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UnJuifs’expliquesurl’Évangile

LaLettredePaulauxRomains

Dumêmeauteur

SaintPaul,coll.«Toutsimplement»,Paris,Éditionsdel’Atelier,1996;2eéd.,2008.

LaRésurrectiondeJésus,coll.«Toutsimplement»,Paris,Éditionsdel’Atelier,2000.

L’Égliseetlespauvres,coll.«Toutsimplement»,Paris,Éditionsdel’Atelier,2001.

LaPremièreépîtredePierre.Chrétiensendiaspora,coll.«LirelaBible»,Paris,Cerf,2004.

EncollaborationLeministèreetlesministèresselonleNouveauTestament(dir.J.DELORME),Paris,Seuil,1974.

LaBibleetsaculture.JésusetleNouveauTestament(dir.M.QUESNELetPh.GRUSON),Paris,DescléedeBrouwer,2000.

LedialoguedesÉcritures(dir.J.CHAREIREetCh.SALENSON),Bruxelles,Lessius,2007.

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historiensjuifsduXXesiècle.Approchehistorique,perspectiveshistoriographiques, analyses méthodologiques, Préface deDanielMarguerat,Paris,Cerf,2009,p.276,n.2.2. P. EISENBAUM, Paul was not a Christian. The OriginalMessage of a Misunderstood Apostle, New York, HarperCollins Publishers, 2009, excelle àmontrer la vive conscienced’appartenance juive de Paul pas seulement au plan ethnique,mais religieux, dans le chapitre 1, p. 5-9 : «Was Paul reallyJewish ? » ; elle cite en particulier Ga 2,15. J.D.G. DUNN,Romans 1-8 ; Romans 9-16, Word Biblical Commentary, 38,Dallas,1988,p.xli-xlii,citedanslamêmeligneW.D.DAVIES:« In accepting the Jew, Jesus, as the Messiah, Paul did notthinkintermsofmovingintoanewreligionbutofhavingfoundthe final expression and intent of the Jewish tradition withinwhich he himself had been born […] he would not haveconceived of himself as having ceased to be a Jew (Rm 9,3-11,1) or having inaugurated a new religion »,W.D. DAVIES,«PaulandthePeopleofIsraël»,NTS24,1977-1978,p.20.3.«Pauldéclareavecénergie:Jesuismoi-mêmeisraéliteetnonpas:jel’étais»,P.BEAUCHAMP,«IsraëletlesNations.Horsetdans l’Église.LecturedeRm9-11»,Conférence.Uneexégèsebiblique,ÉditionsFacultésjésuitesdeParis,2004,p.147.4.Surlefaitqu’enPauldialogueleJuifetlechrétien,cf.J.D.G.DUNN,Romans1-8,op.cit.,p.xxxix-lxi.5. S. LÉGASSE, L’Épître de Paul aux Romains, LD,Commentaires10,Paris,Cerf,2002,p.38.6.VoiraussiJ.-N.ALETTI,«Rm9-11et l’occasiondel’ÉpîtreauxRomains », dansCommentDieu est-il juste ? Clefs pourinterpréter l’Épître aux Romains, Paris, Seuil, 1991, p. 199-202.7.SurcettehistoireonpeutconsulterS.LÉGASSE,L’ÉpîtredePaulauxRomains,op.cit.,p.29-38.Ch.PERROT,L’Épitreaux

Romains,CE65,Paris,Cerf,1988,p.6-10.8.La lecturedeRm13-14doit bien rencontrer la situationdel’Égliseromaine,maisonpeutpenseraussiquePaulenparledemanière à évoquer des situations analogues en bien d’autreslieux.VoirK.B.MCCRUDEN,«JudgmentandLifefortheLord:Occasion and Theology of Romans 14, 1-15, 13 », Bib 86/2(2005)p.229-244,surRm14.9. «Même si l’Apôtre s’adressed’abord auxhelléno-chrétiens(Rm 1,6 : “les Nations dont vous êtes”), un réel souciœcuméniquel’anime,enprovoquantsaréflexionsurlamanièredegéreraumieuxcesdiversitésd’origine»,noteCh.PERROT,L’ÉpîtreauxRomains,op.cit.,p.6-13.10.S.LÉGASSE,L’ÉpîtredePaulauxRomains,op.cit.,p.40-41.OnpeutyjoindrelepointdevuedeJ.D.G.DUNN:«Foraswillsoonbecomeapparentintheexegesis,Paulisdebatingnotwith an alien system but with himself and his own past : theweft of his faith in Christ interweaves with the warp of hisJewishness»,Romans1-8,op.cit.,p.xli.11.«PaulconquisparleChristetgagnéàl’Évangile,n’estpasun homme déchiré entre ses convictions juives et sa foinouvellementacquise…Maiscemêmehomme,envahiparcettecertitudeetcettepassion,sentlanécessitédeleurattribuerdesassises théologiques,puiséesà la sourceuniquequesontpourluietpourtousleschrétienslessaintesÉcrituresd’Israël»,S.LÉGASSE,L’ÉpîtredePaulauxRomains,op.cit.,p.41.12.P.BEAUCHAMPyvoit«unedémonstrationdesonhonneurde juif aumomentoù il est plusque jamais “séparé” (c’est cequ’ildit),séparédesonpeupleetplusquejamaisconsacréauxpaïens. Il ne se présentera à aucun prix dans la capitale desGentils commeun transfuge,un renégatquivient chercherdesrécompenses pour avoir changé de camp Il s’agit de l’honneurd’unhommequiporte lacohérencedudesseindeDieu(thème

deRm) dans la cohérence de sa propre vie », P.BEAUCHAMP,«IsraëletlesNations»,art.cit.,p.158-159.13. Voir dans la bibliographie : BEN CHORIN, BOYARIN,EISENBAUM,JAFFÉ,KESSLER,NEUHAUS,SEGAL.14. D.MARGUERAT, dans A. DETTWILLER, J.-D. KAESTLI, D.MARGUERAT(éd.),Paul,unethéologieenconstruction,Genève,LaboretFides,2004,p.260,citeP.BORNKAMM,«L’apôtrenenie pas que les païens aussi bien que les juifs font dans unecertaine mesure ce que les commandements de la Loi leurordonnent(Rm2;14:Ph3,6).Maiscettemanièred’agir,aussizélée soit-elle, ne change rien au fait que l’homme est prison-nier du pouvoir maléfique du péché ; elle ne saurait le“justifier”. L’homme reste fermé à Dieu et préoccupé de lui-même. Le Juif zélateur de la Loi précisément est pour Paull’exemple d’un homme captif du péché : dans l’illusion de sapiété, il imagine que l’accès à Dieu, en réalité désespérémentfermé,estouvert,ouilcroitpouvoirl’ouvrirparsesœuvres.»R.BULTMANN,Foietcompréhension,I,Paris,Seuil,1970,p.423:«La volonté en tantmême que volonté de l’acte estmauvaiseparce que, bien qu’elle veuille ce que veut la Loi… elle veutcependantlemal,àsavoirérigersaproprejustice»(citéparJ.-P.LÉMONON, « Loi et justification », dans J. SCHLOSSER (éd.),Paul de Tarse. Congrès de l’ACFEB (Strasbourg, 1995), LD165,Paris,Cerf,1996,p.277,n.3).15. E.P. SANDERS, Paul and Palestinian Judaism. AComparisonofPatternsofReligion,Londres,SCMPressLtd,1977, 1981 ; Paul, the Law and the Jewish People,Minneapolis,FortressPress,1983;Londres,SCMPressLTD,1985.PlusrécemmentJ.D.G.DUNN,Romans1-8,op.cit.,etendiversarticles,quiapopularisél’expression«NewPerspectiveonPaul»(NPP).16.«1.DieuachoisiIsraël2.etdonnélaLoi;laLoiimplique

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judéochrétiennes)del’espérancemessianique,cen’estpourtantpassa lignemajeure.Chez lui le titremessianiquedeChristos(«oint») estdevenu lapartied’unnompropre : JésusChrist.David ne reparaîtra dans ses lettres que comme auteurprophétiquedeversetspsalmiques(Rm4,6;11,9),etuneseuleautrefoisdanslecorpuspaulinien(2Tm2,8)commeancêtreduChrist. L’intérêt de Paul se porte vers la transcendance du«Fils»manifestéeàpartirdesarésurrectionetsursonrôledesanctification par le don de l’Esprit (cf. 1Co 15,45). Ce rôlereligieux duMessie rejoint certes la préoccupation duTargumdesPsaumes,Ps110:«tonpeuple,c’estlamaisond’IsraëlquisedévoueàlaLoi»;lerègnemessianiquesoutiendralafidélitéàlaTorah;maisiciPaulneparlepasdelaTorah.LesPsaumesde Salomon exaltent eux aussi le rôle religieux du roimessianique, mais restent dans une perspective de dominationd’Israël sur les Nations (Ps Sal XVII). Il n’était pas questiondansune lettredePaul adressée àdesRomainsdepactiser enquoiquecesoitaveclafièvre«messianique»quis’emparaitdeplusenplusdanslesannées50/60desmouvementsjudéens.

Cette prise de distance par rapport à des représentationsmessianiques(quin’étaientpaslesseulesàcetteépoque)vadepair avec la mise en valeur de celui qui porte et réalisel’espéranced’Israël.Iln’étaitnullepartenvisagéqueleMessiey occuperait une telle place, centrale, décisive, et qu’il seraitprésentécommelepropreFilsdeDieuetcelasurlabased’unerésurrection qui ne pouvait être que le commencement de larésurrectioneschatologique,doncdelanouvellecréation.Ilestsignificatif que l’Évangile soit annoncé d’emblée comme labonnenouvelledeceFilsenquiilserésume16.

L’ÉvangileannoncéparlesProphètes

Un autre traitmajeur de l’Évangile en cette adresse est sacorrélation avec la promesse queDieu en avait faite, dans lessaintesÉcritures,parlesprophètes,etPaulcitesanstarderl’und’entreeux,Habaquq.Lelangagedela«promesse»seretrouvemajoritairement chezPaul dans leNouveauTestament17. Il estfrappantquedansce«manifeste»Paulnefasseaucunementionde la Loi, mais des Prophètes. L’Israël de Paul est d’abordl’IsraëldesPères,etdonclepeupledelaPromesseavantd’êtrele peuple deMoïse et de laLoi. Il devra s’en expliquer.Maisprenonsactedecetteredistributiondesrôlesquidéjàs’annoncedansceprologue18.

L’Évangilequiréclamelafoi,rienquelafoi

Lafoi tientuneplacecentraledans la réponsed’Israëlà larévélationdivine ;elleestpourrait-ondire le réflexenormaletspontanéquiconvientquandlepeupleouunmembredupeupleestmisenprésenceduDieuvivantetpersonnelquis’adresseàlui (relation Je-Tu), spécialement dans les situations critiques.Israël tientetse tientdanslafoi,par lafoi,oubienilnetientpas(Is7,9).Avantdeseformulercommeun«croireque»,elleestun«croire-en»19.PourM.Buber20,lafoidePaulseraitdetype hellénistique (la foi relative à un certain nombred’affirmations théologiques, un « croire que »). C’estméconnaître la force chez Paul de la relation fondamentale deconfiancequicaractérise lafoipaulinienne :unmouvementdetout l’être qui le porte « vers », eis Christon. Comme le faitremarquerS.BenChorin:

«Cettediscussionsurla“vraie”oula“fausse”croyancenepeutêtreséparéedel’existencedePaul,marquéepar

l’Événement de Damas. Ce n’est ni une décisionintellectuelle ni un acte de volonté qui constitue ici lefondementdelafoi:c’estletémoignaged’unévénementdéterminant. Pour la conscience subjective de Paul,JésusdeNazarethestleRessuscitéquil’aabordésurlechemin de Damas en l’appelant “Saül, Saül”, de sorteque la foi est ici (tout à fait au sens de Buber) unphénomène de dialogue, la réponse à une Révélation.Vuesouscetangle,lafoidePaulaaussilecaractèredel’émouna, de la confiance. Depuis l’Événement deDamas, il a confiance en son Seigneur, qu’il a aperçudans une lumière aveuglante et dont il a entendu lavoix21.»

Paul parle ici de la foi d’unemanière absolue, sans aucuncomplément,commed’unegrandeurquisetientensoi,quiestle tout de l’économie du salut et de l’existence chrétienne.Autant que de la « foi », il parlera des « croyants », c’est samanière à lui de dire l’identité chrétienne (elle lui est presqueexclusivedansleNouveauTestament);surtout–c’estlecasici,1,16 – avec l’insistance sur « tous ceux qui croient », sur«quiconquecroit»,qu’ils’agissedesJuifsoudesNations.LafoiestpourPaullechemind’accèssansautreformalitédetouthommeausalutqueDieuluioffreenChrist.

Cen’estpasla«définition»delafoiquisingularisePaulauseindelatraditionbibliqueetjuive,maislafonctionqu’illuiattribuedansl’économiedusalut(cf.l’annexeci-dessoussurHa2,4).L’Évangileafaitéclateraugrandjourcerôlefondamental,quand il a récapitulé la relationde touthommeavecDieunonpar laLoi,maispar laFoi,sansmêmepréciser immédiatementversquisedirigeaitcettefoi:lapersonneduChristJésus.Maiscelui-ci, avant d’en être l’objet, n’est-il pas précisément

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Dieu sur les actes des Juifs et des non-Juifs (2,1-16) ; ilprogresse en affirmantque le jugementdivin atteint les cœurs,cequipeutallerjusqu’àinverserl’identitédesJuifsetdesnon-Juifs(2,17-29)

2,1-16:chacunselonsesœuvres,chacunselonsaloi

«Dieurendraàchacunselonsesœuvres»(2,6).«Dieunefait pas acception des personnes » (2,11)6. Paul développe cedogme sous ses deux faces, négative et positive (2,6-11). LejustejugementdeDieurécompenseralebienetsanctionneralemalpartoutoùilletrouvera,quecesoitchezleJuifouchezleGrec.Chez« leJuifd’abord»,celaest répétédeuxfois,aussibiendanslecasdelarétributionnégativequedanslecasdelarétribution positive (2,9-10). La priorité n’est pas au Juifseulementdanslecasdubien,ellel’estaussidanslecasdumaletdu jugement.Paul insisteetprécise : sur« touteâme(toutepersonne)qui fait lemal», sur«quiconque fait lebien», surtous ceux qui commettent des péchés », que ce soit « avec laLoi»ou«sanslaLoi»(mosaïque).Etcetterétributionestduniveau eschatologique pour tous, indistinctement, soit«tribulationetangoisse»,soit«gloire,honneuretpaix»(2,7).LaseuledifférenceestqueleJuifestjugéselonlaLoietlenon-Juifselonl’éclairagedesaconscience;maisencelaaussiDieusemontreimpartial.Chacunserajugéenfonctiondesonstatutreligieux.

QuantauJuif,laconnaissancedelaLoineluisuffiraitpaspour être justifié devant Dieu, il lui faudrait aussi l’avoirpratiquée(2,13).Ons’estoffusquédecetteaffirmationcommepréconisant la justice des œuvres en contradiction avec la

doctrine habituelle de Paul ; pour les besoins de la cause, ilserait inconséquent. C’est oublier le moment rhétorique dudiscours:Paulseplaceencoreiciaupointdevuejuif,quiasavéritéintrinsèque:surlabased’unejusticedelaLoi,ilnepeutêtre question d’une pure et simple connaissance, il fautnécessairementquelesœuvressuivent.

Quant aux non-Juifs, il peut fort bien arriver que, sansconnaître la Loi (la Torah), ils accomplissent l’« œuvre de laLoi » (2,14)7. Loi non écrite, émanant « naturellement » de laconscience.CespaïensobserventlaLoi«naturellement»,c’est-à-dire sans la norme d’une révélation particulière, selon leur« conscience » et sur la base de débats intérieurs sur ce qu’ilconvientdefaire.«Ilssontuneloipoureux-mêmes»(2,14).Ilsmontrent ainsi que laLoi est « écrite dans leur cœur» (2,15),langageallusifàlanouvellealliance(Jr31LXX38,33).IlseraitétonnantquePaulleurattribuetoutelapratiquedelaLoiécriteetoralequelatraditionjuiveattribuaitàAbraham;lecontexte(langage du bien et du mal, de la vérité, de la justice, 2,8-9)donneàpenserqu’ils’agitdelaLoidanssadimensionéthiqueuniverselle.

Cette référence de Paul aux justes desNations qui font lebiensurlabasedeleurconscienceetquienserontrécompensésau Jugement final a provoqué beaucoup de débats. Ellecontredirait la peinture de la société païenne enRm 1,18-318.Plus grave, elle contredirait l’affirmation subséquente selonlaquelleendehorsde la foiauChristpersonnenesera justifié(Rm3,20).MaisàcetteétapedesondiscoursPaulcontinuedese tenir au point de vue de la conception traditionnelle de sesinterlocuteurs, selon laquelle la justification lors du jugementeschatologique prendra nécessairement en compte l’agir dechacun ; lui-même n’a pas abandonné ce point de vue en tout

contexte (2Co5,10 ; 11,15 ;Rm14,10).Lemoment viendra,plus loin dans le discours, de dire qu’en fait personnen’échappe,de lui-même,à l’esclavageduPéché.Quepersonnen’aurapupratiquer la justicesans l’avoir reçuepar lagrâcedeDieudelafoiauChrist.Ceseralaconclusiondudébat.Etdéjàcela apparaît allusivement, quand Paul parle de la vie de cesgens des Nations en des termes qui font penser à la nouvellealliance,etdujugementdessecretsdeleurcœurautribunalduChrist : leurvien’auradoncpas été sans relation àLui.Maispourl’instant, il luisuffitdeprendreactedufaitqu’endehorsdel’airecouverteparlaLoi,desnon-JuifspeuventvivredansladroituredeleurconscienceenaccordaveclaLoi,dumoinsenses préceptes fondamentaux et que le jugement impartial deDieu ne saurait l’ignorer. Quelle qu’en soit l’explicationthéologique, ce fait lui suffit pour débouter la prétention quipourraitêtrecelledesJuifsdefairedelaLoilecheminexclusifet suffisantde l’accèsà lavieéternelle.Pour l’instant ilne seprononcepasencoresurcequienest lecheminvéritablepourtous, si ce n’est de manière allusive (la nouvelle alliance, lejugement par Jésus Christ). En outre il introduit un thèmemajeurdelaséquencesuivante:c’estdansl’invisiblequeDieujuge et jugera les cœurs. Les appartenances religieusesextérieuresvonts’entrouverradicalementrelativisées.

2,17-29:l’inversionpossibledesfigures;ledehorsetlededans

LeJugementdeDieuneseraitpasimpartials’ils’entenaitseulementàlaconnaissancereligieusedontonseréclame(2,17-24).Bienplus,ilnepeutpassebasersurleseulcomportementextérieur,ilpénètrejusqu’auxmotivationsintérieures,iljugeles

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Annexe

LasociétépaïennevueparlesJuifs

LivredelaSagesse(Sg13,1-9;14,22-31)

Commedans le livrealexandrinde laSagesse,Paul reprend lethème de la connaissance de Dieu possible à partir de sesœuvresdanslacréation;différencecependant:selonSg13,leshommesn’ontpassuconnaîtredeDieuàpartirdesesœuvres;selonPaul:ilsl’ontconnu,maisnesesontpasmaintenusdanscette connaissance, ils ont refusé de le reconnaître et sonttombésdansl’idolâtrie.Paulconnaîtaussilethèmedulienentreidolâtrieetimmoralité;maisaulienimmanententreidolâtrieetimmoralité (14,27 « Car le culte des idoles sans nom est lecommencement, la cause et le terme de tout mal »), Paulsubstituel’actedujugementdeDieu:illesalivrés.

Philon,Chérubim91:

«Examinezdonc,sivouslevoulez,lesassembléescélèbresquisont les nôtres. Dans les Nations tant grecques que barbareselles sont organisées à partir de prétextesmythiques, les unesici,lesautresailleurs,etn’ontd’autrefinqu’unevainefumée;qu’il n’en soit pas question. Car toute une vie d’homme nesuffira pas à faire le relevé exact des extravagances qu’ellescontiennent.Cependant, les quelquesmots qu’on peut dire, etqui valent un long développement, si l’on touche juste, il fautlesdire.[92]Danstouteslesfêtesetassembléesdecheznous,

voici les exploits qui excitent admiration et émulation :impudence, licence, relâchement, ivresse, excès d’ivrogne,festins, luxe, mollesse, nuits passées dehors, débauchesnocturnes,plaisirsmalséants,coucheriesenpleinjour,outragesetinsolences,exercicesd’intempérance,entraînementàlafolie,pratique de l’ignominie, dégradation de tout ce qui est beau,travaux nocturnes au service de désirs insatiables, sommeil enpleinjour,quandc’estjustelemomentd’êtreéveillé,inversionde l’ordre naturel des travaux. [93] Alors, la vertu est railléecomme quelque chose de nuisible ; le vice, on s’en emparecomme de quelque chose d’utile.Alors, ce qu’il faut faire estdéshonoré;cequ’ilnefautpasfairecouvertd’honneur.Alors,musique, philosophie, toute l’éducation, les paruresvéritablement divines de l’âme divine sont réduites au silence.Maislesartsquiprostituentetprocurent lesplaisirsauventre,etàcequiestplusbasqueleventre,ontlaparole.»

DesjustesparmilesNations

Qu’il y ait chez les gens des Nations non seulement laconsciencedubienetdumal,maisaussiparfoislapratiquedubien,oùpeutsereconnaîtrel’«œuvredelaLoi»,lachoseseradiscutéedanslatraditionrabbinique.

R.Meïr(vers+150):«D’oùsavons-nousqu’unGentilaussi,quis’occupedela Torah, est comme le Grand-Prêtre. L’Écritureenseigne:“L’hommequifaitceschosesvivraparelles”(Lv. 18,5). Elle ne dit pas : “prêtre” ou “lévite”, ou“Israélite”, mais “homme”. Ceci montre qu’un Gentilaussi,quis’occupelui-mêmedelaTorah,estcommele

GrandPrêtre»(S.B.3,p.79).»Cependantcepointdevue est contredit par d’autres sages : la récompense deceluiquifaitcequineluiestpasprescritnepeutêtrelamêmequelarécompensedeceluiquifaitquelquechosequiluiaétéprescrit.

IVEsdrasestréservé:«Quandleshabitantsdelaterren’ont-ilspaspéchésouston regard ? Ou quelle nation a observé ainsi tescommandements ? Certes tu trouveras des hommes quiontpersonnellementgardétescommandements,maisdesNations,tun’entrouveraspas»(3,35-36).

«AucunvivantnepeutsejustifierdevantToi»

Paul n’est pas le seul à s’exprimer dans les termes duPs 143(LXX 142), 2 pour reconnaître qu’aucun vivant ne peutrevendiquer d’être juste devant Dieu. La même affirmation setrouvedanslesécritsdeQumran:

«ÔSeigneur,jecrieversToi,écoute-moi.JetendsmesmainsversTasainterésidence,prêtel’oreilleetaccèdeàma requête ; ne me refuse pas Ta faveur. Éclaire monâme, ne la plonge pas dans le désarroi ; qu’elle ne seretrouve pas seule en face des impies. Que le Juge devéritédétournedemoilesalairedupéché;ôSeigneur,ne me juge pas comme l’exige mon péché, car aucunvivantnepeutsejustifierdevantToi1.»

DanslestextesdujudaïsmedelafinduSecondTemple,ilestditassezsouventqueles«justes»nesontpassanspéché,

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Dieusemontraitpatient,etmaintenantildévoilelesensdecettepatience,et celaconsisteà fairepasser l’hommedupéchéà lajusticeparlafoiduChrist23.

Dans l’œuvredeDieu accomplie sur la croix,Paulnevoitpasseulementlepardondespéchéspassés,commisautempsdela patience de Dieu, mais aussi et surtout la « justification »présente,quiarrachel’hommeaupouvoirdupéché.Àsesyeux,eneffet,lacroixnesecontentepasdetireruntraitdéfinitifsurlepassé,elleinaugureunevienouvelle,carc’estellequi«nousa arrachés à cemonde dumal » (Ga 1,4 ; cf.Ga 6,14-15).Lasotériologie de Paul dépasse la compréhension jusqu’alorstraditionnellede la confessionde foi : «Christmortpournospéchés»(cf.1Co15,3),«Christmortpournous»(cf.Rm5,8;1Co8,11),commesielledisaitseulementlepardondespéchéspassés. La « Justice deDieu » ne se contente pas d’apurer lepassé, elle va jusqu’à « justifier », c’est-à-dire susciter une«nouvellecréation»(2Co5,17;Ga6,15).

«Oùdoncestlafierté?/Oùdoncestlavanterie?»(3,27-31)

Aprèsavoirrappelédansunpuissantraccourcilafoiquiluiestcommune avec la tradition judéo-chrétienne, quitte àl’approfondir,Paulentirelesconclusionsquantaudéplacementquecettefoiopèreparrapportàsonjudaïsmed’origine.Illefaitsous la forme vivante (diatribe) de questions-réponses. Lapremière personne du pluriel (« nous estimons », « réduisons-nous ? » 3,27-31) n’est pas de pure forme rhétorique ; elleimplique vraiment Paul avec tous les tenants (et d’abord lesjudéo-chrétiens)delafoinouvelle.Ellerappellele«nous»dudébat de Paul avec Képhas lors de l’incident d’Antioche :

«NousnesommespasdecespécheursetpourtantnousavonsmisnotrefoidansleChristJésus»(Ga2,20).Làaussi ilétaitquestiond’unalignementdesJuifsetdesnon-Juifssurlemêmeprocessus de justification par la foi sans la Loi. Ce débat de3,27-31 est en rapport direct avec l’ensemble de la séquencel’idéed’unerédemptionlimitéeaupardondespéchéspassés,endirectiond’unerédemptiontournéeverslapossibilitéd’unevienouvelle dans la justice (E.KÄSEMANN, « Pour comprendreRm 3,24-26 », dans Essais exégétiques, Paris, Delachaux etNiestlé,1972,p.11ss).IlarriveeffectivementquePaulreprennedes textes et des thèmes traditionnels, quitte à les aménagerensuite en fonction de sa propre théologie. précédente : quedevient l’« exception juive » face à la proposition del’Évangile?

Fiertéetvanterie

Paul aborde cette question fondamentale par le biais de la« fierté » (lakauchèsis).Le termegrec (kauchèsis) est unmotfamilier de ses Épîtres. Il peut l’employer au sens positif defiertélégitime,ouausensnégatifdevanteriedesoi-même,toutdépenddequi,dequoi,dansquelespritonsemontrefier24.Iciil l’emploie au sens négatif. Il se rattache ainsi à une longuetraditionbibliqueetjuivequidistingueentrelafiertélégitimeetl’outrecuidancedel’hommequisevantedelui-même.L’Israélitemet sa fierté en Dieu, dans la connaissance de Dieu, dans saLoi25.

EnRm2,17-20,Paulavaitrappelécettefiertéquicaractérisel’homme juif, qui peut être légitime, mais qui peut être aussipervertie, si les actes contredisent la connaissance religieusedontonseréclame.Paullui-mêmeensajeunessedepharisiena

connucetteexaltationde la fierté juive. Il saitdequoi ilparle(Gal1,13;Ph3,4-5)etillerappelle,sinécessaire,àsesrivauxjudéo-chrétiens qui critiquent sa compréhension de l’Évangile,maisilabienconscience,quandils’envante,deselivreràunmomentdefolie:

«Acceptez-moi comme un homme déraisonnable, pourquemoiaussi,jepuisseunpeufairelefier!Toutcequepeutoserquelqu’un–jeparleenhommedéraisonnable–moiaussi, je l’ose! Ilssonthébreux?Moiaussi. Ilssontdeladescendanced’Abraham?Moiaussi.Ilssontministres duChrist ? – je déraisonne – je le suis plusencore:parlestravauxpénibles,etc.»(2Co11,16.21-22).

Mais une telle fierté, même celle de son engagementapostolique,seraitunefierté«selonlachair».Ilneveutavoird’autrefiertéquedanslacroixduChrist,«parquilemondeestcrucifiépourmoicommejelesuispourlemonde»(Ga6,14).C’est en cemême passage, en lien avec le thème de la fierté,qu’il affirme que désormais « ce qui importe, ce n’est ni lacirconcision, ni l’incirconcision, c’est une création nouvelle »(Ga6,16).

LafiertéquePaulveutexclureici(commeenGa6,14-16etPh 3,2-11) n’est pas seulement la vanterie individuelle deperformances religieuses et morales. Elle revêt aussi et mêmed’abord une nuance collective : être fier de son appartenancecommunautaireetdesonstatutreligieux.N’est-cepaslesensdeRm2,17-23 : fiertéduJuifd’apparteniraupeupleélu,avecsavocation de guide des ignorants, etc. ? En Rm 3,27, le sensindividuel n’est certes pas à exclure. Mais le contexte deschapitres 1-3 invite à considérer le sens collectif comme

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n’hésite pas non plus à employer lemot « loi » dans un sensplus général de « principe » qui régit et commande uncomportement:loidelaraison,desmembres(Rm7,23),loidupéché (Rm 7,25), loi de l’Esprit (Rm 8,2), loi de la foi (Rm3,27).

1. D’une partie à l’autre de l’ensemble de Rm 1,18-3,31, auvocabulairedu jugement(krinô,krisis)de2,1à3,20,s’opposemaintenantlevocabulairedelajustification(dikaiosynè)àpartirde3,21.Orcetteoppositionétaitdéjàprésentedans lePs142citéen3,20,quifaitcharnièreentrelesdeuxparties:«n’entrepasenjugementavectonserviteur…danstajusticesauve-moi»(remarqueoraledeR.DUPONT-ROC).2.Departetd’autre,lescorrespondancessontbienvisibles:JusticedontDieuestleSujetetl’Acteur(21.22//29.30);justificationparlafoi(22)//parlaseulefoi(27.28.30);en dehors de la Loi (21)//en dehors des œuvres de la Loi(28);pourtousceuxquicroient(22),//pourtous,Juifsetnon-Juifs,circoncisounon(29.30);pasdedifférence(22), tousontpéchéetétaientprivésde lagloiredeDieu(23)//cequiexclutledroitdeseglorifier(27);Justice deDieu attestée par la Loi et les Prophètes (21)//laLois’entrouveconfirmée(31)

3.Ce«maintenant»serareprisen3,26désignantlanouveautéeschatologiqueinauguréeparl’événementdelaCroix.4.Leverbediffèredeceluidelapropositio(1,17:«laJusticedeDieu se révèle »), l’accent de révélation eschatologique estmoins net, mais la permanence l’est davantage. À l’indicatifprésentestsubstituéunverbeauparfait : l’acteaétéaccomplidans lepassé,mais seseffetsdemeurent.Encertains textesde

Paul la« justicedeDieu»peut signifier la justiceen laquelleDieuétablitlecroyant(1Co1,30;2Co5,21;Ph3,9);maisici(Rm 3,22.15.26) il s’agit de l’activité justificatrice de Dieu,commeenRm1,17et10,3.5.Sereporteràlanotesur1,17,p.000.6.Tous,Juifsetnon-Juifs,ontpéchédepéchéspersonnels.LaprivationdelagloiredeDieuchezAdamparsuitedupéché,etla transmission de cette perte à l’humanité, est un thème delittérature juive ; cf.LaVie grecque d’Adam etÈve, 20 : «Àl’instant même mes yeux s’ouvrirent et je sus que j’étaisdénudée de la justice dont j’avais été revêtue. Je me mis àpleureretdisauserpent:“Pourquoias-tufaitcelaetm’as-tualiénémagloire?”(20,1-3)EtAdam,àsontourconstatantsanudité,ditàÈve:“Femmemauvaise,qu’as-tuperpétrécontrenous ? tu m’as aliéné la gloire de Dieu” (21,5) », dans LaBible.Écritsinter-testamentaires,op.cit.,p.1781.Inversementlescroyantssonttransformésdegloireengloire(2Co3,18).7. Certes cela est présent, la Justice de Dieu dans l’Évangileatteintl’hommeendehorsdel’appartenanceaurégimemosaïque(chôrisnomou);maisdirecelanesuffitpaspourrendrecomptede la pensée de Paul quand il précise « sans lesœuvres de laLoi » (chôris ergônnomou), sans la pratique effective, et celanonseulementdespréceptesparticuliersdujudaïsme,maisaussides commandements éthiques comme le montre l’exemple deDavid (4,6) ; la grâce de la justification atteint une humanitétout entière pécheresse etprivée de la gloire deDieu (3,23) ;Paulneditpasseulementqu’elleatteintl’hommeendehorsdel’appartenanceaumondejuif(selonJ.D.G.DUNN).8.Paulavaitmentionnéseulementlesprophètesen1,2(cf.1,17)commeattestationdel’Évangile;cen’estpassansraisonqu’ilyjointici,etenpremierlieu,laLoi,àl’instantmêmeoùillamethorsjeudanslaréalisationdelaJusticedeDieu.

9. 3,22a.22b.24.25.26.27.28.30. Au v. 25, « en son sang » serattachequantausensà«sacrificedepardon»,par-delàl’incise«parlafoi»;ilnes’agitpasdela«foiensonsang»,maisdela foi qui reçoit l’acte de Dieu qui a donné le Christ commesacrificedepardon.10.Cf.Rm3,26;Ga2,16-20;3,22;Ph3,9.11.Discussionetréférences:S.LÉGASSE,L’ÉpîtredePaulauxGalates, Paris, Cerf, 2000, p. 180-182 ; J.-P. LÉMONON,L’Épître aux Galates, Paris, Cerf, 2008, p. 99-100 (deuxpositionscontrairesd’éminentsexégètes).12. Paul ayant souligné la gratuité et la faveur divine de lajustification, il ne sera pas question dans un tel contexte demarchandage, de prix à payer,même si lemot « rédemption »(apolutrôsis) inclut étymologiquement l’idée de rançon. Si larédemptionaétéonéreuse,cefutpourleChristquiadonnésavie.13.D’oùlaformule«rédemptiond’acquisition»,Ep1,14 ;Tt2,14,1P2,9.14. La préposition grecque én peut avoir le sens de « par »(indiquant lemoyen)etde«dans» (indiquant l’appartenance,l’inclusion).15.Leverbegrec (proéthéto)pourrait signifierexposer (cf.Ga3,1):DieuaexposépubliquementleChristcommeexpiation;maisunautresens,courantchezPaul,estceluide«seproposerde » (Rm 1,23 ; 3,25 ; Ep 1,9) : Dieu s’est proposé de(constituer) leChristcommeexpiation.Nousadoptonscesens(cf. NBS). S. LÉGASSE : « Dieu a mis devant soi commeexpiation»,nousparaîttroplittéral.16.Lemotdelalangueliturgiqueemployéici,hilastérion,fait-ilallusionaukapporeth,aupropitiatoire,c’est-à-direlaplaqued’or qui recouvrait l’arche d’alliance, symbole de la présencedivine, et sur laquelle le grand prêtre allait faire des rites

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justice reçuedans l’incirconcision18.Coupdegénie de la partde Paul : la circoncision, signe que l’on peut bel et bien êtrejustifié sans la circoncision : « sceau de la justice qu’il avaitobtenue par la foi quand il était incirconcis » (4,11) ! Maisn’est-cepasl’honneurdelacommunautédescirconcisauxyeuxdePaul(cf.Rm3,1-2):maintenirdansunritecommunautaire,àtraversl’histoire,lemémoriald’unegrâcedeDieuquiprécèdeetdépassecettecommunauté?

Ducoup,Abrahamapparaît enpremier lieucomme lepèredetouslescroyants,àcommencerparceuxquiappartiennentàl’incirconcision(lescroyantsdesNations;ilssontlespremiersnommés), de telle sorteque cette foi leur soit comptée commejustice. Ensuite – Paul les nomme en second lieu –, père descirconcis,mais en précisant qu’il s’agit de ceux quimarchenteffectivementsur les tracesde lafoiquenotrepèreAbrahamavécue dans l’incirconcision (4,12)19. Paul a réussi ce tour deforce de faire des croyants incirconcis la norme des circoncis,appeléseuxaussiautypedefoiquifutcelled’Abraham.Decefait la foi dont Abraham est la figure n’est pas caractériséeseulement comme humilité radicale (lecture dite luthérienne),mais aussi comme foi qui transcende les appartenancessocioreligieuses et qui s’oppose au double aspect de la« vanterie », personnelle et collective, que nous avons crureconnaîtreen3,27-31et4,1-2.

Lapaternitéuniverselled’Abraham(4,13-22)

Paul va reprendre maintenant ce titre de « père » donné àAbrahamsurlabasedelafoi,etqui,decefait,neselimitepasà une fraction de l’humanité, mais qui s’ouvre à toutel’humanité, pour montrer que seule la « justice par la foi »

permetd’honorerlaPromessefaiteàAbrahamd’êtrel’«héritierdumonde».

Seulela«justiceparlafoi»permetd’honorerlaPromesse(4,13-17a)20

RecevoirlemondeenhéritageEnexprimantainsilapromessedivinefaiteaupatriarcheetà

sadescendance,Paul reprend,mais à samanière, un thèmedujudaïsme de son temps : l’espérance d’une hégémonie d’Israëlsurlemonde,«d’unemeràl’autreetduFleuvejusqu’auboutde la terre»(Ps72,8 ;Za9,10) ;BenSirah44,21applique laformule à Abraham et à sa descendance : « (Dieu) lemultiplierait comme la poussière de la terre, exalterait sadescendancecommelesétoiles,etleurpatrimoines’étendraitdelamer jusqu’à lameretdepuis leFleuve jusqu’auxextrémitésde la terre. » Les rabbins interpréteront dans cette lignemondiale les textes de la Genèse qui promettaient à Israël lapossessiondupays21.Quantà sadescendance, ilsy incluaientlesprosélytes,Abrahamétantlepremier.

Paul reprend ce thème de l’héritage dumonde,mais en ledépouillantde toute idéed’hégémonie22 ; ilnepeuts’agirqued’un héritage spirituel ; il ne s’agit pas non plus pour luid’inclurelesprosélytesdanslepeuplejuif;maisdereconnaîtretous les croyants, d’origine juive et non-juive, du milieu detoutes les Nations, comme formant la descendance spirituelled’Abraham. C’est l’image d’une famille universelle dontAbrahamestlepère,etpasseulementl’exemple.

Promesseetfoi

Paul ressaisit maintenant ce qui était impliqué dans leprocessusd’unejustificationparlafoi:àsavoirundispositifdusalutfondénonpassurlaLoi,maissurlaPromesse.LelangagedePaulpassedelajusticeetdelajustificationaulangagedelaPromesse(v.13-14-16).LaPromesseesteneffetcequ’ilyadeplusorigineldans les relationsentreDieuet sonpeuple, entreDieuetl’humanité.DerrièrelamontagneduSinaïoùlaLoiestpromulguée, Paul aperçoit la tente d’Abraham auquel estannoncée la Promesse. Celle-ci désigne une dispositionunilatérale, qui ne met pas de condition préalable à sonaccomplissement23. En Ga 3,19, la Loi était présentée commesurajoutée après coup, sans qu’elle puisse être tenue pour uncorrectif apporté à la Promesse – quitte à devoir expliquerensuitepourquoilaLoiaétésurajoutée.IciPaulsecontentedefaire remarquer qu’il faut opter entre un « héritage » reçu envertu de la Loi et de l’obéissance à la Loi, ou en vertu de laPromesseetde l’accueilde laPromessepar la foi.Onnepeutpastenirlesdeuxenmêmetemps.SinonlaPromessen’estplusune promesse, entendez une promesse vraiment gratuite, etdevient une promesse sous condition. Sinon, la foi est renduevaine : elle estvidéede sa significationpropre, à savoird’êtrecorrélatived’unengagementdeDieuquiestpuregrâce24.

Paul esquisse brièvement (4,15) une réflexion surl’incompétence de la Loi à procurer l’accomplissement de laPromesse:cen’estpassonrôle;ellenepeutyapporterqu’unecontribution indirecte comme il l’a expliqué en Ga 3 ; ilreprendracelaenRm7.Pourl’instantilsecontentededirequelerôleleplusclairdelaLoiestdeprovoquerlatransgressionetdonclaColèredeDieu(4,15).

Paullaisseensuitetomberuneaffirmationlapidaire:«c’estpour-quoipar(la)foiafinque(cesoit)selon(la)grâce»(4,16).

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luiestfait:«DieuarévélésonFilsenmoi.»En ce qui concerne ensuite la relation des Juifs avec

l’ensemblede l’humanité.C’étaitpoursauver l’identité juiveàtraverslerespectabsoludelaLoietdestraditionsdesPèresquePauls’étaitlancédanslaluttecontrelesdisciplesdeJésus.Pauldécouvrealorsque si ledonqui lui est fait est sanscommunemesureavecl’observancedelaLoi,celasignifiequ’ilpeutêtreoffertparlemêmechemindelagrâceetdelafoiàtouthomme,Juif ou non-Juif. La fondation d’Églises parmi les Nations leconfirmera dans cette conviction : Dieu se donne là aussi envérité, elles sont « Églises de Dieu ». Du coup la paternitéuniverselled’Abrahamreçoittoutesavérité.Onpeutmêmedireque la foid’Abrahamenreçoitàson toursonvéritableobjet :unefoiquineleconcernaitpasseulementnimêmed’abordlui,en son statut personnel devant Dieu (sa « justificationpersonnelle », sa sainteté personnelle), mais l’accueil d’unevocation (comme ce fut aussi le cas pour Paul) ;Abraham estjustifié, ilestajustéàDieuquandilaccepte,au-delàde toutespossibilitéshumaines, demettre en routeune communautéquiréunira dans le même accueil de la grâce des croyants quiappartiendront à des ensembles humains différents. La foi quivaut à Abraham déclaration de justice est la foi dans cettevocation. L’identité juive, accordée à la figure de « notre pèreAbraham », devient alors une identité ouverte sans aucunediscriminationàtoutefigured’humanité.LeDieud’Abraham,leDieud’Israël,justifiel’«homme».

L’ÉpîtredeJacquescontredit-ellelalecturedePaul?7Foietfidélité ne sont pas exclusives. Mais il n’est pas sanssignification de voir à quel contexte se rapporte la mise envaleur de l’une ou de l’autre8. Quand Paul fait d’Abraham lafiguredelafoichrétienneetdelafoipascale,ilvaàlaracinede

ce qui fonde l’existence spirituelle ; il ne nie évidemment pasquecetaccueilsoitappeléàporterdufruit:«nicirconcision,niincirconcision ne vaut, mais la foi qui agit par l’agapè » (Ga5,6). Jacques réagissait quant à lui par rapport à une lectureétriquéedelafoipaulinienne,quienfaisaitunepuredémarcheintellectuelle et verbale (les démons croient en Dieu et ilstremblent,Jc2,19).Il restenéanmoinsdécisifdesoulignerquela lecture paulinienne est seule capable de fonder ununiversalismequinesoitpasd’intégration(fairedesprosélytesde la Loi), mais de communion (Abraham, notre père à tous,pèredesincirconcisetdescirconcisquimarchentsurlestracesdesafoiquandilétaitencoredansl’incirconcision).

Lecturecoranique

Il pourrait être intéressant de confronter encore la lecture quePaulfaitdelagested’AbrahamaveccelleduCoran.LalectureduCoranestplusprochedelatraditionjuivequedelalecturepaulinienne. Le Coran désigne Abraham comme le « vraicroyant»,lepremiermusulman,«celuiquis’enremetàDieu»(2,127-131.135). Cela est manifeste à travers les épreuvesauxquelles il est soumis (reprise d’une tradition juive quicomptedixépreuves,dont:quittersonpays,circonciretouslesmâlesensignedel’Alliance,immolersonfils…);ausommetseplacelesacrificedesonfils(Ismaël,selonlatradition),épreuveàlaquellelefilsparticipeluiaussientièrement(cf.égalementlatradition juive de l’Aqedah)9. La différence d’avec la lecturechrétienne repose moins sur l’attitude subjective (foi,soumission, obéissance) que sur le contenu de la Parole àlaquelleestcenséacquiescerAbraham:laPromessepourPaul;laconfessiondefoidansleDieuUniquepourleCoran:

III,67:«Abrahamn’étaitnijuifnichrétien,maisilétaitunvraicroyant,soumisàDieu,iln’étaitpasaunombredespolythéistes…95Suivezlareligiond’Abraham,unvraicroyant».Vraicroyant, c’est-à-direpasaunombredes polythéistes et des associationnistes. « Je tournemonvisage,commeunvraicroyant,versceluiquiacrééles cieux et la terre » (VI, 79). Abraham représentevraiment toutunpeuple ;docileenversDieu,c’étaitunvrai croyant ; il ne fut pas au nombre des polythéistes(XVI120).

1.Enoutre,lesmotsclésdeceverset(justice,compter,croire)courentcommeunfilrougedanslaséquencedesv.1-12presqueàchaqueverset(4.5.6.8.9.10.11).2.Davidestconsidérécommeprophèteparlatraditionjuive.EnRm 1,17 Paul avait cité implicitement un texte du prophèteHabaquq:«Celuiquiestjusteparlafoivivra»(Ha2,4).C’estdoncbien«laLoietlesprophètes»quiattestentlajustificationpar la foi. Rm 4,19-20 fait encore référence (sans citationexplicite)aurécitdelanaissanced’IsaacselonGn18.3. Ce n’est peut-être pas sans influence de ce genre deformulation (Abraham trouvé fidèle) que Paul commence sonproposaveclemêmeverbe«trouver»,maisàl’actif:qu’est-cequ’Abrahamatrouvé?4. Les étapes du discours sont balisées par des reprises devocabulaire(desmots-crochets)etpar l’introductionde thèmesnouveaux,maisapparentés,sur lefondscommunde lacitationdeGn15,6:lafoicomptéecommejustice.5. Par là nous entendons la pratique du midrash qui prendcomme « ouverture » un texte de l’écriture comme base de larecherche.Quant à la question rhétorique de 4,1, elle a donné

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tenduentreledébutetlafin.Onretrouvedel’unàl’autre:–lerythmedelajusticeàlagloire(5,2;830);–ledynamismeincoercibledel’actedeDieu(5,1-11;8,28-

30);– l’exaltationde l’amourdeDieupournous (5,6-8 ; 8,31-

39);– l’encouragement de l’espérance que les épreuves ne

sauraientéteindre,maisseulementrenforcer(5,4-5;8,23-24);–l’insistancesurlerôledel’Esprit(5,5ettoutlech.8).

LareprisedesthèmesdeRm5avecplusd’ampleurenRm8seramotivéeparl’expressiondelapuissancedelagrâcefaceauPéché et face au régime de la Loi : c’est ce qui aura étédéveloppéauxchapitre6et7.Demêmequeleconstatquetoutel’humanité était asservie au Péché (3,20) avait débouché surl’exaltationdumomentprésentdelamanifestationdelaJusticedeDieudansleChrist(«MaismaintenantlaJusticedeDieuaétémanifestée»,3,21),demême leconstat amerque l’hommeintérieurement divisé ne pouvait pas, même avec le don de laLoi,trouverlaliberté(Rm7),débouchesurl’expériencejoyeused’êtremaintenant libéréspar la loidel’Espritquidonnelavieen Christ Jésus (« Mais maintenant il n’y a plus decondamnationpourceuxquisontenChristJésus»,8,1).Ilyaàla fois parallélisme et approfondissement de la situationdramatique de l’homme sans le Christ ; si, dans un premiertemps, on avait surtout pris en considération les actes detransgression(3,11-18),maintenantilnes’agiraplusseulementdesactes,maisdelaconditiondeservitudedel’homme;cequid’ailleurs était déjà annoncé en 3,10 : « tous sont sous lePéché ».C’est la guérison radicale de l’homme par le don del’EspritquipermetdepasserdelaJusticeauSalut,sansavoiràredouter la rechute dans l’esclavage. Là sont l’audace et la

confiancedePaulàl’instantoùilquittelasécuritéreligieusedelaLoi2.

StructurelittérairedeRm5-8

OnpeutreconnaîtreenRm5-8unschémafamilieràPaul:A–B–A’:

A–Undiscoursdel’espérance(5,1-21)3.B–Objectionsetapprofondissements(6,15-7,25).A’–Lechantdel’espérance(8,1-39).

1. Les arguments pour faire du chapitre 5 l’introduction del’ensemble5-8,etnonpaslaconclusionde3,21-31etmêmedel’ensemble1-4,sontexposésparJ.-N.ALETTI,CommentDieuest-iljuste?,op.cit.,p.44-49;voiraussiS.LÉGASSE,L’ÉpîtredePaulauxRomains,op.cit.,p.337-338.2.«Vous,leschrétiens,voustravaillezsansfilet»,diraunjourunamijuifdansuneconférence-débat.Nous,Juifs,noussavonscequeDieunousdemandedefaireentoutecirconstance…3. J.-N. ALETTI, « Romains 5, 12-21. Logique, sens etfonction»,Bib78(1997),proposedeconsidérer5,20-21commelapropositio,quedévelopperontleschapitres6-8.Quantà5,1-19,ilproposed’yvoiruneformedenarratio,quicontientdéjàles semina (les semences) de la démonstration. Effectivement5,1-21 a plutôt l’allure d’une première démonstration, enraccourci,deladynamiquequiconduitdupéchéàlajusticeetdelajusticeausalut.Leraccourcimetl’accentsurlesforcesenprésence ; sa brièveté provoque le questionnement et faitattendreuneexplication.

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«combienplus»,selonlaconvictionhéritéedel’Écriturequelarécompensedivinedépassedeloinlapunition(cf.Ex34).Etilattribue une influence spirituelle positive sur toutes lesgénérations àvenir aux fidèles qui se convertissent.PourPaulaussi le positif l’emporte de beaucoup sur le négatif.Mais cepositif tient à la grâce, non auxmérites ; car l’obéissance du« seul homme JésusChrist », qui fait face à la désobéissanced’Adam, est elle-même le fruit de l’initiative de Dieu qui aenvoyésonFilsdanslaconditionhumaine.

Il arrive que l’on fasse grief à Paul d’avoir introduit avecpessimismeledogmeduPéchéoriginel16.EnréalitéPaulnefaitquereprendrecertainesvuesrépanduesdanslejudaïsmedesontempsquantà l’interprétationdurécitdelaGenèseconcernantla condition humaine. Il peut s’en servir comme de vuescommunémentacceptées,pourfairevaloircequ’ilveutdireduChrist. L’interrogation de IV Esdras est poignante. Elle portenonseulementsurIsraël,maissurl’homme:pourquoiDieua-t-ildonnéorigineàunehumanitéincapabledanssagrandemassed’obéir à sa loi, à cause du cœur mauvais qui a été semé enAdam et est passé à tous après lui ? Il en ressort uneanthropologietrèspessimiste,et,enregardd’uneconceptiondusalut janséniste avant la lettre (IV Esd 7,118-131), Paul, quel’onaccuseparfoisdeforcerletraitdelaconditionpécheressedel’homme,apparaîtra«lumineux»:«làoùlepéchéaabondé,lagrâcesurabondé»(Rm5,20).

L’enseignement de Paul ne porte pas directement surAdam17, mais sur le Christ. Son originalité ne consiste pas àavoiraccentuéledésastrephysiqueetmoralconsécutifaupéchéd’Adam,mais à avoir proposé l’œuvre deDieu dans leChristJésus comme capable de ressaisir toute l’humanité et nonseulementunepartd’entreelle,cellequirecevaitlaLoi.

Bienplus: l’originalitédePaulestd’avoirmisl’origineetla prolifération du péché sous le signe de la rédemptionaccomplie dans le Christ. Ce n’est pas Adam qui explique leChrist, c’est la solidarité de l’humanité dans leChrist qui faitcomprendreet admettrecetteesquissequ’avait été la solidaritéenAdametquil’amieuxmiseenlumière.C’estcequefaitPaulendésignantAdamcommela«figure»deceluiquidevaitvenir(5,14). Ce sont les réalités dernières qui rendent compte desréalitéspremièresetnonl’inverse.Enréalité,c’estlanouveautédu Christ qui amène Paul à exploiter les traditions juives surAdametà lesexploiterdans lesensd’unemiseenreliefde lasolidaritéenAdam,bienplusquedanslesensd’uneaggravationdelaconditionhumaine(leIVeEsdrasestbienaussisévèrequePaul,sinonplus).Iln’estpasétonnantquedèsl’origineDieuaitvoulu une humanité solidaire,même si cela devait se traduire,d’abord et pour une part, dans une solidarité de péché et demort, car il voulait une humanité réussie non pas comme unagglomératd’individus,maiscommeunseulcorpsenChrist.

1.«Voilàpourquoi»:simpleliaisonrhétoriqueavecl’argumentprécédent?N’ya-t-ilpastoutdemêmeunlienplusprofond?L’excès de l’amour de Dieu pour des ennemis, pour despécheurs(5,8),n’est-ilpaslefondementdelasurabondancedela grâce par rapport au péché, telle qu’elle ressort de lacomparaisonentreAdametleChrist(5,20)?2.Lemanquequiaffectaittousleshommessansdistinction,enraisondeleurspéchés(3,22-23),seracomblé.3.LagrâcedeDieuétablitlepeupleéludansl’alliancedivine;lapratiquedelaLoin’apaspourbutdeprocurerl’entréedansl’Alliance,maisd’ymaintenir.4. Rm 5 n’est pas le premier passage où Paul se réfère au

personnagescripturaired’Adam;ill’avaitfaitdeuxfoisdéjàen1 Co 15 à propos de la résurrection. En 15,21-22 : « Par unhomme, lamort, et par un homme, la résurrection desmorts ;tousmeurentenAdam,tousserontvivifiésenChrist.»En1Co15,45-49 Paul prend le contre-pied de PHILON : ce n’est pasl’homme « spirituel » qui vient en premier, c’est l’homme«psychique»,celuiquin’aqu’unsouffle.5.Futurlogique.6.PierreBOGAERT,L’ApocalypsesyriaquedeBaruch,op.cit.,t.I,p.401-409.7.Cf.l’incise«tousontpéché»en5,12.8.Lesmajusculesà«Péché»et«Mort»signifientquePaullespersonnifiecommedesacteursquis’emparentdel’existencedel’homme.9.SaintAugustin,pourargumentercontrePélageetmontrerquepersonnenenaissait innocent, et que les enfantsmourant sansbaptêmeétaientvouésà l’enfer (etqu’il étaitnécessairede lesbaptiserpourlessauver)lisaitlafinduv.12:«enquitousontpéché»,c’est-à-direenAdam,commesilepéchéd’Adamavaitétélepéchédetous.Maiscettelectureestdoublementfautive:eninterprétantcetteincisecommeunepropositionrelative,etencherchant l’antécédent du soi-disant pronom relatif bien troploindanslaphrase,autoutdébutduverset(unseulhomme).Latraduction la plus conforme aux autres contextes où Paulemploielamêmeformulegrecque(éph’hô)est«parceque».Ilfautdonctraduirenonpas:enquitousontpéché,mais:parcequetousontpéché.10.Leverbegrecestàl’aoriste,ildésignedesactesquetousontaccomplischacunpoursoi.11. Ch. REYNIER, Pour lire la Lettre de saint Paul auxRomains,Paris,Cerf,2011,p.57-62,aexcellemmentexprimélerôlesymboliqued’Adamdanslaprésentationpaulinienne.Paul

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mouvementquiportelecroyantversleChristpourluiappartenir ;c’est lemouvementde l’actedefoiet lemouvement du baptême « vers Christ », « vers samort».Avec(syn)ditlacommunion,passeulementlajuxtaposition,mais l’entrée en communiondedestinavec le Christ crucifié, mort, enseveli, ressuscité :dans le baptême nous sommes associés à l’itinérairepascal du Christ ; nous avons seulement noté quecette communion de destin attend encore saréalisation définitive en ce qui concerne larésurrection ; dans le temps présent, il s’agit d’un«vivre-avec»;maiscelangageditaussilavieavecleChrist telle qu’elle sera dans la résurrection. EnfinPaul emploie (6,11) la préposition en (én) dans lafameuse expression « en Christ » pour dire lasituation présente et permanente du croyant ; il nefaut ni la matérialiser, ni la dissoudre dans unefumeuse spiritualité.Elledit à la fois ladépendance(éninstrumental:enChrist=parleChrist)etl’union(«én»del’incorporationauChrist);lecroyantvitenChristparcequ’ilsereçoitsanscessedelui,quiaétécrucifiépour lui et qui lui donne l’Esprit pourqu’ilsoitaveclui«unseulesprit»(1Co6,17).

Changementdemaître,changementdemari(6,15-7,6)

LepassagedurégimedelaLoiaurégimedelaGrâcenetournepasàlapermissivité,maisaucontraireilinaugureuneviedanslajustice;pourledirePaulemploiedeuxcomparaisons:celle

d’unchangementdemaître(6,15-23),etcelled’unchangementdemari (7,1-6).Un esclave passe du service d’unmaître à unautre ; une épouse passe d’un lien conjugal à un autre. Danschaquecas,enchangeantd’appartenanceonchangedeservice;les liensantérieurssont rompus.Unhomme,unefemme,selonle couplage fréquent du langage parabolique, qui est unemanière d’évoquer la totalité. Ce couplage renforce l’unitélittérairedelaséquence6,15-7,6.

Changementdemaître(6,15-23)

Ilarrivaitque l’ons’offreàquelqu’uncommeesclavepourdesraisonséconomiques.Paulpartdecettesituationetenfaitune métaphore sur le plan religieux. Normalement, vousobéissezàceluidontvousvousêtesrendusesclaves.Sic’estlePéché, ce sera pour lamort (spirituelle et temporelle), si c’estl’«obéissance»(sous-entenduàDieu),ceserapour la justice.L’obéissance doit être ici l’écoute de la foi qui accueillel’Évangile(cf.Rm1,5).C’estcequipermetderendrecomptedela phrase de Paul qui oppose à l’esclavage du Péché,l’obéissance, du fond du cœur, « au modèle d’enseignementauquel vous avez été confiés » (6,17)11. D’habitude c’estl’Évangilequiest«livré»,transmis;ici,cesontlescroyants.Ets’ilssontlivrésàl’enseignementqu’estl’Évangile,c’estenvuedevivredans la« justice» (la sainteté).Onnepeutpas servirdeuxmaîtres à la fois ; libérés de la servitude duPéché, vousêteslibrespourservirlajustice.IlestdoncinsensédedirequelajustificationparlagrâcedeDieuouvriraitlaporteauPéché.

Cettenouvellesituation,quiestunedonnéedefait,appelleun comportement conforme ; l’impératif éthique (6,19-23) estfondé sur l’indicatif de l’événement du salut (6,17-18). Après

avoir été en son corps, en toute sa personne, esclave del’impureté et du mal, un croyant a été libéré pour/et renducapablede/semettreauservicedelajusticeenconsacranttoutesavieauDieusaint.Lefruitenseralasaintetéetlavie,la«vieéternelleenJésusChristNotreSeigneur»(6,23).Telestledonde la grâce : il n’y a pas à craindre qu’en le soustrayant aurégimedelaLoi,ellel’asservisseaupéché(6,23renvoieà6,15).La structure indicatif/impératif est constante chez Paul ; ellearticuleledon(toujourspremier)etlecombat.

Changementdemari(7,1-6)

ÉcrivantàdesRomainsdontlaréputationd’expertsendroitne pourrait être surfaite, Paul prend l’exemple d’une femmemariée.Laloi/lecodelégal/lalieàsonmaritantquecelui-ciestvivant.S’ilmeurt,ellepeutseremarieràunautresansêtretaxéed’adultère. Elle est libérée de la loi qui la liait à son premiermari.Paultransposeensuitecetypedelienetdelibérationsurlasituationdescroyants,soitdeceuxqui,venantdujudaïsme,étaientliésàlaLoi(juive),soitdeceuxqui,venantdesNations,se croiraient ou se verraient obligés de s’y soumettre. Il peutprocéderà ce jeude langage,parceque lemot loi engrec (honomos)estdugenremasculin.La Loi était votre mari et votre maître (selon la conceptionantiquedumari,maîtredesafemme);maisvousn’avezplusàluiêtresoumis.Pourquoi?Parcequ’unemortestintervenuequivouslibèredetoutlienantérieurouéventuelàlaLoi.

Toute comparaison pèche par certains côtés. Il y a bien euune mort libératrice. Mais ce n’est pas le mari/figure de laLoi/quiestmort,maislafemme/lescroyants.

«Vousavezétémisàmortàl’égarddelaLoiaumoyen

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combienplus forte raisonmaintenant lePéchéqui«habite enmoi », peut-il profiter de la Loi pour me conduire à latransgressionetàlamort.AinsilerôledelaLoimosaïqueest-ilinterprété,etcommegénéralisé,parlerécitbibliquedesoriginesde l’humanité. S’il apparaît que pasmême la Torah n’avait lavocation et la compétence de changer l’homme, quel autresystèmereligieux,quelleautre« loi»pourrait le faire?Ainsi,pourPaul,l’histoiretypiquedeGn2-3auraserviàinterpréterlesensdelaLoidansledesseindeDieu9.

LaLoiutiliséeparlePéchéCommentPaul conçoit-il exactement cette utilisation de la

LoiparlePéché?LaLoi,occasiondeconvoitise?Onpeutvoircette idée présente en Rm 7,5 et 7,7-8. Mais cette lecture del’attrait du fruit défendu suffit-elle à rendre comptedu texte ?Ce que la Loi apporte de neuf, c’est l’information de laconscience, la « connaissance du péché » comme péché : « jen’aiconnulePéchéqueparlaLoi»(7,7).Rm3,20parleplusprécisément d’une épignôsis, une super-connaissance, uneexpérience du péché comme péché. La Loi agit commerévélatrice des exigences divines. Ce qui, sans elle, aurait pun’être qu’une faute matérielle devient désormais une fauteformelle,une«transgression10»(Rm4,15;Ga3,19).Tantqu’iln’y a pas de Loi, de précepte, le Péché demeure comme« engourdi » (« sans laLoi lePéchén’est qu’unmort », 7,8).Quesurvienneuncommandementdivin,lePéché«sedresseetprendvie11»),et«moiquivivais»auparavantsansloi,«jesuismort»(demortspirituelle,etdelamortphysiquequi,danscecas,enestlesceau).

FonctionrévélatricedelaLoiLafiguredelaLoin’estpasentachéepourautant.Elleaété

donnée«pourlavie»(10);elleest«sainte»,leprécepteest« saint et juste et bon » (12). Le drame est justement qu’enraisonduPéchéuneréalitéaussisainteaitpuêtredétournéedeson but et utilisée pour produire le contraire de ce qu’ellevisait:lamort(spirituelleetphysique).MaissilePéchéutiliselaLoi,cen’estcependantpasluiquialederniermot.Parlefaitmême, il a été obligé de se démasquer sous son vrai visaged’ennemi de Dieu, et donc aussi ennemi de l’homme. Enprovoquant la mort de sa victime, il est apparu sous son vraivisagede«séducteur»,mensongerethomicide:celaestarrivé«afinque,parlemoyenduprécepte,lePéchéapparaissecommepécheur par excellence » (7,13). « Par lemoyen de ce qui estbon il a produit pourmoi la mort » (7,13). Le Péché, s’étantrévélégrâceàlaLoidanstoutesanocivité,pourraplussûrementêtreéliminégrâceàl’humilitédelafoi.C’estdecettemanière,indirecte,quePaulconçoitlerôlepositifdelaLoi(enGa3,23,illuidonnaitlerôledenousgarderencaptivitéenvuedelafoiquidevaitêtrerévélée).

Deuxièmemouvement(débat):l’hommedivisé(7,14-23)

Le«récit»précédent,selonlequellePéchépeututiliserlaLoi,trouvesonexplication(v.14:«eneffet»)dansladivisionintérieure duSujet. Si leSujet (« Je ») était relativement actifdanslapremièrepartie,danslasecondeilestabsolumentpassif,paralysé.LediscoursdePaulfaitdeuxfoislemêmetrajet(14-17//18-20),maisavecdesvariantessignificatives.

Lalogiquedudiscoursconsisteàdéduiredelafaiblesseet

deladivisionintérieuresduSujetsonasservissementàunautrequelui,àsavoirlePéchépersonnifié.

UnSujetfaibleparceque«charnel»Noussavonseneffetque«laLoiestspirituelle»(14);cela

représente la concessio à la foi communautaire (verbe aupluriel:noussavons);iln’enrestepasmoinsque«jesuisunêtre de chair » (14c) et « je sais » (verbe au singulier del’expérience personnelle) « que nul bien n’habite en moi »(18a).Sansambiguïté, laLoiestditenonseulement«sainte»(12), mais « spirituelle » (14), c’est-à-dire qu’elle relève dumonde de Dieu. Le sujet humain, quant à lui, s’expérimente«charnel»(sarkinos)12;cetadjectifpaulinienestpris icidansun sens très péjoratif (cf. 1Co3,1) ; il est commentépar uneimaged’esclavage:«vendusouslePéché»(14b),c’est-à-direlivré à son pouvoir comme un esclave à son maître. Vu cecontrasted’origineetdenatureentre laLoi et leMoi, il n’estpasétonnantqueleSujethumainnepuissesehisserauniveaudes exigences de laLoi.Cela ne relève pas d’une question devolonté,maisdepouvoir,cequelediscoursdePaulvarépéteràsatiété.

Dans le parcours parallèle, « enmoi » (18a) est repris par«c’està-direenmachair»(18b);Paulopèreunecorrectio:cen’est pas en toutmoi-même que le bien n’habite pas. Comme«voulu»,désiré,ilyhabite,maispascommeaccompli.Àvraidire,parleseulvouloir,iln’y«habite»pasvraiment,il«gît»(parakeitai) seulement « auprès de moi ». La division se ditaussi entre l’« intelligence » et les « membres » (23), entrel’« intelligence» et la« chair » (25), point devuedualistedel’anthropologiegrecque.DanscechapitrePauljouesurlesdeuxregistresdelaculturejuiveetdelaculturegrecque,facilitantles

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mishpatim)etenabandonnantlespréceptespropresaujudaïsme(leshuqim).Paulnedemandepas:quefaut-ilgarderdelaLoi?Mais:quelleheureest-il?SommesnousencoreautempsdelaLoi,autempsdelaminorité,«souslaloi»?ouàl’heuredesfils,libres?(Ga4,1-6).

2.Àpartirdel’influenceculturelledel’hellénismeLa lecture de Paul à partir du judaïsme hellénistique n’est

pasneuve.MaiselleaétérécemmentdéfendueavecvigueurparD. Boyarin37. À son point de vue, l’influence diffuse del’hellénisme, plus précisément du platonisme, se faisait sentirpartout,ycomprisdanslejudaïsmepalestinien.C’estàpartirdecetteinfluencequePaulauratrouvélesoutilspourrépondreàlaquestion lancinante qui était la sienne comme Juif. Commentserait-il possible que le Dieu unique, tout en étant le Dieud’Israël, ne soit pas aussi le Dieu de toute l’humanité ? PourBoyarin,laquestionmajeurequeleJuifPaulprenaitausérieuxétait lesalutuniversel (passeulementdesJuifs) ;« lesœuvresdelaLoi»sontàinterprétercommelamarquedelaspécificitéjuive,ellesnepeuventcommetellesconduireausalutuniversel;maissionlesinterprètecommelafacematériellesignifiantedusignifiéqu’estl’Israëlselonl’esprit,onpeutrendrecomptedes« incohérences » pauliniennes : d’une part, la Loi est«malédiction », inopérante pour le salut ; d’autre part la Loicomme spirituelle, comme révélatrice des commandementsdivins universels, comme appelant une réponse de foi, esttoujours valide. Pour Boyarin, c’est donc la lecture«allégorique» (commeprincipeherméneutiqueaussibienquecomme principe anthropologique) qui rend compte descontradictions apparentes de Paul. La Loi/les œuvres de laLoi/sontlecorps(matériel)quisignifielarelationspirituelle,lafoi. Selon que l’on souligne l’aspect corporel/matériel

d’intégrationàl’Israëlselonlachair,laLoiestdévaluée;selonque l’on souligne le « signifié »/la foi on récupère les«commandements» (1Co7,19).LaconversiondePaulsur lechemindeDamasaconsistédanslaprisedeconsciencedecettesignificationallégoriquedelaLoienphaseaveclasignificationdelacrucifixionduChrist.

« La crucifixion est ce qui rend possiblel’accomplissementd’Israëldans lachairpar Israëldansl’esprit, et de ce fait abolit la différence entre Juifs etGrecsetleurreconstitutioncommelenouveletsingulierPeupledeDieu.Ceuxquidemeurentasservisparlesenslittéral en herméneutique sont nécessairement asservispar lachairet lesélémentsdumonde,etpar làrendentvainlesacrificedeJésus.Àmonavis,telestlemessagefondamentaldeGalatesetfinalementdetoutPaul,déjàpleinement révélé en ce moment unique où le Christressuscité– leChrist selon l’esprit – apparut àSaul lePharisien, lui qui n’avait jamais connu Jésus selon lachairetfutenmesuredetransformercedésavantageenavantage.Uneherméneutiqueplatonicienne,semblableàcelle de Philon, est ce qui donna pouvoir et énergie àl’Évangile de Paul, quelque différentes que soient lesvisionsmorales et religieuses de ces deux Juifs du Iersiècle38.»

On peut rester interrogatif devant l’attribution d’une tellecoloration platonicienne de la pensée paulinienne. Mais onretiendra la connexion entre sens de l’universalisme etrelativisationdelaLoi.Certainsexégètespensentmêmequeladécouverte d’une vocation universaliste a été première etfondamentalechezPauletquelamiseenquestiondelaLoiest

intervenue seulement en un second temps. Cette successionchronologique ne s’impose pas, mais bien l’articulation desdeux.

3.Àpartird’uncertainpessimismeanthropologiqueFairegrief àPauldedéfigurer le judaïsmeen insistant sur

l’incapacitéhumaineàaccomplirlaLoinetiendraitpascomptedecertainscourantsattestéssoitàQumran,soitunpeuplustarddansleIVeEsdras.

«Car qu’est-ce que l’homme pour que tu t’emportescontre lui,ou legenrehumaincorruptiblepourque tuaies de l’amertume à son sujet ? En vérité il n’estpersonneparmiceuxquiontétéengendrésquin’aitagide façon impie, et personne parmi ceux qui teconfessentquin’ait failli.Carc’estenceciqueserontannoncées ta justice et ta bonté, Seigneur : lorsque tuauraspitiédeceuxquin’ontpas le soutiendebonnesœuvres»(8,34-36).

Certes,quandPaulrelitsonpassépharisien,ilnesetrouvepas en défaut (Ga 1 ; Ph 3), mais comment la prise deconscience de s’être violemment opposé au dessein de Dieu,quand celui-ci lui est révélé dans le Christ, n’aurait-elle paschangé son regard et son évaluation ? Il faut reconnaître alorsque s’il y a un pessimisme anthropologique chez Paul, il estl’effet d’un contrecoup ; il n’est pas la source de sarelativisationdelaLoi.

On a dit que Paul ne serait pas allé du problème à lasolution,mais de la solution auproblème.Onveut dire par làquec’estàpartirde la rédemptionenChrist Jésus,quePauladécouvert l’universel besoin de salut, aussi bien chez les Juifsque chez lesnon-Juifs.Onpeut le penser, aumoins en cequi

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danger, aucunepuissancede cemondene saurait nous séparerdel’amourdeDieuenChristJésus.

L’inaugurationdelaliberté(8,1-4)

Au début du chapitre 8 retentit à nouveau un « maismaintenant»,commeen3,21.Onachangéd’époque:àcellede

laservitudesuccèdecelledelaliberté:«Laloidel’Espritdelaviet’alibérédupéchéetdelamort»(8,2).

«Laloidel’Espritquidonnelavie»

L’énoncé de la « proposition » reprend le langage de la«loi»,maiscen’estplusausensdelaLoimosaïque,c’estausensduprincipedeviede lanouvellecréationquine resteenaucune façon extérieur à l’homme ; cette loi consiste3 enl’Esprit luimêmecommedynamisme intérieurdes croyants.Del’EspritdeDieu,Paulvadirequ’ilhabiteeneux(8,7)etqu’illesconduit(8,14).

PourtantPauln’hésitepasàdirequel’œuvredeDieudansl’envoidesonFilsaeupourobjectifetpourrésultatdefaireensorte que « la prescription4 de la Loi fût accomplie en nous,nous qui vivons non pas selon la chair mais selon l’esprit »(8,4). Si les croyants ne sont plus soumis aux multiplesprescriptionsdelaLoi,ilsn’ensontpasmoinsrenduscapablesderéalisercequiétaitlaviséefondamentaledelaLoi:lajusticequisetrouverécapituléeetaccompliedansl’agapè(Rm13,10).Et celle-ci a sa source et sa figure dans l’agapè de la croix àlaquelle ils communient en vivant « en Christ Jésus ». Aprèsavoirmontréauchapitre7 les limites inhérentesà laLoi,Pauln’enconsidèrepasmoins lavaleurpermanentede l’orientation(sensdumotTorah)qu’elledonnaitvers la justice.Iln’estpasquestiond’yrenoncer.AssezparadoxalementPauls’exprimeicicommesiDieuvenaitausecoursdelaLoi,pourl’arracheràsonimpuissance!MaistelétaitbienlecontenudelaPromessefaiteenJr31,31ss(38,21LXX)etEz36,36.

LacondamnationduPéchédanslachair

Dansunraccourcisaisissant,le«récit»deRm8,3-4metàgrands traitssous lesyeuxdu lecteur lesmomentscritiquesdel’histoire du salut et il le conduit aux bords de la situationprésente:lerègnedupéché,l’impuissancedelaLoiàcausedelafaiblessedela«chair»,l’envoiparDieudesonpropreFils« dans une chair semblable à la chair de péché », lacondamnationduPéchédanslachair,làmêmeoùilexerçaitsamalfaisance,lavienouvelledescroyantsquin’estplus«selonlachair»,mais«selonle(E)sprit».

CequelaLoin’avaitpasréussiàfaire,c’est-à-direéliminerlepéchédelaviehumaine,Dieul’afaitparl’envoidesonFils«en ressemblanced’unechairdepéchéetpour lepéché».La«ressemblance»n’atténuepas,maisdistingue:leChristn’étaitpaspécheur(2Co5,21),maisilnes’estpasexemptédeslimitesde la condition humaine héritée du péché, il en été solidaire.«Pourlepéché»pourraitêtrecomprisausensde«(sacrifice)pour le péché5 » ; en Rm 3,23 Paul faisait du Christ crucifiél’expressionpar excellencedupardon sacrificiel.Mais le senspeutêtreplusgénéral :àcauseduPéché,c’est-à-dire,dansunsens agressif, pour le vaincre6. La croix du Christ Jésus n’estpas explicitement désignée, mais c’est bien d’elle qu’il s’agitquandPaul pense à la condamnation duPéché, car l’envoi duFils nepeut êtredétachéde cemoment critiqueoù l’humanitépasseduvieuxmondeaumondenouveau(cf.Ga1,4).

Cette « condamnation » est la face négative de l’œuvrelibératricedeDieudans leChrist.Onauraitpus’attendreàcequeleJugementdivinatteignelespécheurs;unecondamnationabieneulieu,maisellenefutnicelledespécheurs,nicelleduChrist, mais celle du Péché. Il a été « condamné », non pasverbalement,mais réellement.Le langage est juridique (verdictde condamnation), mais la réalité est existentielle7. La

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cidessusdeRm3,25-26).L’amourdeDieuetduChristquiestexalté du commencement à la fin (32.35.37.39) est celui queDieu et le Christ portent aux humains, plus spécialement auxcroyants qui subissent toutes sortes d’épreuves, jusqu’au« glaive », en raison de l’Évangile (allusion aux souffrancesapostoliques,8,35).LacitationduPs44,23 (Rm8,36)montrequelescroyantsparticipentauxépreuvesdelaPassion;celle-cinelesapasmisàl’abridesrisquesetdelasouffrance,maisleuraouvertlechemindelavictoire.

L’espérancejuiveet«leprincipeespérance»paulinien

Si ce n’est que la Torah n’occupe plus la place centrale del’Économie du salut – et c’est une différence de taille –l’enracinementbibliqueetjuifdeRm8estmanifeste.Neserait-cequeparlevocabulaire29.Maissurtoutlesgrandsespacesdel’économiedusalutet lesgrandsthèmesdelafoid’Israëlsontici récapitulés, tels que les récapitulera, en les reprenant dansune perspective de philosophie religieuse, un FranzRosenzweig30 : lacréation, la révélation, la rédemption ; ilssetrouvent presqu’en une seule phrase dans ce chapitre : lacréation (8,19) attend avec impatience la révélation (8,19) desfils de Dieu… la rédemption (8,23) pour notre corps. Sansajuster immédiatement ces thèmes au langage de Paul, ils ensont très proches, on touche bien là le fond de l’espérancebiblique et juive. Elle ne se limite pas à Israël, elle concernel’humain, elle implique la création tout entière, elle s’achèvedans le « nous » d’une communion, celle de la multitude defrères dont le Fils de Dieu est le premier-né (8,29). Bien

enraciné dans sa foi originelle, Paul laisse voir aussi ladifférencequiluivientdesafoinouvelle.Maisonpeutdireentoute vérité, avec Pamela Eisenbaum : dans l’Épître auxRomains,c’estunJuifquiparle.

«Souslamodalitédel’espérance»(8,24)

Israël, le peuple de Dieu, a toujours excellé dansl’espérance. Son histoire a été constamment marquée par lescrisesetlesdélaisderéalisationdusalut,quil’ontamenéàenreconfigurer la figure et les chemins. Ce n’est pas sans cetenracinement biblique et juif qu’ont pensé et écrit cesphilosophes judéo-allemands du XXe siècle que l’on a pudénommer « les témoins du futur31 », et, parmi eux,spécialementErnstBloch,auteurduPrincipeespérance32.

« Il est impossible que n’advienne point le temps duroyaume:c’estverscetempsquerayonne,ennous,unesprit qui refuse toute dé-mission, qui ignore toutedéception33.»«Laphilosophiedel’espérancedeBlochestavanttoutunethéoriedu“Non-encore-être”,danssesdiverses manifestations : le Non-encore-conscient del’être humain, le Non-encore-devenu de l’histoire, leNon-encore-manifesté dans le monde… Dans cettemodalité très particulière de la dialectique typiquementromantique entre le passé et l’avenir, l’enjeu est ladécouvertedel’avenirdanslesaspirationsdupassé–sousformedepromessenonaccomplie34.»

Sauf marxisme incorporé, Paul ne pourrait que sereconnaîtredanscette formulationduPrincipeespérance.Sauf

aussilacertitudequeledécisifdecetteespéranceaétéaccomplidanslarésurrection(eschatologique)duChristJésus.Maispourluiaussi,ilresteun«inaccompli».«Carc’estsouslamodalitédel’espérancequenousavonsétésauvés.Orl’espérancequ’onvoitn’estplusuneespérance :cequ’onvoit,peut-on l’espérerencore?Maissinousespéronscequenousnevoyonspas,nousl’attendons avec persévérance » (Rm 8,24). Maintenir cetteouverture vers l’avenir est une préoccupationmajeure de Paulchezlescommunautésecclésiales,quanddescroyants,telsceuxdeCorinthe,secroiraientdéjàassisdanslescieuxenvertudelasagesse que leur donne la foi nouvelle, alors que les apôtres,dans la foulée du Christ crucifié, sont livrés comme desgladiateurs dans l’amphithéâtre du monde en spectacle auxangesetauxhumains(1Co4,6-13).LafinaledeRm8évoqueelleaussicettesituationcritique(8,35-39).

«Lesprémicesdel’Esprit»(8,23)

Cesontprécisémentces«prémices»,queconstitueledonde l’Esprit au plus intime des cœurs (Rm5,5) commedans lacommunauté des croyants (1 Co 12-14), qui fondent etsoutiennent l’espérancepaulinienne35.Lesprophètesde l’Exil,Jérémie et Ézéchiel, ont prophétisé une nouvelle alliance, unenouvellecréation,quidevaientatteindrel’hommeauplusintimedelui-même,soitqueDieuécrivesaloisurlecœur(Jr31),soitqu’ilcréeuncœurnouveau,qu’ilymetteenespritnouveau,etmême son esprit (Ez 36). ÀQumran aussi, on escompte cettevictoirede l’EspritSaintdonnéparDieusur la faiblessede lachair36.C’estcedondel’Esprit,nonseulementpourvaincrelafaiblessedelachair,maispourhabiteretconduirelescroyants,pour leur donner une vie et une prière filiales, que Paul voit

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(9,6-29).B–Nonseulementcen’estpasDieuquiestprisendéfaut,

mais c’est Israël qui, sous couvert de zèle pour « une loi dejustice»,amanquéla«justicedeDieu»ets’esttrouvédanslecampdeladésobéissance,tandisquelesNationsaccédaientàlajusticeetausalut(9,30-10,33).

A’ – Mais la désobéissance n’est pas le dernier mot, car«Dieun’apasrejetésonpeuple».Nonseulementparcequ’ilya un Reste, mais parce que ce Reste préfigure déjà lamiséricordequipourraitêtrefaiteà«toutIsraël»,toutcommeles prémices sont un gage de sanctification pour la pâte toutentière. Effectivement Paul fait part de la révélation de ce«mystère»:«toutIsraëlserasauvé»(11,1-32).

Conclusionhymnique(11,33-36).

Survoldudiscours

UnsurvolduparcoursdeRm9-11pourraitaider les lecteursànepasêtredéroutésquandilssuivrontlesdédalesdutexteetdesoncommentaire.

Dans un premier temps, Paul « sauve » (si l’on peut ainsidire) la Parole deDieu ; elle n’a pas échoué, puisque dès lesoriginesd’Israël,elleaengendréunehistoiremarquéedusceaude lagrâce,de lagratuité absolue : c’était la seule façonpourDieudeserévéler,luietsondessein(quinepeutpasreposersurlesqualificationshumaines,maissursaseuleinitiative,quandilveut se communiquer lui-même). Pour continuer la mise enœuvre de son dessein, le Dieu d’Israël n’a jamais choisi les« ayant droit » selon des conceptions purement humaines. Iln’est pas surprenant quemaintenant encore la Parole deDieusoit fidèleàelle-mêmequandelleappelleun« reste»au sein

d’un Israël sociologique, qui ne s’identifie pas purement etsimplement à l’Israël de Dieu, et y adjoint les croyants desNations(«cequin’étaitpasaimé»–Esaü,figuredesNations–est devenu « aimé » : n’est-ce pas aussi et déjà une promessepourceuxqui,pourl’instant,nesontpaschoisis?).

Dans un deuxième temps, Paul souligne la responsabilitéd’Israël dans cet échec de l’Évangile. Il s’est attaché avec unetellefidélitéàlajusticedelaLoiqu’elleestdevenueobstinationetqu’ilestpasséàcôtéde lavraie justicedeDieu,cellede lafoi. Israël s’est trouvé désobéissant par zèle.Au contraire, desNations « inintelligentes » accueillaient l’Évangile, de quoiprovoquerlajalousiedesfilsd’Israël,s’ilsn’yprenaientgarde.Leursyeuxsesontenténébrés;ouplutôtDieulesaenténébrés.CarsiIsraëls’estendurci,cen’estpassansémargeràundesseindeDieuquiledépasseetl’intègre:«ilaétéendurci».Paulneditpasencorequelrôlepositifpeutrecevoircetendurcissementdans la figurefinalede l’économiedusalut. Il lediraquand ilréfléchirasurle«mystère»dontilvafairepart.Pourl’instantilnous laisse sur l’image deDieu qui « tout le jour a tendu lesmainsversunpeupledésobéissantetrebelle»(10,21).Maiss’iltendlesmains,lapartien’estpeut-êtrepasfinie?

C’est alors que, dans un troisième temps, Paulmartèle lesquestions,commepourouvrirlaportedel’espérance.Dieua-t-ilabandonnésonpeuple?Non;l’Écritureditlecontraire.Ont-ilsfait une chute définitive ? Non, seulement un faux pas. Si laracineestsainte, lesbranchesne lesont-ellespasaussi?Biensûr. Et toi, le paganochrétien, olivier sauvage, peux-tu faire lefier en regardant de haut les branches coupées de l’olivierfranc?Dieun’est-ilpascapabledelesbrancherànouveausurleur propre olivier, bien plus naturellement qu’il ne t’a greffétoi-même ? Garde-toi de toute arrogance, qui t’exclurait de lagrâcedeDieu.

Alors, Paul sort de l’hypothèse ; éclairé par la révélationd’unmystère,ilditaveccertitude:«Israëlestdevenuobtus,enpartie, jusqu’à ce que la totalité des non-juifs soit entrée. Etc’estainsiquetoutIsraëlserasauvé»(11,25-26).Etilréfléchit:c’estunprocessusd’interdépendancequeDieua instituéentreIsraëletlesNations.Ilfautquetouràtour,enfonctiondurôledesunsetdesautresdansl’histoiredusalut,ilssoientbouclésdansladésobéissancepourrecevoirlesalutcommemiséricordefaite à tous, et se retrouver ensemble comme une humanitéfraternelledanslagrâcedeDieu.

1.Textes sur les relations entreÉglise catholique et judaïsme,depuis Vatican II jusqu’à 1998, facilement accessibles,rassemblés et présentés par D. CERBELAUD, dans Chemin deDialogue n° 12, Marseille, 1998. La référence à Rm 9,5(privilègesd’Israël),àRm11,17-14(l’oliviersauvageetl’olivierfranc)etàRm11,28-32(appeletdonsdeDieusansrepentance)revient plusieurs fois dans ces textes. Plus récemment : « LesJuifs dans les lettres de Paul et d’autres écrits du NouveauTestament », dans COMMISION BIBLIQUE PONTIFICALE, Lepeuple juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne,Vatican-Paris, Libreria Editrice Vaticana-Cerf, 2001, p. 189-201.2.Ainsi la prière d’Azaria dans l’addition grecque du livre deDaniel 3,25-45, qui doit être la trace d’une prière liturgiqueancienne. – Des propositions d’analyse rhétorique oustructurellepeuventêtrefaitesàl’intérieurdechaquepartie(cf.J.-N.ALETTI).Pourd’autrespartitionsde l’ensemble,voirCh.PERROT, Cahier Évangile 65, p. 46, plus attentif au« mouvement général de la désolation à l’espérance » ; S.LÉGASSE,op. cit., p. 566 : une partie plus apologétique (9,1-

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celui-làaétéengendréenvertudelapromesseetdel’assistancesurnaturelledeDieu.Paul fait jouer ici lamêmeantithèsequedansl’allégoriedesdeuxfemmesetdesdeuxfilsdupatriarchedansl’ÉpîtreauxGalates:«Celuidelaservanteestnéselonlachair, celui de la femme libre en vertu de la promesse » (Ga4,22-23). Les véritables enfants d’Abraham, ce sont donc les« enfants de Dieu ». Ou encore, ce sont les « enfants de lapromesse»qui«comptentcomme“descendance”»(8b),commele confirme « cette parole », qui est une parole de promesse(9a) : «À cette époque je viendrai et Sara aura un fils » (Gn18,10).Naturellement dans cette relecturePaul laisse entendreque les vrais enfants d’Abraham sont les croyants de JésusChrist,d’originejuiveoupaïenne.

Danslalignéed’Isaac:Jacob(v.10-13)

Paulfaitmaintenantunpasdeplus:l’appeldeDieuopèreune nouvelle sélection à l’intérieur de la descendance d’Isaac.Contrairementauxusetcoutumesdel’époque,illaissedecôtéÉsaü, l’aîné, et choisit le cadet, Jacob.Maintenant il ne s’agitplusd’unchoixentredeuxenfantsissusdefemmesdifférentes(Agar, Sara), mais entre deux enfants, qui plus est deuxjumeaux, nés d’une même mère, Rébecca. Cette fois, aucunavantageextérieur,aucuneprééminencesociale(filsdelafemmelibreetnonfilsdelaservante),nepourraitfonderlapréférencedeDieu.Cecasillustredonclagratuitéradicaleduchoixdivin.Ces enfants n’étaient pas encore nés, ils n’avaient encore rienfaitnibien,nimal(Paulometdementionnerle«conflit»desdeux jumeaux dans le seinmaternel !), et pourtant il fut dit àRébecca : l’« aîné servira le cadet ». Cela pour illustrer quel’«élection»(cemotcléparaîticipourlapremièrefoisenRm9-11)«nedépendpasdesœuvres,maisdeCeluiquiappelle»

(Dieu) (11-12).Ledessein deDieudoit semettre enœuvre et« se maintenir, dit Paul, selon l’élection » (11b). C’est unequestiond’authenticité:siDieuagit,celanepeutreleverquedeson libre choix, sans que cela lui soit imposé par une valeurantérieurequelconque.

EnconfirmaturdecetteparoletiréedelaTorah,Paulamèneunecitationdesprophètes,empruntéeàMalachie :«J’aiaiméJacob, mais j’ai haï Ésaü » (Ml 1,2-3). La suite du passageprophétiquedisait:«J’ailivrésesmontagnesàladésolationetsonhéritageauxchacalsdudésert.»Cequiamèneàpenserquec’est le destin historique des peuples, et non celui despersonnes, qui était visé. De même dans la parole dite àRébecca, il s’agissait de ces deux peuples qui déjà secombattaient en son sein. Des exégètes en prennent argumentpour montrer qu’en ces choix d’amour ou de haine, il nes’agissait pas de prédestination éternelle (salut, damnation),mais de destin historique. Cette remarque est sûrementpertinente au niveau du livre de Malachie. Mais, dans lecontextedeRm9etdanslelibellédescitations,rienn’indiqueque Paul songe à des peuples plutôt qu’à des individus. Pouréchapper à la conclusion que l’on veut éviter, il suffit deremarquer qu’effectivement le salut éternel n’est pas en causedans les textes cités ni dans leur citation,mais seulement leurexemplaritéquantàlamanièredontDieuconduitlaconstitutionhistoriquedesonpeuple.C’estcequi intéresse la relecturedePaul.Quantà l’antithèsede l’amouretde lahaine,onnes’enoffusqueraquesil’onméconnaîtqu’ilnes’agitpasd’aborddesentiments, mais de choix préférentiels de l’un par rapport àl’autre, et de choix qui s’expriment par des rôles accordés àcelui-ci,pasàcelui-là3.

Objectionsetdébats(9,14-24)

Cependantunetellemanièredeconduirel’histoiredusalutn’estpassansposerdesquestionssurlajusticedeDieu(v.14-18etv.19-24). Le discours de Paul avance en prenant en compte cesobjections – introduites chaque fois par une prise de parolehumaine qui conteste le bien-fondé de la parole divine, lasecondefoisauborddel’insolence:«Quedirons-nousdonc?Ya-t-ildel’injusticeenDieu?»(v.14).«Tuvasdoncmedire:dequoiseplaint-il?»(v.19).

DébatsurlajusticedeDieu(9,14-18)

LeschoixdeDieu, radicalementgratuits, sansaucunégardauxsituations,antérieursmêmeàtouteresponsabilitéhumaine,ne constituent-ils pas une injustice ? Paul écarte l’objectiond’un revers de main : « Jamais de la vie ! » (v. 14). Maisl’argumentationquisuitest-elledirimante?

En effet, pour répondre à l’objection, Paul se réfère à lasecondephasefondatricedel’existenced’Israël:l’ExodeetlesdeuxfigurescontrastéesdeMoïseetdePharaon(v.14-18).L’unest objet de miséricorde et l’autre d’endurcissement. Maispourquoifairemiséricordeàl’unetendurcirl’autre?Siencoreletextefaisaitréférenceàlapiétédel’unetàlaculpabilitédel’autre, on tiendrait enmains quelquemotivation satisfaisante.Maisriendetoutcela.CommesiPaulfaisaitexprèsdechoquer.Maisc’estprécisémentquelasituationactuelleestchoquante:qu’a donc fait de mal Israël pour être endurci face à lapropositiondel’Évangile?Jusqu’àprésentPaulneseplacepasau point de vue de la culpabilité ou de l’innocence humaines.Sonproblèmen’estpasmoral,mais théologal : commentDieu

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Rm9,24-26, cf. J.-N.ALETTI, «Le statut de l’Église dans leslettres pauliniennes »… Biblica 83 (2002), p. 153-174 ; P.BONY, « La figure du “peuple Dieu” dans l’ecclésiologiepaulinienne»,CDD,37,p.60-61; ilsemblebienquePaulnedise « peuple de Dieu » à propos de l’« Église » que par letruchement de citations, et qu’il donne la préférence à lamétaphoredelafamilledeDieu(enRm9,26,oùlemotfinalest«filsduDieuvivant»,eten2Co6,14-18).11.Paulappliquelescitationsd’Os2,25et2,1bdanslesv.25-26 aux croyants desNations et les citationsd’Is 10,22-23,Os2,1a et Is 1,9 dans les v. 27-29 au Reste que constituent lesjudéo-chrétiens. Voir l’argumentation exégétique pertinente deJ.-N.ALETTI,CommentDieuest-iljuste?,op.cit.,p.168-173.EncequiconcerneleReste,unegezerahshawa(interprétationl’un par l’autre de deux passages de l’Écriture contenant desexpressions semblables) permet à Paul d’interpréter Os 2,1aLXX(«Lenombredesfilsd’Israëlétaitcommelesabledelamer)parIs10,22(«silenombredesfilsd’Israëlétaitcommelesable de lamer, le Reste sera sauvé ») – on ne reste pas surl’échec.12.Là-dessusvoirJ.-N.ALETTI,IsraëletlaLoidanslaLettreauxRomains,op.cit.,p.180-184.

Rm9,30-10,21

Zèleetdésobéissance

Dans la séquence précédente, Paul a mis en quelque sorte ensûretélaParoledeDieu:elleaétéfidèleàelle-même;elleestcertesdéroutante,maisl’hommenesauraitrienluireprocher,àmoins d’excéder sa condition de créature. La séquence quis’inaugure en 9,301 par une nouvelle question : «Qu’est-ce àdire?»montrebienquetouslesproblèmesnesontpasrésoluspour autant.Même si la Parole a fait surgir dans l’histoire un«nous»decroyants,ouvertsauxNations, iln’yaqu’unrested’Israëlaenfairepartie.Passons-nousmaintenantaudeuxièmetempsdumodèlebibliquedesprièrespénitentiellesdujudaïsmepost-exiliqueaprèslaconfessiondelafidélitéirréprochabledeDieu, la confession du péché du peuple ?C’est vrai pour unepart.Cependantsilerepéragedecettestructure«liturgique»aunecertainepertinence,onn’estpasdans lecontexte littéraired’uneconfessioncollective,onn’estpasdansuneliturgie,maisdansundébatthéologique.Ilestbienquestionmaintenantd’unedéfaillanced’Israël;Paulvaparlerclairementdedésobéissance,depeuple « in-docile et rebelle » (10,21) ;mais le face-à-facen’estpasceluidelafidélitédeDieuetdel’infidélitéd’Israël,ilest celui, paradoxal, du « oui » des Nations et du « non »d’Israël. Comment rendre compte d’un tel renversement despositionsetquel senscelapeut-ilavoir, s’ilenaun?Paulnepose plus le problème de l’identité de l’Israël authentique àtraversl’histoirecommedanslasectionprécédente;ilseplaceau point de vue de l’ensemble de l’Israël contemporain, Israël

religieux, fermement attaché à la Loi dans la recherche de lajustice.Lapermanenced’unrestefidèleestpasséesoussilence;toutelalumièreestbraquéesurIsraëlquiestentraindepasseràcôtéde l’offredivinede la justiceetdusalut.ParzèleIsraëlachoisi l’attachement à la Loi contre l’Évangile. Du coup, enmatièrede«justice»,lesNationsontprisl’avantagesurlui.

Structurelittéraire2

A – Un nouvel exorde (9,30-10,4) relance le débat(« Que dironsnous » ?) en exposant la situation. LesNationsonttrouvésanslachercherunejusticequ’Israëln’a pas su reconnaître. Il a buté contre la pierred’achoppement, leChrist,quiestpourtantlesalutpourquiconquecroitenLui(citationd’Isaïe).«Christesteneffet la fin (le but ?) de la Loi pour la justice de toutcroyant » (10,4). Cet énoncé conclut l’exorde et tientlieudepropositiopourledéveloppementchristologiquedesv.5-17.B – Le développement christologique3 (10,5-17) metface à face, moyennant des citations scripturaires duLévitiqueetduDeutéronome,deuxfiguresdelajustice:lajusticedelaLoietlajusticedelafoi,poursoulignerquecelle-ci,commeconfessiondefoiauChristpascal,ouvre le salut à tous les croyants, Juifs et Grecs, sansdistinction;celaaétéproclamédanslemondeentieretIsraëln’apaspul’ignorer.A’ – La péroraison (10,18-21) revient au constatparadoxal de l’exorde : entre Israël et les Nations,l’obéissance a changé de camp. Déjà l’Écriturel’annonçait.

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analogies (des analogies seulement) dans la libertéavec laquelle des écrivains juifs relisaient ce texte(souventcité):

Baruch(enfonctiondelaSagesse)3:29 «Quimonta au ciel pour la saisir et la fairedescendredesnuées?30Quipassa lamerpour ladécouvriretlarapporterauprixd’unortrèspur?»Elle est identifiée, il est vrai, en 4,1 avec « le Livredes préceptes de Dieu, la Loi qui subsisteéternellement;quiconquelagardevivra,quiconquel’abandonnemourra».

Philon(enfonctionduBien)«Cequ’il(Moïse)appelle“voisin”et“proche”,estle bien ; car, dit-il, il n’y a pas à s’envoler vers leciel, ni à atteindre l’extrémité de la mer, quand ils’agit de rechercher labeautémorale : elle se tientprocheetauvoisinagedechacun.Etildiviselebienen trois sections, en parfaite conformité avec lanature des choses : “Il est, dit-il, dans ta bouche,danstoncœuretdanstesmains”,c’est-à-diredanslesparoles,dans les résolutions,dans lesactions»(DePosteritateCaïni,84-85).

Pour Baruch et Philon, la Sagesse ou le Bien sontl’expressionmême de la Loi. On ne sort pas dumême cercleavecd’autresfigures.IlenvatoutautrementchezPaul.Onn’estplus dans la simple répétition de l’Écriture, mais dans unerelecture qui y cherche (et y trouve !) des appuis pour rendrecompte d’une situation inédite. C’est l’événement « ChristJésus»,quis’imposeàPaulcommeinitiativeeschatologiquede

Dieu,etquivaremodelerlalecturedeDt30pourluifairedirel’annonce de cette Justice de Dieu que le Deutéronomecaractérisaitparlecommandementdel’amour(Dt30,6)etquisetrouveêtre la Justicequevisait laLoi, sanspouvoir la réaliserelle-même,carelleconsistedanslacommunionauChristpascalofferteàquiconquecroit,au-dedansetau-delàdumondejuif.

L’universalitédelapropositiondelajusticedelafoi(10,14-17)

Après cette confrontation entre la justice de la Loi et lajusticedelaFoi,Paulreprendlacitationd’Is28,16:«Celuiquicroit en lui ne sera pas confondu », en y ajoutant l’adjectif« tout » : « tout homme qui croit en lui ». L’adjectif « tout »(masc. sg.), « tous » (masc. pl.) balise et unifie cette petitesection (11,12,13,16). Comme en Rm 3,21-31, Paul souligneque la justification par la foi est la seule à faire disparaître ladiscrimination entre un peuple particulier et lesNations : « Iln’yapasdedifférenceentreleJuifetleGrec»(10,12).CequiétaitditdeDieuenRm3,29:unseulDieuquiestleDieu,nonseulementdesJuifs,maisaussidesNations,estditmaintenantdu Seigneur Jésus, qui est « le Seigneur de tous, riche enverstous ceux qui l’invoquent » (v. 12). À l’appui de cetteaffirmation, Paul cite Joël 3,5, censé viser non plus seulementtoutIsraélite,maistouthomme:«Quiconqueinvoqueralenomdu Seigneur sera sauvé » (v. 13). On touche du doigt icicomment la foi au Christ conduit Paul à réinterpréterconstamment l’Écriture d’un point de vue universaliste. CelamontrebienquelajustificationparlafoisanslesœuvresdelaLoiest,pour lui,enrapportdirectavecledépassementdetoutparticularismedanslapropositiondusalut.C’estparcequ’Israël

cherchaitàmaintenir«saproprejustice»qu’ilestpasséàcôtéde«lajusticedeDieu»(10,3).

Mais alors se pose la question de savoir comment cetteinvocation de l’unique Seigneur en vue du salut sera renduepossible à tous. Et qu’est-ce qui permet d’inaugurer cettenouvellevoiedejustification.Paulrépondenremontantlasériedes opérations qui conditionnent cette invocation : la foi,l’écoute, l’annonceet,endernier ressort, l’envoi.La justicedelafoinepeutêtrequelefruitdel’initiativeduSeigneur:ilestaucommencementetautermedetoutleprocessus(v.14-15).Làencore une citation scripturaire d’Is 52,7 vient ponctuer laréalitédecetenvoietdecetteproclamation.Lanouvellejusticeavraimentétémiseenservice,pour-rait-ondire.

Mais,constatePaul,silapropositionaétéfaiteàtous,tousn’ont pas obéi à l’Évangile. En disant cela, il pense auxIsraélites qui résistent. Mais cela aussi est annoncé parl’Écriture,audébutduquatrièmeChantduServiteur(hautlieude la christologie chrétienne) : « Seigneur, qui a cru à lanouvelle que nous faisions entendre ? » (Is 53,1), c’est-à-direpas grandmonde, sinon personne, tellement cette nouvelle estdéconcertante.

Aprèscetteparenthèseduv.16,Paulrevientàsonproposetleconclutdemanièrelapidaire«Donclafoivientdel’écoute,etl’actedefaireentendrevientdelaparole(d’envoi)duChrist»(v. 17). Cette récapitulation va lui permettre de questionner lasituationd’Israëldanslapéroraisondecettedeuxièmepartie(v.18-21).

Péroraison(10,18-21):laresponsabilitéd’Israëletl’inversiondespositionsIsraël/Nations

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Rm11,1-32

Unavenirouvert

Après ladeuxièmepartiequimettait en relief la responsabilitéd’Israël,àsavoir:sadésobéissanceàl’Évangileparattachementà sa justice propre, le discours dePaul revient au thèmede lapremièrepartie:lafidélitédeDieuàsaParole.Maisalorsquecettefidélités’exprimaitdanslapremièrepartie(Rm9)souslafigure de la continuité des choix divins, toujours libres etindépendantsdesmériteshumains (sélectiond’unepartiede ladescendance ou d’un « reste »), maintenant cette fidélité vaprendrelafigured’unerestaurationetd’unpardon,enraisondeladésobéissanced’Israël,etcelaenfaveurde«toutIsraël».

LapropositioquePaulvasoutenir,c’estque«Dieun’apasrejetésonpeuple»(11,2a).Ilnepeutplussecontenterdes’entenir uniquement à l’existenced’un reste pour justifier commeauchapitre9lafiabilitédelaParoledeDieu.Cen’estpastoutde«sauverDieu»,ilimporteaussiàPauldepouvoirespérerlesalutdesonpeuple,etdefondercetteespérance.Letournantdudiscourssetrouveen11,11:l’achoppementn’estpasunechutedéfinitive.

Dans le début de cette partie comme dans la fin de laprécédente, Paul procède par questions. Le martèlement desquestions1 finitpardébouchersur la lumière :d’abordpardesarguments a fortiori (11,15-16 ; 11 24), ensuite par ledévoilementd’un«mystère»(11,25).

Structure

A–11,1-10:Dieua-t-ilrejetésonpeuple?Non:ilyaaumoinsunreste(argumentscripturaire)B – 11,11-24 :Mais « les autres » ? Est-ce pour unechutedéfinitive?Non:argumentafortiori,àpartirdesconséquencespositivesdufauxpas(v.11-16),àpartirdel’enracinementd’Israël(v.17-24)A’–11,25-32:Dévoilementd’unmystère:«toutIsraëlserasauvé»

Lesv.33-36constituentlapéroraisondestroischapitresdeRm9-11.

«Dieun’apasrejetésonpeuple»(11,1-10)

Deuxsous-sectionsdanscettepremièrepartiedeRm11,1-10:« le Reste » qui constitue l’« élection », autrement dit lacommunautéélue(v.1-6);«lesautres»,quiontétéendurcis(v.7-10).

LeReste:l’«Élection»(1-6)

Paul commence par dresser un bilan du point où il en estarrivé:«jedisdonc»(11,1).Quedit-il?Que«Dieun’apasrejeté son peuple » – c’est une citation au passé de textesscripturairesquiannonçaientaufuturque :«Dieunerejetterapassonpeuple» (1Sa12,22 ;Ps93(94),14).Cetteannonceest vérifiée, puisqu’il y a effectivement « un Reste ». De ce« Reste » fait partie Paul luimême, « Israélite, de la raced’Abraham, de la tribu de Benjamin » (11,1). De nouveau,commeaudébutdesdeuxpartiesprécédentes,Paul s’impliquepersonnellement. Il répète ensuite la formule scripturaire :

«Dieun’apasrejetésonpeuple»,enajoutantàlacitationlesmots : « qu’il a connu d’avance ». Cette addition indique lemotifdunon-rejet:l’amourprévenantdeDieu,quisemanifestedéjà dans l’élection du Reste, en attendant qu’il puisse semanifesterpluslargement.Maisn’anticiponspas.

Pourcomprendrelasituationprésente,Paulseréfèreencoreàl’Écriture,aupassagequiconcerneÉlie.«EnÉlie»,danslepassage scripturaire concernantÉlie (11,2b -4 ; cf. 1R19,10-14,18),leprophèteseplaignaitàDieuetilaccusaitIsraël:cultede Baal, assassinat des prophètes, menace pour sa vie, et luiresté seul. Pourtant l’« oracle divin » avait pris la défense dupeuple : sept mille hommes n’ont pas fléchi le genou devantl’idole.Septmille estunchiffredeperfectionetdeplénitude.Cen’estpasdanslamêmeproportionquelepetitrestedeJuifsaccueille l’Évangile.Mais il existe !Et celadevraitdissiper laplainte et la déception. Paul interprète l’existence de ce«Reste»par sa théologiede l’«élection»etde la«grâce».C’estluiseulementqu’ildésigneicicommel’«élection»,c’est-à-dire la communauté élue. Elle est distinguée d’Israël en sonensemble (11,7a), ou des « autres » Juifs (11,7b) ; elle estconstituée par les judéo-chrétiens comme Paul. Son électionattestelagrâcequiestàl’originedelajusticeetdusalut:«pargrâce, non plus à partir des œuvres : autrement la grâce n’estpluslagrâce»v.6).RemarquercettereprisedelathéologiedeshuitpremierschapitresdeRomains:ellerestebienprésenteauxchapitressurIsraël,quinesontpasun«hors-d’œuvre»,mêmes’ils jouissentd’uneréelleautonomieparrapportàlastructuredebase.

«Lesautres»:l’endurcissement(7-10)

Iciencore(cf.9,6b)Paulenfonceuncoinentre Israëldans

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Israël,passentdeladésobéissanceàl’obéissancedansunesortede jeu de bascule jusqu’à ce que tout se stabilise dansl’obéissancedetous.Cetteperspectivenecontreditpas«leJuifd’abord » de Rm 1,17, car ce « d’abord » est une prioritéthéologique, non chronologique. N’empêche que le retardd’Israëldansl’accueildel’ÉvangilepermetauxNationsdejouerun rôle inattendupar rapport au salut de« tout Israël ».C’estpar le détour desNations queDieu réalise son dessein enversIsraël:c’estparlefilsprodiguequ’ilatteintlefilsaîné(Lc15).Ainsi la priorité n’apparaît pas comme un privilège, encoremoins comme un droit, mais comme un « premier amour »jamaispérimé.

«Etainsi»(kaihoutôs)Commentseréaliseracetteespérance?Quelest lesensdu

«etainsi»audébutduv.26:modaloutemporel(etalors),oulesdeux24?Entoutcasilfautleréféreràcequiprécède25.«Etainsi » : c’est-à-dire à la fois au sens temporel, lorsquel’endurcissement d’Israël aura permis l’entrée de la plénitudedes Nations ; et au sensmodal, dans la ligne de ce que Paulattendaitdans l’exercicedesonministèreauprèsdesNations :enprovoquantla«jalousie»desesfrèresjuifs.Ils’intéresseaujeuréciproquedesrelationsdecesdeuxgrandsensemblesdansl’histoire du salut. Devant l’échec que l’Évangile a rencontréauprès d’une partie importante d’Israël, Paul ne cherche pas àforcer le destin ; il ne désespère pas davantage. Il chercheseulement à situer cet échecdansunehistoireplus englobante(cf.lesv.28-32).L’espérancenelefaitpasrêver,maisl’engagesur le terrain de sa propre mission. La seule indication demodalitéqu’ilmentionneestcelledel’émulationspirituelle.

Lacitationscripturaire(v.26b-27=Is59,20-21a,Is27,9)

Le « mystère » que Paul est en train de révéler n’est pasformulételqueldanslesÉcritures,maisilleurestconforme.Illeditàpartird’un rapprochementdecitationsdu livred’Isaïe,avec une allusion implicite à la nouvelle alliance de Jérémie(voirletableaucidessous).

Is59(LXX) Rm11:26

20AlorsviendraleLibérateurenfaveurdeSion,etiléloigneralesimpiétésdeJacob.

commeilestécrit:IlviendradeSionleLibérateuriléloigneralesimpiétésdeJacob.

21aEtvoicipoureuxl’allianced’auprèsdemoi,ditleSeigneur:MonEspritquiestsurtoi…nedisparaîtrapas…detadescendance

27Etvoicipoureuxl’allianced’auprèsdemoi

cf.JrLXX38,33carvoicimonalliance

Is27:9(LXX)C’estpourquoiseraenlevéel’iniquitédeJacob,etceciestmabénédictionquandj’enlèveraisonpéché

quandj’enlèveraileurspéchés.

Jr38,34deleurspéchés(jenemesouviendraiplus)

CommentPaulexploite-t-illestextesqu’ilcite?–Lelibérateurvient«deSion26»,aulieude«pourSion»

dans le texte biblique ; la modification est-elle accidentelle(formule cliché des psaumes Ps LXX 13,7 ; 52,7 citée demémoire;Sion=lelieusymboliquedelarésidencedivine;lesalut vient « de chez Dieu »), ou (et) intentionnelle : Paulenvisagebienlesalutd’Israël,maispaspourrestaurerJérusalemcommepôledumonde.

–Le«Libérateur»pourraitêtreleMessie(cf.1Th1,10oùle même terme désigne le Christ) et le futur « il viendra »évoquerait la venue future, eschatologique, du Christ.Cependantlaformule:«iléloigneralesimpiétés»esttoujoursditedeDieudanslestextesprophétiques(Is59,20;Ez23,27;23,48;33,9).Quantaupardondespéchésetaurenouvellementdel’alliance,celaestnormalementl’attributiondeDieu.

–Paulomet étonnammentde reprendred’Is59unpassagequiauraitdûl’intéresser:ledondel’Esprit,etilnegardequel’annonce du pardon deDieu (« j’enlèverai leurs péchés », auplurielcommeenJrLXX38,34),et il identifiecepardonavecl’expression de l’alliance divine renouvelée ; le pardon est en

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l’accepteraient (S. LÉGASSE, op. cit., p. 707, mais voir Si10,20.21oùdesmotssemblablesdisentlerejetetl’acceptationparDieu).7.NilaBiblenilestextesdujudaïsmenedisentexpressémentquelesprémicescommuniquentleur«consécration»àtoutelapâte, mais on pouvait facilement passer d’une idée(consommation légale, pure) à l’autre (consécration) (cf.M.-J.LAGRANGE,SaintPaul,ÉpîtreauxRomains,op.cit.,p.279).8.Demême,auxyeuxdePaul, leconjointpaïenet lesenfantsnésd’uncouplemixtedeviennent« saints»depar leurunionavecleconjointcroyant(1Co7,13-14).9. Is 11,1-10 ; 27,6 ; 61,3 (térébinthes de justice) ; Jr 11,16(l’olivier) ; Ez 31,7 ;Os 9,16 ; la communauté deQumran sedésignaitcomme«plantationéternelle»(1QSVIII,4-5;XI,8).10.Abraham(1Hén93,5;Philon,Haeres,279);Isaac(JubilésXXI,24).11. J.D.G.DUNN,Romans 9-16, op. cit., p. 660 : parallélismeentre « reste » et « racine », Si 47,22 ; 2 R 19,30 ; 3 Esd8,75.84-86).Peut-onaller jusqu’ày inclure leChrist luimême,désignécommela«racinedeJessé»(Rm15,12;cf.Ap5,5 ;22,16)etqui«appartient»auxIsraélites(Rm9,5)?Celaparaîtpeuprobableici.12.IlparaîtdifficiledesuivreM.NANOS,«BrokenBranches.APauline Metaphor Gone Awry (Romans 11,11-24) », dansBetweenGospel andElection, op. cit., 354-360, qui refuse defaire du verbeekklaô (17,20) un équivalent du verbeek-kopaô(22) retrancher : ces branches (Juifs opposés à l’Évangile)seraientseulement«brisées,disloquées»,maispasélaguéesetcoupées ;pourtantduGentil présomptueux il estdit : depeurquetoiaussi tusois retranché(22),cequisupposeque leJuifinfidèlel’aété;maisilrestequesonstatutestdifférentdeceluiduGentil.

13.«Enautois»nesignifiepas«à leurplace » (commeonttraduit plusieurs versions françaises, par exemple BFC, NEG,reflet inconscient de la théologie de la substitution), mais«parmieux».14.AinsiJ.D.G.DUNN,Romans9-16,op.cit.,p.662.15.PaulparleicicommeIsaïelorsdesonadmonestationauroiAchaz:certeslescoalisésquis’enprennentàJérusalemserontdéfaits,maisvousnonplus,maisondeDavid,vousnetiendrezpas si vous ne tenez pas à Moi (le Seigneur) » (Is 7,9). Lejugementsur lesunsn’estpaslagarantieautomatiquedusalutpour les autres. Ici on sera d’accord avec M. Nanos poursoulignerquel’allégoriedelagreffeesttournéeversleshelléno-chrétiens,pourleurdirenonpas(pasd’abord)quedesrameauxjuifsontétéélagués (seulement«broyés»selonNanos),maisqueleshelléno-chrétiensserontélagués,eux,pourdebon,s’ilssehaussentauxdépensdesJuifs.16.CeténoncétrouveunparallèleenMichna,Sanhédrin10,1:«ToutIsraëlapartaumondeàvenir».17.C’est-à-direunaspectcachéenDieudepuistouteéternitédeson dessein de salut et maintenant enfin révélé. Le langageapocalyptiquedu«mystère»supposequemêmelesÉcrituresnelelivraientpasenclair;c’estsarévélationquienretouréclairelesensdesÉcritures.DefaitPaulvaciter l’Écriture(Is59,20-21;27,9)commeconfirmatur(11,26b)ducontenudumystère,àsavoirque«toutIsraëlserasauvé»(11,26a).18. Pour un répertoire presque exhaustif des positionsexégétiques, voir F. REFOULÉ, « Et ainsi tout Israël serasauvé»,Romains11,25-32,Paris,Cerf,1984.19.L.Cerfaux,Unelecture,p.104-105.20.F.REFOULÉ,op.cit.21. S. LÉGASSE, J.D.G. DUNN qui constate un consensus enfaveurdecettelecture(681).

22. 1R 25,1 (Tout Israël se rassemble à lamort de Samuel) ;même typede langage :3R12,1 ;2Ch12,1 ;Dn9,11 ; Jub50,9(lesabbatjoursacrépourtoutIsraël),TestLv17,5,TestJos20,5 (tout Israël et toute l’Égypte pleurent Joseph), Test Benj10,11(ToutIsraëlserarassembléauprèsduSeigneur),etc.23.Ce langagede l’entrée rappelle le langage fréquentdans latraditionsurJésusdel’entréedansleRoyaumeoudanslavie.Ildoit s’agirpourPaulde l’entréedans lacommunautédusalut.C’estunetranspositiondupèlerinageeschatologiquedepeuplessaints;maisilyauneinversiondanslapenséedePaul:cette« entrée » ne suit pas le salut d’Israël, elle le précède et leprovoque.24.A. FEUILLET, « L’espérance de la “conversion” d’Israël enRm 11,25-32. L’interprétation des versets 26 et 31 », dans J.DORÉ (dir.),De la Torah auMessie, Paris, Desclée, 1981, p.486-487.25.C’est-à-dire:«quandlaplénitudedesNationsseraentrée,ainsi/alors tout Israël sera sauvé » et non pas en reliant « etainsi»àcequisuit:«etainsitoutIsraëlserasauvécommeilest écrit », c’est-à-dire comme l’indiquent les citationsscripturairesquisuivent(paruneinterventiondirectedeDieuoudu Messie) ; cette construction houtôs/kathôs n’est paspaulinienne.26.Au lieude« en faveurdeSion»dans le texted’IsaïedesLXX.Réminiscenced’autrestextes:«QuidonneradepuisSionlesalutà Israël»(Ps53,7 ;110,2 ; Is2,3)?Variantedu textegrecquelisaitPaul?Changementintentionnel:Israëlbénéficied’unsalutquivientdeJérusalem(voiredelaJérusalemcéleste),de la résidence divine – on évite aussi une interprétationpolitico-religieusedecesalut»quiserait«pourSion»,pourlerétablissementdelacitésainte?27.F.MUSSNER en est biend’accordquand il parle de«voie

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que l’Église dialogue dans sa Bible, non comme avec undocumentdupassé,maiscommeavecunpartenairetoujourslà,faut-ildire,deparla«patiencedeDieu»,oudeparsafidélité?

1.Ch.REYNIER,«Le thèmede lacolère : l’apportoriginaldePaul en 1 Thessaloniciens », dans Le Jugement dans l’un etl’autre Testament, II Mélanges offerts à J. Schlosser, Paris,Cerf,2004,p.281-296.2.VoirS.LÉGASSE,LesÉpîtres dePaul auxThessaloniciens,Paris,Cerf,1999,p.158-161.3. « Au début Paul voit seulement les Juifs comme desadversairesdesonengagementapostoliqueparmi lesGentils,unobstacleàlamission.Àlafin,ilssontdevenusunproblèmethéologique[…].Audébut ils constituentuneantithèse ;à lafin, ils sont un mystère. » (R. PENNA, cité par S. LÉGASSE,«PauletlesJuifsd’après1Thessaloniciens2,12-16»,RB104(1997)p.590,n.75.)4.Parlerde«conversion»àproposdePaulestambigu.Pourluiils’agissaitd’accueillirunappelàlamanièredesprophètesenvued’unemission(Ga2,15ss).Pauln’apaschangédereligionni demœurs.Mais il est vrai qu’il n’a pas pu répondre à cetappel sans se retourner vers celui qu’il déconsidérait etpersécutait. P. EISENBAUM a parfaitement raison de ne pasrendre compte de l’événement de Damas à partir de lareprésentationdesActesoude1Tm1,12-17;maisàpartirdetextes authentiques de Paul lui-même (Ga 1 ; Ph 3). Si nousparlonsicide«secondeconversion»,c’estausensoù,danssaproprefidéitéàl’appelreçusurlechemindeDamas,illuifauttenir comptemaintenant de cette donnée du refus d’Israël quirelèveelleaussid’undesseindeDieu.5. « La conversion de Paul et celle de Nasir Khusraw. Une

rencontreaumuséeimaginairedel’histoire»,dansETR2008/4,p.507-527.6.Discoursdu17novembre1980àMayence.Texte,traduction,enDC1980,n°1798,p.1148,corrigéeenDC1981,n°1807,p.427 ; voirM. R.MACINA, « Caducité ou irrévocabilité de lapremièreAlliancedansleNouveauTestament?Àproposdela“formuledeMayence”»,dansIstinaXLI(1996),Paris,p.347-400 ; M. VIDAL,Cette Église que je cherche à comprendre,entretiens avec Christian Salenson et Jacques Tessier,Marseille/Paris,PublicationsCheminsdeDialogue/LesÉditionsdel’Atelier,2009,p.158.

L’EXHORTATION

NOUVELLESSALUTATIONS

Rm12-16

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consignessontunleitmotivdujudaïsmeencontextedetensionsintracommunautaires14.Laformulede«nepasrendrelemalparlemal»,maisde«vaincre lemalpar lebien»revientailleursdansleNouveauTestament,tellequelle,ousousdesvariantes(1Th5,15;1P3,9;Mt5,38-42;Lc6,29;3Jn11)15.Onpeutentrouver des formulations approchantes dans la moralestoïcienne. Le judaïsme quant à lui ne demandait pasexpressémentd’aimerlesennemis,maisseulementdenepassevenger soi-même.Paul, ici, vaplus loin,puisqu’il demandedeles«bénir16».C’est lanouveautédesévangiles (Mt5,43-44 ;Lc6,27-35).

«Lescharbonsardents»Maisalorscommentrendrecomptedesv.19-20,quiparlent

d’« entasser des charbons ardents sur la tête » de l’ennemi ?Paulvientdeciterd’abord(v.19)unpassageduDeutéronome(cf. Dt 32,35), où le Seigneur déclare que la vengeance et larétributionsurlesennemisdesonpeuplesontdesonressort;ilne convient pas de s’en mêler, ce serait empiéter sur la seuleresponsabilitédivine;c’estdoncd’abordpourdécouragertouteidée de vengeance humaine que Paul utilise ce texte duDeutéronome.Maisnepassemêlerdelajusticedivineestuneattitudenégativederetenuequinesuffitpasàl’Apôtre.Ilveutinciteràuneattitudepositived’amourets’appuyerencorepourcelasurun textede l’Écriture. Il trouveàproposunesentencedes Proverbes qui concernait l’ennemi personnel à cause del’attitude positive qu’elle demande. «Mais17 si ton ennemi afaim, fais-lui des bouchées ; s’il a soif, désaltère-le ; car enagissantainsituentassesdescharbonsdefeusursatête.»Paulalaissétomberledernierstique:«etYHWHtelerevaudra».

Quelle était la portée de la sentence des Proverbes ? QuelleutilisationenfaitPaul?

LESCHARBONSARDENTSLes hypothèses18 ne manquent pas pour trouver

malgrétoutunsenspositifàcetteimage:provoquerle remords par ce témoignage de bienfaisance19 ;déclencher un geste rituel de pénitent (Égyptedémotique) ; ajouter un troisième bienfait aux deuxprécédents20.Mais ilparaîtdifficiledeproposeruneinterprétation positive des braises de feu sur la tête,quiestuneimagedejugement:«Quelepécheurneniepasavoirpéché,carDieubrûleradescharbonssurlatêtedeceluiquidit:Jen’aipaspéchédevantDieunidevantsagloire»(IVEsdras16,54)21.Delààfairedes gestes de bienfaisance une provocation et uneaggravationdujugementdiviniln’yauraitqu’unpas:« Fais du bien à ton ennemi pour queDieu ne l’enpunissequemieux.»

Onnepeutcertesexclurel’idéed’unjugementdivinquinelaissera pas le mal impuni. Mais faut-il supposer une finalitéentretabienveillanceetsonchâtiment?Ilfauttenircompteducontextedans lequelPaulamènecettecitationdePr25,20 : ilappelleà«bénir».Lesoucidel’Apôtreestdelaisseràchacunsonrôle:toi,aime-le;quantàlarétribution,c’estDieuquis’encharge, ce n’est pas ton affaire… La citation de Pr 25 estamenée exprès pour les gestes de charité qui s’y trouventrecommandés,enlaissantunefoisdeplusàDieuseullesoucidelarétributionquiconvient.L’accentn’estpassurlejugementqui revient àDieu,mais sur le comportement de bienveillance

demandéàl’homme.C’estprécisémentlaconclusion:«Nesoispasvaincuparlemal,maissoisvainqueurdumalparlebien»(v.21)22.Elle récapitule la séquence (v.9-21)en identifiant lebienauquelilfauts’attacher(l’amour,12,9)etlemalqu’ilfautdétester (l’absence d’amour). Le chrétien serait vaincu par lemal,s’iln’aimaitpas,alorsmêmequ’onluifaitdumal.

Annexe

«Lesfrèresennemis»

PourinterpréterRm12,14.17-21sansyvoiruneréférenceàdespersécuteurs externes,mais aux tensions internes et donc sansrompre l’unité d’une séquence consacrée tout entière à lacommunauté chrétienne, on peut produire un bon nombre detextesdelittératurejuive1.

Lv 19:17-19 (NBS) : « Tu ne détesteras pas ton frèredanstoncœur;tuavertirastoncompatriote,maistunete chargeras pas d’un péché à cause de lui. Tu ne tevengeraspas ; tunegarderaspasde rancuneenvers lesgens de ton peuple ; tu aimeras ton prochain commetoimême.JesuisleSEIGNEUR.»DocumentdeDamasIX,2-5:«Etquantàcequ’iladit:Tunetevengeraspasettunegarderas pas rancune aux fils de ton peuple – touthommed’entrelesmembresdel’Alliancequiintroduiraune cause contre son prochain sans l’avoir réprimandédevant témoins, ou introduira cette cause dans l’ardeur

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enfin,carl’Évangileappelleàdescomportementsdejustice,deréciprocité,d’engagementdesoiparconscience,devantDieu,etnonpasparcrainteservile.Éventuellementcelaconduiraàdespratiques d’affranchissement au sein des « maisons »chrétiennes(Phm).

Quand il s’agit du comportement des chrétiens dans de lacité,l’ÉpîtreauxRomainscommelaPremièreÉpîtredePierre,neparlepasseulementdesoumission,maisdesmotivationsdecettesoumission.Lefaitquelaconscienceysoitengagéepourraaussi bien conduire à la résistance qu’à la soumission.L’Apocalypse johannique en témoigne. Pierre invite à lasoumission:soyezsoumis,maisilajouteaussitôt:enhommeslibres(1P2,16).Paulnes’exprimepasainsienRm13,nonpasparcequ’ilne lepensepas,mais cen’étaitpas alors la libertéquifaisaitquestion,maisl’intégration.IlyaaumoinschezPaulladistancequ’établitlepassagede13,7à13,8entrecequel’ondoitauxgouvernantsetcequel’onsedoitlesunsauxautres:cen’estpasdumêmeordreetl’onnes’investitpasdelamêmefaçondanslesdeuxdomaines12.Àtenirl’ensembleduNouveauTestament, on peut dire que soumission et dissidence sont lesdeux pôles du comportement des croyants qui ont « leur citédans les cieux» (Ph3,20) et qui cheminent au sein de la citéterrestre. Rm 13 occupe le pôle « soumission », l’Apocalypsejohanniquelepôle«dissidence».Lesdeuxsontindispensables.

L’humilitéchrétienne?

On vient de rendre compte du comportement de«soumission»parlareprised’undonnécultureldanslamoralechrétienne avec les transformations qu’y apporte l’Évangile.Cependant toutn’estpeut-êtrepas encoredit.Car il n’yapas

seulement le comportement, mais le « langage » insistant desoumission.Cefait linguistiquen’est-ilpas l’indiced’unautrecourant de pensée qui enrichit le premier et, là encore, letransforme?C’estlasuggestiondeS.Légasse:«unprogrammefondamental d’humilité », exprimé par le langage de«soumission»,nonseulementdansledomainepolitique,maisdans bien d’autres domaines de la vie sociale et familiale.« D’où la possibilité d’envisager une influence autre quesocioculturelle : un idéal moral dérivé en dernière analyse duChristcommetypeaccomplidedouceuretd’humilité,telqu’ilapparaît en plusieurs passages du Nouveau Testament, aspectquiressortitàunelectureéthiquedelaPassion13.»Danscecas,le langagedela«soumission»relèveraitdumêmeradicalismeévangéliquequeceluidelanon-violenceetdelanon-rétorsiondumalpar lemal.Nousverrions làun indicequ’enécrivant :«Quetoutepersonnesoitsoumiseauxautorités»,Paulpensaitenpremier lieuauxchrétiens,carc’esteuxquisontenmesuredesuivreleChrist.Sibienquenotrepéricopeseraitfinalementplus«chrétienne»qu’ellen’enavaitl’air!

Enchaînementetretouràl’agapè(13,8-10)

Enchaînantsurlalistedesdettesduv.7(rendreàchacuncequiluiestdûdans la sociétécivile),Paulenvientàunedettequin’est jamais éteinte : celle de l’agapè mutuelle dans lescommunautés.

Aimer,c’estaccomplirlaLoi

Même si Paul, en d’autres textes (1 Th 3,12 ; 5,15 ; Ga6,10), n’omet pas d’ouvrir l’agapè au-delà du cercle des

chrétiens,iciiln’yaaucundoutequelaformuledes’aimerlesuns les autres (v. 8a) concerne les relations mutuelles descroyants.Cefaisant,Paulnerefermepasl’amoursurlemondechrétien;quandilparleaussitôtaprèsd’«aimerautrui»(v.8b)purement et simplement, il enlève toute limitation ethnique ouautre à cet amour. Mais il est préoccupé ici de typer cetteexistencecommunautairequiestprophétiquedumondeàvenir14etilveutsituerlaviechrétienneparrapportàlapratiquedelaLoi,cequicorrespondàl’undessoucismajeursdel’Épître.Nelui fait-on pas le reproche de prêter le flanc au relâchementmoral par sa doctrine de la justification par la foi sans lesœuvresdelaLoi?EnGalates, ilavaitdéjàsoulignéquelafoiagit par l’agapè. Il convient maintenant de dire qu’en vivantl’agapè on accomplit la Loi, et même que l’agapè est laplénitudedelaLoi.Cesdeuxtermes(leverbe:accomplir,etlesubstantif,plénitude)avecdesnuancesdifférentesencadrentcecourt passage (8b-10). Il commence par l’appel à aimer (8) etfinit par l’éloge de l’amour (10). L’agapè est le premier et lederniermotduv.10.

Accomplissementetplénitude

Paulcommencepardirequeceluiquiaimel’autreaccomplitla Loi, c’est-à-dire qu’il la met en pratique ; il en réalise leproposdejustice(cf.Rm8,4).Lesensn’estpasforcémentqu’illa porte à son accomplissement. C’est à la fin seulement quePaul finira par dire dans un sens plus riche : l’agapè est laplénitude de la Loi. Pour illustrer son premier propos, ilénumèreuneséried’interditsempruntésseulementàlasecondetableduDécalogue(dansunordredifférent):adultère,meurtre,vol,convoitise;iln’énumèrepastout,maisseulementcequiest

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chacun(14,6),demêmelaconfessiondelagloiredivineéclateradevant le jugementdeDieusurchacun.Onnepeutpasnepasremarquer lecentred’intérêt«doxologique»de toutcedébat.Là est le principe dirimant qui valorise des choix différents etnon pas le jugement personnel sur autrui, qui serait usurpé etanticipé.LaisseràDieuseul lesoindereconnaître lessiensetnepasrestreindrelescheminsdesaglorificationàl’aunedesonestimationpersonnelle.

Deuxièmemouvement:l’attentionau«frère»(14,13-23)

Lev.13àlafoisconclutl’unitéprécédente:«Cessonsdenousjuger/denouscondamnerlesunslesautres»(13a),etenclenchel’unitésuivantemoyennantunjeudemotssurleverbe«juger»,employéd’aborden13aausensdecondamner,ensuiteen13bausensdedécider:sivousdécidezdejugerdequelquechose,que ce ne soit pas de vous condamner mutuellement, maisd’évitertoutcequipeutprovoquerl’achoppementd’unfrère.Ceseraitdu«mépris»(cf.14,3a.10b).

Lastructurelittérairedecetteunitéestconcentrique:

(A)PRINCIPE(14):rien n’est impur en soi,mais seulement pour celui quil’estimetel(B)CHOIXCONSÉQUENT(15)chagrinertonfrèrepourtanourriture=manqueràl’agapèneperdspaspourunequestiondenourriture(15c)celui-làpourlequelChristestmort

(C)ENJEU(16-18)

nepasfaireblasphémervotrebien(16)carleRoyaumedeDieun’estpasaffairedenourritureetdeboissonsmaisjustice,paixetjoiedansl’EspritSaintservirleChristainsiplaîtàDieu,estapprouvédeshommes

(B’)CHOIXCONSÉQUENT(19-22a)recherchonslapaixetl’édificationmutuellenedétruispasl’œuvredeDieupourunequestiondenourriture(20a)toutestpur,maismauvaispourquiprovoqueunscandaleenmangeantmieuxvautnepasmangerdeviandeniboiredevinquefairetombertonfrèretoi,gardetafoipourtoi-mêmedevantDieu

(A’)PRINCIPE(22b-23)heureuxceluiquinesecondamnepasencequ’ildécidemais celui qui mange en restant dans le doute estcondamné,parcequeilnelefaitpassurunebasedefoi;toutcequin’estpassurlabasedelafoiestpéché

Auxdeuxextrémités(A=14etA’=22b-23),Paulénoncesousformegénérale(«rien»,«tout»,«celuiqui»)unprincipedediscernementquiconsisteàreconnaîtrelepuretl’impurnondans les choses en soi, mais dans l’évaluation du sujet. Celavautaussibienpourlesfaiblesetpourlesforts.Cen’estpasleseul principe de discernement ; un autre principe interviendra,celuidel’agapè;maisc’estunedonnéeessentielledontilfauttenircompte.

En B (= 15) et B’ (= 19-22a), Paul emploie le ton de ladiatribeen«tu»,pourdénoncerl’incohérence(B)oustimuler

la cohérence (B’) du comportement des forts à l’égard desfaibles : chagriner un frère, le perdre (B), détruire l’œuvre deDieu(B’),«fairetombertonfrère»(B’),celapourunequestionde nourriture et de boisson (B-B’), qui est en soi matièreindifférente–doncmanqueràl’agapè(B),cequi,aucontraire,est essentiel ; ou bien, à l’inverse, travailler à la paix et àl’édificationmutuelle(B’).

Aucentre(C=16-18),onditl’enjeudecescomportementscommunautaires (adresse en « vous ») : rien moins que leblasphèmeoul’estimedel’existencechrétienneparlesgensdudehors(leshommes)etl’identitévéritableduRoyaumedeDieu.

Nousreprenonslesélémentsdecetteséquence:

Auniveauduprincipedediscernement(A=14etA’=22b-23)

Paul s’engage personnellement (« je sais et je suispersuadé ») sur la conviction que « rien n’est impur en soi »,qu’iln’yad’impureté(rituelle)qu’aupointdevuesubjectifdeceluiquicontinued’estimerquecettecatégorieexisteencoreetrequiert son obéissance à Dieu8. Aussi n’engage-t-ellequelqu’un qu’en vertu de sa conviction, ou qu’en vertu del’amourenversautrui.Matièreindifférenteensoi,ellepeutêtreoccasion d’obéissance ou de désobéissance à Dieu, selon laconvictionquechacuns’estforgée(14,14).

LaconvictiondePaul,quantàelle,estfondéesurlefaitqueleChristamis finau régimede laLoi (Rm10,4).Lapratiquedes lois de pureté est toujours licite pour un judéo-chrétien, àcondition qu’il n’en fasse pas un élément nécessaire à lajustification.Luimême,Paul,quin’estplussouslaLoi,acceptedesefairesujetde laLoiavec lessujetsde laLoi,afinde les

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Rm15,14-33etRm16

Nouvellesetsalutationsfinales

Nousvoicirendusàlafindel’Épître.Paulvaprendrecongédeses lecteurs. Il se fait le plus aimable possible en les estimantremplisdebonssentiments,deconnaissancereligieuse,etdoncbien capables de s’avertirmutuellement (15,14), comme si, aufond,iln’avaitpaseubesoindelefaire.Aprèsavoirinforméleschrétiens deRome de ses projets apostoliques en direction del’Espagne,etcelapourobtenirleurappuidanscetteentreprise,ilprendracongéd’eux.Ilnesavaitpasalorsqu’ilnelesreverraitqueprisonnier.Onaparléde l’ÉpîtreauxRomainscommedu«Testament»dePaul;ilyavaitbienunpressentiment(15,30-32),maispaslesentimentdevivreunadieu.

Relectureetprojets(15,14-33)

Relecturedel’Épîtreetdelamission

Iljettealorsuncoupd’œilenarrièresurletextequ’ilvientdedicteràleuradresse,nonsansquelqueappréhensiond’avoirété ici ou là un peu trop audacieux et directif. Et pourtant ils’estime autorisé à intervenir en vertu de ce qu’il appelle « sagrâce », à savoir sa vocation d’apôtre des Nations. En disantcela, il renoue avec le début de l’Épître : à ses yeux lescommunautésromainesappartiennentmajoritairementaumondedesNations,redevablesdesonministère(1,5-7).

Ceministère, ilenparledemanièreexaltante,commed’un

culte spirituel,dont il est leministre.Sonapostolat consiste àfaireensortequelesNations–impurespardéfinitiondupointdevue juif (cf.Ga2,15) – deviennent uneoffrande agréable àDieu,parcequesanctifiéeparl’EspritSaint.Lelangagecultuelqu’il emploie ici, estmétaphorique.Dececulte spirituel il estenquelquesortel’officiant1.

Pour confirmer cette compétence et le bien-fondé de cette«fierté»(v.17),Paulévoquelerayonnementdesonministère(v.17-21)depuisJérusalemjusqu’àl’Illyrie(aujourd’huiverslaYougoslavie, l’Albanie).Nousn’avonsaucuneautreattestationdevoyagemissionnairedePauljusque-là.Est-ceuneallusionàune approche de ces régions par Paul ou par collaborateursinterposés,àpartirdelaMacédoine,àl’occasiondu«troisièmevoyage» ?Ouuneamplificationoratoire ? Il ne fait pasde lagéographie (S.Légasse),maisde la théologie : le succèsde lamissionattestesuffisammentqueleChristestàl’œuvreàtraversluietquelapuissancedel’EspritdeDieuestdelapartiedans«lessignesetlesprodiges»(langagebiblique)quiprovoquentla foi. Ilaportéà saplénitude l’ÉvangileduChrist (15,19). Ilenvisage maintenant une nouvelle extension, et cela sur desterrainsneufs,cartelleestsapratiquepastorale:faireconnaîtreleChristlàoùsonNomn’apasencoreétéprononcé.Encela,iln’agitpas seulementpouravoir lescoudées franches (cf.2Co10,12-18),maispourseconformeràl’Écriture:PaulcitealorsIs52,15(LXX),oùlanouvelleconcernantleServiteurdeDieusera annoncée à ceux qui n’en avaient jamais entendu parler.Signede son rayonnementbien au-delàd’Israël et des terrainspréparés. La grâce et l’inédit de l’Évangile se donnent à voirdanscetteannonce.C’estpourcelaqu’elleestnécessaire.

Projets

Estimant avoir achevé samission dans le bassin oriental de laMéditerranée, Paul annonce son projet de se rendre auxextrémitésoccidentalesdumondehabitéd’alors : l’Espagne.Ilest tout indiqué de passer par Rome pour se rendre dans cesprovincesdel’empire,conquisessurCarthagedepuislesannées200 av. J.-C. et réorganisées par Auguste. Il attend que leschrétiens deRome l’y « envoient » (15,24), c’est-à-dire lui endonnentlesmoyensfinanciers,matérielsetmêmepersonnels(encollaborateurs). Ainsi veut-il les associer à cette entreprisemissionnaire,sans leurdemanderexpressémentdes« lettresdemission»,cequinecorrespondraitguèreausensaiguqu’iladeson autonomie apostolique (cf. 2 Co 3,1). C’est ce projetespagnolquidonneraàPaull’occasionderéaliserledésirqu’ilavaitdepuislongtempsdevoirleschrétiensdeRome.

Auparavant, ildoitserendreàJérusalem,porter lacollecteenfaveurdes«pauvresdessaints»(15,26),c’est-à-diredesplusnécessiteux de la communauté sainte rassemblée parDieu auxdernierstemps.Ilrappellel’importancedecetéchangeentreeuxetlescroyantsdesNations:ilyvadelacommunionecclésialeetdelareconnaissancedel’authenticitédel’Évangilepaulinien(selonl’accorddeJérusalem,Ga2,10).Celaluitientàcœur.Iln’estpassansappréhension,nonseulementpourlasécuritédessommes transportées, mais surtout pour l’accueil des judéo-chrétiensdeJérusalem.Sespressentimentssurcedernierpointétaientfondés(cf.Ac21-22).IldemandeauxchrétiensdeRomede « combattreavec » lui, par la prière, pour la réussite d’uneopération aussi importante et aussi préoccupante. Aprèsseulement, au retour, comme il l’espèrebien, ilpourraprendrequelquereposdanslacompagniedeschrétiensdeRome,avantde partir pour l’Espagne. Mais tout cela est subordonné à lavolontédeDieu(15,32).Noussavonsqu’ilenseraautrement.

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que,danslaBible,c’estDieuquiparleetquiagit;nousne pouvons capterDieu à notre profit, pas plus que lecomprendreet tenterde lecirconscrire ; ilya toujoursuninstantoùilfautcéderdevantLui;nulleautoriténepeuts’interposer.“Lelionagrondé.Quinecraindrait?Dieuaparlé.Quineprophétiserait?”(Am3,8)1.»

Ce texte sonne juste, sauf la phrase où il est dit que Paulproposeraitsesvues«commedesopinionshumaines»…MaisilesttoutàfaitexactquePaulaétéamenéàprendrelamesurede ce « dérangement » de l’histoire du salut qui empêche de« capter Dieu à notre profit, pas plus que de comprendre ettenterdelecirconscrire».Celanousestapparuavecforcenonseulement dans la « conversion » de Paul sur le chemin deDamas,maisaussidanscequenousavonsappelésa«secondeconversion»,quandiladûreconnaîtrecommetoujoursaimédeDieucetIsraëlquis’opposeàl’Évangile.

EntermesdeconfessiondefoirenouveléeauDieuunique?

Il peut être paradoxal d’attribuer à Paul la pure fidélité à laprofession de foi monothéiste qui s’exprime dans le « ShemaIsraël»,luiquidonnehabituellementletitredivindeKuriosauChrist Jésus, lui qui va jusqu’à lui décerner le titre deThéos(Rm9,5), si toutefois le textedoit être luainsi (etnousavonsadoptécettelecture).Mais,mêmesurunpointaussicritiquequecelui-là, un historien juif commeAlain Segal2, n’hésite pas àreconnaîtreuneparentédelafoipaulinienneavecdescourantsmystiquesdujudaïsmedecetteépoque:

UneclémajeuredelalecturedelachristologiedePaul,pourA.Segal,est l’intérêtde lamystiquejuivepour lafigurecélesteassisesurletrônedivin:sanss’identifierà Dieu lui-même, cette figure lui est étroitementassociée,elleparticipeàsonpouvoir,elleestassociéeautrône (le « méta-trône »)3. « Il existe des preuvesconcordantes de ce que nombre de mystiques juifs etd’apocalypticiens avaient le sentiment qu’une relationexistait entre la figure céleste assise sur le trône etcertaines figures éminentes dans la vie de leurcommunauté. Les racines de cette tradition sontpréchrétiennes. On peut même avancer que les éruditsjuifsontnégligélapreuveapportéeparlechristianismede l’existencedeces traditionsdans le judaïsmedu Iersiècle. Paul n’avait pas besoin d’être un innovateur enmatière de religion pour poser en principel’identification entre un héros positif et l’image de lakavod (la Gloire divine), la figure céleste à l’aspecthumain, même si, bien entendu, l’identification d’unetelle figure avec leChrist ressuscité est propre au seulchristianisme» (p. 84). «LesvisionsdePaul prennentleurplusgrandsensentantquenouveaudéveloppementchrétien à l’intérieur d’une tradition apocalyptique etmystique juive établie. Paul – ou ses contemporainsimmédiats–était sansdoute informédecette tradition,et il y a tout lieu de penser qu’il avait connu desexpériences de cet ordre dans une communautéchrétienne qui avait confirmé, certainement dirigé soninterprétation d’après laquelle le Christ était la figureassisesurletrône»(p.84,n.64).

La nouveauté chrétienne, celle de Paul en particulier,

consisteàrapportercettefigureàunpersonnagehistoriquebienconcret et tout proche : Jésus de Nazareth, Jésus le Crucifié.Avec raison, A. Segal relève la force de cette identificationcommeexpressiondelachristologiepascaledeschrétiens.Ilyatoutlieudepenserquel’originalitédelarévélationfaiteàPaul,sur le chemin de Damas, consiste à lui faire reconnaître cettefigure céleste, cette figure de la Gloire divine sur la face duChrist (2 Co 4,6), que, jusqu’alors, il considérait comme«maudit»,parceque«suspenduaugibet»(Dt21,23;Ga3,13-14).Mais ne faudrait-il pas ajouter comme élément source decetteconfessionchristologique l’expériencedudonde l’Espritcorrélative de la reconnaissance du Christ Jésus comme élevédanslaGloire?

Cependant l’originalité de Paul en ce domaine de laconfessiondefoiduDieuuniqueneconsistepasseulementàyjoindrelaconfessionde«JésusChristSeigneur»(1Co8,6;Ph2,11) ; elle consiste aussi et tout autant à tirer toutes lesconséquences du Shema Israël sur le lien desNations avec leDieud’Israël.D’oùlaquestionquePaulposeavecunecertainevéhémenceenRm3àproposdelajustificationsanslesœuvresde la Loi : « Ou bien alors Dieu est-il le Dieu des Juifsseulement, et non point des Nations ? » (Rm 3,29). Pauls’empresse de répondre avec ce qui est considéré comme ledogme fondamental de la foi juive : « Certes également desNations,puisqueDieuestunique.»NousavonsrelevéquedanscetteréponsePaulnes’entientpasseulementàl’affirmationdela souveraineté divine universelle, mais à celle d’une allianceavectoutel’humanitéquisetrouveimpliquéedanslesyntagme:« (Dieu) des Nations ». Et la suite du textemontre que cettealliance va jusqu’à la justification des non-Juifs par la foi àl’instardecelledesJuifs.LeDieud’Israëln’ajamaisétéaussiclairement le Dieu de toute l’humanité, le Dieu de l’homme.

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11,25)5.Cetravaillaisseentrevoirlaperspectived’unesymbioseentre juifsetchrétiensqu’il resteà inventeren l’arrachantauxpréjugéstriomphalistes.Endéfinitive,ils’agitdediscernerchezPaul,par-delàetmalgréPaul,cequiàlalueurdecesnouvellesbalises lumineuses, et après épuration des scoriesconjoncturelles,conservetoutesateneurspirituelle.

Observons que cette entreprise de reconfiguration en untroisième Paul/pôle passe sur un plan herméneutique par uneexégèse « synthétique » des Écritures et non purement«analytique»,encesensqu’ilestexpressémentprisencomptele paramètre externe de lecture que constitue l’impératif defraternitéjudéo-chrétienne.Celui-cidoitconstituerunevéritableboussole qui oriente l’interprétation du texte, ce que leschrétiensdénommentfranchement«Saint-Esprit»etqui,pourles juifs, revient à la discrète inspiration (esprit de sainteté, lacaptation de la volonté divine) combinée à la sagesse créativeque produit l’oralité de la lecture, à savoir lamalléabilité quidoit permettre incessamment de remettre en adéquation lemessage des Écritures à la réalité perçue6. Ce n’est pas faireviolenceaux textesquede confesserque la«vérité spirituelledesÉcritures»émergedanslarencontreentrel’espritquihabitele texte (et tout à la fois le coiffe) et celui de la communautélectrice.Laconscienceet lavolontédélibéréeset légitiméesdeplacerl’interprétationdutextesacréenunetellesynergiesontlesignemêmedelamodernitéreligieuse.

SauverPaul

D’où nous vient sur le plan des études chrétiennes ce ventnouveau?Ilsembleacquisquel’œuvreduthéologienprotestant

E.P.Sanders7aconstituécommeunmoment-charnière,mêmesilebasculementapus’annoncerenquelque façonchez l’unoul’autreexégète.Avecsathéoriedu«nomismed’alliance»pourcaractériser la foi sous-jacente d’Israël – à savoir que la Loibiblique et rabbinique indique la conduite à suivreobligatoirement [nomos] souspeinede« retranchement»maisfournitaudemeurantlesmoyensd’absolutionpourmaintenirourétablir le contrat d’alliance, tel le rituel propitiatoire deKippour – Sanders a remué les stéréotypes de l’exégèsechrétienne vieux de deuxmillénaires.On découvrait enmilieuchrétienquelejudaïsmerabbiniqueavaitconnulepardonetlagrâce,même au temps de Jésus…Entendons : une idée de lamiséricorde divine autrement prégnante que celle que l’on sefigurait alors, à savoir que le Dieu du judaïsme ne prenait enpitié que ceux qui se soumettaient à l’observance minutieused’ordonnances,dureste«inessentielles»…Rappelonscombienle luthéranisme avait forcé le trait en faisant endosser par lejudaïsme(etàtraverslui,l’Églisecatholique…)letrèsmauvaisrôle de la religiosité légaliste de la « performance et del’arrogance ». Pour Sanders, puisque Paul avait évidemmentune connaissance réaliste de ce qu’était le judaïsme vécu, sonpropos n’aurait pas tant été de dénoncer un légalisme invétéréquedevaloriserparcomparaisonetauxcôtésdelasotériologiejuiveparl’alliance,unmodedesalutplusvasteetplusefficace,celuidelafoiduChrist8…

Chemin faisant, la vision théologique des Églisescatholiques et protestantes envers le judaïsme perdait de sonréductionnisme écrasant pour laisser entrevoir des approchescontrastées du Nouveau Testament. Jésus n’apparut plus aussianti-légaliste qu’on l’eut longtemps cru ni son propos aussiiconoclasteouallogèneauregarddecequiétaitprofessédans

d’autres écoles ou sectes juives de son temps. On pritconscience du remaniement des rédactions tardives dans uncontextede rivalité entre juifs et premiers chrétiens. Il apparutnotammentquelediscoursdeMatthieu9etplusencoreceluideJean10,étaientbienpluschargésdeconnotationsantijuivesquelesÉpîtres dePaul. Et comme le souligne Peter Tomson, queLucdanslesActes,dessinaitunportraitplutôtaccommodantdePauldanssonrapportaujudaïsme11.IlapparutencorequePaulne pouvait être tenu pour le seul et premier missionnaireresponsable de l’évangélisation des païens au détriment dujudaïsme rabbinique.Descommunautéschrétiennescomposéesde païens fu-rent fondées avant Paul12. Pierre avant lui, guidépar l’EspritSaint,n’avait-ilpasconverti lecenturionCorneilleet justifié lebaptêmedesnon-juifs (cf.Ac 10-11) ?Éphèsenefut-ellepasévangéliséeparuncertainApollos,bienavantPaul(cf. Ac 19) ? Mais plus encore, les relectures historiquestendaient à montrer que la plupart des Épîtres s’en prenaientdavantage qu’aux juifs, soit à des paganochrétiens tentés parl’enracinement juif (cf. Romains), soit à des judéo-chrétiensvoulant imposer leurs codes de conduite judaïques à denouveaux chrétiens venus du paganisme, ou voulant maintenirpour eux-mêmes un statut d’exception au cœur de l’Églisenaissante(cf.Galates).CesontcesderniersquePaulqualifiede«fauxfrères»(Ga2,4).Enfin,onreconnutplusvolontiersquel’apôtredesGentils jamaisne récusason identité juive13ninevoulut fonder une nouvelle religion bien qu’on admît que sondésir d’évangéliser les païens en les délestant des pratiquesjuives,nepouvaitqu’aboutiràuntelrésultat14.

Pour ma part, j’avoue rester quelque peu perplexe devanttant d’efforts déployés pour « sauver » Paul. Oui, sans aucundoute, le portrait méritait d’être rafraîchi. Considérablement

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salut : « La Loi, elle, est intervenue pour que semultipliât lafaute ;maisoùlepéchés’estmultiplié, lagrâceasurabondé»(Rm 5,20). La halakha (loi religieuse) enferme l’homme dansunesortedechambreàcombustiondontonnepeut sortirquepar explosion. Le propos suivant de Paul est hautementsignificatif:

Que dirons-nous donc ? Que les Nations qui nepoursuivaient pas la justice, ont trouvé la justice, unejustice qui est sur le principe de la foi. Mais Israël,poursuivant une loi de justice, n’est point parvenu àcette loi. Pourquoi ? Parce que ce n’a point été sur leprincipe de la foi, mais comme sur le principe desœuvres : car ils ont heurté contre la pierred’achoppement…(Rm9,30-32).

Lesalutultimedu«toutIsraël»dépendraaufonddumêmeprocessus de « conversion » vécu en microcosme par Paulluimême:laprisedeconscienced’avoirpratiquéunevoiesansissue, après avoir poursuivi dans son zèle, jusqu’àaveuglement33, les juifs devenus chrétiens. Un jour, peut-êtresuite aumartyred’Étiennedont il fut témoinavide, convoitantjusqu’aux vêtements du bourreau34, après avoir expérimentél’insoutenableculpabilitédevantl’intransigeancedesonproprezélotisme, après avoir ressenti l’effet pervers de « convoitise »que la discipline de la Loi génère, et pris la mesure de sonincapacitémajeure à répondre aux exigences accablantes de laTorah, il a voulu rompre avec ce système et renouer avec sonâme. La possibilité de ce rachat et de cette renaissance à lui-même, il l’a trouvée dans l’identification à la croix et à larésurrection du Christ, devenues le nouveau moteur de saspiritualité.Or il ne pouvait décemment justifier à ses propres

yeux son rejet personnel du système légal que si cette attitudes’imposait comme une nécessité universelle, une formidableopportunitétantpourlesjuifsquepourlespaïens.Carilsavaitaussi, lui juif de la diaspora, que les exigences de la loi juiveformaientunrideaudeferpourlemondeenvironnant.Plusquesurannée,lalogiquedelaloiluiapparutconstituerunimposantbarrage qui au regard de la nouvelle révélation, ne méritaitdésormais riend’autrequed’être reléguéeaux«ordures» (cf.Ph3,8)!

Lesimpassesexistentielles

Peut-onaprèsPaulbâtirlafoidu/enChristsansenpasserparceprocessusdedéjection?Telleestlagrandequestion.Àl’heureactuelle, l’Église catholique ceinte du lexique paulinienconsidèretoujourslesjuifs«sousladominationdupéché»,carméconnaissant la foiauChrist,croyantplutôt«à l’observancedela loi35»ouencoreque«laLoiconfiéeàIsraëln’a jamaissuffiàjustifierceuxqui luiétaientsoumis:elleestelle-mêmedevenueinstrumentdeconvoitise36»!Onasouventprésentélerapport de laCommission pontificale sur le peuple juif et sessaintes écritures et le Nouveau Catéchisme de l’Églisecatholique dont ces considérations sont issues, comme desdocumentsquiontmarquédegrandesavancées. J’enconviens.Audemeurant,ensouscrivantencoreàdetelsschèmes,l’Églisecatholiquenefaitpasmontredegrandrespectenverslatraditionjuive;ellesecramponneaulangagedeladénégationaulieudeprendre de la hauteur et de contextualiser les propos de Paul,commeelleasusibienlefaireparailleurs.

Il est évident que les juifs eux-mêmes se font prendre aupiège de la rhétorique, parce que lorsqu’on est accusé de

quelque chose, le premier réflexe est de se placer sur ladéfensive et de prendre le contre-pied. On entend dire alors :«La loi loin d’être une charpente vétuste et branlante est aucontraire la seule planche de salut. » Propulsée au rang depanacée, l’observance acérée de la Loi et de son rituel, avectoute la minutie casuistique et la discipline inconditionnelle,devientlaraisond’êtredujudaïsme…Etcertains,des’enfoncerdans la conviction que le but ultime de la Torah est de sesoumettre à une discipline rigide et rigoriste descommandements,amendéedesesviséesspirituellesjugéestropspéculatives ou spécieuses, persuadés que tel est le cheminincontournable du salut. Du coup, les juifs euxmêmes, danscette pensée réflexe plutôt que réflexive, simpliste plutôt quesimple, tombent dans le même réductionnisme caricatural,souscrivantauxtraversmêmesquePauldénonçait.Expliquons-nous : la Loi juive constitue bien l’ossature du judaïsme, sonépinedorsale.Etpardi,sansledéfidedépassementdesoietdesanctificationquesupposeladisciplinerigoureusedelaLoi,lejudaïsme ne tient pas debout, pas plus qu’il ne redressel’homme!Aussiunjuiffidèleàsatraditionnepeut-ilsouffrir,n’endéplaiseàPaul,quesoitmépriséecettevoieaccaparanteetnéanmoins édifiante, empreinte d’allégresse autant que denoblesse.Mais réduire le judaïsme à la loi, au squelette, c’estcommeréduire laphysiognomiehumaineàunspectrehideux!Vision d’horreur que celle des ossements desséchés, commel’enseignedansleTalmudRabbiYermiyafilsdeAbba:

(Quisontlesmortsqu’aressuscitésÉzéchiel?)Cesontleshommesquin’avaientplus eneux la substantifiquemoelle/fraîcheur[lakhloukhit]descommandementsainsi

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insensé,quelafoisanslesœuvreseststérile?Abraham,notrepère,nefut-ilpasjustifiépar lesœuvresquandiloffrit Isaac, son fils, sur l’autel ? Tu le vois : la foicoopéraitàsesœuvresetparlesœuvressafoifutrendueparfaite.”Ainsifutaccompliecetteparoledel’Écriture:“Abraham crut à Dieu, cela lui fut compté commejustice”et il futappelé“amideDieu”.Vous levoyez :c’estparlesœuvresquel’hommeestjustifiéetnonparlafoiseule.Demême,Rahab,laprostituée,n’est-cepaspar lesœuvresqu’elle fut justifiée quand elle reçut lesmessagersetlesfitpartirparunautrechemin?Commele corps sans l’âme est mort, de même la foi sans lesœuvresest-ellemorte»(Jc2,14-26).

N’est-cepascequePaulconfesseàsafaçondansunpropostel que celui-ci : « Considère donc la bonté et la sévérité deDieu:lasévéritéenversceuxquisonttombés;labontédeDieuenverstoi,situpersévèresdanscettebonté;puisqueautrement,toi aussi, tu seras retranché » (Rm 11,22) ? Si Paul aeffectivement pensé que la foi est le premier degré dejustification, et les œuvres conséquentes le second, comme cefut le cas chez le patriarche Abraham, alors le Jacques del’ÉpîtreestundéfenseuracharnédePauletnonsondétracteur.

Surceterraind’entente,juifsetchrétienspeuventconvergersans se dévoyer. Assurément, les juifs ne peuvent suivre leschrétiens dans la foi en Christ pas plus que les chrétiens nepeuventrejoindrelesjuifsdansl’observancedespréceptesdelaTorah.Mais lareconnaissancequ’ilexisteunequintessencedelaloi,une«loidefoi»,dontl’amourquisetraduitenœuvresconstituel’expressionsuprêmeetsacrée(cf.Rm13,10)pourraitfonderunedoctrinecommunedejustification.

Dans le traité talmudiqueMaccot (23b-24a), un midrach

dissertesurlenombredecommandementsfondamentauxauquelilestpossiblede réduire les613 inventoriésdans laTorahparrabbiSimlaï.LeroiDavidlesauraitréduitsàonze,Isaïeàsix,Michéeà trois, Isaïederechefàdeux,et finalementaprèsavoirdésigné avec Amos (5,4) un commandement qui embrassequantitativement la totalité des autres, c’est le commandementporté par Habaquq qui est considéré comme en traduisant laquintessence:«lejustevivraparsafoi»(Ha2,4).NoussavonscombienceversetconstituelapierreangulairedelathéologiedePaul(cf.Ga3,11).

Conclusion

Le«mystère»chezPaulestdouble : celuide lapersévéranced’Israël,endépitdesonrefusduChrist,maisaussicelui,sousle regard juif, de l’efflorescence universelle du monothéismechrétien, en dépit de son rejet du judaïsme légal. La ruptureayant été consommée jusqu’à satiété, une nouvelle ère s’estouverte.Àdéfautdemieux,laissonsdoncàDieuletriomphe,eten même temps la tâche improbable de désigner à la fin destemps quels auront été les « vrais » canaux de la délivrance !Quechacunpersisteen toutebonne foidans lavoiequi est lasienne et appliquons-nous plutôt au formidable retournement(techouva) auquel a convié le pasteur FlorenceTaubmann lorsdesoninterventionmémorableàladernièreassembléegénéraledel’AJCF:

« Pour faire l’expérience de la vérité juive, il ne suffitpas d’avoir abandonné les termes d’aveuglement etd’endurcissement, même si la tolérance et labienveillancequecetabandongénèresontdéjàpositives.

Il faut aller plus loin en remplaçant le motd’endurcissement par celui de fidélité, et le motd’aveuglementparceluidelucidité51.»

En effet, le refus des juifs éclaire et révèle l’inachèvementdeschrétiensetduchristianisme.Maisajoutonsquepourfaireexpérience de la vérité chrétienne, les juifs doiventconjointementsedéfairedel’accusationd’usurpationenversleschrétiens et envisager une nouvelle relation par l’héritage,congédier la notion de substitution au profit de celled’élargissement52 ou d’agrégation53. L’universalisationmessianique des chrétiens éclaire et révèle l’inachèvement desjuifs et du judaïsme. La séparation en deux voies est doncporteusedepromesse.Corollairementautravailderelecturede«Paul»,ilyaducôtéjuifunenécessitéderelirelestextesdelaTorahécriteetoraleetdesedéfairedelavisionexclusiviste.Ilnousfautjuifsetchrétiensnousémanciperdel’«enfermement»(cf.Rm 11) dans l’antagonisme qui s’est imposé aux origineslorsqueprévalaitunelogiquededissociation,pournousattelerà celle de l’association pressentie dans la métaphore de lagreffe,quin’estautrequelalogiqued’amourfraternel,celledelaréconciliationeschatologiquequinedoitêtreniconfusionniabsorption. J’aime à dire en langage logique et mathématiquequ’il nous faut passer de la disjonction (A ou B) à laconjonction(AetB),deladivision(A:B)–lavéritédel’unestinversement proportionnelle à celle de l’autre – à lamultiplication (A x B) – la vérité de l’un amplifie celle del’autre.

EnrécusantaveclepremierPaullaLoijuivecommemoyendesalut,l’Églises’étaitsentiecontraintedefonderglobalementsasotériologiesurl’impuissancehumaine.Lagrâceetlafoiont

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quenoussommesconviésparl’interrogationjuive.Iln’estalorspasmoinsvif,maispluspertinent.

PauletlaLoi

Rivon Krygier s’interroge d’abord sur l’origine du divorce dePauld’aveclaLoi;ilvoitdanslaconstructionpauliniennesurla Loi la généralisation d’une expérience personnelle d’échec(prise de conscience d’une « insoutenable culpabilité devantl’intransigeancedesonproprezélotisme»);ilestalorsconduitàattribueràDieularusedelaloi,instituéecommeuneimpasseprogrammée, comme un cul de sac (pour faire proliférer lepéché…) ; il aura vécu ce drame comme lemicrocosme de laconversion qu’il propose à Israël, comme une « déjection »« (ordures ») de la valeur de la justice de la Torah2. RivonKrygieradmetlapertinencedelacritiquepaulinienneàl’égardd’une pratique rigoriste et tatillonne, qui hypertrophie la Loi.Mais ce n’est pas parce que le culte de laLoi a eu des effetsperversqu’ilfallaitjeterlebébéavecl’eaudubain.LaLoin’estpastoutlejudaïsme;elleenestlesquelette;elleestcependantindispensable. « Le corps sans l’esprit est un cadavre, l’espritsans le corps est un fantôme » (Heschel). Paul n’a-t-il pas étévictime de l’utopie révolutionnaire de l’homme nouveau ?« Aurait-il été aussi antilégaliste s’il avait su que le mondedurerait ? » Lui-même n’a-t-il pas dû remettre de l’ordre dansses communautés ? Avec du recul on peut s’apercevoir quechrétiensetJuifssontà lamêmeenseignedevant larequêtedel’Absolu. Les chrétiens doivent confesser leur utopie de lanouvelle création déjà réalisée ; les Juifs peuvent reconnaîtrel’efficiencedelafoiquiagitparl’amour.

Il semble que trois points de cet exposé sur la Loi

interrogentspécialementlalecturechrétiennedePaul.Lacritiquepaulinienneneportepasspécialementsurlaloi

juive,ditavecraisonRivonKrygier,mais«cequecritiquePaulestentouteloi,concerneuniversellementtoutpèlerinquisemeten chemin vers l’absolu et tente de dompter sa natureimpétueuse » ; c’est nous qui soulignons ; nous ajouterionsvolontiers que cela vaut aussi pour ce qu’il y a de loi dans lechristianisme.

Lamanièredecomprendreune théologiede l’économiedusalut qui consiste à enfermer tous les hommes dans ladésobéissancepourfairemiséricordeàtous–etdecomprendreaussi de cette façon la raison d’être du don de la Loi (rendrecaptifsceuxquiserontlibérésparlafoi),demandentuntravaild’inter-prétation.Detellesaffirmationsnesontpassupportablessans une herméneutique de la théologie biblique. Au premierdegré celle-ci attribue directement à Dieu jusqu’au péché etl’endurcissementdesonpeuple;maisàyréfléchir, ilnes’agitpasd’uneruseméchantedesapart;celaviseàfairecomprendrequeleDieud’Israëln’estjamaisprisdecourtquandilrencontrel’oppositionàsondessein,ycomprisetd’abordchezsonproprepeuple ; bienplus il intègre cette opposition audesseind’uneplushauterévélationdesagloire(relireIs6).

L’interrogation juivemet la foi chrétienne en garde contreune idée trop courte de l’« accomplissement » et del’inauguration de la nouvelle création ; Paul lui-même a dûréagircontrelescourants«enthousiastes»desescommunautésqui se prenaient pour déjà installés dans le Royaumeeschatologique (1 Co 4). Cette « réserve eschatologique » estaussicequipermetdelireenRm7nonseulementladétressedupaïen,maisaussil’inadéquationdouloureusedesbaptisésàleurvocation.

Retouràlamétaphoreduretranchementetdelagreffe

Danslaconclusiondesaconférence,RivonKrygierrevientàcemême sujet qui l’avait ouverte en des termes chaleureusementœcuméniques.Onpeutdirequ’il rejoint les accentsdeRm15surl’accueilmutuelàl’imagedel’accueildeDieuetduChristpour les deux grandes fractions de l’humanité. Lui aussi relitPaul après coup, quand il écrit : «Le “mystère” chezPaul estdouble:celuidelapersévéranced’Israël,endépitdesonrefusduChrist,maisaussicelui,sousleregardjuif,del’efflorescenceuniverselle dumonothéisme chrétien, en dépit de son rejet dujudaïsmelégal.Laruptureayantétéconsomméejusqu’àsatiété,une nouvelle ère s’est ouverte » (p. 405). Il rejoint aussi ladémarche paulinienne d’abandon à la Sagesse de Dieu quiachève Rm 11. Aucune des deux parties ne doit vouloirtriompher de l’autre, mais s’adonner à la techouva, au«retournement»queproposelepasteurFlorenceTaubmann3.

Etilcommentecettepropositionendestermesauxquelsunchrétienassentira.

1. Voir J.-N. ALETTI, « Le statut de l’Église dans les lettrespauliniennes.Réflexions sur quelquesparadoxes»,Biblica 83(2002),p.153-174;P.BONY,«Lafiguredu“peupledeDieu”dans l’ecclésiologie paulinienne », Chemins de Dialogue, 37(2011),p.41-67.2. Sur ce langage « cru », J.-P. Lémonon apporte un«éclaircissement» trèsutiledans lemêmenumérode la revueSens:«ÉclaircissementssurquelquesproposdePaul»,p.221-238, spécialement p. 224-225. C’est en effet la « super-

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Abraham91–113;181:220;268accomplir323–325;360accueil/accueillir16;341Adam125;128;132-137;159-160;181agapè / amour121 ;126-127 ;186 ;199 ;305-307 ;315-

318;323-325;337;aimé(e)230;381alliance(s)212;294bénédiction382-383chair 31 ; 93 ; 163-164 ; 187-189 ; 211-212 ; 263 ; 326 ;

393-394charismata/dons211-212;304christologie31-32 ;38 ;128 ;184 ;197 ;212 ;214-215 ;

240;244;247;322-323;339-340;342circoncision53-54;55;98-99;117;219;342cœurmauvais133;170colère47-49;76;225-227;285-286;290-291commandement/préceptes161-163;324;327;404convoitise159-160;394corps171;190;195;203-204;300;303;corpsdepéché

144;corpsdemort167création193-195croix75-77;105-106;143;145;147;151;177;238;

339descendance102-103;220;254Ecriture(s)30;93;95;242;259;339;356;391élection/élu(s)81;118;185;213;254;258-259;275-

276;402endurci(r)/endurcissement207;210;259-260;271ennemis128;275;311-313;381espérance122-123;126;184ss;200-202esprit/Esprit139;152;183-204;190;Espritdesainteté

31-32évangile29-31;34;119;248;348;monévangile31;356.expiation74-75faibles/forts327-328338-339fierté77-79;93Fils/fils31;33;184;193;195;213frère(s)118;197;211;230;289;311-313;328;337;

365;faux-frères378foi33;36-37;40-41;42-43;104;112;238;241;244;

400;foideJC71-72grâce70;95;101;367-368;397-399;402greffe/greffé/greffer266-269;379-383Israël206 ;218-219 ;233-234 ;253-255 ;283-284 ;374 ;

tout Israël 269-274 ; 280-282 ; 380 ; 390 ; Israélite(s)212;289

jaloux/jalousie210;249-251jugement49-54;188Juif(s)37;52-57;81;87;117;228;241;judaïsme288;

377justice/ justicedeDieu35-36;58;67-76;85;91;236-

237;241;243-245;334juste / justifier / justification42-43 ;50-51 ;60 ;65 ;66 ;

83;93-98;103-104;198;387;391;397-398;403;

409-410libérer;libérateur;liberté122;186;194;273légalisme19-20;179;376;396Loi/tôrah19-22;39;51;53-54;59;60;61;70;80;82-

83 ;87-88 ;90 ;101 ;149-152 ;157-180 ;166 ;182 ;183 ; 186 ; 235-236 ; 239-240 ; 246 ; 323-325 ; 360 ;374;387-391;392-393;410-412;loidefoi80;400-401;406;loidejustice237;390

mérite387;396messie/messianisme38-39;204;383-384miséricorde223;225-226;228;276-278;399Moïse116;223mort131;134;144-145;151;188-190mystère269;405;412nations32;37;65;81;118-119;182;210;228-231;235;

247;251;263;270;276-278;343-344;369NouvellePerspective19-22;173-174;376obéissance / obéissance de la foi 33 ; 71 ; 129-130 ; 297

/désobéissance277-278oecuménique/œcuménisme16;342œuvres/œuvresdelaloi21;58-59;83;90;97;109-110;

173-174;221;403-404olivier262;266-269paix126;334parole217-218;231;324pascal(événement)32;72;104-105;142-149;203patience227;251;288péché55;57;131-132;134;140;144;161-162;187;

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PublicationsCheminsdeDialogue

Revue«CheminsdeDialogue»

Revuethéologiqueetpastoralesurledialogueinterreligieux,fondéeparl’InstitutdesciencesetthéologiedesreligionsdeMarseille(départementdel’InstitutcatholiquedelaMéditerranée),éditéeparl’association«CheminsdeDialogue».

Desouvrages

RobertCoffy,Oui,ceMystèreestgrand,Marseille,PublicationsCheminsdeDialogue,1996.

Jean-MarcAveline,L’enjeuchristologiqueenthéologiedesreligions.LedébatTillich-Troeltsch,Paris,ÉditionsduCerf,«Cogitatiofidei»227,2003.

Jean-MarcAveline&ChristianSalenson(dir.),Lagrotteetlerocherdanslesreligions,Marseille,PublicationsCheminsdeDialogue,2004.

Jean-MarcAveline&ChristianSalenson(dir.),AucarrefourdesÉcritures.HommageamicalàPaulBony,Marseille,PublicationsCheminsdeDialogue,2004.

Jean-MarcAveline&ChristianSalenson(dir.),Éduqueràlalibertéreligieuse,Marseille,PublicationsCheminsdeDialogue,2006.

Jean-MarcAveline,PaulTillich,Marseille,PublicationsCheminsdeDialogue,2007.

HenriJourdan,Tiensbon…Etavance!,Marseille,Publications

CheminsdeDialogue,2007.PaulBony,SaintPaul,Marseille/Paris,PublicationsCheminsdeDialogue/Éditionsdel’Atelier,coll.«Toutsimplement»,2008.

ChristianSalenson,ChristiandeChergé.Unethéologiedel’espérance,Marseille/Paris,PublicationsCheminsdeDialogue/Bayard,2009.

MauriceVidal,CetteÉglisequejechercheàcomprendre,entretiensavecChristianSalensonetJacquesTessier,Marseille/Paris,PublicationsCheminsdeDialogue/LesÉditionsdel’Atelier,2009.

Jean-MarcAveline,Lamannecachée,Marseille,PublicationsCheminsdeDialogue,2009.

ChristianSalenson(dir.),PasseursetpèlerinsenMéditerranée,Marseille,PublicationsCheminsdeDialogue,2010.

Jean-MarcAveline(dir.),Surlechemindel’autre,Marseille,PublicationsCheminsdeDialogue,2010.

Collection«CheminsdeDialogue»chezDDB

RogerMichel,Ledialogueislamo-chrétiendansl’espritd’Assise,Paris,Lethielleux-DDB,2011.

ChristianSalenson,Lessacrements.Septclefspourlavie,Paris,DescléedeBrouwer,2012.

Achevéd’imprimersurlespressesdel’imprimerieenseptembre2012N°d’imprimeur:

Dépôtlégal:octobre2012ImpriméenFrance

CompositionetmiseenpagesréaliséesparCompo66–Perpignan

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