation littéraire de Sei dut êtregrande;instruitedansunefamilleoùl'éruditionetlapoésieétaientengrandhonneur,elleputtirerbonpartidesesdons,qu'elleleseût,ounon,héritésdesKiyowara.Mal renseignéssur l'originedeSei,nousne le sommespasbeaucoupmieuxsur savie.Les rares

indicationsquenousfournissentlesanciensauteurssontfortvagues,etcontradictoires;c'estàpeuprèsexclusivementpardesraisonnements fondéssursonouvragemêmequenousobtenonsquelquelumière.Nousvoyonsainsiqu'ellenaquiten965,ouunpeuplustard;maisnousnesavonsriendesonenfancenidesajeunesse.Sansdoutesuivit-ellealorsMotosukedanssesdéplacements.Ilfuteneffet,commeAkitada,gouverneurdediversesprovinces,etcelaexpliqueraitl'intérêtquemontreSei,dansses«Notes»,pourlaviedesfonctionnaireséloignésdelacapitale.Elledutarriveraupalaisimpérial,oùlecréditdesKiyowaral'avaitfaitadmettre,audébutde990.

Là, elle entra au service de Sadako, jolie princesse de quinze ans qui à la même époque devintl'épouse(nyôgo)del'empereurIchijô(lui-mêmeâgédedixansseulement),avantd'accéderquelquesmoisplustardaurangd'impératrice(chûgû).Seiservitsamaîtresseavecdévouement,etSadako,lorsqu'elleeutàseplaindredeMichinaga,ne

retirapassaconfianceàladamed'honneur,quipourtant,pensait-elle,avaitpourluidelasympathie.Quandileutprislepouvoir,etqu'ileutfaitaccorderàsafilleAkikolerangdenyôgopuisceluidechûgû,Seirestafidèleàlaprincessedontl'étoilepâlissait,etqui,bienqu'ellereçûtautroisièmemoisdel'anmilleletitredekôgô(impératricesouveraine),sevoyaitdélaisséepartousceuxqu'attiraitlenouvelastre.NousnesavonsguèrecequedevintSeiaprèslamortdeSadako,survenueaudouzièmemoisdel'an

mille, etnous ignorons ladatede sapropre fin.SuivantunauteurduXIVᵉsiècle, elle seraitmortedansl'îledeShikoku.D'autres,quiécrivirentdeuxoutroissièclesplustard, lapeignent,âgée,souslestraitsd'unepauvressemisérable,maistoujoursprompteàlarepartie,oubienilsdisentqu'ellese

fitnonne, ou qu'elle épousa un gouverneur de Settsu. Tout cela ne repose sur rien ; nous pouvonsseulement avancer que Sei demeura probablement au palais, oit tout au moins garda quelquesrelations avec la cour, jusqu'en 1013 : un passage de ses « Notes » paraît bien concerner unévénementquieutlieucetteannée-là,deuxansaprèslamortd'Ichijô.Peut-êtreavait-elletrouvédanslafamilledesamaîtresseunenouvelleprotectrice.Danslesancienstextes, l'ouvragequ'ellenousalaisséestappelésimplementSeiShônagonnoki,

«LelivredeSeiShônagon».Le titreque l'onemploieaujourd'hui,etqueSein'avaitprobablementpas choisi, estMakura no Sôshi.On en découvre l'explication vers la fin de sesmémoires, où elleracontecomment,àl'impératricequiluimontraitunegrosseliassedepapierendemandantcequ'ilfaudraitécrirelàdessus,elleréponditqu'elleenferaitunmakura;d'habitudeontraduitcemotpar«oreiller»;maisàvraidireildésigneunsupport,unepiècedeboisplusoumoinsrembourréeàlapartie supérieure, et qui, soutenant la nuque, peut permettre aux élégantes de ne pas trop gâter,pendantleursommeil,labelleordonnancedeleurcoiffure:quelquechose,onlevoit,quiestassezdifférent de notre oreiller. Aussi bien, le contexte prouve que la dame d'honneur, prenant le papierqu'onapportait,pensaitl'employerànotersesimpressions,lesoir,danslesilencedesachambre.EndonnantauxesquissesdeSei le titrequ'ellesontgardé, les japonaisont sansdoute étéheureuxdemettreàprofitlaressemblancedumotmakuraavecunautre,makkura,quisignifie«trèssombre»,etquirappellejustementledébutduchapitre.Ainsientendu,letitreconvientfortbienàunouvragequiagrandbesoind'êtreéclairé.Ilestsouventtraduitpar«Notesdel'oreiller»;pourtantj'aipréféré,mefondantsurcequiprécède,lerendrepar«Notesdechevet».Cettetraduction,quiparaîtmoinslittérale,mesembleplusexpressiveetplusprochedelavérité;maisellen'est,jedoisledire,pastoutàfaitexacte,carlemotsôshi,remplacéfautedemieuxpar«notes»,s'appliqueenréalitéàungenrelittérairebiendéfini,dontSeiadonné lepremieret leplusparfaitexemple,etqui fut représentéàdifférentesépoquespardesouvragesdevaleurtelsqueleHôjôki,«Livred'unehuttededixpiedsdecôté»(1212),dîtàl'ermiteKamoChômei,etleTsurezure-gusa(Variétésdesmomentsd'ennui),écritpar lebonzeKenkô vers 1335 [LeHôjôki est traduit en entier, et le Tsurezure-gusa en grande partie, dans la remarquableAnthologiedelalittératurejaponaisedueàM.MichelRevon(Paris,Delagrave,1910;6

eédition,1928).].

Les sôshi, comme les nikki, sont des écrits intimes ; mais, à la différence des journaux, ils nerespectentpasd'ordrechronologiqueni,d'unemanièregénérale,aucunplan.Lemotzuihitsu,quisertégalement à les désigner, signifie littéralement « au courant du pinceau » ; il s'agit en effetd'esquissesdont l'auteura jetésur lepapier,«en laissantallersonpinceau», toutes les idées, lesimages,lesréflexionsquiluisontvenuesenl'esprit,etc'estbienainsi,d'aprèsSeielle-même,qu'elleécrivitses«Notes».Descopistesontpuremaniersonouvrage;maissansmêmeentenircompte,onneserapassurpris

de voir, dans les «Notes de chevet », les sujets les plus divers se succéder immédiatement.On nes'étonnera point de trouver des passages qui se répètent et d'autres qui se contredisent, on nes'attarderapasàchercherpourquoil'auteurparleen telendroitdececioudecela,encoreque l'onpuissedevinerparfoiscommentselientsesidées:unmot,dansl'unedecesénumérationsauxquellesSeiaccorde tantdeplace, luirappelleuneanecdotequ'elleprenddanssessouvenirspersonnelsoudans ses lectures ; ou bien, au contraire, en faisant un récit elle pense à telle chose ou à tellepersonne,etdanssonespritelleenrapproched'autres,dontelledonnelaliste.Elle arrive ainsi à parler à peu près de tout ; elle énumère les astres, les phénomènes

météorologiques,lesépoquesdel'année,leslieuxetlespaysagesconnus, lesarbres, lesplantes, lesoiseaux, les insectes, et l'on ne voit pas pourquoi elle néglige les mammifères, alors que le cerf,notamment,joueungrandrôledanslapoésiejaponaise,oùilestassociéàcertainesfleurscommela

valériane,etqu'enoutreleblaireau,lerenardetlechatsontleshérosdecontesmerveilleux.Sei rassemble aussi les fonctions et les rangs des hommes ; les divinités du bouddhisme et du

shintoïsme,et les templesqui leursontdédiés; leschoses fabriquées(maisons,meubles,vêtements,instrumentsdemusique)etlesproductionsdel'esprit(poésies,chansons,tentessacrés,prières); lesqualités physiques, esthétiques et morales, ainsi que les personnes qui possèdent les unes ou lesautres,etleschosesquiéveillentteloutelsentiment.OnasupposéqueSeiShônagonavait trouvé l'idéedeces«séries»dansunouvrageattribuéau

poète chinois Li Chang-yin (nom lu par les Japonais Ri Shôin ; nom littéraire Li Yi-chan, jap. RiGisan; 813à858).Cet ouvrage, intituleTsa-ts'ouan (jap.Zassan),ou«Collectionmélangée », estcomprisdanslesT'angtaits'ongchou(Écritssecondairesde ladynastieT'ang) ;maisonnesauraitaffirmer qu'il fût connu au Japon à l'époque de Sei, et que celle-ci pût l'imiter. M. GeorgesBonmarchand,auteurd'unesavanteétudepubliéeen1955parlaMaisonfrancojaponaisedeTôkyô,nelepensepas.Aprèsavoirsoigneusementcomparé leTsa-ts'ouan,dont ildonne la traduction,aux«Notesdechevet»,ilconclutàl'entièreoriginalitédecesdernières.PlutôtqueLiChangyin,l'auteurchinoisquiputavoirsurSeiquelqueinfluenceestlecélèbrePo

Kyu-yi(jap.HakitKyoi;nomlittérairePoLo-t'ien,jap.HakuRakuten;772-846),fortementimprégnépar les idées taoïstes,bienqu'il s'endéfendît,etdont l'auteurdes«Notes», et ses contemporains,aimentàciterlesvers.C'estparl'atmosphèrequilesbaigne,parleur«climat»,quelesmémoiresdeSei rappellent l'œuvre dupoète ;mais en notant cette ressemblance, il faut penser qu'il en est uneautre,parlaquelleonpourrait,aumoinsenpartie,expliquerlapremière:lemilieuoùsedéveloppale talentdeSein'étaitpas sansanalogieavecceluioùPoKyu-yiavaitpuisé son inspiration.Si lasplendeurdelacourjaponaiserenouvelaitlefastedeTchang-ngan,l'adversitéquiavaitsidurementfrappé lesTang et leur entouragen'épargnait pas les gensqui habitaient le palais deHeian.Cettemélancolie qu'exprime Po Kyu-yi dans le « Poème des longs regrets », où il déplore la tragiquedestinéedelabelleYangKouei-fei,lafavoritedel'empereurHivanTsong[(712-756).],Seitrouvaitdanslesmalheursquiaffligeaientlafamilledesamaîtressebiendesmotifspourlaressentir.Aprèslesénumérations,nouspouvonschercherdansles«Notesdechevet»desdescriptionsetdes

tableaux:Seis'amuseàdessinerenquelquestraitsunvéritabledécordeparavent,elleévoqueainsilespaysanscoupantdesroseauxauborddelarivière.Elleseplaîtaussiàpeindrel'aspectd'unjardinsouslaroséematinale,oubienlanuit,quandlesrayonsdelaluneallongentsurlesollesombresdesarbres.Ailleurslatoileestpluslarge,ellenousmontretoutelacampagnequis'étendàpertedevue,aussiblanchesouslafroideclartélunairequesielleétaitcouvertedeglace;oul'Océanavec,là-basàl'Horizon, lesbarquesquisemblentdepetites feuillesdebambouéparpilléessur les flots.Etpuisvoiciquelecadredenouveauserétrécit,etc'estleport,lesoir,àl'heureoùleslumièresdesbateauxbrillentcommelesétoiles.Souventlestableauxquenousprésententles«Notesdechevet»sontanimés.Seinousfaitvoirdes

hommesquivontledoscourbésouslaneige,descourtisansquipassentendérobantleurvisageprèsdu palais où sont les dames d'honneur, des enfants qui jouent le soir. Ici elle brosse une vastecomposition:lecortègedel'empereur,celuidel'impératrice,lesprocessions,lescérémonies,lesfêtesdeKamoetd'Iwashimizu.Làelletraiteenquelquestouchesrapidesunagréabletableaudegenre,oùfigurent les joueurs de trictrac, les joueurs dedames, lemessager qui se hâte, la femmequi lit unbilletdouxàlalueurd'unebraiseardente,lechat,sijoli,quitiresursacorde,ouencorelemoineauqu'unappelfaitaccourir.Parfois,c'estdevraiesscènesqueSeinousrégale,outouchantes,ougracieuses.Qu'ilssontdrôles,

lesgaminsquicueillentdesrameauxdepêcher!Commeonenviel'enfantinegaietédesdamesquise

divertissentà l'aube, dans le jardin noyé de brume, ou quimontent à la« tour de l'heure » ! Sansdoute,ilestamusantdevoircequisurvientlematin,aprèsledépartd'ungalant;maislatristessedujardinravagéparlatempêtedelanuitn'apasmoinsdecharme.Etaussiquedescènescurieuses!LescompagnesdeSeisoignantleur toiletteavant lacérémonie

desOffrandesau templeShakuzenji ;ou l'exorcisteendormant la femmequi l'assiste,et s'évertuantpourfairepasserenelle,àforced'incantations,l'espritmauvaisquitourmenteunemalade.Àl'occasion,cen'estplusauxyeux,maisàl'oreillequeSeiveutplaire.Ellenousfaitalorsentendre

lebruit,pareilàceluidelapluie,desfeuillesquitombentàl'automne,laplainteduventquipassedanslacheveluredesprèles,levacarmenocturnedescorbeaux, lavoixenrouéedescoqs,oulesond'uneclochelointaine,àl'aurore.D'autres fois,même,c'estavecdesparfumsqueSeinouscaptive ;c'estavec l'agreste senteurde

l'armoisequ'uneroueabrisée,avecl'arômedel'acoredesséché,avecl'imperceptibleodeurd'encensqu'ontgardée,aprèsbienlongtemps,desvêtementsserrésdansuncoffre.Lafuméedestorchesauneodeurqui suffit pour ravirSei ; elle avouequ'elle aimeà sentir flotter dans l'air du soir, après lepassaged'unevoiture,cellequ'ontlaisséelesharnaisdesbœufs.Ilestvraiqu'elleserailleelle-mêmebienvite,enajoutantqu'unetellepenséeestabsurde.Sei trace habilement les portraits ; elle nous donne ce que l'on pourrait appeler des portraits

«moraux»:ceuxdepersonnagesquiluisontsympathiquesoupourquielleéprouvedel'aversion.Ilpeuts'agiraussideportraits«physiques»,accompagnéspourl'ordinairede longuesetminutieusesdescriptionsdecostumes,oumêmeremplacésparcesdescriptions:portraitsd'hommesetsurtoutdefemmes.Parmicesderniers,celuidel'impératrice,«merveilleusementbelle»,nousestplusieursfoisprésenté.Souvent, il arrive que les figures ne portent point de nom. Sei nousmontre ainsi les demoiselles

d'honneurbienjoliesavecleursvestesàlonguetraîneetleursvêtementsverttendre.Elleneditpasgrand-chosedesescompagnes,etsecritiqueelle-mêmesansindulgence.Sinousessayonsdeclasserunpeulespersonnagescitésdansles«Notes»,noustrouvonsd'abord

des types généraux, qui sont nombreux et divers. Ils comprennent non seulement des hommes,maisencoredes animaux etmêmedes végétaux, dont Sei parle ainsi qu'elle ferait d'êtres humains; parexemplequandelle s'apitoie sur le sort d'une plante dont l'hiver a blanchi la tête, ou sur celui del'herbequipousseauborddestoits.MaisSei,commeilestnaturel,nousentretientplusfréquemmentdesessemblables.Demêmequ'un

chapitreduGenjimérited'êtreintitulé«Lacritiquedesfemmes»,unpassagedes«Notes»pourraits'appeler«Lacritiquedeshommes».Seiexerceégalement saverveauxdépensdes femmesetdesreligieux,desprédicateursetdesexorcistes.Elle trouvedesaccentsattendrispourparlerdes tout-petits,dubambinquisetraîneaussivitequ'ilpeut,etramassequelquebabiole,oudugaminquilit,etdont elle entend la voix juvénile. Pourtant elle n'aime guère les enfantsmal élevés ; il lui déplaîtqu'unefemmedépourvuedecharmeaitbeaucoupdemarmots.Seinousdépeintles jeunesseigneurs,unpeufousetd'unepiétéplutôttiède,quipassentletemps,pendantlesretraitesdanslestemples,àrôderautourdeschambresoùsontlesdames.Elleblâmelesvieillardsdésagréables,ceuxquinesegênentpointpourfairelasiestequandonpeutlesvoir,ceuxquin'ontaucuneretenueetceuxquinesoignentpasleursmanièrespendantqu'ilssechauffentaubrasier.Lesépouxetsurtoutlesépouses,jalouses,boudeuses,prétentieuses,autoritaires,lesgendresetles

beaux-parents, s'offrent souventauxcritiquesdeSei.Ellemet encoreen scène lesamantsdont elleraille les querelles, les séducteurs et les inconstants, les visiteurs importuns, les ivrognes et lesétourdis.Lespersonnagesquil'intéressentsontdetouteslesconditions,depuisl'empereurlui-même,

petit-filsdesdieux,jusqu'auforgeronquipeinesursonenclume,etjusqu'auxplushumblesserviteurs.Enparcourantsesmémoires,nouscroyonsrencontrer,mêlésauhasard, lespréfetset lescourtisans,lesofficiersetlesgardes,lesbonzesetlesdocteursenlittérature,lespaysans,lesdamesd'honneur,lesnourricesetlesservantes.Nombre de ses contemporains sont mentionnés dans l'ouvrage de Sei Shônagon. Comme nous

l'avonsvu,c'estsamaîtresse, l'impératriceSadako,qu'ellenommeleplussouvent.Parmi lesautrespersonnages, deux surtout méritent l'attention ; ce sont deux courtisans, Fujiwara Tadanobu etFujiwara Yukinari, dont on a dit qu'ils avaient été les amants de Sei. Nous savons seulement, là-dessus,cequenousapprennentles«Notesdechevet»;si,peut-être,ellesdonnentàpenser,onn'ydécouvrerienquipermetted'affirmer.Ellesnousoffrent,enrevanche,maintesréflexions,maintespensées,danslesquellesnousentendons

avecunagréableétonnementl'annoncedecellesquenoteront,quelquessièclesplustard,nosSévigné,nosLaBruyère,nosMontesquieu.Seiestperspicace,neselaissepasfacilementabuser;aubesoin,ellenecraintpasderevenirsursonopinion.Dans son ouvrage, on trouve enfin des historiettes et des récits. Certains sont consacrés à des

chosesdontelleaentenduparler,àdeslégendes;ailleurs,Seiracontedesévénementsqu'elle-mêmeavus. Pour quelques-uns il est possible d'indiquer une date, aumoins approximative. Pour d'autres,nousignoronsabsolumentenqueltempsilsonteulieu.Ilfautremarquer,dureste,queles«Notesdechevet»seraientd'unfaiblesecoursàl'historienquis'occuperaitdesaffairesimportantes.Àpeineytrouverait-il une allusion voilée aux compétitions qui divisèrent, après la mort de Michitaka, lafamilleFujiwaraettoutelacour.Seineparlepasdel'exiloùfurentréduitslesfrèresdesamaîtresse;ellesetaitsurlarivalitédecettedernièreavecladeuxièmeépousedusouverain,laprincesseAkiko.Là encore, comme sur sa vie sentimentale, Sei dit seulement ce qui n'est point dangereux, et le

silencequ'ellegardesurautrechoseparaîtunsilenceprudent.Celanousmontrequelalibertédesonpinceauavait des limites, et nous conduit à examiner brièvement les conditions dans lesquelles futécritsonouvrage.Deuxfois,Seiassurequ'ellenepensaitpas lemontrer,qu'elleregrettede levoirmis au jour ; mais elle dit aussi que les gens lui ont recommandé de ne rien omettre. Donc ilsconnaissaientl'existencedeses«Notes»,etcommentaurait-ellepulongtempslesleurcacher?D'aprèsledernierchapitre,quid'ailleurssembleapocryphe,MinamotoTsunefusaauraitdérobéle

cahierdeSeialorsqu'il étaitgouverneurd'Ise.Noussavonsqu'iloccupaceposteen996 ; commebiendes événementspostérieurs sont rapportésdans les«Notes», nous devrions donc croire qu'ils'emparaseulementd'untexteincomplet.C'estpeut-êtreàlasuitedecelarcinqu'ellelaissavoirsesesquisses.Quoiqu'ilensoit,siellen'écrivitpastoujourspourelleseule,Seilefitpourceuxquil'entouraient.

Lamanière dont elle cite les noms de lieux, ou dont elle désigne les personnages par leurs titres,prouvequ'elles'adresseàdesgenspourquiellepeut laisserbiendeschosessous-entendues,parcequ'illesconnaissent.Celanefaciliteguèrel'intelligencedesontexte,dontlaplusgrandepartie,sionl'abordaitsanspréparation,seraitaujourd'huiincompréhensible,mêmepourunjaponaiscultivé.Sei avait peut-être fait plusieurs brouillons, et les «Notes de chevet » furent souvent transcrites

avantd'êtreimpriméespourlapremièrefois,auXVIIᵉsiècle,c'est-à-direplusdesixcentsansaprèsleur apparition. On comprend donc qu'il existe d'innombrables variantes, et que la façon dontl'ouvrageestpartagéenchapitresnesoitpaslamêmedanstoutesleséditions.Descommentateurs,depuisbien longtemps, sesontefforcésdecorriger leserreursdescopistes,depénétrer le sensdesphrases,etd'éclaircirlesidéesaprèslesmots.

Leplus connuestKitamuraKigin,qui fit paraître en1674 leShunshoshô,dont le titre, qui se lit

aussiàlajaponaiseHarunoakebonoshô,signifie«Choixderemarquessurl'auroreduprintemps»,et,rappelantlapremièrelignedes«Notes»,donneàentendrequelecommentaire,pareilausoleildumatin,valesilluminer.Onciteégalementlelivre,postérieur,deKatôBanzai.Ces études ont été reprises à notre époque par des érudits japonais comme MM. Mizoguchi et

Kaneko,dontlesouvragesm'ontbeaucoupservi.Rien,pourmoi,n'auraitpuremplacerlessavantesnotes jointes par ces deuxauteurs, par le second surtout, aux textes duMakura no sôshiqu'ils ontétablisetpubliésavecd'excellentestraductionsdanslalangued'aujourd'hui[KanekoMotoomi,Makura norôsbihyôshakit(LesNotesdechevet,texte,traductionenjaponaismoderne,notescritiques).Nouvelleéditionenunvolume.Tôkyô,1929.MizoguchiHakuyô.Makuranosôsbi.Yakuchû(LesNotesdechevet,texte,traductionenjaponaismoderne,notes).Tôkyô,1927.Saufenquelques endroits, que l'on trouvera signalés, la traduction est fondée sur le texte donné par M.Mizoguchi.].Ces versions elles-mêmesm'onttrèsutilementguidé.J'aicependanttoujoursveilléàfonderlamienneexclusivementsurletexteancien,etjepuisfaireremarquericiquetoutenétantfortdifférentedelalangueclassique,cellequ'emploientàprésentlesNipponsgardeavecelleuntraitcommun:extrêmementvagues,toutesdeuxlaissentà imaginerbeaucoupplusqu'ellesn'expriment.En faced'unephraseobscure, l'auteurmodernepeutenécrireuneautrequinel'estpasmoins,etqui,justementpourcetteraison,larendrale mieux possible. Le français a plus de rigueur : où le japonais se passe de pronom, il en veuttoujoursun ; exigeque legenre et le nombre soient indiqués ; il ne souffreguère, contrairementàcertaines langueseuropéennes,qu'onemploiesubstantivement les infinitifs.Le traducteurdoitdoncpourvoirleverbed'unsujet,qu'ilasouventbiendelapeineàdécouvrir.Exposer ces difficultés, c'est montrer qu'en traduisant du japonais, et particulièrement quand il

s'agitduMakuranosôshi,onestàtoutmomentforcédeparaphraser.Presquetoujours,ens'appuyantsurlecontexte,surtelsoutelsrenseignements, l'interprètedoitchoisirpourchaquephraseunedestraductionspossibles;iln'estjamaissûrderencontrerlapenséedel'auteur,et,danslecasleplusfavorable,ilregretteradenepouvoirendonnerqu'unaspect:delapierrequ'iltiententresesdoigts,seuleunefacettenes'éteindrapas.Letraducteurdejaponaistrouveraitlà,sansdoute,uneraisonsuffisantepourresterhumble;mais

uneautre,plusforte,luiapparaîtquandl'originaladesbeautésqu'ilnesauraitseflatterderendre.Telles sont assurément les « Notes de chevet », dont le style est un des meilleurs que l'on puisseapprécierdanstoutelalittératurejaponaise,àlafoisparsasouplesseetparsacouleur.Parfoisunepeurude,etmêmevert,ilestleplussouventdélicat,ornéd'imagesetaussi,suivantlegoûtoriental,decalembours.L'auteur se sert habilement des procédés dont j'ai parlé à propos des poèmes qu'aimaient à

composer les courtisans de Heian. Quelques-unes de ces poésies, dues à Sei ou à d'autrespersonnages,sontinséréesdansles«Notesdechevet».Àpartdeuxoutrois(ceux,peut-être,où lesfloconsdeneigesontassimilésàdespétales),lesversqu'ellereproduitsontpournouscequ'ilyademoins poétique dans son ouvrage ; mais nous devons prendre garde que leurs auteurs se sontseulementproposédemontrerleurérudition,leurfinesseetleurprésenced'esprit.C'estparcettedernièrequalitéqueSeibrillesurtout,plutôtqueparsonsavoir,dontontrouvesans

difficultél'équivalentsansquitterlecercle,assezétroit,desescompagnesetdesesamis.Enmêmetemps que ce trait, il en est d'autres, marquant sa personnalité, qui apparaîtront aux lecteurs des«Notes».Poursonphysique,ilsestimerontqueLaFontaineauraitpuluiappliquerleversfameuxoùilcélèbre«lagrâce,plusbelleencorequelabeauté».Sanaturemoraleleursemblerasingulièrementcomplexe: parfois ingrate et parfois reconnaissante, ici peu obligeante et ailleurs charitable, ellen'abandonnapas samaîtressemalheureuse. Animée d'une foi bouddhique réelle, sinon très vive, et

sachantestimerlesvertusd'unsaintprêtre,ellen'étaitpointbigote.Elleappréciaitunpeutropleplaisirdepiquerlesgens,quineleméritaientpastoujours,etcomme

elleaimaitàsefairevaloir,ellefutsévèrementjugéeparMurasakiShikibu;celle-ci,àl'égarddesonémule,n'étaitpeut-être,audemeurant,pas toutà faitéquitable !Sansdoute Sei craignait-elle plusd'avoirl'airsuranné,ouprovincial,quededonnerpriseàlacritiqueparlalibertédesesalluresetdesavieprivée;encelaellen'étaitpasdifférentedesescontemporains,aumilieudesquels,decepointdevue,Murasakisembleuneexception.LesJaponaisaimentàcomparerl'auteurduGenjià la fleurduprunier,touteblanche,immaculée.Aprèsavoirfeuilletéles«Notes»deSei,onserad'accordaveceux,jel'espère,pourpenserqu'elleestpareilleàlafleurducerisier,dontlateinterosée,moinspure,aplusd'attrait.Jelaisseàchacunlesoinou,jeveuxcroire,leplaisirdechercher,parmilesfiguresfémininesqui

ornèrentnotreanciennecour,cellesquepeut luirappelerSei,et j'achèveenadressantuneprièreàtousceuxqui,d'aventure,parcourrontcetteversionduMakuranosôshi.Quedetempsàautre,fermantlelivre,ilslaissenterrerleurregardouseulementleurpenséesurl'undecesemaki-monorichementenluminés,quimontrent,endessallesquel'artisteparaîtavoirvuesautraversdutoit,lesseigneursetlesdamesdontlesvêtementss'étalentcommedescorollesoucommelesailesdespapillons,oubiencesmêmespersonnagesprèsdemonterdanslescharsquedesbœufs,lentement,vonttirer.Peut-êtrealors, oubliant la forme de ma traduction, mais gardant en l'esprit le souvenir des choses qu'elleévoque,pourront-ilsgoûterunpeuducharmequiretientleslecteursdutextejaponais.

A.B.Paris,décembre196o.

LESNOTESDECHEVET

1.Auprintemps,c'estl'aurore...Auprintemps,c'estl'aurorequejepréfère.Lacimedesmontsdevientpeuàpeudistincteets'éclaire

faiblement. Des nuages violacés s'allongent en minces traînées. En été, c'est la nuit. J'admire,naturellement,leclairdelune;maisj'aimeaussil'obscuritéoùvolentensecroisantleslucioles.Mêmes'ilpleut,lanuitd'étémecharme.Enautomne,c'estlesoir.Lesoleilcouchantdardesesbrillantsrayonsets'approchedelacrêtedesmontagnes[Ou:«etlacrêtedesmontagnessembles'êtrebeaucouprapprochée».].Alorslescorbeaux s'en vont dormir, et en les voyant passer, par trois, par quatre, par deux, on se sentdélicieusement triste.Etquand les longues filesd'oies sauvagesparaissent toutespetites ! c'est encoreplusjoli.Puis,aprèsquelesoleiladisparu,lebruitduventetlamusiquedesinsectesontunemélancoliequimeravit.Enhiver, j'aimelematin,detrèsbonneheure.Iln'estpasbesoindedire lecharmedelaneige ;mais jegoûteégalement l'extrêmepuretéde lageléeblancheou, toutsimplement,un trèsgrandfroid;bienvite,onallumelefeu,onapportelecharbondeboisincandescent;voilàquiconvientàlasaison.Cependant, à l'approche demidi, le froid se relâche, il est déplaisant que le feu des brasierscarrésourondssecouvredecendresblanches.

2.Lesépoques[Ils'agitdesépoquesauxquellesavaientlieudiversesfêtes.]Parmi les époques, j'aime le premiermois, le troisièmemois, les quatrième et cinquièmemois, le

septièmemois,leshuitièmeetneuvièmemois,ledouzièmemois;tousontleurcharmedanslecoursdessaisons.Toutel'annéeestjolie.

3.Lepremierjourdel'anLepremierjourdel'année,surtout,meplaît.Lecielpursevoiled'unemerveilleusebrume.Tous les

hommessoignentparticulièrementleurfigureetleurtenue,ilsprésententleurssouhaitsauPrinceetaussiàeux-mêmes.C'estvraimentravissant.Le septième jour, on va cueillir les « jeunes plantes [Ces « jeunes plantes » (wakana) passaient pour avoir des

propriétésmédicinales etmagiques. Les auteurs en ont donné des listes diverses.]»,vertesdans lesendroitsoù laneigeafondu.Quelleagitationparmilesdames,charméesdetrouvercesplantessiprèsduPalais,oùl'onn'estpashabituéàlesvoir!Ce jour-là, lesgensquidemeurentendehorsduPalaisyviennentdansdesvoituresmagnifiquement

ornées,pouradmirerles«chevauxblancs[Vingtetunchevauxqu'onfaisaitdéfilerdevant l'Empereur,etdont lavueportaitbonheur.]».Aumomentoùlevéhiculepasseleseuildelaportecentrale[Aumilieudelafaceorientalede l'enceinteextérieure.], lasecoussefaitrouleretseheurter les têtesdesdames ; leurspeignes tombent,etsi l'onn'yprendgarde,ilssontbriséssouslespieds;ilestamusantd'entendrealorslesrires.

Unefoisquej'étaisvenue,ainsi,voirlaprocessiondes«chevauxblancs»,denombreuxcourtisans,setenantprèsduposteoùveillelagardeduPalais,degauche[TroisgardesveillaientaupalaisdeKyôto:lagardeducorps,la garde impériale et la garde du palais.Chacune d'elles comprenait une division de gauche et une de droite.],prirent lesarcsdeshommesd'escorte;enriant,ilss'enservirentpoureffrayerleschevaux.Denotrevoiture,nouspouvionsàpeinelesregarderparunedesportesduPalaisintérieur;nousaperçûmescependantdesécransdejardin,prèsdesquelsonvoyaitalleretvenirdesfemmesdel'officedomestique[Elless'occupaientdeslampes,dubois,ducharbon…]etdesdamesemployéesauPalais.C'étaitbienjoli.Commejem'émerveillais,enmedemandantquellesgenspouvaientêtreainsihabituésàvivreàl'intérieurdes«NeufEnceintes[Expression poétique pourdésigner le palais.]», leshommesd'escorte,dans laprocession,passèrentàcôtédenous, si prèsquenousvoyionsdistinctementlepluspetitgrainsurlapeaudeleurvisage.Leurfardn'avaitpointtenupartout,etleur figure faisaitenvéritépenseràun jardincouvertdeneige,oùcelle-ci a fondu irrégulièrement, etlaisseapercevoirçàetlàlesolnoir.C'étaitfortlaid.Cependant,letumultedeschevauxquisedressaientm'effraya;jemeretiraienarrière,danslavoiture,etjenevisplusrien.

Lehuitième jour [Jour de cadeaux et de promotions pour les dames.], grande agitation : tous courent faire leurs

compliments,et,cejour-làsurtout,lebruitdesvoituresestplusfortquedecoutume;c'estbienamusant.Lequinzièmejour,pleinelune[Noussavonsque lesanciens japonaisavaientuncalendrierlunaire.];c'estlafêtedela

bouillie[Unefemmequirecevaitsurlesreinsuncoupdelabaguetteayantserviàremuercertainebouilliepréparéelequinzedupremiermois(la«bouilliedelapleinelune»)étaitassuréed'avoirunenfantmâle.].Danschaquemaison,lesdamesjeunesouplusâgées s'épient mutuellement. Chacune cache derrière elle une baguette ayant servi à remuer la farinedélayée, ilestplaisantdelesvoirsanscesseseretourneravec inquiétudeenprenantbiengarded'êtrebattues.Toutàcoup,onnesaitcomment,l'uneestatteinte;lajoieestextrêmeetlesrireséclatent.C'estsplendide;maiscellequel'onafrappéepeutvraimentenressentirdudépit.Le matin d'une de ces fêtes, les dames attendaient avec impatience le départ pour le Palais d'un

nouveaugendre,qui,depuisl'annéeprécédente,venaitvoirunefilledelamaison[Aumoins dans les premierstempsdumariage,lafemmecontinuaitd'habiterchezsesparents,oùsonépouxvenaitlaretrouverlanuit.].Rassembléesaufonddelasalle,ellesregardaientfurtivement,etchacuneespéraitlebattre;mais,enavant,setrouvaituneautrepersonne, et cette dernière, les observant et comprenant leur intention, se mit à rire. Ses compagnesl'avertirent,parsignes,qu'ellefaisaittropdebruit;cependant,leseigneurgendrerestaitlàtrèsdigne,etsemblaitnesedouterderien.Alors,unedesdamess'approchaendisantqu'ellevoulaitprendrequelqueobjetprèsde lui ; en courant, elle lui donnaun coupde sabaguette, et s'enfuit.Tout lemonde rit.Leseigneurlui-mêmen'eutaucuneparoledésagréable,ilsouritgracieusement,sansêtrebeaucoupeffrayé;sonvisageseteintaseulementd'unroseléger.C'étaitcharmant.Quand lesdamessebattentainsi, l'une l'autre, ilarriveque leshommessemettentde lapartie.Que

peuvent-ellesalorspenser?Ellespleurent,s'emportent,maudissentceuxquilesontfrappées,enparlentavecaversion.Quec'estamusant!LaconfusionestpartoutauPalaiset,cejour-là,mêmepourleshautspersonnages,iln'estplusd'étiquette.Quelcurieuxspectacleonvoitpartout,auPalaisImpérial,à l'époqueoùsontnomméslespréfets [Du

neuvièmeauonzièmejourdupremiermois.]!Malgrélaneigeouleverglas,lescandidatsvontetviennent,portantleursplacets.Lesfonctionnairesdesquatrièmeetcinquièmerangsquisontjeunesetgaissemblentpleinsdeconfiance.Ceuxdontl'âgeablanchilatêterecherchenttouteslesprotections;ilsviennentjusquedansleschambresoùsont lesdamesduPalais, et s'évertuentpourexposer leurspropresmérites.Commentdoncsauraient-ilsqu'aprèsleurdépart,lesjeunespersonnesrientenlescontrefaisant?«Ayezlabonté

dedirececiàl'Empereur,àl'Impératrice»,vont-ilsrépétant.S'ilsobtiennentlaplacequ'ilsdésiraient,c'estbien;maiss'ilséchouent,queleursortestàplaindre!

Le troisième jourdu troisièmemois [Jour de la « fête des poupées », fête des jeunes filles.], j'aimeque le soleil

brilledansuncielpuretcalme.Lespêcherscommencentàfleuriret,poursûr,lessaulessontaussitrèsjolis.Leursbourgeonssontencoreenveloppésd'ouate,etc'estravissantainsi:quandellessontouvertes,lesfeuillesdesaulesontlaides.Aureste,dèsquelesfleurssonttombées,touslesarbresmeparaissentsanscharme.Lorsqu'on a cueilli une longue branche de cerisier, gracieusement fleurie, et qu'on l'amise dans un

grandvaseàfleurs,c'estvraimentdélicieux,surtouts'ilsetrouvelàquelquevisiteurenmanteaudecour,couleur de cerisier, dont lesmanches laissent voir le vêtement de dessous ; oumême l'un des jeunesseigneurs,frèresaînésdel'Impératrice.Ons'assiedalorstoutprèsdecevasefleuri,oncausedetouteschoses. C'est très agréable ; et c'est encore plus charmant si, alentour, vient voler quelque oiseau ouquelquepapillonauxcouleurséclatantes.Àl'époqueoùl'oncélèbrelafêtedeKamo[LetempleshintoistedeKamo,comprenantdeuxsanctuaires,s'élevaitaunord

etàpeudedistancedeKyôto.Lafêterégulièredecetemple,encoreappelée«fêtesdesrosestrémières»parcequecesfleursornaientlessanctuaires, les voitures, les coiffures des assistants…, était célébrée au quatrième mois, le deuxième jour de l'Oiseau.], tout paraitextraordinairement joli.Lesarbresontde jeunes feuillesd'unvert tendre ;mais aucunn'en est encoreabondammentgarni.Sansavoirpenséd'avanceàl'admirer,onestcharméparlabeautéduciel,quin'estcachéniparlabrumeniparlebrouillard;maisqueldouxémoionressentquand,verslesoir,alorsqueleciels'estcouvertdequelquesnuages,oubiendanslanuit,onentendlechantd'uncoucouquisecache,silointain,siindistinct,quel'ondoutedesesoreilles!Quandlafêteestproche,ilestamusantdevoiralleretvenirlesserviteurs,portantdespiècesd'étoffe

«vertetfeuille-morte»ouviolette,pliées,qu'ilsontenveloppéesdansdupapier,àlahâte,etmisesdanslescouverclesde«longuesboites».Verscetemps,lestissusdenuancesdégradéesoumélangées,ceuxquel'onateintsaprèslesavoirroulés,puistordus,semblentplusjolisquedecoutume.Les jeunes filles qui doivent suivre le cortège ont eu leurs cheveux lavés et peignés ; mais toutes

portent encore leurs vêtements ordinaires, fanés et décousus ; il en est même dont les habits sont endésordre.Cependant,quelleconfusionlorsqu'onleurordonned'enfilerlescordonsdeleurssandalesoudeleurssouliers,etdebattreladoubluredeleurschaussures!J'aimeàlesvoircourirpourtromperleurimpatience,avantlejourattendu;maisquandellesontrevêtulecostumed'apparat,ilestcurieux,aussi,de les regarder : ellesquid'habitudemarchent en sautantdrôlement, ellesvont lentementde-ci, de-là,avecl'extrêmegravitédubonzequiprécèdeuneprocession.J'aimeencoreàvoir lesmères, lesjeunestantes, lessœursaînées,chacuneparéesuivantsonrang,quiaccompagnent les jeunesfilles,dontellescorrigentlamisetoutenmarchant.

4.ChosesparticulièresLangagedebonze.Langaged'hommeetlangagedefemme[Lesfemmesemploientmoinsdemotsd'originechinoiseque

leshommes.].Langagedesgensvulgaires:leursmotsnemanquentpasd'avoirunesyllabedetrop.Ilestvraimentpitoyablequedesgensquisansdouteaimentleursenfantspuissentenfairedesbonzes.

Assurément,c'estunétatquiprometbeaucoup [Jusqu'à la septième génération, les parents de celui qui entrait en religion

étaientsauvés.];maislemondel'estimeaussipeuqu'unméchantmorceaudebois[Ou:«ceseraunmalheurpourluid'avoiràregarderleschosesagréablesdelaviecommesic'étaientdesboutsdebois».],etvoilàquiestregrettable.Lesbonzesfontdemauvais repasd'abstinence, etdormentmal ; ils n'enont pasmoins, quand ils sont jeunes, lesenthousiasmesde leurâge,etcommentneregarderaient-ilspas,sansenavoir l'air,ducôtéoùsont lesfemmes ? La foule y trouve cependant à redire ! Le sort d'un exorciste [Yaniabushi (celui qui couche sur lamontagne);unprêtreerrantquicherchait,enfaisantdespèlerinages,desretraites,àacquérirdespouvoirsmagiques.]estencorepluspénible.Tandisqu'ilmarche,qu'ilvaenpèlerinageàMitake,àKumano[LesdieuxshintoïstesadorésdanslestroistemplesdeKumano,enKii,furentregardéscommelesavatarsdedivinitésbouddhiques;ilenfutdemêmepourledieudelamontagnedeMitake, en Yamato.], à toutes les saintes montagnes, sans en omettre une seule, il doit subir de terriblesépreuves.Lorsquesesprièressontefficacesetquesarenomméecommenceàserépandre,onl'appelledetoutesparts,etplusilestàlamode,moinsiladetranquillité.Parfois,quandl'exorcisteestauprèsd'unepersonnegravementmalade,ilabeaucoupdepeineàdompterl'espritmauvais,iltombedefatigueetdesommeil ;alors lesgens leblâmentendisantqu'ilne faitquedormir.Quelembarraspour lui ! etquepeut-ilpenser?Maistoutcela,c'estcequel'onvoyaitjadis.Lesbonzessemblentavoir,aujourd'hui,unevieplusfacile.Quand l'Impératrice [Sadako, fille aînée du maire du Palais.] se rendit [Au huitième mois de 999.] à la maison de

l'IntendantNarimasa, son palanquin entra par la porte de l'est, établie pour la circonstance sur quatrepiliers.Lesdamesd'honneurvoulurentfairepasserleurvoitureparlaportedunord,prèsdelaquelleiln'yavaitpointdepostedegardes.Cellesdont la coiffureétaitdéfaiten'avaientpaspris le soinde laremettreenordre,pensantavecdédainque,seuls,lesdomestiquesquiferaientapprocherlevéhiculedelamaison [La voiture, dételée à l'entrée de la cour, était ensuite tirée par des valets.] nous pourraient voir. Cependant,comme la porte que nous avions choisie était trop étroite, notre voiture, couverte de palmes, n'y putpasser et resta prise. On étendit sur le sol, ainsi qu'on a coutume, des nattes pour nous préparer unchemin,etnousdescendîmes.Nousétionsfurieuses;maisqu'aurions-nouspufaire?Nouseûmesmêmeledésagrémentd'êtrevuespardescourtisansetdesgensderanginférieurquisetenaientprèsdupostedesgardes.Arrivéesdevantl'Impératrice,nousluicontâmescequiétaitadvenu;elleditenriant:«N'ya-t-il donc pas, ici également, des gens qui peuvent vous regarder ? Pourquoi avez-vous été sinégligentes?–Sansdoute,répondis-je ;maiscommetout lemonde,danscettemaison,a l'habitudedenousvoir,sinotretoilettemontraittropderecherche,certainss'enétonneraient.Etpuis,est-ilpossiblequ'unpareilpalaisaituneportetropétroitepourunevoiture?Jeriraibienquandjeverrail'Intendant!»Justeàcemoment,ilentra,portantuneécritoirequ'ilmepriadedonneràl'Impératrice.«Voilà,luidis-je,quiestbienmal,pourquoihabitez-vousunemaisondontonafaitlesportessiétroites?–Mamaison,répondit-il en souriant, est appropriée àmacondition. –Pourtant, j'ai entendu parler de quelqu'un quiavaitfaitbâtiruneportetrèshaute,autantqu'ilavaitétépossible!–C'esteffrayant!s'écria-t-il,surpris,vousvoulezparlerd'UTeikoku [Yu Ting-kouo, unChinois qui vivait sous les premiersHan, et dont le nom est donné par Sei,commetousceuxquenousrencontrerons,avecsalecturejaponaise.Sonpère,prévoyantpourluiuneglorieusedestinée,voulutquesapropredemeureeûtuneporteassezgrandepourlaisserpasserleséquipagesqu'ilnemanqueraitpasd'avoirunjour.].J'auraiscruquel'onnepouvaitconnaîtreceschoses-làsil'onn'étaitunvieuxsavant.C'estseulementparcequejemesuismoi-mêmehasardédanscettevoied'étudesquej'aipucomprendrevotreallusion.–Votrevoie,répliquai-je,nesembleguèreremarquable.Onaétenduunchemindenattesquiafaittombertoutlemonde,etc'étaitun beau désordre ! – Il pleuvait, dit-il, et sans doute était-ce en vérité comme vous l'assurez ; maislaissonscela,jenesaiscequevouspourriezajouterencore;jevousquitte.»Etils'enalla.«Qu'yavait-il?demandal'Impératrice.Narimasasemblaittoutdécontenancé.–Cen'estrien,répondis-jealors;jeluidisaiscommentnotrevoituren'avaitpuentrer»;puisjemeretiraidansmachambre.

Plusieurs jeunes personnes y logeaient avec moi. Nous étions toutes si fatiguées que nous nousendormîmessansnousoccuperderien.Nouslogionsdansl'ailedel'est,etiln'yavaitpasdeverrouàlaporteàcoulisse,situéeaunord,quiouvraitsurlasalleabritéesousl'appentisdel'ouest;maisnousnenousétionspasmêmerenseignéeslà-dessus.Narimasa,quiconnaissaitbienlesaîtres,puisquelamaisonluiappartenait,vintànotrechambre;entrebâillantlaporte,ildemandaplusieursfois,d'unevoixétrange,rauque«Quediriez-voussi j'entrais?»Comme jem'éveillaiset regardais, surprise, la lumière d'unelampeplacéederrièrel'écran[Kichô.Cetécranétaitforméd'unTdeboisdontlabranchehorizontalesupportaitunrideau.]melefitvoirdistinctement.Ilparlaitenouvrantlaported'environcinqpouces.C'étaitfortdrôle.J'avaisaussibeaucoupdeplaisiràpenserqu'àl'ordinaire,cethommen'auraitprobablementjamaisfait,mêmeenrêve,une chose aussi déraisonnable. S'il avait ainsi agi à sa fantaisie, c'était, pour sûr, parce qu'il avaitsupposé,aprèsl'arrivéedel'Impératricedanssamaison,qu'unpareilhonneurluidonnaittouslesdroits.J'éveillailadamequidormaitàcôtédemoi,et luimurmurai :«Regardezcela ;vousn'avez, jecrois,jamaisrienvudepareil.»Touteslesdames,levantlatête,regardèrentetsemirentàrireenapercevantNarimasa.«Quiestlà?demandai-je,montrez-vousfranchement.–Iln'yariend'important,répondit-il.Lemaîtredelamaisonveutseulementdiscuterquelquepointavecladamequigouvernelachambre.–Jevousavaisparlé, répliquai-je, de l'entréedevotre cour ;maisvous avais-jedit d'ouvrir cette porte àcoulisse?–C'est justementàproposdemaporteque jevoulaisvousentretenir ;vraiment,nepuis-jeentrerun instant?»Lesdames rirentendéclarant :«C'est tropdésagréable.Non, ilne fautpasqu'ilentre.»«Ah!s'écrial'Intendant;ilyalàdejeunesdames!»Aprèsavoirfermélaporte,ils'enalla.Lesriresredoublèrentquandilfutparti.Puisqu'ilétaitvenudansl'intentiond'ouvrircetteporte,ilauraitmieuxfaitd'entrerd'abord,sansriendemander;maissiquelqu'uns'annoncecommeNarimasaavaitfait,quidoncluirépondraquec'estbien,etqu'ilpeutentrer?C'étaitvraimentamusant,etlelendemainmatin,quandjefusprèsdel'Impératrice,jeluiracontailesévénementsdelanuit;ellemeréponditenriant:«Jen'aijamaisentendudireunepareillechosedeNarimasa;sansdouteest-ilallévousvoirparcequevotre allusion d'hier soir l'avait charmé. Il me fait pitié, je suis désolée que vous lui ayez parlé sivilainement!»Unjour, l'ImpératriceexpliquaitàNarimasacommentondevaitfaire lescostumesd'apparatdestinés

auxjeunesfillesappartenantàlasuitedelaPrincesseImpériale[Osako,lafille(néeleseizièmejourdudouzièmemois,en996)deSadako.].«Etlevêtementqu'ellesmettrontpar-dessuslegilet[Narimasa remplace lenomduvêtement,qu'ilignore, par une périphrase.]demanda-t-il,dequellecouleurdoit-il être?»Les riresque l'onentendit étaientjustifiés, cette fois encore.Narimasa dit peu après : « Si l'on présente à la Princesse de la vaisselleordinaire,ceseralaid;ilfaudrait,cemesemble,un«peutit[Laprononciationdel'intendantestincorrecte.]»platetun«peutit»plateau.– Il faudraitaussi, luidis-je,qu'elleeûtauprèsd'elledes jeunesfillesportant levêtementquel'onmetpar-dessus!»Maisl'Impératricemetança:«Neleraillezpasainsi,commefontlesgensordinaires.C'estunsibravehomme!J'aipitiédelui.»Laréprimandemêmemefutagréable.Alorsquej'étaisoccupée,nemesouciantpasderecevoirdesvisites,onvintm'avertirquel'Intendant

étaitlàetdésiraitmeparler.L'impératrice,ayantentendu,medemanda:«Queva-t-ilencoredirepourserendre ridicule ? » ce quim'amusa fort.Comme ellem'ordonnait d'aller voir, je sortis tout exprès, etNarimasamedit:«J'airacontéauDeuxièmesous-secrétaired'État[TairaKorenaka,frèredeNarimasa.]l'histoiredema porte, de l'autre soir, et il a beaucoup admiré votre esprit. Aussi veut-il absolument avoir, aupremiermomentfavorable,unentretienavecvouspourdiscuterlaquestion.»L'Intendantn'ajoutarien.Jemedemandais,lecœurbattant,s'ilallaitmeparlerdecequis'étaitpassécertainenuit ;mais ilmedit

seulement,enprenantcongé :«Undeces jours, j'iraivousvoirdansvotrechambre,etnouspourronscauseràloisir»;puisils'éloigna.Quandjefusrevenueprèsdel'Impératrice,ellevoulutsavoirdequoiils'agissait.JeluirépétaifidèlementcequeNarimasam'avaitdit,etj'ajoutaienriant:«Lachosen'étaitpastellementurgentequ'ileûtbesoindesefaireannoncerpourcela,etdemeprierdesortiralorsquej'étais de service ; il pourrait bien venirme parler, tout simplement, quand je suis tranquille dansmachambre.–Ilaurapensé,réponditl'Impératrice,quedeslouangesfaitesparunepersonnedontilestimelui-même la sagesse vous seraient agréables, il aura voulu vous en informer bien vite. »Qu'elle étaitbelleenmeparlantainsi!L'Empereur[Ichijô,néen980.Ilrégnade986à1011,annéedesamort.]avaitaccordélecinquièmerang[Littéralement:

«lacoiffuredenoblesse».]àl'augustechatteduPalais.EllesenommaitMyôbunoOmoto,et,commeelleétaitfortjolie,SaMajestévoulaitqu'onveillâtsurelle.Unjour[Autroisièmemoisdel'anmille.],cependant,elleétaitsortieetsetenaitsurlavéranda,prèsdubord;UmanoMyôbu,ladamequiavaitchargedelasoigner,l'appela:«Allons,malélevée;rentrez,s'ilvousplaît!»Maislachattenel'écoutapas,elles'étiraausoleil,ensuite elle s'endormit.Pour l'effrayer, ladameparladuchien, et cria«Okinamaro,oùes-tu ?ViensmordreMyôbunoOmoto».Lesotentenditetcrutqu'elledisaitcelasérieusement;ils'élançasurla chatte, qui se réveilla, épouvantée, puis se réfugia derrière le store, dans la salle à manger del'Empereur,oùSaMajestésetrouvaitjustement.L'Empereur,envoyantlachatteaccourir,futtrèsétonné;il lamit sur sa poitrine, sous son vêtement, et appela les courtisans. Le chambellan Tadataka vint, etl'Empereurordonna :«Que l'onchâtiecomme il fautOkinamaro, etqu'on l'envoieà l'îledeschiens !Sansdélai !»Tous lesdomestiquesse lancèrent,endésordre,à lapoursuiteducoupable.L'EmpereurréprimandaaussiUmanoMyôbu,etdéclaraqu'il lui retiraitsacharge,caronnepouvaitavoiraucuneconfianceenelle.Ladame,s'inclinantrespectueusement,sortitetnereparutpasdevantSaMajesté.Quantauchien,ilfutchasséduPalaisetpoursuivipardesgardesappartenantauservicedeschambellans.Nousdisions,désolées : «Hélas !pauvre chien.Luiquimarchait avec tantde fierté !Le troisième jourdutroisièmemois,alorsqueleCenseursous-chefdeschambellans [FujiwaraYukinari.] lepromenait,couronnéd'uneguirlandedefeuillesdesaule,avecdesfleursdepêchersurlatêteetdesfleursdecerisiersurledos,aurait-onpenséqu'ildûtavoirunsortpareil?Aumomentdesrepasilnemanquaitjamaisdevenirprèsdenous.Quelletristesse!»Troisouquatrejourss'étaientainsiécoulésquand,versmidi,nousentendîmesdesaboiementsrépétés.

Nous nous demandions quelle bête pouvait crier si longtemps ; et tous les chiens se précipitèrent entumultepourallervoir.Unefemmeemployéeaubalayagedescabinetsaccourutendisant:«Ah!c'estaffreux,ilyalàdeuxchambellansquibattentunpauvrechien.Sûrementilvamourir;onlepunitparcequ'ilestrevenuaprèsavoirétéchassé!»Quelle tristechose!Ildevaits'agird'Okinamaro.Lafemmeajoutaquec'étaitTadatakaetSanefusaquibattaientcechien,etjevenaisd'envoyeruneservantelesprierdes'arrêter,quand,àlafin,lesaboiementscessèrent.Laservante,àsonretour,nousappritquelechienétaitmort,etqu'onl'avait jetéparunedesportesdel'enceinte.Vers lesoir,commenousdéplorions lesort de la pauvre bête, un chien horriblement enflé, qui paraissait pitoyable, s'approcha de nous entremblant. « Serait-ceOkinamaro ? demandions-nous.Quelqu'un a-t-il pu voir, ces temps derniers, unchiencommecelui-ci?»Nousappelions:«Okinamaro!»Maisiln'avaitpasl'airdecomprendre,etnousn'étions pas d'accord, les unes affirmant que c'était notre chien, les autres soutenant le contraire.L'Impératriceditalors:«Ukon [Une filled'honneurde l'empereur.]leconnaîtbien,appelez-ladonc.»Ukonsetrouvaitdanssachambre;onallaaussitôtlachercherenluiassurantqu'ils'agissaitd'unechoseurgente,etdèsqu'ellefutarrivée,l'ImpératriceluidemandasicetanimalétaitOkinamaro.Ukonréponditqu'illuiressemblait,maisqu'ilétaittropdégoûtant.«Etpuis,poursuivit-elle,quandj'appelaisOkinamaroparson

nom,ilaccouraitjoyeusement;j'aibeauappelercelui-ci,ilnevientpas;cen'estpaslui;dureste,onm'aditqu'onavaittuéOkinamaroàforcedecoupsetqu'onl'avaitjetédehors;commentpourrait-ilêtreencorevivant,aprèsavoirétébattupardeuxhommesdecetteforce?»L'Impératriceenfuttoutattristée.Lesoirétantvenu,ondonnaquelquechoseauchien;maisilnemangeapas,etnousfinîmesparconclurequecen'étaitpaslenôtre.Lelendemainmatin,j'allaiauprèsdel'Impératricepourlacoiffer.Jeluiprésentail'eaupourlesmains,

puisellem'ordonnadetenirsonmiroir.Pendantquejefaisaiscommeellem'avaitdit,j'aperçuslechiende laveille qui était humblement couché aupiedd'unpilier. «Hélas !murmurai-je, qu'il est triste depenserqu'hieronabattusicruellementOkinamaro,etqu'ildoitêtremort!Dansquelcorpsaura-t-ilpurenaîtrecettefois?Commeiladûsouffrir!»Lechienquiétaitcouchélà,entendantcesparoles,semitàtrembleretàverserdeslarmesetencoredeslarmes.Nousrestionsstupéfaites.«C'étaitbienOkinamaro,ajoutai-je;maishiersoir,iln'apasosésefairereconnaître.»Iln'estpasdemotspourdirecombiennousnoussentionsémuesetcharmées.Jeposailemiroir,etj'appelai:«Alors!Okinamaro!»Lechiens'étiratout à plat sur le sol, il aboya joyeusement.L'Impératrice souriait en l'entendant ; toutes les dames serassemblèrent,etSaMajestémandadenouveauUkon, lafilled'honneur ;elle luiracontacequis'étaitpassé, ce qui fit rire et s'exclamer tout lemonde. L'Empereur, apprenant la chose, vint et dit avec unsourire:«C'estsurprenant.Penserqu'unchienauncœurpareil!»Lesdamesd'honneurdel'Empereuraccoururentaussienfoule,etcettefois›quandonl'appela,lechienselevaetfitquelquesmouvements.Saface,cependant,étaitencoregonflée.«Ilfaudraitluidonneràmanger»,dis-je;etl'Impératrice,toutejoyeuse,semitàrireendéclarant:«Àlafin,ilabienfalluqu'ilsedénonçât.»Tadataka,arrivantdel'office, s'écria : « Vraiment, c'est lui ? Je ne croirai rien avant de l'avoir vu » ; mais je répondis :«Hélas!c'estaffreux,cen'estpaslui!–Detoutefaçon,répliqua-t-il,jefiniraiparvoircechien;vousnesauriezlecacherassezbienpourquejenepuissel'apercevoir!»Bientôt,l'ordreimpériald'expulsionfutannulé,Okinamaroretrouvasonbonheurpassé.Encoremaintenant,jemesouviens,avecuneémotionsanségaleaumonde,dumomentoù,tandisquenousleplaignions,ils'approchatremblantetpleurantmeslarmescoulentlorsqu'onm'enparle.Lepremierjourdel'an[Sei énumère lesdatesdes« cinq fêtes» (gosekku):premier jour du premiermois, troisième jour du

troisièmemois(fêtedespoupées),cinquièmejourducinquièmemois(fêtedesacores),septièmejourduseptièmemois(fêtedelatisserandecéleste),neuvièmejourduneuvièmemois(fêtedeschrysanthèmes).]etletroisièmedutroisièmemois,ilconvientqueleciel soit très clair. Le cinquième jour du cinquième mois, il vaut mieux qu'il reste couvert toute laJournée.Leseptièmejourduseptièmemois,j'aimequelecielsoitd'abordnuageuxetqu'ils'éclaircissevers le soir. Il faut que la lune y resplendisse, et qu'on puisse voir la forme des constellations. Leneuvièmejourduneuvièmemois,sidèsl'aubeiltombeunpeudepluie,leschrysanthèmessontmouillésd'uneabondanterosée,leduvetdesoiedontonlesacouvertsesttouthumide.Oncélèbrealorsleparfumquil'apénétré;si,lapluieayantcessédebonneheure,lecielrestesombreetletempsmenaçant,c'estdélicieuxencore.

Qu'ilestamusantdevoirlesfonctionnairesnouvellementpromusquandilsviennent,respectueusement,

remercierl'Empereuretleféliciter.Derrièreeux,unserviteurarelevélatraînedeleurvêtement,ilsontàlamain leur tablette,et ils se tiennenten facede saMajesté. Ils seprosternentet se trémoussentavecanimation.ÀlapartieorientaleduPalaisactuel[UnincendieayantdétruitlePalaispuretfrais,sarésidence,l'empereur,dusixièmemois

de999audixièmemoisdel'anmille,habitalePetitpalaisdelaPremièreavenue,queSeiappelleicilePalaisactuel.],onadonnélenomde«postedunord».Ils'ydresseunchênesihautquel'onsedemandetoujours,enlevoyant,combienil

adebrasses.LeVice-capitainedelagardeducorps[MinamotoNarinobu.]ditunefois:«Ondevraitlecouperaupiedetenfaireunéventailpourl'Évêque[Sôzu,ledeuxièmerangdanslahiérarchiebouddhique.]Jôshô[OuJôchô.]»Or, il arriva que cet évêque fut nommé intendant du temple de Yamashina [à Nara, en Yamato.], et vintprésenterseshommagesàl'Empereur.LeVice-capitaine,ensaqualitéd'officierappartenantàlagardeducorps,se trouvait là,etcommel'Évêqueavaitmisdehauteschaussures, il étaitd'une tailleeffrayante.Après son départ, je demandai auVice-capitaine : « Pourquoi cela ?Vous ne lui avez pas donné sonéventail?Vousn'oubliezrien!»–merépondit-ilenriant.

5.Montagnes[Laplupartdesnomsquifigurentdansdeslistescommecelle-cinesontmentionnésqueparcequ'ilsrappellentàSeiquelquefaitparticulier

ou, plus souvent, quelque souvenir littéraire. Les traductions proposées pour quelques-uns de ces noms, comme toutes celles qu'on pourratrouverdansl'éditionprimitive,neprétendentpasêtreautrechosequedes«étymologiespopulaires».]Lamontagned'Ogura,lemontMikasa[«des troisparapluies»ou«des troischapeaux» ; enYamato,prèsdeNara.], la

montagnedeKonokure, celle deWasure, lamontagned'Iritachi, lamontagne deKase, lamontagne deHiwa. Lamontagne de Katasari [« qui cède la place », endroit inconnu.] ; vraiment, il est bien amusant de sedemanderdevantquielleaétésiréservée!Lamontagned'Itsuwata, lamontagnedeNochise, lamontagnedeKasatori, lamontagnedeHira.Au

sujetdelamontagnedeToko[Poésiedel'empereurShômu(724-748),recueilliedansleKokinshû.LamontagnedeTokoestsituéedans la province d'Omi.], il est charmant de se rappeler la poésie qu'un empereur aurait, composée : « Nedivulguepasmonnom.»Lamontagned'Ibuki[EnOmi,célèbredanslalégendeshintoïste.Uneautremontagnedumêmenoms'élèveenShimotsuke.].À

proposdelamontagned'Asakura[EnChikuzen.Allusionàuneanciennepoésie.],ilesttrèsamusantdepenserque,sansdoute, lesamisd'autrefoissesont revusailleurs !Lamontagned'Iwata.Lamontagned'Ôhire [« dugrandaileron»,enSettsu.Onappelaithireunepièced'étoffelégère,attachéeàl'épauledesdames.Autroisièmemois,ledeuxièmejourduCheval,unedansedite«dugrandaileron»(hiredésignanticiunmouvementcirculairedesbras)étaitexécutéeàlafêtespécialedutempleshintoîsted'Iwashimizu(oudeYawata,oudeHachiman), situéàunevingtainedeKilomètresausuddeKyôto.]meplaîtaussi:sonnomnemanquepasdemefairesongerauxenvoyésimpériauxàlafêtespécialed'Iwashimizu.LamontagnedeTamuke.LamontagnedeMiwa[«destroisroues»,«destroisanneaux»;enYamato.]mecharme.Lamontagned'Otowa.LesmontagnesdeMachikane,deTamasaka,deMiminashi,deSue-no-matsu,de

Katsuragi[AuxconfinsdesprovincesdeYamatoetdeKawachi.UnermiteduVIIesiècleayantpriéledieudeKatsuragidebâtirunpontentre deuxmontagnes, et voyant que la construction n'avançait guère, en demanda la raison. Le dieu répondit qu'il était trop laid pour semontrerpendantlejour,etqu'il travaillaitseulementlanuit.].L'augustemontagnedeMino.LamontagnedeHahaso.LesmontagnesdeKurai,deKibi-no-naka,d'Arashi,deSarashina,d'Obasute[«delatanteabandonnée»,enShinano.Lenomdecettemontagnerappelleunelégenderapportéedansles«ContesduYamato»:uneprincesse,quiavaitépouséundesdescendantsdeladéessesolaire,regrettaitd'avoirunetantedontlalaideuretlaméchancetégâtaientleurbonheur.Ellelapersuadademonter,pouradmirerlalune,surunpicoùlamégèresefonditdanslesrayonsdel'astre.],d'Oshio,d'Asama,deKatatame,deKaeru,d'Imose.

6.PicsLespicsdeYuzuruwa,d'Amida,d'Iyataka.

7.PlainesLesplainesdeTakawara,deMika,d'Ashita,deSonowara,deHagiwara,d'Awazu,deNashi,d'Unaiko,

d'Abe,deShino.

8.Marchés[ou:«Villes».]Le marché de Tatsu. Parmi tous les marchés du Yamato, celui de Tsuba mérite une attention

particulière,carlespèlerinsquivontautempledeHasenemanquentpasdes'yarrêterpeut-êtrea-t-ilavecKwannon[Ladéessebouddhiquedelapitié,figureféminiséed'Avalokitesvara,quel'onadoraitàHase,enYamato.]uneaffinitéspéciale?Lesmarchésd'Ofusa,deShikama,d'Asuka.

9.GouffresLegouffredeKashikofuchi [« le gouffre de la sagesse ».]. Ilest trèsamusantdesedemanderquelprofond

espritonapuluitrouverpourluidonnercenom!LegouffredeNairiso[«N'entrepas»,enKawachi.].Àquicetavisétait-ildestiné,parquipeut-ilavoirétédonné?Le gouffre d'Aoiro [«Vert-jaune ». Les chambellans portaient un costume vert clair, ou vert-jaune, couleur des vêtements de

l'empereur.]mecharmeaussibeaucoup:onenauraitpufairelecostumedeschambellans.Lesgouffresd'Inabuchi,deKakure,deNozoki,deTama.

10.MersLelacBiwa[«Lelacdelaguitare»,enOmi,ainsiappeléàcausedesaforme.Onnoteraqueletitreduchapitredoitêtreentendu

avecunsenstrèslarge.].LesmersdeYosa,deKawaguchi,d'Ise.

11.BacsLesbacsdeShikasuga,deMitsuwashi,deKorizuma.

12.TombesImpérialesLestombeauxdel'Uguisu[«durossignol».],deKashiwabara,d'Arne.

13.ÉdificesLaPortedelagardeducorps.LePalaisdelaDeuxièmeavenueetceluidelaPremièreavenuesont

beauxaussi.LesPalaisdeSomedono,deSeka,deSugawara,deRenzei,deSuzaku.LePalaisoùrésidal'empereur

qui avait abdiqué [Peut-être l'empereur Uda, qui régna de 888 à 897, puis se fit bonze.]. Les Palais d'Onu, deKôbai,d'Agata-no-ido;lePalaisdelaTroisièmeavenueorientale,lePetitPalaisdelaSixièmeavenue,lePetitPalaisdelaPremièreavenue.Surl'écrandressédevantlabaieouverteaunorddelasallequioccupel'angledunord-est,auPalais

puretfrais[Oùrésidaitl'empereur.C'estcebâtimentquedésignentparfoislesmots«Palais»ou«PalaisImpérial»employésavecleursens le plus étroit. Le soin que prend Sei de noter les noms des points cardinaux peut nous surprendre. Sans doute doit-il nous rappelerl'importancequ'accordaient lesdevinsà l'orientation.],onvoyaitreprésentél'Océandéchaîné,aveclesêtreshorriblesquil'habitent:desmonstresauxlongsbras,auxjambesdémesurées.Quandlaportedelachambreoùsetenait l'Impératrice était ouverte, nous voyions constamment ces affreuses peintures, et nous avionsaccoutuméd'en rireavec répugnance.Un jour [Probablement au troisièmemois de 994.], nous nous divertissionsainsi;prèsdelabalustrade,onavaitplacédegrandsvasesdeporcelaineverte,etonyavaitmisquantitédebranchesdecerisier,longuesd'environcinqpieds,dontlesfleursravissantesdébordaientjusqu'àcettebalustrade. Vers midi, arriva le Seigneur premier sous-secrétaire d'État [Fujiwara Korechika, deuxième fils deMichitaka.].Ilportaitunmanteaudecour,couleurdecerisier,àpeineassoupli,etunpantalonàlacets,d'unvioletsombre.Sonblancvêtementdedessousdépassaitunpeuet laissaitvoirun jolidessincramoisifoncé. Comme l'Empereur se trouvait auprès de son Épouse, le Sous-secrétaire vint, pour parler auSouverain, s'asseoir sur le plancher, dans l'étroit espace devant la porte.Derrière le store étaient lesdamesd'honneur,avecleursamplesmanteauxchinois,couleurdecerisier,qu'elleslaissaientretombersurleursépaules,leurscostumescouleursdeglycine,dekerrie[Yamabuki.Lakerrie,oucorète,adesfleursjauned'or.]detouteslesnuancesaimées,dontbeaucoupdébordaientsouslestore [D'ordinaire les femmes nemontraient pas leurvisage.Unstorelescachait,oubienelless'appliquaientàdéroberleurstraitsderrièreunéventail.]quipendait,jusqu'àmi-hauteur,devantl'entréedelagaleriedunord.Àcemoment,onservitledînerdanslesappartementsimpériaux.Ilyeutungrandbruitdepas,etnousentendîmesdistinctementquelqu'unordonner:«Faitesplace,faitesplace ! »L'aspect du ciel pur et serein étaitmerveilleux, et quand les chambellans eurent apporté lesderniersplats, ledînerfutannoncé; l'Empereursortitpar laportedumilieu,accompagnépar leSous-secrétaire, qui revint ensuite près des fleurs. L’Impératrice écarta son écran, et s'avança sur le seuil[L'impératrice, qui se trouvedans une des salles du bâtiment principal, se dirigevers unepièce située sousun appentis.].Tout,encetinstant,charmaitlesyeux,etlesdames,ravies,sentaients'évanouirdansleurespritlesouvenirdetouteschoses.Alors,leSous-secrétaire,lentement,récitalavieillepoésie:«LesmoisetlesjoursSesuccèdent;maisLemontMimoroDemeureàjamais!»[PoésiedeManjôshû.]Jetrouvaicelatrèsjoli,etvraiment,j'auraisdésiréquecettesplendeurdurâtmilleannées.Avantmêmequelesdamesquiservaienteussentappelélesgenspour leur faireemporter les tables,

l'Empereur passa dans l'appartement clé notre maîtresse. Il m'ordonna de frotter le bâton d'encre de

l'écritoireet,pendantqu'ilmeparlait,j'avaislesyeuxauciel.Jenepensaisqu'àlecontempler;j'auraisvoululeregarderainsiencorepluslongtempsque,toutàl'heure,l'Impératrice.Ilpliaunefeuilled'élégantpapierblanc,etnousdit :«Quechacuneécrive là-dessusuneanciennepoésie, lapremièredont il luisouviendra.»«Commentfaire?»demandai-jeauSous-secrétaired'État,quisetenaitau-dehors,devantlestore;maisilmerépondit:«Dépêchez-vousd'écrireetdeprésenteràSaMajestécequevousaurezfait,leshommesnedoiventsemêlerderien.»Puis,prenantl'écritoiredel'Empereur,ilnouspressaenrépétant:«Vite,vite,sansréfléchir,mêmeNaniwazu[Lapoésiedu«Bac(ouduport)deNaniwa»étaitbienconnue àl'époque de Sei.], n'importe quoi : ce qui pourra vous venir à l'esprit ! » je ne sais ce qui m'intimidatellement;maisunrougememontaauvisage,etjemesentistoutetroublée.Ens'étonnantdemonémoi,lesdemoisellesnobles écrivirent deuxou troispoèmes, sur le printemps, sur l'âmedes fleurs… ; puisellesmedirentquec'étaitmontour,etj'écrivisalorslapoésie:«Lesannéesontpassé,J'aivieilli.Cependant,Quandjeregardelesfleurs,Jen'aiplusdesoucis.»[PoésieduKokinshû.]Jeremplaçaitoutefoisl'avant-dernierversparcelui-ci:«QuandjeregardelePrince.».L'Empereurdit,aprèsavoirlu:«Sijevousaiinterrogées,c'esttout

simplementquejevoulaismettrevotreespritàl'épreuve.»Puisilnousracontauneanecdotedutempsdel'empereurEn.yû[Pèred'Ichijô.Aprèsavoirrégnéde970à984,ilse

retiraetfutremplacéparsonneveu(l'empereurKwazan),quil'imitaen986.].Cedernierordonnaunjourauxcourtisansquiétaient auprèsde lui d'écrire, dansun cahier, chacununepoésie.Certains s'excusèrent en disant qu'ilsécrivaienttrèsmal;maisl'empereurEn.yûleurrépondit:«Quel'écrituresoitlaideoujolie,jenem'ensouciepoint.Peum'importemêmesilapoésien'estpasappropriéeàlasaison»;ettousdurentobéir,malgréleurinquiétude.ParmieuxsetrouvaitnotreMairedupalais[FujiwaraMichitaka.],quiportaitalorsletitredecapitaine,dignitairedutroisièmerang.Ilserappelalepoème:«CommelamerSurlerivaged'Izumo,Quandmontelamarée,Moi,monamourpourvousEsttoujours,toujoursplusprofond.»[Poésieinconnue.]Maisilenmodifiaunvers,etilécrivit«madévotionpourmonPrince»,cedontl'empereurEn.yûfut

charmé.Pendantquel'Empereurnousdisaitcela,j'étaissiémuequejemesentais,malgrémoi,mouilléedesueur[Enparlantainsi, l'Empereurmontraitqu'ilavaitapprécié lesversdeSei.].Jemedemandesidejeunespersonnesauraientpuécrireseulementcommej'avaisfait.Dansuncaspareil,mêmecellesquid'ordinaireécriventtrès bien sont toutes malencontreusement glacées de respect ; il arrive que certaines se trompent enformantlescaractères.Aprèscela,l'Impératricemitdevantellelesvolumesdu«Recueilancienetmoderne[LeKokinsbû.]»,et,

lisant le début de chaque poésie, elle nous demanda quelle en était la fin. Parmi ces poèmes, il s'entrouvait quenous avions sans cesse à l'esprit, le nuit et le jour. Pourquoi donc, en vérité, ne nous les

rappelions-nouspasbien,etrestions-nousmuettes?LadameSaishôensavaitseulementdix,etencore…Lessavait-elle?Bienpis,certainesn'enconnaissaientquecinqousix.Ellesauraientmieuxfaitd'avouerà l'Impératrice qu'elles ne se souvenaient plus ;mais elles se désolaient : « Est-il possible que nouspuissionsaussivilainementaccueillirlesquestionsdeVotreMajesté?»Ilétaitamusantdelesentendre.Quandaucunedesdamesn'avaitditqu'elleconnaissaitlafindelapoésie,l'Impératricelalisaitjusqu'aubout ; elles se lamentaient : Ah ! ce sont des vers que nous savions toutes, comment pouvons-nousmanquerainsidemémoire?»L'Impératricenousditalors:«Cellesd'entrevousquiontcopiébiendesfois le«Recueil ancienetmoderne»auraientdû se souvenirde toutescespoésies» ;puisellenousracontacettehistoire:«Autempsdel'empereurMurakami[Pèred'En.yû;ilrégnadepuis947jusqu'àsamort(967).],vivait une princesse [Yoshiko, fille de Fujiwara Morotada.] qu'on appelait l'épouse impériale du Palais del'universeléclat;elleétaitfilleduministredegauchequirésidaitauPetitPalaisdelaPremièreavenue,et,poursûr,vousenaveztoutesentenduparler.Autempsoùelleétaitencoreune jeuneprincesse,sonpère,leministre,luidisaitenl'instruisant:«Étudiezd'abordl'écriture;pensezensuitequ'ilvousfaut,n'importecomment,arriveràjouerdelaharpeàseptcordesmieuxquepersonne;enfin,appliquez-vousàl'étude de façon à avoir toujours présentes à lamémoire toutes les poésies que contiennent les vingtvolumesdu"Recueilancienetmoderne".»L’EmpereurMurakami,àquionavaitracontélachose,s'ensouvenait ; un jour d'abstinence [Un jour où il fallait faire retraite, rester enfermé dans sa demeure.], il vint chez sonépouseencachantle«Recueil».Contrairementàl'habitude,iltiracomplètementl'écranderrièrelui;laprincessetrouvaitcelaétrangemaisl'Empereurouvritlelivre,etcommençadel'interroger:«Quelleestlapoésiecomposéepartelauteurentelleannéeetentelmois,etàquelleoccasiona-t-

elle été écrite ? » La princesse comprit de quoi il s'agissait ; mais bien que ce fût seulement d'uneplaisanterie,elledevaitêtre terriblementémueenpensantque si samémoire la trompait ou lui faisaitabsolumentdéfaut,elleenauraitunehonteextrême.L’Empereurfitvenirdeuxoutroisdames,savantesencessortesdechoses;illeurordonnademarquerlenombredesmauvaisesréponsesaveclesjetonsdejeudedames[JeudeGo.],etilrecommençad'interrogerlaprincesse.Quellescènesplendideetamusantecedevaitêtre!Enysongeant,onenvielespersonnesquisetrouvaientlà,autourdeSaMajesté.L’Empereurpressait la dame de questions ;mais avantmême qu'il eût fini de parler, toujours elle répondait avecsagacité,sansfairelapluspetiteerreur.L’Empereursedisaitqu'ill'arrêteraitdèsqu'ilapercevraitdanssesréponseslamoindrefauteouseulementlamoindreincertitude,etilsesentaitmêmejalouxdetantdesavoir.Ilsparcoururentainsidixvolumes;l'Empereurdéclaraqu'ilétaittoutàfaitinutiledecontinuer;ilmitlesignetdanslelivre,etseretiradanssonappartement.C'était,pourl'épouseimpériale,unsuccèsmagnifique.« Cependant l'Empereur, ayant dormi très longtemps, pensa, dès son réveil, qu'il était mauvais de

cesserainsilesquestionssansfaireunexamencomplet;ilréfléchitques'ilattendaitaulendemainpourles reprendre, laprincessepourraitavantcela revoir lesdixderniersvolumes,et ilvoulutenavoir lecœurnet,lesoirmême.Ilfitdoncapprocherlalampequiéclairaitlachambre,etpoursuivitsesquestionsjusqu'àuneheureavancée;maisquandilatteignitlafindu«Recueil»,ladamen'avaitpaseu,mêmeunefois,às'avouerbattue.Aprèsledépartdel'Empereur,lesgensallèrentraconterauseigneur,pèrede laprincesse,cequiétaitadvenu.Ilenfutbouleversé.IlenvoyadesserviteursdanstouslestemplespouryfaireréciterlesSaintesÉcritures [Dubouddhisme.];puis,setournantverslePalais,ilpassadesheuresenprières.Voilà,n'est-ilpasvrai,unenthousiasmepourlapoésievraimentémouvant!»L'Empereur,quiécoutaitaussicerécit,s'écria,charmé:«Commentdoncl'empereurMurakamiput-il

liretantdepoésies?Pourmoi,jenepuisseulementparcourirjusqu'àlafintroisouquatrevolumes!–Autrefois,ditquelqu'un,mêmelesgensdelabasseclasseavaienttousdesgoûtsartistiquesraffinés.Jenecroisguèrequ'onentendeparleraujourd'huid'unechosepareille…»Pendantquelesdamesformantla

suite de l'Impératrice, et les dames d'honneur de l'Empereur admises auprès d'elle, bavardaient toutesensemble,j'étaisravie;envérité,ilmesemblaitquetousmessoucisavaientdisparu[Seirappelleledernierversde la poésie citéeplushaut.].Avecpeine,jemefiguraisdédaigneusementlespenséesdesfemmessansavenirquiveillent fidèlement sur lemédiocre bonheur d'un foyer. J'aurais souhaité introduire parminous cesfillesqui,aprèstout,eussentétéd'unrangconvenable,et leurmontrer lasplendeurdumonde; j'auraisvoulu pouvoir les faire vivre quelque temps au Palais, au besoin, même, comme « troisièmes fillesd'honneur»del'Empereur.Jetrouvehaïssablesleshommesquiregardent lesdamesayantquelqueemploiauPalaiscommedes

personnes frivoles et mauvaises. En réalité, pourtant, il y a du vrai dans ce qu'ils s'imaginent ! Encommençant par Leurs Majestés très respectées, si j'ose parler d'Elles ; en continuant par les hautsdignitaires,lescourtisansadmisdevantl'Empereur,lesgensdesquatrième,cinquièmeetsixièmerangs,sansparlernaturellementdesautresdames,ilyapeudepersonnesqu'unedameduPalaisnevoiepas.Les suivantes des dames, les personnes qui arrivent de leur province, les servantes en chef, lesdomestiquesquinettoient les cabinets, cellesmêmequi sont aussi insignifiantes qu'unpetit caillou, unfragmentdetuile,sesont-ellesjamaiscachéesdehontedevantcesnoblespersonnages?Pourlesjeunesseigneurs,iln'enestsansdoutepasdutoutainsi,saufpeut-êtrepourquelques-unsd'entreeux.LorsquedesdamesayantserviauPalaissontmariées,on leurdit«madame»,on les traiteavec leplusgrandrespect;maisonpensepeut-êtrequ'ellesmanquentdecharme,parcequetoutlemondelesconnaît,etl'ona raison.N'est-il pas, cependant, glorieux pour elles d'être appelées « deuxième fille d'honneur », devenirentoutesoccasionsauPalais,etd'allercommeenvoyéesdel'EmpereuràlafêtedeKamo?Cellesd'entre elles qui restent dans leur foyer sont de très bonnes épouses, et si elles viennent au Palais àl'époqueoùlespréfetsyenvoientleursfillespourdanseràlaCinquièmefête[Auonzièmemois,ledeuxièmejourduDragon.C'est ladernièredes« cinq fêtesdupalais» (go sechi-e),qu'il ne faut pas confondre avec les « cinq fêtes populaires » (gosekku).],ellesn'auront,malgrétout,pasl'airtropprovincial,ellesnequestionnerontpaslesgenssurleschosesquileurserontinconnues[Ou:«ellesnequestionnerontpasdesinconnus».].Jetrouvecelacharmant.

14.ChosesdésolantesUnchienquiaboiependantlejour.Unenasseàpoissonsauprintemps[C'estenhiverqu'onmetlesnassesdanslesrivières,quandl'eauestbasse.Enlesvoyant

auprintemps,onpenseàlamauvaisesaison.].Unvêtementcouleurdeprunierrouge[Vêtementd'hiver,vermillon,doublédeviolet.],autroisièmeouauquatrième

mois.Unechambred'accouchementoùlebébéestmort.Unbrasiersansfeu.Unconducteurquidétestesonbœuf.Unsavantdocteuràquinaissentcontinuellementdesfilles.Unemaisonoùl'onn'offrepasdefestinàceluiquiafaitunlongdétour[Lesdevinsavaientditqu'enmarchant

dans telledirection, on risquait de rencontrer un espritmauvais.]pouréviterdemarcherdansunedirectionnéfaste.Auchangementdesaison[Lepassageduprintempsàl'été,unmomentoùd'ordinaireonestjoyeux.],c'estencoreplusdésolant!

Dansunelettrequel'onm'envoiedelaprovince,iln'yarien.Pourunelettrereçuedelacapitale,on

pourrait penser de même ; pourtant, comme on y trouve, avec une foule de choses amusantes, desnouvellesdelasociété,toutvabien.

Onaenvoyéchezquelqu'ununelettrequel'onavaitparticulièrementsoignée,onvoudraitdéjàlirelaréponse.Celle-citarde.Onattend,onpensequelemessagerauraitdûrevenirbienvite,etqueceretardestétrange;maiscettelettrequel'onavaitsisoigneusementnouéeoutordue[Aprèsavoirécrit,onpliaitlalettreenunfinruban,qu'onnouaitouqu'ontortillaitauxdeuxextrémités.]revientsalieetfroissée,letraitd'encrequienassurelesecrettouteffacé.Lamessager larapporteendisant :«Lapersonnen'étaitpas là»,Oubien :«Onarépondu que c'était jour de retraite, et l'on n'a pas voulu prendre ce billet. »C'est tout à fait triste etdésolant!Onencore:onattend;àquelqu'unquidevaitsûrementvenir,onaenvoyéunevoiture.Quandauretour

ellefaittapage, toutlemondes'écrie:«C'est lui !»etsortpourvoir ;mais levéhiculeentredans laremise,onentend lebruitdesbrancardsqui tombentbrusquement ; lorsqu'on lui demande ceque celaveutdire,leconducteurrépondqu'iln'yavaitpersonneaujourd'hui,quel'onnevientpas;puisils'enva,n'ayantfaitsortirdelavoiturequelebœuf!Ouencore:legendre[Muko,gendreadoptéparunefamilleoù iln'yapasdefils.]quel'onavaitadoptéavecgrand

remue-ménage, un beau jour ne revient plus. C'est tout à fait lamentable. On l'a laissé aller chez unepersonned'unbonrang,ayantunemploiauPalais.C'estbienàcontrecœurque l'onsedemandequanddoncilreviendra.Lanourriced'unbébéestpartieenaffirmant:«C'estseulementpouruninstant.»L'enfantlaréclame,

ontâchedelefairejouer,deleconsoler;onenvoiedire:«Revenezvite» ;mais lanourrice répondqu'ellenepourrarentrerlesoir.Cen'estpasseulementdésolant,c'estfollementhaïssable.Àplus forteraisonquedoitpenser,s'ilattendenvain,l'hommequiavaitdemandéàsonamiedevenir?Àlaported'unemaisonoùunepersonneestdansl'attente,trèstard,onfrappediscrètement.Soncœur

batunpeu,ellefaitdemanderquiestlà;maiscen'estpasceluidontelleespéraitlavenue;c'estunautre,absolumentétranger,quisenomme.L'exorcistedéclarequ'ilvadompterl'espritmalin,ilal'airtoutàfaitsûrdelui,etfaitapportersamasseetsonchapelet[L'exorcistemaniait un chapelet, ou bien une sorte de petitemassuerappelant le sceptre d'Indra, le dieu védique du tonnerre.] ; il s'assied, puis se met à lire d'une voix de fausset.Cependant,rienn'indiquequeledémonveuilles'enaller, laprotectiondivinenesefaitpassentir.Leshommes,lesfemmes,touslesparentsdumalade,assemblés,quiétaientenprière,commencentàavoirdesdoutes.L'exorcistesefatigueàliredurantplusd'une«heure[Rappelons-nousquecette«heure»-là équivalait àdeuxdesnôtres.]»,puisilditàsonaidequel'influencecélesten'agitpasdutout,etqu'onpeutselever;illuireprendsonchapelet,ilavouequeseseffortsrestentvains.Alorsilfourragedanssescheveux,dufrontausommetdelatête;ilbâilleets'étendpourdormir.Lamaisondeceluiquin'obtientpasdechargequandsontnomméslesgouverneursdeprovince.Ona

dit que tel gentilhomme serait sûrement désigné cette année, les gens qui appartenaient autrefois à samaisonethabitentmaintenantauloin,àlacampagne,accourenttousenfoule.Onnecessed'avoirdevantlesyeux lesbrancardsdesvoituresquientrentet sortent.Chacunveutaccompagner lemaîtredanssesvisitesauxtemples.Onmange,onboitduvinderiz,onbraille;maisvoicilafindespromotions,l'auroredudernierjourarrivesansquepersonnesoitjamaisvenufrapperàlaporte.Ons'étonneet l'ondressel'oreille;onentendcrierlesavant-coureursducortège;leshautsdignitairessortenttousduPalais.Lesserviteursquel'onavaitenvoyésauxnouvelles,etqui,depuislaveilleausoir,attendaientengrelottant,reviennent lentement, comme à regret. Les gens qui étaient restés à la maison n'osent pas même lesquestionner;seulslesprovinciauxdemandentquelestlenouveautitreduseigneur.Onnemanquepasdeleurrépondreironiquement.«Ilestex-gouverneurdetelleprovince!»etceuxquicomptaientvraimentsurlanominationdeleurmaîtrepensentquec'estlamentable.Lelendemainmatin,touscesgensquinelaissaientaucuneplacelibredanslamaisons'envontàlasourdine,parun,pardeux.Ceuxquiontvieilliauservicedumaîtreetnepeuventlequitterainsisepromènentensecouantlatête,enénumérantsurleurs

doigtslesprovincesqu'ilfaudrapourvoirl'anprochain.Quellepitié!Quelledésolation!Onafaitporterchez-quelqu'ununepoésiequel'oncroyaitpassable;ilnevousenvoiepasseulement

de«poèmeenréplique».Sil'onreçoitunbilletdoux,quelleconduitetenir?Mêmedanscecas,nepasrépondre,aumoins,que

lasaisonestbelle,ouquelquechosedecegenre,c'estlaissercroirequ'onmanquedegoût.Autrechoseàquelqu'unquivitdansunemaisonbruyante,àlamode,unepersonnesurannéeenvoieune

poésieenvieuxstyle,sansbeautéparticulière,qu'elleacomposéeparcequ'elleavaitdutempsàperdreets'ennuyait.Onattacheunegrandeimportanceauxéventailspourunefête,etl'ons'adresseàunartistequel'oncroit

fort habile. Cependant, quand le jour arrive, on reçoit un éventail dont le dessin est d'une laideurdépassanttoutcequel'onauraitpuprévoir.Aumessagerquiapporteuncadeauà l'occasiond'unenaissanceoud'undépart,onnedonneaucune

récompense.Mêmeauxgensquiapportentune«boulecontrelesmaladies[Les boulesmédicinales étaient faitesavecdesfeuillesd'armoiseetdesacores(joncsodorants,sobu,ayamegwa)pour lafêteducinquièmejourducinquièmemois,etavecdeschrysanthèmespourcelleduneuvièmejourduneuvièmemois.Poursepréserverdesmaladies,onattachaitcesboulesauxpiliersetauxstoresdeshabitations.]»ouun«marteauporte-chance[Onpréparaitlescanneset lesmarteauxporte-bonheur,pour lepremier jourduLièvredupremiermois,avecdesrameauxdepêcher,deprunier,dejujubier,decamélia,queliaientdesfilsdecinqcouleurs.]»depeudevaleur, il ne faut pasmanquer de donner quelque chose.Lemessager doit être charmé de recevoir unpourboirealorsqu'ilnes'yattendaitpas.Aucontraire,undomestiquearrive,l'airimportant;soncœurbatdansl'espoird'unebonnerécompense,maisils'enretournedéçu.Envérité,c'estdésolant!Unemaisonoùlemaîtreadoptaungendre,ilyaquatreoucinqans,etdanslaquelleonn'apasencore

vulaconfusionquirègneoùl'onprépareunechambred'accouchement.Unvieuxcouple,quiasansdoutedenombreuxenfantsarrivésàl'âged'hommeetpeut-êtrebienaussi

despetits-enfantsquisetraînentsurlesol,faitlasieste.Mêmesilesenfantsdesdeuxvieillardssontlesseulsquilesvoient,c'estpoureuxunspectacleforcémentpénible.Unbainchaudprisauréveil:impressionirritante.Unelonguepluieaudernierjourdel'année[Cejouretsurtoutlesuivantétaientdesjoursdefête.].Sansdoutepeut-ondireaussiquec'estdésolantquand,pendantunelonguepériodedujeûne,onaomis,

unseuljour,defaireabstinence.Uncostumeblancauhuitièmemois.Unenourricequivientàmanquerdelait.

15.ChosesdontonnégligesouventlafinLesdevoirsd'unjourd'abstinence.Lesaffairesquidurentplusieursjours.Unelongueretraiteautemple.

16.Chosesquel'onmépriseUnemaisondontlafaçadeestaunord.Unepersonnedontlesgensconnaissentlatropgrandebonté.

Unvieillardtropâgé.Unefemmefrivole.Unmurdeterreécroulé.

17.ChosesdétestablesUnvisiteurquiparlelongtempsalorsqu'onestpressé.Sic'estquelqu'undepeud'importance,onpeut

lecongédierenluidisant:«Plustard!»maissic'estunhommeavecquil'ondoitsegêner,lachoseesttrèsdétestable.En frottant le bâton d'encre deChine sur la pierre de l'écritoire, on rencontre un cheveu qui s'y est

introduit.Ouencore,unpetitcaillouétaitcachédanscebâtond'encre,etilgrince«gishi-gishi[Exempledesonomatopéessifréquentesenjaponais.]».Soudainementquelqu'untombemalade,onvachercherl'exorciste;maisiln'estpasoùd'ordinaireon

letrouve;onlecherchepartout.Onattendimpatiemmentetunlongtempss'écoule.Enfin,aumomentoùtoussententqueleurpatienceestàbout,ilarrive;onl'inviteavecjoieàfairesesprières.Hélas!peut-êtres'est-ilfatiguéàdompterlesdémons,cesjoursderniers?Àpeinea-t-ilprisplacequedéjàsavoixendormien'estplusqu'unmurmure.C'esttrèsdétestable.Unhommesanstalent,quiparlebeaucoup,àtortetàtravers,commes'ilsavaittouteschoses.Quelqu'unqui, sechauffant aubrasier rondoucarré, exposeau feu lapaumede sesmains,dont les

ridessetendent.Quanddonca-t-onvulesjeunesgensagirainsi?Maisilyadesvieillardsdéplaisantsquimettentmême lepied sur leborddubrasier rond, et l'y frottent tout encausant.Desgensdecettesorte,quandilsarriventchezquelqu'un,balaientd'abord,avecleuréventail,lapoussièredel'endroitoùilsvonts'asseoir;puisilsnesetiennentpastranquillesàleurplace,ilss'étalent,prennentleursaises,etramènent sous leurs genoux le devant de leur vêtement de chasse. On pourrait croire que de tellesmanièresserencontrentseulementchezdespersonnesnégligeables;maisj'aiconnudesgensd'uneassezbonne condition, comme un « troisième fonctionnaire » du Protocole dignitaire du cinquième rang, unanciengouverneurdeSuruga,quiseconduisaientpareillement.Demême,c'estunspectacleextrêmementdétestablequeceluidegensqui,aprèsavoirbuduvinderiz,crientfort,s'essuientlabouched'unemainhésitante,caressentleurbarbes'ilsenontune,etpassentleurcoupeàd'autres.Sansdoutes'encouragent-ilsmutuellementàboire?Ilsfrissonnent,branlentlatête,fontlamoue,etchantentdeschansonscommecellede«Lajeunefillequivintauxbureauxdel'administrationprovinciale».Toutcela,jel'aivuchezdesgenstrèsbien,etjetrouvequec'estrépugnant.Envierlesortdesautres,geindresursacondition,médiredesgens,sepassionnerpourleschosesles

plusinsignifiantes,vouloirtoutsavoir,montrerdudépitcontreceuxquinevousontpasditcecioucela,etlesvilipender,oubien,alorsqu'onn'afaitqu'entendreincidemmentquelquenouvelle,enparleravecforcedétailsàunautrecommed'unechosequel'onconnaîtraitsoi-mêmedepuisl'origine;toutcelaesttrèsdétestable.Unbébéquicriejusteaumomentoùl'onvoudraitécouterquelquechose.Descorbeauxquis'assemblentetcroassentensecroisantdansleurvol.Unchienqui,lorsqu'unhommevientvousvoiràlasourdine,l'aperçoitetaboiecontrelui.Onvoudrait

tuercechien!Onaeulafoliedefairecouchersecrètementunhommedansunendroitoùiln'auraitjamaisdûvenir,et

voilàqu'ilronfle.

Ouencore:unamiquivousrendvisiteengrandmystèreestcoifféd'unlongbonnetlaqué;aumomentoùils'enva,troubléparlacrainted'êtrevu,ilaccrochequelqueobjetquirésonneenfaisant«soyoro».C'esttrèsdétestable.C'estencoreextrêmementdéplaisantquandilsoulève,ensortant,lestored'Iyo[Lesstoresfabriquésdanscetteprovinceétaientenvogue.]suspendu,commes'ilvoulaitlemettresursesépaules,etlefaitvibrer:«sara-sara».Sic'estunstoreàtête[Unebanded'étoffeenrecouvraitlebordsupérieur.],àplusforteraison;comme il estplus rigide, levacarmequ'ilprovoqueen tombant frappe lesoreilles.Pourtant,mêmeunpareilstorenefaitpaslemoindrebruitquandonlesoulèvedoucementpourentrerousortir.Ilesttrèsdétestableaussid'ouvrirviolemmentlaporteàcoulisse.Résonne-t-ellejamaisquand,enlapoussant,onprend lesoinde lasouleverunpeu?Maissionouvremaladroitement,mêmeunchâssis recouvertdepapierjoueetrésonne.Onabienenviededormir,et l'onsecouche ;maisunmoustiques'envientvoler toutprèsdevotre

figure,ensenommant[Commeunguerrierquiattaque.]d'unevoixgrêle.Leventmêmequ'ilfaitavecsesailesestbienfortpoursapetitesse.C'estextrêmementdésagréable!Ilesttrèsdétestableaussidesedireque,peut-être,lesgensquivontdansunevoituregrinçanteontdes

oreilles qui n'entendent point. Si c'est la voiture dans laquelle je suismoi-même qui grince, c'est sonpropriétairequej'aienhorreur.Pendantqu'onraconteunehistoire,unautreprendlaparoleetchercheàmontrer,lui-même,sonesprit.

Quandilssemettentenavant,tous,enfantsougrandespersonnes,sonttoutàfaitdétestables.Vous racontez une histoire du temps passé. Quelqu'un, à propos d'un détail qu'il connaît, vous

interromptbrusquement,etvousrabaisseendémentantvosdires.C'esttrèsdétestable.Unesourisquicourtpartoutestextrêmementdésagréable.Des fillettes, des enfants, viennent chez vous et restent là unmoment.Vous les cajolez ; pour qu'ils

s'amusent,vous leurdonnezquelquesbabioles.Mais ilsdeviennentsi familiersqu'ensuite ils entrent àchaqueinstantetdispersenttout.C'esttrèsdétestable!Soitchezvous,soitauPalaisoùvousavezunemploi,quelqu'unvientvousvoir,quevoussouhaitiezne

pas rencontrer. Vous feignez de dormir ; mais les gens qui vivent près de vous accourent pour vousréveiller,ilsvoustirentetvoussecouentensemblantpenserquevousaimeztroplesommeil.C'esttrèsdétestable!Unnouveauvenu,dépassantlesplusanciens,prendl'airdetoutsavoir,parleenpédagogue,etsemêle

d'aiderlesautres.Ilestodieux!Unhomme,aveclequelonestenrelation,semetàlouerunefemmequ'ilaconnueautrefois.Bienque

letempsaitpassé,cen'enestpasmoinsdétestable;àplusforteraisons'ils'agitd'uneintriguequidureencore,onpeutalorss'imaginer…Cependant,ilarrivequecenesoitpastellementdéplaisant.Celuiquimurmureuneprièreaprèsavoiréternué.Engénéral,àpartlemaîtredelamaison,tousceux

quiéternuenttrèsfortsontextrêmementdésagréables.Lespucesaussisonttoutàfaitdétestables.Lorsqu'ellesdansentsouslesvêtements,ondiraitqu'elles

lessoulèvent.Deschiensquihurlentlongtemps,longtemps,àl'unisson,suruntonmontant.C'estsinistreetdétestable.Lemarid'unenourriceestleplusdétestable.Sil'enfantestunefille,passeencore,cariln'enapproche

pas.Maissic'estungarçon, ilenfaitsachose, ilest toujoursàcôtéde lui,dirige tout,et lesurveillecommeferaituntuteur.Ilcalomnieauprèsdumaîtrequiconques'oppose,sipeuquecesoit,auxaugustesvolontésdel'enfant;ilconsidèrelesautresserviteurscommedesanimaux.Cependant,malgrél'étrangetédesaconduite,personnen'oseprendresursoidel'accuser;ilal'airtriomphant,ildécidedetout.Quandonparle,àprésent,duPetitPalaisdelaPremièreavenue[Ilnesemblepasquecepassage,aumilieud'un

chapitreconsacréauxchosesdétestables,soitàsavraieplace.Erreurd'uncopiste?],onl'appellele«PalaisImpérialactuel».

Dupavillonoùdemeurel'Empereur,onafaitun«Palaispuretfrais»provisoire[C'est-à-dire :«onenafait,pouruntemps,lademeuredel'Empereur».]etl'Impératricehabitelebâtimentquisetrouveaunorddecelui-ci.Àl'est comme à l'ouest, entre les deuxpavillons, court une galerie ; à l'occasion, l'Empereur vient chezl'Impératrice;maisd'ordinaire,c'estellequiserendprèsdelui.DevantlepavillonduNord,onvoitunpetitjardin,avecdesplantesetdesarbres,entouréd'unehaie;

c'esttrèsjoli.Ledixième jour dudeuxièmemois [De l'an mille. Sans doute s'agit-il du vingtième et non du dixième jour.], le soleil

brillaitsplendidementdansuncielpuretcalme.L’Empereurjouaitdelaflûtedanslachambresituéesousl'appentis,prèsdelagaleriedel'ouest.LeSous-gouverneurdeKyûshû,Takatô,quiesthabileflûtiste,setenaitàsescôtés.Ilsexécutèrentplusieursfois,àdeuxinstruments,l'airdeTakasago[Une ancienne chansonpopulaire.],etleurmusiqueavaituncharmequenepeuventexprimerdebanalesparoles.Takatô,faisantleprofesseurdeflûte,indiquaitàSaMajestécommentilfallaitjouer.C'étaitvraimentsuperbe.Lesautresdamesetmoi,nousvînmesen fouleprèsdu store, et, pendantquenous les regardions, ilme semblaitn'avoirjamaiscueillidepersil[Allusionpossibleàunepoésiequirappelaitdevieuxrécits.Lesensest:«Ilmesemblaitn'avoirjamaiseudepeines.»].L’EmpereurjoualachansondeSuketada.Suketada,le«troisièmefonctionnaire»duservicedelacharpente,aobtenulepostedechambellan.

Maiscommeilestextrêmementbrutal,lescourtisansetlesdamesd'honneurl'ontsurnommé«leviolentcrocodile»,etontcomposécettechanson:«C'estunmaîtrequin'apassonpareil[Ou«àcôtéduquelonnepeutrester»(àcausedesaviolence).]C'estbienlerejetonDesgensd'Owari.»Eneffet,samèreétaitFilled'uncertainKanetoki,delaprovinced'Owari.L'Empereurjouadonccettechansonsurlaflûte;maiscommeTakatô,àcôtédelui,lepriaitdesouffler

plusfort,enassurantqueSuketadan'entendraitpas,l'Empereurrépondit:«Commentcela? ilpourraitbienentendre,mêmesijejouaisdecettefaçon!»etilsecontentadejouersansfairedebruit.Pourtant,aprèsunmoment,ilallavoirducôtédupalaisoùdemeuraitl'Impératrice,etrevintendisant:«Iln'estpaslà,jepeuxjouermaintenant»;puisilsemitàsouffler.Quec'étaitjoli!Lesgensqui,dansleurslettres,emploientdestermesmontrantleurmanqued'éducationsontvraiment

haïssables. Ah ! que leur style est détestable lorsqu'ils négligent grossièrement les distinctionsmondaines. D'ailleurs, il est en vérité fort mauvais de se montrer trop respectueux envers des gensauxquelsonnedoitpastantd'égards.Naturellement,ontrouvedétestablesdeslettresdecegenrequand,soi-même,onlesreçoit;maisonlesjugeencoretelleslorsqu'ellessontadresséesàd'autres.Laplupartdesgens,quandilssontenfacedevous,manquentdecorrection;onsedemandecomment

ilspeuvents'exprimerainsi,c'estinsupportable.Àplusforteraisonest-onsurprisenentendantceuxquiparlent,delasorte,auxpersonnesdequalité!Detellesgenssontstupidesettoutàfaitdétestables.Lesserviteursquiparlentsansrespectdeleursmaîtressontabominables.Ceuxqui,lorsqu'ils'agitdeleurspropresdomestiques,usentd'expressionscomme«daignerêtre,daignerdire[Lejaponaisestricheenformesquimarquentl'humilitédeceluiquiparle,oulerespectqu'ilapourceuxdontilestquestion,etsurtoutpourceuxauxquelsils'adresse.]»sonttrèsdétestables.Onentend,ilmesemble,biendesgensassurerquelesmaîtresdoivent,poureux-mêmes,employerlaforme«êtrehumblement[Ici,Seiparleironiquement.]»!Quand une personne qui n'a point de charme se sert de termes recherchés, ceux avec qui elle

s'entretient,ettousceuxquil'entendent,enrient.Sansdoutes'exprime-t-elleainsiparcequ'ellecroitbien

faire;maislesgensquiparlentd'unemanièresipeunaturellequ'ilsprovoquentlarailleriedoiventavoirtort.Ilest toutàfait inconvenant, lorsqu'ons'adresseàdescourtisansouàdesconseillersd'État,dedire

leurnompropre,sanslemoindrerespect;mais,àlavérité,personnenelefait.Sil'onparleauxfemmesdechambrequi servent lesdamesduPalaisen lesappelantparexemple«Cettenobleproximité [Ellespeuventapprocherl'Empereur.]»,«Cettenobledame»,ellessontsurprisesetravies,elleslouentextrêmementceluiquiaditcela.Ens'adressant,horsdelaprésencedeLeursMajestés,àdescourtisansouàdenoblesseigneurs,onemploielenomdeleurfonction.Autrechose:commentlesgrandspersonnages,quandilsparlent entre eux, devant l'Empereur, qui les entend sans doute, peuvent-ils dire « moi » ? Si l'onn'observepascesrèglesenparlant,c'estdétestable;etsepourrait-ilqu'ilyeûtquelqueinconvénientàlesrespecter?Unhommesansaucuncharmeparticulierquiprendunevoixapprêtée,quifaitl'élégant,estdétestable.Unencriersurlequellebâtond'encreglissesanslaisserdeparcellesdélayées.Lesdamesd'honneurquitrouventtoutadmirable.Unepersonnequivousétaitdéjàcomplètementantipathique,alorsqu'ellen'avaitrienfaitpourcela,et

quiserendcoupabled'unechosequivousdéplaît.Unhommequi,toutseuldansunevoiture,vavoirquelquespectacle.Quellesorted'hommecelapeut-il

être?Jenesais;maismêmesicen'estpasunepersonnedequalité,ilauraitdûemmenerquelquesjeunesgenscurieuxdetoutvoircommeilyenatant.Hélas!àtraverslesstoresdelavoiture,onl'aperçoitseul,l'airprétentieux,quiregardefixementsanspouvoiréchangersespenséesavecpersonne.Unhomme,prèsdequittersonamie,àl'aube,semetendevoirdecherchersonéventail,ousoncahier

denotes,qu'ilaposéquelquepartlaveilleausoir.Commeilfaitencoresombre,legalanttâtonneensecognantpartoutdanslachambre,etenmarmottant:«C'estétrange!»Enfin,iltrouvecequ'ilcherchait;sic'estuncahier,illefourredanssonseinavecunbruitdepagesfroissées:«soyo-soyo»,oubien,sic'estunéventail,ill'ouvretoutgrandetavantdeprendrecongé,ilenfrappel'air:«fusa-fusa».Ilseraitbanaldedirequ'unetelleconduiteestdétestable;ellemanquetoutàfaitdegrâce.Demême,celuiquis'envaquandlanuitestprofonden'anulbesoindenouersolidementlecordonde

sonbonnetlaqué.Cecordonnedoitpasêtrefixésifermement,etmême,s'illeglissedoucement,sanslenouer,soussacoiffure,est-ceunechosequel'onpuissereprendre?Mêmeencore,sisesvêtementssontcomplètementendésordre,etmalajustés,sisonmanteaudecour,ousonhabitdechasse,estdetravers,quidonc,enlevoyantàcetteheure,pourraitenrireetleblâmer?Unhomme,enpareilleoccasion,doitavoir,àl'aurore,degalantesmanières.Jel'imagine:ilsemblese

leveràregret,avecunepeineexcessive.Sonamielepresseendisant:«Ilfaitgrandjour,voyons,c'estinconvenant!»Ilsoupire,onsentqu'iln'apastrouvélanuitassezlongue,etqu'ilesttouttristedes'enaller.Ilnesehâtepasdemettresonpantalonàlacets[sashinuki,pluslongetplusvastequelepantalonportéd'ordinaire(lehakama).Leshommesavaientlesaebinukiquandilsétaientencostumedecour;ilsenattachaientlebasàleurjambeavecdeslacetsquilaissaient l'étofferetombersur lepied.]dèsqu'ilestassissursacouche;ilvientd'abordtoutprèsdeladame,etmurmureàsonoreillelafindecequ'illuiacontépendantlanuit.Ilnefaitriend'autre,maisondiraitqu'ilbouclesaceinture.Puisillèvelafenêtredetreillis,etbientôtilsvontensembleàlaporteàdeuxbattants. Il lui répète encore combien la longue journée qu'il va passer loin d'elle l'inquiète, enfin ils'éloignefurtivement.Ellel'accompagneduregard,etlesouvenirmêmedecesprécieuxinstantsdoit lacharmer.C'estlemomentdelaséparationquiresteradanslamémoiredecettefemme.Qu'il estdétestable, l'hommequi se lèved'unbond,vaetvient, effaré,dans la chambre, se serre la

taille avec le cordonde son pantalon à lacets, retrousse lesmanches de sonmanteau de cour, de son

vêtementdedessusoudesonhabitdechasse,fourrevivementdanssonseintoutcequiluiappartient,etnouesolidementsaceinture!Celuiqui,ensortant,nerefermepaslaportequ'ilvientd'ouvriresttrèsdétestable.

18.ChosesquifontbattrelecœurDesmoineauxquinourrissentleurspetits.Passer devant un endroit où l'on fait jouer de petits enfants. Se coucher seule dans une chambre

délicieusementparfuméed'encens.S'apercevoirquesonmiroirdeChineestunpeuterni.Unbelhomme,arrêtantsavoiture,ditquelquesmotspourannoncersavisite[Ou:«…voiture,demandequ'on

luiindiquelechemin.»].Se laver les cheveux, faire sa toilette, etmettre des habits tout embaumés de parfum.Même quand

personnenevousvoit,onsesentheureuse,aufondducœur.Unenuitoùl'onattendquelqu'un.Toutàcoup,onestsurprisparlebruitdel'aversequeleventjette

contrelamaison.

19.ChosesquifontnaîtreundouxsouvenirdupasséLesrosestrémièresdesséchées[EllesrappellentlafêtedeKamo.].Lesobjetsquiservirentàlafêtedespoupées.Unpetitmorceaud'étoffevioletteoucouleurdevigne[Pourpreclair.],quivousrappellelaconfectiond'un

costume,etquel'ondécouvredansunlivreoùilétaitresté,pressé.Unjourdepluie,oùl'ons'ennuie,onretrouveleslettresd'unhommejadisaimé.Unéventailchauve-souris[Éventaild'été,pliant, fait d'une feuilledepapier collée surdesbaguettesdebois.En levoyant, Sei

penseàquelquefête.]del'anpassé.Unenuitoùlaluneestclaire[PourlesChinois,laluneévoquaitlepassé.Peut-êtreSeisonge-t-elleàunepoésiedePoKyu-yi.].

2o.ChosesquiégayentlecœurBeaucoupd'imagesdefemmes,habilementdessinées,avecdejolieslégendes.Auretourdequelquefête,lesvoituressontpleines;onenvoitdéborderlesvêtementsdesdames.De

nombreuxserviteurslesescortent[Ou:«pleineàdéborder,avecdeshommes,trèsnombreux.»],lesconducteursguidentbienlesbœufsetfontcourirleséquipages.UnelettreécritesurdupapierdeMichinoku[Nomqueportaitautrefois la régionnord-estde l'îleprincipale.]blancet

joli,avecunpinceausifinqu'ilsembleraitnepouvoirtracermêmeleplusmincetrait.L'aspectd'unbateauquidescendlarivière.Desdentsbiennoircies[Ons'estdemandésilesanciensJaponaissenoircissaientlesdentsparcoquetterieou,aucontraire,pour

montrerqu'ilsnesesouciaientpasdeplaire;ilsemblequelapremièrehypothèsesoitlabonne,puisqueSeiplacelesdentsbiennoirciesparmileschosesquiégayentlecœur.].

À«égalouinégal»,jouersouvent«égal».Uneétoffedesoietrèssouple,tissuedejolisfilschinés.Lespratiquesmagiquesdepurification,destinéesàempêcherleseffetsdesmauvaissorts,exécutéesau

bordd'unerivière,parundevinquiparlebien[Ilnes'agitpasdelapurificationshintoîste.].Del'eauqu'onboitquandonseréveillelanuit.À unmoment où l'on s'ennuie, arrive un visiteur qui n'est ni trop intime ni trop étranger ; il fait la

chronique de la société, il raconte ce qui s'est passé dernièrement, choses plaisantes, détestables oucurieuses,touchantcecioucela,affairespubliquesetprivées;ilparlesansambiguïté,maisdittoutjustecequel'onpeutentendre.Celacharmelecœur.Lorsqu'on visite un temple shintoïste ou bouddhique, et qu'on fait dire des prières, on est heureux

d'entendrelesbonzes,sic'estdansuntemplebouddhique,oulesprêtresinférieurs,sic'estdansuntempleshintoïste,réciterd'unevoixagréable,sansarrêt,mieuxmêmequ'onnel'avaitespéré.Unevoituredecérémonie, couvertedepalmes,quiavanceavecune sereine lenteur.Si ellevavite,

celasemble inconsidéré,sansdignité.C'est lavoiture treillisséeque leconducteurdoit fairecourir.Àpeinea-t-onaperçucelle-ciquisortd'uneporte!Elleestdéjàpassée,onnevoitplusqueleshommesd'escortequilasuiventencourant.Ilestcharmantdesedemanderquicepeutêtre.Maissicettevoiturevalentement,sionl'atroplongtempsdevantlesyeux,celaneconvientplusdutout.Lesbœufsdoiventavoirlefronttrèspetit,tachetédeblancilestbienqu'ilsaientledessousduventre

et lebasdes jambesblancs,ainsique l'extrémitéde laqueue.Leschevauxdoiventêtrepie alezan,ougris, ou très noirs avec des balzanes et des taches blanches aux épaules ; ou encore aubères avec lacrinièreetlesjambestrèsclaires.Ilfautqu'ondiseenlesvoyant-«Pourvrai,c'estunecrinière faiteaveclefilquedonnel'écorcedumûrier!»Leconducteurd'unevoitureàbœufsdoitêtregrand,avoirdescheveuxdécolorésparlesoleiletune

facebronzée.Ilsiedqu'ilaitl'airintelligent.Les valets de pied, les hommesd'escorte doivent être sveltes.Au reste, j'aime aussi à voir tels, au

moinstantqu'ilssontjeunes,leshommesdequalité.Lesgenstropgrasmeparaissenttoujoursavoirenviededormir.Les pages doivent être petits, avoir de beaux cheveux dont l'extrémité vienne frôler doucement leur

cou.Ilfautqu'ilsaientunejolievoix,etparlenttrèsrespectueusement.C'estalorsparfait.J'aimequ'unchataitledosnoir,ettoutleresteblanc.Unprédicateurdoitavoirlafigureagréable.Lorsqu'ontientlesyeuxfixéssursonvisage,onsentmieux

la sainteté de ce qu'il explique.Quandon regarde ailleurs, sans qu'on le veuille on oublie d'écouter ;ainsi,quandleprédicateurestlaid,oncrainttoujoursdemériterlapunitionduCiel.Ilmefautquittercesujet.Simonâges'yprêtaitunpeumieux,j'auraispuécrirelà-dessus,aurisqued'encourirlechâtimentcéleste;mais,maintenant,lapeineseraittropeffrayante.Ilyadesgensqui,entendantparlerd'unprêtreparticulièrementvénérableetpieux,seprécipitentpourarriver lespremiersà l'endroitoùl'onditqu'ilprêche.Ilmesembleques'ilsagissentdelasorte,justementdanslemêmeespritdepéchéquemoi,ilsferaientmieuxderesterchezeux.Lesancienschambellans,autrefois,nechevauchaientplusà l'avant-gardeducortège, lorsdessorties

del'Empereur,etàplusforteraison,l'annéedeleurdépart,onnevoyaitpasseulementleurombredansl'enceinteduPalais.Àprésent,leschosesnesemblentpasallerjusque-là;ondonnedel'occupationàcesgensducinquièmerang,ancienschambellans.Néanmoins,ildoityavoirdesmomentsoù,danslefonddeleur cœur, ils souffrent de leur désœuvrement, lorsqu'ils s'ennuient et se rappellent leur vie agitée denaguère. Ils vont alors, bien vite, une fois ou deux, dans les endroits où se font les sermons. Ilscommencentàécouter,puissententledésird'allercontinuellementauxtemples.Mêmedanslesjoursles

pluschaudsdel'été,ilssontlà,portantdesvêtementsdedessous,entoile,decouleursvives,etétalantdespantalonsà lacets, violet clair ougris bleuâtre.On envoit qui ont, fixée à leur bonnet laqué, une«étiquetted'abstinence [Ceux pour qui la journée, d'après les devins, était néfaste, s'enfermaient chez eux ; ils attachaient cetteétiquetteaustorepouréloignerlesvisiteurs.S'ilsétaientforcésdesortir, leshommesfixaientl'étiquetteàleurcoiffure,etlesfemmesàleurmanche.]».Cejourdevraitêtrepoureuxunjourderetraite.Maissansdoutepensent-ilsquecelanelesempêchepasdesortirquandils'agitdefaireuneactionméritoire.Lesancienschambellansarriventenhâte,parlentausainthommequivaprêcher,toutenregardantlesvoituresdesdames,quel'oninstalle[Lesdames restaient dans leurs voitures, dont on avait dételé les bœufs et posé les brancards sur des tréteaux.], et ils ont l'air des'intéresseràtoutcequisepasse.Desgensquines'étaientpasvusdepuislongtempsserencontrentparhasardautemple;ilss'étonnent,vonts'asseoirl'unprèsdel'autre,bavardent,approuventdelatête,seracontentd'amusanteshistoires,ouvrentlargementleuréventaildevantleurbouche,pourrireàleuraise.Ils jouent machinalement avec leur élégant rosaire, ou regardent d'un côté, puis de l'autre, louant oucritiquant les qualités, les défauts des voitures arrêtées. Ils comparent les sermons, soit les « HuitInstructions[Unesuitedehuitsermonsconsacrésàl'explicationdu«SoûtraduLotus»(HôkekyôouHokkekyô);ces«Instructions»duraient quatre jours (cinq si l'on tient compte des séances d'ouverture et de clôture qui s'y ajoutaient).] », soit l'«OffrandedesSaintesÉcritures»,quetelsprêtresontfaitsenquelqueendroit;etpendanttoutcetemps,ilsn'accordentpas lamoindre attention audiscours qu'ils sont venus écouter.Mais qu'y a-t-il là d'étonnant ? Ils sonthabitués à l'entendre, leur oreille y est accoutumée ; il n'y a plus rien, dans ces paroles, qui lesémerveille.Onvoitaussidesgensqui,sansavoircesfaçons,arriventalorsqueleprédicateurestdéjàlàdepuisun

moment.Ilsarrêtentleurvoiture,devantlaquellelesvaletsfontunpeuécarterlafoule,etilsdescendent.Cesontdeuxoutroisjeuneshommesàlatailleélancée,vêtusd'unmanteaudecourpluslégermêmequel'ailedelacigale,d'unpantalonàlacets,d'unvêtementdesoieraide,nondoublé,àmoinsqu'ilsnesoientenhabitdechasse. Ilsentrentdans le temple, suivisd'autantdeserviteurs,et lesgens,mêmeceuxquiétaientassisdepuisledébutdelacérémonie,sedérangentpourleurfaireplace.Ilsvontsemettreaupiedd'unpilier,toutprès,aubasdelachaire,ettrèsnaturellement,ilsmanientleurchapelet,seprosternent.Enlesvoyant,leprédicateurdoitsesentirglorieux.Ilcommencesonsermon,ilsoignesondiscoursdemanièrequel'onnemanquepasd'enparlerdanslemonde.Lesauditeurss'empressentdeselever,etlesrévérencesnesontpascommencéesque,déjà,ilssongentàpartiraubonmoment,etregardentverslesvoituresdesdames.J'imaginecequepeuventalorssediredeuxamis.Decertainepersonnequel'onconnaît,onpensequ'elleestélégante;àproposd'uneautrequel'onne

connaît pas on se demande qui c'est : peut-être celle-ci, peut-être celle-là !En la considérant, on faittoutessortesdesuppositions,etc'estbienamusant.Siquelqu'unraconte:«Enuntellieu,unsermonaétéprononcé;icionafaitlesHuitInstructions»,

l'onnemanquepasd'entendredire:«Cettepersonneétait-ellelà?–Commentdonc!»C'estexcessif.Pourquoi lesdamesdequaliténepourraient-ellesseulement regarderà ladérobée lesendroitsoù l'onprêche,alorsquemêmedesfemmesdelabasseclasseentendent,parait-il,lessermonsavecbeaucoupdeferveur?Cependant,quandoncommençad'allerécouterlessermons,onnevoyaitpasdefemmeyveniràpied,ousi,parhasard,quelques-unesyvenaientainsi,ellesétaientconvenablement,élégammentvêtuesen«costumedejarre[Latraductionestfondéesurunjeudemots.Ils'agitd'unmanteauquienveloppaittoutlecorps,depuislatête,etdontlebas,relevé,étaitserrésouslaceinture.(Lejaponaistsubo-sôZokidserattacheàisubomuru,«fermer,serrer»,etnonàtsubo,«jarre»,commepourrait le faire croire le caractère chinois employé). Pardessus lemanteau, était posé unvaste chapeau.]».Dans lemêmecostume, les femmes se rendaient enpèlerinageaux temples.Quant aux sermons, elles n'y allaient passouvent à pied ; les exemples d'une telle conduite que j'ai entendu citer ne sont pas particulièrementnombreux. Si les gens qui ont connu cette époque avaient vécu assez longtemps pour voir le temps

présent,combienilspourraientcritiqueretblâmer!Alors que j'étais retirée au temple de Bôdai [En Yamashiro, à l'est de Kyôto.], où l'on faisait les « Huit

InstructionsdelaProfessionbouddhique[Pourencouragerlesvocationsreligieuses.]»,onm'apportacemessagedelapartd'uneamie:«Revenezbienvite,s'ilvousplaît;jesuis,sansvous,toutedésolée.»Surunpétaledelotus[Unefleurdepapier.],j'écriviscesquelquesvers:«Mêmesil'onvientmechercher,Comment,abandonnantlaroséeDepareilslotus,Retournerai-jeDanslemondechangeantetfrivole?»[Enparlantdelaroséedeslotus,Seifaitallusionàlasaintetédescérémoniesauxquelleselleassiste.Leverbetraduitpar«abandonner»

signifieégalement«seposer»;c'estun«motconnexe»de«rosée».]etj'envoyaicepétale.Vraimentj'étaispénétréeenadmirantlagrandeuretlasaintetédescérémonies,

et ilmesemblaitquej'allaisresterlà,toujours.Ainsi,autrefois,SôChû [Siang Tchong, personnage de l'antiquitéchinoise,savanttaoiste,fortdistrait.]devaitoublierl'impatiencedeceuxquil'attendaientàlamaison.LepalaisappeléKoshirokawaesthabitépar leSeigneurcommandantduPetitPalaisde laPremière

avenue[FujiwaraNaritoki.].Quandles«Huit Instructionsde laProfession»yfurent faites [En 986.] sous lesauspicesdeshautsdignitaires,ilyeutunecérémoniesuperbe.Toutlemondevint,enfoule,écoutercessermons.Commeonavaitditquelesvoituresquiarriveraienttroptardnepourraientpasapprocher,nousnousétionslevéesbienvite,enmêmetempsqueseposaitlarosée[Leverbede laphrase japonaisedoitêtre traduitdeuxfois,pardeuxverbesdifférents,«seposer»et«selever».].Auvrai,ilnerestaitaucunespacelibre;lesvoituresfurentserrées,chacuneétantappuyéesurlesbrancardsdecellequisetrouvaitderrière.Ainsidevait-onpouvoirentendrequelquechosedusermonjusqu'autroisièmerangdesvoitures.Onétaitausixièmemois,unpeuaprès ledix, et la chaleurdevint extraordinaire.Seuls ceuxqui regardaient les lotusde l'étangpouvaientcroirequ'ilsgoûtaientunpeudefraîcheur.Àpartlesministresdegauche[MinamotoMasanobu.]etde droite [Fujiwara Kaneie, père de Michitaka.], personne ne manquait parmi les hauts dignitaires. Ceux-ciportaient des pantalons à lacets, desmanteaux de cour violets sous lesquels on distinguait la couleurjauneclairdesvêtementsdedessous,en toile.Ceuxquisortaientàpeinede l'adolescenceavaientdespantalonsàlacetsgrisbleuâtreoudespantalonsblancsd'unaspectfrais.LeConseillerd'ÉtatYasuchika,lui-même,étaithabillécommeunjeunehomme,cequines'accordaitguèreaveclecaractèresacrédelacérémonie.Quelcurieuxspectacle!Onavait,enlesroulant,relevébienhautlesstoresdelasalleabritéepar l'appentis, et, dessous, les dignitaires se tenaient assis en longues rangées transversales, la facetournéeverslefonddelapièce.Plusbas,lescourtisansetlesjeunesseigneurs,trèsélégantsavecleurhabit de chasse ou leurmanteau de cour, n'avaient pas pris place, etmarchaient çà et là en badinant.C'étaittrèsjoli.LeCapitainedelagardeimpérialeSanekataetleGentilhommedelachambreNagaakira,tousdeuxde

lamaison,entraientetsortaientencoreunpeuplussouventquelesautres.Ilyavaitlà,aussi,dejeunesseigneurs,encoredesenfants,absolumentravissants.Comme le soleil allait atteindre lemilieude sacourse, arriva leCapitainedu troisième rang ; c'est

ainsiqu'onappelaitalorsnotreMairedupalais[Michitaka.].Ilentra,vêtud'ungiletd'ététaillédansunlégertissu«clou-de-girofle»,d'unmanteaudecourviolet,d'unpantalonàlacetsdemêmecouleurpassépardessusunpantalonrougefoncé,d'unvêtementbienempesé,sansdoublure,éclatantdeblancheur.Ainsi,aumilieudesautresseigneursauxcostumeslégers,d'unaspectfrais,ilauraitpusemblertropchaudement

habillé;cependantilétaitd'unemerveilleuseélégance.Touslesseigneursagitaientdeséventailsdontlesmincesbaguetteslaquéesdifféraientdecouleur,mais

quibrillaient,uniformément tendusdepapier rouge.Cela ressemblait toutà faitàunparterred'œilletssuperbementfleuris.Le prédicateur n'étant pas encore monté en chaire, on plaça de petites tables devant les hauts

dignitaires,pourleurservirjenesaisquoi.LeDeuxième sous-secrétaire d'ÉtatYoshichika paraissait encore plus charmant que de coutume ; il

avait,envérité,unegrâceinfinie.Jenedevraispasécrireicilesnomsdepersonnagesaussiélevésqueleshautsdignitaires;maissijene lefaisaispas,commentsaurais-je,aprèsunpeude temps,quiétaittelleoutellepersonnedontj'auraisparlé?Lesnuancesdescostumes,serehaussantl'unel'autre,formaientuntableausplendide,d'unmerveilleux

éclat. Au milieu de tous ces seigneurs, parmi lesquels on n'eût su dire qui semblait le plus beau,Yoshichikaportaitungiletd'été;mais,vraiment,onauraitcruqu'ilavaitseulementunmanteaudecour[Carsongiletn'attiraitpasl'attention.].Ilregardaitsanscesseverslesvoituresdesdames,etleurenvoyaitdesmessages.Iln'estpersonnequi

n'aittrouvécelafortamusant.Commeilnerestaitplusdeplacecontrelepalais,lesvoituresarrivéeslesdernières avaient été rangées près de l'étang. Voyant cela, Yoshichika dit au seigneur Sanekata :«Appelez-moiunhommequiparaissecapabledetransmettreconvenablementquelquesmots!»QuandSanekata, ayant choisi je ne sais quel messager, l'eut amené au Deuxième sous-secrétaire, seules lespersonnesqui étaient à côté d'euxdiscutèrent pour savoir ce que l'on enverrait dire, et je ne pus rienentendre.Les gens avaient, à demi, envie de rire en voyant le messager faire l'important, et aller près des

voituresdesdames.Ils'approcha,par-derrière,de l'unedecesvoitures,et ilsemblaparler.Commeilrestait longtemps, on disait en riant : « La dame compose peut-être un poème. Capitaine de la gardeimpériale [Fujiwara Sanekata.],préparez une « poésie en réplique » !On se demandait quand viendrait laréponsede ladame,et, tous,même leshautsdignitairesd'unâge raisonnable,avaient lesyeux tournésvers les voitures. Il était vraiment plaisant de voir tout lemonde, jusqu'aux gens qui se trouvaient endehors du palais, regarder dans cette direction.Lemessager (lui avait-on répondu ?) fit quelques paspour revenir ; mais la dame, sortant son éventail de la voiture, l'arrêta ; je me disais : « Si elle lerappelle,cenepeutêtrequeparcequ'elles'avisedequelqueerreurdansunmotdesapoésie.Est-ceunechose admissible, alors qu'il lui a fallu tant de temps pour composer ces vers ? Elle ne devrait,maintenant,plusriencorriger!»Enfin,lemessagerrevint,etquandilfutprèsdupalais,tous,impatients,lequestionnèrent:«Quoi?Quoi?»maisilgardalesilence.LeVice-deuxièmesous-secrétaire[FujiwaraYoshichika.] lui ayant ordonné d'approcher, il obéit en se donnant des airs, puis il commença de parler.«Ditesvite,intimaleCapitainedutroisièmerang,necherchezpasvosmots,etnevoustrompezpas!»J'entendisseulementque lemessager répondait :« Jedis lachosecommeelleest,maisuneerreurnechangerait rien. » Le Premier sous-secrétaire d'État de la famille Fujiwara [Fujiwara Tamemitsu.] montraitencore plus de curiosité que les autres et avançait la tête pour voir ; il me parut qu'il demandait cequ'avaitditladame,etleCapitainedutroisièmerangrépliqua:«Envoulantcourber,deforce,l'arbrequiapoussétoutdroit,onlebrise[Allusionpossibleàunepoésie.Michitakapense :«Autantvouloircourberdeforce,pour lerendreélégant,unarbrenaturellementdroit,quefaireporterunmessageparunignorant.»].»LePremiersous-secrétaired'Étatse mit à rire, et tous ceux qui se trouvaient là, en l'entendant, l'imitèrent soudain sans trop savoirpourquoi. Peut-être le bruit qu'ils firent parvint-il à la dame, dans sa voiture ? Le Deuxième sous-secrétaire interrogea le messager : « Mais, avant de vous rappeler, que vous avait-elle dit ? Nousrapportez-vouslàuneréponsecorrigée?»L'hommerepartit:«J'attendaisdepuislongtempsetladame

nemedonnaitrien.Jedéclaraiquejem'enallais,etjerevenaisici,quandellem'afaitsigne.»Yoshichika voulut savoir à qui appartenait cette voiture, et si le messager connaissait la dame ;

cependant,leprédicateurmontaenchaire,ettoussetinrenttranquillementassis.Tandisque tout lemonderegardaitducôtéoùétait leprêtre, lavoituredisparut,cefutcommesion

l'avait effacée. Les rideaux intérieurs de cette voiture paraissaient avoir été mis ce jour-là pour lapremièrefois,etladameportaitplusieursvêtementssansdoubluresuperposés,violetfoncé,unhabitdetissu violet, un vêtement de dessus rouge foncé, avec une jupe d'apparat ornée de dessins imprimés,qu'elleavait,enl'étalant,négligemmentaccrochéeàl'arrièredelavoiture.Quicelapouvait-ilêtre?Yavait-il donc, dans sa réponse, quelque choseque l'onpût critiquer ?J'ai entendudire qu'en vérité, ilvalaitmieuxsetairequerisquerdefaireuneréponseimparfaite;ilmesembleeneffet,contrairementàcequel'onpourraitpenser,quec'estmieuxainsi.Àlacérémoniedumatin,leprédicateurétaitSeihan[Il est restécélèbrepour sonéloquence.].Ilparaissaittout

glorieuxenchaire,ilavaituneextraordinairemajesté.Lachaleurétaiteffrayante,etpourveniràlacérémonie,nousavionsabandonnédifférentesbesognes

quenousnepouvionslaisserinachevéesouremettreàplustard.Nouspensionsdoncentendreseulementune petite partie de l'office, et repartir ensuite ; mais les voitures avaient afflué, comme des vaguesininterrompues,aprèslanôtreetiln'yavaitplusmoyendes'enaller.Nousenvoyâmesdireauxgensquise trouvaientderrièrenousqu'ilnous fallaitpartir,d'unemanièreoud'uneautre,dèsque lesermondumatinseraitfini; tousdéplacèrentbienvite leursvoitures,etnous laissèrent lechemin libre.Peut-êtreétaient-ilscharmésdepouvoirserapprocherunpeuduprédicateur?Tous les seigneurs, ennous regardant passer, semirent à plaisanter, et ce fut unbeau tumulte.Nous

dûmesessuyermêmelesriresetleslazzideshautsdignitairesd'âgeraisonnable;maisnousn'yprêtâmespasl'oreille,etnousn'yrépondîmespoint.Tandisquenousnousfrayionsàgrand-peineunevoieparmilafouledesvoitures,leVice-deuxièmesous-secrétaired'Étatmecriaenriantsplendidement:«Àlabonneheure,vousfaitesbiendevousretirer[YoshichikaetSeiserappellentunpassageduSoûtraduLotus:parolesadresséesparleBouddhaàsondiscipleSâriputra(jap.Sharihotsu).]!»Surlemoment,jeneprispasgardeàsesparoles,etlachaleurm'incommodait tellement que je sortis de la foule, l'esprit perdudansun rêve ;mais ensuite j'envoyaiquelqu'unluidire:«Parmicinqmillepersonnes,vousentrerezsansaucundoute[YoshichikaetSeiserappellentunpassageduSoûtraduLotus:parolesadresséesparleBouddhaàsondiscipleSâriputra(jap.Sharihotsu).]!»etnousrepartîmes.Depuis ledébutdes«Huit Instructions» jusqu'audernier jour, ilyeutunevoiturededamequivint

sans jamais manquer ; mais je ne vis pas une seule personne s'en approcher pour parler à celle quil'occupait.J'étaisétonnée,auplushautpoint,devoircettevoiturebougeraussipeu,duranttoutletempsdu sermon, qu'un véhicule représenté dans un tableau, et je trouvais cela tout à la fois merveilleux,superbe et charmant. « Quelle personne est-ce donc ? Demandai-je ; comment le savoir ? » mais lePremiersous-secrétaired'ÉtatdelafamilleFujiwara,entendantmesquestions,medit:«Quevoyez-vouslàdemagnifique?C'esttrèsdétestable!Poursûr,c'estunefemmetoutàfaitdéplaisantequineveutpassemontrer.»Ilétaitbienamusantdel'entendre;maisquelletristesselorsque,peuaprèslevingtdumêmemois, leDeuxièmesous-secrétaired'État se fitbonze !Que les fleursducerisier s'éparpillentauvent,c'est,aprèstout,choseordinaireencemonde;mais,vraiment,Yoshichikaneparaissaitpasd'unâgetelquel'onpûtmêmedire:«Ilestàlaveilledelavieillesse!»Auseptièmemois,lachaleurestextrême;onlaissetoutouvert,lanuitcommelejour,etl'ontardeàse

coucher;maisc'estravissant,quandons'éveilleparunbeauclairdelune,etqu'onregardeau-dehors.Mêmelanuitsombremeplaît;ilestbieninutiledevanterlecharmedelalunepâle,àl'aurore.Toutprès

dubord,surleplancherbienpolidelavéranda,onétend,pourunmoment,unejolienatte.Ilnefautpaspousser l'écran de trois pieds au fond de la pièce,mais le dresser au bord de la galerie extérieure ;autrement,celasembleraitbienmystérieux.Quittantsonamie[Seivadécrireunescènedontellesesouvientouqu'elleimagine.],legalantvientsansdoutedepartir.

La dame a rabattu sur sa tête un vêtement violet clair, avec une doublure très foncée.À l'endroit, lanuancedutissun'estpasdu toutpâlie,et le lustredudamasqui ledoublen'estpasbeaucoupfanénonplus.Elleparaîtdormir,elleaun«vêtementsimple»,couleurdecloudegirofle,unejupedesoieraide,écarlate foncé, dont les cordons de ceinture sortent, très longs, de dessous son vêtement et semblentencoredénoués.Sescheveuxs'amoncellentàsoncôté,onseditqu'ilsdoiventêtrebienlongsquandilsondoientlibrement.Maisvoiciqu'unhommearrive,venuonnesaitd'où,alorsquelepaysaged'auroreesttoutcouvertd'uneépaissebrume.Ilaunpantalonà lacetsviolet,une jaquettedechassecouleurdegirofle,maissiclairequ'onpourraitsedemandersielleestteinte,unvêtementblancsansdoublure,desoieraide,etunhabitdesoiefouléetrèsbrillante,écarlate.Lebrouillardamouillé sesvêtements,qu'il laissenégligemmentpendre.Lescheveuxde ses tempes

sontunpeuendésordre ; ila l'airde lesavoir,sanssoin, fourréssoussonbonnet laqué.Avantque laroséedesliseronsfûttombée,ilquittésonamie;ilpensaitàlalettrequ'ildoitécrire [A celle qu'il vient dequitter.],maislecheminluisemblelong,ilfredonne:«Lesjeunestigesdechanvre[AllusionpossibleàunepoésieduMan.yôshû.].»Il allait à son poste au Palais ; pourtant, comme la fenêtre de treillis n'est pas baissée, il déplace

légèrementlestore,d'uncôté,puisregardeàl'intérieurdelachambre.Ilsedit,amusé,quesansdoute,ici,toutàl'heure,unhommes'estlevépourpartir.Peut-êtrecelui-cisongeait-il,commelui,aucharmedela rosée?Aprèsunmoment, il voitprèsde l'oreiller [Makura.] un éventail étalé, fait de papier violet-pourpre tendu sur du bois de magnolia. Au pied de l'écran sont éparpillées des feuilles, étroites etlongues,d'épaispapierdeMichinoku,lesunesbleufoncé,lesautresécarlates,etquelques-unesdontlanuanceestunpeupâlie.Ladamesedoutequ'ilyalàquelqu'un,elleregardededessoussonvêtement,etl'aperçoit,souriant,appuyésurleborddelafenêtre.Cen'estpasunhommeavecquielledoivesegêner;maiscommeellen'apasl'intentiond'entrerenrelationaveclui,elleregrettequ'ill'aitvue.«Oh!quellongsommeil,cematin,aprèslaséparation!»s'écrie-t-il,entrantjusqu'àmi-corpsendedansdustore.«Assurément,répond-elle,vousditescelaparcequevousêtesfâchéd'avoirlaissévotreamiealorsqu'iln'yavaitpasencorederosée[ou:«Jesuisennuyéeparcequej'attendsvainementunelettredeceluiquiestpartialorsqu'iln'yavaitpas encore de rosée.»].»Peut-êtreest-ilsuperfludenoterspécialementcesjolieschoses,etpourtantonnesaurait,sansenêtrecharmé,lesvoirainsiconversertouslesdeux.L'hommesepencheet, avecsonéventail, il amèneà luiceluiqui est contre l'oreiller ;mais elle se

demandes'ilnevientpastropprèsd'elle;lecœurbattant,elleseretireunpeuenarrière.Alorsilprendl'éventail,leregarde,etmurmureavecunsoupçondedépit:«Voilàbiendelafroideur!»Cependantlepleinjourestvenu,etl'onentenddenombreusesvoix.Tout à l'heure, il se hâtait, pour écrire à son amie avant que l'on pût voir se dissiper la brume, et

maintenantons'inquièteenpensantqu'ilnesembleguèrepressé.L'hommequi,cematin,aquittécettemaison-ci,aécritunelettre(onsedemandeencombiendetemps

[On s'étonne du peu de temps qu'il amis à l'écrire.])et il l'aenvoyée,attachéeàunrameaude lespédèze [Hagi,petitarbrisseau à fleurs rouges.] encore tout humide de rosée. Pourtant, comme il y a quelqu'un avec la dame, lemessagernepeutluiremettresamissive.Leparfumd'encensdontelleesttoutimprégnéeparaitdélicieux.Lorsqu'ildeviendraittropinconvenantpourluiderester,levisiteurs'enva.Ilestsansdouteamusant

desedireque,peut-être,unepareillescènes'estpasséedanslamaisond'oùilvenaitlui-même!

21.FleursdesarbresJ'aimelafleurduprunier,qu'ellesoitfoncéeouclaire;maislaplusjolie,c'estcelleduprunierrouge.

J'aimeaussiunfin rameaufleuridecerisier,avecsescorollesaux largespétales,etses feuilles rougefoncé.Lesfleursdeglycine,tombantenlonguesgrappes,auxbellesnuances,sontvraimentsuperbes.Pourlafleurdeladeutzie[Unohava,arbusteàfleursblanches,voisinduseringa.],elleestd'unranginférieur,etn'a

rien qu'on puisse vanter.Cependant, la deutzie fleurit à une époque agréable ; on la trouve charmantequandonpenseque,peut-être,uncoucou[Hototogisu,assezdifférentducoucouquivitenFrance.]secachedanssonombre.AuretourdelafêtedeKamo,danslesenvironsdelalandedeMurasaki,quec'estjolilorsqu'onvoit, autour des pauvres chaumières, les haies hirsutes, toutes blanches de ces fleurs. On dirait desvêtementsblancsmissurd'autres,verts,etauxendroitsoù iln'yapasdefleurs,cela ressembleàuneétoffedecouleur«feuilleverteetfeuillemorte».C'estravissant.Vers la fin du quatrièmemois et le début du cinquième, les orangers, au feuillage vert foncé, sont

couverts de fleurs blanches, et quand on les admire,mouillés par la pluie, de grandmatin, il semblequ'ici-basrienn'aitunpareilcharme.Siparmilesfleursonpeutdécouvrir,sedétachanttrèsnettement,desfruitsmûrsquiparaissentdesboulesd'or,alorsletableaunelecèdepasmêmeàceluidescerisiershumides,lematin,derosée.Aureste,iln'estpasbesoindedirelecharmedel'oranger,peut-êtreparcequ'onpensequ'ilauneaffinitéparticulièreaveclecoucou[Ilssontassociésdansdenombreusespoésies.].Lafleurdupoirierestlachoselaplusvulgaireetlaplusdéplaisantequisoitaumonde.Onnelagarde

pasvolontiersprèsdesyeux,etl'onnesesertpasd'unrameaudepoirierpouryattachermêmeunfutilebillet.Quandonvoitlevisaged'unefemmequimanqued'attrait,c'estàlafleurdupoirierqu'onl'assimile,et,

envérité,àcausede sacouleur, cette fleurparait sansagrément.Pourtant, enChine,on lui trouveunegrâce infinie, on la chante dans les poèmes. Si, la jugeant laide, on réfléchit que quelque chose doitexpliquercegoûtdesChinois,etsionlaregardeattentivement,oncroitdistinguerauborddespétalesunejolienuancerose,sifaiblequ'onn'estpassûrdesesyeux.OnacomparélafleurdupoirierauvisagedeYôKi-hi [YangKouei-fei.], lorsqu'ellevintenpleurantvers l'envoyéde l'Empereur,et l'onadit :«Lerameaufleuridupoirierestcouvertdesgouttesqu'yalaisséeslapluieprintanière[Allusionau«Poèmedeslongsregrets»,oùPoKyu-yimontrelafavoritedéfuntequivientverslemagicienenvoyéàsarecherche.].»Aussibien,quandjesongequ'il ne s'agit pas là d'un éloge médiocre, je me dis qu'aucune autre fleur n'est, sans doute, simerveilleusementbelle.Lafleurviolet-pourpredupaulowniaestaussitrèsjolie.Jen'aimepaslaformedeseslargesfeuilles

étalées;cependant, jen'enpuisparlercommejeferaisd'unautrearbre.Quandjepensequec'estdanscelui-ci qu'habiterait l'oiseau fameux enChine [Le phénix.], je ressens une impression singulière.À plusforteraison,lorsqueavecsonbois,onafabriquéuneguitare,etqu'onentiretoutessortesdejolissons,lesmotsordinairessuffisent-ilspourvanterlecharmedupaulownia?C'estunarbrevraimentsuperbe!Bienquelemélia[Ochi,unarbreassezgrand,quiadepetites fleursviolettes.]nesoitpasunbelarbre,safleurest

fortjolie.Chaqueannée,onnemanquepasdelevoir,quandvientlafêteducinquièmejour,aucinquièmemois,avecsesfleursdéforméesparlasécheresse.C'estcharmantaussi.

22.ÉtangsL'étangdeKatsumata,celuid'Iware.L'étangdeNiheno.Ilestbienamusant,quandonvaautemplede

Hase,d'yvoirlesoiseauxaquatiquess'envolersanscesseavecbruit.L'étang deMizunashi [« sans eau », en Yamato.]. Comme je demandais un jour pourquoi on l'avait ainsi

nommé,onmeréponditque,mêmequand ilpleutbeaucoup,aucinquièmemoiset toute l'année,onn'yaperçoitpasd'eau.Maisonajoutaquecertainesannéesoùlesoleilbrillesplendidement,l'eauycouleenabondanceaudébutduprintemps.«Cen'estpassansraison,aurais-jevoulurépondre,qu'onluiadonnésonnom,s'ilestdesséché;pourtant,commeilyaaussidesmomentsoùl'eauycoule,ilmesemblequ'onn'aguèreréfléchi.»L'étang de Sarusawa.Un empereur, ayant entendu dire qu'une « demoiselle de laCour » [L'histoire de

l'uneme(demoiselledelacour),qui,aiméepuisdélaisséeparunempereur,seseraitnoyée,estrapportéedansles«ContesduYamato».]s'yétait jetée, serait allé, à ce que l'on raconte, voir cet étang. Celame charme, et il est inutile de direcombienjesuisémuequeHitomaro,aitchantélescheveuxdénouésflottantsurl'eau[PoésiedeKakinomotoHitomaro(VII

eetVIIIesiècle),recueilliedansleGosenshû.].

L'étangd'Omae[«delanobleprésence»,enYamato.].Ilestcurieuxdesedemanderàquoiontpenséceuxquiluiontattribuécenom.L'étangdeKagami.L'étangdeSayama.Peut-être trouve-t-oncelui-ci joliparceque l'onse rappelle,

charmé,lapoésiesurlabardaned'eau[Labardaned'eauestcitéedansdiversespoésies.].L'étangdeKoinuma.CeluideHara.Ilestcharmantqu'autrefoisonaitditàproposdelui:«Necoupez

paslessargasses[PoésiepopulairedelaprovincedeKôzuke.]!»L'étangdeMasuda.

23.FêtesRienn'égaleenbeautélafêteducinquièmemois[Pourlafêtecélébréelecinquièmejourducinquièmemois,oncouvrait

lestoitsd'acorearomatiqueetd'armoise,dontl'odeurdevaitchasserlesespritsmauvais.].Lesparfumsdel'acoreetdel'armoisesemêlent,etc'estd'uncharmesingulier.Depuisl'intérieurdes«NeufEnceintes»jusqu'auxdemeuresdesgensdupeuplelesplusindignesd'êtrenommés,chacunposecesfeuillesentraversdesontoit,etveutcouvrirlesienmieuxquelesautres.C'estmerveilleuxaussi,etenquelleautreoccasionvoit-onpareillechose[C'est-à-direunechosecommuneauxpalaisetauxchaumières.]?Cejour-là,lecielétaitcouvertdenuages.AuPalaisdel'Impératrice,onavaitapporté,duservicedela

couture,des«boulescontrelesmaladies»avectoutessortesdefilstressésquipendaient;onlesavaitfixéesàgaucheetàdroitedupilierdel'appartementcentral,oùestdressél'écran.Onremplaçaainsiles«boulescontrelesmaladies»qu'onavaitpréparées,leneuvièmejourduneuvièmemois,enenveloppantdeschrysanthèmesdansdelasoieraideoudamassée,etquiétaientrestéesfixéesàcepilierdurantdesmois, puis on les jeta. De même les boules que l'on suspend le cinquième jour du cinquième moisdevraientpeut-êtredemeurerjusqu'àlafêtedeschrysanthèmes;maiscommetoutlemonde,pourattachern'importequoi,enarrachedesfils,aprèspeudetempsiln'enresterien.On offre les présents de la fête, les jeunes personnes fichent des acores dans leurs cheveux, elles

cousentàleursmanchesdes«billetsderetraite»[Lecinquièmejourdumoisétaitnéfaste,etd'autrepart les bouddhistesobservaientaucinquièmemoisunepérioded'abstinence.],ellesfixent,d'unemanièreoud'uneautre,avecunetresseaux

couleurs dégradées, à leur manteau chinois ou à leur veste, de longues racines d'acore ou de jolisrameaux.Onnepeutdirequecesoitmerveilleux,maisc'estbienjoli ;d'ailleurs,ya-t-ilpersonnequisongeauxcerisierssansenthousiasmeparcequ'ilsfleurissentchaqueprintemps?Lesfillettesquivontetviennentauxcarrefoursontattachéàleursvêtementslesmêmeschosesqueles

dames, mais en les proportionnant à leur taille ; elles se disent qu'elles ont fait là quelque chosed'admirable,ellesconsidèrentsanscesseleursmanchesenlescomparantàcellesdeleurscompagnes.Jetrouveàtoutcelauncharmequejenepuisrendre;maisilestplaisantaussid'entendrecriercesfillettesquand les pages, qui jouent familièrement avec elles, leur prennent leurs racines d'acore ou leursrameaux.C'estégalementgracieuxlorsqu'onenveloppedesfleursdeméfiadansdupapierviolet,ouqu'onfait,

enmettantdes feuillesd'acoredansdupapiervert,des rouleauxmincesqu'on lie,ouencore lorsqu'onattachedupapierblancauxracines.Lesdamesquiontreçudeslettresdanslesquellesonavaitenveloppédetrèslonguesracinesd'acoreveulent,pourrépondre,écriredebienjolieschoses,etseconsultententreamies.Ilestamusantdelesvoirsemontrermutuellementlesréponsesqu'ellespréparent.Lesgensquiontenvoyéunelettreàlafilledequelquenoble,àunepersonned'unhautrang,sontence

jourd'unehumeurparticulièrementagréable,etcharmentparleurgrâcejusqu'auchantducoucouquiditson nom [Le nom du coucou (hototogisu) rappelle son cri (botoio).] vers le soir, tout est délicieux et m'émeut àl'extrême.

24.ArbresLecassier[Lemotkatsura,del'original,désigneaujourd'huiungrandarbre;anciennement,ilpouvaits'appliqueraucassier,voisindu

cannelier,ouà l'olivierodorant,ouencoreà l'érable.Les légendeschinoisesparlentd'uncassiergéantquicroîtrait sur la lune.], lepinàcinqaiguilles,lesaule,l'oranger.L'aubépinedeChinesemblevulgaire[àcausedunomqu'onluidonnaitautrefois:sobanoki,«l'arbrequiestdecôté».].Cependant,quandtouslesarbresontperduleursfleurs,etsonttoutverts,lesfeuillesrougefoncédel'aubépine,sansprendregardeàlasaison[C'estaudébutdel'été,quandellessontjeunes,quelesfeuillesdecetteaubépinesontrouges.],brillentetattirentl'œilaumilieudesfeuillesvertesauxquellesonnefaitplusattention.C'estmerveilleux.Dufusain,jenedirairien.–Bienqu'onnepuisseledonneràaucun, lenomd'«arbreparasite»me

peine.Lacleyère[Sakaki,arbresacrédushintoïsme,toujoursvert.Lacleyèreappartientàlamêmefamillebotaniquequelecamélia.]est

trèsjolie,aumomentdeladansesacrée,auxfêtesspéciales[DeKamo,ledernierjourdel'Oiseauduonzièmemois,etd'Iwashimizu, le deuxième jour duCheval du troisièmemois.A l'époque où Sei écrivait, ces fêtes avaient lieu chaque année, à des datesprécises, tout comme les « fêtes régulières », beaucoup plus anciennes, qui étaient célébrées à Kamo le deuxième jour de l'Oiseau duquatrièmemois,etàIwashimizulecinquièmejourduhuitièmemois;maisilenétaitainsidepuisassezpeudetemps,etonlesappelaitencore,commeparlepassé,«fêtesspéciales»nu«extraordinaire»(rinji-matsuri).Selparleicidelakagura,dansequirappelleunépisodecélèbredelalégendeshintoïste.].Ilyabiendesarbresdanslemonde,etilestparticulièrementagréabledepenserqu'àl'origine,onl'atrouvéedignedeparaîtreenlaDivinePrésence.Lecamphrierresteàpart,ilnecroitpasdanslesendroitsoùilseconfondraitaumilieudenombreux

arbres.Savueinspiredespenséeseffrayantes[Onplante le camphrier loindes autres arbresparcequ'on sait qu'il aura denombreusesbranches(odoro:broussailles), et savue inspire despensées effrayantes(odoro-odoroshiki)parce que l'esprit rapproche ledeuxièmemotdupremier.],onysongeavecéloignement.Cependant,commeilsepartageenmillebranches,onenafaitl'exempledesamants [D'aprèsuneanciennepoésie, les amants ont autant de sujetsd'inquiétudeque le camphrier a debranches.]. Ilestamusantdesedemanderquiaurabienpusavoir lenombredeses rameaux,etdireunepareillechoselepremier!

Le thuyan'est pas en faveurparmi leshommes [Parce qu'on en voit beaucoup.]maisonconstruit, avec sonbois,dejolispalaisàtroisouquatrefaîtes.Jetrouveravissant,aussi,qu'aucinquièmemois,ilsembleimiterlebruitdelapluie[Lecinquièmemoisestgénéralementpluvieux.].L'érable est petit ; mais ses jeunes feuilles, sortant des bourgeons, à l'extrémité des branches, sont

teintées de rouge. Ses feuilles s'étalent, uniformément orientées. Ses fleurs mêmes, toutes misérablesqu'ellessont,ontl'aird'insectesdesséchés;jeleurtrouveducharme.Le«thuyadulendemain[Asumahinoki,littéralement«demain,un thuya». Ilappartientaumêmegroupeque lehinoki, pour

lequelaétéréservélenomdethuya.]»nesevoitpassouventauprèsdeshabitations,etl'onneparleguèredecetarbre. Il paraît que les pèlerins, revenant de Mitake, en rapportent des rameaux. Ses branches sontdésagréablesautoucher,carellessonttrèsraboteuses,etsionluianéanmoinsdonné(jenesaisàquoil'onapensé)cenomde«demainceseraunthuya»,c'estlàunevainepromesse.Jemedemandeàquionapufaireespérerunetellemétamorphose.Jevoudraisbienlesavoir,etmaproprecuriositém'amuse.Le troène n'a pas une forme qui puisse passer pour communemais ses feuilles étrangement fines et

petitessontcequ'iladeplusjoli.Lemélia,lepoiriersauvage.Lechêneà fruitscomestibles.Bienque tous lesarbres toujoursvertsaient lamêmepropriété, ilest

curieux que ce soit justement celui-là qui est regardé comme le type des arbres dont les feuilles netombentpas.L'arbre qu'on appelle le chêne blanc est un de ceux qui croissent le plus loin des hommes, au plus

profonddesmontagnes,etl'onn'envoitguèrequelesfeuilles,àl'époqueoùl'onteint lesvêtementsdedessusqueporterontlesdignitairesdestroisièmeetdeuxièmerangs.Cen'estpasunarbrequel'onpuisseciterparticulièrementcommeunechosesuperbeoujolie;mais,entoutessaisons,ilsemblecouvertdeneige,etl'onestémuàl'extrêmequandonlitlapoésiequeHitomaroacomposéeenrêvantauséjourdeSusa-no-0-no-MikotoenIzumo[PoésierecueilliedansleManyôshû.Susa-no-O,dieudelatempête,etfrèredeladéessesolaireAmaterasu, fut expulsé des cieux à cause de sa violence. Il vint dans la province d'Izumo, où il fit souche de dieux.]. Lorsqu'on aentenducertainechosequiserépèted'ordinairedanslemondeouquiaétéditeenquelqueoccasion,etqu'onl'agardéedanssamémoireenpensantquetelpointenétaitémouvant,ettelautrecurieux,onn'ypeutsongeravecindifférence,qu'ils'agissedeplantes,d'arbres,d'oiseauxoud'insectes.Lesfeuillesdudaphniphylle[Yuzuriba,-yuzuruba.]sontextrêmementabondantesetlustrées,toutesvertes

etpures;maisonestsurprisdevoirquelespétiolesneleurressemblentaucunement,qu'ilssontrougesetparaissentscintiller.Bienquel'effetproduitparcecontrastesoitsurtoutcapabledecharmerlevulgaire,ilfautavouerqu'ilestjoli.Pendantlesmoisordinaires,onn'yaccordepaslamoindreattention;mais,ledernierjourdel'année,cetarbreestenhonneur:onétalesesfeuilles,jecrois,souslesalimentsquel'onoffreauxdéfunts[àlafêtedesâmes(Bon,Tama-matsuri),célébréeauseptièmemois,dutreizièmeauseizièmejour,etautempsdeSei,semble-t-il, également à la fin de l'année.]. Il est tristed'y songer ;mais on assure qu'il sert aussi à présenter le«raffermissementdesdents[Alimentsqu'onpréparait ledeuxième jourdupremiermois,etquipassaientpourassurerune longuevie.]»,quiallonge lavie.Commentest-cepossible?Onaparléautrefois«du tempsoù rougiront sesfeuilles[Anciennepoésie.]»,etvoilàquiestpleindepromesses!Lechênedentelésembletrèsjoli.Onlerévèreenpensantqueledieuquiprotègelesfeuilles[Commeles

feuillesdecetarbredurenttoutl'hiver,onpourraitcroirequ'ellessontprotégéesparundieu.Seiseréfèreàunepoésiequ'ontrouvedansles«ContesduYamato».]yhabite,dit-on.Ilestamusantaussiquel'ondonnecenomde«chênedentelé»auxcapitainesetauxlieutenantsdelagardeimpériale[Peut-êtreparcequ'ilsinspirent,euxaussi,unecrainterespectueuse.].Lepalmier-chanvren'apasuneformeagréable,maisilestdanslegoûtchinois;etcen'estpasunarbre

quel'onpuisses'attendreàvoirchezlesgensdepeu.

25.OiseauxJ'aime beaucoup le perroquet, bien que ce soit un oiseau des pays étrangers. Tout ce que les gens

disent,ill'imite.J'aimelecoucou,lerâled'eau,labécasse,l'étourneau,letarin,legobe-mouches.Quand le faisan cuivré chante en regrettant sa compagne, il se console, dit-on, si on lui présente un

miroir.Celam'émeut,jesongeaveccompassionà lapeinequedoiventéprouver lesdeuxoiseaux,parexemplelorsqu'unravinlessépare!De la grue [Comme le pin et la tortue, la grue est un symbole de longévité.], j'aurais trop à dire.Cependant, il est

vraimentsplendidequesavoixmontepar-delàlesnuages,etcela,jenepuisletaire.Lemoineauàtêterouge,lemâledugros-bec,l'oiseauhabile[Unesortederoitelet.Sonnomjaponais,quel'onpeut

traduirepar«oiseauhabile»oupar«oiseaucharpentier»,luiaétédonnéàcausedelafaçondontilconstruitsonnid.].Lehéronesttrèsdésagréableàvoir;àcausedeleurexpression,jen'aimepasàregardersesyeux.Il

n'a vraiment rien qui charme. Néanmoins, une chose m'amuse : on a pu prétendre que le héron nedormiraitpasseuldansleboisauxarbresagitésparlevent[Anciennepoésie.],etdisputerlà-dessus.L'oiseau-boite[Hakodori.Latraductionestfondéesurunjeudemots.Peut-êtrefaut-ilcomprendre«l'oiseauquicriebako».].Parmi les oiseaux d'eau, c'est la canard mandarin qui m'émeut le plus. Avec ravissement, je me

rappellecequel'onaditdel'amourréciproquedumâleetdelafemelle:chacun,aprèsl'autre,balaieraitlageléeblanchequicouvrelesailesdesoncompagnon[Anciennepoésie.Lecanardmandarinestl'emblèmedel'amourconjugal.].Lamouette [Aliyakodori.Onpeut comprendre « oiseau de la capitale », comme fait l'auteur (Ariwara noNarihira ?) d'une poésie

inclusedansles«Contesd'Ise».].Ah!songerquelepluvierderivièreferaitégarersonami[Anciennepoésie.]!Lavoixdel'oiesauvageestd'unemélancoliedélicieusequandonl'entenddanslelointain.Lecanardsauvagemecharmequandjepensequ'ilbalaie,àceque l'ondit, lageléeblanchesurses

plumes[Anciennepoésie.].Durossignol[Uguisu.Cerossignoln'estpaslenôtre(ilnechantepas lanuit) ; ilestencoreplusdifférentde l'oiseauqu'onappelle

courammentàParislerossignolduJapon,etquinevientpasdecepays.]lespoètesontparlécommed'unoiseauravissant.Savoix,d'abord,puis sesmanières et sa forme, tout en lui est élégant et gracieux. Il est d'autant plusregrettablequelerossignolnechantepasàl'intérieurdes«NeufEnceintes».Je l'avaisentendudire ;mais jecroyaisqu'onexagérait.Cependant, depuis dix annéesque je suis en service auPalais, je l'aiattenduenvain,iln'ajamaisfaitlemoindrebruit.Etpourtant,toutprèsduPalaispuretfrais,ilyadesbambous,despruniersrouges;lerossignoldevraityveniràsonaise.QuandonquittelePalais,onpeutl'entendrechanterd'unevoixsplendide,danslespruniers,quineméritentpasunregard,d'unemisérablechaumière.Lanuit,toujoursilgardelesilence,ilaimelesommeil;maisquepourrait-onfairemaintenantpourcorrigersonnaturel?Enété,jusqu'àlafindel'automne,savoixestrauque;lesgensducommunchangent son nom, et l'appellent, par exemple, « l'oiseau mangeur d'insectes ». Cela me fait uneimpression pénible et lugubre. On ne penserait pas ainsi à propos d'un oiseau ordinaire tel que lemoineau. C'est, pour sûr, parce-que le rossignol chante au printemps que, dans les poésies et lescompositions littéraires, on a célébré le retour de l'année comme une jolie chose [Kokinshù et diversesanthologies.].Etencore, s'il se taisait le restedu temps, combience seraitplusagréable !Maispourquois'indigner?Mêmequandils'agitd'unepersonne,perd-onsontempsàmédiredequelqu'unquin'aplusl'apparencehumaine,etquel'opiniondesgenscommenceàmépriser?Pour ce qui est dumilan, du corbeau ou d'autres oiseaux de cette sorte, personne aumonde ne les

regarde, et jamais on ne les écoute attentivement. Aussi bien, quand je songe que si le rossignol estcritiqué,c'estjustementparcequ'onenafaitunoiseaumerveilleux,jemesensdésagréablementémue.Unjour,nousvoulionsvoirleretourdelaprocession[LecortègedelaPrincesseconsacréerevenantàsarésidence,le

deuxièmejourduChienduquatrièmemois.],aprèslafêtedeKamo,etnousavionsditd'arrêternosvoituresdevantlesTemplesUrin-inetChisoku-in[Templesbouddhiques.].Lecoucousefaisaitentendre(peut-êtrenevoulait-ilpas restercachéenun tel jour), et le rossignol l'imitait trèsbien.Contrairementàceque l'onpourraitcroire,c'étaitvraimentjoli,alorsqu'ilschantaientensembledanslesgrandsarbres.

Jenesauraisdirenonplus lecharmeducoucouquandvientlasaison.Àunmomentouà l'autre,onentendsavoixtriomphante.Onlevoit,danslespoésies,quis'abriteparmilesfleursdeladeutzie,danslesorangers;s'ils'ycacheàdemi,c'estqu'ilestd'humeurboudeuse.Ons'éveille,pendant lescourtesnuitsducinquièmemois,aumomentdespluies,et l'onattend,dans

l'espoird'entendrelecoucouavant tout lemonde.Toutàcoup,dans lanuitsombre,sonchant résonne,superbeetpleindecharme.Sansqu'onpuisses'endéfendre,onalecœurtoutensorcelé;maisquandlesixièmemoisestarrivé,lecoucourestemuet.Vraiment,ilestsuperfludedirecombienj'aimelecoucou!Engénéral,toutcequichantelanuitestcharmant.Iln'yaguèrequelesbébéspourlesquelsiln'ensoit

pourtantpasainsi.

26.ChosesélégantesSurungiletvioletclair,unevesteblanche.Lespetitsdescanards[Karinoko.Généralementkaridésignel'oiesauvage,maisdanscertainstextesils'appliqueàuncanard.

D'autrepart,kosignifiesouvent«petit(d'unanimal)»,commedansleManyôshû;maisailleurs,commedansles«Contesd'Ise»,le«Contedu creux », il désigne lesœufs, d'où, ici, plusieurs traductions possibles. Enmaints endroits des «Notes de chevet », on pourrait faire depareillesremarques.].Dansunboldemétalneuf,onamisdusiropdeliane[Onenfaisaitdessorbets.],avecdelaglacepilée.Unrosaireencristalderoche.Delaneigetombéesurlesfleursdesglycinesetdespruniers.Untrèsjolibébéquimangedesfraises.

27.Insectes[Mushi, de l'original, a un sens beaucoup plus étendu queque celui d' « insecte », et s'applique aussi aux vers, aux crustacés, etc.On

pourraitemployerlemot«bestiole».]Lecriquetàsonnettes,lecriquetdespins,lasauterelletisserande,legrillon,lepapillon,lacaprelle

[Unpetitcrustacé.],lalibellule,laluciole.Lateigneàmanteau[Minomushi.Ainsiappeléeparcequ'elleportesonnidsursatête.]mefaitpitié.C'estundiablequi

l'a engendrée ; sa mère, craignant qu'elle ne ressemblât à son père et n'eût, comme lui, un caractèreeffrayant,luiamisunmauvaisvêtement,puisluiadit:«Jereviendraibientôt,quandsouffleraleventd'automne;attends-moi!»Etlapauvrebestiolenes'estpasmêmeaperçuequesamères'étaitenfuieenl'abandonnant.Ellereconnaîtlebruitquefaitlabised'automne,etquandvientlehuitièmemois,ellecriedésespérément:«Dulait,dulait[Ou:«Monpère!Monpère!»]!»Celamefendlecœur.Lacigaledusoir.Le « scarabée qui salue [Il oscille quand il se déplace.] » m'émeut, lui aussi. On assure qu'il fait ainsi la

révérence,toutenmarchant,parceque,danssoncœurd'insecte,estnéelafoibouddhique.Ilestamusantencoredel'entendrefrapperàpetitscoupsrépétés,dansquelqueendroitsombre,alorsqu'onnes'yattendpas.Pourlamouche,j'auraisbiendûlaciterparmileschosesdétestables,etjenepuisparlerdecetinsecte

odieux,quin'aaucunegrâce,commej'aifaitdespersonnes;maispuisqu'ilesticiquestiondesinsectes,jedoislanommer.Ellevaseposern'importeoù,puisvientsurnotrefigure,avecsespattesmouillées!Ilestvraimentdéplaisantquel'onaitdonnésonnomàquelqu'un[Certainsnomsmasculinsétaientformésavecdesnoms

d'animaux,parexempleavecceluidelacigale,etsansdouteaussiavecceluidelamouche.].Laphalèneesttrèsjolieetcharmante.Lorsqu'onapprochelalampetoutprès,pourlirequelqueroman,

qu'elleestgracieusequandellepasse,envolant,devantlelivre!Lafourmiestlaide,maiselleestsilégèrequ'ilestbienjolidelavoirmarcher,rapide,surlasurface

del'eau.Auseptièmemois,leventsouffletrèsfort,lesaversesfontrage,etcommelesjournéessontengénéral

trèsfraîches,onoubliemêmesonéventail,inutile.Maisilestbienagréabledefairelasiesteentirantsursatêteunlégervêtementquigardeunefaibleodeurdesueur.

28.Chosesquines'accordentpasUnepersonnequiadevilainscheveuxporteunvêtementdedamasblanc.Desrosestrémièresfichéesdansdescheveuxcrépus.Unemauvaiseécrituresurdupapierrouge.Laneigetombéesurlamaisondepauvresgens.C'estencorepluspénibleàvoirquandlalumièredela

luneypénètre.Par un beau clair de lune, rencontrer une inélégante voiture découverte [Une voiture servant à

transporterdesmarchandises.].Ouencore,unbœufchâtainclair[Lacouleurpréféréepourunbœuf.]atteléàunpareilvéhicule.Unefemmedéjàvieille,quiestenceinteetmarcheens'essoufflant.Oubienunefemmed'uncertainâge,dontlemariestjeune,etqui,malgrésalaideur[Cellede la femmeou

celledumari?],estjalouseetluireproched'allervoiruneautrefemme.L'effarementd'unhommeâgéquis'éveille,ayanttropdormi.Ouencoreunpareilhomme,dontlabarbe

envahitlaface,quiacueillietmangedesglands.Unefemmequin'aplusdedentsmangedesprunes,etfaitunegrimacemontrantqu'ellessontsures.Unefemmed'unranginférieurquiporteunejupeécarlate.Onnevoitguèrequecelacestemps-ci!Le capitaine porte-carquois [Le capitaine de la garde du palais. Cette garde jouait le rôle d'une police ; on la redoutait.

Primitivement,lajaquettedechasse(karigini)nedevaitpasêtreportéeàl'intérieurdupalais.],lorsqu'ilfaitunerondedenuit,enjaquettedechasse,a l'air toutàfaitvulgaire.Ouencore,quand ilamis,malàpropos, levêtementdedessusredouté,pourrôderçàetlàducôtédesappartementsoùlogentlesfemmes.Silesgenslevoient,ils le méprisent. « Y a-t-il par ici quelque individu suspect ? » demande-t-on par plaisanterie en leblâmant.On considère le chambellan du sixième rang qui est officier de police, admis au Palais, comme un

personnaged'unesplendeursanspareille.Lescampagnardsetlesgensdupeupleneleprennentpasmêmepour un être de ce monde ; ils tremblent de frayeur devant lui, et craindraient, en le regardant, derencontrersesyeux.VraimentilsiedbienmalàuntelhommedesecoulerparunétroitcorridorduPalaispourallerjusqu'àlachambredequelquedame,oùilentreetsecouchesansbruit!Àunécranparfuméd'encens,onasuspenduunpantalonquisemblelourd.C'estd'unmauvaisgoût,etje

présumequ'ilenseraitencoredemêmesicepantalonétaitblancetscintillaitàlalumière.Leshommesqui,portant,commevêtementdedessus,unhabitfendusurlescôtés,leroulentaussifin

qu'unequeuederat,etl'accrochentauparavent,neconviennentpaspourlagardedenuit.Onsouhaiteraitlesvoir,aumoinstantqu'ilssontdeservice,prendrepatienceetcesserleursvisitesdansleschambres

desdames.Onpeutendireautantpourleschambellansducinquièmerang[Seiveutparlerdesancienschambellansquiontété

promusaucinquièmerangquandilsontquittéleursfonctionsetperdu,parconséquent,l'avantagedepouvoirapprocherlesouverain.].Un jour, j'étais, avec de nombreuses autres dames, dans un couloir du Palais. Parmi les gens qui

passaient,nousappelions,pourleurdireunmot,ceuxdontl'airnousdonnaitàpenser.Desserviteursdebonnemine,dejeunespages,transportaientdesvêtementsqu'ilsavaientmisdansdejoliesenveloppesdepapieroudansdessacsd'étoffed'oùl'onvoyaitsortirlescordonsdeceinturedespantalonsàlacets.Àceux qui portaient, dans des sacs, un arc, des flèches, un bouclier, une hallebarde ou un sabre, nousdemandions à qui appartenaient ces armes. Les uns répondaient avec une génuflexion : « C'est à telseigneur»,puiss'enallaient.C'étaittrèsjolimaisd'autrescomposaientleurvisage,setroublaient,puisdisaient qu'ils ne savaient pas, ou bien s'éloignaient sans répondre. Ces derniers me semblaientdétestables.Unevoituredécouvertepasseauclairdelune.Unbel hommeaune femme laide.Unhommedéjà sur l'âge, auquel sa barbenoire donneun aspect

déplaisant,joueaveclebébéd'unepersonnequiluiparle.Les femmes de l'office domestique sont assurément d'agréables personnes ; mais comme elles

appartiennentàuneclasseinférieure,leurconditionn'estpastellementdigned'envie…Jevoudraisvoirleuremploidonnéàdes femmesd'un rangpassable,et tout iraitbien ;àplus forte raison, si celles-ciétaient jeunes, avenantes, toujours jolimenthabillées.Les femmesd'un certain âge, qui connaissent lesusages,ets'acquittentdeleursfonctionssansnulembarras,conviennenttrèsbienaussi,etl'onaduplaisirà lesvoir. Jepensequ'il faudrait choisir, parmi les femmesde l'office domestique, celles qui ont unegracieusefigure,etleurfaireporterdesvêtementsappropriésàlasaison,desmanteauxchinoisdanslegoûtmoderne.Les hommes doivent avoir des gens d'escorte.Même de jeunes seigneurs, très élégants et jolis, ne

m'intéressent aucunement s'ils n'en ont pas. J'ai toujours pensé que les censeurs avaient une belle ethonorablefonction;maiscequiesttrèsfâcheux,c'estquelatraînedeleurvêtementdedessoussoitsicourte,etqu'ilsaillentsanssuite.Une fois, je vis leCenseur sous-chef des chambellans [Fujiwara Yukinari. La scène doit se passer en 998.] qui

causaittrèslonguementavecunedame,prèsd'unécranextérieur,devantlafaceoccidentaledupalaisoùsont les bureaux des fonctionnaires qui gouvernent laMaison de l'Impératrice. Quand il l'eut quittée,j'allai le questionner, pour savoir qui était cette personne. Il me répondit que c'était la dame Ben noNaishi.«Queluicontiez-vousdonc,pourbavarderavecelleaussilongtemps?luidemandai-jeencore;si leGrandcenseurvousavaitvus,ellevousaurait sansdouteabandonnébienvite !–Qui apuvousparlerd'unepareillechose,répliqua-t-ilenriant:jeluidisaisjustementqu'ellenedevaitpasmequitterainsi!»Yukinariabeaucoupdecharme,ilnefaitmontred'aucuntalent,ilnelaissevoir,desonesprit,quece

quiapparaîtnaturellement,et lesgensn'ensaventpasdavantage.Maisj'aipuapprécier le fonddesoncœur,etj'assureàl'Impératricequecen'estpasquelqu'und'ordinaire.Aureste,elle-mêmelesaitbien.Quandnousdiscutons,ilmerépètetoujours:«Onaditquelafemmeornaitsonvisagepourceluiquitrouvaitsajoieenelle,etqueleguerriermouraitpoursonmaître[AllusionàunpassageduChe-ki(jap.Shiki),oùsont

notées lesparolesduChinoisYuJang,quivécutcinqcentsansavantnotreère.].»Nousnouspromettonsmutuellementuneamitiéaussivivacequelesauledelaplage,enTôtômi [Man.yôshû.].Cependant, les jeunespersonnes ledétestent de tout leur cœur, et disent de lui, sansménagement, les choses les plus désagréables. «Ceseigneur, répètent ces mauvaises langues, est d'une laideur excessive. Il ne récite pas les SaintesÉcritures,ilnechantepascommefontlesautres.Quelespritdéplaisant!»LeCenseurneparlejamaisàaucune d'elles. Il affirme souvent : «Même si une femme avait les yeux en long dans le visage, dessourcilsluicouvranttoutlefront,etunnezécartéentravers,jepensequ'onpourraitl'aimersielleavaitlabouchebienfaite,ledessousdumentonetlecoujolis,etsiellen'avaitpasunevilainevoix.Mais,toutendisantcela,jecroisqu'unvisagetroplaidestquelquechosedetriste!»Cesseulesparolesont faitquetoutescellesquipouvaientavoirlementonétroit,oumanquerdecharme,sontdevenues,àplusforteraison,sesaveuglesadversaires.Ellesosentmême,quandellessontauprèsdel'Impératrice,parlerdeluidefaçondésavantageuseàSaMajesté.Lorsqu'ilveutfairedirequelquechoseàmamaîtresse,ils'adresseàmoi,quiai,dèsledébut,transmis

sesmessages.Quandjesuisdansl'appartementdesdames,ilmefaitappelerauPalais,oubienilvientmeparlerdanslachambre.Quandjesuisàlacampagne,ilm'écrit,ouvientlui-même,etilmedemande:«SivoustardezàrentrerauPalais,veuillezenvoyerquelqu'unrépétercequejevousaidit.»J'aibeauluirépondrequ'unetellepersonneestdeserviceetpourraitsechargerdumessage, ilneserendpasàmesraisons.Unjour,jeprisuntondepédagoguepourluidéclarerqu'ilétaitbondeseconformerauxcirconstances

[Sei évoque les dernières instructions laissées par un Fujiwara à ses descendants.], et d'accepter ce qui se présentait, sanss'arrêterd'avanceàunechoseplutôtqu'àuneautre;maisilrépliquaseulementqu'ilavaittoujourssentilebesoinderéglersaconduite,etqu'onnepouvaitserefaire.Jem'étonnai:«Onadit,cependant,qu'ilnefallaitpashésiteràsecorriger[Phrase tiréedu«Livredesentretiens» (Louen-yu,jap.Rongo)deConfucius.] ;Qu'a-t-onvoulufaireentendreparlà?»Toutenriant,ilmerépondit:«Ennousvoyantsibienensemble,lesgensont dû beaucoup parler ; mais même si nous étions aussi intimes qu'on le croit, qu'y aurait-il là dehonteux?Vouspourriezbienmelaisservoirvotrevisage!–Commejesuis très laide,répliquai-je, jen'osepasvous lemontrer,carvousm'avezassuréquevousnesauriezaimerunepareille femme.–Sepourrait-ilvraiment,ditYukinari,quevousfussiezlaide?S'ilenestainsi,continuezàmecachervotrefigure ! »Depuis ce jour,même dans les occasions où il aurait pu, tout naturellement,me voir, il secouvrit le visage et, de fait, il neme regarda pas. Je pensai qu'il avait parlé franchement, et qu'il nem'avaitpasmenti;maisquepouvais-jefaire?

Àlafindutroisièmemois,lemanteaudecour,doublé,d'hiverdoitêtredésagréableàporter.Onvoit

mêmedesgensentenuepourlagardedenuitauPalaisquiontseulementlevêtementdedessus.Unmatinnousavions,ShikibunoOmotoetmoi,dormi jusqu'au leverdu soleil, dans la salle située

sousl'appentis,quandl'Empereuretl'Impératriceouvrirentlaporteàcoulisse,aufonddelachambre,etentrèrent. Ils riaientdeboncœurenvoyantquenousétions toutesperplexeset restions sans savoir sinousdevionsnouslever.Nousmîmesrapidementnosmanteauxchinois,sansprendreletempsderetirernoscheveuxdedessous.Nousavionsrejetéendésordrenoseffetsdenuit,avec toutes lescouverturessous lesquellesnousétionsensevelies,etLeursMajestésmarchaientdessus.Ellesregardaient lesgensqui sortaient du poste de garde ou y entraient. Quelques courtisans, qui ne se doutaient pas de leurprésence,s'approchèrentpournousparler ;mais l'Empereurnousditensouriant :«Ne leur faitespasvoirquenoussommeslà.»QuandLeursMajestés s'enallèrent, l'Impératricenousordonnade lesaccompagner, l'uneet l'autre ;

nousrépondîmescependantqu'ilnousfallaitd'abordnousfarderlevisage,etnousnelessuivîmespas.Ellesétaientrentréesdansl'appartementcentral,etnousparlionsencore,toutesdeux,ducharmedeleurvisite,quand, lesupportde l'écranétantplacéàcôtéde laporteàcoulissequise trouveausud,nousaperçûmes, par une petite ouverture qu'il avait faite dans le rideau qui gênait, un homme à la facebasanée.NouspensâmesquecedevaitêtreNoritaka,etsansyfaireattentionnouscontinuâmesàcauser;pourtant,commeilavançaitsonvisage toutsouriant,nousdîmes :«C'est sansdouteNoritaka,voyonscela ! » et nous regardâmes : c'était une autre figure !Confuses, nous nous empressâmes, en riant, deremettrel'écranàsaplace,etdenouscacher.Troptard!c'étaitleCenseursous-chefdeschambellans,etilavaiteuleloisirdem'observer.Jemedésolais,pensantquej'avaistoutfaitpourqu'ilnepûtmevoir.Et,commeladamequiétaitavecmoimefaisaitface,iln'avaitpasmêmeaperçusonvisage!Ensortantdesacachette,ilmedit:«J'aivuabsolumenttoutevotrefigure.–Nouscroyions, lui répondis-je,quec'était Noritaka, et nous ne prenions pas garde mais pourquoi donc m'avez-vous considérée siattentivementvousm'aviezditquevousnemeregarderiezpas!–Onm'avaitaffirmé,répliquaYukinari,quelevisaged'unefemmesemblaitparticulièrementjoliquandelles'éveillait;j'étaisvenu,songeantqueje pourrais peut-êtrem'en assurer en regardant, par quelque fente, dans une des chambres des dames.J'étaisdéjà làpendantque l'Empereurvousparlait ; longtempsaprèssondépart,vousnevousdoutiezencorederien!»Depuiscetemps,ilestentré,cesemble,derrièrelestoredemachambre.L'appeldesgentilshommes,auPalais[Versdixheuresdusoir,auPalaispuretfrais.],estvraimentunejoliechose;

etilestagréableaussidevoirlesofficiersquivérifientlaprésence,àleurplace,desgensquisontdeserviceauprèsdel'Empereur.Lesautresarriventendésordreàl'appel,leurspasfonttapage.Quand nous sommes à la face orientale des chambres que nous occupons dans les appartements de

l'Impératrice,auPalais,nousécoutonsparfois,enprêtantl'oreille; lenomd'unhommequ'elleconnaît,entenduparhasard,peutfairebattrelecœurd'unedesdames.Etpuis,bienqu'ilyenaitlàfortsouvent,quenepense-t-onpasenentendantappeler,encetteoccasion,desgensdontonnecomprendpasbienlesnoms,parcequ'ilssontinconnusdansl'entouragedel'Impératrice?Lesdamesdécidentqu'untelrépondbienoumal,ouqu'ilestagréableàécouter.C'estamusant!Aumomentoùl'onentenddirequel'appeldescourtisansestterminé,lesgardesenvoyésparleservice

deschambellansfontrésonnerlacordedeleurarc[Poureffrayerlesdémons.]etsortentdeleurposteavecungrandbruitdesouliers.Cependant,auPalais,unchambellanva,d'unpaspesantetsonore,seplacerprèsde la balustrade, au coin du nord-est, où il prend la position que l'on nomme, je crois, le « hautagenouillement».Ilestamusantdelevoir,lafacetournéeversl'Empereur,demanderauxgardesquisontderrièrelui:«Celui-ciest-ilprésent,etcelui-là?»Lesunsarticulentleurnomd'unevoixfaible;lesautres,d'unevoixforte.Lorsqu'ilmanqueuncertainnombred'hommes,l'appeln'apaslieu, lechefdesgardes en rend compte à l'Empereur par l'intermédiaire du chambellan, et quand le chambellan lui endemandelesraisons,illuiditalorsquelleschosesontempêchédefairel'appel.Aprèsl'avoirentendu,lechambellan se retire. Quand c'est Masahiro, comme les jeunes seigneurs lui ont reproché de ne pasécouter lechefdesgardes,et l'ontavertidecequ'ildevait faire, ilprendmaintenantunair furieux, ildiscourtsurlafautequecommettentlesmanquants,etlesgardeseux-mêmesenrient.Unjour,Masahiroavaitlaissésessouliersdansl'OfficeImpérial,surlaplancheoùl'onposelesmets.

Touss'exclamèrentetdirentqu'ilfallaitdébarrasserlaplaced'objetsaussirépugnants.Les gens du service domestique, d'autres encore, ayant pitié de lui, répétaient : « À qui peuvent

appartenircessouliers,impossibledelesavoir!»Maisqueltumultequandl'étourdivintlui-mêmeles

chercherendéclarant:«Cesobjetsmalpropressontàmoi,Masahiro!»C'esttrèsdétestablelorsqu'unjeunehommebiennéappelleunepersonned'unranginférieurendisant

lenomdecettefemmecommeunechosedontilal'habitude.Mêmes'ilconnaîtcenom,ilconvientqu'illeprononcecommes'ilavaitoublié,parmégarde,lamoitié

dessyllabes.Quandonvient lanuitprèsdeschambresqu'occupent lesdamesenserviceauPalaisoudans quelque maison noble, il serait mal d'appeler ainsi, indistinctement ; mais ce qu'il faut, c'estemmenerunhommeduservicedomestique,ou,sil'onestailleursqu'auPalais,unvaletouquelqu'undesgens de service, et faire appeler par cet homme la personne que l'on désire voir. Si l'on appelle soi-même, tout le monde reconnaît votre voix. Cependant, on peut le faire quand il s'agit d'une servanteinférieureoud'unetoutejeunesuivante.Ilestbonque les jeunesgenset lesenfantssoientgras.J'aimebien,aussi,voirde l'embonpointaux

gouverneurs de province et aux fonctionnaires de cette sorte, qui sont des hommes faits et despersonnagesimposants.S'ilssonttropmaigresetdesséchés,onsupposequ'ilsontl'espritmaussade.Lachoselaplusinconvenante,c'estbiend'avoirdesconducteursdebœufsquisoientmalhabillés.Si

lesautresserviteurssontaussipeuélégants,ons'enaccommode,car,après tout, ils restentderrière lavoiture.Maisonressentunetristeimpressionlorsquedesgensquisontenavant,etquel'onatoujourssouslesyeux,ontl'airmalpropres.Aureste,c'esttrèslaidaussiquandonfaitsuivrelavoiturepardesserviteursn'ayantrienquiplaiseà

l'œil.Quanddeslaquaisàlataillesvelte,quisemblentfaitspourêtredeshommesd'escorte,maisdontles pantalons salis ont pris l'aspect des étoffes de nuance dégradée, ou dont les vêtements de chassesemblenttouspartropusagés,vont,sansparaîtresehâter,àcôtédelavoiturequicourt,ilsn'ontpasl'aird'apparteniràlapersonnequiestdanscettevoiture.Engénéral,ilestmauvaisd'avoiràsonservicedesgensmalvêtus.Ilarriveparfoisquelesdomestiquesdéchirentleurshabitsmaiss'ils'agitdevêtementsquiontdéjàété

portésuncertaintemps,lemaln'estpasgrand,etl'ondoitpasserlà-dessus.Quand,dansunpalaisoùilyadenombreuxserviteurs[ou:«Quandchezunseigneurauquellegouvernementdonnedesserviteurs».],onvoitdejeunesservantesquiparaissentmalpropres,onpensequecelanedevraitpasêtre.Quand un seigneur reçoit la visite d'un envoyé du Souverain, ou celle d'un ami, les gensmême qui

viventchezluisontheureuxdevoirungrandnombredejolispages,enservicedanslamaison.Unjour,passantenvoituredevantlarésidencedequelqueseigneur,j'aperçusunhommequisemblait

unserviteur,etquiétendaitdesnattessurlesol[ou:«quidonnaitdesordresàundomestiqueinférieur.»].Jevisaussiun jeune garçon d'une dizaine d'années ayant de jolis cheveux très longs, bien peignés, qui flottaientlibrement;etencoreunenfantdecinqousixansdontlachevelures'entassaitsouslecolletdesonhabit,et dont les joues étaient toutes roses et pleines. Il tenait à lamainun curieuxpetit arc et une sortedebâton.Cesdeuxenfantsétaient ravissants ; j'auraisvoulufairearrêter lavoiturepour lesprendredansmesbras.Jecontinuaimonchemin;plusloin,l'airétaitparfuméd'unedélicieuseodeurd'encensquimecharma.Comme je passais devant une maison noble, la porte centrale était ouverte, et je vis une voiture

couvertedepalmes, touteneuveet jolie,avecdes rideaux intérieurs,orangés,d'unenuance ravissante.Ellesemblaitsuperbe,avecsesbrancardsappuyéssurletréteau.Quelquesfonctionnairesdescinquièmeetsixièmerangs,quiavaientpasséla traînedeleurvêtementdedessousdans leurceinture,et tenaientleurtablette,touteblanche,appuyéecontreleurépaule,secroisaientenallantversunbutouunautre.Ily

avaitaussideshommesd'escorte, engrande tenue,portant audos le carquois en formedecruche,quientraientousortaient : toutà fait cequiconvenait enunpareil lieu.Une filledecuisine, très jolimenthabillée,sortitpourdemander-«LesgensduseigneurUnTelsont-ilslà?»C'étaitravissant.

29.CascadesLacascaded'Otonashi.ÀproposdelacascadedeFuru,onavraimentduplaisiràpenserqu'unempereur,aprèsavoirabdiqué,

seraitallélavoir[OnnevoitpasdequelempereurSeiveutparler,etsansdoutefait-elleiciuneconfusion.].LescascadesdeNachisontenKumano,etj'ai,quandj'ysonge,lecœurcharmé[Seipenseàunepoésiedel'ex-

empereurKwazan,soncontemporain,quifitunpèlerinageàNachi,l'undestemplesdeKumano.].LacascadedeTodoroki[«retentissante»;enRikuzen.].Commeelleestbruyanteetterrible!

3o.RivièresQu'il est triste de penser combien, dans la rivière d'Asuka [En Yamato. Allusion à une ancienne poésie.], les

gouffresetlesbancsdesablesontchangeantsetéphémères!Larivièred'Ôi:cellesd'Izumi,deMinase.LarivièredeMimito[«àl'oreillefine»;enYamashiro.].Ilestamusant,dureste,desedemanderquellechose

elleapuentendreavecunetellesubtilité!Larivièred'Otonashi[«sansbruit»;enKii.]estcurieuse,àcausedesonnominattendu.LesrivièresdeHosotani,deTamahoshi,deNuki.LarivièredeSawada[EnYamashiro.].Enlanommant,onestforcédesongeràl'airpopulaired'autrefois.LarivièredeNanoriso.LarivièredeNatori [« qui acquiert du renom» enRikuzen.]. Jevoudraisbienque l'onmedîtquellesortede

renomméeelleapuacquérir.LarivièredeYoshino.Encebasmonde,ilyaaussiunerivièrecéleste[Amanogava.Cenom,quidésignelavoielactée,estaussiceluid'une

rivière en Kawachi.], et ce qui estencore plus joli, c'est queNarihira l'ait chantée dans ces vers : «À laTisserande,j'emprunteraiunlogis[Danssapoésie,recueilliedansleKokinshû,AriwaranoNarihirafaitallusionàlatisserandede la légendechinoise (uneétoile),qui, séparéedubouvier, sonépoux(uneautreétoile),ne lui est réunieque le septième soirdu septièmemois;cettenuit-là,decélestespies,seplaçantcôteàcôte,formentunpontquipermetaubouvierdetraverserla«rivièreduciel».].»

31.PontsLespontsd'Asamutsu,deNagara,d'Amabiko,deHamana[EnTôtômi.];Hitotsubashi[Pontfaitd'uneseulepièce

debois,d'unseultroncd'arbre.].Lepontdebateaux,àSano.Lespontsd'Utajime,deTodoroki, d'Ogawa ;Kakebashi [« Le pont suspendu », probablement un pont jeté sur un

torrent.]lespontsdeSeta,deKisoji,deHorie,deKasasagi[«despies».],deYukiai[«delarencontre».Commeleprécédent,cenomrappellepeut-êtrelalégendedelatisserande.];lepontflottantd'Ono;lepontduYamasuge[«ducarexdes

montagnes».EnShimotsuke.].Le pont de planches, qui n'a qu'une seule arche. Comme ce pont a l'esprit étroit, il est amusant

d'entendresonnom[Seiplaisanteàproposdupeudelongueur(dupeud'esprit)decepont.].Lepontd'Utatane.

32.VillagesLesvillagesd'Ausaka[PrononcerOsaka;la«Montéedesrencontres».Cevillage,oùsetrouvaitunrelais,étaitsituéprèsdela

barrière du même nom, à la limite de la province de Yamashiro.], de Nagame, d'Isame, de Hitozuma, de Tanome,d'Asakaze,deYûhi,deTôchi,deFushimi,deNagai.LevillagedeTsumatori [« de la femme prise » enMutsu.].Safemmeaura-t-elleétépriseparquelqu'un,ou

bien aura-t-il pris lui-même celle d'un autre ? Que l'on choisisse la première ou la deuxième de ceshypothèses,l'explicationestfortplaisante.

33.HerbesL'acorearomatique.L'avoined'eau.Larose trémièremeravit. Ilestvraimentmerveilleuxde songerque tousenornent leurscheveux,à

l'occasiondelafêtedeKamo,depuisletempsdesdieux.Laplanteelle-mêmeesttrèsjolie.Leplantaind'eau[Omodaka,littéralement«figurehautaine».]aluiaussiquelquechosequimecharme.C'estson

nomquel'ontrouvecurieuxlorsqu'onpensequecetteplanteapusemontrerhautaine.La bardane d'eau. Le persil des rivages. Lamousse. Le lierre à pois. L'herbe verte qui pousse aux

endroitsquelaneigelaissedécouverts.L'oseilledesboisestplusjoliequen'importequoi,endessinssurlasoiedamassée.L'« herbe aventureuse [Peut-être ne s'agit-il pas d'une plante particulière, et faut-il comprendre : « Les herbes aventureuses

croissent...»]»croît,dit-on,surlesfalaisesenvérité,celanedonneguèreconfiance,etj'ensuispeinée.La«plantedejusqu'àquand [Itsumadégusa,l'orpin.]»poussesurdevieuxmurs très fragiles,et j'aipitié

d'elle, car il semble que cesmurs pourraient s'écrouler plus facilement encore que les falaises. Ilmedéplaîtdepenserquecetteplantenecroîtraitsansdoutepassurunvraimurbâtiavecdelachaux.L'«herbesanstracas[Kotonashigusa.D'aprèscertainsauteurs,cetteplanteseraitlamêmequelasuivante,etonl'auraitportée,

fixéeàlacoiffure,pendantlespériodesderetraite,cequiexpliqueraitsonnom.]».Ilestamusantdesedirequ'ellepourraitnesesoucierderien.Peut-êtreaussiunmalheurqui l'accablaits'enest-ilallé?L'uneoul'autredesdeuxexplicationsestamusante.L'«herbequiendure [Shinobugusa.Aujourd'hui, ce nom peut désigner unemousse et une fougère.AuXe,

siècle, il s'appliquaitaussiàuneorchidée.]»mefaitpitié.Lafaçondontellecroîtenabondance,auborddestoits,surtouteslessailliesdesédifices,esttrèscurieuse.L'armoiseesttrèsjolie.Lamassetteenfleurestaussitrèsjolie,etlesfeuillesducarexqu'onvoitsurlerivagesontencoreplus

belles.Le joncdes lacs.La lentilled'eau.Lesmassettespoussées çà et là, quandvient l'automne.La liane

verte.La prêle d'hiver. Il est délicieux d'imaginer quel bruit le vent doit faire quand il souffle dans sa

chevelure.Laboursedupasteur.Legazondeschênes.Lesfeuillesflottantesdulotussonttrèsélégantes.Àlasurfaced'unétangcalmeetlimpide,lesgrandes

etlespetitess'étalentetsedéplacentàl'aventure.C'estcharmant.Siondétacheunedecesfeuillesetsionlaregardeaprèsl'avoirlaisséequelquetempspresséesousquelqueobjet,ontrouvequec'estlachoselaplusgracieusedumonde.Lehoublonoctuple.Lecarexdesmontagnes.Larenouéedesmontagnes.Lelycopodecommun.Lelis

desrivages.Leroseau.Quand le souffle du vent retourne les feuilles de la puéraire [Kuzu, une plante grimpante.], l'envers en

apparaît,toutblanc,etc'esttrèsjoli.

34.RecueilsdepoésiesL'Ancienrecueild'unemyriadedefeuilles.LeRecueilancienetmoderne.LeRecueilchoisipostérieur.[LeMan-yôshû,leKokinshuetleGosenshu.]

35.SujetsdepoésiesLacapitale.Lapuéraire.Labardaned'eau.Lepoulain.Lagrêle.Lebambounain.Lavioletteàfeuilles

rondes.Lelycopode.L'avoined'eau.Lasarcelle.Lecanardmandarin.Lesmassettespousséesçàetlà,enautomne.Legazon.Lalianeverte.Lepoirier.Lejujubier.Le«visagedumatin[Asagaoestaujourd'huilenomduliseron. Au temps de Sei, ce mot désignait peut-être une autre plante : une campanule ou plus probablement la rose de Saron (ketmie,guimauveenarbre).]».

36.FleursdesherbesL'œillet.Pourl'œilletdeChine,ilvasansdirequ'ilestjoli;maisceluiduJaponestsuperbeaussi.La valériane. La campanule à grandes fleurs. Des fleurs de chrysanthème, dont la nuance, après la

gelée,achangépar-ci,par-là.Lesroseauxquel'onmoissonne[Pourencouvrirlestoits.].La gentiane a des rameaux qui m'ennuient ; mais quand toutes les autres fleurs sont complètement

desséchéesparlefroid,elleoffreauxregardssescorollesauxnuanceséclatantes.C'estravissant.Bienqu'ellenesoitpasassez joliepourqu'onpuisse lachoisirexprèsparmi lesautres,et lavanter

commeonferaitunepersonne,lafleurdu«manchedefaucille[Kamatsuka.Ils'agiraitd'unarbusteàfleursblanchesdontleboisservaitàfairelesmanchesdesfaucilles.]»estaimable.Sonnom,aucontraire,sembledéplaisant.Lenomqueportelafleurdulychnis[Kaniiougampi,écritavecdeuxcaractèresquisignifient,lepremier,«oiesauvage»,et,

lesecond,«êtreluxuriant».],écritencaractèreschinois,rappellequel'onremarquecetteplantequandarriventlesoiessauvages.Bienquelacouleurn'ensoitpastrèsfoncée,elleressembletoutàfaitàlafleurdelaglycine.Onlavoitauprintempsetàl'automne,elleestgracieuse.Lavioletteàfeuillesrondesetlavioletteordinairesontdesplantesdemêmegenre.Quandellessont

vieillesetfanées,toutesdeuxsontpareillesetl'onestenpeine,caronnepeutdistinguerl'unedel'autre.Laspirée.Le«visagedusoir[Yûgao,lagourde.Ses fleurs sontblanches.]»ressembleau«visagedumatin»,on lecite

toujoursenmême tempsque lui.Sa fleur est jolie,pour sûr,mais c'est avecdéplaisir que l'onvoit lalaideur de ses gourdes.Pourquoi, du reste, produit-il de pareils fruits ?Si seulement les siens étaientcommeceuxdescoqueretsoudesplantesanalogues!Quoiqu'ilensoit,ilmesuffitdepenseraunomdu«visagedusoir»pourluidécouvrirencoreducharme.Lafleurduroseaun'avéritablementrienderemarquable.Maisquandjesongequ'onasansdouteeude

bonnesraisonspourlajugerdigned'êtreofferteauxdieux [Onen aurait offert auxdieux, en Shinano, le vingt-sept duseptièmemois.],jecessedelatrouvercommune.Lecaractèrequisertàécriresonnomn'estpasmoinsjoliqueceluiqu'onemploiepourl'érianthe[Sulaki,unegraminéequiportedesfleursenpanache.];maiscequimeplaitdavantage,c'estqu'ilpousseauborddel'eau.Ons'étonnera,probablement,quejen'aiepasencoreparlé icidePérianthe,etpourtant!quand l'œil

ravitrouvepartoutàs'émerveillerdanslalande,enautomne,c'estbienluiquienfaitlabeauté.Lorsquesesépisrougefoncé,humidesdubrouillardmatinal,s'inclinentaugréduvent,ya-t-ilautrechosed'aussijoli?Àlafindel'automne,l'ériantheaperdutoutsoncharme.Aprèsquesesontéparpillées,sansquerienn'endemeure,lesfleursauxmillenuancesquis'étaientépanouiespèle-mêle,ilresteencorel'épidel'étianthe, toutblanc ;onpeut levoir jusqu'auxderniers joursde l'hiver. Jenesais s'il tombealorsenenfance;maisvraiment,quandilsepenchecommes'ilregrettaitsasplendeurpassée,satêtebrillantequivacilleressembletoutàfaitàcelled'unvieillard.Sil'oncompareainsiPériantheàunhommecapabledesouffrir,onestforcédeleprendre,luiaussi,enpitié.Lafleurdelalespédèzeestd'unecouleurtrèsfoncée;sesrameaux,gracieusementfleuris,s'étalentet

secourbentdoucementlorsqu'ilssontalourdisparlaroséedumatin.Onassurequelecerflapréfèreauxautresplantes,etqu'ilaimeàvenirprèsd'elle [Les poètes parlent souvent du cerf et de la lespédèze, ou de la valériane,commededeuxamants.];jeressens,quandjepenseàceschoses,uneétrangeémotion.Letournesoln'apasunebeautéremarquable;maisils'incline,dit-on,ensuivanttoujourslalumièredu

soleil.Voilàquinerappellepaslecaractèredesplantesetdesarbresordinaires,etquimeravit.Bienquelafleurdutournesolnesoitpasd'unecouleurfoncée,ilnelecèdeenrienàlakerrieenfleur.L'azalée,nonplus,n'estpasparticulièrementbelle.Pourtant,lespoètesontditque«l'ayantcueillie,on

laregarde[Poésied'IzumiShikibu.]»,et,detoutefaçon,jetrouvecelacharmant.Quandonexaminelaroncedeprès,onestoffenséparsesrameaux;maislafleurenestjolie.Lorsque

leciels'estéclairciaprès lapluie,aubordde l'eau,prèsd'unpont [ou : « près d'un escalier ».] faitd'arbresauxquelsonalaisséleursombreécorce,quelesfleursdelaronce,éclosesenprofusion,sontsplendides,éclairéesparlesoleilcouchant!

37.ChosespeurassurantesLamèred'unbonzequiestparti,pourdouzeans,vivreenreclusdanslamontagne[Sonpèrepouvait levoir

maisnonsamère.].Onarrive,àlatombéedelanuit,dansunemaisonoùl'onn'apasl'habituded'aller.Commeonnese

souciepasdesemettreenévidence,onnefaitpasdelumière:onvapourtants'asseoiràcôtédesgensquisontlà,sanslesconnaître.Alorsqu'onnesavaitriendesoncaractère,onaenvoyéchezquelqu'un,enluiconfiantdesobjetsde

valeur,undomestiquequivienttoutjusted'entreràvotreservice.Etvoilàqu'iltardeàrevenir!

Unbébéqui ne parle pas encore se renverse en arrière, et crie en se débattant si quelqu'un veut leprendredanssesbras.Mangerdesfraisesdansl'obscurité[Onrisquedemangerunelimace.].Unefêteoùl'onneconnaîtpersonne.

38.Chosesquel'onnepeutcomparerL'étéetl'hiver.Lanuitetlejour.Lapluiequitombeetlesoleilquibrille.Lajeunesseetlavieillesse.

Lerireetlacolère.Lenoiretleblanc.L'amouretlahaine.Larenouéeetl'arbreàliège[Lapremièreestpetite,etdonneuneteinturebleue,lesecondestgrand,etl'onemploiesonécorcepourteindreenjaune.].Lapluieetlebrouillard.Onn'aimeplusunepersonne,c'est toujourslamême,et ilvoussemblecependantquec'estuneautre

[Allusionpossibleàuneanciennepoésie.].Dansunjardinplantédenombreuxarbrestoujoursverts,descorbeauxdormaient,quand,verslemilieu

de lanuit, ils s'éveillent en tumulte, effrayéset troublés.L'alerte est transmise d'arbre en arbre, et lescorbeaux croassent, d'une voix altérée par ce brusque réveil. Tout cela, qui diffère de leur aspectdésagréabledujour,estbienjoli.Pourlesrendez-voussecrets,l'étéestcharmant.Lesnuitssontextrêmementcourtesetfugitives.Déjàil

fait jour et l'onn'a pas dormi un seul instant.Comme les stores sont partout restés levés, la fraîcheurpénètredans leshabitations,etonpeutvoirau loin,de tous lescôtés.À l'aube, lesamantsontencorequelquechoseàsedire;ilssontoccupésàcauser,quand,justedevantleurchambre,uncorbeaus'envoleavecuncrisonore.Ilsnedoutentpasd'avoirétédécouverts,etc'estbienamusant!

Enhiver,aumomentdesgrandsfroids,alorsqu'onestcouchéeàcôté,desonami,etquel'onécoute,

enfouiesouslescouvertures,ilestdélicieuxaussid'entendrelesond'uneclochequivousparaîtêtreaufondd'unefosse.Demême,lepremiercridescoqssemblevenird'unpuitstrèsprofondettrèséloigné,parcequ'ilschantentlebecenfoncédanslesplumes;maisàmesurequ'ilsserépondent,ilestcharmantd'entendreleurchantquiserapproche.Quandc'estunamantquivientlavoir,iln'estpasbesoindedirelajoiequ'unefemmeressent.Elleest

heureuse encore, si c'est seulement quelqu'un avec qui elle est en relation d'amitié. Mais quel ennuilorsqu'unhommequin'estnivotreamantnivotreamivientsansmotifparticuliervousrendrevisite!Ilentredanslachambre,où,derrièrelestore,denombreusesdamessontassisesetconversent.Ilneparaîtpasvouloirs'enallerbienvite,etseshommesd'escorte,sespages,pensentque«probablement,mêmelemanchedelacognéevapourrir[Unelégendechinoiseracontequ'unbûcheron,WangTche(ouWangChe),s'attardacertainjouràregarderdesgéniesqui jouaient auxdames, et s'aperçut, quand la partie fut finie, que lemanchede sa cognée tombait en poussière : dessièclesavaientpassé.]».Ilsbâillentlonguementd'ennuietdedécouragement,etbienqu'ilslesmurmurentsansdouteencroyantqu'onnelesentendpas,c'esttoutàfaitdéplaisantlorsquedesphrasescomme:«Ah!quec'estlamentable!Quelsouci!quellepeine!Ildoitêtremaintenantminuitpassé»vousparviennentàl'oreille. Ces gens disent, après tout, cela sans réflexion ;mais il semble au visiteur que ces parolesdétruisenttoutleplaisirqu'ilavaitàregarderetàécouterlesdames.Ouencore,lorsquelesdomestiques,sans aller jusqu'à parler de la sorte enmanifestant clairement leur pensée, se contentent de très fort :«Ah!Ah!Ah!»ilestbienamusantdeserappelerlapoésiede«l'eauquicoulesousterre».Ilesttrèsdétestable,cependant,d'entendrelesserviteursdire, toutprèsdesécransde jardin,oude laclôturede

bambous:«Letempsestàlapluie»,pourqueleurmaîtresehâte.Les hommesqui escortent les gens de qualité, ceux qui forment la suite des jeunes seigneurs, ne se

conduisentpasainsi;maisontrouvecettegrossièretéchezlesdomestiquesdesgensd'unmoindrerang.Parmilesnombreuxserviteursquel'onpeutavoir,ondoitchoisir,pours'enfaireaccompagner,ceuxdontonaéprouvélecaractère.

39.ChosesraresUngendrelouéparsonbeau-père.Unebruaiméeparsabelle-mère.Unepinceàépiler,d'argent,quiarrachebien[L'argentn'estpasunmétaldur,etunepinced'argentestrarementbonne.].Unserviteurquineméditpasdesonmaître.Unepersonnesans lamoindremanie, sans infirmité, supérieureauphysiquecommeaumoral, etqui

restesansdéfaut,alorsqu'ellevitdanslemonde.Des personnes qui habitent ensemble gardent une réserve mutuelle, et je pense que chacune doit

s'appliquer,sanslamoindrenégligence,àdissimulersoncaractère.Ilestbienrarequ'onnefinissepasparlevoir.Nepas tacherd'encre le livreoù l'oncopiedes romans,des recueilsdepoésies, oud'autres choses

analogues.Quandc'estunbeaucahier, onprend leplusgrand soinpour écrire, et cependant, il paraîttoujourssali.Quanddeshommesetdesfemmes,oudesbonzes,sesontpromisuneamitiéprofonde,ilestdifficile

qu'ilsrestentenbonneharmoniejusqu'àlafin.Unserviteuragréableàsonmaître.Onadonnéaufoulondelasoieàlustrer;quandilvouslarenvoie,ellevoussemblesibellequel'on

s'exclame:«Ahqu'elleestjolie!»Parmilesappartementsqu'occupentlesdamesauPalaisImpérial,ceuxquelongelagaleriesonttrès

agréables.Quandonlèvelespetitesjalousiesduhaut,leventpénètreensoufflanttrèsfort,etilfaitbienfrais,mêmeenété.Enhiver,ilarrivequelaneigeetlagrêleentrentenmêmetempsquelevent;cela,encore,m'amusebeaucoup.Leschambressontpeuprofondes,etcommelespages,mêmelà,nonloindesappartementsdel'Empereur,ontparfoisdesmanièresinconvenantes,nousnouscachonsderrièrequelqueparavent.Noussommestrèsbienencetendroit;onn'yentendpas,commeailleursdanslePalais,parlerà voix haute et rire.Même le jour, nous sommes constamment sur le qui-vive, et la nuit, à plus forteraison, iln'estpasunmomentoùnouspuissions relâcherquelquechosedenotreattention ;mais cettecontinuelleinquiétudeapourmoiducharme.Toutelanuit,nousentendonsmarcher,devantleschambres,desgenschaussésdesouliers.Detempsen

temps,lespass'arrêtent:onfrappeàquelqueporte,d'undoigtseulement,etilestamusantdesedirequemalgrécela,ladamequihabitecettechambreabienreconnutoutdesuite,àsamanièredefrapper,celuiquiestlà.Parfois, les coups durent très longtemps, et pourtant la dame garde le silence. L'homme pense sans

doutequ'elleestendormie.Elleenaduregret;lebruitd'uncorpsquibougequelquepeu,lebruissementd'uneétoffefontsavoirauvisiteurcequienest.Ladamel'entenddistinctementagitersonéventail.D'autres fois, en hiver, bien qu'elle fasse en lesmaniant lemoins de bruit possible, il reconnaît le

cliquetisdesbaguettesdemétalqu'elleremuedoucementdanslebrasier.Alors,ilcognedeplusenplus

fort,ilappelleàhautevoix,etladameseglissefurtivementprèsdelaporte,pourécouter.Parfoisaussi,nousentendonsunefouledegensquirécitentdespoèmeschinois,oudisentdespoésies

japonaises.Unedesdames,sansattendre,ouvresaporte,bienquepersonnen'yaitfrappé;ceuxmêmequi n'avaient pas l'intention de venir à cette chambre s'arrêtent. Comme ils sont trop nombreux pourentrer,ilspassentlanuitdanslejardin,devantlavéranda,etlascènen'estpasmoinsagréable.Lestore,toutneufettoutvert,estsuperbe;souslerideauresplendissantdel'écran,onaperçoitunpeu

lebasdesvêtementsqueporteladame,débordantl'unsurl'autre.Cependant, ni les jeunes seigneursdont lemanteaude cour est toujoursdécousupar-derrière, ni les

chambellansdusixièmerang,habillésdevert,nes'approchenteffrontémentdelaporteàcoulisse.Ilestcharmantdelesvoirquisetiennentledoscontrelemur,avecleursmanchesbienajustées.Et puis, on doit sans doute admirer du dehors un délicieux spectacle, lorsqu'un homme portant un

pantalon à lacets d'un violet très foncé, avec un superbe manteau de cour qui laisse apercevoir desvêtementsdedessousdontlescouleursdiffèrenttoutes,entreàdemidanslachambreenpoussantlestore.Qu'ilprenneunélégantencrier,puissemetteàécrireunelettre,oubiendemandeunmiroiràladameetsepeignelescheveuxdestempes,toutcelaestravissant.Quand l'écrande troispiedsestdressé, il laissepeud'espace libre sous le store à tête ; il est bien

amusantdevoircommelestore,relevé,vientfrôlerdésagréablement,pendantqu'ilscausent,levisagedel'hommequiestdehorsetceluideladamequiestdanslachambre.Qu'enserait-ildoncsil'hommeétaittrèsgrandetladametoutepetite?Jenesais,maisavecdespersonnesd'unetailleordinaire,iln'enpeutallerautrement.

Lejourdelarépétitionmusicale[Ildoitplutôts'agirdel'examendemusiqueetdedansequiavaitlieuaupalais,ledernierjour

duMouton, au onzièmemois, c'est-à-dire deux jours avant la fête spéciale de Kamo.] avant la fête spécialedeKamo,c'estencoreplusjoli.Lesemployésduservicedomestiquetiennent,hautallumées,delonguestorchesdesapin;ilsmarchent

en rentrant le cou dans leurs vêtements [A cause du froid.], et en heurtant partout les extrémités de leursflambeaux.Alors commenceundélicieuxconcert, la flûte résonne, et l'on est étrangement charmé.Lesjeunesseigneurs,encostumedecour,s'arrêtentprèsdenouspourbavarder,pendantque lesserviteursdes courtisans, à voixbasse, brièvement, chacun devant sonmaître, enjoignent à la foule de s'écarter.Toutescesvoixsemêlentàlamusique.Celaneressemblepasàcequel'onentendd'habitude,etc'estravissant. Comme la nuit est avancée, on attend le retour, à l'aube, des danseurs et desmusiciens, etlorsqueles jeunesseigneurschantent«Lafleurdel'herbederiz,nouvellementpoussée»,c'estencoreplusagréable.Siquelquehommen'ayantpasl'usagedumondepassetoutdroit,ets'envasanss'arrêter,lesdamesrient ; l'unes'écrie:«Attendezunpeu,pourquoiperdrelecharmedecettenuitsicourte,etvous dépêcher ainsi ? Restez un moment, puis vous partirez. » Mais peut-être cet homme est-il maldisposé ; il s'éloigne en grande hâte, c'est tout juste s'il ne tombe pas ; on dirait qu'il craint d'êtrepoursuivietramenédeforce.C'étaitautempsoùl'ImpératricedemeuraitaupalaisoùsontlesbureauxdesaMaison[Auhuitièmemoisde

998.].Là,sipeupréparéquefûtnotreesprit,nousnoustrouvions,sansyavoirprisgarde,charméesparl'ombreprofondequi s'étendait sous lesvieuxarbresdu jardin, etpar lahauteurde l'édifice.Un jour,quelqu'unayantditqu'undémonétaitcachédansl'appartementcentral,onavaittoutemployé(paravents,écrans…)pourl'enclore.Onavaitdressél'écrandesaMajestésousl'appentisdusud-est,etlesdamesdesasuitesetenaientsousledoubleappentis[Magobisashi,toitàuneseulepentedontlapartiesupérieureétaitappuyéecontrelespilierssupportantlabased'unautreappentis.].

Nousentendionscontinuellementlesserviteurscrier:«Faitesplace!»devantleshautsdignitairesetles courtisans qui étaient entrés par la porte de la garde du corps, et passaient ensuite par celle quesurveille lagardeduPalais,degauche [Par la première porte, ils avaient franchi l'enceinte extérieure ; par la seconde, ilsentraient dans le « Palais Réservé » qu'entourait la deuxième enceinte et dans lequel se trouvaient les résidences de l'empereur, de sesépouses, du prince héritier...]. Pour les courtisans, les avertissements étaient plus brefs que pour les hautspersonnages ; enécoutant,nousnousamusions fort àdire :«Celui-ciestungrandouunpetit " faitesplace ". »Commenous les avions entendues bien souvent, nous connaissions toutes les voix. Parfois,quandl'unedenousaffirmait:«C'estteloutelseigneurquel'onannonce»,uneautrerépondait:«Cen'est pas lui », et nous envoyions une servante voir qui venait d'arriver. Il était amusant d'entendre ladamequiavaitdevinédireaprèscela:«J'avaisdoncraison!»Unmatin,alorsquelaluneétaitencoredansleciel,nousétionsdescenduesdanslejardin,toutcouvert

d'unépaisbrouillard;l'Impératrice,nousentendant,s'éveilla.Touteslesdamesquisetrouvaientauprèsd'elledescendirentaussi,etpendantquenousnousdivertissions,lejourvintpeuàpeu.Commejepartaisendisantquej'allaisaupostedelagardeduPalais,degauche,toutesmerattrapèrentens'écriant:«Moiaussi,moiaussi!»MaisnousentendîmesdenombreuxcourtisansquivenaientverslePalais,enrécitantensemble la poésie : « Ceci ou cela… c'est l'automne qui chante d'une seule voix [Poème, en chinois, deMinamotoHideakira(morten940),etdontSeiaremplacéledébutpar«cecioucela».].»Lesdamesrentrèrentalorsbienvitedans le Palais [Dans le Palais intérieur, le Palais Réservé.] pour causer avec eux. L'un de ces gentilshommesdemandasinousavionsadmirélalune,etcomposaunepoésiepourencélébrerlecharme.La nuit comme le jour, jamais les courtisans ne cessaient de venir nous voir. En arrivant au Palais

commeenpartant, leshautsdignitaires, àmoinsd'avoir quelque affaire extraordinairementurgente, nemanquaientpasnonplusdevenir.

40.Chosesqu'ilnevalaitpaslapeinedefaireAprèsavoirelle-mêmedécidédelepostuler,unefemmeobtientunemploiauPalais;maisbientôtelle

prend un air ennuyé, trouve ses fonctions fastidieuses.Elle répète sans cesse qu'elle doit partir parcequ'on lui a dit je ne sais quoi, parceque le service lui déplaît.Elle s'enva, et voilà qu'elle parle derevenir,attenduqu'elleestendésaccordavecsesparents.Ungendreadoptéquifaitmauvaisvisageàsesbeaux-parents.Aprèss'êtreobstinéàprendrepourgendrequelqu'unquin'y tenaitguère, se lamenterendisantqu'il

n'estpastelquel'onpensait.

41.Chosesdontonn'aaucunregret[Ce titres'accordemalavec le texteduchapitre.Ya-t-il iciuneerreurdescopistes?Enchangeant un seul des caractères syllabiques

employés,onaurait«Chosespitoyables».]On entend louer une poésie que l'on a composée pour la donner à une amie, et lui permettre de la

présentercommesonœuvre.Cela,pourtant,aaussiquelquechosed'agréable.Unhomme,prèsd'entreprendreunlongvoyage,demandedeslettresderecommandationpourdesgens

quihabitentdanslesendroitsoùilvapassersuccessivement,etvousfaitdirequ'ilseraitheureuxd'avoir

unelettredevous.Vousécrivezalorsnégligemment,pourquelqu'unedevosconnaissances,unelettrequevousenvoyezàceluiquivapartir.Maisvotreamisefâcheenlalisant,etditquevousnevousêtes,pourlui, pasmis en frais. Il ne donne pas seulement de réponse au voyageur, il parle de vous enmauvaistermes.

42.ChosesquiparaissentagréablesLecomplimentadresséauSouverainquandonluiprésentelacanneduLièvre[ou:«Lesparolesmagiquesque

l'onditentenantlacannedujourduLièvre.».].Lechefdesacteursquiexécutentladansesacrée[Lakagura.].Leslotusdel'étangarrosésparl'averse.Celuiquidirigeleschevauxàlafêtedel'AugusteEsprit[L'espritdeSusa-no-O.Lafêteavaitlieulequatorzièmejour

dusixièmemois.],ouencore,àcettemêmefête,celuiquiportelabannière,qu'ilagitepourfairedessignaux.Ledirecteurd'unetrouped'artistesambulants.Àl'époqueoùsontnomméslesgouverneursdeprovince,celuiquiobtientlemeilleurposte.Lelendemain[Levingt-deuxièmejourdudouzièmemois,en993.]dujouroùfutfaitel'«Énumérationdesnomsdes

Bouddhas[Onrécitaitun textecontenantune listedesbouddhasdes« troismondes» (passé,présent,avenir).]»,onapporta,entraversantlePalais,leparaventsurlequelestreprésentél'enfer,pourlemontreràl'Impératrice.C'étaitunepeinturetoutàfaitrepoussante.SaMajestémeditdelaregarder;maisjerépondisquejenevoulaisabsolumentpas lavoir.J'étaisglacéed'horreur ;pourmesoustraireà tous lesyeux, j'allaimecoucherdansnotrechambreduPalais.Il pleuvait très fort, et l'Empereur dit qu'il s'ennuyait ; sur son ordre, les courtisans vinrent aux

appartementsqu'occupait l'Impératrice au Palais pur et frais ; il y eut un concert. Le Troisième sous-secrétaire d'ÉtatMichimasa [Minamoto Michimasa (ou Michikata).] jouait très bien de la guitare ; le seigneurNarimasa jouait de la harpe,Yukinari de la flûte, et leCapitaine de la garde du corps,Tsunefusa, del'orgueàbouche[L'orgueàboucheétaitforméd'unecalebasseàlaquelles'adaptaientdestuyaux:dansl'unlemusiciensoufflait,etl'airs'en allait par les autres, pourvus d'anches.]. C'était ravissant, et quand la guitare se tut, à la fin dumorceau, leSeigneurpremiersous-secrétaired-État[FujiwaraKorechika.]récitalapoésie:«Lesondelaguitareacessé;maisl'ontardeàcauser[«Poèmedelaguitare»,dePoKyu-yi.].»J'étais couchée tout près, bien cachée ; jeme levai, puismemontrai en déclarant : « La peine que

j'encoursestterrible;pourtantjenepuisrésisteraucharmedecesvers!»cequifitriretoutlemonde.La voix du Premier sous-secrétaire n'était, sans doute, pas remarquable ;mais vraiment, on aurait pucroiretoutpréparéàdesseinpourquesarécitationfûtàpropos.LeCapitainedelagardeducorps,sous-chefdeschambellans [Fujiwara Tadanobu.],ayantécoutéquelque

racontageàmonsujet,disaitdemoilespireschoses:«Commentai-jepu,s'étonnait-ilparexemple,laconsidérercommeunêtrehumain?»Jefusmortifiéeenapprenantparhasardqu'ilmecalomniait,sansgarderdemesure,mêmeauPalaisdel'Empereur.Pourtant,jerépondisenriant:«Sij'étaisvraimentsidétestable,ceseraitunmalheur;maisilaurarectifiédelui-mêmesonjugementaprèss'êtrerenseigné.»Cependant,quandTadanobuentendaitmavoix,enpassantauxenvironsdelaPortenoire [Le nom de cetteporte rappelle des récits concernant l'empereur Kôkô (885-887).], il se couvrait le visage avec sa manche, et nem'accordaitpasuncoupd'œil.Maismalgrél'aversionqu'ilmetémoignait,jelaissailetempss'écouler,sansluiparler,nimêmeregarderdesoncôté.

Verslafindudeuxièmemois [En 995.], lapluie tombasouvent ; le tempsmesemblait long,quand lesdamesmeracontèrentqueTadanobuétaitauPalais,oùilprenaitpartàuneretraitedel'Empereur,etqu'ilavaitdit:«Quoiqu'ilensoit,jemesenstouttristedepuisquej'airompuavecSeiShônagon.Jenesaissijenedevraispasluienvoyerunmot.»Jerépondisquejenecroyaispascelapossible;maisjerestaitoute la journéedansmachambre, etquand jeme rendisprèsde l'Impératrice, elle s'était déjà retiréedanssesappartementsdenuit.Lesdamesdesasuitesetrouvaientrassembléesdanslasalleinférieure;ellesavaientapprochéune

lampe,ets'amusaientàdevinerdescaractèreschinoisdontlamoitiéétaitcachée.Enm'apercevant,toutess'écrièrent :«Quelbonheur !Enfinvousvoici !Accourezvite !»Mais jemedésolaisd'être arrivéeaprèsledépartdemamaîtresse,etjenesavaispourquoifairej'avaisbienpuvenirauPalais.Jem'assisàcôtédubrasiercarré;toutesvinrentauprèsdemoi,etnouscausions,lorsqu'unmessagers'annonçaau-dehors,d'unevoixéclatante.Étonnée,j'envoyaidemandercequis'étaitpasséensipeudetemps,depuisquej'avaisquittémachambre.Lemessagerappartenaitauservicedomestique.Ilréponditqu'ildevaitmeparlersansintermédiaire,etjesortispourlequestionner:«Voici,medit-il,unelettrequevousadresseleSeigneurcapitainesous-chefdeschambellans,veuillezrépondresur-le-champ.»Connaissantl'extrêmeaversionqueleCapitaineavaitpourmoi,jemedemandaisquellesortedelettrecepouvaitêtre;maisjela mis dans mon sein en déclarant qu'il m'était impossible de la lire tout de suite, à la hâte, que lemessagerpouvaits'enaller,etquejerépondraisbientôt;puisjerentrai.Peudetempsaprès,alorsquej'étaisdenouveauoccupéeàécouterlaconversationdesdames,lemêmehommerevint,etmedit:«Onm'aordonnéderapporter,àdéfautd'uneréponse,lalettrequejevousavaisremise.Dépêchez-vous.»Jetrouvailachoseétrange,etpensantquec'étaitlàunvraiconted'Ise [C'est-à-dire une chose incroyable. Les

gensde laprovinced'Isepassaientpourdesmenteursfieffés.],jeregardailalettre.Jelavis,élégammentécritesurdupapierbleu,trèsfin;maisriennejustifiaitl'émotionquej'avaisd'abordressentie.«DanslasalleduConseil,pendantlasaisondesfleurs,vousêtessousledaisdebrocart[Poésiecomposée

parPoKyu-yi,exiléloindelacapitale.]»,avait-onécrit;et,ensuite,«quelleestlafindecettepoésie?»Jenesavaiscommentfaire.Sil'Impératriceavaitétélà,j'auraispulaprierdelirecettelettre;mais

elle dormait ; jeme disais que si, tout enmontrant que je connaissais la fin du poème, j'écrivaismaréponseavecdescaractèreschinoisincertains,elleseraitdésagréableàlavue.Etpuislemessagernemelaissaitpas le tempsderéfléchir, ilmepressait, ilme troublait.Avecuncharbonéteintque jeprisaubrasier,j'écrivisdoncseulement:«QuipourraitvenirvisiterLachaumière?»[Seiécritdeuxversjaponaisquirappellentlepoèmechinois.]àlafindelalettrequ'ilm'avaitapportée,jelaluirendismaisjenereçuspasderéponse.TouteslesdamespassèrentlanuitauPalaisImpérial,etlelendemainmatin,j'étaisdescenduedetrès

bonne heure à notre chambre, quand j'entendis leCapitaine de la familleMinamoto [Minamota Tsunefusa.]appelerd'unevoixde tonnerre :«Lachaumièreest-elle ici ?Lachaumièreest-elle ici ? –Comment,répliquai-je,unetellepersonne,quin'apasmêmel'aird'unêtrehumain[Sein'apasoubliécequeTsunefusadisaitd'elle.],pourrait-elleêtreici?Sivousdemandiezlagaleriedesjoyaux[Cenomdésignaitunsiègesuperbequiservaitàl'empereur deChine. Sei choisit quelque chose demagnifique pour l'opposer à unemisérable chaumière.],onvousrépondrait !–Quellejoie,s'écria-t-il,vousêtesdansvotrechambre!S'il l'avait fallu, jeseraisallé,pourvousvoir,jusqu'auPalaisImpérial!»Ilm'appritquelaveilleausoir,danslasalleoùsetientleCapitainesous-chefdeschambellansquandilestdeservicependantlanuit,setrouvaientréunisplusieurshommes,du

sixième rang aumoins, tous gens de talent. «On causait,medit-il, de tout lemonde, et l'on racontaittoutessortesdechoses,soitpassées,soitactuelles,quand,danslecoursdelaconversation,leCapitainedéclara :«J'ai rompucomplètementavecSeiShônagon;pourtantcelanepeutdurerainsi. J'attendais,pensantqu'ellemeparleraitpeut-être lapremière ;ellereste indifférente,sansavoir l'aird'ysonger lemoinsdumonde,etj'ensuistrèsmortifié.Ilmefautvoir,cettenuit,cequ'ellevaut,etenfiniraveccetteincertitude. » Tous ceux qui étaient là discutèrent à ce propos, et l'on décida de vous écrire ; maisl'hommeduservicedomestiquenouscontacommentvousétiezrentréeendisantquevousnepouviezliretout de suite notre missive. On le renvoya cependant en lui donnant ces instructions formelles :«Saisissez-laparlamanche,etnelalaissezpasbougeravantd'avoirobtenud'elleuneréponsequevousrapporterez ; ou, sinon, reprenez au moins notre lettre. » Il pleuvait justement très fort quand on luiordonnaderepartir;maisilrevintbientôt,etsortitunpapierdesonseinendisant:«Voici!»C'étaitnotrebillet ; lecapitainemurmura:«Jemedemandesielle l'arenvoyételquel»,puis ilouvritcettelettre,ets'exclamaenyjetantlesyeux.Tous,alors,s'approchèrentetregardèrentens'étonnant:«C'estétrange,quellechosecelapeut-ilêtre?–Quelleextraordinairefriponne,s'écrialeCapitaine,jenepuisvraimentrompreavecelle!»Tousseprécipitèrentpourlirevotreréponse,etdirent:«Nouspourrionsluirenvoyersapoésieenyjoignantuncommencement[C'est-à-dire troisversqui, placésdevant ceuxqu'a envoyés Sei,ferontunepoésiecomplète,untantra.Onverraplusloindespoésiescomposéesdecettemanière.Ailleurs,c'estletercetqui«appellera»ledistique.]. CapitaineMinamoto, ajoutez-le donc ! » Très tard dans la nuit, nous nous tourmentâmes sansrésultatpouressayerd'ajoutercespremiersvers ;maisnousdûmesyrenoncer,nousdécidâmesque lachose méritait sûrement d'être répétée ! » Le Capitaine Minamoto, après m'avoir raconté toute cettehistoireavecdesélogessidémesurésquej'enétaisconfuse,medit:«Onvoussurnommemaintenant«lachaumière»;etcommeTsunefusasehâtaitdepartir,jesongeaisqu'ilseraitpénibledegardertoujoursunsurnomsidésagréable.Àcemoment,arrivaleSous-chefduservicedesréparations,Norimitsu[TachibanaNorimitsu,quidurantquelque

temps futassez liéavecSeipour seconsidérercommeson frèreaîné.],quimedéclara:«Pensantquevousyétiezsansdoute,j'étaisalléauPalaisImpérialpourvousmarquertoutemajoie!–Pourquoicetteallégresse?luidemandai-je ; jen'aicependantpasentendudireque l'onavaitnommédesfonctionnaires?Quelposteavez-vousdoncobtenu?–Voyons,répliqualeSous-chefils'agitbiendecela!Toutelanuit,j'aiattenduavec impatience le moment de venir vous parler, en songeant à votre réponse vraiment merveilleused'hiersoir. Jamaisonn'avaitvuchoseaussiglorieuse !»Et ilmerépéta,depuis ledébut, toutcequem'avait dit le Capitaine. Il ajouta que le Capitaine sous-chef des chambellans avait affirmé : « Je lajugeraid'aprèssaréplique,etsicelle-cinemesatisfaitpoint,jenemesoucieraiplusdesonexistence.»Pourtant,continualeSous-chef,quandlemessagerrevintsansrienrapporter,onestima,contrairementàcequel'onpourraitcroire,quec'étaitbien.Ladeuxièmefois,lorsquel'hommeapportauneréponse, jesentismoncœurbattreàse rompre,pendantque jemedemandaiscequevouspouviezavoir écrit. Jepensais,envérité,quesil'ontrouvaitcetteréponsemauvaise,ceseraitdésagréableaussipourmoi,votreFrèreaîné.Heureusementvotreréplique,nonseulementn'étaitpasmédiocre,maisavaituncharmepeucommun.Touteslespersonnesprésenteslalouèrentavecenthousiasme,enmecriant:«Eh!vousquiêtessonfrèreaîné,écoutezdonccetteréponse!»J'étaisraviaufondducœur;maisjerepartis:«Àquoibon,jesuistoutàfaitincompétentencettesortedechoses.–Onnevousdemandepas,merépondit-on,de juger ni de critiquer ; on vous dit seulement de raconter à tout lemonde ce qui est arrivé ! » Laréplique était un peu pénible pour un frère aîné comme moi. Cependant, après avoir discuté, tousdéclarèrent:«Nousavonsbeauessayerd'ajouteruncommencementàcesvers,iln'yapasd'apparencequenous puissions en trouver un.Au reste, est-il rien qui nous oblige, spécialement, à composer unepoésieenréponse?Unenvoyantunpoèmemédiocre,nousneferionssansdoutequenousattirerungrave

désagrément» ;et ils restèrentainsi jusqu'aumilieude lanuit.Toutcelan'est-ilpas trèsheureuxpourvousetpourmoi?Sij'avaiséténommélieutenantdanslagardeducorps[ou:«Sij'avaisobtenuquelqueposte».],lorsdespromotions,majoieneseraitrienàcôtédecellequej'éprouveaujourd'hui!»PendantqueleSous-chefmeparlait,jemesentaisvraimentfâchéed'avoirrépondusanssavoirquetantdegenss'étaientconcertéspourm'écrire,etmoncœursebrisaitàcettepensée.Tout lemonde, jusqu'à LeursMajestés, sut l'histoire de la sœur cadette et du frère aîné ;même au

Palaisdel'Empereur,onn'appelaplusleSous-chefque«frèreaîné»,aulieudeledésignerparlenomdesafonction.Commenousconversionstouslesdeux,uneservantearriva;ellemedit,delapartdel'Impératrice,de

venirsur-le-champ.Quandjefusauprèsdemamaîtresse,jevisquec'étaitpourmeparlerdecetteaffairequ'elleavaitdésirémevoir.«L'Empereur,medéclara-t-elle,estvenuparici,etm'aracontéquetousleshommes de son Palais avaient votre distique écrit sur leur éventail. » J'étais stupéfaite, et je medemandaisqui avaitpublié la chose ;mais, depuis ce jour-là, leCapitaine sous-chef des chambellanscessadeseservirdesamanchecommed'unécrandevantsonvisage,etparutavoircorrigésonopinionàmonégard.Unanplustard[En996.],levingt-cinqdudeuxièmemois,l'Impératriceallademeureraupalaisoùsont

les bureaux de saMaison. Je ne l'accompagnai pas, et je restai au Palais du jardin des pruniers. Lelendemain, leCapitaine sous-chef des chambellans [Fujiwara Tadanobu.]m'envoya cemessage. : « La nuitdernière,jesuispartipourallervisiterletempledeKurama[Templebouddhique,àtroislieuesausuddeKyôto.],etjepensaisrevenircesoir;maiscommedemauvaisprésagesm'interdisentdemarcherdansladirectiondelacapitale, jechangedechemin; jecompterentreravant le jour. Il fautabsolumentquejevousparle.Veuillezdoncm'attendre,etnemelaissezpasfrappertropfortàvotreporte.»Cependant,laNobleDameduservicedelaToilette[Elleavaitsoussesordresdesdamesquicousaient lesvêtements

impériaux.Seiparleicide laquatrièmefilledeMichitaka,oud'unefilledeMichikane,unfrère,plusâgé,decelui-ci.]mefitappeler:«Pourquoi,medemandait-elle,restez-vousseuledansvotrechambre?Venezdoncici»;jemerendisàsonpalais.Lelendemainmatin,jemelevaitard,etjeretournaiàmachambre.Laservantequej'yavaislaisséeme

conta:«Lanuitdernière,unhommeheurtatrèsfortettrèslongtempsàlaporte.Finalementjemelevai,ilmepriad'annonceràmamaîtressequeceluiquiavaitpromisdeveniravaitfaitcommeilavaitdit;jerépliquaiqueprobablementvousn'écouteriezpas,etjemerecouchai.»«Quellechoseimpatientante!»pensais-je.Àcemomentilvintunhommeduservicedomestique,quimedit :«LeSeigneursous-chefdes chambellans vous annonce qu'il va partir à l'instant, et qu'il a cependant quelque chose à vouscommuniquer.»Jerépondisquemonservicem'appelaitauPalais,etqueleCapitainepourraitm'yvoir.Eneffetmoncœurbattait;j'étaisinquièteenpensantquepeut-être,s'ilvenaitàmachambre,ilécarteraitle store. J'allai donc auPalais du jardin des pruniers ; quand leCapitaine sous-chef des chambellansarriva,j'ouvrislademi-jalousiedelafaceorientale,et jelepriaid'approcher.Ils'avança,magnifique,portant unmanteau de cour d'une superbe couleur de cerisier, avec une doublure dont la nuance et lelustreavaient un charme indicible. Sur son pantalon à lacets, couleur de vigne très foncée, on voyait,brodéesçàetlà,desbranchesdeglycine,plusgrandesquenature.Lateinteetl'éclatdesonvêtementdedessousécarlateparaissaientsplendides,et,dessousencore,denombreuxvêtementsblancsetvioletclairétaientmisl'unsurl'autre.Commelavérandaétait trèsétroite, il s'yassitàdemiseulement,presquesous lestore ; il semblait

vraimentundecespersonnagesquereprésententlespeintures,ouquecélèbrentlesromans.Lesfleursdespruniersquisontdevantlepalais,blanchespourceluidel'estetrougespourceluide

l'ouest,commençaientàtomberunpeu,maisellesétaientencorebelles.Lesoleiléclairait toutceladesesbrillantsrayons,etj'auraisvoulufairecontemplerpartoutlemondececalmetableau.Ilauraitfallu,àl'intérieur,derrièrelestore,unejeunedameavecdesuperbescheveux,longs,répandussursesépaules.Lascèneeûtalorsétéencoreplusadmirableet jolie.Maisc'étaitmoiquiétais là :unefemmevieille,ayantdebeaucouppassélafleurdel'âge,avecdescheveuxquel'onpouvaitcroirefaux[Lescinqderniersmotssontprisdans le texte donné parM.Kaneko.],crêpéspar-ci,par-là,endésordre.Commeonse trouvaitdansunepériodededeuil [A cause des malheurs qui avaient frappé les frères de l'impératrice.], où les dames portaient pour laplupartdesvêtementsdontlacouleurdifféraitdelateintehabituelle,j'avaisdeshabitsd'ungrissourissiternequel'onauraitpusedemanders'ilsétaient,ounon,colorés.Ilsétaienttousdelamêmenuance,onnelesdistinguaitpaslesunsdesautres.Ainsi,mamisen'avaitpaslemoindreéclat;l'Impératriceétantabsente,jeneportaispasdejuped'apparat;j'étaisassiselà,enhabitdedessus;jegâtaislespectacle.Queldommage!LeCapitainesous-chefdeschambellansmedit:«Jevaisaupalaisoùsontlesbureaux.Avez-vousune

commissionàmeconfier?Quandirez-vouslà-bas?»Puisencore:«Jerevinshier,sansattendrelafindelanuitàl'endroitoùj'étaisallépourchangerladirectiondemaroute,car,malgrél'heure,jepensaisquevousm'attendriez,puisquejevousavaisprévenue.Ilfaisaitunsuperbeclairdelune;aussitôtarrivéde lacapitalede l'ouest [Lamoitié occidentale deKyôto. La ville présentait l'aspect régulier d'un rectangle divisé, par une largeavenueallantdunord au sud, endeuxpartiesdont l'une, celle de l'ouest, déclina debonneheure.], jevinsfrapperàlaportedevotre chambre.Mais à cemoment…Ah ! de quelle grossièreté furent les façons et la réponse de laservantequis'éveillafinalement,etquisortit,touthébétéeparlesommeil!»Ilriaitenmeracontantcela,etpoursuivit:«Jefuscomplètementdésappointé.Pourquoiaviez-vouslaisséunetellefemmedansvotrechambre ? » je pensais qu'en vérité il avait pu, avec raison, être fâché ; j'en avais du regret, tout entrouvantlachoseamusante.Aprèsquelquetemps,leCapitaines'enalla.Lesgensquil'aurontadmirédudehorsseserontdemandé,charmés,quellejoliepersonnepouvaitcacherlestore,etceuxquimevoyaientpar-derrière, du fond de la chambre, n'auront pu s'imaginer que, dehors, il y avait un seigneur aussimagnifique.Aucoucherdusoleil[Levingt-septièmejourdudeuxièmemois,en996.],jemerendisaupalaisoùsontlesbureaux

des fonctionnaires qui gouvernent la Maison de l'Impératrice. De nombreuses dames étaient réuniesauprès de Sa Majesté ; elles disputaient à propos des romans, chacune disant les endroits qui luisemblaient beaux, oudéplaisants, ou détestables ; elles en récitaient des passages. L'Impératrice elle-même discutait les qualités deNakatada [Personnage du « Conte du creux », habile musicien, héros de la piété filiale.].« Donnez-nous vite, me dit une dame, votre opinion là-dessus ; SaMajesté répète constamment quel'enfancedeNakatadafutbienétrange.–Quoiqu'ilensoit,répliquai-je,encorequ'ilaitjouédelaharpeavecassezdetalentpourfairedescendrelesangesduciel,c'étaitquelqu'undefortdésagréable,etjenesais trop s'il obtint la fille de l'empereur ! » La dame, comprenant qu'en réalité j'estimais beaucoupNakatada,réponditalors:«Puisquevousplaisantezainsi…»Maisl'Impératricemedit:«SivousaviezvuTadanobu,quandilestvenudanslajournée,jem'imaginequevousl'aurieztrouvéplusbeauetplusséduisantquetoutescesfiguresderomans!»Etlesdamesajoutèrent:«Cettefois,ilsemblait,envérité,encoreplussuperbequedecoutume.–J'étaisaccourue,m'exclamai-je,dans l'intentiondedire toutdesuiteàSaMajestéqueTadanobum'avaitrenduvisite;maisjemesuistrouvéemêléeàladiscussionàproposdesromans,etjen'aipum'expliquer.»Jeracontaicequis'étaitpassé.Lesdamesrirentalorsendéclarant:«BienquenouseussionstoutesvuTadanobu,aurions-nouspudécouvrirlefilquireliaittousleschapitresdecettehistoire,endistinguantchaquedétail,jusqu'auxpointsdelacouture?»Ellesme parlèrent ensuite de la visite que le Capitaine sous-chef des chambellans leur avait faite.

Commeilleurdisait:«Siquelqu'unavaitvu,avecmoi,ladévastationdelacapitalede l'ouest, ilme

semblequemonémotionauraitétéplusgrandeencore.Lesclôturessonttoutesrompues,etlamousse,enpoussant,atoutrecouvert»,ladameSaishôluiréponditparcettequestion:«Yavait-ildespinssurlestuiles[AllusionàunepoésiedePoKyu-yi.Les«pinssurlestuiles»sontdesmoussesoudesfougères.]?»etTadanobu,remplid'admiration,fredonna:«J'aiquittélacapitale,parlaportedel'ouest,etcombiendepaysai-jetraversés[SuitedelapoésiecitéeparSaishô.]?»Ilétaittrèsamusantd'entendretoutlemondelouerbienhaut,bruyammentmême,l'éruditiondeladameetduCapitainesous-chefdeschambellans.Lorsque j'étais à la campagne, pour un temps, les courtisans venaientme retrouver ; les gens de la

maison où je logeais se plaignaient qu'on les importunât ainsi. Comme je n'avais, du reste, aucunsentimentàcacherprofondémentenmoncœur[C'est à dire : «Comme je n'attendais pas la visite d'un galant ».], jenedétestaispasceuxquiparlaientdecettefaçon.Etpourtant!Commentfairerépondrequ'onn'estpaslàauxgensquiviennentvousvoir, lanuitet le jour,et les renvoyermortifiés?D'autantplusqueparmiceuxdontl'arrivéetroublaitlamaison,ils'entrouvaitaussiquin'étaientpas,vraiment,demesamisintimes!Commetoutcelam'ennuyaitréellementtrop,jen'avais,unefois[En999,audeuxièmeouauhuitièmemois.],pasditàtoutlemondeoù j'allais.Seuls lesavaient lesseigneursTsunefusa,Narimasa,etquelquesautres.Unjour Norimitsu, le lieutenant de la garde du Palais, de gauche, me fit visite, et dans le cours de laconversation,ilmeditquelaveille,leSeigneurcapitaineetconseillerd'Etat[Tadanobu.]l'avaitinterrogéavec insistance, en lui répétant que, selon toute apparence, il n'ignorait pas où était sa propre sœurcadette.CommeNorimitsuluirépondaitqu'iln'enavaitpaslamoindreidée,leSeigneurconseillerl'avaitpressédésagréablementdelerenseigner.«j'étaisdésolé,mecontaNorimitsu,denierunechosevraie;jesentaisquej'allaisrireauxéclats.LeCapitainedelagardeducorps,degauche[MinamotoTsunefusa.],étaitassisàcôtédenous,l'airtoutàfaitindifférentetignorant,jen'enpouvaisplus:ilmesemblaitquesimonregardrencontraitseulement lesien, jeserais forcéderire.Pourm'enempêcher, jesaisisvivementunméchantmorceaud'algue[Me,alguecomestible.]quisetrouvaitsurlatable,auprèsdenous,jelefourrai,puisleretournaidansmabouche.Lesgensaurontpensé,enmevoyantfaire,quejeprenaislàunesingulièrefriandiseentrelesrepas.Cependantjeréussis,grâceàmonstratagème,àgarderlesilence.Sij'avaisri,tousnoseffortsauraientétévains;maisTadanobuseditque,vraiment,jenedevaisriensavoir.C'étaitbienamusant!»Je recommandai encore plus instamment une absolue discrétion à Norimitsu, puis de longs jours

passèrent.Pourtant,unenuit,trèstard,j'entendisdescoupsterribleslagrandeporte.Jemedemandaisquipouvait

frapperainsi,defaçonàeffrayertoutlemonde,alorsquelaporten'étaitpastrèséloignéedel'habitation;j'envoyaiuneservantes'eninformer.C'étaitungarde;ilapportaitunelettre,etditqu'ellem'étaitadresséeparleLieutenantdelagardeduPalais,degauche.Tousdormaientdanslamaison,j'approchaiuneLampeetjelus.«C'estdemain,m'écrivaitNorimitsu,lafindela«Lecturesacrée[Lecturefaiteaupalaispardesbonzes,au deuxième et au huitièmemois, du «Livre de laGrande sagesse » (Daihan-nyakyô).]»; leCapitaineetconseillerd'Étatrestera au Palais, car il doit assister Leurs Majestés dans leur retraite du jour d'abstinence. S'il metourmentepourque je luidiseoùestma sœur cadette, il n'y aurapasmoyenque jeme taise, et jenepourraisûrementpointdissimuler.Mefaudra-t-il luiapprendreoùvousêtes?Quedevrai-jefaire?Jesuivraivosinstructions.»Jen'écrivisrienenréponse,j'enveloppaiseulementdepapierunpetitmorceaud'algue,et je l'envoyaiàNorimitsu.Unpeuplus tard,celui-civintmevoiretmedit :«Tadanobum'apressédequestions toute lanuit ; ilm'avaitprisàpartdans lepremierendroitvenu.C'estunecruellechosequedesevoirainsitourmentéparcequel'onestfidèleàuneamie.Etpuis,vousnem'aviezfaitaucune réponse, vous ne m'aviez envoyé, bien enveloppé, qu'un stupide morceau d'algue. Sans doutel'aviez-vousprisparerreur!»«Singulierobjetdeméprise,pensais-jeenl'écoutant;a-t-onjamaisvu

envelopperunepareillechoseetl'adresseràquelqu'un?»JedétestaisNorimitsuenvoyantqu'iln'avaitabsolumentriencompris,etsansluirépondreunmot,j'écrivissurunefeuilledepapierquejeprisàcôtédel'encrier:«SilapêcheusequiplongeVousafait…mangerdel'algue,…signedel'œil,C'est,sansdoute,PourquevousnedisiezjamaisQuesademeureest…aufonddelamer.»…là-bas.»[Enécrivantcesvers,Seipensepeut-êtreàunepoésierecueilliedansleWakanrôeishû.Lesaccolades,danslatraduction,marquentdes

calembours:certainsmotsdel'originalpeuventêtrecomprisdedeuxfaçons.]JetendiscepapieràNorimitsu;maisavecsonéventail,illerepoussaenmaugréant:«Ah!vousavez

daignécomposerunepoésie.Jeneveuxpasmêmelaregarder!»Puisilpartitbienvite.Ainsi,sansmotifréel,nousfûmesunpeubrouillés,nousqui, toujours,avionsétédesibonsamiset

nousétionsprotégésmutuellement.Cependant,Norimitsum'écrivitaprèsquelque temps :«Encorequej'aie pu faire une chose inopportune, ne rejetez pas notre pacte d'alliance ; et, même si nous restonsséparés,rappelez-vousquej'étaiscommevotrefrèreaîné.»Ilavaitl'habitudededéclarer:«Lesgensquiontdel'affectionpourmoinedoiventpasm'envoyerdepoésie.Jeseraisforcédelesconsidérertouscommemes ennemis. Si un jour, fatiguée de notre amitié, vous vouliez la rompre, vous n'auriez qu'àm'adresserdesvers.»Aussi,envérité,ne regarda-t-ilpeut-êtrepas la lettreque je luiexpédiai,danslaquellej'avaisécrit:«QuandlesmontagnesDelasœurcadetteetdufrèreaînés'écroulent,Onnereconnaîtplusdutout,Entreellesdeux,Envoyantleursrelations,LarivièredeYoshino.Cesgensquis'aimaientautrefois.»[Peut-êtreSeis'est-elleinspiréed'unepoésieduKokinsbû.]Toujoursest-ilquejenereçuspasderéponse,etcomme,verscetemps-là,Norimitsuobtintlacoiffure

denoblesseetfutnommésous-gouverneurdeTôtômi,nousfûmesséparéssansnousêtreréconciliés.

43.Chosesquisemblentéveillerlamélancolie

Lavoixdeceluiquiparleaprèsavoirmouché,àlahâte,onnezquicoulait.S'arracherlessourcils[Pours'enpeindred'autresplushaut.].PeudejoursaprèslapromenadequenousavionsfaiteversleposteoùsetiennentlesgardesduPalais,

degauche,jepartispourlacampagne.Jem'ytrouvaisdepuisquelquetemps,quandjereçusunmessagedel'Impératrice[Audouzièmemoisde998.].Ellem'ordonnaitderevenirbienvite,etajoutait:«Jenecessedepenseraujouroùvousétiezallée,àl'aurore,aupostedelagardeduPalais,degauche.Commentpouvez-

vousrestersiindifférenteetperdrelesouvenirdeschosespassées?Jem'imaginaisquevousaviezétédélicieusementcharmée!»Dansmaréponse,j'assuraimamaîtressedemarespectueuseobéissance,etjeluifisdire:«Commentpourrais-je,moi,nepasgarderdecejourunsouvenirenchanteur?VotreMajestémême, alors qu'il ne s'agissait quedenous, ses damesd'honneur, s'est rappelé que, peut-être, en nousregardantcematin-là,elleavaitcruvoirlesfillesdel'aurore[Allusionaupassagedu«Conteducreux»dontilaétéparlé.]!»Lamessagèreque j'avais envoyée revint toutde suite, et nie rapporta ces paroles de l'Impératrice :

«Votre réponseme semble demander beaucoup de réflexion.Mais pourquoime dites-vous une chosecapabledefairerougirquelqu'un[«Quelqu'un»désigneSuzushi,lerival,dansle«Conteducreux»,deNakatada.Enparlantdesfillesdel'aurore,Seiarappelélestalentsmusicauxdecedernier,quilesfitdescendresurlaterre.]?Laisseztoutcequipeutvousretenir et revenez sans délai, ce soir même. Si je ne vous voyais pas bientôt, je vous détesteraisextrêmement. » «Quand elle ne ferait, répliquai-je, queme trouver passablement détestable, je seraisdésolée.Àplusforteraison,alorsqu'elleaemployélemot«extrêmement»,jedonneraismaviepourpartiràl'instant.»JerevinsauPalais.Du temps que l'Impératrice habitait au palais où sont les bureaux de sa Maison, la « Lecture

ininterrompue[LalecturedesSaintesÉcrituresfaiteaupalaispardesbonzes,etcontinuéejouretnuitdurantuntempsdéterminé,chaquebonzelisant,àsontour,environdeuxheures.]»futfaitedanslasallesituéesousl'appentisdel'ouest,etiln'estpasbesoindenoterqu'onyavaitsuspendudespeinturesduBouddha,niqu'ilyavaitlàdesbonzes.Onétaitseulementaudeuxièmejourdela«Lecture»,quandnousentendîmesquelquepauvrebredouiller,enbasdelavéranda:«Ilrestesansdouteencoreunpeudesmetsquel'onaoffertsauBouddha.–Comment,luiréponditundesprêtres, serait-ildéjàpossibledevous ledire ?»Nousnousdemandionsquipouvaitavoirparlé,noussortîmespourvoir.C'étaitunevieillereligieuse[Unereligieusemendiante.],portantunejupequiavaitl'aird'unpantalondechasse,extrêmementsale,courte,etaussiétroite,aurait-onditvolontiers,qu'untuyau;avecquelquechosequ'onauraitpeut-êtrepuappelerunmanteau,égalementsale,dontlebasnedescendaitpasàplusdecinqousixpoucesau-dessousdesaceinture.Elleavaittoutel'apparenced'unsinge,etcommejedemandaiscequ'elledésirait,elleréponditd'unevoixapprêtée:«JesuisdiscipleduBouddha,etjevoudraisqu'oneûtlabontédemedonnerlesrestesdesonrepas;maiscesprêtressonttropladres!»Elleparlaitélégamment,commeunepersonnedistinguée;celafaisaitpeinedevoirunetellemendianteainsi, àboutde forces.Cependant, je la trouvais tropgaie, je lui dis : «Vousmangezseulementlesrestesdesoffrandes,etvousneprenezpasd'autrenourriture!Vousméritezvraimentqu'onvousrévère !»Voyantmonairmoqueur, la religieuse répliqua :«Pourquoidoncnemangerais-jequecela?C'estbienquandiln'yariend'autrequejeprendscesrestes.»Nousmîmesalorsquelquesfruitsetquelques«gâteauxlarges»dansunecorbeillequenousluidonnâmes.Elledevintensuitetrèsfamilièreet nous raconta quantité de choses.Les jeunes dames sortirent et l'interrogèrent à l'envi : «Êtes-vousmariée?oùhabitez-vous?»Ellerépondaitavecdesplaisanteries,desallusions;lesdamesfinirentparlui demander si elle savait chanter et danser. Elle entonna : « Avec qui dormirai-je cette nuit ? Jedormiraiaveclesous-gouverneurdeHitachi;sapeauestdoucependantsonsommeil.»Lasuitedelachansonétaittrèslongue.Enagitant,enfaisantroulersatête,ellechantaencore:«Lesfeuillesd'érable,rougiesparl'automne,surlemontOtoko[C'estlàques'élèveletempled'Iwashimizu.],envérité,répètentsonnom.»Elleétaittoutàfaitdéplaisante;lesdames,enlaregardant,riaientavecdégoût,etluicrièrent:«Allez-vous-en,allez-vous-en!»C'étaitcomique.L'unedenousditqu'ilfallaitdonneràcettepauvressequelquebagatelleavantdelacongédier;maisl'Impératriceentenditetnoustança:«C'estaffreux,pourquoiluiavez-vous fait faire une chose aussi ridicule ? Je ne pouvais l'entendre [C'est-à-dire : « Cela m'étaitinsupportable... »], et jeme bouchais les oreilles ; donnez-lui cemanteau, et renvoyez-la bien vite. » Les

damesprirent levêtement,et le jetèrentà lapauvresseen luidisant :«Voilàcedontvousgratifie SaMajesté;votremanteauestsale,mettezcelui-ci,quiestpropre.»La religieuse s'inclina jusqu'à terre, jeta levêtement sur ses épaules, et commença de danser.Mais,

vraiment,elleétait insupportable,ettouteslesdamesrentrèrent.Lecadeauquenousavionsfaitàcettepauvresse lamit peut-être en confiance : elle prit ensuite l'habitudedevenir se faire voir, et nous luidonnâmeslesurnomde«Sous-gouverneurdeHitachi».Ellen'avaitpasmêmenettoyésonmanteau, ilétait toujours aussi sale, et nous nous demandions avec répulsion où elle avait pu mettre celui dontl'Impératriceluiavaitfaitprésent.Ukon, la filled'honneurde l'Empereur,étantalléeauxappartementsde l'Impératrice,notremaîtresse

luiparladecettereligieuseetluidit:«Onvoitquelesdamesontattiré,apprivoisécettefemme;ellesonttantfaitqu'ellevientàtoutmomentauPalais.»SaMajestédonnal'ordreàladameKohyôed'imiterlesmanièresdelapauvresse.«Commentpourrais-jelavoir?s'écriaUkonenriant.Nemanquezpasdemelamontrer.C'estvotrefavorite;maisilestàcroirequejen'essaieraipointdelaséduireetquejenevouslaprendraipas.»Peuaprèscetemps,ilvintuneautrereligieuse.Celle-ciétaitinfirme;maiselleavaitunmaintientrès

digne;ellenousappelaau-dehorsetnousdemandaquelquechose.Ellesemblaitsihonteusedemendierque nous avions pitié d'elle. L’Impératrice lui fit donner un vêtement ; cette femme le reçut en seprosternant,etnéanmoinssesfaçonsnousplurent[Onpeutcomprendre:«malgrésoninfirmité,sarévérencefutgracieuse»,ou:«elleseprosternacommel'autrereligieuse;maiscequinousavaitdépludelapartdecelle-ci,cettefoisnouscharma».].Commeelles'enallaitenpleurantde joieetde reconnaissance, la religieusequenousavions surnommée« lesous-gouverneurdeHitachi»,arrivantjustement,larencontra.Ellelavitquinousquittait,etaprèscelarestatrèslongtempssanssemontrer.Maisquiauraitpus'ensoucier?Etpuis,danslesjoursquisuivirentledixdudouzièmemois,laneigetombaetformaunecouchetrès

épaisse.Unefois,lesdamesenramassaientetenentassaientbeaucoupdanstoutessortesdecouvercles.«De lamême façon, s'écrièrent-elles,nouspourrions fairebâtirdans le jardinunevraiemontagnedeneige!»Ellesappelèrentdesserviteursetleurdirentquec'étaitunordredeSaMajesté,detellesortequ'ilsse réunirentetsemirentà l'œuvre.Desgensduservicedomestique,quiallaientbalayer,vinrentégalement, tous, et la montagne s'éleva très haut. Des fonctionnaires appartenant à la Maison del'Impératrice arrivèrent, se joignirent au groupe, et donnèrent des avis aux travailleurs ; la montagnedevinttoutàfaitsplendide.Ilvintaussitroisouquatreemployésduservicedeschambellans,etd'autreshommes du service domestique ; il y en eut bientôt une vingtaine. On envoya chercher, encore, lesserviteursquiétaientchezeux.«Aujourd'hui,leurdit-on,ceuxquiaurontprispartàlaconstructiondecettemontagnedeneigerecevrontunsalaire;mais,aucontraire,pourceuxquineserontpasvenus,iln'yaurapointdepaye.»Ayantentenducela,lesgenssehâtèrentd'accourir.Toutefois,onneputfaireavertirceuxquihabitaienttroploin.Quandlamontagnefutachevée,onappelaquelquesfonctionnairesdelaMaisondel'Impératrice,eton

leurdonnadeuxballesderouleauxdesoie,qu'ilsjetèrentsurlavéranda,oùchacundestravailleursallaprendre un rouleau. Tous se prosternèrent, et, après avoir attaché cette soie à leur ceinture, ils seretirèrent,àl'exceptiondequelques-unsdeceuxquiétaientenmanteau.Ceux-ci,aprèsavoirchangédecostume,restèrent,entenuedechasse,prèsdel'Impératrice.Notre maîtresse ayant demandé aux dames jusqu'à quand durerait cette montagne de neige, elles

répondirent qu'elle pourrait demeurer dix jours ou un peu plus. Comme toutes celles qui étaient làindiquaient ce temps, SaMajesté voulut savoir ce que j'en pensais, et je répliquai que la montagnedurerait jusqu'auquinzedupremiermois.Cependant, l'Impératriceelle-mêmesemblaitcroirequ'iln'enpourraitêtreainsi,etlesdamessebornaientàdirequelamontagnen'attendraitpasmêmeledernierjour

del'annéeoùnousétions.Jesongeais,àpartmoi,quej'avais,hélas!indiquéunedatetropéloignée;que,vraiment, lamontagne de neige ne pourrait durer jusque-là, et qu'ilm'aurait fallu parler seulement dupremierjourdel'année.Maisjepensaique,detoutefaçon,mêmesilamontagnenedevaitpassubsisteraussilongtempsquejel'avaisprésumé,ilétaittroptardpourmereprendre,etjemaintinsfermementcequej'avaisd'abordavancé.Vers le vingt du douzièmemois, il plut ;mais rien nemontra que lamontagne de neige fût près de

disparaître. C'est à peine si elle diminua un peu de hauteur, et je suppliai Kwannon de la montagneBlanche[Figuredeladéessedelapitié(Kwannonauxonzevisages),adoréesurlamontagneBlanche,danslenorddel'îleprincipale.Cettemontagneesttoujourscouvertedeneige,etSei,toutnaturellement,ypense.]denepaslaisserfondrelanôtre.J'avaisperdulatête.Le jouroù l'onavaitconstruitcettemontagne,Tadataka, le« troisièmefonctionnaire»duProtocole,

étaitvenuapporterunmessagede l'Empereur.Nous luiavionsdonnéuncoussin,etnousavionscausé.«Aujourd'hui,avait-ildit,iln'estpasd'endroitoùl'onnebâtisseunemontagnedeneige.L'Empereurenafaitfaireunedanslepetitjardin,devantsonPalais.Onena,demême,élevéauPalaisdel'est,auPalaisdelabeautééminenteetaussiauPalaisdel'extrémitédelacapitale[Respectivementrésidencesduprincehéritier(lefuturempereurSanjô),de laprincesseYoshiko(filledeFujiwaraKinsue,et l'unedesépousesd'Ichijô)etdeFujiwara,Michinaga (frère deMichitaka).].»J'avaisalorscomposécettepoésie,que je luiavaisfaitdirepar ladamequise trouvaitàcôtédemoi:«Ah!lesmontagnesdeneige!OnadmireseulementCellequiestici.Partout,cependant,…Onenaconstruit,maisellesontvieilli.»…Ilaneigé.»Inclinant la têteàplusieurs reprisesavecadmiration,Tadatakaavaitdit :«Jenevoudraispasvous

répondreparunepoésie indignede la vôtre.Quand je serai devant le store d'une dame distinguée, jeraconteraicettehistoireàtoutlemonde.»Et ilétaitparti.Commej'avaisentenduaffirmerqu'ilaimaitsingulièrement la poésie, son silence m'avait étonnée ; l'Impératrice, en apprenant qu'il n'avait pascomposédepoèmeenréponseaumien,avaitdéclaré:«Ilaurapenséqu'illuifallaitfairequelquechosedetrèsbien,ilaurapréféréyrenoncer.»Verslafindel'année,lamontagnedeneigesemblaitavoirunpeudiminué;maiselleétaitcependant

encoretrèshaute.Unjour,àmidi,commelesdamessortaientets'asseyaientsurlavéranda,lareligieusequenousavionssurnommée« lesous-gouverneurdeHatachi»arriva.Nous luidemandâmespourquoinousnel'avionspasvuedepuissilongtemps,ellerépondit:«Celamérite-t-ildevousinquiéter?C'estqu'ilm'étaitadvenuquelquechosedebientriste.Commentcela?Quoidonc?»;ellerépliqua:«Voicijustementcequej'aipensé»,puisellerécitad'unevoixtraînante:«J'aisongé:«Ah!quesonsortestenviableÀquelle…pêcheusedel'Océan…nonneA-t-ondonnéTantdechoses,

Qu'ellenepeutplustirerlajambe[Auderniervers,lareligieuserappellel'infirmitédecellequil'asuivie.Elleinsèred'autrepartdanssapoésieun«motd'appui»trèsimparfaitementrendupar«del'Océan».]?»Les dames riaient et la trouvaient détestable, et comme personne ne faisait plus attention à elle, la

pauvresse allamarcher en tous sensprèsde lamontagnedeneige ; puis elle se retira.Quand elle futpartie,onenvoyaquelqu'undireàUkon, la filled'honneur,cequi s'étaitpassé.Lamessagère rapportacetteréponse,quifitencoreriretoutlemonde:«Pourquoinel'avez-vouspasenvoyéeici,enlafaisantaccompagner ? Il est vraiment lamentable que cette femme soit allée, d'une manière tout à faitinopportune,rôderjusqu'àlamontagnedeneige!»La nouvelle année arriva sans que lamontagne en parût affectée. Le premier jour de l'an, la neige

tomba de nouveau en abondance, et je pensais qu'elle allait s'accumuler, à ma grande joie, quandl'Impératrice dit : « Cette neige vient bienmal à propos ; laissez la première, mais grattez celle-ci,rejetez-la!»JecouchaiauPalais;commej'étaisdescendueàmachambre,lelendemainmatin,detrèsbonneheure,unhommeayantl'aird'unmajordomearriva,tremblantdefroid,avec,surlamanchedesonhabitdegardedenuit,vertfoncécommelafeuilleducitronnier,unpapiervertattachéàunrameaudepin.«D'oùvientceci?»luidemandai-je.Ilmeréponditquec'étaitunmessagedelaPrincesseconsacrée[La grande prêtresse du temple de Kamo, une vierge qui, désignée par divination au début de chaque règne parmi les jeunes princessesimpériales, se vouait au service des dieux adorés dans ce temple. Sei parle ici de la princesse Nobuko (ou Senshi), fille de l'empereurMurakami.] ; joyeusement surprise, je pris la lettre, et partis pour aller auprès de l'Impératrice. Mamaîtresse était encore enfermée dans sa chambre, et je voulus lever, seule, le panneau treillissé quiséparait l'appartementcentralde lasallesituéesous l'appentis.Je le tiraiàmoi,enymettant toutmoncourage;c'étaittrèslourd.Commejesoulevaiscepanneaud'unseulcôté,ilfitdubruitetl'Impératrice,étonnée,s'éveilla :«Pourquoifaites-vouscela?»medemanda-t-elle.«Ilestarrivé, répondis-je,unelettre qui vient, paraît-il, de la Princesse consacrée ; comment ne se hâterait-on pas de l'ouvrir ? –Vraiment,meditalorsSaMajesté,onl'aapportéedebienbonneheure!»Puiselleseleva,etquandelleeutouvertlamissive,nousvîmesquecelle-cirenfermaitdeux«marteauxporte-chance»,longsd'environcinqpouces,placésdetellefaçonqu'onauraitcruvoiruneseule«canneporte-bonheur».Latêteenétaitenveloppéedepapier ; le toutélégammentornédebrinsd'orangersauvage,de lycopode,decarexdesmontagnes;maisiln'yavaitpasdelettre.«Sepourrait-ilqu'iln'yeûtquecela?»ditl'Impératrice;etenregardantplusattentivement,nousvîmesquecesversétaientécritssurlepapierentourantl'extrémitédesmaillets:«Ons'informaitDubruitdehacheQuiserépercutaitdanslamontagneEtc'étaitlebruitDelacannedefête.»[L'originaloffreunexemplede«motsconnexes»:yokisignifie«hache»;maisilpourraitsetraduireaussipar«bon,beau,heureux»,et

ils'accordeainsiaveclemotroui,rendupar«fête».]L'Impératrice prépara sa réponse ; et je l'admirais, charméepar sagrâce. (À partir de ce jour, elle

écrivit régulièrement à laPrincesse consacrée.)SaMajesté voulut que sa lettre fût aussi élégante quecelle qu'elle avait reçue ; elle s'appliqua de tout son cœur et jeta de nombreux brouillons. Je voyaisqu'ellemettaitbeaucoupdesoinàcequ'ellefaisait.Lemessageremporta,commerécompense,unhabitnondoublé,de tissublanc,etunautrevêtement rougefoncé.Onauraitcruvoiruncostumecouleurde

prunier[Cevêtementétaitblanc,doubléderouge.].J'eusduplaisiràregarderl'hommes'enallersouslaneige,aveccesvêtementsqu'ilavaitjetéssursonépaule.Cettefois-là,jenepussavoircequ'avaitrépondul'Impératrice,etj'enfustoutedésappointée.Pourlamontagnedeneige,onauraitvraimentpupenser,enlavoyant,quec'étaitlamontagnedupays

deKoshi [LamontagneBlanchementionnéeplushaut.];ellen'avaitpasseulementl'airdefondre;elleétaittoutesalie,etn'avaitplusaucuncharme.Jemesentaisdéjàfièred'avoirgagné;jepriaisleCieldefairedurer,d'unemanièreoud'uneautre lamontagnejusqu'auquinze.D'autresdamesassuraientqu'ellenepourraitpasmêmepasserlesept;ettoutlemondesedisaitquenousverrionsbien,àlafin,cequ'ilarriverait,quand brusquement, le trois, l'Impératrice dut rentrer au Palais de l'Empereur. C'était extrêmementcontrariant.Sincèrement,jepensaisquenousnesaurionspascommentfiniraitcettemontagne;lesautresdames, et l'Impératrice elle-même, répétaient aussi : « C'était pourtant fort agréable, en vérité ! » lesongeais que si la neige demeurait telle, je la ferais voir à l'Impératrice pour luimontrer que j'avaisprédit juste ;mais ces réflexions étaient inutiles ; profitant du tumulte extraordinaire causé par tout ledéménagement,j'appelai,prèsdelavéranda,unjardinierquiavaitbâtisacabanecontrelemurde terre[Laclôturedupalaisimpérial:unmurconstruitenrecouvrantdeterreunbâtideplanches.],etjeluifiscesrecommandations:«Prenezbiensoindecettemontagne,nelaissezpaslesenfantsmonterdessusetdisperserlaneigedontelle est formée, empêchez qu'ils ne la détruisent, et faites en sorte qu'elle demeure jusqu'au quinze.L’Impératrice a l'intention de vous donner une magnifique récompense si, grâce à votre vigilance, lamontagnedurejusqu'àcejour-là.Moi-même,jevoustémoigneraiuneextrêmereconnaissance.»Commejel'avaisgratifiédebeaucoupdegâteaux,etdejenesaisquoiencorequedonnenttoujourslesgensdelacuisineetlesservantesquandonleleurdemande,lejardiniermeditensouriant:«C'estunechosebienfacile, je veillerai sans doute fidèlement sur cettemontagne ;mais les enfants et les autres personnesmonteront peut-être dessus malgré moi. – Si quelqu'un, répondis-je, ne tient pas compte de vosremontrances,avertissez-moi[Ou:«dites-luicequienest».].»Puisjesuivisl'ImpératriceauPalaisImpérial,etmonservicem'yretintjusqu'ausept.Pendantcetemps,même,j'étaissianxieuseausujetdelamontagnedeneigeque j'envoyaissanscessedes servantes inférieures,desbalayeuses,des femmesdu vestiaire,rappeleraujardiniercequ'ildevaitfaire.Lesept,jeluifisporterquelquesreliefsdufestindonnépourlafête[Duseptièmejourdupremiermois.];etlesmessagèresrirententreelles,aprèsleurretour,del'aird'adorationaveclequell'hommeavaitreçucesprésents.Aprèsquej'eusquittélePalaispouralleràlacampagne,lamontagnedeneigerestaleprincipalobjet

demessoucis,etchaquematin,dèslapointedujour,j'envoyaiuneservantevoircequ'elledevenait.Le dix, la messagère me déclara que notre montagne avait bien encore cinq ou six pieds. Je m'en

réjouis;maisdanslanuitdutreizièmejour,ilpluttrèsfort;etjemedésolaienpensantque,sansdoute,cettepluiedevait avoir fait fondre laneige. Jemedisaisque lamontagne, après cela,nedurerait pasmêmeunjour;jenedormispasdelanuit.Lesgensquientendaientmeslamentationsriaientenassurantquej'étaisfolle.Dèsquequelqu'unfutdeboutdanslamaison,jemelevaimoi-mêmeetvoulusréveilleruneservante;maisellenebougeapoint,etjem'emportaicontrecettedétestablefille;jedonnail'ordred'allervoirlamontagneàuneautreservante,quiétaitlevée.Celle-cimeditàsonretour:«Lamontagneestmaintenantàpeuprèsaussiépaissequ'uncoussinrond,lejardinierl'agardéeavecintelligence,etn'apaslaissélesenfantss'enapprocher.Elledoitpouvoirdurerencoredemainetmêmeaprès-demain.Lejardinier affirme qu'on lui donnera sa récompense. » Ma joie était extrême, et je pensais que dèsqu'arriveraitcelendemaintantattendu,jecomposeraisbienviteunepoésie,etmettraiscetteneigedansquelqueobjetpour laprésenter à l'Impératrice.Cependant, j'étais rongéed'impatienceetd'anxiété ; lelendemainmatin,alorsqu'ilfaisaitencoresombre,jecommandaiàuneservantedeprendreunegrandeboîte à coins pliés, je l'envoyai à la montagne de neige après lui avoir donné ces instructions :

«Rapportez-moicette boîte pleine de neige.Vous en prendrez aux endroits où elle sera propre.Vousraclerezcequiserasaleetvouslerejetterez.»Maisbientôt,enbalançantauboutdesonbraslaboîteque je lui avais ordonné d'emporter, la femme revint etme dit qu'il n'y avait déjà plus rien. J'en fusstupéfaite.Aurais-jealorsdûréciter,avecdessoupirs,unepoésiejolimentcomposée,enpensantqu'elleseraitrépétée?Celamêmeeûtétéabsurdeetinutile,etjedemandai,perdantcourage:«Commentunepareillechoseaura-t-ellepusefaire?Commentcetteneige,quiavaithierl'épaisseurdontonm'aparlé,aura-t-ellepufondreenunenuit?»Laservante, trèsagitée,meréponditque le jardinieravaitdit, enbattant desmains de désespoir : «Hier soir, alors qu'il faisait fort sombre, la neige était encore là.J'espéraisbienrecevoirmarécompense;mais,hélas!maintenantonnemedonnerarien!»Àcemoment,unmessagearrivaduPalaisImpérial.L'Impératricemefaisaitdemandersilaneigeavait

duréjusqu'àcejour.Bienquecefûtpourmoitrèsmortifiantettrèspénible,jerépliquai:«ApprenezàSaMajestéquecetteneige,donttoutlemondeavaitditqu'ellenedureraitpasjusqu'àlafinde l'annéedernière ou jusqu'au premier jour de celle-ci, était encore là, hier soir, au coucher du soleil.On peutpenserque j'avais sagementparlé ; si laneigeavait tenu jusqu'aujourd'hui,c'eût été tropdeprécision.Maisjesupposequepeut-être,cettenuit,quelqu'un,parjalousie,l'auraenlevée,puisjetée.»JerentraiauPalaislevingt,etjeparlaidelamontagnedeneigedèsquejefusdevantl'Impératrice.Je

luiracontaicombienj'avaisétédésappointéequandlaservante,àpeinepartie,étaitrevenueendéclarantquetoutétaitfonduetenbalançantauboutdesonbraslecouvercleseuldelaboîte,qu'elleavaitmisesursatêteenguisedechapeau.Jediségalementàmamaîtressequej'avaiseul'intentiondefaireunejoliemontagnedeneigedansquelquecouvercle,etdelaluiprésenteravecunepoésieélégammentécritesurdupapierblanc[Noussavonsquelacouleurdupapierdevaits'accorderaveccelledurameau(fleuriounon)auquelonattachaitunelettre.Demême,cettecouleurserait,ici,pareilleàcelledelaneigequelalettreaccompagnerait.].Impératricesemitalorsàriredeboncœur,etcommelesdamesquiétaientauprèsd'elleriaientaussi,SaMajestémerépondit:«Vousquipensiezàcettemontagneavectantd'anxiété,vousavezétébiendéçue,etsansdouteai-jeméritéqueleCielmepunisse.Àvousdirelevrai, lesoirduquatorze [L'original a ici « le quatre » ;mais il s'agit sûrement duquatorze.], j'ai envoyé là-bas des serviteurs avec l'ordre d'enlever cette neige et de la jeter. Il est bienamusantque,dansvotreréponseàmonmessage,vousayeztoutjusteparlédequelquechosedecegenre.Levieillardauquelvousaviezdemandédegarderlamontagnedeneige,sortantdesacabane,vintàmesgens,etlesimploraenjoignantlesmainsmaisilsluirépondirent:«C'estunordredel'Impératrice;nerapporterienàceuxquipourrontvenir,carsituparlais,nousdémolirionstamaison.»Ilsprirenttoutelaneigeetilslajetèrentpar-dessuslemurdeterre,ausuddubâtimentoùlagardeducorps,degauche,asesbureaux.Ceuxquej'avaisenvoyésontdéclaréquelaneigeétaitencoretrèshauteetqu'ilyenavaitencorebeaucoup.Elleaurait,envérité,pudurer jusqu'auvingt,etpeut-être lapremièreneigedecetteannée serait-elle venue s'y ajouter. L'Empereur lui-même, entendant parler de cette histoire, a dit auxcourtisansquenousavionsdiscutéausujetd'unechosebiendifficileàprévoir.Ainsidonc,récitez-nouslapoésiequevousaviezcomposée.Àprésent,jevousaitoutrévélé,votrevictoireestaussicomplètequesilaneigeétaitrestée.Allons,dites-nousvotrepoème!»Lesdamesparlaientcommel'Impératrice;maisjerépondis,sincèrementtristeetdésolée:«Pourquoi

faire vous réciterais-je cette poésie, maintenant que j'ai appris une pareille chose ? »À ce moment,l'EmpereurarrivadanslesappartementsdesonÉpouse,etilmedit:«Vraiment,pendantdesannées,jevous avais considérée commeunepersonneordinaire,mais après ce qui s'est passé là, j'ai penséquevous étiez étonnante. » Pendant que je l'écoutais, il m'était encore plus douloureux de songer quel'Impératriceavaitfaitjeterlaneige; ilmesemblaitquej'allaispleurer.«Hélas !murmurai-je,quellepitié!Noussommesdansunmondebiencruel.Jemeréjouissaisenvoyanttomber,puiss'accumulerladeuxièmeneige.Maisvoilàquel'Impératriceordonnadelaracler,delarejeter,endisantqu'ellevenait

malàpropos !»Alors, en riant, l'Empereur s'écria :«Pour vrai, l'Impératrice n'aura pas voulu vouslaisserl'avantage!»

44.ChosessplendidesDubrocartdesoieapportédeChine.Unsabredontlefourreauestdécoré.LesveinesduboisdansunestatueduBouddha.Delongsrameauxfleurisdeglycine,d'unenuanceexquise,accrochésàunpin.Unchambellandusixième rangestaussi toutà fait superbe. Il est splendideavecsoncostumevert-

jaune,quand ilporte,comme il luiplaît,desvêtements faitsdedamasetde jolis tissus,quemêmeunjeuneprinced'excellentemaisonnepourraitmettre.Lesemployésinférieursduservicedeschambellansqui sontdusixième rangetceuxquin'ontpasde rang, leshommes, filsdegensducommun,quin'ontaucuneapparence lorsqu'ils servent sous lesordresdes seigneursdesquatrième, cinquièmeet sixièmerangs,pourvusd'unefonctionofficielle,peuventdevenirchambellans.Onnesauraitdirecombienonestalorsstupéfaitdevantleursplendeur.CeluiquitransmetunordreduSouverain,ouquivient,enqualitédemessagerimpérial,apporterles

châtaignesdoucesdugrandbanquet [Au banquet donné quand unministre était nommé, un chambellan apportait au nouveaudignitaire, de la part de l'empereur, du lait et des châtaignes.].Quandonvoit avecquel empressement lemaîtrede lamaison l'accueille et lui offre un festin, on se demande d'où il vient ; on croirait volontiers qu'il estdescendudescieux.À l'époque où elle vit dans la maison de son père, alors qu'on l'appelle encore « princesse », un

chambellan arrive, commemessager du Souverain, auprès d'une fille noble qui sera plus tard épouseimpérialeouimpératrice.Avantmêmedeprendrelalettrequ'ilapporte,ladame,pourqu'ils'asseye,faitpasseruncoussinpar-dessous le store ; àcemoment, il aperçoit lebasde samanche,d'où sortentderichesétoffes.Jenepensepasqu'ilait l'habitudedevoir,dumatinausoir,unechoseaussi jolie.Si lechambellanappartientàlagardeimpérialeouàlagardeduPalais,ilestencoreplusgracieuxqu'unautrelorsqu'il tire et étale, pour s'asseoir, la traîne de son vêtement de dessous. Quelle impression peut-ilressentirensoncœur,quandlemaîtredelamaisondaigneluiprésenterluimêmeunecoupedevinderiz?Lechambellanvadecompagnieaveclesjeunesprinces,filsdenoblesfamilles,qu'ilrespectaittantautrefois,quis'asseyaientàpart,etdontleseulaspectl'emplissaitdecrainteetdevénération.C'estlui-mêmequ'onjalouse,envoyantcommesonserviceletienttoutprèsdel'Empereur.C'estluiquifrottelebâtond'encredel'écritoirequandleSouverainveutécrireunelettre;c'estluiquimaniel'éventaildeSaMajesté.Lechambellanneresteenfonctionquetroisouquatreannées[Enréalitésixans.];maispendantcetemps,ilpeutsemêlerauxplushautsseigneurs,sanssoignerparticulièrementsatoilettenisoncostume.Cesontlàdeschosesqu'ilestinutilederappeler.Assurément,leschambellansdoiventêtreencoreplusdésolésques'ilsallaientperdrelavie,lorsque

approchelemomentoùilsrecevrontlacoiffuredenoblesseetcesserontd'êtreadmisdevantl'Empereur[Quand ils quittaient leurs fonctions, les chambellans devenaient dignitaires du cinquième rang ; ils recevaient la « coiffure de noblesse »(kôbitrioukaejmuri),une petite calotte ronde, ornée d'une protubérance antérieure, et d'un long ruban noir, plat et rigide en arrière. Lesprêtresshintoïstesportentencoredesemblablescoiffures.].Maiscequejetrouveregrettable,c'estlaprécipitationaveclaquellecesgensvontdemanderauSouveraindeleuraccorderunejusterécompensedeleursservices.«Leschambellansdu tempspassécommençaientà se lamenter»dès le printempsde l'annéeoù ils

allaient quitter leurs fonctions ; ceux de notre époque rivalisent de hâte pour courir réclamer un bonposte,etpourseprépareraudépart.Quandundocteurenlittératureestsavant,ilestsuperfludedirecombienc'estmerveilleux.Mêmes'il

est fortdésagréable àvoir et, enoutre,d'un rang inférieur,on le considèredans lemondecommeunepersonne très honorable. Il approche les princes révérés ; c'est lui le professeur de littérature qu'ilsconsultentsurleschosesdesonressort.Vraiment,jepensequesafonctionestsplendide.Quandilaécritune prière que l'Empereur adresse aux dieux, ou la préface de quelque poème, on le loue, et c'estmagnifique.Il est tout à fait inutile de dire combien c'est superbe lorsqu'un bonze est érudit. Son savoir paraît

encore plus beau quand, avec de nombreux prêtres assemblés, il fait la lecture des Saintes Écritures,pendantletempsfixé [Durantunedes sixpériodesqui se succédaient envingt-quatre heures (petit jour,milieu du jour, coucher dusoleil, première veille, milieu de la nuit, dernière veille).],que lorsqu'il lit, tout seul, sonbréviaire [Il s'agit du « Soûtra duLotus».].Dèsquelejours'obscurcit,lesoir,touslesbonzesdemandentoùestceluiquidoits'occuperdel'éclairage,ettrouventqu'iltardebienàleurapporterlalampepourlalecturesainte.Ilscessentdelire;mais,àvoixbasse,lesavantprêtrecontinueàdire,demémoire,lesparolessacrées.Lecortègedel'ImpératricequandellesortduPalaispendantlejour.Lachambrepréparéepourl'accouchementdel'Impératrice.Lesritesetcoutumespourl'élévationd'unenouvelleimpératrice.Onapporteles«lions»,les«chiens

deCorée[Statuesd'animaux,quidevaientéloignerlesespritsmauvais.]»,lespetitestables,etonlesdisposedevantledais;lesemployésduservicedelacuisineapportentl'augustefourneau[Plusexactementunchaudronreprésentantledieude lacuisine,pourmontrerquelleplace lanouvelle impératriceva tenirauprèsdesonépoux.].Onnepeutabsolumentpascroire,envoyanttoutcela,quelanouvelleimpératriceaitnaguèreétéunepersonneordinaire,que l'onappelaitsimplement«princesse».LecortègeduPremierDignitaire[Lemairedupalais.].UnpèlerinageduPremierDignitaireautempledeKasuga [Temple shintoïste, près deNara ; on y adorait les dieux

protecteursdelafamilleFujiwara.].Untissucouleurdevigne.Toutcequiestviolet-pourpreestbienjoli;peuimportecedontils'agit:desfleurs,dufil,dupapier.

Cependant,parmiles fleursviolettes,cellede l'irismedéplaîtquand j'enconsidère la forme ;mais lacouleur en est superbe ! Si je trouve du charme au costume que portent pour la garde de nuit lesfonctionnairesdusixièmerang,cedoitêtreàcauseduviolet.Ungrandjardin,toutcouvertdeneige.Lefilsaîné[LeprinceAtsuyasu,filsd'IchijôetdeSadako,néauonzièmemoisde999.]denotreEmpereurestencoreun

enfant.Maisqu'iladegrâcequandilestdanslesbrasdehautsdignitairesjeunesetélégants,sesoncles[KorechikaetTakaie, frèresde l'impératrice.]!Lescourtisansleservent,et ils'amuseàregardersoncheval,qu'ils'estfaitamener.Ilsembleàceuxquilevoientqu'aucunepeine,encemonde,nepuisseexisterpourlui.

45.ChosesquiontunegrâceraffinéeUnjeunegentilhomme,àlamineagréable,àlatailleélancée,enmanteaudecour.Unejolie jeunefilleamis,sansyprendregarde,unejupededessus.Elleporteuneveste largement

fenduesurlescôtés,etdes«boulesmédicinales»sontattachéespardelongsfilsàsesvêtements.Elle

estassiseprèsdelabalustradeetdérobesonvisagederrièreunéventail.Unejeuneetcharmantedamerelèvelerideaublanc,aubasdel'écrand'été,etl'accrocheàlatraverse

duhaut.Surunvêtement sansdoublure,dedamasblanc,elleapasséunvêtement dedessus fait d'unelégèreétoffeviolette.Elles'exerceàl'écriture.Lesmincesfeuillesdesoncahiersontélégammentreliéesparunfilvioletdenuanceinégale.Unelettreécritesurdupapiervert,trèsfin,fixéeàunrameaudesaulecouvertdebourgeons.Unpanierrustique,àbarbe,teintd'unejoliecouleur,attachéàunebranchedepinàcinqaiguilles.Unéventaildont lesbranchesexternessontfaites,chacune,detroisplanchettesaccolées.Siellesen

comprennent cinq, éventail est trop lourd, et la partie où se trouve l'axe est laide.Une petite boîte àprovisions,enboisdethuya,artistementfaite.Unemincetresseblanche.Entraversdutoit,surunemaisoncouverteavecl'écorceduthuya,etquin'estpasneuve,nitropvieille

nonplus,onaplacé,degracieusefaçon,desfeuillesd'acore[Pourlafêteducinquièmejourducinquièmemois.].Par-dessousunstoreencoretoutvert,onvoitunécrandontlerideaulustré,d'uneteinteéclatante,ades

dessinsimitantlevieuxbois.Leventfaitondoyerlecordonbrodédecetécran,etc'estjoliaussi.Unjour,prèsdelabalustrade,devantlestoreàtête,d'unecouleursplendide,quel'onsuspendenété,

jevisun très joli chat, avecun collier rougegarnid'une étiquetteblanche. Ilmarchait en tirant sur lacorde fixée à son cou, à laquelle on avait attaché quelque objet pour l'empêcher de s'enfuir. C'étaitcharmant.Lesdames-chambellansquidistribuentlesacoresàlafêteducinquièmemois.Ellesontsurlatêteune

guirlanded'acore;ellesportentunrubandetailleetunornementd'épaule[Hire.]dontlacouleurn'estpasrougecommecelledurubanquitombesurlevêtementdepetiteabstinence[Lesseigneursquidevaientjouerunrôledans les cérémonies shintoïstesde laNouvelleGustation, ledeuxième jourduLièvre, auonzièmemois, se soumettaient à des purificationsspéciales,etrevêtaientlecostumede«petiteabstinence»,ornéàl'épauledroitededeuxrubansrouges.Lesdanseusesquifiguraientàcettefêteportaientlesmêmesrubans,àl'épaulegauche.];maisdontlaformeressembleàcelledeceruban.Queldélicieuxspectacleonadmirelorsqu'ellesprésentent les«boulescontrelesmaladies»auxprincesdusangetàtous les hauts dignitaires, qui se tiennent en file ! Ceux-ci prennent des boules, les attachent à leurceinture,puissetrémoussentetseprosternent.C'esttoutàfaitjoli.Lesjeunesfillesquiportentlesbrûle-parfum,àl'arrivéedesdanseuses,àlaCinquièmefête.Lesjeunesseigneursdelapetiteabstinencesontaussitrèsélégants.Lecostumevert-jaunequemettent,pourlagardedenuit,leschambellansdusixièmerang.LesdanseursauxfêtesspécialesdeKamoetd'Iwashimizu.LesjeunesfillesquiaccompagnentlesdanseusesdelaCinquièmefêtesontcharmantes.ÀlaCinquièmefête[Auonzièmemoisde992.],c'estl'Impératricequienvoyaitlesdanseuses;ilfallaitaussi

douzesuivantes,et j'entendisquelqu'undirequ'ilneconvenaitpasdeprendredesfemmesaupalaisoùrésidaitl'épouseduPrincehéritier[Genshi(ladeuxièmefilledeMichitaka),épousedufuturempereurSanjô.]pourqu'ellesallassentailleursremplircetoffice.Jenesaiscequ'enpensanotremaîtresse;maiselleenvoyadixdesesdamesd'honneur.Pourlesdeuxautres,l'uneétaitdamedel'Impératricedouairière[Senshi(ouAkiko),sœurdeMichitaka,etmèred'Ichijô).],etlasecondeappartenaitàl'épouseduPrincehéritier[Littéralement:«auPalaisdelabellevue»(résidencedecetteprincesse).].Ilsetrouvaitjustementquecesdeuxpersonnesétaientsœurs.LejourduDragon,l'Impératricefitmettredesmanteauxchinoisornésd'impressionsbleuesàtoutesces

femmes,etdesvestespareillementdécoréesaux jeunesfillesquidevaientaccompagner lesdanseuses.Onlaissaignorer,mêmeauxautresdames,commentétaientlescostumes;etàplusforteraison,poursûr,onlecachasoigneusementauxcourtisans.Quandtoutlemondeeutcommencédesepréparer,alorsquelanuit était venue, on apporta les habits, puis on les fit revêtir aux dames et aux jeunes filles.Celles-ciétaient encore les plus ravissantes, au milieu des dames vraiment superbes avec les rubans rouges

joliment noués qui retombaient sur leurs habits blancsmerveilleusement lustrés et décorés de dessinsbleusimprimés,mispar-dessusleursmanteauxchinoisdebrocart.Lorsquetoutlecortègefutpassé,jusqu'auxservantesinférieuresdesdanseuses,leshautsdignitaireset

lescourtisans,surprisetcharméspartantdesplendeur,donnèrentauxdameslesurnomde«damesdelapetite abstinence [Parce que leurs vêtements blancs ornés de bleu et leurs rubans rouges rappelaient le costume de « petiteabstinence».]».Un peu plus tard, comme les jeunes nobles, en costume de petite abstinence, se tenaient au-dehors,

devant les chambresdes danseuses, et causaient avec les dames, l'Impératrice dit : « Si l'on dérange,avantlecoucherdusoleil,toutel'installationdeschambresoccupéesparlesdanseusesdelaCinquièmefête[LejourduDragonétaitledernierjourdessolennitésquisedéroulaientdepuisceluiduRat.],touslesregardsypénètrent;c'esttrèsinconvenant,etd'unfortmauvaisgoût.Ilserait,sansdoute,bienplusélégantdelaissertoutenplacejusqu'àlanuit.»Onépargnadonccetroubleauxdanseuses.Quand,pournouerlebasdesrideauxformant les écrans, on les souleva, ils s'écartèrent et les manches des dames qui accompagnaient lesdanseuses débordèrent au-dehors. L'une de ces femmes, nommée Kohyôe, dont le ruban rouge s'étaitdélié,déclaraqu'ilfallaitlerattacher;leCapitainedelagardeducorpsSanekatavintauprèsd'elleet,pendantqu'ilrajustaitceruban,ilsemitàdire,endonnantàsonvisageuneexpressionparticulière:«L'eauditpuitsdelamontagne,Oùl'ontirelajambe,Estgelée!…Quelleglace…Quelcordon…Àdoncpufondre…Àdoncpusedénouer[Lemottraduitpar«oùl'ontire la jambe»estun«motd'appui»deceluiquisignifie«montagne ».

D'autrepartyama-i,«puitsdelamontagne»,rappelleyazzia-ai,nomdelarenouéequiadonnélateinturebleuedesdessinsdontestdécorélevêtementdeladame.Enfincelle-ci,àcausedesaréserve,estcomparéeaupuitsglacé.]?»Lajeunepersonnenecomposapasmêmeunepoésiepourlui répondre ;sansdoutecraignait-ellede

parlerdevanttantdemonde.Lesdamesplusâgéesquiétaientàcôtéd'ellenel'aidaientpoint,etaucunenerépliquait,nid'unefaçonnid'uneautre.UnfonctionnairedelaMaisondel'Impératricetendaitl'oreilleetsetenaitprêtàécouter;mais,commeletempspassait,ilsongeaquecesilencesemblaitridicule,etilentra dans la chambre, d'un autre côté que celui où était Sanekata. Il s'approcha des dames, et leurdemanda en chuchotant pourquoi elles restaient ainsi, sans prononcer une parole. Quatre personnesenvironmeséparaientdeKohyôe;mêmesij'avaiscomposédejolisvers,ilm'auraitétédifficiledelesdire.Bien plus, jeme sentais troublée en pensant qu'il s'agissait de répondre à une poésie d'une rarebeauté,dueàunhommedontletalentétaitconnu;etcelamegênaitbeaucoup.Cependant, il était bien amusant de regarder le fonctionnaire de la Maison de l'Impératrice, qui

marchaitdelongenlargeetdonnaitauxdamesdeschiquenaudesenleurrépétant:«Peut-onvoirhésiterainsidespersonnesquisonthabituéesàcomposerdesvers?Pensezcombienilseraitennuyantpourvousderestermuettes,etditesunepoésie,mêmesiellenedoitpasêtresuperbe!»jefisalorstransmettrecepoèmeàSanekata,parunedamedunomdeBennoOmoto:«Laminceglace!…Commeelleestaussi…CommelenœudducordonestaussiFragilequel'écume,

…Ellefond…Ilsedénoue…Aumoindrerayondusoleilquiforcelesgensàsecouvrirlatête.»…Commelaguirlandedelycopodequ'onmetsursatête.»Ben no Omoto était si confuse qu'elle ne pouvait seulement parler. «Quoi donc ? quoi donc ? »

demandait Sanekata en tendant l'oreille ;mais elle bégayait un peu, et aumoment où, faisant tous sesefforts,ellepensaitparleràmerveille,ellen'arrivaitpasàdiredeuxmotsdesuite.Contrairementàceque l'on aurait pu croire, tout cela, qui me permettait de cacher mon propre embarras, m'était bienagréable.Plusieursdames,quinevoulaientpasvenirescorterlesdanseusesquandellesserendraientauPalais

de l'Empereur ou en reviendraient, s'étaient d'abord retirées dans leur chambre en prétextant quelqueindisposition;maisnotremaîtresseavaitditqu'ellesdevaientfairecommelesautres,ettouteslesdamesde l'Impératrice, sans exception, se trouvaient rassemblées.À voir cette foule, je n'eus pas autant deplaisir que j'en éprouvais d'ordinaire en pareille occasion, et je pensai que le tumulte était par tropfatigant.Parmilesdanseusesenvoyéesparl'ImpératriceàlaCinquièmefête,étaitlafilledeSukemasa,lechefdesécuries impériales, etde laquatrièmePrincesse, sœurcadetteduPrincedu sang,ministreduProtocole,quirésidaitauPalaisSomedono[LeprinceTamehira,filsdel'empereurMurakami.].Elleavaitdouzeans,elleétaitfortjolie.Ladernièrenuitdelafête,ellenesetroublapasquandellesevitentourée,danslecortège,partantdegens.Après avoir passépar lePalais debonté et de longévité, la procession s'approchaduPalais pur et

frais,et,delavérandaquibordecelui-ciàl'est,nouslavîmessediriger,suivantlesdanseuses,verslesappartements que l'Impératrice et ses dames d'honneur occupent dans ce palais. Le tableau étaitmagnifique.Unhommeélégantpasse;onaperçoitle«rubanplat[Quelquechosed'analogueàunedragonne.]»desonsabre

d'apparat,etc'esttoutàfaitcharmant.Onenveloppeunelettredepapierviolet-pourpre,onlacachette,etonl'attacheàunrameaudeglycine,

auxlonguesgrappes.C'estaussitrèsjoli.LePalaisde l'Empereur, à l'époquede laCinquième fête, avraimentuncharmeparticulier ; sans y

prendregarde,ceuxmêmequilevoientseulementenpassantsontravis.

Les femmes de l'office domestique avaient fixé à leurs vêtements, comme des « étiquettesd'abstinence», toutes sortes debibelotsdiversement coloriés.C'était unmerveilleux spectacle. Sur lepontarqué[UnpontjetéprovisoiremententrelePalaispuretfraisetlePalaisdesoffrandesdeparfums.]duPalaispuretfrais,levioletinégaldespapiersquiliaientlescheveuxattiraitleregard.Lesfemmesdel'officedomestiquequiétaientvenuesàcetendroitavaientattachécespapiersdediversesfaçons,maisiln'enétaitaucunequinefûtjolie.LesjeunesfillesqueleurservicetenaitauprèsdeLeursMajestéspensaientquelaCinquièmefêteétait

unesolennitémagnifique,ellesavaientbienraison.Avecravissement,jeregardaispasserd'ancienschambellans,anoblis,portantdansdespaniersd'osier

del'indigosauvageetdulycopode.Lescourtisans,quiavaientôtéàmoitiéleurmanteaudecour,etlelaissaientnégligemmentretomber,

battaientlamesureavecleuréventailouquelqueautrechose,etchantaient:«Lesmessagerssesuccèdentsans interruption, comme les vagues, et annoncent les promotions. » Lorsqu'ils passèrent devant leschambres,lesdamesquisetrouvaientderrièrelestoredurentsentirleurcœurbattrebienfort,etcefutencorepluseffrayantquandilssemirent,soudainement,àriretousalafois.Cequi charmait surtout lesyeux,plusque tout le reste, c'étaient lesvêtementsde soiebrillantedes

chambellansquidirigeaientlescérémonies.Onavaitétendupoureuxdescoussinsdevantnoschambres;mais,contrairementàcequel'onavaitpensé,ilsnepurentvenirs'yasseoir.Onlouaitoul'oncritiquaitlesmanièresdesdamesquel'onvoyaitarriver.Àcetteépoquedel'année,onnesongequ'àlaCinquièmefête,ilsemblequeriend'autren'existe.Lanuitoùeutlieularépétitiondesdansesdevantledaisimpérial[LedeuxièmejourduBœuf,auonzièmemois,au

Palaisde la paix éternelle.], leschambellansdeservice traitaient lesgensavecrigueur,et lesempêchaientdepénétrerdanslasalle,enrépétantd'unevoixdontlarudesseétaitfortdésagréable:«Personnenedoitêtreadmis,horsdeuxsuivantes[Peut-êtredescoiffeuses.]etlesfillesd'honneur.»«Laissez-moientrer,disaitchaque courtisan,moi seul… » ;mais les chambellans répondaient fermement : « Les autres seraientjaloux. Il est absolument impossible que vous entriez ! » Cependant, une vingtaine des dames del'Impératricevinrentenungroupecompact;avantqueleschambellansquiparlaientsiforteussentpenséàs'yopposer,ellesouvrirentlaporte,puisfirentbruyammentirruptiondanslasalle.Qu'ilétaitdrôledevoir les chambellans se dresser, stupéfaits, en s'exclamant : « Ah ! par exemple ! quel âge sansprincipes ! » D'un air désolé, ils regardaient les suivantes qui entraient toutes à la suite des dames.L'Empereurlui-même,quiétaitsousledais,auradûtrouverlascènefortamusante.La nuit où dansèrent les jeunes filles, le spectacle fut ravissant. J'étais charmée en admirant leurs

gracieuxvisagestournésverslalampe.L'une de nous ayant dit que l'Empereur était allé chez l'Impératrice en emportant la guitare appelée

«Sansnom[Ouplutôt«Sansrenom».Noussommesen999.]»,etqu'ilenjouaitdevantlesdames,nouscourûmesvoirdansleschambresduPalais;maispersonnenejouait.Unedame,enpassantlamainsurlescordesdelaguitare,demandacommentonl'appelait,etnotremaîtresserépondit:«Cen'estqu'unobjetdepeudevaleur,quin'apasmêmedenom.»J'admiraiplusquejamaissonesprit.La Princesse du Palais de la belle vue étant venue chez l'Impératrice, elle dit dans le cours de la

conversation:«J'aichezmoiunorgueàbouchetrèsjoliquejetiensdudéfuntSeigneur[Michitaka,sonpère,mortledixièmejourduquatrièmemois,en995.].»«Donnez-le-moi,luiréponditleSeigneurévêque[Ryûen,lequatrièmefils deMichitaka.], j'ai dansmamaison une harpe superbe, que vous prendrez en échange. »Cependant laPrincessene fitpoint semblantd'avoir entendu,elleparlad'autrechose.L'Evêque réitéra sa demande,pensantqu'ellefiniraitbienparluirépondre;maisellegardalesilence,etl'Impératrices'écria:

Ah!Elle…s'estditqu'ellenel'échangeraitpas.»…apenséquec'étaitlaflûteappelée«Non,jenel'échangeraipas.»

Laremarqueétaitinfinimentagréable;maiscomme,justement,leSeigneurévêqueneconnaissaitpas

lenomdecetteaugusteflûte,ilparutavoirseulementdudépit.Celasepassaitalorsquel'ImpératricehabitaitaupalaisoùsontlesbureauxdesaMaison,etsinotre

maîtresseavaitpufaireunagréablejeudemots,c'estquel'Empereurpossédaituneflûteappelée«Non,jenel'échangeraipas».Aux instrumentsquiappartiennentauSouverain,auxharpes, aux flûtes, à tous,onadonnédesnoms

étranges.Pourlesguitares,onlesappelleparexemple:«Au-dessusdumystère»,«Lepâturagedeschevaux»,

«Ledessusdupuits»,«Lepontsurlarivière[LaWei,rivièrechinoise,affluentdufleuveJaune.]!»,«Sansnom».Lesharpesjaponaisessenomment:«L'œilmourant»,Lachaudièreàsel»,«Lesdeuxpercées».J'aientenduaussidesnomstelsque«Ledragond'eau»,«Lepetitdragond'eau»,«LebonzeUda

[L'ex-empereurUda.]»,«Uncoupsurunclou»,«Deuxfeuilles»,ettoutessortesd'autresquej'aioubliés.«Cesontdesobjetsàmettresurlepremierrayon,auPalaisdubonsoleil[Ilyavaitdanscepalaisunmagasin

pourlesinstrumentsdemusiqueetlesobjetsprécieux.]»,avaitcoutumededireleCapitainesous-chefdeschambellans[FujiwaraTadanobu.]quandilvoulaitlouerdeprécieuxinstruments.Les courtisans avaient passé la journée à jouer de la harpe et de la flûte devant le store des

appartementsqu'occupent,auPalais l'Impératriceetsasuite ;chacunseretiraitdesoncôté.Onn'avaitpasencore fermé les fenêtresde treillis, lorsqu'onalluma la lampede lachambre,etcomme toutétaitouvertonpouvaitvoirdanslasalle.L’Impératricetenaitsaguitaredevantsonvisage,etilseraitbanaldedire la beauté de son vêtement écarlate. Elle avait aussi un habit de dessus recouvrant de nombreuxvêtements taillés dans une étoffe bien tendue. La manche de sa robe retombait gracieusement sur saguitare, toutenoireet luisante.Onvoyait seulementunpeu son front, si blanc, si clair, toutprèsde laguitaresombre,etcecontrasteavaituncharmeincomparable.Jem'approchaid'unedamequisetrouvaitàcôté,pourluimurmurer:«Non,cellequiavait,dit-on,cachéàmoitiésonvisagenepouvaitêtreaussijolie. C'était sans doute une personne du commun [Allusion au « Poème de la guitare », de Po Kyu-yi.] ! »Ayantentenducesparoles,sans toutefoisensaisir lesens,ellese frayadeforceunpassageparmi lesautresdames,etallarépéteràl'Impératricecequej'avaisdit.SaMajestésouritetluidemandasiellesavaitceque j'avaisvoulu lui faire comprendre.Ladamem'amusa lorsqu'elleme rapporta la questionde notremaîtresse.LaDameducinquièmerang,nourricedel'Impératrice,partaitaujourd'huipourlaprovincedeHyûga.

ParmileséventailsqueluiavaitdonnésSaMajestécommecadeauxdeséparation,l'unportait,jolimentdessinéesurunedesesfaces,unemaisonpareilleàcellesoùlogentlesvoyageurs,quelquechosecommelemanoirducapitained'Ide[Unhérosderoman?],illuminéeparunsoleilresplendissant.Surl'autrefaceétaitreprésentée la capitale sous une pluie battante, avec une personne contemplant ce paysagemorose, etl'Impératriceavait,desapropremain,écritcesmots:«MêmequandvousaurezenfaceLesoleiléclatant,couleurdegarance,Pensezquesansdoute,Àlacapitale,

…Votreimpératricecontempletristementlecielquines'éclaircitpas.»…Ilpleuttoujoursetlecielnes'éclaircitpas.»C'étaitd'unemélancoliedélicieuse.Jenepourraispasquitterunemaîtressecommelanôtre,pourm'en

allerauloin.

46.ChosescontrariantesOnenvoiesoi-mêmeunpoèmeàquelqu'un,oubienonrépondparunepoésieàcellequ'unautrevous

adressa,puis,aprèsquel'onaécritetenvoyécesvers,onpenseàcorrigerunoudeuxmots.On a cousu quelque chose à la hâte, on croit avoir fini ;mais quand on tire le fil de l'aiguille, on

s'aperçoitqu'onn'avaitpasnoué,encommençant,leboutdufil.C'est,aussi,biencontrariantquandonacousuunmorceauenlemettantàl'envers.Unjour,alorsquel'ImpératricehabitaitauPalaisduSud[Résidencedumairedupalais.Noussommesaudouzième

moisde992.],ellesetrouvaitdansl'aileoccidentale,oùétaitaussileSeigneur.Nousétionsréuniesdanslachambreà coucher, abandonnéesànous-mêmes.Nousnousamusions, et commenousétions sorties enfouledanslecorridor,quelqu'unarrivaendisant:«Voiciunouvragequ'ilfautfairebienvite.Quetoutlemondes'ymette,etqu'onrapportececicousuavant lechangementde l'heure !»C'étaituncostumedesoieunie,àlatrameplate,quenousenvoyaitl'Impératrice.Nous nous assîmes toutes vers la face méridionale de l'appartement ; chacune des dames prit un

morceauducostumeendéfiantsescompagnesdecoudreplusvitequ'elle.Nousétionsassisestoutprèsles unes des autres ;mais comme nous n'étions pas face à face, nous cousions comme des folles, carchacune ignorait ceque faisaient ses rivales.Myôbu, la nourrice, eut bientôt fini sa tâche et posa sonouvrage.Elleavait cousu lapartieduvêtementquicorrespondauxépaules ;maisellen'avait pas faitattentionqu'ellemettaitl'unedespiècesdetissuàl'envers,etsansmêmenouersonfilenterminant,elles'étaitempresséedeposersonétoffeetdeselever.Cependant,quandonvoulutréunirlesmorceauxdudos,onvit toutde suitequ'ilyavaituneerreur.Toutes lesdames s'écrièrent, en riant et en raillant lanourrice:«Rectifiezcettecouture!»Maisellerépondit:«Sil'onsavaitquelleestladamequiamalcousu,peut-êtreréparerait-ellesaméprise.Envérité,sic'étaitdelasoiedamassée,ilfaudrait,poursûr,que celle qui aurait cousu sans distinguer l'envers de l'endroit corrigeât son ouvrage ;mais, ici, nousavonsuneétoffesansdessins;ya-t-ilunsignequipermettedereconnaîtrelesdeuxcôtésdutissu?Danscesconditions,quidoncpourraitavoiràrectifierquelquechose?Ausurplus,qu'onfassedoncréparercequel'ontrouvemalfaitparcellesquin'aurontpasencorefinidecoudreleurpart!»L'entêtéenevoulutpascéder.IlétaitvraimentamusantdevoirlevisagedesdamesGenshônagonetShinchûnagonpendantqu'ellesdiscutaientaveclanourriceendisant:«Croyez-vousquedetellesexplicationsvontsuffire.»Toutcelaétaitarrivéparceque l'Impératrice,pensantqu'elledevait,à labrune,se rendreauprèsde

l'Empereur,avaiteubesoindececostume,etavaitdéclaré:«Cellequiauracousubienvite, jesauraiqu'ellem'aime!»C'estbienennuyantquandunmessagervaporterunelettre,quel'onenvoyaitailleurs,àunpersonneà

laquelle il n'aurait pas fallu lamontrer.C'est surtout désagréable quand cemessager, au lieu d'avouerfranchementsonerreur,discuteetsoutientfermementqu'ils'estbornéàexécuterlesordresqu'onluiavait

donnés. Si je ne craignais alors d'être vue, je ne pourraism'empêcher de poursuivre et de battre cethomme!Onaplantédeslespédèzesoudesérianthes,trèsjolismaislorsqu'onvalesadmirer,onvoitquelqu'un,

portantune«longueboîte»,etmunid'unebêcheoud'unautreinstrument,quivientlesarracheràlahâteets'enva.C'estennuyantetlamentable!Siunhommed'unassezbonrangétaitlà,lefriponn'agiraitpasainsi;maismalgrétouteslesremontrancesqu'onpeutluifaire,ils'éloigneenrépondantqu'ilaseulementprisquelquesplantes.Ilestinutilededirecombienc'estdésagréable!Ungouverneurdeprovinceouquelquefonctionnairedecettesortevientàvous,etparlerudement.Il

esttoutàfaitmortifiantdel'entendrependantqu'ilal'airdesedire:«Onpenserasil'onveutquejesuisimpoli;maisquepourrait-onmefaire,àmoi?»Quelqu'un,àquionnevoulaitpaslamontrer,vousarracheunelettre,etvalaliredanslejardin.C'est

siennuyantqu'onselamenteraitvolontiers.Onpoursuitlevoleur;maislestorevousarrête;enregardantcethomme,onvoudraitpouvoirseprécipitersurlui.Unedame,qui s'est fâchéeàproposdequelquebagatelle,ne s'endortpas à côtéde songalant, elle

s'agiteet finitpar lequitterpouraller s'étendreailleurs.L'hommes'approched'elle tout doucement, ilessayede la faire revenir ;maiselleestencoredéraisonnable,etd'humeurétrange ; et commeelle semontretropentêtée,illuidit:«Àvotreaise»;puisilva,pleinderessentiment,s'envelopperdanssescouvertures.Aprèsqu'ils'estcouché,commeonestdanslasaisonfroide,ladame,quin'aqu'unvêtementnondoublé,sesenttransie.Malheureusement, tout lemondedort ; sansdoute, l'hommequ'ellea laisséseul dort également, elle ne sait ce qu'elle fera si elle se lève. La nuit est profonde, et la dame restecouchée,pensantqu'elleauraitmieuxfait,puisqu'ellevoulaitsefâcher,dequitterbeaucoupplustôtsonami.Àl'intérieurdelamaison,au-dehorsaussi,elleentenddeschosesquirésonnent,elleapeur.Alors,elleseglissedoucementverssonamant,elletireetsoulèvelacouverturequileprotègecontrelefroid;maisilfaitsemblantdedormir,c'estbienmortifiantpourelle.Etquandilluidit:«Faitesdoncencoreunpeul'obstinée!»

47.ChosesgênantesOn reçoit un visiteur, et, pendant qu'on cause avec lui, on entend les gens qui parlent, sans aucune

réserve,àl'intérieurdelamaison.Onnepeutlesfairetaire,onsesenttoutgêné.Unhommequel'onaimes'enivrecomplètement,etrépètetoujourslamêmechose.Parler de quelqu'un sans savoir qu'il vous écoute ; même s'il s'agit d'un serviteur qui n'a pas

d'importance,c'estgênant.Quantjevoyage,oulorsquejesuisnonloinduPalais,pendantuncongé,jemesensgênéesijevois

messervantesfolâtreraveccellesdel'endroitoùjemetrouve.Desparentschoientunenfantquiestlaid,maisqu'ilstrouventbeauenleurcœur;ilsimitentsavoix,

pourrépéteràtoutlemondecequ'ildit.Unignorant,devantunepersonneinstruite,prendunairpédant,etcitedesnomsd'hommescélèbres.Unhommerécitesesproprespoésies,que l'onne trouvepasparticulièrementbelles, et rapporte les

louangesquelesgensenontfaites.C'estinsupportable!Lanuit,quelqu'unquis'estréveilléraconteunehistoire;àcôtédelui,unautredortavecunsans-gêne

stupéfiant.Devantunepersonnequiesthabilemusicienne,quelqu'un,l'airsatisfaitdesoi-même,joued'uneharpe

qu'iln'apasseulementsuaccorder.Ungendre,quiacessédebonneheuredevenirprèsde sa femme, rencontre sonbeau-pèredansun

endroitpublic,oùl'unetl'autredevaientaller.

48.ChosesquifrappentdestupeurEnnettoyantunpeigne,onestarrêtéparquelquechose,etilsebrise.La voiture dans laquelle on se trouve est renversée !On pensait qu'unemachine aussi lourde, bien

établiesurses rouesécartées, resterait toujoursdebout, et toutàcouponcroit rêver ; on sedemande,avecstupéfaction,commentlachoseapusefaire.Quelqu'un,enfantouadulte,ditsansprécaution,enprésenced'unecertainepersonne,deschosesdontil

devraitéviter,parrespect,deparlerdevantelle.Ona,toutelanuit,attenduunamiqui,pensait-on,devaitsûrementvenir.Àl'aube,onoublieunmoment

cethomme,ons'endort;mais toutprès,uncorbeaucroasse«kô»,et l'onse réveillebrusquement.Lejourestvenu.Onestfrappédestupeur.Enjouantà«égalouinégal»,onsefaitprendrelecornet[Parcequ'onaeudeuxdésdevaleurinégale.].Quelqu'un,enfaced'uneautrepersonne,parleavecassurancedechosesqu'ilneconnaîtpas,qu'iln'ani

vuesnientendues,sansquesoninterlocuteurpuisselecontredire.Stupéfiantaussi!Auconcoursdetiràl'arc,ontremble,ontremble,onhésitelongtemps;enfinlaflèche,déplacée,part

dansunemauvaisedilection.

49.ChosespéniblesLorsd'unefêteouquandonfaitl'«ÉnumérationdesnomsdesBouddhas[Audouzièmemois.]»,ilneneige

pas;maisilpleuttellementquelejourenestobscurci.Ilya,justeaumomentd'unefêteouenquelqueautreoccasionderéjouissance,«abstinenceauPalais

[Lesdevinsontditqu'ilfallaitfaireretraite.]».Onsepréparait,onsedemandaitquandarriverait le jourattendu,etvoiciqu'unempêchement, toutà

coup,arrêtelesapprêts.Voilàlongtempsqu'onaprispourépouselafemmequel'onaimaitpar-dessustout,ellen'apasencore

d'enfant.Enpensantqu'il viendrait sûrement, ona envoyéchercherquelqu'unavecquiondésirait fairede la

musique,oubienàquionvoulaitmontrercecioucela;maisilrépondqu'ilestempêché,ilnevientpas.C'estirritant.Despersonnesdemêmerang,enserviceauPalais,vontensemble,hommeetfemmes,visiteruntemple

ou voir quelque chose. Leurs vêtements débordent gracieusement de la voiture, et le spectacle, sansbeaucoup d'apprêt, qu'ils offrent ne doit pas être trop désagréable. Cependant, des gens de la bonnesociété,àchevalouenvoiture,lesrencontrentsanslesregarder.C'esttoutàfaitpénible.Lespersonnesqui espéraient être remarquées se désolent. Elles voudraient avoir été vues par des gens capables deraconterensuitelachose,nefût-cequepardesserviteursquilesauraientconsidéréesaveccuriosité.Je

necroispasqu'unetellepenséesoitétrange.Àl'époquedel'abstinence,aucinquièmemois[En995.Ils'agitd'unedes«troispurificationsdel'année»,prescritesparla

loibouddhique:aupremier,aucinquièmeetauneuvièmemois.],l'ImpératricehabitaitaupalaisoùsontlesbureauxdesfonctionnairesquigouvernentsaMaison.Onavaitornéspécialementlasalleàladoublelongueur [Sallelongued'environsixmètres.]quisetrouvedevantlachambrederéserveàl'épreuvedufeu.Sonaspectdifféraitdel'ordinaire,etpourtantnouscharmait.Depuislepremierjourdumois,letempsétaitpluvieux,lecielnuageuxetsombre;nousnesavionsque

faire.Unjour,jedisquejesouhaitaisallerentendrelechantducoucou,ettouteslesdames,aprèscela,s'écrièrentbienvite:«Moiaussi!moiaussi!»L'uned'ellesajoutaquetrèsloin,ducôtédeKamo,ilyavaitunpontdontellenepouvaitserappelerlenom;cen'étaitpasle«pontdelaTisserande[Latisserandecéleste,fêtéeleseptièmejourduseptièmemois.]»,ilavaitunnomplusdésagréablequecela.«Chaquejour,affirma-t-elle, le coucouchantedans levoisinagedecepont.»Uneautre lui réponditque labestioledontonpouvaitentendrelà-baslamusiqueétaitunecigale.Nousdécidâmesd'alleràcetendroit,et,lematinducinq, nous donnâmes des ordres, pour une voiture, à des fonctionnaires appartenant à la Maison del'Impératrice.Nouspartîmesdupostedunord[C'est-à-dire:«parlaportequisetrouveprèsdupostedesgardes,aumilieuducôtéseptentrionaldel'enceinteextérieure».]endisant:«Noussommesaucinquièmemois,àlasaisondespluies;onnenousblâmerapas[Seipensequ'onnelesblâmerapas(parcequ'ellespeuventcraindrelapluie)d'êtresortiesenvoitureparcetteporte.]!»Quandonamenalavoiture,iln'ymonta,moicomprise,quequatredames;lesautresrépétaientavecenvie:«Sinousprenionsuneautrevoiture,etsinousfaisionscommeelles?»Maisl'Impératricerefusa,etnouspartîmessanslesplaindre,sansmêmeécouter leurs lamentations.Enlongeant le terraindescourses,nousvîmesunefouleentumulte.Nousdemandâmescequisepassait;onnousréponditquelesarcherss'exerçaientaugrandarc,etquenousdevions rester làunmomentpour les regarder.Nousfîmesdoncarrêterlavoiture.Onnousassuraaussiquetouslesofficiers[DansletextedonnéparM.Mizoguchi,ona« les capitaines ».] de lagardeducorps,dedroite, étaient arrivés ;mais nousnevîmespersonnede cettesorte.Ilyavaitlàseulementquelquesfonctionnairesdusixièmerangquimarchaientdecôtéetd'autre,àl'aventure.Nousdîmesquecen'étaitpasintéressant,etqu'ilnousfallaitbienvitecontinuernotreroute.Nous allions, nous allions. Le chemin que nous suivions nous rappelait l'époque de la fête deKamo.C'étaitravissant.LamaisonduseigneurAkinobu[TakashinaAkinobu,onclematerneldel'Impératrice.]setrouvaitparlà.«Allons-yvoir toutde suite !» s'écria l'unedenous.Nousen fîmes approcher lavoiture, et nousdescendîmes.Lamaisonétaitrustiqueettrèssimple.Lespanneauxornésdepeinturesreprésentantdeschevaux,les

paravents debambou tressé, les stores de jonc, tout semblait fait à desseinpour copier les choses dupassé.L'édifice,lui-même,étaitdestylecommun,petitetmesquin;ilavaitcependantsoncharme,etnouspensions que la voix des coucous qui se répondaient était vraiment assourdissante. Mais, hélas !l'Impératricenel'entendaitpas!C'estseulementenécoutantceschantsquenouspensâmesauxdamesquiauraientvoulunousaccompagner.«Quandonestquelquepart,nousditleseigneurAkinobu,ilfautvoircequel'onyfait.»Ilenvoya

chercherbeaucoupderizenépis,etl'onamenaprèsdenousquelquesjeunespersonnesquin'étaientpasdéplaisantes,fillesdesmaisonsduvoisinage.LeSeigneurfitégrenerlerizparcinqousixd'entreelles,pendant que deux autres faisaient fonctionner une machine que je n'avais jamais vue, et qui tournaitcommeundévidoir.Toutenlamouvant,cesjeunesfilleschantèrentenmesure,d'unesiétrangefaçonquecelanousfitrireetoublierlespoésiesquenousdevionscomposeràproposducoucou.Onapportadestablesdémontables,pareillesàcellesqu'onvoitfiguréesdanslespeintureschinoises,

etl'onnousoffritàgoûter;maisaucunedenousnefitattentionàcequinousétaitprésenté,lemaîtrede

lamaisonnousdit:«Jevousoffrequelquechosedetrèsgrossier,àlacampagnarde.Quandlesvisiteurs,dansunendroitcommecelui-ci,netrouventpasboncequel'ondonne,ilsn'ontd'autreressourcequedepresserleurhôtepourqu'onlesserveàleurgoût.Vraiment, lespersonnesquiviennent icinefontpas,d'ordinaire,commevous!»Pour nous engager à prendre quelque chose, il ajouta : « J'ai cueilli moi-même ces pousses de

fougère»;maisjeluirépondis:«Commentpourrions-nous,commedesservantes,nousinstallercôteàcôte autour des tables ? » Ordonnant alors de desservir, il reprit : « Vous avez raison, vous êtesaccoutumées à l'étiquette habituelle en présence de Leurs Majestés. » Pendant que les serviteurss'empressaientd'ôterlesmetsdedessuslespetitestables,etdelesprésenterconvenablement,unvaletdepiedvintnousavertirqu'ilallaitpleuvoir,etnousmontâmesbienviteenvoiture.«Jevoudraiscependant,dis-je,composericicettepoésie!»maislesautresrépliquèrent:«Laissez

cela,vous la ferezaussibienenchemin.»Nouscueillîmesdesbranchesdedeutzie, toutes fleuries,etnous couvrîmes la voiture de longs rameaux, en plantant ceux-ci dans les stores et dans les côtés.Onauraitcruvoirunmanteau,blanccomme la fleurdedeutzie,étendusurnotrevoiture.Leshommesquinousescortaient semirent, en riant aux éclats, à ficherdes fleursdans chaque intersticedes stores debamboutressé.«Ilenmanqueencoreici,etencorelà!»criaient-ils.Ilsencouvrirentcomplètementlavoiture. Nous espérions rencontrer des gens qui admireraient notre équipage ; mais nous ne vîmespersonne,exceptéquelquesmisérablesbonzesetdeuxoutroishommesducommunquinevalaientpasqu'onenparlât.C'étaitvraimentdommage.Comme nous approchions de notre résidence, l'une de nous déclara : «Nous ne pouvons, pourtant,

terminernotrepromenadesansqu'onnousaitvues.Ilfautfaireensortequelesgensvantentlabeautédenotre voiture. »Nous nous arrêtâmes donc près du Palais de la Première avenue, et nous envoyâmesdemander si leSeigneur gentilhommede la chambre [FujiwaraKiminobu.] était là ; nous lui fîmes dire, enmêmetemps,quenousétionsalléesentendrelecoucou,etquenousrentrions.Leserviteurrapportalesparolesdesonmaître:«Jevienstoutdesuite,mesdames,mesdames…»IlajoutaqueKiminobu,quis'étaitmisàl'aisedanslasalledesvassaux,passaitunpantalonàlacets.Nousrépondîmesqu'ilnousétaitimpossibled'attendre,etlavoiturepartit,encourant,verslaPortedelaTerre[Laportelaplusrapprochéeducoinnord-est,surlafaceorientaledel'enceinteextérieure.].CependantleGentilhommenouspoursuivaitengrandehâte.Ils'étaithabillé,jemedemandeencombiendetemps,etbouclaitsaceintureenchemin.Plusieursdesessuivants et de ses valets couraient avec lui, sans avoir pris le temps de se chausser. Nous dîmes auconducteurd'allerplusvite[«ou:«Bienquelavoitureallâtvite,quandnousfûmesarrivées,ennoushâtant,àlaPortedelaTerre,Kiminobunousrejoignit.»],etnousétionsarrivées,enfaisantdiligence,àlaportedelaTerre,quandKiminobunous rejoignit, essoufflé,horsde lui.Là seulement [ou : « Tout d'abord ».], il remarqua la façon dont notrevoitureétaitdécorée.«Quandjelaregarde,s'écria-t-ilenriant,jenepuisabsolumentpascroirequ'ilyaitdedansdespersonnesréelles.Descendezdonc,quejevoieunpeu!»Leshommesquil'avaientsuivisemirentàriredesaplaisanterie.«Etvospoésies,ajouta-t-il,commentsont-elles?jevoudraisbienlesentendre.»Mais jerépliquaiquenousdevionsendonner laprimeurà l'Impératrice.Pendantquenousparlions,ilcommençadepleuvoir,fort,etKiminobudéclara:«JemedemandepourquoicettePortedela Terre n'est pas comme les autres, et pourquoi on n'y a pasmis de toit.Aujourd'hui, c'est vraimentdésagréable », et ensuite : « Comment vais-je rentrer chezmoi ? J'ai couru jusqu'ici enme souciantseulementd'arriver à temps, sansprendregardequ'onpouvaitmevoir.Maintenant, il fautque jem'enretourne.C'est terrible !–Çà ! lui répondis-je,venezavecnousauPalais.–Comment, s'exclama-t-il,pourrais-jeyalleravecunbonnetlaqué?–Envoyezchercheruneautrecoiffure!»luidis-jealors.Lapluiecontinuaitdetomberàverse,etnoshommes,quin'avaientpasdechapeauxdepluie[Kara.Cemot,quidésigneungrandchapeaudepaille,signifieégalement«parapluie».],tirèrentnotrevoitureaussivitequ'ilspurent,pourla

faireentrer.Onapporta,duPalaisdelaPremièreavenue,unparapluieàKiminobu.Illeprit,ets'éloignaen regardant à toutmoment en arrière.Cette fois, ilmarchait à pas lents, et semblaitmélancolique. Ilemportaitseulement,pourgarderlesouvenirdelarencontre,unrameaudedeutzie.Qu'ilétaitamusantdelevoir!Quandnousfûmesarrivéesdevantelle,notremaîtressenousdemandacommenttouts'étaitpassé.Les

damesqui,d'unœild'envie,nousavaientvuespartir,boudaientetrestaientmaussades;maistoutesrirentquandnousracontâmesdequellemanièreleGentilhommedelachambre,delafamilleFujiwara,avaitcourusurlagrand'routedelaPremièreavenue.«Ehbien!demandal'Impératrice,oùsontvospoésies?»Commenousluinarrionsnotrepromenade,et luiconfessionsquenousn'avionsrienfait,SaMajesté

nousdit:«C'estbienregrettable.Lescourtisanspeuvententendreparlerdevotreexcursion.Commentleuravouerquevousêtesrevenuessansrapporterunjolipoème?Vousauriezdûencomposerunlà-baspendantquevousécoutiezlecoucou;maisvousavezvoulufairetropdecérémonies,et lecharmequivous enivrait s'en est allé. Cela ne vous ressemble guère ! Maintenant que vous êtes ici, composezquelquechose.Jen'aipasbesoind'insister!»Nouspensionsqu'elleavaitraison,nousétionsdésolées.Cependant,alorsquenousnousconsultionsmutuellementpourfaireunepoésie,onnousapportacelle-ci,écriteparleGentilhommedelachambre,delafamilleFujiwara,surunemincefeuilledepapier,blanchecommelafleurdedeutzie,etattachéeaurameauqu'ilavaitemportéennousquittant:«Sij'avaissuQuevousalliezEntendrelechantDucoucou,moncœurVousauraitaccompagnées.»Jepensaiquelemessagerattendaitsansdouteuneréplique,etj'envoyaichercherunencrierdansnotre

chambre;maisl'Impératricem'ordonna:«Prenezvitecelui-ci,etdépêchez-vousderépondre» ;aprèsavoirmisdupapierdans le couvercle, ellemepassa son écritoire. Je dis àSaishôd'écrire ; ellemeréponditquec'étaitàmoidelefaire.Pendantcetemps,leciels'étaitobscurci;lapluiesemitàtomber,le tonnerregrondadefaçonsieffrayantequenousnepensâmesplusà rien.Ondescenditbienvite lesstores.Aupalaisoù sont lesbureauxdes fonctionnairesquigouvernent laMaisonde l'Impératrice,onrabattitmêmeles jalousiespar-dessus les fenêtresde treillis, et,dansnotreaffolementoùnousétions,nousoubliâmeslaréponsequenousdevionsfaireàlapoésiedeKiminobu.Letonnerregrondasilongtempsquelesoirétaitvenuquandilfitminedesecalmer.Nousreprenions

pourtantnotrepapier,enpensantcomposercette foisnotre réplique, lorsqu'unefouledegens,dehautsdignitaires,vinrentparlerdel'orage;nousallâmesvers la façadede l'ouestpour lessaluer,puisnoussongeâmes à notre poésie. Les autres dames déclarèrent que c'était la personne à laquelle on avaitadresséunpoèmequidevaits'occuperdelaréponse,etnes'ensoucièrentplus.«Ilfautcroire,m'écriai-jeenriant,quecejourn'apasétédestinéàlapoésiedanslesmondesantérieurs[Onnes'expliqueguèrecommentunejournéeauraitpurecevoir,«dansunmondeantérieur»,unedestinationquelconque;maislaphraseestditeenriant.].C'esttriste!Nousn'avonsplus,maintenant,qu'àgarderunsilenceabsolusurnotreexcursiond'aujourd'hui!»Maisl'Impératriceditd'unair fâché :«Mêmeàprésent,aucunedecellesquisontallées là-basneva-t-elleriendire?Vouspourriezcependanttrouverquelquechose.C'estsansdoutequevousvousêtesmisentêtede ne pas composer de poème ! »C'était bien amusant. « Pourtant, fis-je remarquer, il estmaintenantterriblementdifficile pournousd'imaginerunepoésie ! »L'Impératrice repartit : «Est-ce vraiment si

terrible?»Nousrenonçâmesàcomposerquoiquecefût.Deux jours plus tard, nous vînmes à parler de ce qui s'était passé ce jour-là, et Saishô demanda :

«Comment trouviez-vouscespoussesde fougèrequenotrehôteaffirmait avoir cueillie, lui-même? –Voilàcedontvousvoussouvenez!»ditenriantl'Impératrice;elleécrivitcesdeuxverssurunefeuillevolante:«EllepenseavecamourAuxpoussesdefougère.»Puisellenousordonnadecomposerundébutpourcettepoésie.C'étaitravissant.J'écrivisceslignes,

quejeprésentaiàSaMajesté:«Plusmêmequ'auchantDucoucouQu'elleétaitalléeentendre.»«Vousn'avezpashonte!ditmamaîtresseenriantdenouveau,commentosez-vousseulementparlerdu

coucou?»Malgrémonembarras,jerépondis:«Quepouvez-vousmereprocher?Jepensequejamaisplus jenecomposeraidecespoésies. Si, chaque fois que les gens prépareront des poèmes, à proposd'unechoseoud'uneautre,vousdevezm'ordonnerd'enécrireun, ilmesembleque jenepuis resteràvotreservice.Commentdonc,alorsqu'ilnem'estpasmêmepossibledecompterlessyllabes,pourrais-jecomposer au printemps une poésie sur l'hiver ; en hiver, un poème sur le printemps ; ou chanter leschrysanthèmes quand fleurissent les pruniers ? Je suis la descendante d'hommes qui ont mérité d'êtreappelés des poètes, et si je tourne quelques vers qui surpassent un peu ceux des autres, les gensdéclarent : « Parmi les poésies composées en cette circonstance, c'est vraiment la sienne qui est lameilleure;maisilfautajouterqu'elleestlafilled'unici!»Voilà,sansdoute,quipeutm'encourager!Si,bienqu'onn'aitaucunedispositionspéciale,onsecroitquelquechosecommeunpoète,etsil'onsehâtede griffonner force vers dès que l'occasion s'en présente, c'est triste pour la mémoire des ancêtresdéfunts ! » Comme je parlais de la sorte, sincèrement, à l'Impératrice, elle se mit à rire, puis ellerépliqua:«S'ilenestainsi,faitesàvotreidée.Jenevousdemanderaiplusderiencomposer»;jemesentissoulagéed'ungrandpoids.«Maintenant,medis-je,jenemetourmenteraipluspourimaginerdespoésies!»OrleSeigneurministreducentre[FujiwaraKorechika.]faisait,àcemoment-là,degrandspréparatifspour

lanuitduSinge[Plusexactement:«nuitdufrèreaînéduMétal,etduSinge»(noussavonsquecesdeuxtermescoïncidaienttouslessoixantejours). Il était prudent de veiller toute cette nuit-là, oùdes vers, pénétrant dans le corps des dormeurs, pouvaient, croyait-on, sur-prendre leurs secrets.]. Comme la nuit s'avançait, il dit aux dames d'écrire des poèmes sur un sujet qu'ilproposa. Toutes furent dans la joie, et en composèrent à l'envi. Pendant ce temps, j'étais auprès del'Impératrice,aveclaquellejecausais.Jeneluiparlaispasdespoésies;maisleMinistre,enmevoyant,m'interpella:«Pourquoirestez-vousainsiàl'écart,sanscomposerdepoème?Prenezdonclesujet!»Jerépondis :« J'aiobtenu lapermissiond'agir àmaguise, et comme jen'aipasàécriredesvers, jenem'inquièteplusdetoutcela!–Voilà,s'écria-t-il,quiestétrange!Envérité,unepareillechoseest-ellepossible?Commentl'Impératricea-t-ellepuvousaccordercettepermission?Celanepeutabsolumentpasêtre!Peuimporte,jenemesouciepasdecequevousferezuneautrefois;maiscesoir,ilfautquevouscomposiezquelquechose!»Bienqu'ilmepressâtainsi,jenefispaslamoindreattentionàcequ'ilmedisait.

Cependant, alors que les autres dames présentaient ce qu'elles avaient fait, et qu'on jugeait leurscompositions,l'Impératriceécrivitcecourtbillet,puismeledonna:«Allez-vousmanquer,Vousquel'onnommeLadescendanteDeMotosuke,Auconcoursdepoésiesdecesoir?»C'étaitvraimentd'uncharmesanspareil,etcommejeriaistrèsfort,leMinistremedemanda:«Qu'est-

celà,qu'est-celà?»Jerépondisparcepoème:«Sijen'étaiscelleQu'onappelleSadescendante,J'aurais,lapremière,Composécesoirunepoésie.»Etjedisàl'Impératrice:«Sijen'avaispasàgardercetteréserve,jevousprésenterais,demoi-même,

millepoésies!»Unjouroùilyavait,auprèsdel'Impératrice,denombreusespersonnes,desparentsdeSaMajesté,des

princes,desgentilshommes, j'étais appuyéecontreunpilierde la chambre située sous l'appentis, et jecausaisaveclesdames,quandmamaîtressemejetaunbillet.Jel'ouvrisetjelus.«Dois-jevousaimer,ouiounon,medemandait-elle.Sijenepuisvousdonnerlapremièreplacedansmoncœur,quedois-jefaire?»Sansdoutem'écrivait-ellecelaparcequ'unefois,devantSaMajesté,j'avaisditdanslecoursdelaconversation:«Quepeutvaloird'êtreaiméesil'onn'estpaslapremièredetoutes?Jepréféreraismevoirhaïeoumaltraitée.Sijedevaisêtreladeuxièmeoulatroisième,j'aimeraismieuxmourirpouréviterunetelledisgrâce.Ilfautquejesoislapremière!»Lesdames,enriant,s'étaientécriées«C'estlarègledeladoctrineuniquequevousnousrécitezlà[Allusionau«SoùtraduLotus».]!»L'Impératricem'ayantdonnéunpinceauetdupapier,j'écrivisceslignes,quejeluiprésentai:«Parmilessiègesdelotusdesneufdegrés,mêmelederniermesuffirait[Seipenseauxlotusoùsontconçusles

bienheureux,divisésenneufclasses,quinaissentauparadisd'Amita.].»« Il fautcroire,déclara l'Impératrice,quevousêtescomplètementdécouragée !C'est trèsmal ainsi.

Continuezdoncplutôtàpensercommevousaviezd'aborddit.–Monsentiment,répliquai-je,varieavecla situationdesgensquipeuventm'aimer.»MaisSaMajesté ajouta : «C'est fortmal répondu ; vouspréférerezassurémentêtrelapremière,mêmedanslecœurdesplusnoblespersonnes»,etj'enfusravie.Un jour [En 995 ou en 996.], le Seigneur deuxième sous-secrétaire d'État [Fujiwara Takaie.] était venu voir

l'Impératrice.Illuiprésental'éventailqu'iltenait,enluidisant:«Cettefois,j'aitrouvéunemerveilleusecarcassed'éventail. Jedésirerais la faire recouvrir ;mais jeneveuxpasd'unpapierordinaire, et j'enchercheunquipuisseconvenir.–Commentestdonccettecarcasse?»demandal'Impératrice,etTakaierépondit,avecdel'orgueildanslavoix:«Elleesttoutàfaitsuperbe,lesgensassurentqu'onn'aencorejamais vu une carcasse comme celle-ci, et vraiment une pareille chose n'a jamais existé. – Alors,m'écriai-je,cen'estpasunecarcassed'éventail,c'estunecarcassedeméduse[C'est-à-direunechosequin'existe

pas.]!-Voilà,répliqua-t-ilenriant,cequejevoulaisdire.»J'auraispuplacerunetellehistoireparmiles«chosesgênantes[Plusprécisément:«gênantepourceuxquisontà

côté»(pourlescompagnesdeSei).]».Sansdouteferais-jemieuxdelataire;maistoutlemondem'arecommandédenerienomettre:commentdoncnelanoterais-jepoint?C'était pendant une période de pluies continuelles, et il pleuvait aussi ce jour-là. Le Troisième

fonctionnaire du Protocole, Nobutsune, vint au palais de l'Impératrice pour apporter une lettre del'Empereur, et comme d'habitude, on sortit un coussin. Il s'assit sur le plancher, après avoir rejeté lecoussin encore plus loin qu'à l'ordinaire [En présence de l'Impératrice, le messager, par respect, ne s'asseyait pas sur lecoussin.].«Àquoidoncestdestinécecoussin?»demandai-je,cequifitrireNobutsune.«Sil'onmontaitdessusalorsqu'ilpleuttellement,dit-il,onlesalirait,latracedespiedsyresteraitmarquée,ceseraitfortdéplaisant.»—Quoi,m'écriai-je,…iln'estpaslàpourqu'ons'essuielespieds?»…cen'estpasuncoussin[LaphrasedeSeiestàdoublesens.]?»Cependant, ilmeréponditquecen'étaitpasmonespritquim'avaitfaitparler,quesi lui,Nobutsune,

n'avaitrienditdelatracedespieds,jen'auraispasimaginécejeudemots.Ilétaitvraimentamusantdel'entendre répéter cela ; mais les louanges exagérées qu'il s'accordait lui-même finissant parm'importuner,jeracontail'histoiresuivanteàmamaîtresse:« Il y a bien longtemps vivait, au palais de laGrande Impératrice [Épouse de Murakami.], une servante

fameuse,appeléeEnutagi [Enutagiparaît signifier « vomissement de chien ».].À l'époqueoùFujiwaranoTokikara[Tokikarasignifie«suivant le temps».],quidevaitmourirgouverneurdeMino,étaitencorechambellan,ilpassaun jourdansunendroitoù se trouvaientplusieurs servantes, etdit :«Alors ! c'est celle-ci la célèbreEnutagi;pourquoisonapparencenerépond-ellepasàsonnom?–D'aprèslevôtre,répliqua-t-elle,votreaspectdoitdépendredutemps;»Onpouvaitchoisirsesadversaires,Enutagisetiraitavechonneurdetouteslesdifficultés.Lescourtisansetleshautsdignitaireseux-mêmesdisaientquec'étaitquelquechosed'amusant.Aureste,l'histoireestvraisemblable;elleaététransmiseainsijusqu'ànous [La traduction de ladernièrephraseestfondéesurletextedonnéparM.Kaneko.].Nobutsune reprit alors : « Il en est, de ceuxdont vous venez de parler, commede nous deux.C'est

Tokikara qui avait fourni à Enutagi, d'avance, sa réponse. Pourmoi, je suis capable de composer unpoème,chinoisoujaponais,quelquesoitlesujetqu'onmepropose.–Envérité,répliquai-je,c'estàcepoint!Puisquevousêtessihabile, jevaisvousdonnerunsujet ;vouscomposerez,s'ilvousplaît,unepoésiejaponaise.–C'estparfait,répondit-il;maisqueferais-jed'unseulthème?Jecomposerais,toutaussibien,quantitédepoèmes!»Comme ilparlait ainsi, l'Impératrice luiproposaun sujet ;mais il s'enalla, endéclarant que c'était

terrible,etqu'ilseretirait.« Il a, dit quelqu'un, une affreuse écriture, qu'il se serve des caractères chinois ou qu'il emploie le

syllabaire japonais ; lesgensenrient.C'estpourquoi il s'estenfuicommeila fait.»Celanousamusaencore.Unjour,autempsoùNobutsuneétaitintendantduservicechargé,auPalais,desfabrications,ilenvoya

porteràjenesaisquelouvrieruncroquisreprésentantcertainobjetàexécuter,«Voicicommentcedoitêtre fait»,avait-ilajoutéencaractèreschinois.Jamais jen'avaisvuunpareilgriffonnage,quandcettehorreurmetombasouslesyeux,etj'écrivisàcôté:«Sil'ontravailledecettefaçon,lerésultatnepeutmanquerd'êtresingulier[En995.]»J'envoyailecroquisauxappartementsdel'Empereur,oùlesgenssele

passèrentdel'unàl'autre,etenfirentdesgorgeschaudes,cequimitNobutsunefortencolère,etm'attirasonressentiment.QuandlaPrincesseduPalaisdelabellevuedevint l'épouseduPrincehéritier, iln'yeutaucunedes

cérémoniesquinefûtsplendide.ElleétaitentréeaupalaisduPrinceledixdupremiermoiselleavaitenvoyédenombreuseslettresà

notremaîtressemaislesdeuxsœursnes'étaientpasrencontrées.Cependant,ledixdudeuxièmemois,unmessage annonça que la Princesse allait venir voir l'Impératrice. On décora les appartements encoremieux que d'ordinaire, on nettoya, on arrangea tout avec un soin particulier, et les dames firent, ellesaussi,degrandsapprêts.LaPrincessearrivaaumilieudelanuit,etbientôtlejourvint.Onavaitpréparélachambreà ladouble longueur,à l'estduPalaisde lagloireascendante.Le lendemainmatin,de trèsbonne heure, on releva les fenêtres de treillis ; à l'aurore, le Seigneurmaire du palais et son épousearrivèrent,danslamêmevoiture.Laplacedel'Impératricesetrouvaitdanslapartieméridionaledelasalle.Unparaventhautdequatre

pieds avait été dressé de l'est à l'ouest, la face tournée vers le nord ; derrière, on avaitmis, pour SaMajesté,uncoussinsurunenatte,etl'onn'avaitapportéqu'unseulbrasier,destinéànotremaîtresse.Ausudduparavent,devantledais,setenaientdesdamesenfoule.C'estlàqu'oncoiffal'Impératrice,etpendantcetemps,ellemedemandasijeconnaissaislaPrincesse

duPalaisdelabellevue.«Commentaurais-jepulavoir,répondis-je;c'estàpeinesijel'aiaperçuededos, le jourdesOffrandes,auTempleShakuzenji [Au deuxièmemois de 994.].–Venezdonc,meditalorsSaMajesté,prèsdel'intervallequ'ilyaentrelepilieretleparavent,etregardezenvousmettantderrièremoi.N'est-ellepasbienjolie?»Jefusravie,etsentantcroîtreledésirquej'avaisdevoirlaPrincesse,jemedemandaisquandjepourraisl'admireràmonaise.Onvenaitdemettreà l'Impératricedesmanteauxcouleurdeprunier rouge, l'und'étoffe façonnée, le

deuxième de tissu broché, puis un autre écarlate, de soie foulée, par-dessus un vêtement fait de troisétoffes superposées. « Vraiment, murmura-t-elle, l'écarlate foncé va bien avec la couleur de prunierrouge?Encemoment,onnedevraitpasporterdesvêtementsdecettedernièrenuance[Auxdiversesépoquesde l'année,convenaient,pour lesvêtements, tellesou tellescouleurs.];j'enaimiscependant,parcequejedéteste levertclairetlescouleursdecettesorte;maislateinteneconvientpasavecl'écarlate!»Malgrécesparoles,jenedécouvraisenellerienquinefûtsuperbe.Lanuancedesonteints'accordaitjustementaveccelledes habits qu'on lui avait passés ; tout en la contemplant, j'étais impatiente de voir si l'autre jolieprincesse[Genshi,laprincesseduPalaisdelabellevue.]mecharmeraitautantqu'elle.L'Impératriceseglissaprèsduparavent,jetauncoupd'œilsurlasalle,etdéclara:«Cespréparatifs

semblentmalfaits.Voilàuntravaildontvousnedevezpasêtrecontentes.»Ilétaitamusantd'observerlesdamestandisqu'ellesl'écoutaientavecattention.Lachambreétaitlargementouverte,etl'onvoyaittout,trèsbien.La Noble Dame [L'épouse de Michitaka.] portait un manteau blanc avec, l'un sur l'autre, seulement deux

vêtementsdesoieécarlate,empesée.Onauraitditqu'elleavaitunejuped'apparatcommeenmettentlesdamesd'honneur.Enrelevantcette jupe,elleallavers le fondde lapièce,etcommeelleétait tournéeversl'est,jen'apercevaisquesoncostume.LaPrincesseduPalaisdelabellevuesetrouvaitunpeuplusloin,aunord,etregardait lesud.Elle

avaitdenombreuxvêtementsdedessous,couleurdeprunierrouge,lesunsfoncés,lesautresclairs;unvêtementdedamasvioletfoncé;unhabitdetissugrenat,tirantunpeusurl'écarlate,etunmanteauvertclair,d'étoffefaçonnée,quilarajeunissaitencore.Ellegardaitlevisagecachéderrièresonéventail,etmesemblaittoutàfaitjolie.Vraiment,elleétaitravissante.

LeSeigneurmairedupalaisportaitunmanteaudecourvioletclair,unpantalonàlacetsdetissuverttendre,etunvêtementdedessousécarlate.Ilétaittournédenotrecôté,ledosappuyécontreunpilierdelachambresituéesous l'appentis,etattachait lescordonsfixésaucolletdesonmanteau. Il souriaitdeplaisirenvoyantcombienlesprincesses,sesfilles,étaientbelles,etilplaisantaitcommeilavaitcoutumedefaire.LaPrincesseduPalaisde labellevueétait assise là,aussi jolieque les figuresdes tableaux.Mais

avec son air calme, avec la grâce de son visage déjàmoins juvénile, dont la couleur écarlate de sonvêtement faisaitvaloir lanuance, l'Impératriceparaissaitmerveilleusementbelle, et jepensais encore,aprèsavoirvulaPrincesse,que,poursûr,encemonde,onnepouvaitcomparerpersonneàSaMajesté.Onapportal'eaupourlesmains.PourlaPrincesseduPalaisdelabellevue,cetteeaufutapportée,je

crois,pardeuxdemoisellesd'honneuretquatreservantes,quipassèrentparlePalaisdel'universeléclatetparceluidel'honorableapparence.Danslagaleriequiétaitendeçàdelasallesituéesousl'appentisàlachinoise,setenaientseulement

six dames.À cause de l'étroitesse de la galerie, la moitié de celles qui avaient escorté la Princesseétaientensuiteretournéesaupalaisdeleurmaîtresse.Lesdemoisellesd'honneursemblaientextraordinairementjolies,avecleursvestescouleurdecerisier,

leursvêtementsdedessousverttendreouprunierrouge.Leursvestesavaientdelonguestraînes,etilétaitravissantdelesvoirprendrelabassined'eau,desmainsdesservantes,puislaprésenteràlaPrincesse.Prèsdecelle-ci,setenaientlesdamesShôshô,filleduchefdesécuriesSukemasa,etSaishô,dontlepèreétait leDignitaire du troisième rang, deKitano.Lesmanteaux chinois de ces deuxdames débordaientsouslestore,etjelesregardais,charméeparleurbeauté.Enmêmetemps,des«demoisellesdelaCour»présentaient l'eauà l'Impératrice;ellesavaientdes

jupesdetissubleu [Oupeut-être : « vert ».],plusfoncéverslabordure,desmanteauxchinois,desrubansletaille et des ornements d'épaule, et leurs visages étaient bien poudrés de blanc. Les servantes leurpassaientlesustensilesnécessaires.Toutcela,faitsuivant lesrèglesdel'étiquette,à lamodechinoise,avaitbeaucoupdegrâce.Quand approcha lemoment du déjeuner, vint une coiffeuse ; elle arrangea les cheveux des dames-

chambellansetceuxdesfemmesquidevaientservirlerepasdeSaMajesté.Mais,pendantcetemps,onpoussa de côté le paravent qui partageait la salle en deux, et moi qui regardais furtivement, cachéederrière ce paravent, j'étais de la même humeur qu'un sorcier à qui l'on eût enlevé son manteaud'invisibilité.Jenemesentaitpasrassasiéeparlespectaclequej'avaispuvoir,j'étaisdésolée.J'allaimemettreauprèsd'unpilier,etj'épiaiparl'intervallequelaissaiententreeuxlestoreetl'écran;cependantlatraînedemonhabit,ma juped'apparat,monmanteauchinois,débordaientdevant le store.LeSeigneurmairedupalaisvitqu'ilyavaitlàquelqu'un,etditd'unairdeblâme:«Quelle estdonccettepersonneque j'aperçois commeau traversd'unbrouillard [Allusion possible à une

poésie.].C'est sansdoute, répondit l'Impératrice,Shônagonqui seravenue admirer notre réunion» et leSeigneurs'écria :«Ah! j'ensuishonteux;Shônagonestunedemesvieillesconnaissances;elleapupenser,enlesvoyant,quej'avaisdesfillestrèslaides!»Lafiertéépanouissaitsonvisage.Aprèsledéjeunerdel'Impératrice,onapportaaussiceluiquiétaitdestinéàlaPrincesseduPalaisde

labellevue,etleSeigneurditencore:«Ilyadequoiêtrejaloux;jecroisquetoutescesdamessontservies.Qu'ellesmangent bien vite, et donnent seulement les restes de leur repas au vieillard et à lavieillefemme [Michitaka lui-même et son épouse.] !» Ilne fitqueplaisanterainsi toute la journée.LePremiersous-secrétaired'ÉtatetleCapitainedutroisièmerang [KorechikaetTakaie.]arrivèrent,amenantMatsugimi[On appelait ainsi, dans son enfance, le fils de Korechika, Fujiwara Michimasa.]. Le Seigneur, qui les attendait avecimpatience, prit l'enfant dans ses bras, et le fit asseoir sur ses genoux. C'était ravissant. Sur l'étroite

véranda,lesdeuxjeunesgentilshommessetrouvaientgênés;levêtementdedessousdeleurcostumedecourtraînaitets'étendaitsurlesol.LeSeigneurpremiersous-secrétaireétaitd'unebeautémerveilleuse,leSeigneurcapitaineavaitunairdégagéquimecharmait[Takaieavaitseizeans,sonfrèreKorechikavingtetun.];enles considérant, superbes tous les deux, je pensais que si une telle splendeur était naturelle pour leSeigneur maire du palais, il fallait vraiment que la vie antérieure de son épouse eût été exemplaire[Michitakaappartenaitàunefamilleillustre.Celledesonépouse(lesTakashina)l'étaitbeaucoupmoins.].LeSeigneurditàsesfilsdes'asseoirsurdescoussinsdepaille;maisilsrépondirentqu'ilsdevaientse

rendreoùlesappelaitleurservice,etilsselevèrentbienvite.Unpeuplustardvint,commemessagerdel'Empereur,un«troisièmefonctionnaire»duProtocole;je

nesaiscommentilsenommait.Onmituncoussindanslachambrequiétaitaunorddelasalleoùl'onrangeaitlestables,etlemessagerallas'yasseoir.Cejour-là,l'Impératriceenvoyasanstardersaréponse.Onn'avaitpasencorerentrélecoussin,quandarrivaleLieutenantdelagardeducorps,Chikayori[SixièmefilsdeMichitaka.],apportantunmessageduPrincehéritieràlaPrincesseduPalaisdelabellevue.Ildonnasalettre,et,commelavérandadelagalerieétaitétroite,onétendituncoussinsurlavérandasituéedececôtédupalais[Al'estduPalaisdelagloireascendante.].Le Seigneur, son épouse, l'Impératrice, prirent la missive ils lurent l'un après l'autre. Le Seigneur

déclaraqu'ilfallaitrépondreàl'instant;maislaPrincesseduPalaisdelabellevuenesehâtaitpasdelefaire,etsonpèle luidit :«Sansdouten'écrivez-vouspasparcequ'onvousregarde?Autrement,vousauriezrépondusur-le-champ,devous-même!»J'étaisraviedelevoir,souriantdoucementpendantquelaPrincesserougissaitunpeu.Puis,laNobleDameluiayant,elleaussi,ditdesedépêcher,laPrincessese tourna vers le fond de la salle, et se mit à écrire. La Noble Dame s'approcha de sa fille, ellespréparèrenttoutesdeuxlaréponse;laPrincesseensemblaitencoreplusgênée.Onavaitfaitpasser,par-dessouslestore,delapartdel'Impératrice,unhabitdedessusetunpantalondetissuvertclairdestinésàrécompenserlemessager;leCapitainedutroisièmeranglesluidonna;maisl'hommeenparutfâché,ils'en alla.Matsugimi racontait toutes sortes de choses, gentiment, et tout le monde le caressait. « Onpourraitsansdoute,ditleSeigneurmairedupalais,leprésentercommel'enfantdel'Impératrice!»Àlavérité,jemedemandais,enl'écoutant,pourquoiSaMajestén'avaitpasencoreeulebonheurdedonnerlejouràunPrinceImpérial,etcelam'emplissait lecœurd'inquiétude [Atsuyasu, fils deSadako, naquit seulement auonzièmemoisde999.].Versl'heureduMouton,avantqu'oneûtseulementeuletempsdedirequelesserviteursétendaientun

chemindenattes, l'Empereurentradans la salle,avecunbruissementd'étoffes [ou : « un frémissement courutparmi les assistants, et l'Empereur entra. »].L'Impératricevintà lui,et ilsallèrentdirectement.Sous ledais.Lesdames,auxrobesbruissantes,sansdouteseretirèrent[Ou:«Sansdoute,lafouledesdamess'écoula.»],parrespect,danslachambrequiestàlafaceméridionaledupalais.Danslagalerie,setenaientdescourtisans, fortnombreux ; le Seigneur maire du palais fit venir des fonctionnaires appartenant à la Maison del'Impératrice,etleurdonnal'ordred'apporterdesfruitsetdifférenteschosespourprendreavecduvinderiz.«Que tout lemondes'enivre !»dit-il ; et, envérité, tous s'enivrèrent.Pendantque les courtisansdiscutaientaveclesdames,ilssetrouvaientmutuellementcomiques.Alorsquelesoleilsecachaitàl'horizon,l'EmpereurselevaetfitappelerlePremiersous-secrétaire

d'Étatdupuitsdelamontagne[Michiyori,filsaînédeMichitaka.Iln'étaitpasnédelamêmemèreque l'impératriceet les autresenfantsdumairedupalaisquiontétémentionnés.];SaMajestéordonnaqu'onlarevêtîtdesoncostumedecérémonie,puis repartit.Avec sonmanteau de cour, couleur de cerisier, son vêtement de dessus écarlate avait lasplendeurdusoleilcouchant…Mais le respectarrêtemonpinceau, et jen'osecontinueràdécrire soncostume.LePremiersous-secrétairedupuitsdelamontagnenefrayaitguèreavecsesfrèresplusjeunes;Iln'en

avaitpasmoinsbelleallure.Pourl'élégance,ilsurpassaitsonfrère,l'autrePremiersous-secrétaired'État[Korechika.],etj'étaispeinéed'entendreconstammentlesgenslerabaisser.LeSeigneurmairedupalais,lePremiersous-secrétairedupuitsdelamontagneetl'autrePremiersous-

secrétaired'État,leCapitainedutroisièmerang[Takaie.],leGrandtrésorier[Yorichika,cinquièmefilsdeMichitaka.CommeilétaitencoreplusjeunequeTakaie,onpeutpenserquesontitreétaitpurementhonorifique.],escortèrenttousl'Empereuràsondépart,etrevinrentensuiteprèsdel'Impératrice.LaDeuxièmefilled'honneurdontlepèreappartenaitauservicedesécuriesvintdireànotremaîtressequel'Empereurlademandait.SaMajestéréponditenrechignant qu'elle ne pouvait aller, le soirmême, au Palais de l'Empereur ;mais, l'ayant entendue, leSeigneur déclara qu'il ne fallait jamais s'opposer aux désirs du Souverain, et qu'elle devait bien viterejoindresonÉpoux.Commeilarrivaitaussi,continuellement,desmessagersenvoyésparlePrincehéritieràlaPrincesse

du Palais de la belle vue, l'agitation était grande ; des dames d'honneur appartenant auxMaisons del'EmpereuretduPrincehéritiervinrentchercherl'Impératriceetsasœur,etlespressèrentdepartir.«S'ilenestainsi,ditalorsl'Impératrice,accompagnezd'abordcettedame,etconduisez-laaupalaisduPrincehéritier»;maislaPrincessefitobserverqu'ellenepouvaitpourtantpasseravantl'Impératrice,etcommenotremaîtresserépétaitqu'ilfallaitd'abordreconduiresasœur,c'étaittrèsamusant.Ellesconvinrentquecellequihabitaitleplusloinpartiraitlapremière,etcefutlaPrincesseduPalaisdelabellevue.LeSeigneurmairedupalaiset lesautrespersonness'enallèrent,et l'Impératricese renditauprèsde

l'Empereur.Enchemin,lesgensriaienttellementdesplaisanteriesduSeigneurquel'onauraitpucraindredelesvoirtomberquandilspassèrentsurlepontprovisoire.Unmessager apporta un jour, des appartements de l'Empereur, un rameau de prunier complètement

défleuri,endemandantcequel'onenpensait.Jerépondisseulement:«Lesfleurssonttombéesdebonneheure [Poésie, en chinois, de Ki Haseo (845-912).]. »Des courtisans, trèsnombreux, qui étaient près de la Portenoire, récitèrent le poème chinois auquel j'avais fait allusion, et l'Empereur, ayant entendu, déclara :«Voilàquiestencoremieuxquesielleavaitcomposéunejoliepoésiejaponaise.Elleabienrépliqué!»Ledernierjourdudeuxièmemois[En999.],leventsoufflaittrèsfort,lecielétaitextrêmementsombre,et

iltombaitunpeudeneige.UnhommeduservicedomestiquevintàlaPortenoireendéclarant:«Voicipourquoijesuisici.»Medonnantunelettre,ilditqu'ellem'étaitadresséeparleseigneurKintô[FujiwaraKintô.Renommépoursestalentslittéraires; ilcomposaun«Recueildesplusbeauxchantsjaponaisetchinois»(Wakanrôeishû),et il fut,danslesdeuxlangues,unhabilepoète.]etleSeigneurcapitaineetconseillerd'État[FujiwaraTadanobu.].Jelaregardai,jevis seulementcesmots, surdupapierpareilàceluique l'onemportedanssonseinpourynoteraubesoinquelquechose:«IlmesemblequejeressensUnpeulecharmeduprintemps,»Vraiment,cesparoless'accordaientbienavecletempsqu'ilfaisaitcejour-là;maisj'étaisperplexe,et

je me demandais comment ajouter un début à ces vers. J'interrogeai le messager pour savoir quelsseigneursétaientprésentsquandonm'avaitécrit,etcethommemeréponditqu'ilyavaitcelui-cietcelui-là.Ilnemecitaitquedescourtisanslettrés,auxyeuxdesquelsj'auraiseuhontedeparaîtremalhabile;pourtant,parmieux,c'étaitsurtoutauCapitaineetconseillerd'Étatquej'eusseétédésoléed'envoyeruneréponsemédiocre.Jeme trouvaisseuleetbienembarrassée.Jepensaiàmontrerceque j'avais reçuàl'Impératrice;maisl'Empereurétantvenulavoir,ellerestaitenferméedanssonappartement.L'hommedu

service domestique me pressait ; je me dis qu'en vérité, si je tardais, ce n'était pas encore cela quipourraitdonnerduprixàunemauvaise réponse. Ilvalaitmieux laisseraller leschoses,et j'écrivisentremblantd'émoi:«QuanddanslecielglacéLaneiges'éparpille,Imitantlesfleurs.»Après avoir donné ma lettre au messager, je fus très inquiète, et je me demandai comment on la

jugerait. J'auraisvoulu le savoiret,pourtant, ilmesemblaitquesimesversdevaientêtre critiqués, ilvalaitmieuxpourmoinepasl'apprendre.Cependant, leCapitainede lagarde impériale,quiétaitalorscapitainede lagardeducorps [Fujiwara

Sanenari?]etsetrouvaitlàquandonlutmapoésie,meracontaque,justement,leCapitainedelagardeducorps Toshikata et les autres assistants avaient déclaré qu'après cela il fallait me faire nommer filled'honneur.

5o.ChosesquisontloindutermeLejouroùl'onentredansunepérioded'abstinencequidoitdurermillejours.Celuioùl'oncommenceàtordrelecordond'ungiletsansmanches[Cecordonavaittroismètresdelong.].LemomentoùunvoyageurquivaaupaysdeMichinokupasselabarrière,àlaMontéedesrencontres

[AucontrairedupaysdeMichinoku,labarrièren'étaitpaséloignéedelacapitale.].Letempsqu'ilfautàl'enfantnouveau-népourdevenirunhomme.Entreprendre de lire, seul, le Saint livre de la parfaite sagesse [Daihanigakyô. Ce livre comprenait six cents

fascicules.].Lejouroùgravitlamontagneceluiquivayfaireuneretraitededouzeannées.Ah!commetoutlemondeseritdeMasahiro,etquelleimpressionpeuventressentirsesparentsquand

ils entendent ces railleries ! S'il y a dans sa suite un homme convenable, les gens l'appellent, luidemandentenriantpourquoifaireilsertuntelmaître,etàquoiilpense!Masahirovitentourédechosesélégantes,etqu'ils'agissedelacouleurdontestteintsonvêtementde

dessous,desonmanteau,onpeutpenserqu'ilestmieuxhabilléquepersonne;maislesgensdisentenlevoyant:«Ah!sic'étaitportéparunautre!»Àlavérité,Masahiros'exprimeparfoisd'uneétrangemanière.Unjour,ildonnal'ordreàdeuxvalets

de porter chez lui les effets qui lui avaient servi pour la garde de nuit au Palais. Comme un seul sepréparaitàpartir,enassurantqu'ilsuffiraitbienpourlachargeindiquée,Masahiroluidéclara:«Vousêtesunhommebizarre!Commentpourriez-vousporterleseffetsdedeuxpersonnes?Dansunvased'unemesure,enmettrait-ondeux[Masahiroveut-ilqu'onemportelesvêtementsd'unautreseigneurenmêmetempsque lessiens ?Letermequ'ilemploie(manu)désignaitunemesurecontenantenviron1,8ol.]?»Nulnecompritcequ'ilvoulaitdiremaisonritàgorgedéployée.Un autre jour, un messager apporta une lettre àMasahiro de la part de quelqu'un, en le priant de

répondreaussitôt;maisils'exclama:«Ah!quelhommedétestablevousêtes!A-t-onmisdesharicotsdanslefourneau[Oncomparaitlebruitproduitparlesharicotsquiéclatentdans lefeuàceluiquefontlesgensqui sehâtent.]?Et

puis,quelqueindividuadoncprisetcachél'encreetlespinceauxqu'ilyavaitdanscePalais?Sic'étaitdu rizouduvin, onpourrait les convoiter et les voler ;mais de l'encre ! »Cela aussi fit rire tout lemonde.Une fois, alors que l'Impératrice douairière était malade, l'Empereur envoya Masahiro près d'elle.

Quandilfutrevenu,onlepriadedirequelsgentilshommesappartenantàlaMaisondelaDouairièreilavait vus. Il nomma celui-ci et celui-là, en tout quatre ou cinq personnes seulement, et comme on luidemandait:«Etquiencore?»ilrépondit:«Ilyenavaitd'autres;maisilsétaientpartis.»Ons'étonnequelesgensaientpurire,unefoisdeplus,desaréponse[Tellementilsavaientl'habitudedel'entendrediredessottises.]!Unjourquej'étaisseule,Masahirovintàmoi,etmedéclara«Madame,ilfautquejevousparletout

desuite;jeveuxvousrépéterunechosequejeviensd'entendreàl'instant.»Jeluidemandaidequoiils'agissait,et,quandilfutàcôtédel'écran,ilreprit:«Quelqu'unvientdedire:«Approchezvoscinqmembres[Expressionemployéeparlesbouddhistes:lesmains,lesgenoux,latête.]"aulieudediresimplementVenezdoncplusprès".»Celamefitrireencore.Lanuit,aumilieudelapériodedesnominations,c'estMasahiroquimitdel'huiledansleslampes.En

s'acquittant de cette fonction, il marcha sur le napperon huileux placé sous le piédestal d'une lampe.Commecenapperonétaitneuf,lepieddumaladroitfutretenufortementparl'étoffe,àlaquellel'huile lefitadhérer,etquandMasahirovouluts'enaller,lepiédestal,soudain,serenversa.Envérité,enmarchantaveclenapperoncolléàsonbasetentraînantlepiédestal,ilfaisaittouttremblersursonchemin.Un jour, le sous-chef des chambellans n'étant pas encore arrivé, il n'y avait personne à la table du

PalaisImpérial.Masahiroypritunplatdeharicots,qu'ilallamangerencachettederrièreunpetitécran;cependant,quelqu'unayanttirécetécran,Masahirofutdécouvert;ilyeutdesriressansfin.

51.Barrières[Établiesàlalimitedesprovinces.]Lesbarrièresd'Ausaka,deSuma,deSuzuka,deKukida,deShirokawa,deKoromo.PourlabarrièredeTadagoe[«quel'onfranchitimmédiatement».],ilmesemblequel'onnepeutlacomparerà

celledeHabakari[«delacrainte»,enRikuzen.].LesbarrièresdeYokobashiri,deKiyomi,deMirume.LabarrièredeYoshina-yoshina [«C'est inutile.»].

Jevoudraisbiensavoiràquoionapenséen luidonnantcenom.C'estsansdoutecette barrière qu'onappelleaussilabarrièredeNakoso[«Nevienspas»,enIwashiro.].Àproposmêmedunomqu'areçulaMontéedesrencontres[Ausaka.Lapromessequ'ilyadanssonnompeutêtre

vaine,caronn'yrencontrepas toujoursceluiqu'onespéraitvoir.],sil'onsongequelapromesseenestvaine,onsesentdésolé.Labarrièred'Ashigara.

52.BoisLes bois d'Ôaraki, de Shinobi, de Kogoi, de Kogarashi, de Shinoda, d'Ikuta, d'Utsugi, de Kikuta,

d'Iwase,deTachigiki,deTokiwa,deKurubeki,deKaminabi,d'Utatane,d'Ukita,d'Ueki,d'Iwada.LenomqueporteleboisdeKôdate[«dudivinpalais»,enYamashiro.]m'estétrangementrestédansl'oreille.

Onn'auraitpasdû luidonner lenomdebois.Pourquoia-t-onappeléainsiunendroitoù iln'yaqu'unarbre?LesboisdeKoi,deKowata.

Ledernierjourduquatrièmemois,enallantvisiterletempledeHase,noustraversâmeslefleuveYodosurunbac.Onavaitplacélavoituresurlebateau;pendantquenousallionsainsi,lehautdesacoresetdes avoines d'eau nous paraissait court ;mais quand nous en faisions cueillir par les serviteurs, nousvoyionsquelestigesétaienttrèslongues.Nousregardionspasserdesbarqueschargéesd'avoined'eau;jetrouvaisàtoutcelauncharmemerveilleux.IlmesemblaitquelespectacleétaitprécisémentceluidontonavaitcélébrélabeautédanslepoèmeconsacréauRemousdeTakase[«duhautbancdesable»,enKawachi.LepoèmedontparleSeiaccompagnaitladansesacrée(kagura).].Enrevenant,letroisièmejourdumoissuivant,nousvîmes,sousunepluiebattante,deshommesetdes

enfantsquicoupaientdesacores; ilsavaientdetoutpetitschapeauxdejonc,et leursvêtementsétaientretrousséstrèshautsurleursjambes.Letableauressemblaittoutàfaitàunepeinturedeparavent.

53.SourceschaudesLessourcesdeNanakuri,d'Arima,deTamatsukuri.

54.Chosesquel'onentendparfoisavecplusd'émotionqu'àl'ordinaireLebruitdesvoitures,aumatin,lepremierjourdel'an.Lechantdesoiseaux.Àl'aurore,lebruitd'une

toux,et,ilvasansdire,lesondesinstruments.

55.ChosesquiperdentàêtrepeintesLesœillets; lesfleursdecerisier,dekerrie.Levisagedeshommesoudesfemmesdontonvante la

beautédanslesromans.

56.ChosesquigagnentàêtrepeintesUnpin.Lalandeenautomne.Unvillagedanslamontagne.Unsentierdans lamontagne.Lagrue.Le

cerf.Unpaysaged'hiver,quandlefroidestextrême.Unpaysaged'été,auplusfortdelachaleur.

57.ChosesquiémeuventprofondémentUnenfantpleindepiétéfiliale.Lavoixducerf.Unjeunehommebiennéquifaituneretraited'abstinencedanslamontagnedeMitake.Ilvitséparédes

siens,ilselivreàtouslespieuxexercices,etseprosterneàl'aube.Celametouchelecœur.Quandelles'éveille,cellequil'aimes'imaginequ'elleentendsavoix,ellen'osesedemandercommentilpasserale

tempsdupèlerinage.Cependant,quellejoielorsqueàlafincethommerevient tranquillement!Iln'yaquesonbonnetlaqué,déformé,quidéplaiseunpeu.Aureste,j'avaisentendudirequemêmeunepersonned'un très haut rang s'habillait le plus pauvrement possible quand elle allait visiter un temple ; maisNobukata[DansletextedonnéparM.Kaneko,onliticiNobutaka,ils'agiraitd'unFujiwara,pèredeTakamitsuquivaêtrenommé.],leCapitaine de la garde du Palais, de droite, déclara certain jour : « Tout cela est sans intérêt, quelinconvénientpourrait-ilyavoiràcequ'onailleenpèlerinageavecdesvêtementscorrects?LedieudeMitaken'aprobablementjamaisditqu'ilnefallaitpasmanquerd'êtremalhabillé!»Ledernierjourdutroisièmemois[Peut-êtreen991.]ilmitunpantalonàlacets,d'unviolettrèsfoncé,un

habitdedessusblanc,etunvêtementdedessouscouleurdekerrie, le tout trèséclatant ;Takamitsu, lesous-chefduservicedomestique,l'accompagnait,vêtud'unhabitvert-jaunepassésurunautre,écarlate,etd'unerobeparseméededessins,enguisedepantalon.Ainsihabillés,ilspartirentpourletemple,etsurlaroute les pèlerins qui allaient ou revenaient étaient frappés de stupeur devant un spectacle aussimerveilleuxetaussiétrange.Ilssedisaientqu'ilsn'avaientjamaisvu,danscesentierdemontagne,desgensd'unetelleapparence.Cependant, les deux originaux revinrent le dernier jour du quatrième mois, et dans les jours qui

suivirentledixdusixièmemois,legouverneurdeChikuzenétantmort,Nobukataleremplaça.Lesgensdirentqu'envérité,lesévénementsn'avaientpasdémentisesparoles.Cettehistoiren'ariend'émouvant,etsijel'ainéanmoinsracontéeici,c'estquejevenaisdepenseràla

montagnedeMitake.Àlafinduneuvièmemoisouaudébutdudixième,lamusiquedesgrillonsquivousparvient,sifaible

qu'onnesaitsionl'entendounon.Unepouleétaléesursespoussins,pourlesprotéger[ou:«quicouve».].Tardenautomne,lesgouttesderoséequibrillentcommedesperlesdetoutessortessurlesroseauxdu

jardin.Lesoir,quandleventsouffledanslesbambous,auborddelarivière.S'éveilleràl'aube,etaussis'éveillerlanuit,c'esttoujoursémouvant.Deuxjeunesamoureuxlorsqu'ilssontgênésparquelqu'un,etnepeuventfairecequ'ilsvoudraient.Unvillagedanslamontagne,souslaneige.Des hommes et des femmes, d'agréable figure, qui portent de sombres vêtements de deuil [Ou : « des

vêtementssales».].Levingt-sixoulevingt-septdumois[Rappelons-nousque lesanciens Japonais avaientuncalendrier lunaire.],à l'aube,

aprèsavoirpassélanuitencauseries,onregardeleciel,onvoitlalune,prèsdelacrêtedesmontagnes,sipâlequel'ondoutedesesyeuxetquel'onsentsoncœurdéfaillir.C'estd'unetristesseravissante.Lalandeenautomne.Detrèsvieuxbonzesquifontleurspieuxexercices.Une chaumière délabrée où grimpe et s'accroche le houblon, avec un jardin où croissent à l'envi

l'armoiseetlesherbesfolles,lorsquelaclartédelalunelesilluminesanslaisseruncoinsombre,etqueleventsouffledoucement.Quandjemeretirepourquelquesjoursdansuntemple,aupremiermois,j'aimequ'ilfasseuntrèsgrand

froid,qu'iltombebeaucoupdeneige,etquetoutsoitgelé;maissiletempsestàlapluie,c'estdétestable.Une fois, nous étions allées en pèlerinage au temple de Hase ; pendant qu'on nous préparait des

chambres,onavaittirénotrevoiturejusqu'aubasdel'escalierfaitdetroncsd'arbresquimèneautemple.Quelques jeunes prêtres, qui ne portaient du costume religieux que la ceinture, chaussés de hautesgaloches,montaientetdescendaientsanslamoindreprécaution,endisantlesfragmentsdeslivressaints

quileurvenaientàl'esprit,ouenrécitantquelqueslignesdesStancesqu'onpeutliredansle«TraitédeMétaphysique[Gitsha.Unlivrebouddhique.]».Celasemblaittoutàfaitappropriéàuntelendroitetc'étaitbienjoli. Sur cet escalier, que nous allions gravir avec crainte, en nous approchant du bord pour nouscramponneràlarampe,ilsétaientaussiàleuraisequesurunplancher.Quellechosecurieuse!Quelqu'unvintnousavertirquenoschambresétaientprêtes ;onnousapportadespantoufles,et l'on

nousaidaquandnousdescendîmesdevoiture.Parmilesdamesquisetrouvaientautemple,certainess'étaientcontentéesdemettreleursvêtementsla

doublureendessus;maisd'autresportaientdescostumesdecérémonie,etavaientdesjupesd'apparat,desmanteauxchinoisd'unéclattrèsvoyant.C'étaitencoreunspectacleamusantqueceluidesgensqui,chaussésdepantouflesoude sandales,marchaient en traînant les piedsdans les corridors, et celamerappelaitlePalais.De jeunes hommes qui avaient accès partout dans le monastère et dans ses dépendances, et des

acolytes,nousaccompagnaientetnousdisaient:«Iciondescend,icionmonte.»Plusieurspersonnes,jenesaisquic'était,marchaienttoutprèsderrièrenous,etcertainesd'entreellesvoulurentnouspousserdecôtépournousdépasser ;maisnosguides leurcrièrent :«Un instant ! Il y a là des dames de qualitéauxquellesilnefautpasvousmêlerainsi.»Quelques-unesrépondirentquec'étaitjuste,etreculèrentunpeu;maisils'entrouvad'autresquinetinrentpascomptedecequel'ondisait,etseprécipitèrentcommesichacuneavaitvouluarriverlapremièreenfaceduBouddha.Pourallerànoschambres,nouspassâmesdevantlesgensassisenrangs;c'étaitfortdésagréable.Maisquandjeregardaidanslechœur,par-dessuslabarrièredestinéeàempêcherleschiensd'yentrer,jefussaisiederespect;jemedemandaiscommentj'avaispulaisserécoulerdesmoissansvenirautemple,etjesentaisseréveillermonanciennepiété.Onne voyait pas, dans le chœur, les lampes qui s'y trouvent d'ordinaire. Elles étaient remplacées pard'autres,apportéesparlesdévotscommeoffrandes.Celles-cibrûlaientavectantdeclartéquel'onétaiteffrayé;aumilieudusanctuaire,leBouddharesplendissait.L'unaprèsl'autre,desprêtresvenaient,avecunairdeferventrespect,devantlachaire,etchacunlisait

unesuppliqueentenantdanssesmainssonpapierbienhaut;letempleétaitsipleindetumultequel'onneparvenaitàcomprendrenicequ'ilsexpliquaientnicequ'ilspromettaient.Àuncertainmoment,pourtant,jepusdistinguer lavoixd'unbonzequicriait à tue-tête,etentendrecesparoles :«Mille lampessontoffertesàl'intentionde…»;maislenomquisuivitnemeparvintpas.J'avaispassélesbretellesdemajuped'apparatpar-dessusmesépaules,etjem'inclinaispouradorer

leBouddha, lorsqu'unprêtre, ayant cueilli un rameaud'anis [Destiné aux offrandes.],me l'apporta, l'air trèsdigne,etdéclara:«Jesuisvenupourvousdonnercettebranche.»J'enfuscharmée.Unautreprêtre,quisetenaitàcôtédela«barrièrecontreleschiens»,s'approcha;ilnousassuraqu'ilavaittrèsbienrécitélesprièresquenousl'avionschargédedire,etnousdemandacombiendejoursnousdevionsresterautemple. Il nous apprit que telles et telles personnes y faisaient à cette époque une retraite, puis ils'éloigna.Sanstarderonnousapporta lebrasier,desfruitset toutcequ'ilnousfallait.Onavaitmis l'eaudont

nouspouvionsavoirbesoindansunbaquet,onnousdonnaaussiunecuvettesanspoignée.Leprêtrenousindiquadansquellescelluleslesgensdenotresuiteseraientlogés,ilnousquittapourlesappeler; tousallèrent les uns après les autres où il leur dit.Une cloche annonça la récitation des Écritures ; ilmesemblaitqu'elle sonnait pourmoi, et je l'écoutais avec espoir.Dans la chambre voisine, il y avait unhommed'unassezbonrangquiseprosternaitconstamment,dansleplusgrandsecret.Enprêtantl'oreille,je pensai d'abord qu'il agissait ainsi parce qu'il savait qu'on l'entendait ;mais il paraissait tout à faitabsorbé ; sans dormir un instant, il continuait ses dévotions. J'en avais vraiment pitié. Quand il sereposaitdesesexercices,illisaitavecferveurlestextessacrés,àhautevoix,pasassezfort,cependant,

pourquel'onpûtcomprendrecequ'ildisait.Aumomentoùnousaurionssouhaitéqu'il lûtplushaut, ils'arrêtapourrenifler;maisilsemouchadiscrètement,etnond'unefaçondéplaisante,avecéclat.Jemedemandaisquellechoseilpouvaitimploreravectantdepiété,jesouhaitaisqu'elleluifûtaccordée.Engénéral,lorsquenousséjournionsdansunmonastère,les joursetsurtout lesmatinéess'écoulaient

sansbeaucoupd'événements.Leshommesetlesgarçonsquinousaccompagnaientallaientfairevisiteauxprêtresdansleurscellules,etletempsnoussemblaitlong;maisparfoislesond'uneconquedanslaquelleonsoufflaitavecforce, toutprès,nouseffrayait soudainement.Oubienunmessager,avecuneélégante«lettretordue»,apportaitquelquesétoffes,enpaiementd'unelecturereligieuse.Enmettantsachargeàterre,ilappelaitlesserviteurs,etsavoixretentissait,éclatante,danslamontagne.D'autresfois,lebruitdelaclocherésonnaitplusfortqued'habitude,nousécoutionsennousdemandant

quifaisaitfairelaprière,etnousentendionsciterlenomdequelquenoblefamille,etdirequ'oncélébraitunservicepourl'heureusedélivrancedeladamedecettemaison.Involontairement,nousnoussentionsimpatientesdesavoircequ'ilenserait,etnousjoignions,avecanxiété,nosoraisonsàcellesdesbonzes.Sansdoute,toutcequejeviensd'écrires'appliqueauxpériodesordinaires;maisaupremiermois,par

exemple, il y a beaucoup de tumulte. Sans cesse des curieux viennent au temple, et pendant qu'on lesregarde,onnégligelesexercicesreligieux.Unjour,despèlerinsarrivèrentalorsquelesoleilsecouchait,etl'onpensaqu'ilsresteraientquelque

temps.Lespetitsacolytes,pour leurpréparerun logement,apportèrentdehautsparaventsqu'onne lesauraitpascruscapablesdesoulever.Ilss'yprenaientavecbeaucoupd'adresse.Ilsapportèrentaussidesnattes rouléesqu'ils déposèrentbruyamment.Pendant que je regardais ces acolytes, les pèlerins furentconduitsdirectementàleurchambre,etl'onsuspendit,au-dessusdela«barrièrecontreleschiens [Il nes'agitpasdelabarrière,mentionnéeplushaut,quel'onvoyaitdevantlechœur;maisd'uneautre,placéesurlecôtédusanctuaire,entrecelui-cietleschambresdespèlerins.]»,unstorequirésonna.Lesserviteurs,habituésàcetravail,semblaientlefaireavecuneextrêmefacilité.Àcemoment,denombreusesdamesdescendirentdeleurschambres,avecundouxbruissementd'étoffes.C'étaientdesdamesd'âgemoyen,ayantuneapparencedistinguée,desfaçonsdiscrètes ; sans doute des personnes qui quittaient le temple. « Ces salles sont dangereuses, dit l'uned'elles,faitesattentionaufeu!»Unpetitgarçondeseptouhuitanslesaccompagnait.Ilétaitplaisantdele voir, de l'entendre interpeller les serviteurs et leur parler d'une voix élégante, hautaine. Il y avaitencore,aveccesfemmes,unenfantd'environtroisansquiparaissaitmalréveillé,quitoussait.Celui-ciétaitravissantaussi.Nousaurionsbienvouluquelamèreouquelqu'unedesdamesappelât lanourriceparsonnom;peut-êtreaurions-noussuquiétaientcespersonnes.Lescérémoniesdurèrenttoutelanuit;nousentendionsunvacarmeextraordinaire,etnousnepouvions

nousendormir.Cependant,jem'étaisassoupie-aprèslafinduservicedumatin,quandunbruitparvintàmonoreille:desprêtreslisaientlestextessaintsconsacrésàladivinitéhonoréedansletemple[Kwannonaux onze visages.].Leursvoixétaient rudeset fortes, ilsne semblaient rechercher aucun effet degrandeur.Sans doute entendais-je là quelques-uns de ces bonzes voyageurs qui parcourent le pays, et j'écoutaisavecémotioncesvoixquifortuitementm'avaientsurprise.Aunombre des gens qui assistaient aux offices, il y avaitunseigneur qui paraissait distingué,mais

dont,lanuit,jenereconnaissaispaslevisage.C'étaitunjeunehommesuperbementhabillé;ilportaitunpantalon à lacets gris bleuâtre, d'étoffe bien tendue, avec de nombreux vêtements blancsmis l'un surl'autre;ilavaitl'aird'êtrelefilsdequelquenoblefamille.Despagesl'accompagnaient,j'aimaisàvoircommesesnombreuxserviteurs l'entouraientavec respect.Pour lui, on avait dresséprovisoirementunparavent,etilnesemblaqueceseigneurfaisaitquelquesprosternations.Il était tout à fait charmant de se demander qui étaient les gens que l'on ne connaissait pas, et bien

amusantaussidesedire,enapercevantceuxquel'onavaitdéjàvus:«CedoitêtreUnTelouUnTel.»

Lesjeunesgenss'avisaient toujoursd'unprétextepourvenir rôderà l'entourdeschambres réservéesaux dames, et ne regardaient pas du côté du Bouddha. Ils appelaient les prêtres chargés des diversservicesdumonastère,etracontaientquelquehistoireenchuchotant,puiss'enallaient.Jenelestrouvaiscependantpasinsupportables.Àlafindudeuxièmemoisetaudébutdutroisième,alorsquelescerisiersétaientenpleinefloraison,

jefisencoreunagréableséjourautemple.Deuxoutroishommesdebonneminequisemblaientvoyagerincognito arrivèrent un jour, élégamment habillés de vêtements couleur de cerisier, de saule vert. Ilsavaientattachélebasdeleurpantalonàlacets,enleretroussant,etcelaleurdonnaitunairdedistinction.Un de leurs serviteurs, un homme que l'on avait du plaisir à voir dans son emploi, portait un sac àprovisionsjolimentdécoré.Lespagesétaientvêtusd'habitsdechasse«prunier-rouge»ouvert tendre,devêtementsdedessousdiversementteintsetdepantalonsparsemésdedessinsimprimés.Onleuravaitfaitcueillirdesrameauxfleurisqu'ilstenaientàlamain.Deshommesàlatailleélancée,quiparaissaientlesserviteursdehautspersonnages,accompagnaientcesgentilshommes.Queljolicoupd'œil,lorsqu'ilsfrappèrentlegongàlaportedutemple!Parmicesseigneurs,ilyenavaitunquejepensaisavoirdéjàvu;maiscommenteût-ilpusavoirqueje

metrouvaisprèsdelui?Jenesouhaitaispaslerencontreret,pourtant,quandilfutpassé,jemesentistoutetriste:jemedisaisquej'auraisdûluifaireconnaîtremaprésence.C'étaitcurieux!Quandonfaitainsiuneretraitedansuncouventet,engénéral, lorsqu'onséjournedansunendroitoù

l'onn'apasl'habitudedevivre,celasemblesansintérêtsil'onn'aquedesserviteursavecsoi.Avantdequitter la capitale, une femme ne devrait pasmanquer d'inviter une ou deux oumême de nombreusesautresdamesàl'accompagnerdanssonvoyage.Avecdespersonnesdesonrang,ayantlesmêmesidéesqu'elle, cette femme pourrait avoir toutes sortes d'agréables conversations à propos des choses quil'intéresseraient.Parmilesservantesquel'onaprèsdesoi,ilenestquinesontpasdéplaisantes;maisforcémentonlesconnaittrop.Leshommessemblentpensercommemoi,carilsprennentsoin,avantdepartir,d'allerchercherleursamis.C'estuneexcellentehabitude.

58.ChosesquiparaissentpitoyablesAusixièmeouauseptièmemois,àl'heureduChevalouàl'heureduMouton,unecharrettemalpropre,

atteléed'unmisérablebœuf,quis'enva,cahotant.Unjourqu'ilnepleutpas,unevoiturepourvuedenattescontrelapluie.Unjourqu'ilpleut,unevoiture

oùl'onn'enapasmis.Unvieuxmendiant,quel'onsoitdanslasaisontrèsfroideouqu'ilfassechaud.Unefemmedupeuple,trèspauvrementvêtue,quiporteunenfantsursondos.Unecabaneautoitdeplanches,noireetsale,quelapluieamouillée.Uncavalier,montésurunpetitcheval,précèdeuncortège,unjourqu'ilpleuttrèsfort.Sonchapeauest

aplati ; ses vêtements de dessus et de dessous, collés par la pluie, ne font plus qu'un. Quel aspectpitoyable!Enété,cependant,lavueenestagréable[Parcequeceladonneuneimpressiondefraîcheur.].

59.Chosesquidonnentuneimpressiondechaleur

L'habitdechassequeportelechefdel'escorteimpériale.Uneétolefaitedemorceauxdivers.Lelieutenantdelagardeducorpsquisurveillelesconcoursd'archersetdelutteurs,etquiescortele

Souverain.Unepersonnetrèsgrasse,quiabeaucoupdecheveux.Lessacsdanslesquelsonmetlesharpes.Unchanoine,enprièreausixièmeouauseptièmemois,quifaitsespieuxexercicesàmidi.Ouencore,aumêmemoment,unforgeronquitravaillelecuivre.

6o.ChosesquifonthonteCequ'ilyadanslecœurd'unhomme.Unprêtreduservicedenuitquialesommeil léger [Ilne craint pas qu'on le surprenne endormi, et il en profite pour

négligersesprières.].Unvoleurestentréfurtivement,ets'estaccroupi,poursecacher,dansquelquecoinpropice.Comment

peut-ilvoirautourdelui?Maisquisauraitqu'ilestlà?Cependant,ilyadanslachambreunepersonnequiprofitedel'obscuritépourdéroberquelquechose,qu'elleglissedanssonsein.Levoleur,quiadessentimentssemblables,doitsansdoutetrouverceladrôle.Les prêtres qui doivent, la nuit, réciter les prières, ont bien souvent honte ; les jeunes personnes

viennentenfouleautourd'eux,ellesrient,médisentdesgens;ellesenparlentavecressentiment,et lesbonzes,quientendent toutcela,ont lecœurremplideconfusion.«Ah!c'est tropde tapage!» disentavecdesminessévèreslesdamesplusâgéesquisontdeserviceauprèsdel'Empereur;maislesjeunesdamesn'yprennentpasgarde,ellescontinuentàbavarder;quand,àlafin,ellessesontendormiessansaucuneréserve,lesprêtressesententtouthonteux.Devantunefemmequ'iljugeennuyeuseetdéplaisante,unhomme,sansmontrerqu'illadéteste,semet

enfraispourlaflatteretfaittantqu'ellelecroit.C'estunehonte.Bienplus, s'il est connupourêtreaimableet tendre, il segardede tout cequi pourrait inciter cette

femme à penser qu'il agit ainsi sans avoir aucune intention particulière. Non seulement il trompe lesfemmesensoncœur;maisonpeutcroirequ'ildit,àl'occasion,dumaldel'uneàl'autre,etinversementde celle-ci à celle-là. Il songe que chacune, ignorant ce qu'il raconte d'elle-même, s'imaginera, enécoutantsesmédisances,qu'illatrouvesupérieureàtouteautre.Quelhonteuxcalcul!Hélas!ilenestquin'éprouventaucunembarraslorsqu'ilsrencontrentcelui,oucelle,qu'ilspensaient

neplusrevoir,etluimontrentunvisageindifférent.Maisquelcœuradoncl'hommequiabandonneunefemme sans être, même un instant, pénétré de pitié, de tristesse, en pensant à tout ce qui rend leurséparationdouloureuse?Unepareilleinsensibilitémestupéfie.Pourtant,s'il larencontre,il luidiradumaldesautreshommes,illuiparlera,toutàfaitàl'aise!EtceluiquiséduitunefemmeenserviceauPalais,n'ayantpersonneaumondepourlasoutenir,etcesse

toutesrelationsavecelle,sanss'occuperdesonsort,quandleschosessemblentsecompliquer!

61.ChosessansvaleurUngrandbateau,àsecdansunebaie,àmaréebasse.Letempsqu'unefemmedontlachevelureestcourtemetàsepeigneraprèsavoirôtésesfauxcheveux.

Ungrandarbrerenverséparleventetcouchésurlesol,lesracinesenl'air.Ledosdulutteurquiseretireaprèsavoirétébattu.Unhommesansgrandeautoritéquiréprimandeunserviteur.Unvieillardquidécouvresachevelure.Unefemmes'estfâchéeàproposdequelquebagatelle,puisestalléesecacher.Ellepensaitqueson

mari nemanquerait pas de se précipiter à sa recherche ; mais il ne s'inquiète pas tant qu'elle l'avaitespéré, il se conduit d'une façonblessante à son égard.Cependant, commeelle nepeut, hélas ! restertoujoursdehors,ellequitted'elle-mêmesaretraite,etrevientàlamaison.Pendantladansedu«chiendeCorée»,oucelledu«lion[Dansesexécutéespardeuxhommesquisecachaientsous

unedépouille,vraieoufausse,d'animal.]»,lebruitquefontlespiedsdesdanseurslorsqu'ilsprennentplaisiràleurjeu,etsautent,emportésparlacadence.Parmi les prières que disent les bonzes [M. Kaneko fait de ce paragraphe un chapitre spécial.], j'aime surtout à

entendreréciterla«Formulemagiquedel'OeildesBouddhas»;enlesécoutant,enlesvoyant,jesuischarmée,pénétréedevénération.

62.ChosesembarrassantesOnappelleunepersonne,etuneautreseprésente,croyantquec'étaitellequ'ondemandait.Lachoseest

encoreplusdésagréablelorsqu'onapporteuncadeau.Onaparléplusqu'ilneconvenaitd'unepersonne,onl'acritiquée;unenfant,quiaentenduetretenuce

quel'onavaitdit,valerépéterdevantelle.Quelqu'unvousraconte,ensanglotant,unehistoirepitoyable;onl'écouteavecunesincèrecompassion.

Cependant,ilsetrouvejustementqu'onnepeutverserunelarme.Onsecomposelevisagecommesil'onétaitprèsdepleurer,onprendunairdecirconstance;maistoutcelanechangeabsolumentrien.D'autresfois,sansqu'onleveuille,enentendantrapporterquelquechosed'heureux,onsent,soudain,

sespleurscouleretcouler!Quand l'Empereur revint [Au dixième mois de 995.] du Temple deYawata [Ou Iwashimizu.] il fit arrêter son

palanquin avant de passer devant la tribune où se tenait l'Impératrice douairière, et il lui dépêcha unmessager.Jefusétrangementravieenvoyantl'Empereur,danstoutesagloire,rendreseshommagesàsamère.Lespectacleétaitd'unebeautésanspareille,etpourtant,meslarmesdébordèrent,jepuisvraimentl'écrire,etlavèrentlefarddemonvisage.Commejedevaisêtrelaide!CefutsplendidequandTadanobu,leCapitaineetconseillerd'État,messagerdel'Empereur,sedirigea

verslagalerie.Iln'étaitescortéqueparquatreofficiersdesasuite,magnifiquementhabillés,avecdeshommesquicouraient,bienprisdansleurcostume,etilallaitengrandehâte,pressantsonchevalsurlasuperberoutedelaDeuxièmeavenue,largeetnette.LeCapitainemitpiedàterreàquelquedistancedelatribune,puisilattenditdevantlestorequipendaitsurlecôtédecelle-ci.LemajordomegouvernantlaMaisondel'Impératricedouairièretransmitàsamaîtresselemessageimpérial,etquandleCapitaineeutreçularéponse,ilrevint,pressantdenouveausamonture.Jen'aipasbesoindedirequelplaisirj'avaisàle voir, contre le palanquin de Sa Majesté, cependant qu'il rapportait au Souverain ce qu'avait ditl'impératricedouairière.Jemefiguraislespenséesdecelle-ci,qui,sansdoute,regardaitpasserlecortègedel'Empereur,son

fils,etilmesemblaitqu'elledevaitêtretransportéedejoie.Lesgensriraientbiens'ilssavaientque j'aipleurélonguementensongeantàcela.Encemonde,c'estungrandbonheur,mêmechezlesgensd'unrangordinaire,devoirlafortunedeses

enfants;maisquandonpenseàl'Empereur,onestremplidevénérationenimaginantquellepeutêtrelafiertédesamère!Quelqu'un avait dit [Au quatrième mois de 993.] que le Seigneurmaire du palais allait sortir par la Porte

noire,etlesdamessetenaient,enfouleserrée,danslagalerie.LeMairedupalaissefrayaunpassageparmi elles, endisant : «Ah ! quellemultitudededamesd'honneur !Vous riez sans doute en pensantcombienlevieillardestsot!»Lesdamesquisetrouvaientprèsdelaportelevèrentlestore,enlaissantvoir,par lesouverturesde

leursmanches, leursvêtementsdediverses couleurs ; leVice-premier sous-secrétaire d'État [Korechika.]pritlessouliersduMairedupalaispourlechausser.Ilétaitsuperbe,élégammenthabillé.Soncostumeparaissaitjustementceluiqu'oneûtsouhaité,avecunelonguetraîneàsonvêtementdedessous.Ilsetenaitainsi,dansl'étroitespace,et je regardaisenpensant :«C'estd'abord lasplendeurduMairedupalaisqu'ilfautadmirer.FaireporterseschaussuresparunhommetelquelePremiersous-secrétaire!»Le Premier sous-secrétaire d'État du puits de la montagne [Michiyori.], les frères des deux sous-

secrétaires,etd'autresseigneurs,étalantleursvêtementsnoirs,étaientassiscôteàcôte,depuislepieddumur qui entoure le Palais des glycines jusque devant le Palais de la gloire ascendante. LeMaire dupalais,trèsélégant,latailleélancée,s'arrêtaunmoment,pourajusterlesabrequ'ilportaitàlaceinture,avantdepasserdevanteux.Cependant,leChefdesfonctionnairesattachésàlaMaisonde l'impératrice[Michinaga.]étaitdeboutdevant lePalaispuret frais ; je l'observaiset jesongeaisque,sansdoute, ilnes'assiérait[Leverbe«s'accroupir»rendraitmieuxl'idéed'humiliationqueveutexprimerSei.]point,quand,soudainement,leMaire du palais ayant fait quelques pas, son frère s'assit. « Quelle conduite merveilleuse, pensais-jeencore, aura donc tenue, autrefois, le Maire du palais, pour mériter d'avoir un tel prestige en cemonde?»Quelmagnifiquespectacle!CommeladameChûnagondisaitquec'étaitjourd'abstinence [Sansdouteundes six jours durant lesquels, chaque

mois, les bouddhistes faisaient abstinence.] et apportait à ses prières une attention digne de louanges, les autresdames, venant en foule auprèsd'elle, lui demandèrent en riant : «Donnez-nous un instant ce chapelet.Voulez vous donc, à force d'oraisons, devenir, vous aussi, un être béni duCiel ? » La haute positionqu'occupait leMaire du palais n'en était pasmoins remarquable. Quand nous rapportâmes toutes ceschosesàl'Impératrice,elleréponditensouriant:«Lesortdel'hommequideviendraitunBouddhaseraitencoreplusmagnifiquequeceluiduMairedupalais!»jecontemplaiSaMajestéavecadmiration.Je racontai plusieurs fois àmamaîtresse comment le Seigneur qui dirigeait saMaison s'était assis

devantleMairedupalais;ellemeditenriant:«Etvoilàl'hommequevouspréféreztoujours!»Sielleavaitpulevoirplustard,danstoutesagloire,sansdouteaurait-ellealorspensé,encoreplusvolontiers,quej'avaiseuraisondem'émerveillerenadmirantlapuissanceduseigneurMichitaka,devantlequelils'étaitincliné.Un jour du neuvième mois, la pluie qui avait tombé toute la nuit cessa quand vint l'aurore. Quel

ravissant tableau ! Sous les rayons éclatants du soleilmatinal, les chrysanthèmes du jardin, devant lamaison,laissaientcoulergoutteàgouttelaroséedontilsétaientmouillés.Sur les clôtures à claire-voie, sur les rameaux entrelacés, sur les tiges d'érianthe, je voyais, en

lambeaux,des toilesd'araignée ; çàet là, aux fils rompus, étaient suspenduesdesgouttes de pluie quisemblaientdesperlesblanchesenfilées.Jemesentais,enadmiranttoutcela,délicieusementtriste.

Quand lesoleil futunpeuhautdans leciel,commela roséequiavait faitparaître les lespédèzes silourdesétait tombée, les rameaux semirent à remuer,puis se redressèrent tout à coup, sansqu'aucunemainleseûttouchés.Plustard,jedisàd'autrespersonnescombienj'avaisétécharmée.Maislecurieux,c'estquecertainesgenspuissentpenserquelaroséen'estpasjolie!Lesixièmejourdupremiermois,desgensvinrent,entumulte,apporterles«jeunesplantes»pourle

septièmejour,etpendantquel'onrépandaitcesherbessurlesol,jedemandaiauxenfantsqui l'avaientapportéecomments'appelaituneplantedontjeneconnaissaispaslenom,etquejen'avaismêmejamaisvue.Commeilsnesehâtaientpasderépondre,jelespressaidelefaire.Ilsseconsultèrentduregard,puisl'und'entreeuxdéclaraqu'onnommaitcetteplante«l'herbesansoreilles[Lenomjaponaisdumyosotis,mimi-na-gusa, parait signifier « herbe sans oreilles » ; mais sa forme primitive voulait probablement dire, au contraire, « herbe qui a desoreilles».]».«C'estjuste,répliquai-jeenriant;elleabienl'airdenepasentendre!»Ils avaient apporté aussi une jeune tige de chrysanthème, très jolie, et j'aurais volontiers dit cette

poésie:…«Quoiqu'onlecueille,…«Quoiqu'onlespince.Lemyosotisresteindifférent;Ceuxquisontcommelemyosotisrestentindifférents;Cependant,commeilyadenombreuses…plantes,…personnes,Ilpeutaussisetrouver,mêlésauxautres,…Deschrysanthèmes.;…Desgensquientendent.;Maisiln'yavaitlàpersonnequipûtcomprendremonpoème.Au deuxième mois, dans le bureau du Grand Conseil, a lieu ce qu'on appelle l'examen des

fonctionnaires.Jenesaiscequecelapeutêtre.Qu'est-ce,aussi,quel'adorationdeConfucius?Celadoitconsisteràaccrocherauxmurslesimagesde

ConfuciusetdesautresSages.Onprésenteàl'Empereuretàl'Impératriceunvasedeterrecuite,pleindechoses étranges. C'est ce que l'on appelle les aliments divins [Les offrandes (gâteaux, châtaignes) qui avaient étéprésentéesauphilosopheetàsesdisciples.].Unjour[Ledouzièmejourdudouzièmemois,en995.],unhommeduservicedomestiquem'apporta,delapartdu

Censeursous-chefdeschambellans[Yukinari.],quelquechosequimeparutunrouleaupeint,enveloppédansdu papier blanc, et attaché à un rameau de prunier couvert de fleurs ravissantes. Je pris bien vite lepaquet enme demandant si c'était une peinture qu'il renfermait, je regardai. Il contenait deux de cesgâteaux qu'on appelle des « gâteaux carrés », placés l'un à côté de l'autre.Une « lettre tordue » étaitjointe,danslaquelleonavaitécrit,enimitantlafaçondespétitionsofficielles:«ÀladameShônagon.Jevousprésenteunpaquetdegâteauxcarrés,Commeonenoffreselonl'usage.»Ensuite venaient la date et la signature : «Mimana no Nariyuki [Nariyuki n'est pas autre chose que Yukinari

renversé.QuantàMimana,quiesticidonnécommeunnomdefamille,c'étaitenréalitéceluid'unroyaumecoréen.]»,etpourfinironavait ajouté :«Celuiquivousenvoie ces gâteaux avait l'intentiond'aller, lui-même, vous les porter ;maisilpensequ'ilesttroplaidpoursemontrerenpleinjour[AllusionaudieudeKatsuragi.],iln'yvapas.»Toutcelaétaitécrittrèsélégamment.Jecourusauprèsdel'Impératrice,etjeluifisvoirceque j'avais reçu.«Quelle superbe écriture, s'écria-t-elle, charmée, quelle excellente idée ! » SaMajesté prit la lettre.« Que dois-je répondre, lui demandai-je ; et puis, faut-il donner une réponse au messager qui vientd'apporterces«gâteauxCarrés»?Siseulementilsetrouvaitlàunepersonneayantl'expériencedeceschoses!»L'Impératrice,m'ayantécoutée,repartit:«Jeviensd'entendrelavoixdeKorenaka;faites-leappeler,demandez-luiunconseil. » J'allai sur lavéranda, tout prèsdubord, et j'envoyaiune servanteinformerleGrandcenseurdegauche[TairaKorenaka.]quej'avaisàluiparler.Ilvint,trèsgracieux,etjeluidis:«Cen'estpaspourleservicedemamaîtressequejevousaimandé,maispouruneaffairequim'estpersonnelle.Siundomestiqueapportedesgâteauxouautrechosedecegenreà l'unedenous,BenouShônagon,doit-elleluidonnerunerécompense?–Non,déclaraKorenaka,cen'estpasl'habitude.Onsecontente,enpareilcas,degarderlesgâteauxetdelesmanger.Maispourquoimedemandez-vouscela?Quelqu'un,parmilesfonctionnairesduConseild'État,vousenaurait-iladressé?–Commentaurait-oneucetteidée?»répliquai-je.Pourrépondreaubilletquej'avaisreçu,j'écrivisseulementceslignessurdupapiertrèsfin,d'unejolie

nuancerouge:«Leserviteurquin'estpasvenu,lui-même,apporterlesgâteauxmesembleavoirunebienmauvaiseconduite.»J'expédiaicettelettre,aprèsl'avoirattachéeàunsuperberameaudeprunierrouge,et, bientôt, le Censeur sous-chef des chambellans arriva en s'écriant : « Le serviteur est ici, à votredisposition.»Jesortis,etilmedit:«Jepensaisbienqu'enrecevantcesgâteaux,vouscomposeriezunepoésiepourmel'envoyer;maisavecquelleélégancevousm'avezrépondu!Unefemmeunpeufièredesonpropre talentprendraitunair inspiré,pourcomposerdespoèmesàproposde rien ;maisqu'il estagréabled'entretenird'amicalesrelationsavecunepersonnequin'apascettevanité!Contrairementàcequ'ellepourraitcroire,cellequim'adresseraitdepareillespoésiesnem'inspireraitaucunintérêt.»Quelqu'unmeracontaplustardqu'unjour,alorsqu'unefouledegensentouraientleSeigneurmairedu

palais, leCenseursous-chefdeschambellansayantditqueNorimitsu,Nariyasuet lesautresne riaientplus [Nous avons vu que Tachibana Norimitsu n'appréciait pas les poésies. Sans doute en était-il de même pour Nariyasu (personnageinconnu).Cettefois-là,commeSein'avaitpascomposédepoème, ilsnepouvaient la railler.],leSeigneuravaitdéclaréquemaréponseétaitexcellente.Sansdoutetrouvera-t-ondéplaisantquejecitecesfaitsàmalouange;maisjediscequiest.« Pourquoi, pour faire les tablettes dont se servent les chambellans du sixième rang qui entrent en

fonction, prend-on les planches du mur de terre, au palais où sont les bureaux de la Maison del'Impératrice,toujoursaucoindusud-est?Rienn'empêcheraitquel'onprît,pourfairecestablettes,desplanches à l'est ou à l'ouest, et l'on pourrait aussi fabriquer, avec les planches du sud-est, cellesqu'emploient lesgensducinquièmerang!»Lesdamescommençaientdeparlerainsi ;maisquelques-uness'exclamèrent:Toutcelan'aguèred'intérêt.Cequiesttrèscurieux,c'estquel'onn'aitpasréfléchilorsqu'onachoisilestermesdestinésàdésignerlesvêtements.Parmilesnomsdeshabits,celuiqu'areçule«vêtementétroitetlong»estconvenable;maispourquoilenomdelaveste?Ondevrait l'appeler« longue-traîne » comme le vêtement que portent les jeunes garçons. Pourquoi le nom du « manteauchinois»?Ilfaudraitlenommer«manteaucourt».Ilestvrai,toutefois,quesionluiadonnélenomparlequel on le désigne d'ordinaire, c'est qu'il était porté par les habitants de laChine.Le « pantalondedessus»estbiennommé,aussile«vêtementdedessous»;demêmele«pantalonàgrandeouverture»,puisquelalargeurdelaceintureestplusgrandeque la longueur.Lenomdupantalonn'aaucunintérêt.

Pourquoiencorelenomdu«pantalonàlacets»?Ondevraitl'appeler«vêtementpourlesjambes»oubien,cequiconviendraitpourunpareilobjet[Le«pantalonàlacets»étaittrèsample.],«sacpourlesjambes».Ainsilesdamesdiscutaientavecanimationàproposdetoutessortesdechoses.«Allons,dis-je,voilà

biendutapage;jen'ajouteplusrien,dormez!»;maisnousentendîmes,surprises,unbonzeduservicedenuit qui se prit àmurmurer, avec la voix de quelqu'un que notre bavardage aurait fâché : « Ce seraitdommage,continuezdoncàparlertoutelanuit!»cequinousamusaencoreplus.Ledixdechaquemois,àl'intentiondudéfuntSeigneur,notremaîtressefaisaitfairedesoffrandesde

livressaintsetd'imagesdesBouddhas.Ledixduneuvièmemois[En995.Michitakaétaitmortdepuishuitmois.],oncélébraceserviceaupalaisoùsontlesbureauxdelaMaisondel'Impératrice.Ilyavaitlàbeaucoupdehauts dignitaires et de courtisans. Ce fut Seihan qui prêcha, et son sermon parut si triste que touspleurèrent,mêmelesjeunesgensqui,d'ordinaire,neressententpastrèsprofondémentlamélancoliedeschoses.À l'issue de la cérémonie, les gens burent du vin de riz et récitèrent des poèmes chinois ; leseigneurTadanobu,capitainesous-chefdeschambellans,commençadedéclamerlapoésie:«Laluneetl'automne reviennent au rendez-vous ;maisoùest-il, lui [Poésie, en chinois, de Sugawara Fumitoki (vers 975).] ? »C'étaitsplendide.Commentcesversavaient-ilspuluiveniràl'espritsibienàpropos?Enfendantlafoule,j'allaiprès

del'Impératrice.Ellesortaitjustement,etmedit:«N'est-cepassuperbe?LeCapitaines'estrappelélàquelquechosedetrèsjoli!–Jevoulaisvousenparler,répondis-je,etjesuisvenueaprèsavoirjetéuncoupd'œilsurlaréunion.Plusjepenseàcettepoésie,etplusj'ensuischarmée!–Vousdevezl'êtreplusquepersonne[TadanobupassaitpourêtredanslesmeilleurstermesavecSei.]»,répliquaSaMajesté.Le Capitaine sous-chef des chambellans avait envoyé, vainement, quelqu'un tout exprès pour me

demander;etunjourquejelerencontraiparhasard,ilmedit:«Pourquoinevoulez-vousplusquenoussoyons comme deux bons amis ? J'en suis surpris, car je sais que, pourtant, vous ne me trouvez pasdésagréable.Iln'estpaspossiblequ'uneamitiédetantd'annéesfinisseainsi,etquenousvivionscommedeuxétrangers.Sijamaisjedevaiscesserdevenirjouretnuitaupalaisdel'Impératrice,etneplusvousvoir,quelsouvenirgarderais-jedevous?–Assurément, luirépondis-je,nouspourrionssansdifficultéredeveniramis.Maisaprèsquenousaurionsreprisnosanciennesrelations,jenepourraisplusdiredubiendevousàLeursMajestés;ceseraitdommage.Quandlesdamessontréuniesdevantl'Empereur[Ouplutôtl'impératrice.],jevousloueavecautantdezèlequesic'étaitlàmafonction;commentPourrais-jeencorelefaire?Pensez-yseulement!Ceseraitridicule;jesentirais,enmoncœur,undémonquim'empêcheraitdeparler.»LeCapitainesemitàrire,etrepartit:«Pourquoivousimaginercela?Ilyabiendesamisquiselouentmutuellement,plusquenefontlesautres.–Libreàeuxdecontinuer,répliquai-je,s'ilsnepensentpasquecesoitdésagréable.J'aiunetristeopiniondesgens,hommesoufemmes,quisontenclinsà favoriser injustement ceux qu'ils aiment, ou qui s'emportent quand on critique ceux-ci le moins dumonde.»J'entendis,avecplaisirencore,leCapitainemerépondre:«Voilàquimelaissesansespoir!»Une fois [Au deuxième mois de 999.], le Censeur sous-chef des chambellans [Fujiwara Yukinari.] était venu au

palais où sont les bureaux des fonctionnaires qui gouvernent laMaison de l'Impératrice ; nous avionsbavardé, la nuit était avancée. « Demain, dit-il, est un jour d'abstinence pour l'Empereur ; je doisl'assisterdanssaretraite.Ilnefautpasquejeresteicijusqu'àl'heureduBœuf!»etils'enalla.Le jour suivant, debonneheure,onm'apportade sapart une lettre comprenantplusieurs feuillesdu

papiergrossierqu'onemploieauservicedeschambellans.«Cematin, lelendemaindenotreentretien,avaitécrit leCenseur,moncœurestpleindusouvenirdenotrerencontre.J'allaispasserlanuitàvous

dire des contes du temps passé ;mais le chant du coqm'a fait hâtermon départ… » Il y avait ainsibeaucoupdechoses,trèsgracieusementécritesàl'endroitetàl'enversdesfeuilles.C'étaitsuperbe,etjerépondis:«Lavoixducoqquichantaitdanslanuitprofondeétaitpeut-êtrecellequisauvaleprinceMôSô-kun[Allusionàl'histoiredelaChine.Vers27oavantJ.C,leprinceMongTch'ang-kiun,ministreduroideTs'in,futaccusédetrahisonetemprisonné.Ilputs'échapper,maisarrivantunenuitàlabarrièredeHan-kou,illatrouvafermée,etilauraitétérepris,sil'undesesserviteurn'avait imité lechantducoq,et faitcroireainsiaugardiendupassageque l'heureétaitvenued'ouvrir labarrière.].»LeCenseurmerenvoya cette lettre : « On rapporte bien que, le coq deMô Sô-kun ayant fait ouvrir la barrière deKankoku, trois mille compagnons, sur le point d'être pris, purent s'échapper ; mais il s'agit ici de labarrièrequel'onvoitàlaMontéedesrencontres[LenomdecettebarrièrerappelleàYukinarietàSeileur«rencontre »,leurentretiendelaveille.].»Jeluiécrivisalors:«Bienquel'onpuisseêtretrompé,Lorsquelanuitvousenveloppe,Parlechantimitéducoq,Labarrière,àlaMontéedesrencontres,Nelaissepasserpersonne.»«Ilya,paraît-il,ungardienprudent.»LeCenseurm'adressascorelesverssuivants:«J'aientendudire,sijenemetrompe,Quelesgenspassaientfacilementlabarrière,àlaMontéedesrencontres,Etqu'onlalaissaitouverte,Alorsmêmequelecoqnechantaitpas,Pourattendrequelqu'un.»[YukinarisemblefaireallusionauxnombreusesvisitequerecevaitSei.]Aprèscetéchangedelettres,ilarrivaqueleSeigneurévêque[Ryûen.]prit,ens'inclinantjusqu'àterre,la

premièredecellesquej'avaisreçues;l'uneaprèsl'autre,ellesfurentmontréesàl'Impératrice.Un peu plus tard, le Censeurme dit en riant : «Vous avez dû vous avouer battue, quand il a fallu

composer des poésies à propos de la Montée des rencontres, et vous avez fini par ne plus pouvoirrépondre.C'étaittrèsmal.Etpuis,touslescourtisansontvuleslettresquevousm'aviezécrites.–J'aiconnuparlà,répondis-je,quevousm'estimiezvraiment.Onnedoitjamaismanquerderépéteràtoutlemondelesbelleschosesqu'onalues.Commevoslettres,àvous,n'étaientpasjolies,j'aiprisgrandsoinde les cacher, je ne les ai montrées à personne. Si on compare nos intentions, on verra qu'elles sevalaient. – Ilme semble, reprit Yukinari, que votre façon de parler, en jugeant sainement de tout, neressemble pas à celle des autres, et, cependant, j'avais pensé que vous diriez sans doute, comme lesfemmes ordinaires, en parcourant mes lettres : « Il n'y a nulle part, là-dedans, de sens profond àdécouvrir,c'estmalfait»,ouautrechosedecegenre»;etiléclataderire.«Pourquoi,luidemandai-je,parleraveccetteaigreur?Vousdevriezmeremercier!– Ilestencoreheureux, répliquaYukinari,quevousayezcachémeslettres.Combiencelam'auraitsemblétristeetpéniblesivouslesaviezmontréesàquelqu'un!Jevouspriedecontinueràlesceler.»Plustard,leCapitainedelagardeducorpsTsunefusamedemanda:«Avez-voussuqueleCenseur

sous-chefdeschambellansvousavaitlouéeavecenthousiasme?Ilm'aditcommentvousaviezéchangédeslettres,l'autrejour,etm'aracontécequis'enétaitensuivi [Ou :«M'ayant écrit l'autre jour, ilm'a raconté ce quis'était passé. »]. C'est une grand bonheur que d'entendre louer ceux qu'on aime ! » J'étais charmée enl'écoutantparlerainsifranchement,etjeluirépondis:«Ilm'arrivedoncdeuxchosesheureuses:d'abord,

leCenseurafaitmonéloge,etensuite,jemevoisaunombredesgensquevousaimez!–Ah!s'écria-t-il,c'estmerveilleux.Vousvousenréjouissezcommed'unenouveauté!Vers lecinquièmemois [En 999.], par un soir sans lune, très sombre, nous entendîmesde nombreuses

voixquidemandaient:«Ya-t-iliciunedame?»«Allezvoir,m'ordonnal'Impératrice,quelssontdoncceuxquiparlentainsi,d'unefaçoninaccoutumée?»Je sortis, et m'avançant sur la véranda, je demandai : « Qui fait ce bruit ? Quelles sont ces voix

perçantes qui nous effraient ? » mais personne ne répondit. On souleva le store, et l'on fit entrerdoucementquelquechose.C'étaitunebranchedebambou,de lavariétéquinousestvenuedupaysdeKure[L'ÉtatdeKure(chinoisWou,sinico-japonaisGo)étaitdanslapartieinférieuredubassindufleuveBleu.].Ah!dis-je,c'estceseigneur[Seiserappelleunecomposition,enchinois,deFujiwaraAtsushige,quiestelle-mêmefondéesurl'histoiredelaChine:leprinceYouaimaitpassionnémentlebambou,etl'appelait«ceseigneur».]!»Aprèsm'avoirentendue,lesgensquiavaientapportécerameaus'écrièrent:«Çà!Allonsraconterau

Palais comment elle nous a répondu. » Et ceux qui étaient là, le Capitaine de la garde du corps, lenouveau Capitaine, des chambellans du sixième rang et d'autres encore, se retirèrent. Cependant, leCenseur sous-chef des chambellans resta en arrière, et déclara : « Voilà des gens qui partent biendrôlement.Ilsavaientcueillidesbranchesdebambou,devantlePalaisImpérial[C'est-à-diredevantlePalaispuretfrais.],etilss'apprêtaientàcomposerdespoésies;quelqu'unayantalorsfaitobserverqu'ilspourraienttout aussi bien aller au palais où sont les bureaux des fonctionnaires qui gouvernent la Maison del'Impératrice,etappeler lesdamesd'honneurpouréchangerdespoèmesavecelles, ilssontvenus ici ;maisvousleuravezbienviteditlesurnomquel'onadonnéaubamboudeKure,j'airiquandjelesaivusquitteraussitôtlapartie,ets'éloigner.Jenesaisquivousaenseignécela:vousavezparlélàd'unechosequel'onnepeuts'attendreàvoirgénéralementconnue–J'ignoraiscomplètementcesurnomdubambou[Seipeutrépondreainsiparcequelejaponaiskonokimisignifieaussibien«cesseigneurs»que«ceseigneur».Sionl'entendaupluriel,onpenseraquesonexclamations'appliquaitauxgentilshommesquisontvenuslavoir,etqu'ellen'arienditd'intéressant;maissansdouteeût-elleétéfâchéequeYukinarilacrût.],luirépondis-je,etpourtant,onm'aurasansdoutejugéeodieusementpédante.–C'estvrai,répliqualeCenseur,onnepeutsavoir!»Pendantqu'ilétaitlà,causantsérieusementavecmoi,des courtisans revinrent, nombreux ; en récitant le passage : « On l'appelle ce seigneur », et il leurdemanda:«Pourquoiêtes-vousrepartis,toutàl'heure,sansfairecequevousaviezprojetéquandvousétiezauPalaisImpérial?J'aitrouvécelabienétrange!–Quepouvions-nousrépondreàunsijolitrait?Répliquèrent-ils;toutcequenousaurionspudireeûtétésuperflu.L'histoireafaitbeaucoupdebruitauPalais,etl'Empereurlui-même,l'entendantraconter,ypritunplaisirextrême.»Ilsrécitèrentdenouveauplusieursfois,avecleCenseur,lepassageauquelj'avaispensé;lesautresdamessortirentpourlesvoir.Tousparlèrent,pendantquelquesinstants,dediverseschoses,puislescourtisansdéclarèrentqu'ilss'enallaient.Ilspartirentenrépétantencorelesmêmesvers,tousensemble,etnouslesentendîmesjusqu'aumomentoùilsentrèrentdansleposteoùsetiennentlesgardesduPalais,degauche.Lelendemainmatin,detrèsbonneheure,ladamequ'onappelaitShônagonnoMyôbu,ayantapportéà

l'ImpératriceunelettreduSouverain,racontal'affaireànotremaîtresse.Celle-cim'envoyachercherdansnotre chambre, etmedemanda si cequ'elle avait appris était exact. « Jene sais, lui dis-je ; c'est uneréponsequej'avaisfaitesansréflexion;maispeut-êtreleseigneurYukinaria-t-ilprésentélachoseàmonavantage ! » Sa Majesté sourit, en murmurant : « Même si l'histoire a été embellie… » Lorsquel'Impératriceentenddirequelescourtisansont loué l'unedenous,elleenestheureuseet félicitecelledontilsontparlé;c'estcharmant.Quanduneannéesefutécoulée[Audeuxièmemoisde992.]aprèslamortdel'empereurEn.yûchacunquitta

ses vêtements de deuil. C'était très émouvant. Depuis Sa Majesté jusqu'aux serviteurs de l'empereur

défunt,touspensaientalorsautempsàproposduquellepoèteaparlédeshabitsresplendissants[Poèmedel'archevêqueHenjô (816-898), qui fut récité en 851, un an après lamort de l'empereurNimmyô.].Orun jourqu'ilpleuvait trèsfort,unenfantquesonmanteaudepaillefaisaitressembleràl'insecteàcapuchonvintàlachambredeladameTôzammi.«J'apportececi»,dit-il,enprésentantune«lettretordue»attachéeàungrandrameautoutécorcé.«D'oùvientcettelettre?demandalaservante;aujourd'huietdemainsontpourmamaîtressedesjoursderetraite,etlajalousien'estpasmêmerelevée.»Commecettejalousieétaitfixéeparenbas,lafemmeenpoussaunpeulapartiesupérieure,etpritlamissive;maisellen'expliquapasàsamaîtressecomment était lemessager, etTôzammi ficha la branche, avec la lente, en haut de la fenêtre, assurantqu'ellenepouvaitrienlireenunjourd'abstinence.Cependant,lelendemainmatin,ladamese lava lesmains,elledemandaetpritrespectueusementle«comptedeprières[Unrubandepapier,roulé,surlequelétaitnotélenombredesformulesmagiquesetdestextessacrésrécitésenoffrande.Onl'envoyaitdutemple,aufidèlequilesavaitfaitlirepourattirersurlui la faveur du ciel. Tôzammi croit que ce qu'elle a reçu la veille est une chose sainte, et prend avec respect ce qui est, en réalité, unelettre.]»delaveille,puis,seprosternant,l'ouvrit.C'était,faitedebeaupapiercouleurdenoix,unelettretrèsépaisse,quiluiparutbienétrange,etqu'elleachevadedéplieravecprécaution.D'uneécrituretoutemenuecommecelled'unvieuxbonze,onavaitécritcettepoésie:«Quoiqu'onpensequelamancheTeinteavecl'écorceduchênevivaceEstlederniersouvenirQuinousrestedudéfuntempereur,A-t-on changé de vêtements à la capitale [On trouve dans cette poésie une question plaisante, adressée par l'auteur

(probablementl'impératrice)àladameTôzammi,qui,naguèredignitaireduquatrièmerang,vientd'êtrepromueautroisième.Eneffet,lenomdu shii, le chêne dont l'écorce est employée pour teindre les sombres vêtements de deuil, peut, différemment écrit, servir à désigner lequatrièmerang.Notonsaussiquelemothagae,évoquanticilechangementdecostume,signifielittéralement«changementdefeuilles»; ilestdoncliéparlesensaunomduchêne.]?»«Ah ! la sotte etméchante chose, se dit la dame. Cette lettre vient sans doute de l'archevêque du

TempleNinnaji[Kwanchô,unMinamoto.LetempleNinnajis'élèveenYamashiro,àl'estdeKyôto.]!»Cependant,ellesongeaquel'Archevêquen'auraitjamaisécritcela.Quidoncalorspouvaitavoirenvoyécebillet?ProbablementlePremier sous-secrétaired'Étatde la familleFujiwara [Personnage inconnu.], car il avait été intendant del'empereur défunt. Tôzammi aurait voulu raconter bien vite l'histoire à Leurs Majestés, le temps luisemblait long ;mais elle prit patience, et attendit que fût terminée cette période de retraite, dont lesdevinsluiavaientparlécommed'unechosesirigoureuse.Lematindutroisièmejour,elleécrivituneréponseàlapoésiedontils'agissait,etlafitporterchezle

Premiersous-secrétaired'Étatde la familleFujiwara.Aussitôt,celui-cicomposaunerépliquequ'il luienvoya.Prenantalors lesdeux lettresqu'elle avait reçues, ladame se rendit engrandehâte auprès del'Impératrice, chez laquelle se trouvait justement l'Empereur. Elle raconta devant le Souverain ce quis'étaitpassé ;mais l'Impératriceregarda les lettresd'unaircomplètement indifférent,etdéclara :«Cen'est pas ainsi qu'écrit le Premier sous-secrétaire d'État de la famille Fujiwara, on croirait plutôtreconnaîtrelamaind'unbonze.–Alors,demandaTôzammi,quidoncafaitcebillet?Lequel,parmiceshauts dignitaires civils et religieux qui se mêlent de tout ? Peut-être celui-ci ! Peut-être celui-là ! »L'Empereur,voyantsaperplexité,sondésirdesavoir,murmuraensouriantdoucement:«Votrelettremeparaîtressemblertoutàfaitàquelquechosequej'aiaperçuparici»,ettirantd'unepetitearmoireunefeuille de papier, il la luimontra. La dame le supplia de lui apprendre la vérité. «Que c'est triste !répétait-elleavecdépit;daignezmedirecequienest.Ah!quej'aimalàlatête.Detoutefaçon,ilfaudraquel'onmerenseigne».Puisellesemitàrire,etl'Empereurluiréponditàlafin:«L'enfantdudémon

[Allusionàlalégendeconcernantleminomushi.]quiaservidemessagerestunaidedesfemmes,àlacuisine;maisc'est,ilmesemble,ladameKohyôequiluiafaitlaleçon,etl'aenvoyéchezvous.»L'Impératrice rit aussi, et Tôzammi lui dit, en tirant et en secouant la manche de notre maîtresse :

«Pourquoim'avez-vousainsitrompée?Sansriensoupçonner, jemesuis lavé lesmains,et jemesuisprosternée!»Elleriait,enprenantunairfâché;ilétaitravissantdelavoir,toutefièredel'aventure,etsicharmante!IlyeutdesriresetduvacarmeàlacuisineduPalaisquandonyappritcequiétaitarrivé.Aprèsque

Tôzammifutrevenueàsachambre,elleenvoyachercherl'enfantdontonluiavaitparlé,puisellelefitvoirà laservantequiavait reçu lamissive.Cette femmeréponditqu'ellecroyait le reconnaître ;maiscomme ladamedemandait à l'enfantdequi était cette lettre, et quellepersonne la lui avait donnée, ilsouritd'unairniais,sansriendire,puisils'enfuitencourant.LePremiersous-secrétaired'ÉtatdelafamilleFujiwara,quandilentenditplustardraconterlachose,

enrit,latrouvantfortplaisante.

63.Chosesquiemplissentl'âmedetristesseOnestpartidechezsoi,pourunepérioded'abstinence[Pourfaireuneretraitedansunmonastère.].Aujeudetrictrac[Sugoroku.Lespiècessontposéesaucroisementdeslignestracéessurleplateau,etlemot«case»devraitdonc

être remplacé pour plus d'exactitude par un autre (intersection ?).],ona jeté lesdés ;mais lechiffrequ'ilsdonnent nepermetpasdeprendrelacasedontonespéraits'emparer.Lamaisondel'hommequin'aobtenuaucunefonctionquandonanommélespréfets.C'estquandilpleutàversequ'ons'ennuieleplus.

64.Chosesquidistraientdanslesmomentsd'ennui

Lesromans,lejeudedames[Go.],lejeudetrictrac.Un bambin de trois ou quatre ans qui parle gentiment ; ou encore un tout petit enfant qui babille et

sourit.Lesfruits.Unhommefacétieuxetbavardestvenumevoir,etbienquecesoitpourmoiunjourd'abstinence,je

l'aifaitentrer.

65.ChosesquinesontbonnesàrienUnepersonnelaidequialecœurmauvais.Del'empoispourlesétoffes,danslequelonamisdel'eau.Je dis là des choses bienmauvaises [Des choses indignes d'intéresser les gens de qualité.],mais je ne dois pas

m'arrêter en pensant que les gens sont d'accord pour trouver cela désagréable. Pourquoi, encore, neparlerais-jepasicidesbâtonnetsdontonsesertpourattiserlesfeuxqu'onallumeaprèslafêtedesâmes[Ces bâtonnets ne servirontplus.]?Cenesontpasdeschosesquin'existentpoint,et tout lemonde lesconnaît

sansdoute.Àlavérité,toutcelanedevraitêtreniécritnimontrémaisjenepensaispasquepersonnedûtvoirces

notes,etjelesairédigéesenmeproposantd'ymettreabsolumenttoutcequimeviendraitàl'esprit,mêmeleschosesétranges,mêmeleschosesdéplaisantes.

66.Chosesquisontlesplusbellesdumonde.Est-il rien d'aussi beau que les cérémonies célébrées en présence de l'Empereur, à la fête spéciale

d'Iwashimizu?Lesrépétitionsdemusiqueetdedanse[Ils'agitenréalitédel'épreuvedemusiqueetdedansequiavaitlieuledeuxièmejour

du Dragon du troisième mois, l'avant-veille de la fête.] furent aussi très jolies. On était au printemps, le soleilresplendissaitdansuncielcalme.Danslejardin,devantlePalaispuretfrais,lesemployésduservicequis'occupedumobilieravaientétendudesnattes;l'envoyéimpérial[Unofficierde lagardedu corps, chargé deporter au temple lesoffrandesdu souverain.]setenaitassis, levisagetournévers lenord, tandisquelesdanseursétaientenfacedeSaMajesté.Ilestpossible,aureste,quejecommette iciquelqueerreurdemémoire[C'estcequisembleseproduire.Iwashimizuestausuddelacapitale,etl'envoyéimpérialregardaitdanscettedirection.].Deshommesappartenantauservicedeschambellansprirentdepetitestables,etallèrentenmettreune

devant chaquedignitaire.Ce jour-là,même lesmusiciensqui devaient jouer pendant les danses furentadmisenl'AugustePrésence.Touràtour,lesdignitairesetlescourtisansprirentunecoupe,et,àlafin,unefouledegensvoulurent

s'emparer des coquillages de Yakushima [Une île.] dans lesquels on avait bu. Je ressentais déjà uneimpressionpénibleenvoyantdeshommessedisputercescoupes,quanddes femmesarrivèrentdevantl'Empereurpourenprendre.Jen'avaispasfaitattentionauxhuttesdesgardesquiveillentsurlesfeuxlanuit [Feux allumés dans les jardins.], et je ne pensais pas qu'il pût se trouver personne dans ces cabanes.Cependant, des femmes en sortirent brusquement. Certaines se bousculèrent dans l'espoir d'emporterbeaucoupdechosesmais,contre leurattente,ellesnefirentque toutrenverserainsielleseurentmoinsqued'autres,quivinrent,enunclind'œil,saisirprestementcequisetrouvasousleurmain.Ilétaitbienamusantd'observercesfemmesfourrantleurbutindanslescabanesdesveilleurs,comme

endesmagasinsappropriés.Onnesavaitsileservicedumobilierallaitenvoyersesgenspourenleverlesnattes;ilstardaient,et

lesemployésduservicedomestique,prenanttousunbalai,semirentàaplanirlesabledujardin.

LorsquelesmusiciensfurentàpeuprèsdevantlePalaisdesoffrandesdeparfums,jelesentendisjouerde la flûte et battre la mesure. Je les attendais, souhaitant les voir bientôt venir ; mais quand je lesaperçusquiarrivaient,enchantantl'airdu«Rivaged'Udo»,prèsdelahaiedebambous,etquelaharperésonna,ilmesemblaquejenepourraissupportermajoie.Pour le premier ballet, deux hommes accoururent en réunissant leurs manches, tout à fait selon les

règles,etilssetinrentlafacetournéeversl'ouest[C'est-à-direversl'empereur.].L'unaprèsl'autre,lesdanseursvinrent,frappantdupiedsuivantlacadencedelamusique;ilsajustèrentlescordonsdeleurgiletsansmanches,leurcoiffure,oulecoldeleurvêtementdedessus,etilssemirentàdanserenchantant:«Sansraison»,«LamontagnedeKorna»etd'autreschosesanalogues.Toutcelaétaitmagnifique.Puis vint la « dansedugrand aileron [Ô-hire.] », je neme serais pas lassée de la regarder toute une

journée;quandellefutfinie, jemesentisbientriste;maisjemeréjouis, l'instantd'après,à lapenséequ'uneautredanseallaitsuivre.Cependant,onemportalesharpes,et,là,lesacteurssortirentdirectement,en dansant, de derrière les bambous ; ils avaient ôté la manche droite de leur habit de dessus, et lalaissaientpendre.C'étaitd'uncharmemerveilleux.Lestraînesdeleursvêtementsdedessousfaitsd'unesoiebrillante,serencontrantauhasard,s'étendaientetserepliaient.Maistoutcela,quandonleraconte,semblequelquechosed'ordinaire!Sansdouteparcequejesongeaique,cettefois,iln'yauraitplusdedanseaprèscelle-ci,jefustoute

désoléelorsqu'ellesetermina.Quandleshautsdignitairessontpartisàlasuitedesdanseurs,onressentuneimpressiondetristesseet

depeine.ÀlafêtespécialedeKamo,onpeutseconsoler,car,revenusauPalais,lesacteursexécutentencorelapantomimesacrée [Kagura.Sans doute, à leur retour d'Iwashimizu, beaucoup plus éloigné de la capitale que ne l'étaitKamo,lesacteursétaient-ilstropfatiguéspourrecommencerleursdanses.].Lesoir,aprèsleretourdeKamo,pendantquelafuméedesfeuxallumésdanslesjardinss'élevaitende

mincesrubans,j'écoutaislesondelaflûtequiaccompagnaitladansesacréetremblerdélicieusementetmourirpeuàpeu.Lesvoixdeschanteursmecharmaientaussi.C'étaitravissant.Jeneprenaispasgardequ'ilfaisaitfroid[Seiparledelafêtespéciale,célébréeà lafinduonzièmemois.]etqu'ilgelaitsouslecielclair.Jenepensaisniàmonvêtementdesoiefoulée,siléger,niàmesdoigts,engourdissurmonéventail.Chaquefoisquel'hommequidirigeaitlesartistesappelaitleschanteurs,ilsvolaientverslui,etilétait

superbe de voir avec quel air satisfait leur chef les regardait accourir [La plupart d'entre eux étaient d'un rangsupérieurausien,etilpouvaitdoncêtrefierdelesvoirluiobéir.].Sijesuisencongé,àlacampagne,lorsqueestcélébréelafêtedeKamo,lespectacledelaprocession

quirevientdelà-basnemesuffitpoint,etjevaisparfoisjusqu'autemple.Onarrêtelavoituresouslesgrandsarbres,lafuméedestorchess'étireenlonguestraînées.Àlalueurdesfeux,lescordonsdesgiletssansmanchesetlesvêtementslustrésdesdanseursparaissentplusjolisencorequependantlejour,etilsmesemblentplusbeauxquetoutaumonde.C'est ravissant quand les danseurs font résonner sous leurs pas le pont de bois [Devant le temple.], en

suivantlacadencedeschants.Cependant,lebruitdel'eauquicoules'unitausondelaflûte,etledieului-mêmedoitêtrecharmé[AllusionpossibleàunepoésiedeFujiwaraTadafusa.]!Parmi les acteurs, il y avait eu un homme appelé Shôshô, et j'avais été chaque année pénétrée

d'admiration en le voyant danser ; mais il était mort, et j'avais entendu dire que son âme hantait lesenvironsdupremierpont,devant le temple supérieur.Celam'était pénible, j'avais peur denepouvoirgoûterpleinementlecharmedesballets.Quandjelesvis,pourtant,ilnem'eûtpasétépossibledesongeràautrechosequ'àlabeautéduspectacle.

«Quec'est triste lorsque lafêtespécialedeYawataest terminée!disaient lesdames ;pourquoi lesartistes,aprèsleurretourauPalais,nedansent-ilspasencore?Ceseraitsijoli!Onatantdedéplaisirquandonvoitchacund'eux,dèsqu'ilareçusarécompense,s'éloignerdeceuxquiattendent,aprèslui.»L'Empereurentenditcespropos,etdéclara:«Demain,quandlesacteursserontrevenus, je lesferai

appeler,puisleurordonneraidedanser!—Serait-ilvrai?s'écrièrentlesdames;quellechosesplendidenousverrions!»Elless'enfaisaientunetellefêtequ'ellesallèrentenfouleimplorerl'Impératrice,etluidire : «S'il vous plaît, demandez à l'Empereur qu'il les fasse danser. »Grâce à leur insistance, nousfûmescharmées,cetteannée-là,parlesballetsquelesartistesexécutèrentaprèsavoirregagnélePalais.Avant de les admirer, pourtant, les dames se disaient que la promesse de l'Empereur ne serait pas

tenue;ellesypensaientavecmoinsd'ardeur,lorsqu'ellesapprirentfortuitementqueSaMajestéavaitfaitappeler les danseurs. Que dire de leur état d'esprit ? Elles se bousculaient si fort qu'elles heurtaientcontretouslesobjets;ellesavaientperdulatête.Etl'aspectdecellesquiétaientdansleurchambre,etseprécipitèrentendésordreauPalais!Sanss'occuperdeshommesd'escorte,descourtisans,detousceuxqui pouvaient les voir, elles accoururent, la jupe d'apparat relevée sur la tête ; les gens qui en rirenteurentbienraison.QuandledéfuntSeigneurnefutpluslà[AprèslamortdeMichitaka(ledixièmejourduquatrièmemois,en995).],ilyeut

dans le monde bien des événements, et beaucoup d'agitation. L'Impératrice ne venait plus au PalaisImpérial,ellehabitaitlePetitPalaisdelaDeuxièmeavenue,etcomme,sansquej'eusserienfait,ils'étaitpassédeschosesdésagréablespourmoi[DesintriguesavaientforcéSadakoàs'éloigner,etcertainsdisaientqueSeiprenaitlepartidesesadversaires.],jerestailongtempsàlacampagne.Cependant, jenesavaispascequedevenaitmamaîtresse,et jenepouvaisdemeurerplus longtemps

danscetteincertitude,quand[Auhuitièmemoisde996.]leCapitainedelagardeducorps,degauche[Personnageinconnu.],quis'étaitrenduauPalaisdelaDeuxièmeavenue,mefitcerécit:«Jesuisalléaujourd'huivoirl'Impératrice,et toutavait, là-bas,uncharmepénétrant.Lescostumesdecourqueportaient les dames,leurs jupes d'apparat, leurs manteaux chinois, appropriés à la saison, n'avaient rien perdu de leurélégance.Lestoreétaitrelevéd'uncôté;commejeregardaisàl'intérieurdupalais,j'aperçushuitouneufdamesgracieusementassisescôteàcôte,vêtuesdemanteauxchinoiscouleurdefeuillemorte,dejupesd'apparatvioletclair,d'habitscouleurd'asteroudelespédèze.Envoyantquel'herbeétaittrèshautedanslejardinquisetrouvedevantlepalais,jedemandai:«Pourquoilaisse-t-oncroîtreainsicetteherbe?Ondevraitl'ôter!»Maisonmerépondit(c'étaitlavoixdeladameSaishô):«Onlalaisseàdessein,pourquenouspuissionsadmirerlaroséequis'ypose!»Quellepenséedélicieuse!Plusieursdesdamesmedirent:«IlestbientristequeSeiShônagonrestechezelle,encemomentoùl'Impératricedemeuredansunepareilleretraite.Pourquoi,sansraison,tarde-t-elleànousrejoindre,ellequeSaMajestéconsidèrecommeunedecellesquinedevraientpasmanquer,maintenant,deveniràsescôtés,alorsmêmequ'ellesseraientretenuesparquelquechosed'extraordinaire?»Celasemblaitvouloirdire:«RaconteztoutàSeiShônagon.»Allezdoncvoirlà-bas.Lepalais,parsoncharme,vousprendlecœur,et,jevousassure,lespivoinesqu'onaplantéesdevantlaterrasse,àlamodechinoise,sontravissantes.–Non,répondis-je,j'aipris en aversion ces gensquim'ont trouvéedétestable. –Soyezgénéreuse ! » repartit le Capitaine enriant.QuandjemerendisàlaDeuxièmeavenue,l'Impératricenemefitrienvoirquipûtmelaisserimaginer

cequ'ellepensaitréellementdemoi;maisj'entendisdesdamesàsonservicequichuchotaient:«Elleesten relation avec les gens qui soutiennent le Ministre de gauche [Michinaga.]. » Comme elles s'étaientrassemblées, continuant à causer, elles m'aperçurent qui arrivais de ma chambre ; elles se turent etchacunes'enalladesoncôté.Jen'étaispashabituéeàmevoir,delasorte,mettreàl'écart.Celamefut

pénible,etjen'obéispasquandSaMajesté,plusieursfois,mefitdirederevenir.Envérité,unlongtempss'écoulaensuite;sansdoute,dansl'entouragedel'Impératrice,ondevaitme

représentercommeuneamiedesesadversaires,etraconteràproposdemoitoutessortesdefables.Contrel'habitude,jenerecevaispasunmotdemamaîtresse;letempspassait,jesentaismoncœurse

serrer. Un jour, cependant, alors que j'étais perdue dans mes pensées, une « première servante »m'apporta une lettre. « Voici, me dit-elle, un message que Sa Majesté vous fait tenir en secret, parl'intermédiairede ladameSakyô.»Auprèsdemoi,cette femmecontinuait,bien inutilement,deparleravecmystère.Ensongeantquelalettrenesemblaitpasdecellesquel'Impératricefaisaitécrireparuneautrepersonne,jel'ouvris,lapoitrinepalpitante.Cependant,mamaîtressen'avaitrienmissurlepapier;elle s'en était servie pour envelopper un simple pétale de kerrie, sur quoi elle avait écrit cesmots :«L'amourdeceluiquisetait[Allusionàuneanciennepoésiecélébrantl'amourdeceluiquisetaitalorsqu'ilcroitsentirensoncœurlebouillonnementdel'eaucoulantsouslaterre.EnenvoyantàSeiunpétaledekerrie,l'impératricerappelleenmêmetempsuneautrepoésie,duKokinshû,danslaquelleestnomméecettefleur,etdontquelquesmotspeuventfairepenser,encore,àl'amoursilencieux.].»Aprèslesavoirlus,jesentismoncœurmiraculeusementconsolé,luiquiavaitexhalétantdeplaintespendantceslongsjoursoùl'Impératricem'avaitlaisséesansnouvelles.La«premièreservante»meconsidérait,etmevoyantfaire,dansmajoie,cequel'onconnaîtd'abord

[C'est-à-direpleurer(poésieduKokinsliû).],ellemedit:«Lesdamess'étonnentquevousrestiezici,alorsqueSaMajestépense à vous en toutes occasions, et avec quelle anxiété ! Il n'en est aucune, je crois, qui netrouvesinguliervotrelongséjouràlacampagne.Pourquoinerevenez-vouspas?»Ellepartit,jevoulusécrireuneréponseetl'envoyer;maisj'avaiscomplètementoubliélespremiersversdupetitpoèmedontl'Impératricem'avaitadresséuneligne.«Quec'estétrange!m'écriai-je.Ya-t-iljamais,quandonparled'anciennespoésiescommecelle-ci,quelqu'unquilesignore?Jel'aidansl'esprit,etjenepuisladire.Comment cela se fait-il ? »Cependant, un petit garçon qui était assis devantmoim'entendit, et ilmesouffla:«Écrivezdonc:"l'eauquicoulesousterre".»Commentcesversavaient-ilspus'effacerainsidemamémoire?Ilétaitamusantquecetenfantmeleseûtrappelés.J'expédiaimaréponse,et,quelquetempsaprès,je

me rendis chez l'Impératrice. Je ne savais de quelle manière elle allait m'accueillir. Je me sentaisembarrasséecommejenel'avaisjamaisété.L'écranmecachaitàmoitié,mamaîtressedemandad'abordenriantsij'étaisunenouvellevenue,puisellemedit:«Jevousaienvoyéuneméchantepoésie;maisj'avaispenséqu'enl'occurrenceilfallaitvousécrirequelquechosedecettesorte.Aussibien,quandjenevousvoispas, riennepeutdistraireunseul instantmapeine.»Ellesemblait toujours lamême. Je luinarraicommentlepetitgarçonm'avaitenseignéquelquesmotsdupoème.SaMajestéenritbeaucoup,etdéclara:«Unepareillechoseestpossible,celanemanquepointd'arriverpourlesvieillespoésiesqu'onatropdédaignées.»Àcepropos,l'Impératriceracontacettehistoire:«Desgenssepréparaient,quelquepart,à faireun

concoursd'énigmes;L'und'eux,quin'étaitnaturellementpassot,etauquelunelaborieusepratiqueavaitdonnéunegrandehabiletédans leschosesdecegenre,ditaux joueursdesoncamp,celuidegauche :«C'estmoiquiparlerai lepremierdenotregroupe.Veuillezypenser !»Lesautres, ayantentendusarequête,songèrent :«Même si nous nous en rapportons à lui, sans doute ne fera-t-il pas de questionmaladroite », et ils le choisirent comme champion. «Dites-nous les énigmes que vous avez en tête.Quelles sont-elles ?» lui demandèrent-ils ;mais il répondit : « Fiez-vous entièrement àmoi. Certes,après vous avoir parlé comme j'ai fait, je n'avancerai rien qu'on doive amèrement regretter ! » Sespartenairessupposèrentqu'ildisaitvrai.«Pourtant,quandlejourduconcoursfuttoutproche,ilsreprirent:«Apprenez-nousquandmêmece

quevousavez l'intentiondeproposer.Etsic'étaitquelquechosed'extraordinaire !–Eh ! répliquacet

homme,encolère,jen'ensaisrien;sivousaveztantdecrainte,nevousfiezpasàmoi!»Ilsétaienttrèsinquiets.«Cependant,lejourduconcoursarriva.Touslesjoueurs,hommesetfemmes,prirentplace,lesdeux

campsétantséparés ; il y avait là, assis en rangs,ungrandnombrede courtisans et degensbiennés.Quand vint lemoment d'échanger les énigmes, notre homme, dans le groupe de gauche, se trouvait lepremier.Onvoyaitàsonairqu'ils'étaitpréparéavecunsoinextrême,etqu'ilsesentaitprêtàlalutte.Ilparaissaitsisûrdeluiqu'onsedemandaitcequ'ilallaitdire;tous,sesadversairescommesespartisans,leconsidéraientavecinquiétude,etrépétaient:«L'énigme?L'énigme?»Quelleimpatience!Enfin,cethommeproposa:«Unarctendudansleciel[Iln'estpasquestiondel'arc-en-ciel,commenouspourrionslepenser,maisd'unquartierdelalune.]?»Lesgensdugroupeadversetrouvèrentlachosetrèsagréable,ilscroyaientdéjàavoirgagné;quantàceuxdegauche,ilsrestèrentd'abordsanspensée,commestupéfiés;puis,enuninstant,ilssedirentqueleurpartenaireétaitdétestable,odieux;qu'ilprenaitlesintérêtsdeleursadversairesetqu'ilallait, à dessein, faire perdre son propre camp. Cependant, le joueur qui lui était opposé eut un riremoqueur.«Non,jenesaispasdutoutcequec'est!»répondit-ilenfaisantlamoue,etilcommençadeplaisanter;maisceluiquiavaitproposél'énigmes'écria:«Mettezlamarque,mettezlamarque!»etfitattribuerunpointàsongroupe.«Lesjoueursdedroites'yrefusaientetrépétaient:«C'estabsurde!quidoncnesauraitpasrépondreà

cettequestion?Ilnefautabsolumentpasmettrelamarque.»Notrejoueurrépliqua:«Monadversaireaditqu'ilnesavaitpas;pourquoidoncn'aurait-ilpasperdu?»Pour lesénigmessuivantes, ildonnademême,parsesarguments,lavictoireàsonparti.«Aprèsleconcours,lejoueurdedroitequiavaitvouluplaisanterfutaccablédereproches.Ilestvrai

qu'il s'agissait, luidit-on,d'unechoseque tout lemondesavaitbien ;mêmeenunpareilcas, il arrivepourtantque,fautedemémoire,onsoitforcéderépondrejustementcommevousavezfait.Pourquoiavez-vousdéclaréquevousnepouviezpassavoir.Illuifallutreconnaîtresonerreur!»Quandl'Impératriceeutterminésonrécit,lesdamesquil'entouraients'écrièrent:«Lespartenairesdu

perdantpouvaientbien,vraiment,lemaudire.Ilssetrouvaientassurémentdésappointés;maisdequelledétestablehumeuravaientdûêtre lesgensquiappartenaientaugroupeduplushabile,enentendantsespremiersmots ! »Elles semirent à rire.Serait-il possible qu'on eût oublié cette histoire [Sei espère quepersonnen'auraoubliécettehistoirecommeelle-mêmeavait fait pour lapoésiedont samaîtresse lui adressaquelquesmots.]?Tout lemonde,jepense,s'ensouvientencore.Ledixdupremiermois[Datevoisinedu15février.],onvoyaitdanslecield'épaisnuagessombres,etpourtant

lesoleilresplendissait.Derrièreunepauvrechaumière,dansunchampincultedontlesoln'étaitpasgracieusementaplani,je

regardais un pêcher.C'était un jeune arbre, tout couvert de rameaux.D'un côté, son feuillage semblaitvert, alors que les feuilles foncées et brillantes, des branches opposées, paraissaient teintes en rougesombre.Un jeune garçon à la taille élancée, aux cheveux superbes, mais dont l'habit de chasse avait des

accrocs,grimpadansl'arbre.Cependant,unbambinportantunvêtementdedessous,couleurdeprunierrouge, et un habit de chasse blanc, retroussé, Avec des souliers bas, se tenait au pied du pêcher etdemandait : « Coupe-moi une jolie branche, donne vite ! » Il vint encore trois ou quatre fillettes.J'admiraisleursbeauxcheveux;leursgiletsétaientdéchirés;maisleursjupes,fanées,avaientencoredejoliescouleurs.«Coupeet jette-nous,dirent-elles au garçon, des branches qui puissent convenir pourfairedes«marteauxporte-bonheur».Onenabesoinparici.»

Legarçonjetadesrameaux;lesenfantsseprécipitèrententoussens,chacuns'efforçantdesaisirplusde branches que les autres, et criant : «Donne-m'en beaucoup, à moi ! » C'était ravissant ; mais unhomme,avecunpantalonsale,arrivaencourant;ilvoulait,luiaussi,desrameauxdepêcher;commelegaminquilescueillaitluidisaitd'attendre,ilvintàl'arbreetsemitàlesecouer.Quelspectacleamusant:lejeunegarçon,effrayé,s'accrochaitauxbranchescommeunsinge!Àlasaisondesprunesaussi,onvoitdepareillesscènes.Des hommes de bonnemine ont joué tout le jour au trictrac, et sans doute n'en sont-ils pas encore

fatigués,caronvientd'allumerunelampebasse,àlabrillantelumière.Commesonadversaire,enlesmaniant,essayededonnerauxdésunevertumagique,etnesepressepas

delesmettredanssoncornet,l'undesjoueursposelesientoutdroitsurleplateau,etilattend.Ilrentre,d'unemain,lecoldesonhabitdechassequiluicouvraitlevisage;ilôtesonbonnet,dontl'étoffen'estpasrigide;ill'agite;puisildit:«Sivousperdez,aprèstoutescesincantations…»D'unairimpatient,ilregardefixementsonadversaire,ilparaîttoutglorieux.Pour jouer aux dames, un homme de qualité a dénoué le cordon de son manteau de cour, et

négligemment il ramasse lespionsou lespose sur ledamier.Cependant, sonadversaire, qui est d'uneconditioninférieure,setientassisrespectueusement,ledoscourbé,àquelquedistancedudamier;desamainlibre,ilenécarte,tandisqu'iljoue,lebasdesamanche.C'estravissant.

67.ChoseseffrayantesL'écorced'ungland[Onl'employaitpourteindreennoir.].Unendroitoùl'incendieatoutbrûlé.Lelotusépineux.Lachâtaigned'eau.Unhommequiabeaucoupdecheveux,etquilesfaitsécheraprèss'êtrelavélatête.L'écorced'unechâtaigne.

68.ChosesquisemblentpuresUnvasedeterrecuitenonvernissée.Unecruchedemétal,neuve.Ledessusdesnattes,faitd'avoined'eau.Lalumièrequipasseautraversdel'eauqu'onverse.Une«longuecaisse»neuve.

69.ChosesquiparaissentmalpropresUnnidderats.

Quelqu'unquitarde,lematin,àselaverlesmains.Delamorveblanche.Despetitsenfants,morveux,quimarchentenreniflant.Lesvasesoùl'onmetdel'huile.Lespetitsdesmoineaux[Quandilsn'ontpasencoredeplumes.].Unepersonnequirestelongtempssansprendredebain,pendantlasaisonchaude.Touslesvêtementsfanés,quelsqu'ilssoient,semblentmalpropres;maisparmieux,cesontsurtoutles

habitsdecouleurluisantequiparaissentsales.

70.ChosesquisemblentvulgairesUn« troisièmefonctionnaire»duProtocolequiaétéanobli [Malgré cet anoblissement, il n'était pas admis en la

présencedel'empereur.].Degroscheveuxnoirs.Unparaventdetoile,lorsqu'ilestneuf.Quandilestvieuxetsali,c'estunobjetquinemériteplusqu'on

enparle,et,contrairementàcequel'onpourraitcroire,onn'yaccordepluslamoindreattention.Unparaventdetoilesurlequel,dèsqu'ilestfabriqué,onfaits'épanouir,enlesdessinant,quantitéde

fleursdecerisier,etquel'oncolorieavecdelacraieetducinabre.Qu'ils'agissedesportesàcoulisse,despetitesarmoires,oudetouteautrechose,onpeutdirequece

quel'onvoitenprovincemanqued'élégance.Ledessusd'unevoiturerecouvertedenattes.Lepantalonqueportentlesgensdepolice.Unstored'Iyofaitavecdesjoncstropgros.Unpetitbonze,encoreenfant,quiengraisse.Unevéritablenatted'Izumo.

71.Chosesquiremplissentd'angoisseRegarderlescoursesdechevaux.Tordreuncordondepapier,pourattachersescheveux[Entordantcecordondepapier,onapeurdelecasser.].Avoirdesparentsoudesamismalades,et les trouverchangés.Àplus forte raison,quandrègneune

épidémie,onenaunetelleinquiétudequ'onnepenseplusàriend'autre.Ou bien, un petit enfant qui ne parle pas encore semet à pleurer, ne boit pas son lait, et crie très

longtemps,sanss'arrêter,mêmequandlanourriceleprenddanssesbras.Lorsque,dansunendroitfréquentéd'ordinaire,onasoudainementl'oreillefrappéeparlesparolesde

quelqu'undontonnereconnaîtpasbienlavoix,ilestnaturelqu'onsentesoncœurbattre;maisilpalpitebiendavantage si l'on entendalorsune autrepersonnequi, sans savoirque lapremière est là, vient àparlerd'elle.Quandunepersonnequel'ondétestes'approchedevous,onressent,demême,untroubleindicible.Unhommequiestvenu lanuitdernièrevoirunedame tardeà luiécrirecematin.Cellesmêmequi,

sansyêtredirectementintéressées,entendentparlerd'unepareillechose,sententbattreleurcœur.Onsesentencoredéfaillirquanduneautre femme,devantvous,montreune lettrequ'ellea reçuede

celuiqu'onaime.

72.ChosesravissantesUnvisaged'enfantdessinésurunmelon[Ou:«quialaformeovaled'unegrainedemelon».].Unjeunemoineauquivientensautillantdèsqu'onimitelecridurat.Oubiencemêmemoineauquandonleplacedansunendroitconvenable,aprèsluiavoirmisunpeude

fardrougesurlatête.Ilestravissantdevoirlesparentsdecetoiseauluiapporterdesinsectesetdesvers,qu'ilsluimettent

danslebec.Unenfantd'environtroisansquisetraîneleplusvitequ'ilpeut,etdontlesyeuxperçantssontattirés

par quelque babiolemenue, qu'il trouve sur son chemin. Il la saisit avec ses jolis petits doigts, il lamontreauxgrandespersonnes.C'estravissant.Uneenfant,coifféeàlafaçond'unenonne[Nousdirions«àlaJeanned'Arc».]quipenchelatêtepourregarder

quelquechose,aulieud'écarter,delamain,lescheveuxquiretombentsursesyeuxetlagênent.Charmanttableau!Il est ravissant aussi d'admirer le haut des cordons blancs qui retiennent la jupe, si jolis, attachés

devantlesépaules.UnjeunepageduPalais,pastrèsgrand,quipasse,entenuedecérémonie.C'estcharmant.Onprendunjolibébédanssesbras,unmoment,etpendantqu'onlecajoleilsesuspendàvotrecou,

puisils'endort.C'estdélicieux.Lesobjetsemployéspourlespoupées[Pourlafêtedespoupées,letroisièmejourdutroisièmemois.].On cueille, dans un étang, une feuille flottante de lotus, toute petite, et on la regarde. Les roses

trémièressont ravissantesaussiquandelles sontpetites.Qu'il s'agissed'unechoseou d'une autre, peuimporte,onpeutdirequetoutcequiestpetitestdélicieux.Unbébéd'environdeuxans,trèspotelé,àlajoliefigureclaire,quivientàvousensetraînant,etdont

levêtement,degazeviolette,troplong,estretroussé.C'estravissant.Unpetitgarçondehuitouneufans,àlavoixjuvénile,quilitunlivre.Despoussins,hautssurpattes, toutblancset jolis,quinesontpasencorecomplètementcouvertsde

plumes, etparaissent avoirdesvêtements tropcourts.En faisant tapage :«hyo,hyo », ils suivent lesgens,oumarchenttoutprèsdelamèrepoule.C'estundélicieuxspectacle.Lespetitsdescanards[Karinoko.].Uneurneàreliques.Lesfleursdesœillets.

73.ChosessansretenueUnenfantquin'aaucunequalitéparticulièreetquiesthabituéàêtrechoyé.Latoux.Alorsqu'onvadirequelquechoseàunepersonnequ'onvoitembarrassée,elleparlelapremière.Unenfantdequatreoucinqans,dont lesparentshabitentquelquepartdans les environs, entre chez

vous et commence à faire mille malices ; il s'empare de ceci, de cela ; il disperse, il abîme tout.D'ordinaire,onluiôtedesmainscequ'ilapris,onlegronde;iln'enpeutfaireàsatête.Maisquandsamère vient, il se sent fort ; en la tirant, en la secouant, il la supplie de lui donner ce qui l'intéresse.Cependant,elleluirépondqu'elleparleàdegrandespersonnes,ellenetientaucuncomptedecequ'ildit.Alors,ilremuetout,lui-même,pouratteindrel'objetconvoité;ils'ensaisitetleregarde.C'estvraimentdétestable.Lamère,quilevoitfaire,secontentedeluicrier:«Vilain!»etsansluireprendrecetobjetpourlecacher,elleajouteseulementavecunsourire:«Nefaispasainsi,tuvasdétériorercela.»Elleaussi,elleestdétestable!Quelle anxiété on éprouve lorsque, chez soi, on voit cet enfant se conduire de la sorte, sans qu'on

puisseluiadresserlamoindreremontrance!

74.Chosesdontlenomesteffrayant[On ne voit pas bien par quoi Sei a été guidée en écrivant ce chapitre. De certaines des choses qu'elle énumère, on pourrait dire

simplement,sansparlerdeleurnom,qu'ellessonteffrayantes.Ilestaussidesnomspourlesquelsonpeutproposeruneexplication(lefer,enjaponais,estle«métalnoir,sombre»;lemotkure,«motte»,aunhomonymequisignifie«crépuscule»,etdeplus,danslecaractèrequilereprésente,ontrouvelesymboled'undémon);maispourd'autres...?]Ungouffrevert.Unecavernedansunravin.Uneclôturedeplanches.Lefer.Unemottedeterre.Pourletonnerre,cen'estpasseulementsonnomquiesteffrayant;ilestlui-mêmeépouvantable.L'ouragan. Un nuage demauvais augure. L'étoile du Bouvier. Le loup [Ô-kami signifie « loup » et « gande

divinité».].L'ushi-hasame[Peut-êtreuninsecte.DansletextedeM.Kaneko,ona:ushi(lebœuf),kasame(lecrabe).].Laprison.Legeôlier.Lesanglier.Pourcelui-ciencore,cen'estpassonnomseulquiesteffrayant ; ilest,aussi, terribleà

voir.Unenattedecorde.Unvoleurestterriblepourtoutessortesderaisons.Lapluiesoudaine[Littéralement :« lapluieduchapeauducoude» : l'averse surprend lesgensquin'ontpas lechapeaudepluie

(kasa) ; ils se protègent la tête avec le bras.]. Le fraisier-serpent. L'âme d'une personne vivante, qui vient voustourmenter.L'ignamedudiable.Lafougèredudémon[Onidokoroetoniwarabi.Pourquoi cette ignameet cette fougèreont-ellesdesnomsdedémons?].Laronce.Lecitronnierépineux.Ducharbondeboistrèssec,pourallumerlefeu.Lapivoine.Legeôlierdesenfersquiaunetêtedebœuf[L'undesdeuxgardiensquiveillentauxportesde l'enferbouddhique.L'autreaunetêtedecheval.].

75.Chosesquin'offrentriend'extraordinaireauregard,etquiprennentuneimportanceexagéréequandonécritleurnomencaractèreschinois

[Seis'étonnesansdoute,qu'onemploie,parexemple,troiscaractèreschinoispourécrireunnomaussisimplequeceluidelafraise.]Lafraise.Lafleurd'unjour[Lacommeline.Sonnomjaponais,tsuyugusa,semblecomposédedeuxmotssignifiant«rosée»et

«herbe».Lescaractèresquiserventàl'écriresignifient«canardsauvage»,«tête»,«herbe».].Lelotusépineux.Lanoix.Unprofesseurdestyle.LeVice-chefdesservicesquigouvernent lepalaisde l'Impératricesouveraine.Lemyrterouge[Plusexactementlegalé.].Pourl'oseillesauvage,l'impressionqu'onressentestencoreplusforte,sansdouteparcequel'onécrit

lenomdecetteplantecommes'il s'agissaitde lacannedu tigre.Cederniera,cependant,une figureà

pouvoirsepasserdecanne!

76.ChosesquiontunaspectsaleL'enversd'unebroderie.L'intérieurdel'oreilled'unchat.Unefoulederats,dontlepoiln'estpasencorepoussé,quisortentdunid,toutgrouillants.Lespointsdescoutures,àl'enversd'unvêtementdefourrurequ'onn'apasencoredoublé.Quandilfaitsombredansunendroitquinesemblepasparticulièrementpropre.Unefemmequin'estpastrèsjolie,etquiaunefouled'enfants,dontelleprendsoin.Lorsqu'unefemmequ'iln'aimepastrèsprofondémenttombemaladeetlanguitlongtemps,unhomme,en

soncœur,doits'ensentirdégoûté.

77.Occasionsdanslesquellesleschosessansvaleurprennentdel'importanceLeradis[Longuesravesqu'onpréparaitledeuxièmejourdel'année,etquidevaientassurerunelonguevie.]dupremiermois.Lesdamesquiescortent,àcheval,l'Empereurquandilsortdesonpalais.Les dames-chambellans qui, à la fin du sixièmemois et à celle du douzième, rompent une tige de

bamboupourmesurer la taillede l'Empereur [Avec ce bambou, elles prenaient lesmesures utiles pour la confection d'uncostume dont on revêtait un mannequin figurant l'empereur, et auquel celui-ci, dans un souffle, transmettait ses impuretés. Lors de lacérémonieshintoïstede laGrandepurification, ledernier jourdusixièmeetdudouzièmemois,cemannequinétait lavé,dans lecoursd'unerivière,dessouilluresdontl'empereurl'avaitchargé.].Leprêtrechargédesurveillerlemaintiendesbonzesquirécitentleslivressacrés,auxdeuxsaisons.

Quand,portantuneétolerouge,illitlalistedesbonzes,ilal'airdesavoirparfaitementcequ'ildoitfaire.Lesgensduservicedeschambellansquiornentlessallesoùdoiventavoirlieulescérémonies,pourla

«Lecturedeslivressacrés»oupourl'«ÉnumérationdesnomsdesBouddhas».Lesgardesducorpsquiescortentl'envoyédel'EmpereuràlafêtedeKasuga[Lepremier jourduMouton du

deuxièmemois;lafêteétaitcélébréelelendemain.].Lamarchesolennellelorsdesgrandsfestins.Lesjeunesfillesquigoûtentl'élixirdelonguevieaupremiermois[Lepremierjourdel'an.Ellesfaisaientl'épreuve

del'élixir(duvinderiz)qu'onprésentaitàl'empereur.].Lesbonzesquiapportentles«bâtonsporte-bonheur».Lescoiffeusesaumomentdesépreuvesdedanse,avantlaCinquièmefête.Les«demoisellesdelaCour»quiserventl'Empereuràtable,auxcinqfêtes[Sechi-e.].LessecrétairesduConseild'État,lejourd'ungrandfestin.Les lutteursduseptièmemois [Pour les luttes qui avaient lieu à la fin du septièmemois, devant l'empereur, on recrutait des

championsdanslesprovinces.].Ungrandchapeaudefemme,parunjourdepluie.Letimonier,lorsd'unvoyageenbateau.

78.Chosesquiparaissentaffligeantes

Lanourriced'unbébéquipleurelanuit.Unhommequiadeuxmaîtresses,etàproposduquell'uneetl'autresedétestentetsejalousent.Unexorcistequis'attaqueàundémonrécalcitrant.Toutiraitbiensiseulement lesbonseffetsdeses

incantationssemanifestaientrapidement;maiss'iln'enestpasainsi,lemalheureuxcontinuestoïquementàprierpouréviterd'être,quelquepeinequ'ilaitprise,lariséedesgens.Celasembledésolant.Unefemmequ'unhommesoupçonneuxaimeardemment.LesgenspuissantsquiviventdanslamaisonduRégent,Mairedupalais,nesontjamaissanssouci;

pourtantleursortparaîtagréable.Lesgensirrités.

79.ChosesenviablesOn a essayé d'apprendre un texte sacré ; mais comme on le récite d'une façon très incertaine, en

oublianttoujoursquelquechose,onlitàmaintesrepriseslesmêmespassages.Cependant,onentenddesbonzes, comme il est naturel, et aussi des laïques, hommes ou femmes, qui récitent les Écriturescouramment,sanspeine.Toutdesuite,onsedemandequanddonconseraaussihabile.Lorsqu'onestmalàsonaise,qu'onrestecouché,onenvieextrêmementlesgensquirient,bavardentet

sepromènentcommes'ilsn'avaientaucunsouci.Unjour,l'idéem'étantvenued'allerauxtemplesd'Inari[Templesshintoïstes,ausuddeKyôto,Lafêted'Inariétaitfixée

aupremierjourduChevaldudeuxièmemois.],jemetrouvaiharasséealorsquej'approchaisseulementdusanctuairecentral;mais,sansmelaisserabattre,jecontinuaidemonter.Cependant,desgensquidevaientêtrepartisaprèsmoimedépassèrentrapidement,sansparaîtrefatiguéslemoinsdumonde,etarrivèrentautemplelespremiers.J'enavaisdelajalousie.CelasepassaitlejourduCheval,audeuxièmemois.Bienquejemefussehâtéedepartirà l'aube, ilétaitàpeuprès l'heureduSerpentquandj'atteignis lemilieude lacôte. Il faisait de plus en plus chaud, et jeme sentais pitoyablement lasse.Comme jeme reposais unmoment, en pleurant de fatigue et en me demandant même pour quoi faire j'avais pu entreprendre cepèlerinagetandisqu'ilyavait,parlemonde,desgensquineprenaientpastantdepeine,unefemmedeplusdetrenteans,quin'étaitpasen«costumedejarre»,maisavaitsimplementrelevélatraînedesesvêtements,descenditlacôte,etditàdesgensqu'ellerencontrasursonchemin:«Moi,jeveuxaccomplirlepèlerinageseptfois;envoilàdéjàtrois,etlesquatrequirestentnesontplusrienàfaire.Ilfautquejesoisredescendueàl'heureduMouton.»C'étaitunefemmeàlaquellejen'auraispasfaitattentionenunlieuordinaire;maisencetinstant,j'auraissouhaitéd'êtreàsaplace.J'enviebeaucouplesgensquiontdebonsenfants,quecesdernierssoientdeshommes,desfemmes,ou

desbonzes.Lesdamesquiontdesuperbescheveux,trèslongs,etdesmèchesquidescendentgracieusementsurle

front.J'envielesgrandspersonnagesquisonttoujoursentourésdeserviteursrespectueux.Les dames qui ont une belle écriture, qui composent de jolies poésies, et dont on parle d'abord, en

toutesoccasions.Quanddenombreusesdamesse tiennent,attendantsesordres,devantunepersonned'unhaut rang,et

qu'ilfautécrireunmessagepourl'envoyeràquelqu'undedistingué,onnepeutpenserquetoutescelles

qui sont là aient une écriture semblable aux traces laissées par les pattes d'un oiseau. Si, pourtant, lemaîtrefaitappeler,exprèspourécrirecettelettre,unedesdamesquisetrouventdansleurchambre,etluidonnesonpropreencrier,lesautresenvientcettefemme.Sicellequel'onachoisieparmilesdamesdelamaison n'est plus une toute jeune personne, elle s'y prend aussi bien que la chose l'exige, même si,vraiment,ellen'apascessédepuislongtempsdecopierlapoésiedu«BacdeNaniwa».D'autres fois,ellen'estpassinovice,etquandils'agitd'écrireàunhautdignitaire,oudefaireunelettred'introductionpour une demoiselle que le seigneur envoie au Palais, où cette jeune fille va demander à entrer enservice,lemaître,etl'Empereurlui-mêmelepremier,veilleavecuneattentionparticulièreàcequetout,danslalettre,soitélégant.Alorslesautresdamesseréunissentpourplaisanter,pourparleravecjalousiedeleurcompagnequiécrit.Demême,lorsqu'onapprendàjouerdelaharpeoudelalime,etquel'onestencorepeuexercé,onse

demandequanddonconjoueraaussibienquetellepersonne.Lanourricedel'Empereur,celleduPrincehéritier.Lesdamesauservicedel'EmpereurquisontadmisesauprèsdesNoblesPrincessesduPalais.Celuiquiafaitconstruireunechapelledeméditation,etpeutprierausoiretàl'aube.Quandonjoueautrictrac,lescoupsdedésheureuxdel'adversaire.Unsaintquiavraimentcessédepenseraumonde.

80.Chosesquel'onagrandehâtedevoir,oud'entendreLestissusqu'onateintsaprèslesavoirtordus,lesétoffesdenuanceinégale,toutescellesquiontdes

tonsdivers,obtenusparexempleenliantcertainespartiesavantlateinture.Onapprendqu'une femmevientd'avoirunenfant,onveut savoirbienvite si c'est ungarçonouune

fille.Quandlamèreestunedamedequalité,celavasansdire,etmêmes'ils'agitd'unepauvrefemme,d'unepersonneducommun,onagrandehâted'êtrerenseigné.Lematindujouroùl'onnommelesgouverneursdeprovince,alorsqu'ilestencoredebonneheure.On

voudraitapprendremêmeàquelleépoqueuncertainhommequel'onconnaîtobtiendrasûrementunposte.Lalettred'unepersonneaimée.

81.ChosesimpatientantesOnaenvoyé,àunecouturière,del'étoffepourunvêtementquel'onvoudraitavoirtoutdesuite,eton

attendqu'ellel'apporte.L'humeurdontonest lorsqu'ons'estdépêchépourallervoirquelquespectacle.Onsedemandeavec

anxiété :«Est-cemaintenant?Est-cemaintenant?»Toutens'installantdans la tribune,ona lesyeuxfixéssurlepointoùdoitapparaîtrelecortège.Unefemmeestprèsd'accoucher,letermenormalpasse,etriennemontrequel'enfantvavenir.Quandon reçoit, d'unendroit éloigné,une lettred'unepersonnechère, il est impatientantd'ouvrir la

missive,quelacollederiztientsolidementfermée.Engrandehâteonvavoiruneprocession,etl'onsedit«C'estl'heure.»Quandonaperçoitlesbâtons

blancsquelèventleshommesdelapolice,onsesentrongéd'impatiencependanttoutletempsqu'ilfautà

lavoiturepourapprocherdestribunes.Onvoudraitdescendreetycourir.Quelqu'un est là, dehors ; mais on se cache en pensant qu'il ne saura pas qu'on est à la maison.

Cependant,ilavertitdesaprésenceuneautrepersonnequisetrouvedevantvous,etlapriedel'annoncer.Quand on a longtemps attendu, avec impatience, la naissance d'un bébé, il atteint à peine son

cinquantièmeousoncentièmejour[Cesontdesjoursdefête.]quel'onvoudraitdéjàlevoirgrand.Enfileruneaiguillelorsqu'ondoitsedépêcherdecoudreetquelesoirtombe.Maismoi,quandjevois

que je vais avoir à faire une chose aussi agaçante, je me saisis d'une partie de l'ouvrage, déjàcommencée, où doit se trouver fichée une aiguille enfilée ; je laisse le soin d'en préparer une autre àquelqu'unedemescompagnes.Sansdouteparcequ'ellesehâteaussi,ellen'yparvientpasrapidement,etjeluidis:«Allons!laissezdonccelapourlemoment.»Cependant,elleal'airdepenser:«Etpourquoidoncn'arriverais-jepasàenfilercetteaiguille?»Ellenepeutabandonnerlesmorceauxd'étoffequ'elleapris;àsonimpatience,s'ajoutedel'aversionpourmoi.Onestpressédepartirpourvoirquelquechose,qu'ils'agissed'unefête,d'uneprocession,den'importe

quoi,cil'onattendlavoiturequ'uneautrepersonneapriseendisantqu'elleenavaitbesoin,d'abord,pouralleràquelqueendroit,maisqu'elle larenverraitbientôt.Quelle impatience!Unevoiturepassesur lagrand-route,et l'onse réjouitenpensantquec'est cellequ'onattend ;maiselle s'envadansuneautredirection!C'estdésolant.C'est encore plus lamentable quand, une pareille chose arrivant lorsqu'on veut aller voir quelque

spectacle,onentenddirequ'ilestfini.Ons'alarmequandledélivred'uneaccouchéetardeàvenir.Envoiture,onvachercherlespersonnesquidoiventalleravecvousvoirquelquechose,ouvisiterun

temple. Mais quand on a fait approcher le véhicule, elles ne se pressent pas d'y monter, vous fontattendre.Onenesttellementagacéquel'onsesentd'humeuràpartirenleslaissantlà.Onveutsedépêcherd'allumerlefeu.Quelabraiseestlongueàs'enflammer!Quelqu'unvousaenvoyéunepoésie;ilfautquel'oncomposebienviteun«poèmeenréplique»,et

l'onrestecependantunmomentsanspouvoirrienécrire.C'estbienimpatientant!Pour répondre à un amant, on n'a pas besoin de tant se hâter. Il est néanmoins des cas où l'on doit,

naturellement,lefaire.D'ailleurs,àplusforteraison,quandils'agitd'unecorrespondanceordinaire,soitavecunhomme,soitavecunefemme,onrisquedecommettrededésagréablesbévuessil'onpensequ'ilimporteseulementderépondrevite.Lanuit,quandonestmalàsonaise,angoissé,onattendavecimpatiencequelejourvienne.Ons'impatienteaussi,quandonamisdunoirsursesdentspendantqu'ilsèche.Àl'époqueoùl'ongardait ledeuildudéfuntSeigneur, l'Impératricedutquitter lePalais Impérial [Le

vingt-huitièmejourdusixièmemois,en995.]aumomentdelaPurificationcélébréeledernierjourdusixièmemois[LaGrandepurification.].D'aprèslesdevins,ladirectionqu'illuiauraitfalluprendrepouralleraupalaisoùsontlesbureauxdesaMaisonétaitalorsnéfaste;etnotremaîtresseserenditàl'endroitoùl'onpréparelesrepasdesnoblespersonnages,danslePalaisduConseild'État.Lesoirdesonarrivée,ilfaisaitassezchaud,etlesténèbresétaientprofondes.Onnepouvaits'empêcherdetrouverlebâtimenttrèsétroit[Sansdoutefaudrait-il,avantcettephrase,ajouterquelques

mots, et lire par exemple : « Le lendemainmatin, nous fûmes surprises par l'aspect de l'édifice on ne pouvait s'empêcher... »]. Ilétaitcouvertdetuiles,cequiluidonnaitunaspectparticulier.Onn'yvoyaitpas,commedanslaplupartdespalais, des fenêtres treillissées, mais seulement des stores, suspendus tout autour de l'édifice ; et,contrairementàcequel'onpourraitpenser,celaparaissaitmerveilleusementjoli.Touslesjours,lesdamesdescendaientdanslesjardinspoursedivertir.Dansceluiqu'ilyavaitdevant

lebâtiment,étaientplantéesdeshémérocalles,entrèsgrandnombre,quiformaientunehaieetdont lesfleurs amoncelées attiraient le regard.Onavait duplaisir à les voir dans le jardind'unpalais où toutsemblaitharmonieusementdisposé.Latouroùsetiennentlesgensquiannoncentlesheuress'élevaittoutprèsdenotrelogement;charmées

d'entendre le son de leur cloche, différent de celui à quoi elles étaient accoutumées, quelques jeunespersonnes(unpeuplusdevingt)allèrentunjourparlàencourant,etmontèrentsurcettehautetour.D'oùjemetrouvais,jelesregardaislà-haut,vêtuesdejupesd'apparatgrisclair,demanteauxchinois,

deplusieursvêtementsnondoublésdemêmecouleur,etdejupesécarlates.Onn'auraitassurémentpaspulescomparertoutàfaitàdesanges,etcependantoneûtpensé,enlesconsidérant,qu'ellesétaientpeut-êtredescenduesdescieux.Il était amusant aussi d'observer d'autres dames, toutes jeunes comme les premières,mais d'un rang

supérieur,qui,nepouvantprendrepartàleursjeux,levaientlesyeuxversellesavecenvie.Quandlesoleilfutcouché,toutescellesdesdamesquin'étaientplusdanslafleurdel'âgeprofitèrent

decequ'il faisait sombre pour semêler aux plus jeunes.Toutes allèrent voir au poste où veillent lesgardesducorps,dedroite.Sansdouteellesyjouèrent,firenttapageetrirent;ilyeutmêmedesgensquienfurent fâchésetdéclarèrent :«Voilàdeschosesque l'onnedoitpas faire.Lesdamesontmontéoùs'assoient les grands personnages, et, aux places des hauts fonctionnaires, elles ont abîmé, en lesrenversant,touslesparavents[Onnevoitguèrecommentlesdamesauraientpufairetoutceladanslepostedesgardes.Ils'agiraitenréalitédupalaisoùsiégeaitleConseild'État.]»Maislesdamesn'entinrentpascompte.Lanuit, nous couchions devant le store, car il faisait une chaleur accablante, peut-être parce que la

maisonétait trèsvieilleetcouvertede tuiles.Lavétustéde l'édificeavaituneautreconséquence :desscolopendrestombaienttoutelajournéeduplafond;nonloindupalais,ilyavaitdegrosnidsdeguêpes,etilenarrivaitdesessaims;c'étaitquelquechosed'effrayant.Chaque jour, des courtisans venaient nous voir ; ils passaient aussi la nuit à parler avec nous, et

quelqu'un, en nous entendant, récita : « Qui aurait pensé que, peut-être, dès l'automne, le terrain duConseild'Étatdeviendrait,commeill'estmaintenant,unjardindesfaubourgs[Allusionpossibleàunpoèmechinois.Latraductionestfortpeusûre,etpeut-êtreya-t-iluneerreurdansl'original.Enchangeantunedessyllabes,onaurait:«unjardindemusiqueetdedanse»,c'est-à-dire:«oùl'onsedivertirait».]?»C'étaitcharmant.Bien que l'automne fût arrivé [Nous sommes à la fin du sixième mois ou au début du septième ; mais l'année japonaise

commençaitplustardquelanôtre,etn'étaitpaspartagéedelamêmemanière.],d'aucuncôténesoufflaitunventfrais[Allusionpossibleàunepoésiejaponaise.],cequiétaitprobablementdûàladispositiondeslieux.Onentendaitpourtantlamusiquedesinsectes.L'Impératricerepartitlehuitièmejourduseptièmemois.Silesdeuxétoiles,quandoncélébralafête

de la Tisserande,me semblèrent cette fois plus rapprochées que les autres années, c'est sans doute àcausedupeud'étenduequ'avaientlebâtimentetlejardin.UnefoisTadanobu,leCapitaineetconseillerd'État[Noussommesaudernier jourdu troisièmemois.Tadanobune fut

nommé conseiller d'État que vingt-quatre jours plus tard.], vint nous voir avec le Capitaine de la garde du corpsNobukata;lesdamessortirentsurlavéranda,etcommenousparlionsdechosesetd'autres,jedemandaitoutàcoup :«Quelpoèmechinoisdirez-vous,demain?»LeConseiller réfléchituncourtmoment etréponditsansdifficulté:«Justementceluioùlepoèteévoquelequatrièmemoisdecemonde[PoèmedePoKyu-yi.La réponse deTadanobu rappelle, enmême temps que la date du lendemain, celle de lamort deMichitaka.]»,cequinouscharma au dernier point. Bien qu'il s'agit d'une chose passée, il lui en était souvenu, et sa répliquesemblaitvraimentlaplusjoliequ'onpûtimaginer.Elleétaitd'autantplus,remarquablequesilesdamesn'oublientriendepareil,iln'enestgénéralementpasainsideshommes,quiserappellentsouventmalles

poésiesmêmequ'ilsontcomposées.Ilétaitbiennaturelquelesjeunespersonnes,derrièrelestore,etNobukata,au-dehors,restassentsans

comprendrecequeTadanobuavaitvouludire.Ce même jour, le dernier du troisième mois, les nombreux courtisans qui se tenaient près de la

premièreporteouvrantsurlecouloir,auPalaisImpérial,étaientpartissansfairedebruit,lesoir,unparun;seulsdemeuraientleCapitainesous-chefdeschambellans[Tadanobu.Seiluidonneiciletitrequ'ilavaitréellementàladateindiquée.],leCapitainedelafamilleMinamoto[Nobukata.]etunchambellandusixièmerang.Ils parlaient de tout, récitaient des passages tirés des livres saints, et des poésies japonaises.À un

certainmoment,leCapitainesous-chefdeschambellans,aprèsavoirditque lanuitétait finie,etqu'ilsdevaient se retirer, semit àdéclamer le poème : «Ce qui fait la rosée, ce doit être les larmes de laséparation[Laséparationdubouvieretdelatisserande.Poème,enchinois,deSugawaraMichizane(845-903).].»LeCapitainedelafamilleMinamotorécitaitenmêmetempsquelui,etc'étaitravissant.Maisjem'exclamai:«Voilàunetisserandebienpressée[Tadanobuévoquelatisserandeau troisièmemois,alorsque la fêtedecette tisserandea lieu seulement auseptième.]!»LeCapitainesous-chefdeschambellans,fortmécontent,répliqua:«J'aiditcelaparcequej'ai ressenti, par hasard, une impressionpareille à celle qu'on éprouve en pensant à la séparation desétoilesà l'aurore. Il estdésolantdesevoirainsi raillé.Quand, sansyavoir longuement réfléchi,onaparlédechosescommecelle-làdanscePalais,onnemanquepasdeleregretter.»Cependant lepleinjour était venu, et Tadanobu ajouta : « Il n'est maintenant plus possible que le dieu de Kazuragi [OuKatsuragi.] reste ici. » Les trois gentilshommes s'en allèrent en écartant sur leur passage les herbescouvertesderosée.JecomptaisdireunmotdenotreconversationauCapitainesous-chefdeschambellansquandviendrait

la fête de la Tisserande ; mais dans l'entre-temps il devint conseiller d'État ; je songeais que je nepourraissûrementpasl'apercevoirencetteoccasion,jepensaisqu'ilmefaudraitécrireunelettre,et laluifaireporterparunhommeduservicedomestique.Tadanobuvintpourtantleseptièmejourduseptièmemois,etj'enfusravie.Jemedisaiscependant:«Comprendra-t-il,sijefaisallusionànotreentretiendecette nuit-là ? Si je lui en parle vaguement, à l'improviste, il va peut-être incliner la tête d'un airperplexe;maiss'ilnesesouvientpas,jeluirappelleraialorscequis'estpassé.»Tadanobumerépondit sans lamoindre incertitude,etenvérité je trouvaicelacharmant. Jesongeais

que, pour moi, c'était la curiosité qui m'avait fait me demander, durant des jours, quand viendraitl'occasiondeluiparler;maiscommentleConseillerd'Étatpouvait-ilavoirainsipréparésaréplique?LeCapitaine de la familleMinamoto, celui qui avait étémortifié avec lui, se trouvait là ; il ne se

rappelaitrien,etTadanobus'étonna:«Nesavez-vouspluscommentelleacritiquéceque jedisais,àl'aube,ilyaquelquetemps?»LeCapitaineréponditquevraimentill'avaitoublié.Sansquepersonnepûtsavoircequenousdisions,nousparlions,leConseillerd'Étatetmoi,ennous

servantd'expressionscomme«L'homme,c'estChôKen[LeChinoisTchangK'ien,unministrequi,souslespremiersHan,futuntempsprisonnierdesbarbares.Ilpassepouravoirétélehérosdemaintesaventuresmerveilleuses;maisonnevoitpascequesonnompouvaitsignifierpourSeietTadanobu.Lepassage,àvraidire,estfortpeuclair.DansletextedonnéparM.Kaneko,onlitqu'ilsemployaientcommelangagesecretdestermesempruntésaujeudedames.]»,quenousétionsseulsàcomprendre;ennousentendant,le Capitaine de la famille Minamoto vint tout près, et nous questionna : « Qu'est-ce donc, qu'est-cedonc?»Maisjerestaimuette;avecdépit,alors,ilpriaTadanobudeluiconfier,àlafin,lesujetdenotreconversation.Commeilsétaientamis,leConseillerlerenseigna.Pour«Ilestdevenufamilier,sansqu'onpuisseletrouverinsupportable»,nousdisions:«C'estcommesurlagrand-route[Peut-êtrecelavoulait-ildire:«Ilestaussiennuyeuxquelemouvementcontinueldesgensetdesvoituressurlagrand-route»?]».Les jours suivants, le Capitaine de la famille Minamoto, sachant que je connaissais également ce

langage,attenditavec impatienceuneoccasionoù ilpourrait l'apprendredemoi.Une fois, ilm'appelatoutexprèspourmedire:«Ya-t-iliciunjeudedames?Quemerépondriez-voussijevoulaisjouer,moiaussi?Me laisseriez-vousposer lespions?Jesuisde lamême force, àce jeu,que leCapitainesous-chef des chambellans. Ne me délaissez pas. – Si j'étais ainsi familière avec tout le monde,répliquai-je,j'auraissansdouteuneconduitedéréglée[L'originalaiciuncalemboursadame:«régler»et«casefixée»(termedujeudego).]!»QuandleCapitainedelafamilleMinamotoenparlaauConseillerd'État,celui-ciditquej'avaisfait

unecharmante réponse, et s'en réjouit fort.Lesgenscomme lui,quin'oublientpas les chosespassées,plaisentaussibeaucoup.AlorsqueTadanobuétaitpourdevenirconseillerd'État, jedéclaraiun jourdevant l'Empereur :« Il

récite trèsbien lespoèmeschinois.Hélas !quinousdiramaintenant lapoésiede«Shôparcourant lepaysdeKwaikei,ets'arrêtantdevantl'ancientombeau[Compositionenchinoisd'ÔeAsatsuna(886-957),oùilestquestionduchinoisSiaoYun (vers550A.D.), qui,parcourant la provincedeKouei-ki, auTchekiang,visita le tombeaudeKiTcha, un personnageayantvécuauVI

esiècleavantJ.-C.,etrestécélèbrepoursaloyauté.]»etlesautres?Qu'ilcontinuedonc,pendantquelque

temps,àvenirnousvoir,mêmes'ildoitattendreunpeusanomination!»L'Empereuréclataderire,etrépondit :« J'alléguerai cequevousdites là, et jene lenommeraipas !» cequinousamusaencore.CependantTadanobudevintconseillerd'État,et j'étais toutedésolée,quand,unjour, leCapitainede lafamilleMinamoto,ayantsongéqu'illevalaitbien,vintmevoirensepavanant.Je luiparlaiduCapitaineetconseillerd'État, et luiassuraiquecelui-ci récitait agréablement,d'une

façonquineressemblaitpasàcelledesautres,lepoèmechinois:«Iln'avaitpasencoreatteintletermedetrenteannées[PoèmeenchinoisdanslequelMinamotoHideakira(débutduX

esiècle)chercheàseconsoler,pardesexemplespris

dansl'histoiredelaChine,devoirsescheveuxblanchiràtrente-cinqans.].»«Pourquoi,repartitleCapitainedelafamilleMinamoto,luiserais-jeinférieur?Jemefaisfortdelesurpasser.»Nobukatasemitàdébiterlepoème;maiscommejeluidisaisquecen'étaitpasabsolumentmauvais,ils'écria:«Quellepitié!Etpourquoidoncnepourrais-jepasdéclameraussibienquelui?–Lepassagerelatifau«Termedetrenteannées»répliquai-je,Tadanobuleditavecuncharmeextrême.»LeCapitaineeutl'airfâché,ilpartitenriant.Un peu plus tard, comme Tadanobu était venu au bureau de la garde du corps, Nobukata l'appela

spécialementpourluidire:«Voilàcequem'adéclaréSeiShônagon.Apprenez-moi,s'ilvousplaît,cepassage.»LeConseiller,aprèsavoirri,leluienseigna.J'ignorais tout cela lorsqu'un jour, près dema chambre, j'entendis quelqu'un réciter un poème d'une

manièrequirappelaitétonnammentcelledeTadanobu.Surprise,jem'écriai:«Quiest-cedonc?»etleCapitainede la familleMinamoto,car c'était lui,me répondit en riant :«Je vais vous informer d'unechosemerveilleuse.Hier, leConseiller étant venupour telle ou telle affaire au bureau, je suis allé leprierdememontrercommentildéclamait;etaujourd'huimevoici.Eh!endemandantquiétaitlà,vousn'aviezpas l'air d'avoir trouvéma récitationdésagréable !» J'étais charmée qu'il eût appris cela toutexprès,etcommejel'entendaisrépéterjustementlapoésiedontnousavions,parlé,jesortispourcauseraveclui.«Jedoismonnouveautalent,m'expliqua-t-il,àlabontéduCapitaineetconseillerd'État;ilfautquejemetourneversl'endroitoùilest,etquejemeprosterne.»Souvent,alorsmêmequejemetrouvaisdansmachambre, jefaisaisdireauxvisiteursquej'étaisau

Palais ;mais après cela, quand j'entendisNobukata réciter le poème concernant le « Terme de trenteannées»,jerépondistoujoursquej'étaisprésente.Jeracontaitoutel'histoireàl'Impératrice,cequilafitrire.Unjourd'abstinenceauPalaisImpérial, leCapitainede la familleMinamotomefitporterune lettre

écritesurdupapierépaisetélégant;lemessagerétaitunsous-lieutenantappartenantàlagardeducorps,dedroite,appeléMitsu…(Jenesaispluscommentseterminaitsonnom.)Je lus :«J'avais l'intentiond'allervousvoir ;maiscommec'est aujourd'hui jourd'abstinence, jene

puis le faire.Et lepassage :« Iln'avaitpasencoreatteint le termede trenteannées!»Qu'en pensez-vous?»Enréponse,j'écrivisetluienvoyaiceci:«Vousavez,jecrois,dépassécetermevousdevezmêmeêtre

arrivéàl'âgequ'avaitShuBai-shin[Tchoufilai-tch'en,unChinoisquiàlafindesaviefutgouverneurdeprovince(IIesiècleavantnotreère).Alorsqu'ilétaitdéjàvieux,safemme,honteusedesapauvreté,voulaitlequitter.]quandilinstruisaitsafemmeainsique l'on raconte ! » Cette fois encore, le CapitaineNobukata ressentit de l'humeur ; il répéta, jusquedevantl'Empereur,cequejeluiavaisécrit,etSaMajesté,faisantvisiteàl'Impératrice,luiditenriant:«CommentSeiShônagonpouvait-elle savoirunepareille chose?Nobukata soutientqueShu liai-shinavaitquarante-neufanslorsqu'il réprimandaitsafemme.Ilseplaintd'avoirétécruellementraillé.»Jepensai,enapprenantcela,queNobukatadevaitavoirperdul'esprit[IlfallaitqueNobukataeûtperdul'espritpourallerraconterpartoutqueSeil'avaitraillé.].On appelait « Princesse du Palais de la beauté éminente » l'Epouse Impériale, fille du Premier

ministre,présidentduConseild'ÉtatquirésidaitauPalaisdelatranquillité[FujiwaraKinsue.].LeCapitainedelafamilleMinamotoaimaitetfréquentaitunedesfemmesquiservaientcetteprincesse,ladameSakyô,filled'unepersonnenomméeUchifushi.Lesdamesparlaientbeaucoupdeleursrelations,etenfaisaientdes gorges chaudes.Or, à cette époque [Au deuxième mois de 998.], le Capitaine vint au palais où sont lesbureauxdelaMaisondel'Impératrice,etoùSaMajestédemeuraitalors.«Detempsentemps,j'auraisdûêtredegardeicipendantlanuit,nousdit-il;maislesdamesn'ontpas

agiconvenablementenversmoi,etj'aiquelquepeunégligéleserviceduPalais.Siseulementonm'avaitmisaupostedegarde,j'auraisfaitmondevoiraveclaplusgrandefidélité.»Lesdamesrépondirentquec'étaitvrai;maisj'intervinspourrépliquer:«Envérité,onaimebienavoiruneplaceoùl'onpuissesecoucher et se reposer [Ici, jeu de mots sur le nom d'Uchifushi.]. Dans un endroit de cette sorte, vous allezfréquemment,maisici…»Trèsgravement,leCapitainemeréponditavecdépit:«Jenevousdiraiplusriendutout.Jemeconfiaisàvouscommeàuneamie,etvousparlezlàcommes'ilétaitquestiond'unechoseconnue,que lesgenssoient lasderépéter.–Voilà, repartis-je, qui est surprenant.Qu'ai-je doncdonnéàentendre?Iln'yavait,dansmesparoles,absolumentrienquipûtvousfairedresserlesoreilles.»Commejetiraisetsecouaisdoucementladamequiétaitàcôtédemoielles'écria,enriantauxéclats:«Assurément,vousavezdebonnesraisonspourvousmettreencolère,alorsquerien,danssaremarque,nedevraitvousfâcher!–Celaencore,s'exclamaleCapitaine,c'estSeiShônagonquivousl'afaitdire!»Il semblait furieux. « J'évite soigneusement tout propos qui risque de blesser quelqu'un, repris-je ; et,même, je déteste entendre les gens parler ainsi. » Là-dessus, les dames rentrèrent.Mais plus tard, leCapitainedelafamilleMinamotomeditencoreavecaversion:«Vousavezracontédeschosesquim'ontremplidehonte,alorsqu'ils'agissaitd'unbruitquelescourtisansavaientrépandupourfairerirelesgens.–Encecas, répondis-je, ilmesemblequecen'estpasàmoiseulequevousdevriezenvouloir.C'estétrange!»Àlasuitedecesévénements,leCapitainecessatoutesrelationsavecladameSakyô.

82.Chosesquineserventplusàrien,niaisquirappellentlepassé

Unenatteàfleurs,vieille,etdontlesbordsuséssontenlambeaux.Unparaventdontlepapier,ornéd'unepeinturechinoise,estabîmé.Unpindesséché,auquels'accrochelaglycine.Unejuped'apparatblanche,dontlesdessinsimprimés,bleufoncé,ontchangédecouleur.Unpeintre[Ou:«Ungarde».]dontlavues'obscurcit.Lerideauuséd'unécran.Unstoreàtêtedontlebordsupérieurn'estplusrecouvert.Defauxcheveux,longsdeseptpieds,quirougissent.Untissucouleurdevigne,teintàlacendre[Onemployaitlacendrepourfixerlacouleur.],dontlacouleurs'altère.Unhommequifutautrefoislehérosélégantdenombreusesaventuresamoureuses,maintenantvieuxet

décrépit.Danslejardind'unejoliemaison,unincendieabrûlélesarbres.L'étangavaitd'abordgardésonaspect

primitif;maisilaétéenvahiparleslentillesd'eau,lesherbesaquatiques.

83.ChosesauxquellesonnepeutguèresefierUnhomme,viterassasié,quioubliefacilementsesamours.Ungendrequipassesouventlanuitdehors.Unchambellandusixièmerangquialatêteblanche.Unhommequimentd'habitude,etquipourtantal'airdevouloirveilleraveczèlesurlesaffairesd'un

autre,secharged'unechoseimportante.Onagagnélapremièrepartieaujeudetrictrac.Unepersonnedesoixante,soixante-dixouquatre-vingtsansestmalade,etlesjourspassent.Unbateaudontlavoileesthissée,quandleventsouffle.Parmilessermons,leSermonininterrompu[PourquoiSeinomme-t-elle ici leSermon ininterrompu?M.Kaneko le place

dansunchapitrespécial.]mecharme.

84.Chosesquisontéloignées,bienqueprochesLesfêtesdanslesenvironsduPalais[Sansdoutes'agit-ilenréalitédesfêtescélébréesaupalais,etenmêmetempsdansdes

templeséloignésdelacapitale.].Lesrelationsentredesfrèresetsœurs,oudesparents,quines'aimentpas.LecheminquiserpentedanslamontagnedeKurama.L'intervalleentreledernierjourdudouzièmemoisetlepremierjourdel'an.

85.Chosesquisontproches,bienqu'éloignéesLeParadis[Allusionàdiverstextesbouddhiques(comp.unepoésiedubonzeSengyô).Quandonestpieux,onatteintbientôtleparadis,

siéloignéqu'ilsoit.].Larouted'unbateau[Sanss'éloignerdelacôte,lebateaupeutparcourirunelonguedistance.].Lesrelationsentreunhommeetunefemme.

86.Puits[Danscechapitre,Seiénumèrenonseulementdevéritablespuits,maisaussidesbassinsformésenbarrantlecoursd'untorrentoud'une

rivière.]LepuitsdeHorikane.Parmilespuitsdontl'eaujaillit,celuiquiestdanslaMontéedesrencontresmecharme.Lepuitsdanslamontagne;onlecitecommeexemple,quandonparledechosespeuprofondes[Poésiedu

Man.yôshû.],etjemedemandequelleestl'originedecettehabitude.Lepuitsd'Asuka.Ilestamusantqu'onl'aitlouéendisant«L'eauyestfraîcheaussi[Chansonpopulaire.].»Le puits de Tama. Le puits dont le nom rappelle un lieutenant de la garde du corps. Le puits des

cerisiers.LepuitsdeKisakimachi[«duquartierdel'impératrice»,aupalaisdeKyôto«duquartierdel'impératrice»,aupalaisdeKyôto.].LepuitsdeChinuki.

87.GouverneursdeprovinceLegouverneurdeK'ii.Celuid'Izumi.

88.Vice-,gouverneursquioccupentdespostesprovisoiresLevice-gouverneurdeShimotsuke.CeluideKai.Celuid'Echico.CeluideChikugo.Celuid'Awa.

89.FonctionnairesducinquièmerangPour les fonctionnaires duMinistère du Protocole, pour les officiers appartenant à la gauche de la

gardeduPalais,pourlesarchivistes,lecinquièmerangestunechoseenviable.Maisleschambellansdusixièmerangnedoiventpaslepriserautant.L'homme qui a reçu la coiffure de noblesse, et qui porte maintenant le titre de fonctionnaire du

cinquièmerangdansuntelservice,oudevice-gouverneurd'unetelleprovince,possèdeunepetitemaisonautoitdeplanches,qu'onaentouréed'uneclôtureneuve,faitedemincesplanchettesdethuyaentrelacées.Àcôté,setrouveuneremisepourlesvoitures;commedenombreuxarbressedressenttoutprès,devantlamaison,onyfaitattacher lesbœufs,etc'est làqu'on leurdonneàmangerde l'herbeouautrechose.C'estdétestable.Où réside le fonctionnaire, le jardin est très bien entretenu, la maison a des stores d'Iyo, faits de

roseauxetsuspendus,àlafile,àdeslanièresdecuirviolet;onyvoitdesportesdetreillistapisséesdetoile.Lesoir,cethommeordonnedefermersolidementlagrandeporte.Sapositionestsansaucunavenir,ettoutàfaitdéplaisante.Cequiconviendraitàunfonctionnairecommecelui-là,ceseraitd'habitertoutnaturellementlamaison

desesparents,oubien,ilvasansdire,celledesonbeau-père,pourvuqu'iln'ydemeurenionclenifrèreaîné ; lamaison dans laquelle semble manquer la personne qui devrait y vivre ; ou encore le logis,devenu inutile,d'unpréfetavecquice fonctionnaireétaitdansdebons termes,etquiestpartipour saprovince.Si le fonctionnaire n'a pas ces ressources, comme les maisons appartenant aux princes, enfants de

l'ImpératricedouairièreoudesPrincessesImpériales,sontnombreuses,ilserabienheureux,aprèsavoirobtenul'emploiqu'ilattendait,detrouverunjouroul'autreunendroitconvenablepourseloger.Quandunefemmehabiteseule,j'aimequelamaisonsoitpartoutendésordre,etlemurdeterreécroulé.

S'ilyaunétang,jesuisraviequ'ilycroissequantitéd'herbesaquatiques.Sansquelesarmoisesfines[Ou:«Sansquelesarmoisespoussentenénormeabondance».]poussentenabondancedanslejardin,ilfautquel'onpuisseapercevoirçàet làdesherbesvertes sortantdusable.L'aspectdésolédu lieumecharme lecœur.Aucontraire,jeressensunepénibleimpressionquandjevoistropclairementcommentons'estingéniépourtoutréparerdefaçonquecelaplûtauxyeux,etcommentlagrandeporteestsolidementfermée.Il est agréable, pourunedameen service auPalais, d'avoir sonpère et samère, chezqui elle peut

demeurerlorsqu'elleestàlacampagne.Quandonlogedansunemaisonétrangère,oùlesgensentrentetsortentenfoule,où,deschambresdu

fond,vousarrivelebruitproduitpartoutessortesdevoix,oùlepasdeschevauxfaittapage,onsesenttristemalgrétoutcetumulte.Cependant,quelqu'unvientparfoisvousvoirunmoment,àlagrandeporte,soitensecret,soitouvertement.«Naturellement,vousdit levisiteur,nesachantpasquevousaviezquitté laCour, j'aiomispendant

quelquetempsdevenir»;oubienilveutapprendrequandonretourneraauPalais.Sic'estceluiqu'onaime,onsedit:«Commentpourrais-jelelaisserdehors?»Onluiouvrelaporte;maislemaîtredelamaisonsemblepenserqu'onfaittropdebruit,etqu'ilestdangereuxdelaisserlaporteouvertejusqu'aumilieudelanuit.C'estdétestable.«A-t-onfermélagrandeporte?»demande-t-ill'instantd'après;etleportierrépondd'unairennuyé:

«Non, il y a encorequelqu'undans lamaison. –Dès que cet homme sera sorti, fermez tout de suite,ordonnealorslemaître;ilyaeubeaucoupdevolsparicicesjoursderniers.»C'esttrèscontrariant,etl'amiquiestauprèsdevousécouteaussi.Lesserviteursquiontaccompagnéceseigneurdoiventrireenvoyant les gens de lamaison qui sont aux aguets, regardant sans cesse, furtivement, pour savoir si levisiteurestmaintenantparti.Quellesévèreréprimandelemaîtrevousferas'ilaentenducesserviteursimitersavoix!Ilestpossiblequelesvisiteursnemontrentpasclairementcequ'ilspensent,etneledisentpoint;mais

des gens qui ne vous aimeraient pas viendraient-ils ainsi vous voir, chaque nuit, sans y manquer ?Pourtant,parmieux,ilenest,aucœurdur,quis'envontendéclarant:«Lanuitestavancée,peut-êtreest-ildangereuxqu'onlaisseouvertelagrandeporte.»Envérité,siceluiquiestvenuadel'affectionpourvous, on a beau le congédier et lui répéter qu'il doit s'en aller bien vite, il laisse la nuit s'écouler.Cependant,leportierpasseetrepasse,faisantsesrondes;ilparaîttoutétonnéquandilvoitquelejourvapoindre, et il grommelle, assezhautpourqu'on l'entende :«Quelle imprudence !Cette porte, qu'ilfaudrait tenircloseavecunsoinextrême,estrestéegrandeouvertetoutelanuit!» Il ferme laporte,àl'aube,alorsquec'estinutile.Commetoutcelaparaîtdéplaisant!Pourlesdamesquisontchezleursparents,ilenvabeaucoupmieux.Maiss'ils'agitdebeaux-parents

[C'est-à-dire:«Silepèreestremarié,oulamère».],c'estencorepisquechezdesétrangers,caronsedemandesanscessecequ'ilsvontpenser.Lamaisond'unfrèreaîné,d'aprèscequej'aientendudire,auraitdanslefait

lesmêmesinconvénients.C'estbienagréablequand lagrandeporten'est jamaissurveilléeavec tantdeprudence,pasplusau

milieudelanuitqu'àl'aurore;onpeutsortiràlarencontredeceluiquivientvousvoir,quelqueprinceouquelque seigneur en service au Palais Impérial. On passe la nuit d'hiver en conversations. On laisserelevéeslesfenêtresdetreillis,etaprèsledépartdugentilhomme,onleregardeauloinquis'enva.C'estencorepluscharmantquandilpartaumatin,àl'heureoùlalunepâlieestencorevisible.Aprèsquelevisiteurs'estéloignéenjouantdelaflûte,jenepuisdormirtoutdesuite;j'aimeàm'assoupirpeuàpeu,enparlantdeluiavecmescompagnes,endisantetenécoutantdespoèmes.C'estravissantquandlaneige,sansêtrehaute,couvrelaterreainsiqu'unlégerduvet.C'estcharmant

aussi lorsqu'elle s'est amassée pour former un épaismanteau ; dès le coucher du soleil deux ou troisamies s'assoient autour d'un brasier sur la véranda, près du bord. Pendant qu'elles bavardent, la nuittombe ;mais elles n'allument pas de lampe dans la chambre, tout illuminée par la blanche lueur querenvoielaneige.Elless'amusentàraclerlescendresdubrasieraveclesbaguettesdemétal,ets'entretiennentdemille

choses,émouvantesoudrôles.C'estdélicieux.Aumomentoù lesdamessongentque lapremièrepartiede lanuitdoit êtreachevée, toutprèselles

entendent un bruit de pas. Elles s'étonnent et regardent qui vient. C'est un homme que l'on peut voirarriver,detempsàautre,endepareillesoccasions,alorsqu'onn'attendpassavisite.«Jemedemandais,dit-il, si vous admiriez cette neige, aujourd'hui ;mais retenu par ceci, par cela, je suis resté toute lajournéeàtelendroit.»Etlesdames,sansdoute,luirécitentdespoésiescommecellede«l'hommequiviendraitaujourd'hui[PoésiedeTairaKanemori(milieuduXe

siècle).]».Ellesrient,ellesparlentavecluidetouteschoses,encommençantparlesévénementsdelajournée.Lesdamesontsortiuncoussinrond;mais levisiteur,sansleprendre,s'assiedauborddelavéranda,enlaissantpendreunejambe.La causerie se prolonge jusqu'à l'heure où l'on entend nommer les cloches de l'aurore, et il semble

encoreauxdamesquisontderrièrelestore,commeauseigneurquiestdehors,quelanuitn'apasassezduré.Avantqu'ilfassejourlecourtisan,sedisposantàpartir,récitelepassageoùilestquestionde laneigequicouvrejenesaisquellemontagne[PoèmechinoisrecueillidansleWakanrôeishû.].C'estcharmant.S'iln'yavaiteulàquedesfemmes,ellesn'auraientpudemeurerainsiunenuitentière.Aujourd'huilesdamesontprisàbavarderplusdeplaisirqu'ellesn'entrouventd'ordinaire;aprèsquelevisiteurlesaquittées,entreamiesellesparlentdesesfaçonsélégantes.Autempsdel'empereurMurakami,unjouroùlaneigeformaitunecoucheépaisse,l'Empereurordonna

d'enremplirunplateaufaitdeboisdesaule.Onyfichaunrameaufleurideprunier,etcommelaluneétaittrèsbrillante,lesouverainditàladameHyôe,unedame-chambellan:«Composezdoncàceproposunepoésie;qu'allez-vouspouvoirdébiter?»Ladamerépondit:«C'estletempsdelaneige,delaluneetdes fleurs [Poème de Po Kyu-yi.] », et l'Empereur en fut extrêmement charmé. « Si elle avait, déclara-t-il,composé un poème, c'eût été fort ordinaire. Mais trouver quelque chose qui convînt aussi bien auxcirconstances!Voilàquiétaitdifficile!»Uneautrefois,alorsquecettemêmefemmel'accompagnait,l'Empereurs'arrêtadansunesalledeson

palais, àunmomentoùpersonnene s'y trouvait, et commede la fumée s'élevait dubrasier, il dit à ladame:«Quelleestcettefumée?Allezdoncvoir!»Aprèsavoirjetéuncoupd'œil,ellerevintetrécitacejolipoème:«Commejeregardaiscequi

…Ramaitenpleinemer,…Brûlaitsurlabraise,Dansl'Océan,C'était…unpêcheurquirevenait…unegrenouille.»Aprèslapêche.»Unegrenouille,eneffet,avaitsautédanslebrasier,ets'yconsumait.Unjour,ladameMiarenoSenshihabilladejoliespoupées,hautesd'environcinqpouces,qu'ellefità

la ressemblance des pages du Palais. Elle leur lia les cheveux des deux côtés de la tête, les vêtitsplendidementd'unhabitdecour,etaprèsavoirécritlenomdechacunedecespoupées,ellelesprésenterespectueusementàl'Impératrice,quiaimabeaucoup,surtout,cellequeladameavaitappeléeTomo-akiranoÔkimi.Quandjecommençaid'alleraupalaisdel'Impératrice[Probablementaupremiermoisde990.],tantdechosesme

remplissaientdeconfusionquejen'ensavaispluslenombre;etj'étaistoujoursprèsdepleurer,Aussin'yallais-jequelesoir,touslesjours.Jemetenaisderrièreleparaventdetroispieds,auprèsdeSaMajesté,quiprenaitdespeinturesetdaignaitme lesmontrer.Maismalgré toutesabienveillance, jen'osaispasmêmeavancer lamainpourprendreces feuillesdepapier,monembarrasétait extrême.«Cette imagereprésentececi,medisaitmamaîtresse;celle-làestd'unetellemanière»,etainsidesuite.Cependant,comme on avait apporté, puis mis sur un plateau à pied, la lampe de la chambre, on pouvait,contrairementàcequel'onauraitcru,voirtoutplusdistinctementqu'enpleinjour:ondistinguaitmêmechaque cheveu. J'étais toute honteuse ; pourtant je me dominais, et je considérais les peintures quel'Impératricemefaisaitadmirer.Lasaisonétaittrèsfroide,etlorsqu'ellemetendaitcesimages,jevoyaisàpeinesesmains;maiselles

étaientd'unesijolienuancerosequejelestrouvaisinfinimentbelles.Jelaregardaisdetousmesyeux,medemandant avecétonnement,moiqui arrivaisdemaprovince, commentune tellepersonnepouvaitexisterencemonde.À l'aurore, quand jemepréparais, impatiente, à partir bien vite, l'Impératrice disait : «Le dieu de

Katsuragi lui-même,pourrait rester encoreun instant.»Et jeme rasseyais sur le sol, obliquement parrapportàSaMajesté,defaçonàéchapperlepluspossibleàsesregards.Jen'ouvraispasseulementlafenêtredetreillis.Unefois,venantprèsdenous,unedamedéclaraqu'ilfallaitouvrircettefenêtre;maiscomme une servante, ayant entendu, allait le faire, notremaîtresse lui ordonna d'attendre, et les deuxfemmesseretirèrentenriant.L'Impératricem'interrogeaitsurdiverseschoses,etdisaitenfin:«Voilàlongtempsquevousêtesici,et

vousdevezavoirenvied'aller àvotrechambre.Partezdoncvite !»Puiselleajoutait :« Revenez debonneheurecesoir!»Il était tard quand je me traînais hors de la présence de Sa Majesté ; partout les fenêtres étaient

ouvertes,etl'onvoyaitlaneigequicouvraitlejardin,ravissante.Plusieursfois,l'Impératricem'écrivitdevenirauprèsd'ellependantlejour,enajoutantquelesnuages

chargésdeneigeobscurcissaienttellementlecielquepersonnenemeverrait.Commejen'osaispasobéiraux ordres répétés de mamaîtresse, la dame qui gouvernait notre chambre s'exclama : « Allez-voustoujoursresterainsienfermée?SiSaMajestévousfaitl'insignefaveurdevousadmettreensaprésence,elledoitavoirsesraisons.Cellequineserendpasauxdésirsdesaprotectriceestvraimentdétestable.»

Ellemefitpartiràlahâte;jeperdaislatête,etj'arrivai,désolée,prèsdel'Impératrice.J'étaisémerveilléeencontemplantlaneigeaccumuléesurlescabanesdesveilleursdenuit[Lesgardesqui

veillentsurlesfeuxallumésdanslesjardins.],sijolie.DanslasalleoùsetenaitSaMajesté,jeviscommeàl'ordinairelebrasiercarré;ilétaittoutpleinde

charbons ardents ;mais personne, à dessein, ne s'était assis à côté.L'Impératrice avait devant elle unbrasier rond, faitduboisodorantqueproduit lepaysde Jin [Chen (jap. Jin) est le nom d'une ancienne principautéchinoise.],laqué,semédepointsd'or.Desdamesd'unhautrangl'entouraientets'empressaientàlaservir.Dans la pièce suivante, se trouvaient d'autres dames assises auprès d'un long brasier rectangulaire, sinombreuses qu'aucun espace ne restait libre entre elles, toutes vêtues demanteaux chinois, dont ellesavaientrejetélecolletsurleursépaules.Jelesenviaisenadmirantcommeellesagissaientàleuraise.Elles passaient des lettres à l'Impératrice ; elles se levaient, s'asseyaient sans lamoindre gêne ; ellesparlaientetriaient.Jemedemandaisquanddoncjepourraisavoircettedésinvoltureetmemêleràelles;etjemesentaisrempliedeconfusionàcetteseulepensée.Ilyavaitencore,plusprèsdu fondde la salle, troisouquatredamesquiexaminaientensembledes

peintures.Aprèsunmoment,onentenditlesvoixbruyantesd'avant-coureursquifaisaientécarterlesgens.«C'est,

ditquelqu'un,leSeigneurmairedupalais [Michitaka.]quiarrive»,etchacunepritcequi luiappartenait,parmitouslesobjetsdispersés.Jemeretiraidanslefonddelapièce,j'avaiscependantgrandeenviedevoirunpersonnagequidevaitêtresibeau,etjeregardaifurtivementdanslasalleparunefentedel'écran.Enréalité,c'étaitleSeigneurpremiersous-secrétaired'État[Korechika.]quivenaitd'entrer.Lablancheurdelaneige faisait ressortir splendidement le violet-pourprede sonmanteaude cour et de sonpantalon àlacets.Ilpritplaceprèsd'unpilier,puisdéclara:«Hieretaujourd'hui,j'auraisdûresterenfermépourfaire abstinence ; mais il tombait tant de neige que j'étais inquiet à votre sujet…— Je pensais, luiréponditl'Impératrice,qu'iln'yavaitplusdechemin[AllusionàlapoésiedeKanemorimentionnéeplushaut.],etjemedemandaiscommentvouspourriezbienvenir.»LeSous-secrétaired'Étatsemitàrire,etrépliqua:«Jesuisaccouruensongeantque,peut-être,vousmetrouveriezadmirable[AllusionàlapoésiedeKanemorimentionnéeplushaut.]!»Quellechosepourraitêtreplusjoliequelamanièredontilsparlaient?Ilmesemblaitquelascènene

devaitpasêtredifférentedecellesquel'onracontedanslesromansavecforcehyperboles.L’ImpératriceportaitunvêtementblancsousunautrededamasdeChine,égalementblanc,et recouvert lui-même dedeuxmanteauxdedamasdeChineécarlate,surlesquelsretombaientsescheveux.Jeregardais,enpensantquel'onvoyaitdepareilleschosesdanslespeintures;maisjenelesconnaissaispasencoreenréalité,jecroyaisrêver.LePremiersous-secrétairecausaitetplaisantaitaveclesdames;ellesluirépondaientsansêtregênées

le moins du monde, et, lorsqu'il lui arrivait de dire quelque chose de faux, elles le démentaient etdiscutaientaveclui.J'étaisétonnéejusqu'àlastupéfactiondevantunspectaclesiétrange,etjemesentaisrougirsansraison.Le Premier sous-secrétaire prit quelques fruits, et en offrit à l'Impératrice. Il dut demander qui se

trouvaitderrièrel'écran,etunedameluiréponditsansdoutequec'étaitmoi.Ilseleva;jepensaisqu'ilallaitpeut-êtresortir,quandilvints'asseoirtoutprèsdel'écran,etm'adressalaparole.Ilmeparladechosesqu'il se rappelait avoir entendudiredemoi, au tempsoù jenevivaispas encore à laCour. Ilvoulaitsavoirsiceschosess'étaientpasséesvraimentcommeonleluiavaitraconté.J'avaisétéconfusealorsque,lerideaunousséparant,jeleconsidéraisseulementdeloin;maisencetinstant,pendantquenousconversionstouslesdeuxfaceàface,jemesentaisstupide,etilnemesemblaitpasquetoutcequejevoyaisetentendaispûtêtreréel.

AvantquejevinsseàlaCour,ilm'étaitarrivéd'alleradmirerlecortègedel'Empereurlorsqu'ilsortaitdesonPalais;endetellesoccasions,lePremiersous-secrétaireavaitparfoisjetélesyeux,unmoment,surmavoiture;maisj'avaisalorsajustélesrideauxintérieurs,etdecraintequ'ilnepûtm'apercevoirautravers,j'avaiscachémonvisagederrièremonéventail.Jenepouvaisplusmedérobersiaisément,etjeme demandais comment j'étais entrée dans une carrière pour laquelle mon cœur semblait si peu fait.J'étais trempéedesueur,horsdemoi.Qu'aurais-jepu répondreau frèredemamaîtresse ? Il se saisitmêmedel'éventailquejetenaislevé,prudemment,devantmoi.Jepensaiàlalaideurdemescheveux,quidevaient être répandus en désordre, et j'apparus sans doute véritablement aussi affreuse que je leredoutais.J'espérais que le Sous-secrétaire s'en irait bientôt ;mais il jouaitmachinalement avecmonéventail,ilmequestionnait,souhaitantd'apprendrequienavaitpeintlesornements,etilnesehâtaitpointdepartir.Pendantcetemps,jedemeuraisimmobile,latêtebaissée;jegardaismamanchepresséecontremonvisage,detellesorteque,mapoudreblanches'attachantàmonmanteauchinois,jedevaisavoirlafiguretachetée.L'Impératricecompritprobablementque j'étais,pour sûr,désoléedevoir lePremier sous-secrétaire

resteraussilongtempsprèsdemoi.«Regardezceci,luidit-elle,enluimontrantunbillet;quil'aécrit?»Jemeréjouissais,espérantqu'ilallaitmelaisser;maisilrépondit:«Donnez-moicepapier,jeverrai.»Commemamaîtresselepriaitdevenirauprèsd'elle,ilrépliqua:«QuandShônagontientquelqu'un,ilnes'envapas.»Laplaisanterieétaittoutàfaitdanslegoûtmoderne,maiselleneconvenaitniànosrangsniànosâges

respectifs ; j'étais fortmal àmon aise.Cependant, l'Impératrice avait pris un cahier écrit par quelquedameencaractèrescursifs,etleregardait.«Dequipeutêtrecetteécriture?demandaleSous-secrétaire;montrezdoncàcettedame[ASei.]:jepensequ'elleconnaîtcelledetoutlemonde.»Ilparlaitainsi,auhasard,simplementpourmefairerépondre.Alorsquejemetrouvaissiembarrasséeenprésenced'unseulseigneur,unautrearriva,précédépar

des coureurs, et vêtu, comme Korechika, d'un manteau de cour. Le deuxième gentilhomme paraissaitencore un peu plus splendide que le Sous-secrétaire d'État ; il disait des plaisanteries que les dameslouaient,etdontelless'amusaientenriant.«Etmoiaussi, s'écriaient-elles, j'aivucettepersonnefairececioucela...»Enlesentendantparlerainsidescourtisans,jepensaisqu'ildevaits'agirdefantômesoud'angesdescendussurlaterre;etpourtant,plustard,lorsquejefusaccoutuméeauserviceduPalaisetquelesjourseurentpassé,jemesuisditqu'iln'yavaitpaslàdequoitants'étonner.Sansdoutelesdamesellesmêmesquejevoyaissipeugênéesavaient-ellesressentilamêmeimpressionquemoi,quandellesétaientarrivéesauPalais,aprèsavoirquittépourlapremièrefoislamaisondeleursparents,etpourtant,enfaisantleurservice,ellesavaientdûpeuàpeus'yhabituertoutnaturellement.L'Impératricem'adressaquelquesmotsetmedemandasijel'aimaisvraiment.Jem'empressaisdelui

répondre«Commentpourrais-jenepasvousaimer?»quand, justement,quelqu'unéternuatrèsfortducôtédel'office.«Ah!quelletristechose!s'écriaSaMajesté;c'estquevousmetrompiez[L'éternuementpassaitpourunsignedemensonge.C'étaitaussiunfunesteprésage.]Bien…Bien…»puiselleentradanslasalledufond.Commentaurais-jepumentir?Aurais-je,seulement,jamaispuetdirequejel'aimaispassablement?Jesongeaisquelementeur,c'étaitlenezdontonavaitentendulebruit.Quidoncavaitfaitunechoseaussidésagréable?Généralement,celamedéplaît;quandj'aimoi-mêmeenvied'éternuer,jemeretiens,et jerefoulemonsouffledetoutesmesforces.Maisenunpareilmoment,àplusforteraison,celamesemblaitdétestable ; pourtant, comme j'étais encore inexpérimentée, je ne sus rien dire pour me disculper.Cependant le jour était venu, et je me retirai dans notre chambre. Je venais d'y arriver, quand onm'apportaunelettreélégammentécritesurdupapierfin,vertclair.J'yluscesmots:«Voicilapenséedel'Impératrice:

«Commentdonc,CommentauraisjepuDistinguerlevraidufaux,S'iln'yavaitaucielledieuTadasu,Quireconnaîtlafaussetédissimulée[Tadasu,del'original,estun«motconnexe»;ilfautd'abordl'entendrecommeunnom

propre,celuidu«dieudel'enquête»,etluidonnerensuitelesensd'«examiner,reconnaître,distinguer».]?»Àlafoischarmée,désolée,j'étaishorsdemoi,etj'auraisvouluretrouverlapersonnequiavaitéternué

lanuitprécédente.Jedisàlamessagère:«Simonamourpourl'Impératriceétaitpeuprofond,Lachosen'auraitrienàvoiràcetéternuement;MaisilestdésolantquejeconnaisseUnsortmisérableÀcaused'unnezquifaitdubruit.»«VeuillezrépéterseulementcelaàSaMajesté,pluscorrectementquejenevousledis.Ilfauttoujours

craindrelamalédictiondudieudeShiki[Lesmagiciensl'invoquaientquandilsvoulaientjeterquelquemauvaissort.].»Même après avoir envoyé cette réponse, je me demandais encore, avec surprise, comment cet

éternuementavaitpuseproduirejusteàl'instantqu'ildevaitêtreleplusinopportun.

90.GensquiontunairdesuffisanceCeluiquiéternuelepremier,lematindujourdel'an[Onsouhaitait longuevieaceluiquiéternuait;maispourquoi Sei

parle-t-elledujourdel'an?].Lamine de l'homme qui a fait parvenir au poste envié l'enfant qu'il chérit, alors que de nombreux

chambellansétaientenconcurrence.Celuiquiobtientlemeilleurpostedel'année,quandsontnomméslesgouverneursdeprovince,montre

unvisagetriomphant,encorequ'ilréponde:«Quoidonc!C'estpourmoiuneétrangedisgrâce!»auxgens qui le félicitent et lui disent : « Vous avez été d'une habileté remarquable, et vous voilà unpersonnage.»Etaussiceluiqu'unseigneurachoisipourgendre,parmidenombreuxrivaux,doitsedire:«Moi…»L'exorcistequiachasséundémonopiniâtre.Aujeudelarimecachée[Il fallaitdevinerdansunpoèmechinois lecaractère sur lequelundes joueurs avait ledoigt.]celui

qui,toutdesuite,devinequelestlecaractèreetlefaitdécouvrir.Lorsduconcoursde tiraupetitarc,dans l'undescampsunhomme tousse, ilestdistrait, il s'agite ;

mais ildomineson impatience,et sa flècheparten ronflantbruyamment.S'ilatteint lebut,quelairdetriomphe!Aujeudedames,unjoueurcupideneprendpasgardequelapositiondespions,dansunendroitdu

damier,luiassuredéjàl'avantage,etilvabrouillerlejeuailleurs.Cependant,c'estdel'autrecôté,quandilneresteplusunecase,qu'ilprendàsonadversairebonnombredepionsetlesramasse.N'est-cepassplendide?Ilsouritd'unairfanfaron,ilestplusfierdesongainqued'unevictoireordinaire.Celui qui devient gouverneur de province après avoir longtemps attendu semble radieux. Autrefois

vassaldepeud'importance, ilpensait,quandons'oubliait jusqu'àle traiteravecimpolitesseetdédain,quec'étaitfâcheux;maisilsongeaitaussiqu'iln'ypouvaitrienet,prenantpatience,illaissaitlesjours

s'écouler.Pourtant,maintenant,quandonvoitlesgensquiétaientsessupérieursluitémoignerdurespectetleflatterenluidisant:«Jevousobéiraientout»,onsedemandes'ilaéténaguèrecevassal.Voiciqu'iladesfemmesàsonservice;dujouraulendemain,ilpossèdedesmeublesetseparedesomptueuxhabitsqu'onneluiconnaissaitpas.Etlorsquecethommequiaétéfaitgouverneurdeprovincedevientcapitainedelagardeducorps!Il

est altier, il a l'air triomphant, il semble extraordinairement ravi, plusmêmequene le serait un jeunehomme,nobledenaissance,nomméàcegrade.Unehautefonctionestbienencorecequ'ilyadeplussuperbe.Quoiqu'uncertainhommefûtautrefois

lemêmequ'aujourd'hui,onledédaignait,sanssegêner,alorsqu'ilétaitnobleducinquièmerangouqu'iloccupait le poste de gentilhomme de la chambre ;mais quand il est devenu deuxième sous secrétaired'État, ou premier sous-secrétaire, ou ministre, on ne peut s'empêcher d'être absolument pénétré derespectdevant lui.Ah ! rien ne saurait vous faire ressentir une plus forte impression !Étant donné laplace qu'il possède, un préfet doit paraître aussi bien imposant. Quand, après avoir administrésuccessivementdenombreusesprovinces,ilestnomméparexemplesous-gouverneurdeKyûshû,quandilatteint le quatrième rang, et qu'il peut aller de pair avec les hauts dignitaires, c'est un personnageconsidérable.Cependantaprès tout,commecethommeestalorsvieux,celavaut-ilquelquechose?Etpuis,y a-t-il beaucoupdegensquiparviennent à ceshonneurs ?Les femmesd'uneconditionmoyennesemblent estimer que c'est un bonheur, pour l'une d'elles, de s'éloigner de la capitale, mariée à ungouverneur de province. Il est superbe, quand on est la fille d'un dignitaire ordinaire, de devenirimpératrice[Onvitpourlapremièrefoispareillechoseen1013,souslerégnedeSanjô:unefilledeFujiwaraNaritoki,lequeln'avaitéténimairedupalais,niseulementministre,parvintàladignitédekôgô.].Pourtant,lorsqu'unhommes'élèvedelui-même,c'estencoreplusmagnifique.Etquelairtriomphantila!Quandpasseunprêtre,undesbonzesduPalais, lui trouve-t-on riende remarquable?Même s'il lit

avecferveurlesÉcritures,ets'ilaunemineagréable,lesfemmesledédaignent,etc'estvraimentpénible.Mais que celui qui était ainsiméprisé devienne évêque ou archevêque, est-il rien qui ressemble à lafaçondontlesgens,l'esprittroublé,croyantvoirenluil'apparitiond'unBouddha,lerévèrent?

91.LeventLatempête.L'ouragan qui dessèche les arbres, en automne et en hiver. Au troisièmemois, la brise qui souffle

doucementlesoiraucrépuscule,annonçantlapluie,mecharmelecœur.Leventmêlédepluiequisouffleauhuitièmeetauneuvièmemoism'émeutaussibeaucoup.L'averse

raielecieldetraitsobliques;ilestamusantdevoirlesgensmettrepar-dessusleurvêtementnondoublé,desoieraide,l'habitouatéqu'ilsontportétoutl'été,auquellasueur,enséchant,alaissésonodeur.Quandvient lemoment où l'on voudrait ôtermême le vêtement de soie raide, qu'on trouve trop chaud, il estcurieuxdesedemanderquanddonconapuavoirbesoindesecouvrirainsi.À l'aube,quand les fenêtresde treillis et lesportes àdeuxbattants sontouvertes, toutesgrandes, la

rafaleentresoudainement,etvouspointlevisage.C'estravissant.Verslafinduneuvièmemoisetledébutdudixième,lecielestcouvertdenuages,leventsouffletrès

fort;lesfeuillesjauniesdesarbresserépandentetfontentombantlemêmebruitquelapluie:«horo-horo».C'estd'unemélancoliedélicieuse.Cesontsurtoutlesfeuillesducerisier,del'aphananthe[Muku,unarbre qui ressemble à l'orme.], qui tombent en abondance.Quandvient le dixièmemois, les jardins où il y a

beaucoupd'arbressontsuperbes.En automne, le lendemain d'un jour où la tempête a fait rage, on ressent une étrange impression de

tristesse.Lesclôturesàclaire-voie,faitesdebambous,lesparaventsextérieurssontrenverséslesunsàcôtédesautres,etl'aspectdujardinestpitoyable.Onestdéjàpeinéenvoyantungrandarbreabattu,dontle vent a rompu les branches. Mais quelle douloureuse surprise, lorsqu'on s'aperçoit qu'après avoiroscillé,ils'estcouché,toutdesonlong,surleslespédèzesetlesvalérianes!Quantlevent,toutàcoup,pénètredanslesmaisons,parlesintersticesdesfenêtresentreillis,finement

tamisécommesileslattesdecesfenêtresavaientétédisposéesàdessein,onnepeutcroirequecesoitlàcemêmeventquisoufflaitentempête.Unmatin, jevisune femmevraiment jolie,d'unebeautéqui sepassaitd'artifices, seglisserhorsde

l'appartement central, et sortir un peu sur la terrasse, en se regardant dans unmiroir. Elle portait unvêtement écarlate très foncé, à la surface délustrée, avec, par-dessus, unmanteau de tissu couleur defeuillemorte,etunautred'étoffetrèslégère.Lefracasdelatempêtel'ayantempêchéededormirpendantlanuit,elleavaitfaitlagrassematinée,ellevenaitdes'éveiller[Ou:«elleétaitrestéelongtempséveillée».].Ilétaitvraiment ravissant de voir retomber sur ses épaules sa chevelure que le vent, soufflant au hasard,dérangeaitetgonflaitlégèrement.Pendantqu'ellecontemplaitl'aspectdésolédujardin,arrivaunejeunefillequipouvaitavoirdix-sept

oudix-huitans.Celle-cin'étaitpaspetite;mais,enlaconsidérant,onn'auraitpudire,àlaréflexion,quec'était déjà une femme. Elle avait une tunique non doublée, de soie raide, dont la couleur bleu foncésemblaitfanée,etquiétaittoutedéchiréeetmouillée,sousunvêtementdenuitvioletclair.Sescheveux,égalisés à l'extrémité comme les roseaux dans la plaine, étaient aussi longs qu'elle était grande, etretombaient librementsur la traînedesonvêtement,par lecôtéduquelonapercevait sa jupe, la seulepièceneuveetbrillantedesoncostume.Danslejardin,unepetiteservanteramassait,pourlesentasser,lesplantesetlesarbustesquelevent

avait déracinés, et brisés, ou bien elle les relevait et essayait de les redresser. Une dame quil'accompagnaitregardaitcelad'unaird'envie,ensedemandantcommentfairepoursejoindreàcesjeux;elleaussiétaitamusanteàobserver,pourmoiquilavoyaispar-derrière.

92.ChosescharmantesÀtraverslacloison,m'arrivelebruitfaibled'unevoixquin'estsûrementpascelled'uneservante.En

voicijustementunequirépondd'unevoixjuvénile,etsembles'approcheravecunbruissementd'étoffes.Peut-êtreest-iltempsqu'elleservelerepas.J'entendsrésonnerlesbaguettesetlacuillèrequis'entrechoquent;oubienlebruitquefaitenretombant

l'anseduvaseoùl'onmetlevinderizvientfrappermonoreille.Avecde jolisvêtementsd'étoffe foulée,descheveuxqui,sansêtreendésordre,se répandentsur les

épaules.Lesoir,dansunesalle superbementornée,onn'apasapporté la lampede lachambre ;mais un feu

ardent brûle dans le brasier rectangulaire ; sa clarté fait luire les cordons de l'écran, et brillerdistinctementlescrochetsquiserventàmaintenirrelevélestoreàtête.Il est charmant de voir apparaître, éclairé par le feu qu'on ranime parmi les fines cendres, dans un

élégantbrasier,undessinhabilementfait[Onaditqu'ils'agissaitd'undessinornantlaparoidubrasier,àl'intérieur.].

Ouencoredevoirtrèsdistinctementlesbaguettesquiserventàremuerlefeu,misesencroixl'unesurl'autre.Trèstarddanslanuit,aprèsquetoutlemondes'estendormi,quelquescourtisanscontinuentcependant

àcauserdehors,etl'onentend,danslapiècedufond,lebruitrépétédespionsquelesjoueursdedamesremettentdansleurboîte.C'estdélicieux.Unelumièrealluméesurlavéranda.J'entendsdubruitàtraverslacloison;c'estunhommequiestvenuvoirensecretunedesdames,ils

m'ontréveilléeaumilieudelanuit.J'écoute;maisjenepuisdistinguerleursparoles; legalantrit toutbas,etjemedemande,amusée,cequelesdeuxamispeuventbiensedire.

93.IlesL'îled'Uki.LesQuatre-vingtsîles.L'îledeTaware.CellesdeMizushima,deMatsu-ga-ura,deMagaki,

deToyora,deTado.

94.PlagesLesplagesdeSoto,deFukiage.Lalongueplage[Nagahama, en Ise.].Lesplagesd'Uchide,deMoroyose,

deChisato[«desmillevillages»,enKii.Pourcontenirtantdevillages,elledoitêtregrande.].Jem'imaginequeladernièreesttrèsvaste.

95.BaiesLesbaiesd'Ou,deShiogama [«de la chaudière à sel », enRikuzen.]. de Shiga, deNataka, deKorizuma, de

Waka.

96.TemplesbouddhiquesLestemplesdeTsubosaka,deKasagi,deHôri.Quand je songeau templedeKôya, jeme rappelle avec émotionqueKôbô-daishi [Kukai (774-835), plus

connusoussonnomposthumedeKôbô-daishi,introduisitauJaponlesdoctrinesdelasecteShingon.C'estluiquifonda,en816,leplusanciendestemplessituésdanslamontagnedeKôya,enKii.]autrefoisyvécut.Lestemplesd'Ishiyama,deKokawa,deShiga.

97.LesSaintesÉcritures

LeLivreoùestglorifiélelotusdelaLoi;ilvasansdirequ'ondoitlementionner.LeLivredesmillemains.LesDixprièresdeFugen[«L'Universellementsage»,lepatrondesbouddhistesquipratiquentlacontemplation.].LeLivredelademande.LaFormulemagiqueduVénérableetvictorieux.LeGrandcharmed'Amida.LaFormulemagiquedesmillemains.

98.ÉcritsLeRecueildespoésiesqu'alaisséesHakuRakuten[PoLo-t'ien(nomlittérairedePoKyu-yi).].L'Anthologiechinoise[Wen-siuan(jap.Monzen),morceauxdegenresdivers,rassemblésparleprinceSiaoTong,vers530.].Unplacetrédigéparundocteurenlittérature.

99.BouddhasLa«Toute-Puissante» [Onparle couramment des « sixKwannon », c'est-à-dire des six images que les artistes donnent de la

déessedelapitié:Kwannonauxmilleyeuxetauxmillemains,K.auxonzevisages, ...K. la toute-puissante,représentéeavecsixbras,ettenantdansunemainun joyaumagique.],désoléeparcequ'ellevoitdanslecœurdeshommes,restepensive, latête appuyée sur samain. En la contemplant, on est pénétré d'une émotion sans pareille, et rempli deconfusion.LaDéesseauxmillemains,ettouslessixaspectsdeKwannon[Onparlecourammentdes«sixKwannon»,c'est-à-

diredessiximagesquelesartistesdonnentdeladéessedelapitié:Kwannonauxmilleyeuxetauxmillemains,K.auxonzevisages,...K.latoute-puissante,représentéeavecsixbras,ettenantdansunemainunjoyaumagique.].LevénérableFudô[«L'Immuable.»].LeBouddhaYakushi[«LeSageguérisseur.»].Shaka[LebouddhaSakya-Muni.].

Miroku[«LeBienveillant»,lebouddhafutur.].Fugen.Jizô[«Entraillesdelaterre»,lepatrondesenfants,ledieucompatissant quisecourtlesaffligés.].

100.Contes[Parmilesouvragesénumérés,seulle«Conteducreux»nousestparvenu.Nousconnaissonsàvraidireun«ContedeSumiyoshi»;mais

ilneparaitpas,d'aprèssaforme,qu'onpuisseleconfondreavecceluidontparleSei,auquelildoitêtrebienpostérieur.]Le«ContedeSumiyoshi».Le«Conteducreux»etlesromansdumêmegenre.«Lechangementde

palais.»«Lafemmequi attend la lune. »«Le lieutenant deKatano. » « Le lieutenant du Palais despruniers.»«Lesyeuxdesgens.»«L'abandondupays.»«Lesarbresensevelis.»«LabranchedepinquiencourageàprogresserdanslaVoieduBouddha.»Dans le «Conte deKomano », j'aime le passage où l'on voit, le héros s'en aller après avoir offert

seulementunvieiléventailchauve-souris.

101.Landes

Naturellement,jeciterailalandedeSaga.Leslandesd'Inabi,deKata,deKoma,d'Awazu,deTobuhi,ticShimeji.Sanslevouloir,onestamuséparlenomdelalandedeSôke[Cenom signifie peut-être « respect, révérence ».].

Pourquoidoncl'aura-t-onappeléeainsi?Leslandesd'Abe,deMiyagi,deKasuga,deMurasaki.

102.FormulesmagiquesCellequel'onditàl'aurore.

103.LalecturedesSaintesÉcrituresCellequel'onfaitlesoir,aucrépuscule.

104.DivertissementsLemeilleurmoment,pourunconcert,c'estlanuit,quandonnevoitpaslevisagedesgens.Parmilesjeux,celuidelaballeaupiedestamusantaussi[C'est-à-dire:«cejeuestamusant,demêmequeceuxdont

lesnomssuivent».],bienqu'ilnesoitpasagréableàregarder!Letiraupetitarc.Lejeudelarimecachée.Lejeudedames.

105.DansesLa«dansedeSuruga»,cellede«l'enfantquicherche».Bienqu'ilnesoitpasjoli,le«balletdel'arrogance»esttrèsamusant.Lesgrandssabresqueportent

lesartistesmedéplaisent;etpourtant,j'aimebeaucoupcettedanse,carj'aientendudirequ'enChine,desennemisl'auraientexécuterensemble[Deux généraux chinois de l'État de Tch'ou se disputaient le pouvoir deux siècles avantnotreère.Lorsd'uneentrevuequ'eurentlesadversaires,unpartisandel'und'entreeuxvoulut,àlafaveurd'unedansedusabre,tuerlerivaldesonmaure;maisunautreguerriercouvritdesoncorpsceluiquiétaitmenacé.].La«dansedesoiseaux [En agitant des grelots, les danseurs prétendaient imiter le chant du kalavinka, l'oiseau immortel des

Hindous.]».Dansla«dansedelatêtetirée[Cettedanserappelaitlacolèred'unereinedelaChine.Onpeutcomprendreaussi:«delatête

decheval».]»,lesacteursontlescheveuxéparsetfontdesyeuxeffrayants;maislamusiquenelaissepasd'êtrefortbelle.J'aimelafaçondontlesdeuxdanseurs,dansle«pasdel'accroupissement»,sautentenfrappantlesol

dugenou.Ladanseàlacoréenne.

106.InstrumentsàcordesLaguitare,laharpeàtreizecordes.

107.MélodiesL'airdu«Parfumdelabrise».L'airdela«Clochejaune».Lafin[Littéralement:«Lepresto».]del'airdes«Parfumsressuscités».Lamélodieappelée«Legazouillisdurossignol».L'airdu«Lotusduministre[Ou:«L'affectiondel'époux

épris.»]».

108.FlûtesLesondelaflûtetraversièreesttrèsjoli.Ilsembleravissantquandonl'entenddanslelointain,etqu'il

se rapproche peu à peu, ou bien aussi quand on l'écoute d'abord tout près, et qu'il s'affaiblit jusqu'àdevenirindistinct,àmesurequ'ils'éloigne.Qu'ilsoitenvoiture,àpied,ouàcheval,ungentilhommeatoujoursuneflûteglisséedanssonsein;

maispersonnenelavoit.Jenesaisriend'aussicharmant.Il est surtout très agréable d'entendre unemélodie que l'on connaît déjà ; et il est délicieux encore

d'apercevoir,prèsdesonchevet,laflûteoubliéeàl'auroreparl'amiquivousarenduvisite.Quandungalant,aprèsavoirlaissésaflûtechezunedame,adépêchéprèsd'elleunserviteur,elleluirenvoiecetteflûteenveloppée;lepaquetressembletoutàfaitàune«lettretordue».Lamusiquede l'orgue à boucheparaîtmerveilleuse.On aime à l'écouter, par exemple, lorsqu'on se

promèneenvoitureauclairdelune.Cependant,l'instrumentestencombrantetlamanièredontons'ensertest déplaisante. Quelle figure a celui qui en joue ! Mais à ce propos, il faut dire qu'avec la flûtetraversière,également,ilyabiendesfaçonsdesoufflerquin'embellissentpastoujourslemusicien.Lesonduflageoletesttrèsfatigant;etsijelecompareàlamusiquedesinsectesàl'automne,jetrouve

qu'ilressembleàcellequefaitle«criquetàmors».Ilestdésagréable,etl'onnesouhaitepasl'entendredeprès.Àplusforteraison,leflageoletest-ildétestablequandl'artistejouemal.Jemerappellepourtantlejourdelafêtespéciale,àKamo.Alorsquelesmusiciensn'étaientpasencorearrivéstoutàfaitdevantl'Empereur,etqu'onnelesvoyaitpas,ilssemirentàjouer,merveilleusement,delaflûtetraversière.Onserécriaitquand,verslemilieudumorceau,lesflageoletssejoignantauxflûtes,lesons'enfladetellesortequetoutes lesdames,mêmecellesqui justements'étaientcoifféesavecunsoinextrême,sentirentleurscheveuxsedresser.Peuàpeu lesharpeset les flûtes s'unirent, et la troupedesmusiciensetdesdanseursarrivadevantSaMajesté.C'étaitravissant.

109.Chosesàvoir

Lecortègedel'Empereur,quandilsortdesonpalais.LaprocessionquirevientaprèslafêtedeKamo.LepèlerinagequefaitleMairedupalaisàKamo,laveilledelafête.LafêtespécialedeKamo[Auonzièmemois,ledernierjourdel'Oiseau.].Ilmesouvientd'unedecesfêtes.Cejour-là,lecielétaitcouvert,letempsparaissaitfroid,etlaneige

semitàtomberenlégersfloconstourbillonnants.Ilétaitravissant,plusquejenesauraisdire,delavoirrépanduesurlesfleursdescheveux[Fleursartificielles:glycinepourlesenvoyésimpériaux,cerisieroukerriepourlesdanseursetlesmusiciens.]etsurlesvêtementsornésdedessinsimprimésenbleu.Onvoyaitdistinctementlesfourreauxdes grands sabres ; mais bien qu'ils fussent noirs et seulement tachetés de blanc par la neige, ilsparaissaient tout blancs ; et l'on aurait pu croire qu'on avait fait briller les cordons qui pendaient desgiletssansmanches.Sortantdespantalonsblancs,ornésd'impressionsbleues,apparaissaitl'étoffefouléedes vêtements de dessous, si brillante que l'on s'étonnait en se demandant si c'était de la glace. Toutsemblaitsuperbe,etl'onauraitvouluvoir,encoreunmoment,défilerbeaucoupdedanseurs;maisquandcefutletourdesenvoyésimpériaux,nouslestrouvâmesdéplaisants,etnousnefîmesguèreattentionàeux. Pourtant, comme les fleurs de glycine qu'ils avaient sur la tête retombaient et leur cachaient levisage,onpouvaitleurtrouverdel'agrément.Pendant que nous suivions du regard les hommes qui étaient déjà passés, vinrent lesmusiciens qui

devaientjouerpendantlesdanses.Ceux-ci,d'unrangmoinsélevé,n'avaientaucunebelleapparenceavecleurs vêtements de dessous, couleur de saule, et les fleurs de kerrie qu'ils avaient fichées dans leurscheveux;maisnousfûmescharméesdelesentendrechanter«Lecordonfaitavecl'écorcedumûrier,quel'onvoitdanslesanctuairedeKamo[SeiciteunepoésieduKokinshû,danslaquelleestmentionnél'«appui-bras»,uncordonque lesprêtresshintoistessepassaientautourducouets'attachaientauxpoignetspourporter leplateauchargédesoffrandes.A lavérité,c'estuneautrepoésiequiétaitchantéeàlafêtedeKamo.]»,enbattantlamesure,trèsfort,avecleurséventails.Est-il rienqui soit comparable aucortègede l'Empereurquand il sortde sonPalais ?En le voyant

monterdanssonpalanquin,j'oubliequejesuismatinetsoirauprèsdelui,etjeluitrouvelamajestéd'undieu.Despersonnesquid'habitudeontdesfonctionsinsignifiantes,mêmelesdamesducinquièmerangqui

accompagnentleSouverainàcheval,meparaissentdespersonnagesconsidérables,desêtressurnaturels.Ilestsuperbedevoirlessous-chefsduservicedesgardesquitiennentlescordonsdupalanquin,etles

capitainesetlieutenantsdelagardeducorpsquiouvrentlamarche.Laprocession,auretourdeKamo,aprèslafête,futmerveilleusementbelle.Laveille[C'est-à-direlejourde

la fête, au quatrièmemois, le deuxième jour de l'Oiseau.], toutavaitétésplendide.Sur lagrand-routede laPremièreavenue,largeetnette,oùlesrayonsbrûlantsdusoleilnouséblouissaientenpénétrantdanslesvoitures,nous avions attendu si longtemps l'arrivée du cortège, en nous protégeant avec nos éventails, et enchangeantàtoutmomentdeplacesurnossièges,quenosvisagessemouillaientd'unesueurdisgracieuse.Malgrécela,lejouroùrevintlaprocession,nouspartîmesdetrèsbonneheure.Nousvîmesdesvoituresarrêtées près des Temples Urin-in et Chisoku-in. Les guirlandes de roses trémières qui les ornaientétaient fanées.Bienque lesoleil fûtdéjà levé, lecielétaitencorecouvert,etdescoucoussemirentàchanter.Leurvoixrésonnaittrèsfort;enlesécoutant,jepensaisqu'ilyavaitpeut-êtrelàbeaucoupdecescoucous dont j'avais attendu bien des fois le chant, la nuit, alors que je m'éveillais et me levais, nesachantcommentjepourraisfairepourlesentendre!Commej'admiraisleurchant,unrossignolyjoignit lesien.Savoixparaissaitvoilée,oneûtditqu'il

voulaitcontrefairelescoucous.C'étaitdésagréable,etpourtantc'étaitamusantaussi.Pendantquenousrestionslà,impatientes,nousaperçûmesunetroupedegensvêtusd'habitsrougesqui

semblaientvenirdusanctuaire.Nousleurcriâmes:«Qu'ya-t-il?Est-cel'heure?»Ilsnousrépondirentquel'onnesavaitpasencoreàquelmomentlaprocessionpasserait,puisilss'éloignèrentenemportantlepalanquinetlachaiseàporteurs[D'oùlaPrincesseconsacréeétaitdescendueenquittantledomainedutemple,pourmonterdansunevoitureàbœuf.].J'étais charmée en songeant que la Princesse consacrée montait dans ce palanquin ; mais je me

demandaisaveceffroicommentdeshommesaussivulgairesqueceslaquaispouvaientl'approcherpourlaservir.Nousn'avionspasattenduaussi longtempsquecesgensnous l'avaientfaitcraindre,quandlaPrincesse revint du temple supérieur. Les roses trémières, d'abord, et les costumes « vert et feuillemorte » formaient un superbe tableau. Cependant les musiciens, des gens appartenant au service deschambellans,avaientlégèrementrabattuleurvêtementdedessous,blanc,surleurhabitdedessus,vert-jaune;onauraitpusecroiredevantunehaiefleuriededeutzies,etl'oneûtpenséquelecoucoudevaitsecacherdanssonombre.Laveille,nousavionsvulesjeunesgentilshommes,nombreuxdanslamêmevoiture,vêtusdemanteaux

de cour violets, ou d'habits de chasse, en désordre, qui avaient ôté les rideaux de leur véhicule, etsemblaientavoirperdul'esprit;maiscejour-là,pourassisterenqualitédeconvivesextraordinairesaufestinquiavaitlieuauPalaisdelaPrincesseconsacrée,cesjeunesseigneursavaientmisdesplendideshabitsdecérémonie.Graves,ilspassaient,chacundansunevoiture,derrièrelaquelleétaitmontéunpetitpage,ravissantluiaussi.Quandlecortègesefutécoulé,ilyeutungrandtrouble,etjemedemandaipourquoicetumulte.Chacun

voulaits'enallerlepremier;ettouspartirentavectantdehâtequejem'effrayaidudanger.Jesortismonéventaildelavoiturepourappelerleshommesd'escorte,etjeleurordonnai:«N'allezpassivite,faitesmarcherlebœufàuneallurepluscalme.»Mais ilsne tinrentpascomptedemesobservations,etn'enpouvantplus,jelesforçaid'arrêterdansunendroitoùlarouteétaitpluslarge.Dansleurimpatience,ilstrouvaientceladétestable. Ilétaitpourtantbienamusantderegarder leséquipagesrivaliserdevitesse.Nous repartîmes après avoir laissé toutes ces voitures prendre une bonne avance. La routeme faisaitpenseràl'undescheminsquimènentauxvillages,danslamontagne,etsoncharmemeprenaitlecœur.Des haies de deutzies, à l'aspect sauvage et broussailleux, sortaient de nombreuses branches dont lesfleurs n'étaient pas encore complètement épanouies, mais qui semblaient couvertes de boutons. Je fiscueillir quelques rameaux, on les planta çà et là dans les stores de la voiture. C'était joli, bien que,malheureusement,lesguirlandesquiornaientcettevoiturefussentfanées.Commej'observais,auloin,laroutedevantnous,ilmesemblad'abordquetoutelafoulenepourrait

paspasser;maisàmesurequenousapprochions,jevoyaisqu'unpareilencombrementneseproduisaitpas,etj'enétaisbiencontente.La voiture d'un homme (je ne sais qui c'était) suivait lamienne de très près ; je la regardais, plus

heureusequesipersonnen'avaitétélà.Jefuscharméeaussiquandcethommedit,àuncarrefouroùlesdeux équipages se séparèrent : «On se quitte à la cime [Poésie de Mibu no Tadamine (867-965), recueillie dans leKokinshû.].»Aucinquièmemois,ilesttrèsagréabled'alleràquelquevillagedanslamontagne.Lesmaresd'eau semblent envéritéde simples taches toutesvertes, car leur surface est envahie par

d'abondantesherbesquinelaissentrienvoir [Allusionàuneanciennepoésie.].Maisquandonpasselentement,toutdroit à travers cesmares, l'eau transparentequi était cachée rejaillit, bienqu'ellene soit pas trèsprofonde,souslespasdesgens.C'esttrèsjoli.

Quand les rameauxdeshaiesquibordent lecheminàgaucheet àdroite s'accrochent à lavoiture, àl'intérieurdelaquelleilspénètrent,onpensequ'onvabienvitelessaisiretlescueillir;maissoudainilss'échappent,etl'onregretted'êtredéjàtroploin.Unetiged'armoise,écraséeparlavoiture,s'estprisedanslarouequil'élèveàchaquetour;leparfum

qu'ellerépandalors,toutprèsdespersonnesquisontdanslevéhicule,estaussiunechosedélicieuse.Au plus fort de l'été, à l'heure où l'on prend le frais, le soir, quand la forme des choses devient

incertaine,iln'estpasbesoindedirecombienj'aimeàregarderleséquipagesdesseigneurs,précédésdecoureursquifontécartertoutlemonde.Onvoitaussidesvoituresdanslesquellessontmontésunoudeuxhommesd'unrangordinaire;ilsont

relevé les storesdederrière, et quand ils passent en faisant courir leurs bœufs, on croit ressentir uneimpressiondefraîcheur.Àplusforteraison,sij'entendsrésonnerlaguitareoulaflûteàl'intérieurdecesvoitures, j'aiduregret lorsqu'elless'éloignent.Àcemoment,m'arrive l'odeurqu'a laissée lacroupièredesbœufs,etbienqu'ellesoitétrange,etqu'onn'ysoitpashabitué,j'aimecetteodeur.C'estinsensé!Quand,danslanuitnoire,lafuméedestorchesquel'onporte,allumées,entêted'uncortège,répandun

parfumquivientembaumerlesvoitures,derrière,c'esttrèsagréableaussi.Lesacoresquel'onvoitdepuislecinquièmejourducinquièmemois,etquiontdurétoutl'automneet

toutl'hiver,sontextrêmementpâlesetdesséchés.Ilssontlaids;maisilsgardentencoreunpeuduparfumqu'ilsavaientlejourdelafête,etquandonlesbriseenlesprenant,cettelégèresenteurserépanddansl'air.C'estmerveilleux.Onavaitparfuméconvenablementdeshabitsenbrûlantdel'encens,onlesavaitrangés;maisunjour

ayant passé, puis le lendemain, le surlendemain et bien des jours encore, on les avait complètementoubliés.Voilàpourtantqu'ontirecesvêtementsdescoffres,etqu'onlesendosse.Lafaibleodeurqu'ilsontgardéesembleplusdélicieusequel'arômedeshabitsparfuméstoutàl'heure.Quand,lorsd'unepromenadeenvoiture,ontraverseunerivièreàgué,parunbeauclairdelune,ilest

ravissantdevoirlasurfacedel'eausebrisercommeducristalsouslespasdubœuf;etmillegouttelettess'éparpiller.

110.ChosesquisontbonnesquandellessontgrandesLes bonzes, les fruits, les maisons, les sacs à provisions, les bâtonnets d'encre qui garnissent

l'écritoire.Les yeux des hommes.Quand ils sont petits, on dirait des yeux de femme ;mais, d'autre part, s'ils

paraissaientaussigrosqu'unecruchedemétal,ilsseraienteffrayants.Lesbrasiersronds,lescoquerets,lespins,lespétalesdekerrie.Parmileschevauxcommeparmilesbœufs,ilsemblequelesplusgrandssoientlesplusbeaux.

111.ChosesquidoiventêtrecourtesLefilpourcoudrequelquechosedontonabesointoutdesuite.Unpiédestaldelampe.Lescheveuxd'unefemmedebassecondition.Ilestbonqu'ilssoientgracieusementcoupéscourt.

Cequeditunejeunefille.

112.ChosesquisontàproposdansunemaisonLacuisine.Lasalleoùsetiennentlesgensquiformentlasuitedumaître.Unbalaineuf.Depetitestablescarrées.Dejeunesservantes,desserviteurs.Unparaventd'uneseulefeuille.Unécrandetroispieds.Unsacàprovisionsbiendécoré.Unparapluie.Untableaunoiroùl'onnotecequel'onapeurd'oublier[Ou:«uneplanchequisertpourporterlesobjets».].Depetitesarmoiresàétages.Lesvasespourverserlevinderizetpourlefairechauffer.Unetabledehauteurmoyenne.Uncoussinrond,garnidepaille.Uncorridorcoudéàangledroit.Unbrasierrond,ornéd'undessin.[Le sens de la dernière phrase est douteux, et la traduction incomplète. Peut-être faudrait-il écrire « orné d'un dessin représentant un

rossignolsurunbambou».]Un jour, comme j'allais à quelque endroit, je rencontrai un homme bien fait qui portait une « lettre

tordue»toutefine.Ilmarchaitensehâtant,etjemedemandaisoùilpouvaitserendre.Uneautrefois, j'aperçusdegracieusesjeunesfillesvêtuesdegiletsquin'étaientpas trèsnets,etqui

semblaient fanés. Leurs chaussures brillaient, mais les courroies en étaient souillées d'une boueabondante.Elles allaient, portant des objets enveloppés de papier blanc, ou bien des cahiers qu'ellesavaientmisdansdescouverclesdeboite.J'étaisraviedelesvoir,et j'auraisvoululesfaireapprocherpourlesregarderàmonaise.Cependant,commej'appelais,pourlafaireentrer,unedecesjeunesfilles,qui passait tout près devant la grande porte, elle se montra fort peu aimable, et s'éloigna sans merépondre.Onjuge,d'aprèscela,commentpouvaitêtrelapersonnequiavaitcettefilleàsonservice.Le cortège de l'Empereur, quand il sort de son palais, est une chose superbe ;mais on ressent une

impression un peu triste en voyant les hauts dignitaires et les jeunes seigneurs marcher à pied, sansvoiture.Lapersonnequi,voulantassisteràquelquespectacle,arrivedansunvéhiculepitoyable,grossièrement

décoré,medéplaîtplusque tout.Passeencorepouralleràunsermon,puisqu'onyvapoureffacersespéchés;pourtant,mêmedanscecas,unetelleinélégancenemanquepasdefaire,sielleestexagérée,uneffetdésagréable.À plus forte raison, ne devrait-on pas voir pareille chose à la fête de Kamo. Sans doute y a-t-il

cependant des personnes qui s'y rendent dans des voitures dépourvues de rideaux intérieurs, et quiaccrochent,àlaplacedecesrideaux,leursvêtementsblancs,nondoublés,qu'elleslaissentpendre.Déjà,lorsqu'onafaitapprêtersoigneusementvoitureetrideauxintérieursenpensantqu'illefallaitce

jour-là,etquel'onestparti,espérantqueceneseraitpastroplaid,onsedemande,si l'onaperçoituncharplusjoliqueceluioùl'onsetrouve,pourquoifairecetteautrevoitureestvenuelà!Ceseraitencorebien pis si l'on était dans un véhicule disgracieux ; de quel œil regarderait-on, alors, un élégantéquipage?Commeunedamesentbattresoncœur,àlafêtedeKamo,lorsqu'ellevoitundescharsoccupésparles

jeunesprinces,quivontetviennentsurlaroute,sefrayerunpassageparmilesautres,puissemettreàcôtédusien!

Unefois,lejourdecettefête,commejevoulaisfairearrêtermonchardansunendroitd'oùjepussebienvoirlecortège,j'avaispressémesgensetj'étaispartiedebonneheure.Ilmefallutdoncattendretrèslongtemps ; je m'étalais dans la voiture, je me levais ; mais alors que j'étais lasse de demeurer là,tellement la chaleurm'incommodait [Nous sommes en mai ou au début de juin.], j'aperçus, en regardant vers lePalaisdelaPrincesseconsacrée,descourtisans,convivesextraordinairesaufestinoffertdanscepalais,des hommes appartenant au service des chambellans, des censeurs, des « troisièmes sous-secrétairesd'État»etd'autresencore.Touscesgensvenaientenseptouhuitcharsquisesuivaientsansinterruption,et dont on faisait courir les bœufs. Jem'étonnais en voyant que la procession arrivait, et je fus toutejoyeuse.Les courtisans firent porter des ordres, ils commandèrent qu'on donnât àmanger du riz trempé aux

hommesquiformaientlatêteducortège.Ceux-cifirentapprocherleurschevauxdesgaleries,et,decestribunes,ildescenditdesserviteursquivinrenttenirparlabridelesmonturesdesjeunesgensàlamodependantquecesderniersmangeaient.C'étaitunescèneravissante;maisjemesentispeinéeenobservantquepersonnen'accordaitunregardàceuxquin'étaientpasaussiélégantsquecesjeunesseigneurs.Cequim'amusaencore,cefutdevoirlesgensquiavaienttousbaissélesstoresdeleursvéhicules,pendantquepassaitlepalanquindelaPrincesseconsacrée,lesreleverprécipitammentdèsqu'ilsefutéloigné.Comme une voiture venait se mettre devant la mienne, j'adressai d'énergiques remontrances aux

serviteursquil'escortaient;maisilslafirentarrêtermalgrémoiendisant:«Etpourquoinepourrait-onpas rester ici ? » J'étais embarrée, pour leur répondre, et j'ordonnai à une suivante d'aller avertir lapersonnequisetrouvaitdanscettevoiture.Quellechoseplaisante!Envoyant arriver,dansunendroitoù lesvéhicules étaientdéjà serrés lesuns contre les autres, des

voituresoccupéespardespersonnagesdemarque,et,derrièrecelles-ci,lesvoituresdeleursserviteurs,trèsnombreuses,jemedemandai,oùellesiraientsecasertoutes.Mais,àcemoment,leshommes,entêteducortège,sautèrentàbasdecheval,etfirentreculerbienvitecellesquiétaientarrêtées.Ilétaitsuperbed'admirer la rapidité avec laquelleonplaçait les charsdes seigneurs et, à leur suite, ceux des valets.Maiscommelescarriolesdepeud'apparencequel'onavaitainsiécartéessemblaientpitoyables,pendantqu'onyattelaitlesbœufs,etqu'ellespartaientpourallerchercheroùseplacer!Onnepouvaitpasêtreaussibrutalquandils'agissaitdesuperbesvoitures.Parmitoutescellesquise

pressaientilenétaitdetrèsjolies;maisils'entrouvaitd'autresquiavaientunaircampagnard,étrange.Lespersonnesquilesoccupaientappelaientsanscesseleursservantesetleurdonnaientdesbébésàtenir.Unjour,j'entendisquel'ondisait:«Unhomme,quin'avaisaucuneraisond'yvenir,aétévudansle

corridor.Ils'enfuyaitàl'aube,etsecachaitsousunparapluiequetenaituneservante.»J'écoutaid'abordtouttranquillement,maisbientôtjem'avisaiqu'ils'agissaitd'unamidontj'avaisreçulavisite.Sansdoute,celui-cin'étaitpasundecescourtisansquisontadmisen laprésencede l'Empereur ;mais ilméritaitqu'onleregardât,etilnesemblaitpasquecefûtunhommeauquelonnepûtpermettredevenirprèsd'unedame. Je m'étonnais que l'on eût parlé comme on avait fait, quand quelqu'un m'apporta une lettre del'Impératrice, et dit qu'il me fallait répondre à l'instant. Impatiente de savoir ce qu'avait écrit mamaîtresse,j'ouvrislamissive,jevisreprésentéungrandparapluie.Onn'apercevaitriendelapersonnequ'ilabritait,saufunemainquitenaitceparapluie;etsousledessinétaientceslignes:«Depuisquel'auroreS'estalluméeàlacrêteDelaMontagnedestroisparapluies.»[Ondonnaitlenomdecettemontagne,commesurnom,auxgardesducorps,etl'hommequel'onavaitvus'enfuir,cachésousunparapluie,

étaitpeut-êtreundecesgardes.]

Comme l'Impératrice prenait grand intérêt à tout ce qui nous concernait, même aux choses les plusinsignifiantes, jeme demandais comment je pourrais faire pour qu'elle n'entendît pas ces bavardagesdésagréablesquimeremplissaientdeconfusion,etvoilàquecefauxbruit luiétaitarrivé [Ou : « voilà quem'arrivaitcetteplaisanterie!»]!J'enétaispeinée;cependantjetrouvaisàl'histoireuncôtéplaisant,etdessinant,suruneautrefeuille

depapier,delapluietombantàverse,j'écrivisau-dessous:«Ah!cettepluie,alorsquelenomquiannoncequ'ilnepleut.pasÀvieillidepuissilongtempsqu'onlerépète!Ildoit…yavoir,ainsi,deshabitsmouillés.»…s'agird'unefausseaccusation.»[Auxdeuxversdestinésàcompléterceuxqu'elleareçusdel'impératrice,Seiajointunephraseoùsetrouveuncalembour,indiquédansla

traductionparlespointsdesuspension.]J'envoyaicebilletàl'Impératrice,etSaMajesté,enracontantàUkon,lafilled'honneur,cequis'était

passé,daignaenrire.C'étaitàl'époque[Audébutducinquièmemoisde l'anmille.]oùl'ImpératricehabitaitauPalaisdelaTroisième

avenue[LademeuredeTairaNarimasa.].Onavaitapportéunpalanquinchargéd'acorespourlafêtecélébréelecinquième jour du cinquièmemois, et présenté à SaMajesté des « boules contre lesmaladies ». Lesjeunespersonnes, laPrincessede laToiletteetd'autresdames, ayantpréparéde cesboules, les firentattacherparlaPrincesseImpérialeetparlejeunePrince[OsakoetAtsuyasu,lesenfantsdel'impératrice.]auxhabitsdesdeuxenfants.Ilétaitaussiarrivé,dudehors,d'autresboulestrèsjolies.Dansungracieuxcouvercled'écritoire, j'étendisunemince feuille transparentedepapiervert-jaune,

surlaquellejemisungâteaudeblévertquel'onavaitapporté,puisj'offriscegâteauàl'Impératriceendisant:«Voiciquelquechosequiatraversélahaie[C'est-à-dire:«quel'onapportadudehors».Allusionàunepoésie.].»SaMajesté,déchirantlepapier,enpritunmorceausurquoielleécrivit:«MêmelejourOùtoussehâtentÀlarecherchedesfleursEtdespapillons,Vous,vousconnaissezmoncœur!»Jefusravie.Unsoir,peuaprèsledixièmejourdudixièmemois,commeilfaisaitunsuperbeclairdelune,quinze

ouseizedamesduPalaisdéclarèrentqu'ellesallaientsepromeneretvoirlepaysage.Toutesavaientdesvêtementsdedessusvioletfoncé,souslesquelsleurscheveuxétaientcachés;seule,

ladameChûnagonportaitunhabitempesé,decouleurécarlate,etavaitramenéenavant,par-dessussonépaule,lescheveuxquiretombaientsursanuque.«C'estridicule!direntlesautresdames;ah!commeelle ressemble au capitaine porte-carquois [Capitaine de la garde du palais.] ! c'est tout à fait lui ! » Ellesdonnèrentàcettefemmelesurnomde«capitaineporte-carquois».CependantChûnagonnes'aperçutpasmêmequesescompagnesrestaientderrièreelleetriaient.Le Capitaine de la garde du corps, Narinobu, était remarquable par la facilité avec laquelle il

reconnaissait la voix des gens. Quand on entend parler de nombreuses personnes réunies en quelqueendroit,onnepeutabsolumentpas,sicesontdesgensquel'onn'apasl'habituded'entendre,distinguerleursvoix.Leshommes,enparticulier,nereconnaissentnilesvoixnilesécritures;etpourtant,l'habiletéavec laquelle Narinobu distinguait les voix, même celles des personnes qui parlaient très bas, étaitmerveilleuse.Iln'estpersonnepouravoirl'oreilleaussifinequeleDirecteurduTrésor[FujiwaraMasamitsu.].Envérité,

ilauraitentendutomberuncildemoustique!Àl'époqueoùjelogeaisdansunechambresituéeverslafaceorientaledupalaisoùsontlesbureaux

desfonctionnairesquigouvernentlaMaisondel'Impératrice,jeconversaisunjouravecleLieutenantduquatrièmerang,filsadoptifduGrandSeigneur[MinamotoNarinobuétaitlefilsduprinceMune-hira(ouOkihira), lui-mêmefilsdel'empereurMurakami;ilavaitétéadoptéparFujiwaraMichinaga,dontsatantematernelleétaitl'épouse.],lorsqu'unepersonnequiétaitàcôtédenousdittoutbasàcelieutenant:«Parlez-nousdoncunpeudespeinturesquel'onvoitsurleséventails!»Maisjeluichuchotai:«Unmoment,attendezqueceseigneur[Masamitsu.]s'enaille!»Alors que celui-làmême auquel jem'adressais n'avait pas saisi, et répétait, tendant l'oreille : «Quoidonc,quoidonc?», leDirecteurduTrésor semit àbattredesmainsetdéclara :«C'estdétestable !Puisquevousparlezainsi,jenem'eniraipasd'aujourd'hui.»Nousnousdemandions,stupéfaits,commentilavaitpuentendre.Quand j'aperçoisunencriermalpropre,poudreux,unbâtond'encreque l'ona frotté sans soinetusé

d'unseulcôté,celamefaituneimpressiondésagréable.Jedétesteégalementvoirunepersonneprendre,avecunepincedebambou,unbâtond'encrequiabeaucoupservi.Onconnaîtlecœurd'unefemmelorsqu'onaregardésonmiroirousonencrier;ilenestdemêmepour

touslesobjetsdontellesesert.Quandellelaisses'accumulerlapoussièredansl'écritoire,iln'estriend'aussidéplaisant.À plus forte raison, lorsqu'il s'agit d'un homme, aime-t-on à voir sa table à écrire essuyée très

proprement. Ce qui convient, si cet homme n'a pas une boîte renfermant plusieurs encriers, c'est uneécritoireendeuxboîtesquientrentl'unedansl'autre.Sialorslesdessinsornantcesboîteslaquéessontjolis,sansparaîtrepourtanttroprecherchés;si,encore,l'encrieretlespinceauxsontapprêtésdefaçonqu'ilsattirentlesregards,c'estravissant.Ilestdesgensquisedisent:«D'unemanièreoud'uneautre,c'estaussibien.» Ilsontuneécritoire

toutenoire,dontlecouvercles'estébréchéd'uncôtéentombant;ilsymettentàpeineunpeud'encre,etversent des flots d'eau sur la poussière, si épaisse qu'on l'essuierait difficilement, semble-t-il, en unegénération.Lecoldelajarreengrèsbleudontilsfontusageestcassé,àsaplaceonvoitseulementuntrou.Sanslemoindreembarras,ilsmontrentàtousceschosesdéplaisantes.Quandonaprisl'écritoired'unautre,pours'exerceràl'écriture[Ou:«pours'amuseràécrire».]oupourfaire

unelettre,ildoitêtreextrêmementdésolantdes'entendredire:«Nevousservezpasdecepinceau.»Sil'onposetoutdesuitelepinceau,onsemblegêné;sil'oncontinue,c'estinconvenant.Lesgenssaventquetelleestmonopinion,etquandjeregarde,sansunmot,unedamequis'estemparéed'undemespinceaux,si c'est une de ces personnes qui n'ont pasmêmeune belle écriture, et qui cependant veulent toujoursgriffonner,elleprendunairbizarre,et,trempantdansl'encreunpinceauquel'usageatrèsbiendurci,ellelelaisses'imbiberabondamment.«Jeveuxenvoyerceciàquelqu'un»,dit-elle;auhasardelleécritdeuxoutroismotsencaractèressyllabiquessurlecouvercled'une«longueboite»,puiselleposeentraversdel'encrier,précipitamment,lepinceaudontlatêteentredansl'eau,etquibascule.C'estquelquechosededétestable!Etcependant,ledira-t-on?

C'estlamentableaussilorsqu'onestdevantunepersonnequiécrit,etqu'elles'exclame:«Oh!qu'ilfaitsombre!Retirez-vous,s'ilvousplaît,aufonddelachambre!»Ouencorelorsqu'onregardeàladérobéece qu'écrit une personne et que celle-ci, s'apercevant de votre indiscrétion, s'étonne et vous fait desreproches.Assurément,celan'arrivepasavecquelqu'unquivousaime.Bien qu'une lettre n'ait rien que l'on puisse qualifier d'étrange, c'est pourtant une chosemagnifique.

Alorsqu'onpenseavecanxiétéàunepersonnequisetrouvedansuneprovinceéloignée,ensedemandantcommentellepeutaller,onreçoitd'elleunbillet;àlelire,onéprouvelamêmeimpressionquesil'onsevoyait,toutàcoup,enfacedesonamie.C'estmerveilleux.Quandonaexpédiéunelettreàlaquelleonaconfiésespensées,onsesentl'espritsatisfait,mêmesi

l'onsongequ'ellepourraitbiennejamaisarriveràdestination.Commej'auraislecœurtriste,etcommejemesentiraisoppressée,sileslettresn'existaientpas!Lorsque,dansunelettrequ'onveutenvoyeràquelquepersonne,onaécritendétailtoutesleschoses

quel'onavaitentête,c'estdéjàuneconsolation,bienquel'arrivéedelamissivepuisseêtreincertaine.Maisàplusforteraison,quandonreçoituneréponse,lajoiequel'ongoûtesemblecapabled'allongerlavie;envérité,ilestsansdouteraisonnabledelecroire.

113.RelaisLes relais de Nashiwara, de Higure, de Mochizuki, de Noguchi, de Yama. Je me rappelais avoir

entenduraconter,ausujetdecedernier,desfaitsintéressants,et,commeils'enestproduitd'autres,ilestcurieuxd'enréunirlesrécits[Phraseobscure.].

114.CollinesLescollinesdeFunaoka,deKataoka.En ce qui concerne la colline deTomooka [« de la lanière » ; en Yamashiro. Allusion à une poésie.], ce quime

charme,c'estqu'ilypoussedepetitsbambous.LacollinedeKatarai,celledeHitomi.

115.SanctuairesshintoïstesLessanctuairesdeFuru,d'Ikuta,deTatsuta,deHanafuchi,deMikuri.L'augustesanctuaireducryptomère[LetempledeMiwa,enYamato,étaitcélèbreparlecryptomèrequisedressaitprèsdesa

porteAllusionàunepoésiedeKinoTsurayuki(883-946).].Ilestamusantdesongerqu'onpeutlereconnaîtreàcesigne[Phraseàdoublesens.Onpeutaussicomprendre:«Ilestagréabledesedirequelaprotectiondudieuadorédanscetempleestefficace.»].LedieudusanctuairedeKoto-no-marna [«Le dieu qui exauce les prières telles qu'elles sont faites », temple en Tôtômi.

AllusionàunepoésieduKokinshû,danslaquellesetrouventdeux«motsconnexes».]méritebienquel'ons'yfie;maisilestcurieuxdepenserqu'onaitpudire,jecrois,qu'ilexauçaittropfacilementlesprières.

Ledieudusanctuaired'Aridôshi[«Latraverséedesfourmis»,templeenIzumi.].OnrapportequeTsurayuki,alorsqu'ilpassaitprèsdutempledecenom,s'aperçutquesonchevalétait

malade.Lepoèteattribuacecontretempsàl'influencedudieu;ilcomposaunepoésiequ'illuioffrit;etl'onassure,chosetrèsamusante,queledieucessad'importunerlechevaletlecavalier.Lenomqu'onadonnéàcesanctuaireest-ilfondésurquelquechosedevrai?Ilyavaitautrefois,àcequel'onraconte,unempereur[L'histoirequivasuivreestenpartiefondéesurle«Soûtradela

corbeilledesjoyauxassemblés»(Zappôzôkyô).]quin'aimaitquelesjeunesgens,etfaisaitmettreàmortquiconqueavaitatteintlaquarantaine.Aussitouteslespersonnesâgéesallèrent-ellessecacherdanslesprovinceslespluséloignées;onnevitplusunvieillardàlacapitale.Cependant,ilyvivaitunhommeparvenuaugradedecapitaine,undesseigneurslesplusremarquablesdel'époque,quiétaitdouéd'unespritsubtil;etcetofficieravaitsonpèreetsamère,âgéstousdeuxdeprésdesoixante-dixans.Sachantquemêmelespersonnesdequaranteansdevaientquitterlaville,cespauvresgenspensaientqueleurpropresortétaitencorepluseffrayant,et lapeur leurbouleversait l'esprit.Mais lecapitaineaimaitbeaucoupsesvieuxparents, et leur assurait qu'il ne les laisserait jamais partir pour aller vivre au loin, car il ne pourraitresterunseuljoursanslesvoir.Travaillantensecretchaquenuit,ilcreusalesoldesamaisonetilybâtitunedemeuredanslaquelleilinstallasesparents;ilalla,ensuite,lesvoirrégulièrement.Naturellement,ilditauxautorités,commeàtoutlemonde,quesesparentsavaientdisparu.Maispourquoidonctoutcela?Cetempereurauraitbienmieuxfaitdenepass'occuperdevieillards

quiétaientd'âgeàresterchezeux,loindesaffairespubliques.Quellepitoyablesiècle!Lepèredont il s'agitdevaitêtre, sansdoute,unhautdignitaireouquelqu'undecette sorte,puisqu'il

avaitpourenfantuncapitaine.Commeilétaittrèshabileetsavaittout,sonfils,malgrésajeunesse,étaitaussitrèsintelligentettrèssage;etl'empereurregardaitcetofficiercommel'hommeleplusdistinguédecetemps-là.Or, à cette époque, l'empereurdeChine rêvait de s'emparerdenotrepays endupantd'une façonou

d'uneautrenotresouverain.Aussiproposait-ilcontinuellementàcedernier,pouréprouversasagacité,d'embarrassantes questions. C'est ainsi qu'un jour il lui envoya un morceau de bois rond et brillant,gracieusementpoli,longd'environdeuxpieds,endemandantoùenétaientlabaseetlacime[C'est-à-dire :«quelleextrémité,dansl'arbred'oùonavaittirécettebaguette,étaitlaplusrapprochéedupiedoudelacime?»].Commeiln'yavaitaucune apparence que l'on pût le savoir, l'empereur du Japon, réfléchissant sur la question, était dansl'anxiété.Lecapitaineenfutpeiné;ilalladireàsonpèrecequisepassait:«Mettez-vous,luienseignalevieillard,aubordd'unerivièrerapide,etjetezlemorceaudeboisentraversducourant.Il tournera,l'extrémitéquisedirigeraversl'avalseracellequiétaitenhaut.Faites-yunemarque,etqu'onenvoielebâtonà l'empereurdeChine.»Le fils revintauPalais,etparlacommes'ilavait lui-même imaginéunmoyendesortird'embarras.Ilditqu'ilallaitl'essayer;accompagnéd'unefouledegens, ilserenditauborddelarivière,yjetalemorceaudebois,etmitunsigneàl'extrémitéquiétaitalléeenavant.Onexpédialebâtonainsimarqué;laréponse,envérité,futtrouvéejuste.Uneautrefois,l'empereurdeChineenvoyadeuxserpentslongsd'environdeuxpieds,quiparaissaient

semblables, en demandant lequel des deux était lemâle, et lequel était la femelle. Cette fois encore,personne,absolument,n'arrivaitàlesavoir.Maisquandnotrecapitaineallaconsultersonpère,celui-ciluidit:«Placezlesdeuxserpentscôteàcôte,etapprochezdeleurqueueunjeunerameautrèsfin.Celuiquiremueralaqueue,ceseralafemelle.»Sansretardlefils,rentréauPalais,suivitcesconseils,et,eneffet,undesdeuxserpentsbougea,tandisquel'autrerestaitimmobile.Demêmequ'onavaitmarqué, lapremièrefois,unedesextrémitésdumorceaudebois,onfitunemarqueàlafemelle,avantderenvoyerlesdeuxserpentsenChine.Unlongtempss'écoula,puisl'empereurdeChineenvoyaencoreunpetitbijou,contournéseptfois,et

percéd'unétroitpassageouvertàsesdeuxextrémités.Cebijouétaitaccompagnédumessagesuivant :«Vousypasserezbienunfil;c'estunechosedonttoutlemondevientàboutdansnotrepays.»L'adressedesplushabilesartisansneservitderien,etàcommencerparlafouledeshautsdignitaires,tous,sansexception,déclarèrentqu'ilsne savaient comment résoudre laproblème.Lecapitaine retourna près desonpère,etquandilluieutexpliquécedontils'agissait,levieillardrépliqua:«Attrapezdeuxgrossesfourmis,fixez-leurauxreinsunfil trèsfin,auquelvousenattacherezunautreplusgros.Mettezensuitevosfourmis à l'unedesdeuxouverturesducouloirdont estpercé le joyau, puis essayezde les attirerjusqu'àl'autreorifice,quevousaurezenduitdemiel.»L'officiervintrépéteràl'empereurcequiluiavaitétédit.Quandoneutintroduitlesfourmisdanslepetitcouloirdubijou,ellessentirentl'odeurdumiel,et,envérité,ellesallèrentbienvitesortirparl'ouverturequiétaitàl'autrebout.Aprèsqu'oneutenvoyéàl'empereurdeChinelejoyauaveclefilqu'onyavaitpassé,ilseditqueles

habitants du pays où se lève le soleil étaient intelligents, et il renonça à proposer d'autres questions.L'empereurduJaponpensaque lecapitainequi l'avait tiréd'embarrasétaitunhommeétonnant ; il luidemanda:«Queferai-jepourvous?Àquelrangvousélèverai-je?»Maisl'officierrépondit:«Nemedonnezaucunefonctionniaucunrang.Daignezseulementpermettrequ'onaillechercherlesvieuxparentsquisontalléssecacherbienloin,etfaites-leurlagrâcedeleslaisservivreàlacapitale.»L'empereurdéclaraquelachoseétaitbienfacile;ettouslesparents,quandilsapprirentqu'ilspouvaientrevenir,seréjouirentextrêmement.Lecapitainefutnomméministre.Peut-êtrelepèreest-il,plustard,devenuunesprit.Unenuit,ledieud'Aridôshiapparutàdesgensqui

étaientallésenpèlerinageautempleconnusouscenom,etilleurparla.Onm'aracontéqu'illeuravaitdemandé:«Ya-t-ilaumondepersonnequipuisseignorerQu'onappelacetemplela«traverséedesfourmis»Parcequ'onavaitpasséunfilDansunbijoucontournéSeptfois?»[OnignoreoùSeiatrouvécettepoésie.]

116.ChosesquitombentducielLaneige.Lagrêle.Jen'aimepaslegrésil;maisquandils'ymêledelaneige,touteblanche,c'estjoli.Laneigeestmerveilleuselorsqu'elles'estaccumuléesuruntoitfaitavecl'écorceduthuya.Lorsquelaneigeadéjàcommencéàfondre,ouquandiln'enestpastombébeaucoup,elleentredans

touslesintersticesdestuiles,etonvoitletoit,noirici,etailleurstoutblanc.C'estravissant!J'aimelesondéesetlagrêlequandellestombentsurunemaisoncouvertedeplanches.J'aimeaussilageléeblanchesuruntoitdeboisoudansunjardin.

117.Lesoleil

Lesoleilcouchant.Surlacrêtedesmonts,derrièrelesquelsilvientdedisparaître,onvoitencoreune

lueurrouge,etlesnuagess'étendentenfinestraînéesteintéesdejauneclair.J'enailecœurcharmé.

118.LaluneLalunepâliedel'aurore.Lalunemecharmeencorequandsonmincecroissantapparaîtsurlacimedesmontagnes,àl'orient.

119.LesétoilesLesPléiades.L'étoileduBouvier.L'étoiledumatin.L'étoiledusoir.Siseulementiln'yavaitpasd'étoilesfilantes,ceseraitencoremieux[Lemottraduitpar«étoilesfilantes»pourrait

l'êtrepar«étoilesdesrendez-vousnocturnes».].

12o.LesnuagesLesnuagesblancs,pourpres,noirs,meravissent.Lesnuageschargésdepluie,queleventchasse.J'aimevoiraussi,àlapointedujour,lesnuagessombres,quipeuàpeublanchissent.Dansunepoésie

chinoise,onaparlé,jecrois,delateintequidisparaissaitàl'aurore[PoèmedeSongYu(environtroiscentsansavantnotreère),recueillidansleWen-sivan.].C'estbienjoliencorelorsqu'unnuagemincecouvrelafacebrillantedelalune!

121.LebrouillardLabrumesurlarivière.

122.ChosestumultueusesLesétincelles.Descorbeaux,surun toitdeplanches,mangent le rizqu'onamis là,enoffrandeauxdieux,avant le

repasdesbonzes.Lafouledesfidèlesquifontretraite,ledix-huitdechaquemois,autempledeKiyomizu[EnYamashiro,au

sud-estdeKyôto.Ilestdédiéà«Kwannonauxmillemains».].Quandlanuittombe,àl'heureoùleslumièresnebrillentpasencore,ilvient,detouscôtés,desgensquiserassemblent.Àplusforteraison,queltumultedansunemaisonquandlemaîtrearrive,revenantd'unendroitéloigné,

d'uneautreprovinceparexemple!Onditqu'unincendieaéclaté,toutprès,maislefeunes'estpasétendu.Queltapage!Quandunspectacleestterminé,lesvoituresquirepartentenconfusion.

123.ChosesnégligéesLatenuedesdamesdontlescheveuxsontrelevés.L'enversd'uneceinturedecuirdontl'endroitestorné

dedessinschinois.Laconduited'unsaintreligieux[Ilnesesouciepasdel'opiniondesgens.].

124.Gensguis'exprimentdefaçoninconvenanteLesgensquidisentleslitaniesdeladéesseMiyanonie[Divinitéshintoïstequ'invoquaitàcertainesépoqueslechefde

chaquefamillepourluidemanderd'enéloignerlescalamités.Cetteprièren'avaitpasl'élégancedecellesquefaisaientlesprêtres.].Lesrameursd'unbateau.Les gardes du corps chargés de veiller lorsque le tonnerre gronde [Littéralement : « Les gardes du poste du

tonnerre».].Leslutteurs.

125.GensquiprennentdesairssavantsLesenfantsd'aujourd'hui,àtroisans.Lesfemmesquiinvoquentlesdieuxpourobtenirlaguérisond'unenfant,oufontlespratiquesmagiques

qui lepurifierontdessouillureset ledélivrerontdumal.Lasorcièredemandequ'on lui apporte,de lamaisondumalade,toutcequ'illuifaut.Ellepréparelesobjetsquiluiserontnécessairesquandelleferases invocations ;pourcela,elleplace l'unesur l'autrequantitéde feuillesdepapier,qu'elle semetendevoirdecouperavecuncouteautoutémoussé.Ondiraitquececouteaunepourraitpasmêmetrancheruneseulefeuille,et,enseservantd'unpareilinstrument,lafemmepeineàtelpointqu'elleenalaboucheserrée,tordue.Ellepliedespapiersd'offrandeànombreusesdentelures [Seiparle sansdoute icidugo-bei, cettebaguettedressée,d'oùpendentdesrubansdepapiercurieusementpliésetdécoupés,etquiest l'objetprincipalduculteshintoïste.],etlessuspendàdesbaguettesdebambouqu'ellecoupe.Etquandelleatoutapprêtéaveclagravitéconvenableàunechosedivine,elleagitecespapiersd'offrande,elle invoquelesdieuxenprenantungrandairdescience.Puiselleraconte:«LeprinceUnTel,lejeuneprincedetelpalais,étaitbienbas;maisjel'aiguéri

aussivitequesij'avaiseffacésonmal;etonm'adonnéforceprésents.Onavaitfaitvenirtousceuxquientendent quelque chose à la guérison des malades ; mais ils n'avaient obtenu aucun résultat ; etmaintenant c'est moi, la femme, qu'on appelle dans des cas semblables. Aussi, quelles faveurs j'aireçues!»Ilestamusantd'entendreparlercettefemme.Unemaîtresse demaison, debasse classe, prend aussi des airs savants.C'est déjà drôle quand son

marieststupide,maiselletrouveraitlemoyendedonnerdesleçonsàunhommevraimentintelligent.

126.Hautsdignitaires

LeSeigneurquidirigelaMaisonduPrincehéritier.Lescommandantsdesdivisionsdegaucheetdedroitedelagardeducorps.Unvice-premiersous-secrétaired'État.Unvice-deuxièmesous-secrétaired'État.Unconseillerd'État,capitainedelagardeducorps.Undignitairedutroisièmerang,capitainedelagardeducorps.LeVice-directeurdelaMaisonduPrincehéritier.Unconseillerd'État,gentilhommedelachambre.

127.SeigneursdenoblefamilleLeCenseursous-chefdeschambellans.LeCapitainedelagardeducorps,sous-chefdeschambellans.Unvice-capitainedelagardeducorps.Unseigneurduquatrièmerang,lieutenantdelagardeducorps.Uncenseur-chambellan.Unchambellan,troisièmesous-secrétaired'État.LeSous-directeurdelaMaisonduPrincehéritier.Unchambellan,capitainedelagardeimpériale.

128.PrêtresbouddhistesLesmaîtresdelaRègle.LesbonzesduPalais.

129.FemmesUne«deuxièmefilled'honneur».Une«troisièmefilled'honneur».

130.PalaisetmaisonsnoblesoùserventdesdamesLePalaisdel'Empereur.Celuidel'Impératrice.LeservicedelaPrincesseImpériale,filledel'Impératrice.CeluidesPrincesdusang,dignitairesdupremierrang.J'aimerais servir la Princesse consacrée deKamo, bien que ses péchés soient grands [A cause de ses

fonctions, la grande prêtresse du temple shintoïste de Kamo devait commettre de nombreuses infractions à la loi bouddhique.]. Celle

surtoutquiaprésentementcettedignitéestunesuperbeprincesse.Leservicedel'ÉpouseImpériale,mèreduPrincehéritier.

131.Gensàproposdesquelsonsedemandesileuraspectauraitautantchangé,supposéqu'ilsfussent,aprèsavoirquittécemonde,revenusdansunautrecorps

Unepersonne ayant servi auPalais comme simple dame, et qui est devenue la nourrice de quelqueprince.Elleneportepasdemanteauchinois,et il est inutilequ'elleprenne le soindemettreune juped'apparat.Cependant,vêtuesimplementd'unerobeblanche,ellecoucheàcôtédu jeuneprince,ellesetient avec lui derrière l'écran. Elle appelle les dames, elle en fait ses servantes, elle les envoie à sachambrelorsqu'elleaquelquechoseàfairedireoubienellefaitporterdeslettres.Elleagitavecunaird'autoritéquel'onnesauraitdécrire.Quandundesemployésinférieursattachésauservicedeschambellansdevientlui-mêmechambellan,

c'estpourluiunavancementsuperbe.Onnediraitpasquec'estlemêmehommequiportaitsursondosuneharpe,auonzièmemoisdel'annéeprécédente,àlafêtespécialedeKamo,etquandonlevoitallerdecompagnieaveclesfilsdenobles,onsedemande,émerveillé,quelleestsaposition.Leshommesvenusd'un autre service, qui ont été nommés chambellans, jouissent desmêmes avantages ; mais on ne lesadmirepastant.Unjour,laneigeavaitdéjàcouvertlesold'unépaismanteau;elletombaitencore,quandjevispasser

deshommesducinquièmeetduquatrièmerang.Ilsavaientdefraîchescouleursetunairjuvénile.Commeilsétaientencostumedegardedenuit,ilsavaientretrousséleurhabitdedessus,trèsjoli,surlequelonapercevait lamarque laisséepar leurceinturedecuir. Ilsportaientdespantalonsà lacets,d'une teinteviolettequelecontrasteaveclablancheurdelaneigefaisaitresplendiretparaîtreplusfoncée.Ceuxquin'avaient pas de gilet écarlate en portaient un qui était d'une couleur de kerrie très voyante, et quidépassaitunpeu leurvêtementdedessus.Ceshommes avaient des parapluies qu'ils tenaient ouverts ;Maiscommeleventsoufflaittrèsfort,lesfloconslesatteignaientobliquement,etilsvenaientencourbantunpeuledos.Laneige,touteblanche,couvraitjusqu'auxextrémitésdeleursbottesoudeleurschaussuresbasses.C'étaituncharmantspectacle!Unmatin,onavaitouvertdetrèsbonneheurelaporteàcoulisseducorridor.Descourtisans,quittantle

PalaisRéservé,venaientde la longuegaleriequise trouveauprèsde lasalleoù l'Empereurprendsesbains.Leursmanteauxdecouretleurspantalonsàlacetsétaientfanés,toutdéchirés;ilss'efforçaientdefairerentrerleursvêtementsdedessous,dediversescouleurs,quisortaientparlesaccrocs.Commeilsallaientdansladirectiondupostedunord,aumomentdepasserdevantlaporteouverte,ilstirèrent,pourcacherleurvisage,lerubandeleurcoiffureentravers.

132.ChosesquinefontquepasserUnbateaudontlavoileesthissée.L'âgedesgens.Leprintemps,l'été,l'automneetl'hiver.

133.ChosesquelesgensignorentleplusfréquemmentLavieillessedeleurmère.Lesjoursnéfastes[Outrelecinquièmejour,quel'oncroyaitnéfaste,d'autres,désignésparles

nomsdetelsoutels«troncs»etdifférentspourchaquemois,passaientpourl'êtreaussi.].Aucinquièmeetausixièmemois,verslesoir,onvoitpasserdesenfantsvêtusderougequiontcoupé

desherbesvertes,finesetgracieuses.Ilsontdepetitschapeauxdepaille,etilsmarchententenantdanschacunedeleursmainsunegrossepoignéedecesherbes.Sansyprendregarde,onestravi.Une fois, alors que j'étais en route pour aller en pèlerinage au temple deKamo, j'aperçus dans les

champs une foule de femmes. En guise de chapeaux de paille, elles portaient des coiffures quiressemblaient àdesplateauxneufs.On les entendait chanter, on les voyait se baisser, puis se relever.Sansparaîtrerienfaire,ellesallaientseulementàreculons,lentement,etjemedemandaisenquoipouvaitconsisterleurtravail.Maiscommejelesregardais,charmée,jecomprislesparolesdeleurchanson,extrêmementimpoliesà

l'égardducoucou,etj'enfusattristée.«Ah!coucou,disaient-elles;ah!toi,mauvaisdrôle!Tandisquetoi,tuchantes,moijesuisdansla

rizière!»À peine avais-je entendu ce chant, qu'une demes compagnes s'exclama [Peut-être est-ce Sei elle même qui

parle.]:«Quellessontcesfemmes?Ellesontdit,jecrois,quelecoucouchantaittropfort[Allusionpossibleàunepoésie.]?Cesontdesgensquidédaigneraientl'adolescencedeNakatada!»Ceux,justement,quidéclarentlecoucouinférieuraurosssignolmeparaissentincapablesdesentiment,

ettoutàfaitdétestables.Lerossignolnechantepaslanuit,etc'estgranddommageToutcequichantelanuitestravissant.Ilest

vraiqu'iln'enestpasainsipourlesenfants.J'allais,verslafinduhuitièmemois,enpèlerinageautempled'Uzumasa[EnYamashiro,à l'ouestdeKyôto.] ;

enchemin, je regardais la campagne.Denombreuxhommes travaillaient bruyamment dans les rizièrescouvertesd'épis.C'étaitlamoisson.«Ah!medisais-je,quellessontvraieslesparolesdupoète:«Onarrachait les jeunespoussesde riz [Pour les repiquer. Poésie duKokinshû.], et déjà si peude temps après… »Hélas!c'estlavérité,lerizquej'aivuplanterilyaquelquesmois,enmerendantàKamo,mefaitpitiéàprésent.»Cettefois-là,iln'yavaitpasdefemmeparmilespaysans.Ceux-ciprenaientd'unemainlestigesencore

vertes,surmontéesdesépistoutdorés,puislescoupaientdel'autreenusantd'unefaucille,oude jenesais quel instrument. La facilité avec laquelle ils semblaient travailler m'émerveillait ; je me sentaistentéedemejoindreàeux.Jenesavaiscommentilsfaisaient.Ilétaitcharmantdevoirtousleshommes,alignés,quidressaientlesgerbes,lesépisenhaut.Cesmoissonneursavaientdeshuttesd'uneformeétrange.

134.Chosestrèsmalpropres

Unelimace.Unbalaiquiaserviànettoyerunmauvaisplancher.Lesbolscommuns,danslesquelsmangentlescourtisansauPalaisImpérial[Vaseslaqués,dontl'enduits'écaillait

sansdoute.].

135.ChosesexcessivementeffrayantesLetonnerrequigrondelanuit.Unvoleur qui a pénétré, nuitamment, dans lamaisonvoisine. Si c'est dans celle où l'on habite soi-

mêmequ'ils'introduit,onatellementpeurqu'onperdlatêteetqu'onnesaitpluscequiarrive.

136.ChosesquidonnentconfianceQuandonestmalade, lesprièreset lespieuxexercices [Littéralement : « la pratique de la Loi ».]que font de

nombreuxbonzespourvotreguérison.Lorsqu'unepersonnechèreestmalade,lesconsolationsetlesencouragementsdequelqu'unenquil'on

avraimentconfiance.Êtreauprèsdesesparentslorsqu'ilarrivequelquechosedeterrible.Avecbeaucoupdepréparatifs,quelqu'unadopteungendremaisaprès trèspeude temps,celui-cine

revientplus.Etvoicique legendreet lebeau-pèrese rencontrentdansunendroitoù tousdeuxétaientobligésd'aller.Nepensera-t-onpasquec'estunechosepitoyable?Certainjeunehomme,qu'avaitprispourgendreundespuissantsdujour,restaitparfoisunmoisentier

sansfaireseulementunerapidevisitechezsonbeau-père.Àlafin,ilcessacomplètementd'yvenir.Toutlemonde,danslamaison,disaitdeluipisquependre;lanourricedelajeunefemmeetlespersonnesdecettesortesouhaitaientàl'infidèletouslesmalheurs.Cependant,aupremiermoisdel'annéesuivante,ilfutnomméchambellan.«Ah!s'écria-t-onavecforcetapage,lesgensdoiventpenserquec'eststupéfiant,etsedemandercommentilapuobtenirceposte,étantdonnéqu'ilestdansdemauvaistermesavecsonbeau-père!»L'échodecesrumeursdutarriverauxoreillesdugendre.Or,unjourdusixièmemois,alorsqu'unefouled'auditeurssepressaientdansunendroitoùunprêtre

faisaitles«HuitInstructions»,cegendredevenuchambellanétaitlà.Ilportaitunpantalondedessusensoiedamassée,unvêtementdedessousrougefoncé[Suôgasane.Enréalité,lerougefoncéétaitlacouleurdeladoublure,letissu étant blanc brillant.]unecasaquecourteetsansmanches,decouleurnoire, le toutextrêmement joli.Cethommese trouvait toutprèsde la femmequ'il avait délaissée ; il aurait pu accrocher le cordonde sacasaqueàla«queuedemilan [Lapartie postérieure de chacunedes longues pièces de bois qui formaient les brancards, et quidépassaientenarrièrelacaissedelavoiture.]»delavoiturequ'elleoccupait.«De quel œil doit-elle le voir ? » se disaient avec pitié, dans leur voiture, celles des dames qui

s'étaientaperçuesdelachose.Plustardd'autrespersonnes,auxquellesonenparla,s'exclamèrent :« Ilestdemeurélà,indifférent!»Maisl'homme,àcequ'ilsembla,n'envitpasmieuxcombienlasituationdesafemmeétaitpénible,etnesesouciapointdecequelesgenspouvaientpenser.Parmi leschoses,encore,qui sont lesplus tristesdumonde,ondoit citer lapeineque l'onéprouve

quand on se sent détesté. Quel est l'insensé qui aimerait d'être un objet de haine pour quelqu'un ?

Cependant, qu'elles soient au Palais, en service, ou bien parmi leurs parents et leurs frères et sœurs,tellespersonnessontnaturellementaimées,tellesautresnelesontpas.C'esttoutàfaitdésolant.Nonseulementchezlesgensbiennés,commeilvasansdire,maisencorechezceuxdelabasseclasse,

les enfant choyés par leurs parents attirent l'attention. On en fait grand cas, on les chérit. S'ils sontplaisantsàvoir,onpensequeleursparentsontraison,etl'onsedemandecommentonn'aimeraitpascesenfants.Maisquandceux-cin'ontriendeparticulièrementagréable,onsedit:«Sicesgenslestrouventcharmants,c'estbienparcequ'ilssontleursparents!»C'estlamentable.Iln'est riend'aussiagréable, jepense,quedesevoiraiméde tout lemonde,desesparents,deses

maîtres,etmêmedetouteslespersonnesaveclesquellesonal'habitudedeconverserfamilièrement.Les hommes sont aussi d'une humeur extraordinaire, bizarre. Il est vraiment étrange de les voir

délaisserunepersonnetrèsjolie,etenprendreunelaidepourfemme.UnhommeayantsesentréesauPalaisImpérialdevraitchoisiretaimerlaplusbelleparmitoutesles

fillesdebonnemaison.Simême,àcauseduhautrangdecellequil'acharmé,ilpeutcraindredenepasl'obtenir, qu'il voue sonexistence à la conquête de cette femme !Souvent, quandun homme a entenduvanterlabeautéd'unejeunefille,ils'enéprend,aubesoinsansl'avoirvue,etferaittoutpourlaposséder.Commentest-ilpossible,d'autrepart,qu'unhommepuisseaimerunepersonnequipassepourlaidemêmeauxyeuxdesautresfemmes?Ilpeutarriverqu'unedamedontlevisagesoittrèsjoli,etdontl'espritsoitagréableaussi,envoieàcet

hommeunepoésiegracieusementécrite,etcomposéeavecgoût.Ilsecontentealorsdeluiadresseruneréponseprétentieuse,ilnevientpasauprèsd'elle.Ladamepleure;cependantildédaignecellequeseslarmesrendentcharmante,pourallervoiruneautrefemmequinelavautpas.Laconduitedecethommeeststupéfiante,elleirritemêmeceuxquin'ontpasàensouffrir,etlafamilledeladame,voyantcela,doitêtredésolée.Maislui,ausujetdequil'onsetourmente,iln'apaslemoindresoucidecetteaffliction.La sympathie est la chosedumondeque je trouve la plus belle. Il va sans dire que cela est vrai à

proposdeshommesmaiscel'estaussipourlesfemmes.Bienquecesoientlàdesmotsprononcéssanstropysonger,etnondesparolesempressées,venuesdu

fond du cœur, on fait plaisir aux gens lorsqu'on déclare, à propos d'un ennui qu'ils ont eu : « C'estmalheureux» ; ou bien, s'il leur est arrivé une chose lamentable :«En vérité, quelle douleur ce doitêtre!»Cesparolesdecompassionsemblentplusagréablesàlapersonneintéresséequandellesluisontrépétées que lorsqu'elles lui sont dites directement. Dans le premier cas, cette personne se demandecomment ellepourrait fairevoir à celle qui a témoigné de la sympathie pour elle combien elle en futtouchée;elleypensetoujours.S'il s'agitd'unepersonneque l'ondoit, sans faute, aimeret visiter, l'intérêt qu'on luimarque est une

choseobligée,aussin'yattache-t-ellepasuneimportanceparticulière.Maissic'estquelqu'unàquil'onn'estpasforcédemontrertantd'affection,uneréponseaimabledesapartvouscharmera.Iln'encoûtepointd'avoircesattentions,etcependantonnevoitjamaislesgenss'ensoucier.Généralement,ilsemblemalaisédetrouverquelqu'un,hommeoufemme,quiaitboncœur,etquisoit

vraimentsansdéfaut.Etpourtant,ildoityavoirbeaucoupdetellespersonnes!Ceuxquisefâchentparcequ'onafaitdesracontagesàleursujetontbienpeudesens.Commentserait-

ilpossiblequ'onn'enfîtpas?Ya-t-ildesgensquiespèrentpouvoircensurersévèrementlesautres,touten laissantdans l'ombre leurspropresdéfauts?Pourtant, lamédisanceparait à lapersonne qui en estl'objetunechosedétestable,et,sansdoute,quandelleapprendqu'onl'acritiquée,hait-elled'instinctcelle

quiamalparléd'elle.Unpareilsentimentneluidonneaucuncharme.Sicellequiaditdumaldemoiestune amieque je ne pourrais la chasser dema pensée, je réfléchis, j'ai pitié, je supportema peine ensilence.Maissijenel'aimepasilfautquejeparle,etquel'onrieàsesdépens.Les traits qui charment particulièrement dans le visage d'une personne semblent toujours jolis et

merveilleux,mêmesionlesvoitbiendesfois.Pourunepeinturec'estdifférent:sionl'avuesouvent,onn'yfaitplusattention,etbienqueleparaventàcôtéduquelons'assiedd'habitudesoitornédesplendidespeintures,onn'yjettepasuncoupd'œil.Le visage d'une personne est vraiment une jolie chose.Même dans un objet qui est laid, on trouve

toujoursunpointagréableàregarder.Ilesttristedepenserqu'ilenpourraitallerpareillementpourunelaidefigure[Ilvautmieuxquerien,dansunlaidvisage,n'attirel'attention;silesyeuxsontbeaux,onregretteradavantage,alors,quelabouchesoitmalfaite.].

137.ChosesquirendentheureuxOntrouveungrandnombredecontesqu'onn'apasencorevus.Ouencore,onalulepremiervolume

d'unromanpassionnant,etl'ondécouvrelesecond.Ilpeutsefaire,dureste,qu'onsoitdéçu.Quelqu'unadéchiréunelettre,puisajetélesmorceau;onentrouvebeaucoupquisesuivent.Onafaitunsongehorrible.Onsedemandequelmalheurilprésage,onalapoitrinebriséeparl'effroi;

maisledevinvousexpliquequecerêvenesignifierien.Onestravi.Denombreusesdamesentourentleurmaîtresse,unepersonned'unhautrang,etcelle-ciracontequelque

chose,soitunehistoiredutempspassé,soitunévénementqu'ellevientd'apprendre,etdontlebruitcourtprésentementdanslemonde.Toutenparlant,elleregardeparticulièrementunedesdames:quelbonheurpourcelle-ci!Onm'annoncequ'unepersonnechèreestmalade.Sielledemeuredansunendroitéloigné, ilvasans

direquejesuisinquiète,etmêmesiellehabite,commemoi,àlacapitale,jemedemandeavecanxiétécommentelleva,jesuisdésolée.Maisquellejoielorsquejereçoislanouvelledesaguérison.Je suis heureuse quand on vante une personne que j'aime, ou lorsqu'un haut personnage, en parlant

d'elle,montrequ'ilnelatrouvepointdéplaisante.Au sujet d'une chose ou d'une autre, on a composé une poésie, ou bien on a envoyé un poème à

quelqu'unenréponseàceluiqu'ilvousavait adressé ; lesgensquiontentenduvosvers les louent, etprennent note de ce jugement flatteur [Ou « les louent et en prennent note ».]. Bien que je n'aie pas encore eul'occasiondelagoûter,j'imagineaisémentquellejoieondoitalorsressentir.Unepersonneaveclaquelleonn'estpasintimementliéaparléd'unechoseanciennequel'onignore;

maisonapprendcedont il s'agit en l'entendant dire par une autre, et l'on est bien heureux. Lorsqu'ondécouvre plus tard cette vieille poésie dans quelque livre et que l'on se dit, amusé : « C'était toutsimplementcelle-ci»,onpenseavecplaisiràlapersonnequivousarenseigné.JesuisheureusequandjemesuisprocurédupapierdeMichinoku,dupapierblanc,épais,defantaisie,

etmêmedupapierordinaire,s'ilestblancetnet.Unepersonnedevant laquelle je suisgênéemedemande lecommencementou la find'unepoésie,et

justementjem'ensouviens.Quoiqu'ils'agissedemoi,ilm'estpermisdedirequec'estravissant.Ilestvraiqu'enbiendesoccasions,quandonm'interroge, jenepuis rienrépondre,ayantperdu tout

souvenirdeschosesmêmequejemerappelled'ordinaire.

Jechercheunobjetqu'ilmefauttrouvertoutdesuite,etjeledécouvre.J'aicomplètementégaréunlivrequej'aibesoindeconsultersur-le-champ;jelechercheendérangeant

àplusieursreprisesquantitédechoses,etjefinisparletrouver.Jesuistransportéedejoie.Lorsqu'onestvainqueurdansunconcours[Concoursdebouquets,tournoisdepoésiescomposéessurunsujetdonné,etc.],

dansn'importequellelutte,commentneserait-onpasravi?Jesuisheureuseaussiquandjeparviensàconfondreunepersonnetoutepleined'elle-même,etdontle

visagerespirelavanité.J'aiencoreplusdejoie lorsqu'ils'agitd'unhommequesi j'aiaffaireàunedemescompagnes.Ilestamusantdevoirquecethommeestdansunecontinuelleanxiétéàmonsujet,dansla crainte d'une repartiemalicieuse que je ne saurais manquer, pense-t-il, de lui faire. Pourtant, quelplaisirj'aiaussiàendormirlentementsaméfiance,enprenantunairtoutàfaitindifférent,enfeignantdenesongeràrien!Toutenpensantquejedois,ainsi,mériterlechâtimentduCiel,jemeréjouislorsqu'unmalheurarriveà

unepersonnequejedéteste.C'estunejoieencoredevoirquelepeignepourmettredanssescheveux,quel'onafaitfaire,semble

joli.Jesuisheureusedubonheurquiéchoitàunepersonnequej'aime,plusquedumienmême.Un jour, j'arrivai près de l'Impératrice alors qu'une foule de personnes étaient réunies autour d'elle,

serréeslesunscontrelesautres.Jem'assisdoncaupiedd'unpilier,àquelquedistancedemamaîtresse;mais celle-cim'aperçut et m'appela. Tout le monde s'écarta pour me laisser passer ; je m'approchai,ravie.Unautrejour,commedenombreusesdamesentouraientl'Impératrice,jedisàproposdequelquechose

dontelleavaitparlé:«Parfoislemondem'irriteetm'ennuie;certesilmesembleimpossibledevivreuninstantdeplus.Jevoudraism'enalleretmeperdrejenesaisoù;maissi,alors,jemetslamainsurdujolipapierordinaire, trèsblanc,surunbonpinceau,surde l'épaispapierblancdefantaisie,ousurdupapierdeMichinoku,jemesensdisposéeàresterencoreunpeusurcetteterre,tellequejesuis.Etaussi,quand je regarde, après l'avoir étalée, une natte verte, finement tressée, bordée d'une étoffe dont lesdessins noirs se détachent nettement sur le fond blanc, je crois que vraiment, je ne pourrais jamaischasserlemondedemapensée;jetrouvemêmelavieprécieuse.»L'Impératricemeréponditenriant:«Vousvousconsolezavecbienpeudechose.Commentétaitdoncceluiquicontemplait la lunesur laMontagnedelatanteabandonnée[PoésieduKokinshû.Pourlamontagnedontils'agitetlalégendequesonnomrappelle.]?»Lesdamesquim'avaiententenduedéclarèrentaussi:«Voilàuneprièretrèsfacileàfaire,pouréviter

lemal!»Quelquetempsaprès,jeséjournaisàlacampagne,ettoutessortesd'idéesmélancoliquesmepassaient

parlatête,quandjereçusdel'Impératrice,enunpaquet,vingtcahiersdesuperbepapier.SaMajestémefaisaitdirederevenir,etm'écrivait:«Sijevousenvoiecepapier,c'estquejemerappellecequevouscontiezl'autrejour.Maiscommeilsembled'unequalitéinférieure,vousn'ypourrezsansdoutepascopierl'Écriture de longue vie [Jumyôkyô, un texte bouddhique.]. » Je fus transportée d'allégresse.Ainsi, elle avaitgardé lamémoire de quelques paroles que j'avaismoi-même complètement oubliées. Si une personneordinairem'avait témoigné autant d'intérêt, j'aurais déjà été ravie ;mais à plus forte raison, une telleattention de la part de l'Impératrice n'était pas, je pense, une chose à laquelle je dusse naturellementm'attendre.La joie me troublait l'esprit, et comme je ne me sentais pas en état de répondre convenablement,

j'écriviscessimplesmots:

«ParlagrâceDelaDéesserévérée,Dontj'oseàpeineparler,jevivraisûrementAussilongtempsquelagrue.»[«dontj'oseàpeineparler»estun«motd'appui»de«déesse»,quis'appliqueiciàl'impératrice.Lagrueestunemblèmedelongévité.]J'ajoutai:«VeuillezdemanderàSaMajestésiceneseraitpastropespérer»,puisj'envoyaimalettre.

C'était une dame d'un rang inférieur, employée à l'office, qui était venuem'apporter le cadeau demamaîtresse;jeluidonnaiunvêtementvert-jaune,sansdoublure.Ravie,jem'empressaidefaire,aveclepapierquej'avaisreçu,uncahierdenotes,et,envérité,j'eus

tantdeplaisirquej'oubliaimesennuis,etquejemesentischarméeauplusprofondducœur.Deuxmois[«Deuxjours»,dansletextedeM.Kaneko.]plustard,unhommehabilléderougearriva,portantune

natte, et dit seulement : « Voici. » Une servante sortit en demandant avec humeur : « Quel est cetindividu?Envoilàunsans-gêne!»Maislemessagerluilaissalanatte;ilpartit,etcommej'ordonnaisàla fillede l'interrogerpoursavoird'oùvenaitceprésent,ellemeréponditque l'hommen'était plus là,puis elle apporta la natte dans la maison. Cette natte avait été faite avec un soin particulier, elleressemblaitàcellesquiserventpourleshautspersonnages,etavaitunetrèsjoliebordured'étoffe.Jemedisaisenmoncœur :«Oui,cedoitêtrecela [C'est-à-dire : « Ce doit être l'impératrice qui m'envoie cette natte. »] ! »Cependant je n'étais sûre de rien, et j'envoyai quelqu'un à la recherche du messager ; celui-ci avaitdisparu,toutlemondes'étonnaitetriait;maiscommeonnetrouvaitpascethomme,ilétaitinutilededireaux gens pourquoi je désirais le voir. « Si c'est par erreur, pensais-je, qu'il m'a apporté la natte, ilreviendra de lui-même. » J'aurais volontiers envoyé une servante chercher des renseignements dansl'entouragedel'Impératrice;maisjesongeais:«Quidoncauraitpufaireunetellechoseparmégarde?C'est, assurément, ma maîtresse qui en avait donné l'ordre. » Cette pensée me ravissait. Deux jourss'écoulèrentsansquej'entendisseparlerderien;jenedoutaiplus,etjefisdireàladameSakyô:«Voilàcequim'estarrivé;avez-vouseuventd'unepareillehistoire?Apprenez-moisecrètementcequienest,etsivousn'avezrienvu,nelaissezsoupçonneràpersonnecequejevousaidemandé.»«Ils'agit,meréponditSakyô,d'unechosequel'Impératriceafaiteenprenantleplusgrandsoinpourquelesecretfûtgardé!Surtout,neditesjamais,mêmeplustard,quec'estmoiquivousenaiparlé.»Heureusedevoirmasuppositionvérifiée, j'écrivisunelettre,que j'envoyaimettreencachettesur la

balustrade,aupalaisdel'Impératrice;maislamessagèreétaitsitroubléequ'aussitôtaprèsl'avoirposée,ellefittombercettelettresurunescalier,enlabalayantavecsamanche.Versledixdudeuxièmemois[Ouplutôtverslevingt.En994.],leSeigneurmairedupalais[Michitaka.C'estluiqui,

en 990, fonda le temple Shakuzenji, dans le centre de .Kyôto.] fit lire,enoffrande, laCollectiondesSaintesÉcrituresdansletempleappeléShakuzenji,installédanslePalaisdelaprospéritédelaLoi.CommelaDouairièreet l'Impératrice devaient assister à cette cérémonie,mamaîtresse se rendit au Palais de laDeuxièmeavenueverslepremierjourdudeuxièmemois.Lanuitétaittrèsavancéequandnousarrivâmes,etj'avaisunetelleenviededormirquejemecouchaisansfaireattentionàrien.Quandjemelevai,lelendemainmatin,alorsquelesoleilbrillaitdéjàsplendidement,jevisquetout

étaittrèspropre,toutneufetélégammentdisposé,àcommencerparlestorequiparaissaitaccrochédelaveille.Charmée, jemedemandaiscombiendetemps [Sei s'émerveillait de la rapidité avec laquelle on avait aménagé lepalais.]ilavaitfallupourornerlasalle,pourapporteretinstallerles«lions»etles«chiensdeCorée».Ilyavait, aubasde l'escalier,uncerisierhautd'environdixpieds, couvert de fleursmerveilleuses.

«Ah!medis-je,cetarbreestfleuridebienbonneheure;lespruniers,eux,doiventêtremaintenanten

pleine floraison ! » En les admirant, je remarquai que les fleurs du cerisier étaient sans douteartificielles ;mais leurs nuances ne le cédaient pas à celles de véritables corolles.Quelle habileté ilavait dû falloir pour les faire ! Il m'était pénible de penser, en regardant ces fleurs qu'elles seraientflétriess'ilvenaitàpleuvoir.Comme le palais avait été construit sur un terrain précédemment occupé par beaucoup de petites

maisons, on n'y pouvait pas encore admirer les arbres du jardin ; mais l'édifice lui-même avait uneélégancequicharmaitl'âme.LeSeigneurmairedupalaisarriva.Ilportaitunpantalonàlacetsfaitd'uneétoffe façonnée, gris bleuâtre, unmanteaude cour, couleur de cerisier, avec seulement trois vêtementsécarlates.Lesdames, et jedoisd'abordnommer l'Impératrice,portaient les costumes lesplus jolisdumonde,

d'étoffescouleurdeprunierrouge,foncéeouclaire,lesunesfaçonnées,lesautresornéesdedessinsenrelief.Touscesvêtementsresplendissaient.Lesdamesavaientaussidesmanteauxchinoisverttendre,oucouleurdesaule,oucouleurdeprunierrouge.LeMairedupalaisvints'asseoirauprèsdemamaîtresse,ets'entretintavecelle.Je lescontemplais,

j'auraisvouluquechacundeceuxquivivaientendehorsduPalaispûtvoir,aumoinsd'unfurtifregard,lesfaçonscharmantesqu'avaitl'Impératriceenrépondantàsonpère;justementlesmanièresquel'oneûtsouhaitées.Enconsidérant touteslesdamesalignées, leSeigneurditàl'Impératrice:«Quepourriez-vousavoir

encoreàdésirer?Vraiment,jevousenvie,quandjevoistoutescesjoliespersonnesassisescôteàcôteautour de vous. Il n'en est aucune qui soit d'une petite naissance. Ce sont toutes des filles de bonnemaison.Leurdévouementmetouche,etvousdeveztraiteravecbienveillancelesdamesdevotresuite;mais, en vérité, comment peuvent-elles, connaissant le cœur deVotreMajesté,entrer si nombreuses àvotre service ?Vous êtes d'une avarice tellement indigne !Bien que je vous serve,moi, avec un zèleextrêmedepuisquevousêtesaumonde,vousnem'avezpasdonnéunseulvieuxvêtement.Pourquoiirais-jeracontercelapar-derrière?»Touteslesdamesriaient,amusées,etleMairedupalaisreprit:«Jeparlesérieusement;ilesthonteux

quevouspuissiezrireainsi,enpensantquejedisdessottises!»Pendant qu'il plaisantait, arriva du Palais Impérial je ne sais quel « troisième fonctionnaire » du

Protocole,messagerduSouverain.LeSeigneurpremiersous-secrétaired'État[Korechika.]pritlalettrequ'ilapportait, et la donna au Seigneur maire du palais. Celui-ci, l'ayant dénouée, s'exclama : « Oh ! laravissantelettre!Sij'enavaislapermission,jel'ouvriraisetlalirais.»Maisilparutcraindred'avoirétéimpertinent,etprésentalamissiveàl'Impératrice,endisant:«jevousrendsgrâces.»IlétaitravissantdevoiravecquelleprécautionSaMajestétenaitcettelettresansl'ouvrir.Unedamesortit,delachambrede l'angle, un coussindestiné à l'envoyéde l'Empereur ; trois ou quatre autres étaient assises près del'écranderrièrelequelsetenaitl'Impératrice.«Jem'envaisparlàfairepréparerunerécompensepourlemessager»,annonçaleMairedupalais;aprèssondépart,notremaîtresselutlalettredesonÉpoux,puiselleécrivitlaréponsesurdupapiercouleurdeprunierrouge,delamêmeteintequesoncostume.Jemedisais, avec regret, queprobablementpersonne aumonden'aurait pu s'imaginer, sans lavoir, combienelleétaitbelle.LeSeigneurmairedupalaisayantdéclaréquece jourdifféraitdesautres, lemessagerreçut de sa part un cadeauondonna auxdamesdes « vêtements longs et étroits », couleur de prunierrouge, outre les costumes de cérémonie. Il y avait là diverses choses à prendre avec le vin de riz, etl'envoyé impérial aurait pu s'enivrer ; mais il dit au Seigneur premier sous-secrétaire d'État :« L'Empereur, accompagné d'un superbe cortège, doit sortir aujourd'hui du Palais ; il faut que j'aillel'escorter.Permettez,Monseigneur,quejemeretire.»Lesjeunesprincesses,fillesduMairedupalais,étaientdélicieusementparées;leurscostumescouleur

deprunier rougene semblaient pasmoins jolis que ceuxdes autresdames.La troisième d'entre elles,cellequiestprésentementintendanteduservicedelaToilette[Peut-êtrelatroisièmefilledeMichitakadirigea-t-elle leservicedelaToiletteavantlaquatrième.],étaitplusgrandequeladeuxièmeprincesse[Genshi.],etvolontiersonl'eûtappelée«Madame».LaNobleDame,épouseduMairedupalais,vintaussi ;maison tira l'écran, lesjeunespersonnesnouvellementarrivées,nepurentlavoir;ellesenfurentattristées.Lesdamesserassemblèrentpourdiscuteràproposdescostumesdecérémonieetdeséventailsqu'elles

auraient le jour des Offrandes. Comme elles rivalisaient d'élégance dans leurs projets, l'une d'elless'exclama:«Pourquoidoncmedonnerais-jetantdepeine?J'iraitellequejeserai.»Maislesautresluirépondirent avec dépit : «Voilà bien, comme toujours, notre originale ! » Beaucoup de personnes seretirèrent à la nuit, et comme elles allaient faire leurs préparatifs pour le jour des Offrandes, notremaîtressenevoulutpaslesretenir.LanobleépouseduMairedupalaisrevinttouslesjours,mêmelanuit.Lesjeunesprincessesvenaient

aussi,etiln'yavaitpaspeudemondeauprèsdel'Impératrice.C'étaitcharmant.Chaquejour,unmessagerarrivaitduPalaisImpérial.Cependant,lesnuancesdesfleurs,surlecerisierquisetrouvaitdevantlepalais,n'avaientpasembelli,

et les rayonsdusoleil enavaientmême flétri, abîmé les corolles.Queldésolant spectacle !Unmatin,aprèsunenuitdepluie, ces fleursne ressemblaientplusà rien. Jem'étais levéedebonneheure, et jem'écriai quand je les aperçus : «Elles sontmoins jolie que les visages de ceux qui se séparèrent enpleurant[Allusionàunepoésie.]!»L'Impératricem'entendit,ets'étonna:«Envérité,ilm'asemblécettenuitqu'ilpleuvait;jemedemandecommentestlecerisier!»Àcemoment,delademeureduSeigneurmairedupalais,arrivèrentenfouledesgensdesaMaisonet

desserviteurs.Ilsvinrentrapidementaucerisier,qu'ilsarrachèrentetabattirent.Ilétaitbienamusantdelesentendredire,toutenrenversantl'arbre:«LeSeigneurnousavaitordonnédevenirsecrètement,etd'emportercecerisierpendantqu'il feraitencoresombre.Le jourestdéjà levé,c'estbien incommode.Vite,dépêchons-nous!»J'auraisvoulu,sicesgensavaientétédespersonnesbienélevées,leurdemanders'ilsavaientpenséau

versdeKanezumi[OnignoreàquellepoésiedeMinamotoKanezumi(mortvers985)Seiseréfère;maisilenestune,dubonzeSôsei(environ850à900),recueilliedansleGosenshû,dontellepourraitserappeler.]:«S'ilparle,ilparlera.»Maisjeleurcriaiseulement:«Quiêtes-vousdonc,vousquivolezcesfleurs?Leschosesvontsansdoutesegâter!»Ilssemirentàrire,etsesauvèrentdeplusbelle,entraînantl'arbre.Aussi bien, le Seigneurmaire du palais avait eu, certainement, une idée ravissante.En regardant le

jardin, je songeai que si on avait laissé là ce cerisier, il n'y aurait eu aucun charme à voir les fleursmouilléesserecroquevillerenséchant,etsecollerauxrameaux.Puisjerentrai.Ilvintunhomme,envoyéparleservicedumobilier,quiouvritlafenêtredetreillis,puisunefemmede

l'officedomestique,quinettoyalachambre.Quandilsfurentpartis,l'Impératriceselevaetdemanda,enremarquantquelesfleursavaientdisparu:«Ah!quellestupéfaction!Oùsontalléescesfleurs?Envousentendant parler de voleurs, à l'aube, je m'étais dit qu'ils cueillaient peut-être seulement quelquesrameaux!Avez-vousvuquiafaitcela?–Non,répondis-je,lanuitétaitencoresombre,etjenevoyaispasbien;maisj'apercevaisdanslejardindesformesblanchâtres;j'aiparléparcequejepensais,avecinquiétude, que sans doute on cassait les branches fleuries. – Et cependant, reprit en souriant mamaîtresse,pourquoidesvoleursauraient-ilsemportécecerisier?CedoitêtreleSeigneur,monpère,quidonnal'ordreàsesgensdel'arracherensecret.–Non,répliquai-jeencore,assurémentleschosesnesesontpaspasséesdecettefaçon,jecroisplutôtquelabriseprintanièreatoutfait!»SaMajestérepartit:«Sivousparlezdelasorte,c'estpourdissimulerlavérité.Lesfleursn'ontpasétévolées.C'estparcequ'ilavaitpluàverse[PoésiedeHitomaro.]…»

Qu'une personne comme l'Impératrice eût tout deviné, cela n'avait rien demerveilleux ; et pourtantc'étaitsuperbe.Jepensaique lorsque leSeigneurmairedupalais arriverait, il trouverait sans doute hors de saison

monvisagedumatin[Jeudemotssurlenomdelaplanteappeléeasagao.],défaitparlesommeil,etjerentraidanslefonddelasalle.Dèsqu'ilfutlà,leSeigneurs'étonna:«Lesfleursontdisparu!Commentlesa-t-onlaissévolerainsi?

Ah!lesdamesfaisaientlagrassematinée,ellesnesesontaperçuesderien!–Cependant,luidis-jeàvoixbasse,j'auraiscruvolontiersquevousaviezétéaucourantdecetteaffaireavantmoi!»Ilentenditaussitôt,etréponditenriantauxéclats:«C'estcequej'avaispensé;uneautre,ensortant,n'auraitrienremarquédutout!jem'étaisditquevousseule,ouSaishô,pourriezsoupçonnerquelquechose!–Ilmesemblaitbien,déclaral'Impératrice,avecundélicieuxsourire,queladisparitiondecesfleursvousétaitdue.PourtantSeiShônagonl'attribuaitàlabriseprintanière.»Puisellerécitagracieusement,commeelleeûtdébitéunpoème:«Vousavezditlà,Seigneur,Unmensonge.Maintenant,ilesttemps,jepense,Decultiverlechampdelacolline.»[Ilnes'agitpasd'unevéritablepoésie;maisl'impératriceapupenseràdesversoùTsurayukiparledefleursdontonnesauraitsansmentir

attribuerlachuteàlabrise.]C'étaitravissant,etleMairedupalaiss'exclama:«Hélas!jesuisfâchéqu'onaitvumesserviteurs.

Quandjepensequejeleuravaisfaittantderecommandations!Ilestvraimentpitoyabled'avoirchezsoidesgensaussistupides.»«Dire,sansavoirréfléchi,quelabriseprintanièreavaitfaittombercesfleurs,c'étaittrouveràproposunagréableartifice»,ajouta-t-il;puisilrécita,luiaussi,lesparolesrelativesauchampde la colline.«Oui, répliqua l'Impératrice en souriant, bien que ce fussent seulement quelquesmotstoutsimples,l'idée,poursûr,étaitcharmante.Mais,quelleapparenceauraiteu,sansvous,lejardincematin?»Lepetitjeuneseigneur[LefilsdeKorechika.Iln'avaitalorsguèreplusdedeuxans,etl'onpeuts'étonnerdelaremarquequeva

noterSei.],ayantentendu,s'écria:«Quoiqu'ilensoit,SeiShônagonavaitvutoutdesuitecequiarriverait,elleavaitditquesilapluiemouillaitcesfleurs,elleauraientunaspectdétestable.»Ilétaitamusantdevoir l'air désolé que prit leMaire du palais [Michitaka regrettait que Sei eût pensé avant lui à la fragilité des fleursartificielles.].Etpuis,verslehuitouleneuf,jem'enallai.«Restezencoreunpeu,merépétaitmamaîtresse,attendez

quelejourdesOffrandessoitplusproche»;jepartiscependant.Un jour, vers midi, alors que le soleil brillait avec un merveilleux éclat dans le ciel serein,

l'Impératricem'envoyacemessage:«Lecœurdesfleursest-ilouvert?Qu'allez-vousmedire?»jeluirépondis:«Bienqu'ilsoitencoretroptôtpourparlerdel'automne,cettefoisilmesemble,danslanuit,quejem'élèveversvous[Sei,aprèsl'impératrice,citeunpoèmedePoKyu-yi.].»Lesoiroùl'ImpératricepartitpourlePalaisdelaDeuxièmeavenue[Vers lepremier jourdudeuxièmemois, en

994.],commeonneleuravaitpasdit,d'avance,dansquellevoiturechacuned'ellesdevraitprendreplace,toutes les dames se précipitèrent pourmonter, chacune voulant être la première.C'était détestable, et,troisdemescompagnesetmoi,nousdisionsenriant:«Aveccettefaçondemonterdansleschars,queltumulte!C'esttoutàfaitcommelejouroùl'onvavoirleretourdelaprocession,aprèslafêtedeKamo;toutescesfemmesperdentlatêteetrisquentdetomber.C'estunspectaclebiendéplaisant.Maislaissons-les faire ; s'il nous est impossible d'aller à la Deuxième avenue, faute de voiture où nous puissions

monter,notremaîtressel'apprendranaturellement;ellenousenenverrabienune.»Nousnebougionspas,et,cependant,devantnous,lesautresdamessepressaientenfoulepourmonter

bien vite.Lorsque toutes furent assises dans les voitures, celles-ci partirent, et un fonctionnaire de laMaison de l'Impératrice voulut savoir s'il ne restait plus personne. Nous répondîmes que nous étionsencorelà;ils'approchapourdemanderquellesdamesavaientparlé.Quandileutentendunosnoms,ils'étonna:«Voilàquiestbienétrange, jepensaisquetoutesétaientmaintenantdanslesvoitures!Maispourquoiêtes-voussienretard?Onallait,àprésent,fairemonterlesservantesdel'OfficeImpérialquiportentlesustensiles.Vraiment,c'estextraordinaire!»Voyantqu'ilfaisaitapprocherunevoiture,jeluidis:«S'ilenestainsi, laissezd'abordmonterlesservantescommevousenaviezl'intention;nous lessuivrons.»Mais, aprèsm'avoir écoutée, il répondit :«C'est singulier !Quelmauvais caractère vousavez!»Nousmontâmes.La première voiture qui vint après celles où les autres dames avaient pris place était, en vérité, la

voiturequ'auraientdûoccuperlesservantes.Nousriionsdevoircommeelleétaitsombre,maléclairéeparunemauvaisetorche.NousatteignîmesainsilePalaisdelaDeuxièmeavenue.Lepalanquindel'Impératriceétaitarrivéde

bonneheure,etl'onavaittoutpréparépourleséjourdenotremaîtresse.SaMajestéayantordonnéqu'onnousappelât,dejeunesdames,Sakyô,Kosakonetd'autres,regardaienttoutescellesquivenaient;nousn'étions pas là.Cependant, àmesure que les dames descendaient de voiture, quatre chaque fois, ellesallaient se rassembler autour de l'Impératrice, et celle-ci demandais : « Comment se fait-il que SeiShônagonnesoitpasparmivous?»Maispersonnenelesavait.Enfin,quandtouteslesdamesfurentdescendues,lesjeunespersonnesquinouscherchaientfinirentpar

nousapercevoir;ellesnousdirent:«Pourquoiarrivez-voussitard,alorsqueSaMajestéparledevousavectantd'impatience?»Pendantqu'ellesnousconduisaientprèsdel'Impératrice,jeregardais,toutenmarchant,etj'admiraiscombienpeudetempsilavaitfallupourquenotremaitressesetrouvât,danscepalais, comme dans une demeure où elle eût habité depuis des années. « Pour quelle raison, nousdemandaSaMajesté,nevousmontriez-vouspas,tandisquejepressaisainsitoutlemondedequestionsàvotresujet?»Commejenerépondaisrien,l'unedesdamesquiétaientvenuesavecmoiditenriantauxéclats : « Impossible de faire autrement. Comment des personnes qui se trouvaient dans la dernièrevoitureauraient-ellespuarriverdebonneheure?Nousavonsmêmefaillinepaspouvoirmonterdanscelle-ci;maislesservantesdel'OfficeImpérialonteupitiédenotreembarras;ellesnousl'ontlaissée.Ilyfaisaitsombreetc'étaitlamentable.–L'hommequis'occupaitdesvoituresestvraimentbizarre,déclaral'Impératrice ;mais aussi, pourquoi n'avez-vous rien dit ?Une personne ignorant les usages aurait puhésiteràparler;maisl'unedevous,Uemonparexemple,eûtdûlefaire.–Pourtant,répliqualadamequenotremaîtressevenaitdenommer,quelbesoinavaient-elles toutesdecourir,chacunevoulantdépasserlesautres?»Enl'écoutant,jepensaisquesesparolesdevaientdéplaireauxdamesquinousentouraient.«Était-cedoncseconduireenpersonnesrespectables,repritl'Impératrice,quedemonterenvoitureen

sebousculantainsi,d'unefaçonmalséante?S'ilyavaiteu,pour leséquipages,unordre fixéd'avance,toutseseraitpasséconvenablement,etcelaauraitmieuxvalu.»Elleparaissaitennuyée,restaitpensive.« Sans doute, dis-je alors pour excuser nos compagnes, sont-elles parties avant nous parce qu'ellesétaientfatiguéesdenousattendre,pendantquenousétionsdansnoschambres.»Unsoir,jemerendisauPalaisdelaDeuxièmeavenue[NousavonsvuqueSei, vers lehuit ou leneufdudeuxième

mois,avaitquittélePalaisdelaDeuxièmeavenue,oùsamaîtresseétaitdepuishuitjours,pouralleràlacampagne.];ondisaiteneffetquel'ImpératricedevaitquittercepalaislelendemainpourallerauTempleShakuzenji,oùseraitfaite,enoffrande,lalecturedesSaintesÉcritures.

Cesoir-là,jeregardaifurtivementdanslachambrequisetrouveverslafaceseptentrionaleduPalaisduSud [Où résidait Michitaka.]. Posées sur des plateaux à pied, des lampes y étaient allumées ; je vis desgroupesdedeux,troisouquatreamiesquisetenaientderrièredesparavents.Ilyavaitaussidesdamesderrièrel'écran.D'autresencorenes'étaientpointpareillementisolées:ellescousaienttoutesensemble,mettaientdesvêtementsenpiles,fixaientdescordonsdeceintureàdesjupesd'apparat,oubien,commeilvasansdire,sefardaient.Cellesquiarrangeaient leurscheveuxlefaisaientavectantdesoinqu'enlesregardant,jesongeaisquejeneverraissansdoute,aprèslajournéedulendemain,riend'aussijoli.«Ilparaît,meditunedame,quel'Impératricedoitpartiràl'heureduTigre.Pourquoin'êtes-vouspas

venueplustôt?Quelqu'unaenvoyéunéventailpourvous,etafaitdemandercequevousdeveniez.»Jepensaique jedevais rester làetattendre,pour lecasoùmamaîtressepartirait réellementà l'heureduTigre ; j'avais donc mis mon costume de cérémonie, quand la nuit s'éclaircit. Le soleil se leva, etj'entendis annoncer que l'on ferait approcher les équipages de la chambre située sous l'appentis à lachinoisedel'aileoccidentale.C'étaitlàquenousmonterionsenvoiture.Touteslesdamesallèrentverslecorridor ; celles qui étaient entrées depuis peu de temps au service de l'Impératrice, encoreinexpérimentées,semblaientfortgênées.CommeleSeigneurmairedupalaishabitait l'ailede l'ouest,notremaîtresseyétaitaussi.Elleavait

vouluvoirtoutd'abordlesdamesquel'onferaitmonterenvoiture;derrièrelestoresetrouvaient,côteàcôte,l'Impératrice,laPrincesseduPalaisdelabellevue,latroisièmeetlaquatrièmeprincesse[LesquatrefillesdeMichitaka.],lanobleépouseduMairedupalais,etlestroissœurscadettesdecettedernière.Àdroiteetàgauchede lavoiture,se tenaient lePremiersous-secrétaired'Étatet leCapitainede la

garde du corps, dignitaire du troisième rang [Korechika et Takaie.]. Ils roulaient les stores, relevaient lesrideaux intérieurs, et ils aidaient les dames à monter. Nous étions toutes rassemblées en un groupecompact,etchacuneauraitpus'ycacher;maisilsnousappelaientl'uneaprèsl'autre,ensuivantunelisteécrite,etilsfaisaientmonterquatrepersonnesdanschaquevoiture.Enallantverscelleoùjedevaisprendreplace,jemetrouvaishorriblementembarrassée.Jepuisdire,

envérité,quejemesentaiseffarée,quemontroubleétaitmanifeste;maiscesontlàseulementdesmotsordinairesetinsuffisants.Parmitouslesyeuxquinousregardaient,derrièrelestore,ceuxdel'Impératricemevoyaientaussi;jesongeaisquepeut-êtreellemejugeaitdéplaisante,etmadésolationn'avaitpointdebornes.J'étaismouilléedesueur,ilmesemblaitquemescheveux,sibienapprêtés,sedressaient.Quandjefusenfinpassée[Devantlestorequicachaitl'impératrice,samère,sessœursetsestantes.Aproposduderniermot,notonsqu'ilyasansdouteuneerreurdansl'original : l'épousedeMichitakan'avaitqu'unesœurcadette.],j'éprouvaiuneextrêmeconfusionenapercevant,prèsde lavoiture, lesdeuxprinces,sigracieux,quinousregardaient toutsouriants.J'étaiscommeenunrêve,etcependantj'arrivaisanstomberjusqu'àlavoiture.Iln'yavaitpaslà,jepense,dequoiprendreunairfin;mais…!Quandtouteslesdamesfurentmontées,ontiralesvéhiculesdehors,onlesmitsurlagrand-routedela

Deuxièmeavenue,lesbrancardssurdestréteaux;etj'admiraitouscescharsrangéscommeàl'occasiond'unefête.Jemedisaisquesansdouteceuxquinousvoyaientpensaientcommemoi,et jesentaismoncœurbattre.Il arriva, en foule, des gens du quatrième, du cinquième et du sixième rang qui s'approchèrent des

voituresetnousparlèrentenaffectantdesmanièresrecherchées.ÀcommenceparleSeigneurmairedupalais, tous les hommes, courtisans ou gens de rang inférieur, allèrent d'abord à la rencontre de laDouairière.C'étaitseulementaprèslepassagedecelle-ciquedevaitpartirl'Impératrice,etjecraignaisd'avoirà

resterlàfortlongtemps,impatiente,quandapparutlecortègequenousattendions,alorsquelesoleilétaitunpeuhautdansleciel.

Nousvîmesvenirquinzechars,ycomprisceluidel'Impératricedouairière.Quatreétaientoccupéspardesreligieuses.IlssuivaientlavoiturechinoisedelaDouairière,quiouvraitlamarche.Par laportièreouvrantderrièrechacundeceuxoùsetrouvaientlesnonnes,onapercevaitleurschapeletsdecristalderoche,leursétolescouleurd'encreclaire,leursvêtements.C'étaitsuperbe.Ellesn'avaientpasrelevélesstores.On voyait pourtant des rideaux intérieurs, d'une teinte violet clair, un peu plus foncée vers lesbords.Ensuitevenaient lesdixvoituresoccupéespar lesdamesd'honneurordinaires.Celles-ci étaient très

élégammentvêtuesdemanteauxchinoiscouleurdecerisier,de jupesd'apparatviolet clairou,pour laplupart,écarlates,etdevêtementsdedessusfaitsd'unesoieserrée,nonassouplie.Bienquelesoleilfûttrèsbrillant,unebrumes'étendaitsurlevertclairduciel.Cependant,lesnuances

descostumesdecérémoniequeportaientlesdamesserehaussantl'unel'autre,cescostumessemblaientencoreplusjolisquelesmanteauxchinoisfaits,detoutessortesd'étoffesmerveilleuses,etlespectacleétaitd'uneinfiniebeauté.Le Seigneur maire du palais, avec tous ceux des gentilshommes de sa maison qui l'escortaient,

accueillirentrespectueusementlamèreduSouverain.Quelmerveilleuxspectacle!Toutlemonde,enlesvoyant,faisaittapage.Sansdouteeux-mêmestrouvèrent-ilsjolies,aussi,nosvingtvoituresalignées.«Si encore l'Impératrice partait bientôt…», pensais-je en l'attendant.Mais le temps passait, jeme

demandais quelle pouvait être la raison de ce retard, et je m'impatientais, lorsque à la fin huit«demoisellesdelaCour»vinrent,montéessurdeschevauxquedeslaquaisconduisaientparlabride.Ilétaitravissantdevoirondoyerauventleursjupesd'apparat,d'unbleuplusfoncéverslabordure,leursrubansdetailleetleursornementsd'épaule.Parmicesfemmes,ilyenavaitune,appeléeBuzen,quiétaitl'épousedumédecinShigemasa.Commeelleportaitunejupeàlacets[Sasbinuki.],detissucouleurdevigne[Pourpre clair.], on la distinguait nettement des autres, et le Premier sous-secrétaire d'État du puits de lamontagne[Michiyori.]ditenriant:«ShigemasaadoncdroitauxcouleursduPalaisImpérial?»Les«demoisellesdelaCour»,quisesuivaientàcheval,s'arrêtèrenttoutesleshuit,et,àcemoment,

lepalanquindenotremaîtressearriva.Nousavionstrouvésuperbelecortègedel'Impératricedouairière,maisiln'étaitpascomparableausien.Lesoleilradieuxdumatinétaithautdansleciel,lesfeuillesdesarbresbrillaientavecunmagnifiqueéclat,ettoutsemblaitsplendide,jusqu'auxcouleursétincelantesdesrideaux qui garnissaient le palanquin. On tendit les cordes de celui-ci, puis il partit. Les rideauxs'agitaient doucement.Les dames affirmaient qu'elles sentaient en vérité leurs cheveux se dresser, tantelles étaient remplies d'admiration. Certes, elles ne mentaient point en parlant du désordre de leurcoiffure;mais,plustard,cellesquin'avaientpasdevilainscheveuxdurentse lamenter,ausujetdecedésordre,plusqu'iln'eûtconvenu[Ellesenprofitèrentpourattirerl'attentionsurleurchevelure.].Lamajestéduspectaclemestupéfiait;jemedemandaiscommentilétaitpossible,cependant,quejefussetouslesjours,pourlaservir,auprèsd'uneprincessecommel'Impératrice,etj'étaismoi-mêmepénétréederespect.DèsquefutpassélepalanquindeSaMajesté,onmitdanslesvoituresdesserviteurslestréteauxqui

supportaientlesbrancardsdesnôtres.Puisonattelarapidementlesbœufs,etnoussuivîmeslepalanquinimpérial.Iln'estpaspossiblededirecombiennousétionsfièresetravies.Au moment où l'Impératrice arriva au Temple Shakuzenji, des musiciens, près de la grande porte,

jouèrentdesairscoréensetchinois,etdesacteursexécutèrent lesdansesdu« lion»etdu«chiendeCorée».Lesondel'orgueàboucheetlebruitdutambourétaientsifortsquejeperdaislatête.JemedemandaisdansquelpaysduBouddhaj'avaispuêtretransportée;ilmesemblaitquejemontaisaucielenmêmetempsquelevacarmedecettemusique.Quand le cortège fut entrédans la cour, jevisqu'il y avait là toutes sortes de pavillons de brocart,

ferméspar des stores verts tout neufs, et entourés de rideaux.Tout cela était si joli que, vraiment, on

n'aurait pas cru voir des choses de ce monde. On fit approcher les voitures de la tribune où déjàl'Impératriceavaitprisplace.Commeaudépart,lesseigneursKorechikaetTakaieétaientprésents,etilsnousdirentdedescendrebienvite.J'avaisététrèsgênéeaumomentdemonterenvoiture,etlàencorejerougissaisunpeu.Cependant,j'admiraislePremiersous-secrétaired'État[Korechika.],beauàravir,portantunvêtementdedessousdontlatrèslonguetraînesemblaitembarrassante.Ilrelevalestoredenotrecharetnous pria de nous hâter.Mes cheveux postiches, que j'avais, apprêtés avec tant de soin, étaient endésordre sous mon manteau chinois, et cela devait sembler étrange. Comme il faisait si clair qu'onpouvaitvoirmêmecombiennoscheveuxétaientnoirsourouges,jemedésolais,etjenepusdescendretoutdesuite.«Queladamequiestàl'arrièredelavoiturepassed'abord!»dis-je.Maispeut-êtrecelle-cipensait-ellecommemoi,car, s'adressantauPremiersous-secrétaire,ellemurmura :«Daignezvouséloigner.Vousavezpournoustropd'attentions.–Ah!quevousêtestimides!»répondit-ilenriant,etilseretira;cependant,commenousdescendions.Avecpeine,ilserapprochapourmedire:«Jesuisvenuparce que l'Impératrice avait ordonné qu'on vous fît descendre en secret, sans que les gens commeMunetakapussentvousvoir.C'estunechosetoutesimple.»Aprèsnousavoiraidéesàsortirdelavoiture,ilmeconduisitprèsdel'Impératrice.J'étaispénétréede

reconnaissanceensongeantquemamaîtresseluiavaitfaitdetellesrecommandationsàmonsujet.Quand nous arrivâmes devant SaMajesté, j'aperçus environ huit dames, descendues des premières

voitures, qui étaient allées semettre au bord de la véranda, d'où l'on devrait bien voir la cérémonie.L'Impératrice était assise sur une plate-forme à deux degrés, hauts, peut-être, le premier d'un pied, leseconddedeuxpieds.«JevousaiamenéSeiShônagon,ditlePremiersous-secrétaired'État,etpersonnenel'avue.–Oùest-

elle?»demandal'Impératrice,puisellesortitdevantl'écran.Bienqu'ellen'eûtpaschangédevêtements,etqu'elleportâtencoresonmanteauchinois,elleparaissait

merveilleusement belle. Son habit écarlate de soie foulée semblait-il donc une chose seulementpassable ?Cequimecharmait surtout, c'était d'admirer sonvêtementdedessous, endamasdeChine,couleur de saule ; ses cinq vêtements, de dessus, couleur de vigne, recouverts d'un manteau chinoisrouge;etsajuped'apparatfaited'«œil-d'éléphant[Légèreétoffechinoise,desoie, seméedepointsd'oretd'argent.]»,recouvrantunegazedeChineornéed'impressionsbleues.Lescouleursdetouscestissusétaientsijoliesqu'onnepouvait,semblait-il,absolumentrienleurcomparer.«Qu'avez-vouspenséenmevoyant,moietmasuite?»demandamamaîtresse.Jeluirépondisquetout

m'avait paru superbe ;mais ce n'étaient là que desmots ordinaires, insuffisants pour exprimer ce quej'avais ressenti.Elle reprit ensuite en riant : «Avez-vous trouvé le temps longavant l'arrivéedemoncortège?Sij'aitanttardé,c'estqueledirecteurdemaMaison[Michinaga.]s'étaitditques'ilportait,pourm'accompagner,levêtementdedessousqu'onluiavaitvulorsqu'ilescortait lamèrede l'Empereur, lesgensnemanqueraientpointdelecritiquer.Ilavaitdoncordonnéqu'onluifittoutexprèsunautrevêtementdedessous,etnousavionsattenduquecelui-cifûtprêt!Quelleoriginalité!»Lejourétaitpur,ilfaisaittrèsclairoùnousétions,et,encetinstant,j'apercevais,unpeuplusdistinctementquedecoutume,lalignequipartageaitlescheveuxdel'Impératrice,légèrementdéviéeversl'ornementposésursonfront.C'étaitravissant,etjenesauraisdirecommej'enavaisleregardattiré.Deuxécransdetroispieds,formantunangledroit,séparaientl'endroitoùj'étaisdelavérandaoùse

trouvaient les sept ou huit dames dont j'ai parlé. Derrière ces paravents, il y avait une natte dont laborduresuivaitleseuil,etsurlaquelleonvoyaitassisesladameChûnagon,filleducommandantde lagarde impériale Tadagimi, oncle du Seigneurmaire du palais, et la dame Saishô, dont le grand-pèrepaternelétaitleministredegauchequirésidaitauTominokoji[FujiwaraAkitada,le«ministredegauchequirésidaitauPalaisdupetitchemindelafortune».].L'Impératrice,ayantregardédececôté,dit:«Puisquevousêtesparlà,

Saishô,allezdonc jeteruncoupd'œildans la salleoùsont lescourtisans.»MaisSaishôcompritquenotremaîtressevoulaitmefairevenirauprèsd'elle,etrépliqua«Noussommesicitroispersonnes [Sansdouteveut-elledirequeSei,quivientd'arriveretn'estpasencoreassise,auraitfaitplusrapidementqu'elled'allervoircequisepassedanslasalle voisine.], cela doit bien se voir. S'il en est ainsi… » murmura l'Impératrice ; puis elle m'ordonnad'approcher.Voyantcela,unedesdamesquiétaientassisesplusbaschuchota:«Ondiraitunpageadmisdanslesappartementsimpériaux.Peut-oncroirequeceladoivenousfairerire?»etuneautrerépondit:«C'estplutôtlevaletd'uncavalier[Ladame,voyantqueSeiestàcôtédeSaishô,faitallusionautitreportéparlepèredecelle-ci,lequeldirigeaitl'unedesdeuxdivisionsquecomprenaitleservicedesécuries.]»Quelhonneurc'étaitpourmoi,cependant,de regarder la cérémonie, assise auprès de SaMajesté !Diremoi-mêmeune pareille chose, c'estmevanter ; et puis, en ce qui concernema maîtresse, les gens qui savent naturellement tout, et trouventpartoutàcritiquer,blâmerontpeut-êtrevilainementsonaugustePersonned'avoir,sansréflexion,daignéaccordersonamitiéàunefemmedemasorte.Sabontépourmoiétaitexcessive;maiscommentpourrais-jetaireunechosequiméritetoutemareconnaissance?Envérité,l'amitiéquemetémoignaitl'Impératriceétait sansdouteplusgrandequecellequ'onaurait pu s'attendreà luivoir accorder àquelqu'undemacondition.Nous pouvions admirer, d'où nous étions, la tribune de l'Impératrice douairière et celles des divers

personnages.Le Seigneur maire du palais arriva ; tout d'abord il se dirigea vers la tribune de l'Impératrice

douairière,ilyrestaunmoment,puisilvintdenotrecôté.LesdeuxPremierssous-secrétairesd'ÉtatetleCapitainedelagardeducorps,dignitairedutroisièmerang[MichiyorietKorechika,Takaie.],setrouvaientlà;leCapitainen'avaitpaschangédecostumeenquittantlepostedelagardeducorps,ilportaitaudosl'arcetlecarquois.C'étaittoutàfaitlatenuequiconvenait,etl'onavaitduplaisiràleregarder.Unefouledecourtisans,degensdesquatrièmeetcinquièmerangs,venueàsasuiteetcomposantsonescorte,étaientassiscôteàcôte.Dèsqu'ilfutentrédanslagaleriedel'Impératrice,leMaurdupalaisjetalesyeuxsurnous.Toutesles

dames d'honneur, et jusqu'à la Princesse de la Toilette, portaient des jupes d'apparat et desmanteauxchinois.Quantà lanobleépouseduSeigneurmairedupalais,elleavaitmis, sursa juped'apparat,unvêtementdedessus.«Ah!dit leMairedupalais,quel jolispectacle!Oncroiraitvoirun tableau.Maisn'allezpasdire

plus tardqu'aujourd'hui vous avez été incommodéespar voshabits !Que la troisième et la quatrièmeprincesse débarrassent l'Impératrice de sa jupe d'apparat. Lamaîtresse, ici, c'est elle. Le poste de lagardeducorpsestinstallédevantlagalerie;est-cedonclàunechoseordinaire,etcelan'indique-t-ilpassuffisamment lapositionéminentedeSaMajesté?»LeMairedupalaisversaitdes larmesde joie,ettousceuxquivoyaient cette scène, enpensant qu'il avait vraiment raisonde se réjouir, sentaient leursyeuxsemouiller.Cependant,leMairedupalaisremarquamonmanteauchinois,faitdecinqétoffessuperposées,couleur

decerisierrouge,et ils'exclama:«Ces joursderniers,nousnoussommestrouvés,soudainement, trèsembarrassésparcequ'ilmanquaituncostumedebonze.Ilauraitfalluvousemprunterlevôtre.Silecassereproduisait,supposéencorequevousayezretailléunhabit religieuxpourvousfaireunmanteau,nousviendrionsvousledemander.»ToutlemondesemitàrireetleSeigneurpremiersous-secrétaired'État[Korechika],quisetenaitunpeuenarrière,etquiavaitentendu,ditalors:«Sansdouteest-ilquestiondumanteauqueportel'évêqueSeiShônagon?»Cen'étaitqu'unmot;maisilnemanquaitpasdecharme.LeSeigneurévêque[Ryûen,lequatrièmefilsdeMichitaka.Iln'avaitalorsquequinzeouseizeans.]avaitunerobedelégère

étofferouge,uneétoleviolette,unevested'unviolettrèsclairetunpantalonàlacets.Onl'auraitprispourundecessaintsquisontprèsdeparveniràlasuprêmeillumination[Unbodhisattva(jap.bosachi,bosatsu).];etil

étaitbienamusantde levoirsemêlerauxdames.Lesgensriaientendisant :«Quelle inconvenance!Allerainsiparmilesdamesaulieuderesteraveclesprélats,etdegarderuneattitudemajestueuse!»Matsugimi était auprès de son père, le Seigneur premier sous-secrétaire d'État, et quelqu'un nous

l'amena[Pourlaphrasequiprécède,letextetraduitestceluiquedonneM.Kaneko.].Ilportaitunmanteaudecourfaitd'untissucouleurdevigne,unevestededamasfoulévioletfoncé,unvêtementdedessuscouleurdeprunierrouge.Commed'ordinaire,ilyavaitlàunefouledegensduquatrièmeetducinquièmerang.Onfitentrerl'enfantparmi lesdames,dans lagaleriede l'Impératrice.Mais, jene saisà la suitedequelaccident,Matsugimicommençadepleureretdecrier.C'étaittoutàfaitravissant.Lacérémonies'ouvrit.Onmit,dansdesfleursartificiellesdelotusrouge,lescahiersdelaCollection

des Saintes Écritures, un dans chaque fleur ; puis les prêtres et les laïques, les hauts dignitaires, lescourtisanset lesgensdecondition inférieure, ceuxdu sixième ranget jene saisqui encore,passèrenttous,portantcesfleurs.J'étais,enlesvoyant,pénétréederespect.Ensuite se déroula, autour du Bouddha, la grande procession circulaire des bonzes ; puis le prêtre

directeurdeschantsarriva,cefutlaprièrepourlesmorts,suivie,aprèsunmoment,dedanses.Àlafindelajournée,mesyeux,fatiguésd'avoirregardétantdechoses,mefaisaientmal.Unancien

chambellan,dignitaireducinquièmerang,apportaunelettredel'Empereur.Onmituntabouretdevantlatribunede l'Impératrice ; et envérité, il était superbe aussi devoir lemessager assis sur ce tabouret,attendantquenotremaîtressedaignâtluidonneruneréponse.Vers le soir, arriva Norimasa, le « troisième fonctionnaire » du Protocole. « L'Empereur, dit-il,

ordonneque sonÉpouse revienne tout de suite, cette nuit, auPalais Impérial, etm'a chargé d'escorterl'Impératrice.»Norimasanerepartitpas,ilattenditSaMajesté.Celle-cidéclarapourtantqu'elleiraitauPalaisImpérialseulementaprèsavoirregagné,d'abord, lePalaisdelaDeuxièmeavenue;mais ilvintencoreuncenseurduservicedeschambellans,porteurd'unmessageenvoyéparleSouverainauSeigneurmaire du palais. Ce dernier, après avoir lu, dit qu'il fallait obéir aux ordres de l'Empereur, et notremaîtressedutseprépareràrentrerauPalaisImpérial.De lagaleriede l'Impératricedouairière,desserviteursapportèrentàSaMajestédesbilletscomme

celuioùilétaitquestiondelachaudièreàseldeChika[«BienquelachaudièreàseldeChikasoitproche,lit-ondansuneanciennepoésie,legoûtduseln'arrivepasauxgens.»Ici,quoiquel'impératriceetlamèredusouverainsoientprèsl'unedel'autre,ellesneserencontrentpas.OntrouvedanslapoésieenquestiondesjeuxdemotssurShiogama(nompropredelieuet«chaudièreàsel»)etsurChika(nompropredelieuet«proche»).]etdejolisprésents;etensuitedesmessagersallèrentd'unetribuneàl'autre.C'étaitsplendide.Àlafindelacérémonie,lamèredel'Empereurseretiramais,cettefois,ellefutaccompagnéeparla

moitiéseulementdesfonctionnairesappartenantàsaMaisonetdeshautsdignitaires.Cettenuit-là,lessuivantesdesdames,ignorantquel'ImpératricerevenaitauPalaisImpérial,etpensant

qu'elle irait auPalais de laDeuxième avenue, allèrent toutes à ce dernier endroit.Elles attendirent etattendirentencoresansvoirvenirleursmaîtresses.Cependantlanuits'avançait.AuPalaisImpérial, lesdamesattendaientelles-mêmescesfemmesquidevaientleurapporterdesvêtementsdenuit;mais rienn'apparaissait.Lesdamesavaientfroiddansleursbeauxhabitneufsquin'adhéraientpasaucorps,ellesparlaientavecaversionetcolèredeleurssuivantes;celaneservaitderien.Àl'aube,quandlesfemmesarrivèrent, les dames s'écrièrent : « Comment pouvez-vous avoir si peu d'esprit ? » Pourtant, ellesavouèrentquelessuivantesavaientraison,quandcelles-cieurentexpliquécequis'étaitpassé,enparlantviteettoutesensemble,commepourréciterlesSaintesÉcritures.Ilplutlelendemaindelacérémonie,etleSeigneurmairedupalaisditàl'Impératrice:«Parcettepluiequia,pourtomber,attenducejour,onjugedesméritesquej'aieusdansunmondeantérieur.Commentvoyez-vouscela?»Ilpouvait,àjustetitre,êtrefierensoncœur.

138.ChosesvénérablesetprécieusesLeBâtondepèlerindesneufarticles[Kujôsbakujô,untextebouddhiquequerécitaientlespèlerins.Aprèschaquearticle,ils

agitaientleurbâton.].Laprièrepourlesmortsquel'onditaprèsavoirinvoquéleBouddha.

139.Chansons«Leportailprèsduquelsedresselecryptomère[PoésieduKokinsbù.].»Leschantsquiaccompagnentladansesacrée[Lakagura.]sontjolisaussi.Leschantsàlamoded'aujourd'hui,longsetcompliqués.Lesairspopulaires,quandilssontbienchantés.

140.Pantalonsàlacets[Sasbinuki.]Lespantalonsviolet-pourpre,verttendre.Enété,j'aimelespantalonsviolets.Auplusfortdeschaleurs,lespantalonsauxquelsonadonnélacouleurdesinsectesdel'été[Probablement,

ici,lescigales.]ontunaspectfrais.

141.HabitsdechasseLeshabitsdontlateinterappellelecloudegirofle,clairs.Ceuxdontl'enversestblanccommel'endroit.Ceuxquisontrougesombre,ouquiontlacouleurdesaiguillesdupin.Lespantalonsqui sontde lanuancedes feuillesvertes,ouducerisier,oudu saule,ouencorede la

glycineverte.Pourlesvêtementsdeshommes,touteslescouleurssontbelles.

142.HabitssansdoublureLesvêtementsblancs.Quand on est en tenue de cérémonie, il est élégant de porter, quelques instants, un vêtement sans

doublure,ungiletd'écarlate.Cependant,silacouleurduvêtementnondoubléquel'onporteest jaunie,c'esttoutàfaitdéplaisant.Certainsmettentaussideshabitsdecouleurbrillante;mais,pourunhommecommepour une femme, c'est encore lorsque le vêtement sans doublure est blanc que tout le costumesembleleplusjoli.

143.ChosesmauvaisesIlest trèsmauvaisd'employerdesexpressionsvicieuses.Unseulmotsuffitpourmontreràceluiqui

l'entends'ilparleavecunepersonnemédiocre,oudistinguée,ouvulgaire.Commentcelasepeut-il?Lachoseétantainsi,onabeausedirequel'onaintérêtàs'exprimercorrectement,onnepeutpasexcellerentout.Commentsavoirtoujourscequiestbienetcequiestmal?Quoi qu'il en soit, je ne veux pas m'occuper de l'opinion des autres. Ici, me semble-t-il, je dis

seulement les choses telles qu'ellesme viennent à l'esprit. On entend des gens qui, dans des phrasescomme«J'aiditcequim'ennuyait,etj'ail'intentiondefairefairecela»,omettentlasyllabe«de»,etdisentseulement:«J'ail'intentiondire,j'ail'intentionpartirpourlacampagne[Le texteparait incomplet. Nousdevrionslireparexemple:«Onentenddesgensqui,dansdesphrasescomme«j'aiditcequim'ennuyait,etj'ail'intentiondefairefairecela»ou « j'ai l'intention de dire » ou encore « j'ai l'intentionde partir pour la campagne », omettent a syllabe « de », et disent seulement « j'ail'intentionfairefairecela,j'ail'intentiondire,j'ail'intentionpartirpourlacampagne».Erreurdescopistes?].»C'estprécisémentunegrosse faute. Il est superflu d'ajouter qu'onne doit pas, à plus forte raison, employer ces tournures enécrivant.Inutile de dire combien c'est désagréable lorsqu'un roman est écrit d'unemanière défectueuse.C'est

tellementpéniblequel'onapitiédelapersonnequil'acopié.Lafaçondefairedesgensquiajoutentennote:«Ceciestàcorriger»,ou:«Cepassageestdonnétel

qu'ilestdansl'exemplaireoriginal»,estextrêmementdéplaisante.J'aientenduaussicertainesgensquiexpliquaient:«C'estennotantlespointscritiquablesquejeme

suistrompé.»Tousceuxquilesontécoutésontprobablementdit,aprèscela:«Onlesverrasansdoute,undecesjours,demander[Latraductionestdouteuse.EnadoptantletextedonnéparM.Kaneko,nousaurions:«Ilyaaussidesgensquidisenthitetsu(pourhilotsu) kurumani (dansune seule voiture), et il semble que tout lemonde disemitomu au lieu demotomu(demander).»]àtoutlemondeoùsontcespassageserronés!»Il peut arriver qu'un homme, à dessein, ne châtie pas son langage, et se serve, à l'occasion, d'une

expressiontoutàfaitcommune.Onnetrouvepascelamal;maisonmépriselesgensquiemploientlestournuresdéfectueusesdeleurparlerprovincial.

144.«Vêtementsdedessous»Enhiverc'estlacouleur«azalée»quejepréfère.J'aime aussi les habits de soie brillante et les vêtements dont l'endroit est blanc et l'envers rouge

sombre.Enétéj'aimeleviolet,leblanc.

145.Monturesd'éventailsAvecunpapiervert-jaunej'aimeunemonturerouge.Avecunpapierviolet-pourpre,unemontureverte.

146.ÉventailsenboisdethuyaJ'aimeleséventailssurlesquelsonnevoitaucundessin,etceuxquisontornésd'unepeinturechinoise.

147.DivinitésshintoïstesLesdieuxdeMatsu-no-o.CeluideYawata[Hachiman,ouYawata(«Huitbannières»),estvénéréàIwashimizu.Ilappartientà lafoisaubouddhismeetau

shintoïsmeetsonhistoireesttrèsobscure,bienquelesJaponaisl'identifientconstamment,depuis le IXesiècle,avec l'empereurÔjin(201à310, sic).]. On est rempli de vénération quand on pense qu'il aurait été le souverain de ce pays. Quelsuperbe spectacle, lorsque l'Empereur sort de son Palais, monté dans le palanquin orné de « fleursd'oignon[Cesornementsontenréalitélaformed'unoignon.]»,pourallerenpèlerinageautempledecedieu!Lesdieuxd'Oharanocomme,ilvasansdire,ceuxdeKamo,sontaugustes.Lesdieuxd'Inari;ceuxdeKasugam'inspirentunprofondrespect.LenomseulduPalaisSahodono[«Palaisd'aideetdeprotection».Peut-êtreest-ce làunautrenomdu templedeKasuga.]

mecharme.Unjour,autempledeHirano,jeremarquaiunbâtimentvideet jedemandaiàquoi ilservait.Onme

réponditquel'onyabritaitlachâssedudieu;jefusremplied'admiration.Lahaiesainte[igaki,pourimi-gaki« la haie de la pureté, de l'abstinence ».]était couverted'unépaismanteaude lierreque l'automneavait teintdetoutes sortes de nuances rougeâtres [Ce « lierre » (tsuta) qui rougit à l'automne n'est, il va sans dire, pas le nôtre.] ;merappelant la poésie de Tsurayuki : « En automne,malgré qu'elle en ait [Poésie de Tsurayuki, recueillie dans leKokinsbû.]»,jerestaiunlongmomentàcontemplercelierre.LedieudeMikumari[«dupartagedeseaux»,danslamontagnedeYoshino,enYamato.]meravit.

148.CapsLescapsdeKarasaki,d'Ika,deMiho.

149.MaisonsUnemaisonnetteronde.Unemaisonnettecommecellesquel'onvoitaupaysd'Azuma [Lenomd'Azumadésignait la partie orientale de la

grandeîle.Onappelaitazuma-yaunemaisonnettecarrée,couvertedelambeauxd'écorcedethuyaquiretombaientauxquatrecoins.].J'aimebeaucoupentendreannoncerl'heureauPalaisImpérial.Lorsqu'ilfait trèsfroid,verslemilieu

delanuitonestréveilléparunbruitdesouliers;lespastraînantsserapprochent:«kobo-kobo»,etleveilleur,aprèsavoirfaitrésonnerlacordedesonarc,annonced'unevoixdistinguée:«JesuisUnTel,d'unetellemaison.Voicil'heure.«leBœuf,trois»ou«leRat,quatre[C'est-à-dire:«letroisièmequartdel'heureduBœuf,lequatrièmequartdel'heureduRat».Achacundesquatrièmesquarts,oninscrivaitl'heuresurun tableaufixéàunpoteauprèsduPalais pur et frais.Après avoir fait résonner la corde de son arc pour éloigner les espritsmauvais, le veilleur se nommait, puis annonçait

l'heure.Cetteannonceétaitaccompagnéed'unnombrevariabledecoupsdegong(neufpourl'heureduRat,huitpourl'heureduBœuf).]»;puisonl'entendfixerletableaudel'heureaupoteau.C'estravissant.Leshommesquiontgardéleshabitudesdeleurprovincedisent:«LeRat,neuf;leBœuf,huit».Mais

quellequesoitl'heure,c'esttoujoursà«quatre»quel'onaccrocheletableau.Que ce soit à midi, quand le soleil brille splendidement, ou bien très tard dans la nuit, quand on

supposequ'ildoitêtrel'heureduRat,c'esttrèsamusantlorsqueleSouverainfaitappelerauprèsdeluilescourtisans.Verslemilieudelanuit,jesuischarméed'entendrelaflûtedel'Empereur.Narinobu,lecapitainedelagardeducorps,estlefilsduPrinceImpérial,ancienministredelaguerre,

qui s'est fait bonze. Il est d'agréable tournure et, deplus, son esprit est charmant. Jem'imagine quellepeinedut ressentir la filledeKanesuke, legouverneurd'Iyo, lorsqueNarinobu la laissa, et qu'elle dutsuivresonpèrequipartaitpoursaprovince.Sansdoute,ayantapprisqu'elledevaits'enalleràl'aurore,ilestvenuprèsd'elle,lederniersoir,etil

estrepartiàl'aube,à l'heureoù la lunepâlissaitauciel.Commeildevaitêtregracieuxenmanteaudecour!Autrefois, ce seigneur venait continuellementme voir et disait les pires choses des gens dont nous

parlions.Ilyavaitalorsunedamedel'Impératricequiétaittoujourstrèsscrupuleuse lorsqu'elledevaitjeûneroufaireuneretraite,etquel'onappelaitparsonnomdefamille [C'est-à-dire que le nomde sa famille ouplutôt,commeonvalevoir,celuidesesparentsadoptifs,entraitdanslacompositiondeson«nomdecour»(yohi-na).].ElleavaitétéadoptéepardesgensdontlenométaitTairaouquelquechosed'analogue,etonlanommaitainsi;maislesjeunesdamesavaientl'habitudedel'appelerparsonnomdefamilleoriginel,cequilesfaisait rire.Cette femme n'avait aucun charme particulier ; son surnom était Hyôbu. Bien qu'il fût difficile de luitrouverunattraitquelconque,elleétaitpourtanttoujoursdisposéeàseglisserparmilesgens,àsemêleràeux.Un jourqu'elleavaitagide lasorteenprésencede l'Impératrice,SaMajestédéclara qu'une telleconduiteétaitinconvenante;mais,parmalice,personnen'enavertitladame.J'habitaisàcetteépoque [Peut-être au huitièmemois de l'anmille.],avecShikibunoOmoto,dansunechambre

quel'onavaitinstalléeauPalaisdelaPremièreavenue.Jamaisnousnefaisionsvenirpersonnequinousdéplût,etnousrestionslà,nuitetjour,dansunjolipetitcabinetsituésousunappentis,toutjusteenfacedelagrandeportedel'est.L'Impératriceelle-mêmeavaitl'habitudedes'yrendre,pourvoirlesalentours.Unsoir,SaMajestéavaitditquetouteslesdamesdevraientdormirdanssesappartements,etnousnous

étionscouchées toutesdeux,ShikibunoOmotoetmoi,dans lachambreabritéesous l'appentisdusud,quandonfrappatrèsfortànotreporte.Nous fûmes d'accord pour trouver cette visite ennuyante, et nous fîmes semblant de dormir ; mais

bientôt,commeonm'appelaitàgrandscris,l'Impératriceordonna:«Holà!Faites-ladonc lever ;ellefeint sans doute de dormir ! » La dame Hyôbu, dont je parlais tout à l'heure, vint alors et voulutm'éveiller ; cependant je paraissais toujours endormie, elle sortit en déclarant que je ne m'étais pasréveilléedutout;sansplusdefaçons,elles'assitàlaporte,etsemitàcauseraveclevisiteur.Jepensaid'abordque leurconversationdureraitpeude temps ;mais lanuitétait trèsavancéequ'ils

bavardaientencore.Ilmesemblaitquel'interlocuteurdeHyôbudevaitêtreleVice-capitaine[Narinobu.];dequoi,pourtant,

pouvaient-ilsparleraussilonguement?Jenefaisaiscependantquerireensecret;etcommentl'auraient-ilssu?Ilspassèrentlanuitàcauser,jusqu'àl'aurore;puisl'hommes'enretourna.«Ceseigneur,pensais-jeenriant,s'estmontrélàbiendésagréable!S'ilrevientunautrejour,jenelui

adresseraipaslaparole;maisquesesont-ilsditpendanttouteunenuit?»Àcemomentladame,ouvrantlaporteàcoulisse,entradansnotrechambre.

Le lendemain matin, alors que nous parlions dans la pièce située sous l'appentis, où nous avionscoutumed'être,Hyôbunousentenditets'approchapourmedire:«L'hommequivientvoirunedameunjour qu'il pleut très fort est digne de compassion. Même si, pendant des jours, il l'a laissée dansl'inquiétude,ets'illuiacausédelapeine,elledevrait,enlevoyantarriveravecsesvêtementsmouillés,oublier le tourment qu'elle a souffert. » Je me demandais pourquoi cette femme me prêchait, et jesongeais:«Supposéquej'aivuunhommelanuitdernière,l'avant-dernière,laprécédenteet toutes lesnuits, sansexception,depuisquelque temps ;s'il vient encore cettenuit, sans être arrêtéparunepluiebattante, je me dirai qu'assurément il n'a pas voulu rester séparé demoi, même une seule nuit, et saconstancedevrame toucher.Aucontraire, siunhommeque jen'aipasvudepuisdes jours, etquim'alaisséevivredansl'incertitudeàsonsujet,vientjustementmevoirdansunepareilleoccasion,jepenseraiqu'il n'aurait pu agir de la sorte s'il avait pour moi un sentiment sincère. Il faut croire que les gensdiffèrentd'opinionlà-dessus.»Narinobuaimeàfréquenterunefemme[Seielle-même.]quiconnaîtleschosespourlesavoirvuesetpoury

avoirréfléchi,etquiluisemblebienveillante;maiscommeilfréquenteaussibeaucoupd'autresamies,etqu'ila,deplus,sapropreépouse,ilnepeutmefairevisitetrèssouvent.S'ilétaitvenuparuntempssiaffreux, c'est peut-être parce qu'il avait espéré que la choseme serait rapportée, qu'il serait loué. Etpourtant,s'iln'avaitabsolumentaucuneaffectionpourmoi,ilsongeraitsansdoute:«Quelbesoinai-jedoncdefairedepareillescombinaisonspourqu'ellemevoie?»Quoi qu'il en soit, quand il pleut, l'ennui m'accable, je ne me souviens plus du ciel pur qui me

réjouissait la veille, tout me chagrine ; même si je me trouve dans l'endroit le plus splendide de lasuperbegalerieduPalais,jen'enressensaucunplaisir.Naturellement,quandjesuisdansunemaisonquiest loin d'être aussi belle, je souhaite plus ardemment encore de voir la pluie cesser bientôt.Rien nem'amuse,riennemecharme.Aucontraire, jesuisraviequandmerendvisite,auclairde lune,unamiqui,admirantcebeauciel,

s'estsouvenudemoiaprèsdixjours,vingtjours,unmois,oupeut-êtreuneet,àplusforteraison,septouhuitannées.Alorsmêmequejesuisdansunendroitoùilesttrèsdifficilederecevoirdesvisites,oùl'oncrainttoujourslesregards,jenemanquepas,sansquenousnousasseyionsseulement,dedirequelquesmotsàcetami,jelepriederevenir;etsijepuislegarderauprèsdemoi,ilfautquejeleretienne.Quandjecontempleleclairdelune,jepenseàceuxquisontauloin,etiln'estpasd'autremomentoù

jemerappelleaussibienleschosesdupassé:leschosestristes,lesjoyeuses,cellesquej'avaistrouvéesplaisantes.C'estcommesijevenaisde lesvoir.Le«ContedeKomano» nemecharmepoint ; ilestécrit dans un style antique, et l'on n'y trouve guère de passages intéressants. Cependant, quand jemerappellel'ancientemps,souslalune,j'aimeàprendremonéventailchauve-sourisvermoulu,etàrestersurlavéranda,enrécitantlepoèmedu«Chevalquiavuautrefois[PoésieduGosensbû.]».C'estpeut-êtreparcequejesuisd'avancepersuadéequelapluieestennuyeuse;toujoursest-ilques'il

pleut,mêmeuninstant,jetrouveceladétestable.Quelapluievienneseulementàtomber:lescérémoniesoùsepresselemondeélégant, lesfêtesqui

auraientdûamuser,etlessolennitésquiauraientétésuperbes,n'ontplusaucuncharme.Iln'estpasbesoindedirecombienjeleregrette;etpourquoidoncdevrait-ons'émerveillerdevantces

gensquiarriventchezvous, touttrempésdepluie,etquiserépandentenlamentations?À lavérité, le«lieutenantdelacave»,quedétestaitlelieutenantdeKatano[Personnagesdu«Contede lacave».Quelque fût letemps,le«ieutenantdelacave»venaitchaquenuitvoirsonamie,etildutunefoislaverseschaussurestoutesboueuses.],meplaît,bienqu'il soit accouru près de sa dame alors qu'il pleuvait.Mais c'est parce qu'il était venu aussi la nuitd'avantet,déjà,lanuitprécédente.Àsongranddéplaisirseschaussures,qu'ilavaitnettoyées,aurontdû

sesalirdenouveau.S'iln'étaitpasvenuainsi,chaquenuit,qu'aurait-ilfaitd'admirableenarrivantsouslapluie?Quandunamivientmevoirunenuitoùleventsouffleentempête, jepensequejepuiscroireàson

affection,etjenemanquepointd'êtrecharmée.Jesuis raviequ'onme fassevisite lorsqu'ilneige. Ilva sansdirequec'est agréablequand j'attends,

cachée,enmedisant:«M'aura-t-iloubliée[AllusionpossibleàunepoésieduMan.yôshû.]?»Mêmedansunendroitoùiln'estpasdutoutbesoindemystère,jesuistoujourscharméeàl'extrêmederecevoirunamidontlafroideneigeatrempélevêtement,quelevisiteurporteunhabitdechasse,unhabitdedessus,oubienuncostumevert-jaunedechambellan,sansqu'ilsoitutiledeparlerd'unmanteaudecour.Aurait-illacourterobe verte que l'on voit aux gens du sixième rang, celle-ci ne pourraitme déplaire, dès qu'elle seraitmouilléeparlaneige.Autrefois,leschambellansportaienttoujourslevêtementvert-jaunequandilsallaientlanuitchezune

dame,etlorsquecethabitétaittrempédepluie,avantd'entrerilsletordaient;onm'aconté,dumoins,quelquechosecommecela.Maismaintenant,ilsemblebienqu'ilsnelemettentpoint,mêmepourvenirenplein jour, et ils n'ont tous qu'une courte robe verte.Qu'ils étaient beaux, pourtant, les costumes vert-jaune,etsurtoutceuxqueportaientleschambellansappartenantàlagarde[Seiparledeslieutenantsdelagardequiétaientenmêmetempschambellansdusixièmerang.]!Quandilssaurontcequej'aidit,pourra-t-ilsetrouverdesgensquin'aillentpointparlapluie,vêtusdel'habitvert-jaune[Ou:«quicesserontd'allervoirleuramiequandilpleuvra».]?Unenuitoùlaluneétaittrèsclaire,unmessageravaitmis,danslachambresituéesousl'appentis,une

lettreécritesurdupapierrouge,écarlate,d'uneravissantenuance.«Je veux seulement, avait-on écrit, vous demander comment vous trouvez cette nuit, et je n'ai rien

d'importantàvouscommuniquer.»Cequimecharmait,c'étaitdelirecettelettreà laclartédela lune.S'ilavaitplu,aurais-jeeutantdeplaisir?Unamiquim'écrivaitconstammentmeditunjour:«Pourquoidonccontinuernosrelations?Inutileà

présentdeparlerdavantage.Maintenant,c'est fini !»Le lendemain, ilnemedonnapassignedevie ;quandvintl'aurore [Allusion possible à une poésie duKokinshû.],contre l'habitude, jenevispointde lettre,et jesentisqu'ilmemanquaitquelquechose.«Voilà,m'écriai-je,de laponctualité !»La journéepassa.Lejoursuivant,ilpleuvaittrèsfort;àmidijen'avaisencorerienreçu,etjedéclarai:«Ilm'acomplètementchasséedesapensée.»Mais lesoir,aucrépuscule,alorsque j'étaisassiseaubordde lavéranda,unenfant, abrité sousunparapluie,m'apporta une lettre que j'ouvris et lus avec encore plus de hâte qu'àl'ordinaire.Ellecontenaitcesmots:«Lapluiequifaitmonterl'eau[Anciennepoésie?]»,etc'étaitplusjoliquesil'onavaitcomposé,pourmelesenvoyer,quantitédepoésies.Unjour,rienn'avaitfaitprévoir,danslamatinée,qu'ildûtneiger.Cependant, lecielclairsecouvrit

tout à coup de nuages sombres, et la neige tomba en épais flocons qui obscurcissaient le paysage. Jesentismoncœurseserrer;jevoulusregarderau-dehors.Avantquej'eneusseeuletemps,laneiges'étaitaccumulée en un blanc manteau. Elle tombait encore en abondance. Soudainement, je vis paraître unhommeappartenant à lamaisondequelque seigneur ; il était élancé, très élégant, et s'abritait sous unparapluie.Ilentraparlagrandeportedanslacourdelamaisonvoisine,etjelevis,amusée,remettreunemissive.C'étaitune« lettrenouée» ;onavait écrit surdupapierdeMichinoku, trèsblanc,ou surunépais papier blanc de fantaisie ; comme l'encre qui avait servi à tracer le sceau s'était trouvéefortuitementgelée[Seinecraintpasd'exagérer,oupeut-êtrepense-t-elle,enmêmetempsqu'aufroid,àl'émotionprobabledeceluiquiaécrit.],lestraitsparaissaientplusgrêlesàlafin.Quandladameàlaquellecettelettreétaitadresséel'eutouverte,jeremarquaiqu'àlaplacedunœud,lepapier,serréauparavantenunmincerouleau,était tout

plissé.L'encresemblaittrèsfoncéeencertainsendroits,etclaireailleurs;leslignesd'écriture,pressées,couvraientlesdeuxfacesdupapier.Ladamelisaitetrelisaitlonguement,etbienquejenefussepasàcôté d'elle, j'avais du plaisir à la regarder enme demandant ce que pouvait contenir sa lettre. Je fusencoreplus intriguéequand je lavissourireendéchiffrantquelquepassage ;mais,éloignéecommejel'étais,jepouvaisseulementpenserquetelcaractèreplusnoirquelesautresdevaitêtrecelui-cioucelui-là.Unedameaucharmantvisage,etdontlefrontestombragépardelongscheveux,vientderecevoirune

lettre, à la brune.Sansdoute était-elle trop impatiente de la lire pour prendre le temps d'allumer unelampe.Avecdeuxbaguettes,elleatirédubrasierrondunmorceaudecharbonardent;àlalueurdecettebraise,elleparcourtsalettreetsemblepeusûredecequ'ellelit.Jelaregardeavecravissement.

150.ChosesmagnifiquesLecommandantdelagardeducorpsquifaitécarterlesgensavantlepassagedel'Empereur.Lalecturedu«Livresacrédupaon[Kujakukyô,untextebouddhique.]».Parmilesprières,celledes«CinqgrandsVénérables[Dieuxdubouddhisme,quichassentlesdémons.]».Unchambellan,«troisièmefonctionnaire»duProtocole,quandilmarchelentementsurlagrand-route,

lejourdelafêtedeschevauxblancs.Lorsdelaréuniond'abstinenceàlaCour[Duhuitièmeauquatorzièmejourdupremiermois.Onfaisaitmaigre,etdesbonzes

lisaient lesÉcritures.], lescapitainesde lagardeduPalais,degaucheetdedroite,auxquelsonadonnédesvêtementsdetissuimprimé.La«Lecturesacrée»auPalais,auxdeuxsaisons.L'«AugusteprièreduRoivénérableetvictorieux[CefragmentfaitdéfautdansletextedonnéparM.Mizoguchi.Onle

trouvedansceluideM.Kaneko.Ils'agit,commeàlalignesuivante,d'untextebouddhique.]».L'«AugusteprièreduProspèreetglorieux».Quandl'oragegrondetrèsfort,lesgardes,aupostedutonnerre,sontextraordinairementeffrayants.Les

commandants,capitainesetlieutenantsdelagardeducorps,degaucheetdedroite,setiennentcontrelesfenêtresde treillis, devant lePalais Impérial [C'est-à-dire le Palais pur et frais. Pour le « poste du tonnerre ».], pourprotégerSaMajesté.C'estmagnifique.Dès que le calme sera revenu, les commandants ordonneront àleurshommesd'entrerdanslePalaispuretfrais,oudeseretirer.Leparaventdont lespeinturesreprésentent lespaysagesdela«Descriptionoriginaledela terre [Un

ouvragechinois.]».Ilaunnomauquelj'aimeàpenser.Leparaventsurlequelsontfiguréeslesscènesdel'«HistoiredesKan[LeHan-chou(ou plus précisément le

Ts'ien-han-chou,»HistoiredespremiersHan»),dûàPanKou(39à92).]».Ilestconnupourlecaractèrehéroïquedesespeintures.Leparaventquedécorelasuitedesmois[Unparaventornédepeinturesreprésentantlescérémoniesquiavaientlieuchaque

moisaupalais.]estjoliaussi.Aprèsavoirfaitunlongdétourpouréviterdemarcherdansunedirectionnéfaste,onrevientchezsoi,

danslanuitprofonde.Commelefroidesttrèsvif,tousleshommesd'escortebaissentlementon.Onfinitpararriver,onapprochelebrasierrond.C'estsuperbequandonytrouveungrandfeu,sanslapluspetiteplacenoire ;mais labraiseque l'on retirededessous les finescendres,etqui se ranime,vous faitun

plaisirextrême.Onestassisprèsdufeu;onbavarde,ets'ils'éteint,onn'yfaitpasmêmeattention;maisqu'uneautre

personnevienne,metteducharbondans lebrasieret rallume le feu,on trouveracela trèsdésagréable.Cependant,sielleplacesoigneusementlescharbonstoutautourdubrasier,etmetlefeuaucentre,c'estbien.Sielleramènetouslestisonsenflammésverslebord,etfait,desnouveauxcharbons,unepilesurquoielleplaceensuitecestisons,c'esttoutàfaitdéplaisant.Cejour-là,uneneigeépaissecouvraitlesol;contrel'habitude,onavaitbaissélesfenêtresdetreillis,

etlesdames,rassembléesautourdel'Impératrice,attisaientlefeudanslebrasiercarré,toutenbavardant.«Shônagon,medemandamamaîtresse,commentestdonclaneigesurlepicdeKôro [Lemont « Brûle-

parfum ». Allusion à un poème de Po Kyu-yi que les anciens Japonais goûtaient fort, et qu'avait imité, en chinois, le célèbre SugawaraMichizane (845-903). On y trouve ce passage : « La neige, sur le pic de Hiang-lou (jap. Kôro), je la vois en relevant le store debambou.»]?»Jerelevailafenêtreetjeroulailestorebienhaut.SaMajestésourit;touteslesautresdamesconnaissaientcommemoi lapoésieà laquelle j'avaispensé ;certaines l'avaientmême traduiteenversjaponais.Pourtant,ellesn'avaientpus'ensouvenirsur-le-champ.«Vraiment,direntlesgens,SeiShônagonestlapersonnequ'ilfautpourserviruneImpératricecomme

lanôtre!»Les jeunes garçons qui secondent lesmagiciens savent àmerveille ce qu'ils ont à faire.Quand son

maître est allé, par exemple, effectuer une purification, les gens écoutent l'acolyte lire les prières, ettrouventcelatoutnaturel.Ils'élancesansbruit;avantmêmequ'onluiaitordonnéd'aspergerd'eauclairelevisagedumalade,ilsait,pourlesavoirfaitsbiendesfois,quelspasetquelsgestesconviennent.Sonmaîtren'apasbesoindeluidirelemoindremot.Celamerendenvieuse,etjepensequejevoudraisbienavoiràmonservicedesdomestiquesaussiintelligents.J'étaisalléeunefois,autroisièmemois [En992.],àlapetitemaisond'unami,dansl'intentiond'yfaire

une retraite d'abstinence. Les arbres du jardin ne méritaient guère d'attention ; mais, parmi eux, j'enremarquaiunauquel lesgensdonnaient lenomle saule. Iln'avaitpas l'élégancedesarbresque j'étaishabituéeàentendreappelerainsi;sesfeuillesétaientlarges,ilmeparutdéplaisant.«Oncroiraitquecen'est pas un saule ! » dis-je.Mais onme répondit qu'il y avait aussi des saules comme celui-là ; etregardantcetarbre,jepensai:«Ah!lamaisonOùlessourcilsqueformentlesfeuillesdessaules,Ens'étalantAvecprésomption,Déshonorentlevisageduprintemps!»[Maya,del'original,peutsignifier«cocon»,ets'appliquerauxbourgeonsduveteuxdusaule ;mais ilsignifieégalement«sourcil»,et il

vautmieuxl'entendreainsi,car«sourcil»et«visage»sontdeux«motsconnexes».]Cettefois-là,étantdonnél'aspectdel'endroitoùjem'étaisretirée,jem'ennuyaideplusenpluset,vers

lemilieududeuxièmejour,j'étaisd'unehumeurtellequej'auraisvoulureveniraussitôtauPalais.Àcemomentjereçus,delapartdemamaîtresse,unbilletquejelus,ravie.Surdupapierverttendre,

ladameSaishôavaitcopié,d'unetrèsgracieuseécriture,cettepoésiedel'Impératrice:«Commentaijepu,Sansvous,passerLetempsécoulé?

Ah!cesdeuxjoursd'hieretd'aujourd'hui,Quej'aivécudansl'inquiétude.»Saishô,d'elle-même,avaitajouté:«Ilmesemble,aujourd'huidéjà,quevousêtespartiedepuismille

années[Allusionàunepoésieoùl'ontrouveunjeudemotssurmatsu,«pin»et«attendre».].Revenezbienvite,auplustarddemainà l'aurore !»Cesseulsmotsde ladameparaissaientbienfaitspourmecharmer ;àplus forteraison, j'étais loin d'être indifférente à la forme aimable du poème qu'avait composé notremaîtresse.Cependant,jenesongeaipasquemaréponseétaitdestinéeàSaMajesté,j'écrivis:…«Ah!cesverscomposésenpensantàl'ennuiquejepouvaisressentir…«Ah!enquelletristecontemplationjerestaisperdueEnunpareilendroit,AlorsquecejourdeprintempsVoussemblaitsilongàpasser,Àvousquiétiezau-dessusdesnuages[C'est-à-direaupalaisimpérial.].»et,pourSaishô:«Peut-être,avantquefinissecettenuit,vais-jefairecommelelieutenant[Sansdoute le

lieutenantdeFukakusa,lehérosd'unrécitenvogueautempsdeSei.Unecoquetteluiavaitditqu'ellecroiraitàsonamourquandilseraitvenucentnuitsdevantsaporte.Ilmourutlaquatre-vingt-dix-neuvièmenuit.]!»Je revins au Palais le lendemain, à l'aube et l'Impératrice déclara : « Votre réplique d'hier, dans

laquellevousdisiezquelesjourssemblaienttroplongs,m'aparufortdéplaisante[Seiparaissait,danssaréponse,se soucier surtout d'elle-même.]. Toutes les dames l'ont beaucoup critiquée. » J'étais désolée ; mais j'avaisassurémentméritécesblâmes.Alors que je faisais une retraite au temple deKiyomizii, j'écoutais un jour lamusique bruyante des

cigales,quandunmessagerspécialdel'Impératricem'apportaunelettrequeSaMajestéavaitécritesurdupapierdeChine,teintéderouge:«Sivousavezcomptétouteslesfoisqu'arésonné,Aucrépuscule,laclocheDutemple,prèsdelamontagne,VousdevezsavoirdepuiscombiendejoursMoncœursoupire.»«Etpourtant!Quelséjourd'uneduréesanspareillevousfaiteslà-bas!»Comme,cettefois-là,enpartantpourcevoyage[Tabi,del'original,esttraduitpar«fois»etpar«voyage».],j'avais

oublié d'emporter du papier convenable, j'écrivisma réponse sur un pétale de lotus [Une fleur artificielle.]pourpre,etjel'envoyaiàmamaîtresse.Levingt-quatredudouzièmemois,l'Impératricefitfairel'«ÉnumérationdesnomsdesBouddhas».Il

devaitêtreplusdeminuitquandlesassistantsseretirèrentaprèsavoirécouté lebonzequidirigeait larécitationdesSaintesÉcriturespendantlapremièreveille.Ilss'enallèrentdanslanuit,versleurdemeureoubienversquelquerendez-voussecret ;pourmoi, je revinsenvoitureavecd'autrespersonnes,et letrajetmeparutfortagréable.Laneigequi tombaitdepuisquelques joursavaitcematin-làcessé, levent soufflaitviolemment.De

merveilleusespendeloquesdeglaceétincelaient.Par-ci,par-làonvoyaitlesolnoir,auxendroitsquelaneigenecachaitpas.Cependant,toutesrevêtuesd'unblancmanteauoùlesrayonsdelalune,pâlieparl'aurore,nelaissaient

pasuncoind'ombre, lesmisérablescabanesdespauvresgenssemblaientelles-mêmes ravissantes.On

eûtpenséqueleurstoitsétaientd'argent,etvolontiersj'auraisprislesglaçonspourdestigesdecristal,lesuneslongues,lesautrescourtes,partoutsuspenduesàdessein.Jen'ensauraisdirelecharme.Notre voiture n'avait pas de rideaux intérieurs, les stores étaient relevés tout en haut, et la lumière

pénétraitjusqu'aufond.C'estainsiquejepusvoirunedamequiportaitseptouhuitvêtementsvioletclair,prunierrouge,blanc...et,par-dessus,unmanteauvioletfoncédontlelustreéclatantresplendissaitsouslalune.Àcôté de cette délicieusepersonne, était assis un courtisan, dont j'admirais le pantalon à lacets de

tissufaçonné,couleurdevigne,etlesnombreuxvêtementsblancs.Desétoffesjauned'orcommelakerrie,d'autresécarlates,débordaientdesesmanches ; lecordonfixéàsonmanteaudecour, toutblanc,étaitdénoué ; il avait ouvert bien grand, et rejeté sur ses épaules, le haut de cemanteau, découvrant ainsilargementsesautreshabits.Unedesesjambes,surlaquelleretombaitlebasdupantalonàlacets,sortait,enavant,delavoiture,et lesgens,siquelques-unsnousrencontrèrentenchemin,durenttrouveràcelabeaucoup de grâce. Comme la dame, craignant la trop vive clarté de la lune, s'était glissée, pour secacher,aufonddelavoiture,lecourtisanlatiraverslalumière.Onlavitdistinctement,ettoutlemonderit[Ou,dansletextedonnéparM.Kaneko:«Onlavitdistinctement,toutetroublée.»].C'étaitbienamusant!Legentilhomme,ensuite,nouscharmaen récitantplusieurs fois lepoèmechinois : «Sous l'intense clarté, la campagnesemblecouvertedeglace[PoèmedeKongTch'engyi(secondemoitiéduIXe

siècle).].»J'auraisvouluresterenvoituretoutelanuit,etjeregrettaisd'êtredéjàprèsd'arriver.QuanddesdamesenserviceauPalais,setrouvantensembleàlacampagne,parlentavecadmirationde

leursmaîtres,etseracontentmutuellementtoutessortesdechosesàproposduPalaisetdesesalentours,ausujetdesgentilshommes,ilestamusantpourlemaîtredelamaisonoùellesséjournentdelesentendrecauserainsidesespropresseigneurs.Jevoudraishabiterunemaisonspacieuseetjolie.Àcôtédemoilogerait,ilvasansdire,mafamille,et

jesouhaiteraisd'yvoiraussiunepersonnecapabledeconverserunpeuavecmoi:unedameenserviceauPalais.

Lorsqu'ilnousplairait,nousnousréunirionspourcauser,pournousentretenirdespoésiesquelesgensauraientcomposées,etde touteschoses.Chacuneapporteraità l'autre les lettresqu'elleaurait reçues ;nousleslirionsensemble,etnousécririonsensemblelesréponses.Si une personne venaitme faire une visite de bonne amitié, je l'inviterais à entrer dans lamaison,

jolimentornée;si,parexemple,lapluiel'empêchaitderepartir,jelatraiteraisgracieusement.Quand l'amiequi habiterait avecmoi irait auPalais, jem'occuperais avant qu'elle s'en aille de tout

préparerpourelle,etensuitej'agiraisàmaguisepourluienvoyercequ'illuifaudrait.Tout ce qui touche à l'existence des personnes bien néesme charme. Peut-être ai-je là une étrange

pensée!

151.GensquiimitentcequefontlesautresLesgensquibâillent.Lesenfants.Lesgensdepeu,lorsqu'ilssontimpudents.

152.Chosesauxquellesonnepeuts'abandonnerLesgensqui passent pourmauvais.Et pourtant, ils semblent plus francsque certains autresdonton

connaîtlabonté.Allerenbateau.Jefisunjourunepromenadeenmer.Lesoleilétaitradieux,etlasurfacedel'Océan,merveilleusement

calme, semblait une étoffe lustrée, vert clair, que l'on eût partout étendue. Les jeunes dames neparaissaientpasavoirlamoindrecrainte.Ellesportaientsimplementungilet;ellesmaniaientlesramesaveclesgensdenotresuite,enchantantàl'envi.C'étaitravissant,etnousaurionsbienvoulumontrercespectacleàquelquepersonned'unhautrang.Tout en songeant ainsi, nous allions, quand le vent se mit à souffler violemment. La mer, agitée

soudainement par la tempête, devintmauvaise.Nous étions sans pensée ; vraiment, à voir les vaguesbondirpar-dessuslebateaupendanttoutletempsquenousmimesàgagner,enforçantderames,l'endroitoùnousdevionsaborder,onn'auraitjamaiscruquec'étaitlàcettemersitranquilleuninstantauparavant.Sil'onyréfléchit,onvoitquelesgensquivontenbateausontloind'êtreméprisables.Ceuxquiontà

naviguer à la rame, montés dans un frêle esquif, ne méritent point qu'on les dédaigne, même si laprofondeurdel'eausurlaquelleilsvoguentn'estjamaistrèsgrande;etilsleméritentbienmoinsencore,cesbateliersquivontsurunemerdontonneconnaîtpaslefond,profondepeut-êtredemillebrasses,etquicourent,sansaucunsoucidudanger,dans leursbarquessichargéesque l'eaun'estqu'àunpieddubord!Onpensequelemoindrefauxpassuffiraitpourlesprécipiterdansl'abîme.On s'émerveille aussi lorsqu'on observe des mariniers qui jettent dans leur bateau, avec un bruit

sonore,cinqousixénormessapinsayantdeuxoutroispiedsdetour.Lesgensd'unhautrangvontenbateauxcouverts.Cependant,siceuxquirestentaufonddelacabine

ontquelquesécurité,ceuxquisetrouventprèsdubordontlevertige.Comme les cordes retenant les rames, que les bateliers ont attachées, et dans lesquelles ils ont

tranquillementpasséleursavirons,mesemblentpeusolides!Siundecesliensserompait,qu'arriverait-

il?Soudainlerameurtomberaitets'enfonceraitdanslesflots;etpourtant,cescordessiimportantesnesontjamaistrèsgrosses.Unefois,j'étaismontéedansunedecesembarcations,dontlacabine,trèsjolie,avaitdesstoresàtête

transparents,uneporteàdeuxbattantsetdesfenêtresdetreillis.Cependant,cebateaunesemblaitpassilourdquelaplupartdeceuxdesasorte,etl'onyétaittoutàfaitcommedansunepetitemaison.Unepeurextraordinaire me prenait quand je regardais les autres barques. Vraiment, celles qui étaient au loinressemblaientabsolumentàdesfeuillesdebambouquel'oneûtfaitflotter,éparpilléessurlamer.Quand nous arrivâmes au port, dans tous les bateaux brillaient des lumières, et le tableau était

ravissant.Lelendemainmatin,àl'aube,jefusémueenvoyantlesbateliersquipartaientàlarame,montésdanscestoutpetitscanotsquel'onappelledesallèges,et,c'estvrai,«derrièrecesbarques,lesblanchesvaguesdisparaissaientsanslaisserdetrace[PoésiejaponaisedeMansei(VIII

esiècle).]».

Ilmesemble,aprèstout,quelesgensd'unrangpassablenedevraientpasallerenbateau.Onaduresteassezderaisonspourêtreeffrayéquandonsecontentedevoyageràpied.Pourtant;quoiqu'ilarrive,onestalorstoujourssurlaterreferme,etc'estlà,jepense,unechosebienfaitepourdonnerdelaconfiance.Lespêcheusesquiplongentdanslamerontunbientristemétier!Onsedemandecequ'ellesferaientsi

lacordeattachéeàleurceinturevenaitàserompre.Sic'étaientseulementdeshommesquifissent leurbesogne, on trouverait la chose possible ;mais à des femmes, il doit falloir un courage au-dessus ducommun.Pendantqu'elles travaillent, leshommessontdans leursbarques, et, tout enchantantàpleinevoix, ils avancent et laissent flotter sur la mer la corde faite avec l'écorce dumûrier. Sans doute nes'inquiètent-ilspasdugranddangerquecourentlesfemmes!Quand lespêcheusesveulent revenirà lasurface,ellestirentsurlacorde.Alorsleshommesseprécipitentpourlasaisir,ilsl'amènentàeuxavecunehâte bien compréhensible.Vraiment, les gens qui voient seulement ces femmes, à bout de souffle,s'appuyersurleborddubateau,sententleurspaupièressemouiller;oneststupéfait,aupointden'enpascroire ses yeux, quand on regarde les hommes qui vont çà et là, sur la mer, après avoir laissé lespêcheusess'enfoncerdansl'eau.Cenesontpas,jesuppose,deschosesquel'onpuissejamaiss'attendreàvoir.Un lieutenant appartenant à la garde du Palais, de droite, et dont les parents étaient déplaisants

[Probablement parce qu'ils étaient vieux.],avait l'âmeassezbassepourpenserqu'iléprouvaitde lahontechaquefoisqu'onlesvoyait,et,envenantdelaprovinced'Iyoàlacapitale,illesprécipitadanslamer.Lesgens,ayant appris ce qui s'était passé, demeuraient tristes et stupéfaits. Cependant, le quinzième jour duseptièmemois,cethommeditqu'ilallaitcélébrerlafêtedesmortsenl'honneurdesesparentsdéfunts,etaprèsl'avoirvusehâterdefairesespréparatifs,lechanoineDômei[FilsdeMichitsuna,lefrèreaînédeMichitaka.Ilétaitrenommépoursontalentpoétique.]composacettepoésie:«Quellepitiéc'étaitDevoircethommeCélébrerlafêtedesmortsAprèsavoirprécipitésesparentsDansl'Océan!»[QuandonsaitquelapiétéfilialepassepourêtreenExtrême-Orientlepremierdesdevoirs,onestsurprisparlaconduitedulieutenantet

parl'indulgencedeceuxquil'entourent.]Quandjemerappellecesquelquesvers,jesuisremplied'émotion.Autreanecdote:onavaitapprisàlaDame[UneprincessedelafamilleFujiwara,quiécrivit le«Journald'une libellule».

EllefutlamèredeMichitsuna(leseigneurd'Ono),etlagrand-mèredeDômei,queSeivientdenommer.],mèreduSeigneurd'Ono,

queles«HuitInstructions»avaientétéprêchéesauTempleFumonji,et,lelendemaindelacérémonie,commeunefouledegenssetrouvaientassemblésauPalaisd'Ono,jouantdelamusiqueetcomposantdespoésies,laDameimprovisa,dit-on,cepoème:«Hier,OnachevaDecouperleboisàbriller.Aujourd'hui,lemanche…delacognée…d'OnoPourriraici.»[Enmêmetempsqu'àlalégendedeWangTche,l'auteurdelapoésiefaitallusionàunpassagedu«SoûtraduLotus»qu'onlisaitdansles

«HuitInstructions».]J'ensuisémerveillée.En lisant ces pages où je rappelle, l'une après l'autre, deuxpoésies, on pourra croire que je venais

d'entendrecelles-ciquandjelesainotées.Autrechoseencore:Lesparolesdelaprincesse[Izushi,filledel'empereurKwammu(782-805).PourNarihira.],mère

de Narihira, écrivant à son fils qu'elle désirait toujours plus ardemment le voir, m'émeuvent et meravissent.Jem'imaginecequ'ildutpenserquandileutouvertetlulalettredesamère.J'ainotédansmoncahierunepoésiequej'avaistrouvéejolie.Uneservantelalitetlaréciteàtortetà

travers.Celam'attriste.Etquandj'entendsquelqu'unlireunpoèmetoutd'unetraitesansprendregardeàlamesure!Quanduneservanteloueunhommemédiocre,etditqu'ilestmerveilleusementaimable,celanemanque

pasdelerabaisseraussitôtdansl'espritdesgens.Contretouteattente,onestimedavantageceluiqu'elleblâme.Mêmepourunefemme,ilestmauvaisderecevoirlesélogesdesservantes.Etpuis,quellepitién'est-cepasd'entendrecespersonnesqui, touten louantquelqu'un,ontdesmots

malheureux!Unsoir[Entrelehuitièmemoisde992etlehuitièmemoisde994.],leSeigneurpremiersous-secrétaired'Étatvintau

Palais ; ilparlade littératureavec l'Empereur.Laconversationdura, commeà l'ordinaire, jusqu'àuneheureavancéedelanuit,et lesdamesquisetenaientauxcôtésdeLeursMajestésse retirèrent,uneoudeuxs'enallantàlafois.Quandellesfurenttoutescouchées,àl'abridesregardsderrièreleparaventoul'écran,jerésistaiàl'enviededormirquimeprenait,etjerestailà,seuledesdames.Leveilleurannonçalequatrièmequartdel'heureduBœuf.«L'auroreestvenue»,murmurai-jepour

moi-même.MaislePremiersous-secrétaireditàl'Empereur:«Voicilanuitquis'achève,ilesttroptard,maintenant,pourqueVotreMajestérentredanssesappartements»«Korechikan'apassongéqu'ilfallaitdormir,medis-jehélas!pourquoia-t-ilainsiparlé?»S'ilyavaiteud'autresdamesavecmoi,j'auraispuexprimermapensée;onn'eûtpasreconnumavoixparmilesleurs.L'Empereur,s'appuyantcontreunpilier,s'assoupit.«Regardez-le,chuchotalePremiersous-secrétaire

àl'Impératrice,est-ilpossiblequeSaMajestés'endormeàcetteheure,maintenantqu'ilfaitjour?–Envérité»,répliquamamaîtresseenriant;maisl'Empereurn'entenditpasmêmecerire.Cependant,unejeunefille,auserviced'unedesfemmesquigouvernentlesdomestiques,ayantattrapé

un coq, l'avait caché, endéclarant qu'elle l'emporterait le lendemain chez elle. Je ne sais comment la

chosese fit,maisunchiendécouvritetpoursuivit l'oiseau,quis'enfuit jusqu'à l'extrémitéde lagalerieavec force cris terrifiants. Tout le monde fut réveillé. L'Empereur lui-même, s'éveillant en sursaut,s'écria:«Qu'estilarrivé?»LePremiersous-secrétaired'Étatréponditendéclamantlepoèmechinois:«Lavoixsurprend,danssonsommeil,lemonarqueéclairé[PoésierecueilliedansleWakanrôeishû.Lemot«coq»yfigure,etKorechikalacitedoncbienàpropos.].»Ilrécitaitàmerveille;c'étaitunrégaldel'entendre,etmoi-même,qui,touteseule,sentaislesommeilalourdirmespaupières,j'ouvrismesyeuxtoutgrands.L’Impératrice,charmée,elleaussi,déclara:«Voilàquiestditfortàpropos!»Quellejoliechose,encore,qu'unetellelouange!Lanuitsuivante,l'Empereuravaitregagnésesappartements,et,versminuit,étantsortiedanslagalerie,

j'appelais quelque servante, quand le Premier sous-secrétaire me demanda ! « Allez-vous à votrechambre?Je vous accompagnerais ! » Je suspendis à un paraventma jupe d'apparat etmonmanteauchinois,puisjepartisaveclui.Il faisait un merveilleux clair de lune. Le manteau de cour que portait le Premier sous-secrétaire

paraissaitd'uneblancheuréclatante,et,pendantqu'ilmarchait,sespiedss'embarrassaientdanslebasdesonpantalon à lacets, trop longdemoitié.Àunmoment, ilme retint par lamanche, en disant : «Netombezpas!»etcommeilmeguidait,jel'entendisréciter:«Alorsquelevoyageurmarcheencoreàlaclartémourantedelalune[Poèmechinois,deKiaTao(777-841).Danscepoèmeencore,ilestquestiond'uncoq:celuiquichanteàla barrière de Han-kou.]. » J'étais, de nouveau, ravie à l'extrême, et le Premier sous-secrétaire s'exclama :«Vousvousenthousiasmeztroppourcessortesdechoses»,puisilsemitàrire.Etpourtant!commentn'aurais-jepasgoûtélecharmed'unepoésiediteaussijoliment?Unjour,nousétionsdanslachambredelaPrincessedelaToiletteavecMama,lanourricedel'Évêque

[Ryûen.] lorsqu'un homme s'approcha de la terrasse de bois. Il semblait près de pleurer. « Un horriblemalheurm'estarrivé,nousdit-il,etjenesaisàquimeplaindre.»Commenousluidemandionsdequoiilparlait,ilrépondit:«Uneaffairem'avaitforcéàquittermademeurepourquelquetemps,et,pendantmonabsence,mamisérablemaisonabrûlé.Depuisquelquesjours,jeviscommelebernard-l'ermite,enmeglissantchezlesautres[L'infortunéemploieuneexpressionfortvigoureuse,qu'ontraduiraitbeaucoupplusexactementpar«fourrerlapartiepostérieuredesonindividuchezlesautres».].Lefeuaprisdansunemaisonoùlesgensdesécuriesimpérialesemmagasinentdufoin;ils'estcommuniquéàlamienne.Unehaie,seule,séparaitlesdeuxbâtiments,etunjeunedomestiquequidormaitdansmachambreabienfaillipérir;onn'apassauvélamoindrechose.»Aprèsl'avoirentendu,toutlemondeéclataderire,jusqu'àlaPrincessedelaToilette,etj'écrivisces

quelquesvers:…«Mêmevotrechambreàcoucher…«MêmeYodono,votrepays,Nepourrait,sansdoute,demeurer,Quandle…feu,auprintemps,…soleil,auprintemps,Estsifortqu'il…brûle…faitpousserLefourrageimpérial!»«Donnez-luiça»,dis-jeàlanourrice,enjetantàcettefemmelepapiersurlequelj'avaisécrit.Après

avoirribienfort,elleleremitàl'homme,etluidéclara:«Lapersonnequiestlàvousfaitceprésent;sansdoutel'avez-vousapitoyéeenracontantl'incendiedevotremaison.»

«Qu'est-cequecerubandepapier,demandalepauvrehère,etquemevaudra-t-il?»Lanourriceluiréponditdelelired'abord.«Commentferais-je?Répliqua-t-il;aucundemesdeuxyeuxn'enestcapable[Ilnesaitpas lire.].-Montrezcepapieràquelqu'un,repartirentalorslesdames;SaMajesténousaenvoyédiredevenirsur-le-champ,etnousnousrendonsbienviteàsonpalais.Quelleinquiétudepourriez-vousavoirencore,aprèsqu'onvousadonnéunechoseaussiprécieuse?»Toutessemirentàrirecommedesinsensées.Enallantprèsdel'Impératrice,nousnousdemandions:«Aura-t-ilfaitvoircepapieràquelqu'un?Commeilserafurieuxquandilauraregagnésonvillage!»

LorsquenousfûmesarrivéesdevantSaMajesté,Mamaluiracontal'histoire,etilyeutencoreforcerires.L'Impératrice,elle-même,ritennousdisant:«Commentpouvez-vousêtreaussifolles?»Jem'imagineunjeunehommequiaperdusamère.Sonpère,restéseul,l'aimetendrement;maisune

nouvelleépouse,désagréable,estarrivéedanslamaisonet,depuiscetemps,lefilsnepeutplusentrerdanslesappartementsdesonpère.Ilachargésanourrice,oubienuneservantedeladéfuntedame,desoigner lesvêtementsqu'ilporte. Il logedans l'aileoccidentaleouorientaledumanoir,aubesoindansunechambred'amis,trèsjolie,avecdesparaventsetdesécransornésdepeinturesquisontelles-mêmesremarquables.Personneneseplaintde son serviceà laCour, et tous sont ses amis. Il charme jusqu'àl'Empereur;SaMajestélemandecontinuellement.Elleaimequ'ilviennefairedelamusiqueavecelle.Pourtant,ce jeunehommeest toujours triste ; il semblequerienaumondene lecontente. Ildoitavoirpourlelibertinageunpenchantsingulier.Ilaseulementunesœurcadette,mariéeàunhautdignitairequichéritsonépousecommeunefemmedontonnesauraittrouverlapareille.Àcettesœur,lejeunehommeconfietoutessespensées;ilbavardeavecelle,etc'estlàsaconsolation.Jenesaisquiapudire:«Iln'estpasdemanteaupourl'ÉvêqueJôchô[AucontrairedeSuisei, Jôchôétait très

grand.],nidegiletpourleseigneurSuisei.»Maisc'estbienamusant.Quelqu'unm'ayantdemandé,unefois,s'ilétaitvraiquejedevaisallerenShimotsuke,jerépondis:«Ah!l'armoiseDelamontagneàlaquelleJen'avaispaspensélemoinsdumonde!Quivousannonça…qu'ellecroissaitauvillage…qu'ilenétaitainsiàproposD'Ibuki?»[Dans la province de Shimotsuke, près de lamontagne d'Ibuki, est récoltée l'armoise qu'on emploie pour les cautères et dont le nom,

mogusa,adonnélefrançais«moxa».Outrelecalembourqu'indiquelespointsdesuspensiondanslatraduction,ontrouvedansl'originaldeuxexemplesduprocédéquiconsisteàemployerdes«motsconnexes».]UnedameduPalais entretenait d'amicales relations avecunhomme, fils du gouverneur deTôtômi ;

maiselleappritqu'ilétaitaumieuxavecuneautrefemme,enserviceaumêmepalaisqu'elle.Ladamemontraduressentimentàsonami ;ellevoulutqu'il jurâtenprenantsonpère, legouverneur,à témoin.«Onvousa fait làunaffreuxmensonge,assura-t-il, jen'ai jamaisvucettepersonne,mêmeen rêve.»Ayantentendudirequ'elledemandaitcequ'elledevaitluirépondre,jecomposaipourellecetteréplique:«Jurez,seigneur,Par…legouverneur

…ledieuDeTôtômi!N'avezvousjamaisvu…LepontdeHamana?»…Leboutdesdoigtsdecellefemme.»[Auxcinqderniersmots,riennecorresponddansl'original.Ilsontétéajoutéspourjustifierl'emploidumot«bout»,lequel,demêmeque«

pont»,traduitlejaponaisharki.LepontdeHamana,enTôtômi,aétécitéplushaut.]Unjour,jeconversaisavecunhomme,dansunendroitquin'étaitguèrecommodepourunrendez-vous,

quandilmedit:«Jen'aipasdutoutlecœurenrepos;commentcelasefait-il?»Jeluirépondis:«DanslaMontéedesrencontres,Onn'ajamaislecœurenrepos,CaroncraintQuequelqu'unnevoiel'eauDupuitsjaillissant.»[Le nomde laMontée des rencontres rappelle les rendez-vous tels que celui dont parle Sei. La poésie contient en outre deux «mots-

pivots » : bashiri, « palpiter, bondir (ne pas être en repos) » et « jaillir » ; mi, « eau » et premier terme du composé mi-tsukuru,«apercevoir».]

153.ManteauxdefemmesJ'aime les couleurs claires. La couleur de la vigne, le vert tendre, la teinte « cerisier », la nuance

«prunierrouge»,touteslescouleursclairessontjolies.

154.ManteauxchinoisJ'aime le rouge, la couleur « glycine ». En été, je préfère le violet ; en automne, la teinte « lande

desséchée»

155.jupesd'apparat

J'aimelesjupessurlesquellessontdessinéslescorauxdelamer.Lesjupesdedessus.

156.VestesAuprintemps,j'aimelanuance«azalée»,lateinte«cerisier».Enété,j'aimelesvestes«vertetfeuillemorte»,ou«feuillemorte».

157.TissusJ'aimelesétoffesviolet-pourpre,lesblanches,cellesoùl'onatissédesfeuillesdechênedentelésurun

fondvert tendre.Les tissuscouleurdeprunier rougesont jolisaussi,maisonenvoit tantque j'ensuisfatiguée,plusquedetouteautrechose.

158.DessinsdesdamasJ'aimelesdessinsquireprésententlarosetrémière,l'oseilledesbois.Lesétoffesàfondgrêlémeplaisent.En été, je trouve élégants les gensqui portent deshabits d'étoffe légère dont unemanche, seule, est

longue [Cette curieuse mode s'explique par l'habitude qu'avaient les dames, en voiture, de laisser retomber une manche en dehors duvéhicule.Pluscettemancheétaitlongue,plusl'effetsemblaitjoli.],maiscettemoden'estpassansinconvénient;quandonamis, l'un par-dessus l'autre, de nombreux vêtements, ils se trouvent entraînés d'un côté, on est malhabillé ; quandonporte des habits garnis d'ouate, épais, ils s'ouvrent sur la poitrine, d'une façon trèsdisgracieuse.Cenesontpaslàdesvêtementsquel'onpuissemettreenmêmetempsquelesautres.Aprèstout,les

vêtementsquel'onportedepuisl'Antiquité,biencoupés,sontjolis.J'aimeleshabitsdontlesdeuxmanchessontlongues.Cependant,pourunedameduPalais,encostume

decérémonie,detelsvêtementsdoiventêtreembarrassants.Pourleshommes,aussi,quiontbeaucoupdevêtementssuperposés,ilyauraitsansdoute,siceshabitsétaientcoupésinégalement,uncôtétroplourd.Ilsembleque tous les joliscostumesdecérémonieet lesvêtementsd'étoffe légèresoientmaintenant

portésdecettefaçon.Lesvêtementsquel'onpeutvoirporteraujourd'huiparlespersonnesdeconditionsontdureste,ilfaut

bienledire,toutàfaitincommodes.Unjeunenoble,d'unefigureagréable,mesembletrèslaiddèsqu'il revêt lecostumequiconvientau

vice-président de la Haute Cour de Justice. Ah ! qu'il est pénible de voir en cette tenue de jeunesseigneurscomme leCapitainede lagardeducorps, filsduPrince Impérial [Minamoto Yorisada, fils du princeTamehira.]!

159.LesmaladiesLemald'estomac[L'originalestmoinsprécis,etl'onpeutcomprendre:«maladiesdespoumons,ducœur,del'estomac».].Lestourmentscausésparunespritmauvais.Lesmauxdepieds.Lesmaladesquiperdenttoutappétitsansquel'onpuissesoupçonneroùestleurmal.Je vis un jour une jeune fille de dix-huit ou dix-neuf ans, dont la superbe chevelure, aussi longue

qu'elle-mêmeétait grande, semblait abondante jusqu'à l'extrémité.Cette jeune fille était gracieusementpotelée, son teint resplendissait de blancheur. On voyait qu'elle avait un charmant visage ; mais ellesouffraitd'une terribleragededents.Lescheveuxquiretombaientsursonfrontétaient tout trempésde

larmes. Sansmême faire attention au désordre de sa chevelure, elle appuyait sa main contre sa jouerouge,et,danscetteposture,elleétaitravissante.Jevisaussi,auhuitièmemois,unedamequiportait,avecunvêtementblancsansdoublure,unejolie

jupe souple, et qui avait jeté sur ses épaules unmanteaud'une fraîche couleur d'aster.Quelque chose,dans la poitrine, la faisait terriblement souffrir, et les dames du Palais, ses compagnes, venaient auxnouvellestouràtour.Ilyavaitaussidesgensquis'informaient,sansavoirl'aird'êtrevraimentinquiets:«Ah!quelletristechose!A-t-elledéjàressenticesdouleurs?»L'amidecettefemme,lui,sedésolaitsincèrement en pensant combien la maladie était, grave. C'est quand ses relations avec la dame sontrestéessecrètesquel'amantcraint lepluslesregards.Lemalheureuxs'approche,maisn'osevenir tropprèsdecellequ'ilaime;ilestàlafoisgracieuxettouchantdelevoir,rongéd'inquiétude.Ladameavaitdelongscheveuxsuperbes,nouésenunchignon.Ellesesoulevaitsursacoucheense

plaignantdenausées;bienqu'ellefîtpitié,jelatrouvaisgracieuseetdistinguée.L'Impératrice, elle-même, avait appris que cette femme étaitmalade, et avait choisi, pour l'envoyer

auprèsd'elle,lebonzeayantlavoixlaplusagréable,parmiceuxquilisentlesSaintesÉcritures.Aussidenombreusesdames,désirantvoircequ'ilallaitfaire,étaient-ellesvenuesvisiterleuramie,etcommerienne les cachait pendant qu'elles écoutaient la lecture sacrée, le bonze, tout en lisant, regardaitcontinuellementdeleurcôté.Jepensequ'ilauraméritélechâtimentduCiel.

16o.ChosesdésagréablesLapluie,unjouroùl'onsort,oùl'onvavisiteruntemple.La voix d'une de mes servantes arrive, très faible, à mon oreille et je l'entends dire : «Moi, ma

maîtressenem'aimepas,c'estUneTellequiestlafavoritedumoment!»Unepersonne,quejetrouveencoreunpeuplusdésagréablequetouteautre,soupçonnelesgensàtort,

leurtémoigneuneaversionsansmotif,etsemblesecroirelaplusintelligentedumonde.Un enfant dont la nourrice était méchante. Ce n'est pas la faute de cet enfant ; mais on pense que,

justement,ilfutélevéparunepareillefemme,etc'estpeut-êtrepourcelaqu'onnel'aimepas.D'unevoixrude,lanourriceditàsonmaître:«Croyez-vousdoncquecejeuneseigneurvaillemoins

quetousvosautresfils?Vousledétestez!»Apparemment,l'enfantnesaitpascombiencettefemmeestmauvaise.Il lademande,crieetfait tapage.C'est là,sansdoute,quelquechosededéplaisant. Ilarrivesouventaussi,semble-t-il,quandl'enfantestdevenuunhomme,quelanourrice,constammentoccupéedelui,ettoujoursempresséeàsemêlerdesaffairesdeceluiqu'elleaélevé,luinuiseaulieudeluiêtreutile[Ou:«...élevé,fassebiendeschosesàmoitié.»].Bienque je lui réponde froidement,unepersonneque je trouveennuyeuse, etque jedéteste, resteà

côtédemoi,etm'accabledeprévenances.Sijedisquejenesuispastrèsbien,ellevientcoucherplusprèsdemoiqu'àl'ordinaire,ellemedonnequelquechoseàmanger,ellesemontrepleinedecompassion.J'aibeauregardertoutcelad'unœilindifférent,elles'attacheàmoi,ellem'adule,ellesemetenquatrepourmeservir.Les hommes ne devraient jamais prendre de nourriture dans les chambres des dames du Palais

auxquelles ils rendentvisite.C'est extrêmement inconvenant.Lesdamesqui les invitent à le faire sontelles-mêmestrèsdétestables.Sisonamies'obstineàluirépéterqu'avantdebavarderavecelle, ildoit

d'abordaccepter ce qu'elle lui présente, un galant ne peut semettre lamain sur la bouched'un air dedégoût,nidétourner levisage,et,poursûr, ilmangeralà.Mêmequandunhommevients'installerchezmoi,complètementivre,lorsquelanuitestprèsdetoucheràsonterme,jeneluidonneabsolumentrien,jeneluioffrepasseulementduriztrempé.Sicethommepense,aprèscela,quejen'aipasétébonne,ets'ilnerevientpas,tantpis!Quandjesuisàlacampagne,pendantuncongé,sil'onapportequelquechose,delasalledufond,pour

l'offriràunvisiteur,commentpourrais-jem'yopposer?Jen'ensuis,pourtant,pasmoinsfâchée.Alorsqu'onestdanssaloge,autempledeHase,ilarrivequedesgensdelabasseclasserestentassis

côte à côte, devant vous, cependant que les traînes de leurs costumes viennent se fourrer dans vosvêtements.Ilsvoustémoignentlà,vraiment,bienpeud'égards!Unjour,j'eusundésirextrêmedevisiterce temple, et j'y allai faire un pèlerinage. Après avoir, avec beaucoup de peine, gravi les degrés del'escalierdepoutres [L'escalier, fait de troncs d'arbres équarris, qui conduisait au temple.], tandisquem'assourdissait lefracaseffrayantde la rivière, j'étais entréebienvite dansma loge, impatiente de contempler l'augustevisageduBouddha,quandjevisdesgensressemblantauxinsectesàmanteaudepaille,vêtusd'étoffesgrossières, et tout à fait déplaisants, qui se levaient, s'asseyaient, s'inclinaient profondément. J'auraisvoulu,d'unepoussée,lesrenverser.Prèsdesplacesréservéesauxpersonnesd'unhautrang,ilyatoujoursdesserviteursquinelaissentpas

lesgenssemettredevantelles;maislespersonnesd'uneconditionordinairenepeuventguèreempêcherqu'onlesincommode.Sivousfaitesvenirlebonzeauquelestconfiélesoindetoutcequivousconcernedurantvotreséjour

autemple,etsivouslepriezdeparlerauxgensquivousgênent, ilseborneàleurdirequelquechosecomme:«Vousautres,là-bas,retirez-vousdoncunpeu!»Maisilestàpeinepartiquevousêtesaussiennuyéqu'avant.

161.ChosesdifficilesàdireQuandontransmetunlongmessage,envoyéparunepersonnequelconqueouparunprince,ilesttrès

difficiledetoutrépéterdansl'ordre,ducommencementàlafin.Larépliqueàcemessageesttoutaussimalaisée.àrapporter.Laréponsequel'ondoitfaireàlalettred'unepersonneaveclaquelleonn'estpaslibre.Unhommeapprendfortuitementquel'undesesenfants,maintenantarrivéàl'âged'homme,acommis

unefauteàlaquelleonneseseraitpasattendudesapart.Combienlepèreéprouvededifficulté,lorsqu'ilestenfacedecetenfant,àluidirecequ'ilpense!Lescostumesdecourqueportentlesgensdesquatrièmeetcinquièmerangsmesemblentplusjolisen

hiver,etc'estenétéquej'aimelemieuxceluidontserevêtentlesgensdusixièmerang.Ilenvademêmepourlestenuesqu'onleurvoitlorsqu'ilsveillentlanuit,auPalais[Ou:«...sixièmerang.Mêmelorsqu'onleurvoitlecostumequ'ilsmettentpourveillerlanuitauPalais,ilseraitdésirablequetous,hommes...»].Ilseraitdésirable,jecrois,quetous,hommesetfemmes,eussentunextérieurdistingué.Il estdes femmesqui sontmaîtressesdemaison ;maisquidonc,parmi cellesquivivent loinde la

Cour,saitdiresitellechoseestbonneettelleautremauvaise?Cependant,s'ilvientchezl'uned'elles,pourapporterquelquelettre,unepersonneconnaissantbienlesusages,cettedernièreluiapprendrasansdoute tout naturellement ce qui convient.Àplus forte raison, les dames du Palais, qui vivent dans le

monde,sontplacéesmieuxquen'importequipourlesavoir.Etdevraient-ellesjamaisêtrecommelechatdescenduparterre[Commeunchatqui,endescendantd'untoitsurlesol,aperdutoutprestige.]?La façon dont mangent les charpentiers est stupéfiante. À l'époque où l'on construisit, après

l'achèvementdunouveaupalais, le bâtiment qui se trouve situé à l'est de celui-ci, commeune aile, jem'étaisassise,unefois,àlafaceorientaleduPalais,pourregarderdescharpentiersquimangeaient,assiscôteàcôte.D'abord,ilssaisirentlesvasesdeterrenonvernissée,danslesquelsonleurdonnalasoupe,commes'il leuravait tardéde lavoirapporter ; ilsne firentqu'unegorgéedubouillon.Ensuite, aprèsavoir à peinepris le tempsde jeter les pots de côté, ils dévorèrent complètement les légumes. Je lesregardais,enmedisantqu'ilsn'auraientpasbesoinduriz,quandilslefirentdisparaîtreenunclind'œil.Commelesdeuxoutroishommesquiétaientlàseconduisirenttouspareillement,ilfautcroirequetelleestl'habitudedescharpentiers.Ah!quellesfaçonsgrossières!Quel'onparledechosesordinaires,ouquel'onraconteunehistoiredutempspassé,lapersonnequi

répliqueétourdiment,etquirendconfuscequedisentlesautres,esttoutàfaitdétestable.Unenuitduneuvièmemois,enuncertainendroit,unedameappelée,sijemesouviensbien,Nakano

Kimi,avaitreçulavisited'unami,hommedetalent,dontonvantaitl'espritextrêmementdistingué,bienqu'ilnefûtpasfilsdequelqueillustrefamille.Ilsseséparèrentavantl'aube,alorsquelepaysage,baignéd'unemerveilleuseclarté, semblaitdélicieuxsous la lune.« jevoudraisqu'aprèsmondépart, songeaitl'homme,lesouvenirdenosadieuxvîntencorelacharmer»;iln'étaitpointdemotstendresquelegalantnemurmurâtàsonamie.Enfinillaquitta;enl'accompagnantduregard,ellepensait:«Sansdouteest-ilpartitoutdebonmaintenant!»Jenesauraisdirecombienlascèneétaitgracieuse.L'homme,cependant,aprèsavoirfeintdes'éloigner,revintetrestacaché,serrécontreunécrandujardin,dansl'ombre.«Jevais luimontrer que je suis encore là », se disait-il, lorsque la dame récita le poème : « Seulementpendantletempsquedurelapâlelune,àl'aurore [PoésiedeHitomaro.]»,etjetaversluiunregardfurtif.Ilavaitàpeinereculédecinqpouces,quandilfutsurprisparlaclartédelalunequibrillaitdanslecielcommeunelampeallumée;ilracontaplustardqu'envoyantcettelumière,ilavaitsentiqu'ildevaitseretirer,etqu'ilétaitpartisansfairedebruit.Il arriveparfois qu'unedameduPalais, pour venir à laCour ou pour aller chez elle, emprunte une

voiture.Lepropriétaireduvéhiculeleprêted'unairaussiaimableques'ilavaiteujustementl'intentiondeleproposer;maislesgarçonsbouviersmalmènentlebœuf,etcrientplusgrossièrementqu'ilsnefontavecceuxqu'ilsconduisentd'ordinaire ; ils lepoussent, ilsveulentqu'ilcoure trèsvite,et ladameenressentuneimpressionbiendésagréable.Lescoureursquiaccompagnentlavoituresemblentexcédés;ilsgrommellent:«Commentpourrions-nousrentrer,mêmesil'onpresselebœufdelasorte,avantuneheureavancéedelanuit?»Àlesentendreainsi,ladamepeutsoupçonnercequepensaitaussileurmaître;ellenecroitpasqu'elleaurarecoursàlui,uneautrefois,mêmesielleavaitbesoind'unvéhiculepouruneaffaireurgente.Iln'estpeut-être,pourfaireexception,quelavoitureduseigneurNaritô[TakashinaNaritô,uncousindeTakako,

l'épousedeMichitaka.].Qu'unedameymonteaumilieudelanuitouàl'aurore,celan'ychangerien,etjenepensepasqu'aucunedecellesquil'ontempruntéeaitjamaiséprouvélemoindreennui.SansdouteNaritôa-t-ildûmentstylésesserviteurs?Quandilrencontreencheminlavoitured'unedame,quis'estengagéedansquelquefondrière,etdontlesbouvierss'emportentparcequ'ilsnepeuventlatirerdelà,Naritôvajusqu'àenvoyersesgensaiderlesconducteursdansl'embarras,etbattrelebœufatteléàcettevoiture.Onpeutdonccroirequ'àplusforteraison,ilasoigneusementavertisesserviteursdesesdésirstouchantlapolitesseaveclaquelleilsdoiventescorterlespersonnesquiempruntentsonéquipage.

Un jeune célibataire, friand d'aventures amoureuses, a passé la nuit je ne sais où ; il est rentré àl'aurore.Ilvientdeselevamaisilparaîtencoretoutendormi.Pourtant,ilattireàluiuneécritoire,frotteminutieusementlebâtond'encreetcommenced'écrireunelettre [Acelle qu'il vient dequitter.]. Ilnelaissepascourirsonpinceaucommes'ilneprenaitguèred'intérêtàcequ'ilfait;aucontraire,ils'appliqueàbiendessiner les caractères, et il est gracieux avec ses habits négligemment étalés. Sur ses vêtements dedessous, blancs, il porte desmanteaux couleur de kerrir et d'écarlate. Tout en regardant de temps entemps,avecémotion,unvêtementsansdoublure,blanc, tout frippé,que luiaprêtésonamie, ilachèved'écriresamissive;puisaulieudelaconfieràlaservantequiestdevantlui,ilselèveàdessein,lui-même,pourappelerceluidesesjeunespagesqu'ilcroitlepluscapabledefairesacommission.Illuiditd'approcher;enchuchotantquelquesmots,illuidonnelalettre,et,aprèsledépartdumessager,ilrestelongtempsàleregarders'éloigner;ilmurmuredoucementlespassagesdesSaintesÉcrituresquipeuventattirersurlui,enl'occasion,lafaveurduCiel.Commeonlepriedepasserdanslasalledufond,oùsontpréparéesl'eauchaudepourlesmainsetla

bouillie de riz, il y entre, et s'appuyant sur un bureau, il parcourt quelque livre. Il est charmant del'entendrelireàhautevoixlesendroitsquiluiplaisent.Aprèsqu'ils'estlavélesmains,etqu'ilarevêtuunmanteaudecour,sansmettre,toutefois,depantalon

àlacets,legentilhommerécitedemémoirequelqueslignesd'unvieuxrecueil[L'originalaiciroku(unouvrageoùsontexpliquéeslesdoctrinesd'unesectebouddhique).];et,envérité,àl'entendreonestpénétréd'unsaintrespect.Maisvoici le messager de tout à l'heure qui revient ; sans doute était-il allé tout près seulement ; il faitcomprendreàsonmaître,parsesgrimaces,qu'ilapporteuneréponse.C'estgrand-pitiédevoiralorslejeunehommecessersoudainsarécitationetappliquertoutesonattentionàlirelebilletqu'onluiremet.Onadmireparfoiscettegracieusescène:unjeuneseigneur,d'uneagréablefigure,passeàcheval; il

porteun très joli costume :manteau de cour, habit de dessus ou casaque de chasse, dont lesmanchesparaissent, à leur ouverture, gonflées par celles de nombreux vêtements de dessous. Sans arrêter samonture, cecavalier tendàunserviteurqui l'accompagneune« lettre tordue», que l'hommeprend enlevantlesyeuxverssonmaître.C'étaitunemaisonentouréed'unvastejardin,etdontledevantétaitombragépardegrandsarbres.Les

fenêtresdetreillisdesfacesorientaleetméridionaleétaientlevées;ainsil'onpouvaitvoir,partouteslesbaies,l'intérieurdel'habitation,àl'aspectfraisetaéré.Unécrandequatrepiedsavaitétédressédanslasalleprincipale;onavaitplacédevantcetécranun

coussin rond, sur lequel s'était assis un bonze qui pouvait avoir un peu plus de trente ans. Ce prêtren'avait pas une figure désagréable ; il portait un brillant costumed'apparat : une robe couleur d'encreclaire, avecune étole de fine soie.Tout enmaniant un éventail de teinte clou de girofle, il récitait la«Formulemagiquedesmillemains[Tiréedu«Soûtradesmillemains»(Yenjukyô).]».Quelquepersonnedelamaisonétait,sansdoute,cruellementtourmentéeparunespritmauvais,carje

visunejeunefille,grandeetforte,sortirensetraînantdelachambredufond,etjepensaiqu'elledevaitsetrouverlàpourrecevoirenelleledémonquelesexorcismesforceraientàquitterlamalade.Elleavaitdesuperbescheveuxetportaitunvêtementnondoublé,desoieraide,avecunelonguejupeclaire.Quandellesefutassisedevantunécrandetroispieds,dresséàcôtéduprêtre,cedernierse tourna

versl'extérieur;iltenditàcettefemmeunetoutepetitemassuedeprière,brillante;puisilcommençadelire les parolesmagiques, d'une voix saccadée, en fermant les yeux.On était, à l'entendre, pénétré derespect;denombreusesdames,sanssedéroberauxregards,setenaientlà,contemplantlascène.Unlongtempsn'étaitpasécoulé,quandlajeunefillesemitàfrissonner,puissepâma.Envoyantseproduirepeu

àpeul'actiondivineàmesurequelebonzedisaitlaformule,onsesentaitprisd'unereligieuseterreur.Derrièrelafemme,qu'ilséventaientdoucement,setrouvaientsonfrèreaîné,unjeunehomme,vêtud'unmanteau, qui venait d'arriver à sa majorité [Il avait environ quinze ans.], mais avait encore la sveltesse del'adolescence,etquelquesamis.Toutceuxquiétaientréunislàsemblaientremplisdevénération;mais,pourtant,sicettejeunefilleavaiteusesfacultésnormales,commeelleseseraitsentietroublée,honteuse,ensevoyantainsiexposéeauxyeuxdetous!Onsavaitqu'ellenesouffraispaselle-même,pourtantsesplaintesetsesgémissementslugubresfaisaientpitié;uneamiedelapersonnemaladeeutlacharmantepenséedevenirs'asseoirprèsdel'écranetderemettreunpeud'ordredanslesvêtementsdecettefemme.Àcemoment,onannonçaque lapatienteallaitunpeumieux ;de lacuisine,plusieurs jeunesdames

apportèrentdel'eauchaudeetdiverseschoses.Pendantlepeudetempsqu'ellesmirentàaccomplirleuroffice,l'inquiétudelesgagna;ellesrevinrentaprèsavoirremportébienvitelabassine.Ellesavaientdejolisvêtementsnondoublés,desjupesd'apparat,violetclair,quin'étaientpasencorefanéeslemoinsdumonde.C'étaitravissant.À l'heureduSinge, l'exorciste, après avoir fortmalmené l'espritmauvais et lui avoir fait demander

grâce,lerenvoya.«Ah!s'exclama,ense réveillant, la jeunefillequiavaitaidé lebonzeàchasser ledémon;quellechosestupéfiante!Jecroyaisêtrederrièrel'écran,etmevoicidevant.Qu'est-cequiapusepasser?»Ellesemblaitconfuseetrépanditsescheveuxsursonvisagepourlecacher;elleallaitseglisseràl'intérieurdelamaison,quandleprêtre,laretenantuninstant,murmuraquelquesmotsdeprière,etluidemanda:«Commentvoussentez-vous?Vousvoilàtoutàfaitrassérénée!»avecunsourirequimeparutajouterencoreàsonembarras.Lebonzepritalorscongéendéclarant:«J'auraisvouluresterunmomentdeplus;maisvoiciarrivée

l'heure[Ildoits'agirdel'heureàlaquelle,lesoir,ceprêtreditlenembutsu,c'est-à-direrépèteuneformulesignifiant«jet'adore,ôBouddhaAmitâbha».]…»,etilallaitseretirerquandlesassistantsluirépondirentpourl'arrêter:«Attendezunpeu,nousvoudrionsvousoffrirquelquechose.»Commeilsedisposaitàpartir,cependant,engrandehâte,unepersonne(jepensequec'étaitunefille

nobledelamaison)sortitensetraînantdel'appartementintérieuretluidit,sanss'éloignerdustorequifermaitcetappartement:«Votrevisite,quinousacomblésde joie,aétésiefficaceque lemalparaîtmaintenantapaisé.Pourtant,avantvotrearrivée,ilsemblaitquelapatienteauraitbeaucoupdepeineàlesupporter.Lemaître de céansvous envoiemille remerciements.Soyez assezbon pour revenir demainencorefairevosprières,quandvousenaurezleloisir.»Lebonzerépondit:«Nousavonsaffaire,ilmesemble,àundémonfortrancunier,jecroisqu'ilvous

fautcontinueràveillersansnégligence.Jemeréjouisdusoulagementquemessoinsontpuprocureràlamalade.»Aprèscesquelquesmots,leprêtres'éloignasimajestueusementquetouslesassistantscrurentvoirun

Bouddhadescendusurlaterre.Ilestagréabled'avoiràsonservicedejolispetitspagesayantdelongscheveux,desvaletsquisont

plusgrands,maisdontlasuperbechevelureétonnelesgensquiontremarquéleurbarbedéjàpoussée,et,aussi,pourlestravauxpénibles,quantitédesolidesgaillardsquisemblenttoujoursoccupés.Avoir tous ces domestiques, être considéré comme un personnage dans toutes les bonnes maisons,

voilà, il me semble, un sort désirable, même pour un bonze !On peut supposer quelle joie doiventressentirlesparentsdel'hommeassezfortunépourpossédertoutcela.

162.Chosesdésagréablesàvoir

Quelqu'undontl'habitalacouturedudostiréesurlecôté.Lesgensquiallongentungrandcouhorsdeleurcollet,rabattusurleursépaules.Lavoitured'unhautdignitaire,dontlesrideauxintérieursparaissentsales.Lesgensquiamènentdesenfantschezdespersonnesauxquellesilsfontseulementderaresvisites.Unjeunegarçonportantunpantalonetchaussédehautessandales;maiscela,c'estàprésentlamode!Desdames,en«costumedejarre»,quimarchentensehâtant.Unbonzequifaitl'officededevin,etmet[Oubien:«Unbonzeouundevinquimet...».]unecoiffuredepapier

pourexécuterlespratiquesmagiquesdepurification.Unefemmemaigre,laide,ayantlapeaubrune,quiporteuneperruque.Unepareillefemmequifaitlasiesteavecunhommebarbuetdécharné.Queljolispectaclecroyaient-

ilsdoncoffrirens'étendantainsienpleinjour?Sic'étaitlanuit,iln'yauraitrienàredire;alors,lesgensnepeuventapercevoirvotrefigure;ilssontd'ailleurstouscouchés,onn'adoncpasbesoinderestersurpieddecraintequ'ilsnevoustrouventlaidenvousvoyantdormir.Sitousceuxquinesontpasbeauxselevaientdebonmatin,celavaudraitmieuxpourlesyeuxdesgens.Les très jolies femmes,quandelless'éveillentaprèsavoir fait lasieste,enété,paraissentencoreun

peuplusgracieusesqu'à l'ordinaire ;mais celles dont la figure estmédiocrenemanquent pas d'avoir,alors,lapeauluisante,levisagebouffidesommeil,etmême,silehasardnelesfavorisepas,lesjouestordues.Ah!quanddeuxpersonnesquiviennentdefairelasiestecôteàcôteseregardentmutuellement,ellessesententlassesdevivre!Lorsqu'unepersonneayantlapeaubruneporteunvêtementsansdoublure,desoieraide,c'esttrèslaid.

Pourtant,bienqu'unhabitnondoublé,desoieassouplie,soittoutaussitransparent,onnetrouveraitpasmal que cette personne en eût un. Si le premier vêtement déplaît, c'est peut-être qu'il laisse voir lenombril[Ledeuxièmevêtementétaitrouge,ilnelaissaitpasvoirlapeaubrune.].Le soir tombe, et je ne puis plus tracer les caractères.D'ailleursmon pinceau est usé. Je voudrais

pourtant,avantdeterminer,ajoutercesquelqueslignes:danscesmémoires,écritspendantlesheuresoùretiréechezmoi,loinduPalais,jem'ennuyaisetmecroyaisàl'abridesregards,j'airassemblédesnotessurlesévénementsquis'étaientdéroulésdevantmesyeuxetsurlesréflexionsquej'avaisfaitesenmonâme.Commeilsrenfermentdespassagesoùl'ontrouverait,medisais-je,quej'avaismanquéderéserve,tropbavardé,ouconsignédesremarquesfortdésagréablespourlesgens,jemeproposaisdecacheravecsoinmoncahier.Hélas!quelqu'unl'adécouvert,etjen'aipuretenirmeslarmes.Un jour, leMinistre du centre [Korechika.]ayant apporté à l'Impératrice toute une liasse de papier, Sa

Majestédemanda:«Quefaudrait-ilécrirelà-dessus?Onadéjàcopié,parordredel'Empereur,lelivredes«Mémoireshistoriques[Che-ki(jap.Shiki)parSseu-maTs'ien(environ145à80avantJ.C.).Onytrouvel'histoiredelaChinedepuis la plus haute antiquité.]».–Moi,dis-je alors, je feraisdeces feuillesuncarnetdechevet.–Eh bien,prenez-les !» réponditmamaîtresse.Ellemedonna tout cequ'elleavait reçu, et jememisendevoird'employercomplètementcetteinépuisablequantitédepapierenynotantlesfaitsétranges,leschosesdupassé,lesautres,quellesqu'ellesfussent.J'aidonctrèssouventlaissécourirmonpinceausansbeaucoupd'attention. Règle générale, j'ai rapporté ce que j'avais observé de curieux dans le monde ; mais j'aichoisi,demême,cequimesemblaitdenatureàmontrerlasplendeurdeshommes,etj'aiparléencoredespoésies,desarbres,desherbes,desoiseauxetdesinsectes.Aussibien,onpourraitmecritiqueretdire:«C'estencorepisquel'onnecraignait,etsamédiocritéapparaît,manifeste!»J'avaissongé:«Commej'aisimplementjetésurlepapier,pourmedistraire,lesidéesquim'étaientvenuesspontanément,danslasolitude, estimera-t-on, aumoins, quemonouvrage est d'unequalité ordinaire, lorsqu'il seramêlé aux

autres?»Etvoiciquelesgens,aprèsl'avoirparcouru,sesontexclamés:«Ilyadequoirendrehonteuxtouslesécrivains!»J'enétaisfortsurprise.Àlavérité,sil'onconsidèrelaquestionsousuncertainpointdevue,onpenserasansdoutequ'ilsavaientraison.Jetrouvebiencequelemondedéteste,etmalcequ'illoue;onpeutfacilement,parlà,jugerdemoncaractère.Quoiqu'ilensoit,uneseulechosemepeine:c'estquemesnotesaientvulejour.Àl'époque[Lechapitrequisuitnesetrouvequedansunedeséditionsanciennes;onpeutpenserqu'ilaétéajoutéparuncopiste.]où

leCapitainedelagardeducorps,degauche[MinamotoTsunefusa.Ilfutnommégouverneurdelaprovinced'Iseaudouzièmemoisde995,etoccupacepostejusqu'audouzièmemoisdel'annéesuivante.],étaitencoregouverneurd'Ise,ilvintmevoiràlacampagne.Jevoulusluioffrirunenattequej'aperçusprèsduborddelavéranda;maismoncahiersetrouvaitjustementposésurcettenatte,etjel'attiraiavecelle.Horsdemoi,j'eusbeaumeprécipiterpourlesaisir;Tsunefusalepritetl'emportasur-le-champ;ilmelerenditseulementbeaucoupplustard.C'est,jepense,àlasuitedecetaccidentquedébutalacarrièredemonlivre.

TABLEdesMATIERES

INTRODUCTION.NotesurlatranscriptiondesmotsjaponaisLesnomspropres.Lecalendrier,lesheuresdansl'ancienJapon.L'œuvredeSeiShônagon.

LESNOTESDECHEVET.1.Auprintemps,c'estl'aurore…Lessaisons.

2.Lesépoques.3.Lepremierjourdel'an.

Leseptièmejour,les«jeunesplantes»,les«chevauxblancs».Lehuitièmejour.Lequinzièmejour,la«bouilliedelapleinelune».L'époqueoùl'onnommelespréfets.Letroisièmejourdumois.L'époquedelafêtedeKamo.

4.Chosesparticulières.Réflexionssurlaviedesbonzesetdesexorcistes.Séjourdel'impératricedanslamaisondel'intendantNarimasa.Laportetropétroite.VisitenocturnedeNarimasa.Comments'exprimaitNarimasa.NarimasavientvoirSei.Lachatteetlechien.Réflexionssurletempsquiconvientendiversjoursdel'année.Lesfonctionnairesnouvellementpromus.Lechérieetl'évêqueJôshô.

5.Montagnes.6.Pics.

7.Plaines(voiraussichapitre101).8.Marchés.9.Gouffres.10.Mers.11.Bacs.12.Tombesimpériales.13.Édifices.

AuPalaispuretfrais.L'empereurEn.yûetsescourtisans.L'étudedu«Recueilancienetmoderne».L'empereurAlurakamietl'épouseimpériale.RéflexionssurlesortdesdamesduPalais.

14.Chosesdésolantes(cfchapitres17,46,49,160,162).15.Chosesdontonnégligesouventlafin.16.Chosesquel'onméprise.

17.Chosesdétestables(cfchapitres14,46,49,160,162)Séjourdel'empereurauPetitPalaisdelaPremièreavenue;laleçondemusique.Chosesdétestables(suite);lelangageincorrect(cfchap143)Autreschosesdétestables.

18.Chosesquifontbattrelecœur(cfchap(54,57).19.Chosesguifontnaîtreundouxsouvenirdupassé(cfchap61,65,82).20.Chosesquiégayentlecœur(cfchap42,137).

Lesprédicateurs.Réflexionssurlesgensquivontécouterlessermons:lesancienschambellans,lesjeunesnobles,lesfemmes.RetraiteautempledeBôdai.LesHuitInstructionsdelaProfessionbouddhique,auPalaisdeKoshirokawa.Auseptièmemois,lachaleurextrême.Scènematinale,aprèsledépartd'ungalant.

21.Fleursdesarbres.22.Étangs.23.Fêtes.Lafêteducinquièmemois.24.Arbres.25.Oiseaux.26.Chosesélégantes(cfchap45).27.Insectes.

L'agrémentdelasieste,auseptièmemois.28.Chosesquines'accordentl'a.

DansuncouloirduPalais.Chosesquines'accordentpas(suite).L'officedomestique.L'utilitéd'uneescorte.Lecenseursous-chefdeschambellansFujiwaranoYukinari.Àlafindutroisièmemois,lemanteautropchaud.L'empereuretl'impératriceréveillentSei.YukinarisurprendSei.L'appelauPalais.MinamotonoMasahiro(voirp.137)Commentilconvientd'appelerlesdames.Lesavantagesdel'embonpoint.Commentlesdomestiquesdoiventêtrehabillés.Promenadeenvoiture;chosesvuesaupassage.

29.Cascades.3o.Rivières.31.Ponts.32.Villages.33.Herbes.34.Recueilsdepoésies.35.Sujetsdepoésies.36.Fleursdesherbes.37.Chosespeurassurantes(cfchap83,152).38.Chosesquel'onnepeutcomparer.

Lecharmedesnuitsd'été.Lesdélicesdesmatinsd'hiver.Lesvisiteursdoiventavoirdeslaquaisbienstylés.

39.Chosesrares.LanuitauPalaisimpérial,lesvisites.Lejourdelarépétitionmusicale,avantlafêtespécialedeKamo.Séjourdel'impératriceaupalaisoùsontlesbureauxdesaMaison.Lesalléesetvenuesdescourtisans.Scènedanslejardin,unmatin.

40.Chosesqu'ilnevalaitpaslapeinedefaire.41.Chosesdontonn'aaucunregret.42.Chosesquiparaissentagréables(cfchap20,137).

Leparaventquireprésentel'enfer.Leconcert.Lecapitainedelagardeducorps,sous-chefdeschambellans,FujiwaranoTadanobuécoutedesracontagesetsebrouilleavecSei.TadanobuécritàSei,quiluirépond.Le«frèreainé»deSei.TadanobuvientvoirSei.Sei,encongé,voudraitéviterlesvisites.Seisebrouilleaveclesous-chefduservicedesréparations,TachibananoNorimitsu.

43.Chosesquisemblentéveillerlamélancolie(cfchap63).L'impératricerappelleSei.Lesdeuxreligieusesmendiantes.Lamontagnedeneige.Unmessagedelaprincesseconsacrée.Lamontagnedeneige(suite).

44.Chosessplendides(cfchap66,150)45.Chosesquiontunegrâceraffinée(cfchap26).

LesdanseusesdelaCinquièmefête.Chosesquiontunegrâceraffinée(suite).LePalaisàl'époquedelaCinquièmefête.Larépétitiondesdanses.Laguitaresansnom.LesinstrumentsdemusiqueduPalais.Aprèsleconcert;laguitaredel'impératrice.Lanourricedel'impératricepartpourlaprovincedeHyûga.

46.Chosescontrariantes(cfchapitres14,17,49,160,162).L'impératriceauPalaisdusud;lacouturetropvitefaite.Chosescontrariantes(suite).Querelled'amoureux.

47.Chosesgênantes(cfchap62).48.Chosesquifrappentdestupeur(cfchap71).49.Chosespénibles(cfchapitres14,17,46,160,162).

Pendantl'abstinenceducinquièmemois.Lesdamesvontenvoitureentendrelecoucou.LanuitduSinge.Seirefusedeprendrepartàunconcoursdepoésie.Seiveutêtrepréférée.

L'éventaildudeuxièmesous-secrétaired'ÉtatFujiwaranoTakaie.L'espritetlamauvaiseécrituredeFujiwaranoNobutsune.LaprincesseduPalaisdelabellevueentreaupalaisduprincehéritieretvientvoirl'impératrice.Lerameaudeprunierdéfleuri.Lesfloconsdeneige,pétalesquis'éparpillentauvent.

5o.Chosesquisontloinduterme.MinamotonoMasahiro(cfchap28).

51.Barrières.52.Bois.

Ledernierjourduquatrièmemois.LebacdufleuveYodo.53.Sourceschaudes.54.Chosesquel'onentendparfoisavecplusd'émotionqu'àl'ordinaire(cfchap18,57).55.Chosesquiperdentàêtrepeintes.56.Chosesquigagnentàêtrepeintes.57.Chosesquiémeuventprofondément(cfchap18,54).

LespèlerinsdeMitake.Chosesquiémeuventprofondément(suite).UnpèlerinageautempledeHase.

58.Chosesquiparaissentpitoyables.59.Chosesquidonnentuneimpressiondechaleur.6o.Chosesquifonthonte.61.Chosessansvaleur(cfchap19,65,82).

Lesprières,laformulemagiquedel'OeildesBouddhas.62.Chosesembarrassantes(cfchap47).

AuretourdutempledeYawata,l'empereurrendsesdevoirsàsamère.SplendeurdumairedupalaisFujiwaranoMichitaka.Laroséematinaledanslejardin,auneuvièmemois.Les«jeunesplantes»,l'«herbesansoreilles».Audeuxièmemois,l'examen,l'adorationdeConfucius.YukinarienvoieàSeides«gâteauxcarrés».Lestablettesdeschambellans.Lesnomsdesvêtements.Ledixduneuvièmemois,cérémonieàl'intentiondudéfuntmairedupalais.TadanobuproposeàSeiderenouerleursrelations.YukinariquitteSei,unenuit,trèstard.Échangedelettres.Aucinquièmemois,Seirappellelesurnomdubambou.Unanaprèslamortdel'empereurEn.yû,onabandonneleshabitsdedeuil.PoésiereçueparladameTôzammi.

63.Chosesquiremplissentl'âmedetristesse(cfchap43).

64.Chosesquidistraientdanslesmomentsd'ennui.65.Chosesquinesontbonnesàrien(cfchap19,61,82).

66.Chosesquisontlesplusbellesdumonde(cfchap44,150).Lafêteextraordinaired'Iwashimizu.Festin,musique,danses.Ladansesacrée,aprèsleretourdelafêtespécialedeKamo.LesdansesàlafêtedeKamo.Ledanseurdéfunt.DanseauPalais,aprèslafêtespécialed'Iwashimizu.

Aprèslamortdumairedupalais,l'impératricedemeureauPetitPalaisdelaDeuxièmeavenue.Seiresteàlacampagne.Seiserendauprèsdesamaîtresse;racontagesdesdamesàsonsujet.Seiresteàl'écart;l'impératriceluienvoieunpétaledekerrie.Seirevientprèsdel'impératrice.Histoireduconcoursd'énigmes.Ledixdupremiermois;unjeunegarçoncueilledesrameauxdepêcher.Lesjoueursdetrictrac.Lesjoueursdedames.

67.Choseseffrayantes(cfchap74,135).68.Chosesquisemblentpures.69.Chosesquiparaissentmalpropres(cfchap76,134).70.Chosesquisemblentvulgaires.71.Chosesquiremplissentd'angoisse(cfchap48).72.Chosesravissantes(cfchap92).73.Chosessansretenue.74.Chosesdontlenomesteffrayant(cfchap67,135).75.Chosesquin'offrentriend'extraordinaireauregard,etqui

prennentuneimportanceexagéréequandonécritleurnomencaractèreschinois.

76.Chosesquiontunaspectsale(cfchap69,134).77.Occasionsdanslesquellesleschosessansvaleurprennentde

l'importance.78.Chosesquiparaissentaffligeantes.79.Chosesenviables.

Pèlerinageauxtemplesd'Inari.Chosesenviables(suite).

80.Chosesquel'onahâtedevoiroud'entendre.81.Chosesimpatientantes.

Séjourdel'impératriceauPalaisduConseild'État;lesamusementsdesdames.VisitedeTadanobuetdeMinamotonoNobukata.Latisserandepressée.TadanobuetSeiseserventd'unlangagesecret;dépitdeNobukata.Tadanobuestnomméconseillerd'État.Nobukataseflattedel'égalerdanslarécitationdesvers.SeienvoieàNobukataunelettrequ'iltrouveblessante.LesamoursdeNobukataetdeladameSakyô.

82.Chosesquineserventplusàrien,maisquirappellentlepassé(cfchap19,61,65).

83.Chosesauxquellesonnepeutguèresefier(cfchap37,152).LeSermonininterrompu.

84.Chosesquisontéloignées,bienqueproches.85.Chosesquisontproches,bienqu'éloignées.

86.Puits.87.Gouverneursdeprovince.88.Vice-gouverneursquioccupentdespostesprovisoires.89.Fonctionnairesducinquièmerang.

Lamaisond'unfonctionnaire.Lademeured'unefemmeseule.Lesennuisd'unedameduPalaisquihabitedansunemaisonétrangère.Nuitdeneige.Laneige,laluneetlesfleurs:anecdotedutempsdel'empereurMurakami.Autreanecdote:lagrenouillebrûlée.Lespoupées.ArrivéedeSeiàlaCour.L'éternuementmalencontreux.

90.Gensquiontunairdesunonce.91.Levent.

Scènematinaleaprèsunenuitdetempête.Unejeunefemmecontemplel'aspectdésolédujardin.92.Chosescharmantes(cfchap72).93Iles.94.Plages.95.Baies.96.Templesbouddhiques.97.LesSaintesÉcritures.98.Écrits.99.Bouddhas.100.Contes.1o1.Landes(cfchap7).102.Formulesmagiques.1o3.LalecturedesSaintesÉcritures.104.Divertissements.

105.Danses.1o6.Instrumentsàcordes.107.Mélodies.1o8.Flûtes.

L'orgueàbouche.Leflageolet.109.Chosesàvoir.LafêteextraordinairedeKamo.Lecortègedel'empereur(cfchap112).Leretourdelaprocession,aprèslafêterégulièredeKamo.Lespromenadesenvoitureaucinquièmemois.Lesvoituresquipassent,lessoirsd'été.Parfumsretrouvés.Leguéauclairdelune.110.Chosesquisontbonnesquandellessontgrandes.111.Chosesquidoiventêtrecourtes.112.Chosesquisontàproposdansunemaison.

Rencontres.Lecortègedel'empereur(cfchap109).LesvoituresàlafêtedeKamo.Leparapluied'ungalant.Séjourdel'impératriceauPalaisdelaTroisièmeavenueavantlafêteducinquièmemois.Ladamequiressemblaitaucapitaineporte-carquois.CommentMinamotonoNarinobureconnaissait

lavoixdesgens.L'oreillefinedudirecteurduTrésorFujiwaranoMasamitsu.Écritoires.Ceuxquiécriventetceuxquilesregardent.Leslettres.

113.Relais.114.Collines.115.Sanctuairesshintoistes(cfchap147).

Histoiredusanctuaired'Aridôshi.Lesquestionsdel'empereurdeChine.

116.Chosesquitombentduciel.117.Lesoleil.118.Lalune.

119.Lesétoiles.120.Lesnuages.

121.Lebrouillard.122.Chosestumultueuses.123.Chosesnégligées.124.Gensquis'exprimentdefaçoninconvenante.

125.Gensquiprennentdesairssavants.126.Hautsdignitaires.127.Seigneursdenoblefamille.128.Prêtresbouddhistes.129.Femmes.130.Palaisetmaisonsnoblesoùserventdesdames.131.Gensàproposdesquelsonsedemandesileuraspectauraitautantchangé,supposéqu'ilsfussent,aprèsavoirquittécemonde,revenusdansunautrecorps.

Deshommespassentsouslaneige.Descourtisans,quittantlePalaisàl'aube,cachentleurvisage.

132.Chosesquinefontquepasser.133.Chosesquelesgensignorentleplusfréquemment.

Aucinquièmeetausixièmemois,desenfantspassent,lesoir.Enroute,enallantautempledeKamo;lespaysannesdanslesrizières.Enchemin,enallantautempled'Uzumasa;lamoissonduriz.

134.Chosestrèsmalpropres(cfchap70,76).135.Chosesexcessivementeffrayantes(cfchap69,74).

136.Chosesquidonnentconfiance.Legendreindifférent.Lahaineetl'affection.L'étrangecaractèredeshommes.Lasympathie.Lamédisance.Lecharmed'unvisage.

137.Chosesquirendentheureux(cfchap20,42).

Lafaveurdel'impératriceestunedoucechose.Petitesconsolations.L'impératriceenvoieàSeivingtcahiersdepapier.L'impératriceenvoieàSeiunenatte.

Verslepremierjourdudeuxièmemois,l'impératriceserendauPalaisdelaDeuxièmeavenue.Lecerisiercouvertdefleursartificielles.Arrivéedumairedupalais.Lecerisier(suite).SeiquittelePalaisdelaDeuxièmeavenue.Lesdamestroppresséesdemonterenvoiture.SeirevientauPalaisdelaDeuxièmeavenue.DépartpourletempleShakuzenji.Lecortègedel'impératricedouairière.Lecortègedel'impératrice.ArrivéeautempleShakuzenji.LemanteaudeSei.LacérémonieautempleShakuzenji(offrandedelaCollectiondesSaintesÉcritures).L'impératricerevientauPalaisImpérial.Lessuivantesdesdamesd'honneurattendentleursmaîtressesauPalaisdelaDeuxièmeavenue.

138.Chosesvénérablesetprécieuses.139.Chansons.140.Pantalonsàlacets.

141.Habitsdechasse.142.Habitssansdoublure.

143.Chosesmauvaises.Lelangageincorrect(cfchap17).144.«Vêtementsdedessous».145.Monturesd'éventails.146.Éventailsenboisdethuya.147.Divinitésshintoïstes(cfchap17).

148.Caps.149.Maisons.

L'annoncedel'heureauPalais.Cequel'onentendlejouretlanuit:l'empereurappellelescourtisans,iljouedelaflûte.LecapitainedelagardeducorpsMinamotonoNarinobu.NarinobuvientvoirSei,quinelereçoitpas.IlconverseavecladameHyôbu.Lesvisitesdesjoursdepluie.Lesvisitesauclairdelune.Lesinconvénientsdelapluie.Lesvisitesquandleventsouffle,quandilneige.Auclairdelune,onapporteunelettre.Ruptureetréconciliation.Souslaneige,unserviteurapporteunmessage.Unedamelitunelettre,àlabrune.

150.Chosesmagnifiques(cfchap44,66).Lepostedutonnerre.Lesparavents.Commentondoitallumerlefeu.LaneigesurlepicdeKôro.Lesacolytesdesmagiciens.Lesauleauxfeuillestroplarges.Uneretraiteennuyeuse.UneretraiteautempledeKiyomizu.Levingt-quatredudouzièmemois,Seirevientenvoitured'unecérémoniebouddhique.Lacampagne

souslalune.LoinduPalais,lesdamesd'honneurparlentdeleursmaîtres.LamaisonqueSeivoudraithabiter,etlaviedontellerêve.

151.Gensquiimitentcequefontlesautres.152.Chosesauxquellesonnepeuts'abandonner(cfchap37,83)

Unepromenadeenbateau.Lesmarins.Lesbateaux.Leport.Lespêcheuses.Lelieutenantmauvaisfils.Lemanchedelacognée(poésie).Lamèred'AriwaranoNarihira.Lesservantesrécitentàtortetàtravers.Lesservantesnuisentàceuxqu'elleslouent.UnenuitauPalais.Lecoqéchappé.Danslejardin,lanuit,aveclepremiersous-secrétaired'ÉtatFujiwaranoKorechika.L'hommedontlamaisonabrûlé.Lejeunehommequin'aplusdemère.Lemanteaudugéantetlegiletdunain.L'armoisedeShimotsuke(poésie).LadameduPalaisetlefilsdugouverneurdeTôtômi.LaMontéedesrencontres(poésie).

153.Manteauxdefemmes.154.Manteauxchinois.155.Jupesd'apparat.156.Vestes.

157.Tissus.158.Dessinsdesdamas.

Lesvêtementsqu'ilestélégantdeporter.Lecostumequerevêtlevice-présidentdelaHauteCourdeJustice.

159.Lesmaladies.Lemaldedents.Lamaladeetlesvisiteurs.Lebonzedistrait.

160.Chosesdésagréables(cfchapitres14,17,46,49,162).AutempledeHase,lesimportuns.

161.Chosesdifficilesàdire.Lescostumesdecour.Hommesetfemmesdoiventavoirunextérieurdistingué.Lerepasdescharpentiers.L'étourdi.Lesadieuxdugalant,souslalune,àl'aurore.Lesvoituresquel'onemprunte.Lejeunecélibataire.Unjeunehommepasseàcheval.Lebonzequichasselesespritsmauvais,etsonaide.Lesdomestiquesqu'ilfautavoir.

162.Chosesdésagréablesàvoir(cfchapitres14,17,46,49,160).Conclusion.CommentlesnotesdeSeifurentpubliées.

TABLEDESMATIÈRES.