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YVES BOULEGUE I've got to go meet my nonself out in the w h all 3 NI NI QUA ND NI COM ME NT

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YVES BOULEGUE

I've got to go meet my nonself out in the wh

all

3

NI

NI

QUA

ND

NI

COM

ME

NT

1

Peut-être voyez-vous le Géomètre ouvrir le sanctuaire et

saluer le Mère des morts.

– Mère, voici ma personne (il abaisse son masque d'ibis)

– Maître-Tête, mon ombre (elle relève son masque de chacal)

Les serviteurs versent une charretée d'âmes dans l'épurateur. La

ténèbre se teinte de matières. Quelques âmes glissent sur le

marbre noir. Le secrétaire de la Mort jauge cette masse larvaire.

Un nodule d'énergie s'avère récupérable ; il l'extrait.

– cela dépasse 14 milliards

– pour lancer cent Pérégrins ?

– un seul

Il éteint l'épurateur, déclenche par acquit de colombe le détecteur

de faucons, ouvre les verroux du Paradis. La purée des âmes s'y

engouffre ; immense Alleluia !

Les serviteurs chantent l'hymne « A la rame vers l'Absolu

proclame le résolu » . Personne n'y prend plaisir. Il n'y a personne.

– Mère, la Grange aux dîmes est vide

– vous irez arracher de quoi la remplir

2

Peut-être voyez-vous mieux, dans cet Antremonde.

Maître-Tête est penché sur sa table d'opérations. A main gauche,

un bi-losange de cristal. Il y observe, quartier par quartier, les

souterrains du sanctuaire, aménagés pour l'expérimentation des

dynamozoïdes et des ténébrions. Vérification des signaux de

balisage ; observation de l'effet des influorescences sur la Statue

de toutes les statues, silence glacé placé en vigilance.

A main droite, le miroir de la Mère des morts. Il demeure allumé

sur cet ordre :

« Annulez dispositions coutumières ; purgation de nature ne suffit plus ;

les pères de la chaîne, ensevelis sous l'âme nulle, ont d'origine lancé la

formule contre l'attache humaine : Arrachement ; nous voulons des

morts en nature, pas seulement en personne ; transférez quelques

ténébrions dans le Tiroir ; remettez énergiquement leurs fondations en

chantier, laissez évoluer ; un cercueil d’énergie dans l’espace austère

attend les cerveaux ardents aux énigmes solitaires ; carte blanche aux

ténèbres »

Il choisit dans le dernier tiroir un paquet de fiches noires, sans

regarder les bat, les coupe, fixe la première sur le cristal,

concentre un oculaire au bas de la fiche, juste sur le trou. L'âme

du premier patient illumine l'écran.

3

L'âme descend les degrés.

Ombre, caresse cynique derrière les yeux.

Sur le dernier palier, collée à la paroi humide, oubli traqué, elle se

recroqueville dans son suaire. Au dos de celui-ci d'improbables

lettres l'identifient : SNP1.

Sur la porte entr'ouverte elle voit se dandiner une pancarte... la

peur l'empêche de déchiffrer. Derrière cette porte, une véritable

salle d'attente ; il n'y a rien, il y a la noirceur de l'attente.

A la longue dans cette nuit rougeâtre elle distingue des tapisseries

de vers luisants, de nombres luisants ? ils glissent sans ordre

apparent ; pourtant le regard intime saisit indiciblement...

Parfois leurs colonnes éclairent un champ trop réel : poussière

poussière cueillers de bois livres moisis mobilier carcéral couloirs

trapus quasimodo là-bas disposés en araignée. Mais nulle

présence hostile, pas de diable, aucun rat.

SNP1 se tasse encore, se palpe un peu sous la stupeur, sans

douleur, palpe le peu qui figure son corps (il lui vient un premier

mot : « encorps! encorps! », pourquoi pas) . Ventre jambes

poitrine visage, elle vérifie, ne comprend pas, recommence, se dit :

tâter en faisant le signe de croix. Non, aucunes sensations, les

parties molles ont disparu ? Coupées, les fleurs mammaires.

La voix lui dit : ils t'ont changé de service. Elle se relève et

descend dans la salle attendre la consultation .

Un second patient la bouscule quand elle atteint l'unique chaise

mais il l'installe, barbare affable, sur ses genoux :

– ici Radio-Providence, radio provende d'évidences, l'amour

fait la chair et la chair fait la mort mais la volupté sans remords

mord l'illimité ! Je m'appelle Je-m'appelle (je suis sourd),

4

et toi petit lapin pâle mine de paladin sous les palplanches de la

mine, montre-moi ta fiche toute nue. Ils t'ont laissé un nom ?

même pas le petit ? tu pleures, moi aussi, regarde mes larmes

luisantes le long des murs, ah! tu as remarqué jj'ai dit moi jje jj'ai

dit jje va savoir combien de fois, ici Radio-Providence, ça

fonctionne mieux qu'on ne le croit, allons ne te dégage pas...

Il veut la ressaisir mais son bras reste figé dans le possible, la

main est coupée. Il lèche son moignon :

– j'aurais préféré que ce soit la langue

Depuis la voûte inaccessible l'ovule de ténèbre les ausculte.

5

GRADUEL DE MAITRE-CIMETIERE

Entrée dans la pénombre : 2h.07'

Entrée dans l'ombre : 3h.25'

SNP 1,2,3

Seul le troisième s'aventure au-delà de la salle commune.

L'anesthésie allégée permet de réduire au supportable les premiers

malaises encourus sous les radiations.

Ils se sot attribués, lapsus, se sont attribués des presque-

noms ;troublée ou non l'identité réclame des hommages

SNP1 : Sein

SNP2 : Radio-Providence (« voicivoici

M

, aux grands bois

sur la tête, non tant pour ravir les biches que pour cultiver la

connaissance ; en été mes disciples en recueillent les minuscules

oranges ; en automne mes bois redessinent leurs lignes et leurs

ondes ; en hiver les abbayyes - hymnénoptères religieusement

fidèles - dans toutes oreilles accordées en testent l’harmonie, et

c'est le printemps!, elles rapportent à mes bois en fleurs mille e tre,

mille e tre suggestions nouvelles »)

SNP3 : N'Ombre

La stupeur tarde à s'intérioriser. Troubles de la perception. Les

laisser rêver ?

Le matériau absorbant réagit de façon convenable sous la haute

pression de radiations. Le rayonnement des voûtes quelque peu

transformé en chaleur et phosphorescence assure l'habitabilité de

la crypte ; il y pousserait des orchidées. Risques de destruction

limités à l'improvidenciable.

6

Immersion de SNP4 à 3h.46' (angle 60°)

Emersion à 4h.55' (angle 260°)

Le quatrième SNP flaire, dégage, brise les incaméras n°7, 12, 17,

127,172, 217, 1727 (performance inférieure à l'attente). Plaques

noosensibles en bon état. Le sujet tenait à se faire appeler

«L'Homme» ; après critique collective s'est décidé pour Mi-

Homme.

Fouille sauvage du terrier. Les commodités disposées pour un

séjour individualisé dans les galeries basses sont saccagées ; les

ustensiles indispensables déménagés dans la salle commune. La

peur innée du labyrinthe l'emporte sur la défiance réciproque.

Rarement une parole à voix haute. Chuchotements tremblés,

souffles semi-articulés... leurs langues couvent des œufs de

serpents... (ou seulement des points de suspension)

7

EXPOSITION DE N'OMBRE

sur l'émusion noo-sensible

...toute phosphorescence éteinte au fond des limbes, les n'ombres

luisants s'éveillent, recommencent à tourner, tricoter un temps

errant miroir miroir...

au noir de la lune que voit le chien hurlant échapp échapp échappé

des folies humaines, la mâchoire en rocs, les yeux flagellés,

roulant à pleins poumons sa solitude fugi fugimunicative, au noir

de la lune que ne veut plus voir l'alpenstock enraciné dans le

ruminant chalet...

insensiblement leur masse se fragmente, deux clignotements,

soudain deux mots fugitifs : Toi Seul.

les autres disent : Rien vu, non.

...écho néant dans le canyon...vie fut magie dans l'argile, écu

d'écume, écume salaire du sperme, t'offre un corps petit

écoulement sablo sablonnnnnneux, désolé d'être insaisissable,

horloge parlante au-dessus des gargouillis, faut-il s'étonner que

nous, devenus ces...

qu'avons nous volé pour avoir tous un membre tranché ?

à nouveau la nuit totale, j'oblige les comateux à me suivre devant

l'escalier, la vermine divine nous attend, elle s'anime en nous

sentant. Radio déchiffre des hiéroglyphes dans leurs mouvements,

soudain deux clignotements, fulgurations d'un sens aussitôt gâté

est-ce ARME ? ANIME ? AIME ? ABIME ?...

8

constante fureur de Mi-Homme, obligation de creuser creuser

décreuser percreuser, arraché qu'il fut à une étude sur les rats-

taupes, j'en porte le poids, le sexe tranché n'excuse pas les bras,

anacreuser catacreuser métacreuser, il faut voir creuser des

manchots, mais un mur percé n'est pas une ouverture

nouveaux couloirs incolores, galeries de passé, boyaux,

baillements d'éther boueux, ouvrez le planétarium entre la vie et la

mort, l'un des boyaux chute dans une oubliette, les autres

ramènent le touriste fatigué au caveau central ; nous ne faisons

qu'élargir un chemin de Jérusalem, mes désirs absolus ont assez

subi l'épreuve du labyrinthe

Mi-H et Radio descendus visiter l'oubliette. Sein et moi (moi...

confuse imprécise présence d'âme indétectable repli en l'absence

même même de l'âme ?) restons dans la salle. La nuée noirâtre qui

emplit d'ordinaire la voûte se teinte de brun, les ténèbres irradient

le sang et à partir de ce moment nos membres mutilés nous font

souffrir et désirer

danse des vers gigotements accélérés envoûtements trémulations

grouillements multicolores des pulsions ressuscitées, elle y cède la

première, jette son suaire roule à terre, corps couvert de pièges

fantômes, pièges à verge, aimants, signaux déclencheurs de

volupté, ses seins fantômes brillent, aveuglent de souvenirs

cuisants ma virilité, un cri qui n'est pas ma voix, c'est la voix de

ma chienne : Redonne-moi la chair ! elle me mord les jambes, me

renverse sur elle et nos corps, nos chairs ? vont se coaguler

lorsqu'elle saisit ma verge spectrale mais c'est de ma gorge que

jaillit un geyser de verbe séminal sur sa poitrine incorporelle....

désirozoïdes ! ils bouillonnent, attisent des énéides, hydrogènent

millemille têtes cactées qui spiralisent et s'espadonnent dans

l'espace mental !

9

elle hurle et chasse ma vie mon outre-vie qui sème à millions des

vers galants radiants qui la mordent, la traversent, giclent sur les

murs, se vrillent partout s'insinuent jusqu'aux voûoûtes à l'assaut

des luisants répons des ténèbres

là-haut ils s'éveillent se secouent clignotent, défient les flots

vivants ; les deux flux se malaxent fusionnent, ignoble

grouillement d'étoiles ; vers vie brève vers mort lente s'apparient

explosent s'engluent scintillent autour au-dessous au-dedans de

nous mais trop vite trop d'éclats, magnificences dans les brisures,

esquilles verbes, ébats affolés, quand nous déchiffrons parmi

d'exécrables visages, scotomes scintillants vomissant jusqu'à la

conscience sans pitié ces anxiovalences :

AM(B)O ORDURE SA(L)UT AMBA

IGO

bene ambula! un saut dans tous les sens ? est-ce un non-sens la

notion de tous les sens a-t-elle... raison attelle sur la fracture

de conscience raison atèle en suspension dans la canopée mentale

mais il lui manque le pouce, le sens sur le pouce voilà

la vérité

saute dans l'ordure ou abîme toi dans l'ordre ou aime l'ordure c'est

le salut ou sans balancer entre ordre et ordure pousse l'obscur dans

les deux sens, âme carcan de l'abîme l'important c'est le saut de

l'obscur dans le sens, peut-être, pourtant mes lèvres diront

l'inverse, le secret en ce point c'est de faire un feu de sens dans les

trous de la parole révélée

et en ce poinct peut-estre y en aura, prisoniers es prisons Royaux

de Purge, qui diront le vray desirer mais non selon les articles qui

auoyent esté accordez par le dernier Edict, et dira le Concile qu'ils

sont pertinaces, qu'ils s'opinastrent en vn erreur

dont ils sont convaincus & que partant il faut proceder par le

glaiue, hélas quand le ciel donnera-t-il la grande paix à l’ombre

10 mentale qui rôde et s’ensanglante, qui s'amenuise et s’oublie dans

son crâne trop petit, quand lui donnera-t-il la multiple clarté dans

l'unique mémoire qui enjambe les étoiles ?

le saut dans l'ordre ordurier sauve l'obscur ambivalent, que de

trous tout de même, si le mystère au moins connaissait notre

langue, avec si peu d'éléments faire la cuisine du sens... et malgré

tout nous resterons inexcusables car le verbe se sera révélé

j'entend la voix rêveuse d'une pierre dans le moulin à météores :

« plus jamais la chute des corps! les masses courberont l'espace

mousse et leurs âmes glisseront sur les pistes... » ; voici le temps d'une

chute de la lumière, j'ai perdu mon âme avoue la parole révélée

EXPOSITION DE MI-HOMME

(sa projection spectrale sur l'émulsion noosensible commence un mouvement en

spirale vers l'intérieur)

...mots semés de vers sémanticides, nous stagnons dans une

salle de désanimation, intestin de la mort constipée, fiente

immatèrielle sans appui de volonté, merde un refuge pour

réfléchir !

...ma mémoire contient un cachot bien pire, dans mon pays le

Cachot horrible chien d'arrêt se mettait en chasse dès la nuit

tombée... la raison sous le rabot, l'intuition dans le politique

reliquaire je me nourrissais des seules racines qui poussent dans

11

ma tête, corbeau pifferaro dépouillé de son aurure, icoglan céleste

dans les fers, les remords prolifèrent en miradors dans mes

souvenirs

(son déplacement se ralentit à mesure que la spirale se retrécit)

je vois maintenant le requin dans mes propres fluides, il me tourne

autour, me sent grelottant, courbe mon territoire, buttoir,

ajournement, l'étendue se retrécit... je me fais radeau de moi-

même... il enclave, érode, siphonne mes mouvements

...l'abîme l'abîme, sans dessein balloté entre les rochers où le crâne

teste le temps et l'éternité, l'oreille intrépide fixée sur l'Imminent !

l'écueil l'écueil avec dessein passe sa lance à travers ta langue

debout sur le silence, sous un ciel où naviguent, comètes, les

destinées

l'enfer étoilé au-dessus de nos têtes ! ah ah dans le souffle d'une

explosion millions millions de brisures, indestructible feu

destructeur divagant avec sa charrue à bombes dans le ciel schéol

et l'immortalité qui fait le pompier au-dedans de nous !

et en plus c'est vrai, bien que je divague, un refuge pour réfléchir

pour réfléchir sans ces rayons

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EXPOSITION DE RADIO-PROVIDENCE

(sa projection spectrale sur l'émulsion noosensible exécute un mouvement

ralenti en spirale vers l'extérieur)

...l'épreuve peinte sur la Mort subjectile, son étreinte boute hors

hors... l'oubliette se prolonge ; pas trace d'occupation mais boue

puanteur pestilence ; une mort équivoque nous couve, ce n'est pas

notre corps qu'elle réserve à ses vers

Sein délire, phrases hachées, hoquets, brusques tirades ; exorciste

corset autour du deuilleur, douleurs à la rivelaine en cisaillant

rituel, cinglant corroi tentaculaire, tensions exacerbées par la

dissension cinéraire... Mi-H veut la descendre dans l'oubliette

...sommes-nous dans une mine pour y exploiter le non-sens,

sommes-nous la mine que le non-sens exploite... son étreinte

boute hors hors hors

EXPOSITION DE SEIN

(sa projection spectrale sur l'émulsion exécute des mouvements au hasard)

Seigneur, des œufs de mort coincés dans le cloaque ; expulse ma

mort Seigneur donne moi la force dans ce nid, regagner la

chambre je ne peux pas dans ce nid regagner la chambre à

éclore, fais-moi seulement souvenir de Tes certitudes souvenir en

repassant la tête par le trou de la mémoire je trouverai je trou

verrai

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Cinq nous sommes désormais, quand ils m'ont remonté du trou

l'Autre nous attendait, dégénération spontanée ne surprend

personne, perle au regard trop parfait, nette et vierge de mutilation,

pure laine sous la caresse mortifiante, soupir frotté contre silence,

étincelle sur laine, soyeuse silène

ma substance honteuse dans son regard, ma mort ignoble dans ses

yeux me dit Tu n'es plus, tu n'es plus une, Seigneur l'amour n'est

pas le révélateur de ta chambre noire

nous nous tournons les uns vers les autres cherchons du regard

comment lui renvoyer au satantuple son angélique sourire mais les

néants luisants tombent en neige cuisante, se précipitent sur nous

tous! à nos trousses dans l'escalier sans, l'escalier sans marche

pour monter, nous font subir dans leurs dessins larvaires

jusqu'à l'aveuglement ce message :

0011100101100°111001101000111110010°°11001000011°1010

– qu'est-ce que c'est que çà ?

– c'est... je crois le début d'un programme errant que j'avais

composé, pour saint Random, là-haut une prière à saint Random,

c'est modifié, retourné contre nous, c'est mutant, enfin ça se voit

– ça dit quoi ?

– peut-être : Vous êtes des légionnaires dans ce mystère,

démerdez-vous

14

L'écran nécroscopique détaille le caveau puis se concentre

sur les ténébrions. Les cinq SNP groupés en rond font circuler un

fétiche qui ressemble au silence : tout le monde parle à la fois,

sauf celui qui l'a sur les bras (leur philosophie leur pemet

d'articuler quelquefois au hasard, ils disent La vie procède comme

ça ; que les langars et causeurs à la langue danaïde postillonnent

leurs fictions)

Vous voyez Maître-Tête procéder à des réglages de rayonnement

puis noter à l'intention de Maître-Cimetière :

Le bilan radiatif reste négatif ; le spectre réfléchi révèle une

minuscule néoformation frontale, assez pour quelques

fulgurations mais le travail d'intériorisation retarde et languit ;

je veux qu'ils différencient bientôt l'αlumière à travers la

ténèbre déchirée.

Il dévoile le Miroir de la Mère des morts ; le branche sur

l'émission directe des SNP. Dans ce miroir les ombres ne font pas

nombre. Pourquoi l'alumière découperait-elle ses larves et ses

espérances selon la figure et le mouvement ?

– quand est-ce que ça va commencer ?

– qu'est-ce qui va commencer ?

– il faut commencer nous-mêmes, creuser le trou, le vrai

– impossible, tous les trous sont déjà creusés

– est-ce que nous sommes in illo tempore ?

– on avoue des fautes au hasard, il nous relâchera, bien sûr il

nous relâchera au hasard

– ma tête creuse dans ma tête creuse un trou de mémoire non

creuser la mémoire c'est l'inverse d'un trou et garde-t-on la

mémoire des trous

15

– dans ta tête c'est ta mémoire pas la nôtre c'est la nôtre qu'il

faut faire avouer

– aimé ma vie aimée de tant d'autres et quelques caresses

mensonlégères c'est innocent

– et comptons sur l'innocence pour consoler notre non-sens

– en escapade sur la chaussée inondée le palanquin mental

clapote, virtuose déboîté... scandale, overdose, arlequins

obsédés, cavalcade de pensées... sérénité en papillote !

– l'oeil ouvrira son œil intérieur

– sur les rails ?

– le tourbillon ?

– j'entends les intelligences qui grimpent qui grimpent mais la

montagne déplace son toit vers les aiguillons

– là-haut, plus de sommet, l'homme pose/poserait librement sa

tête sur le soleil

– l'oeil ouvre son œil intérieur sur une voûte de voûtes dont la

surface intérieure est une route

– le layon démesuré prévaut sur les barrières ! jusqu'à

l'inintelligible ressérées, ses pupilles, dans les limites opaques

injectent l'éluctable

– je n'ai pas commis je nai pas faussé je n'ai pas fait, je n'ai

pas...

– non, le monde n'était qu'une formidable machine à faire, faire

des erreurs, des fautes des chimères des absurdités formidables !

bien plus invraissemblables que l'idée de Dieu ne le laisse

supposer

< coups sourds contre les parois ? vrombissements ? >

– des vibrations d'excavatrices

– le débarquement du Sauveur ? les bombardiers du Sauveur

lachent leurs chapelets de bombes

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– la Grosse Bombe, le bruit de fond de l'univers

– rien que le Mauvais qui fait craquer les os des morts

– je mourais d'amour était-ce une faute cette petite chambre

d'hôtel près du cimetière ça s'appelait Le Tombeau Ouvert,

soudain le barissement de l'acier!

– chaque fois que je dis Moi j'ai l'impression d'un moignon, le

vrai mot doit être plus long

– le Temps, tourbillon dans le firmament placide a quitté la

Beauté au bruit du canon

– sa morve aligot, dieu merci, l’a rendu sourde

– ...ce ne sont que les cerveaux sauvages qui outrepassent la

vitesse du son

– le nuage, au fond, un peu d’eau lourde

– sur la margelle de l'horloge se penche le voyageur, trop tard,

tous les heurs se sont changés en pleurs

– moi-même encore je m'aperçois à peine, me déluis,

tremblotante graine dans la trémie... les meules m'apetissent dans

le grand miscible, bientôt je ne m'aurai mie

< grondements rapprochés ? crissements métalliques ?

explosions ? >

– c'est l'Histoire qui cogne, elle vient nous chercher

– le bourreau

– écoutez

– n'écoutez pas

– chaque fois que je dis Mio... Mio... non zut j'y arrive plus

– c'est Dieu qui joue aux dés

– et maintenant p(a)riez! dit le Dieu qui joue aux dés

– à grande échelle ce sont les Dés qui jouent aux dieux

– je vois les squelettes du destin dressés contre les éléphants de

poussière

– dans le monde en poussière une crinière vagabonde

17

– boue spectrale soumise à radiations

– j'ai cherché ma porte et n'ai trouvé qu'une cicatrice

– schizophrénie obligée intériorisée rentabilisée sinon tu

deviens fou

– qui peut distinguer une maison des morts d'une maison de

fous ?

– celui qui n'a pas trouvé son semblable dans son semblable

– quelle rançon attend-il de nous ?

– notre raison

– notre personne

– une clé grince dans mon mur, pourtant je suis sans porte ?

elle ne tournera pas ; une clé tourne dans mon mur, pourtant je n'ai

pas d'or ? elle ne m'ouvrira pas ; une clé tourne dans mes yeux,

seraient-ce eux qui m'emmurent ?

– c'est le Jour qui perce

– c'est l'explosion de toutes les tombes de la terre, le Jugement!

toutes les tombes sont des bombes à retardement, réglées pour le

jour du Jugement

– tu es sûr que le temps passe ?

– ah ne plus parler

– notre peine n'être plus qu'à peine sans cesser, un vent dans

l'intestin du Brahman

– pas de raison qu'existe ce mystère

– le mystère c'est qu'existe la raison

– en essayant d'ouvrir ma raison qui résistait l'angoisse s'est

coupée le poignet, depuis je suis manchot

– tout est prêt ici pour la mort, la vraie

– la grande ouverture vers d'autres horions

– ah le silence notre soleil

– le soleil n'existe pas

18

Maître-Tête dicte au Silence qui écrit à genoux, les yeux

dans les yeux de la Statue de toutes les statues :

« Des hommes, quoiqu'elle perçoive, l'αlumière reconnaît seulement le

spectre de silence, non la personne mais l'SNP. La personne est bien le

masque. Qu'ils comprennent que je les ai volés à la personne ; pas

seulement enlevés mais extirpés. Je veux qu'ils me souffrent comme

Arracheur. Lorsque de l'homme à la mort passe un éclair d'intemporel,

ce n'est pas l'amour qui est l'oblat et le voyant, mais l'arrachement.

Quand tout est équilibré l'amour fait mouvoir les astres et les prières :

spirituelle gravitation, universelle pesanteur, heureuse force d'inertie.

Mais je dépasse infiniment l'attente du signe qu'ils m'ont fait. Je les

arrache à cette pesanteur. Je les contrains sous exérèse afin qu'ils

accèdent en maîtres à ces forges où les néants géants taillent l'être sur

l'enclume.

Cette mort normative, mutative, labeur d'arrachement recréateur pour

des ténébrions que je dois d'abord abstraire de la chair, où sont les

volontaires ? Où sont les merveilleux coolies des Ténèbres qui

halèrent les empires de l'esprit ? Au ventre de la Mère des morts la

naissance n'est ni divine ni vaine. Je les déracine de leur soleil, je les

implante dans l'ɑlumière.»

Tu laisseras cette note ouverte pour corrections

19

GRADUEL DE MAITRE-CIMETIERE

Immersion à 7h.33'

Emersion différée

Descente des SNP 6 et 7.

L'un et l'autre échappent au groupe, qui désormais aménage une

cavité sous l'escalier. Un feu naturel leur redonne confiance et

repousse assez bien nos instruments de mesure (vous ne croyez

guère aux mesures, il nous faudra pourtant tempérer les

enregistrements directs par un coefficient de dissimulation).

A l'instant de ce retour à la nature, le bilan de l'irradiation

annonçait : Néoformation sur les marges du cortex. Le seuil de

bourgeonnement du second front est atteint.

Un refuge - contre une chambre de nymphose. Le front humain,

bien calé dans son nouvel abri, le rayon ciblera l'évoluant dans

son cocon.

Leur cerveau conserve en permanence un léger état

d'inflammation, jamais gris. L'éclairage incertain des flammes

accentue les distorsions de leurs visages qui se remodèlent avec

bien des asymétries. Une fièvre incessante leur ôte le sommeil.

Selon prévisions, SNP 6 et 7 restent mobiles et disponibles

dans les tuyaux. Nous ignorons sous quelle forme s'opérera leur

transformation.

20

- Mi-H : sortir de cette terreur ; droit à toutes les erreurs ; sous la

terreur il n'y a plus de crimes il n'y a que des erreurs

- R-P : se donne-t-on la main quand la main est coupée ?

- N'O : ici le feu nous garde des ténèbres ici les ténèbres sont

dehors ici c'est un ici, avant il n'y avait rien, la ténèbre ne fait pas

un espace, l'espace c'est seulement ici. Donne-moi deux baguettes

de bois

– une croix ?

– ceci n'est pas une croix, mes frères luisants, ce sont des axes

de coordonnées. Ou puis-je les clouer pour bien les adorer ?

– petit cancer dans le sein du mystère

– imaginez, cloué sur la poitrine de l'un d'entre nous, ce serait

beau, le mythe inversé

– mais s'il y avait contre nous un géomètre des ténèbres ? ah ah

oh il ne faut pas que je ris, j'ai mal à mes débris

Sein alimente le feu, murmurant : lumière souviens-toi de moi,

moi qui te ranime, je te fais flamme entre mes mains... La tête

entre les genoux elle poursuit sa rêverie.

Les autres se sont rapprochés du feu, excepté SNP5, isolée au

fond de l'abri ; ils lui ont cassé le nez.

R-P se moque d'elle à l'adresse des ténèbres : Je vous présente

Eglantine ! clignote clignote dans ses yeux un éclair, curseur

moral sur l’écran couleur bois vert ; la zone de l’arbre, fleur,

feuille, sève, graine, dans laquelle l’interlocuteur peut rechercher

signe, valeur, intuition, il indique ! si le questionneur en belles

fabulations s’aventure le spectre de l’éclair se décale vers le

rouge ; ce même rouge qui sous le sein fou révèle un inouï

merveilleux organe amoureux dédié à la pure joie du cœur. Mais

elle ne l’a pas encore trouvé parmi nous, le garde-fou, nous

restons de grandes bêtes! se plaint-elle, aussi ne forcerai-je pas sa

pudeur

21

- N'O : où sont maintenant nos personnes ?

– là-haut, avec nos slips et nos chapeaux

– mon cœur ne bat plus pour mon corps, alors pour quel

combat à mort ?

- N'O : ça ne vit plus, ça n'est plus rien ; urne funéraire ? urne de

l'âme (il porte la main à la tête) ah, reste cette torsion... qui savait

qu'au-delà de l'âme il y avait cette torsion ?

- M/H : rien qu'un bourrelet de chair irradiée... c'est une boîte

noire elle contient un vers luisant il enregistre ton agonie, les

sursauts... dans l'espace intime de ton néant il a glissé son regard

permanent

– et l'âme n'est pour rien dans cette mutation

- R-P : et le dieu de cette mutation n'a pas d'âme

- Sein : Seigneur, épargne-moi cette mutation

– un front mutant, une moisissure de toute la raison

– je sais que la Sangsue suprême s'en nourrit, elle va nous faire

une ponction

– nous serons ses zombis

- Sein : Seigneur, ne me recrée pas par le front !

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EXPOSITION DE SEIN

sur l'émulsion noosensible

Un drap sépare notre oratoire de leur crachoir. Oratoire pour elle,

pour moi foyer. Elle dit : « Caveau et tourments, Nuit obscure du

Seigneur. Si tu l'intériorises avec amour il te purifiera de ta

mauvaise mort, dont la pourriture fait éclater ton front. » Elle

remercie l'Invisible de notre laideur. Elle le supplie de concentrer

sur elle nos déchirements.

Elle me dit : « Tu t'appelleras Sein, en allemand »

Son front fripé sous les cendres elle psalmodie, pour qui ?

« Sèche ta durée gluante à ce Feu de ronces.... Frappe l'Amour

du marteau de ton être, frappe ! Il te rendra cent fois ses

élancements. »

Bouche litière de murmures fiévreux, prières blessées qui frôlent

le blasphème, et soudain : « Il est le Chalumeau maladroit devant

ton coffre à néant. Laisse-le brûler tes avoirs, tes droits, tes

contrats et jusqu'à l'assurance de ton être. »

23

MIROIR DE LA MERE DES MORTS

Deux SNP sont adossés à la paroi et se tiennent la tête ; l'un

s'effondre lentement. Un troisième allongé, une compresse sur le

front. Les deux derniers piétinent, déséquilibrés par le poids de

leur crâne.

– il sculpte sur mon ombre une tête de statue et la Sagesse du

corps, juchée sur son escalier, éclate d'un grand rire méchant

– boule bulle mon corps a formé une bulle de salive le soleil

des scarabées l'a durcie

– où suis-je ah oui si loin de moi

– cassez-moi la tête par pitié par sagesse

– bien qu'elle souffle vers l'avenir la tête piquée en haut du mât

pèse trop lourd pour le navire

– rien d'autre qu'un front sans yeux sans nez sans bouche juste

un fromage de tête

– rien d'autre qu'un front l'ouverture d'un second front il veut

que l'on se batte

– contre la ténèbre forte et dure

– j'ai soif j'ai soi

– l'aurore aux mains calleuses, les nuages rouges au bout des

piques m'a poussé sur la charrette... j'ai bousculé un ange à

béquilles j'ai salué un nombril en manteau biblique les vertèbres

sous leurs coules me frôlent encore

– front prison gigantesque, murmurant mur murant une jungle

d'infectes promesses

24

– du marécage à la canopée avec la grenouille-singe, de

mes reins au firmament à travers les Cordillières, mes

archéosentiments puent dans le moucou-moucou !

– oisillon hoazin je griffe des ailes les degrés de mon

ascension ! mes racines je les rendrai aériennes !

– je voudrais dire et ne peux dire ni dire rien

– et ne puis le dire

– et il n'y a personne pour le lui dire

– ou supprimer je voudrais dire

– voix de tête outre-tête en travail sous une voûte d'entrailles...

donne-nous Seigneur de la grâce efficace en boîtes de conserve

nous partons pour la grande migration vers les rios à pépites ! c'est

peu de choses Seigneur un viatique de fer dans les arènes

sylveuses et les brouillards verts, un viatique de sel sous nos

langues percées de vers toussant recrachant l'os-pitalité famélique

des seringueros et nous te rapporterons en relique un authentique

crâne de la Vérité, déesse jivaro

25

GRADUEL DE MAITRE-CIMETIERE

Intensité du rayonnement décroissante. Front mutant

moyennement positionné ; tendance au glissement sur l'une ou

l'autre tempe. Prend peu de soin de lui-même et laisse le vieux

front parler. Je ne peux cependant vous décrire leurs faces

distordues, leurs yeux dénaturés. Aucune ressemblance avec ces

glorieuses icônes au front démultiplié, verni par le recueillement,

dont Maître-Tête avait rêvé.

Les deux femmes sont habituellement retranchées dans leur

cellule où elles entretiennent leur propre feu. Côté homme une

innovation : l'adoption de masques mortuaires, prélevés sur ma

collection suspendue aux murs des boyaux

Les visites aux galeries profondes s'intensifient. Ils analysent,

coordonnent tous les lieux, sous-lieux, faux-lieux, bouche-lieux

(disent-ils). SNP 6 et 7 ont été interceptés puis installés à l'écart.

L'un dans l'oubliette, l'autre dans un labyrinthe qu'ils ont tracé

eux-mêmes à la lumière de leur feu. Signe qu'une part de leur

activité commence à nous échapper. Confirmation dans les deux-

procès verbaux ci-joints.

Ci-joint : Procès-verbal du sacrifice

Procès-verbal de la conspiration

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PROCES-VERBAL DU SACRIFICE

Elle parle au feu. Elle lui demande de durcir son œuvre humide : tête de boue à

deux fronts superposés, où miroite le souvenir de son visage.

– un jour la boue de l'être reformera le crâne de la Sagesse

dans une niche de nymphose...

- Sein : montre-moi maintenant

– …et non par chaste névrose avec sédative extravagance ou

berceuses impasses, en floraison dans les bornes natives du

symbole...

– ce n'est pas ton portrait, c'est ta tête sans portrait

– ...mais viduité faite étoffe, promiscuité avec nihil !

– une tête sans mort ?

– une tête qui purifierait la lumière quand elle a pénétré les

impuretés

Long murmure, basse continue visionnaire sous la cagoule

(« avec la sollicitude des vierges, avec la plénitude des amantes

sous la mantille, tes moniales douces aux yeux de soldanelle

imploreront l'irruption du mauvais Chien !») A genoux devant le feu. La tête de boue fume entre ses mains insensibles, sa

propre tête étrangement renversée vers l'arrière ; murmure pacifiant, bientôt

étranglé.

– si je t'enlève la vie, qu'est-ce qui reste ?

- Sein : rien

– ne fais pas l'innocente, qu'est-ce que tu retranches toujours à

la vie ?

- Sein : rien...un secret... la vie ne peut pas l'assumer

– livide flamme lunaire... plutôt mourir que mûrir ?

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- Sein : oui...une vision... qui garderait la tête sous la vie

– décide-toi, tu as toute ta tête sous la mort ! Elle plonge brusquement la tête de boue dans les flammes :

– Cratère! Souffle sur nos visages ton incinérante éternité !

- Sein : je vais essayer de... est-ce que ça s'est vraiment passé ?...

lors des fouilles... le budget sondage est épuisé mais ma truelle est

curieuse... invertueux qui abandonne les fouilles dans son insipide

insu. Le lendemain je n’attends pas le soleil, sous l’orage je

m’agenouille dans la boue... Tout de suite la main me touche le

tibia. Une main de pierre ? Je la dégage vivement mais ma

maladresse arrache aussi la main du squelette qui probablement

l'agrippe depuis des temps, des temps. Une chaîne : main vivante,

main minérale, main du squelette. Je tiens la main minérale sous

mes yeux ; une pierre très rare, je n’identifie pas. La forme est

primitive, plus imaginative que grossière.

Je fais la part de l’obscurité, la pluie épaisse, la saleté, les

frissons... voilà : au premier contact c’est une main gauche. Je ne

me fiche pas de toi : prise de dos, main gauche ; retournée vers la

paume, main droite. Attends, j’essaie d’être claire. Gauche, droite,

gauche, droite… qu’est-ce qui se passe entre les deux ? Une légère

odeur volcanique, mais c’est familier. Rien d’autre, sauf une perte

d’attention. Si je la fais pivoter lentement, une sombre distraction.

Décrochage mental toutes les fois, mais le pouce reste à droite.

Une main milieu.... Ou bien elle pivote dans une dimension qui…

déconnecte la… aujourd’hui on vous tricote en imagination

abstraite cinquante sept dimensions… à l’infini et

retour ?…J’aurais du juste la serrer dans la mienne, simplement

serrer… Il y aurait des êtres… il y a eu ? il y aura ?... avec une

main milieu ?... ils en ont deux ou combien ? Ou ces mains elles-

mêmes seraient les êtres ?... messagers ?guides ? gardiens ?...

L'orage faisait trop de dégâts... sous la foudre j'ai du rentrer... Mais

la main était encore là quand je suis

revenue. Elle s’enfonçait dans la boue, elle s'enfonçait

méthodiquement, non je ne dis pas qu’elle était tirée dans

28

la terre par la main du squelette...mais... fascinant. Au bord de la

mer, tu as vu les petits coquillages qui s’immergent dans le sable

mouillé ?...

Là, cette tête, que tu tortures dans le feu, elle convient à cette main

– non !

Le nez de la sculpture se détache et roule dans les cendres. Elle l'y

écrase. Quand Sein veut l'arrêter elle lui attrape le poignet, la

contraint à saisir les restes brûlants, à les frotter sur les cicatrices

lamentables de sa poitrine. Lorsqu'elle veut les lui porter à la

bouche, Sein crie et se dégage. Exaltée, elle la maintient à genoux

par sa dernière plaque de cheveux :

– nos âmes en cendres sont le pain qu'Il mange ! Regarde-le à

travers cette tête sans nez et répète : J'adore ton azur à travers

l'ajour de ton mystère ! Sein écorche en pleurant ce délire inspiré.

Durant ce sacrifice, les SNP mâles se réunissaient avec SNP6 dans les boyaux

extérieurs autour d'un ''verre de feu'' (pour citer R-P). Vagues réminiscences

shamaniques, ils entretiennent des flammèches dans de hautes coupes et les

portent en soupirant à leurs lèvres sèches, que rosit l'ironie.

PROCES-VERBAL DE LA CONSPIRATION

– N'O : buvons cet apéritif de Pentecôte, il nous ouvrira

l'esprit ! ce n'est pas le silence notre abri, mon dieu non, c'est notre

parole et notre bruit, le spin de nos langues enflammées : derrière

la langue de feu depuis que claquent les langues, la ténèbre ne

saisit que des ombres nerveuses, je vous dis. Regardez ces petites

flammes nectarines ou nocturnes, les ailes du corbeau elles-

mêmes ont-elles au soleil couchant ce teint miraculeux ?...

29

– je connais bien les corbeaux, ces rabcors de la grande ténèbre,

leur grognement de poubelle me va droit au cœur. Je transcrivais,

figurez-vous leurs chants sacrés, là-haut, dans un pays de charnier

à ciel ouvert... toute une histoire. Ces petits sphinx, ce n'est plus

un secret, adorent le Rbr, ancêtre régalien des potences, puissante

machine métamorphique transformant la souterraine énergie des

morts en toutes sortes de cerises, que viennent picorer les pendus

dans un procès sans fin de chicanes et de complicités

– le pendu est un initié, détrompez-vous à son sujet. Dans

l'orgasme magnétique où il éjacule son âme, il paye la dîme à

l'Abyme, il détourne un courant de rut vers les rites de la Mort.

Aussitôt les corbeaux transportent l'élue sur la maîtresse branche

du Sterculi Somnifère et la gavent des connaissances nécessaires à

son entrée dans la confrérie des Hommes Parfaits.

– merci pour cette précision... c'est ainsi que durant une année

je fus exclusivement nourri de morceaux choisis de suppliciés,

toujours crus certes mais délectablement prédigérés

par les princes charognards. Et je recomposai avec méthode,

bouchée après bouchée, greffe après greffe, l'Homme Parfait dans

mon jabot mystique. Il vint donc un jour où je fus à l'évidence

enceint de l'Homme Paraclet. Fantômal encore car il lui manquait

plusieurs degrés de digestion et rangs de dentelle mais déjà vrai

champagne de potentiels, il me disait s'appeler Dive Bouteille. A

l'ordinaire le voyou se logeait sous mon sexe aux sources vives

des ardeurs et s'érigeait sans cesse contre ma médiocrité. Hélas, je

n'avais aucune idée sur la façon d'en accoucher. Tant et si

providence que la Royne des corbeaux s'aperçut de mon état de

grâce et sa frénésie rapace aussitôt m'entraina m'ébattre en son

charnel charnier. Déboucher ma Dive Bouteille ? Mais ma chérie

il me faut arrhes et assurances de survie ! A force de demi-refus je

fis monter les enchères et j'obtins, notez le bien, qu'avant toute

chose plus salée elle me révèlerait les chants sacrés de sa race

cybélienne dans leur

30

langue ancestrale, qui est aussi celle des vers.

….A peine eut-elle fini de chanter qu'elle susurra : N'aie pas peur

mon nevermore, après l'amour je ne trancherai la vessie de ta vie

que pour garder dans mon cœur la bourse de tes germes. Ma Dive

bang! Bouteille éclata de peur et ses piaillements de coucou

provoquèrent un si vilain scandale que le Roy survint

en personne armé d'un grand bourreau...

Dans la puanteur impassible des pendus le cadavre de bouteille fut

jeté à la mer.

Et maintenant recueillons-nous, je vais chanter l'hymne corbeau

pour l'accession du Pendu vers la veine maîtresse du Rbr

cosmique.

Eclats vifs des flammes dans les coupes ; jeux d'ombres. Les enregistrements de

figures et mouvements ne vous préoccupent guère, mais la présence de

SNP7 est dès ce moment évidente ; tandis que N'O s'apprête à chanter, il

s'accroupit avec R-P et M/H sous un vaste masque à faces multiples, où j'ai la

surprise de reconnaître Maître-Carrefour, mon reflet préféré. Sous cette carapace

contre moi retournée, derrière le brouillage des flammes et du chant

(ces illusions sont efficaces), ils jacassent, se donnent le sacrement de la

communication primale, tandis que le spectacle suivant m'est servi :

Le corbeau entonne, grave et slave dans ses inflexions :

Bang! y'a des travaux dans mon cerveau

je m'sens d'venir anarcho-marteau (refrain)

C'est un chantier grand opéra

les ténors des métiers sont là

corporations au grand complet

même les fantômes vont d'leur couplet

L'électricien dans l'ciboulot

coupés les circuits du boulot !

Les lampes à bile ont du rata

j'chante avec lui la Traviata

31

Le gaz de France est descendu

tout droit dans l'hypothalanus :

jamais d'coupure de c'côté là

l'intestin d'l'âme donne le la

J'sens les maçons dans ma cervelle

y m'ont coulé dans la dentelle

des diables ailes de béton

chez Platon j'fais les livraisons

Les menuisiers refont l'plafond

voûte étoilée sous l'capuchon

les poutres en flèches vers la cave

toboggan zou! jusqu'à la lave !

Le masque multiplace de Maitre-Carrefour se dresse, chaque ombre crie à tour

de rôle son enthousiasme tandis que les autres l'accompagnent d'un cri corybante

et corvidé :

– glaire et gliome d'agonie, ô verbe et patois superbe et putois !

// criôtraa!

– je comprends que l'on risque la damnation pour transcrire

cela ! et donner une forme plus pure à l'aile de corbeau de l'esprit

humain ! // mélancourou!

– qu'un exemplaire sur le bétyle gravé soit envoyé à tous les

cimetières ! // loamerlââ!

Ils trinquent dans les éclairs et quand ils cessent SNP7 a disparu

– qu'en pense notre jeune innocente ? SNP6 ne répond pas

– vous êtes certains qu'elle comprend ?

– qui ne dit mot t'échappe

– M/H : à mon tour ?... bon, je peux bien vous le dire, j'étais

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gérant d'un Corpus Christi Drive à l'entrée de l'autoroute, je

distribuais l'hostie aux automobilistes sans même qu'ils

descendent de leur tombeau roulant. Et puis un jour j'ai péché, je

leur ai donné le vin en prime. Quand le diable l'a su, il a ouvert

des dizaines de succursales et par jalousie m'a expédié parmi vous.

Sous le masque de Maitre-Carrefour les autres lui font signe de poursuivre, mais

il n'en a pas le cœur. R-P le remplace :

– je verse ces mots dans la tombe fraiche de mon cerveau qu'a

creusé le tremblement de terre

à 2h 00 un briut un bruit terror, trompettes rage-haletantes,

direction cimetière

je montais la garde, une éternité, jusqu’aux portes du camp,

la cavalerie apocalypsy nous encerclait invisiblement, mille rats!

le tremblement est localisé au cimetière, comment je le sais, les

vibrations mais alors pas vraies, pas trépidations vivantes

j’ai rien vu, le mur déjà trop haut mais c’est pas la hauteur qui

m’aurait, bien qu’elle grimpait, le boucan perforant, un tel

chantier en hurlement, la terre la terre qui voulait crier à travers

moi ! mais j’y crois pas incertum habeo pudeat magis, j’y crois

pas, rassurez moi

igitur le mur monte tombe à tombe, splendides pierres tombales

empilées empilées, réfléchissant la ténèbre jugurthale, sous

grognements, clameurs agressives, voix soufre, mais je crois pas y

croire

les tonnerres excavateurs, les grues grinçantes et le fracas des

pierres tombales qui font ce mur qui pousse! hissant l’enceinte

sépulcrale plus haut que les pins, au sommet du plus sombre

un loup mygale hulule ou bien quoi récite son latin belligieux au-

dessus de l’abîme

le sergent déboule avec ses salauds et m’ordonne 'Fais le tour du

cimetière si l’enceinte encore serait pas close', je veux pas, il tire

33

son arme, aux premiers pas le propre granit portant mon nom, mes

ancêtres, projeté sur moi, une force malfaisante et tranchante, dieu

merci je connais sa vraie soif

partout un mur fait de dalles arrachées aux tombes, imagine avec

quel ciment! ils déracinent les tombeaux pour soutenir quel siège ?

de quoi les gardeurs de quoi de morts ont peur ? dites moi, si les

démoniaques en ce temps là avaient su que la nazaréen allait

descendre aux enfers, est-ce que ça n'est pas ainsi qu’ils se

seraient protégés ?

je grimpe à un arbre proche, je vois l’immense bunker fermé, le

toit presque bouclé, personne n’entrera plus dans ce cimetière

non je dirai pas, pas ce que j’ai vu enfin ça dit rien même de dire

vu, par l’ouverture du toit, j’y crois pas

j’y crois

le chantier se calme, les grondements diminuent, disparaissent, il

est 2h 0000, ça n’a été qu’un temps mort, aucun temps, soudain

silence

très fermement dans cet œuf la mort attend un évènement

34

MIROIR DE LA MERE DES MORTS

– Qu'en pensez-vous Maître-Tête ?

– ils préparent une misère de contre-mystère. Ils nous prêtent

une psychologie, quand nous faisons abstraction de la leur. Je

crains un sacrifice, un bourreau, un agneau... ils vont certainement

faire le saut. Leur second front leur tombera sur les yeux.

La Mère caresse la tête du Silence, enfant-vieillard assis entre ses

genoux

– qu'en pensez-vous Maître-Cimetière ?

– j'ai reçu leur message... mais l'évolution de leur front est

multiple. J'accentuerais ces divergences.

- Maître Tête : envoyer un dernier SNP ?

– nous ne savons pas encore chez lequel, ni sous quelle forme...

Le seuil...

- Maître-Tête : les rayons semblent dirigés trop largement sur le

front, précisez la cible : une conscience thanatielle surnaturée! pas

un plus gros cerveau... La conscience esquive, se tait, mais elle ne

se cache pas. Trouvez l'atome de conscience, bombardez le.

– ils sont entrés dans la dissimulation, nous pouvons pourtant

la diriger ; la cible apparaitra plus clairement.

- Maître-Tête : si pour discerner le cartouche de silence nous

avons besoin d'un nouveau sujet, faites-le entrer.

La Mère soulève le Silence à hauteur de ses yeux et chuchote :

« petit cercueil aux yeux terribles que saluent les sapins

centenaires, montre-moi ce qu'il faut faire ».

Le Silence guide l'oreille de la Mère vers son petit cœur.

35

GRADUEL DE MAITRE-CIMETIERE

Tromper truquer tricher après avoir trinqué, est-ce la vie qui

recommence ?

Et d'abord trucages, trupheries, procédés de théâtre ont transformé

leur habitat pour l'accommoder à l'embuscade d'angoise bien

méditée. Le système des apparences perverses que m'ont présenté

ces corps incertains se laisse, dès lors, recomposer comme suit.

Buée lugubre, une aura d'incompréhension menace chaque corps.

Indigènes dans l'obscur assimilés à la terre d'ombre, malveillants

chasseurs sous suaires uniformes et masques mortuaires.

SNP8 descend sans respirer le mystère en escalier. A mi-hauteur

elle dégringole. Mouvements violents de pieds possédés.

Précipitée mordue roulée trainée à travers les boyaux surbaissés.

Buée lugubre, éclairs énigmes.

Amazonie de simulacres. Nous nous évadons dans la vie sauvage

où quelque chose d'ignoble, transporté hors des proportions,

semble frapper le souffle à coups de sagaie. Enroulements de

saletés, nœuds suçants qui aspirent le bon sens, fissures

spongieuses où gîte un affreux sommeil. Couloirs multicolores,

foyers où cuisent de fausses espérances. Oiseau-mouche, elle

s'élance dans l'horizon où toute trace de soupçon se perd dans

l'ombre de sa trace de mouche où l'oiseau s'évanouit et tout

vestige se perd pour moi-même parmi les substitutions multiples,

à moins que ce soit elle cette protubérance insolite dans l'oubliette,

sous la buée accablante.

Agitation feutrée des nuits d'initiés. Entre les coups de gong le

silence rumine un soupir inhumain, horrifié. Eclairs sur la tente

36

du refuge. Deux robots d'ombre se jettent dans la charité de sa

lumière. Deux formes entrechoquées, mais l'une veut s'enfuir, qui ?

poing écrasé sur une tempe mûre. Mains, jambes entravées, dans

la bouche un chiffon pisseux. Le rasoir à manche qu'il contenait

s'est ouvert. L'agresseur chevauche et palpe... La stupéfaction est

visible dans le geste qui se fige, la main armée cherche une

inspiration, une décision étrangère. Les gongs bousculent son

attention, simultanément la proie entre en éruption de tous ses

nerfs. Désarçonné le salaud s'aplatit sur la face angoissée, le

chiffon s'enfonce, lutte avec la langue, met les dents de son côté,

bouchon de sang... Un grand calme. La démence même fait

silence. L'heure du jugement ôte une minute sa perruque, ce n'est

plus qu'une heure gauche, vieille, ratatinée où se lit l'imminence

d'un malheur.

L'agresseur en mascaron appuie avec sa main bandée, vraie ou

fausse, sur le front mutant de sa proie, hésite... Brutale entaille

sous le nez. Le cartilage craque, baîlle, aspire la lame qui remonte,

creuse sa tranchée inexorable sous les yeux, les yeux fous.

Là-bas dans les boyaux noirâtres les simulacres exécutent un

chassé-croisé de non-lieux, ballet de tourbillons indécis, chacun

joue peut-être à faire croire qu'il est le spectre à traquer. Des

braillements soudains les agglutinent devant la chambre ardente. Il

y a là quatre, quatre quoi, quatre siamois, trois ? trois sybillins,

cinq ? cinq shakers d'âme, un seul ? les loups hurlants sont

capables m'a-t-on dit de provoquer cette illusion, simulacre

continu de similombre, ont-ils été plusieurs, sont-ils des

présences ? L'arithmétique se tâte, la ténèbre lui a-t-elle fait perdre

son identité, sa récurrence...

Enfin la mélée se grumelle, se coagule en masses flasques,

ahuries : l'incertaine flamme du refuge leur désigne SNP5,

renversée sur la cendre, une croix piquée sur sa face trouée.

37

MIROIR DE LA MERE DES MORTS

– Vous êtes/avez perdu, Maître-Cimetière ?

– puis-je répondre dans une langue qui n'a ni oui ni non ?

N'ont-ils pas agi de telle façon que de leur action il ne puisse y

avoir d'histoire ?... N'attendent-ils pas de notre impossible

intervention à la fois le sens et le salut ?

– qu'en pensez-vous Maître-Tête ?

– je pense avec le Silence

38

MIROIR DE LA MERE DES MORTS

Simulacres assis autour de l'hébétude. Une lumière aux cheveux

gris.

Sein et SNP5 restent dans le refuge, qui leur est abandonné.

– extrémité de l'humain, cette bosse énorme sur le front de la

déraison

– front surnuméraire, front wormien, worm! vermine divine, le

front enceint d'un ver divin, c'était écrit

– mais reverrons-nous la raison solaire

– si elle existait serions-nous ici

– le soleil n'existe pas

– pure projection de la libido

– symbole du géniteur

< les vers luisants se sont déployés autour de la voûte >

– ils ont écri Décision

– non, Dérision

– vous êtes d'accord qu'il y avait une majuscule ?

– je ne vois qu'un point d'exclamation

– tu as le soleil dans les yeux

– le soleil n'esiste pas

– on ne dit pas : n'eSiste, on dit 'n'existe' je te rappelle

– c'est si loin

– dans mon enfance le soleil était toujours bleu, sans brûler

mon innocence je pouvais regarder au-dedans

– sur le sol solaire pousse le blé de la lumière

39

– mais les anges disent que la farine de photons moulue au

moulin lunaire est plus douce pour la cuisine de la création

– le ciel siffle le soleil, bon, il se lève, passe la faucille sur la

lune, fait sonner tous les désirs, met les forces en éveil, surveille

tout ça en bâillant... c’est long ; quand c’est fait il se couche, une

révérence à la mer (il se fait siffler par le vent) puis disparaît. Eh

bien précisément aujourd'hui, il avait allumé 4570 millions de

bougies et personne sous le ciel ne s’en est aperçu. Tu parles d’un

anniversaire ; il espère que c'était le dernier

– Décision c'est dérisoire

– Dérision c'est décisoire

– la véhité, la vézité, la vérité la vérité piétine

– l'incorruptible Verbe s'empêtre dans toutes ses perruques

– le ver est dans le Verbe, regardez, c'est écrit

– l'Oeil sans limite ne voit pas le nerf par où disparaît sa

lumière

– fading white dwarf

– la vérité c'est qu'elle attendait le Geste du salut

– toutes les justices ont pour complice un supplice

– tout animal, traversé par son anti-animal ; à l’appel impatient

dans le gouffre désiroïzant, sang, orgueil et typhon génériques, par

secrètes sentes, hautes herbes et soupentes forestières, soudain les

dents découpent sous la peau le dernier jour !

– la vie traversée par la finitude en avalanche

– ses crocs en héros se ruent sur son propre ventre rose aux

transgressives poses à travers les roches, les roughs, les leurres,

trompeuse entaille sous la fière encolure... se mêlent la respiration

locomotive, la respiration chanterelle... Vivre à soi cruelle et sale

plutôt que tiède et fleur

– jadis l'Infini glissait sur la pensée à travers la tête, s'enfonçait

jusqu'au Sang, qui ne sait ni je ni non ni j'arrête : il a circulé ; le

revoici

40

– prise de vertige la ténèbre est tombée dans l'origine

– nous avons méprisé les choses révélées

– c'étaient les choses les plus cachées

– on dirait que le cerveau rebondit sur l'âme, à peine s'il

s'enfonce dans la substance des commencements

– elle imaginait que son Seigneur m'utilisait comme exécuteur,

la voilà sanctuaire du sacrifice

– le sacrifice est plus intraitable que la vérité

– que dire ? la parole sans arrêt nous ôte la vérité de la bouche

Derrière le rideau du refuge, une voix elle-même voilée :

...ta prière, rumine la dans le vestibule entre les

archives et les viscères sacrées, mais quand

l'exaltant conopée se lève sur la coursive, tu

bouges, tu bouges mieux qu'un livre ou un

canope !... tu n'entres pas dans un bazar, une

nécropole, un baptistère mais dans un dangereux

reg où l'âme est coursée par les bêtes noires. Tu

dois y surcréer ta vie sans renaître à la vie

– n'importe quel sacrifice pourvu qu'il fit d'elle la Mère d'un

mystère

– voilà pourquoi j'ai pensé : Vierge Mère à tête de mort ! et j'ai

tranché

– il ment, Seigneur, ne bois pas cette bave !

– le Seigneur aime les sacrifices, il boira cette vérité

– toujours un fond de sacrifice dans la vérité

– c'est moi qui ai planté ta croix sur la face de la mort !

41

– la langue, juste une queue de poisson

– sous le ventre ils ont le tonnerre, les amis du Seigneur, entre

les dents la providence, leurs gueules besognent des brèches dans

les hasards, ils ont pour palais des bottes, leurs cuisses ont la peau

tigrée, leur souffle profile dix sinistres

défilés ! ils mettent les lions à genoux dans le cirque Religion

– plus de mots, rien qu'un rot du mystère

– a b c abcès, est-ce que c'est la peine de continuer

– donne-nous les quand même Seigneur tes mots troués de rots

du mystère

– la course à la croix sur le mont Golgotha cette année réunira

deux mille âmes, kyrie eleison ! Rappel de quelques règles : (a)

le patibulum peut servir de massue mais ne doit

comporter aucune pièce métallique ; (b) avant la 5e station il

est interdit de briser les jambes d'un adversaire à terre ;

(c) chaque concurrent peut prétendre à un soutien entre la 7e et

la 8e station ; (d) entre ces stations le port du casque d’épines est

obligatoire ; (e) les coups ne peuvent être portés qu’au moyen de

ce casque

Dans la ténèbre de la 10e station libérez sans règle la joie de croire

à la victoire !

Selon la tradition le vainqueur sera cloué sur sa croix avec des

clous d’or ; le second avec des clous d’argent ; le troisième avec

des clous de bronze

Glorificamus, glorificamus Te!

< les vers luisants semblent s'associer au Glorificamus Te >

– qu'a-t-il fait de notre nature, le Seigneur

– chassez le naturel il revient loup garou

42

– Seigneur ne garde pas le mauvais chien dans ta bergerie,

renvoie-moi parmi les loups

– elle enfle elle enfle elle ballonne - Maître-Cim, suivez-vous

ma mamelle frontale et tout à l'heure SNP7 ?

Maître-Sangsue va descendre la faire - oui, en réserve parmi les

éclater, tumeur de coco pour stalagtites

la faire sucer au... - entendez-vous SNP6 ?

– tout à l'heure... demain... hélàs - non

ce n'est pas pour rien qu'un - c'est bien

prie-Dieu est une chaise - devons-nous tourner la

page ?

– prions... dissimulé au fond

du Seigneur, le Mauvais entend tout

– les mots ont des oreilles

– épargne-moi, Maître-Sangsue ! je t'offrirai toutes mes règles,

mon sang déçu effondré d'amertume cette liquéfaction

de ma faiblessse te plaira!

– des mots sans raison bouche-trous de la Bouche d'ombre,

fauves de la bouche et dans la bouche chérie la boucherie des sens

– à peine veux-tu dire l'alphabet qu'un abcès te pousse dans la

bouche

– il y a un abcès au fond de tout énoncé

– reste à le percer

– déjà la bouche est un trou

– trou passif et stabilisé c'est ça un fond, ainsi la raison trou

percé autrefois dans le rêve et devenu un fond

– l'essentiel c'est qu'au fond du trou il n'y a plus de trou, c'est

donc toujours au fond du trou qu'il faut descendre pour en sortir

– ô altitudo !

– le sommeil réveille l'inconsciente douleur, gisante lueur... de

sa tête elle sort un trou vivant !... les auréoles étincelantes

prononcent des exclusions... épouvante, malédiction mettent sa

43

mémoire et son sort entre les machoîres d'un chacal... quel cri

aorte son cœur ! le cyclone s'agrippe au rebord, œil mort

– une insolation a tué le météore, la chaloupe lunaire l'a

conduit sur la terre, pourquoi faire, encore un trou

– le trou gronde dans le grain, giron à grâces, dépaysé,

dépaysé ? non, jamais paysé, pourtant assimilable

– heureusement au fond un trou n'est rien car si trou toot à fait

au fou étaunrio dfbient viobfa il n'y aurait panier percé de l'être

jamais trou par conséquent nul pouf non plous mes frères luisants

– troupier, trou-pied comment peux-tu encore marcher

– le fond, un trou-mur, une barrière de rayons

44

GRADUEL DE MAITRE-CIMETIERE

Doucement se raidie et se momifie la mutilée gisante. Les lèvres sèches

grignotent des douleurs, les yeux tantôt balbutient des mercis noyés, tantôt

s'ouvrent sur des flambeaux salvateurs. Le plus souvent Sein reste à ses

côtés. Elles se répondent, sans vraiment se parler. Leur second front tombe

sur leurs yeux.

Chaque âme qui tombe, une puissance qui sombre dans l'âme qui demeure.

R-P ouvre la porte des latrines :

– évacuons-nous par les tripes, égouts de l'ego sous la crypte,

mystère basique sous la basilique, latrines, féminin de Latran ? à

défaut d'évacuation, ce sera peut-être le salut

Désobstruction, déblaiements, chargements de terre

- R-P : fosses d'aisance, commodités antiques, cavités dépotoirs

bricolées dans les carrières, galeries, puits d'extraction...

dépendances directes d'un purgatoire désaffecté, établi sur les

fondations du Panthéon en escalier illimité des Dieux Uniques. Toi

qui n'adora ni Allah ni Zeus

– ni Baal ni Yahvé

– ni Ch’ang Tsai ni Xochiquetzal

– ni Dxui ni Vishnu

– ni Emma-O ni Wotan

– ni Tutti Quanti

– ton Dieu pourtant est unique sur son orbite qui clopine autour

du mysterium, uniques ses cent mille et un frères ennemis

45

sur leurs orbites qui chevrotinent autour du mysterium : principe

d'Exclusion, c'est la loi et les prophètes

Reptations en avant, en arrière, en avant, vers de terre

– vigie, préviens-moi quand tu ne verras plus la terre

– Sysiphe, patron des bousiers, viens nous aider !

- R-P : tous à poil maintenant, méthode Baudeloque. Bougie entre

les dents, regardez les mouvements : projection d'un bras en avant,

l'autre serré contre le torse, dites-vous que ces monticules sont des

vagues, la main collée au corps, je ne veux voir qu'une nageoire.

Anamnèse, mes frères les vers, tous les nouveaux-nés connaissent

ces mouvements ; souvenez-vous du ventre de maman, vous y

lisiez certainement Baudeloque. Baudeloque ( J.L. ) : L'art des

accouchements, quatrième édition revue, corrigée et augmentée. − Paris :

Méquignon, 1807. − 2 voL. in 8°. − Tome 1 : XLVII − 694 p., 7 pl. − Tome 2 :

VII − 582 p., 3 tabl., 10 pl. − bas. marbrée, dos plats ornés, filet doré sur les

plats.

Baudeloque ! An in partu propter angustiam pelvis, impossibili,

symphisis ossium pubis secanda ? Champetier de Ribes

(recherché), Courtial, Deventer, Seiler (rare), Smellée, Solayre de

Renhac ! Spach, Tarnier et Velpeau lui-même ! Maréchaux de la

lutte en famille pour la vie, que Dieu vous donne le

rafraîchissement !

Allez, le goulot s'élargit, bougie au chapeau mes frères luisants

attention elle enflamme l'imagination. Merci Seigneur pour cette

abondante purée que tu nous donnes à respirer, est-ce une nuée

mystique, la buée d'un fleuve de grâce, c'est ça, tu nous le diras

une autre fois. Mûches momiformes où la poussière écrit toute

seule ses mémoires, où les fumées sulfureuses de la grâce se

déposent en graffitis sur les parois moisies. Lisez celui-ci : 'Sol

in cloacam radios suos defert nec inquinatur'. Par des passages souterrains au

fond des âmes insolentes erre le soleil à travers

46

les trous noirs du salut. N'écoutez-pas, le soleil carré théorise

envers et contre tout. Où allons-nous, mon crâne, d'un cimetière à

l'autre peut-être ? Tous les cimetières du monde

communiqueraient par des souterrains dans une spirale infernale ?

Prions toujours ou bien saupoudrons-nous de foudre, nous

approchons d'une grande tanière, on contourne encore ce bec

rocheux, la chatière s'agrandit jute après. Passe-moi ce cordon

autour des reins, je pendulerai un peu dans ce conduit, j'aperçois

une salle au-delà des lumières dorées.

Derrière une draperie de stalagtites la voûte s'exhausse ; les bougies

laissent deviner une vaste caverne. A quelques pas une plate-forme abrite

un bivouac.

– Approchez, mes amis, j'achève justement votre portrait !

Certains reconnaissent SNP7

47

TESTAMENT DES GENESES MORTES

Sein et la sacrifiée s'effacent de notre mutation. Sans cesse elles

frottent, gomment leur front flasque sur les parois, y incrustant

terre et pierre, bétel cérébral, bétyle incantatoire.

Le troglodyte a recouvert son front d'une feuille d'or. Un bandeau

couvert d'inscriptions masque son œil mort. Le regard de l'autre

est difficile à soutenir : loin dans l’iris commence une forêt

brillamment dialectique où le soufre se glisse jusque sur les ailes

des papillons. Sur nous tous une emprise hypnotique.

Automate spectral. Longues périodes figées, raidissements sacrés,

puis le dégel brutal et la familiarité communautaire.

– Déprimé, voyez-vous, de ne tordre que des petites cueillères

par la force spectaculaire de ma pensée, je me suis exilé dans cette

province pour me recycler dans l'art d'évoluer

– comment t'appelles-tu ?

– c'est tabou

…........

– bien des esprits curieux de Tout en ces temps frémissants se

sentaient brouillés par des émissions d'ondes inexpliquées. Que

faire ? J'y recentrais ma solitude, cluse intime tranchant net les

grandes vagues temporelles, foyer d'irréprochable rectitude.

48

Il nous conduit sous une tente :

– le Ciel étoilé, le Ciel divin vaisseau fantôme, flotte flotte

désormais dans l'Espace insensément expansif, l'Espace insensé

toujours déprécié, toujours sismisé, jamais rassasié, jamais

autopsié, papillon de papillons sans ailes, l'Espace insensé a dit

dans son cœur : la partie de Dieu est perdue, le Tout est à

recommencer

….........

– Infra-étoiles, souvenirs pré-divins qui voudraient sortir du

ciel banal, faire signe encore... Session extraordinaire ! ardeur

préalable... son haleine voudrait chanter dans tes voiles.... Voyez,

la Table d'Offrandes est une table équatoriale : la mise en station

du braséro sacrificiel s'opère par le calcul, avec réglage fin en

latitude... riez donc, zombis... je vous mettrai en marche vers cette

Session qui dessèche la Lumière!

Demi-fou il nous asphixiera dans cette condition de demi-morts.

Devant lui nous nous sentons zombis ; derrière lui bisons ? - il a

fait notre imaginaire portrait en zombis à tête énorme de bisons.

L'air se remplit d'ombres furtives ; elles ne touchent personne,

elles se meuvent sans direction. Le front double de R-P, M/H, N'O

devient luisant. Parfois des pensées et autres cactées fuient de leur

front, traces lumineuses sur bandes soyeuses, aussitôt cachées

dans les anfractuosités ou emportées par une ombre hors de la

grotte.

49

SNP 8 et moi-même sommes captées par celui qu'elle appelle le

Céleston. Le front de SNP8 prend une couleur bleu intense. Le

mien ne manifeste qu'un léger renflement ; pas de diffusion ;

retard dans l'absorption des rayonnements ? agitation répercutée

sur l'horloge génétique dilatée ? Volontiers mes mains convulsées

tordraient ma langue, torche frustrée dans le donjon taciturne où

nulle parole malheureuse, j'espère, n’enlinceule le silence

Le Céleston et SNP8, devant la table d'offrandes équatoriale, nous

apparaissent simultanément sur les quatre plate-formes sombres

de la grotte ; sur deux d'entre elles leur image est entièrement

renversée. Le reste de la grotte est illuminé.

- Lui : la Lampe à plus-loin nous permet la vision là où la lumière

commence à ne plus être contente d’elle-même, où elle devient

toute petite devant Quelqu’un qui éclaire ses détours, sa naissance,

sa masse...

Soleils sauvages! ils hennissent et X leurs rayons dans les profondeurs

fournaises et les monstrueuses radiations !

Fantastiquement incomparables au bon domestique qui tous les

matins m’apportait, sur ma chaise percée, la chandelle céleste,

et à mes roses savantes leur honnête ration de photons.

- SNP8 : les chauves-étoiles (les plus estranges choses qui

advinrent jamais) retirées en fraternités nombreuses dans les tours

célestes abandonnées ou les grottes nébuleuses, appendues

ataraxiques à la voûte suprême, passent, dans un bon et assuré

repos, les longues heures d’exposition potentielles aux explosions

massives, accelerated particles, jets and rings glowing

in X-rays, pour n’en sortir qu’à la retombée des énergies

extrêmes...

– Oui ! le sol de leurs retraites finit par se couvrir d’une couche

épaisse de déjections idéoculaires, matière noirâtre,

50

résidus d’Homonculus Nebula, Cygnus Wall, Rho Ophiuchi Wild

Field, supernova remnants and other grains of cosmic life streaked,

à l’heure de la chasse, parmi les crépusculaires topologies

- SNP8 : vaillantes, entreprenantes, les comètes de salut public,

chaque Pâque galactique, expédient ces fèces dégravoyées vers les

systèmes planétaires, diffusent leurs sémiotiques hameçons sur

mer, rivière, canyon, plat pays, école à faible rendement imaginol !

(parfois, j’entends dire qu’elles, par intercourse cisaillante,

panthérisent les chèvres, confèrent la clairvoyance aux sénateurs,

sèment l’hérésie parmi les loyaux subjects vnis & ioincts auec leur

Roy etc.… mais ici il faut faire sa part à mon imbécillité)

- Lui : qui es-tu ?

- SNP8 : je ne suis pas leur sœur ! Qui es-tu ?

– Hopeful Monster !

– je suis ton allèle

…................

Je m'entretiens avec SNP8 sur une plate-forme illuminée, vide.

En bas, le trio des fronts luisants nous observe en parlant à voix

imperceptible, au milieu d'un flux d'ombres fugaces, très dense,

animé d'un lent mouvement vers le fond rougeâtre de la grotte. Ils

ne perçoivent manifestement pas ce flux sombre, au halo déwatté,

qui les enveloppe.

– SNP8 : le visage qui mange la lumière dans la géométrie

non-euclidienne des images, toutes les fenêtres tu les verras se

tourner vers Lui et voler en éclats ultraviolets !.. le visage anti-

fenêtres, la cheminée où le présent doit disparaître...

51

Et toi, cette ombre en fagot sur ton front qui te fustige et déjà te

relève, est-elle le céleste aurige ?

(je reste dubitative, les yeux baissés)

– SNP8 : quel doute ?... L'oeil voûté sous son éclat émeutier, le

front bâton dans les cieux déserts (merveilleux n’importe où)

Il marche dans les ravins à nuages, répugnant à fouler la

médusante lumière... Quelques cheminées radiantes pourtant

accueillent son âme tourbillonnaire !

(Je ne peux retenir ce... souvenir?... rêve éveillé?...) :

– ...dans l’ombre arsenal seule la tête vivante dépassait du

tumulus : un crâne augmenté en hauteur, le front évasé, marqué de

larges tâches diaphanes, tâches épiphanes, disposées en double

rangée. Au sommet du crâne, une seconde peau, parcheminée,

retombe en voile autour de la tête ; elle laisse au regard, très

observateur, un champ retreint. Cette peau est recouverte de

signes ; feuille à feuille elle se détache en touchant terre.

Selon un indigène la peau parcheminée pousse d'une façon

imprévisible ; plusieurs feuilles, un jour, sont épiphanées ; la tête

s’agite et grimace ; elle ne parle jamais.

Ces feuilles sont cousues et roulées par un serviteur indifférent,

puis déposées dans un placard taillé dans le tumulus ; personne ne

s’en soucie (on me propose d’en acheter au prix du chiffon)

- Ma question : que disent ces pages ?

- Réponse : nous comprenons quelques mots, la plus grande partie

reste inintelligible ; symboles nouveaux et jargon artificiel

- il n’y a personne pour les décoder ?

- il n’y a personne

- Ma question : cette … a-t-elle des semblables ?

(il n’y a pas de réponse)

La tête tumulaire me regarde. Ou non ? L'impondérable sourire

regarde dans une direction à travers moi. Cette traversée me

52

brûle. Je poursuis à la hâte mon chemin dans la même direction.

La bonne trajectoire s'évanouit plus vite que le coquelicot.

…..............

- Hopeful Monster : l'Ouroboros universel enlaçait le firmament et

le hel, divin spasme, tandis qu'inobservée par la Survérité ma

barque, du réel au naos s'est retirée

- Allèle : tu les domines mais ils t'échappent... en épi de secrets sur

l'axe du repli, en retrait de disgrâce, barbelé, brûlé aux feux

hermétiques, ton cœur fait peur et reculer

- Hopeful Monster : éclipse ensevelie dans le cerveau bien sanglé,

l’oiseau barbelé s’est glissé par delà les palissades d’Euclide vers

l’espace en espérance, vide traversé par ces courants noirs qui

cédent place au venez-y-voir !

(Il s'adresse dérisoirement aux fronts luisants dans le flux sombre)

– dans mon troglo-cervelet vous apprécierez pourtant cette fine

marmelade : vers blancs et larves tendres, coléoptères aux

craquantes pattes et élytres, hannetons avec mandibules entières,

papillons crépusculaires et leurs chrysalides, mannes et insectes

hantant le sol, grasses chenilles et nymphes souterraines... J'en

nourris mes vertes viznagas, microcitrouilles nerveuses que

ceinturent par milliers les épineuses, vibrionnantes sottises...

- Allèle : langue épineuse de l'ascète... Zélée invisible dans les

champs paroliers, alouette masquée au vol gris en spirale, ta sève

ne coule-t-elle qu'en ces dédales où nuage l’aube sous le crasseux

geôlier ?

53

– l'aube jamais remontera-t-elle jusqu'au ciel ?

L'or s'écaille sur son front noir. Il dégage ses tempes :

– gladiateurs en poussières, mes tempes s’enfoncent dans les

plis rêveurs, les fronces, les estampes, les brumaires ensevelis...

inconsistant sur ma branche sans épaisseur je rejoins l’indécidable,

l'insaisissable, une variété lisse infiniment métissée, espace sans

points, sans distances, où nulle dimension ne se hérisse... L'âme

humaine comment suffirait-elle à l'évoluant ? tu n'es plus l'Homme

dit l'évaluant, tu n'es plus Dieu dit l'évoluant.

Il presse aux tempes son front mutant qui suinte abondamment :

– dans le désert de mes os, cet oasis de substance...

Il recueille quelques gouttes mauves, épaisses, soyeuses :

– ...soie roulée sur sa brume dorée soudain déroulée à l'envers !

Je ne sais plus si je lis l'encyclopédie blanche de l'Esprit ou si c'est

la Pré-lumière qui m'apparait sous la neige qui pense... Ondes

dans l'hors-du-monde : la harde idéale bondit sur un glacier

d'étoiles !

Il s'agenouille et passe cette suée cérébrale sur toute sa face où l'or

se régénère.

– veux-tu être de ceux qui réfléchissent en parlants éclairs les

élans-magystère ? Bois l'hormone de l'Eternel !

Allèle s'agenouille à son tour pour embrasser ses tempes.

Il se relève et lui masse le front jusqu'à ce qu'un écoulement se

déclenche. A travers sa joie illuminante chaque mot parait lui

brûler la tête :

– les plans de la Maison Plus Grande Que Dieu sont encore en

géométrisation dans l’invisible ouvroir... La voûte éternelle en

expansion dans l’abîme, nos fronts ne l’architectent pas encore...

la sixtineront-elle un jour ?

Des tempes d'Allèle coule un pleur semblable au sien. Il le goûte

avec application.

– Hopeful Monster : Lix licis ! Cet elixir lave la lumière !

54

….............

- Hopeful Monster : nous savons maintenant que, non seulement

Creator n’a pas bâti le monde mais que, lorsque par malheur Il le

fit exploser, Il n’a pas su s’arrêter. Comme si mille milliards

d’explosions célestes remplaçaient un atome de Sagesse.

- Allèle : rugis ta prière !

– l'univers d'abord avait enveloppé le ciel dans une impalpable

vapeur, avant que cet éther endormit Creator et dans son sommeil

le momifie. Mais imparfaite la toile, elle ici et là plisse, ces plis

suppurent, produisent failles et moisissures qui fourmillent,

bientôt millemillionisent, indélicatement troussent la trame et dans

leur cache affichent un esprit de contradiction qui tout grignote et

tricote le rien. Rien à faire, l'univers est pourri par quelque chose

qui le fait fuir au-delà des confins ! Et donc en icelle rose

moisissure, et pour plus expresse cognoissance de ce tant

esmovant empeschement, je naquis, et donc, et donc

– rugis ta prière !

– Hosanna au plus haut marteau des cieux !

A coups de front il brise une rangée de crânes allant du plus fier

des australopithèques au plus rustre des maréchaux d'Empire. Sitôt

qu'éclate le dernier, dans les éclaboussures de son front les trois

SNP luisants sont rendus quelques secondes invisibles.

- Hopeful Monster : cette bataille de bisons à l'intérieur de l'atome,

c'est la lueur de notre caverne !

Allèle lui frotte le front et la lueur se fait plus soyeuse

– ce flot qui s'étale, petits taureaux, n'est qu'une larme de l'azur,

un pleur à travers un siphon. Celui qui entre dans ma Session, je

lui ferai franchir l'abominable siphon de son néant !

Il descend à notre rencontre (les furtives formes sombres, toujours

plus denses, écartent leur flux sur son passage) pour presser nos

tempes après y avoir frotté son front.

55

Rien ne suinte. Il n'est pas surpris.

Dans une coupe il recueille sa sécrétion néo-frontale mêlée à la

rosée d'Allèle :

– où sommes-nous, zombis, sous ces ténèbres mères ? Au fond

bouillonnant du vagin de la Terre ! Les proies fébriles dont les

destinées félines arrachent les poumons, que leur reste-t-il sinon

sombrer, rouler jusqu'aux abysses génitoires de Néant ? Mais tout

à l'heure la Pré-lumière saisira les ténèbres chevrotantes entre

griffes et canines et voilà crevée la nuée divine ! Vous verrez sa

venue dans la nue démesurée, grondant dans l'abîme, gambadant

dans le sublime ! Vous verrez l'infini sans forme, par son génie des

normes soulever l'avenir ! Debout, taureaux, buvez votre

inqualifiable Essor !

Nous buvons tous.

...crevettes aveugles dans le ruisseau glacé au long cours des

galeries stellaires, les parois nous pressent les parfums exhalent

nos fantasmes les chemins trébuchants nous font passer sans

transition de la cathérale au siphon, flairons empreintes de rêves

endormis sous les clairières, kourganes creusez-vous, siphons

plongez en vous, soudain le lac Azur ! l'Oeil sous l'aile de l'oiseau

aux œufs inaccessibles !... Frissons dorés nappes souffles à peine

condensés prairie flamboyante palette de tous les tons qu'étale

l'équinoxe de printemps, les yeux brisés contre les portes de

l'univers au bûcher sans plus rien voir dans un passé tombé,

chasseurs en exérésante intempsité sur le vortex : voici l'orangerie

de l'Incréé !.. Colonnes translucides qu'enveloppe le calcite dentelé

excentriques aux zébrures rouges cascatelle à la vasque criblée de

perles intouchables... Sacrilège, l'imagination happe l'originelle

extase rivalise avec les sortilèges et s'enfuit vertigineuse sur le

télésiège des morts... Sur les bords de l'âme les amants promènent

la terre à venir dans leurs flancs leurs lèvres enfantôment la parole

dans leur lit d'ivoire, géométrie de l'amour en gerbes inconnues au

verbe de sa mémoire... Sortilèges profusion sortilèges

maisonnettes bijoux

56

colonnettes en grappes de raisins chapeaux mexicains pieds

mammouth draperies et velours d'aragonite lilas blancs et fils

gypse scintillants parmi les aiguilles les houpettes... Je est-ce Je

commande la galère sur la Nébuleuse au très lent voyage éclair!

- Hopeful : sous le manteau divin du mystère bouillonne un

formidable magma !

- Allèle : déjà les fusées de l'Elan vous ont transporté au fond de

ce cratère céleste dont la lune est le bouchon d'argent...

- Hopeful : votre calvaire héritait des contraintes ancestrales sous

la foi patriarcale, mais nos patriarches à nous ce sont les Possibles !

- Allèle : nous sommes des dieux primitifs !

57

GRADUEL DE MAITRE-CIMETIERE

Pas un mot. Juste un mugissement.

R-P, M-H, N'O, sous masques de taureaux, tiennent Hopeful

Monster et Allèle assommés en surplomb d'un bassin de boue.

Ils pressent à l'extrème le double front de leurs victimes pour en

faire sourdre la magmatique substance qui s'écoule dans le bassin.

Puis ils leur écrase les coquilles néo-frontales l'une contre l'autre.

Ils descendent se coucher dans la boue (peut-être) sanctifiée,

vengeurs de tous les taureaux du sacrifice.

Juste un mugissement. Pas un mot.

58

MIROIR DE LA MERE DES MORTS

Sur une plate-forme, attaché à la table d'orientation d'Hopeful

Monster, SNP6, la tête retaillée sans déséquilibre manifeste,

restant plus volontiers à genoux, se parle avec agitation à lui ou

elle-même, traçant au sol signes, schémas et dessins d'enfants.

Les trois taureaux baignent dans la large vasque de boue auréolée

d'une vapeur verte, prairiale, vers laquelle ils élèvent quelquefois

le mufle. Ile fluorescente dans un flux très dense et rapide

d'ombres informelles dont les vagues houleuses mordent, mordent

les limites.

– vous saisissez peut-être mon image dans quelque miroir, la

lumière rémanente y sentinelle mes apparences, bien que là, être

là, non, je nie, je n'y! Se moquer sans doute la voyez, vous

grimacer gris-sourire avant que sagesse ne vous saisisse, pas plus

de substance au demeurant qu'à ses attributs elle ne vous accorde,

imago deorum elle sait créer l'illusion. Durant ce libre temps ne

me cache! dans la myrrhe berçante m'élève patrouille loopinngue,

taureau-épervier éperdu, regard au vertige étendu parmi les

souffrances idéales ; si le miroir se fend, qu'il ne m'accuse pas

– l'âme déchue devient étr’ange dans la nuit ambrée

– le charmesilence dans soi-même en mouvement pose son

pied sur l’île agitée par le discours minotaure au centre de son

labor labeur son travail sur même trop humême forme dans le

multicolore vertige...

59

– cogne, torture la parole, coince un sens

– tous les sens ont le même sens

– mon identité refuse d'autres sens

– mon nid d'entités recueille tous les sens

– le non-sens est Dieu

– c'est absurde

– le langage est son prophète

– je le crois

– va-t-il venir ?

– we been here ever since sunup to see it

< haussant ensemble le museau, ils partagent l'air brumeux des

vertes prairies >

– ah le silence, unité de compte de la parole

– ''le bain des nouveaux-nés du néant'' disait-il

– ''la boue des possibles !''

– ''la ténèbre fait éclater les normes de notre crâne, mais notre

genèse fera craquer les normes de l'amour et la logique humaine

de la communion''

– là tu inventes

– j'improvise

– ici Radio-Bruit ici Radio-Bruit, voici l'information que vous

attendiez tous : « La machine à bruits vient de synthétiser la

Parole divine »

– le mystère, roi des ombres du langage

– un hachoir à langage

– la vie une machine à faire courir des bruits pour échapper à

son mystère

– pas d'autre dieu que l'éclatement originaire de l'Idée des

idées, qui lorsqu'elle éclabousse par incidence notre banquise,

célestement platonise en Providence bleue

60

– quand vers le ciel je glissais à l'oculaire un œil promeneur, je

décelais, réfléchie en infimes lumières, une fleur infinie

– carnivore

– regarde au matin la rose qui dans l'infrarouge, looping

filaments of glowing gas, explose en nébuleuse annulaire !

– les détours les détours si vous saviez que fait la droite

lumière pour éviter la… la Sombre aux tragiques et profonds

appels qui dans l’inconnu perturbé entoure guette pille saccage,

subnaturelle avidité ! les galaxies éblouissants léviathosaures qui

eux-mêmes s’entrechoquent s’amalgament se dévorent et de

Lumière ont besoin pour épicer leurs intéressants festins...

– là-haut là-haut natal, l'enfer nous encercle

– les âmes, mâchefer lacté, tourbillonnent, éructées,

ensorcelante spirale

– sommes-nous, sanglantes traînées, son premier cercle ?

– or les ondes, qui ne veulent transformer la boue sombre en

destin, ont bâti quelques discrets relais de poste sur la grand’route

aux milliard d’années, globules-crottes que la Sombre prend pour

siennes, oasis en vérité, paradis avant la chute gravitationnelle où

l’infini peut reprendre haleine, rares, vraiment, ra—vraiment—res,

amalgames de Râ, egypt. et res lat., mis en boule minérale,

terrestre je devrais dire, couac à vrai dire un juste doute subsiste

sur la nature de notre terroir, airain bondissant à travers fables,

mensonges et belles-lettres, très obeïssant, très dévoüé & très

fidele Serviteur & Sujet de sa Majestueuse Terreur

– s’il n’y avait la lune, soleil mouton qui éclaire ses venelles,

me confiait un poê^^^ ^te vaguant sur l’onde en maigre calèche, je

l’aurais pris pour un bastion de la Sombre

– poësie, rosace sur la langue

– effeuré, l'Inaccessible fait un rêve

– Eve vierge, à Adam préféra le rêve du serpent : la suite fut

mensonge dont nous sommes les enfants

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– c'était Adam le rêve du serpent ! Eve a préféré au rêve le

serpent dont nous sommes les bras et les jambes, elle me l'a avoué

– Eve a préféré au serpent le rêve dont nous sommes les bras et

les jambes, elle me l'a avoué

– Eve toujours vierge, rêve d'Adam, sommes-nous les

membres du rêve ou ceux du serpent ?

< élévation ruminante dans la vapeur et le flux des ombres >

– signes et traces à même l'aubier d'espérance sous l'écorce

cérébrale, quelle onciale d'un style étranger esquisses ses cortès ?

– l'espérance au violon promène son archet sur l'horizon,

enfants c'est le mystère qui passe

– l’Océan aux yeux albatros excite et guide une tempête

Colisée, lancée sur la trace des croyants au Nouveau Monde…Va-

t-elle les encercler, les corsairiser, les aspirer dans la grande fosse ?

quel astre fourbe vont-ils invoquer ?... Il jette sur les voiles

aumailles et leurs médailles ses rétiaires nourriciers, croyants c'est

le mystère qui passe

– accablé par les barbitals le ciel parle tout seul

– le langage lui-même est muet, il ne parle que par signes

– les mots marchent marchent vers le sens sur une langue

blanche blanche qui ne finit pas

– ma langue s’enroule, s’engrenage sur elle-même, que

caverne-t-elle ? les mots jonglent, junglent, la jugulent,

l’empêchent de dormir, elle remonte jusqu’aux multiples cœurs

jusqu'à la rate inconnue, elle n’a pas trouvé la source...

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– s'il vous plait, faites-moi taire si vous m'entendez

– j'ai suivi les axes sacrés ! si ce que je fais conduit quelque

part, je me suis trompé de direction

– la vie a-t-elle un sens interdit ?

– je veux bien continuer à exister, mais pas avec moi

– ♫ bézoard déjà dans le biberon !

orfroi dans l'oeil, dans la brigade brid'oison

oblique dans l'oeuvre, billon dans le bilan...

dans le bordel jusqu'aux bretelles !

l'ostensoir enfin sur les ossements ♫

– la vie coulant roucoulant ses promesses dans le carquoi du

sexe

– dans les sexes et les sexes des siècles à des mille

millemilliards d'exemplaires enfin c'est la vie

– la vie, des baisers brisés sur la roue

– ah oui la vie je m'en souviens fort bien, c'était un mot que

j'employais souvent

– la vie long sourire en voyage dans le sillage du navire

– toute une vigne offerte au pressoir des sens !

– la vie, mesurer l'inépuisable avec le sable de la durée

– ton cerveau intestin enroulé autour de l'âme

– les substantielles figu(r)es sèches de la géométrie !

– et voilà qu'il te faut avaler d'un coup trois jours à la table

sans pain

– une gamelle de psaumes à défaut de pain

– aime ton chien et fais ce que voudras

– la vie enfant frontière entre l'azur et la chimère

– toute naissance une expansion de l'univers !

– et la bombe qui cueille l'enfant pour l'offrir au néant

– la vie, ses yeux renards bleus dans la neige de mes yeux

– mes yeux Brazza dans l'Afrique de ses yeux

– la vie la vie, fusillez-moi ceux-ci et ceux-là etc...

– fusillez Etc...

– 63

– l'homme, un machin habillé en homme

– blanche la liberté glisse sur les têtes clenches et s'évanouit

dans le fourgon cellulaire des mémoires

– sur ma porte une poignée de sable

– la vie tronçon de sperme vipérin

– sperme vipère ou vie-père c'est incertain

– la vie une lune jamais pleine, très tôt tu en choisis le brillant

et le croissant qui manque à sa lumière tu n'en as plus faim

< élévation ruminante dans la vapeur ; la stabilité de la vasque

de boue dans le flux intense des ombres devient incertaine>

– dans mon discours de réception au Paradis, j’avais laissé

entendre qu’il fallait refaire toutes les lumières et commencer en

amont par l’électrification des voies de la grâce. Diable ! quelles

colères quelles érynnies quelles hourifuries !... Teufel ! sur un

bûcher de cierges mon rêve fut brûlé... Dieu merci je suis

ressuscité cette même nuit dans un accident de cercueils, le

sublime walAllah sa langue a claqué sur moi, tant pis, j’en fais

mon deuil. C'est aux fondations! pas aux commodités, que j’aurais

du m’en prendre… mais j'étais sûr qu'il me rappellerait

– tout vide tendu plus qu'il n'est dû dévide un peu de Dieu

– il reste sourd même aux sculpteurs de tympans

– il hait le bien et le mal

– toutes les croix de la Terre à la décharge ont été jetées ; il y

en avait ! il y en avait tant que le démon s'en est servi pour

fabriquer une comète où désormais en spectacle perpétuel il se

donne (billets gratuits au guichet de Vénus)

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– l'amour ce Dieu, ce Rocher, l'amour ce rocher aux singes, ce

dieu sauteur

– Papa Legba l'ouvri ba'ières !

– Papa Legba l'ouvri ba'ières !

– l'algèbre des signes d'en haut connait-elle la racine du

sépulcre ?

– le temps saccagera les caches amoureuses et les cîmes de ta

personne, le temps saccagera le temps et la terre, étoile de lumière

intérieure où l'infini tremble au souffle vivant

– Papa Legba l'ouvri ba'ières !

– ô Main fantôme recréatrice de crânes derrière le rideau

funèbre des crucifix, des cybèles et des mystères, n'aimes-tu que

les spectres invivables ?

– et moi le scribe aux mains de glaise je me repens, je tends à

nouveau mes paumes fiévreuses aux bribes cunéiformes de ta

grande Nébuleuse !

– briser le verbe sans tain derrière lequel l'innomable nous

regarde

– Papa Legba !

– Seigneur, tu vas parler, n'est-ce pas ? j'entends déjà cliqueter

tes saintes canines

– ah le silence unité de mesure des divinités

– Anachoritae omnes, intercedite pro nobis

< ils enlèvent leurs masques et frappés de stupéfaction devant le

torrent spectral aussitôt les remettent ; le flot sombre maintenant

les bouscule, les soulève ; SNP6 se défait de ses liens >

– laissons la parole à la vie, qu'elle disparaisse avec

– comment la pensée de la mort peut-elle garder un front

sérieux devant le langage

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– comment le langage peut-il avoir le front de se mesurer à sa

mère la mort

– il faut parler, nous n'héritons pas du silence

– la parole est-elle une maladie mentale ?

– question disputée

– je t'ai mal servi dans la mort, Maître-Carrefour, j'ai gagné

madichon

– ai-je bien fait de me donner en spectacle au langage ?

– Ite ite missa la sol fa re, ite ite fa mi fa missa est

– Patriarchae omnes intercedite pro nobis

– Possibiles omnes intercedite pro nobis

– Echo sum qui sum lui répond la voûte des cieux

< le torrent spectral les emporte >

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Peut-être voyez-vous Maître-Tête et Maître-Cimetière face

à la Mère des Morts, sous le regard de la Statue de toutes les

statues, silence glacé placé en vigilance.

– ils ont fonctionné, Mère

– et celui que vous m'amenez ?

– il s'est arraché à son fonctionnement. Sans cesser de nous

observer par les oculi du silence

– Maître-Cimetière ?

– elle s'est arrachée, elle a les deux sexes du silence

– le bilan de son irradiation ?

– second front résorbé dans le silence d'exister ; rien

d'extraordinaire, rien d'extravagant

SNP6 tient la main du Silence, enfant-enfant au double front, un

peu agité.

La Mère et le sans nom se font face longuement.

La Mère a-t-elle des yeux ? La sans nom a-t-elle un visage ?

Pourtant elles se sourient.

– dirons-nous : aussi simple qu'un sourire, Maître-Tête ?

– nous laisserons le reste à son propre mystère

– je l'entends ; un silence haletant, au sang à haute voix, le

rengrège et le prolonge. Nous connaissons les existants par le

spectre de leur silence et le spectre par ses opérations, non par ses

secrets. Elle a posé son front enfant sur mon Silence. Est-elle prête

à ?'s avec lui ?

Editeur :

Yves Boulègue

3 place de la paix

95300 Pontoise

Imprimé par nos soins

© BOULEGUE Yves 2015

Dépôt légal : ISBN : 979-10-94923-07-8