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William Eugene Smith William Eugene Smith, connu sous le diminutif familier de « Gene Smith » ou encore comme « W. Eugene Smith » (né le 30 décembre 1918 à Wichita, Kansas - mort le 15 octobre 1978 à Tucson, Arizona), est un photojournaliste américain, dont la rigueur et l'exigence en ont fait un modèle pour des générations de photographes, attachés à la valeur du témoignage que permet la photographie. W. Eugene Smith était, au sens littéral du terme, ce que les Américains appellent un « concerned photographer », un photographe engagé, qui utilisait son appareil photographique comme une arme pour défendre ses idées. Biographie Enfance Smith est né à Wichita, au Kansas, en 1918. Sa mère, Nettie Lee Caplinger Smith, était un photographe amateur. Son père, William, a perdu son entreprise de grain en 1936 et s'est suicidé. Lorsque le père de Smith se suicide, les comptes rendus des journaux de l'incident ont fortement déformé les circonstances réelles. Ceci lui a fait remettre en question les normes du journalisme américain. Smith a promis de devenir un photojournaliste, en appliquant les normes les plus élevées de sa propre carrière. Il était déterminé à rechercher l'honnêteté personnelle absolue dans son propre travail documentaire. Adolescence Adolescent, il est fortement intéressé par l’aviation, ce qui est assez naturel à Wichita qui compte plusieurs usines d’aviation (Cessna, Boeing) et débute en photographie. En 1933, il rencontre le photographe de presse Frank Noel, qui le conseille, et commence rapidement à publier des photos dans les journaux locaux (le Wichita Eagle, et le Wichita Beacon). En 1935-1936, il fait des reportages sur les événements sportifs, l’aviation, les catastrophes naturelles. C’est l’époque du Dust Bowl et de la grande misère des fermiers du Middle West. En 1936, il étudie la photo pendant un semestre à l’université Notre-Dame du Lac de South Bend (Indiana) puis à l’Institut de photographie de New York. Il détruira le travail de ces premières années par la suite, le jugeant techniquement insuffisant et manquant de profondeur. Débuts professionnels Newsweek Dès 1938, il travaille pour Newsweek mais est licencié parce qu’il a utilisé un appareil de petit format (± 6 x 6) contrairement aux règles du magazine (à cette époque les reporters utilisent en général un Speed Graphic 4 x 5 inches, alors que Smith défend le petit format qui donne « une plus grande liberté de vision ») puis il intègre l’agence Black Star et publie des photos dans Life Magazine, Collier’s, The New York Times et Harpers Bazaar.

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Page 1: William Eugene Smith - APAC94 · William Eugene Smith William Eugene Smith, connu sous le diminutif familier de « Gene Smith » ou encore comme « W. Eugene Smith » (né le 30 décembre

William Eugene Smith

William Eugene Smith, connu sous le diminutif familier de « Gene Smith » ou encore comme « W. Eugene Smith » (né le 30 décembre 1918 à Wichita, Kansas - mort le 15 octobre 1978 à Tucson, Arizona), est un photojournaliste américain, dont la rigueur et l'exigence en ont fait un modèle pour des générations de photographes, attachés à la valeur du témoignage que permet la photographie.

W. Eugene Smith était, au sens littéral du terme, ce que les Américains appellent un « concerned photographer », un photographe engagé, qui utilisait son appareil photographique comme une arme pour défendre ses idées.

Biographie Enfance Smith est né à Wichita, au Kansas, en 1918. Sa mère, Nettie Lee Caplinger Smith, était un photographe amateur. Son père, William, a perdu son entreprise de grain en 1936 et s'est suicidé.

Lorsque le père de Smith se suicide, les comptes rendus des journaux de l'incident ont fortement déformé les circonstances réelles. Ceci lui a fait remettre en question les normes du journalisme américain. Smith a promis de devenir un photojournaliste, en appliquant les normes les plus élevées de sa propre carrière. Il était déterminé à rechercher l'honnêteté personnelle absolue dans son propre travail documentaire.

Adolescence Adolescent, il est fortement intéressé par l’aviation, ce qui est assez naturel à Wichita qui compte plusieurs usines d’aviation (Cessna, Boeing) et débute en photographie. En 1933, il rencontre le photographe de presse Frank Noel, qui le conseille, et commence rapidement à publier des photos dans les journaux locaux (le Wichita Eagle, et le Wichita Beacon). En 1935-1936, il fait des reportages sur les événements sportifs, l’aviation, les catastrophes naturelles. C’est l’époque du Dust Bowl et de la grande misère des fermiers du Middle West.

En 1936, il étudie la photo pendant un semestre à l’université Notre-Dame du Lac de South Bend (Indiana) puis à l’Institut de photographie de New York. Il détruira le travail de ces premières années par la suite, le jugeant techniquement insuffisant et manquant de profondeur.

Débuts professionnels

Newsweek

Dès 1938, il travaille pour Newsweek mais est licencié parce qu’il a utilisé un appareil de petit format (± 6 x 6) contrairement aux règles du magazine (à cette époque les reporters utilisent en général un Speed Graphic 4 x 5 inches, alors que Smith défend le petit format qui donne « une plus grande liberté de vision ») puis il intègre l’agence Black Star et publie des photos dans Life Magazine, Collier’s, The New York Times et Harpers Bazaar.

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Life

Smith est rapidement intégré au staff de Life qui l’engage pour réaliser deux reportages par mois. Il quitte le magazine en 1941, insatisfait de la routine qu’impose une publication régulière et devient photographe indépendant. Il jugera par la suite qu’il a mal utilisé sa liberté, produisant des photos montrant « une grande profondeur de champ mais une très faible sensibilité1. » Il travaille notamment pour le magazine Parade, reconnu pour la qualité de ses documents photographiques. Il est blessé par une explosion de dynamite lors d’une séance de photos de conditions de combats simulées.

Photographe de guerre En 1942, Smith est invité à rejoindre l’unité photographique de la Navy (Naval Photographic Institute) dirigée par Edward Steichen, mais sera refusé par la commission de sélection pour « insuffisance physique et académique » : il souffre en effet d’une audition déficiente, conséquence de l’accident avec la dynamite, et ne possède pas de diplôme universitaire2. Il est néanmoins engagé par la Ziff Davis Publishing Company comme correspondant de guerre dans le Pacifique sud et embarque sur un porte-avions. Il réalise des prises de vue aériennes, en mer et sur terre de la campagne des îles Marshall, revient brièvement à San-Francisco en 1944, puis repart pour le Pacifique comme correspondant pour Life.

Il quitte Ziff Davis parce qu’il s’aperçoit que près de la moitié de ses photos sont censurées. Il semble qu’il ait trop montré les souffrances des populations civiles. Il photographie aussi bien les combats que leurs conséquences sur la population japonaise ; c’est alors qu’il développe dans son travail le thème de la responsabilité sociale du reporter qui restera présent durant toute sa vie. Il a toujours voulu être au plus près de son sujet (selon son expression « sink into the heart of the picture » : plonger au cœur de l’image), et c’est ainsi qu’il est gravement blessé lors des combats à Okinawa le 22 mai 1945 et qu'il est rapatrié.

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Après guerre 1946-1957

Life 1946-1954

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Smith a été touché par un éclat d’obus qui lui a traversé la main gauche et la joue. Il subit une trentaine d’opérations et sa rééducation dure deux ans. Il a cru perdre la possibilité de tenir encore un jour une caméra en main. Durant sa convalescence, il publie des articles et des interviews et insiste sur son attachement à une éthique du photojournalisme. La première photo qu’il réalise au terme de cette période difficile est The Walk to

Paradise Garden, une photo de ses enfants devenue ultra-célèbre mais qui est refusée par Life car les personnages tournent le dos à l’objectif.

De 1946 à 1954, Life va lui commander beaucoup de reportages qui vont encore plus le rendre encore plus célèbre. Celui sur Albert Schweitzer à Lambaréné (A Man of Mercy, novembre 1954), Celui du tournage de Limelight de Chaplin, Les feux de la rampe, Chaplin at Work (1952), d’une infirmière et sage-femme noire (Nurse Midwife, décembre 1951), d’un village espagnol, village perdu d’Estrémadure, écrasé par le soleil et la noirceur du franquisme (Spanish Village, septembre 1950), d’un simple médecin de campagne de la région de Denver (Country doctor en 1948), sont particulièrement remarqués. Certains de ses reportages l’éprouvent tant qu’il doit séjourner dans un hôpital psychiatrique à son retour à New York.

Smith travaille à plein temps pour Life , il réalisa plus de 50 reportages, jusqu’à sa démission en 1954 à la suite d'un désaccord de plus en plus profond sur la façon dont la revue modifie les légendes de ses photos et l’usage qui en est parfois fait. Le sujet de rupture sera la publication du reportage sur Albert Schweitzer, alors considéré par Life comme le plus grand homme de son époque. Smith, tout en reconnaissant son travail humanitaire, le trouve autoritaire et raciste et veut montrer par un reportage en deux parties la complexité du personnage. Lifepubliera une version abrégée conforme au sentiment de l’époque sur le médecin, prix Nobel de la paix en 1952.

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Un médecin de campagne ( 1948 )

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Un village espagnol ( 1950 ) En 1951, le magazine américain Life, publiait le reportage du photographe Eugène Smith « Spanish Village ». Regard critique sur l’Espagne franquiste et document extraordinaire sur la vie quotidienne d’après guerre, les images furent interdites en Espagne jusqu'à la fin de la dictature. 50 ans après.

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Cité minière au Pays de Galles ( 1950)

Pittsburgh ( 1955) Smith rejoint l’agence Magnum en 1955.

Un historien, Stefan Lorant, lui commande un reportage de trois semaines, pour produire un travail d’une centaine de clichés, commémorant le bicentenaire de Pittsburgh, dans le but de montrer que la ville enfumée était devenue l'une des plus belles de la nation, La Porte de l'Ouest. Le tout pour 1500 $.Cela devait s’appe-ler Philadelphie «Renaissance».Comme à son habitude Gene Smith s’immerge dans la ville avec armes et ba-gages pour en prendre le pouls et saisir les vibrations intimes de cette ville.Il y a travaillé pendant plusieurs mois et y est ensuite retourné, à ses propres frais, à plusieurs reprises en 1955 et jusqu’en 1957, en photogra-phiant une année durant tous les aspects de Pittsburgh. Après avoir fourni à son employeur quelques cen-taines d’épreuves, il se lance seul dans cette entreprise de démiurge qui se termine par un échec, malgré plus de 13 000 négatifs. Pendant trois ans il va s’acharner sur les tirages du « dossier Pittsburgh » qui va l’engloutir. Les 600 images restantes à la fin de ce naufrage, il refusera de les montrer à Life, préférant la pauvreté à la dévalorisation de son chef-d’œuvre. Sans regard pour sa famille, ni pour lui d’ailleurs il va s’enfoncer dans son puritanisme d’artiste et ses méthodes de travail extrêmes.

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American Institute of Architects ( 1956 ) En 1956, Smith réalise sa première commande en couleurs pour l’American Institute of Architects lors d’un travail sur l’architecture moderne. Des tirages géants de 3,50 mseront réalisés à cette occasion.

C’est le seul travail en couleurs connu, mais impossible de trouver les images

New york ( 1957 ) En 1957, il quitte sa famille et s’installe seul dans un loft de la Sixième avenue à New York où il commence un travail de longue haleine sur des images de rue prises de sa fenêtre et des photos de musiciens lors de jam sessions ou de séances d’enregistrement. Il enseigne à la New School for Social Research, et quitte Magnum en 1958.

De son loft, où il va vivre sept ans reclus, il contemple l’existence du monde, et va depuis son appartement sous les toits voir la vie des gens. Depuis la fenêtre du troisième étage, avec des milliers de photos, il vit la rue d’en haut. Quand il m’arrive de regarder par la fenêtre est le titre de cette série. Dans sa série « The loft from inside », le loft vu de l’intérieur, de 1958-1968, il consigne par 22 000 clichés les mille petits bruits de la rue et de la musique, en tournant son objectif vers l’intérieur de sa maison, où des musiciens de jazz avaient pris l’habitude de se réunir : Monk, Zoot Zims, Bill Evans, Jimmy Raney, Jim Hall. Il enregistrait frénétiquement tout, cette musique qui le portait, autant que ses soliloques pathétiques.

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Le Japon (1961 - 1975 )

Il reçoit une commande inespérée d’Hitachi en 1961 pour aller au Japon pendant un an, afin de glorifier cette entreprise. Mais ce qui le fascina fut le choc entre le Japon moderne et ses traditions ancestrales. Il tente de créer une revue, et survit en donnant des cours et des conférences dans des séminaires, et des écoles, où il parle surtout de musique et pas de photographie. Grâce à plusieurs bourses Guggenheim, il arrive même à publier une partie de son choix d’œuvres. Mais sa reconnaissance se fait au travers d’une rétrospective au Jewish Museum de New York en 1971, qui le sort de l’oubli. Cette exposition « Let Truth Be the Prejudice », Le parti pris de la Vérité » part au Japon, et accompagné de sa seconde épouse, Alleen Mioko Smith, d’origine japonaise, il va découvrir l’un des grands scandales écologiques du siècle, à Mi-

namatta, village ravagé par les effets d'une pollution au mercure. Ce village de pêcheurs japonais est atteint par les rejets de déchets de l’usine chimique Chisso. De 1971 à 1974, il passe quatre années à vivre dans le dénuement le plus total, pour réaliser ce reportage. Lui-même sera atteint de maladie (perte quasi totale de la vue) et doit être rapatrié en 1974. Le livre sur cette catastrophe écologique parait en 1975. Il fait le tour du monde et devient un livre-culte

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En 1975, Smith est présent à Arles, pour montrer en avant-première, lors d'une soirée pleine d'émotion, aux Rencontres internationales de la photographie, le résultat de ce travail réalisé avec sa femme pour documenter les conséquences sur la population de la pollution au mercure de la baie de Minamata, au Japon, par les rejets en mer d'une usine chimique.

Sa volonté d’implication personnelle dans les sujets de ses reportages a révolutionné cette nouvelle forme de photojournalisme, pour l’époque, appelée « essai photographique ». Insistant sur la responsabilité sociale du photographe, il a développé tout au long de sa carrière une éthique à laquelle il s’est tenu sans dévier et est devenu un modèle pour beaucoup de reporters qui l’ont suivi.

En 1976, Smith dépose ses archives (11 tonnes !) à l'université d'Arizona, à Tucson, où il enseigne.

Il meurt d’un infarctus deux ans plus tard, avec 18 $ sur son compte en banque…

Présentation d’Eugène Smith

Par Gil Pressnitzer, Esprits Nomades ( voir le lien )

Il est le maître absolu des clairs-obscurs et du cadrage serré et parfait. Il peut travailler plusieurs jours sur un seul tirage, obsédé par la perfection. Il retravaillait même ses négatifs et faisait poser ses sujets. La vérité du réel ne l’intéressait nullement. Seule la vision de l’artiste avait du sens. Celle qui rend « visible, l’invisible », bien au-delà des apparences. Il était un compositeur d’images. Il faisait « un poème visuel à plusieurs niveaux. » On trouve souvent une juxtaposition de deux plans, presque cubiste, qui donne un impact pictural à ses images.

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Et la technique n’était qu’une échelle vers le ciel, et non le but. Il ne voulait pas faire de « petits morceaux d’art, mais des morceaux de vie »: À quoi sert d’utiliser une grande profondeur de champ, s'il n'y a pas une profondeur suffisante de sentiment ? W. Eugene Smith. Pour lui ses photos sont ses poèmes, et il ne peut supporter de les voir défigurés. Il était sans doute ingérable, mais peut-on canaliser une fontaine aussi éruptive et de plus il était, à juste titre, persuadé de sa haute valeur. Extravagant, arc-bouté sur ses convictions, il est un astre errant que nul ne saurait contenir, et qui embrase le ciel de la photographie avant que de se brûler lui-même. Il ne pouvait exister que dans l’extrême tension dramatique de ses photos et de l’émotion ressentie devant les sujets auxquels il avait consacré toute son énergie et son amour. J'ai mis tant de passion et tant d'énergie dans l'accomplissement de mes photographies qui vont bien au-delà de la photographie de « l'art pour l'art », que je préfère, de beaucoup, que mes photographies apportent une autre dimension, qui peut-être va remuer quelqu'un et le faire agir, à faire quelque chose de quelque chose ...Quelques-unes des photos que j'ai prises ont changé la vie des autres. Il cherche non pas la vérité apparente, mais la vérité profonde, n’hésitant pas à la recréer en retouchant le réel. Moine-soldat, éveilleur de conscience au risque de passer pour un illuminé à moitié fou, Gene Smith est le photographe du dépassement, assoiffé d’absolu. Sorte d’Icare de la photographie il se sera brûlé les ailes dans sa chambre noire. Homme d’excès, maniaque obsessionnel, il n’était hanté que par l’image totale qui bouleverserait nos indifférences. Il a un aspect prophète biblique en soulignant où se situent le bien et le mal, parfois pesamment d’ailleurs. Pas une seule photo de nu, à ma connaissance, dans son œuvre, seul l’humain et non le désir charnel le pous-sait vers l’absolu. Il y a un côté Charlie Chaplin, dont il fut d’ailleurs le photographe de plateau attitré, dans sa façon tendre et déchirante de montrer des hommes seuls.Et lui le plus célèbre des photo-journalistes n’aspirait en rien au spectaculaire, mais au partage des sentiments que devaient induire ses images. Il aura brouillé les pistes de sa vie et ouvert les chemins de la lumière de l’humanisme. Il veut non pas faire de la photo, mais réaliser un « essai photographique », nullement objectif, mais créatif. Faulkner, a prononcé pour un autre ce mot, si approprié pour Smith : « Il a tenté de faire tenir tout le vécu de l’être humain sur une tête d’épingle. » La tête d’épingle de Gene Smith était ses images. Non pas tragiques, mais empathiques. Ses images devaient être des prises de conscience. Elles sont complexes, comme notre vie.La photo n’est qu’une petite voix, au mieux, mais parfois - parfois seulement - une photographie ou un groupe d'entre elles peuvent attirer nos sens vers une prise de conscience. Cela dépend beaucoup de celui qui regarde; dans certains cas, les photos peuvent même convoquer une émo-tion assez forte pour être un catalyseur à de la pensée.Certains - ou peut-être beaucoup - parmi nous, ont la tête uniquement à la raison… Le reste d'entre nous a, peut-être, un plus grand sentiment de compréhension et de compassion pour ceux dont les vies sont étrangères à la nôtre. La photographie est une petite voix. Je crois en elle. S'il elle est bien conçue, elle fonctionne parfois. (Smith). Il aura fait de sa vie et de ses photos une course à corps perdu. Les braises de ses images nous réchauffent encore. « Je suis une légende » pourrait-il dire, et ses photos l’attestent. Dénonçant lyriquement, pathétiquement la grande pitié qu’inspire notre condition humaine, et les dérives du progrès industriel, il aura élargi notre « famille humaine ». Et à chaque fois que j'ai appuyé sur le déclencheur, c'était un cri de condamnation, lancé avec l'espoir que mes images puissent survivre à travers les années, avec l'espoir qu'elles puissent résonner dans l'esprit des hommes dans l'avenir – et que ceux-ci conservent, avec précaution, le souvenir et la réalisation de ces images. W. Eu-gene Smith Gil Pressnitzer

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Le matériel utilisé par Eugène Smith Eugène Smith a topujours utilisé des petits formats, en 1938, il travaille pour Newsweek mais est licencié parce qu’il a utilisé un appareil de petit format (± 6 x 6) contrairement aux règles du magazine (à cette époque les reporters utilisent en général un Speed Graphic 4 x 5 inches.

Il semble qu’il ait principalement utilisé des Leica, mais aussi, comme Lucien Clergue, des Minolta SRT 101 et des Olympus.

Latest American Photo (mars/avril 2010, é.-u.) a un article intéressant sur W. Eugene Smith. Il s'agit de sa technique de photographie sur le tournage du film "Limelight" de Charles Chaplin en 1952.

J'ai utilisé six Leica comme mon équipement de base, avec différentes focales afin que depuis un même endroit, je predre des photos à diverses distances sous différents angles. Un avec extrême-grand-angle 28mm, deux avec grand-angle 35mm (caméra, que j'ai utilisé plus fréquemment et presque exclusivement dans « Village Espagnol »--le deuxième utilisé en secours si je n’avais plus de film, plus tard, j'ai chargé cette seconde caméra avec un film extrêmement rapide à utiliser lorsque la lumière était impossible pour autre chose) ; avec 50mm

f1.5 objectif normal ; un 85mm f2 ; et un 135mm f3.5. Par ailleurs, j'ai utilisé un camer de séquence rapide Foton pendant deux jours,. Une caméra 4 x 5 pour deux photos d’ensemble, ... J'ai fait quelques photos sans

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importance avec un Rolleiflex. Cependant, 90 pour cent de ma couverture habituelle se fait avec le Leica avec l'objectif grand angle de 35mm f2.8.

Liens

Article d’esprits nomades sur Smith :

http://www.espritsnomades.com/artsplastiques/smitheugene/smitheugene.html

La photo « walk to paradise »

http://www.lomography.com/magazine/259479-influential-photographs-the-walk-to-paradise-garden-

1946-by-w-eugene-smith

La façon de travailler :

http://photo.net/leica-rangefinders-forum/00VoZu