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La cap i tu l a t iondu temps : partie 2

page 24

Vitesse

• L a com à l a n a n t a i s e

• G reen i s l a n d

• Mob i l i s a t i o n de l as ub j e c t i v i t é

• Les t ag s qu i t a chen t

• L ib e r t a n , j ' e f f a c e r a it o n nom . . .

• Compense r pou rm ie ux gé re r !

pages 3 à 19

Doss ier

NantesNécropole

L E J O U R N A L D U C O L L E C T I F N A N T A I S C O N T R E L E P R O J E T D ' A É R O P O R T - I R R É G U L O M A D A I R EL E J O U R N A L D U C O L L E C T I F N A N T A I S C O N T R E L E P R O J E T D ' A É R O P O R T - I R R É G U L O M A D A I R E

Mégalopole Grand Ouest / Nantes - Rennes - Saint Nazaire / Mégalopole Grand Ouest / Nantes - Rennes - Saint Nazaire / Mégalopole Grand Ouest / Nantes - Rennes - Saint Nazaire / Mégalopole GrandOuest / Nantes - Rennes - Saint Nazaire / Mégalopole Grand Ouest / Nantes - Rennes - Saint Nazaire / Mégalopole Grand Ouest / Nantes - Rennes - Saint Nazaire / Mégalopole Grand Ouest / Nantes

N°3 . Printemps 201 4. Prix l ibre.

Gros maux pour

petites bassesses !C'est dans un contexte un peu particulier, voire charnière, que nous bouclons ce

troisième Nantes Nécropole. Nous assistons toujours plus à la métropolisation denos vies. À grands coups de campagnes publicitaires, de « déplacements doux » etde karcher sur les murs de nos villes, c'est tout notre territoire que quelques élu-esréorganisent. Au milieu de ce monopoly géant, nous trouvons de moins en moins deprise sur notre quotidien. Nous sommes toujours plus sommé-es d'aller là où onnous le dit, d’être le moins bruyant-es possible, et de signaler notre présence. Pournous divertir et passer notre énergie subversive la ville nous offre de nouveaux« espaces de création ». Rentables politiquement et économiquement pour nosdirigeants, nous avons le droit à quelques miettes de liberté bien cadrées àcondition de ne pas déborder. . .

Les nécropo l isé -e -s

Regard sur l a situationdans les ardennes

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2 - Nantes Nécropole - Printemps 2014

Les textes écrits dans les journaux« Nantes Nécropole » n'engagent que ceuxqui les écrivent, ils ne sont pas représentatifsde la pensée d'un groupe, mais reflètentplutôt les diversités qui nous animent.

Aucun texte n'est signé. Ceci relève d'unchoix collectif du groupe de rédactiond'assumer la totalité des textes qui suivent,bien que nous ne soyons pas toujours enparfait accord avec ce qui y est écrit.

En effet, dans ce moment charnière, lesdébordements ne manquent pas. . .

Fort-es de ces nombreuses années de luttes, lesliens tissés sur la ZAD et ailleurs semblent aujourd'huiporter leurs fruits et essaimer un peu partout. Le projetd'aéroport semble plus que jamais être sur le point des'écraser. Les dernières manifestations montrent bien, àl'image du mouvement, à quel point nous sommesnombreuses et nombreux (50 000 personnes le 22février), déterminé-es, et pas près de lâcher neserait-ce qu'un centimètre de terrain.

À la hauteur de notre mobilisation et de nos espoirsle gouvernement cherche à nous intimider par unerépression intensive. Jamais il n'y a eu autant deblessé-es par flash-ball dans une manifestation(actuellement 3 personnes gravement blessées à l'œilont, entre autres, été décomptées) et les peinesprononcées à l'encontre de participant-es à la manif ontété d'une rare sévérité (jusqu’à 1 ans de prison ferme).

Quand le gouvernement a peur il sort les crocs. . .C'est donc dans cette période de turbulences que

nous bouclons ce numéro. Quoi qu'il arrive, l'ampleurdu mouvement et de ce qu'il créé est une victoire. Etnous espérons, par ce numéro, continuer à apporter unpetit pavé à la lutte. Car une fois le projet d'aéroportvaincu il nous restera encore à dé-métropoliser sonmonde.. .

Le CNCA est un collectif nantais présent sur la lutte de l’aéroport depuis maintenantplusieurs années. Nous nous sommes rencontréEs autour de la lutte contre le projetd’aéroport. Nous souhaitions porter cette lutte au cœur de la métropole Nantaise. Assezvite lors de nos discussions, nous nous sommes renduEs compte que la question del’aéroport n’était qu’un maillon de projets bien plus larges qui touchent tous lesterritoires et leurs habitantEs entre Nantes et St Nazaire.

Nous contacter : cnca[@]riseup.net

Notre site internet pour trouver nos écrits ainsi que des nouvelles :

http://nantesnecropole.noblogs.org

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Printemps 2014 - Nantes Nécropole - 3

La communicat ione t l a man ipu l a t i o n"à l a nan ta ise ¨

La nouvelle n'en est plus vraiment une et cela faitmaintenant un certain temps que des voix s'élèvent pourle dire et le redire, malgré les divers baillons, ladiffamation, les incessantes intimidations et autresmoyens de pression utilisés pour les en dissuader : laplanète va mal, très mal! Au point que la vie humaine àmoyens termes y est sérieusement menacée!

Petit à petit, au fur et à mesure que la menace seconcrétise, la prise de conscience de cette situation segénéralise.

Nous pourrions attendre de la part des pouvoirspublics, censés être les gestionnaires de notre société,une remise en question du système qui nous a mis danscette situation. C'est le contraire qui se passe ! Laremise en question est remplacée par un acharnementvers cette fameuse croissance économique, principaleresponsable de la situation, accompagnée d'unerépression croissante envers celles et ceux qui ladénoncent.

Nous pourrions aussi attendre de la part des genscette même remise en question et l'instauration d'unrapport de force pour pousser leurs dirigeants à changerde direction. Mais trop peu de voix s'élèvent.Lorsqu'elles s'élèvent, elles sont vite couvertes par lamasse des autres voix et des grands médias qui refusentobstinément tout écart de cette logiques de croissance !

Comment ce suicide annoncé est il possible alorsque nous détenons les savoirs nécessaires pour le voirvenir et peut être l'éviter ?

Consta t d 'une s i tua t ion g loba le . L'humanité, soi-disant maîtresse de son destin seretrouve impuissante et désemparée, coupable etvictime tout à la fois, de sa perte !

Une partie de la population se déresponsabilise(après nous le déluge.. .). Elle mise, par dépit, surl'espoir irrationnel que des puissances supérieures(gouvernements, religions, science et technologies. . .)vont prendre soin d'elle en gérant à sa place un grandnombre d'aspects de sa vie - intérieur : à commencerpar la perception de soi ; ou extérieur : sa placephysique dans la pyramide de la société.

Une seconde partie, qui va grandissante est celle del'internationale des laissés pour compte. Ceux-ci,balayés par la violence de cette société (guerres,extrême précarité, famines préméditées. . .), alliée auxdégradations environnementales qu'elle produit, n'ontpas le temps ni les moyens de se soucier de cesproblèmes, l'urgence du moment étant de survivre. . . Ledésintérêt quasi généralisé, et même l'hostilité,témoigné par leurs contemporains à leur égard est toutsimplement un désastre collatéral.

Une troisième partie profite, elle, de la soumissionacceptée ou contrainte, des deux premières pour leurimposer son pouvoir, les réduisant en une masse deconsommateurs corvéables, facilement exploitables etmanipulables, tout en abandonnant à leur triste sort lesnombreuses victimes de ses exactions.

La frontière entre toutes ces parties reste bienentendu poreuse et floue.. .

La communication de masse à l'époque actuelle est un levier formidable pour les pouvoirsen place, ces derniers l'utilisant en majeure partie afin d'influencer les diverses populationsauxquelles ils s'adressent. Que ce soit dans une visée politique ou bien commerciale (lesdeux étant étroitement liées) , l'information va être diffusée, rabâchée, de façon à faireaccepter un point de vue, le plus souvent lié à un besoin de gestion propre aux sociétéscapitalistes et/ou autoritaires. Les moyens mis en place pour diffuser ces « informations »sont considérables, d'autant plus que les stratégies se sont affinées au fil du temps. Notresociété étant sous la coupe des grands médias elle réagit en fonction des messages qu'ilsdiffusent. Leur poids est si important que les grandes puissances elles–même sont parfoisobligées de renoncer à certains projets à cause de leur image, si déplorable et choquantequ'ils ne pourront pas l'assumer aux yeux du monde. . . Mais combien d'entreprisesmonstrueuses ont été menées et acceptées grâce à la collaboration des média ? N'oublionspas que la plus grande part de ceux-ci appartiennent à des grands groupes financiers.Que ce soit à l'échelle mondiale ou plus locale, les ficelles utilisées sont assez identiques.Les buts recherchés le sont tout autant : l'enrichissement de quelques–uns au dépend destrès nombreux autres, le maintien des pouvoirs en place, le formatage d'une société, et lagestion des populations.L'article qui suit parle donc donc de notre société d'un point de vu global avant del'examiner de plus près, à travers la stratégie de propagande des institutions nantaises.

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4 - Nantes Nécropole - Printemps 2014

Que ce soit au niveau international ou local, certainsmédias, généralement les plus populaires, sont une armeredoutable pour maintenir en place cet état de fait.

Commun ica t ion e t man ipu la t ions àl 'éche l le loca le

Regardons comment à Nantes et dans les communesenglobées par cette toute récente métropole,l’ information officielle et la communication sur les trèsnombreux événements culturels, recouvrent les voix dela contestation.

Les administrations locales impriment chaque moisou trimestres un très grand nombre de magazinesdistribués gracieusement dans nos boites aux lettres :Nantes Passion (mairie de Nantes), Loire Atlantique(CG44), Nantes Métropole (l'agglomération descommunes qui la composent), Plein Ouest (CCI NantesSt Nazaire), La Carene (mairie de St Nazaire), etc. . .Àceux-ci s'ajoutent les bulletins d'information des autrescommunes de l'agglo, qui eux aussi nous abreuventdepuis des années de leur propagande.. . Chacun de cespériodiques consacre régulièrement des pages entièresde publicité pour l'aéroport et pour la métropole, lepremier étant inclus dans les projets du second.

Les deux grands journaux locaux sont Ouest Franceet sa filiale Presse Océan. O.F. étant le principal journaldu groupe « Sipa Presse – Ouest France » qui regroupeun très grand nombre de publications papiers,multimédias, radios. . . Sur les 1 ,2 milliards d'eurosdistribués à la presse par l'état en 2013, O.F. a touché14.1 millions d'euros d'aides publiques.

Si pour les journaux privés un des buts principaux estl'enrichissement de l'organe de presse, le point communpartagé entre les médias publics et privés, au delà denous « informer », est d'être un trais d'union entre lesdécideurs et la population.

Un autre de leurs objectifs, plus sournois celui là, estde nous donner une vision de nous même et de notreplace dans la société, conforme à notre rôle deconsommateurs dociles et soumis : pour nos dirigeants,il est important que nous restions de grands enfantsayant besoin d'être divertis, dirigés, surveillés de près,disciplinés, parfois punis, mais surtout flattés.

Rien d'étonnant donc à ce que la communication deNantes Métropole et consort, dans ses périodiques etdans la presse privée, enrobe ses arguments sur ses« grands projets » par d'autres projets artistiquesludiquo-culturels* aux noms gentiment racoleurs : l'Ilede Nantes avec son « Carrousel », son « Éléphant » ouses « Machines », son « Hangar à Bananes », lesspectacles grandioses de Royal de Luxe avec leurs« Géants », les festivals comme « Voyage à Nantes »,Nantes/Saint-Nazaire petite planéte, etc. . . Tous cespoints forts de la culture à Nantes, ne portent bienentendu aucune revendication ou réelle provocation, nidans leurs appellations, ni dans leurs contenus. C'estbien normal : ils sont ultra subventionnés.

Si la démarche est de nous maintenir dans notre rôlede grands enfants à divertir, elle est aussi de nous flattervis à vis des envieux habitants d'autres villes ou régionsdans une logique de concurrence avec les autresmétropoles. Tout va être fait pour les inciter à venir vivreà Nantes ! Donc, vu d'ici, « c'est trop super Nantes, vuque tout le monde il veut venir s'y installer » ! Effetboomerang garanti, l’ego des autochtones ne demandantqu'à être flatté. Il est flagrant, pour qui s'interroge, que laculture n'est plus pour les dirigeants locaux qu'unevulgaire opération de communication.

La métropole Nantes-St Nazaire : uneopération commerciale monstrueuse etinique et donc inavouable dans sa réal ité !

Dans notre région, un désastre écologique et humainaccompagne le projet du déplacement de l'ancienaéroport, et celui de la mégalopole en devenir auquel ilest rattaché. La rationalisation des territoires etl'urbanisation à grande échelle entre Nantes, St Nazaireet Rennes, ainsi que sur les zones péri–urbaines ouvertesà la construction par la suppression de Nantes-Atlantique, promet une opération immobilière tellementjuteuse, qu'elle balaie toute retenue et considérationvis–à–vis de ses très graves conséquences !

Dans un contexte très alarmant de dégradationgénéralisée de l'environnement, un grand nombred'espèces – dont certaines d'ors et déjà en voie dedisparition – qui participent à la biodiversitéindispensable à la vie sur le long terme, sont sur le pointd'être consciemment détruites. Des km2 de zoneshumides, immenses éponges et réservoirs d'eau naturels,sont sous la menace d'être irrémédiablement bétonnées.Des milliers d'hectares de terres nourricières sont promisà disparaître au profit de réseaux routiers et del'urbanisation des campagnes.

Oubliant donc le long terme et notre environnementdirect, les gestionnaires technocrates de la métropolerabaissent l'humain à une simple source de profits, à un« flux », le terme qu'ils utilisent afin de rationaliser aussinotre place dans leurs projets. Il y a plusieurs définitionsdu mot flux.

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Printemps 2014 - Nantes Nécropole - 5

Celle qui est la plus appropriée dans ce cas de figure estcelle ci, tirée du Grand Robert : « mouvement d'unensemble de biens ou de valeurs, apprécié encomptabilité commerciale ou nationale » !En bref : un cheptel.

Ces perspectives pourtant bien déprimantes, sonttoujours présentées et affirmées encore et encorecomme des aubaines dans les journaux et lesmagazines, ainsi que sur les très nombreux panneauxd'affichage municipaux et par les TV locales.

Grâce au travail de sape conjoint de tout ces médias,l'attention d'une grosse partie de l'opinion est focaliséeailleurs et se détourne (pour le moment. . .) des trèsgraves problèmes engendrés par les projets de lamétropole. Au lieux de prévenir la population dudésastre qui se profil et des menaces sur nos vies, lesmédias à la botte et autres « Nantes Passion » nousrabattent les oreilles de « Capitales Vertes », derencontres sur la biodiversité ou d'aéroports HQE. Ilstentent de nous persuader que le cadre de vie que nousimposent leurs partenaires politiques et financiers esttout beau, tout sourire et porteur d'avenir. Ils relaientgénéreusement les paroles de Mr Ayrault, Auxiette ouRimbert (pour ne citer qu'eux) et leurs projetséconomiques mortifères. Pour nous faire digérer leursoupe saumâtre d'informations déformées, ils nousservent et resservent de généreuses rasades de sacro-sainte « culture à Nantes » : un breuvage doucereux,frelaté, aux relents de chauvinisme racoleur et laissantun arrière goût bien amer de tromperie !

Quand bien même elles coûtent un bras, ils espèrentque ces opérations de communication-manipulationleurs permettront de faire passer en douceur lesambitions mégalo de la métropolisation.. .

Il est assez aisé de trouver les montants des aidespubliques dépensées pour subventionner les projets etles gros événements culturels. Ces sommesimpressionnantes sont clairement affichées afin que l'ons'aperçoive de l'effort louable fourni par la ville pourcette fameuse « culture » sans cesse mise en exergue**.En revanche, il est très difficile de chiffrer avecexactitude les sommes des aides publiques localesallouées spécifiquement à la promotion de cet aéroport.Lorsqu'on essaie de les répertorier, on peine à trouverles montants exacts, mais visiblement, ils dépassent trèsallègrement le million d'euros pour l'année 2013, rienque pour la communication sur les bienfaits de sondéplacement à Notre Dame des Landes.

Comme souligné par Nicolas De la Casinière dans lelivre « C'est quoi c'tarmac », si l'on cumule lespublications des collectivités locales citées plus haut, onarrive à un total tournant au bas mot autour des2,4 millions d'exemplaires ! Combien de fois ont ellesconsacré des doubles pages pour nous faire accepterl'aéroport ces dernières années ? Combien de personnes,de rédacteurs, de photographes, d'entre-prises de conseilen communication, d'imprimeurs et autres fournisseursont apportés leurs factures à nos administrations pourleur participation aux travaux de communication sur cetaéroport ? Et parallèlement, combien d'asso ou

d'organismes sociaux, de structures médicales ouéducatives, se retrouvent en péril et se voient rogner ouretirer leurs droits aux aides publiques ?

La dose de machiavélisme, d'hypocrisie et defourberie ainsi que les moyens financiers utilisés pournous endormir et pour nous convaincre est énorme ! Lastratégie utilisée est si bien rodée (résultat de siècles demanipulations religieuses et politiques), que pour nepas tomber dans le panneau, il nous faut en permanencenourrir le doute et la méfiance.

Remettons en cause leurs arguments de commu-nication, leur paternalisme et leur déconsidération !

Ne nous laissons plus berner ni distraire encore etencore par cette société de spectacles « à la nantaise » !

Acceptons l'inconfort de la colère, de la lucidité, etde la responsabilité !

Refusons d'être en permanence sous la coupe et lasurveillance des décideurs et décideuses de droite ou degauche, alliés ou non aux écologistes. Si certains de cesderniers sont sans doute bien-pensant au départ, laplupart sont quand même avant tout intéressés par leurcarrière ou victimes de leur lâcheté. Ils serventimmanquablement de caution auprès de l'opinion etfinissent tôt ou tard par se laisser acheter à coup decompromis !

Refusons ce rôle insidieux de complices envieux, ettous ces rôles à la finale humiliants qui nous isolent !

Notre dignité (voir notre survie) dépend en grandepartie de notre acceptation ou non de la tromperie, denotre remise en question personnelle de la place qu'entant qu'individu que l'on occupe dans ce système, et nonpas de leurs rêves illusoires de grandeur, de richesse etde clinquant matérialiste rabâchés jour après jour parleur presse corruptrice car corrompue !

* La démarche artistique de certains des acteurs de ces structures n'estcertes pas remise en question dans ce texte, mais bien la perversionet l'instrumentalisation à des fins politiques de la part de rêveportée par ces créations.

** La malhonnêteté des uns fait le bonheur des autres :Ces manœuvres d'instrumentalisation de la culture à Nantes étant cequ'elles sont, elles donnent accessoirement aisément du grain àmoudre au moulin du FN, toujours à l'affût de ce type dedysfonctionnements. Ce n'est pas nouveau et ceux qui lesmanigancent le savent et l'acceptent dés le départ. . .

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6 - Nantes Nécropole - Printemps 2014

Que lques ch i f f res

Le 13 mars 2013 la région signe un contrat avec Fr3pour un montant de 900 000€ pour « favoriser l'analyseet la compréhension des enjeux locaux ». Face àl'évidente suspicion d'achat de l'orientation del'information que suscite ce contrat, la direction ducabinet du CG s'empresse d'affirmer que « ça n'astrictement rien à voir avec l'aéroport ». Cecin'empêche pas un journaliste de Fr3 de répondre dansune interview du Canard Enchaîné « ce n'est pas descouleuvres qu'ils veulent nous faire avaler, mais desanacondas (…) Déjà qu’on ne parlait pas beaucoup duprojet d’aéroport dans nos journaux télévisés, maisalors-là, franchement, j ’ai très très peur de ce qui vanous arriver ». Et Fabienne Labigne, déléguée syndicaleCGT antenne France 3 Pays de la Loire, de renchérir :« Ce qui nous choque, c’est l’absence de garde-fous etles risques qui pèsent sur notre indépendanceéditoriale ».

Si leurs projets étaient réellement utiles, si ilscorrespondaient à un véritable besoin ou une demandedes administréEs, y aurait–il besoin d'investir une tellesomme pour leur publicité ?

En 2013 le syndicat mixte aéroportuaire (*),regroupant divers structures administratives locales,consacre quand à lui 490 062€ d'aides publiques poursa « politique d'information et de communication » surle projet d'aéroport.

(liste non exhaustive. . .) Camouf le t

Fin 2012, Mr Auxiette, président du CG, lançait unappel d'offre pour du lobying promotionnel pour cetaéroport sur les réseaux sociaux d'un montant de140 000€. Cet appel d'offre ne put aboutir devant lafronde de contestation et son sabotage par les opposantsau projet qui inondent le CG de demandes de dossiers.Il est annulé début 2013 !

Encore une fois, l'équipe menée par Mrs. Ayrault,Auxiette, Imbert & consort(**) et soutenue par lesmédias, montre son vrai visage : celui d'une équipe,soudée, volontaire et ambitieuse, mais tout aussi imbuede son pouvoir, déloyale et corruptrice ! Cette équipen'hésite pas à transformer l'argent public en fond depropagande pour berner les habitantEs et garantir ainsiles immenses profits à venir pour les multinationales (àcommencer par Vinci), les grands financiers et autresvautours, qui du haut de leurs sphères, se nourrissent denos dettes. . .

(*) Le Syndicat mixte aéroportuaire est une structure de coopérationinter-collectivités à l'échelle du grand ouest, constituée pouraccompagner la réalisation de l'aéroport, dont la maîtrised'ouvrage est assurée par l'État et son délégataire AGO (Aéroportdu Grand Ouest) . Il regroupe 22 collectivités, dont six participentau financement de la plateforme aéroportuaire.

(**) En réalité, peu importe les noms ou couleurs politiques, car cequi réuni ces individus, citoyens émérites et grands chevaliers ducapitalisme, outre leurs croyance aveugle en la croissanceéconomique, est généralement une grande capacité à se laisserdominer par l'avidité d'argent et de pouvoir. Cette motivationexigeante n'a pas de couleur politique et ses adeptes sontgénéralement interchangeables. . .

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Printemps 2014 - Nantes Nécropole - 7

Green is landun K déco l l e !Regard sur la communication de Nantes Métropole sur cet événement inclus dans lefestival « Voyage à Nantes » de l'été 2013 (année de l'obtention du label « Capitale Verte ») .www.parcoursgreenisland. comVoici un bel exemple d'enfumage à la nantaise : comment présenter un événement trèsmédiocre en une exception culturelle ? On perçoit tout de suite dans le titre de l'événement(Green Island) le caractère branchouille et post-avantgardiste de cette très coûteuse etpompeuse promotion de Nantes Métropole Capitale Verte (Green Capital. . . !) à viséehop'la'j'tembrouille. De celle qui va plaire à coup sûr aux bobos d'ici ou d'ailleurs auxquelselle s'adresse !

Si l'on est curieuse/eux, mais aussi courageuse/eux,on peut lire dans son entier la brochure consacrée àl’événement. On s'apercevra alors qu'elle estentièrement rédigée sur ce ton (municipal-nantais)mi-paternaliste, mi-éducatif. Elle donne l'impressionde s'adresser à des adultes légèrement attardéEs et enmanque de repères pour croire encore à cet avenir« radieux » qui dans le bétonnage se profile, et qu'onnous vend avec un soin attentionné.

Comme on raconterait une belle histoire à unEjeune enfant qui réclame un peu de rêve etd'enchantement avant de s'endormir pour la nuit, onnous berce de jolis termes du style « circulationdouce », « arche des gallinacées », etc. . . On nous yoffre une ballade, tiréEs par le bout du nez tout au longd'un joli circuit. Un parcourt a été peint en vert sur lestrottoirs, pour pas se perdre, et nous serons guidéEsvirtuellement par un personnage nommé James Lloyd,jusque là inconnu du public, à l'exception desherboristes et de quelques pseudo-cultureux-locaux.

Ce personnage historique étranger (mais européenet anglo-saxon, donc branché lui aussi ; Yes ! )s'installe à Nantes en 1831 . Il fait partie des notablesd'alors. Il est cultivé et apparemment raffiné (saufquand il s'engueule avec ses pairs, que ça finit enpugilat et qu'il fait don du résultat d'une vie de travail àla ville d'Angers, fâché qu'il est avec Nantes* : RIP).

Même si la fin est triste, ceci est une bien bellehistoire (quoique un peu soporifique). Dés lors quel'hypnose aura fait son effet et que « Bobo », bercé etbéa s'empaffera après sa quête de culture et sa bonnemarche sur les trottoirs des rêves, le nez sur sa ligneverte, les fonds pourront alors être investis (etsavamment redistribués. . .) dans les projets d'urbanismemégalomanes de notre « jolie » métropole. Lespelleteuses pourront donc continuer à détruire, creuseret reconstruire, mais en mieux hein.. . : en plusattractif !

On mettra lourdement l'accent sur quelques pauvresmètres-carrés de terre de-ci de-là, bien carrés etencadrés par du béton : les « jardins botaniques » !

Cette nouvelle cité, venant en superposition àl'ancienne, sera plus pratique pour la circulation desflux, pour la surveillance des individus et surtout plusrentable pour le capitalisme gourmand.

Quand à la grosse majorité des gens : ils resteronttout autant au chômage ou iront tout autant dépenserleur vie à travailler - dans un rêve d'enrichissement etde bonheur illusoire - le tout sous vidéo-surveillance,pistés par les RFID, et encadréEs/répriméEs par lesflics. . .

Encore une fois, on a donc employé de très grosmoyens publicitaires, avec l'aide d'une soi-disant« culture » bien propre sur elle ! Celle-ci par-contre estun peu fadasse : tellement encadrée et pervertie parson rôle publicitaire, elle a perdu tout son mordantcréatif, sa subversion naturelle et l'indispensableremise en question qui va avec.. .

(*) Wikipédia : James Lloyd

Green island vue du ciel. . .

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8 - Nantes Nécropole - Printemps 2014

La mobi l isat ionde la sub ject iv i tédans la métropo l isa t ion à NantesPour comprendre les enjeux autour de ce qui se passe dans l’aménagement de la métropolede Nantes, il faut reprendre l’histoire depuis la fin des années 80. Pour développer la ville,les élites locales ont choisi une option sur la longue durée orientée officiellement vers laculture depuis la fermeture des chantiers navals en 1987. Le tertiaire avait déjà amorcéson développement depuis un certain temps avec l’installation de l’Insee, de l’Etat Civil duMinistère des Affaires Étrangères, du Casier Judiciaire national, des Naturalisations, desPensions au milieu des années 80. A la fin des années 90, Bouygues Telecom est arrivé, demême que la Direction du Service Informatique Voyageurs de la Sncf, La Poste a transféréune partie de ses services financiers sur Nantes. Le service des Passeports et des Visas longsséjours du Ministère de l’Intérieur a été créé à Nantes dans la dernière décennie. Laconstruction du siège social du CIO et du Crédit Mutuel vient de commencer. Attirer lesentreprises tertiaires est un souci permanent de la politique de Nantes Métropole.

Le choix de la culture est visible par l’organisationd’événements comme les Allumées, le Festival desTrois Continents, le Festival d’Été, Tissé Métisse, lesUtopiales, Scopitone, la Folle journée, les parades deRoyal de Luxe. Du côté des équipements, il y a eu laconstruction du Palais des Congrès, puis la création del’espace culturel LU, « le Lieu Unique ». Unereconstruction architecturale postmoderne des locauxindustriels, ceux où étaient fabriqués les petits Lunantais, une reprise du passé pour l’ intégrer à la vieculturelle d’aujourd’hui. Les événements organisés ontsouvent une apparence non-conformiste voireprovocatrice. Mais au-delà des apparences, c’est bienun lieu institutionnel qui utilise la culture commebouillonnement créatif d’agitation, mais c’est surtoutun moyen d’intégration au capitalisme contemporain,cela a été très clair lorsque les personnes mal-logéesont occupé une partie des locaux non utilisés l’hiver2012. L’aspect contestataire de LU a vite montré seslimites.

Dans le cadre de la construction d’équipementsculturels, il faut citer l’ implantation d’un Zénith aumilieu des années 2000. Mais, la grande affaire dudéveloppement de Nantes, c’est le réaménagement duquartier de l’ Île de Nantes. Dans le cadre de lamétropolisation, les métropoles ou les villes quiaspirent à le devenir doivent se donner les moyens degrossir, il s’agit de grandir ou de dépérir, c’est unethèse implicite qui n’est jamais discutée ou discutable.Le monde urbain serait générateur de richesses enlui-même en s’appuyant sur les activités tertiaires et unsystème de production en réseaux dont les bases sontles réseaux de transports, les réseaux d’énergies etinformatiques et les réseaux de services.

C’est le développement d’une économie en archipelavec une articulation centre / périphéries. Dans cetteévolution néolibérale, l’ image culturelle etpatrimoniale des villes est très importante, il estquestion de marketing territorial, de compétitivité etd’attractivité. Les avantages des villes se mesurent à lataille des marchés, à la présence de main d’œuvrequalifiée, de l’accès possible aux sourcesd’ information, à la présence de services, à lapossibilité d’utiliser de la sous-traitance, à la présenced’une économie intellectualisée, à la densité destransports et à leur bon fonctionnement, au dynamismeculturel toujours renouvelé.

La métropolisation nécessite que l’ investissementpublic se porte sur l’enseignement, la recherche, lesinfrastructures de transport, les différents réseauxindispensables à la vie urbaine actuelle. Tout cela estbien présent à Nantes, comme une autrecaractéristique : l’absence de transparence dans laconception de l’urbanisme accompagnée d’uneomniprésence de la communication pour vanter tousles projets en cours et la vision de la ville à long termealors qu’il n’y a pas de discussion démocratique sur cedéveloppement. Face à la crise industrielle,promouvoir la culture a permis de lier une logique dulieu – l’Île de Nantes – à une logique de marché. Lanotion de « média territoire » associe l’attractivité et lemarketing propre au territoire en question. Cesdernières années des grands événements sont organiséssur l’ Île de Nantes qui tend à devenir une sorte de parcd’attraction avec la halle d’Alstom transformée enhalle des Machines. Ces grands hangars sont devenusdes Nefs, dont une est dédiée à l’Éléphant qui fait sapromenade régulière pour amuser les enfants.

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Printemps 2014 - Nantes Nécropole - 9

Maintenant, nous pouvons tourner dans un Carrouseldédié aux Monstres marins, ce manège, qui est unecréation du centre des Machines, vient d’obtenir unprix mondial.

Pour compléter l’aspect culturel de l’ Île de Nantes,Nantes Métropole a regroupé diverses associationsculturelles nantaises au sein du lieu nommé LaFabrique et a crée une nouvelle scène de spectacleattenante, Stereolux, pour remplacer l’Olympic. Unpôle média avec Fr3 avec une école multimédia déjàimplantée va se mettre en place, tout cela pourrenforcer l’aspect culturel de l’ Île de Nantes. Il fautaller vers une culture créative, l’ innovation culturelle.Le fait que le label Capitale Verte a été décerné à laville de Nantes pour l’année 2013 permet d’adjoindrel’écologie à la culture, d’où une inflation de discourset d’événements autour du thème de l’écologie et dudéveloppement durable, ce qui doit servir à faireoublier les dégâts écologiques faits à Notre Dame desLandes ou dans le réaménagement de Nantes commepour le Square Mercœur.

Un mémorial dédié à l’abolition de l’esclavage aété construit par la multinationale Vinci. Cette créationaurait pu être une étape importante pour seréapproprier le passé esclavagiste de Nantes, mais ici ils’agit de donner une bonne image de la ville moderne.Cette opération a tout d’une célébration à la gloire dela démocratie parlementaire contemporaine. C’est bienl’abolition de l’esclavage qui est célébrée et mise enscène, donc la générosité des blancs démocrates, lesluttes des esclaves sont occultées. Il reste une tracepostmoderne au travers des anneaux de Buren, uneforme esthétique colorée pour enchanter le lieu.

La réappropriation du passé est multiforme sur l’ Îlede Nantes, un des plus voyantes ce sont les grues Titandont la célèbre grue jaune. Les « Nefs » sont descathédrales de la culture et des loisirs, les anciens railsont été conservés sur le quai des Antilles où estimplanté le Hangar à Banane dans l’ Île de Nantes.C’est un endroit où sont situés des lieux d’expositions,des bars, des restaurants, des boîtes de nuit où noussommes conviéEs pour faire la fête et consommer dela culture. C’était un des espaces où s’est déployé unepartie de l’événement culturel Estuaire en 2010 - 2011 ,puis Voyage à Nantes en 2012. En 2013, l’aubainepour Nantes Métropole c’est le prix Nantes CapitaleVerte.

C’est dans la zone au nord de Nantes près del’Erdre que la Technopole a été implantée avecdiverses grandes écoles. Ce Technopole est un élémentimportant de la métropolisation, on retrouve ce soucid’avoir de grandes écoles et des Technopoles danstoutes les villes d’une certaine importance.

A chaque fois le même discours s’exprime, il s’agitd’attirer les entreprises, de développer des pôlesd’excellence, d’être compétitif, innovant, depromouvoir de nouveaux métiers, de bien se placerdans la concurrence mondiale et nationale. Ce schéma,on le rencontre à l’ intérieur même de l’espace deNantes Métropole. Le journal municipal de Rezé parledu nouveau quartier « technopolitain » créé autour del’IRT Jules Verne de Bouguenais, l’ Institut derecherche Technologique : « Une vraie chance pour leSud-Loire, un élément majeur d’attractivité pourl’ensemble du territoire de la métropole. » La reprisedu passé et la continuité dans le changement passe icipar la figure de Jules Verne qui est donc sollicité pourparrainer ce voyage au centre du développementcapitaliste de la région nantaise.

Le pari sur l’avenir passe par la recherchetechnologique et scientifique. Nantes n’échappe pas àla règle, il est dit tout à fait ouvertement qu’il faut allervers une économie de la connaissance. Un desexemples est le pôle bio-technologique implantéderrière le nouveau Palais de Justice dans uneancienne halle Alstom. Une des entreprises phares dece cet ensemble c’est celle qui s’est détachée del’Université de Nantes pour faire des analyses ADN etdes recherches à partir des gènes, elle se nommeIGNA, Institut Génétique Nantes Atlantique. Elle estspécialisée dans l’expertise médico-légale génétique,elle se présente comme le leader de l’expertisegénétique en France. C’est une pièce importante dudispositif d’apartheid social dans notre pays, ellepermet d’alimenter le fichier des empreintesgénétiques nommé le FNAEG.

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Pour le projet Île de Nantes, l’ insistance sur laculture et l’économie de la connaissance permet defaire vivre ce qui est nommé un « marketingterritorial » pour attirer les cadres tout en cherchant às’ insérer dans des réseaux européens et à revitaliserl’esprit d’entreprise de Nantes. Nantes Métropoleessaie d’agir au niveau de la représentation collectivede la ville en insistant sur une conception marquée parles valeurs de partage et de solidarité, même si dans lapratique c’est très souvent l’ inverse qui se passe. Ilfaut essayer de développer l’adhésion à la nouvelleforme de territoire qu’est l’ Île de Nantes, c’est ce qui aété fait avec Nantes Capitale Verte pour obtenir unenotoriété internationale et développer cette fameuseattractivité tant désirée, cette valeur suprême que seraitle dynamisme culturel et écologique propre à Nantes.Pour que l’Île de Nantes soit elle-même attractive etque le pôle tertiaire devienne conséquent, plusieursstructures ont été transférées sur place : l’ÉcoleNationale Supérieure d’Architecture, la Maison desAvocats, etc. Dans ce cadre, les technologiesrelationnelles ont un rôle clé pour mettre en avant le« média territoire ». Pour que tout cela fonctionne, ilfaut que la collaboration régulière des habitantEs soiteffective, il s’agit de penser et de mettre en œuvre undevenir contributif de la population, un « essaimagecréatif » qui produise de façon permanente la vie rêvéepour l’ Île de Nantes. C’est une sorte de fiction qui doitdevenir réalité, les habitantEs se doivent de participer,c’est pensé pour nous, avec nous, enfin c’est qui estaffirmé officiellement, parce que dans les faits c’estconçu sans nous et cela nous est imposé. C’est unegestion de projet banale aujourd’hui, comme un projetd’entreprise, ici c’est une métropole, mais cela n’a pasd’ importance, les méthodes sont les mêmes. Lesimplicites du développement économique capitalistene font pas partie de la discussion. Par contre, vousêtes sollicitéEs de multiples façons pour vous projetervers Nantes 2030. L’ important c’est de participer,même si vous ne reconnaissez pas vos propositions. Lamise en avant de la culture et de l’écologie dans laforme de la ville est un excellent moyen pouraccentuer la dépolitisation qui entoure ces projets,

parce qu’aucune discussion sur ce choix et ses enjeuxn’est possible. On nous propose une communion, unpartage d’émotions, pas une discussion démocratique.

Pour éclairer la situation actuelle, on peut revenirsur l’histoire de notre société. Dans la premièrepériode du capitalisme, le corps a été mobilisé. Lasource de la richesse est passée de la terre sous laféodalité au travail humain dans la mise en place de lamodernité capitaliste, aujourd’hui c’est l’ immatériel, laconnaissance, la culture et la finance qui deviennentsource de profits. Le corps a été mobilisé par lesdisciplines, aujourd’hui pour capter l’esprit et lasubjectivité le système utilise la liberté et l’ implicationdes sujets. Il est important de noter la mobilisation dessujets sur le plan mental et émotionnel dans lefonctionnement du projet Île de Nantes. Il joue sur ledésir, la culture et l’écologie, il cherche notre adhésionmême s’ il utilise l’apartheid social pour surveiller etréprimer les opposantEs au projet d’aéroport aussi bienà Nantes qu’à Notre Dame des Landes.

Les politiciens ont beau être optimistes, la réussitedu projet n’est pas encore acquise, d’une part lapopulation ne se précipite pas pour consommermassivement sur l’ Île de Nantes malgré les énormessommes d’argent dépensées en communication,d’autre part il faut que le grand jeu de go concernantl’aéroport fonctionne. Il faut tout d’abord déplacerl’aéroport actuel de Bouguenais vers Notre Dame desLandes pour ensuite implanter le Min et construire deslogements pour faire vivre 15 000 ou 20 000habitantEs sur les espaces libérés à Bouguenais.Ensuite, le CHU pourra alors être reconstruit sur l’ Îlede Nantes, ce qui dégagera des terrains en centre villepour les projets immobiliers. Puis, comme il y aura degrandes surfaces vides à la place du Min et plusaucune contrainte liée à la sécurité aérienne(actuellement à cause de cela il est interdit de dépasser4 étages dans les constructions d’ immeubles)l’urbanisation pourra se développer librement sur l’ Îlede Nantes comme au Nord de Nantes. Au milieu detout cela, quid de l’usine Airbus et ses 1 850 salariés,qui a besoin d’une piste pour recevoir le Beluga ? .

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Les tags qu i tachententre subvers ion e t récupéra t ion ,l es murs racon ten t leur v i l l e

« Une véritable nuisance », « un coût important pour la collectivité », « dégradation debien public qui doit être sanctionnée » car renforçant « le sentiment d’insécurité », bref,« la lutte contre les tags, une priorité ! » affirment haut et fort des représentants de NantesMétropole. Les décideurs n’aiment pas ce qui leur échappe. Classique. Pourtant, de l’aveudes mêmes, le tag, c’est aussi « un art vivant qui bouscule le paysage urbain » ; et Nantesse veut « une ville emblématique du graffiti et plus globalement de la culture street art » enorganisant expos et jam graffitis… Comment différencier l’un et l’autre ? À quellesconditions est-on de l’art ou de la dégradation aux yeux des technocrates qui veulent nousmétropoliser ? En quoi la politique concernant le graff à Nantes est révélatrice de leurvision de la culture et de l’art ?

L’idée qui nous intéresse ici est celle-ci : qu’est-ceque veut (nous) dire le tag ? Quelles sont les valeurs,implicites ou explicites, qui le portent ? Pratique néedans les villes et ses quartiers les plus populaires,initiée par les punks et qui a lancé et porté lemouvement « urbain » hip-hop, le graff est né desenfants de la ville, de ceux qui y sont nés et qui n’ontconnu qu’elle. Au sens le plus strict, le graff consiste àpeindre sur un support qui lui préexiste et qui avait uneautre destination à l’origine. L’ idée est d’être vu par lemaximum de personnes, et, par conséquent, ça sepasse le plus souvent à l’air libre, dans l’espace public.

Notre propos n’est pas ici esthétique, il ne s’agitpas de déterminer si c’est beau ou pas. Nous nesommes pas critiques d’art. À ceux qui estiment que cen’en est pas, nous nous permettons simplement deremarquer que ce qui est considéré comme de l’artaujourd’hui n’a sans doute pas de leçon à donner à ceniveau-là, et constitue bien plus un objet de spécula-tion financière, un prétexte pour la socialisation de labourgeoisie internationale, et une façon pour elle de sedistinguer. Par comparaison, en effet, le tag n’a pasgrand-chose à voir avec de l’art… et aurait raison de lerevendiquer !

Passons. Ce qui est significatif ici est que lemouvement graff porte dans son essence l’ idée de ré-appropriation de l’espace, un espace conçu par et pourd’autres. Cet urbanisme fait pour entasser, surveiller,contrôler, manipuler, fluidifier et rentabiliser, devientpar l’action des graffeurs un lieu d’expérimentations,de création et d’art. Cantonné aux musées, voilà quel’art passe par la grande porte et envahit l’espacepublic. Il doit faire partie du quotidien, revendiquent àleur manière ces peintres nocturnes. Il ne peut y avoirde séparation entre l’art et le reste de la vie.

Par ailleurs, cette pratique implique l’ illégalité, elleporte au plus profond d’elle la subversion, qui condi-tionne sans doute toute pratique artistique. L’acte decréation, par définition, dépasse l’existant, repousse leslimites, déborde… et donc remet en cause le réelinstitué. L’acte de création est un acte de résistance,affirmait Gilles Deleuze, quand les résistants à l’occu-pation nazie insistaient : résister, c’est créer.

Enfin, cette pratique est gratuite, et ses auteurs sontanonymes. De fait, la notion d’auteur est remise encause dans le tag, ce qui permet d’éviter la marchandi-sation et la personnalisation (dans l’art contemporain,on paie plus pour posséder un auteur que parce qu’onapprécie l’œuvre). De façon paradoxale cependant,puisque les œuvres sont des « signatures », et l’objectifétant qu’elles soient le plus présentes partout, entrai-nant un mélange étrange de fierté et de reconnaissanceanonyme. Tout le monde et personne ne nous connait.

Face à cette pratique, la métropole « attractive,ludique et festive » tient deux discours et deux poli-tiques, apparemment contradictoires, mais en réalitétout à fait cohérents, et représentant parfaitement sapolitique culturelle de façon plus large.

Nous l’avons vu, derrière la communication, larépression est sans pitié. Au niveau du graff, la ville deNantes est sans doute une des plus aseptisées deFrance, pour ne pas parler de l’Europe. L’objectif desdifférentes brigades (entreprises privées sous-traitéespar la municipalité) spécialement affectées à cetteactivité est de nettoyer tout tag dans le centre-ville enmoins de 15 jours.

La ville se vante d’y consacrer un budget de1 ,2 millions d’euros. 1 38 000m2 de graffitis ont étéeffacés en 2012, et entre 30 et 40 graffeurs par an sont

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arrêtés et condamnés à des travaux d’intérêt général oudes amendes allant jusqu’à 3000 €. Dans le mêmetemps, des murs sur lesquels les taggueurs posaientdepuis toujours sont détruits, comme aux fonderies prèsde l’éléphant ou dans le bas-Chantenay. La pratique yétait tolérée. Elle ne l’est plus.

On peut même déceler un acharnement spécifiquedes unités de nettoyage sur les écrits politiques etcontestataires. Pourtant, des tags fachos peuvent resterune semaine sur les parois du squat le Radisson sanspasser par la case karcher. Recouverts par les soins demilitants de l’autre bord, ils sont nettoyés lelendemain… On peut ainsi distinguer un régime à troispoids trois mesures : les slogans politiques sont virés lelendemain, les blazes des taggueurs peuvent trainer1 5 jours ou sont tolérés sur les palissades des chantiers,et les œuvres de street art, qui plaisent aux bobos (lesnombreux space invaders, par exemple), quand ils nesont pas complètement réintégrés à la politique cultu-relle officielle, comme les œufs sur le plats visiblesdepuis le « nid » de la tour de Bretagne, sont mis envaleur et peuvent se montrer indéfiniment.

Cependant, le capitalisme démocratique contempo-rain a compris qu’il est plus intéressant de récupérerque de réprimer totalement. Et la culture socialiste à laNantaise est sans doute à l’avant-garde de ce nouveautype de gestion et de contrôle de la population. Onprend ce qui nous intéresse, afin de satisfaire les naïfs,et on réprime ce qui gêne, quitte à vider de son sens lemouvement, et à faire tourner l’hypocrisie à pleinrégime.

Le mouvement tag sera donc glorifié lors d’événe-ments spectaculaires et médiatiques. L’été dernier, lescultureux ont fait venir des taggueurs célèbres d’un peupartout pour organiser un « parcours graffiti » sur desmurs vites repeints une fois l’opération « communica-tion attractivité marchandisation tourisme » terminée.D’un art produit par les classes populaires, on a fait unart consommé par les cadres supérieurs.

Pour d’autres événements tout au long de l’année,la mairie a systématiquement recours à la même asso-ciation, ultra subventionnée et qui détient un monopolesur le tag officiel et légal à Nantes. C’est unmécanisme vieux comme le monde, mais qui marchetoujours. Le collectif 100 pression est composé d’au-thentiques graffeurs, de véritables passionnés quipeuvent désormais vivre de leur passion, à conditionde troquer les fondamentaux de leur mouvementartistique évoqués plus haut. Que reste-t-il depopulaire, d’underground et de subversif dans l’artsubventionné ? Leur existence n’est qu’une caution.

Si la plupart des murs sont détruits, si les taggueurssont pourchasséEs par la police et n’ont presque plusnulle part où s’exprimer ou simplement s’exercer ; lamairie, de son côté, communique sur le fait qu’elle metà disposition – dites merci – des murs légaux. À unmètre près, la même œuvre est une dégradationlourdement réprimée ou de l’art fallacieusementencensé ! En fait, ces murs ont toujours été utilisés parles graffeurs. La pratique y était tolérée. Désormais,elle est encadrée. Pour y bomber en toute tranquillité,il faut montrer patte blanche. La mairie de gauchedaigne que la populace représente ce qu’elle a sur lecœur si celle-ci fait une demande d’autorisation à pickup production, une autre association (tiens, tiens).

Chaque artiste est donc enregistré, et doit signerune charte dans laquelle sont rappelées les nombreuseslois réprimant la pratique illégale. Au détour d’unarticle, il est également précisé que les graffeursdoivent « bannir les propos ou signe injurieux,partisans, religieux, racistes ou incitant à la haine ».Les services de la mairie se réservant l’ interprétationdu mot « partisan ».

Par exemple lorsque le mur, pourtant légal, deVincent Gâche s’était demandé « où sont les gens duvoyage à Nantes ? » Le jeu de mots fut censuré deuxjours plus tard par la métropole attractive, ludique etfestive, qui avait alors jugé que « le message necorrespond[ait] en rien à la démarche artistique pourlaquelle ce mur est réservé ».

Nous en voilà aux faits. Résumons : qu’est-cequ’une démarche artistique pour les décideurs ?

- C’est une démarche qui ne parle pas de politique,ou en tout cas qui ne remette pas en cause la leur.

- Une démarche entièrement contrôlée et orientéepar le pouvoir.

- Une démarche qui limite l’ implication populaire,et dans laquelle les gens sont réduits au rang deconsommateurs.

- Une démarche marchande.- Une démarche qui doit avoir pour seuls objectifs

de rendre attractive la métropole aux yeux desentreprises en divertissant ses cadres supérieurs. .

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Libertan ,j ' e f f a ce ra i t on nom . . .À Nantes, depuis septembre, un nouveau titre de transport est apparu et compte biens'imposer comme LE titre de transport. C'est une belle petite carte avec un doux nom quidevrait nous mettre en confiance : Libertan. . . Passer au travers de cette annonce relève dudéfi tant le rabattage médiatique et publicitaire a été intense (à ce rythme, cette année,Nantes sera peut-être Capitale Européenne de la Propagande) . Mais avec elle, et de façonplus discrète, est aussi arrivé le ticket de bus à 2 euros. . . Et oui, tout est fait pour nousinciter à prendre une carte qui nous promet de nous faire payer « seulement » 1 ,38 euros.Cela nous ferait presque oublier qu'il y a encore 4 ans, le ticket était à 1 euro 30. . . Au boutdu compte on ne gagne rien, mais eux si. . . Car cette nouvelle carte est une superbe armeéconomique et politique. Regardons de plus près. . .

Encore une h is to i re de contrô lee t de gest ion

Même si le fait d'avoir une carte avec son état civilet sa photo n'est pas une nouveauté, puisque la carted'identité a été rendue obligatoire par Pétain en 1940,le fait que cette carte puisse automatiquementenregistrer là ou elle passe et puisse alors servir detitre de transport n'est possible que depuis lacommercialisation d'une nouvelle technologie, laRFID (Radio Frequence Identification).

En effet la technologie RFID utilisée dans cettecarte sert avant tout au contrôle et à la gestion des flux.À l'origine, cette technologie, qui consiste à implanterdes puces contenant tout un tas d'informations et quipeuvent, grâce à un lecteur, être lues et réécrites, a étédéveloppée pour un usage militaire. Deux utilisationsont alors été principalement exploitées. D'une part lecontrôle d'accès, dont les militaire sont friands, etd'autre part le suivi de produits dont l'industrie a vitecompris le potentiel économique. On a donc unetechnologie qui a permis de renforcer encore plus lequotidien sécuritaire en contrôlant par exemple l'accèsaux immeubles avec les badges « vigik », l'accès auxparkings avec les cartes résidents ou même l'accès à lanourriture de certains établissements scolaires avec lescartes de cantines. . .

Et parallèlement, on voit, grâce à la RFID, desindustries entières se réorganiser en rationalisant aumaximum leurs chaînes de production. On trouvedésormais des matières premières « pucées » et dontchaque produit qui en sera issu sera lui aussi « pucé »et ce ainsi de suite jusqu'au produit final mis en rayon.Avec des lecteurs positionnés tout le long de la chaîne,les patrons peuvent ainsi suivre en temps réel où sesituent tous leurs produits et rentabiliser au maximumla production en diminuant toujours plus les pertes.

La cadence des ouvrières est alors analysée enpermanence et s’ il y a de la perte on sait directementoù et quand elle a eu lieu.. . Bref, les bénéfices que peutapporter la RFID dans l'industrie sont considérables,mais pas pour tout le monde. Une fois de plus ce sontles patrons qui en tirent les bénéfices, et les ouvrièresqui doivent s'aligner sur les nouvelles cadences.

Avec le temps, cette technologie s'est répandue àtous les pans de nos vies. On la trouve par exempledans nos vêtements issus de l'industrie textile, sous lapeau des brebis d'élevage (au grand dame deséleveureuses qui sont toujours plus contrôléEs), dansnos passeports, nos voitures (clefs et/ou passeautoroutier), nos cartes bancaires, et même nosanimaux de compagnie. Et maintenant, grâce à laLibertan, dans notre carte peut-être la plusquotidienne : celle des transports.

Payer comme on resp ire

En utilisant cette carte on est alors censé biper àchaque montée dans le bus (et le tram selon lesabonnements). Un « bip » beaucoup plus simple etanodin en apparence. Mais tout le piège est là, car ce« bip » à un prix, celui du (cher) titre de transport. Ona alors un sentiment de simplicité voir de liberté, maisnotre compte lui, beaucoup plus mathématiquement,accumule les factures. C'est là tout l'art de labanalisation du paiement et de sa « déma-térialisation ». Le fait de ne plus physiquement sortirson porte monnaie où l'on peut « matériellement » voircombien il nous reste nous fait tout simplement oublierpetit à petit que l'on paye et rend alors cet actetotalement banal. Cela incite tout un tas de personnesqui, avant, auraient préféré marcher, faire du vélo, outout simplement courir en cas de contrôle, à monter etpayer leur titre de transport.

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Sous couvert de simplicité c'est un nouveau bout denotre autonomie et du contrôle de nos (maigres)économies que l'on nous enlève.

Ce mode de paiement se développe de plus en plus.Par exemple, en Espagne, une discothèque proposed'implanter une puce RFID dans le bras de sesclientEs. Ces dernièrEs peuvent alors à leur guise sepromener partout (l'accès à la zone VIP leur seraautomatiquement facturé) et payer leurs boissons entendant simplement le bras devant un lecteur, lepaiement sera également automatiquement prélevé surle compte en banque.. . De la même manière, desexpériences sont menées en Australie, où unsupermarché, ayant équipé tous ses produits et sesclients de puces, propose de n'autoriser l'accès qu'auxclients « pucés », qui peuvent alors à leur guiseprendre tous les produits et partir sans passer par lacaisse (qu'il n'y a d'ailleurs plus). Des portiquess'occupent de comptabiliser combien de produitssortent et avec quelLE clientE, en débitantautomatiquement sur le compte de ceTTE dernièrE.. .

Le fait que certaines personnes s'octroient le droitde décider de vendre des ressources à d'autres est ungrand acte de domination, et tout l'ordre social actuelest maintenu par ce pouvoir. Celle ou celui qui paye seretrouve alors en position de soumission, mais cettesituation était jusqu'à présent bien souvent conscienteon pouvait alors décider (ou pas) de refuser cettesoumission (par le vol ou en refusant d'avoir tel ou telproduit par exemple). Mais en banalisant le payementc'est tout ce schéma de domination que l'on banalise etque l'on rend normal. Se révolter devient alors bienplus dur. . .

La sécur i té encore e t tou jours

La FRID se veut être une technologie de sécurité.Considérée comme le nec plus ultra, on la retrouvemême dans les passeports biométriques. Même si elledonne du fil a retorde aux faussaires classiques, ellen'est en réalité pas si « sécurisée » que ce que l’on veutbien nous faire croire. En effet, des hackersaméricainEs se sont amuséEs a passer les frontièresavec des passeports biométrique appartenant à. . ElvisPresley ! En dehors de la blague, cela montre bien àquel point (et on ne va pas s'en plaindre) cettetechnologie soi-disant « inviolable » n'est en réalitéqu'une porte blindée posée à côté d'une fenêtre grandeouverte. . . Une autre expérience de hacker américainEsest également intéressante. Après avoir confectionnéune antenne maison et un lecteur RFID illes se sontbaladéEs dans la rue en voiture. Illes ont alors réussi àlire et donc à copier toutes les puces de passeportsbiométriques passant à 50 mètres à la ronde.. . Quanddes particuliers peuvent aussi facilement réaliser cegenre d'opération on imagine alors avec quel facilitéun état pourrait mettre en place un dispositif qui lit etanalyse en tant réel qui passe dans la rue et pourraitalors signaler qui ne devrait pas être là. . .

Pour en revenir aux transports, Libertan estprésentée comme une innovation en termes desécurité. Comme nous venons de le voir, cela n'est passi vrai. Ce qui change réellement, ce sont les savoirsqu'il faut pour falsifier un titre de transport. Avant (ouaujourd'hui, car il reste encore des tickets papiers),différentes techniques, peu couteuses et facilementutilisables, nous permettaient de fabriquer nous-mêmes des « titres en règle ».

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Dorénavant il va falloir se lancer dans l'informatique etacquérir les connaissances et le matériel spécifique.. .La falsification devient alors une affaire de spécialiste.C'est là encore une part non-négligeable de notreautonomie qui s'amoindrit, et c'est surtout un renfortaccru du contrôle de la population.

Su iv is à la t race

La RFID permettant le traçage des produits à tousles stades de leur production, on comprend alorscomment il est simple d'adapter cette technologie poursuivre les déplacements des personnes utilisant leurcarte de transport. C'est là une application trèsimportante de Libertan.

Il est en effet dorénavant possible de retracertotalement n'importe lequelde nos déplacements car, àchacun de nos bips, c'estnotre identité qui estenregistrée dans un fichieravec, à côté, l'heure, la dateet le lieu où a eu lieu le bip.Une fois ces informationsrecoupées (en quelquescentièmes de seconde pourun ordinateur), on peut alorsen déduire quels ont étél’ensemble des déplacementsd’une personne.

En plus de renseigner surchacun de nos trajets, il esttechniquement tout à faitpossible de déclencher, entemps réel, une alerte quandune personne précise bipe sacarte quelque part, où quandun groupe de personnes précis bipe dans le mêmetram, ou encore quand n'importe quelle personnehabitant dans tel quartier vient de monter dans un busen direction du centre ville. . . C'est une énorme arme decontrôle social que viens d'acquérir la Tan.

Cette dernière ne se cache d'ailleurs pas de lacollaboration qu'elle va activement effectuer avec lapolice. Pascal Leroy, son directeur commercialdéclare : « Les données personnelles (nom, prénom,adresse, photo, coordonnées bancaires) sontconservées deux ans après la fin de la relationcommerciale, sauf s'il y a un litige où on les garde pluslongtemps. Elle sont alors archivées, consultables parla police pendant dix ans […] Les « données devalidation », date et heure de montées à bord, sontgardées quatre mois puis dix ans dans un coffre fort,pour la carte de paiement au coup par coup. Et unejournée et dix ans pour l'abonnement illimité. »

Les pratiques de traçage de la population ont levent en poupe ces derniers temps. Et les applicationsde la RFID ne font qu'étendre à toute la population et àtous les pans de nos vies ces pratiques. À l'heure oùl'on parle du « scandale » des écoutes de la NSA alorsque tous les états pratiquent ce genre d'espionnage, laFrance a adopté en décembre dernier la Loi deProgrammation Milliaire. Dans ce vaste programmequi, grosso modo, redéfinit l'organisation militairepour les années à venir, un article est apparu (lenuméro 20) légalisant la collecte de donnéespersonnelles ainsi que la géolocalisation de tous lestéléphones portables en temps réel. Ces donnéespouvant grâce à cette loi être récupérées dans le cadrenon plus simplement des affaires dites de« terrorisme » mais également pour tous les délits et

pour « sauvegarde dupotentiel économique » dupays.. . Et ce ne sont plusseulement les servicesmilitaires et de polices quipourront y avoir accès maiségalement tous les servicesrelevant du ministère del'économie et du budget. . .

On savait déjà que lesservices secrets récupéraientce genre d'informations ànotre insu (en mars dernierun document secret britan-nique révélait d'ailleurscomment la DGSE collabo-rait étroitement avecOrange), mais c'est un pas deplus qui est franchi en léga-lisant cette pratique.

Un cho ix de soc ié té

Que ce soit avec la LPM (Loi de ProgrammationMilitaire) ou libertan, on voit bien que c'est unepolitique toujours plus sécuritaire qui se met en place.Mais là où c'est encore plus vicieux, c'est que cettepolitique ne s'insinue pas uniquement dans la rue, maiségalement dans nos têtes. Les technologies de contrôlecomme la RFID sont tellement omniprésentes que l'oncommence à les intégrer nous même volontairementdans nos habitudes. Une société française a d'ailleurstrouvé le filon (http://www.i3s-solutions.fr). Ellepropose des solutions « anti-fugue » et « anti-errance ». Il faut entendre par là qu'elle équipe lesjeunes enfants en crèches de puce RFID (dans lesvêtements) afin de prévenir de « leurs sortiesintempestives ».

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La solution « anti-errance » s'applique quant à elle auxpersonnes âgées. On nous promet alors qu'une alarmesonnera dans la salle des infirmièrers pour leursignaler quand une personnes part de l'établissement,quand une personne ne se trouve pas au bon étage à labonne heure ou même ne se trouve pas dans sachambre mais dans celle de son-sa voisinE.. .

La RFID s'impose avec exactement les mêmesficelles que la vidéosurveillance. On nous la proposeau début comme forme exceptionnelle présente dansles services de sécurité ou les grosses industries, puispetit à petit on l'introduit dans l'espace public, dans lesmagasins et les transports. On nous explique alors quec'est pour notre bien et celui de nos proches. Au fur età mesure on accepte et, pire, on en redemande.Aujourd'hui, rares sont les personnes n'ayant pas unecaméra dans leur téléphone et ne filmant pas lemoindre événement et on voit se développer de plusen plus des cyclistes avec une caméra sur la tête. . . Onaccepte alors l'idée d'être potentiellement filmé enpermanence - rien de mieux en terme de contrôlesocial. . .

Quand on accepte d'être géré et/ou contrôlé par cetype de technologie (de conception militaire, nel'oublions pas) c'est toute une société que l'on accepte.Car en le rendant aussi quotidien et intime, le contrôlese met à exercer sur nous et les autres une empriseextrêmement grande et permanente. De plus, cela nousfait reconnaître comme « normal » de gérer de lamême façon des produits manufacturés, des animauxou des humains. Le fait même de devoir « gérer » n'estalors plus contestable, il coule comme une évidence.. .

Bref, même si on a (pour l'instant) rien à sereprocher, en acceptant cette carte, c'est tout unsystème que l'on cautionne. Une société où tout et toutle monde doit être propre, lisse, rentable. Où toutepersonne qui refuse ce fichage est considérée commesuspecte voire illégale. Une société qui voudrait nousimposer sur quelle île on doit faire la fête (et jusqu'àquelle heure), dans quelle cité on doit dormir, dansquel quartier on doit faire son shopping et dans quelaéroport on doit (si on peut) prendre son avion.. . .Refuser cette carte et/ou refuser de biper, c'est refusercette soumission et de là, c'est remettre en cause cettesociété et son ordre social. . .

C'es t par de pet i ts ges tes que na issen t les grands mouvements . . .

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Les compensat ions :compense r pou r m ieux gé re r !Greenwashing oblige, le projet d’aéroport à Notre Dame des Landes, comme désormaistoute nouvelle infrastructure, se doit d’être écologique. Aussitôt, des esprits taquinsavancent que bétonner porterait atteinte à la Pacha Mama. Peu importe, répondent lesporteurs de projets, car ces menus dommages seront « compensés ». Mais, la vie rentrantrarement dans le cadre la loi, ils se retrouvent vite pris à leur propre piège : selon lescritères établis par eux-mêmes, il est parfaitement impossible de compenser 2 000 hectaresde zone humide. L’aéroport du grand ouest se convertit alors en laboratoire d’une nouvelleméthode de compensations environnementales (qui pourrait ainsi être appliquée à chaqueprojet mégalomane) ; et si les mêmes taquins rétorquent que c’est un peu facile d’arrangerla loi comme bon leur semble, les travaux commenceront le plus vite possible, avant que lajustice ne fasse tout capoter, car on ne peut pas lutter contre l’irréversible. Cependant, cesloufoques arrangements avec la loi ne doivent pas nous faire oublier de nous interrogersur la notion même de compensation. N’est-elle pas, en tant que telle, absurde ? Nevise-t-elle pas à nous faire accepter des projets intrinsèquement destructeurs ? Comment secalcule la valeur biologique d’un territoire ? Est-il seulement possible de la calculer ? Labiodiversité, c’est-à-dire la vie, peut-elle se laisse enfermer dans des calculs, desclassements, des relevés d’experts ?

La loi sur l’eau est apparue en France en 1992, a étécomplétée en 2006 pour se mettre en conformité avecune directive européenne de 2000, et a été confirméepar le Grenelle de l’environnement en 2009. Pour toutnouveau projet, il faut apporter « la preuve qu’unedécision alternative plus favorable à l’environnementest impossible à coût raisonnable », il faut limiter laconsommation des surfaces agricoles, forestières etnaturelles, et privilégier « les espaces déjà artificialisésdans le choix d’implantation ». Cette loi prévoit desSchémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion del’Eau (SDAGE), selon les différents territoires. Pourl’aéroport, il s’agit de celui de Loire-Bretagne. Iloblige à quatre niveaux de compensation, le premierétant d’étudier les éventuelles alternatives au projet…À défaut, le niveau 2 contraint, dans le même bassinversant, à la re-création ou restauration de zoneshumides à fonctionnalité et biodiversité équivalentes.Strictement impossible au vu de l’ampleur del’ infrastructure en question. À défaut, le niveau 3précise que la compensation porte sur une surfaceégale à au moins 200 % de la surface supprimée. Oui,oui, vous avez bien lu : il faudrait créer le double dezone humide ! Enfin, le niveau 4 rappelle que cesnouvelles zones (les fameuses mares) doivent êtregérées de façon pérenne par les constructeurs.

Respecter la loi est donc tout à fait impossible. Pasde problème ! L’État sort de son chapeau en 2012 unenouvelle doctrine spécial-aéroport : « éviter-réduire-compenser ».

Éviter : euh… là, vraiment, on voit pas… Réduire :avec deux pistes et un aéroport grand commeHeathrow, on voit pas non plus. Et enfin, cerise sur legâteau : compenser. Finies les histoires de bassinversant et de doublement des surfaces impactées, laméthode expérimentale sera « qualitative » (sic) et nonplus quantitative. Ne va-t-on compenser que les tritonsà la plus belle crête ? Plus ou moins ! De fait, sur les1 30 espèces protégées observées à la ZAD, seulesquatre font l’objet de compensation. La préfectureorganise sa com’ autour de ces minables déplacementsd’espèces, mais les arrêtés qu’elle prend concernentbel et bien la destruction des espèces qui sontsupposément protégées (sauf dans le cas où ellesgêneraient les intérêts d’une multinationalequelconque). Ces arrêtés sont des dérogations. Lapréfecture octroie le droit à Vinci de ne pas respecter laloi.

Très concrètement, si cette méthode est validée,c’en est fini de la loi sur l’eau. Il s’agit d’une sorte denouveau marché carbone, soit un droit à détruire aprèsle droit à polluer. Un coefficient est attribué auxdifférentes fonctionnalités de la zone en question.Schématisons, pour mieux comprendre : +5 pointspour la haie, +20 pour un habitat de capricornes,+50 pour le triton crêté, +100 pour la fonctionhydrologique d’épuration… Il ne reste plus qu’àtrouver une zone (pourquoi pas à quelques centainesde kilomètres de là) valant 175 points. Le tour est joué.

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L’écosystème est donc découpé : on isole certaines deses composantes que l’on ramène à un coefficientidentique. De telle façon qu’un lézard peut valoir unechauve-souris, une mare, 1 0 tritons marbrés… Et unezone humide en tête de deux bassins versants,quelques cultures transformées en prairies ! « Un êtrevivant est transformé en unité de surface », expliquentles naturalistes en lutte, avant de se demander : « àcombien de mètres carré estiment-ils la mort d’uneespèce ? » Le territoire n’est jamais considéré commeun tout cohérent, les différents éléments le constituantcomme étant connectés entre eux. Pourtant, le tout estbeaucoup plus que la somme des parties. Et il sera sansdoute à jamais impossible de déterminerexhaustivement les fonctionnalités d’un territoire.Cependant, des entreprises (comme CDC biodiversité)ont déjà flairé le juteux marché qui s’organise. Sortesde banques de biodiversité, elles font leur beurre enrachetant des terrains sans grande valeur pour yimplanter une mare et trois arbres. Elles revendentensuite le tout à des géants du BTP fascinés par lasimplicité du procédé. Les riches étendent leur droit àpolluer. En société capitaliste, tout se valorise, tout sevaut, tout s’échange, tout s’achète ! Pour le reste, il y aMastercard.

La commission scientifique mise en place après lesaffrontements de l’automne 2012 a rejeté cetteméthode de compensation, les coefficients et lesqualités prises en compte étant complètementarbitraires et minorés.

Les naturalistes en lutte, de leur côté, ont montré quenombre d’espèces rares et protégées, ainsi que desmilieux naturels de grande qualité ont été « oubliés »dans les relevés de l’entreprise Biotope. De toutefaçon, les compensations prévues n’ont rien à voiravec la richesse de l’écosystème de la ZAD. Quelquesmares et quelques hectares ont donc été rajoutés.Évidemment, la préfecture n’a pas pris le risque dedemander à la même commission de valider cesrajouts. Un groupe « d’experts » nommé par ses soinss’en est chargé. Nous voilà rassurés.

Cependant, si, dans le cas de l’aéroport du grandouest, le procédé est scandaleux, il ne faut pas s’arrêterlà. Car en effet, derrière l’ idée de compensation, onpeut mettre tout et n’ importe quoi… Et surtout ce quiarrange les bétonneurs. On retrouve bien sûr la penséeque chaque territoire est quantifiable et mesurable,mais également modulable (selon les intérêts de quivous savez). Hélas pour eux, Dame Nature nefonctionne pas ainsi. Elle n’est pas modifiable etaménageable à merci, et ne se laisse pas reconstruirede toutes pièces, malgré leurs fantasmes detoute-puissance. Chaque plaine, chaque forêt, chaquecours d’eau, chaque climat est unique. À un territoiredonné correspond un seul écosystème, nécessairementincomparable. Un écosystème ne se reproduit pas. Etdétruire de l’ inimitable, c’est fatalement le détruire àtout jamais, cela ne se compense pas. Bref, on en estrendu à rappeler des évidences : la nature n’est pasartificielle !

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détruire un écosystème ici

pour déplacer les espèces protégées d'un écosystème détruit là-bas !

« Compenser un espace naturel », c’est un oxymore,une contradiction dans les termes, rien d’autre que dela novlangue technocratique du pouvoir actuel tentantde nous faire croire que bétonner 2000 hectares n’auraaucun impact.

Par ailleurs, lorsqu’ils parlent de compensation, ilne s’agit jamais de « débétonner » : retirer une routepar ici, faire une forêt à la place d’une zoneindustrielle par là… (Sait-on seulement le faire ?)Donc là où on creuse une mare, il y avait quelquechose. La compensation ne concerne que des zoneshumides. « Reproduites » ailleurs, elles remplacerontd’autres zones, dont la biodiversité doit pourtant toutautant être préservée. Ainsi, outre le fait qu’il estimpossible de mesurer, évaluer, calculer, compter ouclasser les arbres, les animaux, les ruisseaux, le vent,pas plus que les rencontres, les liens, les désirs, bref, lavie qui constitue un territoire, cela n’est pas non plussouhaitable.

Plus fondamentalement, cette histoire decompensation est symptomatique de la vision dumonde des technocrates qui nous gouvernent.Symptomatique de la manière dont ils se représententla vie, les rapports humains, la nature, la politique. Carcette notion implique forcément celles demarchandisation et de contrôle du vivant. Ces gens-làne voient derrière chaque arbre qu’une feuille depapier, et derrière chaque individu, du capital humain.Ils pensent que tout est interchangeable, que leterritoire et les gens qui y vivent peuvent être

manipulés, rectifiés, déplacés, achetés et revendusselon les besoins de l’économie. Donc, s’ ils veulentrésumer nos vies et la nature à de simples calculs, c’estpour rendre acceptable et permettre leur effacement,leur table rase.

L’ idéologie néolibérale à l’œuvre ici s’applique àtous les aspects de la société : le pouvoir rêved’individus et d’espaces neutres, sans qualités, sanshistoires et sans liens, des pages blanches surlesquelles ils pourraient écrire à volonté. Pôle emploinous impose d’être flexibles, d’accepter n’ importequels horaires, d’être prêts à déménager à tout instant,etc. Quoi de plus normal, quand notre personne serésume à une grille de compétences sur un CV ?

Par ailleurs, cette inflation des règlementationssécuritaires et hygiénistes ainsi que l’ incessanteréduction de la complexité de la vie à des critèrescomptables contribuent à diffuser une certaine visiondu monde. Au bout du compte, nous finissons parpercevoir et concevoir le réel par ces catégories, et ànous y conformer de nous-mêmes. Accepter cettequantification généralisée, remplir leurs critères, c’estaccepter un mode de vie. Pour nous maîtriser etsurveiller, le pouvoir a besoin de nous faire entrer dansles cases étriquées de technocrates et d’expertsassoiffés d’argent et de pouvoir. Ils rêvent de masseslisses et uniformes, calibrées et formatées. Cette maniede vouloir résumer la vie à des chiffres ne sert que lesdominants pour nous contrôler, et l’économie, pournous rentabiliser. .

pour déplacer les espèces protégées d'un écosystème détruit là-bas !

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Rubr ique :les nécropo l isé-esde la nécrop l isat ion

Parce que la métropolisation ce n’est pas que l’attractivité et le grossissement effrénée desgrandes villes, qu’ailleurs, loin de leurs sphères d’influences elles arrivent quand même àimposer leurs diktats.Parce que la loi de métropolisation votée en décembre 2013 ne fera qu’aggraver lesdifférents phénomènes de concurrence territoriale même en dehors des zones urbaines.Parce que cette façon de penser le territoire, très urbano-centrée renie, annihile ettransforme de fait des modes de vie, des lieux, des cultures avec la bénédiction de l’état.Il nous a semblé intéressant d’aller voir là où la métropolisation se subit par ricochet.Voici donc la rubrique des nécropolisés de la nécropolisation !

La déser t i f ica t ion

La loi de métropolisation (ou loi de« modernisation de l’action publique territoriale etd’affirmation des métropoles » du 27 janvier 2014prétend donc favoriser une gestion équilibrée duterritoire en redistribuant les zones d’ influences et lesinstances décisionnelles. Parmi les outils donnés auxcollectivités pour mieux gérer leurs territoires (et àmoindre frais) il est entre autres prévues une certainecentralisation et concentration des lieux de pouvoirsautour des métropoles et des régions. La concurrenceentre ces zones étant apparemment la clef du succès,les régions qui n’ont déjà plus les moyens(institutionnels, démographiques, économiques…)d’entrer dans la courses vont devoir se vendre aurabais. Le mot désertification résonne particulièrementbien avec désertion. Désertion de l’action des pouvoirspublics par exemple moins de boulot, moins demonde, moins d’école, moins d’ infrastructures desanté… bref ; On ne fait plus la liste des choses moinsintéressantes à faire vivre pour si peu de gens, ou alorsce sont des pauvres pensez donc.. ils n’ont besoin derien. L’attractivité d’une région ne s’adresse pas à seshabitants mais à ceux qui pourraient y apporter leursrichesses. Certes c’est pour tirer leur économie vers lehaut comme on dit. . mais qu’en est il des régions quine mettent rien en vitrine ?

Beaucoup d’entre nous ont entendu sur les bancsde l’école parler de « la diagonale du vide française ».Cette grosse bande plus claire qui barrait la carte et sijoliment susnommée nous enseignait qu’il y avait desrégions vides de peuples et de travail…où ce rêve demodernité si cher au XXe siècle n’avait donné qu’unegueule de bois tenace à ces quelques résistants.Certaines de ces régions ont su rattraper le train del’attractivité en route qui par le tourisme, par ledéveloppement de grosse industries polluantes (c’estbeaucoup plus facile quand il n’y a plus personnepour râler. . .). .

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Rega rd su r l a s i t u a t i o ndans l es A rdennes

Ce texte est écrit à partir d'une série de questionsauxquelles ont répondu quelques Ardennais. Le but dece texte est de voir comment des personnes qui viventen zone désertifiée ressentent l'impact des métropolessur leur vie. Je me suis permis de sélectionner desréponses et de les agencer dans ce texte. De plus il y ades réponses à des questions qui n'ont pas été posées,je les ai utilisé pour écrirel'intro et la présentationdes Ardennes.

Quand on parle desArdennes, en tous cas desArdennes francaise, à desnon ardennais il y a deuxtypes de reponses :

Chouette coin où il faitbeau et bon vivre, là vousêtes soit tombé sur unancien ardennais, soit lespersonnes confondentavec l'Ardèche, faut direles Ardennes peu depersonnes connaissent,personne n'en parle, et cen'est pas une destination de voyages.

Ou alors la réponse tournera autour de cette zone oùil pleut toujours et s'il pleut pas alors c'est que c'estpour bientôt puisque le ciel est gris.

Bon OK les Ardennes c'est pas la Provence.. . Maissi les Ardennes ont une si mauvaise réputation ce n'estpas juste le climat ! Déjà quand on pense Ardennes (etMeuse) on pense à la guerre, aux tranchées, et à laboue dans ces tranchées, d'ailleurs c'est ce que nousdisent les livres d'histoire ou nous montre les films surla guerre, etc. Et si on remonte plus loin dans le tempson voit des sorcières, des loups, etc. Bref les Ardennesce n'est jamais présenté comme un endroit où il feraitbon vivre, d'ailleurs est-ce un endroit où des personnesvivent ? Certains cantons des Ardennes ont été classé« zone à déclin irréversible », traduction : les habitantspartent et on ne peut rien faire pour vous.. . Faut direqu'il y a près de 3 habitants qui quittent le départementpar jour. Mais qu'est-ce qui est fait pour que despersonnes restent ? Rien, bien au contraire. On auraitpu imaginer une action de l'état ou de ses structurespour faire en sorte que le territoire soit attirant,dynamique, etc. Mais c'est le contraire qui est fait, envoici quelques exemples.

1 La destruc t ion des secteurs d 'ac t iv i tés

Les différents secteurs de productions des Ardennessont ou étaient : l'agriculture, l'industrie (principale-ment métallurgique), et les forêts.

L'agriculture, comme à beaucoup d'endroit, a subitun mouvement de diminution du nombre

d'exploitations, et unagrandissement de celles-ci. Dans les Ardennes, ouen tous cas dans le suddes Ardennes, cemouvement est doublépar le rachat des terrespar des exploitations pluslointaines (de laChampagne) et plusriches, ces terres sontutilisées comme prairied'engraissement pour desbêtes à viande, ce quidemande peu de sur-veillance et d'autantmoins de main d'œuvre.

Résultat : le nombre d'agriculteurs dans les Ardennesest passé de 5542 en 1988 à 3 000 en 2010.

Les industries, nul besoin de le préciser, ont commepartout fermé leurs portes malgré des luttes longues etdures, dans le courant des années 70-80-90-2000.

Quand à la forêt et au bois, les grumes extraites desforêt Ardennaises sont destinées à l'exportation(question de rentabilité) et toute la filière du travail dubois en pâtit : fermeture des scieries. De plus desgrosses entreprises d'autres régions s'occupent de lacoupe des arbres, elles arrivent avec des machinescapables de pincer, couper ébrancher, et sortir un arbreen un temps record ce qui mène à la disparition desbûcherons. Avec toutes l'exploitation forestière qui estfaite il n'y a pas de retombée économique locale, car lepeu d'argent que rapporte la vente des arbres sur piedrevient à l'ONF donc à l'état. (l'industrie du bois dansles Ardennes pourrait créer 10 000 emplois sur lesArdennes si tout était exploité sur place et par desautochtones).

Face à ces exemples on voit comment les Ardennesont été, et sont appauvries et laissées pour compte.

« 104 200, c'est le nombre depersonnes venues s’installer àNantes Métropole entre 2002

et 2007, date du dernierrecensement. 81 500 de ces

nouveaux arrivants (actifs pour57%) viennent de l’extérieur du

département. »

au j ou rd 'hu i :

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La fermeture de ces structures mèneinexorablement à la fuite des populations : les jeunespartent faire leurs études, et leurs formations dans desvilles et, comme il n'y a pas de travail dans lesArdennes, ils n'y reviennent pas. De plus on imaginemal des personnes venir s'installer dans une zone où lepremier hôpital/maternité se trouve à plus de 50Km,où les commerces comme les moyens de transportferment. On imagine mal des investisseurs et desentreprises s'installer dans la zone qui leur est pourtantréservée à Buzancy lorsque l'on sait qu'il n'y a pasl'adsl, ni de réseau de téléphonie portable. . . LesArdennes c'est une zone où l'état se désinvestit depuisplusieurs décennies mais où il empêche les habitantsde s'auto-organiser.

Les personnes qui ont répondu aux questionnairesne sont pas dupes du mouvement qui est en place : lesmétropoles, par leurs volontés d'agrandissement et decentralisation (du pouvoir, du travail, etc), attirent lespopulations des campagnes vers elles, ce qui leurpermet de se développer au détriment d'autres. Cecicrée des zones vides, fragiles, enclavées, isolées et oùaucun brassage social et culturel n'existe puisquepersonne ne vient s'installer ou même passer un temps.Des zones pauvres aussi puisqu'il n'y a pas d'emploi.

2 la des truc t ion des serv ices pub l iques :

La destruction des services publiques passe parpleins de choses : c'est autant la fermeture des écoles,des collèges et des lycées, que la fermeture des postes(avec une réduction des distributions de courriers à1 jour sur 2), que la fermeture des hôpitaux et desmaternités. Il n'existe, dans les Ardennes, plusd'hôpitaux strictement publics ; certains servicesn'existent que dans les cliniques privées et des accordsont été signés avec elles pour que certains soins ysoient faits (service ophtalmologique par exemple).Pour que ces services soient accessibles à tous c'estl'hôpital qui paye le dépassement d'honoraire fait parles cliniques. C'est un gaspillage d'argent public, etcrée une obligation de passe par le privé ce qui n'estpas normal. Pour finir sur les soins et les hôpitaux :l'Insee a rendu un rapport révélant que l'espérance devie des femmes dans les Ardennes est inférieure d'unan à la moyenne nationale et 8 mois pour les hommes ;les raisons avancées sont les difficultés d'accès auxsoins !

Pour ce qui est de la fermeture des écoles, lespouvoirs publics parlent de ré-ouvrir des internatsobligatoires pour les collégiens et des élèves dematernelle vont devoir faire 3h de transport scolairepar jour.

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- Pour finir comme des zones de culture pour lesusines agro-alimentaire dans le but de nourrir leshabitants des métropoles.

Tandis que les métropoles cherchent et se vantentd'attirer toujours plus de population, des zones enpâtissent. Cette attraction est montrée comme quelquechose de positif dans l'histoire des métropoles, maisaussi présentée comme une forme de progrès etd'amélioration sociale et économique. Ceci montreaussi l'hégémonie des métropoles sur le territoire, ellessont devenues les seuls espaces d'intérêt et c'est pourcela qu'il y a pour projet de leur donner plus depouvoir décisionnel et de gestion. Les lois sur lesmétropoles et le projet de loi sur la régionalisationvont dans ce sens : d'un coté, faciliter la création demétropoles d'un point de vue juridique et l'autre tend àorganiser tout le territoire autour des métropoles,chaque région comportera une métropole qui gérera unensemble de service et pouvoir qui jusque là était gérépar les régions et l'état. Une partie des décisions quiregarde tous le territoire régional sont donc prises parune structure dont les gestionnaires sont élus par lesdifférents conseils municipaux des dites métropoles.Encore une fois, on voit comment c'est encore desterritoires abandonnés qui vont pâtir des choix desmétropoles.

De plus, depuis quelque temps les métropoles envoientleurs propres pauvres dans des zones désertifiées,comme des demandeurs d'asile de Nantes qui ont étélogés à 600 km de là. . . dans les Ardennes. Les retoursqu'ont fait les personnes sur le futur de leur territoiredans les 30 prochaines années balancent entre :

- Un partage du territoire en deux, avec d'un cotéune zone de concentration de pauvres et de personnes« non rentables », et d'un autre des espacestouristiques tel que le « parc naturel régional ».

- Ou encore une poubelle géante pour traiter lesdéchets que produisent les métropoles ainsi que lesdéchets dangereux (déchets nucléaires, dedémantèlement des centrales, de la pétrochimie, etc)cette hypothèse vient de la présence du centre destockage de déchets nucléaires (contesté) de Bure dansla Meuse (département voisin et dans la mêmesituation) ainsi que le projet de FPA « gestion desdéchets dangereux » à Vouzier.

- Ces campagnes sont aussi vues comme desréservoirs d'eau. Eau potable pour les métropoles ; unepartie de l'eau pour Paris est déjà pompée dansl'Argonne (région géologique entre les Ardennes et laMarne). Mais aussi réservoirs d'eau pour réguler ledébit des rivières comme la Meuse (avec un projetd'inonder une vallée pour réguler son débit), ou encorele projet de barrage sur l'Aisne pour réguler le débit dela Seine.

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Vitesse :la cap itu la t ion du tempsSu i t e e t f i n . . . e n f i nVitesse et transports : mais où veulent–ils donc nous emmener si vite ?La vitesse et l'accélération sont des concepts très présents dans le domaine des transports.L'augmentation du nombre de lignes TGV avec une nouvelle génération de rames, ledéveloppement du transport aérien, à Nantes, les nouveaux « chronobus » et lestram/train, les nouvelles autoroutes et les nouveaux périph, sont autant d'exemples de lavolonté d'accélérer le transport et le déplacement des humains sur le territoire. Ledéplacement n'est pas forcément lié à la notion de voyage.Le plaisir de voyager, pour l'aventure et la découverte, est une chose. La nécessité de sedéplacer le plus rapidement possible en est une autre. Avions, TGV et autoroutes ne sontsouvent rien d’autre qu’une réponse à cette autre nécessité, déliée de la notion de voyageproprement dite (parcourir le plus grand espace dans le moins de temps possible) .

Pourquo i vou lo i r a l l e r s i v i te ?Que ce soit sur de courtes distances ou à travers le

monde, cette volonté d'accélérer le temps répond àplusieurs besoins :

- rentabiliser le temps au sein même du travail.- rentabiliser le temps de transport des

marchandises.- pour le travailleur, compresser les distances afin

de gagner de ce temps laissé libre par le travail.

Le besoin de vitesse est donc lié aux besoins d'unsystème, d'une part dans une optique de rentabilité, etd'autre part pour optimiser les « temps libres ».

La v i tesse pour le système :une h is to i re de pet i ts sousLe déplacement des objets.

Le système capitaliste pour créer de la richesse abesoin que des objets, de la matière ou des produits sedéplacent dans un temps contrôlé sur des grandesdistances à travers le monde.

Il est très rentable de faire produire des pièces auxquatre coins du monde, pour finalement les assemblerdans un endroit très éloigné des autres et bien que cesoit relativement récent, ce modus operandi nesurprend plus personne.

L'objet fini repart alors ailleurs dans le monde afind'y être vendu ; puis parfois, revendu à l’autre bout dela planète avant d'être enfin utilisé. . .

Malgré cette multitude de transports d'objetsmanufacturés, ce système de production restecependant plus rentable - financièrement parlant -qu'une production qui se ferait entièrement au mêmeendroit.

Regardons en détails ces déplacements (cesopérations sont à multiplier par le nombre de matièrespremières utilisées pour la construction de l'objet :Si un objet contient du plastique, de l'acier, de l'alu,des composants électroniques, du bois, etc. . . , il faut,pour une grande partie des cas, multiplier par autant lenombre de ses déplacements):

- Une matière est extraite du sol (pétrole, minerai).- Elle est transportée vers une zone de

transformation parfois très éloignée pour son raffinageou même tout simplement son stockage.

- Elle est ensuite réexpédiée pour être transforméeailleurs en un élément d'une pièce.

- Il faut alors transporter les pièces obtenuesjusqu'à la chaîne d'assemblage.

- Ce même objet assemblé, bien souvent, peut êtrerenvoyé vers une autre chaîne d'assemblage éloignéecomme pour la fabrication d'avions ou autres objetscomplexes.

- Puis, s'il est emballé et conditionné sur place, ilest ensuite transporté vers les pays ou les régions où ilsera vendu.

- Le premier acheteur « en gros » re-transporteencore l'objet vers des magasins si ce n'est versd'autres grossistes.

- L'objet en magasin est vendu et il va être unedernière fois (?. . .) transporté vers l'endroit où il vaenfin servir. . .

Combien de kilomètres a fait cet objet avantd'arriver à sa destination finale ? Difficile à dire. . . maisbeaucoup. Et la somme de kilomètres parcourus pourqu'un ordinateur, par exemple, arrive assemblé dans unfoyer est tout juste inimaginable ; plusieurs fois le tourde la terre de toute évidence !

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Printemps 2014 - Nantes Nécropole - 25

Alors comment cela peut-il être rentable ? Pardifférents moyens tous âprement négociés ! Ils vont del'exploitation d'une main d'œuvre peu chère à l'autrebout du monde, à une forme de spéculation sur lestemps de transport. Ce dernier revêt une importancecruciale pour la bonne marche du capitalisme quiexige une rentabilité sans cesse vue à la hausse : lafameuse croissance économique. Les points de vueécologiques et humains ne sont plus alors que desdétails.

Si un ordinateur était entièrement produit en France(ce qui réduirait bien sûr ses coûts de transport), auregard des lois sur les salaires et les conditions detravail, celui-ci coûterait bien trop cher pour être aussirentable. De plus avec les lois européennes surl'environnement, ce serait tout bonnement impossible,la production de certaines pièces étant tellementpolluantes qu'elle ne pourrait les respecter. Nousparticipons donc activement à la destruction del'environnement dans d'autres parties de la planète,ainsi qu'au maintien de l'exploitation scandaleuse desgens qui y travaillent. La comparaison entre nossociétés occidentales si fières de leurs avancéessociales et environnementales et le chaos qui règneailleurs mène pourtant bien souvent à un constatdéplorable.

Les trava i l l eurs dép lacésou en dép lacement

Le déplacement rapide des travailleurs est aussi trèsimportant pour la rentabilité.

Certains sont déplacés loin de leur lieu de vie àtravers la France, l'Europe, voir le monde. Cela estsouvent en fonction de leur spécialisation (avec uneprime de déplacement en sus. . .). Leurs rôles au sein ducapitalisme est très important, surtout depuis lamondialisation et la décentralisation des entreprises.Soit ils représentent une main-d’œuvre hautementqualifiée, soit ce sont des technocrates, des hautsfonctionnaires ou hommes d'affaires plus ou moins« hauts-placés ».

Une deuxième catégorie de travailleurs déplacésest-elle dans une tout autre situation : celle deshommes et femmes quittant leur lieu de vie pour causede misère dans leur pays ou région. Ils fournissentchez nous une main-d’œuvre bon marché, les loisinternationales n'y trouvant rarement à redire. Ellessont d'ailleurs souvent modulables à volonté suivantles intérêts des grosses entreprises. . . Pour peu que cesmigrants n'aient pas de papiers et qu'ils soient donc ensituation irrégulière, leur précarité les rendra d'autantplus exploitable pour le capitalisme sans vergogne !Leur situation au regard de la loi servira de levier etmoyen de pression, transformant leur statut detravailleurs en celui d'exploités muselés, voir et c'estloin d'être rare, d'esclaves. Quant au rêve de rentrer aupays les poches pleines, celui-ci s'éloigne bien souventpour ne plus revenir. . .

Mais qu i a donc beso in d 'a l l e r s i v i te ?Le déplacement des individus « lambda » :

Considérant qu'en moyenne un travailleur dépensele tiers de sa vie sur son lieu de travail, il lui en restepeu pour se consacrer aux autres centres d'intérêtsauxquels il est en droit de souscrire. La vitesseacquière donc de ce point de vue une importancecruciale, chaque déplacement (loisirs, travail, ou autre)pouvant être perçu comme une perte de temps. Que cesoit en voiture, en transports en commun, en avion ouen train, le coût du déplacement représente alors unepart non négligeable d'un salaire moyen et a vite faitde rogner sur les autres dépenses du quotidien et desloisirs.

A Nantes le voyage en transport en commun coûte1 ,50€ (2€ si le ticket est pris dans le bus), unepersonne faisant quatre voyages par jour doit doncpayer 6#, soit près d'une heure de travail payé au smic.Le prix des autoroutes, comme celui du train augmenterégulièrement.

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26 - Nantes Nécropole - Printemps 2014

Les arguments justifiant ces augmentations sonttoujours les même : la modernisation, la mise en placede services plus rapides, plus sûr, plus attrayants, etc. . .

Pour pouvoir aller plus vite on nous fait payer pluscher, donc pour optimiser notre temps libre (non prispar le travail) on nous oblige à travailler plus. . .

Le déplacement des personnalités :

Les personnalités politiques sont en perpétuelmouvement, d'une réunion à Bruxelles à 15h ilsdoivent être de retour à Paris pour un communiqué depresse à 19h. Il se passe quelque chose sur leterritoire ? Un ministre (et sa cohorte) se déplacentdans la journée ! Mais avec leur fameux planning (deministre) pas le temps de rêvasser dans le train, onprend voiture, TGV, avion ou hélicoptère. Leursprésences sur le terrain outre rassurer une partie de lapopulation, justifie leur existence et leur importance.Ils ont besoin de se faire voir partout donc d'optimiseraussi leur temps de transport. Ils ont besoin d'aller vite,que ça aillent vite, et qu'il n'y ait pas de problèmes.. .

Voyages tour is t iques :d 'un po in t à un au tre , tou jours la mêmechose ?

Lorsque nous parlons de déplacement, d'avions etde TGV cela évoque le voyage.

Le voyage serait le moyen de se rendre dans unautre espace ou il se passerait autre chose qu'ici. Onparle du melpoting culturel, la rencontre entre lescultures, on parle de rencontre entre les gens, on parlede découverte, d'échanges, etc. . . comme tout cela estalléchant !

Mais en général, le voyage, inclus dans lesvacances, est lui aussi complètement pris en main parle capitalisme. Déjà il est compris dans un espace-temps : les vacances, qui ont un temps limité.

Il n'est pas possible, de prendre autant de congésque l'on veut. Le temps du voyage est souvent tropcourt et même si on sort des lieux de villégiatures il nepermet qu’un survol stéréotypé des cultures

« locales », les rencontres avec les habitants ne se fontprincipalement que dans les cadres marchands durapport touristique. Le charmant dépaysement ne doitpas venir perturber le salvateur « changement d’air ».Dans une optique de réduction des problèmessupposés, les rencontres avec les populations localessont de toute façon rarement privilégiées par lesvoyagistes, ou alors très encadrées. L'agence devoyage ou le « guide du routard » à souvent toutprévu : le trajet jusqu'à l’hôtel, les menus, les visites desites, le lieu de villégiature pas trop dépaysant

Bref c'est un voyage clés en main où tout est prévu,prévisible et lisse. On part d'un aéroport pour arrivedans un autre, semblable en de multiples points(enseignes de distribution de boissons, marchandisesdédouanées…) mêmes systèmes de contrôle despapiers et des identités, même bâtiments géants où despersonnes transitent courantes ou errantes dans desespaces anonymes.

Dans les pays à fort attrait touristiques on pourra,avec un taxi, se rendre dans un hôtel de la mêmeenseigne que celui qu'on a quitté la veille avant deprendre son vol, où on pourra, si on le désire, trouverla même nourriture.

Du voyage il ne reste que le changement depaysage et de langue (souvent l’anglais). Ce qu'ilapporte au voyageur, mis à part les cartes postales d'unexotisme édulcoré, se réduit hélas trop souvent auplaisir narcissique de dire « j 'ai fait le : (la destination),c'est beau et il y faisait chaud ». Quelque photos pourprouver et pour ne pas oublier, les liens et les échangesse font avec les autres touristes le temps des vacancesLes différences de cultures resterons ce qu'elles sont etleur partage quasi inexistant. L'histoire des personnessera tue, voilée car généralement trop dérangeante,l’emmerde des gens au quotidien ce n’est pas un sujetde détente…

Les privilèges des classes aisées sera alors degagner en temps (et en distance) en prenant l'avion,tandis ce que d'autres se contentent du train, du bus ousimplement de rien.

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Ce type de voyage-consommation, le plus courant,répond lui aussi à un besoin d'urgence : l'urgence dechanger d'air, de quitter son quotidien et le paysagehabituel, urgence paradoxale d'oublier qu'on a pas letemps, urgence de croire qu’on ne fait pas que bosseret qu’on a peu de choix, urgence de s'éloigner du froid.Bref, notre société étant ce qu'elle est, nous réagissonsalors à l'urgence du rêve, de l'illusion.. .

Le fait pour les vacanciers de se retrouverensemble, apporte à l'endroit sa propre valeur : cettesurabondance de vacanciers n'est-elle pas la preuve dela valeur de l'endroit ? Cette concentration est aussibien rassurante pour le citadin, autant que la prise encharge sur laquelle il s'appuie opportunément. . .Lorsque l'espace atteint son taux de saturation, unautre est investi. De nouvelles structures d'accueil sontconstruites et de nouveaux espaces marchands sontouverts.

C'est très intéressant pour le capitalisme de pouvoirgénérer de l’attraction sur un territoire. Cela permetd'y installer des infrastructures touristiques et donc degénérer dans un premier temps d'immenses chantiersde constructions. . . Ces infrastructures (stationsbalnéaires sur la côte, stations de ski ou de randonnéesen montagne, etc. . .) sont ensuite envahies par la fouledurant les vacances (. . .et souvent désertées le reste dutemps) ; et ne l'oublions pas, les déplacements généréspour s'y rendre sont eux aussi sources de profits, carlorsque tout est synonyme d'argent, de rentabilité, rienne se perd, tout est optimisé, rationalisé.

A qu i pro f i te le cr ime ?

Comme on le voit, tous ces différents déplacementsrapides répondent aux besoins du capitalisme quidiligente nos vies et nos sociétés.

Le besoin de maintenir des flux de marchandisesqui permettent l’existence de grosses plates-formes deproduction. Le besoin de permettre aux entreprisesd'investir dans des contrées très éloignées, le besoinque les travailleurs-euses puissent oublier au moinsquelques temps leur quotidien, etc. . .

Conc lus ion

Le capitalisme tire des profits sur toute la chaîne.De l'exploitation du travail au vol du temps, del'organisation du temps libre à l'urgence dudéplacement, du lieu de déplacement à l'aménagementde l'espace. Les flux qu'ils soient humains, matériels,ou alimentaires sont pour lui autant de sources derevenus et de développement. Mais pire encore c'estaussi pour lui un moyen de contrôle et de gestion : lesdéplacements et leurs volumes sont prévisibles, ce quefait la population est connu, ce que font les individusest maîtrisable. Bref c'est une mécanique bien huilée,rodée et avec un risque très réduit. La normalisationdes consciences, comme celle des envies, des actes etdes gestes est d'une importance capitale pour lecapital. Il tire autant de profits du temps travaillé quedu temps non travaillé. Et quand on cherche a nousvendre de nouvelles infrastructures de transports(autoroutes, lignes LGV, aéroports, etc), l'excuse esttoujours toute trouvée : c'est pour notre bien être, pourque l'on puisse découvrir la monde (voir les pub de lasncf partout en France, celles de la tan à Nantes, etc. . .)ou alors plus simplement, pour créer du travail et de larichesse (croissance). Après nous avoir mis en cageune bonne partie de l'année, on nous vend (cher) untemps de pseudos liberté. .

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Mots cro isés

1 . Expansion (2 mots)2. Tel la valse3. Se dit de planche. Ex DCRI4. Loi. Lettres de raideur. Couleur5. Lieu. Caractère. Pauvre pour les uns, profiteurpour d'autres6. Sous les Alpes. Telles les renardes7. Groupe politique radical qui s'est fait retourner.Déviation8. Règle. Mot d'enfant. Anneaux de cordage9. On se fait inculper pour ça quand on nous lefait à l 'envers. Transporteuse1 0. Espèce de grenouil le (suite de lettresimprobable en français). Suspendu retourné11 . Religieuse. Intel l igence rêvée par certains.Refus. Pronom personnel.1 2. Situé chez le notaire. Fruits souvent secs etretournés. Étêtas

HORIZONTAL

A. SuppressionsB. Forte croyance dans ses idées. Bien quemélangé accordC. Accorde. NéantD. Jeu. NeE. S'entend dans l 'arène de bas en haut. Arrêtés.F. Idéalement retourné. Aller-retourG. Initiation qui peu se faire avec de la drogue etla tête en bas. Chant d'entrée de messeH. Cassent. Beaucoup retournéI . Façon de tirer un bateau. Liquide mélangéJ. Alternatif (faute d'orthographe, ne pas prendreen compte la lettre de la 3eme case)K. Route. Viei l les Peaux. Refus d'un voisinL. Expulsion de son espace physique et socialM. Paresseux. Se mouil le. Occît par en basN. Enerve. Erudit musulmanO. Mot raciste pour nommer certaines personnes.Vinaigre.

VERT ICAL

Aide à celles et ceux qui ne s'en sortent pas. . .

pourtouteslesdéfinitionsquicontiennent:retourné,àl'envers,latêteenbas...lesmotssontécritsàl'enversdanslagrille.