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Universit´ e Paris-Diderot Pr´ eparation ` a l’agr´ egation, 2014-2015 Espaces de Fr´ echet et distributions novembre - d´ ecembre 2014 Benjamin Texier ef´ erences: G. Folland, Real analysis, Wiley and sons. W. Rudin, Functional Analysis, McGraw-Hill. L. H¨ ormander, The analysis of linear partial differential operators, volume 1, Springer. Distributions: introduction: Soit f L p (R d ), avec 1 p< . On peut comprendre f comme une application d´ efinie sur un sous-ensemble de mesure pleine de R d , ` a valeurs dans C. Un autre point de vue consiste ` a voir f comme un ´ el´ ement du dual de L q (R d ), avec 1/p+1/q =1, c’est-` a-dire comme l’application: f : g L q -→ Z R d f g dx C. Le deuxi` eme point de vue contient en quelque sorte le premier, puisqu’en choisissant g = g x,r = |B(x, r)| -1 1 B(x,r) (fonction indicatrice), on a lim r0 hf,g x,r i = f (x), pp en x. (Cf Lebesgue differentiation theorem, Folland, Theorem 3.21 - il suffit de supposer f L 1 loc ) Ce point de vue par dualit´ e est celui qu’on adopte dans la th´ eorie des distributions. 1 Espaces de Fr´ echet Une topologie d’un ensemble E est la donn´ ee d’une partie de P (E) qui contient E et l’ensemble vide, et qui est stable par union et par intersections finies. Ses ´ el´ ements sont appel´ es les ouverts de E. Le compl´ ementaire d’un ouvert est un ferm´ e. Un voisinage d’un point est un ouvert qui contient ce point. Une etrique (ou une distance) d’un ensemble d est une application d : E × E R + telle que d(x, y)= d(y,x) (sym´ etrique), d(x, y)=0 ⇐⇒ x = y, et qui v´ erifie l’in´ egalit´ e triangulaire. Une norme |·| d’un ensemble E est une application E R + qui est positivement homog` ene: |λx| = |λ||x|, et telle que |x| =0 ⇐⇒ x =0, et qui v´ erifie l’in´ egalit´ e triangulaire. Une m´ etrique ou une norme d´ efinissent une topologie dans laquelle les ouverts sont les unions et les intersections finies de boules ouvertes. 1

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Universite Paris-Diderot Preparation a l’agregation, 2014-2015

Espaces de Frechet et distributionsnovembre - decembre 2014

Benjamin Texier

References:

• G. Folland, Real analysis, Wiley and sons.

• W. Rudin, Functional Analysis, McGraw-Hill.

• L. Hormander, The analysis of linear partial differential operators, volume 1, Springer.

Distributions: introduction: Soit f ∈ Lp(Rd), avec 1 ≤ p < ∞. On peut comprendre fcomme une application definie sur un sous-ensemble de mesure pleine de Rd, a valeurs dans C.Un autre point de vue consiste a voir f comme un element du dual de Lq(Rd), avec 1/p+1/q = 1,c’est-a-dire comme l’application:

f : g ∈ Lq −→∫

Rd

fg dx ∈ C.

Le deuxieme point de vue contient en quelque sorte le premier, puisqu’en choisissant g = gx,r =|B(x, r)|−11B(x,r) (fonction indicatrice), on a

limr→0〈f, gx,r〉 = f(x), pp en x.

(Cf Lebesgue differentiation theorem, Folland, Theorem 3.21 - il suffit de supposer f ∈ L1loc)

Ce point de vue par dualite est celui qu’on adopte dans la theorie des distributions.

1 Espaces de Frechet

Une topologie d’un ensemble E est la donnee d’une partie de P(E) qui contient E et l’ensemblevide, et qui est stable par union et par intersections finies. Ses elements sont appeles les ouvertsde E. Le complementaire d’un ouvert est un ferme. Un voisinage d’un point est un ouvert quicontient ce point.

Une metrique (ou une distance) d’un ensemble d est une application d : E × E → R+ telleque d(x, y) = d(y, x) (symetrique), d(x, y) = 0 ⇐⇒ x = y, et qui verifie l’inegalite triangulaire.

Une norme | · | d’un ensemble E est une application E → R+ qui est positivement homogene:|λx| = |λ||x|, et telle que |x| = 0 ⇐⇒ x = 0, et qui verifie l’inegalite triangulaire.

Une metrique ou une norme definissent une topologie dans laquelle les ouverts sont les unionset les intersections finies de boules ouvertes.

1

Une semi-norme p satisfait tous les axiomes d’une norme sauf |x| = 0 ⇐⇒ x = 0, c’est-a-dire que pour certains x ∈ E, on peut avoir p(x) = 0 et x 6= 0.

Un espace vectoriel topologique est un ensemble muni d’une topologie pour laquelle lesoperations d’espace vectoriel sont continues (c’est-a-dire que les images reciproques des ouvertssont des ouverts).

Un e.v.t est dit metrisable s’il existe une metrique qui definit la meme topologie. Un e.v.test dit normable s’il existe une norme qui definit la meme topologie.

On se limite a des topologies separees, c’est-a-dire telles que deux points distincts ont desvoisinages distincts.

Une partie X d’un e.v.t. E est dite bornee quand X ⊂ tV, pour n’importe quel voisinageV de 0 et pour t > 0 assez grand. (Exercice: montrer que X est borne si et seulement si etantdonne (xn) ⊂ X et αn →∞, on a αnxn → 0 – Cf Rudin, Th. 1.30.)

Un Banach est un e.v.t. complet.Une famille (pα)α de semi-normes dans E est dite separante quand pour tout x ∈ E, il

existe α tel que pα(x) 6= 0. (Cette propriete garantit que la topologie associee a la famille desemi-normes est separee; cf Folland Proposition 5.16).

Un espace de Frechet est un e.v.t. dont la topologie est complete et definie par une familleseparante denombrable de semi-normes (pn). Le fait que la topologie soit definie par les (pn)signifie que les voisinages de zero sont les unions d’intersection finies d’ensembles la formep−1n

([0, ε [

), pour n ∈ N et ε > 0.

Proposition 1. Une topologie de Frechet est metrisable, via

d(x, y) = supnαn

pn(x− y)1 + pn(x− y)

,

ou (αn) est une suite reelle decroissante qui tend vers zero (n’importe laquelle).

Preuve. Soit B(0, r) une boule ouverte pour d. On veut verifier que c’est un voisinage de zeropour la topologie de Frechet. Si x ∈ B(0, r), alors pour tout n,

αnpn(x− y)

1 + pn(x− y)< r. (1)

L’inegalite (1) est toujours vraie pour n tel que αn < r, correspondant a n > N. Consideronsdonc (1) pour n ≤ N, de sorte que αn > r. On en deduit

pn(x) ≤ r

αn − r.

On vient de prouver l’egalite

B(0, r) =⋂n≤N

p−1n

( [0,

r

αn − r[ )

et donc B(0, r) est un ouvert.

2

Reciproquement, soit V un voisinage de zero dans la topologie des (pn), et x ∈ V. AlorsV − x est un voisinage de zero, donc

V − x ⊃⋂n≤N

p−1n ([0, ε[),

avec ε < 1 si on veut. Soit r tel que 2r < αNε et y ∈ B(0, r). Alors pour n ≤ N,

pn(y)1 + pn(y)

< α−1n r <

ε

2,

et doncpn(y) <

ε/21− ε/2

< ε,

si bien que B(0, r) ⊂ p−1n (0, ε), pour tout n ≤ N. Donc V −x ⊃ B(0, r), ou encore V ⊃ B(x, r).

Donc pour tout ouvert V de la topologie Frechet, pour tout x ∈ V, V est un voisinage de xpour la topologie metrique. On en deduit que V est ouvert pour la topologie metrique, via

V =⋃x∈V

Bx,

ou pour tout x ∈ V, Bx est une boule ouverte qui contient x et est incluse dans V.

Quels sont les ensembles bornes dans E Frechet ? Si X est borne, alors X ⊂ tV, pour toutV voisinage de zero et pour t assez grand. En particulier, X ⊂ p−1

n (0,Mn), pour tout n et pourun certain Mn > 0. Autrement dit, chaque semi-norme pn est bornee sur toute partie bornee deE.

Au sens de la metrique d decrite ci-dessus, X est borne si et seulement si X est inclus dansune boule B(0, R), pour un certain R > 0. Mais on remarque que E lui-meme est inclus dansB(0, 1)... Donc toutes les parties de E sont bornees pour d.

On a donc deux notions distinctes d’ensemble borne dans un Frechet, ce qui est a prioriproblematique.

Mais dans la suite, on parlera de parties bornees d’un Frechet seulement au sens de la famillede semi-normes, et on n’utilisera pas directement la metrique associee.

En revanche, si E est un Frechet dont la topologie est normable, alors il n’y a qu’une seulenotion d’ensemble borne.

En effet:

• si X est borne au sens de la norme, alors X ⊂ B(0, R) pour un certain R > 0. Soit Vun voisinage de zero. Alors pour t > 0 assez grand, on a B(0, R) ⊂ tV. En effet, sinonon aurait B(0, R/t) 6⊂ V. Mais (B(0, ε))ε>0 est une base de voisinages de zero, donc levoisinage de zero V contient un B(0, ε), donc une boule B(0, R/t) pour t assez grand.

• Reciproquement, si X est borne, alors pour tout voisinage de zero V, on a X ⊂ tV. Onpeut choisir V = B(0, 1). Donc X ⊂ B(0, t) : X est borne au sens de la norme.

3

Ce qu’on a utilise dans les deux implications ci-dessus, c’est l’homogeneite de la norme, proprietequ’on n’a pas dans un cadre metrique.

On se pose maintenant la question de savoir comment on modifie la topologie si on changeles semi-normes:

Proposition 2. Si (pn) et (qn) sont des familles de semi-normes equivalentes sur E, au sensou il existe c1 > 0 et c2 > 0 telles que pour tout n, il existe m tel que pn ≤ c1qm et pourtout m′ il existe pn′ tel que qm′ ≤ c2pn′ , alors les semi-normes (pn) et (qn) definissent la memetopologie.

Preuve. Soit V un voisinage de zero pour (pn). Alors V ⊃⋂n ≤ Np−1

n (0, ε). Pour tout n ≤ N,il existe mn tel que x ∈ p−1

n (0, ε) =⇒ x ∈ q−1mn

(0, εc1). Donc V contient les intersections desensembles q−1

mn(0, c1ε), si bien que V contient un voisinage de zero pour la topologie (qn).

On peut en fait etre plus precis: pour tout point x dans V, V contient un voisinage de xpour la topologie (qn). Il suffit en effet de dire que V contient un Wx, voisinage de x pour latopologie (pn), qu’on ecrit x + V0, ou V0 est un voisinage de zero comme plus haut. Ce V0

contient un V ′0 , voisinage de zero pour (qn), et donc V contient x+V ′0 , voisinage de x pour (qn).Donc V est un ouvert pour (qn) : soit en effet l’union de tous les x + V ′0 comme ci-dessus.

C’est un ouvert pour (qn). Il est inclus dans V car tous les x+V ′0 sont inclus dans V (V ′0 dependbien sur de x). Mais il contient V car il contient tous les x de V.

Finalement la topologie (pn) contient la topologie (qn). Par symetrie, on a fini.

On termine par une description des formes lineaires et applications lineaires continues surun Frechet:

Proposition 3. Soit T une forme lineaire sur E Frechet. Alors T est continue si et seulements’il existe C > 0 et N tels que pour tout φ ∈ E,

|Tφ| ≤ C∑n≤N

pn(φ).

Plus generalement, T lineaire entre le Frechet E (pn)) et le Frechet E′ (p′n) est continue si etseulement si pour tout n, il existe m1, . . . ,mNn et Cn > 0 tels que, pour tout φ ∈ E,

p′n(Tφ) ≤ Cn∑i≤Nn

pmi(Tφ).

Preuve. Pour la forme lineaire T, la continuite est equivalente a T bornee dans un voisinage dezero. Soit V un voisinage de zero sur lequel T est bornee. Ce voisinage contient les p−1

n (0, ε),pour un certain ε > 0, pour tout n ≤ N, pour un certain N ∈ N. Autrement dit, pour toutφ ∈ E, (

pour tout n ≤ N, pn(φ) ≤ ε)

=⇒ |T (φ)| ≤M <∞.

Soit φ tel que les pn(φ), pour n ≤ N, ne sont pas tous nuls. On pose

ψ =ε

2φ∑

n≤N pn(φ).

4

Alors pn(ψ) < ε, pour tout n ≤ N. Donc

|T (φ)| = 2ε

∑n≤N

pn(φ)|T (ψ)| ≤ 2Mε

∑n≤N

pn(φ),

et on a la conclusion avec C = 2M/ε.Si φ est tel que pour tout n ≤ N, pn(φ) = 0, alors pn(λφ) = 0, pour tout λ > 0. Et

|T (λφ)| ≤M, pour tout λ > 0. Par homogeneite, necessairement T (φ) = 0.La reciproque est claire.Extension a T : E → E′ : exercice.

Source: Rudin, chapitre 1, particulierement le paragraphe 1.29, le Theoreme 1.37 et laRemarque 1.38; pour la Proposition 3: Folland Proposition 5.15.

2 C∞(Ω)

Soit Ω un ouvert de Rd. L’ensemble C∞(Ω) est l’ensemble des fonctions lisses Ω→ C.Le support d’un element f de C∞(Ω) est l’adherence de x ∈ Ω, f(x) 6= 0.On note DK le sous-ensemble de C∞(Ω) forme des fonctions dont le support est inclus dans

K, ou K est un compact de Ω.On note (Kn) une famille croissante de compacts telle que Ω =

⋃n∈N

Kn.

On note (pn) la famille de semi-normes dans C∞(Ω) definies par

pn(f) := supx∈Kn

|α|≤n

|∂αx f(x)|. (2)

Il est clair que (pn) est separante. La topologie de C∞(Ω) qu’on considere est celle associee aux(pn).

Que se passe-t-il quand on change les Kn ? Si K ′n est une autre famille de compacts,croissante et dont l’union est Ω tout entier, on note (p′n) les semi-normes associees. Alors pourtout n, on peut trouver m tel que Kn ⊂ K ′m. Donc pn ≤ p′m. Les familles (pn) et (p′n) sont doncequivalentes au sens de la Proposition 2, et les topologies (pn) et (p′n) coincident.

Cette topologie est complete: soit en effet (fn) de Cauchy. Pour n et p assez grands, fn−fptombe dans n’importe quel voisinage de zero. En particulier dans p−1

N (0, ε), pour tout N ettout ε. Donc, en restriction a KN , (fn) est uniformement de Cauchy, donc converge vers g. Etles derivees d’ordre inferieur ou egal a N de (fn) sont aussi uniformement de Cauchy dans KN .Donc ∂αx fn → ∂αx g, pour |α| ≤ N, uniformement dans KN . Comme N est arbitraire et que Ωest recouvert par les KN , on a bien g ∈ C∞(Ω).

Donc C∞(Ω) est un Frechet.

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Considerons maintenant l’application d’evaluation en x0 ∈ C∞(Ω) : ex0 : f → f(x0). C’estune forme lineaire sur C∞(Ω), donc elle est continue si et seulement si elle est bornee sur unvoisinage de zero. Soit n0 tel que x0 ∈ Kn0 . Alors si f ∈ p−1

n0(0, 1), on a |ex0(f)| = |f(x0)| ≤

pn0(f) ≤ 1. Donc les evaluations ponctuelles sont continues.Soit f ∈ DK , pour K compact de Ω, et x /∈ K. Alors f(x) = 0. Sinon f serait non nulle dans

tout un voisinage de zero, et le support de f ne serait donc pas inclus dans K. Reciproquement,si f ∈ C∞(Ω) s’annule sur Ω \K, alors le support de f est inclus dans K. Donc

DK =⋂x/∈K

ker ex,

et donc DK est ferme comme intersection de fermes. Il est donc aussi complet (comme fermed’un complet).

Proposition 4. La topologie de C∞(Ω) n’est pas normable.

Preuve. On va prouver que les fermes bornes de C∞(Ω) sont compacts. Alors, si C∞(Ω)etait normable, la boule fermee B(0, 1) serait un ferme borne (borne au sens de la topologie deFrechet, et aussi au sens de la norme: cf la remarque finale du paragraphe 1), et donc compacte.L’espace C∞(Ω) serait donc localement compact et donc de dimension finie.

Soit donc E un ferme borne de C∞(Ω), et (fn) ⊂ E. Il suffit de montrer que (fn) a un pointd’accumulation dans E, parce que la topologie de C∞(Ω) est metrisable (Proposition 1). Le faitque E soit borne signifie exactement que pk|E ≤Mk <∞ pour tout k. Dans le compact K0, lafamille (fn|K0

) satisfait les hypotheses du theoreme d’Ascoli: (i) elle est ponctuellement bornee:pour tout x ∈ K0, supn |fn(x)| ≤ supn |fn|K0

| ≤ p0|K0(E) ≤M0 <∞; (ii) elle est equicontinue:

en effet, on a supn p1(fn) ≤ p1|K1(E) ≤ M1 < ∞, donc en particulier pour tout |α| = 1, la

suite supK1|∂αx fn| est bornee, ce qui implique l’equicontinuite sur le plus petit compact K0. On

en deduit que fn|K0a une sous-suite qui converge uniformement vers une fonction continue sur

K0. Par un procede d’extraction diagonale (cf deuxieme version d’Ascoli, 4.44, Folland), on endeduit que (fn) a un point d’accumulation.

On en deduit que DK n’est non plus pas normable (quand K est d’interieur non vide – caralors DK est de dimension infinie), quand DK est muni de la topologie induite par la topologiede C∞(Ω).

Proposition 5. C∞c (Ω) est dense dans C∞(Ω).

Preuve. Par le lemme d’Urysohn C∞ (cf dernier enonce du cours sur la convolution), pour toutn, il existe ψn ∈ C∞c (Ω) qui est identiquement egal a 1 sur le compact Kn. Soit φ ∈ C∞(Ω). Lasuite (ψnφ) converge vers φ dans C∞(Ω). En effet, il suffit de verifier que pn0((ψn − 1)φ)) < ε,si n est assez grand, avec n0 et ε > 0 arbitraires. Cela decoule de ψn ≡ 1 sur Kn0 des quen ≥ n0.

Proposition 6. Les operateurs de derivation ∂αx , pour α ∈ Nd, sont continus C∞(Ω)→ C∞(Ω).

6

Preuve. Comme C∞(Ω) est metrisable, il suffit de verifier que ∂αx est borne sur C∞(Ω), c’est-a-dire envoie les bornes sur les bornes. (Cf Theorem 1.32, Rudin.) Soit donc X borne. Alorstoute semi-norme pn est bornee sur X (cf plus haut): pn(f) ≤Mn <∞, pour tout f ∈ X. Doncpn(∂αx f) ≤ pn+|α|(f) ≤Mn+|α| <∞, et ∂αx (X) est bien borne.

La Proposition 6 permet de retrouver le fait que C∞(Ω) n’est pas normable (resultat de laProposition 4). Soit en effet | · | une norme sur C∞(Ω), compatible avec la topologie decriteplus haut. Alors ∂αx est continu au sens de | · |. Mais (en se restreignant a Ω = R), ∂xeλx = λeλx,donc la norme d’operateur de ∂x est plus grande que tout λ > 0, contradiction. (La preuvede la Proposition 4 nous dit que les fermes bornes sont compacts dans C∞(Ω), une proprieteimportante independamment de la question de la normabilite.)

Source: Rudin, chapitre 1, paragraphe 1.45; pour Ascoli 4.43 et 4.44 dans Folland; densitede C∞c : cette redaction est empruntee a Folland, Proposition 9.7; la remarque finale vient deFolland, p168.

3 S(Rd)

L’ensemble S(Rd) des fonctions dites a decroissance rapide sur Rd, est defini comme l’ensembledes f : Rd → C telles que

∀α ∈ Nd, ∀N ∈ N, pα,N (f) := supx∈Rd

(1 + |x|)N |∂αx f(x)| <∞.

La famille de semi-normes (pα,N ) defini sur S une structure de Frechet. En effet (completude):si (fn) est de Cauchy dans S, alors pα,k(fn − fp) < ε, pour tout ε, α, k, si n et p sont assezgrands. En particulier, (∂αx fn) est uniformement de Cauchy dans Rd, pour tout α ∈ Nd. Soitgα sa limite. Alors

fn(x+ tej) = fn(x) + t

∫ 1

0∂xjfn(x+ sej) ds.

En passant a la limite on obtient

g0(x+ tej) = g0(x) + t

∫ 1

0gej (x+ sej) ds,

et donc gej = ∂xjg0. On conclut par recurrence.

Deux proprietes notables de S :

• stabilite par convolution: S ? S ⊂ S (cf exercices du 23 octobre);

• densite de C∞c dans S.Verification: soit f ∈ S et φ ∈ C∞c telle que φ ≡ 1 dans un voisinage de 0. On noteφε(x) := φ(εx). Alors φεf ∈ C∞c (evident) et fφε → f dans S.En effet, soit δ > 0, et soit α et N. Il existe K tel que

supx/∈K

(1 + |x|)N |∂αx f(x)| < δ.

7

En particulier,supx/∈K

(1 + |x|)N |(φε(x)− 1)∂αx f(x)| ≤ δ(1 + |φ|L∞).

Par ailleurs, φε → 1 uniformement sur le compact K. Donc pour ε assez petit, on a

supx∈Rd

(1 + |x|)N |(φε(x)− 1)∂αx f(x)| ≤ δ(1 + |φ|L∞) + δ.

pour ε assez petit (dependant de δ, α,N, f). Pour borner pα,N (f(φε − 1)), il suffit main-tenant de tenir compte de termes qui impliquent des derivees ∂βxφε = O(ε) : ces termessont petits a la limite ε→ 0.

L’ensemble S (parfois dit classe de Schwartz) joue un role important dans la theorie des distri-butions et Fourier, cf la suite.

Source: Folland, Proposition 8.2 pour la completude, et Proposition 9.9 pour la densite deC∞c .

4 D(Ω)

On definit D(Ω) (notation equivalente: C∞c (Ω)) comme le sous-ensemble de C∞(Ω) formedes fonctions a support compact. En particulier, C∞c (Ω) contient tous les DK (notation duparagraphe 2), pour K compact de Ω.

La question qui nous interesse ici est: quelle topologie definir sur C∞c (Ω) ?

On en connaıt deja une: la topologie induite par C∞(Ω), via l’inclusion D(Ω) ⊂ C∞(Ω).C’est la topologie associee aux (pn) definies en (2). Noter que dans la definition des pn onrestreint les suprema aux compacts Kn, parce qu’une fonction lisse sur un ouvert n’est pasnecessairement bornee. Mais ici on parle de fonctions lisses a supports compacts, donc bornees.On peut donc envisager la famille de semi-normes

qn(f) := supx∈Ω|α|≤n

|∂αx f(x)|.

Premiere remarque: les (pn) et les (qn) definissent la meme topologie sur chaque DK . (Ex-ercice)

Deuxieme remarque: la topologie (qn) de D(Ω) n’est pas complete.Verification: dans le cas Ω = R, soit φ a support dans [0, 1], positive sur (0, 1), et

ψn = φ(x− 1) +122φ(x− 2) + · · ·+ 1

n2φ(x− n).

Alors (ψn) est de Cauchy dans D(R). En effet, pour tout n0 et pour tout ε, on veut verifier queqn0(ψn − ψn+p) < ε si n est assez grand. On majore:

qn0(ψn − ψn+p) ≤∑

n+1≤k≤n+p

1k2qn0(φ(· − k)).

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Comme qn0(φ(·−k)) = qn0(φ), on voit que (ψn) est de Cauchy. Mais sa limite ψ∞ =∑k≥1

1k2φ(x− k)

n’est pas a support compact.

Definition 1. Dans C∞c (Ω), on pose les definitions suivantes:

• une suite (fn) ⊂ C∞c (Ω) converge vers f ∈ C∞c (Ω) quand (fn) ⊂ DK pour un compact Kdonne dans Ω, et quand fn → f dans la topologie de DK decrite ci-dessus;

• une application lineaire T : C∞c (Ω) → E, ou E est un Frechet, est continue quand T|DK

est continue pour tout K;

• une application lineaire T : C∞c (Ω) → C∞c (Ω′) est continue quand pour tout K compactde Ω il existe un compact K ′ de Ω′ tel que T (DK) ⊂ DK′ et T est continue de DK versDK′ .

Dans la definition ci-dessus, fn → f dansDK signifie convergence au sens des (qn), autrementdit: ∂αx fn → ∂αx f pour tout α, uniformement.

Dans la definition ci-dessus, la continuite de T dans DK peut s’exprimer sequentiellement,puisque DK est metrisable (Proposition 1): pour tout fn → f dans DK , T fn → Tf (dansl’espace d’arrivee: E ou DK′).

Cette definition amene immediatement la question suivante: existe-t-il une topologie surC∞c qui correspond a ces notions de convergence et de continuite ?

La reponse est oui. Cette topologie est un peu compliquee a decrire. Elle est complete, nonmetrisable, les bornes sont les ensembles sur lesquels chaque norme qn est bornee, les fermesbornes sont compacts, et la topologie qu’elle induit dans chacun des DK est celle des (qn).

Proposition 7. Les operateurs de derivation ∂αx sont lineaires continus D(Ω)→ D(Ω).

Preuve. La continuite est au sens de la Definition 1. (On n’a rien d’autre: on ne connaıt pas lesouverts de D.) Soit K fixe compact dans Ω. Alors ∂αx envoie DK dans lui-meme. La topologieinduite de DK est metrisable. Donc il suffit de verifier que ∂αx envoie les bornes sur les bornes.On utilise pour cela qn(∂αx f) ≤ qn+|α|(f), comme dans la preuve de la Proposition 6.

Question: les topologies (pn) et (qn) sur D sont-elles identiques? Non. Soit en effet Ω = R,et φ une fonction bosse, a support compact, telle que 0 ≤ φ ≤ 1. On definit φn en translatant φde n. Alors pour tout m fixe, quand n est assez grand, pm(φn) ≡ 0. Mais q0(φn) ≡ 1. Autrementdit: (φn) ⊂ D tend vers 0 au sens de la topologie definie par les (pn). Mais pas au sens de latopologie definie par les (qn).

Source: non completude de la topologie “naturelle” de D : Rudin paragraphe 6.2; cettepresentation par une definition des notions de CV et continuite est empruntee a Folland, para-graphe 9.1; la definition precise de la topologie adequate de D est dans Rudin, paragraphes 6.3a 6.6.

9

5 D′(Ω)

5.1 Definitions

Les distributions sont les applications lineaires continues C∞c (Ω)→ C, autrement dit les formeslineaires continues sur C∞c (Ω). On note D′(Ω) l’ensemble des distributions sur Ω (le dual deD(Ω)).

Que signifie “etre continu sur D(Ω)” dont on ne connaıt pas les ouverts ? Pour les appli-cations lineaires, la Definition 1 (qui bien sur est en fait un theoreme: une description de latopologie sur D dont nous n’avons pas parle) nous l’indique: c’est la continuite en restrictiona chaque DK , dont on connaıt la topologie. Donc T ∈ D′ si et seulement si T est borne dansun voisinage de zero dans DK , pour chaque K. Autrement dit, il existe n, δ et M tels que siqn(φ) ≤ δ, alors |T (φ)| ≤M <∞. Soit maintenant φ ∈ DK , φ 6= 0, et ψ = (δφ)/(2qn(φ)). Alorsqn(ψ) = δ/2. Donc |T (ψ)| ≤M. Cad |T (φ)| ≤ (2M/δ)qn(φ). On a donc la proposition suivante(comparer avec la Proposition 3):

Proposition 8. Soit T une forme lineaire sur D(Ω). Alors T ∈ D′ si et seulement si pour toutK compact dans Ω il existe N et C > 0 tels que pour tout φ ∈ DK ,

|Tφ| ≤ CqN (φ) = C supx∈K|α|≤N

|∂αxφ(x)|.

On munit maintenant D′ de la topologie faible ? induite par la topologie de D. On ne saitessentiellement rien (du moins dans le cadre de ce cours) sur la topologie de D, mais ce n’estabsolument pas un probleme ici: la connaissance de la topologie faible ? dans D′ ne necessiteaucune connaissance de la topologie de D : une base de voisinages de 0 dans D′ est donnee parles ensembles ⋂

n≤NVfi,ε :=

⋂n∈N

T ∈ D′, |〈T, fi〉| < ε

, (fi) ⊂ D, ε > 0. (3)

En particulier, Tn → T dans D′ signifie: 〈Tn − T, f〉 → 0 pour tout f ∈ D.

Exemples:

• L1loc ⊂ D′ : l’action de f sur D se fait par integration:

φ→∫

Ωfφ dx.

Comparer avec l’introduction de ce cours. Cette action est continue (exercice).

• l’application φ→ ∂αxφ(x0) est une distribution (exercice).

5.2 Operations

On commence par decrire une procedure generale pour etendre des applications lineaires contin-ues sur les fonctions lisses (auxquelles on pense comme a des “operations” – par ex la derivation,la multiplication) aux distributions:

10

Lemme 9. Soit T une application lineaire d’un sous-espace de L1loc(Ω) vers L1

loc(Ω′) telle qu’il

existe T ′ lineaire continue C∞c (Ω′)→ C∞c (Ω) avec la propriete∫Ω′Tf · φdx =

∫Ωf · (T ′φ) dx. (4)

Alors en posant〈TF, φ〉 = 〈F, T ′φ〉, F ∈ D′(Ω), φ ∈ D(Ω′),

on definit une application lineaire continue T : D′(Ω)→ D′(Ω′), telle que T|D = T.

Preuve. On commence par verifier que TF est une distribution pour tout F ∈ D′(Ω). Lalinearite est claire. On utilise la Proposition 8: soit K ′ un compact de Ω′, et φ′ ∈ DK′ . Parcontinuite (et la Definition 1), T ′ est continue DK′ → DK , pour un certain compact K de Ω. Onutilise la Proposition 3 (puisque DK est un Frechet, cf la discussion qui precede la Proposition4):

qn(T ′φ) ≤ Cn∑i≤Nn

qmi(φ). (5)

Donc ∣∣〈TF, φ〉| = ∣∣〈F, T ′φ〉∣∣ ≤ CKqM (T ′φ),

car F est une distribution, et avec (5),∣∣〈TF, φ〉| ≤ Cqm(φ),

en utilisant le fait que qn ≤ qm si n ≤ m.Continuite de T : on peut commencer par verifier la continuite sequentielle: si Fn → F, alors

par definition de la convergence faible ?, 〈Fn, T ′φ〉 → 〈F, T ′φ〉, et donc T est sequentiellementcontinue.

La verification generale est tout aussi evidente: par linearite, il suffit de verifier la continuiteen l’origine. Soit V un voisinage de zero dans D′(Ω′). Alors V contient une intersection

⋂n≤N

Vgi,ε,

avec la notation (3). Et par definition de T : T−1( ⋂n≤N

Vgi,ε

)=⋂n∈N

VT ′gi,ε, qui est un voisinage

de zero.Noter que la continuite de T ′ ne sert que pour verifier que T envoie les distributions sur les

distributions. La continuite de T est ensuite evidente.

Exemples:

• Derivations: Soit T = ∂αx , definie sur le sous-espace C |α|(Ω) de L1loc(Ω). Alors (4) est

vraie avec T ′ = (−1)|α|∂αx , par integration par parties, avec Ω′ = Ω. L’application T ′ estcontinue dans C∞c (Ω) (Proposition 7).

On peut donc (Lemme 9) deriver toute distribution F, et ∂αxF est definie par

〈∂αxF, φ〉 = (−1)|α|〈F, ∂αxφ〉.

11

• Multiplication par les fonctions lisses: Soit ψ ∈ C∞(Ω), et T : D → D definie parTφ = ψφ. Alors (4) est vraie avec T ′ = T, continue sur D. On pose donc, pour toutedistribution F,

〈ψF, φ〉 = 〈F,ψφ〉.Exercice: prouver une formule de Leibnitz pour ∂αx (ψF ). (Rudin: paragraphe 6.15)

• Convolution avec les fonctions de D : ici Ω = Rd. Pour f ∈ L1loc, ψ, φ ∈ D(Rd), on calcule∫

Rd

(f ? ψ)(x)φ(x) dx =∫

Rd×Rd

f(y)ψ(x− y)φ(x)dydx

=∫

Rd

f(xy(∫

Rd

φ(x)ψ(y − x) dx)dx =

∫Rd

f(φ ? ψ).

en notant g(y) := g(−y). On pose donc, a ψ ∈ D fixe, Tf = f ? ψ, et l’application T ′

correspondante est T ′φ = φ ? ψ. Alors T ′ est lineaire continue D → D. Le fait que T ′φsoit a support compact resulte de supp (φ1 ? φ2) ⊂ suppφ1 + suppφ2. Soit K compact deRd, et φ ∈ DK . Alors

qn(T ′φ) = supx∈Rd

|α|≤n

|∂αx (φ ? ψ)| = supx∈Rd

|α|≤n

|φ ? ∂αx ψ)|

≤ |φ|L∞ sup|α|≤n

|∂αxψ|L1 ,

d’ou la continuite.

Avec le Lemme 9, on definit donc F ? ψ, pour F ∈ D′, et ψ ∈ D, comme la distribution

〈F ? ψ, φ〉 := 〈F, φ ? ψ〉.

Question: si f est telle que ∂xf ∈ L1loc, alors ∂xf peut etre compris comme une distribution.

Cette distribution coincide-t-elle avec la derivee au sens des distributions de f ? (Cf Rudin -reponse en TD).

Source: le Lemme 9 est decrit a la page 284 de Folland.

5.3 Suites de distributions

Proposition 10. Soit (Fn) une suite de distributions qui converge ponctuellement: pour toutφ ∈ D, 〈Fn, φ〉 converge dans C. Alors

φ→ lim〈Fn, φ〉

definit une distribution F, et pour tout α, ∂αxFn → F dans D′.

Preuve. Soit K compact de Ω. Alors Fn|DKest une suite de forme lineaires continues sur DK

Frechet, qui converge ponctuellement. Par le theoreme de Banach-Steinhaus, la limite estautomatiquement continue sur DK . Par la Definition 1, la limite F est donc une distribution.Puis

〈∂αxFn, φ〉 = (−1)|α|〈Fn, ∂αxφ〉 −→ (−1)|α|〈F, φ〉 = 〈∂αxF, φ〉,qui correspond bien a la convergence (faible ?) de ∂αxFn vers ∂αxF.

12

Source: Theorem 6.17, Rudin

5.4 Convolution et densite de C∞c (Rd) dans D′(Rd)

On commence par prouver un resultat sur la convolution D′ ?D :

Proposition 11. Pour F ∈ D′ et ψ ∈ D, on note(F ? ψ)(x) := 〈F, τxψ〉, avec τxg = g(·+ x),

et g = g(−·). On va verifier que cette operation ? coincide avec la convolution definie plus haut:

(1) x→(F ? ψ

)(x) ∈ C∞(Rd), et pour tout α, ∂αx (F ? ψ) = F ? ∂αxψ,

(2) Pour tout φ ∈ D, ∫Rd

(F ? ψ)φ = 〈F, φ ? ψ〉.

Preuve. (1) La convergence1h

(τx+hej

ψ − τxψ)−→ τx∂xjψ

a lieu dans D quand h → 0. (Exercice: le verifier en utilisant Taylor.) Notons G(x) :=(F ? ψ

)(x). Alors

1h

(G(x+ hej)−G(x)) = 〈F, 1h

(τx+hej

ψ − τxψ)〉

−→ 〈F, τx∂xjψ〉

par definition de D′. Donc G est differentiable suivant ej , et ∂xjG = F ? ∂xjψ. Par une recurrenceimmediate, on en deduit (1).

(2) L’integrale φ ? ψ s’approxime uniformement par des sommes de Riemann, puisquel’integrande est a support compact: on ecrit

φ ? ψ =∫

Rd

φ(y)τ−yψ(x) dy, φ0,x := φ(·)τ−(·)ψ(x).

On decoupe le support de φ0,x en cubes de volumes egaux a 2−nd. Les sommes de Riemanncorrespondantes sont

Sn(x) = 2−nd∑j≤n

φ0,x(ynj ),

et on aSn(x) −→ (φ ? ψ)(x), uniformement en x.

Par ailleurs, par definition de Sn :

∂αxSn(x) = 2−nd∑j≤n

φ(ynj )τ−ynj∂αxψ(x),

qui converge uniformement vers φ ? ∂αx ψ = ∂αx (φ ? ψ) (par propriete de la convolution desfonctions). Finalement Sn converge au sens de D vers φ ? ψ. Donc

〈F, Sn〉 −→ 〈F, φ ? ψ〉.

13

Mais par ailleurs

〈F, Sn〉 = 2−nd∑j≤n〈F, φ(ynj )τ−yn

jψ〉

= 2−nd∑J≤n

φ(yjn)〈F, τ−ynjψ〉 = 2−nd

∑J≤n

φ(yjn)G(−ynj ),

en utilisant a nouveau la notation G introduite ci-dessus. Comme G est C∞, en utilisant anouveau la convergence des suites de Riemann,

2−nd∑J≤n

φ(yjn)G(−ynj )→∫

Rd

φG =∫

Rd

φ(F ? ψ

),

ce qu’on voulait prouver.

Le point (2) de la Proposition ci-dessus nous dit que la fonction F ψ ∈ C∞ coincide avec ladistribution F ? ψ. Autrement dit: D′ ?D ⊂ C∞.

On rappelle que si (ψn) est une approximation de l’unite, alors pour tout fonction f uni-formement continue sur Rd, on a f ? ψn → f, uniformement. En particulier, si φ ∈ D, alorsψn ? φ→ φ, uniformement, et aussi ∂αx (ψn ? φ) = ψn ? ∂

αxφ→ ∂αxφ, uniformement. Donc ψn ? φ

converge au sens de D vers φ.

Proposition 12. D(Rd) est dense dans D′(Rd).

Preuve. On voit Rd comme l’union des compacts B(0, n), pour n ∈ N. Pour tout n, on peuttrouver (par le Lemme d’Uryshon C∞, qui se prouve justement par la convolution) une fonctionζn identiquement egale a 1 sur B(0, n), et identiquement egale a 0 sur le complementaire deB(0, n+ 1). Alors ζnF → F, dans D′, pour tout F ∈ D′. En effet, pour tout K compact, pourtout φ ∈ DK , pour n assez grand, 〈ζnF, φ〉 = 〈F, ζnφ〉 ≡ 〈F, φ〉.

Soit maintenant (ψn) une approximation de l’unite. On peut imposer ψn ≡ ψn. Considerons(ζjF ) ? ψn. Pour tout φ ∈ D,

〈(ζjF ) ? ψn, φ〉 = 〈ζjF, φ ? ψn〉 → 〈ζjF, φ〉.

Donc ζjF ? ψn → ζjF dans D′.Il suffit maintenant de verifier que les fonctions (ζjF ) ? ψn sont a support compact. On sait

qu’elles sont C∞ (Proposition precedente). Soit φ ∈ D, identiquement egale a 0 sur B(0, j+ 1).On peut choisir ψn de sorte que suppψn ⊂ B(0, 1). Alors ζj(φ ? ψn) ≡ 0. Donc∫

Rd

((ζjF ) ? ψn)φ = 〈F, ζj(φ ? φn)〉 = 0.

Donc (ζjF ) ? ψn est supportee dans un B(0, j + 1).

Source: Folland, Propositions 9.3 et 9.5.

14

5.5 Localisation

Proposition 13. Soit Uα une collection d’ouverts de Ω, et U =⋃α∈A

Uα. Si F,G ∈ D′ coincident

sur tous les Uα, alors F = G sur U.

Si F est G sont des distributions, on dit que F = G sur un ouvert V si 〈F −G,φ〉 = 0 pourtout φ ∈ C∞c (V ).

Preuve. Soit φ ∈ C∞c (U). Pour tout x ∈ suppφ, soit Bαx une boule ouverte strictement inclusedans Uαx , pour un certain αx ∈ A, telle que x ∈ Bαx . Alors l’union des Bαx , quand x parcourtsuppφ, recouvre suppφ. Soit Bαx1

, . . . , Bαxnun sous-recouvrement fini. Soit maintenant, par

le lemme d’Urysohn C∞, ψi une fonction de C∞c (U) telle que ψ1 ≡ 1 sur un voisinage de Bαxi,

avec supp ψi ⊂ Uαxi. On pose

ψ1 = φψ1, ψ2 = φψ2(1− ψ1), ψ3 = φψ3(1− ψ1)(1− ψ2), . . . .

Soit maintenant x dans Bαx1∪ Bαx2

, qu’on note pour simplifier B1 ∪ B2. Alors si x ∈ B1 \ B2,on a

ψ1 + ψ2 = φ(ψ1 + ψ2 − ψ1ψ2

)= φ.

De meme si x ∈ B2 \ B1. De meme si x ∈ B1 ∩ B2. Donc finalement dans tout B1 ∪ B2, on aψ1 +ψ2 = φ. Par recurrence: on obtient

∑i ψi = φ dans

⋃i

Bαxi, donc dans suppφ. Par ailleurs,

on a bien sur supp∑

i ψi ⊂ suppφ. Donc∑

i ψi ≡ φ, et

〈F, φ〉 =∑

1≤j≤n〈F,ψj〉,

et pour tout j, ψj ∈ C∞c (Uαxj), donc 〈F,ψj〉 = 〈G,ψj〉.

Definition 2. Il existe un plus grand ouvert sur lequel une distribution s’annule: c’est l’unionde tous les ouverts sur lesquels la distribution s’annule. On appelle support de la distribution lecomplementaire de cet ouvert.

Deux remarques:

• Soit F ∈ D′, dont le support ne recouve pas tout Rd, et V un ouvert dans le complementairedu support de F. (Par ex le complementaire du support de F.) Soit φ ∈ C∞c (V ). Alors〈F, φ〉 = 0. Donc

∀F ∈ D′, ∀φ ∈ D, 〈F, φ〉 = 0 si suppF ∩ suppφ = ∅. (6)

• Soit ζ ∈ C∞, avec ζ ≡ 1 dans un voisinage du support de F. Alors ζF ≡ F. En effet,

〈ζF, φ〉 − 〈F, φ〉 = 〈F, (1− ζ)φ〉,

et suppF ∩ supp ((1− ζ)φ) = ∅, donc on utilise (6).

15

Question: on a maintenant deux notions de support pour une fonction continue: la definition“standard” et celle qui correspond a f ∈ D′. Il faut verifier que les definitions coincident. (CfTD)

Source: Folland, Proposition 9.2; Hormander Theorem 1.4.4; pour les partitions de l’unitecomme dans la preuve de la Proposition 13 voir aussi Rudin Theorem 6.20.

Remarque sur les partitions de l’unite (Theorem 6.20, Rudin):

Soit Ω une union d’ouverts de Rd. Il existe (ψ)i une famille de D(Rd) telles que ψi ≥ 0,∑i

ψi ≡ 1 dans Ω, et pour tout K compact de Ω, il existe i1, . . . , in tels que∑

1≤j≤n ψij = 1 sur

K.

Verification: On note Ω =⋃α

Ωα. En tant que partie de Rd, Ω est separable, c’est-a-dire

contient un ensemble a la fois dense et denombrable. On peut donc ecrire Ω =⋃i∈N

Bi, ou les Bi

sont des boules ouvertes de Rd, toutes de meme rayon, et de centre tous differents. Pour touti, soit B′i une boule ouverte qui contient strictement Bi, et qui est contenue dans un des Ωα.Par Urysohn, on peut trouver ψi ∈ D, telle que ψi ≡ 1 dans Bi, et ψi supportee dans B′i. Onpose alors

ψ1 = ψ1, ψ2 = ψ2(1− ψ1), etc,

comme dans la preuve de la Proposition 13. On verifie par recurrence que

ψ1 + · · ·+ ψn = 1−∏

1≤i≤n(1− ψi).

Soit maintenant x ∈ Ω. Alors x appartient a un nombre fini des Bi (car les Bi sont des boulesde meme rayon) par exemple Bi1 , . . . , Bim . En particulier, ψk = 0 si k /∈ i1, . . . , im. Et

ψi1(x) + · · ·+ ψim(x) = 1− 0 = 1.

Finalement, si K est compact, alors K ⊂⋃

1≤k≤k0 Bik , et ψi1 + · · ·+ ψik0≡ 1 sur

⋃k Bik .

16

5.6 E ′(Ω)

On note E ′ l’ensemble des distributions a support compact dans Ω. Cette notation remonte aSchwartz, qui notait E = C∞ :

Proposition 14. L’espace E ′(Ω) s’identifie au dual de C∞(Ω).

Preuve. Soit F ∈ E ′. Soit ζ ≡ 1 sur un voisinage du support de F, et ζ ∈ D (encore le lemmed’Urysohn C∞). Pour φ ∈ C∞, on definit

〈F , φ〉 := 〈F, ζφ〉. (7)

Alors

• F est une forme lineaire continue sur C∞(Ω). En effet: on note KN un compact quicontient le support de ζ, et pN la semi-norme associee. Alors, par la Proposition 8,

|〈F , φ〉| ≤ CpN (φ), (8)

pour un certain N (ou (pn) definit la topologie de C∞) independant de φ. Cela signifie(par la Proposition 3) que (7) definit une forme lineaire continue sur C∞.

• En restriction a C∞c , F coincide avec F. En effet, c’est la deuxieme remarque qui suit laDefinition 2.

• Soit G1 et G2 deux elements de (C∞)′ (formes lineaires continues) qui coincident sur C∞c .Alors G1 ≡ G2, puisque C∞c est dense dans C∞ (Proposition 5). Donc la definition (7)definit l’unique prolongement (continu) de F a C∞, en particulier, ce prolongement nedepend pas du choix de ζ.

On a donc une application lineaire injective

ι : F ∈ E ′ −→ F ∈ (C∞)′, F defini par (7),

telle que ι(F )|D ≡ F, ce qui permet d’identifier E ′ avec un sous-espace de (C∞)′.Reciproquement, si F ∈ (C∞)′, alors par la Proposition 3 a nouveau, on a (8) pour un certain

N. En particulier, F|D est une distribution et F (φ) = 0 pour tout φ tel que suppφ ∩KN = ∅.Autrement dit, F s’annule sur tout ouvert qui ne rencontre pas KN . Donc F s’annule sur lecomplementaire de KN . Donc le support de F est inclus dans KN . Ce support est donc compact,et F|D ∈ E ′, ce qui correspond a la surjectivite de ι.

Source: Hormander p44 Th 2.3.1 - mais je ne suis pas sa redaction ici. Cf aussi RudinTheorem 6.24.

17

5.7 S ′(Rd)

On note S ′ le dual de S, c’est-a-dire l’espace les formes lineaires continues sur S.

Proposition 15. On a l’inclusion E ′ ⊂ S ′.

Proof. soit F ∈ E ′. On peut voir F comme une forme lineaire continue sur C∞. Autrement dit(Proposition 3), il existe un certain C > 0 et un certain N tel que pour tout φ ∈ C∞,∣∣〈F, φ〉∣∣ ≤ CpN (φ).

Pour tout φ ∈ S, on a pN (φ) ≤ pN,0(φ) (semi-normes de S). Donc F|S est continue en tantqu’application lineaire S → C.

On a donc(C∞)′ = E ′ ⊂ S ′ ⊂ D′.

5.8 Theoreme de struture locale de D′

Theoreme 16. Soit F ∈ D′(Ω). Pour tout K compact de Ω, il existe f ∈ C0(K) et α ∈ Nd,tels que F|DK

= ∂αx f.

Autrement dit: pour tout K compact de Ω, il existe f et α, dependants de K, tels que pourtout φ ∈ DK ,

〈F, φ〉 = (−1)|α|∫

Ωf∂αxφ.

Le theoreme ci-dessus exprime le fait que localement, les distributions sont les derivees desfonctions continues.

Preuve. On suppose, pour simplifier les notations, que K est le cube unite

K = (x1, . . . , xd), |xi| ≤ 1 ⊂ Rd.

Soit φ ∈ DK . On remarque que

φ(x1, x2, . . . , xd) =∫ x1

−∞

∫ x2

−∞· · ·∫ xd

−∞∂x1∂x2 · · · ∂xd

φ(y1, y2, . . . , yd) dy1 dy2 · · · dyd

=∫yi≤xi∩K

Dφ,

(9)

en notant D = ∂x1 . . . ∂xd. Donc

|φ(x)| ≤ maxK|∂x1∂x2 · · · ∂xd

φ|. (10)

De (10) on deduit|∂αxφ(x)| ≤ max

K|DNφ|, |α| ≤ N. (11)

18

En appliquant maintenant (9) a DNφ, on a donc

|∂αxφ(x)| ≤∫K|DN+1φ|, |α| ≤ N. (12)

Pour le moment, F n’a joue aucun role. Par la Proposition 8, soit N associe a K et F tel que

|〈F, φ〉| ≤ C maxx∈K|α|≤N

|∂αxφ(x)|, φ ∈ DK . (13)

Donc|〈F, φ〉| ≤ C

∫K|DN+1φ|, |α| ≤ N. (14)

Par (9), D et DN sont injectives sur DK . En posant

〈F1, DN+1φ〉 = 〈F, φ〉, φ ∈ DK ,

on definit donc une application lineaire sur l’espace DN+1(DK) ⊂ L1(K). Par le theoreme deHahn-Banach, on peut etendre F1 en une application lineaire continue sur L1(K), donc unelement de L∞(K). Autrement dit, il existe g ∈ L∞(K) tel que, pour tout φ ∈ DK ,

〈F, φ〉 =∫KgDN+1φ.

C’est-a-dire:F|DK

= (−1)d(N+1)DN+1g.

En posant

f =∫ x1

−∞

∫ x2

−∞· · ·∫ xd

−∞dy1 · · · dyd,

on a alorsF|DK

= (−1)d(N+2)DN+2f,

et f est continue.

On a utilise ici le theoreme de Hahn-Banach, sous la forme suivante: si G est un sous-espaced’un e.v.n E si si f : G → C est lineaire continue (au sens, bien sur, de la topologie induitesur G, donc au sens de la norme de E), alors f a un prolongement continu E → E (et on peutchoisir le prolongement de meme norme). Cf Corollary 1.2 Brezis (Functional analysis).

Corollaire 17. Si F ∈ E ′, alors il existe un nombre fini de fonctions continues f1, . . . , fn,supportees dans un ouvert qui contient suppF, et de multi-indices αi, telles que

F =∑

1≤i≤n∂αifi.

19

Preuve. Soit K un compact qui contient strictement suppF, et U un ouvert entre suppF et K.Par le Theoreme 16,

F|DK= (−1)α∂αx f,

pour une certain fonction continue f et un certain α ∈ Nd. Soit maintenant ζ ≡ 1 sur unvoisinage du support de F, et supportee dans U. Alors F ≡ ζF, donc pour tout φ ∈ D(Ω),

〈F, φ〉 = 〈F, ζφ〉,

et ζφ ∈ DK , donc

〈F, φ〉 =∫Kf∂αx (ζφ),

autrement dit (en developpant DN+2(ζφ) avec Leinitz):

〈F, φ〉 =∑

α1+α2=α

∫Kcα1,α2f∂

α1x ζ∂α2

x φ,

et donc on a fini avec fα2 = cα1α2f∂α1x ζ, une fonction continue sur U.

On dit que F ∈ D′ est d’ordre N s’il existe C > 0 tel que pour tout φ ∈ D,

|〈F, φ〉| ≤ CqN (φ),

autrement dit le N de la Proposition 8 est independant de K.

On note δx0 la distribution φ→ φ(x0).

Theoreme 18. Soit F ∈ D′, telle que suppF = x0 ⊂ Rd, et telle que F est d’ordre N. AlorsF est une combinaison lineaire des ∂αx δx0 , pour |α| ≤ N.

Preuve. On va utiliser Hahn-Banach a nouveau, via le Lemme suivant: Si φ, φ1, . . . , φn sontdes formes lineaire sur un espace vectoriel complexe X, et si φ s’annule sur l’intersection desnoyaux des φj , alors φ est une combinaison lineaire des φj .

Preuve. On pose π : X → Cn, definie par π(x) = (φ1(x), . . . , φn(x)), puis f(π(x)) = φ(x). Siπ(x) = π(x′), alors x−x′ appartient au noyau de chaque φj , donc φ(x−x′) = 0. Donc on a biendefini une application f, lineaire, de l’image de π, un sous-espace de Cn, vers C. En particulier,f est automatiquement continue. Par Hahn-Banach, on prolonge f en une application lineaireg : Cn → C (de meme norme, mais cela ne va pas nous servir ici). En particulier, g est unvecteur (g1, . . . , gn) de Cn : g(x) = g1x1 + · · ·+ gnxn. Si x = (φ1(y), . . . , φn(y)), alors

g(x) = f(π(y)) = φ(y) =∑i

giφi(y).

Donc il suffit de prouver que F s’annule sur tous les φ de D qui satisfont ∂αxφ(x0) = 0 pourtout |α| ≤ N. En effet, F s’annulera alors sur le noyau de chaque ∂αx δx0 .

Soit ζ ≡ 1 dans un voisinage de x0, aussi petit qu’on veut. Alors pour tout φ ∈ D,〈F, φ〉 = 〈F, ζφ〉. Et comme F est d’ordre N,

|〈F, φ〉| ≤ CqN (ζφ).

20

Mais qn(ζφ) fait intervenir seulement des derivees de φ d’ordre au plus N dans un voisinage ar-bitrairement petit de x0. Comme ∂αxφ(x0) = 0 pour tout |α| ≤ N, ces derivees sont arbitraire-ment petites sur le support de ζ. Autrement dit |〈F, φ〉| est arbitrairement petit, c’est-a-direnul.

Source: pour le Theoreme 16: c’est la redaction de Rudin, Theorem 6.26. Pour le Corollaire17: Theorem 6.27, Rudin; pour le Theoreme 18: Rudin Theorem 6.25, qui donne plus de details;le lemme sur les formes lineaires qui sert dans la preuve du Theoreme 18: cf par exemple RudinLemma 3.9.

21