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« Sols et fondations » Technique, pathologie et réparation 116 e table ronde jurisprudentielle - UIC (Paris), 20 mai 2005 -

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« Sols et fondations » Technique, pathologie et réparation

116e table ronde jurisprudentielle

- UIC (Paris), 20 mai 2005 -

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Sols et fondations : technique, pathologie, réparation 2

UIC, Paris – 20 mai 2005

SOMMAIRE

PREVENIR ET GUERIR ........................................................................................................................ 3 Les ruptures et déformations des terrains............................................................................................. 4

Cassure des sols....................................................................................................................................4 Liquéfaction des sols..............................................................................................................................4 Autres ruptures provoquant des accidents graves : les phénomènes de pression ...............................5 Les déformations....................................................................................................................................5

Les traitements des sols ....................................................................................................................... 6 Les techniques de fondations ................................................................................................................6 Autres méthodes de traitement hors pieux : consolidation atmosphérique ...........................................9

Les solutions de dépollution des sols ................................................................................................... 9 Dépollution du stade France ..................................................................................................................9 Autres techniques de dépollution .........................................................................................................10

Echanges avec la salle ....................................................................................................................... 10

PROBLEMES DE FONDATIONS : CE QUE LES MAGISTRATS ATTENDENT DES EXPERTS..... 13 Les qualités du juge ............................................................................................................................ 13

Le juge est un ignorant.........................................................................................................................13 Le juge a des oeillères .........................................................................................................................14 Le juge ne connaît que ce qui ne marche pas .....................................................................................14

Echanges avec la salle ....................................................................................................................... 14 Importance de communiquer ...............................................................................................................14 Répartition des coûts du procès...........................................................................................................15

ROLE DES COLLECTIVITES PUBLIQUES ....................................................................................... 17 Les qualités d’un bon expert selon le juge.......................................................................................... 17 Sols et fondations dans les dommages de travaux publics ................................................................ 18

Raisonnement du juge : faute ou causalité ..........................................................................................18 Catégories des dommages ..................................................................................................................18

Précisions ........................................................................................................................................... 19 Le fait du tiers.......................................................................................................................................19 La vétusté.............................................................................................................................................19

Echanges avec la salle ....................................................................................................................... 19

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Sols et fondations : technique, pathologie, réparation 3

UIC, Paris – 20 mai 2005

JEAN-XAVIER LOURDEAU Président du CREAF Ile-de-France

En collaboration avec la Compagnie des experts architectes près la cour d’appel de Paris (CEACAP), la Compagnie nationale des architectes experts près des juridictions judicaires et administratives (CNAE-JJA) et la Compagnie des architectes de copropriété (CAC), je suis heureux de vous accueillir à cette 116e table ronde (un chiffre qui démontre le souci de formation et de dialogue du CNEAF depuis de nombreuses années), en associant cette fois-ci à la discussion ingénieurs et experts. Le thème choisi, sols et fondations, exige de nous d’avoir les deux pieds bien ancrés. J’ai choisi l’image du mariage, facile à comprendre : d’un côté se trouve le sol, assez mystérieux malgré les moyens d’investigation actuels, et de l’autre côté la construction, faite de main d’œuvre et de matériel. L’enjeu est de marier ces deux parties dans la durée, en évitant la crise. Jean-Marie Cognon nous proposera une promenade instructive sur ce qu’est un sol, sur ses réactions imprévues, et sur les moyens de « rabibocher » un ménage qui tend à se séparer... Jean de Keating Hart nous donnera son point de vue de vice-président au tribunal de grande instance. Christophe Wurtz nous fera part de la façon dont les juridictions administratives envisagent le traitement des litiges sur ce sujet. Enfin, Madame Lardet, de la Cour de Cassation, sera, bien entendu, soumise à un feu de questions nourri !

Prévenir et guérir

JEAN-MARIE COGNON Ingénieur ECP – Directeur MENARD SOLTRAITEMENT

Je vous expliquerai comment un terrain peut se casser, pourquoi il se déforme, et que faire en cas de rupture. Excepté en Bretagne, où les sols sont bons, il se peut qu’ailleurs, le constructeur ait affaire à un terrain de mauvaise qualité. Dans ce cas, ses solutions sont de le remplacer, d’y enfoncer des pieux ou de transformer le mauvais terrain en bon terrain ! Un terrain difficile sur du mauvais sol peut conduire, même après réparations, à des surprises, comme dans le cas de cette école qui, 10 ans après les réparations des fondations du bâtiment (translation de la répartition de la charge sur des pieux extérieurs), avait vu sa cour d’école se tasser d’1 mètre. Toutes les solutions ne sont donc pas idéales : ajouter des pieux de soutien ne fait parfois que translater les fondations sur un système d’ouvrage aussi fragile. Certains systèmes de réparation à la « va-vite » ne prennent pas en compte l’ensemble du problème.

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Les ruptures et déformations des terrains

Cassure des sols

Un terrain ne peut se casser qu’en raison d’une rupture provoquée dans le sol le long d’un cisaillement, d’une surface de glissement le long de laquelle le terrain « tombe » (glissement de terrain). Sur des sols mous, la rupture peut être complète et dans le cas d’un remblai, par exemple, obliger à recommencer tout l’ouvrage. Ce n’est bien souvent pas un accident grave mais un incident extrêmement coûteux. Les camions qui remblaient exercent une contrainte sur le terrain mou : ce dernier « s’échappe » alors où il peut, en bourrelet (sur le modèle de la pâte à dentifrice, une analogie parfaite s’agissant de la mécanique des sols !) : il est possible d’empêcher le bourrelet de se former en alourdissant les échappatoires possibles avec de la terre, mais cette solution ne fait que déplacer le problème (jusqu’à la mer parfois !).

Liquéfaction des sols

La liquéfaction des sols est un autre type de rupture du sol, plus difficile à prévoir, dangereuse et très rapide. Elle intervient en cas de séismes (en France, seul le sud de la Métropole et les Antilles sont concernés). Un sol sableux, composé de grains et d’eau, est dans son état normal à l’état lâche (terrain peu serré, grand indice des vides) : si lors d’un déplacement, le terrain est cisaillé, l’eau monte en pression entre les grains qui se déplacent ; si la pression n’a pas le temps de s’évacuer, elle sera telle qu’elle soulèvera les grains, qui ne seront plus du tout en contact : il y aura liquéfaction, c'est-à-dire effondrement instantané de la structure.

Ces deux types de ruptures (cassure et liquéfaction) ne font que des incidents mais engendrent de grosses réparations financières.

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Autres ruptures provoquant des accidents graves : les phénomènes de pression

Dès la survenue d’un problème hydraulique dans le sol, plus rien n’est maîtrisé. Le cas du port de Nice montre comment un gravier communiquant en profondeur avec le Var en amont se gorge d’eau douce. Des échanges se font entre l’eau de mer et l’eau douce selon le principe des échanges de pression. Mais en 1979, à la suite d’un tsunami, l’eau de mer se retire brusquement augmentant fortement le gradient hydraulique (la pression dans les graviers n’avait en effet pas changé) : le sol s’effondre. L’eau est invisible mais il faut s’en méfier : elle continue de circuler.

Source : MENARD SOLTRAITEMENT

En Californie, la rupture d’un barrage a ainsi fait 300 morts, l’eau s’étant déplacée dans les endroits perméables et montant ainsi en pression dans le flan de la montagne (infiltrations), loin en aval, finissant par provoquer la rupture de la paroi. Dans une fouille, le même problème se rencontre à plus petite échelle. Un autre accident grave est celui d’un remblai qui bouge entre des pieux, incapables de fonctionner en sens transversal : un pieu n’a souvent pas d’autre effet que celui d’une allumette.

Les déformations

La déformation à l’infini est la cassure de sol (évoqué précédemment). Les déformations plus petites, au sens général, concernent le tassement de terrain de quelques centimètres (1 pouce pour les Américains (2,5 cm) et 1,5 cm en France). Mais à la différence de la déformation d’un pont qui ensuite se remet en place, la déformation d’un terrain n’est pas réversible. Le phénomène de déformation d’un sol est dû au fait qu’un sol subissant une charge voit le vide entre ses particules diminuer, aucune force inverse ne venant compenser ce tassement.

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Un tassement de sol n’est donc pas élastique : sa déformation est à 90% plastique et définitive malgré les dires des ingénieurs (la formule de mécanique des sols de Boussinesq en l’occurrence n’est pas valable mais elle est usitée et il faut composer avec elle).

Source : MENARD SOLTRAITEMENT

Les traitements des sols

Les techniques de fondations

Jadis, comme l’illustre la célèbre tour de Pise, les déformations importaient peu ! Aujourd’hui, face à une situation de tassement, plusieurs solutions sont envisageables : - reconstruction de l’ouvrage en parallèle (comme le font les Américains !...) - rehaussement de l’ouvrage comme Notre-Dame de Guadalupe à Mexico : le bâtiment, enfoncé de 3,5 m fut re-soulevé à l’aide de poutres et de vérins en trois mois et demi, sans difficulté. - technique du jet grouting : une petite sondeuse envoie de l’eau et du ciment dans le terrain ; le jet tourne lentement mélangeant la terre à l’eau et au ciment de sorte à obtenir un « béton de terre ». Cette technique est efficace, elle use d’un petit matériel, et elle est adaptée à n’importe quelle fondation : c’est un procédé passe-partout, de double origine (entrepreneur italien et matériel japonais) et désormais pratiqué par des entreprises françaises.

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Source : MENARD SOLTRAITEMENT

- ground water control : technique peu utilisée en France, elle consiste à injecter de l’eau dans le trou creusé et étanchéifié dans le fond et à insérer de l’eau à 3 bars de pression ; elle permet la construction d’un immeuble de 30 étages ou d’un pont sans fondation ! Le pont de l’Ecco en Italie, sur l’autoroute des grands lacs, aurait nécessité des pieux de 80 mètres : or, une autre technique consiste à réaliser une paroi à 35 mètres, un bouchon de 5 mètres et à remplir d’eau. Le pont est ainsi posé sur « Archimède » et le travail peut s’effectuer avec un pourcentage d’erreur de 1,01. - CMC : au lieu de descendre des fondations en éléments préfabriqués de 12 mètres à 48 mètres de profondeur dans des sables très dur (en faisant du pré forage), une solution CMC (colonne à modules contrôlés) peut être retenue pour traiter la partie haute mauvaise (pas le sable) ; le poids de l’ouvrage passe à travers le premier système et se répartit dans le sable, sans continuité de fondation. Seuls 2 centimètres de tassement ont été constatés. - inclusions de colonnes de béton : cette dernière solution, très à la mode ces dernières années, n’est mise en oeuvre que depuis peu, bien que les Chinois y recourent depuis longtemps ; elle consiste à injecter du béton très rigide ou des CMC dans le fond, en laissant du terrain entre les colonnes ; ce type de fondations, recourant à un nouveau calcul, est une solution économique (pas de semelle ni de poteaux) et invite la contrainte à s’exercer sur ce qui est raide et non sur ce qui ne l’est pas. Les inclusions en mortier (qui ne touchent pas le haut) ne descendent pas jusqu’en bas (à la différence des pieux) ; ce système, à condition d’accepter un léger tassement, fonctionne correctement.

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Ce procédé se réalise à l’aide de tarières à refoulement, qui ne sortent pas le matériau mais le repousse dans le terrain, qui est ensuite bétonné sous pression pour faire un mortier, équilibré entre le terrain et ce qui y est introduit : c’est le principe d’une colonne à module contrôlé. L’avantage est de ne pas sortir de terre – avantage utile en Angleterre où tout sol extrait est considéré comme pollué – avec des rendements intéressants de 600 mètres par jour. Les calculs en élastoplasciticté prennent en compte toutes les caractéristiques du sol, y compris sa petite phase élastique et sa grande phase plastique et sont pratiques à utiliser en deux dimensions. Pour un pieu, la déformation est calculée avec le terrain autour (par exemple 2 cm entre bas et haut du pie) ; ainsi la déformation de l’ensemble du sol (rendu entité homogène grâce au pieu) peut être calculée et révisée en 3 D. Pour un pont en Grèce pour les JO, avec une semelle par 80 mètres de profondeur de 90 mètres de diamètre, les fondations furent constituées d’inclusions avec du gravier entre deux, sorte de fusibles capables de supporter une déformation de 2,5 mètres. En cas de séisme, les pieux se plieront légèrement. - le lâcher de masse ou compactage (une technique qui n’est plus récente) : une masse est lâchée sur un terrain mou pour compacter le terrain ; l’aéroport d’Osaka a subi un tassement de terrain substantiel de 11,5 mètres (50 tonnes de 50 m de haut). Les 500 ha gagnés sur la mer ont été remblayés de 34 m (remblais de 23 m de profondeur et de protection contre les tsunamis et 11,5 mètres de tassement). L’aérogare est sur lui sur vérins à vis et recalé tous les 6 mois car l’ouvrage « tasse » encore. Le tremblement de terre à Kobe a donné lieu aux vérifications de nos calculs antisismiques.

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Des variantes de ce procédé plus modernes existent comme celle du plot ballasté : on introduit des inclusions (sable, gravier, mortier) et entre elles, le terrain se serre lors du compactage. C’est une solution très économique mais il faut un environnement qui se prête à lâcher une masse (impossible en centre ville par exemple).

Autres méthodes de traitement hors pieux : consolidation atmosphérique

Un matériau n’est pas élastique, ce qui est un inconvénient aussi bien qu’un énorme avantage : en rajoutant 4 mètres de terre sur un mauvais terrain, puis en les retirant, le terrain s’améliore ; le tassement est anticipé, à la manière d’une barre de métal tortillée. Mais ce procédé est peu employé car il n’est adapté qu’à des terrains très mous et prend de la place. Il a en revanche été amélioré sur le plan de la vitesse, avec des drains verticaux. Pour éviter ces inconvénients, le recours à la pression atmosphérique a été imaginé : elle est gratuite et équivaut à 5 mètres de remblais : des drains sont placés sous la membrane pour empêcher l’eau de monter lorsque le vide se fait. Le vide une fois réalisé, la rupture est impossible (à l’instar d’un paquet de café sous vide, très dur). Ce procédé peut se combiner avec la surcharge (4 mètres de terre au dessus) : ainsi, au total, ce sont plus de 9 mètres de remblai qui sont constitués, ce qui permet déjà un ouvrage de 18 T/ m². Cette technique est valable pour les terrains très difficiles, mais elle est chère. Cette technique a par exemple été utilisée sur le chantier de fabrication des Airbus en Allemagne, 140 ha étaient disponibles à condition de les gagner en partie sur la vase, laquelle n’était déposée que depuis 60 ans : le terrain n’était donc pas du tout consolidé. Une digue périphérique pour fermer les 140 ha a été bâtie sur 54 000 inclusions : des puits en sable ont été posés pour l’empêcher d’éclater. Enfin, pour réaliser la plate-forme de construction, il fallait monter à 9,5 mètres de remblai (à 1,3 mètre, le terrain tombait). La solution a consisté à mettre le chantier sous vide. Puis, 26 millions de mètres de drains ont été placés, grâce à des machines produisant 10 000 mètres de drains par jour (sur le mode de la machine à coudre Singer !). L’ouvrage a été terminé en 6 mois, sans incident, sauf à un endroit où l’épaisseur de vase était un peu supérieure.

Les solutions de dépollution des sols

Dépollution du stade France

Le terrain extrait du stade de France avait été traité par procédé classique (membrane et bactéries) mais une pollution aux hydrocarbures a été constatée après le début des constructions, lors de la construction d’une route périphérique. Du goudron et de l’H2S dans les joints sont découverts et le traitement doit se faire en catastrophe : les poteaux ont été étanchéifiés et des drains horizontaux posés pour pomper les matériaux pollués en dessous de la membrane. Aujourd’hui, le méthane1 est encore pompé 10 jours par trimestre.

1 Les teneurs de méthane dans l’air sont de 17 ppm (à certains endroits du périphérique, les teneurs atteignent 50 ppm).

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Autres techniques de dépollution

Technique très utilisée au Japon et peu en France, le mélange à sec (à la différence du jet grouting qui injecte de l’eau) du terrain avec du ciment et de l’air permet de traiter un terrain dont le bâtiment a brûlé. Autre technique à sec, le mélange d’air et de terrain avec deux tarières réalise une sorte de pieu rectangulaire étanche. Une autre technique, avec de l’eau cette fois (jet grouting) permet de faire un voile étanche en remontant la tarière sans tourner et plutôt en envoyant deux jets d’airs croisés : ce voile étanche est économique mais sans forte résistance, adéquat pour un talus mais pas pour un terrassement. Mais en France, ces procédés nouveaux ont peu de succès : j’avais proposé ce procédé pour la grande bibliothèque, mais comme il coûtait moins cher, il n’a pas été pris au sérieux ! La dernière possibilité est de combiner les pieux et le jet mélangés pour remplacer des soutènements : cette méthode, plus rapide et moins coûteuse, n’est cependant pas très innovante.

Echanges avec la salle

De la salle La pyramide de Chéops a-t-elle subi une forme de pré-mise en charge ? Jean-Marie COGNON EDF, mécène de la pyramide, est intervenu sur le site au moyen de la microgravimétrie : un tassement de 50 cm seulement a été constaté par rapport à la charge de la pyramide. La densité de la pyramide atteint 2,05 alors que la densité de la pierre est de 2,4. Les scientifiques ont cherché l’origine de cette différence : en creusant un trou, ce n’était pas la chambre de la reine qu’ils ont trouvé mais… du sable ! Les Egyptiens avaient donc remblayé avec du sable, le sol était déformable mais pas cassable. Néanmoins, le terrain reste de très bonne qualité. Jean-Xavier LOURDEAU Disposaient-ils d’un matériel de sondage ? Jean-Marie COGNON Probablement. De la salle Le jet grouting n’entraîne-t-il pas des effets de soulèvement ? Jean-Marie COGNON Il faut effectivement faciliter la sortie du « spoil » et surveiller le débit, faute de quoi la pression augmente. Or, à un débit de 2 L/s, l’enjeu est de ne pas prendre de retard. Nous débutons bientôt la reprise du château de Saumur : pour rester en nivellement permanent, une sonnette est en fonction : si elle se déclenche, elle coupe le fonctionnement de la machine.

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De la salle (Philippe GERARD, architecte en Seine-et-Marne) Une qualification est-elle requise pour de telles entreprises ? Jean-Marie COGNON Cinq ou six entreprises en France sont agréées mais des erreurs sont toujours possibles : mon entreprise en a commis une lors de la reprise en jet grouting du pont près du stade de France : une dalle du pont s’est soulevée obligeant la circulation à être coupée ! La performance du système d’évacuation est donc capitale (avec deux tubes par exemple). De la salle (Prénom COCHET, architecte à Grenoble) Que faire sur des petits projets ? Jean-Marie COGNON Le jet grouting convient même aux villas. Le micro pieu peut aussi s’utiliser, mais avec la contrainte de traiter le terrain sur toute la profondeur alors que le jet peut ne porter que sur les endroits ciblés, puisque généralement, c’est la couche d’argile en dessous de la semelle du pavillon qui doit être traitée et non la semelle elle-même. De la salle (Prénom CONSTANITOVITCH) Le mode de fondation est souvent déterminé après la campagne de sondages. Pour un terrain hétérogène, le jet grouting nécessite-t-il une investigation supplémentaire en amont ? On ne peut se payer le luxe de mauvaises surprises, une fois les marchés signés, et l’expert constate souvent que pour un terrain hétérogène, il fallait une investigation plus sérieuse. Parfois, sur des petits chantiers, les investigations prévues sont revues par l’entreprise ayant eu le marché, et ceci avec l’accord de tous. A partir de quand l’architecte (ou l’expert) peut-il diagnostiquer qu’il n’aurait pas fallu changer de méthodologie ? Jean-Marie COGNON Un entrepreneur ne doit pas commencer un chantier en ayant des doutes : les architectes doivent demander des sondages supplémentaires, prévus dans les prix de marché. Un entrepreneur prévoyant inclut en effet cette possibilité dans son offre et travaille plutôt avec des marges de 12 à 13%, comprenant les bénéfices et les aléas. De la salle (Christophe WURTZ) Le sous-sol parisien n’est pas un sol de rêve ! Sa médiocrité n’est pas neutre pour les bâtiments construits. Lorsque un tunnelier de la SNCF ébranle des fondations ou passe dans des sous-sols chargés de fontis2, quelles reprises préconisez-vous en tenant compte des bâtiments et des coûts ? Jean-Marie COGNON Face à un fontis souvent ignoré (sauf dans des terrains de gypse très dissolvables), il n’existe aucune solution ! On ne construit pas sans risque.

2 Un fontis est un trou dans le sol dont le plafond peu à peu s’affaisse et tombe : ainsi le trou « remonte » parfois même jusqu’en surface.

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Souvent, lors de la construction d’une paroi moulée à coté d’un immeuble, le calcul de la poussée de terre n’est pas toujours bien mené et omet souvent la déformation. Or, le mur sera déformé, il est impossible que le terrain ne bouge pas. L’enjeu de la construction est de minimiser cela. Les sondages sont nécessaires pour détecter éventuellement des fontis hors des terrains à fontis, même s’ils ne sont souvent pas suffisants. Dans ce cas et si le géologue le soupçonne, l’entrepreneur peut en toute précaution affirmer qu’il construit « avec risque de fontis ». De la salle Une fois que le dommage est constaté, quelle est la solution ? Jean-Marie COGNON Il faut simplement reconstruire le tunnelier et réparer l’effondrement. Il n’y a pas d’autres travaux à conduire dans le sol. Dans les environs de Louveciennes, un tunnelier est passé à 70 m de profondeur dans un sous-sol géologique si compliqué que 70 mètres au dessus, les habitants tellement secoués se sont réveillés! Ces cas sont étonnants et restent des cas de force majeure. De la salle (Marie-Françoise LECLERC, architecte) Dans un cas de reprise en sous-œuvre de maisons individuelles que j’étudie, l’entrepreneur affirme avoir fait appel à un bureau d’études, en plus des sondages et de l’interprétation géotechnique : quel moyen ai-je de le contrôler ? Jean-Marie COGNON Il est aisé de vérifier les micro-pieux ou les semelles et possible de réaliser aussi une MST (microsismie transparente) qui donnera avec précision la longueur des pieux. De la salle (Marie-Françoise LECLERC, architecte) Vous-même en tant qu’entrepreneur, avez-vous un bureau d’études intégré à votre entreprise? Jean-Marie COGNON Non, je me suis volontairement séparé du bureau d’études quand j’ai repris l’entreprise, car la situation était ambigü (juge et partie). Je me fie donc au bureau d’étude choisi et si j’en suis mécontent, je refais mes propres sondages et consulte mon bureau de calculs des sols. De la salle (Marie-Françoise LECLERC, architecte) Dans le 2e dossier, une expertise judiciaire a été conduite : j’ai le sentiment qu’il a accepté une reprise en sous-oeuvre minorée (sous la pression des experts d’assurance ?). Des micro pieux ont été plantés, mais pas partout. Dois-je faire un nouveau sondage, commanditer un nouveau bureau, un nouvel entrepreneur ? Jean-Marie COGNON N’acceptez jamais la réalisation d’un demi sous-sol pour vos ouvrages, surtout pour les pavillons. De la salle (Prénom DEYSERT, architecte à Poitiers) Vous niez l’élasticité du sol, qu’en est-il des argiles gonflantes ?

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Jean-Marie COGNON Les argiles sont des terres difficiles à prévoir, pour lesquelles les paramètres propres sont intégrés au modèle mathématique. Malgré cela, le taux d’erreur d’un calcul de soulèvement peut être de 150 % ! Les technologies ont beaucoup progressé en 40 ans mais il reste encore de nombreuses inconnues sur les matériaux. Jean-Xavier LOURDEAU Qu’en est-il des techniques d’injection avec résines ? Jean-Marie COGNON En reprise de dallage, le polyuréthane est une excellente solution (pour un dallage de supermarché par exemple). J’ai cependant une crainte quant à l’impact environnemental de ce produit. Sa stabilité dans le temps est réelle mais je suis dubitatif sur la qualité des nappes d’eau à proximité… Pour un meilleur dallage, la seule méthode est de réaliser le plus de couches possibles pour que la déformation, elle, ne soit pas brutale.

Problèmes de fondations : ce que les magistrats attendent des experts

JEAN DE KEATING-HART Vice-président au tribunal de grande instance de Melun

Les qualités du juge

Le juge est un ignorant

Qu’attend le magistrat de la part d’un expert ? Il attend de vous la solution, la bonne solution, et la certitude que c’est la bonne ! Les questions posées dans la salle sont du ressort du tribunal administratif car elles concernent principalement des chantiers publics. Dans le cas du tribunal de grande instance, le juge qui lira votre rapport demande que ce que vous dites soit compris par un profane : j’attends donc que vous m’intéressiez. En effet, même en étant un peu bricoleur, nous ne connaissons que peu les enjeux et problèmes de la construction, même pas l’existence du DICOBAT ! Nous commençons à comprendre vos propos techniques qu’au bout de plusieurs années, au moment de changer de poste ! Les sols gonflants en Seine et Marne sont un vrai bonheur !... Les entreprises qui mégotent sur les coûts ont tort, car le pavillon, même après réparation, « joue toujours du piano ». Les liaisons tumultueuses entre juges et experts sont en quelque sorte à l’image de celles entre fondations et sols. Le juge des référés traite en effet des affaires de construction seulement de temps en temps, entre deux affaires familiales ou notariales. Enfin pour trois rapports sur quatre, le tribunal n’est

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pas saisi car les parties ont transigé avant. PPour les fois où le juge est saisi, le rapport date souvent de plusieurs années. Intégrez bien l’ignorance du juge car vous êtes pour lui le « sachant », le « dieu », comme je suis pour vous celui qui dit le droit.

Le juge a des oeillères

Le juge ne peut répondre qu’aux questions qu’on lui pose. A Melun, les litiges portent sur les assurances des pavillons sur sols gonflants. A Lisigny, le sol est mauvais et chacun le sait (les plans de sous-sols de Napoléon III sont clairs). Pourtant, des constructions ont eu lieu sur des mares comblées. Je ne connais que cela de la Seine-et-Marne !...

Le juge ne connaît que ce qui ne marche pas

Le droit est la pathologie des rapports conflictuels. Les tribunaux sont eux la pathologie de la pathologie ! J’aborde un litige avec autant de questions que d’intervenants au litige : j’attends de vous non pas que vous disiez qui doit payer, ce qui revient au chargé du droit, mais de trouver dans votre rapport des éléments d’argumentation. Vous êtes en somme le bâton d’aveugle du juge. Lors de la rénovation du Georges V, chantier gigantesque assuré par BOUYGUES des chaînes de contrats avec des sous-traitants étaient signées et la responsabilité aurait dû être recherchée sur l’entrepreneur, ce qui n’a pas été le cas. Le droit évolue en fonction des constructions intellectuelles. A partir des données qu’on a bien voulu me donner, je dois dire qui répare le pavillon. J’ai découvert le jet grouting récemment, lors d’un chantier sur l’immeuble TF1, et le considère encore comme un « un crik pour les voisins » ! Je pense avoir raison mais me trompe une fois sur deux : votre rôle est de me donner de quoi ne pas me tromper.

Echanges avec la salle

Importance de communiquer

De la salle (Louis LE GET) Vos propos m’inquiètent : « vous, les experts, devez m’intéresser ». Comment distinguez-vous donc le mauvais expert qui vous intéresse du bon expert qui ne vous intéresse pas ? Jean de KEATING-HART L’expert qui m’explique ce qu’il fait et pourquoi, me convainc davantage que celui qui affirme. Dans le cas d’une attaque de mérules à Melun, votre confrère m’a d’abord expliqué ce qu’est la mérule, puis m’indique que malgré des incertitudes, et sans exclure la fuite en façade, que cette attaque semble relever davantage de la fuite de l’évier. J’ai tendance à le croire.

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Jean-Xavier LOURDEAU Il importe pour nous experts de communiquer notre avis avant de rédiger le rapport et de bien dialoguer avec les autres intervenants. A nous de savoir provoquer alors la venue des informations cachées : donner un avis sur la responsabilité de quelqu’un sachant qu’il détient une pièce, par exemple, peut nous aider à mieux cerner le problème. N’ayons pas peur non plus de nos propres limites de connaissance afin de faire réagir les autres. Proposer qui va payer et combien peut faire réagir les parties, qui en connaissance de cause et en absence de réaction, ne pourront pas se récrier ensuite. Nous devons solliciter l’information et donner les solutions à la discussion. Les solutions deviennent ainsi la matière de l’expertise et non plus celles de l’expert seulement. Jean de KEATING-HART Ce qui manque le plus au juge est de vous connaître personnellement. Sa porte est ouverte, vous ne devriez pas en douter. Jean-Xavier LOURDEAU Des réunions comme celle-là sont l’occasion d’échanger, de dire nos difficultés et d’accorder nos façons de travailler. Ainsi nos prestations satisferont le justiciable.

Répartition des coûts du procès

De la salle (Marie-Françoise LECLERC, architecte) Les études permettent de proposer une solution fiable. Je m’aperçois en revanche que souvent le demandeur n’a pas les moyens économiques d’assumer leur coût. Certains magistrats mettent les frais de ces sondages à la charge de l’assureur (même s’il est défendeur). De la salle Je suis architecte mais ne suis pas dieu ! Je m’étonne souvent de la qualité et du savoir des constructeurs (Jean-Marie Cognon est un homme que tout le monde comprend !) : ce n’est pas la construction qui est compliquée, ce sont les gens ! Rares sont les cas pour lesquels les réalisations sont intervenues sans connaissance : elles le sont plutôt sous les contraintes… Nous construisons tout de même mieux qu’au Moyen-Âge. Les extensions de pavillons sont parfois plus complexes que la construction de tout un conseil général. La qualification grandissante du métier du bâtiment est donc un fait, mais faire comprendre les fautes et les manquements reste compliqué. Jean de KEATING-HART Les gens savent, mais la pratique diffère sensiblement de la théorie. Melun, comme de nombreux tribunaux, est en sous effectif : je suis à la fois juge du référé, juge de la mise en état, juge rédigent les jugements de construction, et juge du contrôle des expertises. Ce cumul des fonctions est très malsain. L’expertise est intéressante lorsqu’une assurance recours existe et paye les frais d’expertise. Il est parfois moins coûteux et plus facile de raser et de reconstruire que de reprendre un pavillon.

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Dans le cas de pieux (20 m) dans des sols tourbeux, j’ai découvert la contre-poussée : au vu les frais engagés, j’ai averti l’assureur qu’il ferait mieux de raser et construire plutôt que d’expertiser. L’expertise a coûté au moins aussi cher que le pavillon. Le sol était traumatisé et nul ne pouvait reconstruire sur ce sol. Je serai tenté de désigner la consignation complémentaire à la charge de l’entrepreneur ou de son assureur fautif mais, malheureusement, il ne paie pas ! A vous de renseigner le juge du contrôle des expertises, qui doit avoir de quoi vous rémunérer dans le mois de votre taxe. Lorsque vous autorisez la mise en cause des intervenants, pensez à donner les délais et les coûts supplémentaires. Jean-Xavier LOURDEAU Dès l’extension de mission, nous devons en effet chiffrer le supplément de travail et le délai, ce qui permet au juge de décider, et aux parties de réagir. De la salle Pour pouvoir bien juger, nous devons poser les bonnes questions. Or l’expert découvre que ce qui est mis en cause est superficiel et cache le vrai fondement du litige. Quelles sont alors possibilités de modifier la question ? Jean de KEATING-HART A tout moment, l’expert peut demander au juge du contrôle de préciser sa question par une note.

MARIE-MADELEINE LARDET Conseiller à la 3e chambre de la Cour de Cassation

Il est possible de préciser la mission mais s’il s’agit d’un autre point tout à fait différent, il ne fait dans ce cas pas partie de votre mission. Les désordres sont définis dans le document (assignation ou ordonnance de référé) et vous devez vous cantonner en principe à votre mission. Ce principe pose effectivement des problèmes, voire incite les parties à émettre une demande pour un sujet que vous n’aviez pas le droit d’examiner sans mandat. Jean de KEATING-HART Ma marge d’appréciation est le lien de connexité entre votre mission initiale et vos découvertes. Mais dans tous les cas, il faut que la question me soit posée. De la salle Si une note est rédigée, l’expert peut attendre qu’une des parties pose la question pour permettre l’extension de la mission. Jean de KEATING-HART L’idéal, dans nos liaisons dangereuses, est que le juge connaisse la matière et puisse choisir son expert pour savoir si le problème a bien été posé.

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Jean-Xavier LOURDEAU L’extension de mission n’a d’intérêt que si son objet se rapporte au problème initial. Il importe de rester strict face à des demandeurs de mauvaise foi, qui nous pousseraient à répondre à d’autres questions que celles demandées, sans que les parties soient d’accord : à nous de trier. Dans le cadre d’une extension de mission que les parties approuvent, nous pouvons faire ce travail complémentaire en informant le juge. De la salle Dans le cadre d’une expertise de syndic de propriété pour inachèvement, j’ai découvert des désordres hors mission que j’ai signalés aux parties, car ils présentaient un danger. La mission n’a pas été entendue même si l’extension de procédures aux entreprises a eu lieu. Peut-on considérer que l’extension de procédure aux entrepreneurs concernés vaut tacitement extension de la mission aux désordres qu’ils ont créés ? De la salle (Prénom GRENELLE) L’extension de mission n’est pas une ordonnance commune, elle appelle dans la cause une partie nouvelle. Quant à la précision de mission et afin de ne pas trop déranger les juges de contrôle, l’expert peut régler la question de son observation par une note aux parties en donnant un délai de quinze jours pour que les parties répondent.

Rôle des collectivités publiques

CHRISTOPHE WURTZ Premier conseiller à la 3e section du tribunal administratif de Paris

Les qualités d’un bon expert selon le juge

Je m’occupe à temps partiel de dommages de travaux publics et les experts nous posent des problèmes. Nous avons récemment réduit les honoraires d’un expert qui avait répondu à une question qui ne lui avait pas été posée, bien que les parties fussent d’accord. Nos missions sont rédigées de manière assez large et la plupart du temps permettent à l’expertise de se dérouler correctement. Méfiez-vous cependant si l’on vous consulte pour d’autres désordres ou préjudices (ébranlement d’un immeuble par des travaux publics), ne requérez pas sans extension de mission une expertise acoustique par exemple, très onéreuse. Je souscris aux propos de Jean de Keating-Hart : nous ne sommes pas des experts de la construction, je ne m’occupe que partiellement des dommages de travaux publics et change de poste dans quelques mois ! Vous êtes des experts de fait et devez donc nous donner tous les éléments sans pour autant nommer le responsable : le droit stricto sensu nous est réservé.

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Les expertises sont souvent coûteuses, ce qui est dans certains cas normal. Une bonne expertise vaut mieux que de faire l’impasse sur une cause sérieuse du désordre ou de demander des années après une expertise complémentaire, assez désagréable pour tous. Pourtant, dans d’autres cas, nous devons réduire les frais, avec tact toutefois. Essayez d’apprécier le plus justement vos honoraires et n’espérez pas non plus vous rattraper en cour d’appel, qui nous suit la plupart du temps. Quant aux délais, nous avons la possibilité de dessaisir un expert pour non respect des délais, même si le fait est rare.

Sols et fondations dans les dommages de travaux publics

Raisonnement du juge : faute ou causalité

Le juge raisonne de la manière suivante. Les dommages de travaux publics résultent de l’exécution de travaux publics ou de l’existence ou du fonctionnement d’ouvrages publics. En général, ce sont bien souvent les travaux qui affectent et créent des dommages. Dans les deux cas, ce sont les dommages subis par des tiers qui sont en cause. Il s’agit là d’un cas de responsabilité sans faute : en effet, peu importe qu’un constructeur ait commis une faute (il y a en effet un lien de causalité entre les travaux et les dommages), la faute ne nous intéresse pas à ce stade. En revanche, la faute nous intéresse au stade des appels en garantie : une commune faisant faire des travaux et qui appelle en garantie l’entrepreneur doit démontrer la faute de ce dernier. Pour l’expert architecte, rien ne change, mais nous avons besoin d’éléments permettant de savoir si il y a faute ou enchaînement de causalités. Ainsi, vous pouvez donner des éléments d’appréciation, largement, et donner votre avis sur les faits.

Catégories des dommages

Dans les dommages liés au sols et fondations, deux catégories se distinguent : - les désordres provoqués directement aux fondations Un OPAC creuse un trou qui supprime les fondations de son terrain mais déstabilise dans le même temps les fondations avoisinantes, qui s’appuyaient toutes les unes sur les autres. L’OPAC, mis en cause, se défendait en indiquant que les maisons devaient se soutenir de façon autonome. Nous avons considéré cependant qu’il aurait pu et dû en tenir compte. La question est de savoir : « y a-t-il ou non un lien de causalité ? » - les désordres à la superstructure, aggravés par l’existence ou l’inexistence de fondations L’appréciation est ici délicate et nous avons besoin des experts pour établir ou non le lien de causalité. Pour les parties, vous êtes une sorte de préjuge, de juge de fait : elles vous aiguillent sur les questions que se posera le juge. Vous pouvez estimer que 80 % des dommages sont liés à la causalité mais pas donner la responsabilité à l’une des parties.

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Précisions

Le fait du tiers

J’apporte de plus quelques précisions. Le fait du tiers n’est pas exonératoire. Si une canalisation publique fuit et crée des désordres, le maître d’ouvrage n’aura pas d’avantages à mettre en cause un camion qui aurait roulé dessus par exemple. Nous appliquons cette règle protectrice à l’égard des victimes avec fermeté. Si une canalisation publique fuit en même temps que des infiltrations de canalisations privées, nous constatons deux causalités distinctes. Les problèmes de circulation de l’eau ne sont jamais faciles, même pour les experts. Nous attendons donc de la clarté, voire des pourcentages de causalités, toujours utiles au juge qui reste dans son cabinet.

La vétusté

Concernant la vétusté, deux cas se présentent : soit elle a concouru au dommage, soit il faut évaluer le préjudice subi en tenant compte du taux de réfaction. Tient-on compte de la plus-value ou de l’absence de plus-value apportée par les réparations ? L’exemple d’un mur de clôture de jardin est probant : il est vétuste mais solide, peu esthétique mais caché par des lauriers. Refaire le mur n’apporte aucune plus-value au propriétaire et aucun abattement de vétusté sera alors appliqué. Ce ne sera pas le cas pour un salon vétuste fissuré par exemple. Le juge espère de vous que vous donniez un chiffre brut sans abattement de vétusté mais que vous complétiez en donnant votre avis sur le coefficient de vétusté qui serait applicable.

Echanges avec la salle

Marie-Madeleine LARDET Nous réparons aussi les salons et ne tenons pas compte de la vétusté, ce qui nous sépare du tribunal administratif ! Christophe WURTZ La réputation du juge administratif tient bon : il est soucieux d’épargner l’auteur du dommage, l’administrateur public ! De la salle (Prénom SIMONOT, expert à la cour d’appel de Paris) Il nous est souvent demandé d’établir le compte entre les parties. Christophe WURTZ Vous raisonnez sur la causalité, et nous sur la responsabilité, c’est une question de rhétorique. Jean-Xavier LOURDEAU Hommes du fait, nous devons raconter la réalité, l’histoire (non des histoires) et être le plus précis possible pour permettre au juge de faire coller sa spécialité au litige.

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De la salle (Pierre GIRARD, architecte) Souvent, un maître d’ouvrage évite la maîtrise d’œuvre et les chantiers ne sont pas bien menés s’ils ne sont pas suivis : qu’en est-il de la causalité quand toutes les causalités sont reportées sur l’entrepreneur ? Marie-Madeleine LARDET L’entrepreneur doit se rendre compte lui-même si le chantier est difficile et conseiller par écrit au maître d’ouvrage de s’entourer d’un maître d’œuvre, faute de quoi il sera responsable conformément à son devoir de conseil. Même quand le maître d’ouvrage est très dirigiste, la responsabilité sera souvent partagée : c’est donc une acceptation des risques de la part de l’entrepreneur que de faire ce chantier. De la salle Que se passe-t-il en cas de sinistre consécutif à la conception ? Marie-Madeleine LARDET Même dans le cas où l’entrepreneur a réalisé ce qui lui était demandé, il lui incombe de demander la présence d’un maître d’œuvre. Vous devez dire dans votre rapport si le maître d’ouvrage était compétent ou non (selon sa profession) et si l’entrepreneur a suivi ou non son devoir de conseil. Christophe WURTZ Cette question se pose souvent dans de petits litiges privés. Dans le public au contraire, la présence quasi systématique d’un maître d’ouvrage (collectivité) et de son personnel technique fait que nous apprécions différemment la compétence du maître de l’ouvrage. Toutefois, il reste encore des différences notoires entre petites communes et grandes collectivités. A vous de trouver les pièces (devoir de conseil écrit) et de donner votre avis sur la façon dont le devoir de conseil a été respecté. De la salle Qu’en est-il des litiges d’adéquation entre les études et la réelle nature des sols ? Par ailleurs, des litiges importants de surcoût surviennent aussi entre la définition géotechnique (du bureau d’études) et la nécessité de réaliser des injections par exemple. Christophe WURTZ Le juge raisonne selon les règles de l’art : compte tenu de ce que l’on pouvait savoir, qu’aurait-on pu faire, et qui a fait quoi ? Jean-Xavier LOURDEAU L’appréciation du surcoût est à prendre en compte d’abord au vu du sérieux des études et du maître d’ouvrage, et elle est à tempérer si l’on se situe dans une zone à risque. L’expert doit distinguer ce qui relève de la négligence (manque de sérieux dans les études) de ce qui a empêché de maîtriser toute la réalité. Le maître d’ouvrage ne peut se plaindre que de l’imprévisibilité du financement, mais pas de sa réalité.

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Merci à tous d’avoir assisté et participé à cette table ronde. Je vous précise que la 117e table ronde aura lieu le 18 novembre prochain et tentera de faire le tour du coût du procès. J’annonce aussi le 38e congrès à Bordeaux du CNEAF le 13, 14 et 15 octobre sur la thématique de « Construire avec le bois ». Enfin, le CEGIB tient lundi 30 mai un colloque sur l’évolution de la jurisprudence de la cour de cassation et des juridictions administratives. La Compagnie de Paris prévoit, quant à elle, une soirée de 2 heures sur les principes directeurs du procès.

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Compte rendu de la 116e table ronde 20 mai 2005 © CNEAF 2005 Réalisation de la synthèse :

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