truillard. le sense de mediation proclusienne

Upload: nirguna

Post on 04-Jun-2018

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    1/13

    Jean Trouillard

    Le sens des mdiations proclusiennesIn: Revue Philosophique de Louvain. Troisime srie, Tome 55, N47, 1957. pp. 331-342.

    Citer ce document / Cite this document :

    Trouillard Jean. Le sens des mdiations proclusiennes. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisime srie, Tome 55, N47,

    1957. pp. 331-342.

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1957_num_55_47_4921

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_phlou_794http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1957_num_55_47_4921http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1957_num_55_47_4921http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_phlou_794
  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    2/13

    e sensdes mdiations proclusiennes

    Proclus est clbre comme thoricien des mdiations. 11 semblepeu fidle sur ce point l enseignement de Plotin : o5 uoXX xdtjiexa^iS les intermdiaires ne sont pas nombreux (1>. On trouveen effet chez Plotin, entre l empirique et l Un, une seule mdiation,celle de l'esprit (voO) ou du monde intelligible, auquel est unie,sans division possible, la puissance suprieure de l me. Proclus seplat, au contraire, construire cls hirarchies. C est qu il y a chezlui un changement de perspective qui sera tout fait manifestechez le Pseudo~Denys et que la belle tude de Ren Roques (L univers ionysien, Paris Aubier, 1954) met bien en lumire. Plotin dcrivait des niveaux de conscience et des plans de ralit. Chaquemoi en rassemblait la totalit (2>. Comme on le voit chez Platon enses dialogues de vieillesse, l me n'est pas seulement un ordre,mais d une certaine faon le lien de tous les ordres, le lieu des ideset des nombres. Proclus tend considrer chaque ordre, non pluscomme un niveau parmi d autres contenus dans le moi, mais commecontenant lui seul un ensemble d tres. Ainsi l me n est que psychique ; elle est, elle vit, elle pense en cette optique, bienqu il puisse y avoir, l'intrieur de ce plan, plusieurs niveauxd'activit, mais tous psychiques . 11 y a, bien entendu, desrrespondances entre les tres, un rayonnement de haut en bass'exprimant par une conversion de bas en haut. C est ce qui assurela continuit du tout et la perfection des tres infrieurs, dans uncosmos aussi exactement distribu. Mais, puisqu il y a une transcen-

    W Ennadea, V, I. 3\ Ibid., I. 8. 14; III. 4. 3; IV. 3. 8; VI. 7. 6.

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    3/13

    332 Jean Trouillarddance irrductible entre les degrs, non compense par l immanenceplotinienne, il sera ncessaire de multiplier les mdiations. Proclusne s en prive pas, et cet aspect de son systme est trop connu pourqu il soit intressant d y insister.D ailleurs, dvelopper de faon exclusive ces hirarchies, onrisque de demeurer l'extrieur du systme, on le rduit un jeudcadent, mais on n en tient que la coque. Car ce systme cacheune pense qui re-ere sa faon la grande tradition platonicienne.On est tout surpris de trouver chez Proclus, avec la prcisiond analyse qui est sa principale qualit et l'criture diffuse qui estson dfaut dominant, un sens trs averti de l'intriorit et de laspontanit spirituelles.

    Les termes jieadryj, jiao sont parmi les plus frquents du vocabulaire proclusien. Ils signifient : milieu moyen, intermdiaire, relation. Les Elments de Thologie soumettent la mdiation tous lesordres de dieux (3). Le Commentaire de l Alcibiade accorde cettequalit bien des ralits : la connaissance de soi-mme, les puissances, le beau, l amour, les dmons, les mes...Un principe gnral nonce le caractre relatif de la mdiationet montre qu il peut appartenir n'importe quel ordre : Tout tre qui se convertit et qui est principe de conversion etd aspiration pour ceux qui le suivent est mdiateur

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    4/13

    Le sens des mdiations proclusiennes 333-vis de l'ordre entier des corps. L me tient le milieu entre lesindivisibles selon l'esprit et la divisibilit corporelle (7>. Incorporelle,indissoluble , vivant par elle-mme (at(5() . Dans son ordre cependant,l me est substantiellement une triade d'tre, de vie et de connaissance, en implications mutuelles, sans que rien ne lui soit surajout (15).Ce qui compte pour caractriser l me, ce n'est pas son contenu qui est toujours universel, mme s il demeure largement im-

    O 7. Theol, 190.(') Ibid., 187. Ibid., 188, 189. Ibid., 201.< > Ibid., 191. II y a trois degr8 d'me, 184.< > lbid., 194.< ) Ibid., 195.< > In Euclidem, Frfedlein, Leipzig, 1873, 16.< > In Alcibiad., 577; Cf. El. Theol, 197.

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    5/13

    334 Jean Trouillardpiicite, c est le mode selon lequel elle pense le tout. La lumirecommande la nature de l'horizon, en sorte que l me, qui semblaitdfinie par ses objets, leur impose sa loi. Comment n'est-il pas absurde de dfinir les diffrences desconnaissances par la nature des objets, et non au contraire de fairela division selon les diffrences des connaissances ? Ainsi l'treternel par essence et divin connatra toutes choses divinement,alors que l'ordre humain connat tout humainement. L indivisiblecomprendra de faon indivisible mme les choses divisibles, l ternelde faon supra-temporelle mme les tres temporels, l'tre raisonnable de faon rationnelle mme les infra-rationnels. La consquence vidente, c est que les dieux et les dmons connatront lesindtermins de faon dtermine (x pioxa, Gbptajiivw), et leschoses instables de faon stable et ferme (16>.C est sans doute pour sauver cette thse en toute sa rigueur queProclus refuse la notion plotinienne de la chute. On sait que, d aprsles Ennades, l me ne tombe jamais tout entire, mais sa puissancesuprieure demeure consubstantielle aux divins intelligibles et fixedans la contemplation. L me est alors disloque entre ses diffrentsplans (X7). Pour Proclus, cela revient dissoudre l'ordre psychique. Nous ne tiendrons pas compte des thories qui font de l meune partie de l essence divine, partie semblable au tout et toujoursparfaite, le trouble et les passions affectant l animal seul. Ceux quiparlent ainsi font l me toujours parfaite, pleine de savoir, n ayantjamais besoin de rminiscence, toujours impassible, jamais perver-tissable

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    6/13

    Le sens des mdiations proclusiennes 335Par cette dernire prcision, il revient certaines suggestions dePlotin concernant la dure des astres, dont le mouvement sans termeni finalit est achev en chacun de ses instants et ne demande nimmoire ni prvision (22).Le disciple de Syrianos a conscience de professer, en ce quiconcerne l me raisonnable , une doctrine de milieu et dejuste mesure . Il repousse la thse matrialiste d aprs laquelleles proportions constitutives de l me rsulteraient de l quilibre deslments somatiques. Mais il n agre pas l idalisme qui ferait ducentre psychique une puissance divine triomphante (23). Cette dernire position serait, d aprs lui, celle de Plotin ; elle ferait clater1 me.

    2.L me n'est pas si imparfaite qu elle ne puisse tenir d elle-mme toute sa perfection. Elle n'est pas si parfaite qu elle ne doiveaccueillir l'illumination des intelligibles par la mdiation de gnreux dmons et d mes mieux pourvues de ressources internes(epextX()Tepat) et de spontanit Lacune du texte ainsi comble par Cousin.

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    7/13

    336 Jean Trouillardest crit, parce que leur il est affaibli par l oubli qui accompagnela naissance et parce que l oubli a provoqu en elles l'irruption despassions. Il faut seulement retirer un cran, mais non introduiredu dehors ni comme un accident la connaissance (yaipiaet o5v8e |idvy] xoO mTipoafroOvTo, Xk' o xfj Ifrev oS IrceiaoSfooYVt&aew) (26).Un passage convergent du Commentaire d Euclide exprime plusclairement la conception proclusienne de l me notique. Le philosophe vient de rfuter la thorie selon laquelle les structures mathmatiques seraient obtenues par abstraction du sensible. Il ne veutpas davantage que nous recevions nos ides toutes faites de l irradiation des intelligibles. Il explique une fois de plus la position quilui est chre : II reste que c est la fois d elle-mme et de l'esprit (Tcap vo)que l me tire ces ides, elle est la plnitude des ides ; celles-cisont constitues d une part partir des exemplaires intellectuels, 'autre part elles reoivent l'tre par gnration spontane(atoY In Euclid., 16.M> Ibid., 31-32.

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    8/13

    Le sens des mdiations proclusiennes 337de motricit extrinsque (zf\i xspoouvTjata Sjicpaat). Une meest d autant plus besogneuse de stimulations que son incarnation larend plus inerte.Encore faut-il que ces influences agissent sur l me selon sonmode essentiel, qui est l autonomie. Pour tre bienfaisantes, ellesdoivent porter le centre psychique tirer de soi-mme sa purificationet son savoir. L htro-motricit doit tre un dtour destin susciter et affermir une plus riche intriorit (29>.Ainsi se comportait Socrate, qui professait ne rien savoir, maisamenait son interlocuteur engendrer devant lui et sa propre rfutation et sa meilleure vrit. Ainsi nous meuvent les bons dmons.Ils nous aident nous tirer nous-mmes de l oubli et de l inconscience. Loin de nous ajouter quoi que ce soit, ils nous retirent lesfaux savoirs qui nous dissimulaient en notre essence pure une exubrante source de raisons (30). Ce qu ils nous apportent n'est riend'autre que nous-mmes. A travers eux, c est notre moi qui s'affectelui-mme et ressaisit son activit dans la passivit qu ils nousposent. Le caractre intrieur de cette mdiation dmonique s exprimecurieusement dans l analyse que donne Proclus de l'inspiration.Cette vue pourrait sans doute tre gnralise et applique auxrvlations et apparitions. On y remarque un sens tonnant de l unithumaine. La mdiation cesse d tre extrinsque, mais devientplutt une mdiation de la puissance infrieure de l me vis--visde la suprieure : II est vident que, de cette activit distribue de faon identique, la raison profite d une manire, l imagination d une autre, lesens d une autre encore. Chacune de nos puissances reoit selon saparticularit l'impression et le mouvement du dmon. Ce n'est paspar une impression subie du dehors que la voix frappe Socrate ;c est du dedans que l'inspiration traverse l me entire, et, courantjusqu aux organes des sens, finit par devenir voix, saisie par sensintime plus que par sensation (ox Itoftev oOv TCa&irjxoit ?) pcovfji 7rpoaj3aXXev, XX' IvSofrev 8t rcaYj oix^oaaa xf\ufovoia, otal pix?1 xv a?a9 ]xtx6)v pYavwv SiaSpajiouaa,xeXeux&aa lyiyvexo, auvaiafrirjaet jiXXov if) aafrVjaet

    < > In Aldbiad., 50*.

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    9/13

    338 Jean TrouillardTelles sont les illuminations des bons dmons et des dieux (31).Quand) un intermdiaire pntre aussi profondment ceux qu iljoint entre eux, il ne construit pas seulement une srie degrshirarchiss, il inaugure une communication assimilatrice. Recevantparticipation des dieux et confrant participation d eux-mmes auxmortels, les dmons sont bien les centres de l'ordre total . Ilsdirigent vers les mes les courants suprieurs, ils amnent aux dieuxles tres infrieurs, ils enveloppent tout par le lien de leur mdiation (32).L amour est un grand dmon, depuis Diotime et Platon. Ilremplit dans l'univers une fonction unitive. Sans doute fait-il penserd'abord: une aspiration des moins parfaits vers les plus parfaits, un entranement, par les tres moyens se tournant vers leurs principes, des tres de dernier rang qui sont suspendus aux uns et auxautres. Mais il est ais de remarquer que le mouvement ascendant,quand il est assimilation efficace, traduit rigoureusement l'effusionde celui vers qui l on monte et rvle sa prsence active et antrieure. Toute illumination effective est conversion de l'illumin aufoyer de l'illumination, et toute exigence salvatrice est motiond origine transcendante, emplissant du meilleur le pire , rayonnantune force de cohsion indissoluble sur les tres qu elle perfectionne (33). a Et comment le ciel aspirerait-il vers la divinit,s il n en procdait ? (tc& y Ibid., 389.< > Ibid., 380, 382.( ) Ibid.. 373.< ) In Parmenid., IV, 922.(M) ... vot)T$)v 8 SXtjv K/ovta In Euclid., 53.

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    10/13

    Le sens des mdiations proclusiennes 339tendue dans les nombres de l'arithmtique. L unit qui est leprincipe du nombre n a pas de position spatiale ; le point qui estun principe des figures en a une. Mais, dans les nombres, lesfigures existent comme dans leurs causes (36). Affirmation hardieque Lon Brunschvicg n et pas signe sans rserves et qui rendinvitable une question : pourquoi la pense diano tique, qui tienten elle toutes les raisons dont elle est la plnitude, se plat-elle dissocier leur implication dans l explication gomtrique ?C est d abord qu elle est trop faible pour soutenir une visionindivise (aO evoOaa 8 auvsTCXUYnivto fetv). Elle est, en outre, tourne vers le dehors (x?j Stavofrx el x Ia) pXercotiaYj). Si elle pouvaitse retourner sur elle-mme, elle verrait tout en un, tout en toutet chaque terme part (udcvxa v n&aiv xal Ixaaxov XWP^) EHy parviendra par un circuit, en projetant sa richesse substantielledans la matire imaginative (pavxaax'jv 5Xyjv) qui la disperse ensymbolisant par les connexions des figures l'indivision primitive. Dans l imagination nous mettons en vidence les cerclesscrits dans les polygones et les polygones inscrits dans les cercles,imitant les rfrences rciproques des raisons indivisibles... Toutce qui se trouve secrtement dans la pense est introduit de faondissocie et divise dans l imagination .Ainsi h se servant des raisons qu elle projette comme de mdiations (upooXa y^t^h-fi Xv), la pense dianotique sera renvoye vers elle-mme, devenant comme passive de sa propre activit, avant de reprendre activement son compte sa propre passivit

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    11/13

    340 Jean Trouillardla finitude de l'intuition... Kant trouve ainsi, pour la premire fois,un concept ontologique et non sensualiste de la sensibilit

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    12/13

    Le sens des mdiations proclusiennes 341d ailleurs que, pour Proclus, il y a des corps purs, ternels etdivins , que les mes ne se sparent jamais d un vhicule (5yri\i.a) congnital, qui est dou d tendue et qui sert d'intermdiairentre ces centres psychiques et leur corporit empirique

  • 8/13/2019 Truillard. Le Sense de Mediation Proclusienne

    13/13

    342 Jean Trouillardconcours capables de renforcer une insuffisante intriorit. La mdiation est une fonction de rduction et d analyse. Elle ramnel'tre driv sa pure essence, c'est--dire sa plnitude et sarelativit tout ensemble. Elle est unification , ce qui signifie dification : x fjv&afrat T