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Eric Jennings Vichy sous les Tropiques ; La révolution nationale à Madagascar, en Guadeloupe, en Indochine, 1940-1944, Grasset, 2004 Jessica Kohn et Emmy-Lou Nicolaï Introduction De 1940 à 1944, l’empire est l’une des principales préoccupations de l’Etat français ; c’est l’apogée d’une forme de colonialisme fondée sur une conception essentialiste, primitiviste et paternaliste du colonisé. Virage extrémiste qui permet à la fois d’interpréter le régime de Vichy et de comprendre le processus de décolonisation. « En introduisant outre-mer une idéologie identitaire intégriste et surtout un colonialisme très dur, [les années noires] allaient directement ou indirectement alimenter les divers nationalismes à travers l’empire colonial français. » (p.10). Idée reçue : pression nazie qui explique les actions coloniales françaises. En fait, 2 politiques : - Neutralité officielle pour ne pas heurter Anglais et Américains. - Lutte farouche contre toute incursion des Alliés dans l’empire. « Vichy a propagé outre-mer et de son propre gré une forme « pure » de sa Révolution nationale ultra-conservatrice. » (p.11). La situation se caractérise par une absence allemande. - Mesures déjà impopulaires durcies fortement (travail forcé à Madagascar ; répression des dissidents en Indochine ; quasi-retour à l’esclavage en Guadeloupe). - Traditions encouragées : « les fonctionnaires coloniaux de Vichy créaient ainsi, malgré eux, un contexte dans lequel leur propre idéologie réductrice, leur nostalgie folklorisante et leur discours identitaire finiraient par se retourner contre le projet impérial. » (p.13). Vichy agite à l’inverse l’épouvantail du colonialisme républicain « assimilateur ». 1 L’avancée des Alliés dans les colonies 1940 : ralliements à de Gaulle [DG] au compte-gouttes. Juillet 1941 : la Syrie tombe aux mains des Alliés. 8 Novembre 1942 : débarquement des Alliés en Afrique du Nord (Maroc).Vichy perd toutes les possessions d’Afrique.

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Page 1: menrvablog.files.wordpress.com€¦  · Web viewVichy agite à l’inverse l’épouvantail du colonialisme républicain « assimilateur ». La méthode d’étude de cas comparative

Eric JenningsVichy sous les Tropiques ; La révolution nationale à Madagascar, en Guadeloupe, en Indochine, 1940-1944, Grasset, 2004Jessica Kohn et Emmy-Lou Nicolaï

IntroductionDe 1940 à 1944, l’empire est l’une des principales préoccupations de l’Etat français ; c’est l’apogée d’une forme de colonialisme fondée sur une conception essentialiste, primitiviste et paternaliste du colonisé. Virage extrémiste qui permet à la fois d’interpréter le régime de Vichy et de comprendre le processus de décolonisation. « En introduisant outre-mer une idéologie identitaire intégriste et sur-tout un colonialisme très dur, [les années noires] allaient directement ou indirectement alimenter les divers nationalismes à travers l’empire colo-nial français. » (p.10).Idée reçue : pression nazie qui explique les actions coloniales françaises. En fait, 2 politiques :

- Neutralité officielle pour ne pas heurter Anglais et Américains.- Lutte farouche contre toute incursion des Alliés dans l’empire.

 « Vichy a propagé outre-mer et de son propre gré une forme « pure » de sa Révolution nationale ultra-conservatrice. » (p.11). La situation se ca-ractérise par une absence allemande.

- Mesures déjà impopulaires durcies fortement (travail forcé à Mada-gascar ; répression des dissidents en Indochine ; quasi-retour à l’es-clavage en Guadeloupe).

- Traditions encouragées : « les fonctionnaires coloniaux de Vichy créaient ainsi, malgré eux, un contexte dans lequel leur propre idéo-logie réductrice, leur nostalgie folklorisante et leur discours identi-taire finiraient par se retourner contre le projet impérial. » (p.13).

Vichy agite à l’inverse l’épouvantail du colonialisme républicain « assimi-lateur ».

La méthode d’étude de cas comparative permet d’analyser l’écart entre le discours (vichyste) et la pratique (dans les colonies) tout en ne se ris-quant pas à des conclusions qui émaneraient d’une simple conjoncture lo-cale. Territoires qui dépendent du secrétariat d’Etat aux colonies et qui sont écartés des zones de conflit européen : initiative clairement vichyste, aucune pression allemande.

Intégration dans l’empire

Modèle politique Chronologie vichyste

Consé-quences na-tionalistes

Guade-loupe

Colonie française depuis L.XIV.

Citoyens à part en-tière : suffrage uni-versel ; assemblées représentatives.

Vichyste jus-qu’en juillet 1943.

Cherche des garanties de républica-nisme.

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L’avancée des Alliés dans les colonies1940 : ralliements à de Gaulle [DG] au compte-gouttes.Juillet 1941 : la Syrie tombe aux mains des Alliés.8 Novembre 1942 : débarquement des Alliés en Afrique du Nord (Maroc).Vichy perd toutes les possessions d’Afrique.

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Indochine Colonisée depuis le Second Empire.

Monarchies locales encore en place, mais symboliques.

Vichyste même après l’été 1944.

Tournant natio-naliste et com-muniste en 1941.

Madagas-car

Colonisée en 1895.

Autoritarisme colo-nial qui peut s’inspi-rer de la monarchie merina.

Troupes GB dès sep-tembre 1942.

Tournant natio-naliste après 1940.

Chapitre 1 : l’Empire de Vichy en 1940 : une nouvelle vision colo-nialeUn empire disputé-Importance de l’empire colonial français en 1940 : pour Vichy, garantie pour la France contre l’Allemagne ; pour DG, gage de légitimité poten-tielle.-Dans les faits, peu de colonies se rallient à la France libre de leur propre gré : attentisme, anglophobie et connivence avec l’idéologie vichyste (contre les « fausses idées » républicaines).-Défaite de 1940 : prétexte pour introduire des projets explicitement in-égalitaires. Ex : à Madagascar, sorte d’épuration des partisans de l’assi-milation.La leçon de 1870Empire vu comme dernier bastion de véritable contrôle pour Vichy. Éga-lement terreau propice, éloigné de décadence de la IIIè République, pour mettre en œuvre valeurs nouvelles : symbolise la permanence de la gran-deur de la France et sa capacité à se relever. -La ville de Vichy depuis longtemps est la « capitale des colonies » (on y soigne le paludisme, donc on y trouve de vieux administrateurs colo-niaux !).Collaboration coloniale-Autre visage de la collaboration : neutralité des colonies qui apportent des matières brutes à l’effort de guerre allemand.-R. Paxton : « Pétain souhaitait la collaboration. Hitler le pillage » : exi-gences faramineuses des Allemands pour les ressources venues de l’Em-pire, alimentaires ou non.Les administrateurs coloniaux et l’avènement de Vichy-Jules Brévié, gouverneur réformateur de l’AOF entre 1930 et 1936, puis gouverneur général de l’Indochine sous le FP. Devient ensuite partisan convaincu de Vichy.-Cas emblématique de continuité du personnel : changement de gouver-nement comme une autre.Une exportation possible de la Révolution nationale   ? -Certains ne veulent pas introduire la révolution nationale dans les colo-nies : P. Lyautey (le neveu de l’autre) ; J. Ducaud (administrateur de Ma-dagascar) ; R. Poulain (journaliste au Temps).-Risques de l’ultranationalisme et de la condamnation sans pitié du ré-gime précédent. De plus, selon R. Poulain, inutile dans un espace qui est déjà rigide, raciste, et non démocratique.Ne pas négliger que le mythe officiel de la Rp restait jusqu’alors une soupape de sécurité.Cloner la Révolution nationale outre-mer

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Malgré pénurie de personnel, ministère des Colonies avec : - H. Lémery : mulâtre martiniquais conservateur qui tient les gouver-

neurs coloniaux au courant des diverses réformes et lutte contre la France libre.

- R-C Platon, de sept. 1940 à avril 1942, « fanatique et anglophobe ». Chasse au gaullisme et exportateur de la Révolution nationale (anti-sémitisme, antimaçonnisme, antiparlementarisme, culte du chef, exaltation de la terre et du passé).

Théories coloniales- On tente d’identifier les forces de « l’anti-France », forcément différents des boucs émissaires pétainistes, peu présents (il y a bien des francs-ma-çons mais très peu de Juifs par exemple).-On stigmatise donc un humanisme colonial républicain, représenté par le FP.-Autour d’E. Drumont déjà, contre le coût des colonies, « lecture cynique, raciste, ségrégationniste, et ouvertement exploitatrice, de l’association » (p.43).-Autour de R. Maunier et J. Paillard, assimilation des lois pétainistes par l’empire. J. Paillard recommande un système d’apartheid pour protéger la France de la dégénérescence apportée par la mixité et les minorités. Titre de citoyen français doit être restreint à la « race française ».-1943-1944, durcissement de l’Etat français : proposition d’expulser les indigènes sujets français de France, pour éviter tout risque de « déracine-ment » : doctrine de l’authenticité absolue.

Chapitre 2 : les Français de Madagascar et la Révolution nationaleMadagascar à l’époque coloniale [avant la 2GM]-Pays unifié et indépendant avant 1895, que la France déclare vouloir li-bérer de la tyrannie merina. Politique de castes imposé au schéma social merina complexe, distinguant les andriana (classe supérieure), des hova (classe moyenne) et des andevo (classe inférieure).-Conquête difficile, mouvement rebelle menalamba qui met fin à un projet de protectorat.-Gallieni et Lyautey : schéma d’assimilation ; abolition de l’esclavage en 1896 ; français comme langue officielle ; lutte contre les missionnaires. Mais aussi associationnisme pragmatique : Gallieni cherche à se revêtir du prestige et de la légitimité des anciens souverains malgaches.-Excès colonialistes dénoncés par V. Augagneur (1905-1910) ; système scolaire efficace.Madagascar pendant la 2GM-1940 : 4M de Malgaches + 50 000 Européens et assimilés, dont 30 000 Français, 3000 étrangers européens et 17 000 « assimilés », pour la plu-part Indiens et Chinois.-Anglophilie, isolement de l’empire français, ancienne politique de ré-formes ; pourtant, administration choisit de proclamer son allégeance à Pétain à l’été 1940 : colons anglophobes et d’extrême-droite.-Projet avorté d’en faire une colonie de peuplement pour les Juifs euro-péens.-Gouverneur socialiste M. de Coppet organise au début de la guerre le loyalisme militaire malgache. Panique à l’annonce de la défaite, de Cop-

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pet démissionne à la joie des coloniaux. Remplacé par L. Cayla, antisémite et pétainiste. Période de règlement de comptes.-Sous Cayla puis A. Annet (1941), mesures de persécution des Juifs et des FM ; recrudescence du travail forcé ; introduction du culte de Pétain.-Blocus de la GB dès juillet 40 : misère noire pour les Malgaches, prétexte de travail forcé. Importance stratégie : invasion des troupes britanniques sud et est-africaines en sept. 1942. Résistance vichyste tenace : « bien des colonisateurs étaient des vichystes avant la lettre » (p.61).La décadence et les identités du colonisateur et du colonisé-Peur de la décadence prend tout son sens aux colonies, où les coloniaux ont été perçus « comme des sortes de surhommes » (p.62). A l’abri phy-sique de la défaite, peut aider à régénérer la France. Homme colonial sain, viril, et légitimé par la notion de supériorité raciale.-Glorification pétainiste du sport contre l’indolence (de l’indigène), l’infer-tilité (de la 3Rp), et le laisser-aller (des tropiques).La Révolution nationale et les colonisateurs-Beaucoup des coloniaux (zanatany=Français de Madagascar) avaient dé-jà répudié la Rp et ses valeurs avant 1940 : cause de l’insolence des en-seignants malgaches, de l’expansion du communisme ; du déclin de la productivité sous le FP avec la possibilité pour les indigènes de racheter les « corvées » demandées et donc de s’y soustraire.-Idéologiquement, l’empire montre en quelque sorte l’exemple : Liberté/Egalité/Fraternité moins compatible avec le colonialisme que Travail/Fa-mille/Patrie. -Demande pour un régime de « Protection des Colons » : une part de l’ini-tiative pétainiste revient aux autorités locales. Ex : Annet propose à l’ami-ral Platon de faire signer aux fonctionnaires un formulaire où ceux-ci jurent n’avoir jamais appartenu à une loge maçonnique (nov. 1941).-Culte du Maréchal omniprésent : fonctionnaires, Eglises, écoles, villes. Ex : boulevards de la Rp deviennent boulevards du Maréchal Pétain à Ta-matave et Antalaha.-Rejet violent du pluralisme ; présumés gaullistes aussitôt mis en déten-tion ; chasse aux sorcières : émane d’abord des ordres de Vichy, puis en-thousiasme manifeste des colons et des administrateurs. Ainsi, statut des Juifs étendu aux colonies en mars 1941 : il y en a 26 à Madagascar, mais ils sont persécutés. Quant aux FM, ils sont décrétés ennemis endémiques de l’île : vengeance de la majorité catho conservatrice sur la minorité pro-testante et de libres penseurs.-La Légion française des combattants [LFC] devient, comme ailleurs, un pilier du régime : appareil d’Etat en nov. 1941, avec un tribunal, une orga-nisation de jeunesse, des commissions économiques et sociales : nouvelle charte de travail. Corporations en ville ; conseils de village (fokonolona) pour rétablir la tradition dans les régions rurales. Réglementation des ac-tivités des étrangers. Hiérarchie naturelle des professions : supériorité des commerçants européens.Des ultras dans la brousse-Lieutenant Gresset débarque en juillet 1941, très populaire auprès du milieu militaire, fomente avec celui-ci un coup d’Etat. Déjoué parce qu’il s’agit d’un imposteur non mandaté par Pétain.-Royalistes au sein de la LFC, comme G. Brunet.

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L’épuration-Les britanniques interdisent la LFC en dec. 1942 ; mais l’idéologie pétai-niste reste bien enracinée.

Chapitre 3 : Travail, Famille, Patrie pour les Malgaches-Jusqu’à la 2GM, clivage entre naturalisation des Malgaches/renforce-ment des hiérarchies.-PC comme élite séduits par l’idéal de l’assimilation ; admin coloniale pré-fère l’association. -Efforts du FP : citoyenneté pour les Malgaches démontrant une « assimi-lation complète », autant dire très peu de monde. En 1939, élections d’un représentant malgache au conseil supérieur de la France d’outre-mer : 19 000 Malgaches ont le droit de vote. Evolution très lente.

«   Transformer l’indigène   »   : le rejet de l’assimilation -Programme qui veut accroître la production industrielle et agricole (blo-cus GB) ; inculquer les valeurs du retour à la terre ; ruraliser et à déseu-ropéaniser les Malgaches.-Ecoles classiques deviennent écoles-fermes et ateliers ; jeunesses maré-chalistes.Pétain comme Ray Aman-Dreny   : le greffe de la Révolution nationale sur la culture malgache-Nouvelle identité malgache à partir du règne idéalisé d’Andrianampoini-nera : hiérarchie sociale, rituels et tributs au chef, travail forcé. Concor-dance entre Rv nationale et culture malgache.-Ray aman-dreny, « père et mère » désignerait les chefs des Malgaches comme le Maréchal lui-même (ni roi, ni dictateur donc). L’administration utilise également des rituels malgaches, comme la santa-bary : l’offrande de la première gerbe de riz au chef de la colonie.Le travail forcé-Il existait déjà à Madagascar, mais devient un des principaux piliers de l’économie sous Vichy.-Annet réforme les pratiques en laissant aux fokolonona le soin d’élaborer leurs listes d’ouvriers.«   Accommodement   » et Résistance -Une minorité de Malgaches est séduite par le traditionalisme vichyste, comme les catholiques heureux de la répudiation du sécularisme officiel.-Mais Malgaches exclus des Volontaires de la LFC : participation au ré-gime par avance réduite.-Répression avec vigueur de toute opposition, qui s’organise avant tout autour du travail forcé. Culture politique dissidente riche : le cinéma Rex de Majunga doit fermer, car les spectateurs profitent de l’obscurité pour exprimer leur rejet du régime.

Chapitre 4 : Guadeloupe : la République démantelée

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Soavinandriana : chef de district hargneux A. Costantini : retour à un colonialisme intransi-geant, surtout contre les Merina. Veut retribaliser les Malgaches : retour fokonolona et vê-tement lamba traditionnel. Persécution sans relâche des notables malgaches, qui va de l’em-

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-1940, administration vichyste : perte du statut de citoyens. Politique ré-actionnaire qui se heurte à un sursaut républicain : rare exemple d’une colonie gaulliste grâce à un sursaut populaire local.-Avant la guerre, encore en situation coloniale (pas des départements) mais élite de couleur : imaginaire colonial d’une Guadeloupe « évoluée », qui revendique l’assimilation.-Cyclone de 1928 + crash boursier et grèves de 1929-30 + monoculture sucrière qui ne réussit pas à se diversifier : fortes inégalités sociales, radi-calisation de la politique (PC contre ex-droite).-FP, gouverneur général F. Eboué : semaine de 40h, congés payés.Un coup d’Etat discret-Constant Sorin, gouverneur de l’île plutôt à gauche, opte pour Vichy, poussé en ce sens par l’amiral Robert (puis Haut-Commissaire de la Ré-publique aux Antilles et Guyane en septembre 39) et son acolyte, l’amiral Rouyer : la force navale possède l’or de la banque de France. -Conseil général dissout après avoir tenté de rallier la France libre (cf. en-cadré sur Valentino).-Programme politique : introduire la Rv nationale aux Antilles sans révolte de la population. Mais ne réussit jamais à séduire la population de cou-leur.La République démembrée-Symboles extérieurs de l’ordre nouveau et réformes anéantissant les ins-titutions républicaines. -Révocation en masse des maires, désormais nommés par le Gouverneur.Réformes judiciaires et constitutionnelles-Peuple de couleur incapable de rendre justice : jurys réduits de 12 à 4, et seulement notables.-Introduction d’images catholiques dans les lieux publics (référendum des maires nommés).Les boucs émissaires de l’ordre nouveau-Les Juifs : recensés et exclus. Sorin refuse le projet d’envoyer aux An-tilles les Juifs de métropole.-Les FM : interdits de poste dans l’administration, confine au règlement de comptes.-Les femmes : Sorin adopte les lois relatives au travail, qui favorisent les femmes au foyer. -Les Libanais et les Syriens : interdiction du colportage et du petit com-merce leur est défavorable. Rétorsion qui a lieu dans tout l’empire après que les Alliés ont pris les 2 pays en avril 1941.Les fondements de l’ordre nouveau-Sorin cherche à surimposer la Rv nationale à une culture supposée ca-tholique et conservatrice.-Alliance entre le clergé et la LFC ; corporatisme comme structure écono-mique de l’avenir.Grande différence avec les autres colonies : présence et tentative d’éra-dication d’un héritage républicain tenace, plutôt que durcissement de pratiques antérieures.

Chapitre 5 : la société guadeloupéenne sous VichyBlocus , survie et autarcie

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-Dimension rurale de l’effort guadeloupéen, pour répondre au blocus de GB puis des EU.-Disette évitée, mais conditions matérielles difficiles, qui frôlent l’écono-mie de survie.-La France dépend entièrement du sucre des Antilles (sucre de betterave absorbé par le Reich) : L’Etat français cherche à établir une communion avec la mère patrie souffrante.Décadence et régénérescence-L’alcoolique est le signe de la dégénérescence aux Antilles, associées au rhum : contrôle des débits de boisson, taxes sur l’alcool augmentées.Urbanisme et esthétique de l’ordre nouveau-Projets urbains après le cyclone, qui glissent sous Vichy vers une cam-pagne d’embellissement et d’assainissement visuel et moral ; idéalisation du village comme cellule fondamentale.-Recherche de l’apparence soignée, et répugnance envers la « case » et son toit de tôle.«   Accommodement   » -Il ne faut pas poser la question de la coopération ou de la résistance en termes raciaux : Gratien Candace, ancien député de Guadeloupe, est vi-chyste, et Pétain le nomme conseiller national.-Certains peuvent profiter du nouveau régime : système de délations. H. Thomasset, de Haïti, surnommé le « Laval de la Guadeloupe », agent de propagande anglophone à la radio de Vichy.-Fidélité à Vichy mais surtout à l’armée : refuse de saborder flotte en 43 comme le demandait LAVAL. Pas de collaborationnisme convaincu : me-sures antisémites ne donnent lieu à aucune répression. Opposants inter-nés et emprisonnés, mais jamais exécutés. Censure hésitante contre re-vues comme celle d’Aimé CESAIRE, Tropiques, jusqu’en 43. Résistance-Va de pratiques d’opposition quotidiennes au départ vers les îles an-glaises (2000 en Dominique).-Appareil policier : contrôle du courrier, création de « camps d’interne-ment » (îles du Salut en Guyane, fort Napoléon aux Saintes, « camp Bala-ta » à Fort-de-France). Interdit le carnaval, les combats de coqs. Soutenu par milieux très conservateurs békés, catholiques, anciens combattants.

-Exclus des instances de la Résistance, par crainte que le CNR ne serve de plate-forme pour des revendications indépendantistes (P. Giacobbi : ils ont combattu Vichy et non l’Allemagne).Le rétablissement de la République

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La dissidence : Affaire Valentino en juillet 40 : l’élu dénonce la politique pétainiste. Condamné à six mois de prison mais acquitté par le tribunal militaire, ROBERT ordonne quand même son internement : désir de contrôle.

Mars 43 : Libération Guyane Avril 43 : Mutinerie des marins de la Jeanne d’Arc Avril-Juin 43 : Émeutes en Guadeloupe. Mort de S. Balguy, 17 ans, le 2 mai à

Basse-Terre enflamme la résistance ; démission du conseil municipal ; 18 juin ; manifestation que police et armée refusent de disperser.

29 juin 43 : ROBERT et SORIN renversés par une mutinerie de 3eme compagnie du « camp Balata »

14 juillet : Henri HOPPENOT, représentant des Français libres débarque en Mar-tinique, ROBERT et SORTIN partent en exil à Porto-Rico

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-Lois de Vichy abrogées, suffrage universel rétabli (féminin en 1946). Dis-sidents relâchés.-Responsables vichystes, comme Sorin, jamais traduits en justice ; pas d’épuration.-Deviennent des départements en 1946 (« récompense » pour leurs ef-forts). 1949 : V. Schœlcher et F. Eboué introduits ensemble au Panthéon. Mais une forme de nostalgie pour Sorin demeure.

Chapitre 6 : adapter la révolution nationale à l’IndochineOrientations historiographiques-Impact de Vichy négligé, au profit de recherches sur la « période japo-naise », alors que presque toutes les activités officielles sont aux mains du Gouverneur Decoux.L’Indochine française-Invention coloniale du 2nd Empire jamais assimilatrice, et toujours autori-taire. Répressions contre des révoltes à Yen Bay et les soviets de Nge Tinh en 1930-31 : militarisation.-FP : ouverture du dialogue politique, mais reste assez superficiel : syndi-calisme toujours interdit.-Politique de Vichy reprend une orientation qui consiste à renforcer les notables conservateurs tout en attaquant de plein fouet les militants révo-lutionnaires.La guerre aux portes de l’Indochine-G. Cartroux ne résiste pas aux attaques japonaises : remplacé par De-coux, vichyste. Conciliation : souveraineté française, mais stationnement et passage de troupes japonaises.-Présence d’une force japonaise victorieuse sape la notion de supériorité raciale européenne.-Conséquences des restrictions dues à la guerre particulièrement meur-trières : famine qui touche la population en 1945 (troupes japonaises s’ac-caparent les stocks de riz ; mauvaise distribution).-Malgré tout, alliance entre « colonialistes français et fascistes japonais » (Ho Chi Minh) : stabilité d’un pays finalement considéré comme tenu fer-mement.Partisans et victimes de la Révolution nationale-La majorité des colons français est ralliée aux valeurs pétainistes. Epura-tion des Juifs, FM et Gaullistes : Européens pour la 1ère fois soumis à des persécutions et à des peines dures.-Decoux contesté pour sa modération par certains colons : frange fana-tique.-Rôle primordial de la LFC, lien directe avec la métropole et temple voué au culte du Maréchal. Les Indochinois en sont exclus, et les Européens pratiquement enrôlés de force.Pétain héritier de Confucius   : la Révolution nationale et les cultures indo - chinoises-Tradition annamite comparée à la tradition française. Idées de perfec-tionnement individuel, de hiérarchie et d’organisation de la famille.-Emane de Decoux, mais des élites indochinoises sont séduites par ces tendances traditionnalistes, essentialistes et anti assimilatrices. Réinven-tion des identités vietnamiennes ou laotiennes.

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-Finit par servir les causes nationalistes, d’autant que s’accompagne d’un dénigrement de la Rp : Les Vietnamiens sont arrivés à leur propre Rv na-tionale avant d’être pervertis par le modèle républicain français. Rééva-luation de l’héritage indochinois : Ho Chi Min allie PC et nationalisme.

Chapitre 7 : vers une Indochine nouvelleRépression-Répression contre les rebelles communistes si violente que même Platon incite Decoux à la clémence, mais celui-ci n’en tient pas compte. 108 exé-cutions de l’armistice à juin 41.Le nouvel ordre social et le retour aux traditions-Alterne répression des communistes et cour aux traditionnalistes pour un nouvel ordre social.-Platon réprouve certaines initiatives (comme ouvrir des postes de fonc-tionnaires hauts placés aux Indochinois), mais Decoux tient ferme (finale-ment appliqué en 1942).-Conflit socio-idéologique : mandarins ont trop de pouvoir pour PC, pas assez pour traditionnalistes. Ils muent de boucs émissaires de la 3e RP, à l’incarnation locale du traditionalisme.Retour à la terre et «   Restauration de l’autorité   » -Rizière épargnée par l’industrialisation mêlée au culte de la terre.-Prétend enrayer la désertion des campagnes. Pouvoir des magnats lo-caux augmenté : réforme quasi seigneuriale, où la désignation est privilé-giée à l’élection, même de pure forme.L’Indochine fédérale-Fédéralisme au sens de revenir à des provinces (les 5 pays) : Indochine mythique.-Contre le panasiatisme japonais, fascination pour l’histoire annamito-ton-kinoise (vietnamienne), cambodgienne et laotienne.Rejet de l’assimilation-Refus des changements de nom ; définition stricte de l’Asiatique (qui n’est pas issu de 2 grands-parents européens). Decoux crée un formulaire d’identité raciale dans les administrations.Pour la première fois, la citoyenneté est officiellement associée avec la race.Diriger l’opinion publique-Propagande de la France libre fortement sur la défensive : se censure sur les questions politiques.Une Indochine régénérée   : la jeunesse de Vichy et les mouvements spor - tifs-Fascination pour le programme de régénération physique et morale : 600 000 participants.-Ecole des garçons vichystes à Phan Tiet, qui prépare à enseigner le sport. Egalement rééducation à l’authenticité : on apprend autant la Mar-seillaise que les hymnes des « petites patries ».Explique peut-être la séparation par la suite de l’Indochine en 3 pays in-dépendants.-Evènements sportifs, comme des matchs de football de l’Annam contre le Tonkin (1941).

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-Camps d’été pour enfants indochinois : entraînement physique, patrio-tique, olympique, et curriculum spécial, pour la renaissance des cultures khmère, vietnamienne et laotienne.-Camps de jeunesse spéciaux pour les filles : enseignement ménager, hy-giène, et éducation physique dans la mesure où elle favorise la fertilité.C’est sous Vichy que la culture physique se met à faire partie inté-grante de la journée de travail vietnamienne (après-guerre, toujours goût de l’exercice avant et après le travail – aussi Viet Minh).L’héritage de Vichy-Coup d’état japonais du 9 mars 1945 efface en surface tous les signes de présence de Vichy.-Mais l’endoctrinement pétainiste est tellement fort que l’hymne de l’ « Appel à la jeunesse » devient celui du Sud-Vietnam. Chantiers de jeu-nesse convertis en camps viet minh. Vichy aide à créer une génération de jeunes Vietnamiens embrigadés, martiaux et disciplinés, qui se dirigent soit vers le PC, soit vers l’ultrana-tionalisme.

Chapitre 8 : la fête pétainiste : mise en scène sous les Tropiques de la devise « Travail, Famille, Patrie »-Après la défaite de 1940, nouveau vecteur de propagande, de la métro-pole vers les colonies. Il s’agit de « narrer le pétainisme à l’empire » (p.275).-Création de célébrations d’unité, avec un calendrier et un panthéon nou-veaux. Inversement, occultation des rappels « encombrants » de la Rp : 11 nov. comme 14 juillet : jours de deuil.Travail-1er mai, nouvelle Fête du Travail : exaltation du travail manuel et corpo-ratiste.-En Indochine, marqué par des cérémonies religieuses et dépouillé de toute revendication. Grand rassemblement plus que fête, recueillement en l’honneur du Maréchal : solennel et enrégimenté.-A Madagascar, splendides défilés en 1942 : apothéose symbolique à l’ar-rivée des troupes de GB. A la fois défense du corporatisme et du travail forcé.-Guadeloupe, fête détournée par le gouvernement et l’Eglise : messe so-lennelle. Non plus récompense des ouvriers, mais des paysans et des arti-sans. Pas férié en 1942 sous prétexte du blocus, malgré des messes. 1er

mai 1943 est le début de la résistance des ouvriers du sucre à Port-Louis.Famille (coloniale)-Fête de la légion qui célèbre la fondation de la LFC le 29 août 1940.-1941 : flamme du soldat inconnu envoyée en métropole, Afrique Nord et AOF : unité de l’empire et de la métropole.-1942 : chaque section prélève une poignée de terre, récoltées et en-voyées sur le plateau de Gergovie. Assimilation des sols et non des sangs. Une partie de ces terres doit être touchée par Pétain : qualités thauma-turgiques du nouveau chef.Patrie

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-Fête de Jeanne d’Arc du 10 et 11 mai. De germanophobe, elle devient une figure anglophobe, associée à Pétain et à une France catholique régé-nérée, jeune et vigoureuse, et xénophobe.-Célébrée la plus largement en Indochine. Manifestation monstre, mys-tère médiéval mis en scène. Association aux sœurs Trung expulsant les Chinois au 1er s ap. JC. Croissance jusqu’en 1944.-Guadeloupe, sous le signe de la jeunesse, de l’unité nationale et de la tra-dition locale. Mais plus distant que le culte aux morts, parce que spécifi-quement métropolitain. Prend encore plus d’importance anglophobe en 1942, avec attaques GB + prise de Madagascar : pas de bals.-Madagascar : cérémonies religieuses.

L’envers du décorVéritable influence des propagandes totalitaires : thématique unitaire et processus d’exclusions : Parti Populaire Français (PPF) réagit à présence du nageur Alfred NAKKACHE dans la tournée Borotra ; renouvellement serment légionnaire est l’occasion de dénoncer « le judaïsme apatride », et la Légion d’Algérie, contrevenant à législation métropolitaine, a exclu ses membres juifs. Conclusion : soleil couchant sur l’empire de Vichy-Peut-être la seule forme d’autorité vichyste pure, non entravée par la présence allemande.-La plupart des réformes ont lieu sous le ministère Platon : invention et production à grande échelle d’un folklore « authentique » et introduction de pratiques coloniales inflexibles.-Censé profiter à l’autorité coloniale, mais pouvoir raciste : « La Révolu-tion nationale agit comme déclic pour mettre en mouvement […] le pou-voir imaginaire du nationalisme » (p.308).-A Madagascar, reconnaissance du pouvoir merina ; en Indochine, autori-té des mandarins, authenticité et renaissance nationale qui sont autant d’armes pour les nationalistes ; en Guadeloupe, renforce la légitimité de la Rp, et des modèles de différence identitaire, comme la « négritude ».

L’Empire colonial sous Vichy, J. CANTIER et E. JENNINGS (dir.)

L’ENCADREMENT DES POPULATIONS LOCALES : LES MOYENS DE PROPAGANDE

Un enjeu essentiel : Vichy et les jeunes dans l’Empire français par J. CANTIERA la recherche de la «   Jeunesse d’Empire   »   : une réalité sociale à définir Pour Vichy, rv démographique (Maghreb, Indochine) : effets heureux de la présence française. Mais hétérogénéité du milieu colonial : difficile de mettre en place une pol. de la jeunesse.

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Enthousiasme réel pour la tournée en Algérie de Jean BOROTRA, long périple de trois semaines qui amène délégation de 150 athlètes métropolitains en juillet 1941 : lui-même vainqueur Coupe Davis en 27. Note préparatoire : « le but essentiel est de rassembler une masse d’associations disciplinées et ordonnées dans lesquelles s’incarne la volonté de redressement national de la France ». 30 journalistes suivent tournée, dont 5 locaux, et public est au rendez-vous, à Oran, Al-ger, Constantine, Bône. Champions écrasent les équipes locales. Au stade d’Alger a lieu « l’apo-

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Accès à éducation fait la différence : dans vieilles colonies, mêmes pro-grammes qu’en France et certaine assimilation malgré classes surchar-gées (75 à 100 élèves dans 30’s), avec taux de scolarisation primaire à 80% en 45. EN AOF, forte hiérarchisation des structures et des contenus pédagogiques : en 39, slt 71 245 élèves dont 6500 filles dans 362 écoles publiques, plus 12 281 élèves de missionnaires. Tension assimilation/affir-mation importante chez étudiants noirs en métropole : L’Étudiant noir en 35, revue fondée par SENGHOR, puis Cahier d’un retour au pays natal de CESAIRE en 39, subversion langue du colonisateur pour exprimer révolte du colonisé. En Indochine également : essor du qûoc ngu, transcription du vietnamien en caractères latins.Essor du sport, vu comme moyen de conserver forces de l’Empire : rugby à Madagascar, football en Algérie dans 20’s avec la création de clubs mo-nocommunautaires aux noms musulmans. Une jeunesse pour la Révolution nationale   : le dispositif d’encadrement vi - chysteEn AOF, décret de 42 : Africains doivent revenir dans leurs familles après quatre années d’études élémentaires. En Algérie, G. HARDY réimplante les centres ruraux d’éducation, supprimés en 14 : programmes simplifiés dispensés par « auxiliaires sans statuts » de niveau brevet élémentaire. Politique d’encadrement des jeunes mise en place simultanément en mé-tropole et en Algérie, notamment chantiers de jeunesse, expérimentale-ment étendus aux jeunes musulmans. À l’automne 40, naissance des Com-pagnons de France en Algérie qui connaissent un certain développement. En AOF, création du mouvement des Gardes d’Empire pour les écoliers de 10 à 13 ans de Dakar et des chefs lieux. Création d’écoles visant à for-mer les cadres de ces structures de jeunesse : en Algérie, l’école El Riath, créée en mars 41, reçoit un millier de stagiaires en septembre. L’impact d’une politique   : les réactions de la jeunesse Un noyau pétainiste existe dans chaque organisation de jeunesse, comme dans l’Association générale des étudiants d’Algérie, qui exige le numerus clausus pour les étudiants juifs. 14 000 jeunes Européens et 2 200 jeunes musulmans sont Cadets et Cadettes de la Légion (11-14 ans) : engage-ment favorisé par l’effet d’entraînement de la communauté européenne en Algérie. Pour la majorité des autres jeunes, accommodement. Certains groupes utilisent minces espaces de liberté pour user du dis-cours pétainiste en leur faveur : Fédération du scoutisme musulman algé-rien créée par Mohamed BOURAS : est fusillé en mai 41 pour trahison, lui qui était employé à l’Amirauté, et aura de martyr se développe. Mouve-ment demeure, et inquiète notamment par ses chants : « Le peuple algé-rien est musulman, sa généalogie est arabe ». Vichy a enclenché le « re-tournement intérieur » d’une partie des jeunes indigènes, comme en té-moigne la présence de scouts en tête du défilé de Sétif en mai 45.

La propagande impériale de Vichy par Ruth GINIOLa place de l’Empire dans la propagande de VichyRéactualisation du projet du Transsaharien : affiche montrant en arrière-plan mosquée soudanaise, et en légende, sous le train, « Transsaharien », avec pour slogan : « La France continue ». Devait être occasion unique de prouver que ce que la IIIè n’avait pas réussi, pour des questions budgé-

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taires notamment, Vichy allait le réaliser : exécution commence en mars 41. France offrirait une nouvelle voie de communication aux autres puis-sances coloniales. Favoriserait exploitation ressources africaines, et per-mettrait d’éviter blocus anglais. La propagande de Vichy dans les colonies   : l’exemple de l’AOF Deux messages : grâce à Pétain, la France était plus forte que sous la Ré-publique, et les nouvelles valeurs de la France étaient plus conformes aux réalités culturelles et sociales des colonies. Utilise média pour toucher les urbains et les élites, et espère beaucoup du rôle des soldats démobilisés une fois revenus dans leurs villages. Surveillance particulière à l’égard des élites. Distinction dorénavant raciale et non plus juridique en ce qui concerne l’accès à certains lieux de distraction, les files d’attente devant les magasins et la répartition des tickets de rationnement. Troupes africaines ayant assisté à défaite étaient autre groupe à sur-veiller : jusqu’en juin 40, près de 100 000 Africains avaient été incorpo-rés, dont 17 000 tués, et 16 000 prisonniers. Cheikh Seydou Nourou TALL, notable sénégalais musulman était l’intermédiaire entre l’adminis-tration et les soldats, tentant de les convaincre de la proximité entre va-leurs islamiques et vichystes. 

LA RÉPRESSION DE L’ANTI-FRANCE

La politique antisémite du régime de Vichy dans les colonies par Colette ZYTNICKILois d’octobre 1940 (« statut des Juifs » basé sur l’appartenance raciale) et de juin (critère religieux ajouté, exclusion vie économique, numerus clausus) et juillet 41 (confiscation légale des biens juifs) doivent s’appli-quer à l’ensemble des colonies : article spécifique précise cette applica-tion, ainsi que décrets et lois ultérieurs. Cependant, variabilité extrême des situations.

L’Afrique du NordMaroc : 162 000 Juifs en 36 et 200 000 en 46 ; Tunisie : 70 971 en 46, ain-si que 20 000 Juifs italiens et français ; 111 021 israélites français en Al-gérie en 41, et 6 625 d’une autre nationalité. De plus en plus assimilés, et fort courant antisémite : DRUMONT élu député d’Alger en 1898. Juifs re-deviennent sujets tout en restant soumis au code civil français. S’applique aussi aux israélites algériens résidant en métropole et dans protectorats. Au Maroc et en Tunisie, statuts adoptés et exclusions de fonction pu-blique, avec accommodements : purent demeurer fonctionnaires dans ins-titutions israélites en Tunisie, et dérogation pour faits de guerre au Ma-roc. Maroc : 450 fonctionnaires radiés ; Algérie : près de 3 000. En Algérie, exclusion poussée au maximum : quota de Juifs avocats et mé-decins de 2% (3/4 avocats juifs radiés, et 2/3 médecins algérois). Création d’un service d’aryanisation économique : loi plus sévère qu’en France : il leur est interdit d’exploiter débit de boisson ou de céder leur licence à un tiers. Puis numerus clausus à l’université : 3% des étudiants non juifs ins-crits (appliquée en Algérie en août 41). Sur proposition de HARDY, exten-sion au primaire et secondaire : 14% puis 7% en 42, et ne pouvaient pré-

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senter examens du second degré. D’autant plus important qu’à la diffé-rence du Maroc, pas de structure éducative israélite en Algérie. Politique plus nuancée dans protectorats : exclus de toute assemblée re-présentative ou professionnelle au Maroc, mais représentants leur com-munauté en Tunisie ; conservent activités artisanales ou de vente au dé-tail au Maroc ; numerus clausus fixé à 5% en Tunisie pour les médecins et avocats. Mais aussi rigueur : sous pression colons, interdiction de s’instal-ler dans quartiers européens, alors que depuis arrivée Français, juifs ai-sés avaient quitté le mellah (quartier réservé). Pourquoi de telles différences ? Peut-être attitude personnelle d’un ré-sident de Tunisie comme l’amiral ESTEVA. De même, aller trop loin dans l’antisémitisme pourrait créer des tensions entre communautés dominées. ESTÉVA et NOGUÈS refusèrent installation Commissariat aux Questions Juives, se méfiant de propagande métropolitaine. Souverains marocain et tunisien firent preuve de solidarité envers leurs sujets juifs : s’agissait aussi de réaffirmer leur indépendance face aux colonisateurs, et de ré-pondre à questions de politique intérieure. De plus, Vichy doit faire avec l’Espagne, qui se veut protecteur des Juifs Séfarades, tandis que l’Italie refuse aryanisation des biens de Juifs d’ascendance livournaise en Tuni-sie. C’est plutôt l’antisémitisme qui domine chez les Européens, et qui de-meure après la Libération. Entre juifs et musulmans, rapports complexes : frictions dans les protectorats accentuée par propagande allemande en Tunisie surtout, allant jusqu’à assassinats et pillages en août 40 au Kef, à Elba Ksour et Siliana. À Séfrou au Maroc, relations très bonnes, alors que pachas de Marrakech et de Salé demandent retour au costume juif spéci-fique, rétablissement du mellah et interdiction d’apprendre l’arabe. En Al-gérie, aucun véritable écho de l’antisémitisme chez les musulmans : à propos de l’abolition du décret Crémieux, Messali HADJ parle d’« égalité par le bas ».Pas d’extermination. Mais situation difficile en Tunisie pendant l’occupa-tion allemande, de mi-novembre 42 au 7 mai 1943 : propagande intense des Allemands ; arrestations de notables de la communauté dès le 23 no-vembre malgré protestations d’ESTÉVA lui-même ; institution du travail obligatoire pour les Juifs le 6 décembre ; amendes collectives.GIRAUD maintient la suppression du décret Crémieux dans l’ordonnance du 14 mars 43 rétablissant la légalité républicaine en Algérie. Juifs ci-toyens le 20 octobre seulement, par simple communiqué, alors même qu’entre-temps, beaucoup d’hommes juifs s’étaient engagés. Juifs du Ma-roc et de Tunisie, surtout les plus pauvres, commencèrent à émigrer vers la Palestine. Dans le reste de l’EmpireAprès instauration du Statut des Juifs, recensement : machine énorme pour peu de résultats. Cependant, comme le montre l’attitude des admi-nistrateurs quant au licenciement de soldats juifs, la faiblesse numérique de la population européenne incite à la prudence. En AOF, le gouverneur BOISSON se mobilise pour Léon GEISMAR, gouverneur du Togo démis de ses fonctions, à qui il attribue un poste de trésorier-payeur-général. Ac-commodements répondent à des questions de politique intérieure : ainsi, le gouverneur BOISSON interdit la projection du Juif Süss, film de propa-

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gande nazie, non pas tant par opposition au film que par crainte de ten-sions contre les Blancs.

Les camps d’internement d’Afrique du Nord : politiques répres-sives et populations par Christine LÉVISSE-TOUZÉSous la IIIè RépubliqueDès le XIXè siècle, construction du bagne de Lambèse pour les révolution-naires de 48, puis les Communards. En 1939, internement administratif de tout individu « dangereux pour la défense nationale », déchéance de « tout membre d’une assemblée élective qui faisait partie de la IIIè Inter-nationale ». Communistes algériens divisés : militants adoptent une pos-ture de retrait, avant même l’interdiction du PCA le 26 septembre. Au Ma-roc, militants européens de base sont arrêtés, puisque les chefs, notam-ment musulmans, sont emprisonnés depuis émeutes de 1937. Réfugiés espagnols, 12 000 en Algérie, suspects pour la communauté es-pagnole d’Oran qui compte de nombreux Franquistes, et finalement, après le décret-loi du 12 novembre 38 relatif à l’internement des « étran-gers indésirables », tous les hommes de 17 à 70 ans sont emmenés. Le temps de l’exclusion   : fin juin 40-novembre 42 Système placé sous tutelle du Ministère de l’Intérieur, et objectif est de tirer parti de force de travail. Les conditions de vie se durcissent pour les GTE (Groupements de Travailleurs Etrangers), envoyés aux confins du Sa-hara construire la ligne de chemin de fer Kenadsa-Bou-Arfa au Maroc pour acheminer le charbon. Achevée fin 1941. Puis affectés au Transsaha-rien, payés 50 cts par jour. Certains sont envoyés au camp disciplinaire de Hadjerat M’Guil. Les marins de la flotte républicaine espagnole se re-bellent dans le Sud tunisien. Des filières d’évasion s’organisent. Le 3 septembre 39 commence l’internement des Allemands et Autri-chiens, puis en mai 40 de leurs femmes. L’Algérie devient terre de dépor-tation pour les « indésirables » de toutes nationalités. Des convois ar-rivent d’Argelès, au sud de la France, en mars 41, et les brigadistes répu-blicains sont internés à Djelfa. Commission KUNDT chargée de la re-cherche des antifascistes allemands fait rapatrier en août 41 600 Alle-mands d’Algérie, mais au Maroc, NOGUÈS parvient à en faire muter cer-tains en Mauritanie, et soustrait 60 alsaciens-lorrains du camp de Mé-diouna. 27 députés communistes transférés en mars 41 à la centrale de la Mai-son-Carrée près d’Alger dans un quartier réservé aux « politiques ». Le vichysme sous protectorat américain (novembre 1942-juin 1943)6 janvier 43 : création de la Joint Commission, regroupant représentants armée anglaise et américaine, quakers, et membres Croix Rouge. Il y au-rait à cette date 15 000 prisonniers politiques en Algérie, dont une moitié d’étrangers. 27 députés communistes libérés le 5 février 43 : vont eux-mêmes effectuer une tournée des camps algériens. Vague de libération grâce aux travaux de la Commission et à l’écho du rapport, notamment au Maroc. GIRAUD exige demandes de libérations individuelles, ce que les brigadistes refusent : partent ensemble du port d’Alger vers l’URSS le 14 juin 43 , après intervention soviétique et anglaise. Au 1er juin 43 est applicable ordonnance sur la dissolution des groupements de travailleurs étrangers : question des Juifs et des camps d’internement a décrédibilisé GIRAUD.

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La répression anti-maçonnique dans les colonies par Julien FOU-QUETLa franc-maçonnerie coloniale   : de la IIIè République à Vichy FM a aussi été un des piliers du lobby colonial, promouvant l’intérêt éco-nomique mais surtout politique et social des colonies : Blaise DIAGNE, Jules FERRY. A participé a création d’une colonisation « à la française », laïque. Jamais de remise en cause, seulement réflexion intense sur la pra-tique citoyenne des autochtones et rôle de l’enseignement.La mise en place de la répression antimaçonnique dans les coloniesLoi du 13 août 1940 : dissolution des obédiences maçonniques, séquestre des biens immobiliers et mobiliers des loges, obligation pour les fonction-naires de déclarer sur l’honneur leur appartenance ou non à la maçonne-rie. Rancunes tenaces dans colonies en particulier : accusés de favoriser les étrangers, d’empêcher l’œuvre civilisatrice chrétienne par leur anti-cléricalisme. En Algérie, complications en raison du nombre de francs-ma-çons présents dans l’administration : face à cette action limitée, le service des sociétés secrètes envoie un délégué en 41 pour contribuer à « l’inté-gration de la France d’outre-mer dans la France nouvelle ». Loi du 11 août 1941 ordonne publication dans le Journal Officiel des noms des francs-maçons, avec leur adresse, leur fonction dans la loge etc. Les démissions d’office commencent en octobre 1941, en particulier pour les dignitaires des loges : on interdit l’accès des postes de commandement coloniaux. Le Service des Sociétés Secrètes a répertorié 114 loges en outre-mer, majoritairement affiliées au Grand-Orient, et jusqu’à 1200 francs-maçons auraient été révoqués. Le retour à la légalitéFace au manque de réaction des nouvelles autorités, un comité d’action maçonnique est fondé à Alger par DALLONI et CAZEMAJOU : ayant eu rôle central dans le rétablissement des institutions républicaines. L’As-semblée consultative provisoire, de novembre 1943, compte un quart de maçons. 5 novembre 1943 : restitution des biens aux loges ; 15 dé-cembre : abolition des mesures antimaçonniques. Dès avril 44, loge « Ré-sistante et République » allume ses feux à Casablanca.

Vichy fut-il aussi antinoir ? par Éric JENNINGSPour PAXTON : « Vichy ne s’est pas montré plus intolérant que la 3e Rp envers les Noirs. Les unités sénégalaises ne furent exclues de l’armée d’armistice que sur l’ordre des Allemands, qui n’avaient pas oublié leur présence en Rhénanie en 1920. La droite traditionnelle xénophobe de-mandait beaucoup plus une conformité culturelle qu’une ressemblance physique. ». Charles-Robert AGERON résume ceci en disant que « l’idéo-logie vichyste vint officialiser des tendances parfois contenues et in-avouées ». BLANCHARD et BOËTSCH rappellent que le racisme ne put être inscrit dans la loi tant Vichy souhaitait s’allier les indigènes dans sa lutte contre les gaullistes. Villes coloniales étaient depuis longtemps coupées en deux, entre quar-tiers européens et indigènes. Pourtant, les mémoires de Lamine GUÈYE, homme politique sénégalais, accentuent le choc des wagons différenciés pendant la période vichyste. On peut penser qu’il s’agissait, en utilisant la

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période vichyste après-guerre, de formuler sous un jour favorable leurs revendications. Toutefois, la loi du 27 août 1940 abroge celle qui punissait le délit de dif-famation dans la presse à l’égard d’un groupe religieux ou racial. Loi du 17 avril 1942 retire la nationalité française aux « anciens indigènes su-jets, protégés ou administrés sous mandat français qui ont été l’objet d’un internement administratif, d’une condamnation etc. pour menées antifran-çaises ou crimes ou délit de droit commun ». Si l’on tient compte de l’ar-bitraire de l’indigénat, cela revenait à pouvoir priver quiconque de sa na-tionalité acquise ultérieurement : les colonisés sont donc malgré tout ren-voyés à leur statut d’indigène. C’est le cas de J. Ranaivo, un des pères du nationalisme malgache, déchu de sa citoyenneté en 1942 à cause de son origine indigène, avoir l’avoir obtenu en prouvant en 1922 son assimila-tion culturelle.On peut remarquer que le choc de l’arrivée de Vichy fut plus important dans les anciennes colonies qu’ailleurs : ainsi, Vichy nomma en très grande majorité des Blancs comme maires. Il convient donc finalement de distinguer « racisme planifié par Vichy et exacerbation sur place de pratiques racistes existant depuis le tout début de la colonisation ». « Le paternalisme ambiant, la nécessité de maintenir l’empire furent sans doute des facteurs atténuants d’un racisme anti-noir qui ne rivalisait en aucun cas avec la haine de Vichy pour les Juifs ou les francs maçons. »

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