abbé guillaume oegger manuel de religion et de morale 1827

494
MANUEL DE RELIGION ET DE MORALE, ou LIVRE DE PRIÈRES UNIVERSEL POUR LES CHRÉTIENS ÉCLAIRÉS DE TOUTES LES COMMUNIONS. PAR J. G. E. O'EGGER, ANCIEN PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE, PREMIER-VICAIRE DEMISSIONNAIRE DE LA CATHEDRALE DE PARIS. The Lord hath endued thee with reason to maintain thy dominion..., O praise his goodness with songs of thanksgiving , and meditate , in silence , on the wonders of his love ; let thy heart overflow with gratitude, and aknowledgment ; let the language of thy lips speak praise and adoration ; let the actions of thy life show thy love to his law. Robert Dodsley, Economy of human life. PARIS. BAUDOUIN FRÈRES, ÉDITEURS, BUE DE VAUGIBABD , 17. M. DCCC. XXVII.

Upload: francis-batt

Post on 28-Jul-2015

93 views

Category:

Spiritual


0 download

TRANSCRIPT

MANUEL

DE

RELIGION ET DE MORALE,

ou

LIVRE DE PRIÈRES UNIVERSEL

POUR LES CHRÉTIENS ÉCLAIRÉS

DE TOUTES LES COMMUNIONS.

PAR J. G. E. O'EGGER,

ANCIEN PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE,

PREMIER-VICAIRE DEMISSIONNAIRE DE LA CATHEDRALE DE PARIS.

The Lord hath endued thee with reason to maintain

thy dominion..., O praise his goodness with songs of

thanksgiving , and meditate , in silence , on the

wonders of his love ; let thy heart overflow with

gratitude, and aknowledgment ; let the language of

thy lips speak praise and adoration ; let the actions

of thy life show thy love to his law.

Robert Dodsley, Economy of human life.

PARIS.

BAUDOUIN FRÈRES, ÉDITEURS,

BUE DE VAUGIBABD , 17.

M. DCCC. XXVII.

es ^

c

MANUEL

DE

RELIGION ET DE MORALE.

PARIS — IMPRIMERIE DE FAIN,

Rue Racine, n. 4i place de POdéon.

Plusieurs personnes seront très-

etonnées de voir traiter, dans un simple livre

de prières , les questions les plus profondes de.

la Religion et de la morale. La classe à laquelle

vous l'adressez , me dira-t-on , ne saurait vous,

comprendre. —Mais le siècle des lumières aussi-

bien que de l'incrédulité , dans lequel nous vi

vons , ne me justijiera-t-il pas suffisamment ? —

Quand on est en état de comprendre les ob

jections , n'est-on pas également en état de saisir

les réponses ? —, Et si à une première lecture

la jeunesse , si intelligente de nos jours , ne me

comprendpas , qui l'empêche d'étudier ce Ma

nuel à fond, et de demander à ses maîtres

l'explication des endroits difficiles ? •— // est

une vérité démontrée : c'est que la civilisation

a fait un pas ; il faut que la murale publique

en fasse un également. Accoutumons -nous à

ne point raisonner du siècle de Louis-le-Légis-

lateur comme des autres siècles !

Sans doute que si l'on me prouve que mon

ouvrage est susceptible de changemens utiles r

je serai prêt à les admettre. Mais , jusqu'à pré

sent , les personnes de piété et de goût qui l'ont

examiné .

n'ont

fait que m'encourager par leur flatteuse appro

bation. — Aussi, puisje me rendre le témoi

gnage d'une entière impartialité. Aucun parti

ne peut se plaindre : le vice et l'erreur ont été

les seuls objets de ma poursuite. Je n'avance pas

non plus de système nouveau. Le petit nombre

d'idées nouvelles que je manifeste ne sont , dans

le vrai , que des vérités évidentes , mais qui

n'avaient jamais été bien développées. N'est -il

pas évident , par exemple , que, par sa nature,

l'homme morau est placé partout entre les infinis ;

-que , pour être parfaitement libre , il doive y être

placé , et qu'ily a effectivement l'infini entre un

athée et un saint? — N'est-il pas évident que

des miracles tropfrappons détruisent la liberté

humaine ; que le philosophe qui en demandait

pour se convertir , demandait fort naïvement

une absurdité ; et qu'il n'y a aucun mérite à

croire à l'évidence , puisque nous ne sommes

pas libres de nous y refuser? — N'est-il pas

évident que , dans le système des pélasgiens et

de leurs confrères les philosophes les plus ré

vérés dans le monde , on explique toutes les

grandes vérités de la morale et de la Religion,

de manière à ce que l'incrédulité, na plus le mol

à dire? — N'est-il pas évident , enfin, que tout

parait clair dans la Religion et la morale , pour

celui qui cherche la vérité avec simplicité de

cœur, et qui sait se rendre digne de la connaître,

tandis que tout nest que ténèbres pour l'impie

qui ferme les yeux à la lumière ? — Voilà ce

pendant , en peu de mots , toutes les idées peu

communes que j'ai cru devoir développer , et

que je serai toujours prêt à défendre contre qui

conque serait assez téméraire ou assez insensé

pour oser les attaquer

O'EGGER.

VWVVWWVWWW'VWWWWWtX'WX'VVX'VV\WWVWIW\,WW^WWVWWWWVWVkW !W

AVERTISSEMENT

DE L'AUTEUR.

L'éclat que ma renonciation récente aux

fonctions ecclésiastiques a produit dans le

public, et la curiosité, ou, pour mieux dire,

l'intérêt qu'elle a excité, sembleraient me faire

un devoir de profiter de la publication de cet

ouvrage pour donner des explications détail

lées sur les motifs de ma conduite ; néan

moins , par des raisons particulières que cha

cun peut aisément deviner et apprécier , je

m'en tiendrai encore ici à quelques réflexions

générales.

Déjà , par Yesprit qu'on est à même de re

marquerdans cet ouvrage, il est facile de s'aper

cevoir que ma manière de voir , en fait de

religion , diffère essentiellement de celle du

clergé actuel. — Je me suis permis, en effet ,

^examiner assez librement certains points de

doctrine ; j'ai généralisé le christianisme ; j'ai

Vj AVERTISSEMENT DE L AUTEUR.

pris le mot même de catholique dans son vrai

sens , dans un sens tout-à-fait universel. A

legard de la charité, je l'ai mise , d'après l'É

vangile , tellement au-dessus de la foi , que

toute division haineuse dans la chrétienté pa

raît aussi absurde en elle-même , qu'elle est

dangereuse pour la paix des Etats. J'ai reconnu

des abus là où d'autres croient voir le bien ;

j'ai attribué la cause du dépérissement du

christianisme sur la terre, précisément à ceux

qui s'en disent les principaux propagateurs ,

les plus forts , et même les uniques soutiens ;

enfin , j'ai cherché partout à faire ressortir

l'accord parfait qui existe entre le vrai chris

tianisme et la, vraie philosophie.

Mais il y a plus. En examinant de prés les

modifications légères en apparence , mais im

portantes pour le fond , que j'ai fait subir k

certaines locutions théologiques , et ma ma

nière pai-ticulière d'exprimer certaines vérités,

on peut voir assez clairement ma pensée sur

tout ce qui regarde la religion et la discipline

ecclésiastique. Peut - être même des hommes

pénétrans découvriront-ils dans ce livre tout

je système du christianisme primitif et vrai-»

AVERTISSEMENT DE LALTEUR. V>j

ment universel qui doit conduire nécessaire

ment à la concorde fraternelle de toutes les

communions particulières : peut-être y aper

cevront-ils ce principe salutaire d'après lequel

une autorité toute spirituelle , toute morale , et

qui ne peut tirer sa force que de la supé

riorité des lumières et des vertus , ne pourrait

jamais exercer aucun empiétement sur une

autorité temporelle et coërcitive , et d'après le

quel aussi toute communion chrétienne, quelle

qu'elle soit , pourrait toujours partager les

bienfaits de toute espèce de gouvernement, et

jouir pleinement de tous ses droits , sans em

brasser pour cela , en particulier , aucune des

reformes introduites ou à introduire , pourvu

que celles-ci mettent toujours , avec l'Apôtre,

la charité au-dessus de la foi , et ne se rendent

pas elles-mêmes indignes de tous les droits so

ciaux par l'affreux principe de l'intolérance.

Dans l'espoir que bientôt tous les chrétiens

éclairés de l'univers se familiariseront avec de

semblables idées , qui , une fois admises , ren

draient les gouvernemens, aussi-bien que la chré

tienté, plus tranquilles et plus prospères ; dans

l'espoir qu'un peu plus tard il me sera permis de

viij AVERTISSEMENT DE L AUTEUR.

parler tout-à-fait clairement, je prie les lecteurs

de se contenter encore , pour le moment , de

ces courtes réflexions , plus que suffisantes

d'ailleurs pour faire voir qu'en renonçant aux

fonctions ecclésiastiques que je remplissais,

depuis sept ans , sous les yeux mêmes de

M. l'archevêque de Paris , loin d'avoir été in

fluencé par aucun motif temporel , ni aucune

considération humaine , il m'a fallu , au con

traire, m'élever au-dessus •de ces motifs et de

ces considérations , pour ne suivre que l'im

pulsion de ma conscience.

O'EGGER,

Ancien Professeur de philosophie ,

Premier-Vicaire démissionnaire

de la cathédrale de Paris.

MANUEL

DE

RELIGION ET DE MORALE.

DE LA

RELIGION DE JÉSUS-CHRIST.

A CÉLESTIN.

C'est en votre faveur , mon cher Célestin , que

j'ai rédigé ce nouveau Manuel de religion et de

morale. Puisse le Seigneur vous faire goûter les

vérités salutaires qu'il renferme ! Puisse-t-il im

primer profondément dans votre cœur les senti-

mens que j'ai tâché d'exprimer , et qui sont si

naturels à l'homme sensible ! la plus douce paix,

le bonheur le plus durablfe , serait alors votre

partage.

Puisse de même le Dieu des chrétiens bénir gé-

néialement mes efforts, ramener tous les esprits

égarés , et réunir de nouveau tous les cœurs ,

comme ils l'ont été dans les beaux jours du chris

3 DE LA RELIGION DE JÉSUS - CHRIST.

tianisme , lorsque l'on pouvait dire avec vérité

que la multitude des croyans n'avait qu'un cœur

et qu'une âme ! La génération nouvelle qui se

présente serait alors plus heureuse que ne l'a été

celle qui s'efface.

Vous savez , Célestin , qu'au milieu des égarc-

mens de l'athée , du matérialiste , de l'incrédule ,

de l'indifférent , du superstitieux et de l'impie ,

il doit rester nécessairement des principes inva

riables ,fondés sur l'éternelle vérité , et indépen-

dans des opinions des mortels ; qu'au milieu du

débordement des passions humaines, toutes plus

injustes les unes que les autres, il doit toujours

demeurer de vraies vertus ; que, malgré la licence

la plus effrénée , l'homme de bien ne laissera pas

de reconnaître des devoirs sacrés ; qu'enlin , en

dépit des efforts de l'impiété et de l'athéisme, il

y aura toujours un Dieu dans le ciel, une Reli

gion sur la terre, et une Conscience dans le cœur

humain ! Ecriez-vous donc ici avec moi : Sainte

Vérité , je vous adore ! car vous êtes Dieu ! Vertus

adorables , je vous reconnais et vous chéris ! On

a beau vous calomnier et vous méconnaître , un

jour nous trouverons vos divins originaux sur

les degrés du trône de l'Eternel ! Immortelle et

céleste voix , divine Conscience ! juge infaillible

du bien et du mal, qui rendez l'homme semblable

à Dieu .' c'est vous qui faites l'excellence de ma

nature et la moralité de mes actions ! Devoirs

DE LA RELIGION DE JÉSUS- CHRIST. 3

sacrés , imposés nécessairement à toute créature

libre , pour sa perfection et son bonheur ! je vous

révère et vous embrasse avec transport. Vous seuls

me rattachez à mon Créateur et à la société !

Religion de Jésus-Christ , religion de mes pères !

vous serez encore ma joie , ma consolation et mon

espoir ! Jusqu'aujourd'hui, la philosophie du siècle

n'a pu enfanter une religion plus sainte ni plus

capable de faire le bonheur des hommes.

Tels doivent être vos sentimens , Célestin , et

tels doivent être aussi les vôtres, chrétiens éclairés

du dix-neuvième siècle , si toutefois il vous reste

encore dans le cœur une seule étincelle de ce feu

sacré que Jésus-Christ a apporté du ciel ! Il s'agit

aujourd'hui de réunir vos efforts contre l'ennemi

commun ! Votre union seule pourra sauver doré

navant la religion de sa ruine , et la société de sa

dissolution ; cette union de sentimens et de vo

lontés , cette uniformité d'opinions et de croyances,

cette harmonie généra e qui fait la solidité des

institutions aussi-bien que Je charme de la vie !

Et quel lien pourra paraître plus fort pour resser

rer les noeuds qui doivent unir les hommes , que

celui de la religion? Religion signifie union, union

divine , union en Dieu ! Soyez donc unis , et ne

soyez qu'un, comme le Père et le Fils eux-mêmes

sont unis et ne sont qu'un , par le plus ineffable

des mystères du christianisme ! C'est le vœu de

Jésus , et sa prière au Père céleste.

4 DE LA RELIGION DE JÉSUS - CHRIST.

Vous êtes créé pour le bonheur, Célestin ;

cherchez donc ce bonheur ; mais cherchez-le par

les voies que le Créateur a lui-même indiquées.

Il désire que vous soyez heureux , heureux même

dès cette vie , autant que la nature de votre être

le comporte. 11 veut même votre bonheur plus

fortement et plus efiicacement que vous , puisqu'il

vous défend de vous arrêter à une félicité vaine

et chimérique , et qu'il vous invite instamment

à conquérir le vrai bonheur pour lequel vous avez

été tiré du néant.

Mais ce vrai bonheur ne se trouve pas sur cette

terre ; tous les sages l'ont dit , et Jésus vous le

déclare. Cherchez donc uniquement à vous en as

surer pour la vie à venir ; et contentez-vous , en

attendant, du petit nombre de vraies jouissances

que la terré offre à ses habitans , parce que vous

n'êtes pas en état maintenant de goûter une plus

grande félicité. Dans cette vie, nous ne pouvons

guère prétendre à autre chose qu'à Yespérance

d'un contentement parfait qui peut devenir plus

tard notre partage. Et cette douce espérance, le

seul bien réel d'ici-bas , ne peut être fondée que

sur la vertu , comme la vertu ne peut être fondée

que sur la religion -, laquelle a seule le droit de

promettre aux hommes en général une vie éternelle

pour récompense.

Connaissez donc votre religion , et étudiez Jé

sus , votre grand , votre divin modèle. Marchez

DE LA RELIGION DE JÉSUS - CHRIST. 5

sur ses traces ; imitez ses exemples. Si vous avez

le courage de le suivre dans sa carrière laborieuse

et pleine de vertus, vous le suivrez aussi dans son

éternel triomphe. Mais , en imitant Jésus-Christ ,

cherchez par vous-même à découvrir les véritables

traces que ce maître divin a imprimées sur cette

terre pendant sa vie mortelle , et ne vous laissez

point égarer par des esprits aveugles ou passion

nés. Dieu vous a donné, comme à tous les autres

hommes, la raison pour lumière , et la conscience

pour guide. Suivez ces deux compagnes célestes ;

elles vous conduiront infailliblement à la foi et à

une obéissance raisonnable, et vous feront recon

naître sans peine les pas de l'Homme-Dieu.

Quel salut pour la société, si cette jeunesse

nombreuse et intéressante , qui fait aujourd'hui

son unique espoir , connaissait bien le véritable

esprit de la religion de Jésus-Christ ! si elle savait

apprécier toute la beauté, toute la pureté, la pro

fondeur comme l'admirable simplicité de sa doc

trine ! et surtout , si elle pratiquait à l'envi toutes

les vertus douces et sociales dont il nous a laissé

de si touchans exemples ! On pourrait espérer alors

de voir bientôt reparaître sur la terre la belle , la

noble union , la salutaire uniformité de pensées

et de sentimens , la céleste harmonie , la bien

veillance réciproque, la douceur, la franchise et

la confiance. La flamme des passions furieuses

s'éteindrait dans tous les cœurs. Plus de divergence

f) D£ LA RELIGION DU JliSIJ S - CHRIST.

d'opinions ; plus d'opposition d'intérêts ; plus de

haines, de divisions ni civiles ni religieuses: on

oublierait jusqu'aux noms de sectes et de factions!

Quel spectacle ! quel exemple pour l'univers ! Alors

s'accomplirait aussi par toute la terre cette con

solante prédiction de Jésus : « En ce temps-là , il

» n'y aura plus qu'une bergerie et qu'un pasteur.»

Oui , j'espère tout de la nouvelle génération.

Malgré ce qu'on a pu dire contre les mœurs ac

tuelles, je l'ose assurer, la jeunesse chrétienne du

dix-neuvième siècle n'a encore, en quelque sorte,

qu'à suivre le penchant de son cœur pour être ver

tueuse , pieuse , généreuse et noble. Et si en gé

néral elle n'est pas ce qu'elle pourrait être , c'est

qu'il y a eu partout , et depuis bien des années ,

un vice malheureux et funeste dans l'enseignement

de la morale , vice sans lequel il était impossible

qu'il s'offrît parmi nous tant d'exemples d'impiété,

d'incrédulité, de haines , de cruautés, de persé

cutions , de désordres de tout genre , qui ont pres

que donné lieu de croire que des masses entières

de nations avaient dégénéré.

C'est à ceux à qui Dieu a accordé la puissance

et un haut empire sur la religion et la morale des

peuples, à voir s'ils n'ont pas quelque reproche h

se faire sous ce rapport , ou quelque grand moyen

à essayer pour remédier au mal. Le temps presse ,

le remède est urgent : Un peu plus tard il sera

peut-être impossible de relever la chrétienté de

DE LA RELIGION DE JÉSUS- CHRIST. 7

Ses ÉPOUVANTABLES RUINES , et ILS EN RÉPONDRONT

devant l'Eternel.

Pour nous, Célestin, quoique nos moyens soient

bien faibles , contribuons de tout notre pouvoir

au grand œuvre de la régénération des peuples ,

depuis si long-temps égarés, et poussés en quelque

sorte malgré eux dans tous les abîmes. C'est là ce

qui m'a encouragé dans la pénible composition

de ce livre de prières d'un genre nouveau , que le

siècle m'a semblé exiger impérieusement. Les bases

elles-mêmes de toute religion et de toute morale

étant détruites ou ébranlées généralement , il faut

songer à consolider partout dans les cœurs un nou

veau fondement pour les asseoir. L'histoire sera

mon juge, et celui qui voit le fond des cœurs

sera mon rémunérateur. De votre côté , il faut

que vous deveniez absolument un disciple éclairé

de Jésus-Christ, un modèle parfait de toutes les

vertus chrétiennes. C'est là votre tâche. Si vous la

remplissez dignement, croyez-moi, vous trouverez

encore des imitateurs ! oui , de nombreux imita

teurs ! Le Seigneur s'est encore réservé un certain

nombre d'âmes fortes qui n'ont point fléchi le genou

devant Baal. Les bannières du déisme seront in

sensiblement abandonnées , comme insulïisantes

pour les masses ; et , pour les athées , ifs au

ront toujours honte de se déclarer ouvertement!

Les hommes d'un esprit mûr, d'un jugement so

lide, en voyant la conduite noble que vous aurez

,

8 DE LA RELIGION DE JÉSt S - CHRIST.

adoptée , et les exemples que vous donnerez

d'une piété éclairée et raisonnable , d'un chris

tianisme pur , se joindront à vous avec joie ; ils

entraîneront bientôt la masse des nations, et ra

mèneront des temps plus heureux. La raison aura

toujours un grand empire sur les âmes nobles et

sur les cœurs bien faits. L'univers serait trop à

plaindre si les temps ne devaient plus revenir où

Ton pourra encore prononcer sans rougir les noms ,

de Dieu , de Vertu , de Piété et de Religion.

Agréez donc ce livre , qui renferme la croyance

et les sentimens d'un adorateur selon le véritable

esprit de Jésus-Christ , comme un gage assuré du

désir ardent que j'ai de vous voir parfait et heu

reux dans le Seigneur. Je l'ai intitulé Manuel,

afin que vous vous souveniez qu'il doit toujours

être entre vos mains. Vous y puiserez , en effet ,

la force , le courage , les vertus , les lumières et

les consolations qui vous seront nécessaires aux

différentes époques, que dis-je ? tous les jours et

dans toutes les circonstances de votre vie. Vous

y trouverez les réflexions et les sentimens qui oc

cuperont toujours une âme sensible au moment

du réveil. Vous y verrez également dans quelles

dispositions un être doué de raison , et surtout un

chrétifin éclairé, doit terminer la journée, et s'a

bandonner au sommeil, lequel est une image , ou

plutôt un état voisin de la mort , état pendant

lequel souvent les plus étonnantes facultés propres

DE LA RELIGION DE JÉSUS - CHRIST. 9

à une vie future se développent. Tous les jours il

vous offrira la matière qui pourra servir à vos sé

rieuses réflexions. J'ai tâché de choisir pour cet

effet les sujets les plus attachans et les plus graves,

comme les plus utiles et les plus indispensables

de nos jours; dans ce siècle indéfinissable, où tout

le monde erre sans principes fixes , sans plan de

vie, sans but et malheureusement sans la moindre

inquiétude ; où une indifférence totale semble

avoir paralysé tous les cœurs ; comme si , en

effet, on était enfin parvenu à se convaincre qu'il

n'existe réellement ni principes , ni vertus , ni

devoirs , ni vie future , ni Créateur, ni espoir pour

l'homme.

Mon ami , j'y ai aussi joint les exercices indis

pensables de votre religion , tels que ceux de l'as

sistance au renouvellement du sacrifice solennel ,

le jour du Seigneur , où l'assemblée des chrétiens

célèbre le souvenir de la passion , de la mort et

de l'amour infini de Jésus ; où toute âme se rem

plit de grâces , et où tous les cœurs prennent une

nouvelle trempe par une édification mutuelle et

publique ; ceux de la confession , ou de l'aveu de

ses fautes , où le chrétien reconnaît ses torts et ses

erreurs , et où il prend la résolution, toujours plus

ferme, de marcher d'un pas toujours plus sûr dans

les sentiers de la perfection et du vrai bonheur;

ceux , enfin , de la communion où nous rece

vons le gage précieux de l'immortalité et d'une

IO DE LA RELIGION DE JÉSUS - CHIIIST.

parfaite réconciliation avec le souverain Seigneur,

aussi-bien qu'avec nos frères.

A Dieu ne plaise que vous imitiez en rien

l'aveuglement des prétendus sages du siècle, qui

croient s'élever au-dessus de leurs contemporains

par le mépris qu'ils affectent pour la religion, et

l'indécence avec laquelle ils tournent en dérision

les plus saintes institutions ! comme si la religion

n'était pas, par elle-même , un objet si grand et

si vénérable, que les abus eux-mêmes, que la

faiblesse humaine pourrait quelquefois y mêler,

devraient encore être traités avec égards au ju

gement d un esprit solide et droit , jusqu'au mo

ment du moins que les circonstances permet

traient de les supprimer ! Non, Célestin , vous

n'imiterez jamais une conduite aussi vile et aussi

odieuse. Vous reconnaissez avec moi ces grandes

vérités qui sont les fondemens éternels de l'édi

fice social : que la religion est la base de la mo

rale publique; qu'il serait plus avantageux pour

une nation d'avoir une religion imparfaite que

de n'en avoir aucune ; mais qu'il vaudrait encore

mieux n'en avoir aucune , que de laisser géné

ralement avilir celle qui est reconnue , parce

que son avilissement entraînerait infailliblement

la perte de tout principe et de toute morale.

Et vous en conclurez que vous devez donc res

pecter d'autant plus la religion chrétienne dans

laquelle vous avez eu le bonheur de naître , qu'elle

m: LA RELIGION DE JÉSCS - CHRIST. I I

est d'ailleurs la plus parfaite que la philosophie

puisse concevoir.

La religion est la première pierre qu'il faut poser,

lorsqu'on veut travailler à consolider les bases du

bonheur des peuples. Jamais, dans un état, la reli

gion n'a été mise en honneur, sans qu'elle ait fait

sentir aussitôt son influence salutaire pour la pro

spérité générale. Mais aussi ne l'a-t-on jamais

avilie impunément ! Quelle religion pourra-t-on

donner encore à l'univers , si on ne lui conserve

celle de Jésus - Christ ? Les sages du siècle , qui

détruisent toujours sans jamais rien édifier, n'ont

pas encore dit un mot de la religion qu'ils vou

draient voir substituer au christianisme. Et, si

par-là ils ont prétendu nous faire entendre qu'il

n'en faut avoir aucune, autant eût valu dire à

l'homme sage de renoncer à tout espoir et à la

vie ! Malheur ! oui malheur à l'homme sensible,

à l'homme juste , à l'homme sociable qui serait

condamné à vivre au milieu d'un peuple qui au

rait rompu la barrière de tous les principes reli

gieux ! il serait infailliblement la triste victime

de tous ses sentimens hbnnêtes.

O Dieu ! qu'ils sont coupables ceux qui ont été

la première cause du dépérissement du christia

nisme sur la terre ! Quelle responsabilité devant

le Créateur et Sauveur du genre humain ! Avec

quel soin les personnes d'un certain rang, et dont

l'exemple dirige des milliers de leurs semblables ,

12 DE LA RELIGION DE JÉSUS - CHRIST.

devraient éviter de donner au peuple même le plus

léger soupçon d'un manque de foi et. de religion !

Une personne qui a reçu de l'éducation peut abso

lument conserver quelques principes de justice et de

convenance, même sans avoir l'esprit de la religion

dans laquelle elle a été élevée ; mais ijb peuple ,

privé de sa religion, ne peut être qu'une bête

féroce déchaînée, qui ravage et?qui dévore! Il n'est

capable de sentir sa liberté et sa vie que dans le

déchaînement des passions les plus basses et les

plus furieuses.

Le peuple ne fait en effet aucune différence en

tre un usage religieux et un autre, ni entre un

point de doctrine et un autre : il les range tous

sur la même ligne ; et en voyant une personne

que son rang ou ses lumières ont placée au-dessus

de lui, négliger ou mépriser la plus indifférente

des pratiques , il croira l'imiter en tenant la con

duite la plus immorale, par où il voudra se dis

tinguer de la foule. Cette vérité est si importante,

que c'est une obligation stricte , pour les déposi

taires de l'autorité, d'abolir entièrement et sans

/ délai tout usage qui ne conviendrait plus au siècle.

Ainsi , Célestin , persuadé qu'en méprisant la

religion , vous accuseriez par-là même d'incapacité

ou de pusillanimité le souverain qui la protège ou

la tolère ; que vous taxeriez de faiblesse d'esprit

tous ceux d'entre vos contemporains qui la recon

naissent ou la pratiquent; que vous censureriez vos

DE LA RELIGION DE JÉSUS - CIIRIST. I 3

ancêtres de plusieurs siècles, vous qui n'êtes que

d'hier ! persuadé enfin, qu'en tournant en dérision

un seul des usages religieux de votre nation , vous

porteriez un coup fatal à la morale publique, je

vous verrai toujours raisonnable à cet égard , tou

jours noble et grand dans votre conduite, tou

jours digne du Créateur et de vous-même. Vous

respecterez tout ce qui aura le moindre rapport

à la religion , vous serez plein d'égards envers ses

plus humbles ministres ; que dis-je ? vous traiterez

même avec ménagement, comme nous venons de

le remarquer , jusqu'aux légers abus que le temps

introduit nécessairement dans toute institution

faite pour des hommes, jusqu'à ce que le moment

favorable de les abolir soit arrivé.

C'est ainsi que vous trouverez dans ce Manuel

tous les grands principes sur lesquels reposent la

religion, la morale, la félicité, et par conséquent

les plus douces espérances du genre humain : prin

cipes sacrés , sans lesquels il n'y a et il ne peut y

avoir, dans la société, ni paix, ni ordre, ni justice,

ni vertu, ni bonheur, ni espoir pour l'homme.

Nourrissez donc votre esprit de ces vérités salu

taires , et remplissez tous les jours votre cœur de

ces sentimens célestes. Enrichissez, perfectionnez

incessamment votre âme. Ne cessez jamais un mo

ment de vous rapprocher de la ressemblance du

modèle divin qui est proposé à votre imitation dans

la personne sacrée de Jésus. Rendez-vous d'un iu

l4 DE LA RELIGION DE JÉSUS - CHRIST.

stant à l'autre plus digne de votre éternel Créateur.

Marchez, en un mot, de vertu en vertu, de perfection

en perfection ; vous marcherez en même temps de

gloire en gloire, de bonheur en bonheur. Dieu lui-

même ne pourrait vous rendre plus heureux, si

vous ne deveniez plus parfait, parce que vous êtes

un Etre libre et intelligent. Mais , pendant toute

l'éternité, le Seigneur pourra ajouter à chaque in

stant un degré de plus à votre félicité, à mesure que

vous ferez vous-même quelques progrès dans la

perfection, le bonheurétant inséparable dela vertu,

aussi-bien que le malheur du vice. Quelle vocation

pour un être doué de raison! Quelle perspective

pour un esprit qui réfléchit I

Que le Dieu de toute-puissance et de toute bonté

soit avec vous ! qu'il vous fortifie, et vous encou

rage ; qu'il guide lui-même vos pas chanceîans

dans les nombreuses épreuves de cette vie ; qu'il

dirige lui-même votre course sur cette mer ora

geuse et pleine d'écueils , et vous mène au port du

salut! Que la sainte paix de Jésus-Christ règne à

jamais dans votre cœur, et que le calme parfait

dont il fait jouir ses vrais disciples, ne soit jamais

troublé un seul moment dans votre âme !

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

AU MOMENT DU RÉVEIL.

D i e d de bonté , mon Créateur et mon père ! la

lumière d'un jour nouveau me réveille et me rap

pelle à mes occupations ordinaires : c'est une

nouvelle création, une vie nouvelle, un nouveau

bienfait de votre part ajouté à tant d'autres !

Conserver et créer n'est qu'un même acte de votre

volonté toute-puissante.

Le jour d'hier est anéanti pour moi; je suis

mort pour ce jour, comme pour toute la partie

de ma vie qui est déjà écoulée. Il ne m'en reste

en etFet qu'un simple souvenir ! souvenir doux et

consolant , si j'ai pratiqué la vertu et si j'ai fait le

Bien ; mais souvenir pénible et amer, si, en me

raidissant contre ma raison et ma conscience , j'ai

fait le mal et me suis livré' à mes passions in

justes. !

Seigneur, le nouveau jour qui luit, le seul qui

soit vraiment à ma disposition, je veux l'employer

tout entier à procurer votre pius grande gloire , en

travaillant au bonheur de mes semblables et à

ma propre perfection. Et votre g'oire, ô bonté

l6 HËFLEXIONS ET SENTIMES S

suprême ! se trouve-t-elle autre part que dans le

bien-être de vos créatures? Non, sans doute. Je

puis donc le dire avec vérité , si je suis fidèle à la

résolution que je viens de prendre , je ne ferai

autre chose aujourd'hui que travailler efficacement

à ma véritable félicité.

Je me sens tout renouvelé : mes membres , par

un sommeil doux et paisible, ont repris toute leur

vigueur. Je me sens armé d'un nouveau courage,

de nouvelles forces, et je suis prêt à entreprendre

toute espèce de travail. Serais-je assez à plaindre

pour méconnaître un seul instant que tous ces

dons ne sont qu'un présent non mérité de votre

infinie bonté ? Ah ! que rna première occupation

soit donc aussi de vous rendre mes devoirs ! Que

les prémices de mes pensées et de mes sentimens

vous soient donc aussi consacrées, ô Créateur tout-

puissant et tout bon ! A quel autre les offrirais-je

qu'à vous?

Quelle douce émotion de la plus profonde re

connaissance remplit mon cœur, lorsque je réfle

chis aux bienfaits que votre main paternelle a ré

pandus sur moi pendant cette nuit , et à ceux dont

elle est prête à me combler encore durant ce jour !

Si je revois la lumière, si je puis encore éprouver

ici-bas les effets de votre bonté aimable, n'est-ce

point par une pure grâce de votre douce provi

dence et de votre amour sans bornes? N'aurait-il

pas pu arriver que je m'endormisse hier pour ne

AU MOMENT DU RÉVEIL.

plus me réveiller? Le sort de plusieurs de mes

semblables , dont- le sommeil a été changé en une

mort soudaine, n'aurait-il pas pu me frapper éga

lement? Les ténèbres de la tombe couvriraient

maintenant mes paupières; ma bouche serait gla

cée , et mon oreille sourde à la voix de l'amitié !

Mon cœur aurait cessé de battre , et tous mes

membres seraient paralysés ! Pour moi, j'aurais

passé aux régions de l'immortalité I Et dans quel

état, ô mon Dieu ! Peut-être qu'à l'heure qu'il est,

je tremblerais devant votre tribunal de sainteté et

de justice !

Mais non, le Seigneur a voulu prolonger ma

vie. Le temps et les moyens me sont encore don

nés de reconnaître mes erreurs et les faiblesses de

mon cœur , et de réparer tous mes torts. Ces mal^

heureuses chutes d'hier même ne serviront qu'à

me faire sentir mon inexpérience et mon néant ,

et qu'à m'avertir de me tenir mieux sur mes gar

des aujourd'hui , afin de ne plus oublier Dieu ni

la vertu.

Je suis donc rendu à la société, et je revois une

épouse vertueuse , une mère tendre, un enfant

chéri , un bon père , un vertueux époux , un géné

reux bienfaiteur, des amis, des proches, des pa-

rens. Je revois aussi mes ennemis, les personnes

envers lesquelles j'ai eu des torts , peut-être encore

hier ! Je revois même les lieux où je me suis égaré,

et où j'ai eu le malheur de pécher ! Seigneur, je le

a

1-8 RÉFLEXIONS ET SENTIMEKS

reconnais ; si vous prolongez encore ma vie en ce

jour, c'est uniquement pour me fournir l'occasion

de mieux mériter à vos yeux ; pour m'amener à

mieux reconnaître vos bienfaits, et à travailler

plus eflicacement à mon bonheur, en corrigeant

toutes mes erreurs, en réparant toutes mes fautes;

enfin , pour me convaincre toujours davantage que

votre fidélité est toujours la même et votre bonté

toujours nouvelle. O mon Dieu ! pour tant de la

veurs, recevez le sacrifice d'un cœur reconnaissant,

et agréez la promesse sacrée que je fais ici en votre

présence, de fuir aujourd'hui avec tout le soin

possible les occasions qui pourraient devenir dan

gereuses à ma foi et à ma vertu , et de rechercher

avec une ardeur infatigable celles où je pourrai

amasser des trésors d'amour et de miséricorde

pour l'éternité ! Bénissez cette résolution , ce vœu

que je forme , de me conduire en ce jour avec une

prudence et une sagesse véritablement dignes d'un

chrétien.

Réflexions consolantes qui m'êtes sans doute

suggérées par l'Esprit de toute sainteté, soyez tou

jours présentes à mon âme ! Sentimens purs et

divins qui remplissez mon cœur , pénétrez-le tou

jours plus avant ! Oui, je puis, je dois me réjouir

d'une si belle et si riante matinée ;el!e me rappelle

ce grand moment, aussi solennel qu'imposant, de

la résurrection pour la vie à venir , quand je me

réveillerai d'entre les morts ! Plus d'une fois dans

AU MOMENT DU RÉVEIL. ig

ma vie de brillantes matinées ont réjoui mon âme

au moment du réveil ; mais combien ne sera-t-elle

pas plus brillante, cette matinée la dernière de

toutes , ce glorieux réveil pour un jour éternel,

sans nuages , sans changemens , et sans ombre de

vicissitude ! Les récompenses et la gloire du Tout-

Puissant réjouiront éternellement l'ami sincère et

toujours fidèle de la vertu !

Elevez-vous , ô mon âme ! élevez-vous au-dessus

de cette ombre que projette la terre , et que les

mortels appellent la nuit , et contemplez cette

lumière immense et sans fin que jamais nuit ne cou

vrit de ses voiles ! Quand vous aurez triomphé des

ténèbres de la mort , vous serez ainsi plongée dans

l'océan des clartés éternelles du Dieu de la vérité,

de la vie et de la félicité ! La lumière de tous les

soleils n'est qu'une faible image de la gloire du

Seigneur. O mon Créateur I ô source intarissable

de tout bien ! combien mon amour pour vous s'en

flamme au souvenir de vos infinies merveilles !

combien tous mes semblables me deviennent chers,

quand je me rappelle nos immortelles destinées !

Je me hâte donc , Seigneur, de reprendre les

diverses occupations de mon état. Je veux remplir

en ce jour tous mes devoirs avec exactitude et

selon ma conscience. Ma résolution à cet égard est

ferme et inébranlable. Je ne consentirai à aucun

désir , à aucune pensée indigne de vous , et je

n'exécuterai aucune entreprise qui pourrait m'at

20 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

tirer ce soir les reproches de ma conscience ou le»

vôtres. i

Rien ne vous est caché , ô mon Dieu ! vous con

naissez mon cœur, vous en démêlez tous les replis,

et aucun mortel ne saurait vous en imposer. Vous

connaissez mieux que moi le degré de ma sincérité.

Ma volonté est prononcée pour le bien, sans doute :

je veux même marcher d'un pas ferme sous l'œil

de votre éternelle Providence ; mais la chair, vous

le savez , est faible : accordez-moi donc le secours

de votre grâce divine , afin qu'avec la bonne vo

lonté qui m'anime dans ce moment, je trouve aussi

la force de demeurer fidèle à la foi et à la vertu.

Il m'est démontré que je ne pourrai trouver par

aucune autre voie la paix et le contentement du

cœur.

En suivant ainsi les préceptes de la vraie sagesse,

que votre religion seule enseigne , je vous consa

crerai de même le reste de mes jours dont le

nombre sera peut-être plus petit que je ne pense,

et j'estimerai toujours plus le témoignage consolant

d'une conscience pure et sans tache , que tous les

trésors et le faux éclat du monde.

Éloignez de moi , ô mon Dieu ! toutes les ten

tations dangereuses et qui pourraient m'ébranler.

Si votre sagesse divine juge convenable d'éprouver

aujourd'hui ma vertu , ma fidélité et mon amour

par des assauts difficiles à surmonter, alors soyez

a ma droite , et soutenez mon courage chancelant

AU MOMENT DU RÉVEIL. 2 1

par cette grande pensée , que vous êtes vous-même

le témoin éternel et incorruptible de tous mes

sentimens, de toutes mes démarches et de tous mes

sacrifices. Faites qu'à la fin de ce jour mon cœur

puisse se remplir d'une secrète joie , en le considé

rant comme un de ces jours pleins que j'aurai mis

en réserve pour l'éternité.

Mon Créateur et mon Père ! bénissez d'avance

toutes les bonnes œuvres que j'espère accomplir

aujourd'hui par suite de ces résolutions. Faites que

je remplisse avec une véritable joie tous les devoirs

que mon état m'impose.Veillez aussi sur mes biens,

ma santé , mon honneur et ma réputation , et

étendez de même votre bras puissant et protecteur

sur tous ceux qui me sont chers, afin qu'ils ne

soient frappés d'aucun de ces malheurs qui rem

pliraient mon cœur d'amertume ; ou bien , s'il

plaisait au ciel de me visiter en ce jour par quelque

dure épreuve , apprenez-moi alors à me résigner

avec une entière confiance en votre bonté pater

nelle , et à mettre tout mon espoir en vous. Oui,

je crois que je pourrai supporter, avec une patience

et un courage vraiment dignes d'un chrétien, tous

les malheurs auxquels la vie de ce monde nous

expose, ainsi que toutes les traverses que les passions

injustes de mes semblables pourraient me susciter.

Dirigez mes pas , ô mon Dieu ! selon votre bon

plaisir , car vous seul savez ce qui pourra me con

duire plus heureusement à ma fin.

23 IÏÉFLEX. ET SENT. AU MOMENT DU RÉVEIL.

J'élève aussi ma prière vers vous, Père univer

sel , ainsi que Jésus-Christ me l'a enseigné , pour

vos autres enfans, mes frères et mes sœurs, et

généralement pour tous mes semblables. Remplis

sez toute la terre de vos bénédictions. Étendez vos

bienfaits sur tous les humains ; que tous aient à se

réjouir au souvenir de votre bonté toute-puissante,

et qu'en reconnaissant votre main paternelle ils

exaltent vos bienfaits infinis ! Que votre volonté

sainte soit l'unique règle de la conduite de toutes

les créatures raisonnables !

Ces pensées m'accompagneront aujourd'hui dans

toutes mes occupations. Soyez avec moi, Seigneur,

et je n'aurai à craindre aucun mal. Ah ! je le sais

assez , vous ne voulez ni ne pouvez abandonner un

faible enfant que vous avez créé , et qui vous a été

spécialement consacré par Jésus-Christ !

Amen.

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

SUR DIVERS SUJETS

DE RELIGION ET DE MORALE.

».vw\wwwwwwww

PREMIER SUJET-

l'homme.

Je m'occuperai aujourd'hui quelques instans de

moi-même : est-il un sujet qui me touche de plus

près ? Combien de personnes n'ont jamais réfléchi

sérieusement sur la merveille de leur existence !

Moi tout le premier , distrait dès l'enfance par les

objets terrestres qui nous entourent sans cesse et

absorbent notre attention , je n'ai jamais fait un

retour bien sérieux sur mon propre être. Après

avoir étudié la nature et les propriétés de mille

objets qui sont placés hors de moi , je suis obligé

d'avouer que je m'ignore encore moi-même.

En jetant un regard curieux sur la structure

admirable de mon corps, et en réfléchissant atten

tivement à ce qui se passe au dedans de moi , je

suis touché , pour la première fois , d'un profond

24 RÉFLEXIONS ET SENT1MENS

sentiment de surprise à la vue de la merveille de

mon existence. Où suis-je ? Qui suis-je? Quels sont

mes rapports avec la société , et mon rang dans

l'univers ?

Quant à mon corps, il est sans contredit l'ou

vrage le plus parfait qui se rencontre sur la terre.

Tout y est ménagé avec un art merveilleux ,

et qui effraie l'imagination. Il reçoit de tous côtés

les impressions des objets extérieurs sans en être

blessé. Il est pourvu de différentes espèces d'or

ganes , afin qu'il puisse éviter tout ce qui l'offense

ou le détruit. La délicatesse des diverses parties ,

quoiqu'elle ail le à une finesse inconcevable, s'accorde

avec la force et la solidité. Le jeu de tous les ressorts

n'est pas moins aisé que ferme.A peine puis-jesentir

le mouvement de mon cœur, dont l'effort est si pro

digieux ; tandis que je sens les moindres mouve

mens du dehors, si peu qu'ils viennent à moi. Les

artères battent, le sang circule, les esprits coulent,

toutes les parties s'incorporent leur nourriture, sans

distraire mes pensées, sans troubler mon sommeil,

sans exciter tant soit peu mon sentiment : tant' il

existe de règle et de proportion , de délicatesse et

de douceur dans de si grands mouvemens !

Tant d'organes si bien arrangés et si propres

aux usages pour lesquels ils sont faits , la disposi

tion des valvules , les pulsations du cœur et des

artères, la délicatesse des parties du cerveau, et la

variété de ses mouvemens dont dépendent tous les

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2$

autres , la distribution du sang et des esprits , les

effets divers de la respiration, qui sont d'un si grand

usage dans le corps.... tout cela est d'une économie,

et , s'il est permis d'user de ce mot , d'un méca

nisme si admirable , qu'on ne le peut voir sans

ravissement , ni assez admirer la sagesse qui en a

établi les règles.

Il n'est guère de machine connue que je ne re

trouve dans mon corps. Pour sucer quelque liqueur,

les lèvres servent de tuyau , et la langue sert de

piston. Au poumon est attachée la trachée-artère,

comme une espèce de flûte douce , ou un instru

ment à vent, qui, s'ouvrant plus ou moins, modifie

l'air et diversifie les tons. La langue est comme un

archet qui , frappant à la fois les dents et le palais,

produit, de concert avec les lèvres , des sons d'une

prodigieuse variété. L'œil a ses humeurs et son cris

tallin ; les réfractions s'y ménagent avec plus d'art

que dans les verres les mieux taillés. Il a aussi sa

prunelle qui se dilate et se resserre ; tout se règle

sur l'axe de la vision et s'ajuste aux distances ,

comme les lunettes à longue vue. L'oreille a son

tambour où une peau aussi délicate que bien

tendue résonne au moindre bruit qui agite l'air;

elle a aussi dans un os fort dur des cavités prati

quées pour faire retentir la voix et multiplier le

son , comme il arrive dans les échos ou parmi les

rochers. Les vaisseaux ont leurs valvules tournées

en tous sens. Les os et les muscles ont leurs poulies

20" RÉFLEXIONS ET 8ENTIMENS

et leurs leviers; les proportions qui font les équi

libres et la multiplication des forces mouvantes y

sont observées dans une justesse où rien ne manque,

où rien ne reste à désirer. Et au surplus , tous ces

rouages sont si simples, le jeu en est si aisé et

la structure si délicate , que tout autre machine

est grossière en comparaison.

A rechercher de plus près les appareils, on y voit

toutes sortes de tissus : rien n'est mieux filé , rien

n'est mieux passé, rien n'est serré plus exactement.

Nul ciseau , nul tour, nul pinceau ne peut appro

cher de la perfection avec laquelle la nature tourne

et arrondit ses sujets.

Tout ce que peut faire la séparation et le mé

lange des liqueurs, leur précipitation, leur diges

tion, leur fermentation et le reste, est pratiqué si

habilement dans mon corps, qu'auprès de ces opé

rations la chimie la plus fine n'est qu'une ignorance

très-grossière.

On voit aussi à quel dessein chaque chose a été

faite : pourquoi le cœur , pourquoi le cerveau ,

pourquoi les esprits , pourquoi la bile , pourquoi

le sang, pourquoi les autres humeurs. Dirai -je

que mon sang n'est pas fait pour arroser mon

corps et le nourrir; que mon estomac et les eaux

qu'il jette par ses glandes ne sont p;is faits pour

préparer par la digestion la formation du sang;

que mes artères et mes veines ne sont pas faites

de la manière qu'il faut pour le contenir, pour le

i

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 27

porter partout , pour le faire circuler continuelle

ment, ou que le cœur n'est pas fait pour donner l'im

pulsion à cette circulation ? Dirai-je que la langue

ou les lèvres , avec leur prodigieuse mobilité , ne

sont pas faites pour former la voix en mille sortes

d'articulations, ou que la bouche n'a point été mise

à la place la plus convenable pour transmettre la

nourriture à l'estomac; que les dents n'y sont point

placées pour rompre cette nourriture et la rendre

capable d'entrer ; que les eaux qui coulent dessus

ne sont pas propres à la ramollir , et ne viennent

pas pour cela à point nommé ; ou que ce n'est pas

pour ménager les organes et la place, que la bouche

est pratiquée de manière que tout y sert également

pour la parole et la nourriture ? Dirai-je que ma

main , avec ses doigts si déliés et leurs ongles si

admirablement ménagés , n'est pas faite pour le

travail, ni placée de manière à pouvoir soigner tout

le corps ; que les pieds ne m'ont point été donnés

pour me transporter partout où je veux ; que l'œil

enfin n'est point fait pour voir, ni l'oreille pour

entendre ? Certes , je ne suis ni assez stupide ni

assez insensé pour outrager la raison d'une manière

aussi grossière et aussi révoltante.

Mais quel être plus admirable mille fois anime

ce corps? Qu'est-ce que cet esprit , quelle est cette

âme , ou ce moi, qui vient de faire toutes les ré

flexions précédentes , et de former ces divers rai-

sonnemens? O surprise! serait-ce encore ici une

28 RÉFLEXIONS ET SEJVTIMENS

opération secrète de ce même corps que j'examine;

un autre jeu de nerfs encore plus fins et d'humeurs

encore plus déliées? Mais quel rapport peut-il y

avoir entre la nourriture grossière que je prends , et

la pensée, le jugement, là raison, ce moi surtout

qui demeure toujours individuellement le même ,

quoique les parties matérielles changent sans cesse,

au point que dans peu d'années tout mon corps se

renouvelle ? Un composé de chair et d'os , qui

pense, qui raisonne, qui s'admire lui-même ! Non,

la matière organisée n'est point susceptible d'une

telle perfection! Ce qui constitue vraiment l'intelli

gence individuelle dans l'homme doit être tout

autre chose que ce que prétend l'anatomiste ou le

physiologiste grossier. Etsije trouve que l'existence

des êtres purement spirituels ne répugne point à

l'essence des choses ,' je serai convaincu que c'en

est un qui m'anime. Mais pourquoi l'existence d'un

être purement spirituel et étranger à la matière se

rait-elle impossible? L^sprit n'est-il pas plus conce

vable que le corps lui-même? Les philosophes ne

peuvent faire autant d'objections contre la création

des êtres immatériels que contre celle des corps.

Dire qu'un objet n'est point matériel, ce n'est pas

dire qu'il n'est rien : le moi intelligent est sans doute

un véritable être ; et si nous ne pouvons nous en

faire une idée , c'est uniquement parce qu'il en est

de l'âme comme d'un sixième sens, ou d'une hui

tième couleur primitive : nous n'avons jamais vu

SUR DIVERf? SUJETS DE RELIGION. 2g

d'objets semblables. Oui, cet être simple séparé de

la matière, cette âme qui me donne le sentiment et

la vie , ne peut être méconnue par un homme raison

nable. Et, quoique je ne puisse m'en former une

idée exacte , je dois encore avouer qu'elle m'est

plus intimement connue que ce corps lui-même

qui lui est uni ; car , après tout, mon âme, c'est ma

raison, c'est moi; tandis que le corps n'est qu'un in

strument dont je me sers , et qui m'est en quelque

sorte étranger. Le somnambulisme, dont les phé

nomènes sont si surprenans et si inexplicables pour

les matérialistes du jour, prouve jusqu'à l'évidence

que ce n'est point l'œil qui voit, ni l'oreille qui en

tend, ni en général le corpsqui sent; mais que toutes

ces fonctions sont le propre de l'âme, laquelle est un

être individuel, et qui peut exister sans les organes.

Maintenant donc, pourquoi suis-je sur cette

terre? Quelle main habile m'y a placé? Quelle est

la fin de mon être?Je connais bien l'usage de chaque

partie de mon corps ; mais mon être tout entier ,

quelle en sera la destination ? Quel est mon rang,

mon emploi dans la grande chaîne des êtres créés?

Suis-je fait uniquement pour cette terre, pour la so

ciété du genre humain, ou bien ai-je des rela tions avec

le Créateur et avec un monde plus parfait? 0 vous

tous, êtres qui m'environnez! beau firmament! ad

mirable nature! et vous, terre, parlez.... je vous

interroge ! Qu'exige de moi ce souverain Seigneur,

dont vous m'annoncez l'existence , la grandeur et

30 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

la majesté? Vous êtes muets! — Mais que votre

silence me parait éloquent !—Oui je suis un des rois

de ce globe! Être libre et intelligent, je dois aller

à ma fin par moi-même. J'interrogerai donc mes

semblables, je m'interrogerai moi-même : ma rai

son et mon cœur me parleront du Dieu qui m'a créé !

O mon Créateur, mon éternel bienfaiteur! Ah !

pourquoi , pourquoi êtes-vous un Dieu caché ?

SLR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3i

SECOND SUJET

DIEU.

Ou est cette source éternelle qui répand inces

samment la lumière, la vie et le bonheur sur tous

les globes et sur toutes les créatures? Où est cette

première action d'où dérive toute force, toute vertu ,

tout mouvement, par laquelle tout a reçu l'être, et

par laquelle tout se conserve ? Où est cette cause

première qui ne dépend que d'elle-même , et qui

est l'unique principe de tout ce que je vois , de tout

ce que je sens , de tout ce que j'entends ? Où est-elle ,

cette première, cette suprême raison , cette sagesse

immense , cette bonté infinie qui a laissé de si bril

lantes traces autour de moi dans l'empire de la

création? Tout ce qui m'environne ne porte-t-il

pas l'empreinte d'une puissance illimitée, d'une sa

gesse sans bornes et d'une bonté qui embrasse tout?

O vous ! de quel nom vous appellerai-je ? Créateur,

Dieu , Eternel , Etre des êtres , le ciel et la terre

m'annoncent votre existence ! Le bruit de la feuille

qui tombe me parle de vous , comme celui du fleuve

qui se précipite dans l'abîme. Chaque grain de

sable , chaque plante , chaque brin d'herbe , l'homme

et le vermisseau , tout ce qui a l'être bu la vie, me

32 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

raconte vos merveilles. Je vous vois dans la lumière

du soleil aussi bien que dans la faible lueur de l'in

secte de la nuit. Je vous entends dans le chant de

l'oiseau comme dans le rugissement du lion. Je

vous reconnais dans la voix d'un ami comme dans

le bruit du tonnerre ou le mugissement des vagues

de la mer. En un mot , je reconnais votre action

divine danschaque vertu quim'anime etm'échauffe ;

et il n'est point de force dans mon corps, point de

puissance dans mon âme, qui ne me dise en un

langage ineffable : Il y a un Dieu, un Créateur;

adore-le ! Seigneur , vous avez été, vous êtes et

vous serez ! !

Oui, ma raison et mon cœur se réunissent pour

m'assurer qu'il existe un Dieu. Que dis-je ? ce corps

lui-même, dans sa structure admirable, m'apprend

qu'il existe un auteur divin. Le jeune enfant plein

de candeur et de simplicité, et dont la raison com

mence à se développer, m'annonce ce Dieu dont la

bonté brille dans tous ses traits. ^Toutes les nations

reconnaissent l'Etre éternel , quoiqu'elles l'adorent

de diverses manières; et tous les jours des mil

lions de mes semblables lui adressent leurs vœux :

l'homme civilisé comme le sauvage , l'Européen

éclairé comme l'Américain simple et grossier , le

philosophe aussi bien que le laboureur; l'athée lui-

même , et le matérialiste , tendent vers lui leurs bras

et l'invoquent au moment du naufrage ! Qui pourra

donc vous méconnaître , ô mon Dieu! — Qui ? —

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 33

L'impie lui seul dira dans son cœur : Dieu n'est pas ;

et son cœur le démentira !

En effet, l'âme corrompue , la conscience agitée

par les remords sans espoir de repentir , l'esprit

aveugle , la passion injuste , un cœur flétri par le

crime , enfin l'homme au désespoir, pourront seuls

douter de l'existence d'un Dieu créateur et rému

nérateur! ii , ; • .t i i • ' -

Voici comment raisonne le philosophe vain, or

gueilleux et indigne de ce nom : Je ne comprends

pas un Dieu créateur, éternel, immense, infini,...

donc il n'existe pas; et voici le langage solide et

humble du vrai philosophe et de la raison : Je ne

comprends pas un Dieu créateur, éternel , immense,

infini y... donc jesuis un être borné, mais Dieu n'en

existe pas moins. De ce que je ne le comprends

pas , il ne s'ensuit pas que je doive l'anéantir: c'est

à moi de m'anéantir devant lui. Moins je le

comprends , plus je l'adore. Je. m'anéantis en sa

présence, et me réjouis de le voir si fort élevé au-

dessus de tout ce qui est créé , et. de nia faible

conception. Si je le comprenais , il ne serait plus

le Dieu de mon cœur : le Dieu de mon cœur est

un Dieu incompréhensible. <,,

Pour moi, Seigneur , que je suis heureux de vous

reconnaître ! que je suis heureux de pouvoir ainsi

élever mon âme et mon cœur jusqu'à vous, ô source

éternelle de toute perfection , de toute beanté et

de toute félicité ! Du haut de votre trône immuable ,

3

34 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

ô vous qui habitez une lumière inaccessible! jetez

un regard sur l'ouvrage de vos mains ! Du fond de

l'abîme j'ose élever un œil timide jusqu'à vous , et .

vous dire que je vous reconnais, que je vous aime ,

et que je me sens pénétré de reconnaissance en

vers mon Créateur. Périssent ceux qui vous mé

connaissent ! Qu'ils soient anéantis ces stupides qui

préfèrent le néant au Dieu éternel ! ou plutôt, Sei

gneur , dans votre pitié et votre miséricorde infinie ,

éclairez ces pauvres aveugles et les rappelez à vous ;

car, hors de vous , il n'est point de vrai bonheur.

Comme la vie humaine me semblerait sombre et

triste sans vous , ô mon Dieu ! comme elle me pa

raîtrait vide de plaisirs ! Si j'étais un simple jeu du

hasard , que pourrais-je espérer pour la suite ? A

qui pourrais-je confier le soin de ma destinée? Sur

qui pourrais-je me reposer de mon sort? ou plutôt,

que n'aurais-je point à redouter! Ce même hasard,

aveugle et sourd, qui m'aurait produit, ne pour

rait-il pas aussi me rendre éternellement malheu

reux sans que je pusse m'en plaindre ? Dieu de

mon cceur! si je n'étais persuadé que vous êtes mon

Créateur, et que vous serez éternellement mon pro

tecteur, je porterais envie à l'être irraisonnable qui

me suit, car son sorjt serait plus heureux que le

mien. La raison, le sentiment , ne seraient plus

alors pour moi qu'un martyre continuel et un

bourreau qui me rappelleraient incessamment mes

malheurs. Comment donc , ô Dieu de mon bon-

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 35

heur! ce penchant qui m'entraîne vers vous, ce

désir inquiet qui vous cherche et vous réclame ,

comment serait-il chimérique et sans ohjet? Ah ! ce

désir est entré si avant dans mon âme ! il a péné

tré si profondément dans mon cœur !

Esprit troublé et faible, rassurez-vous ! Dieu l'E

ternel est le Créateur de tous les mondes, aussi-bien

que du vôtre. Vous avez été produit par son souffle

immortel. Oui, je le crois d'une foi ferme et iné

branlable , et je me réjouis dans cette foi de toute

la plénitude de mon cœur.

Maintenant donc, je sens mieux le prix de mon

existence ; je ne me trouve plus abandonné, seul et

isolé au milieu de mes semblables qui sont tous

faibles comme moi. Je ne suis plus un jeu de l'a

veugle hasard , mais je suis votre ouvrage , l'ou

vrage de vos mains , le produit de votre sagesse et

de votre bonté; je suis, Seigneur, votre créature,

votre enfant. Vous ne me voulez que du bien , et

j'ai même appris à vous appeler du doux nom de

Père l

Maintenant la paix la plus profonde , la joie la

plus pure remplit mon âme. Je sais de qui je pro

viens et en qui je crois ; je sais de quoi je puis me

réjouir ou me consoler ; sur qui je puis me reposer

de mon sort. Je sais que c'est vous, ô mon Dieu !

qui êtes le créateur de tous les êtres , le père de

tous les hommes , et le mien , et que vous le serez

éternellement. Rien ne pourra donc m'arracher du

3.

36 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

cœur cette douce persuasion , cette foi bienfaisante ;

et je veux me laisser aller aujourd'hui tout entier

à ce doux sentiment et que je viens de vous , et que

je vous appartiens. La reconnaissance, l'amour et

une joie inefFable s'emparent de mon âme à cette

grande, à cette sublime pensée, et j'éprouve les

émotions les plus saintes et les plus sacrées.

Puisse, ô mon Dieu ! ce sentiment de reconnais

sance ne point vous déplaire dans le cœur d'une

faible et chétive créature ! Puisse -t- il vous être

agréable ! — Ah ! qûi m'apprendra à entrer dans vos

vues, Seigneur? qui m'enseignera votre volonté?

Daignez m'instruire vous - même ; vos désirs se

ront des ordres pour moi ! Vos commandemens

sont doux ; ils mènent à la perfection, parce que

la perfection mène à la félicité. Faites que j'ap

prenne à vous connaître toujours de plus en plus ,

et que je ne cherche mon bonheur qu'en vous par

l'accomplissement de votre éternelle volonté.

SUR DIVEKS SUJETS DE RELIGION.

W\tfW\W\^IVIVWW\V\WWVl\'V*WVWWWWlWWWIWWWVw\x\w\w\w\ww\

TROISIÈME SUJET.

PERFECTIONS DE DIEU.

Dieu est l'éternelle et immuable perfection. Il est

le grand modèle proposé à l'imitation de l'homme

et de tous les esprits créés. Quel que soit le degré de

perfection auquel ceux-ci soient déjà parvenus , ou

la hauteur à laquelle ils pourront s'élever encore

pendant toute l'éternité , il restera toujours une

distance infinie entre la plus parfaite des créatures

et le Créateur! Cependant, quelle vocation pour,

l'homme et pour tous les êtres intelligens !

Quoiqu'en Dieu la perfection ne soit , à propre

ment parler, qu'Une, quoiqu'elle soit indivisible,

je la contemplerai néanmoins sous les divers rap

ports que la faiblesse de l'esprithumain y distingue.

Une sainte frayeur s'empare de moi au mo

ment que je médite de pénétrer dans le sanctuaire

de la Divinité ! Je me reconnais indigne d'en pro

noncer même le nom ; comment serais-je en état de

dénombrer toutes les merveilles de ses ineffables et

incompréhensibles perfections! Qui êtes-vous donc,

Seigneur , et où est le trône de votre immense em

pire ? Il me semble ici entendre une voix secrète

au fond de mon âme qui me répond : Je suis celui

qui est ; les créatures ne sont pas ; leur existence

38 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

n'est que secondaire : pour moi , j'existe par moi-

même , et je suis l'être par excellence !

Grand Dieu ! ayez pitié de moi ; je me sens tout

opprimé de votre- gloire ! Laquelle , de vos éter

nelles perfections , fera le premier sujet de mes

réflexions et de mes extases ? Parlerai-je de votre

grandeur et de votre majesté suprême? Non; l'es

prit d'un mortel , tout étendu que vous l'ayez créé ,

ne les a jamais mesurées. Personne n'a jamais sondé

cet abîme sans fond! Mais je m'arrêterai d'abord à

cette perfection aimable dans laquelle vous semblez

vous-même vous complaire davantage , et que

vous regardez, pour ainsi dire, comme le plus bel

apanage de votre Divinité ; votre Bol\té infinie. On

a dit que la bonté était une vertu royale : non ,

c'est une vertu divine; que dis-je? c'est la perfec

tion elle - même tout entière ; c'est Dieu ! Bonté ,

bonté suprême, c'est le nom que diverses nations

ont donné au Seigneur, selon leurs diverses langues.

Soyez donc aussi ma vertu favorite, ma vertu

chérie , la vertu de mon cœur, ô bonté , ô tendresse ,

ô miséricorde ! Tous les sentimens précieux et di

vins vous accompagnent ; l'amour , la charité , la

sensibilité , la douceur , la pitié , l'humanité , la

condescendance, l'affabilité, la prévenance et la lon

ganimité.

Vous êtes éternel , ô mon Dieu ! c'est-à-dire

que pour vous il n'y a point de temps , parce que

vous ne connaissez ni changemens ni vicissitudes.

SLR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3g

Vous avez été, vous êtes, et vous serez. Quand ce

monde aura vieilli , vous le changerez comme on

change un vêtement : pour vous , vous serez encore

le même, car vous êtes revêtu de lumière ! Quand

tous ces globes étincelans auront disparu les uns

après les autres dans la voûte des cieux ; quand le

ciel et la terre ne seront plus , vos années ne se trou

veront pas encore diminuées , car vous êtes l'ancien

des jours ! Soyez donc loué, Seigneur , et soyez béni

ilans tous les siècles , et au delà des siècles. Pour

moi , je ne , suis que d'hier,; ma vie n'est qu'un

souffle ; je ne suis qu'un faible vermisseau, quoique

créé' à votre image et animé par votre toute-puis

sance. Lorsque vous avez tiré du néant toute la

création ; lorsque vous avez appelé tous les astres

-par leurs noms, et que vous avez dit à la terre

de paraître , alors vous m'avez appelé également à

l'existence, ahn que je pusse vous aimer et ressentir

tous vos bienfaits.

Dieu créateur : quel titre imposant! comme il

exprime bien la puissance , la grandeur , la majes

té ! Je remonte en esprit avant tous les siècles jus

qu'à cet espace sans nom qui précéda la création ,

lorsqu'il n'y avait encore ni temps ni époques : là ,

je trouve mon Dieu, l'Eternel, existant en lui-

même et heureux de son propre bonheur ! Tout à

coup , il le désire , et la première étoile se montre ,

la terre paraît , la première aurore luit , le soleil

s'élance dans sa carrière et éclaire le grand abîme ;

40 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

les temps commencent, et les années se succèdent

*, pour former des siècles ! Le Créateur a arrondi

tous les globes entre ses doigts , et les a posés

sur leurs propres centres, pour se contre-balancer

dans l'immensité ! Il a fait la terre par sa vertu ; il

a préparé l'univers par sa sagesse ; il a étendu les

cieux par son intelligence , et il a fini par créer

l'homme, le roi de ces vastes domaines. Et cet

homme c'est moi! Etre intelligent et libre, le

Créateur demande de moi un culte volontaire , le

culte de la vertu , de la justice , de la vérité. O Dieu î

que je ne souille donc jamais en moi votre image

divine ; que je ne méconnaisse donc jamais la no

blesse de mon être ! Vous m'avez communiqué

comme une portion de votre essence , de votre rai

son , de votre liberté , de votre indépendance éter

nelle : que je sois malheureux et misérable à ja

mais, si j'abuse de tous ces dons , si vous avez enrichi

un ingrat, et si je ne mets pas ma gloire à vous

imiter en tout ! Vous m'avez fait moi-même l'arti

san de mon bonheur : quelle perfection pour une

créature ! Insensé ! et j'ai osé quelquefois m'en

prendre à mon noble et généreux bienfaiteur, des

malheurs qui me sont arrivés ! Mon Dieu l si je ne

vous ai pas bien connu jusqu'à ce jour; si je ne me

suis pas bien connu moi-même ; c'est que l'on ne

m'avait point encore fourni de pensées assez éle

vées sur la nature de votre être et du mien ; c'est

que ma raison n'était point encore assez cultivée

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 41

pour pouvoir me suggérer des idées plus justes.

Mais aujourdhui je reconnais que la liberté dontje *

jouis est entière et parfaite , et que vous ne pouvez

ni ne voulez la contraindre en aucune manière. Je

sais que vous n'avez en vue que le bonheur de toutes

vos créatures , et qu'aucune d'entre elles ne sera

malheureuse que par sa propre faute.

Dieu immense , Dieu tout-puissant : il est présent

en tous lieux , et partout son autorité est absolue :

rien ne saurait résister à sa volonté suprême ! Qui

mettra des bornes à sa puissance ? qui en mettra

à son immensité ? O hommes ! soyez saisis d'éton-

nement et adorez en silence ! car le Seigneur est

encore infiniment plus grand en lui-même qu'il

ne s'est montré dans ses œuvres ! Qui pourra l'em

pêcher de créer encore mille mondes plus riches et

plus beaux que celui que nous connaissons ? Ce

n'est qu'en tremblant que le philosophe doit lui as

signer les limites de l'impossible pour bornes de

sa puissance!

Si je remonte au plus* haut des cieux , je vous y

trouve , ô mon Dieu ! Si je descends au plus pro

fond des abîmes, je vous y rencontre ! Si je prends

mon essor, et que je me transporte au delà des

mers , votre main m'y conduit ! Où irai - je

donc me cacher quand je méditerai le crime ? La

nuit pourra-t-elle couvrir mes démarches a vos

yeux? Non : les ténèbres sont pour vous aussi

éblouissantes que les rayons du soleil ! Je me con

4? RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

duirai donc toujours d'une manière qui puisse vous

être agréable et nie donner quelque assurance au

moment terrible où ma dépouille mortelle viendra

à se dissoudre , où le voile tombera , et où je vous

verrai tel que vous êtes , ô vous , aujourd'hui le Dieu

invisible , mais qui ne laissez pas d'être toujours à

mes côtés et de me suivre partout de l'œil de votre

providence !

Dieu est la voie , la vérité et la vie : que je marche

donc dans cette voie ! c'est celle de la perfection et

dela vraie félicité! Que je m'approche donc de

plus en plus du Seigneur! je m'élèverai par-là de

vertu en vertu et de gloire en gloire. Ainsi que la

vérité , Dieu se trouve partout ; il est présent par

tout ; il est partout le même : dans tous les lieux

où il sera vrai de dire que la vertu est aimable,

Dieu s'y trouvera , car il est la vérité. Est-il un seul

objet dans la nature qui plaise autant à l'esprit hu

main que la vérité? est-il un seul objet qui lui donne

de plus grandes extases , et qui soit le but le plus

continuel de ses recherches et de ses poursuites?

— Faites donc , Seigneur , que je sois toujours

vrai , et que je nourrisse incessamment mon âme

de science et de vérité.

Dieu est aussi la vie , la source de toute vie ; il

n'y a point de vie sans lui : faites donc aussi , ô

mon Dieu ! que je ne vive que pour vous , et que

je vive éternellement en vous ! Ah ! n'anéantissez

jamais une âme qui vous connaît et qui vous al

SUR fc-IVERS SUJETS DE RELIGION. 4^

teint , parce que vous l'avez créée à votre image ;

une âme qui vous aime et s'élève jusqu'à vous !

Seigneur , vous êtes encore infiniment juste ,

quoique infiniment miséricordieux ; de même que

vous jouissez d'une parfaite liberté , quoique vous

soyez immuable. Vous êtes saint dans le suprême

degré ; et cependant vous permettez le mal dans

vos créatures libres. Vos perfections ne sont point

semblables aux perfections des hommes , et vos

pensées ne sont point leurs pensées. Vous êtes le

Dieu incompréhensible aux mortels !

Ecoutez donc cette prière , ô Dieu incompréhen

sible! Je sais que jamais je ne vous connaîtrai aussi

parfaitement que vous vous connaissez vous-même,

quand bien même mon âme se perfectionnerait éter

nellement : mais éternellement je pourrai décou

vrir en vous de nouvelles perfections , et des mer

veilles nouvelles dans vos ouvrages ! Faites donc

que je commence, dès à présent, à marcher sur la

route de la perfection, et à devenir saint comme

vous êtes saint! Vous n'avez pu séparer le bon

heur de la perfection ; mais vous pouvez me rendre

tous les jours plus heureux , à mesure que j'en

trerai mieux moi-même dans toutes les vues de

votre amour !

-

44RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

WVWWV\\\%WVWW\VWVWWWWWWVWVWW'WVWWVWwwW\WVWWVWVWU

QUATRIÈME SUJET.

DESTINÉE DE l'hOMME.

Il n'y a pas le moindre doute que je puisse con

naître ma destinée, et découvrir les desseins conçus

par le Maître de la nature en me créant ; sans cela

je serais incontestablement le plus mal partagé de

tous les êtres qui m'entourent. Connaissant la des

tination de la plupart de ces êtres, et les condui

sant à leurs fins par des moyens propres, il n'y au

rait donc que l'homme , le plus noble de tous „

dont j'ignorerais l'emploi , et qui me paraîtrait

comme égaré , comme déplacé sur cette terre ! La

nature , si sage et si prévoyante partout ailleurs ,

n'aurait donc travaillé ici qu'en aveugle , et unique

ment pour le malheur des créatures intelligentes !

Non , il est impossible que le souverain Seigneur

de toutes choses m'ait laissé dans l'ignorance de ce

qui me touche de si près! Je puis connaître ma

destinée et les moyens d'y parvenir ! Doué de

raison et de liberté , je dois m'avancer moi-même

vers mon but , et ce but doit être digne de moi

aussi-bien que du Créateur.

C'est à la lumière de la raison dont l'Eternel m'a

orné, et à celle de la religion dont il m'a fait parti

cipant, que je veux examiner, en ce moment, la

SLB DIVERS SUJETS DE RELIGION. ' ^5

question intéressante de ma destinée , ou du Lut

que Dieu a pu avoir en me créant.

Je dois poser d'abord un grand principe : cet

Etre si bon, si sage et si puissant, qui m'a placé

sur cette terre , n'a pu avoir d'autre intention que

celle de me rendre heureux. Comment imaginer

qu'il eût voulu faire servir sa toute -puissance à

produire des créatures malheureuses ?

Mais comme par ma nature je suis un être in

telligent et libre, Dieu a dû nécessaibement me

donner des lois , et j'ai dû nécessairement encore

devenir moi-même l'instrument de mon propre

bonheur. Qu'ai-je donc à faire pour parvenir à cette

vraie félicité qui est ma fin, si. ce n'est d'entrer

volontairement dans les desseins sublimes que le

ciel a sur moi , et de ne contrarier en rien ses vues

bienfaisantes en abusant lâchement de la liberté

entière qui m'a été donnée pour ma perfection ?

Éclairez , ô Soleil éternel de vérité ! éclairez en

ce moment ma raison , si j'ai eu le malheur de

l'obscurcir moi-même par mes passions , mes pré

jugés et mes crimes , ou si j'ai eu le malheur de

naître de parens ou d'ancêtres qui ont négligé la

science du salut depuis plusieurs générations , afin

que je puisse reconnaître mon véritable but , vos

désirs et mes vrais intérêts.

La destinée de l'homme sur la terre est noble

et grande ; ses relations sublimes avec la société et

avec le ciel le prouvent d'une manière incontes

46 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

table. Et quand même , par une supposition im

possible , je n'aurais aucun rapport avec un monde

plus parfait, le prix de mon être serait encore en

quelque sorte grand , et mon but noble et relevé.

Pourquoi aurais-je reçu ce corps , ce chef-d'œuvre

de puissance et de sagesse, qui est en même temps

si délicat dans toutes ses parties , et si solide et

durable dans sa force? qui est si sensible, et ce

pendant si endurci aux peines et aux travaux ?

Pourquoi cet esprit , avec ses vastes conceptions et

ses rares talens ; cette raison qui comprend tout;

cette imagination qui se rend tout présent ; cette

mémoire qui sait tout rappeler ; ce vol rapide de

la pensée qui traverse l'empire de la création ,

qui de cette terre s'élance au ciel et revient ap

profondir les abîmes de la mer ?Pourquoi ces désirs

insatiables qui ne reposent jamais, cette lutte con

tinuelle de forces opposées; ces passions sublimes

quand elles sont vertueuses , mais si terribles dans

leurs écarts ? Oui , ma destinée , à ne me considérer

que comme citoyen de cet univers , est déjà grande !

Placé par le Créateur sur ce vaste théâtre , je dois y

exercer mes forces et déployer mes vertus.Tout au

tour de moi se range l'immense création ; je suis en

état d'en admirer la beauté. Enflammé , extasié à la

vue de ses merveilles innombrables , je puis élever

mon admiration, mes sentimens de reconnaissance,

mon amour , mes adorations , jusqu'au pied du

trône de la Divinité ! Toutes les bénédictions du

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4"]

ciel remplissent la terre ; la nature étale partout

ses richesses et son abondance; roi d'ici -bas , je

jouis seul de ces biens , seul je me rends la nature

tributaire. Le plaisir , la joie , les plus douces

consolations , se trouvent semés partout sur le

chemin de la vie : si je ne sais les apprécier ni les

distinguer des fausses jouissances ; si je ne sais me

les approprier au milieu d'une vie pleine d'inno

cence et de vertu , ce n'est qu'à moi-même que je

dois m'en prendre.

Je révère donc d'abord dans l'homme cet instru

ment de la Providence qui peut et doit servir au

bien général , et contribuer à faire fleurir partout

la vérité et la vertu. L'homme doit aider à dimi

nuer les souffrances de toute l'espèce humaine, et

à en augmenter la félicité par sa bienfaisante cha

rité , son amour et sa sollicitude , par son travail ,

son assiduité , sa douceur et sa patience. Il doit

assurer et consolider de tout son pouvoir le bien-

être de ses semblables , en se perfectionnant lui-

même , en formant son cœur, en ornant son esprit

et en ennoblissant tout son être ; en un mot ,

l'homme sur la terre doit chercher à établir autour

de lui le bonheur par la vertu , la justice et la

vérité , et s'assurer pour jamais cette paix de la

conscience et cette approbation intérieure qui re

lève si puissamment toutes les jouissances et adou

cit toutes les peines.

Mais la vie de ce monde n'est pas la seule ni la

48 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

dernière destinée des humains. Nous portons en

quelque sorte le sceau de l'immortalité empreint

sur notre front et dans tout notre être. Dieu peut

en effet nous perfectionner , et nous perfectionner

encore; il peut nous rendre heureux, et augmenter

sans cesse notre bonneur, moyennant notre propre

coopération , et pendant une éternité I Telle ne

serait-elle donc pas la grande et noble destinée des

mortels? Ah! si l'homme sentait toujours hien sa

grandeur , s'il était toujours bien pénétré de la

noblesse de son être, enrichi et privilégié au-dessus

de toutes les autres créatures qui l'environnent;

s'il pensait incessamment au haut degré de perfec

tion qu'il pourrait déjà posséder, et à celui auquel

il pourra encore atteindre par ses vertus pendant

les années éternelles, sans doute il aurait honte

de se dégrader jusqu'à la bassesse du vice ! sans

doute il saurait se mettre au-dessus de toutes les

faiblesses de son cœur, et secouer cette insouciance

qui l'arrête sur le chemin de la perfection, et

l'éloigne de sa destinée !

Tous les êtres sont destinés à servir l'homme ,

roi de la terre , et aucun d'entre eux ne se

porte hors de la sphère de cet univers. Toutes les

chaînes des êtres subalternes viennent aboutir

à l'homme, lequel forme ce grand anneau par où

notre monde tient à un autre système. Seul je

m'élance hors de la sphère étroite de ce monde !

seul je me sens destiné à quelque chose qui jn'est

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 49

point terrestre , mais céleste ! De même que les

divers règnes de la nature se confondent ici-bas ,

et se tiennent comme par la main , de même notre

monde animé passe imperceptiblement au monde

des pures intelligences. Qui oserait prétendre que

la grande chaîne de la création se trouve terminée

à l'homme? Quel philosophe a jamais eu la té

mérité de dire : Voilà la dernière borne des œuvres

du Créateur?— Et si le sort d'un seul individu ne

vous frappe point assez , quoique le vrai philosophe

doive raisonner ici d'un seul homme comme de

tous les hommes ; étendez un peu vos idées , con

sidérez toutes les générations à la fois ! Serez-vous

assez insensé pour vous persuader que la masse

entière du genre humain n'a été créée uniquement

par le Tout-Puissant que pour vivre et pour mou

rir? Ne voyez-vous pas que ce serait un jeu, et

un jeu indigne de l'Eternel , que de ne créer que

pour un temps limité des êtres sensibles et in-

telligens ?

L'incrédule dira dans son langage toujours

vague : Qu'en savons-nous? cèt univers , tel que

nous l'habitons, est peut-être nécessaire dans le

grand Tout, quoique l'homme périsse. Inconsé

quence et contradiction ! Sans doute que tous les

mondes, divers* ne forment qu'un ensemble , dont

le nôtre ne fait qu'une très-petite partie ; mais les

véritables liens par lesquels nous tenons au grand

Tout , quels sont-ils ? quels sont nos rapports avec

4

JO BÉFLEXIOXS ET SENTIMENS

les mondes plus parfaits? Apparemment qu'il y

a d'autres liaisons qui réunissent les parties d'un si

grand ensemble , que celle de l'attraction newto-

nienne ! De bonne foi , la religion, la vie future,

l'immortalité, voilà les seuls vrais fondemens des

relations que nous puissions avoir avec un autre

monde , et par où nous puissions tenir à ce grand

Tout qui vous extasie.

Au reste , ne croyons pas non plus que quelques

chétives planètes éloignées les unes des autres

soient seules habitées. Elles ne sont que les pépi

nières du monde spirituel et invisible. La nature

n'est point morte et solitaire ; non, les espaces sont

peuplés , et des milliers d'êtres spirituels nous

entourent et nous dirigent souvent sans que nous

nous en doutions !

La raison me dit donc en général , eu égard à

la bonté et à la puissance du Créateur, que je suis

destiné à la félicité. Mais si je demande des détails

sur le bonheur pour lequel je suis créé , ou sur la

manière dont j'ai à me conduire pour y parvenir,

ma raison s'obscurcit, elle devient incertaine, elle

se tait ; probablement parce que les hommes ont

négligé depuis bien des siècles leurs destinées im

mortelles, et qu'ils se sont enfoncés peu à peu dans

les ténèbres du vice, et ont ainsi insensiblement

perdu les traditions primitives et les lumières

divines communiquées nécessairement aux pre

miers hommes. Une vaine philosophie ne peut

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 5l

plus que nous dire : Sois honnête homme , et

assurément celui qui t'a créé ne t'abandonnera

pas. Encore , nos prétendus sages se contredisent-

ils en un point si important. Souvent ils réfutent

eux-mêmes dans une page ce qu'ils viennent de

prouver dans l'autre. Je. ne puis donc écouter

ici exclusivement ni Rousseau , ni Voltaire , ni

Helvétius , ni Diderot , ni Bajle , ni Mirabeau ,

ni aucun des philosophes anciens ou modernes ,

tous plus ou moins passionnés, tous plus ou moins

attachés à leurs propres systèmes. Mais je dois

écouter la sainte voix de ma conscience , de ma

raison, et surtout celle de ma religion. J'invoquerai

le Créateur, et il saura éclairer mon esprit et for

tifier mon jugement. J'écouterai la voix de l'uni

vers. Je m'égarerai plus difficilement avec la foule

des peuples , que je ne ferais , en ce point , avec

un philosophe isolé , fût-il le premier génie de son

siècle , ni avec une secte particulière , se crût-elle

la seule éclairée.

Et quand on ferait encore mille fois plus d'ob

jections que l'on n'en a fait contre l'existence de

Dieu , contre l'immortalité de l'âme ou contre le

christianisme; quand mon propre cœur me dirait:

Il n'y a point de Dieu , je me prosternerais encore

tous les jours avec les nations entières qui l'adorent.

La voix respectable du genre humain repousse et

confond tout blasphémateur isolé , et anéantit son

blasphème.

i.

5l RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Je serai donc intimement persuadé que ma des

tinée s'étend au delà du tombeau , et que la plus

noble partie de mon être , susceptible d'une féli

cité éternelle , survivra à la dissolution de ce corps

terrestre. Cette vie n'est qu'un germe, qu'un bou

ton qui s'ouvre ; la fleur paraîtra plus tard , et le

fruit la suivra de près.

O mon Dieu ! que ces considérations sont ca

pables de remplir mon âme d'une sainte joie, d'un

saint enthousiasme !

Maintenant aussi , l'univers entier se présente à

moi sous un autre jour. Cette courte vie n'est plus

qu'un lieu d'épreuve , d'exercice et de préparation

pour l'éternité. Oui, c'est sur cette terre que je

dois faire mes préparatifs pour la vie à ve*nir ;

comme cet homme prévoyant qùi , quittant son

lieu natal , se dispose à s'embarquer pour les ré

gions encore inconnues d'un nouveau.monde. Main

tenant je me sens infiniment élevé au-dessus de

cette terre et de l'orbite étroit du firmament , car

mon âme mûrit pour l'éternité. Remplie d'espoir,

de confiance et d'un secret pressentiment de la vie

future, mon âme s'élance avec résolution à travers

la vallée sombre de cette première vie , jusqu'aux

portes éternelles.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 53

WWW«MVWVWVWMMUMIWMWVVWVWVM1YVVW1Wl\HWW\W\Vl\WVVMWWV

CINQUIÈME SUJET.

l'athéisme.

Pouk m'attacher au Seigneur de plus en plus,

pour consolider en moi cette foi si consolante d'un

<)lre créateur et conservateur ; pour me porter enfin

jusqu'à me complaire et me réjouir dans cette foi ,

je considérerai aujourd'hui les inconséquences et

les malheurs de l'athée.

Quelle félicité peut-il donc goûter ici-bas, ce

malheureux déserteur de la source même de la

vie ? Quel sera l'espoir de celui qui méconnaît

le Dieu de qui provient tout bien véritable et tout

don parfait ? de celui qui a renoncé à l'éternelle

perfection et à la beauté incréée : de cet infor

tuné en un mot qui est sans Dieu? Quelle grande

pensée pourra transporter et ravir son âme ? Quel

noble sentiment pourra venir échauffer son cœur?

Les merveilles de la nature ni la majesté infinie du

grand Etre ne l'ont jamais exalté ; il s'est isolé

dans la création , et il a choisi le néant pour sa re

traite.

Mais quelle raison l'homme pourrait-il avoir de

nier l'existence d'un être infiniment puissant , infi

niment sage et bon , dont l'essence est la perfec

$4. RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

tion : être adorable , que tout lui annonce et dont

le ciel et la terre, l'homme et l'animal, chaque

feuille et chaque grain de sable lui prouvent l'exis

tence ?

L'unique raison qu'on ait alléguée jusqu'aujomv

d'hui contre des preuves aussi nombreuses que les

rayons du soleil , et qui démontrent l'existence de

Dieu , c'est qu'on ne saurait le comprendre. Mais ,

ô hommes faibles et vains , vous , ' malheureux

mortels , qui ne vous comprenez pas vous-mêmes ,

dites- moi, comprenez -vous mieux une matière

éternelle qu'un Dieu éternel ? expliquez - vous

plus facilement l'existence d'un être imparfait que

celle de l'être parfait ? concevez -vous mieux

une création sans créateur, que vous ne concevez

un être dont la volonté infiniment efficace ait

produit tout ce que nous voyons dans l'univers?

Ne faut-il pas qu'après avoir dépouillé l'Être des

êtres de ces qualités qui vous paraissent si in

compréhensibles, vous les accordiez ensuite , par

la plus insigne des folies, à la vile matière et k

l'atome ?

Avouez donc que vous avez toutes les raisons

de reconnaître un Dieu créateur et conserva

teur , et que vous n'en avez aucune de nier son

existence. Et si , à défaut de raisons , vous étiez

assez méprisables pour mettre en avant l'impu

nité du crime , et l'intérêt que vous croiriez avoir

de nier l'existence d'un être éternel et souverain

SUR DIVERS StîJETS DE RELIGION. 55

Maître; sans doute qu'alors vous seriez indignes

d'une réfutation.

Mais , ô ciel ! pourquoi faut -il que j'avoue

ici' moi-même , que des hommes faibles ont

souvent prêché plus efficacement l'athéisme , en

prêtant à Dieu leurs idées ridicules , cruelles et

absurdes, que n'ont jamais fait les incrédules les

plus déterminés ? _ "

Seigneur! faites-moi connaître en ce moment,

d'une manière bien vive et bien lumineuse, tout

ce qu'il y a de désolant dans le système horrible

de celui qui a dit dans son cœur, Dieu n'est pas :

faites -moi bien sentir quel malheur c'est pour

l'impie lui-même que de vous méconnaître. Hélas !

c'est un Dieu infiniment bon, un père infiniment

tendre qu'il méconnaît.

Il n'y a point de Dieu ; donc il n'y a rien à

craindre ni à espérer après cette vie ; je puis satis

faire tous mes désirs déréglés et toutes mes pas

sions injustes ; il n'y a ni justice, ni lois , ni vertu ,

ni devoirs qui me retiennent : je sacrifierai tout à

ce que je croirai pouvoir contribuer à mon bon

heur sur la terre ; je suis mon dieu à moi-même !

Frémissez, ô mon âme, à ce raisonnement qui se

trouve dans le cœur de tout athée ; quoique sou

vent il n'ose pas l'avouer aux autres hommes ni à

lui-même ! Oui, Voilà le système honteux , la sa

gesse affreuse de l'athée. Quand je veux examiner

de près et approfondir ce mystère d'iniquité , il

56 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

me semble que j'entre dans un désert , vaste sé

jour de ténèbres , de désordres et d'horreurs : lois,

justice, vérité, vertu , gloire , bonté , amitié , bon

heur , espoir , tout disparaît à mes yeux ; je ne

trouve plus de réalité , plus de consistance dans

les choses humaines ; rien ne saurait plus avoir de

charme pour mon cœur ; les hommes me parais

sent des fantômes ; un ami , un protecteur , n'est

plus qu'une imag? mensongère ; le juste et le cri

minel se confondent dans ma pensée , ainsi que la

vérité et l'erreur ; toute la nature et la vie humaine

ne sont plus qu'une cruelle illusion ; enfin , je me

trouble et m'échappe à moi-même !

Il n'y a point de Dieu ! Malheur à moi ! Je suis

donc orphelin dans ce monde injuste où l'homme

ne cherche d'ordinaire son bonheur qu'aux dépens

du bonheur de ses semblables ! Jl est donc vrai ,

que je n'ai point de père dans les cieux ; point

de protecteur; point de témoin de mes souffrances ,

point de rémunérateur de mes vertus ! Homme

juste ! vous avez beau donner à l'univers le spec

tacle de l'innocence la plus pure , vous avez beau

ne pas cesser un moment , pendant la plus longue

vie , d'accomplir tous vos devoirs , de pratiquer les

vertus les plus difficiles, et de faire les sacrifices

les plus pénibles ; la mort , l'affreuse mort , vous

mettra de niveau avec le débauché, l'usurier, le

meurtrier , l'empoisonneur et le parricide !

Il n'y a point de Dieu ! vous qui essuyez les re

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 5j

vers dé l'aveugle fortune , il ne vous reste aucune

consolation , aucun espoir ! Vertu , innocence ,

larmes , prières , tout est inutile ! Ce n'est point

à un Dieu infiniment bon que vous avez affaire,

c'est un hasard cruel et inexorable qui vous amène

tous vos malheurs; un hasard aveugle, qui vous

rendra peut-être encore plus misérables après cette

vie , que vous ne l'aurez été dans celle-ci : personne

ne pouvant vous répondre qu'il ne vous précipitera

pas sans que vous puissiez vous plaindre, dans des

souffrances plus horribles mille fois que ne ferait

Dieu lui-même dans ses justes châtimens.

Il n'y a point de Dieu ! Malheureux de toute con

dition , c'est donc en vain que vous élevez les yeux

au ciel , et que vous fatiguez les airs de vos gémisse-

mens ! Mères désolées, qui voyez vos enfans souffrir

de la misère et de la faim : vous-mêmes , infortu

nés petits innocens , qui n'auriez jamais dû naître ;

c'est en vain que vous levez vos mains défaillantes

vers l'asile suprême : le ciel est sourd , il est d'ai

rain ; il est plus dur encore et plus inflexible que

le cœur de ce mauvais riche , à la porte duquel vous

tendez la main ! Vous , qui êtes le jouet de la per

fidie de vos frères.; vous, qui souffrez jusqu'à la

mort la persécution des grands, sans oser vous

plaindre ; vous , que la justice humaine condamne

au dernier supplice, sur l'accusation de témoins

calomniateurs, et dont le nom même demeurera

létri dans l'histoire ou dans l'opinion de vos sem

58 RÉFLEXIONS ET SENTIMENT

blables ; jamais votre innocence ne sera reconnue ,

jamais vous ne serez vengés ; il ne vous sera jamais

rendu aucune justice; jamais la tache imprimée à

votre nom ne sera effacée !!!

Il n'y a point de Dieu ! O mon âme ! vous ne sau

riez supporter plus long-temps une idée aussi acca

blante. Rassurez-vous donc, et consolez-vous: avant

la naissance de tous les athées , avant l'aurore et

l'étoile du matin , votre Dieu régnait dans le ciel ;

et il y régnera dans tous les siècles des siècles.

Oui, Seigneur, vous existez : tout me le prouve:

vous êtes mon Créateur et mon espoir. C'est vous

qui,parun acte de votre volonté toute-puissante,

avez produit les élémens inconcevables de la ma

tière dont l'union a formé tous les mondes. C'est

votre volonté qui a établi les règles invariables

d'après lesquelles tout s'est combiné avec cet ordre

que nous admirons dans l'univers.

La nature n'est donc plus une illusion; la vie

humaine n'est donc plus un songe cruel ; les hommes

ne sont donc plus de vains fantômes. Mes amis,

mes bienfaiteurs , tous ceux qui me sont chers ,

existent donc réellement en Dieu et par Dieu ; et le

Seigneur peut me les conserver éternellement. Moi-

même,je suis l'œuvre du Créateur, qui me fera sur

vivre à la mort et à la dissolution de mon corps.

Le hasard aveugle n'aura donc jamais aucune in

fluence sur le sort de l'univers et sur le mien. La

yertu a donc aussi son prix et sa beauté, et le via•

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 5()

sa laideur et son châtiment; les lois sociales sont

sanctionnées et reprennent leur vigueur ; tous les

devoirs humains deviennent stricts et réels; il n'est

plus permis de se souiller de tous les crimes et de

chercher l'impunité dans un lâche et affreux suicide :

il existe un Dieu! ! ! -,

Ainsi , la foi en Dieu , semblable à un nouveau

soleil , ranime tout dans la nature; elle donne à

tous les êtres comme une nouvelle vie : elle opère

une nouvelle création au milieu du néant de l'a

théisme. Quel autre que le Sei^ieur suprême pour

rait faire entrer ainsi la joie, la confiance, l'espoir et

le bonheur dans le cœur des faibles mortels ? Oui, je

le vois, et je le sens; je ne puis vivre sans vous, ô

mon Dieu! vous êtes le Dieu de mon cœur; et il n'y a

point de félicité hors d» vous. Si vous n'existiez pas,

si je ne savais que vous êtes certainement mon Créa

teur, mon protecteur, le témoin de mes combats

et de mes victoires , et le rémunérateur de la vertu :

je maudirais le jour de ma naissance ; je maudirais

toute raison et toute sensibilité ; et je tiendrais le

néant et l'éternel oubli préférables à la vie de ce

monde.

O mon Dieu ! préservez toujours mon esprit de

l'orgueil et de la vanité ; conservez toujours mon

cœur pur; et l'affreux athéisme n'aura jamais aucun

charme pour moi, et je ne douterai jamais un seul

instant de votre existence. J'ose même, Seigneur,

nie laisser aller ici à la pensée consolante, que le

60 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

nombre des vrais athées est infiniment moins grand

qu'on ne le suppose communément ; et qu'il n'y

en a peut-être pas plus sur la terre qu'il n'y a d'in

sensés ordinaires.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 6l

SIXIÈME SUJET.

• LA PROVIDENCE.

Le ciel et la terre, tout ce qui est en moi et hors

de moi m'annonce un Dieu dont l'aimable Provi

dence pourvoit à tout, dirige et conduit tout vers

la perfection et le bonheur. Y a-t-il dans la nature

entière un seul objet qui puisse être caché aux yeux

de l'Éternel ? Le Roi des rois peut-il ignorer ce qui

se passe dans son royaume? Ne connaît-il pas tous

les besoins, tous les désirs, toutes les pensées,

les vices et les vertus de ses créatures? Tous les êtres

ne sont-ils pas en sa puissance? Ge Dieu infiniment

bon pourrait-il , d'un autre côté , négliger l'œuvre de

ses mains , ou mépriser cet être intéressant qu'il a

créé raisonnable et libre, et sur le front duquel il a

fait éclater un rayon de sa gloire? Pourrait-il être

insensible à son amour ou à sa haine ; voir d'un œil

indifférent son bonheur et son malheur , ses vices

et ses vertus , ou l'abandonner entièrement au

hasard ?

Tout cela est aussi évidemment impossible, que

le serait un monde ou une création , sans un Dieu

créateur.

Là où le bien-être général dépend des soins et de

6a RÉFLEXIONS ET SKNTIMENS

la prévoyance de l'homme , là sans doute Lien des

points doivent être négligés, ou même entièrement

oubliés. Nous manquons tantôt de sagesse et d'in

telligence, tantôt de puissance ou de bonne vo

lonté ; notre vue faible ne peut apercevoir qu'un

petit nombre de rapports , et n'embrasser qu'un

cercle très-étroit ; mais l'œil du Seigneur, l'œil de

la Providence, placé au plus haut des cieux, voit

tput à la fois et embrasse tout d'un seul regard! La

puissance indéfinie du Créateur règle et ordonne

tout avec sagesse , sa bonté et son amour s'étendent

à tout. Il n'y a absolument que ces êtres privilégiés

à qui il a laissé une pleine et entière liberté , qui

puissent contrarier quelquefois cette Providence ,

ou plutôt lui donner une autre direction.

Non , rien de tout ce qui n'a pas été trop insi

gnifiant pour l'action créatrice, ne peut être in

digne des soins du Seigneur. Il .voit et connaît la

plus chétive de ses créatures, et la dirige aussi bien

que l'être le plus intéressant de ses vastes domaines.

La Providence de Dieu , sa sollicitude paternelle

pour tous les êtres qu'il a produits , et son amour

pour ceux qu'il a doués de sensibilité , ne peuvent

donc pas être plus méconnus que sa puissance et

sa sagesse. Et si nous croyons voir quelquefois des

contradictions acet égard dans les divers événemens

fie la vie humaine , ou si nous découvrons des dés

ordres réels , nous devons être intimement con

vaincus que tout cela ne vient que des agens libres

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 63

qui DM troublé l'ordre de la Providence. Ce qui est

réellement mal ne peut en aucun cas provenir de

Dieu. Dieu n§ demande que la perfection et le

bonheur de ses créatures ; et quand celles-ci s'é

garent , il sait tirer le bien du mal même , en ré

tablissant l'ordre dans une vie future , à laquelle la

vie présente ne sert que de préparation. Le vice

comme le malheur, ne peuvent jamais être que

conditionnels , et la vertu leur sert de contre

poids.

O mon Dieu ! je vous adore donc en ce moment

comme le Roi des rois $ comme le souverain Maître

et le Modérateur éternel de tous les mondes. Je

vous reconnais pour un Père plein de tendresse et

de soin envers toutes ses créatures , et, en particu

lier , pour mon Père. Nous sommes tous vos en-

fans; nous vivons, nous respirons , nous agissons

en vous. Vous montrez à chacun d'entre nous sa

place dans votre royaume; vous comptez nos jours

et le nombre des battemens de nos cœurs. Vous

connaissez tous nos besoins , et vous savez y

pourvoir avec une sagesse et une bonté vraiment

paternelles. Nos plus secrètes pensées vous sont

connues ; nos plus légers soupirs se font en

tendre au ciel; vous jugez, vous pesez toutes nos

œuvres : car vous les connaissez toutes ; celles qui

s'exécutent dans les ténèbres comme celles qui

s'accomplissent à la face des cieux. Tout a été

fait par vous ; par vous , tout se conserve ; et à

64 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

vous seul est due la gloire, pendant les siècles

éternels.

La Providence de Dieu n'ayanfcrien excepté ,

rien n'ayant pu échapper à cet Etre qui a la pléni

tude de toute science , qui embrasse le passé et le

présent, et qui pénètre même dans l'avenir, je

suis donc aussi moi-même l'objet de ses soins et de

sa sollicitude, quelque inférieur que soit le degré que

j'occupe dans la création. Rien ne m'arrivera sans

que le Seigneur en ait connaissance : les cheveux de

ma tête sont tous comptés , et aucun n'en sera dé

rangé qu'il ne le sache. Il conduit les destinées de

tous les mondes et de leurs habitans divers , et il

aide même les êtres libres dans leurs propres desti

nées. 0 Dieu ! que votre puissance est donc grande

et votre bonté infinie ! Tout ce que vous approu

vez ou ordonnez est bon et sage : tout ce que

vous faites est bien fait ; soit que vous condamniez

où que vous absolviez ; soit que vous punissiez ou

que vous récompensiez. Pourvu que je sois moi-

même vertueux et prudent, et que je n'abuse point

de ma liberté pour contrarier les vues bienfaisantes

de votre providence; pourvu que je veuille moi-

même efficacement mon bonhenr ; vous saurez me

rendre heureux : heureux au delà de mes mérites.

Vous saurez même me dédommager amplement

de toutes mes souffrances , dans ce lieu où vous ré

servez à chacun une riche compensation de tous

les sacrifices qu'il aura pu faire.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 65

Quel bonheur pour moi, ô mon Créateur! de

me trouver ainsi placé sous votre surveillance im

médiate, sous la tutelle d'un père infiniment bon,

infiniment sage et infiniment puissant ! Que je

m'estime heureux de ne m'être pas tout-à-fait aban

donné à moi-même au milieu de mes faiblesses et de

mes passions déréglées ; et que mes volontés, mes

souhaits et mes désirs, qui sont souvent ceux d'un

enfant, ne fassent pas toujours loi! Quelle tran

quillité , quel calme , quelle confiance je puis con

server jusque dans les plus terribles révolutions ,

jusqu'au milieu des plus affreuses destructions et

des ravages les plus effrayans ! Si , de mon côté ,

je fais tous nies efforts pour être vertueux et juste,

avec quelle consolation je puis envisager toutes

mes futures destinées ! toujours votre main pater

nelle me conduira !

Seigneur , je crois pouvoir me rendre le témoi

gnage que mon cœur est sincèrement attaché à la

vertu ; que ma volonté est prononcée pour le bien,

pour la vérité et la justice : je m'abandonne donc

à votre douce providence avec une confiance vrai

ment filiale, persuadé que v^us vous chargez du

soin de ma félicité éternelle. Je serai toujours bien

éloigné de comparer les prétentions d'une raison

obscure et incertaine à vos sages et éternels dé

crets. Vous seul savez d'une manière certaine par

quelles voies j'arriverai plus sûrement à mon but.

Vos pensées ne sont point celles des hommes :

66 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

vos vues ne sont point les vues des humains ,

et vos jugemens diflèrent des nôtres de tout l'éloi-

gnement du ciel. C'est pourquoi , dans les grandes

alarmes , je dirai a mon cœur inquiet : C'est le

Seigneur qui te conduit , ce Dieu de bonté et de

sagesse qui t'a créé pour le bonheur. Tes maux ne

viennent que de toi-même, ou des créatures libres

qui t'environnent; supporte-les avec patience, et

attends avec calme la vie d'une riche compensa

tion. Pourquoi te troubler, pourquoi trembler, si

ta volonté pour le bien n'a jamais varié ; ou si ,

après un égarement passager, tu es revenu sincère

ment au Seigneur ? Continue toujours à chercher

le royaume de Dieu, la vérité, la justice, et laisse

tous les autres soins à la Providence. Plus tu auras

pratiqué de vertus, plus tu seras heureux. Dieu

lui-même ne pourrait donner le bonheur suprême

à celui qui n'en aurait point pratiqué , car le bon

heur suprême consiste exclusivement dans le sou

venir de la vertu.

Aujourd'hui, sans doute, je marche encore dans

les ténèbres, parce que je ne connais qu'en énigme

et ne vois que par la foi ; mais le jour viendra

qu'une lumière éternelle m'environnera, et que la

gloire du Dieu de vérité illuminera mon âme ! Alors

je verrai les rapports divers de mes destinées : je

verrai comment Dieu m'aura fourni les occasions

de me sanctifier, lorsque ma volonté était sincère ;

j'admirerai comment le Seigneur , dans sa bonté ,

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 6j

m'aura rappelé de mes égaremens, et comment ma

vertu se sera perfectionnée dans l'infirmité ; je verrai

aussi comment les destinées des mondes divers ,

celles des nations et celles de tous les êtres intell i-

gens tiennent ensemble; et je m'écrierai en adorant

profondément la sagesse éternelle : Tout ce que le

Seigneur a fait est bien fait; qu'il soit loué , exalté

et béni dans tous les siècles!

5.

G8 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

SEPTIÈME SUJET.

LE DEISME.

Les partisans du déisme sont plus nombreux

que jamais. Une infinité de personnes dans toutes

les classes de la société ont penché plus ou moins

vers ce système , surtout depuis deux ou trois

centsans que les lettres ont commencé à renaître.

Les révolutions dernières ont engendré un grand

nombre de déistes parmi nous, et le sort pré

caire de la religion chrétienne les multiplie en

core tous les jours. Divisé comme il est , on juge

le christianisme indigne detre approfondi ; on

ne cherche en général à en connaître que les

contradictions et les abus que l'on a exagérés le

plus possible; et l'on abandonne ainsi une croyance

ancienne, jamais bien connue, pour embrasser

un système vague qui ne sera jamais capable de

satisfaire un esprit réfléchi.

J'examinerai donc aujourd'hui , avec la plus

grande impartialité , cette question si importante

du déisme. Je sens que la tranquillité de ma vie

et le repos de mon cœur dépendent en grande partie

de ma croyance à cet égard.

En premier lieu , je ne saurais me persuader que

le plus grand nombre des déistes de nos jours

\

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 69

aient réfléchi sérieusement au sj'stème qu'ils ont

embrassé , ni qu'ils aient déposé entièrement leurs

préjugés pour bien faire un examen aussi im

portant ; et je suis persuadé que si l'esprit de

présomption du siècle, le plus vain qui fût jamais,

eût permis à la plupart de nos déistes d'examiner

le christianisme avec une entière impartialité ,

plusieurs considérations les eussent certainement

inquiétés.

Parcourez l'histoire du peuple de Dieu, celle

de la vie et de la mort de Jésus-Christ , qui s'y

rattache , et enfin celle de l'établissement du

christianisme dans tout l'univers ; rappelez tous

ces faits surprenans qui n'ont en quelque sorte cessé

de se succéder les ujp aux autres depuis l'origine

du genre humain jusqu'à nos jours : pensez- vous

qu'il se trouve un seul philosophe raisonnable et

sensé qui ait le courage d'attribuer tant et de si

grands événemens au seul fanatisme ? Je le vou

drais rencontrer , cet homme assez téméraire pour

oser soutenir que ce qu'il y a eu de plus grand

dans l'univers n'a pourtant été, dans la réalité, que

chimère et qu'illusion ! ! ! Non ; tant que le monde

existera , l'histoire du peuple juif, l'avénement du

Messie attendu et sa vie extraordinaire , présente

ront le phénomène le plus surprenant dont les an

nales du genre humain puissent faire mention ; et

il ne sera jamais sage de se déclarer pour le déisme

aussi légèrement qu'on le fait.

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Mais il y a plus : le déisme est un poste si diffi

cile à tenir, que plusieurs sont tombés jusque dans

l'abîme du matérialisme le plus insensé , après

avoir fait le premier faux pas en abandonnant la

foi chrétienne. Nous en avons des exemples frap-

pans , même parmi les plus grands hommes ; et

si vous considérez les masses, vous verrez jusqu'à

l'évidence la nécessité de croyances positives. Le

déisme n'a jamais été une religion chez aucun

peuple , quoique l'on convienne généralement

qu'une religion et un culte public sont la base

indispensable de la morale des nations. Les idées

que nous fournit le déisme sur Dieu , sur ses per

fections , sur sa conduite à l'égard du genre hu

main , et sur les devoirs de»l'homme envers son

Créateur , sont si vagues et si incertaines , qu'il

n'a jamais inspiré aux peuples en général ni la

crainte ni l'espérance , et qu'il a toujours été d'une

nullité complète en fait de morale publique. Qu'on

nous dise , en effet , quelles vertus le déisme a

fait naître, et quels vices il a réprimés chez les

nations.

Cependant , ce système si peu satisfaisant a de

puissans attraits pour les génies superficiels du

dix-neuvième siècle.

Est-il donc si difficile, ô mon Dieu ! de se per

suader que vous vous soyez laissé toucher du sort

de celles de vos créatures sensibles qui ont été assez

infortunées pour s'égarer loin des routes de la perfec

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. *Jl

tion et de la félicité? Est-il donc si incroyable que

vous soyez venu converser avec les hommes, et que

vous ayez voulu leur tracer un modèle de conduite

qui pût les ramener au bien, à la vérité, à la justice

et au bonheur? Ne devrions-nous pas trouver bien

plus étrange que le Dieu de toute bonté n'eût jamais

conversé avec ses créatures , et n'eût jamais pris

aucune part à leurs malheurs !

Je n'examinerai point aujourd'hui au long toutes

ces questions diverses ; elles méritent chacune

d'être discutées en particulier, et avec la plus grande

attention. Je m'arrêterai à une seule considération*

qui suffira pour me décider , en attendant que

j'examine les preuves éclatantes de la divinité de

Jésus-Christ et de son Evangile. Le déiste est-il

aussi heureux que le chrétien éclairé ? Est-il aussi

vertueux, et a-t-il autant de raisons de l'être?

En un mot , se prépare-t-il aussi efficacement que

lui au bonheur éternel? Ces questions une fois ré

solues , je prendrai facilement un parti.

Les déistes rejettent ce Dieu si affable des chré

tiens, qui se communique à ses créatures avec

tant de bonté; ce Dieu si doux et si bienfaisant,

dont la sollicitude paternelle veille aux moindres

besoins des hommes ; ce Dieu si humble , qui ne

dédaigne pas de se rabaisser jusqu'à prendre la

forme humaine pour enseigner à la terre les vo

lontés immuables du ciel; ce Dieu martyr qui n'a

pas craint de s'exposer à mourir comme le der

^3 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

nier et le plus malheureux des enfans d'Adam, en

venant donner à l'univers le spectacle de toutes les

vertus , et lutter tout seul contre la perversité , la

corruption , les ténèbres et les préjugés du genre

humain. Il est indigne , disent les déistes , de cette

majesté suprême de se rabaisser jusqu'à l'homme:

Dieu règne au plus haut des cieux, et il ne s'oc

cupe en aucune manière des petits intérêts de la

terre , laquelle n'est qu'un grain de sable dans la

création.

Mais , quand on veut ainsi anéantir l'homme ,

dans la vue d'élever et d'exalter la Divinité, ne doit-

on pas craindre de se méprendre étrangement sur

l'excellence de la nature humaine? Dieu est sans

doute infiniment grand , et infiniment élevé au-

dessus des faibles mortels : mais, après le Créateur,

concevez-vous bien une créature plus grande et plus

excellente que ne l'est un être intelligent et libre,

un être indépendant dans ses actions et qui est

véritablement lne image de l'éternel ? Non , il

est impossible à l'esprit humain de concevoir

un genre d'êtres plus parfait que ne le sont les

hommes et les anges ; et je ne vois nullement que

celui dont la pensée embrasse toute la création et

s'élève jusqu'au Créateur , soit si indigne de ses

égards.

Au reste , est-il bien constant que ce soit la haute

idée que les déistes se sont faite de la divinité , qui

leur a inspiré les sentimens qu'ils manifestent , et

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 7J

qui leur a mis dans la bouche le langage qu'ils

tiennent ? N'auraient-ils pas peut-être quelque autre

motifde préférer le déisme au christianisme ; quel

que motif moins noble, provenant de quelque vice

secret du cœur , et sur lequel ils se feraient illusion?

On sait assez qu'un fils bien né ne craint pas les

regards de son père; qu'il ne se plaint pas de son

assiduité à surveiller ses moindres démarches; qu'il

ne cherche point à l'éviter ni à se soustraire à son

autorité; qu'au contraire il se plaît à lui rendre

compte de ses pensées , de ses désirs , et de ses en

treprises.

Je croirais donc volontiers que c'est le mauvais

naturel et la propre dépravation de la majeure par

tie des déistes de tous les temps , qui !es ont portés

à désirer que le Maître suprême soit plus éloigné

de cette terre : et qui par conséquent leur ont fait

paraître leur système plus plausible. Cette Provi

dence, à laquelle rien n'échappe, les incommode;

cet œil toujours ouvert au haut du ciel, les gêne;

ce témoin éternel de leurs moindres démarches

les importune, et ils redoutent ce juge incorrup

tible de toutes leurs pensées. Comment ne pas

craindre, en effet, un Dieu qui voit tout, pré

sent à tout, qui croit que tout lui appartient;

un Dieu curieux et inquiet, sans cesse occupé de

l'homme ? —

Mais, quoi qu'il en soit de leurs pensées secrètes,

les déistes en sont-ils plus heureux après avoir éloi

74 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

gué leur Dieu de la sorte? Non, au contraire : ils

sont nécessairement moins capables de goûter les

vraies jouissances que la terre offre à l'homme sen

sible ; ils ont moins de raisons d'aimer et de pra

tiquer la vertu; et, par conséquent, ils travaillent

moins efficacement à leur vrai bonheur que ne fait

le chrétien éclairé.

Ne nous faisons donc point illusion sur ce sys

tème, quelque répandu qu'il soit; et sachons que

la plupart des déistes tiennent de très-près à l'a

théisme. Ils seraient même presque tous athées , si

on pouvait l'être sans rougir à ses propres yeux. Ils

se déclarent à la vérité pour le déisme; mais ils se

réservent de ne rendre à leur Etre suprême que

les devoirs qu'ils voudront bien juger convenables.

Ils assignent au Dieu que leur imagination a en

quelque sorte créé, le ciel pour demeure; et ils ne

veulent pas qu'il punisse le crime d'une manière

digne de lui , ni même qu'il récompense la vertu ,

par la raison spécieuse que la vertu est sa récom

pense à elle-même. C'est-à-dire , qu'ils détruisent

leur Dieu autant qu'il est en eux ; puisqu'un Dieu

sans providence , sans bonté et sans justice , cesse

d'être Dieu. Et dans ce système vague, qui n'a ja

mais été bien défini, reviennent à peu près les

mêmes conséquences horribles qu'entraîne l'a

théisme.

Et ici, examinons encore un point sur lequel tous

les déistes sont d'accord : savoir la révélation. On sait

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. JO

qu'ils la nient d'une voix unanime. Otons donc pour

un moment toute révélation , et voyons ce que de

viendra l'homme , ce que deviendra la société hu

maine. Malheureux mortels ! Il sera donc bien vrai

de dire que vous êtes semblables à ces enfans infor

tunés qui n'ont point eu le bonheur de voir ni de

connaître les auteurs de leurs jours ! Il sera donc

vrai de dire que Dieu, après vous avoir jetés comme

au hasard sur un coin de cette terre abandonnée ,

vous a entièrement oubliés dans ce labyrinthe de

doutes et d'incertitudes , et n'a plus reparu depuis !

Il sera donc vrai de dire , que ce Jésus , si admi

rable dans sa doctrine, dans ses vertus et jusque

dans ses souffrances , n'a cependant été qu'un en

thousiaste insensé , ou un vil imposteur qui , par

des prodiges inconcevables et par une mort pleine

d'une lugubre majesté , a ravi l'encens et les adora

tions dus à la divinité ! Malheur à moi ! je ne saurai

donc plus à quoi m'en tenir sur la nature de mes

relations avec mon Créateur ; je ne pourrai donc

plus dire au juste, ni d'où je viens , ni où je vais ,

ni qui je suis ; je serai une énigme inexplicable à

moi-même ; je demeurerai dans une entière in

certitude touchant la vie future et l'immortalité !

Que dis-je ? je ne pourrai pas même savoir d'une

manière bien positive si mon âme survit au corps

ou non ; car la raison ni la philosophie ne peuvent

lever entièrement mes doutes à cet égard , vu les

contradictions innombrables et inconcevables de

^6 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

nos sages. L'ouvrier y l'habitant fie la campagne,

en un mot la grande majorité du genre humain ,

ne sera jamais capable d'acquérir la moindre no

tion certaine touchant sa dernière fin et ses devoirs

envers le Tout-Puissant !

O mon âme ! paumez-vous être heureuse avec

un système si rempli de doutes? pourriez- vous

être satisfaite d'une croyance aussi vague et aussi

informe? Non ; pour être heureuse, vous a^ez be

soin de croire, comme vous avez besoin d'aimer ;

l'incertitude est pour vous un état d'angoisse et

d'anxiété qui détruit nécessairement tout votre

bonheur. Attachez-vous donc à l'histoire sainte qui

raconte les dùTérens rapports que les hommes ont

eus dans divers temps avec le Créateur ; admirez

cette grande mesure de l'apparition du Seigneur

lui-même au moment où les mortels égarés avaient

généralement perdu le chemin de la vérité et du

bonheur ; adorez en silence la bonté infinie de votre

éternel Bienfaiteur ; et ne trouvez jamais indigne de

lui tout ce qui pourra vous donner une plus haute

idée de sa tendresse et de son amour. Après s'être

montré aux hommes sous divers emblèmes moins

parfaits (son essence divine ne pouvant être vue),

est-il étonnant que le Créateur se soit enfin aussi

manifesté à nous revêtu de l'humanité sainte de

Jésus-Christ son fils , laquelle est plus qu'un em

blème , laquelle est un emblème personnifié , au

point qu'en voyant le Sauveur on voit le Père

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 77

céleste, et qu'en lui parlant on parle au Créateur?

Ne serait-ce point là l'unique manière de voir Dieu,

de parler à Dieu face à face ? Oui ; il semble

qu'éternellement il serait resté quelque chose à

désirer aux hommes et aux esprits bienheureux ,

sans l'incarnation du Verbe.

'jS RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

l\\VW\\WVWWVW\WVW\VVWWW\VVWVVVVMWVVWWWW'VWWWWW\W W<W

HUITIÈME SUJET.

l'indifférence en matière de religion.

Ce froid glaçant de notre siècle pour tout ce qui

a le moindre rapport à la religion , est devenu une

maladie contagieuse qui a paralysé presque tous les

cœurs. La société chrétienne se trouve dans un état

de langueur voisin de la mort, et le silence des

tombeaux commence à y régner. Ce malheur, au

quel on ne porte presque aucune attention, paraît

épouvantable aux yeux de l'homme qui réfléchit.

Si nous reconnaissons ,• avec tous les sages légis

lateurs , que la religion est la base de la morale

publique , de la paix et de la félicité des peuples ,

nous devons avouer aussi qu'une nation devenue

absolument insensible pour sa religion n'est donc

plus touchée non plus de son propre bonheur; et

une pareille léthargie n'est point naturelle.

• L'indifférence religieuse , qui se fait remarquer

dans ce siècle, ne peut, en effet, se comparer qu'à

ce silence morne de toute la nature , qui précède

d'ordinaire les tempêtes et les tremblemens de

terre ; et elle nous présage des orages politiques et

de funestes bouleversemens , si la prudence ne

parvient à éclairer tous les esprits pendant qu'ils

SUR DIVEKS SUJETS DE RELIGION. 7g

sont encore calmes. Les hommes endormis ne se

réveilleront que pour rallumer des dissensions plus

terribles ; les passions ne reparaîtront que pour

s'entre-dévorer, et il se présentera enfin une der

nière, mais effrayante lutte , entre le mensonge et

la vérité.

La majorité des peuples , il est vrai , est trop

éclairée aujourd'hui pour pouvoir être guidée plus

long-temps par une obéissance aveugle , et pour se

soumettre à une foi qui varie selon la démarcation

des états*, ou , plutôt , des provinces du même

royaume. Comme il n'y a qu'un Dieu , quune

vérité et Qu'une raison , il ne peut y avoir de

même qu'une morale et quune religion chez une

nation civilisée ; et il est devenu indispensable

d'établir partout des principes uniformes de con

duite et de croyance , si l'on veut ramener les

peuples à l'amour de tout bien.

Mais quand il serait vrai , quand il serait incon

testable que l'indifférence religieuse viendrait en

partie des pratiques absurdes qu'on a mêlées au

culte , en serait-elle moins déraisonnable en elle-

même ?

0 mon Dieu ! faites que je reconnaisse claire

ment dans cette méditation tout ce qu'il y a de

déraisonnable dans la doctrine de l'indifférence, et

éloignez la dissolution de l'ordre social , en mon

trant à tous mes contemporains qu'il n'est point

permis à l'homme sensé de demeurer indifférent

8o RÉFLEXIONS ET SENT1MENS "

touchant vos immuables volontés et la manière de

parvenir à la perfection et au vrai bonheur.

D'où peut donc provenir cette prétendue indif

férence dont les incrédules de nos jours cherchent'

à se faire un rempart ? Sans doute qu'elle n'est

point le produit d'une conviction intérieure , ni le

résultat de réflexions profondes et d'un mûr exa

men. Non, elle paraît plutôt l'enfant de la paresse

et la ressource de tous ceux qui manquent de ca

pacité pour se décider à embrasser un parti plutôt

que l'autre. L'indifférence si générale du* siècle ne

peut être née que de la défaite honteuse qu'une

philosophie vaine et stérile a essuyée *Ûe la part

d'une religion inébranlable dans ses bases, et qu'elle

avait attaquée avec trop d'assurance. Au transport

et à la fureur impuissante ont succédé ce calme

apparent et cet état léthargique qui caractérisent

nos temps malheureux.

Rien n'empêche assurément qu'un homme rai

sonnable ne demeure indifférent à l'égard de toutes

les questions spéculatives ou insolubles , ainsi qu'à

l'égard de toutes les doctrines ou observances

vaines ; mais la folie seule peut porter son apathie

jusque dans les intérêts qui touchent directement

au bonheur de la société et à l'honneur dû à la

Divinité ! Comment un homme sensé pourrait-il

rester neutre entre le Créateur et un vil imposteur,

entre la vérité et le mensonge , entre la félicité et

le néant? Une entière indifférence touchant des

SUR DIVERS SUJETS Dfi RELIGION. 8l

intérêts aussi graves serait évidemment le som

meil , ou plutôt la mort de toute raison et de tout

jugement.

Ce peu de réflexions suffirait déjà pour me con

vaincre que celui qui se donne pour indifférent

doit être encore plus inconséquent et plus malheu

reux que nous n'avons vu le déiste , et que , par

suite , son système ne saurait me convenir ; mais

n'importe , je veux connaître de plus près encore

ce nouveau monstre de la raison égarée que l'on a

désigné sous le nom d'indifférentisme.

L'indifférence , en matière religieuse , non plus

que le déisme, ne peut êt*e, dans le fond, qu'un

athéisme pratique. Voici quel doit être le raisonne

meut de l'indifférent , et le langage le plus naturel

que l'on puisse lui prêter : —Professer des principes

et une foi quelconque, c'est s'engager à s'y confor

mer dans sa conduite , ou bien à être toute sa vie en

contradiction avec soi-même : professer l'athéisme,

c'est se déclarer l'ennemi du genre humain ; s'en

gager à soutenir une lutte inégale avec l'univers

aux pieds de la Divinité ; c'est prétendre que la

vertu n'a aucune prérogative sur le vice ; que le

meurtrier a le même sort que l'homme bienfai

sant ; c'est , en un mot , entrer dans un chaos qui

effraie l'esprit et dessèche le cœur. Que ferai-je

donc dans une pareille alternative? Je dirai a tout

le monde , et , s'il est possible , je persuaderai à

mon propre cœur que je suis absolument indiffé

6

8a RÉFLEXIONS ET SENTI MENS

rent à l'égard de toutes ces choses. Je ne connais

en effet ni Dieu , ni mon propre être , ni le fon

dement de mes craintes ou de mes espérances. Je

ne sais quels devoirs j'ai à remplir envers mon

Créateur, ni même si ce Créateur existe. J'ignore

donc aussi quelle religion je dois suivre , ce que

je dois penser de cette mort qui m'enlèvera bien

tôt; et, enfin, jusqu'à quel point je puis croire au

bonheur et au malheur d'une v:e future. En con

sultant des personnes instruites , je pourrais sans

doute parvenir à fixer mon esprit, à surmonter

mes préjugés , à me tracer un plan de conduite et

un système de morale digne d'un être intelligent...

Mais je ne veux pas m'en donner la peine ; je suis,

à cet égard , dans une entière indifférence. . .

Quel délire dans un pareil langage ! Malheureux !

vous avez réuni en un seul système tout ce que

le matérialisme le plus insensé , le plus horrible

athéisme et l'incrédulité la plus absolue ont en

semble d'odieux et de désolant pour la morale et

la félicité publique ! Serviteur paresseux et mé

chant, qui évitez de connaître vos devoirs pour

vous ménager une misérable excuse, si vous ne les

ayez pas remplis , pensez-vous pouvoir vous jouer

ainsi impunément du Créateur éternel et incom

préhensible ? Ne voyez-vous pas que vous insultez à

la fois à Dieu , à la nature et à la raison ? ;

Cette dernière et méprisable arme de l'indifle-

rence a été inventée principalement pour coin

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 83

battre la religion chrétienne. L'indifférent s'efforce

de jeter un regard de mépris sur un ennemi re

doutable avec lequel il n'ose plus entrer en lice,

et à qui , par la mauvaise foi la plus insigne, il

ne reproche que des abus désavoués par le chrétien

lui-même. Mais que l'on exagère autant qu'on le

voudra les abus qui se sont glissés dans le chris

tianisme , ce ne sera jamais une raison d'être en

tièrement indifférent à son égard. S'il est vrai qu'il

faut renoncer à tous les abus, il est vrai aussi qu'on

doit s'attacher d'autant plus fortement à tous les

bons principes et à la vérité, toujours la même,

toujours immuable comme l'Eternel.

L'indifférence religieuse est également contraire

au bonheur et à la nature de l'homme. Un esprit

aussi vif, aussi inquiet que le nôtre, cherche né

cessairement à se fixer ; la vérité est en quelque

sorte sa nourriture ; il ne peut s'empêcher de

prendre un parti, surtout quand il s'agit de sa fé

licité ; et le doute, l'incertitude et l'indécision sont

pour lui un état violent qu'il ne saurait supporter

long-temps.

11 n'est que deux suppositions dans lesquelles

l'indifférence pourrait être raisonnable; d'abord, s'il

était prouvé qu'il est impossible à l'homme de trou

ver la vérité ; et ensuite si la vérité, une fois trouvée,

lui était entièrement inutile. Or, on ne démontrera

jamais ni l'un ni l'autre. L'homme serait alors le

plus misérable de tous les êtres sortis des mains

6.

84 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

du Créateur, et il aurait droit de maudire la rai

son , la sensibilité et l'intelligence !

Après avoir reconnu aussi clairement toutcequ'il

y a de monstrueux dans le système de l'indifférence

en matière de religion, faites-moi la grâce, ô mon

Dieu ! de sentir dans mon cœur une grande ardeur

pour la vérité , un grand zèle pour votre volonté

sainte et pour tous mes devoirs! Oui, Seigneur, je

méditerai , j'examinerai ; je ne rougirai pas de con

sulter des personnes instruites sur tous les sujets

de mes doutes. Je pèserai toutes les vérités de la

morale dans le sanctuaire de ma conscience , à la

lumière de la raison éclairée par la foi, en présence

et sous les yeux même du Seigneur , jusqu'à ce que

mon esprit soit fixé et mes principes irrévocable

ment arrêtés, jusqu'à ce que je me sois tracé un

plan de conduite et un système de morale dont

je n'aie point à rougir; persuadé que, jusque-là ,

toute indifférence est absurde.

SUR DIVERS SUJETS UE RELIGION. 85

NEUVIÈME SUJET.

l'immortalité.

Cette vie ne saurait être l'unique destinée de

l'homme : tant de raisons nous autorisent à nous

regarder comme les habitans futurs d'un monde

plus parfait ! Les vues, les facultés et les forces de

l'esprit , qui ne sont point entièrement développées

ni déploj'éês ici-bas; cette soif ardente pour la

science et la vérité, qui ne saurait s'apaiser ; ce

penchant secret vers la perfection ; ce désir inquiet

de l'immortalité : et , d'un autre côté , ces désor

dres dans la morale ; ces contradictions dans les

destinées des humains , lesquelles ne peuvent se

concilier avec la bonté , la sagesse et la justice de

l'Etre modérateur souverain de tous les mondes ;

cette vertu humiliée, cette innocence persécutée;

ce vice heureux, ce crime triomphant tout fait

naître dans mon cœur cette espérance bien fondée

que ma destinée doit donc s'étendre au délit du

tombeau, et que cette vie n'est qu'un germe dans

L'attente de son développement ) qu'un bouton ou

une Jleur qui s'ouvre, mais que lefruit ne s'est

pas encorefait apercevoir.

Un écrivain célèbre, dans un de ces mouvemens

d'enthousiasme que la vérité seule peut inspirer ,

86 RÉFLEXIONS ET SENTIMEJNS

s'est écrié: S'il n'y avait point de Dieu , il faudrait

l'inventer ! Nous devons dire absolument la même

chose de l'âme humaine , de son immortalité , et de

tout ce qui a rapport à la vie future. Car , que Dieu

riexiste pas , ou que nous riayons aucune espèce

de rapports avec lui, c'est évidemment la même

chose, y. it . . . • ... »

De tout ce que j'ai déjà découvert jusqu'ici par

mes différentes méditations, et par la seule force de

la raison donnée à l'homme, je pourrais déjà tirer

des conclusions infaillibles relatives à cette vérité

consolante de l'immortalité , qui est la base de la

morale, fe garant de la paix et de la justice, et l'u

nique fondement de toutes les espérances des mor

tels; mais je me plais à m'arrêter plus long-temps

à une vérité qui peut et qui doit avoir une in

fluence si marquée sur mes vertus et mon bonheur.

Je me rappellerai donc aujourd'hui sommairement

tous les motifs de crédibilité que la raison me four

nit de l'immortalité.

Quant aux vaines clameurs de ces esprits faibles ,

qui se contentent de nier l'existence, la spiritua

lité et l'immortalité de l'âme , sans en donner de

bonnes raisons , je ne prendrai pas la peine de

m'y arrêter. Il en coûte si peu pour nier une vérité!

En général , c'est faire trop d'honneur aux athées ,

aux matérialistes , aux incrédules et aux impies ,

que de s'occuper long-temps et sérieusement de

leurs vains discours , bornés d'ordinaire à quelques

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 87

invectives , ou bien à quelques plaisanteries dé

placées. Il ne suffit pas de mer simplement l'exis

tence de Dieu , la spiritualité de l'âme , et la vérité

d'une vie future, pour ébranler ma foi et mon es

pérance ; elles reposent sur despreuves, et sur des

preuves trop solides. Il faudraitprouver toutes ces

désolantes doctrines; il faudrait me faire voir, par

des raisonnemens , que je n'ai point d'âme; qu'il

n'y a point de Dieu ; qu'en vain j'attends une vie

future.... Alors seulement il serait temps d'entrer

en lice. Malheur , cependant ; oui , malheur au

génie infernal dont les sophismes spécieux et

un affreux abus d'esprit parviendraient à faire

accréditer sur la terre cette espérance de malheurs

et cet amour du néant ! Il aurait travaillé efficace

ment à la ruine du genre humain I ' •

Levons donc aujourd'hui un coin de ce voile

mystérieux qui couvre , aux yeux des mortels , les

siècles futurs. Avec quelle joie je reconnais que cette

vie si courte et si frêle n est pas ma dernière desti

née , ni ma dernière fin; que tout n'est point perdu

avec elle; qu'au delà de la tombe il est une vie nou

velle ; que la mort ne m'oie pas tout sentiment

d'existence ; que l'immortalité, en un mot, est mon

partage ! ! !

Oui , mon âme est immortelle \ Le moi ne saurait

s'éteindre : l'être intelligent et individuel ne «aurait

s'effacer de la création dont aucun atome ne peut

périr! Je reconnais dans mon intérieur un désir

88 RÉFLEXIONS ET SENT1MENS

insurmontable pour la lélicité ; j'y reconnais un

penchant si violent et si prononcé pour la science ,

que je ne saurais m'en dépouiller ni le surmonter;

j'y reconnais un amour de la vérité qui ne me laisse

jamais eu repos, qui m'agite et me cause des trans

ports continuels ; mon cœur nourrit aussi inces

samment le désir de devenir parfait, et mon âme

forme sans cesse le vœu d'exister encore après cette

vie.

Or ce sont là autant de preuves irréfragables de

l'immortalité.

Dans ce monde je ne saurais parvenir à une féli

cité sans nuage. Jamais homme sur la terre n'a été

parfaitement heureux ; personne n'est jamais par

venu à cet état où il ne lui serait rien resté à dé

sirer ni à espérer. Si donc il n'est point de vie

future pour l'homme , je ne puis concevoir pour

quelle raison le Créateur a mis dans le cœur humain

ce désir insatiable de la félicité.

Dans cette vie, le plus beau génie, la science la

plus profonde, la plus haute sagesse, ne sont ja-.

mais qu'une .simple ébauche. Quand l'homme a

parcouru toutes les branches des connaissances hu

maines , il commence seulement à bien concevoir

son ignorance ; semblable à celui qui gravit sur une

haute montagne , il voit à chaque pas les domaines

de la création s'agrandir, jusqu'à ce qu'arrivé au

.sommet, il acquière la certitude que des millions

d'objets échappent à ses regards et se perdent dans

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 89

le lointain. Quels trésors de science le célèbre Ba

con , par exemple, n'avait-il pas amassés ! Il con

servait en quelque sorte dans sa mémoire la nature

tout entière : l'histoire du genre humain y était

écrite ; les quatre parties du globe y étaient tracées

avec leurs détails immenses ; tous les souvenirs de

sa propre vie y étaient enfouis ; là se retrouvaient

les mots des principales langues anciennes et mo

dernes , les connaissances de physique , d'astrono

mie, d'histoire naturelle, de lois, de coutumes,

d'opinions , de religions , toutes les vérités morales

et le monde métaphysique ! Et cependant le désir

d'apprendre n'avait encore fait que s'irriter chez ce

grand homme ; et cette âme était encore susceptible

de s'orner , de s'enrichir et de se perfectionner !

Telles sont les forces prodigieuses que Dieu a mises

en nous, et elles ne prouveraient pas l'immortalité

aussi-bien que l'immatérialité de nos âmes ! Qui ne

voit que, sans une vie future, il eût été inutile et

absurde de donner à l'homme ces facultés éton

nantes et en quelque sorte infinies pour la science

et la sagesse ?

Sur cette terre , je ne puis parvenir à une vertu

parfaite. Le meilleur des mortels demeure toujours

sujet à mille faiblesses et à mille erreurs. Plus on

fait de progrès dans la perfection , mieux on voit

combien on est au-dessous de ce que la nature hu

maine peut devenir. S'il n'est point d'immortalité,

Dieu nous aurait donc proposé un but que nous

QO RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

ne saurions atteindre ! Nous ne pourrions devenir

parfaits comme le Père céleste est parfait ! La

cruelle mort et un anéantissement éternel nous ar

rêteraient donc dès notre première entrée dans la

carrière de la perfection ! ! !

Maintenant , je le demande , peut-on attendre de

la sagesse infinie du Créateur , sagesse que nous ad

mirons partout ailleurs, qu'elle se soit montrée

aveugle en ce seul point , et en un point si impor

tant? Peut-on croire que l'Architecte éternel ait

posé dans la nature humaine un fondement qui ne

reçoive point d'édifice ? qu'il ait donné à notre âme

une force superflue , des facultés inutiles et des ta-

lens qui ne seront jamais exercés? Est- il possible

que je me persuade que ce désir ardent , ce vœu

que la nature forme en nous pour l'immortalité ,

ne nous ait été donné que pour nous tourmenter ?

Non , le Seigneur suprême n'est point tombé dans

cette grossière contradiction ! L'homme juste ne

saurait périr , tandis qu'un vil insecte se réveille au

printemps pour vivre d'une vie nouvelle !

Si notre Dieu est vraiment un Dieu de justice et

de sainteté, qui punisse le crime et récompense la

vertu , il faut encore que nous reconnaissions une

autre vie après celle-ci ; car , quelque ingénieux que

puissent paraître tous les systèmes de compensation

à notre siècle incrédule , je ne saurais me persuader

que le meurtrier et son infortunée victime soient

également vertueux et>également heureux. Ne

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. t)I

voyons-nous pas tous les jours succomber l'inno

cence, tandis que l'injustice et l'inhumanité triom

phent? Ne voyons-nous pas la vertu humiliée, mé

connue , mourir souvent dans l'obscurité , tandis que

l'homme violent , l'oppresseur du faible , goûte tran

quillement les fruits odieux de ses rapines et de ses

vexations atroces ?N'arrive-t-il pas que des milliers

d'innocentes victimes sans défense meurent en in

voquant le secours d'en haut contre le tyran qui vit

dans la gloire et l'abondance , et qui jouira même

d'une espèce d'immortalité dans l'histoire de l'u

nivers?

Oui , l'immortalité est aussi incontestablement

prouvée que l'existence du Créateur et son éternelle

justice !

Réjouissez-vous donc , ô mon âme ! et louez le

Seigneur. La tombe ne me renfermera pas tout en

tier ; la partie la plus noble de mon être me survivra ;

je suis immortel! Ah ! que cette vérité m'est chère!

qu'elle me paraît salutaire et consolante ! Comme

elle est concordante avec cette sainte vertu qui

adoucit toutes les peines ; qui relève , qui tranquil

lise , qui fortifie et qui encourage tout être sensible ;

qui prolonge l'heure de la joie, et qui fait passer les

jours du malheur ! Si je suis heureux , je puis me

dire : Ton bonheur ne finira pas avec ta vie , pourvu

que tu ne te rendes pas toi-même indigne des fa

veurs du ciel. Si , au contraire, l'heure de la douleur

a sonné ; si je suis conduit à l'école des revers , où

92 RÉFLEXIONS ET SENTI MENS

la vertu se perfectionne , alors je trouve ma force

et ma consolation dans cette immortelle pensée :

il est une vie qui est la riche récompense et la juste

compensation de nos souffrances sur la terre! Alors

je relève mon courage abattu , et je ranime mon

espoir languissant, par ces paroles que j'adresse

à mon propre cœur : Tu ne peux être frappé

d'aucun mal que tu ne puisses changer en béné

diction : aucune peine rie peut te contrister, qui

ne puisse être changée plus tard en joie, pourvu

que tu marches toujours sur le chemin de la vertu,

de la sagesse et de la prudence. Que le moment le

plus terrible de la vie s'approche ; que l'heure fatale

vienne à sonner, et que la mort et la destruction s'a

vancent vers mon lit de douleur , je les verrai arri

ver de sang-froid ; rempli que je suis de cette foi

vivifiante de l'immortalité, la mort ne saurait avoir

pour moi de terreurs. Pour moi , la mort n'est nul

lement ce qu'elle paraît être : ce n'est point un

anéantissement , c'est un passage à une vie meil

leure où réside la justice ; c'est un retour à la maison

paternelle. L'enveloppe seule tombe en poussière :

mais la partie essentielle de mon être , c'est-à-dire ,

le moi, retourne vers le Créateur !

O mon Dieu ! détruisez, dans un si grand nom

bre d'esprits aveugles de nos jours, cette pensée

aussi injurieuse envers vous qu'absurde en elle-'

même, que tout est admirable dans la nature; que

l'harmonie, qui y règne est parfaite ; que tous les

i

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. ^5

êtres y sont à leur place , et qu'aucun atome ne

s'en peut égarer ni se perdre ; mais que l'âme hu

maine y périt, et que la vertu seule y est aban

donnée !

Mais , ô ciel ! est-il bien vrai qu'il se soit trouvé

des êtres raisonnables qui aient tenu un pareil' lan

gage ? Non , on m'a trompé , jamais homme n'a

parlé de la sorte ! Je le voudrais voir , en effet, cet

insenséquiosera it soutenir que 1 a vertu périt comme

le vice ! Je le voudrais rencontrer , ce monstre qui

oserait outrager ainsi la nature et le suprême Mo

dérateur des mondes ï II est une immortalité , ou

il n'est point de Dieu !

Soyez loué, Seigneur, Dieu de la vie ! soyez loué

et exalté. Que les esprits immortels célèbrent votre

bonté et votre puissance infinie; qu'ils ne cessent

de chanter les merveilles de votre création ; qu'ils

s'inclinent devant le trône de votre toute-puissance ,

et qu'ils adorent vos incompréhensibles perfections !

Quand viendra le jour où il me sera permis de me

joindre à leurs légions brillantes , d'unir ma voix

à leurs voix , et de mêler mes transports à leurs

transports ? Quand serai-je capable de comprendre

combien vos bontés envers vos créatures sont inef

fables? Quand me sera-t-il donné d'apprécier vos

grandeurs et de vous adorer d'une manière aussi

parfaite que vous le méritez?

Sainte espérance de l'immortalité , soyez bénie !

Vous fermez toutes les avenues de mon cœur aux

94 RÉFLEXIONS ET SEN'TIMENS

sentimens et aux désirs qui seraient indignes du

Créateur et de moi ; et vous me remplissez d'une

force céleste pour l'accomplissement de te ut bien !

Vous relevez toutes les jouissances de la vie ; vous

doublez toutes les joies, et vous adoucissez toutes

les peines! Vous seule soutenez mes paschancelans

dans les sentiers difficiles ; vous seule me conduisez

d'une manière sûre au milieu des écueils et des

tempêtes de ce monde ; vous seule vivifiez toute la

nature! Sainte espérance de l'immortalité, soyez

bénie ! »

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. C)5

DIXIÈME SUJET. .

l'incrédulité.

Je plains quelquefois le s*ort de l'aveugle, du

sourd et muet, de ces malheureux qui, manquant

d'un de leurs sens , sont réduits à vivre au milieu

de leurs semblables sans presque pouvoir com

muniquer avec eux , ni leur faire partager leurs

plaisirs et leurs peines. Comment donc ne pren-

drais-je aucune part au malheur de l'incrédule ,

mille fois plus à plaindre? Cet infortuné ne con

naît plus son Dieu ni son bienfaiteur ; à peine re-

marque-t-il les bienfaits qu'il en reçoit tous les

jours. Il n'entend plus cette voix divine qui parle

au cœur de l'homme de bien. Pour lui, plus d'en

tretiens ineffables avec l'Etre des êtres ; son oreille

est sourde aux discours consolans de la religion ;

et il reste muet au milieu de la nature , laquelle

célèbre partout d'une voix unanime la gloire de son

auteur.

O mon Dieu! avec quelle satisfaction j'ai reconnu

que les vrais incrédules sont en plus petit nombre

qu'on ne le dit communément ! D'après cette opi

nion exagérée nous ne serions plus qu'un peuple

de misérables1.

0,6 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

,

Pourrai-je assez concevoir tout ce qu'il y a de

sinistre et de désolant dans ces paroles : un jeune

homme sans principes ; une jeune personne sans

religion; une épouse, une mère sans croyance et

sans foi ; un père , un époux , un citoyen incré

dule ?

Plus je réfléchis sur l'incrédulité , plus je me per

suade que c'est l'étatle plus malheureux et le plus

affligeant que l'on puisse imaginer. Quelle confu

sion , quel trouble dans une âme qui ne sait plus

ni croire ni espérer ! Quel abîme de doutes , d'in

certitudes, de craintes et surtout d'inconséquences !

Otez de dessus la terre la foi en un Dieu vengeur

et rémunérateur ; ôtez même seulement la religion

et les relations que l'espèce humaine a eues dans

divers temps avec la Divinité ; toutes vos notions

seront confondues : vertu , honneur , justice , lois ,

ordre, bonheur, espoir, tout disparaîtra; votre

esprit sera enveloppé de ténèbres ; votre cœur

isolé se flétrira ; vous sentirez s'anéantir tout votre

être !

Quelles jouissances l'incrédule peut-il donc se

promettre ? Il ne croit point à la félicité future , et ,

je l'ose dire, il est incapable de bien goûter les

plaisirs de cet univers, quelque vains qu'ils soient.

L'idée d'un éternel anéantissement doit venir em

poisonner tous les momens heureux de sa vie !

Quelle pensée accablante , quelle désespérante ré

flexion pour celui qui sait l'apprécier ! je pense

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 97

aujourd'hui, je sens mon existence, j'ai mille douces

relations avec des êtres sensibles ; encore quelques

jours de vie, et je rentre pour jamais dans le néant!!!

Ce cœur , cette âme , ce moi se perdra ; le souve

nir même d'une félicité goûtée s'effacera de la créa

tion ! Plus de joie , aucun sentiment de l'existence

pendant une éternité ! plus de vérité , plus de

lumières, mais des ténèbres éternelles et un éter

nel oubli ! ! ! Hélas ! une fois atteint par le froid

de la mort, jamais je ne reparaîtrai dans la chaîne

des êtres! L'homme réfléchi, le vrai philosophe ,

est attéré par de semblables considérations. Oui ,

il a le cœur étroit et resserré , celui qui n'ose s'éle

ver jusqu'à un Dieu créateur , jusqu'à une vie fu

ture et une immortalité !

Mais si , au lieu de prospérités terrestres , l'in

crédule reçoit en partage les revers et les malheurs

de la vie que la méchanceté humaine a rendus si

fréquens de nos jours , qui le soutiendra dans des

épreuves quelquefois si terribles , et sous le poids

desquelles une créature aussi faible que l'homme ,

abandonné à ses propres forces, se trouve écrasée?

Quand nous n'avons ni Dieu ni religion à invoquer

dans nos disgrâces, le désespoir et une mort vio

lente deviennent notre unique ressource. Une ex

périence funeste prouve tous les jours cette triste

vérité.

Tout incrédule, qui voudra être conséquent dans

ses principes , commettra nécessairement toutes

98 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

sortes d'injustices et de violences. Se laissant aller

à toutes ses passions déréglées , il ne cherchera

partout qu'à éviter la rigueur des lois humaines.

Mais parce qu'il est rare que tous les crimes de

meurent cachés , il s'attirera donc nécessairement

bien des disgrâces. Et comme il est encore plus rare

que l'homme parvienne à faire taire entièrement

sa conscience et à se persuader que le vice est vertu,

il sentira donc incessamment le ver rongeur du

remords déchirer son cœur : quoi qu'il fasse , une

crainte vague de châtimens mérités , un noir

pressentiment de malheurs le poursuivront dans

le monde comme dans la solitude.

Cependant l'incrédule , si malheureux en lui-

même , fera encore le malheur de tous ceux qui

l'approchent. Sa carrière , suite d'inconséquences et

de faussetés, ne peut inspirer de confiance. Suivez-le

dans les principales époques de sa vie. Au sortir

des écoles et de l'enfance , vous remarquerez en lui

une vanité d'autant plus ridicule, qu'elle n'aura pas

de talens réels pour motifs ; elle dominera tous ses

autres défauts. Vous verrez un front pâle et abattu ,

la lenteur de la vieillesse , sans la prudence ni l'expé

rience qui relèvent l'éclat des cheveux blancs; vous

verrez , en un mot , un jeune homme qui s'ima

ginera savoir goûter les plaisirs de la vie, mais

dont la vie ne sera en effet qu'une mort lente , et

dont le corps ne sera qu'un cadavre ambulant.

D'un côté, vous entendrez les gémissemens d'une

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 99

mère désolée ; de l'autre, les remontrances inutiles

d'un père malheureux et découragé , et toute la

famille versera souvent en secret bien des larmes

amères.

Si le temps vient ensuite où l'incrédule doit con

tracter des liens sacrés , l'innocence et la vertu y

auront la moindre part; le contrat religieux , le

serment , le sacrement ne seront pour lui que de

simples formalités. Il ne fait , dans le vrai , que

se jouer de l'être faible que la tendresse a conduit

dans ses bras. A la vérité, il se présente devant les

autels , mais il contriste le ministre du Seigneur ;

il jure au nom d'un Dieu que son cœur méconnaît,

et contre lequel sa bouche blasphème l II prononce

le serment de fidélité ; mais le malheureux , sans

Dieu et sans religion, ne donne aucun garant de

la sincérité de ses sentimens ; et s'il n'avait pas

renoncé , d'un autre côté , à cet honneur, Tunique

idole qu'il prétend lui rester encore , il rougirait

de passer un contrat aussi inégal avec sa faible

compagne , de bonne foi , et qui signe , sans le

savoir, la promesse fatale d'être malheureuse sans

se plaindre I

Quelle éducation un père incrédule donnera-t-ij

à ses enfans ? de quel œil pourra-t-il les voir ? Ce

n'est point Dieu qui les lui a confiés comme un

dépôt sacré , afin de les former à toutes les vertus,

et les rendre plus tard dignes du ciel : ce sont de

malheureuses victimes, vouées par le hasard et une

7-

IOO RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

„ passion aveugle , aux souffrances d'une vie courte

et misérable. Il ne leur transmettra donc que son

incrédulité avec tous les vices et tous les malheurs

qui l'accompagnent.

Les relations que l'incrédule a nécessairement

avec la société ne sont pas, d'un autre côté, bien

rassurantes : le moyen de faire des conventions

avec l'incrédulité! La propriété d'autrui sera-t-elle

bien sacrée aux, yeux de celui pour qui rien au

monde n'est sacré ? Les sentimens religieux sont

les seuls garans des contrats particuliers qui ne

reposent que sur la bonne foi ; ils sont encore

les seuls garans de l'exactitude avec laquelle on

remplit les autres engagemens , même ceux que

la loi surveille , parce que l'esprit humain est

inépuisable comme la chicane quand il s'agit de

tromper. Qui l'ignore ? Comment doue se fier à

celui qui croit que le voleur , le meurtrier ne périt

pas plus misérablement que l'homme juste et bien

faisant , et que le tombeau couvrira les crimes de

l'un comme les vertus de l'autre ? Le malheureux,

qui lui ressemblera , osera seul contracter avec

lui ; ils chercheront à se tromper mutuellement ;

et , dans les contrats qu'ils passeront , il y aura

toujours deux criminels et une victime.

Oui , on se le dissimulerait en vain , l'incrédule

est en quelque sorte né pour le malheur de tous

ceux qui l'approchent, et par conséquent plus

particulièrement pour le malheur de sa propre

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. IOI

famille. Comment consolerait-il dans les revers et

les infortunes de la vie , une épouse éplorée et des

enfans désolés, lui qui ne sait ni se soutenir ni se

rassurer lui-même ? Pourrait-il leur tenir le lan

gage de ce père de famille chrétien qui , en pareille

occasion , s'adresse aux siens avec une sainte as

surance et s'écrie : — Mes bien-aimés , les humi

liations et la pauvreté viennent de nous tomber

en partage ; la prudence humaine n'a pu détourner

le coup qui nous frappe ; mais la prudence chré

tienne pourra beaucoup pour en adoucir les ri

gueurs. Le Dieu du ciel verra comment notre vertu

se perfectionnera dans l'adversité; il verra à quel

degré s'élèvera notre patience et notre résignation,

notre confiance et notre amour ! Il nous jugera

sans doute dignes des récompenses éternelles !

Mes bien-aimés , cette vie est courte ; l'homme a

besoin de peu de choses sur la terre , et il n'en a

pas besoin long-temps. Au delà de la tombe est

une vie d'une riche compensation : là Jésus , le

premier-né d'entre les morts , le premier modèle

de la vertu couronnée , là nos vertueux ancêtres ,

là le bonheur nous attendent ! Encore quelques an

nées de combats, et la victoire est à nous ! — Non ,

l'infortuné mécréant ne saurait tenir à sa famille

un langage si plein de puissantes consolations :

heureux si sur lui seul il porte une main sacrilége

dans ces tristes circonstances ! On a vu de ces

hommes, sans croyance et sans Dieu, commencer

102 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

par le meurtre de ceux qui leur étaient chers ,

avant de se soustraire eux-mêmes , par un lâche

et affreux suicide , aux malheurs d'une vie qui

leur était devenue insupportable !

Ce portrait de l'incrédule , pour être horrible ,

n'en est pas moins fidèle.

O mon Dieu ! que je vous rends donc grâces de

cette foi et de ces principes salutaires qui ont pris

racine dans mon cœur ! ah ! ne permettez pas que

je vienne jamais à les perdre ! Faites, au contraire,

que je m'y attache tous les jours davantage , et

qu'ils me conduisent à la perfection et au bonheur.

O vérités consolantes d'une religion inébranlable ,

pour moivous êtes un port assuré contre la tempête !

Espoir sacré , fortifiez toujours mon âme ! Vous

êtes l'ancre de l'homme juste au moment des tri

bulations ! Foi de mes pères , foi universelle ,

croyance de tous les peuples éclairés , je fais gloire

de vous professer ! Que l'impiété cesse enfin de

vouloir me prouver la vérité de ses désolantes

doctrines , et me montrer la vanité de ma foi et

de mon espérance : jusqu'à mon dernier soupir je

veux croire et espérer.

Donnez , Seigneur , à tous mes semblables , et

en particulier à toutes les personnes qui me sont

chères, et à qui je suis uni par les liens du sang

et de l'amitié , ces principes de vie , cette foi

salutaire , et délivrez la société humaine de cette

profonde incrédulité qui , après avoir rompu avec

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. Io3i

le ciel, brise tous les liens sociaux et prépare aux

nations une ruine inévitable. Faites que , sur la

foi en votre saint nom et sur tous les bons prin

cipes , s'élève l'édifice du bonheur général I

104 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

vvwww\wwuvwwxvwww\wuw\\u**/\wvwwww\uvuuumww\\w\

ONZIÈME SUJET.

RELIGION.

La religion en général, la religion chrétienne

dans laquelle je suis né : tels sont les sujets de

mes réflexions en ce jour.

Par religion, j'entends l'assemblage des de

voirs que les hommes ont à remplir envers leur

Créateur. Est-il un sujet plus grand , plus im

portant? en est-il un plus digne de fixer mon at

tention ?

Je vois naître la religion avec le genre humain.

Aussi ancienne que le monde, elle a toujours fait

la principale occupation des hommes, au point

que l'histoire de l'univers n'est presque autre chose

que l'histoire de la religion. Dès le premier instant

de leur création, les êtres intelligens ont rendu

hommage à la main puissante qui venait de les

tirer du néant. Ils se sont humiliés devant l'Eter

nel et l'ont adoré en courbant leurs fronts dans

la poussière. Ils ont senti que le plus noble usage

de cette raison qu'ils venaient de recevoir était

d'admirer les grandeurs et les perfections infinies

de l'Etre créateur, et de s'anéantir en sa présence.

Il est dans la nature et l'essence même des choses

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 10J

qu'il s'établisse des relations et des devoirs réci

proques entre le Créateur et ses créatures raison

nables: de là naît la religion, nécessaire à l'homme,

et qui s'établira toujours dans toute société hu

maine.

Aussi la religion a-t-elle été la première cause

de la civilisation chez tous les peuples. C'est elle

qui tire les hommes de cette barbarie dans laquelle

on ne manque jamais de retomber quand on l'a

bandonne. Sans la religion, point de liens sociaux ,

point de devoirs réciproques, point de justice, de

lois , de vertus , de paix , de bonheur ; point de

civilisation-. Ce sont nos seuls devoirs religieux qui

nous mettent en rapport avec l'Etre des êtres , avec

ce Dieu incompréhensible qui crée et qui dispose

des mondes créés selon son bon plaisir ; et ce pre

mier, ce précieux lien entre le Créateur et la créa

ture peut aussi seul consolider tous les autres liens

de la vie.

Si j'examine le genre d'occupation des plus

grands génies dont le genre humain peut se glo

rifier , je vois que la religion a fait un des prin

cipaux sujets de leurs méditations profondes ;

elle semblait même seule les occuper tout en

tiers-, parce qu'ils sentaient mieux que les autres

hommes toute l'importance d'un si grand ob

jet. Déjà, parmi les anciens, je trouve un Zo-

roastre, un Confucius, un Aristote, un Socrate,

un Platon , un Cicéron , et un grand nombre

1 OÔ RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

d'autres sages dont les noms passeront aux géné

rations les plus reculées , occupés à rechercher la

nature des relationsqui existent entre l'homme etla

Divinité. Au commencement de l'ère chrétienne ,

je rencontre un saint Jérôme, un saint Augustin ,

un saint Ambroise , un saint Jean Chrysostome ,

consacrant à la religion leurs vies laborieuses. Dans

ces derniers temps viennent tous ces esprits su

blimes et profonds qui nous ont fourni tant de

grandes idées touchant l'Éternel et ses immuables

perfections : les Bâcon , les Descartes , les Newton ,

les Leibnitz , les Bossuet , les Fénélon , les Pascal ,

et une infinité d'autres.

Si je considère même le commun des hommes ,

je vois que la nature leur a flonné , à tous indis

tinctement , un si profond sentiment de vénéra

tion pour tout ce qui a rapport à la religion , qu'à

différentes époques des nations entières se sont

soulevées pour défendre ses droits , et que des

milliers de nos respectables ancêtres n'ont pas

balancé un instant de donner leur vie pour la re

ligion.

Ce n'est donc pas une chose de peu de consé

quence ou de pure spéculation que la religion:

c'est un objet de la plus haute importance ;

que dis-je! c'est le seul objet qui puisse et qui

doive véritablement intéresser les hommes sur la

terre. Autant que le ciel est élevé au-dessus de

toutes les choses terrestres , autant que le Créa

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I 0"J

teur est élevé au-dessus de toutes ses créatures;

autant que l'éternité surpasse le temps en durée ,

autant les devoirs religieux l'emportent sur tous

les autres devoirs de la vie humaine.

Mais si , abandonnant ces considérations géné

rales, j'examine maintenant avec attention la re

ligion chrétienne dans laquelle je suis né , quelle

haute idée je dois prendre des devoirs qu'elle me

prescrit !

Que la religion chrétienne est belle aux yeux de

l'homme exempt de préjugés , et qui en a com

pris le véritable esprit ! Quelle paix profonde elle

établit dans une âme qui s'y est sincèrement

attachée ! La source de ses consolations toutes-

puissantes n'a jamais tari ! Elle résout les doutes

dans lesquels la raison , abandonnée à elle-même,

précipiterait aujourd'hui la plupart des humains;

elle calme toutes nos inquiétudes ; elle soutient les

faibles mortels dans les malheurs que la méchan

ceté humaine a multipliés si étrangement sur la

terre ; elle les encourage au moment de leur passage

pour l'éternité ; elle enseigne des préceptes aussi

courts que précis , et fournit des exemples de

vertu, aussi admirables qu'entraînans, pour arriver

à la perfection et au bonheur.

D'où proviennent en général les incrédules, les

impies , les blasphémateurs , les athées , les ma^

térialistes , les indifférens , et tous ceux qui de nos

jours ne savent plus à quoi s'en tenir touchant les

J08 RÉFLEXIONS ET SEiYTIMEÏÎS

vérités morales et religieuses ? La difficulté d'ex

pliquer le mal , sous un homme infiniment bon ,

infiniment puissant et sage , est certainement une

des principales sources qui les produisent. C'est

là pour ainsi dire le désespoir de la philosophie.

Eh bien ! la religion chrétienne tranche ce nœud

de la manière la plus satisfaisante. Elle nous ap

prend que l'homme a été créé à l'image même

de Dieu ; qu'ayant reçu en partage la raison , l'in

dépendance dans ses actions et une liberté qui

exclut toute influence étrangère, il est devenu un

des êtres les plus intéressans de toute la création ,

un être dont la perfection est telle , qu'il a été

chargé lui-même de travailler à son propre bon

heur ; mais que , dès les premiers temps , il a été

assez infortuné pour abuser du don précieux de

la liberté , et pour s'égarer loin des chemins de la

félicité ; qu'en conséquence, un Homme-Dieu a

paru sur la terre pour le ramener au bien, en of

frant à l'univers, dans sa personne sacrée, un

exemple frappant de toutes les vertus aussi-bien

que du bonheur qui attend le juste à la fin de sa

carrière mortelle ; et tout philosophe de bonne

foi sera toujours obligé d'avouer que la religion

chrétienne , malgré les autres difficultés qu'elle

pourrait présenter , explique seule d'une ma

nière satisfaisante l'énigme de l'homme , et que

ses mystères sont moins effrayans pour la raison

que ne l'est cette désolante incrédulité qui ne lève

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. IOg

aucun de nos doutes , mais qui au contraire les

multiplie jusqu'à l'infini.

Quelles sont les plus grandes peines et les in

quiétudes les plus réelles qu'une âme sensible

puisse éprouver ici-bas ? — Je n'en connais point

de plus accablantes que celles qui la tourmentent

à la suite de grandes erreurs et de grands égare-

mens ; lorsque , frappée tout à coup d'une clarté

céleste , elle vient à reconnaître tous ses torts ,

toute l'injustice de sa conduite , toute la noirceur

de son ingratitude envers le Créateur, et enfin tous

les malheurs qu'elle s'est attirés. Une âme géné

reuse tomberait nécessairement dans le désespoir

. en faisant ces tristes réflexions , si la religion ne

lui offrait ses puissantes consolations , avec les

moyensde renti er en grâce auprès duTout-Puissant.

La raison est bien assez forte pour nous assurer que

le Seigneur est infiniment bon et infiniment mi

séricordieux ; mais comme elle nous dit en même

temps qu'il est aussi infiniment saint et infiniment

juste, jamais nous ne pourrons savoir d'une manière

positive quand Dieu a pardonné, ni à quelles con

ditions il peut pardonner. Lorsque donc la philo

sophie impuissante nous abandonne, ou ne peut

qu'augmenter notre désespoir, la religion chré

tienne fait entendre sa sainte voix , et l'autorité

qu'elle a sur la conscience de l'homme est assez

grande pour relever le courage de l'âme sensible

qui se repent de ses égaremens et qui désire mai

1 lO RÉFLEXIONS ET SENTJMENS

cher de nouveau d'un pas ferme dans la carrière

de la perfection , car elle lui annonce son pardon

au nom même de l'Eternel.

Aucune religion n'est en outre plus capable de

soutenir nos pas chancelans dans les épreuves de

Ja vie. Jésus , l'Homme - Dieu , l'innocence et la

douceur même, le Juste par excellence, est mort

dans les opprobres, abandonné de ceux qu'il avait

éclairés sur leurs intérêts véritables, et qu'il avait

comblés de bienfaits : ses vertus divines n'ont pu

le soustraire au supplice épouvantable de la croix !

Après un si douloureux exemple de la part du

Maître , quelles souffrances seront trop grandes

pour le disciple ? Quel sort sera trop rigoureux ,

quelle mort trop amère pour le chrétien ? Jésus ,

qui commandait à toute la nature , pouvait sans

doute éviter les tourmens affreux et le trépas igno

minieux que ses atroces contemporains lui prépa

raient à la fleur de l'âge ; mais il repousse cou

rageusement cette pensée , et il veut librement

devenir la victime de son zèle pour la vérité, et

s'immoler par amour pour les hommes ! Il veut

devenir le héros et le martyr de toutes les vertus,

et donner un grand exemple, capable de faire uue

impression salutaire sur toutes les générations et

de ramener tous les hommes égarés sur le chemin

de la perfection et du vrai bonheur ! Oui, à la vue

de l'Homme -Dieu , le vrai chrétien pourra tout

endurer, tout supporter sur la terre ! La religion

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. III

lui donnertt la main, et il s'appuiera sur la croix I

C'est même principalement dans le malheur que

la religion chrétienne montre toute sa supériorité

sur une vaine philosophie dont le soin est de tenir

toujours un dard caché sur elle pour se ravir lâche

ment la vie au moindre revers.

Au moment de la mort , quand le monde entier

n'est plus en état de secourir l'homme; quand l'ami

lui-même est forcé d'abandonner l'ami , cette reli

gion consolante accourt et imprime au mourant

un caractère d'immortalité : Allez avec confiance ,

s'écrie-t-elle , âme chrétienne ; cet ami tendre qui

demeure fidèle jusqu'au delà du tombeau , vous

accompagnera ! Ne craignez point les ténèbres

d'une froide tombe , lHomme-Dieu y a reposé le

premier ! Ne soyez point effrayée à la rencontre de

la pâle mort , Jésus l'a vaincue et lui a ôté toute

son amertume : il est ressuscité , et il vous res

suscitera'! Une tenture noire, un crêpe léger,

vous séparent seuls du monde des esprits parfaits ,

où le Seigneur , où vos ancêtres , où le bonheur

vous attendent! — Et vous, continue la religion,

en s'adressant à la famille désolée ; vous , tristes

parens et amis ; vous, enfans délaissés, essuyez, es

suyez vos larmes! Pourquoi vous contiister comme

ceux qui n'ont point d'espérance? Ignorez -vous

que vous ne restez point orphelins sur la terre; que

votre véritable père , votre véritable protecteur est

le Dieu vivant , et que les adieux de la mort ne

112 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

sont point des adieux éternels? IgnoreS-vous que

la vie de ce monde n'est qu'un court passage , et

que dans peu vous serez tous réunis dans le séjour

du vrai bonheur, où la mort n'exerce plus son em

pire? Ah ! consolez-vous les uns les autres dans

l'heureux espoir que vous a donné le Premier-né

d'entre les morts, et dites: Encore quelques jours,

et les portes éternelles s'ouvriront aussi pour nous !

— Telles sont les paroles de consolation que nous

adresse la religion chrétienne, au moment le plus

terrible de la vie. Et je le demande : quel cœur

serait assez dur , quelle âme assez insensible pour

ne se point laisser pénétrer de l'onction divine d'un

pareil langage que le Tout -Puissant a lui-même

autorisé et sanctionné ?

Enfin, les maximes que cette religion nous pro

pose, pour arriver à la perfection et à la vraie féli

cité, sont aussi claires et précises , que les exemples

de vertu qu'elle nous présente sont entraînans.

Quel est le prince, quel est le sujet, qui, après

avoir lu l'Evangile, ne sache au juste comment il

doit se comporter pour être agréable à la Divinité?

Aimez Dieu par-dessus toutes choses ; aimez votre

prochain comme vous-même , et vous vivrez !

Quelle différence , quelle différence immense

entre les leçons et les consolations célestes que nous

donne la religion chrétienne , et ce néant effroyable

dont l'incrédulité et l'impiété voudraient faire leur

espoir et leur appui ! — Oui, si l'on a dit autre

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. Il3

fois de la philosophie, qu'elle est descendue du ciel

pour éclaira• les humains et hriser leurs chaînes ,

c'est de la religion qu'on avoulu parler ! Fille du ciel ,

soyez donc ma consolation et ma joie ! que j'oublie

ma droite , si jamais je vous oublie ! Que ma langue

s'attache à mon palais , si vous ne demeurez tou

jours l'unique objet de mes plus chères affections !

Que je sois misérable éternellement , si je ne m'at

tache point à vous suivre comme le seul guide

certain capable de me conduire dans les bras de

mon Créateur! , . .

Après ces considérations , quel insensé croira

donc encore pouvoir se mettre au-dessus des devoirs

religieux , devoirs aussi sacrés qu'indispensables ?

Qui êtes-vous , ô hommes , pour vouloir vous sous

traire à la juridiction du Très-Haut , du Dieu du

ciel, conservant toujours un empire suprême sur

les peuples et sur les rois mêmes de la terre? Quel

aveuglement de la part d'un pauvre, d'un malheu

reux , que de renoncer à son unique consolation !

Quel aveuglement et quelle contradiction de la

part des grands , de soutenir que la religion n'est

faite que pour le peuple , et de ne la point pra

tiquer eux-mêmes , tandis que c'est toujours chez

eux que le peuple va choisir ses modèles !

Seigneur, je ne puis nrempêcher d'avouer ici

mes propres torts et mes propres contradictions :

la raison éclairée et ma conscience intime se réunis

sent pour condamner ma négligence actuelle de

s

1 I 4 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

mes devoirs religieux. Dans la suite, je ne suivrai

donc plus aveuglément les maximes et les cou

tumes d'une génération orgueilleuse , égarée plus

que jamais dans ses idées sur la religion. Persuadé

que la religion peut tout pour le bien général de

la société et pour ma félicité particulière , je m'y

attacherai irrévocablement ; je m'éclairerai sur les

devoirs qu'elle impose , et je défendrai toujours

avec zèle ses droits imprescriptibles contre tous

ces aveugles qui ne cherchent à la perdre que parce

qu'ils ne sont pas capables d'en reconnaître le

véritable esprit.

SDR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I l5

\\VV\\WWWVWWWWIVIUAWVW\W* VWWVWWWA\.WWVA\VWWVWV

DOUZIÈME SUJET.

DU CHRISTIANISME.

Le christianisme a contribué puissamment à la

civilisation de l'univers : ses plus grands ennemis

ont été forcés d'en conyenir. Que l'on considère la

dureté barbare et l'inconcevable férocité des pre

miers peuples que la terre a nourris, et l'on verra

combien de chemin le christianisme nous a fait

faire pour nous amener au point de civilisation où

nous sommes parvenus. Avant Jésus- Christ , le

législateur divin , quel séjour triste que le monde

pour l'homme sage et bon ! On n'y trouvait alors

généralement aucune croyance fixe, aucune vertu

pure , aucune lumière pour l'esprit , aucun repos

pour le cœur , aucune connaissance certaine de

Dieu, d'un éternel avenir, en mot, aucun espoir

consolant pour l'homme. Le doute, l'incertitude,

le pyrrhonisme universel , la superstition , l'in

crédulité, l'inhumanité, le crime et le malheur

régnaient généralement sur la terre dans ces temps

obscurs et reculés. De l'homme libre on avait fait

un esclave misérable , dont les maux étaient sans

remède , et l'état désespéré. On ne savait pres

que rendre alors , à la Divinité défigurée , d'autre

culte que celui de lui sacrifier des victimes hu

8.

Il6 RÉFLEXIONS ET SENTIMEXS

maines; et l'on pouvait véritablement douter, si le

genre humain avait en effet un Dieu bon pour créa

teur! Mais, tout à coup, Jésus paraît! Il apporte

du ciel la lumière et la vérité, la consolation et

l'espoir, la victoire et la liberté , la vertu et le bon

heur : le christianisme sauve le genre humain !

Des millions d'habitans de cette terre sont par

venus par Jésus et sa vivifiante doctrine à connaître

toutes les vérités nécessaires au salut , à rempor

ter une victoire glorieuse sur leurs passions et leurs

préjugés, enfin a établir au milieu de leur cœur

une paix inaltérable. Moi-même , ne dois-je point

l'avouer, le christianisme, depuis que je l'ai appro

fondi, nem'a-t-il pas rendu plus heureux? Et ne m'a-

t-il pas mis sur une voie oùje puis le devenirtousles

jours davantage? Je reconnais maintenantque Dieu

est un père plein de tendresse , d'amour et de miséri

corde, même poursesenfans égarés; un père toujours

prêt à montrer de l'indulgence, prêt à accorder le

pardon à tous ceux qui , touchés d'un sincère re

pentir, viennent avec une confiance filiale se jeter

dans ses bras paternels.Toutesces notions célestes

ont été apportées parJésus à l'homme malheureux ,

pour ranimer son espoir et lui assurer le repos et

le bonheur. Combien je serais à plaindre , si je n'a

vais point ces connaissances et ces notions rassu

rantes que le christianisme me donne ! Combien ,

au contraire, je puis devenir sage, bon etheureux, si

je me conduis selon les maximes et les exemples de

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I Vf

Jésus-Christ ! En me rappelant tout ce que ce grand

Maître a fait et enseigné , quelle facilité étonnante

je sens pour remplir chacun de mes devoirs, pour

surmonter toutes mes passions coupables ! Quelle

force , pour ainsi dire plus qu'humaine , s'empare

de mou cœur pour l'accomplissement de tout bien,

au souvenir des promesses ineffables de cetHomme-

Dieu ! Quelle douce paix, quel consolant espoir rem

plit mon âme ! Avec quelle secrète satisfaction je

puis penser à mon Créateur ! Avec quelle sérénité je

puis envisager la mort et l'éternel avenir! Combien

enfin je puis contribuer au bonheur de mes sem

blables par une bienfaisante charité I

Oui, sans doute, une doctrine capable de rendre

l'homme si sage , si vertueux , si bon , si heureux

et si bienfaisant , doit venir nécessairement de

Dieu ; et celui qui vient l'enseigner à la terre ,

doit être plus qu'un homme ordinaire ! Cette seule

considération mise en avant, qui donc pourrait

m'arrêter encore dans la voie du christianisme ?

Que l'incrédulité fasse naître mille fois plus de dif

ficultés sur l'Evangile , que n'en ont fait tous les

philosophes ensemble ; qu'elle invente, des objec

tions mille fois plus fortes que toutes celles

faites contre la religion chrétienne : comment ses

discours pourraient-ils me toucher ou m'ébranler,

maintenant que je connais par ma propre expé

rience la vertu salutaire de cette foi et de cette doc

trine, et leur heureuse influence sur ma félicité

/

Il8 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

particulière et sur le bien-être général ? Que les abus

y soient encore mille fois plus multipliés et les sectes

mille fois plus divisées que ne le prétend l'incré

dule, comment en serais-je troublé , puisque je suis

convaincu que ces abus, ces divisions me sont aussi

étrangers qu'ils le sont au véritable esprit du chris

tianisme ? Quel présent du ciel dont les faibles

humains n'aient point abusé? Il est inévitable au

jourd'hui qu'il y ait des scandales , des hérésies ,

des schismes , des divisions , des persécutions et

toutes sortes de misères sur la terre : mais les vertus

qui y peuvent éclater doivent contre-balancer ces

malheurs. Jésus- Christ l'a déclaré lui-même, et

la raison éclairée ne peut tenir un autre langage.

L'homme juste , le chrétien éclairé , a lui-même le

mérite de découvrir la vérité obscurcie , de sup

porter toutes les épreuves de la vie , et de surmon

ter tous les obstacles qui se rencontrent sur la route

de la perfection , pour arriver à la félicité suprême :

ce qui sans doute est le plus beau privilége que

le Créateur puisse accorder à une créature intelli

gente. * i

Cependant, disons-le, nous ne sommes peut-être

plus aussi éloignés du temps où la plupart de ces

divisions, qui ont si profondémenthumilié la société

chrétienne , vont cesserentièrement : tous les esprits

paraissentdisposésaujourd'buià un rapprochement.

Quand les passions se taisent , la raison se fait en

tendre et la vérité reparaît. Jamais le soleil ne brille

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I 1 9

d'une lumière plus pure ni plus éclatante qu'après

l'orage. Nous pouvons donc espérer que l'oracle de

Jésus-Christ s'accomplira bientôt : « En ce temps , il

» n'y aura plus qu'un bercail et qu'un pasteur. » Il

faut bien que cette prédiction ait aussi enfin son

accomplissement , comme toutes les autres que

l'Homme-Dieu avait faites.

Pour moi , j'ai eu le bonheur de naître dans des

temps plus tranquilles. Le Seigneur m'a préservé

du malheur de vivre dans les siècles et les lieux où

ces grandes dissensions ont éclaté. J'aurais peut-être

été encore plus faible ou plus passionné que ceux à

qui l'on reproche ces sortes de scandales. Mais il

suffit que je n'y aie jamais pris aucune part ; que je

puisse déclarer avec vérité que je renonce même en

ce moment à tout attachement pour mon propre

sens ; que je dépose toute prévention , toute animo-

sité ; que je n'ai ni haine ni esprit de parti , et que je

suis et demeure uni de cœur à tous les vrais chré

tiens de l'univers , plaignant tous les autres hommes,

mais ne laissant pas de les aimer , et attendant avec

patience que les oracles du Seigneur s'accomplis

sent, et que la grande œuvre qu'il a commencée

ici-bas soit portée à sa perfection.

Quel sublime et imposant spectacle la réunion de

tous les chrétiens de l'univers offrirait à la terre ! Ah!

qui me donnera d'en être l'heureux témoin? Toute

l'immense chrétienté prosternée ensemble , pour

la première fois, aux pieds de l'Eternel, demandant

120 KÉlfLEXIOiNS ET SENTIMENS

entin le triomphe de la vérité , le triomphe d'une

religion divine sur le point de s'éteindre, et de

laisser la victoire à l'incrédulité! Les impies qui,

de toutes parts, font déjà éclater leur joie inique,

demeureraient alors confondus ! Quelle heureuse

époque, ô mon Dieu ! Quelle jubilation parmi les

esprits célestes ! Quel événement salutaire pour les

hommes ! C'est de ce jour que l'on commencerait à

dater de la paix et du bonheur de la terre !

Seigneur, du haut des cieux, jetez un regard fa

vorable sur le genre humain , un regard de propi-

tiation sur cette admirable société que vous avez

formée, et quevous vous êtes acquise au prix de votre

sang ! Pardonnez à tous les chrétiens leurs erreurs

et leurs égaremens; éclairez tous les esprits et pré

parez tous les cœurs , afin qu'ils puissent se ranger

tous sous les bannières sacrées du Christianisme.

Faites sentir à ceux à qui vous avez confié une partie

de votre autorité, et qui tiennent entre leurs mains

les destinées des peuples, que, pour obtenir promp-

tement le grand bienfait de la réunion ,. il faut se

résoudre à prendre de grandes mesures; que , sans

une réunion générale, il est impossible d'établir

parmi les hommes un système universel de morale ,

ou de concilier les opinions , les sentimens et les

intérêts divers; que les infidèlesne seront vraiment

inexcusables dans leurs erreurs, aux yeux de la

raison , que quand l'univers éclairé sera d'accord

dans sa foi ; que, comme la raison et la vérité , la

SUR DIVERS SUJliTS DE RELIGION. 12 1

religion ne peut être qu Une; que si de petites

nuances sont indispensables, vu la diversité des ca

ractères , si elles sont même salutaires , il est ab

surde de persécuter ses frères par charité; qu'enfin

l'Evangile de Jésus-Christ pourra seul établir sur la

terre une paix générale et une tranquillité perpé

tuelle : faites en un mot sentir à tous les hommes

qu'il est un meilleur ordre de choses pour la société

que celui qui existe, mais que, sans la religion

chrétienne, aucune sagesse humaine ne l'établira !

RÉFLEXIONS ET SENT1MENS

V\-VIXWWVWWWWWVVWVV*VW .v*uv w\wwwvw\-v\ w\\w\wvww\wwwvw

TREIZIÈME SUJET.

DE LA FOI EN JÉSUS - CHRIST , HOMME -DIEU.

Plusieurs sages de l'antiquité voyaient dans

l'homme un être si misérable et si méchant , qu'ils

le jugeaient absolument indigne de la moindre at

tention de la Divinité. N'auraient-ils pas dû con

clure tout le contraire des malheurs de l'espèce hu

maine , en se rappelant que la bonté de Dieu sur

passe toutes ses autres perfections ?

Quand le Créateur, dans sa sagesse éternelle , se

décida à produire des êtres auxquels il accorderait

le don divin d'une liberté entière et parfaite, il a

étéà la véritéforcé d'admettre aussi toutes les suites

funestes que le mauvais usage d'une prérogative

aussi précieuse pduvait entraîner ; mais, dans la

supposition même d'un abus de la part des créa

tures intelligentes et libres , ne serait-ce pas évi -

demment calomnier la Divinité , que de prétendre

qu'elle a été capable de les abandonner entièrement

à leur triste sort, sous le prétexte que leurs malheurs

n'étaient que leur propre ouvrage? A moins donc

de dire que l'idée que nous nous formons en géné

ral de la bonté , de la tendresse et de l'infinie mi

séricorde du Seigneur, est inexacte, il sera plus

naturel mille fois de croire que l'homme malheur

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 123

rcux soit devenu url objet de sollicitude toute par

ticulière pour l'Auteur divin de ses jours, que de se

persuader que cet Etre tout-puissant et bon ait

été capable d'abandonner sa créature précisément

à l'époque où elle avait un besoin plus urgent de

ses secours. Ainsi , n'en déplaise à la sagesse du

siècle, nous pouvons dire avec vérité que ce furent

notre perversité et nos malheurs eux-mêmes , qui

attirèrent le Très-Haut sur notre terre, et qui le

déterminèrent à apporter quelque remède efficace

à nos maux, et à nous ménager quelques puissantes

consolations dans nos disgrâces ; d'autant plus que,

dans le gouvernement des êtres libres, il doit né

cessairement se rencontrer un point où le Créateur

agisse, pour ainsi dire, d'après son bon plaisir;

car, si tout, absolument tout, était déjà réglé et

enchaîné de toute éternité , Dieu ne paraîtrait plus

en rien libre lui-même.

La religion chrétienne m'apprend en effet que

la rédemption est une œuvre de miséricorde, que

Jésus-Christ est le Dieu consolateur des humains ,

une lumière céleste qui alui dans les ténèbres et les

ombres de la mort, le modèle vivant de la perfec

tion proposé à l'imitation de l'homme, et un guide

assuré sur les routes du vrai bonheur.

Si je viens à reconnaître clairement que le genre

humain a eu besoin, dans le temps , d'un secours

extraordinaire de la part de son Créateur, et qu'il a

été absolument possible de le lui ménager , par

124 RÉFLEXIONS ET SENTIMEBS

quelque moyen que ce fût , même par la grande

mesure de l'apparition de Jésus-Christ , pourrai-je

douter un seul instant que ce secours lui ait été ac

cordé ? Non ; le moindre doute à cet égard serait

une injure faite à la bonté divine et à l'amour im

mense du Très -Haut, toujours prêt, pour ainsi

dire , à faire tous les sacrifices pour le salut de ses

créatures. ,

Mais qui peut nier que les hommes aient eu be

soin , dans le temps , d'un consolateur plus qu'hu

main, qui pût apporter quelque remède efficace à

leurs maux , et leur ménager quelques puissantes

consolations dans leurs disgrâces? Qui peut nier

qu'ils aient eu besoin d'exemples de vertus plus

qu'humaines , pour sortir de l'abîme du vice , dans

lequel ils s'étaient malheureusement , mais libre

ment enfoncés ? Quel philosophe osera soutenir

que le genre humain n'a pas eu un besoin urgent

de lumières célestes, au milieu de ces épaisses té

nèbres , fruit de tous le crimes qui n'avaient cessé

d'aller croissant , depuis les égaremens auxquels le

premier des humains s'était déjà laissé entraîner?

Evidemment la passion et le préjugé seuls peuvent

nier, sans en donner aucune preuve, tant de grandes

vérités.

En premier lieu, il n'est que trop vrai qu'aujour

d'hui les hommes sont en général très-malheureux.

Que chacun mette dans une balance ses peines et

ses jouissances dans le cours de sa vie , il verra que

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 125

les premières auront été très-réelles et en grand

nombre , tandis que les dernières lui paraîtront

aussi rares que vaines et frivoles. Et si vous me dites

que les hommes libres sont eux-mêmes les auteurs

de leurs maux , je vous demanderai s'ils en sont

pour cela moins à plaindre aux jeux de la raison

et de la Divinité? Non, ils n'en sont que d'autant

plus dignes de pitié. Quel homme aujourd'hui ne

naît pas dans les larmes et la faiblesse, et dont

la vie ne soit point un tissu de misères ? A bien

considérer la vie humaine, faisons -nous autre

chose sur la terre qu'errer quelques années au mi

lieu des tombeaux de nos pères? Ne faut-il pas que

chacun d'entre nous voie expirer sous ses yeux celle

dont il tient le jour et qui l'a nourri de son lait ?

Ne faut-il pas que chacun ferme la paupière à

celui qui a soigné sa jeunesse et lui a donné les

premières leçons de vertu ? N'avons-nous pas tous

des frères, des soeurs, des amis, des proches à

pleurer et à regretter ? Tous ceux qui sont chers à

notre cœur ne tombent-ils pas à nos côtés, frappés

les uns après les autres par la mort cruelle et inexo

rable qui affecte toujours de rompre les liens les

plus étroits et les plus tendres par lesquels nous

tenons à la vie? Oui, errer quelques années au mi

lieu des tombeaux de nos ancêtres , et tomber enfin

épuisés de larmes et usés par les peines et les tra

vaux dans la même tombe : voilà un tableau rac

courci , mais fidèle , de la vie humaine ? Qui ne

I2Ô RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

conviendra quelle est si vaine et si remplie de

misères , que , sans les espérances que Jésus-Christ

nous a fait concevoir , et sans les consolations puis

santes qu'il nous a données en ressuscitant le pre

mier, il eût été avantageux pour l'homme de ne

point naître ?

Cependant, a côté de ces malheurs, qui ne dé

pendent plus de la prudence des hommes, je re

marque encore une méchanceté et une perversité

qui me choquent dans des êtres aussi nobles que

ceux qui ont reçu en partage la sensibilité, l'intelli

gence et la liberté! Leurs passions, semblables à des

lorrens débordés, les entraînent dans l'abîme de

tous les excès. Par le mauvais exemple, pour eux

une véritable contagion, le mensonge, l'injustice

et la cruauté se sont en quelque sorte attachés à

leur nature. Lisez l'histoire : vous y verrez sou

vent les mortels travailler eux-mêmes à se rendre

encore plus malheureux qu'ils ne le sont par leur

condition présente. Non contens des infirmités ,

des revers , de la maladie , de la pauvreté , de la

mort , ils font souvent passer en usage les plus

exécrables désordres , les injustices les plus criantes ,

le vol , le meurtre et le carnage : le fort opprimant

partout le faible ; les hommes publics eux-mêmes

abusant lâchement de leur pouvoir pour subjuguer

ou persécuter ceux qui sont hors d'état de se défen

dre ! On a vu souvent couler des torrens de sang et

de larmes ; on s'est égorgé par millions ; et le cri du

i

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. l l'J

désespoir s'est fait entendre ! Hélas ! dans plus d'un

siècle, la terre ne se présente à nous que sous l'i

mage d'une boucherie vaste et dégoûtante , et n'offre

qu'un théâtre immense d'horreurs de tous genres !

horreursque, sans doute, le Tout-Puissant n'avait

point en vue , lorqu'il se décida à produire le monde.

Quel autre qu'un Jésus, qu'un Homme-Dieu, eût

été capable de ramener généralement l'univers à

des sentimens de justice , et à l'amour de la vé

rité et de la vertu ? Et , où en serions-nous aujour

d'hui , sans l'heureuse révolution opérée dans la

morale du genre humain par la prédication de

l'Evangile de paix ? Oui , il a fallu quW Dieu vînt

donner à la terre le spectacle de toutes les vertus ,

fournir aux hommes égarés des exemples divins ,

et leur montrer le chemin de la perfection et du

bonheur , en le parcourant lui-même jusqu'à la

fin , malgré la fureur jalouse et atroce de contem

porains pervers , dont l'aveuglement fut assez pro

fond pour condamner à une mort épouvantable,

l'Innocent, le Juste par excellence, le Bienfaiteur

éternel de l'humanité ! il a fallu qu'wre Dieu vînt

nous ramener à une conduite plus digne de notre

céleste origine et de nos immortelles destinées.

Enfin , l'ignorance et les ténèbres des humains

ont été généralement si profondes, pour ce qui

concerne leur salut éternel , avant l'apparition du

Seigneur sur la terre, qu'ils s'étaient livrés à l'ido

lâtrie la plus absurde et la plus humiliante pour

,'

128 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

l'esprit humain , laquelle allait jusqu'à adorer des

statues monstrueuses et de vils animaux , et jus

qu'à sacrifiera de semblables divinités des victimes

humaines!!! Dans les siècles même les plus éclai

rés, les hommes se sont souvent efforcés de détruire

sur la terre la foi au Créateur , et d'étouffer dans

tous les cœurs la croyance de l'immortalité , cet

unique fondement des vertus. Ils ont voulu couper

ainsi , jusque dans la racine , leurs plus belles es

pérances ! Quel aveuglement et quelle fureur! direz-

vous. —'Cependant-, quelle triste vérité ! et notre

siècle lui-même en est la preuve. Combien donc

l'univers a-t-il dû être disposé à recevoir avec trans

port et reconnaissance ces lumières du ciel que

Jésus , l'Envoyé du Créateur , le Libérateur promis

et désiré , l'Ange de la nouvelle alliance entre le

ciel et la terre, est venu apporter aux hommes, de

bonne volonté ?

La nature et la condition de l'homme appuient

donc ma foi en Jésus - Christ , Dieu Sauveur du

monde. Mais, si je jette un coup d'œil sur l'histoire

du genre humain , pourrai-je le méconnaître ?

Tout se rapporte admirablement , tout se sup

pose mutuellement dans la loi ancienne et la loi

nouvelle. Nos livres saints racontent la création

de l'homme , sorti d'entre les mains de l'Eter

nel dans un état de perfection qui ne laisse rien

à désirer ; enrichi du don de la raison , il jouit

d'une liberté entière et parfaite , d'une indépen

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 12*9

dance absolue dans ses actions. Ils rapportent

ensuite sa chute déplorable , fruit de l'abus cou

pable de cette liberté précieuse qui lui avait été

donnée à une autre fin. Cependant un libérateur

est promis par l'infinie bonté du Créateur ; il est »

attendu pendant quatre mille ans. Jusque-là tout

figure d'avance, tout prépare son arrivée. Dieu prédit

d'une manière assez claire ce dont la perversité lm-

maine sera capable, et ce que fera Jésus, l'Homme-

Dieu , pour ramener les mortels égarés à des sen-

timens de justice , de vertu , de bonté , de douceur,

de charité, et les remettre sur la route de la per

fection et du vrai bonheur. Ce sont les descendans

d'un homme trouvéJuste auxyeux du Seigneur,

qui deviennent les dépositaires de ses volontés.

Une nation placée au milieu des trois principales

parties du monde , et qui se trouve par-là en re

lation avec tous les peuples , attend l'envoyé du

ciel. L'empire romain s'étend dans l'univers entier

auquel Auguste donne quelques momens de paix.

Dans ces circonstances favorables , ménagées évi

demmentpar le suprême Modérateur des desti

nées des mortels, et au milieu de cette nation

dont l'histoire est et demeurera toujours un

phénomène très-extraordinaire auxyeux mêmes

de la philosophie , Jésus-Christ paraît ! Il prêche

avec la tranquille majesté d'un esprit revêtu d'une

mission supérieure, et qui n'a d'autre fonction sur

la terre que d'y établir la vertu, la piété, la justice

9

l3o RÉFLEXIONS ET SÉNTIMENS

et l'amour entre les mortels. Sérieux , mesuré

dans ses actions , ingénu , simple et sublime dans

ses discours , son âme semble calme , transparente

et profonde comme l'éther céleste; souverainement

doux et aimant , un saint zèle contre l'impiété et

les vices grossiers dont la vue l'afflige , peut seul

l'animer ou le passionner un instant. Prêt à souf

frir tous les tourmens et la mort même , plutôt

que de se détourner de la voie de la raison éclairée,

de la vérité et de la justice , qui seule conduit à

la félicité, il donne à toutes les générations à venir

des exemples divins de toutes les vertus ! Que

l'incrédule décide donc maintenant, s'il en a le

courage ; qu'il décide , avec sa légèreté ordinaire ,

que ce Jésus , à la personne sacrée de qui se

rattache toute l'histoire du genre humain , n'a été

simplement qu'un homme !

Pendant les courtes années de sa prédication,

Jésus jette les semences impérissables d'une doc

trine d'adoration pure , de justice , d'amour , de

charité , de vérité ; ou plutôt , il ne fait que sanc

tionner ces doctrines et vivifier de nouveau ces se

mences innées dans tous les cœurs , mais que les

hommes avaient eu le malheur de négliger. Et ce

qui est un prodige aussi surprenant que sa mis

sion et toute sa personne, c'est qu'un membre

de la nation la plus égoïste , la plus opiniâtrément

individuelle , la plus ennemie du genre humain ,

conçoive le premier l'idée d'une religion univer

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. l3l

selle , d'une église cosmopolite , de la fraternité de

tous les hommes sous l'autorité d'un père commun :

un Dieu, une croyance, un culte, unefamille ,

un amour! Idée prodigieuse pour le siècle et sur

tout pour la Judée.

Jésus meurt enfin victime de la jalousie et de la

haine de ses malheureux contemporains , après

avoir lutté tout seul contre la perversité du genre

humain , et il achève, par sa douceur et par la belle

mort d'un martyr de la vérité, l'exemple des plus

difficiles vertus ! La société qu'il a formée s'étend

dans l'univers entier , malgré les passions et la

liberté laissée à l'homme ; et nous-mêmes, nous

naissons dans cette foi et cette croyance.

De quelle nature était donc un être si extraordi

naire, un être qui ne ressemble à aucun des grands

hommes dont l'histoire nous ait transmis l'image ,

et dont la vie sans tache comme sans affectation

ne laisse pas entrevoir une seule des faiblesses de

l'humanité ? Le souverain Modérateur des mondes

a-t-il dirigé tous ces grands événemens arrivés sur

notre globe , ou bien est-ce le hasard ? Jésus était-il

notre Dieu, notre éternel Créateur; ou n'était-il

que l'envoyé du Dieu notre Créateur? Répondez, ô

vous , hommes faibles et vains , qui parlez quel

quefois d'une manière si inconsidérée, du grand,

du divin législateur des hommes, de Jésus-Christ,

de l'Homme-Dieu !

Pauvre et chétive incrédulité, combien tu nou?

9

1^2 RÉFLEXIONS ET SENTIMEXS

inspires de pitié , quand tu oses avancer que

Jésus-Christ n'était qu'un mortel ordinaire ! Vois

l'heureuse , l'immense révolution qu'il a opérée

dans la morale des nations, à l'âge de trente ans,

et demeure à jamais confondue , en comparant le

succès de tes efforts multipliés pour détruire , avec

celui qu'il a obtenu à lui seul pour édifier ?

Qu'as-tu fait sur la terre depuis que tu as dit avec

tant d'emphase par la bouche d'un de tes plus

grands cor \ phées : «Je suis las d'entendre dire que

» douze pêcheurs ont changé la face de la terre ? »

Qu'as-tu fait depuis cette époque ? Quel est ton

ouvrage ? Quelques misérables égarés , qui ne

savent plus à quoi s'en tenir sur le vrai bon

heur : voilà ton ouvrage ! Cesse donc de nous

vanter tes prétendues lumières, et adore avec nous

Jésus , le grand , le divin Instituteur des nations,

l'Envoyé de Dieu , et le Fils de sa droite !

La divinité de Jésus -Christ ne peut être mé

connue que par des personnes passionnées et pré

occupées , dont l'esprit est aveuglé et le cœur flétri,

et qui ne sont pas capables de sentir ni d'appré

cier ce qui est vraiment beau , vraiment grand ,

Taiment digne de l'Eternel !

D'un autre côté , quel trésor précieux serait

ravi aujourd'hui au genre humain , si I on parve

nait à lui enlever la foi en Jésus , le Dieu de toute

consolation ! Le dernier charme de la vie dis

paraîtrait avec lui , et il ne resterait aux hu

SVR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 1 33

mains que leurs misères , leurs ténèbres , leurs

injustices et leurs crimes , le désespoir , et enfin

la mort!

Faites en effet , pour un moment , disparaître

Ja foi en Jésus-Christ , ce guide divin des hommes

dans les sentiers de l'éternelle félicité ; ôtez les

doctrines, les lumières et les espérances qu'il nous

a données ; que deviendra la société ? Que devien

dra le genre humain , que deviendrez-vous vous-

même ? Hélas ! notre globe sera donc comme

oublié , comme perdu dans l'immensité ! Le

Créateur ne se sera jamais mis en peine de notre

sort ! Abandonnés absolument à notre propre fai

blesse au milieu des maux sans nombre de la vie ,

nous serons donc encore incertains si les deux

extrémités de notre chétive existence n'aboutis

sent pas au néant ! Nous serons en droit de mau

dire la sensibilité, l'intelligence et la raison ! Plus

d'espoir consolant pour l'homme! Plus de guide

assuré vers le céleste séjour! Cette vie future dont

on m'a souvent entretenu ne sera elle-même

qu'une chimère ! En vain j'espérerai rencontrer

un jour ce Créateur tout-puissant , à qui on attri

buait la formation de ce vaste univers ; à mesure

que j'avancerai dans l'éternité , cet Etre inconnu

dans son essence , et à jamais invisible , fuira

devant moi ; je ne pourrai jamais le saisir et

m'entretenir avec lui face à face. En vain je me

flatterai de retrouver plus tard , dans un monde

1 34 RÉFLEXIONS ET SËNTIMENS

plus heureux, ce père chéri , cette excellente mère,

cette tendre épouse , cet enfant , cet ami , que la

cruelle mort m'a enlevés ici-bas.... O Dieu ! en

core une fois , quel trésor précieux on ravirait

aujourd'hui au genre humain, si l'on parvenait

à lui enlever la foi en Jésus , le premier-né d'eiftre

les morts , le Dieu de toute consolation ! Oui , le

dernier charme de la vie disparaîtrait nécessaire

ment avec lui , et il ne resterait aux malheureux

humains que leurs misères , leurs ténèbres , leurs

injustices , leurs crimes , et enfin le désespoir et

la mort ! !

Sans doute que les écrivains du siècle dernier

ne prévoyaient point les malheurs sanglans qu'ils

préparaient aux hommes , en voulant briser ce

lien précieux qui rattache la terre au ciel , et qui

seul consolide tous les autres liens de la vie so

ciale ; autrement ils auraient peut-être sacrifié la

vaine gloire d'écrivains hardis à la paix et à la

tranquillité de la terre ! avec d'autant plus de rai

son , qu'ils ne pouvaient point espérer de réussir

entièrement dans une entreprise impie contre la

Providence qui régit l'univers. Il fallait se faire

illusion , il fallait ignorer l'histoire du genre hu

main , il fallait être athée , pour se persuader que

l'établissement du christianisme sur notre globe

n'avait été que l'ouvrage du mensonge , de la folie

et du crime, et que la Divinité n'y avait jamais eu

aucune part.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. l35

0 mon Dieu {-éclairez tous mes contemporains

sur un point aussi important pour leur repos et

leur bonheur que celui de la foi de Jésus-Christ ,

Dieu-Homme , le modèle de tous les humains et

leur guide vers l'éternité. Pour moi, Seigneur, vous

le savez , je vous ai toujours adoré dans la grande

œuvre de la rédemption , comme dans celle de

l'admirable création. Je me réjouis en ce moment de

vos triomphes sur l'incrédulité. Je reconnais , dans

votre heureux avénement sur cette terre, votre bonté

immense , votre amour infini , votre tendresse et

votre miséricorde sans bornes. J'y reconnais aussi

cette sagesse incompréhensible et évidemment di

vine qui reluit dans toutes vos œuvres , et par la

quelle vous avez su ménager aux hommes des

moyens de retour à la vertu, sans gêner en aucune

manière leur liberté , moyennant ces mystères vrai

ment adorables dont les choses divines demeurent

enveloppées, et par où le mérite de croire et de

faire nous est laissé à nous-mêmes. Ah l ne per

mettez pas que les pénibles démarches de votre pè

lerinage mortel soient perdues pour moi L Faites

plutôt qu'en vous reconnaissant je vous imite, et

qu'en vous imitant je parvienne à la perfection et

au bonheur pour lesquels j'-.i été créé.

ï36 RÉFLEXIONS ET SENTI MENS

M\\VW\WW\\\yxHWWVWWWWVWWWVWWX\\<VvVWW\V\\%UWWWWW\\W

QUATORZIÈME SUJET

DU CODE DE L'ÉVANGILE.

La Sainteté de l'Evangile parle à mon cœur:

ces paroles sont aussi vraies qu'elles doivent être

peu suspectes aux jeux des personnes du monde.

Mais quel chrétien n'a pas éprouvé le même sen

timent à la lecture de ce code divin ? Est-il pos

sible qu'on en lise un seul chapitresans être touché

jusqu'au fond du cœur de sa sublime simplicité ?

Et au lieu d'être choqué de ces choses inconcevables

qui s'y rencontrent, l'homme vraiment éclairé ne

doit-il pas admirer, de plus, cette Providence évi

demment divine , qui a su nous aider d'une manière

si positive à revenir sur la route de la perfection et

du bonheur, sansgêneren rien notre libre arbitre,

unique base du mérite ? — Quelle admirable dispo

sition de la part de la Divinité, que d'avoir entouré

sa religion de mystères impénétrables, et d'avoir

ménagé si bien ses merveilles même les plus frap

pantes, que l'homme injuste et immoral puisse en

core absolument s'aveugler au point de mécon

naître Dieu et la vertu !

Sans doute Jésus -Christ eût pu rédiger lui-

même le code de ses douces lois, opérer des mira

cles permanens qui se seraient renouvelés tous les

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 1 37

jours d'une manière visible sur l'autel du sacrifice ,

etforcerles générations les plus perverses et les plus

obstinées à suivre ses divins exemples ; mais alors

il eût anéanti toute espèce de mérite dans les créa

tures intelligentes. Si tout dans l'Evangile était pré

senté de manière à ce que l'impie ni l'incrédule

n'eussent plus le mot à dire, personne ne serait

plus libre dans sa croyance ni dans ses actions mo

rales; car il faudrait avoir renoncé à la raison et à

la nature humaine, pour se conduire autrement

que d'après les maximes de vie et de salut qu'il

nous enseigne.

Il y a donc des choses inconcevables dans l'Evan

gile , et elles ont dû s'y rencontrer. Des merveilles

plus frappantes eussent porté atteinte à l'intégrité

de la liberté humaine : Heureux, dit Jésus-Christ

lui-même , heureux ceux qui n'ont point vu et qui

ont cependant cru fermement.

Je ne m'arrêterai pas plus long-temps en cet en

droit à ces déclamations si peu philosophiques

que la sagesse du siècle s'est permises contre les

choses obscures et les contradictions apparentes de

nos livres saints; mais je m'attacherai particuliè

rement à admirer les grands etpuissans motifs de

vertu qui nous sont suggérés dans l'Evangile. Que

ses maximes sont claires , précises et bien adaptées

aux divers états de la vie! Que les exemples de

Jésus-Christ sont facilement appréciés de tout le

monde! Le riche et le pauvre, le savant et l'igno

l38 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

rant, y trouvent leur conduite tracée. Tous les

hommes , tous les malheureux , les rois même de

la terre , sur le trône ou sur l'échafaud, y puisent

de grandes leçons ou de puissantes consolations !

Quelle différence entre l'Evangile et les autres

livres de morale que nous connaissons ! Ce code di

vin, malgré toutes les choses inconcevables que

des philosophes superficiels regrettent d'y rencon

trer, a changé la face de la terre, se trouve entre

les mains du sage aussi-bien que du simple ouvrier ,

se voit dans le palais des princes comme dans la

chaumière du pauvre ! tandis que les autres ou

vrages de morale , composés par les plus célèbres

philosophes, écrits dans le style le plus pur, et ne

contenant pas une seulede ces choses inconcevables,

sont à peine connus de quelques savans! Ne faut-il

pas s'écrier ici que l'Evangileporte donc avec lui

des caractères de vérité, et par conséquent de

divinité , qui ne' sauraient être méconnus des

hommes ?

Aussi n'est-il point d'autre livre qui nous pré

sente autant et de si grands motifs de pratiquer

toutes les vertus. Le code des Evangiles a mis le

sceau de la Divinité à la croyance d'une vie future ,

unique fondement de toute morale ; tous les motifs

de vertu que la lumière naturelle nous fournit y

sont appuyés par les exemples mêmes d'un Dieu!

S'il est vrai que la raison donne aux hommes , qui

ont le loisir de la cultiver , des preuves irrécusables

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION, l3g

en faveur de l'immortalité et des peines et récom

penses futures, l'Évangile donne une sanction di

vine à ces leçons de la simple raison ! Et si l'homme

instruit et éclairé , parvenu à se convaincre que

la tranquillité de la vie et le bonheur futur ne

dépendent uniquement que de la vertu ; que la

tristesse , le dégoût , le remords et le désespoir sont

les véritables fruits du vice, peut déjà être réglé

dans sa conduite et même vertueux jusqu'à un cer

tain point , combien plus ne le sera pas un chré

tien , qui , outre ces motifs naturels de vertu , aura

encore tous les motifs religieux , les promesses re

cueillies de la bouche même du Seigneur , et cette

persuasion que la plus légère tache devra être effa

cée pour entrer dans le royaume des cieux , et que

la moindre bonne action y recevra au contraire sa

récompense ! Quelles vertus pourraient paraître

trop difficiles pour un Disciple de ce Jésus , de cet

Homme-Dieu qui a marché devant lui , en lui

donnant l'exemple des vertus les plus héroïques,

d'une humilité divine, d'une douceur infinie , d'une

céleste modestie, d'une innocence parfaite, d'une

bonté, d'une charité sans bornes, d'une patience ,

d'une résignation incompréhensibles, d'une géné

rosité, d'une fermeté dans les sentiers de la justice

et de la vérité, que la crainte des tourmens ni de la

mort n'a pu ébranler ; enfin d'un amour pour ses

semblables, que les opprobres les plus humilians

n'ont pu décourager, que l'ingratitude même la

l4o RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

plus noire n'a pu refroidir ? Quelles actions grandes

et nobles pourraient être au-dessus des forces du

vrai chrétien ? Quel renoncement , quel désintéres

sement , quel sacrifice pourrait effrayer son âme

généreuse ? Imaginez, si vous le pouvez, quelque

moyen certain de rehausser et de renforcer plus

puissamment la morale du genre humain , que les

exemples divins et les mystérieuses doctrines de

l'Evangile ! Oui , l'Évangile est fait pour ennoblir,

élever l'homme jusqu'à la Divinité !

Quelle considération pourra, par exemple, me

donner une idée plus haute et plus sublime de tout

ce qu'on appelle bonté, humanité, amour, humi

lité , générosité , que la vue d'un Dieu fait homme ,

passant par tous les états de cette vie malheureuse,

depuis la faiblesse de l'enfance jusqu'aux souf

frances de l'homme de douleur, pour venir secou

rir , consoler, rassurer les humains, et leur donner

l'exemple de la résignation avec laquelle une créa

ture raisonnabledoitsupporterles disgrâces de cette

vie mortelle ?

Que pourra-t-on me dire de plus fort pour m'in-

spirer de l'horreur pour tous les vices , que de m'ap-

prendre qu'un Dieu mourut autrefois dans les tour-

mens les plus épouvantables , et du genre de mort

le plus terrible , pour être venu sur la terre dans la

vue de ramener l'homme égaré à des sentimens

d'amour, d'ordre et de justice ?

Quel motif plus puissant pourra-t-on me suggé~

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 1^1

rer pour m'inspirer une confiance entière en la

bonté paternelle de mon Créateur , qu'en m'assu-

rant qu'il a exposé Jésus , son fils unique , à toute

la perversité des hommes pour le salut du genre

humain, quoiqu'il prévît tout ce que ce fils chéri

aurait à souffrir , en venant donner , au milieu

d'un monde corrompu , le spectacle de toutes les

vertus ?

Quelle considération plus efficace pourra me

porter à aimer et à estimer le plus pauvre , le plus

malheureux des hommes , le plus petit , le dernier

de mes semblables , que cette pensée : Jésus-Christ

est venu sur la terre pour lui aussi -bien que pour

le premier des monarques ! Il a voulu être son

sauveur et son frère !

Comment m'engager plus efficacement à veiller

sur la pureté de mon cœur , qu'en me disant :

Vous êtes le temple vivant de l'Esprit de Dieu!

vous êtes un membre de cette société sainte dont

l'immaculée personne de Jésus est le chef! vous

faites partie de la sainte famille ! car vous êtes frère

de l'Homme-Dieu ?

Qu'y a-t-il au monde de plus fort et de plus

puissant, pour m'engager à être charitable, bien

faisant , généreux et noble , que cette réflexion :

quand vous faites du bien au pauvre, quand vous

soulagez l'infirme, quand vous visitez le malade et

le prisonnier, quand vous essuyez les larmes du

malheureux et que vous donnez du pain et des

1^2 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

habits à celui qui est exposé à la faim et aux

injures des saisons; en un mot, quand vous faites

quelque bien au dernier, au plus misérable des

hommes, c'est à Jésus lui-même, à Jésus en per

sonne que vous le faites ?

Pauvre philanthropie! que tes discours sont glacés

et stériles , qu'ils sont impuissans et arides , à côté

d'une seule sentence de l'Evangile de Jésus-Christ î

Que d'innombrables légions de cœurs bienfaisans ,

d'âmes charitables , de martyrs de l'humanité , cette

seule parole du Sauveur a produites : Ce que vous

aurezfait au plus petit de mes disciples , c'est à

moi-même que vous l'aurezfait! Paroles évidem

ment divines , demeurez toujours gravées au fond

de tous les cœurs ! Qui pourra énumérer les bonnes

actions dont elles ont été la cause depuis dix-huit

cents ans ? Qui pourra faire le récit de celles qui se

font encore tous les jours, et se feront jusqu'à la fin

du monde , par le même principe ? Quelle diffé

rence entre les mesures que prend le Créateur ,

lorsqu'il veut agir efficacement sur les destinées de

la terre , et celles que voudraient employer les vains

sages du siècle !

L'Evangile de Jésus-Christ est donc seul capable

de rendre toutes les nations aussi vertueuses et aussi

heureuses que la nature humaine le comporte ; et ,

sans l'Evangile, aucune sagesse terrestre ne réussira

dans cette entreprise.

Faites, Seigneur, que je sente dans toute son

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. ifô

étendue le bienfait de vos divines leçons . et sur-

tout que je vive selon vos vivifiantes maximes.

Faites que jamais je ne rougisse de ce riche testa

ment que vous avez fait en faveur des hommes en

quittant la terre , et par lequel vous leur avez légué

la paix , la félicité et la gloire éternelle ; faites enfin

que je ne ressemble en rien à ces aveugles qui ,

rejetant ce testament , ne sauraient avoir part à

votre céleste héritage , et dont les contradictions

sans nombre semblent déjà être ici-bas une secrète

réprobation.

Que le code sacré de Jésus-Christ soit donc tou

jours entre mes mains! Que, malgré les choses in

concevables qu'il renferme, je le préfère toujours

à ces livres dangereux dont l'unique principe est

de n'en avoir aucun ; où l'immortalité même de

l'homme est présentée comme un problème , où

enfin des personnes imprudentes puisent le poison

de l'incrédulité absolue , compagne inséparable de

tous les vices et de tous les malheurs !

Que les douces lois de l'Evangile se répandent

sur l'un et l'autre hémisphère pour le bonheur gé

néral de l'univers.

1 44 RÉFLEXIONS ET SENTIMËNS

QUINZIÈME SUJET.

I,A VIE DE JÉSUS-CHRIST.

La sainte vie du Sauveur du monde sera en ce

moment le sujet de mes considérations. Un Dieu a

marché devant moi; je veux l'imiter, je veux le

suivre ! Quel modèle admirable , engageant et

entraînant il m'a laissé de la plus parfaite vertu !

Aucun défaut , aucune tache , aucune ombre de

péché n'a pu être trouvée en lui. Au contraire ,

tout ce qui est grand , élevé , noble et divin ,

éclatait dans sa personne. Jésus était l'innocence

et la sainteté mêmes. De tout son cœur et de toute

son âme il se consacra à l'œuvre difficile et

pénible à laquelle son Père l'avait appelé ; il

parcourut , sans détourner les yeux , la grande

carrière que le ciel lui avait tracée. Rempli d'une

paix et d'une joie profondes, qui vivifiaient tout

ce qui avait le bonheur de l'approcher, il ac

complit en peu d'années l'ouvrage de la rédemp

tion et du salut des hommes. Aucune peine ne lui

coûte , aucune humiliation ne peut abattre son

courage, ni l'ingratitude affaiblir son zèle. Un

amour prêt à tout sacrifier l'armait incessam

ment de cette force toute - puissante qui l'aidait

à tout entreprendre , à tout souffrir , et à porter

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I 45

toutes ses entreprises à une heureuse fin. De quel

œil plein de sagesse et de profondeur il voyait les

plaisirs trompeurs de la vie ! Avec quelle justesse

il savait apprécier combien est grande la vanité

de tout ce que nous appelons biens et avantages

ici-bas ! A son exemple , chacun peut mainte

nant apprécier les biens terrestres à leur juste

valeur. Il vécut content dans l'état le plus pauvre

et le plus humble de la société , parce qu'il por

tait avec lui le contentement et la paix du cœur

partout où il dirigeait ses pas. Il savait jouir dans

l'innocence , et se créer des plaisirs là même où nous

ne faisons souvent que nous préparer mille peines

et mille chagrins.

Quelle joie pure la vue de l'aimable Nature

n'excitait-elle pas dans son cœur ! avec quel enthou

siasme il en remarquait toutes les merveilles !

Personne ne sut mieux que lui apprécier la beauté

de tous les êtres de l'immense création ! Et cette

divine Providence , source de tout ordre et de toute

harmonie, avec quelle admiration il en contemplait

incessamment les décrets! Partout il reconnaissait

les traces du Créateur et son infinie sagesse.

Jésus demandait bien peu de choses pour vivre

heureux. Nous lisons continuellement dans sa vie

la confirmation de cette grande vérité , que ni les

richesses , ni le rang, ni la fortune , ni l'accomplis

sement de tous les désirs du cœur , ne peuvent

rendre l'homme vraiment heureux ni content, et

»4h KÉFLEXIOXS ET SKNTIMENS

qu'une conscience sans tache et une vie pure et

bienfaisante sont l'unique source du bonheur.

Que dirai-je des autres vertus innombrables du

Sauveur , dont les charmes irrésistibles entraî

naient tous les cœurs sensibles et droits? Il sup

portait les faiblesses de ses semblables avec une

douceur si divine ! guérissait les malades avec tant

de bonté ! instruisait les pauvres avec une ardeur

si infatigable! O ciel! quelle douceur et quelle ten

dresse remplirent son cœur! Ses plus cruels ennemis

pouvaient être persuadés qu'ils en étaient aimés

sincèrement, et qu'il dépendait d'eux seuls de deve

nir ses meilleurs amis. Aussi souffrait-il tout patiem

ment et avec une longanimité sans exemple. S'il

combattait sans cesse l'erreur et le vice , il ne haïs

sait ni ne persécutait pas pour cela l'esclave même

le plus méprisable du péché. Ceux que l'orgueil

humain rebutait , Jésus se faisait un plaisir de

les accueillir : il étendait même aux pécheurs

et aux incrédules son affection , parce qu'il les

croyait tous plus ignorans et plus faibles que

médians. Partout il aimait l'homme :1e juste pour

ses vertus ; le' vicieux dans l'espoir de le rendre

meilleur.

Jésus-Christ était encore humain et bienfaisant,

en prenant ces mots dans leur signification la plus

étendue et la plus noble. Ses travaux immenses et

son zèle infatigable n'avaient d'autre but que de

répandre par toute la terre la vérité et la vertu ,

si:k DIVERS STjJGTS DE RELIGION. I/|7

et par celles-ci la paix et le bonheur. Il cherchait

partout à faire valoir les droits de l'humanité. Le

faible et l'opprimé trouvaient toujours en lui un

défenseur généreux. Il ne cessait de recomman

der le petit orphelin et la veuve abandonnée; prê

chant sans relâche la charité , la bonté réciproque,

l'amour de ses semblables; inspirant à tous les

cœurs l'esprit de patience, de tolérance , de longa

nimité , de bienveillance , et attirant par-là , sur

l'univers et sur ses habitans , les bienfaits de toutes

les vertus et les plus riches bénédictions du ciel ,

jusqu'aux générations les plus reculées.

C'est par ces principes divins , émanés immé

diatement du ciel , que Jésus fit des prosélytes

de tous ceux d'entre ses contemporains probes et

exempts des diverses passions qui aveuglent tou

jours plus ou moins l'esprit; et, en général, de

tous les hommes sincères et de bonne volonté; et sa

grande entreprise pour la régénération de l'espèce

humaine , son grand ouvrage, semblable à un ma

jestueux édifice , se tient encore debout au milieu

de l'univers , comme un objet d etonnement et d'ad

miration pour tous les peuples et toutes les gé

nérations.

Avec quelle simplicité cependant Jésus com

mença son grand travail ! Voici les premières pa

roles qu'il prononça , paroles bien différentes des

vains discours de nos prétendus sages et des philo

sophes du siècle : heureux les pauvres d'esprit ,

10.

f /ffi RÉFLEXIONS ET SENTIMEWS

c'est-à-dire heureux ceux qui sont humbles et pe

tits à leurs yeux ; les riches qui possèdent comme

ne possédant pas, et qui s'appauvrissent à force

r!c bienfaits ; les grands de la terre qui savent

se rabaisser jusque sous le chaume , et reconnaître

le prix de la simplicité , de l'humilité et même

de la pauvreté : car le royaume des cieux sera leur

récompense. Heureux les hommes doux , ils pos

séderont la terre en attendant qu'ils soient mi»

en possession de la patrie céleste. Heureux ceux

qui pleurent , car le Seigneur lui - même les

consolera et essuiera leurs larmes ; leur vertu se

perfectionnera dans l'infirmité , et le Dieu juste ,

qui ne fait acception des personnes , leur réser

vera une riche compensation dans la vie à venir.

Heureux ceux gui ontfaim et soif de la justice;

après avoir cherché incessamment pendant leur

vie à satisfaire un besoin si louable , ils seront ras

sasiés éternellement ; ils seront revêtus de gloire ;

ils seront inondés d'un torrent de délices , et la

vérité deviendra leur, nourriture. Heureux les mi

séricordieux , c'est-à-dire heureux ceux qui auront

pardonné de grand cœur à leurs injustes ennemis,

qui auront fait du bien à leurs persécuteurs, qui

auront remis généreusement la dette au pauvre

insolvable ; car ils trouveront miséricorde à leur

tour au pigd du trône de celui qui ne se laissera ja

mais vaincre en générosité par ses créatures. Heu

reux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront

SLR DIVERS SUJETS DE RELIGION. l4g

Dieu ; il leur sera donné de contempler les splen

deurs de la gloire éternelle , et cette lumière inac

cessible infiniment plus pure que les rayons du

soleil. Heureux les pacifiques qui savent souffrir

en secret, plutôt que d'altérer la sainte paix et la

divine harmonie qui doit régner entre des frères :

car ils seront appelés les enfans de Dieu. Heu

reux enfin tous ceux que l'on appelle malheu

reux dans le monde ; ceux qui souffrent la per

sécution pour la justice ; ceux dont l'innocence

est méconnue ; ceux que la calomnie a noircis ;

car, s'ils savent endurer tout avec patience et ré

signation , leur mérite sera grand aux yeux du

Seigneur ; outre qu'il est déjà noble et grand , ici-

bas, de souffrir pour une aussi belle cause que la

cause de Dieu et de la vertu.

Quel courage , quelle force , quelle onction di

vine ces paroles si simples de Jésus-Christ n'ont-

elles pas répandus dans le cœur de tous les mal

heureux et de tous les infortunés depuis dix-huit

cents ans ! Et combien de consolations ne ré

pandront-elles pas encore dans le sein de tous les

affligés pendant toutes les générations à venir ! O

Dieu ! faites que j'apprécie bien tout ce qu'il y a

de grand , de noble , de majestueux et de divin

dans l'admirable vie de Jésus , le Fils de votre

droite , afin que je sente aussi dans mon intérieur

un désir ardent d'imiter ses exemples !

Que le flambeau de la vertu brille toujours dau&

l5o RÉFLEXIONS ET SliNTIMENS

vos mains , s'écriait souvent Jésus-Christ dans ses

prédications , afin que les hommes voient vos

bonnes œuvres, et glorifient votre Père qui est dans

les cieux en vous imitant. Mais ne faites jamais

rien par vaine gloire , ni uniquement pour être

vus ou admirés des hommes ; comptez pour rien

le suffrage des faibles mortels. Cherchez à l'envi

à vous surpasser les uns les autres en vertu et en

perfection , car je suis venu perfectionner la loi.

Dans la suite , celui qui aura simplement contristé

son frère , injuriant en lui l'image du Très-Haut ,

sera digne des peines éternelles. On ne jurera plus

en aucune manière , ni par le ciel , ni par la terre,

ni par son âme ; mais le langage des vrais enfans

de Dieu sera simple , oui , non. Il ne sera plus

permis de tirer vengeance des offenses reçues ; on

ne fera plus de distinction entre le frère et l'étran

ger, car tous les hommes sont frères , quelque pays

qu'ils habitent, et on pardonnera à ses plus grands

ennemis , oubliant même les torts les plus graves

qu'ils pourront avoir ; on leur pardonnera chaque

fois qu'ils seront retombés ; que dis-je ? on aimera

ses ennemis ; on leur fera du bien ; on priera pour

ses calomniateurs et ses persécuteurs ; en un mot ,

on cherchera éternellement à devenir parfait comme

le Père céleste est parfait !

Telles ont été les principales maximes de Jésus-

Christ , et telle a aussi été sa vie ; car il n'a jamais

prescrit aux hommes que ce qu'il avait pratiqué

SUR DIVERS SUJETS DE' RELIGION. l5l

lui-même le premier. Quelle perfection et quelle

carrière ! !

Agréez, ô mon Dieu ! la résolution généreuse qui

se forme ici naturellement dans mon cœur ; agréez

la protestation solennelle que je fais d'imiter doré

navant le grand, le divin modèle qui m'est présenté

dans la personne sacrée de Jésus. Oui , ma vie sera

dans la suite conforme à la sienne I Etant son dis

ciple , et me glorifiant encore du nom de chrétien,

je dois être prêt à chaque instant à vivre et à mou- '

rir, comme lui , pour la vérité et pour la vertu.

l5a RÉFLEXIONS ET SENTIMENT

W\IWVW \-\\VMWVvVÏWVWAVWVA^WWWWWWVWWWVAV\V\W*W\Vvw\w\*V\ VV

• SEIZIÈME SUJET.

LES SOUFFRANCES DE JÉSU S - CHRIST.

La considération de la vie de Jésus a fait naître

dans mon cœur des sentimens chrétiens, et m'a

inspiré des résolutions louables. Je me rappellerai

aujourd'hui ses souffrances et les diverses circon

stances de sa passion, dans ces moraens cruels où

sa vertu se déploya tout entière.

Quoique la compassion , la douleur et une hor

reur secrète soient les principaux sentimens que

ce déicide, à jamais lamentable, commis sur la per

sonne sacrée de Jésus-Christ , doive inspirer à un

être sensible, il est vrai néanmoins que le souvenir

de la passion de l'Homme-Dieu réveille aussi né

cessairement dans nos cœurs tous les autres grands

sentimens dont l'âme humaine est susceptible.

O vous qui n'avez jamais bien senti toute la

grandeur, toute la majesté, tout le sublime ni tout

le consolant de la religion chrétienne , contemplez,

contemplez en ce moment avec moi le spectacle

lugubre , mais imposant , du Calvaire ! Et si la pa

tience et la douceur inaltérables de Jésus dans ses

tourmens excitent votre compassion ; si son inno

cence et son triste sort touchent votre sensibilité ;

si sa bonté et sa tendresse, toujours les mêmes, lui

SCB DIVERS SUJETS DE RELIGION. l53

attirent votre bienveillance et votre affection ; si les

miracles éclatans qu'il opère en mourant réveillent

en vous de Tâtonnement ; enfin, si avant d'expirer

il a le bonheur de proférer une seule parole qui aille

à votre cœur ; ah ! ne l'endurcissez pas , ce cœur !

laissez-vous toucher et attendrir ! ces louables , ces

nobles impressions seront les avant - coureurs de

votre salut I et si quelques larmes se présentaient

dans vos yeux , en apprenant tout ce que Jésus a

souffert par amour pour vous, ah! ne les réprimez

point , ces larmes ! ce ne sont point les larmes de

la faiblesse humaine , mais les larmes précieuses

du sentiment et de la vertu , telles qu'en ont ré

pandues de grands hommes sur les ruines de leur

patrie.

Elevez -vous donc, ô mon âme! élevez -vous

jusqu'au ciel ; et vous, mon cœur, mettez-vous pour

quelques instans au-dessus des faibles intérêts de

cette vie mortelle , car je vais m'occuper en ce

moment de choses divines ; je vais contempler des

vérités de salut ! Les élévations et les transports

de l'âme, les sentimens et les élans du cœur l'em

portent d'autant sur tous les intérêts temporels ,

que l'esprit immortel l'emporte sur le corps cor

ruptible !

Jamais aucun juste n'a éprouvé de souffrances,

de douleurs aussi amères , de malheurs aussi

nombreux et aussi grands que le Fils de Marie.

Jésus sort de la retraite d'une vie cachée , et paraît

I 54 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

au.milieu de sa nation comme législateur divin,

comme consolateur et bienfaiteur de l'humanité ;

et , à l'instant , mille obstacles s'élèvent , mille per

sécutions lui sont suscitées, persécutions qui pa

raissent devoir nécessairement abattre son courage,

fatiguer sa patience , ralentir son zèle et rendre

vains tous ses nobles efforts ! L'histoire de ses pré

dications est remplie de contrariétés affligeantes

de toute espèce , et qui révoltent tous les cœurs

sensibles. Quel profond chagrin a dû s'emparer du

cœur de Jésus-Christ lorsqu'il eut enfin la décou

rageante conviction qu'un aveuglement incurable

perdait irrévocablement ses contemporains, en

leur faisant rejeter sans examen sa doctrine bien

faisante ! lorsqu'il ne les vit opposer que l'é-

goïsme , la perversité et l'endurcissement à ses

vues salutaires pour le bonheur du genre hu

main ! lorsqu'il prévit tout ce que l'inhumanité,

l'injustice et l'atrocité de son siècle lui feraient

endurer pour traverser ses desseins , et qu'en

fin sa mort seule , avec de si douloureuses cir

constances , pourrait faire quelque impression

sur un petit nombre de cœurs encore droits ! Ce

pendant , ce que son âme tendre commença à

souffrir alors, ne fut que le prélude des souffrances

horribles qui l'attendaient à la fin de sa vie.

Quels souvenirs pénibles et déchirans ne rap

pelle pas la grande , la sanglante catastrophe du

Calvaire! Quelle douleur muette, quelle stupeur

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I 55

o'excite-t-elle pas dans une âme sensible ! Je pense

à la vie humble , retirée , modeste et exemplaire

que Jésus a menée ; je me rappelle la belle car

rière qu'il a parcourue en faisant le bien ; je ne

vois en lui que bonté, que douceur, que tendresse,

que sensibilité , au point que les enfans innocens

eux-mêmes se pressaient autour de lui ; je me re

présente ce cœur sincère et aimant, ouvert à tous

les hommes , même à ses plus cruels ennemis ;

je me retrace en esprit ces sublimes , ces conso

lantes vérités qu'il apportait du ciel , et qu'il ensei

gnait sans la moindre ostentation , sans la moindre

prétention; je compte enfin ses pénibles démarches

et ses travaux sans nombre pour le bonheur de

l'espèce humaine , le suivant pas à pas dans la

Judée , et cherchant en vain la plus légère tache

dans sa conduite ; et je le vois traîner au supplice!!!

Je le vois accablé d'outrages, de traitemens atroces,

rassasié d'opprobres et d'humiliations ! ! ! Et ce

Juste par excellence , ce Bienfaiteur éternel de

l'humanité va mourir de la mort la plus ter

rible , du genre de mort le plus épouvantable ! ! !

Hommes barbares ! c'est une croix que vous pré

parez à votre Sauveur [ Comme un agneau il se

laissera conduire à la mort sans ouvrir la bouche,

sans laisser échapper une plainte, ni un murmure,

ni un soupir ! O Dieu ! ô Jésus ! le cœur me saigne,

il se remplit d'amertume , il est déchiré !

Oui , mon âme est désolée au souvenir du sort

I 56 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

épouvantable et des souffrances inconcevables de

Jésus, fils de Marie, n'eût-il été qu'un homme!

Mais la religion me dit qu'il était le Créateur de

cet univers, l'Auteur même de la vie, venu sur la

terre pour ramener l'homme égaré à des sentimens

d'humanité, de justice et de vertu; et chaque cir

constance de sa passion me le dit ! Ne faut-il pas ,

en effet, une générosité, une grandeur d'âme plus

qu humaine , pour prier en laveur de bourreaux

acharnés , et leur sourire le pardon du haut d'une

croix infamante , au moment d'expirer ? Oui , il y

a quelque chose de divin dans cette scène du Cal

vaire I Quelle grandeur , quelle majesté dans le

douloureux spectacle de la passion ! ! ! Non , non ,

ce n'est point là l'exécution d'un malfaiteur , ni

même celle d'un juste d'entre les enfans des

hommes ! Ce gage d'amour laissé au genre hu

main par Jésus la veille de sa mort , dans un

temps où la perversité était à son comble, où la du

reté et l'inhumanité se montraient sous les formes

les plus atroces ; est-ce un gage donné par un

homme ? Voyez les contemporains de Jésus ; l'in

nocence , la douceur et la vertu les rendent jaloux

et furieux; ils ne savent qu'insulter à cet amour, à

cette tendresse divine , et se rendre coupables d'un

affreux déicide ! Et ce nom d'ami , ce baiser donné

par un Judas, et reçu avec la prévision et la convic

tion de la trahison ; cette agonie, cette prière au Père

éternel ; cette réponse calme et pleine de douceur

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I 5*7

donnée à un valet brutal pour un soufflet reçu en

présence du juge de la nation ; ces consolations

admirables données aux filles de Jérusalem

sont-ce donc là les actes d'un simple mortel ? Non ,

encore une fois; il n'v a qu'un Dieu qui soit ca

pable de souffrir comme Jésus-Christ a souffert!

Seigneur, apprenez-moi à réfléchir d'une manière

convenable sur vos souffrances et sur vos vertus

comme homme. Le souvenir de votre passion ne

doit point être pour moi un souvenir passager et

stérile ; il doit faire dans mon cœur des impressions

permanentes , et le disposer à l'exécution de tout

bien. Qui pourrait vous envisager, ô Dieu souffrant

et tout-puissant ! et n'être point touché ni ébranlé

jusqu'au fond de l'âme? Qui pourrait jamais ou

blier ce que vous avez enduré par amour pour

l'homme ? Qui ne se sentirait échauffé et entraîné

par vos divins exemples? Vous avez souffert quoique

parfaitement innocent, et la conviction de l'in

justice ne vous a point inspiré de haine; vous n'avez

point rendu le mal pour le mal ; vous n'avez point

fait de menaces ; vous n'avez pas même eu la pensée

d'appeler la vengeance du ciel sur vos injustes per-

sécuteurs.Vous avez fait plus encore : vous av^z prié

pour vos bourreaux ! Cependant vous n'avez point

été insensible à vos maux ; vous avez ressenti toutes

vos souffrances : on vous a vu même craindre et

trembler ; mais vous n'êtes jamais tombé dans le

découragement ; vous avez supporté avec une pa

I 58 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

tience divine et ihie vertu héroïque les tourmens f

l'agonie et la mort, conservant jusqu'à la fin une

confiance inébranlable en votre Père céleste !

Seigneur , vous êtes mon modèle dans vos souf

frances comme dans tout le reste de votre vie di

vine : faites que je supporte , avec autant de pa

tience que vous , toutes les contradictions de cette

vie, ainsi que les misères inséparables de la nature

humaine ; les injustices et les persécutions de mes

, semblables, comme les infirmités et les épreuves

dans lesquelles la vertu se perfectionne , afin

qu'après avoir souffert avec vous je puisse espérer

d'entrer aussi avec vous dans la gloire.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGIOX. iSç

WWWMVA\l\V*VW\WUl\VWIWmWWW'\\\WVl\AIWWWWIWVVW\VIVWW*

DIX-SEPTIÈME SUJET.

/

LA MORT DE JÉ Sn S-C HRI ST.

Je contemplerai en ce jour un spectacle incon

testablement divin , quoiqu'infiniment douloureux.

En portant mes regards en arrière sur les siècles

passés, je vois la montagne sainte et tout l'horizon

se couvrir d'obscurité. Une foule tumultueuse de

peuple est sortie des portes de la ville de paix et

s'est portée vers le Golgotha. J'entends demander

à grands cris la mort d'un juste ! Quel est cet in

fortuné déchiré de coups et dont les chairs tombent

en lambeaux? Chargé de sa croix, il s'avance len

tement , mais avec dignité et majesté , vers le lieu

du dernier supplice ! Gomme autrefois le jeune

et innocent Isaac , il gagne en silence le sommet

de la même montagne, sans laisser échapper un

soupir , une plainte , une larme ! — Quel est

son crime ? — Il n'a jamais fait que du bien aux

hommes ! Ce n'est donc pas au supplice qu'on le

mène ? Non , c'est à un sacrifice qu'il se prépare !

sacrifice infiniment moins odieux aux yeux de l'E

ternel , parce qu'il était prévu et consenti pour le

salut des hommes, que ces sacrifices horribles de vic

times humaines souvent offerts pour lui être agréa

bles , par des hommes privés de la connaissance du

lf>0 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

vrai Dieu. L'innocence de Jésus, sa vertu, son obéis

sance , effacent en quelque sorte les horreurs du

crime de déicide qui se commet sur sa personne sa

crée, et font que le ciel peut voir couler son sang

sans frémir et sans faire rentrer la création dans le

néant ! Jésus se livre . Jésus s'offre et se sacrifie lui-

même! Il cède volontairement à laveuelement deo

ses contemporains , et il sait que le spectacle de sa

mort peut ramener l'univers à la justice et à l'amour.

A la lueur pâle de ce jour d'un deuil universel,

j'aperçois le plus doux, le plus humain, le plus

sensible, le plus juste, le plus vertueux, le meil

leur comme le plus beau des enfans des hommes ,

tombé à terre sous le fardeau de la croix , couvert

de sang et de poussière , entouré d'une troupe

d'hommes dégradés, féroces , de véritables tigres !

Dans cet état affreux, je reconnais cependant mon

Dieu et mon Créateur ! Oui , c'est ici le Dieu ca

ché : c'est le suprême Modérateur de l'univers qui

se manifeste! Oui, c'est lui! Son amour pour moi

l'a attiré sur çette terre malheureuse ; il a voulu

agir efficacement sur la moralité du genre humain,

et ramener les hommes égarés sur le chemin de la

perfection et du bonheur; et telle est la récompense

que lui décernent ses infortunées créatures ! Il faut

mourir! O mon Dieu! c'est donc de là que vient

cette mystérieuse parole que vous avez prononcée

après les égaremens auxquels le premier de tous

les humains s'était déjà laissé aller , parole qui doit

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. l6l

faire frissonner tout esprit réfléchi : Je me repens

d'avoir créé l'homme ! — J'adore , Seigneur , et

je ne blasphème pas !

Mon cœur s'est laissé quelquefois toucher d'un

trait d'humanité et de générosité; j'ai quelquefois

versé des larmes, en voyant un Vincent de Paule

se charger des chaînes d'un malheureux forçat , et

se mettre à sa place. Quels sentimens divins, quelles

divines émotions doivent donc transporter et ravir

mon âme, en voyant Jésus-Christ se livrer pour

tous les hommes, et mourir indistinctement pour

ses amis et ses ennemis!!! 0 Dieu! quelle scène

que la scène du Calvaire ! Coulez donc, mes larmes !

oui, coulez librement ! Elles ne sont point le pro

duit de la faiblesse, mais le tribut d'un cœur sen

sible et compatissant; ce sont les larmes de la

reconnaissance , du sentiment , les larmes de la

vertu !

Je, vois Jésus cruellement attaché et élevé sur

l'arbre de la croix ! Voilà l'étendard terrible sous

lequel toutes les familles égarées du genre humain

doivent venir se ranger ! Les aberrations de la rai

son et les abus de la liberté doivent trouver là un

terme ! Là , les incertitudes de l'incrédulité et l'in

constance de l'esprit humain doivent venir se fixer!

Là, les divisions et les haines doivent venir expirer !

Là , l'homme simple et bon doit trouver la paix !

Là , après s'être perdu sur l'océan immense des

connaissances humaines ; après avoir reconnu que

1 1

l6a RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

l'homme ne sait rien , le philosophe orgueilleux

doit avouer son insufliance ! Fils de Sophronisque I

qu'eussiez-vous fait s'il vous eût été donné de con

naître Jésus-Christ ? Aucun autre n'eût été votre

maître ! Vous nous avez montré jusqu'où peut

aller l'homme : ici c'est un Dieu ! Jésus donne

tout son sang et meurt pour nous ! Comme ses

plaies sont livides ! comme sa poitrine se soulève !

comme son cœur , rempli à la fois de pitié et d'a

gonie , palpite d'amour pour nous ! — O mon

Dieu!

Un feu intérieur consume la sainte victime : elle

cherche à remplir toutes les prophéties, afin que

les hommes ne puissent en aucune manière mécon

naître celui qui leur avait été promis pour libéra

teur ; elle demande quelques gouttes d'eau. Ce

faible, ce dernier soulagement lui sera impitoya

blement refusé ! On lui offre, à la place , du fiel et

du vinaigre ! Hommes cruels , créatures infortu

nées , est-il possible que votre perversité vous ait

entraînés jusqu'à cet excès d'inhumanité? O Jésus!

vous vous adressez au Ciel! Appelez-vous peut-être

les vengeances célestes sur vos persécuteurs?—Non ;

voici sa prière, ô mortels ! Mon Père, pardonnez-

leur ; ils ne savent ce qu'ils font ! — Patience

divine , vous ne vous laisserez donc jamais vaincre!

Jésus se montre plus qu'un héros, il se montre Dieu

jusqu'à la lin ! Déjà il promet une place dans le ciel

à celui qui meurt repentant à sa droite ! — Sei-,

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 1 63

gneur , quand je verrai luire mon dernier jour ,

qu'il me soit aussi donné d'entendre de votre bouche

divine ces paroles si consolantes : Dès aujourd'hui

vous serez avec moi dans le Paradis !

Mais quel spectacle touchant s'offre sous la croix !

O tendresse , ô piété filiale ! — Ma mère , voici un

autre fils à la place de celui qui vous est ravi : Jean ,

voiejvotremère. —Maintenant tout estconsommé !

Jésus a terminé sa pénible carrière. Je l'entends

soupirer, jeter un grand cri : il remet son âme

entre les mains de son Père ! Le voyez-vous ? il

incline sa tête sur sa poitrine sacrée! Il expire !!!

La Nature se couvre de, deuil à la mort de son

Auteur; elle s'enveloppe de ténèbres comme d'un

crêpe. Le tonnerre gronde ; la foudre sillonne

les cieux; elle éclaire celte scène sanglante d'un

Dieu mourant ! Le tumulte s'apaise ; la foule

effrayée garde au loin un morne silence , et re

connaît trop tard l'horreur de son crime ; elle

se retire en se frappant la poitrine ! Le centu

rion, plein d!effroi, s'écrie de loin : Cet homme

était vraiment le Fils de Dieu!!! La terre tremble ,

le temple s'ébranle , le voile du Saint des saints se

déchire, les rochers se fendent, les monumens s'en-

tr'ouvrent, la cendre des tombeaux se ranime, les

ossemens des justes s'agitent et les morts ressusci

tent!!! O Dieu! la Nature entière va-t-elle donc se

dissoudre et s'anéantir avec son créateur ? Jérusa

lem , Jérusalem ! Et tu ne reconnais pas là ton Dieu !

1 1 .

1 64 REFLEXIONS ET SENTIMENS

Ah ! reconnais- le, reconnais-le, et retourne vers

lui!

Faibles humains ! aveugles mortels ! vous de

mandez des miracles! Philosophes, vains sages du

siècle ! vous croiriez peut-être en Jésus-Christ, si ,

à l'invitation des anciens du peuple, il fût des

cendu de la croix! Mais pensez-vous que le Sei

gneur suprême vous ressemble ? Souvene-zvous que

Jésus est un héros , mais non un héros comme

ceux d'ici-bas , faible et vain. De grands hommes

sont morts, il est vrai, pour la vérité, la justice,

l'amitié, la patrie ; l'histoire nous parle de leur

héroïsme ; mais qui osera les comparer au héros

dë la croix , à Jésus , au Fils de Marie ?

Sans' doute que Jésus-Christ eût pu descendre

dela croix, et ajouter ce miracle à tant d'autres qui

ne lui avaient coûté qu'un acte de sa volonté ; mais

alors que serait-il arrivé? Que Jésus serait mort sur

le trône d'Israël , environné de la gloire des autres

grands rois de sa nation? Mais était-ce là son but?

Non : Jésus ne voulait point être roi ; il voulait être

le consolateur de tous les malheureux et deshommes

les plus malheureux du genre humain; de ces mi

sérables eux-mêmes que la justice ou l'injustice de

la terre condamne à mourir du dernier supplice !

Voilà quel était son but, et ce but il l'a atteint! ! !

Le vrai chrétien , dans les plus épouvantables mal

heurs , trouve en Jésus-Christ une résignation qui

l'étonne et le console ! De grands hommes , dans

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I 65

leurs illustres malheurs, des mendians, dans leur

mort obscure, en ont donné des preuves à l'uni

vers. Us ont su mourir tranquilles sous la hache

de l'injustice! tandis que l'incrédule tremble sou

vent , se replie comme un ver de terre , et tombe

dans le désespoir à l'approche du trépas !

O vous, Dieu bienfaisant, qui avez surmonté

ainsi les terreurs de la mort , et qui lui avez enlevé

toute son amertume ! que votre exemple est grand !

qu'il est digne d'imitation ! Vous avez quitté la vie

à la suite de la plus parfaite préparation à la mort,

et avec l'intime conviction que vous aviez entière

ment et dignement rempli votre vocation. Toute

votre vie n'avait été qu'une préparation continuelle

pour arriver à ce terme fatal.Vous aviez rempli avec

le plus grand zèle et la plus inébranlable fermeté

cette grande mission dont votre Père céleste vous

avait chargé ; vous aviez été le divin Instituteur

des hommes, le guide et le sauveur de tous ceux

qui étaient égarés loin des routes de la félicité ; le

médecin de tous les malades, le consolateur de

Lous les affligés , l'exemple et le modèle de perfec

tion proposé à toutes les générations : votre tâche

était remplie , et il ne vous restait qu'à retourner

vers celui qui vous avait envoyé. Faites -moi la

grâce, Seigneur, de me préparer aussi bien à la

mort que vous l'avez fait , de vivre comme vous

avez vécu , de pratiquer à votre exemple toutes

les vertus , afin qu'à ma dernière heure , dans ce

I 66 BÉFLEXIONS ET SENTIMES

moment toujotkts terrible, même pour l'homme

de bien , je puisse m ecrier avec vous , dans la

conviction d'avoir bien rempli ma destinée : O

Dieu ! recevez mon âme , je la remets entre vos

mains !

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 167

\V\VWWVWWWW*WVWWWW\WWWWVW^

DIX-HUITIÈME SUJET.

LA RÉSURRECTION DE JÉSU S - CH B I ST.

Le souvenir de votre mort, ô Homme-Dieu ! a

rempli mon cœur d'amertume ; mon âme en a été

profondément affligée. Toutefois , au milieu du

trouble où je suis encore , une lueur d'espoir vient

réjouir mon esprit ! Je me rappelle en ce moment

qu'il est écrit : « Le Seigneur ne permettra pas que

son Saint voie la corruption ; » et ailleurs : « Les

pleurs du soir seront changés en joie le lendemain ; »

et encore: « Le tombeau du Rédempteur sera glo

rieux ! » Vérité consolante! Le juste ne saurait périr!

Le Créateur est tenu de le ressusciter , pour le ré

compenser dignement ! Jésus sort glorieux et res

plendissant de son tombeau ; il s'élève au plus haut

des cieux ! .

Béni soit Dieu, le père de notre Seigneur Jésus-

Christ, qui, par son infinie miséricorde , l a ressus

cité d'entre les morts, et a ranimé ainsi en nous l'es

poir d'une vie future et éternelle, où résident la jus-

lice et la félicité ! Soyez béni vous-même , ô Triom

phateur céleste I ô le Premier-né d'entre les morts !

et daignez agréer toute notre reconnaissance, pour

vos exemples de vertu et vos grâces ineffables ; pour

vos consolations sans nombre , et la sainte espé

lG8 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

rancede la résurrection que vous nous avez donnée.

Votre gloire actuelle nous est un sûr garant de la

bonté avec laquelle nous accueillera votre Père cé

leste aii moment de notre mort; car il est devenu

aussi notre Père !

Quel bonheur pour moi de voir Jésus, mon

Maître , ressuscité ! Avec quelle confiance et quelle

joie je puis maintenant m'approcher du trône de

l'Eternel! C'est en votre nom , Seigneur, que je m'en

approche ! Comment le Dieu suprême rejetterait-il

un cœur contrit et humilié à la vue de ses égare-

mens , et lorsque vos divines leçons lui ont inspiré

le désir d'éviter dans la suite jusqu'à l'ombre du

mal ?

Votre résurrection glorieuse , ô Jésus ! m'est en

outre une preuve incontestable de la vérité de

votre doctrine et de la solidité de vos promesses.

Si je marche sur la routé que vous m'avez tracée ,

je puis être assuré de ne point me perdre , puis

que vous êtes la voie , la vérité, la résurrection et

la vie ! Quel bonheur donc, quel bonheur pour

moi, faible et chétive créature, de voir tout l'in

térêt que le Créateur a pris à mon sort ! La mort

inévitable pour l'homme a perdu pour moi toutes

ses terreurs. Jésus vit , et je vivrai avec lui ! Celui

qui croit en lui vivra , quoiqu'il meure ! Et com

ment ne crOirais-je pas à votpe parole , ô vous qui

êtes vraiment ressuscité d'entre les morts ? Oui ,

ma foi en vous est inébranlable ! Que cette foi sa

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 169

lutaire fortifie donc mon âme pour l'heure de la

destruction de ce corps mortel > et qu'elle m'en

courage dans tous les combats de la vie !

Quel homme serait assez malheureux et assez

ennemi du bonheur du genre humain , pour dou

ter de la résurrection de Jésus, modèle de la nôtre.

Qui oserait , qui pourrait ainsi isoler notre globe

dans la création, en détruisant tous nos rapports

avec le Créateur? Ah ! si Jésus-Christ n'était point

ressuscité, notre espérance serait donc vaine! notre

foi ne serait donc qu'une illusion ! nous serions

donc les plus misérables des hommes ! Hélas ! nous

serions plus à plaindre mille fois que les êtres

privés de raison ! Plus d'espoir consolant pour

l'homme mortel ! plus de certitude de nos desti

nées futures! le malheur serait notre possession ,

et le néant notre héritage !

Ce qui , à mes yeux , met en quelque sorte le

sceau de la Divinité à notre foi relativement à la

résurrection de Jésus-Christ, c'est le monde entier

changé et converti en peu d'années, par ses courtes

prédications ; sa religion établie partout sur les

ruines du paganisme ; la constance des martyrs ;

ce sont ces édifices inanimés eux-mêmes qui

s'élèvent en son honneur, au midi, au nord , au

levant et au couchant ; c'est l'étendard de sa croix

arboré sur les lieux les plus éminens dê l'univers ,

en commençant par leCapitole; ce sont enfin ces

solennités instituées par toute la terre en mémoire

170 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

des principales époques de la vie de Jésus-Christ;

et en particulier cette fête de Pâques, anniversaire

du plus heureux événement dont l'histoire fasse

mention, et qui se célèbre déjà dans l'univers

depuis quatre mille ans, tant par les descendans

d'Israël qui ont survécu au tombeau des siècles et

des nations , que par les chrétiens qui la célébreront

jusqu'à la fin des temps. Ne sont-ce pas là comme

autant de médailles de la résurrection ? Sans doute

le suprême Modérateur de l'univers n'aurait pas

permis qu'un imposteur parvînt à faire prostituer

leur encens et leurs adorations à toutes les géné

rations humaines !

Quelle joie pure, quelle joie divine la belle so

lennité de Pâques répand dans tous les cœurs ! Qui

pourrait arrêter les saints transports , l'allégresse

universelle qui pénètre toutes les âmes, quand l'an

née ramène cejour que le Seigneur a fait, ce jour rem

pli d'un pressentiment divin de la gloire éternelle?

L'incrédule lui-même et l'impie ont peine à se

défendre de cet enthousiasme religieux que réveille

dans tous les pays chrétiens la solennelle ma

tinée du beau jour de Pâques. En effet, Jésus-

Christ n'a pas triomphé seul en ce jour immortel :

c'est la nature humaine , c'est chaque homme en

particulier qui ont remporté un triomphe éternel!

aussi s'apeftoit-on bien dans le temps de cette grande

fête qu'il n'y a ni schismes ni hérésies sur la terre.

Tous les peuples, qui ont connaissance de la venue

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I7I

de Jésus-Christ , font retentir unanimement ce cri

d'allégresse : Jésus est ressuscité ! Louons le Sei

gneur ! C'est aujourd'hui le jour du triomphe de la

nature humaine! Chantons, célébrons la gloire du

Premier-né d'entre les morts ! c'est le jour que le

Seigneur a fait !

Oui, Jésus est véritablement ressuscité, les jours

de ses souffrances sont passés , tous les obstacles

sont surmontés ; et maintenant il vit pour ne plus

mourir. Sa mission était sans doute difficile, ses

épreuves terribles ; mais il a su vaincre toutes les

difficultés, et rendre vains tous les efforts des mé

dians ! Semblable au soleiLqui s'élève radieux dans

le firmament et dissipe les ténèbres de la nuit, Jé

sus monte au plus haut des cieux, et s'élève jusque

dans le sein de l'éternelle Vérité , après avoir dé

truit l'empire du mensonge et du crime. A la vé

rité , il lui a fallu souffrir et endurer beaucoup pour

entrer dans sa gloire , comme il l'a dit lui-même ;

mais il a su s'armer de force et de patience , et

combattre courageusement jusqu'au terme désiré.

Heureux si, dans la suite, je sais ranimer aussi

mon courage chancelant , au milieu des peines

et des épreuves de la vie, et raviver en moi le

zèle de la vertu , par la pensée du triomphe de

Jésus-Christ ! Ce n'est pas toujours l'heure de la

douleur qui sonne ; dans le fleuve de la vie , le

Seigneur a fait couler le plus de consolations qu'il

lui a été possible; que dis-je? l'âme innocente et

1^2 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

vertueuse y rencontre même des plaisirs purs ; mais

chaque fois que le moment de renoncer au plaisir,

pour suivre le devoir , sera arrivé, je saurai me mon

trer grand et généreux comme Jésus. Oui , chaque

fois que la vertu demandera des sacrifices, je saurai

les faire de grand cœur. Quand mon innocence sera

méconnue , quand ma sincérité m'attirera des per

sécutions, quand mes intentions les plus pures et

les plus droites seront calomniées , ou quand le

ciel voudra me visiter , en disposant inopinément

de ceux qui me seront chers plus que ma propre

vie , et que le découragement ou la pusillanimité

voudront se glisser dans.mon âme, je penserai aux

vertus couronnées dans la personne de Jésus , à sa

patience , à sa confiance immense en la bonté de

son Père, aux consolations toutes - puissantes de

sa religion; et je vaincrai avec lui, je triompherai

avec lui , et avec lui je ressusciterai enfin pour la

gloire !

O Dieu de mon salut et mon éternel espoir !

vous qui sortez glorieux du tombeau ; vous qui

vivez et qui pouvez donner la vie ; qui êtes des

cendu aux ombres de la mort , et qui en êtes re

venu pour porter la vie au monde ! que la foi en

votre puissance fortifie donc dans mon cœur le goût

des choses futures et célestes, afin que je puisse

vous suivre avec plus de résolution que jamais sur

la route de la perfection et du bonheur, ayant

sans cesse devant les yeux cette douce espérance ,

,

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I 73

d'arriver un jour où vous êtes allé nous préparer

une place. Ah ! si je demeure fidèle aux règles

de sagesse que vous m'avez données ; si je demeure

constamment l'imitateur zélé des exemples de

vertu que vous avez proposés à tous les humains ;

si je ne m'écarte en rien du sentier que vous m'a

vez tracé ; ou si , après un égarement passager ,

j'ai soin de revenir aussitôt à mon devoir ; puis-je

douter un seul instant que je ne sorte aussi un jour

glorieux et triomphant du tombeau où l'on m'aura

mis, pour vivre de cette vie nouvelle qui ne sera

plus sujette à la mort , et dont vous nous avez of

fert un modèle dans votre personne sacrée ? Puis-je

douter que la mort elle-même ne soit pour moi

une véritable et nouvelle vie? Non, je n'en puis

plus douter après la résurrection du Premier-né

d'entre les morts ! Comme vous , Seigneur, je pour

rai m'écrier un jour : Mon pèlerinage sur la terre

est fini ; ma vocation est remplie; toutes mes peines

sont terminées ; j'ai triomphé de tous les obstacles ;

j'ai surmonté toutes les épreuves; et, maintenant,

je surmonte la mort elle-même en proférant ce cri

de l'immortalité : 0 mort ! où est ton aiguillon?

qu'as-tu fait de ta proie ? qu'est devenue ta vic

toire? Gloire , honneur, louange et reconnaissance

au Créateur, qui me fait triompher de la tombe

et de la mort par. Jésus-Christ !

I"j4 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

)

IU\WW1WWWVWWWWWWWVWWW\MVWWWWWWWWVWWWV\IVHUAWUV

DIX-NEUVIÈME SUJET.

IMITATION DE JÉSU S - C HR I ST.

J'ai considéré Jésus-Christ dans sa vie, dans ses

souffrances et dans sa mort. J'ai trouvé partout en

lui le modèlele plus parfaitqui puisse être proposé à

l'imitation des hommes. Il a bien voulu passer par

tous les états de la vie, afin de fournir des exemples

de conduite à toutes les classes de la société : aux

riches et aux pauvres, à la jeunesse et à l'âge mur,

aux personnes heureuses et aux infortunés; aux

princes et aux sujets, aux magistrats et aux ouvriers.

Et, avant d'instruire, il a commencé—par prati

quer lui-même , persuadé que l'exemple attire bien

plus d'imitateurs à la vertu que tous les beaux dis

cours. C'est de Jésus que viennent les lumières, les

vertus et les vérités salutaires qui se sont propa

gées sur la terre. C'est par lui que le Créateur s'est

manifesté au monde d'une manière plus distincte

qu'il n'avait fait par toutes ses œuvres, et par tous

les autres signes de sa présence. Jésus est la preuve

vivante et palpable de l'existence du Dieu caché : il

est l'emblème personnifié duCréateur, invisible par

son essence. Aucun genre de preuves ne devait man

quer à l'homme pour le convaincre entièrement de

SUR DIVERS SVJETS DE RELIGION. 1^5

cette vérité importante , afin que le méchant fût

pleinement inexcusable dans ses désordres.C'est par

Jésus que nous avons appris à donner au Souverain

des cieux le doux nom de Père, et à mettre toute

notre confiance en sa tendresse paternelle, persuadés

qu'il ne veut être honoré que par l'amour. Nous

connaissons aussi maintenant toute la bonté, toute

la dignité , tout le prix de la vertu ; et nous atten

dons , avec une foi ferme et inébranlable , une vie

meilleure, récompense de l'homme juste. La vé

rité, exempte de préjugés et de superstitions, est

devenue le but de nos louables efforts, comme le

seul moyen d'éclairer nos esprits et de mettre notre

cœur en repos.

O modèle sacré de la vertu la plus pure et la plus

sublime ! avec quelle force vous confirmez votre

doctrine et tous vos discours par vos nombreux

exemples! Comment, en vous voyant, les hommes

n'aimeraient-ils pas encore le Créateur? comment

n'aimeraient - ils pas la vertu ? comment n'aime

raient-ils pas leurs semblables ? Jamais malheu

reux n'eut recours à vous, et ne s'en retourna sans

être soulagé. Votre bouche fut toujours prête à

consoler, votre cœur toujours ouvert à la compas

sion, votre main toujours disposée à secourir l'in

fortune. Rien au monde ne put jamais refroidir ni

ralentir l'ardeur de votre charité; l'ingratitude la

plus noire, et l'obstination la plus déraisonnable

ne purent affaiblir un seul instant votre zèle im

I76 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

mense pour le bien de l'humanité. Vous avez été

le premier à nous enseigner l'art si difficile de gar

der un profond silence au milieu des outrages les

plus grossiers et les plus injustes, et de les sup

porter avec une douceur divine. Le ressentiment ,

la vengeance, l'animosité, la haine, furent des

sentimens absolument étrangers à votre cœur : en

un mot, toute votre vie sans tache fut si pure, que

vos ennemis même les plus implacables ne purent

vous convaincre de la moindre faute. O ciel ! où

trouver une vertu dont Jésus ne nous ait point

laissé les exemples les plus parfaits et les plus

dignes d'une éternelle imitation! Bénissez donc,

Seigneur, cette résolution irrévocable de mon cœur :

Dorénavant je veux marcher d'un pasferme et

inébranlable sur les traces de Jésus , mon divin

modèle. Oui , je l'imiterai autant qu'il est donné à

la nature humaine de le faire ! Pendant toutes les

années de ma jeunesse, l'obéissance,à de bons pa-

rens qui ne désirent que mon bonheur, sera ma

vertu favorite; car c'est là tout ce que l'Évangile

nous raconte des premières années de Jésus : Il était

soumis à Joseph et à Marie. Et c'est à l'obéissance

que se réduisent effectivement tous les devoirs des

jeunes gens. A mesure que j'avancerai en âge , je

retracerai toutes les autres vertus du Sauveur du

monde ; et ma conduite sera en tout si honnête et

si réglée, si pure et si exemplaire, que mes enne

mis eux-mêmes seront contraints d'avouer qu'ils ne

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. fin

peuvent me faire un reproche fondé. Dans mes re

lations avec le monde, la prudence, la simplicité

et la douceur du vrai chrétien, ne m'abandonne

ront jamais. Je rencontrerai mes ennemis et mes

injustes persécuteurs ainsi que Jésus rencontra

Judas dans le jardin des Oliviers, lorsqu'en re

cevant le baiser perfide de la trahison > il dit ces

paroles capables d'amollir un rocher : Mon ami ,

quel est votre dessein? Ainsi que Jésus, je ren

drai le bien pour le mal ; je prierai pour ceux qui

me calomnieront. A son exemple , je garderai le

silence lorsqu'on m'outragera , ou bien je me dé

fendrai paisiblement et sans m'émouvoir, comme

il le fit devant le grand-prêtre, lorsqu'un valet lui

frappa au visage : Sij'ai malparlé , montrez-moi

en quoifai manqué ; et si j'ai bien parlé , pour

quoi mefrappez-vous? Patience vraiment divine,

qui n'avait point eu d'exemple jusqu'alors, et qui

depuis a eu si peu d'imitateurs. 0 vous ! qui portez

à votre côté un fer meurtrier auquel vous attachez

tant de prix, dites-nous, ne vous semble-t-il pas

qu'il y ait plus de noblesse et plus de véritable gran

deur dans cette conduite de Jésus-Christ , que dans

la vôtre de tous les jours , lorsque vous vous

croyez follement obligés de laver une injure, sou

vent imaginaire, dans le sang de votre semblable?

On méprise quelquefois une religion sans se trou

ver la force d'imiter les vertus de son auteur ! On

tourne quelquefois en dérision ce christianisme

I 2

178 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

dont on n'a pas le courage de mettre en pratique

la morale trop parfaite et trop sublime.

Mais quoi, ô Dieu de mon salut! je suis votre

disciple , votre imitateur ; vous êtes mon exemple ,

mon modèle : et , chargé d'une croix infamante ,

je vous vois monter le Golgotha et vous avancer

lentement vers le lieu du dernier supplice! Dois-je

aussi vous suivre sur cette route ensanglantée ?

Faut-il, pour être véritablement chrétien, que je

meure d'une mort terrible? C'est ici, oui, c'est

ici que je dois me faire des idées justes et claires

sur ce que je dois imiter dans votre sublime dé

vouement. Non , Seigneur , votre intention n'a

point été que les supplices fussent le partage

de tous les hommes ; car vous êtes l'éternelle sa

gesse, et vous n'avez produit des créatures sen

sibles que pour les rendre heureuses, heureuses

même sur cette terre , autant que le bonheur est

compatible avec leur nature et leur condition. Non,

vous n'avez point voulu faire servir votre toute-

puissance à créer des êtres malheureux ! Vous-même

n'avez point recherché le supplice de la croix ; vous

n'avez fait que céder à l'aveuglement et à la per

versité de vos malheureux contemporains. Ainsi

les chrétiens, qui, dans divers siècles, ont cherché

à ruiner leur santé et à détruire leur corps , n'ont

certainement pas saisi le véritable esprit du christia

nisme; avec la meilleure volonté, ils ont fait un tort

très-considérable à votre religion toute sainte.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I^g

Pour moi , je ne rechercherai point les souf

frances, ni les supplices, ni la mort; mais je crois

qu'avec votre grâce,je souffrirais, même le martyre,

pour la vérité, pour la vertu, pour le bonheur gé

néral de mes contemporains, pour l'amourde vous ,

Seigneur, si l'injustice des hommes venait à m'y

condamner ! Instruit et devenu sage par les lu

mières dont vous avez daigné m'éclairer, je ne serai

jamais l'ennemi absurde de moi-même, ni celui de

l'espèce humaine; mais je supporterai, avec une

résignation entière, les croix et les épreuves in

séparables de cette vie , ou celles dont la méchan

ceté de mes frères aveugles m'affligera. Vous vous

êtes ainsi conduit vous-même sur la terre pen

dant votre vie mortelle , ô Dieu de sagesse et d'a

mour I

Que m'enseigne donc Jésus-Christ du haut de

sa croix? Jésus est le héros et le martyr de la

vertu , et il veut qu'à son exemple je porte toutes

les vertus jusqu'à l'héroïsme ! 11 veut que je sois si

patient, si résigné, si charitable, si tolérant, si

rempli de longanimité, de condescendance et d'o

béissance , que la mort même et les supplices des

tyrans ne puissent me détourner de la pratique de

ces belles vertus. Il veut que je porte le renon

cement, l'abnégation, le désintéressement, la gé

nérosité, jusqu'à me priver, quand il le faut, même

du nécessaire , pour voler au secours de mes frères

infortunés. Il veut que j'aie dans le caractère une

l80 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

douceur, une candeur, une simplicité, une naïveté

qui me rende en quelque sorte semblable aux

petits enfans ! Enfin , il veut , en me l'apprenant

par son douloureux exemple, que je porte l'amour

de mes semblables , et même l'amour de mes en

nemis , jusqu'à m exposer à la mort pour eux,

dans l'occasion.

Mais quel mortel, ô mon Dieu! sera capable

d'imiter de tels exemples de vertu ? Personne as

surément ne pourra vous égaler, Seigneur: vous

êtes le fils du Dieu vivant , et l'homme n'est que

misère et que faiblesse! Je ne pourrai donc jamais

vous suivre que de loin sur la route de la perfec

tion , et je resterai toujours infiniment au-dessous

de mon modèle! Cependant ne me faudrait- il

pas être né pour la bassesse et le malheur, si je

balançais un seul instant à vous suivre ? Oui ,

Seigneur, oui, je ferai tous mes efforts pour vous

ressembler , dussé-je y travailler éternellement.

Persuadé que tout ce que vous avez fait , vous [avez

fait en tant qu'hommefaible et mortel, aucune

des vertus dont vous m'avez donné l'exemple ne

doit me paraître au-dessus des forces de l'homme.

Heureux, mille fois heureux si , à la fin de ma car

rière , je puis me rendre le consolant témoignage

d'avoir aspiré à cette perfection divine dont vous

nous avez tracé le modèle. Je serais en effet in

digne du nom de chrétien , si je ne faisais en ce

moment le vœu solennel de vous imiter autant qu'il

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. l8l

est donné à la faiblesse de ma nature de le faire !

Et jusqu'où , ô mon Dieu ! ne peut-on point aller

sous un Maître tel que vous ? Vous avez les paroles

de la vie éternelle! Oui, je réitère ici le vœu so

lennel et irrévocable de netre plus chrétien seule

ment de nom, mais un zélé, un généreux disciple

de Jésus-Christ ! Bien loin de rougir dans la suite

de lui ou de sa doctrine , je ferai rougir,par ma

conduite , l'incrédule et l'impie lui-même , ainsi

que tous les hommes vicieux , quelle que soit leur

opinion.

l83 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

VINGTIÈME SUJET- ,

TOLÉRANCE.

La charité chrétienne bien entendue n'est autre

chose que la tolérance la plus pure, puisque Jésus-

Christ a été , dans le vrai , l'homme le plus tolérant

qui ait jamais paru sur la terre. La tolérance bien

entendue ne peut donc différer de la charité du

vrai chrétien; charité que la religion a toujours en

seignée, et qu'elle a enseignée avec infiniment plus

d'efficacité que n'a jamais fait la philosophie ,

quoique les chrétiens se soient souvent écartés des

sages leçons de leur divin Maître. Ceux qui, de

nos jours , ne cessent de parler de tolérance , et

sont presque toujours très-intolérans eux-mêmes ,

tant nous sommes sujets à nous faire illusion!

n'ont assurément jamais bien réfléchi sur la signi

fication de ce mot. Moi-même me suis-je peut-être

rendu coupable envers la société et le christianisme,

relativement au devoir sacré de la tolérance dans

la morale. Je veux donc voir aujourd'hui ce qu'il

faut entendre par tolérance , jusqu'à quel point

on peut être tolérant ; surtout, je veux me faire

des idées claires et précises du véritable esprit de

la charité chrétienne.

Un chrétien éclairé , qui vivra selon les vrais

SUR. DIVERS SUJETS DE RELIGION. l83

principes enseignés par Jésus-Christ (et il n'y a que

celui-là que je regardecomme un chrétien véritable),

sera toujours bon , affable , prévenant , doux , plein

delonganimité , toujours prêt à pardonner les torts ,

à excuser les erreurs et les faiblesses de ses sem

blables , toujours disposé à leur rendre toutes sortes

de bons offices, sans aucun égard à la différence

de religion , de nation , d'opinions ; il n'y aura

pour lui ni juif, ni grec, ni sauvage , ni infidèle, ni

incrédule , ni athée même , toutes les fois qu'il s'a

gira d'être utile au prochain. Il aidera de ses con

seils , il prodiguera son bien , selon les circon

stances; et, avant de donner, il ne demandera

jamais, qui êtes-vous? En un mot, a l'exemple de

Jésus-Christ, il sera le plus tolérant des hommes,

parce qu'il sera le plus, charitable des mortels. Et,

nous pouvons le dire avec assurance, malgré les

malheurs du christianisme , il se rencontre encore

dans toutes les communions des chrétiens éclairés

qui sont dans ces belles dispositions, tandis qu'on

ne trouve presque jamais , parmi les coryphées de

la tolérance philosophique , une disposition bien

prononcée à obliger ceux qui ne partagent pas

leurs opinions ; que dis-je? quelques-uns ne peu

vent même rencontrer un chrétien ferme dans sa

croyance, sans chercher à l'humilier et à le con

sister. Et à en juger par leur seule conduite à cet

égard, on pourrait déjà conclure qu'ils ont donc

embrassé le parti de l'erreur ; carjamais les vraies

I 84 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

lumières n'ont rendu l'homme injuste, inhumain,

persécuteur.

En réfléchissant mûrement sur la tolérance , je

crois qu'on ne peut s'empêcher de reconnaître les

vérités suivantes : Il y a obligation stricte pour

tous les hommes , et surtout pour le chrétien , d'être

tolérant au suprême degré , parce qu'il y a obliga

tion pour lui d'avoir la charité avant tout.— To

lérer le vice, l'erreur grossière, le mensonge et

l'imposture, quand ils sont évidens et qu'on peut

les détruire sans inconvénient , c'est une faiblesse

impardonnable, c'est un aveuglement et une folie !

la sainte vérité devant être respectée partout ,

comme le malheur et la vertu , ou plutôt, comme

Dieu lui-même. — En général, il n'est permis de

tolérer que ce qui n'est pas contraire à la justice, à la

morale, et par conséquent au bien public, ou enfin

certainsabus qu'il serait dangereux de déraciner tout

à coup, etqui demandent, pour être abolis, un temps

et des conjonctures favorables que la prudence doit

choisir et préparer. —Tolérer le pour et le contre,

dans des points devenus aujourd'hui évidens pour

tout le monde , et dont dépendent la paix , la

tranquillité , le bonheur de la terre , la moralité des

nations, l'honneur de la divinité, c'est une absur

dité criminelle que l'on ne devrait plus rencon

trer dans un siècle tel que le nôtre, et parmi des

peuples éclairés tels que le sont maintenant la plu

part des peuples de l'Europe !

SDR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I 85

D'après ce dernier principe, il semble que l'on

pourrait conclure que le christianisme, même chez

les sectes les plus fortement prononcées, est encore

quelquefois plus sainement tolérant , ou du moins,

plus conséquent dans sa conduite, que ne l'est une

philosophie réformatrice , dont le mode ne res

semble pas 'toujours à l'infinie douceur du grand

Instituteur des nations. En effet, qu'une Eglise

quelconque soit persuadée qu'elle est seule en pos

session des vrais principes qui conduisent à la per

fection et au bonheur , et qu'en conséquence elle

lasse tous ses efforts pour s'opposer aux progrès

de maximes qu'elle regarderait comme subver

sives de la félicité et de la paix des sociétés, je ne

vois en cela rien que de conséquent ; mais que les

sages du siècle fassent une énumération effrayante

des abus horribles et dangereux de la religion ;

qu'ils soutiennent qu'elle n'est évidemment que

le produit de l'ignorance , du mensonge et du

fanatisme; et que de tout cela ils concluent qu'il

faut donc être tolérant, il me semble que c'est

une inconséquence absurde. Je leur dirai : « Non,

vous ne pouvez tolérer tant d'horribles abus et

tant d'erreurs pernicieuses ; il faut les déraciner

et les détruire, sans tarder, ces ennemis de la

félicité publique ! A qui appartient-il de mettre

l'ordre convenable dans le culte et les croyances ?

Est-ce à ceux que l'on traite aujourd'hui d'esprits

faibles , ou bien à ceux qui croient avoir reçu

I 86 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

du ciel plus de lumières et un jugement plus so

lide? Réformez donc, dès que vous le pourrez, tous

les abus que vous rencontrerez ; vous mériterez bien

devant Dieu et devant les hommes : mais jusque-

là , ne faites pas un crime à un chrétien , quel

qu'il soit , de son exactitude à remplir tous ses de

voirs religieux à la manière de ses ancêtres. Bien

plus : prouvez clairement , si vous en êtes capables ,

qu'il n'y a point de Dieu, point de vie future, et

que, par suite, le vice, la vertu, le bien, le mal,

le bonheur et le malheur à venir, ne sont que

des chimères ! ou que Jésus-Christ n'était qu'un

homme, et que sa religion n'est qu'un tissu de

fables; ou, enfin, que, jusqu'à ce jour, on n'a

pas bien saisi l'esprit de sa doctrine : prouvez tout

cela aussi clairement que les chrétiens prouvent

tout le contraire , et dès lors , seuls , ils seront

plus tolérans que n'aura jamais été la sagesse du

siècle, m

Et que l'on ne dise point , aujourd'hui que les

entreprises gigantesquesde l'incrédulité ontéchoué,

qu'il est impossible de faire goûter la vérité au

monde; car alors il serait souverainement ridi

cule de continuer à déclamer contre l'erreur avec

ce zèle amer que l'on y a mis jusqu'à ce jour. Le

monde serait trop misérable et trop à plaindre , si

la vérité , qui est la vie des intelligences , ne pou

vait jamais percer au travers des ténèbres de l'igno

rance ! L'homme aime la vérité naturellement et

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 187

nécessairement ; il l'aime avec passion ; il l'aime

autant qu'il hait les ténèbres et qu'il déteste le men

songe ; et les préjugés ou un intérêt particulier

peuvent seuls retenir, un certain temps, l'homme

aveugle dans l'éloignement du soleil de la vérité ;

mais il y reviendra avec joie chaque fois que ces

obstacles viendront à être levés.

Il est impossible de faire goûter la vérité au

monde ! Vains sages du siècle , que la vanité in

spire , vous la goûtez cependant , cette adorable vé

rité ! Etes-vous d'une nature supérieure a celle de

vos concitoyens? Ah ! soyez persuadés que la véri

table raison exerce son empire sur tous les esprits ,

et que les hommes les plus grossiers sont encore

ceux qui lui obéissent le plus facilement"; qu'il ne

s'agit que de savoir bien présenter la vérité, pour

la faire triompher généralement. Vous vous éton

nez que vos doctrines nouvelles n'aient point été

accueillies partout, et qu'elles ne se soient point

répandues dans l'univers entier avec la rapidité de

l'éclair, aussitôt que vous les avez annoncées : in

sensés ! vous ignorez donc que vous êtes mille fois

plus divisés sur vos principes, que ne l'ont jamais

été les diverses sectes chrétiennes ! N'ayez en vue

que le bonheur de l'homme et celui de la société ;

suivez la raison avec simplicité, et sachez vous

arrêter à ses bornes ; quand vous ne comprenez

plus , adorez ! et le genre humain est à vos pieds !

Mais que penser de ces zélateurs aveugles, de.

I 88 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

ces sages contre nature , qui , sous prétexte de tolé

rance , persécutent si peu philosophiquement des

chrétiens de notre siècle , qui n'ont fait ni la reli

gion ni la discipline ecclésiastique , mais qui se font

un devoir de professer ou d'enseigner le christia

nisme tel qu'ils l'ont reçu de leurs ancêtres ? —

N'est-ce point là une inconséquence , une injustice

et une barbarie que l'on devrait à peine soup

çonner chez des nations sauvages, et qui ne savent

encore ce que c'est que lumières ni civilisation ?

De quel droit peut-on faire aujourd'hui un crime ,

a une personne privée, des abus énormes dont on

prétend que la religion a été l'occasion ou le pré

texte dans divers siècles , mais , qu'au fond , l'Évan

gile a toujours désavoués ? Quel est le ministre

même de cette religion qui puisse répondre , de

nos jours, de tout ce qui s'est passé dans des temps

reculés , pourvu que de son côté il agisse avec tous

les ménagemens possibles?—De bonne foi, soyons

tolérans nous-mêmes les premiers , si nous ne vou

lons pas prêcher inutilement la tolérance aux au

tres ! Réformons l'erreur , éclairons l'ignorance ;

mais, au nom de Dieu , ne persécutons pas !

Il faudrait être encore bien imbu de préjugés

pour ne point reconnaître, à l'époque où nous

vivons , que tous les hommes et tous les partis

ont eu leurs torts ; et que le zèle du bien lui-même ,

pour ne pas dire un intérêt privé adroitement dis

simulé, les a souvent portés dans des excès con

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 1 8f>

traires : concluons-en que nous devons donc par

donner les uns aux autres des faiblesses qui étaient

une suite inévitable de l'ignorance et de la cor

ruption de l'espèce humaine , mais que la religion

aussi-bien que la saine philosophie ont toujours

déplorées et déploreront toujours. Que le souve

nir de toutes les dissensions passées soit entière

ment effacé de nos esprits ; peut-être n'y avons-

nous jamais pris part personnellement. Si nous

sommes vraiment sages , vraiment éclairés , nous

comprendrons enfin que les haines, les persécu

tions, les disputes, les récriminations, et surtout

une horrible effusion du sang fraternel, ne sont au

cunement capables de rapprocher l'homme de la

perfection , de la vérité et du bonheur , mais que

nous trouverons tous ces biens dans l'union , dans

la vraie tolérance et dans la charité chrétienne ,

base de notre sainte religion. Nous voyons main

tenant qu'il a été impossible à l'incrédulité de

détruire entièrement le christianisme sur la terre ,

comme elle s'en était flattée dans son délire in

sensé , et que la toute - puissance divine n'a pas

besoin de la protection des hommes pour empê

cher Yenfer de prévaloir. Reconnaissons donc

l'œuvre du Créateur, et rentrons franchement dans

le sein de la grande famille qu'il a formée ici-bas

pour le bien du genre humain , persuadés que

les abus , même réels , n'existent plus. Le chris

tianisme ne défend pas à l'homme de penser ;

igO RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Jésus- Christ n'a point prétendu enchaîner ni

anéantir la raison , qui est aussi un souffle du

Créateur; mais il a arboré l'étendard de sa religion

sur notre globe, afin que tout mortel qui s'égare

sur le vaste océan de ses pensées , au milieu du dé

chaînement de toutes les passions , puisse se re

connaître, éviter les écueils, et revenir dans un

port assyré. Cherchons donc , réfléchissons, raison

nons, lisons les Ecritures ; mais, si nous ne trou

vons point le bonheur, revenons nous ranger sous

les bannières de Jésus-Christ , ce guide divin des

faibles mortels sur les routes de l'immortalité, plu

tôt que d'invoquer le désespoir et le néant.

Seigneur, faites-moi la grâce de ne jamais me

passionner, de ne jamais m'aveugler , et, surtout,

de ne jamais mépriser ni persécuter aucun de mes

frères pour cause d'opinion , comme font encore

aujourd'hui tant de mes malheureux contempo

rains qui oublient que les liens de la charité sont

plus forts que ceux de la foi , et qu'avec ces liens ,

aucune division , aucun schisme ne pavaitpossible.

Mais aidez-moi à me montrer toujours un chrétien

universel , aussi fidèle qu'éclairé. Donnez-moi l'es

prit d'une vraie tolérance , c'est-à-dire celui de la

charité, qui est douce, qui est patiente, qui ne

prend point d'humeur, qui supporte tout, qui ne

se réjouit point du mal de son semblable, mais

qui, au contraire, sait partager ses plaisirs et ses

peines. Faites enfin que je supporte avec autant

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 191

de longanimité les faiblesses, les erreurs et les

torts de tous les hommes, que je voudrais qu'on

supportât les miens. Répandez aussi, Seigneur, le

même esprit sur tous mes frères, afin qu'après

nous être tolérés, que dis-je? après nous être aimés,

comme vous nous avez aimés tous , nous puissions

être unis éternellement dans le séjour de la vraie

félicité où régnera une harmonie éternelle, une

concorde , une charité sans fin , un accord et un

amour parfaits.

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

w\\vw^xwvww\xwwvxwwwwwuww\vw\wv\a.-»vumvu\uW\VV>VWiVl /M

VINGT-UNIÈME SUJET.

CHARITÉ CHRÉTIENNE.

Ce n'est point une froide tolérance, c'est la cha

rité, c'est un amour réciproque que le christia

nisme recommande aux hommes. Je m'arrêterai

donc quelques instans à ce sentiment divin qui

constitue le bonheur de tous les êtres sensibles.

De tout temps les hommes ont eu de puissans

motifs pour s'entr'aimer. Ils ont toujours eu le

même Dieu pour père, et ont dû, en conséquence,

se regarder comme frères et s'aimer comme tels.

Mais, dans le christianisme, tout conspire à resser

rer davantage les liens qui nous unissent les uns

aux autres. Nous y sommes devenus plus particu

lièrement les enfans de l'Eternel , les héritiers de

sa gloire , les frères et les cohéritiers de Jésus-

Christ! Il nous donne aussi à tous la même foi, les

mêmes espérances , et nous assure que nous par

tagerons ensemble la félicité éternelle. Si donc

nous frémissons à la vue de deux frères selon la

chair qui , au lieu de s'entr'aimer et de se prêter un

secours mutuel , se haïssent, se persécutent et s'é

gorgent, quelle horreur ne doivent pas nous inspi

rer des chrétiens qui ne penseraient qu'à se rendre

malheureux les uns les autres, et à s'entre-détruire ?

SUR DIVERS SOJETS DE RELIGION. I C;3

puisque les liens que la charité de Jésus-Christ a

formés entre eux , sont bien plus sacrés que tous

les liens de la chair et du sang. Cependant , où

sont aujourd'hui les nations chrétiennes , où sont

les familles même, parmi lesquelles on ne voit

point régner l'envie , la jalousie , les haines , les

dissensions etles plus furieuses persécutions PHélas !

l'injustice et l'oppression sont organisées partout!

le meurtre et même le fratricide se commettent

d'après de certaines règles !

Ouvrons l'Evangile: que de motifs n'y trouvons-

nous pas d'avoir tous cette bonté réciproque qui

seule peut faire le bonheur et le charme de la vie !

Nous y voyons d'abord un Dieu, mu par ce même

sentiment précieux, descendre des cieux pour se

confondre avec les mortels sur la terre. Nous le

voyons naître, vivre et mourir comme le plus mal

heureux d'entre eux, afin de leur donner des exem

ples divins de toutes les vertus. A chaque page

nous trouvons l'amour fraternel recommandé de la

manière la plus forte, dans le code si doux des

lois de Jésus-Christ. Cet Homme-Dieu ne cesse

de nous l'inculquer et par ses discours et par ses

exemples. Tous les lieux de son passage sont de

meurés célèbres par quelque action éclatante de

charité. Ici, il consolait les affligés; là, il instrui

sait les ignorans ; plus loin , il soulageait les mal

heureux et nourrissait les pauvres. Sur cette hau

teur, son cœur plein d'humanité fut tellement ému

.3

I 94 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

de compassion à la vue de la misère et du besoin

de la multitude , qu'il fit usage de sa volonté créa

trice pour leur procurer des alimens. Dans ce

temple , une grande pécheresse éprouva les effets

de sa miséricorde. Sur son chemin, il guérit toutes

sortes de maladies et d'infirmités humaines. A

l'entrée de cette ville , il ressuscita un tiis unique

pour le rendre à une veuve désolée. Dans ce jardin

il reçut avec bonté le baiser de ce disciple perfide,

qui l'abordait exprès pour le trahir. Sur cette col

line coule encore le sang qu'il versa pour ses frères

coupables. O Dieu ! si nous sommes encore chré

tiens, si nous nous faisons encore gloire de vous

regarder comme notre modèle , que nous sommes

éloignés de vous dans la carrière de la charité et de

l'amour! nous qui} bien loin de vouloir faire quelque

sacrifice au bien-être de nos semblables , ne son

geons souvent qu'à satisfaire nos passions crimi

nelles aux dépens même de leur nécessaire!!!

L'amour fraternel : quel respectable , quel saint

commandement de notre religion ! Quel bienfait

pour la société, pour chaque famille, pour chaque

personne privée, et surtout pour les malheureux ,

que ce feu sacré allumé par Jésus-Christ sur la terre!

Quelle source intarissable de bénédictions pour

l'univers! Comme tout ce' que nous apprend l'E

vangile est divin ! Enlevez de son cœur le sentiment

céleste de l'amour de ses semblables , nul ne peut

remplir sa vocation dans cette vie. L'homme a été en

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I g5

quelque sorte créé et mis au monde pour aimer et

faire le bien. Dieu l'a pourvu, pour cet effet, d'un

cœur tendre et compatissant, dont l'amour est la vie.

Jamais, dans le monde connu, n'a vécu de per

sonne assez dépourvue de sensibilité , pour que son

cœur n'ait point été échauffé, au moins quelque

fois , par ces sentimens nobles et divins qui

distinguent l'homme de tous les êtres qui l'en

vironnent. La bonté , l'humanité , la pitié , la ten

dresse , ennoblissent le dernier des mendians, tan

dis que la dureté , l'insensibilité , l'inhumanité ,

ravalent les plus grands monarques bien au-dessous

du dernier de leurs sujets. Quelle bénédiction un

homme plein de charité n'est-il pas pour tous ses

concitoyens , quelquefois pour tous ses contem

porains , et même pour les générations suivantes !

L'univers les a connus ces hommes de miséricorde,

dont le plaisir le plus doux , l'occupation la plus

chère , l'unique consolation , étaient de diminuer le

nombre des infortunés, d'essuyer des larmes, d'ar

rêter les sanglots , de créer le bonheur dans des

familles désolées , de prévenir tous les maux. Au

contraire , quel fléau pour l'espèce humaine qu'un

cœur dénué de sensibilité , qu'un cœur inhumain

et féroce ! c'est un véritable monstre dans la so

ciété. Le monarque dur et insensible imposera

à ses sujets un fardeau qu'ils ne pourront porter ;

il punira sans pitié et sans miséricorde , même les

fautes les plus légères. Le père de famille sera

i5.

I96 RÉFLEXIONS ET SENT1MENS

une vraie bête féroce au milieu de ce qu'il y a de

plus touchant dans toute la création ; il se laissera

aller tous les jours aux mouvemens les plus ora

geux , et ne fera que le malheur de ceux qui au

raient dû trouver les consolations et la félicité dans

sa tendresse. Le riche verra d'un œil sec la misère

de la veuve et les souffrances de l'orphelin; le pauvre

et l'opprimé ne trouveront en lui que froideur et que

grossièreté ;il rebutera même un ami dans la gêne ;

que dis-je?le malheureux ne connaîtra pas l'ami

tié ! il ne sera point l'imitateur du Dieu bon sur la

terre , ni le bienfaiteur de l'humanité. Jamais sa

bouche ne s'ouvrira pour porter des consolations;

son oreille n'écoutera jamais les accens plaintifs

de la misère ; il pourra voir couler des ruisseaux

de larmes sans en essuyer une seule ! Et la charité

chrétienne ne serait pas le premier , le plus saint

des devoirs que la religion nous prescrit , et sans

laquelle , Jésus-Christ l'a enseigné lui-même , il

n'y a point de religion !

Seigneur, que d'actions de grâces j'ai à vous

rendre de m'avoir donné un cœur sensible et hu

main ! Ah ! faites qu'il ne soit jamais subjugué et

endurci par des passions viles et coupables ; que

j'accroisse au contraire sa sensibilité , et que je- le

rende digne de vous aimer vous-même. Le cœur

susceptible de sentimens nobles et généreux est le

seul capable de goûter le vrai bonheur : il sera

d'autant plus heureux qu'il saura mieux aimer.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I 97

Mais comment dois-je aimer mes semblables? C'est

«mcore une question digne de fixer quelques mo-

mens mon attention.

Dieu avait dit dans l'ancienne loi : « Vous aime

rez votre prochain comme vous-même, c'est-à-dire

d'un amour réel et effectif, d'un amour qui se ma

nifeste dans toutes les occasions où vous pouvez

lui procurer quelque avantage ; qui Vous porte à

cacher avec soin ses défauts et ses imperfections ;

qui vous rende ingénieux à le disculper ; car telles

sont les dispositions de votre cœur à l'égard de vous-

même. » Dans la loi nouvelle, Jésus-Christ nous fait

un précepte d'aimer notre frère comme il nous a

aimés lui-même : quelle perfection ! Il a porté l'a

mourjusqu'à mourir pour nous : quelle tendresse ! Et

s'il nous a tant aimés, ne devons-nous pas aussi être

prêts à donner la vie pour nos semblables?—Non,

il ne sera point dit, Seigneur, que vous ayez seul

pratiqué la charité parmi les mortels ! Et moi aussi ,

je veux aimer mes semblables ! Et moi aussi , je

veux me sacrifier tout entier pour le bien des hu

mains et la gloire de mon Dieu ! Ne suis-je pas

votre disciple, Seigneur? Et serait-ce en vain que

vous avez donné tant d'exemples d'amour à la terre?

Rien ne me coûtera donc dans la suite , pour prou

ver à mes frères l'ardeur de ma charité. Vous avez

agrandi , ennobli le cœur humain ! L'espèce hu

maine n'est plus qu'une famille dont le globe ter

restre est la patrie , dont la charité est la pre

I gS RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

mière de toutes les lois dont toutes les autres

dérivent ! 0 Dieu ! que ces prétendues sociétés

philanthropiques , qui concentrent leur amour et

leur tendresse sur un petit nombre de frères, doi

vent paraître petites aux yeux du chrétien éclairé

qui connaît vos leçons divines de charité universelle !

Aussi n'oublierai-je jamais ces paroles pleines d'un

feu divin , que vous désiriez graver dans tous les

cœurs: Aimez-vous'les uns les autres comme je vous

ai aimés : c'est à cette marque que l'on vous recon

naîtra pour mes disciples. Celui qui dit qu'il aime

Dieu , tandis qu'il hait son frère , est un menteur ,

et la vérité n'est point en lui. Si vous n'aimez point

votre frère que vous voyez, comment aimerez-vous

Dieu que vous ne voyez pas ? Aimez tous les

hommes , aimez même vos ennemis ; telle est la

perfection de la loi. Si vous n'aimez que ceux qui

vous aiment, que faites-vous de plus que les publi-

cains ? Si vous ne faites du bien qu'à ceux qui

vous en font, quel mérite avez-vous? Et si vous ne

saluez que vos frères, quelle vertu montrez-vous?

Les pécheurs n'en font-ilspas autant? Aimez donc

vos ennemis; faites du bien à ceux qui vous persé

cutent ; priez pour ceux qui vous haïssent et vous

calomnient ; alors seulement vous serez les dignes

enfans de votre Père qui est dans les cieux.

Oui , Seigneur, je vous fais en ce moment la

promesse solennelle d'aimer, à votre exemple , tous

les hommes, ,de cette terre , sans distinction, sans

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 199

différence! ou, si j'en admets quelqu'une , elle ne

pourra qu'être favorable à ceux d'entre mes sem

blables qui croiront devoir se déclarer mes enne

mis ; je leur témoignerai encore plus d'amour ,

et par là je les forcerai à rentrer dans le devoir

de la charité des enfans de Dieu , persuadé qu'il

n'est point d'ennemi dont on ne puisse faire son

meilleur ami.

300 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

VINGT-DEUXIÈME SUJET.

DE L'ÉDUCATION.

Par une bonne éducation donnée généralement

à la jeunesse, l'univers pourrait être régénéré en

peu d'années , et ses habitans rendus plus heureux.

Ce sujet important , et duquel dépend le bonheur

des sociétés comme des familles particulières, sera

aujourd'hui l'objet de mes réflexions.

On a voulu prétendre que l'éducation morale

d'un enfant pouvait être différée jusqu'à l'âge de

quinze ans, et qu'il était même prudent de ne lui

parler de principes religieux que vers cette époque ;

système absurde qui n'a pas besoin de réfuta

tion. L'homme le plus grossier sait que, quand

l'arbre a pris son pli , il n'est plus temps de le re

dresser. Si vous voulez exercer les membres d'un

enfant dès sa plus tendre jeunesse pour les rendre

forts et souples, pourquoi faudra-t-il attendre quinze

ans avant d'exercer son entendement , sa sensi

bilité et ses dispositions à la vertu et à la piété? Ces

nobles qualités, qui, sans doute, ne dépendent

pas exclusivement de la vigueur des nerfs et des

muscles, ne se fortifient-elles pas aussi par l'exer

cice? L'incrédule et l'athée seraient donc véritable

ment plus conséquens, s'ils ne pensaient jamais à

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 201

donner aucune espèce d'éducation à leurs enfans ,

et les laissaient vivre et mourir dans les plaisirs

et les distractions du monde. Pourquoi tourmenter

l'homme pendant les trente premières années de

sa vie , afin de le rendre un peu plus heureux pen

dant les trente dernières qu'il ne verra peut-être

jamais, et où l'on est déjà moins apte à goûter

le bonheur ? Et que sont donc les sciences , les con

naissances humaines et les vertus elles-mêmes, si

tout s'éteint avec ce souffle de vie, notre partage

sur la terre ?

Les maximes de l'Evangile changent bien les

idées des hommes ! Le vrai chrétien est persuadé

qu'il ne saurait penser trop tôt à l'éducation de ces

êtres immortels que le ciel a confiés à sa vigilante

tendresse. Quand on pense , en effet , que toute la

moralité dela vie d'un enfant dépend des premières

impressions qu'il reçoit, comment ne serait -on

pas soigneux de lui en donner de bonnes dès

l'âge le plus tendre? Quand on pense que le vice,

aussi-bien que la vertu, peut s'inoculer ainsi et aller

croissant d'une génération à l'autre, comment ne

pas trembler à la seule idée d'une négligence cou

pable dans l'éducation ? Si nous voyons de nos

jours des crimes atroces , des meurtres, des parri

cides, des déréglemens de toute espèce, de noirs

attentats dans tous les genres , regarderons-nous

comme les plus coupables les individus eux-mêmes

qui donnent ces horribles scènes à l'univers ? Non ,

202 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

le mal vient ordinairement de plus haut ; il peut

avoir sa source dans les générations précédentes ;

et les premiers coupables , que dis*je ? les seuls

coupables peut-être, aux yeux de Dieu, reposent

depuis long- temps dans la tombe! Un père né

glige l'éducation de son fils; celui-ci, par suite,

scandalise ses enfans : à leur tour ils donnent à

leurs descendans l'exemple de tous les crimes ;

l'orage enfin éclate , et vomit , au milieu de la

société , ces monstres qui effraient l'univers ! Ce

pendant le germe funeste , posé dans le prin

cipe , n'a fait que se développer , et le criminel

qui subit le dernier supplice pour de nombreux

forfaits , peut être moins coupable devant le su

prême Scrutateur des cœurs , que les parens ou

les maîtres qui l'ont élevé; que dis-je? ces furieux

eux-mêmes , qui , après s'être souillés de tous les

crimes, attentent lâchement à leurs propres jours ,

peuvent être plus dignes des miséricordes du ciel

que plusieurs de leurs ancêtres qui , aux yeux du

monde , auront paru honnêtes et irréprochables.

Jamais l'on ne devient un scélérat consommé en

peu d'années; peut-être a-t-ilfalluplusieurs géné

rations pourJormer un Néron. Les personnes

privées, ainsique les familles et les nations entières,

ne dégénèrent qu'insensiblement. Le vice de l'édu

cation, semblable à un mauvais levain , corrompt

peu à peu toute une masse.

Ne nous étonnons donc plus de cette déclara

SUH DIVERS SUJETS DE RELIGION. 200

tion terrible du Seigneur : Il vaudrait mieux

qu'un hommefut précipité aufond de la mer ,

que de le voir scandaliser un faible et inno

cent enfant , puisqu'il ne peut savoir quel sera le

terme du mal dont il jette la première semence ;

ni de ces autres paroles : Nejugez ni ne condam

nez personne , car Dieu seul connaît les vrais cou

pables. O mon Dieu ! que votre doctrine est en

tout conservatrice de la société et protectrice du

faible ! Tremblez , ô vous à qui le ciel a confié en

dépôt ces êtres précieux créés pour le bonheur,

destinés à devenir un jour les dignes habitans de

la Jérusalem céleste ! Votre responsabilité est

grande devant le Seigneur ; vous répondrez âme

pour âme !!

C'est donc la foi en Dieu , la croyance d'une vie

future où la vertu sera récompensée et le vice

puni , et , en général , un respect sans bornes pour

tout ce qui a le moindre rapport à la religion ,

que l'on doit chercher à inspirer avant tout à

la jeunesse, parce que telle est l'unique base des

véritables vertus. Former le cœur et le carac

tère des jeunes gens , voilà toute l'éducation. Les

sciences et les belles connaissances ne viennent

qu'au second rang , et les parens ou les maîtres ne

peuvent se contenter, à cet égard, de faire à leurs

enfans ou à leurs disciples de belles exhortations :

l'exemple est indispensable ! Dès l'âge de sept ans,

un fils est souvent capable de sentir tout le ridicule

2o4 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

de la contradiction qui se trouve dans la conduite

d'un père irréligieux et immoral qui ose l'exhorter

à la piété et à la vertu.

Cependant, s'agira-t-ild'éducation?Les principes

religieux seront la dernière chose dont on s'occu

pera dans ce siècle d'indiflerence et d'incrédulité.

Faut-il s'étonner si la morale s'altère, et si les gé

nérations se pervertissent ? Des parens générale

ment indifFérens ou impies, élevés dans ces temps

de troubles où tous les principes étaient renversés,

ne pensent aujourd'hui à transmettre à leurs des-

cendaus que leur propre irréligion , avec tous les

vices qui en découlent : enfans malheureux qui

rempliront d'amertume les dernières années des

auteurs de leurs jours, et élèveront des enfans plus

i dépravés encore qu'eux-mêmes !

En suivant l'esprit de la religion de Jésus-Christ

dans toute sa rigueur , il est vrai de dire qu'il faut

déjà penser à l'éducation d'un enfant, même long

temps avant sa naissance.Telle est la distance entre

les doctrines salutaires et conservatrices de l'Evan

gile, et les doctrines prétendues philosophiques,

anti-sociales et subversives de toute moralité. Non-

seulement une mère chrétienne doit veiller avec

soin sur ses propres passions , persuadée qu'elle

peut transmettre en un instant le germe de tous

les vices physiques et moraux à ses descendans;

mais les jeunes chrétiens eux-mêmes, destinés à

devenir plus tard les propagateurs du genre hu

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2o5

main, doivent déjà se conduire de manière que,

par une vie irréprochable , ils puissent faire part à

ceux qui naîtront d'eux de tous les avantages d'un

corps sain et apte à tout le bien dont la Nature

ne manque jamais de combler ses productions,

quand elle n'a point été gênée dans son travail.

S'il naît en effet de ces enfans infortunés qui

apportent au monde le germe des maladies , des

dispositions à tous les vices , ou des difformités

corporelles , et dont l'existence est un pénible

fardeau pour eux-mêmes et pour la société, ne

devons-nous pas l'attribuer à un désordre amené

par un agent libre , plutôt qu'à la sage nature dont

les règles sont trop bien établies pour souffrir par

elles-mêmes des aberrations aussigrossières? Nous

ne pouvons point assigner, au juste, jusqu'à quel

point la volonté d'un homme peut agir sur la vo

lonté d'un autre; mais il estprouvé, aujourd'hui,

que cette action existe; le physique et le moral

lui sont soumis , et l'influence peut être très-forte

de la part des parens sur leuFS enfans , à raison de

l'union intime qui existe entre eux ; aussi y dé-

couvre-t-on ordinairement une ressemblance très-

prononcée tant au corps qu'à l'âme ; et de cette

manière seulement on conçoit comment une fa

mille ou un peuple entier peut s'abrutir au point

de falloir plusieurs générations pour le ramener

à sa première perfection. De cette manière , et

seulement ainsi , peut s'entendre cette déclaration

2o6 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

effrayante des livres saints : Le Seigneur venge

l'iniquité des pères sur les en/ans , jusqu'à la

quatrième et cinqcième génération. Car, à propre

ment parler , Dieu ne fait point porter au fils

l'iniquité du père , car l'inconduite du fils est la

conséquence et souvent le résultat de celle du père»

La Nature elle-même dicte aux parens ce qu'ils

doivent faire pour leurs enfans, au momentde leur

naissance et dans le jeune âge , et ceux qui sont

capables de négliger ou d'abandonner leurs nour

rissons se rangent infiniment au-dessous de la

brute la plus dépourvue de raison et de sensibilité.

Mais c'est au moment que la raison des jeunes en-

fans se développe , et que leur jugement se forme ,

qu'ils demandent le plus de soins, ce qui, comme

il est très-probable , a lieu bien long-temps avant

l'âge de sept ans, puisque nous venons de prouver

que les vices et les vertus des parens peuvent ,

même avant leur naissance , exercer sur eux une

triste influence. C'est donc aussi dès la mamelle

qu'on doit leur mettre sous les yeux de grands

exemples de vertu, de justice, de bonté, de géné

rosité, d'héroïsme, et surtout de religion et de

piété, et en éloigner tout ce qui pourrait produire

sur eux des impressions contraires.

Pendant les études où les jeunes gens se forment

aux sciences et aux arts, et surtout pendant qu'ils

s'occupent des principes religieux , il faut chercher

à leur inspirer généralement un saint respect pour

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2O7

l'adorable vérité. L'impiété ni la superstition ne

doivent jamais pouvoir l'outrager : l'opprimer ou

affecter de donner le moindre appui au mensonge et

à Terreur, c'est lui fournir l'occasion de s'en venger

plus tard, de la manière la plus terrible , sur des

familles et sur des nations entières.

Les plus chers intérêts de la société et des per

sonnes privées, ceux des parens comme des en-

fans , sont compromis quand on néglige l'édu

cation. Si des scènes affligeantes , et qui font la

honte de la nature humaine, se renouvellent si

fréquemment de nos jours , telle en est la funeste

cause : il n'en faut point chercher d'autre. Combien

de fois ne voit-on pas le vieillard à cheveux blancs

' réclamer de ses enfans, et en vain, le respect qui lui

est dû ! Un fils ingrat et dénaturé ne lui répond

que par des mépris! Dans une infinité de familles,

la vie, déjà devenue assez amère par elle-même,

n'est-elle pas encore empoisonnée par des reproches,

des murmures, des jalousies , des haines, des dis

sensions journalières? Le cri horrible du blas

phème , de la grossièreté, de l'impiété et du déses

poir ne cesse de s'y faire entendre ! Hélas ! ne

voit- on pas même des enfans infortunés porter

une main sacrilége sur les auteurs de leurs jours ,

et ravir la vie à ceux dont ils l'avaient reçue ! fruit

malheureux, mais bien naturel, d'une éducation

tout-à-fait négligée.

Une éducation soignée et chrétienne inspire, au

20Ô BÉFLEXIONS ET SENTIMESS

contraire, naturellement aux familles ces vertu»

paisibles et sociales qui font le bonheur de la vie, et

qui rendent agréables à Dieu, estimables aux yeux

des hommes , les jeunes gens qui ont eu le bon

heur de la recevoir. La bonté , la douceur, l'obéis

sance, la modestie, la condescendance, l'humilité,

la prévenance, la simplicité, la candeur, la naïveté,

l'assiduité aux occupations utiles , l'habitude du

travail, l'ordre, l'amour de tout ce qui est louable,

sont l'apanage des.enfans élevés selon les maximes

et les exemples de Jésus-Christ ! Quel beau , quel

touchant spectacle présente une famille chrétienne

et vertueuse ! Comme elles sont touchantes ces con

tinuelles attentions de la piété filiale et de l'amour

paternel, cette tendresse réciproque d'une mère et

d'une fdle ! Qu'il est doux ce commerce non inter

rompu de prévenances et d'assiduités, de reconnais

sance, d'affection et d'amour ! La paix du Seigneur

règne dans de semblables familles : jamais on n'y

entend une expression qui blesse, jamais une parole

dure, jamais un mot de reproche ! Jésus-Christ lui-

même se plaît au milieu d'elles : il bénit les parens

à cause de leurs enfans vertueux, et il bénit les en-

fans jusqu'à la quatrième et cinquième généra

tion , et récompense ainsi les vertus de leurs pères.

Tous les maux de la vie s'y adoucissent. Dans les

revers imprévus , on s'y console mutuellement par

les considérations que l'Evangile suggère, et la mort

elle-même s'y présente sous des traits moins ef

SUR DÏVERS SUJETS DE RELIGION. 20O,

frayans. De pieux enfans ferment, en versant des

larmes adoucies par la religion , les yeux d'un

père vénérable, d'une mère tendre , qu'ils espèrent

revoir dans l'éternité; et ceux-ci quittent la terre

sans regret, emportant avec eux dans la tombe

la certitude de laisser des enfans qui feront hon

neur a leur mémoire , et qui , plus tard , vien

dront se presser dans leurs bras, les uns après les

autres , dans le sein du Créateur et de la félicité

qu'il a préparée pour toutes ses créatures.

O mon Dieu ! aidez-moi à accomplir les nom

breuses résolutions que de semblables réflexions

doivent exciter naturellement dans mon cœur, pour

mon propre bonheur et pour le bonheur de tous

ceux qui dépendront de moi.

2 10 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

VINGT-TROISIÈME SUJET.

DEVOIES SOCIAUX.

Mon Dieu , vous nous avez tous destinés à mener

une vie active. Malheur à celui qui ne répondra

point à sa destinée, et qui se laissera dominer par

la paresse ! Il détruira la paix , la tranquillité et le

bonheur de sa vie : le dégoût, l'ennui, la misère

et la honte seront son partage.

Par un effet de votre sagesse éternelle , ô

Créateur tout -puissant et bon ! vous avez soumis

l'homme à mille besoins pressans auxquels il ne

peut satisfaire qu'avec peine , et par un travail

continuel. // n'existe point d'autre voie pour

procurer le bonheur et la perfection de la so

ciété des êtres libres. Vous avez donc voulu que

l'homme rencontrât journellement mille embarras

et mille obstacles qu'il ne peut surmonter que

par des efforts opiniâtres ; et que par le travail

seul il pût se préparer les besoins et les agrémens

de la vie. Voila pourquoi nous voyons sur la terre

des hommes de tant de différentes conditions et

de tâ*nt d'états divers : des riches, des pauvres, des

princes , des sujets , des commerçans, des labou

reurs , des magistrats , des ouvriers, des maîtres et

des serviteurs. Et toutes ces conditions méritent

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 211

des égards, puisque la diversité de rang et de for

tune est rigoureusement nécessaire pour la for

mation d'une société. Dieu lui-même n'aurait pu

introduire un autre ordre de choses. Mais il a .eu

soin que chaque état , le plus humble comme le

plus brillant, pût trouver des jouissances et des

consolations à côté de ses peines et de ses soucis,

et dans une proportion tellement exacte , qu'au

cun homme ne peut raisonnablement envier le

sort d'un autre , ni désirer d'être placé dans des

circonstances différentes de celles où il se trouve.

Point de condition qui n'ait ses désagrérnens : le

trône même n'en est point exempt , comme des

esprits faibles le peuvent penser . Combien , hélas !

le diadème ne cache-t-il pas de soucis sur le front

qui le porte I Point de condition aussi qui n'ait

ses avantages. Les plus humbles les trouvent dans

le sein même de la simplicité , de l'oubli et de

la paix. La belle , la bienfaisante Nature est créée

pour tous les humains. Chacun peut goûter les

plaisirs innocens qu'elle offre. Il ne faut pour cela

que des yeux pour admirer et un cœur pour sen

tir. A quel homme seraient donc interdites, sinon

par sa propre faute , les , douceurs du bonheur

domestique avec sa famille , ses parens , ses amis ,

ses connaissances et ses relations intimes ? Quel

homme est incapable de ressentir les émotions de

la religion et de la vertu ? Il ne lui faut qu'aimer

ses devoirs et les remplir.

212 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Avant d'entrer dans le détail des différens de

voirs sociaux imposés à chaque état , il est utile

de faire remarquer que ces mots de liberté et d'e-

galitè , mis en avant dans divers temps et dans

diverses contrées pour égarer les peuples, ne sont

que des chimères lorsqu'ils sont pris dans le sens

qu'on leur attribue communément. Comme il est de

la nature et de l'essence même des choses qu'il entre

dans la société humaine des rangs , des fortunes

et des conditions diversifiés jusqu'à l'infini, nous

naissons tous nécessairement dépendans les uns

des autres ; et en ce sens , les grands dépendent

aussi-bien des petits , que les petits des grands.

Que ferait un roi sans sujets , un chef quelconque

sans administrés, un commerçant sans relations,

un fabricant , un cultivateur sans ouvriers labo

rieux et industrieux ? — Si vous me demandez

pourquoi l'un naît sur le trône, et l'autre dans une

chaumière ; pourquoi celui-ci de parens riches et

opulens, et celui-là dans la pauvreté et la misère, je

vous répondrai que ces divergences sont des effets

de la liberté humaine ; que Dieu ne fait que suivre

l'ordre éternel ; qu'il ne peut changer l'essence

des choses ; mais que la religion et la morale en

forment le contke-poids nécessaire, à ce point

que nul ne puisse dire que Dieufait acception de

personne. Dans le christianisme seul, les hommes

peuvent être dits vraiment libres et égaux : libres ,

lorsqu'ils remplissent tous leurs devoirs , et qu'il

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2l3

riy a point de loi contre eux; égaux devant

Dieu et en Jésus-Christ , qui s'est rangé du côté

des infortunés pour leur ôter tout prétexte de

plaintes. Le complément du système ingénieux

de la compensation ne peut être que la vie future

et la religion. Si vous en faites abstraction , ce

système est en défaut , ou il prouvera tout au

plus que, les hommes sont tous également mal

heureux; et alors Dieu ne sera qu'un tyran, et

la Nature qu'une force motrice aveugle et cruelle.

Maintenant donc , quels sont les différens devoirs

de tout homme en société , et quels sont en par

ticulier les miens? Je veux les remplir tous, et

entrer avec la dernière exactitude dans les vues

du Créateur, persuadé que là est toute la fin de

l'homme. Il n'y a , en effet, ni sagesse ni félicité

pour celui qui veut agir en sens contraire.

Les devoirs sociaux peuvent être réduits à trois

classes principales : devoirs envers Dieu , devoirs

envers nous-mêmes, devoirs envers nos semblables.

Parcourons-les rapidement.

Nos devoirs envers le Seigneur suprême sont in

contestablement les premiers. Par notre nature et

condition , nous sommes des êtres dépendans ,

lorsque lui seul est entièrement indépendant. Il est

notre Dieu, notre Créateur, notrePère.Noussommes

l'ouvrage de ses mains, ses créatures, ses enfans.

Nous devons donc lui rendre un culte et un culte

igne de lui; nous sommes donc obligés de lui

ai4 HKFLEXIONS ET SENTIMEMS

obéir , de l'aimer et detre pénétrés continuellement

envers lui de tous les sentimens de la piété filiale.

Il est notre éternel bienfaiteur : nos cœurs lui

doivent donc des témoignages continuels de recon

naissance et de gratitude. Il est le Maître absolu de

tout ce qui existe , le souverain Seigneur et Modé

rateur des cieux et de tous les mondes : nous lui

devons donc une soumission entière et une obéis

sance parfaite. Et puisque nous avons le bon

heur d'être chrétiens et de jouir des lumières de

l'Evangile , c'est donc pour nous un devoir in

dispensable de suivre les leçons et les exemples de

Jésus-Christ , et de vivre en tout d'une manière

conforme à ses préceptes, à ses maximes, même

à ses conseils. •

Les devoirs envers nous-mêmes regardent, ou

notre corps , ou notre âme. A l'égard du corps ,

nous sommes obligés d'en avoir un soin raison

nable , de le fortifier par des exercices utiles , d'en

entretenir la vigueur et la santé, de ne jamais

ternir son éclat ni sa beauté par des excès et des

bassesses criminelles. Pour ce qui est de notre

âme, il y a obligation stricte pour nous de l'orner

de diverses manières, de l'enrichir de belles con

naissances , autant que les circonstances de la vie

nous le permettent , surtout de connaissances re

latives au salut éternel. Il y a obligation stricte

pour nous de l'ennoblir, de la perfectionner; en

un mot, de la rapprocher tous les jours davantage

T.

SDR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3 I 5

de la ressemblance du Père céleste, notre modèle,

par l'exercice de toutes sortes de vertus ; car les

vertus l'ornent et l'enrichissent encore plus que ne

font la connaissance des sciences, des arts et des

lettres.

Enfin , les devoirs sans nombre envers la société ,.

selon les divers états où nous nous trouvons placés,

sont ceux de père , de fils , d'époux , d'ami , de pa

rent ; ceux des personnes d'un rang élevé , des

princes , des magistrats ; ceux des commerçans, des

ouvriers, des maîtres et des serviteurs. Tous les

membres de la grande famille sont obligés de sa

crifier leurs avantages particuliers à ceux de la so

ciété entière. Chaque individu , et le prince encore

plus que tout autre , doit préférer , strictement

parlant, les avantages de la communauté à sa li

berté personnelle, à son bonheur, et même à

sa vie. Nous avons , sous ce rapport , des exemples

bien touchans. Tous doivent aussi savoir renon

cer à leurs aises et à leurs satisfactions particu

lières, pour le plus grand bien d'un certain nombre

de leurs semblables : l'équité , la loyauté , j'oserai

mêrnedire la justice , demandent impérieusement

de tels sacrifices.

Etes-vous père , votre devoir est de former à la

vertu et à la piété, par vos exemples aussi-bien que

par vos exhortations , les enfans qui vous ont été

confiés par la Providence , afin que , plus tard , ils

puissent faire l'ornement et le soutien de la société,

2l6 RÉFLEXIONS ET SENT1MENS

et peupler enfin la cité céleste, qui nous attend tous.

Etes-vous fils, vous devez aimer vos parens, les

respecter, leur obéir avec docilité , les prévenir par

toutes sortes de bons offices , et leur donner toutes

les satisfactions qui dépendent de vous. Etes-vons

époux, la fidélité, l'assiduité, la patience, la condes

cendance, sont vos vertus spéciales. Tenez-vous un

rang élevé dans la société , souvenez-vous que vous

êtes le défenseur de la vérité et de la justice, le pro

tecteur né de la veuve et de l'orphelin ; que vous

êtes le refuge naturel de tous les malheureux, la

ressource de tous les faibles , de tous les opprimés ,

le père de tous les pauvres qui se trouvent sous votre

juridiction. Etes-vous riche, la bienfaisance doit

être votre vertu et votre occupation chérie. Etes-

vous pauvre , restez dans cet état de gêne et d'hu

miliation , si vous n'en pouvez sortir que par des

voies injustes ; remplissez avec courage et exacti

tude vos humbles devoirs ; souffrez avec patience et

résignation , et pensez que l'homme a besoin de

bien peu de chose ici-bas , et qu'il n'en a pas besoin

long-temps ! Etes-vous maître, votre devoir est de

ne pas exiger trop de sueurs de la part de ceux

qui ont eu le malheur de naître dans la dépen

dance , et qui sont obligés de vous servir. Permet

tez-leur donc tous les jours de réparer les forces

perdues à votre service, et donnez-leur quelquefois

une petite part aux jouissances que la Nature a pré

parées pour soulager 1 homme dans les peines sans

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2 I "J

nombre de la vie ; souvenez-vous sans cesse qu'ils

sont hommes comme vous, et que vous êtes homme

comme eux. Etes-vous serviteur, êtes-vous né dans

un état humble et dépendant , souvenez-vous , et

ne l'oubliez jamais , qu'à considérer les choses selon

la religion et la raison éclairée, vous êtes nécessaire

ment autant avantagé par leSeigneur queles grands

de la terre. L'éclat qui les environne peut bien vous

éblouir ; mais cet éclat, au fond, les gêne plus que

chez les infortunés l'indigence et l'oubli. Faites

tourner vos souffrances au profit de la vertu, et

rendez - vous grand aux yeux de la religion; cette

grandeur vaut bien celle du monde. Rappelez-vous

que vous avez deux maîtres à servir , dont l'un ne

vous demande que ce qu'il y a de matériel et de

grossier dans votre ouvrage , et ne vous offre qu'un

petit et chétif salaire pour vos sueurs ; tandis que

l autre ne demande que votre patience et vos sen-

timens intérieurs , pour lesquels il vous promet le

bonheur éternel . Pensez que vous ferez bien plus faci-

lement votre salut dans les souffrances, les travaux ,

les humiliations et les infirmités , puisque la vertu

s'y perfectionne , et que Dieu saura vous réserver

une riche et juste compensation dans l'éternité, de

tout ce qui vous aura été refusé dans le temps.

Qu'il soit donc toujours loin de mon cœur , Sei

gneur , de désirer une autre fortune , une autre

condition , ou des circonstances différentes de celles

oùjeme trouve placé. Faites-moi seulement la grâce

2l8 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

de bien remplir les devoirs divers quemon état m'im

pose, et je m'estimerai toujours trop heureux sur

la terre dans toutes les situations où je pourrai me

trouver.Tous lesdevoirs que vous désirez que chacun

de nous remplisse , sont destinés à contribuer au

bien de la société entière, et sont des moyens ef

ficaces pour parvenir au bonheur parfait réservé

indistinctement pour tous. J'adore , ô mon Dieu !

vos sages conseils, et je vais, dès ce moment, me

remettre avec plus de zèle que jamais à remplir

tous lesdifféreus devoirs de mon état , envers vous,

Seigneur, envers moi-même et envers mes sem

blables.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3 I 9

/WWWWWVWWVWIM'WWWWWWVWWWW *A

VINGT-QUATRIÈME SUJET.

LA VERTU.

Rien de plus commun de nosjours que d'entendre

parler avantageusement dela vertu. Tout le monde

l'estime , tout le monde l'admire ; il n'est pas même

jusqu'au vice qui ne lui rende les plus grands hom

mages. Cependant , en même temps , rien de plus

rare à rencontrer aujourd'hui qu'une vertu solide

et réelle, une vertu méritoire devant Dieu, à l'é

preuve des tentations de cette vie, et au-dessus de

l'orgueil ou de l'intérêt propre. D'où peut venir

une si étrange contradiction ? Serait-ce de l'absence

des principes de religion parmi nous , et parce que

les hommes n'agissent plus par des motifs surna

turels ; parce que, renonçant à la foi, et rompant

avec le monde des intelligences pures , ils se sont

isolés dans la Nature , au point qu'un vil égoïsme

ou une passion aveugle est leur seul mobile ?

Nous savons bien que nous ne pouvons jamais

agir que par un motifd'intérêt quelconque. Vouloir

nous faire agir sans motif, c'est nous demander un

effet sans cause. Le philosophe ridicule du jour

peut seul prétendre à être vertueux pour l'amour

d'un mot , pour l'honneur. Le vrai chrétien lui-

même agit donc par intérêt , lorsqu'il fait le bien

320 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

dans la vue d'une récompense future et céleste.

Mais cet intérêt , bien loin de dégrader la vertu ,

ne fait au contraire que la sanctionner. Il est

Jouable, il est selon Dieu et dans l'ordre éternel ;

tandis que l'intérêt , qui fait agir les personnes du

monde, rend toutes leursvertus vicieuses, parce qu'il

est personnel , souvent criminel ; parce qu'il n'est

qu'un véritable égoïsme.

Toute vertu a donc nécessairement un motif;

mais il faut que ce motif soit placé hors de la

sphère de ce monde, qu'il soit divin et éternel.

Sans cette condition, il n'est point de vertus réelles.

Quelques anciens de bonne foi , et un grand

nombre de modernes qui aiment , par-dessus toutes

choses, les belles phrases, ont prétendu trouver le

motif de la vertu dans la vertu même , savoir ,

dans la beauté , dans les charmes qui lui sont pro

pres. Mais quel esprit , tant soit peu réfléchi,

ne découvre aussitôt tout ce qu'il y a de chi

mérique dans cette prétention , capable d'éblouir

au premier abord ? Je dirai à ces moralistes su

blimes : Si la vertu paraît belle, le crime paraît

utile ! Présentez à la fois au cœur humain l'utile et

le beau ; lequel des deux choisira-t-il ? Sera-t-il long

temps en suspens? Soyez intimement persuadés que

bien souvent la vertu sera méconnue. Je soutiendrai

donc toute ma vie que la vertu ne se paye point suf

fisamment elle-même sur cette terre, et que, si

l'on fait abstraction des espérances immortelles de

SDR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 23!

l'homme juste, il est impossible qu'elle ait un

autre mobile que l'intérêt particulier , ou un avi

lissant égoïsme qui la paralyse et la détruit.

Il est donc constant aussi que les vertus chré

tiennes sont seules réelles, méritoires et, de plus,

, à l'épreuve de toutes les attaques des passions,

puisque leur motif est dans le ciel , et qu'elles

n'attendent rien sur ta terre. Toutes supposent

un effort pénible, un sacrifice, une abnégation

qui , en faisant murmurer la nature et la concu

piscence, les rendent vraiment méritoires. De là

cette doctrine admirable de l'Evangile, qui fait con

sister toute la perfection dans l'abnégation de soi-

même. Que serait en effet une vertu qui ne nous

coûterait rien , que nous pratiquerions par goût ,

par un penchant naturel du cœur ? Quel pourrait

en être le mérite? Si quelqu'un veut me suivre, dit

Jésus-Christ , qu'il renonce à lui-même , et qu'il se

charge de sa croix. Les humiliations, les opprobres,

les mépris , les persécutions , les souffrances iné

vitables , font donc le mérite de la vertu , aussi-

bien que la gloire du vrai chrétien : doctrine dia

métralement opposée à l'égoïsme du siècle.

Je ne m'arrêterai point ici à faire sentir tout le

faible , ni à montrer tout le néant de ces vertus

prétendues que le monde se glorifie encore d'a

voir conservées , malgré le dépérissement de tous

les principes , et au milieu des ruines de la reli

gion. Le monde déclare lui-même que , pour être

222 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

un modèle achevé de cette perfectibilité où la na

ture humaine peut atteindre , il suffit d'être hon

nête homme , c'est-à-dire de nefaire tort à per

sonne, ou, du moins, de ne pas commettre de

ces injustices criantes et de ces crimes énormes

qui font le scandale de toute une contrée. Je me

contenterai donc de jeter un coup d'œil sur les ver

tus mâles et solides du christianisme.

Qui pourrait nier que les motifs qui font agir

un disciple de Jésus - Christ soient sublimes ,

universels et capables de porter l'homme aux

actions les plus grandes , les plus héroïques et

les plus méritoires devant Dieu ? Le chrétien

peut regarder d'un œil tranquille les événemens

les plus terribles de la vie humaine. Les révolu

tions des états et des empires , et tout le choc des

passions des hommes , ne sont pour lui que de

simples occasions de pratiquer toutes les vertus ,

de faire éclater sa grandeur d'âme , sa généro

sité , sa patience , sa résignation , sa charité , son

désintéressement, son amour pour la justice, pour

l'ordre et la vérité, et il tirera le bien du mal

même, à l'exemple du Créateur tout -puissant !

Les motifs qui font agir le disciple de Jésus-

Christ sont donc sublimes , puisqu'ils sont divins.

Mais ils sont aussi universels , de tous les temps

et de tous les lieux, car ils sont immu bles comme

l'ordre éternel. Placez le chrétien dans quelque

état, dans quelque condition que vous voudrez;

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 233

qu'il soit riche ou pauvre, comblé d'honneurs ou

couvert d'opprobres ; qu'il soit dans la joie ou

dans les souffrances , sur le trône ou sur l'écha-

faud, vous le verrez toujours portant dans son

cœur la loi de son Créateur , le désir de lui plaire

et d'accomplir sa sainte volonté. Il aimera, il pra

tiquera toujours la vertu , non pas par orgueil ou

par un intérêt avilissant , mais parce qu'il veut

entrer dans les vues du Seigneur , et se confor

mer à l'ordre éternel , lequel exige que toute créa

ture raisonnable et libre marche à la félicité

suprême par la perfection.

Enfin, les motifs de vertu, dans le christianisme,

sont aussi grands que nombreux ; ils sont ca

pables de porter l'homme aux plus généreuses

entreprises , aux plus belles , aux plus nobles ac

tions. «Un chrétien a continuellement un enfer à

éviter et un Ciel à conquérir. Le premier devien

drait le châtiment de ses infidélités et de ses

crimes ; le second sera la récompense de ses mé

rites et de ses vertus. Un Homme-Dieu a marché

devant lui dans la carrière de la vie parfaite où

il voit des exemples continuels d'une vertu plus

qu'humaine et d'une sagesse évidemment divine I

Aussi , que le chrétien soit réduit à la dernière

extrémité où les disgrâces de la vie peuvent îpé-

cipiter l'homme mortel ; que , semblable à JesÉs ,

son maître , il soit poursuivi par le malheur et l'in

fortune jusqu'à la mort ; qu'abandonné de tous

224 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

ses contemporains, son innocence soit méconnue;

qu'il meure dans les tourmens et les opprobres ;

en un mot, qu'il soit arraché du trône pour périr

sur l'échafaud ! dans cet abîme de toutes les dis

grâces , il portera un regard sur le Calvaire , un

autre vers le Ciel; et, en expirant, il accordera

sans ostentation le pardon a ses bourreaux ! Il

ne verra plus dans les hommes acharnés à sa

perte que des frères égarés qu'il aime encore ;

et , plus calme dans ses souffrances que ceux-ci

dans leur rage , il priera pour eux le Père com

mun : Seigneur , pardonnez-leur , ils ne savent ce

qu'ils font! Voilà, voilà jusqu'où l'homme, si faible

par lui-même, est capable de porter la vertu

quand il s'appuie sur la croix de Jésus-Christ !

Que le monde, que la philosophie nous mon

trent un certain nombre de leurs coryphées qui

aient porté les vertus morales jusqu'à l'héroïsme et

jusqu'à la mort : hélas ! un misérable respect hu

main est pour eux un écueil inévitable où toutes leurs

vertus d'apparat viennent souvent échouer. Voyez,

au contraire , ces millions de héros chrétiens que

la religion a formés, ces légions d'héroïnes aux

quelles elle a prêté sa force , ces nombreux martyrs

de la charité et de l'humanité que le torrent de la

réwplution a lui-même respectés ; et jugez entre le

christianisme et la stérile sagesse du siècle ! O re

ligion de Jésus-Christ ! que tes détracteurs sont

faibles et aveugles !

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 225

VINGT-CINQUIÈME SUJET.

LA SAGESSE.

La vraie sagesse doit consister à se pénétrer par

faitement de toutes les vues du Créateur; mais le

Créateur n'a pu se proposer que la félicité des

hommes : leur sagesse consiste donc à travailler sans

relâche à leur véritable félicité.

Le genre humain a toujours reconnu cette

vérité; et les hommes ont recherché le bonheur

dans tous les temps. Mais on n'est pas aussi

bien d'accord quand il s'agit de décider en quoi

consiste et où se trouve la vraie félicité vers la

quelle un penchant si irrésistible nous entraîne.

Les sages des siècles antérieurs ont pris sou

vent des routes diamétralement opposées dans

ces recherches importantes. Ainsi , les Épicu

riens croyaient trouver le véritable bonheur de

l'homme dans les diverses jouissances qu'offre la

vie de ce monde ; les Stoïciens , dans Je mépris

de tous les plaisirs ; les Platoniciens , dans une

vertu qui paraît aujourd'hui chimérique , parce

qu'elle n'avait aucune base solide , et n'était fon

dée uniquement que sur l'orgueil et la vanité. Les

uns plaçaient le bonheur suprême dans l'étude de

la nature , des arts et des sciences ; les autres ,

-T20 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

dans la possessiou des richesses, des honneurs,

ries dignités et de la gloire. Alexandre , pour être

heureux, veut posséder l'univers; Diogène brise

le vase qui lui reste.

Je ne m'arrêterai donc point à l'examen de la

sagesse des anciens. Depuis tant de siècles on a pu

évidemment reconnaître le vide et le néant de tout

ce qui n'est que terrestre et périssahle ; et de toutes

les sectes anciennes il ne nous reste effectivement

que leurs noms.

D'un autre côté , je crois qu'en général les

prétendus sages de nos jours seraient fort em

barrassés de nous donner une idée claire et pré

cise de leurs divers systèmes de sagesse. Les uns

alFectent de mépriser et de calomnier pendant

toute leur vie la morale chrétienne , et de la

tourner en dérision dans toutes les rencontres.

Les autres se déclarent déistes ouvertement ,

quoiqu'à peine ils osent encore prononcer pu

bliquement le nom de Dieu , ou avouer qu'ils

mettent en lui leur espoir : sagesse informe et

confuse, qui ne présente qu'un amas de doutes,

d'incertitudes ; chaos affreux où régnent encore

les ténèbres et l'horreur ! Une haine aveugle

contre Jésus-Christ et sa religion caractérise gé

néralement les sages encore en enfance du dix-

neuvième siècle ; et ils seraient capables de nier

toutes les vérités fondamentales de la morale, jus

qu'aux peines et aux récompenses futures, et enfin

SITR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 227

jusqu'à l'immortalité, cette unique base de la vertu ,

par la seule raison que l'Evangile les annonce.

La plupart même d'entre eux croient montrer

un esprit supérieur et s'assurer une gloire solide,,

en anéantissant le sens moral , la conscience et

les remords. Dans cette dernière classe , il faut

ranger tous les athées , tous les matérialistes , tous

les indiflérens; et, en général, tous ceux qui doutent

de la vertu et qui désespèrent de la vérité et du

bonheur.

Mais quelle sagesse, ô mon Dieu ! ou plutôt quelle

folie ! Un mot renverse cette prudence humaine.

Tous ces hommes dont nous venons de parler

sont-ils plus heureux que le vrai chrétien? Le sont-ils

même autant? Non, car on les entend se plaindre

sans cesse. Donc ils n'ont pas trouvé la vraie sa

gesse.

De tous les sages que je connaisse , le chrétien

seul me semble pouvoir être heureux. Il est le seul

dont les idées , les principes , la croyance , le sys

tème, en un mot, soient entièrement fixés et arrêtés.

Le chrétien éclairé n'agit point en aveugle ni à

l'aventure, comme le font encore tant de personnes

qui se targuent d'une sagesse prétendue , mais qui ,

semblables aux pauvres d'ici-bas , vivent en morale

aujour le jour, adoptant des principes duTérens,

selon les différentes circonstances où elles se trou

vent. Non , l'Evangile à la main , le chrétien rend

raison de tout, il explique tout, il a des notions

■ 5.

2 28 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

claires et positives sur ce qu'il craint et ce qu'il

espère. Il est exactement instruit de ce qu'il doit

pratiquer et de ce qu'il lui importe d'éviter ; de

ce qu'il doit faire pour établir dans son cœur le

contentement , la paix et l'espérance , le seul

bien réel de la vie de ce monde, et pour par

venir sûrement au bonbeur éternel de la vie à

venir. Jamais l'idée épouvantable de l'anéantisse

ment ne vient effraj'er son âme ; le doute même

et l'inquiétude sont des sentimens étrangers à son

cœur. Rien ne le contriste , rien ne l'abat. Il s'a

bandonne , avec une confiance filiale , à la bonté ,

à la puissance et à l'amour de son Créateur et de

son Sauveur , et par-là il trouve des consolations

dans le sein même des souffrances ; tandis que tous

ses plaisirs se trouvent doublés par la secrète ap

probation du Ciel et celle de sa propre conscience.

Il possède donc la sagesse véritable , et Jésus seul

l'a enseignée au monde dans toute sa pureté.

La sagesse chrétienne paraîtra méprisable aux

yeux des hommes sans système*, qui ne jugent

des choses que d'après les fausses idées que leurs

passions et leurs préjugés leur suggèrent ; il leur

semblera que les mesures prises par le chrétien

pour arriver au vrai bonheur lui sont dictées par

l'extravagance et la folie; mais, au fond, personne

n'est plus sage , personne n'est plus grand ni plus

heureux que le disciple éclairé de Jésus-Christ.

En effet, n'est- il pas sage de croire en un Dieu

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 22 (J

créateur, tout-puissant et éternel , et de se confier

entièrement à sa bonté infinie ? N'est-il pas sage de

regarder les peines et les souffrances de cette vie

comme des épreuves de la vertu, ou comme des

punitions paternelles destinées à corriger l'homme

plutôt qu'à le rendre malheureux? N'est-il pas sage

de chercher le vrai bonheur dans une vie à venir,

puisqu'il ne se trouve pas dans celle-ci, et de se con

tenter, sur la terre, de l'espérance que donne la vertu,

et que la religion fait naître ou qu'elle confirme dans

nos cœurs ? N'est-il pas infiniment sage d'acheter,

par des sacrifices passagers, une félicité sans fin, une

récompense éternelle, un poids immense de gloire,

et de s'interdire les jouissances injustes et frivoles

d'un instant , pour s'épargner des regrets et des

remords qui ne finiront plus ? Cette conduite ne

serait-elle pas encore infiniment sage , même dans

la supposition que les peines ou récompenses fu

tures ne seraient qu'une hypothèse , ce que nous

sommes bien éloignés d'accorder au philosophe du

siècle , ne pouvant concevoir en aucune manière

que l'Etre éternel crée, récompense et punisse seu

lement pour un temps limité , parce que ce serait

là une espèce de jeu absolument indigne de lui ?

-—Or, telle est cependant la foi et la conduite du

chrétien.

Mais le christianisme ne rend pas moins grand

qu'il ne rend sage. Quoi de plus grand que de se

mépriser soi - même et d'estimer tous les autres ?

-

23o RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

c'est l'humilité du vrai chrétien. Quoi de plus

grand que d'être sévère envers soi-même , et de se

montrer doux , indulgent et affable à l'égard de

tout le monde ? c'est la mortification du chrétien

solide. Quoi de plus grand que d'aimer ses enne

mis , de pardonner les injures sincèrement , de

souffrir les injustices et les outrages sans se plaindre,

d'oublier tout , même jusque sous la hache du

bourreau ? c'est la charité du chrétien éclairé. Il

est bien plus grand , avec de pareils sentimens ,

que ces sages du monde, petits et vains, qui se

croient obligés de venger un léger affront, une

offense souvent imaginaire, par l'effusion du sang

fraternel. Qu'il est grand, le chrétien, et combien

son abjection est plus noble mille fois que tout

l'orgueil de la sagesse du siècle î Aussi n'est -il

pas absolument rare de le voir trouver la gloire ,

même sur la terre. Nous avons vu , et nous

voyons encore tous les jours , de ces hommes de

miséricorde , dont les noms chéris et vénérés de

meureront gravés dans tous les cœurs jusqu'aux gé

nérations les plus reculées , tandis que la mémoire

des plus grands conquérans se perdra, et que leurs

noms , et les marbres où ils sont inscrits , auront

disparu.

Qu'il est heureux , enfin , ce chrétien possesseur

d'un Dieu si bon, si puissant, et qui lui est si inti

mement attaché! un Dieu pour père, pour créateur!

un Dieu pour consolateur et pour ami ! un Dieu

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 23 I

pour modèle de vie , et pour rémunérateur de

toutes les vertus ! Qu'il est heureux dans sa foi,

ce chrétien qui trouve dans l'Evangile un centre

de vérité inébranlable, auquel il peut s'identifier

irrévocablement et avec tant de confiance ! Son

esprit se fixe et se calme ; son cœur se repose

doucement dans le sein de l'espérance chrétienne.

Dès qu'il connaît la vraie source de ses maux ,

il en connaît le remède. Il goûte la paix la plus

solide sur la terre , et se prépare efficacement à la

félicité éternelle ! — Sagesse de mon Dieu ! heu

reuse, heureuse l'âme qui sait vous reconnaître !

Et comment la sagesse chrétienne ne serait-elle

point la véritable ? Seule elle peut convenir à tous

les hommes et à tous les individus. Dans le chris

tianisme , le prince comme le sujet , le savant

comme l'ignorant , le magistrat et l'ouvrier ,

l'homme heureux et l'infortuné , peuvent tous tra

vailler également à leur vrai bonheur sans sortir

de leur condition ! Tandis que tous les autres

systèmes connus ne peuvent jamais convenir qu'à

quelque classe particulière de la société , que le

Créateur, souverainement impartial, auraitfavo

risée plus que les autres.

O mon Dieu ! éclairez-moi de plus en plus sur

la vraie sagesse ! éclairez tous les hommes sur leurs

vrais intérêts ! Quelles actions de grâces vous ren-

drai-je, Seigneur, pour le bienfait inestimable de

la sagesse chrétienne dont vous m'avez rendu

232 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

participant ? La lumière éclatante de l'Evangile

m'environne, tandis que les soi-disant sages du siècle

cherchent encore , comme en tâtonnant dans les

ténèbres , le chemin qui conduit l'homme à la fé

licité pour laquelle il a été créé. Que je serais

coupable, que je serais misérable et à plaindre si,

avec tant de lumières et de moyens, je ne m'a

vançais pas rapidement dans la perfection , et si je

venais à manquer le but de mon être , le bonheur

éternel ! — Ces considérations doivent donc en

flammer de nouveau mon zèle pour la perfection,

et me donner une nouvelle force pour marcher

d'un pas ferme et inébranlable dans la carrière de

toutes les vertus chrétiennes.

SUK DIVERS SUJETS DE RELIGION. 233

***W\W\W\VWvWWWVlW\WWWW\WWWWWWWWWWWWMMUMAIMWWW

VINGT-SIXIÈME SUJET.

LES TENTATIONS ET LES VICTOIRES.

Parmi les grands avantages qu'offre le christia

nisme , il faut remarquer celui de la force et du

courage qu'il nous donne afin de pouvoir surmonter

tous les obstacles qui s'opposent à notre avance

ment dans la perfection. Pourvu que le chrétien

s'arme de bonne heure des sages conseils , des sou

venirs encourageans et des consolantes promesses

que Jésus lui a laissés pour l'heure de la tentation ,

il pourra rencontrer, sans s'étonner, tous les dan

gers nombreux auxquels il peut être exposé, même

avec la certitude d'en triompher.

Si je considère attentivement ma position ici-

bas , je ne puis disconvenir que j'ai à combattre

des tentations qui , autant par leur nombre que

par leur attrait puissant sur mes sens , peuvent

devenir très-funestes à ma vertu. Mais si, en même

temps , j'examine mûrement la nature de la reli

gion que Jésus a établie , et les sages dispositions

qu'il a faites , si bien calculées sur les besoins de

l'homme , je ne puis disconvenir que je ne sois

armé, d'un autre côté, de toute la force nécessaire

pour ne point succomber et pour sortir victorieux

de toutes les attaques.

234 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Ce corps périssable et fragile, cette enveloppe

terrestre d'un esprit immortel , est sans contredit

une source féconde de tentations qui inquiètent

nécessairement l'ami de la vertu. Les maladies , les

souffrances qui le minent , les accidens fâcheux

auxquels il est exposé , en font souvent un fardeau

accablant pour l'âme , et empêchent celle-ci de

s'élancer librement au delà des choses créées , et

jusqu'au pied du trône de l'Eternel. Les passions

les plus injustes , les désirs les plus vils , peuvent

m'entraîner si je ne me tiens sur mes gardes. Que

dis-je ? cet esprit lui-même, que je regarde comme

un être d'un ordre infiniment plus parfait , m'ex

pose à mille dangers et me jette dans mille con

tradictions , surtout quand je veux outre-passer les

bornes qui lui sont prescrites. Ma raison n'est

point infaillible ; je prends souvent l'erreur pour la-

vérité ; mon imagination est toujours prête à me

séduire et a me tromper , et le cercle des connais

sances qui doivent m'élever à la certitude est extrê

mement étroit. Souvent , lorsque je devrais croire,

je doute encore ; lorsque je devrais être fixé , je

balance ; et je réfléchis quand je devrais être en

pleine action.

Mais ne dépend-il pas de moi d'endurcir ce corps

si faible , par une vie active et sobre , et de me le

soumettre par ma vigilance ? La raison et l'expé

rience ne peuvent-elles pas m'aider à prévoir et à

écarter les accidens funestes ? Et pourquoi donc la

S15R DIVERS SUJETS DE RELIGION. 235

liberté et l'intelligence ont-elles été accordées à

l'homme , sinon pour veiller sur tout son être et

le perfectionner sans cesse ? Ne puis-je pas , par

des exercices sagement réglés , par des occupa

tions utiles , et surtout par la méditation sur les

devoirs de l'homme, me rendre, jusqu'à un cer

tain point, le maître de mes passions, de mes

désirs , en diminuant peu à peu l'action puissante

de ce corps terrestre sur l'esprit qui doit lui ser

vir de guide ? Cet esprit lui - même , débarrassé

de ses préjugés et des ténèbres de l'ignorance

premier élément d'une intelligence créée , cet

esprit éclairé par la foi et conduit par l'autorité

de la société universelle formée par Jésus-Christ,

ne parviendra-t-il pas à reconnaître la vérité de

tout ce qui peut avoir une influence salutaire sur

la morale , de tout ce qui peut former l'homme

à la bonté , à la vertu , et lui assurer le vrai bon

heur? Oui, par le secours de la raison, de la

liberté et de la religion , le chrétien peut et doit

régler tout et se régler lui-même, selon l'ordre

éternel.

Les tentations que me suscite mon propre cœur

sont , il est vrai , plus nombreuses encore, et ont

des suites encore plus tristes pour ma vertu. Ce

cœur est si faible et si nonchalant dans le bien , si

prompt dans le mal, si inconstant dans ses résolu

tions, si facilement découragé au moindre revers,

enfin , si présomptueux et si vain dans les heureux

336 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

succès ! Quelle peine n'en coûte-t:il pas a l'ami sii>*

cère de la vertu pour surmonter tant de désirs in

justes, tant de penchans pervers, tant de passions

furieuses ; pour préserver son cœur des charmes

trompeurs du vice et des plaisirs grossiers ; pour

l'enflammer du zèle de tout bien et de toute vé

rité,- et parvenir ainsi à la perfection! Je ne

puis dissimuler qu'il se trouve encore ici une

source intarissable des plus dangereuses tentations.

Mais le vrai chrétien ne trouve-t-il pas encore une

fois dans sa religion la force d'en triompher heu

reusement? L'Evangile lui apprend à rendre fort

et constant dans le bien ce cœur si facile à la sé

duction. Il lui apprend à veiller sans cesse sur ses

moindres mouvemens, et à ne le jamais perdre de

vue. Il lui apprend, en un mot , à s'étudier lui-

même^ à suivre de près son intérieur, et à se tenir

continuellement sur ses gardes. Et une heureuse

expérience a prouvé que ceux qui , dès leur jeu

nesse, ont soin de se former ainsi à la vertu, d'après

les règles de la sagesse chrétienne, parviennent à

un état de perfection véritablement digne de Dieu

et d'un être créé à son image !

Sans doute qu'au commencement il en coûte à

la nature de l'homme pour mettre toutes les puis

sances du cœur au niveau de la raison éternelle. On

succombe quelquefois par surprise ou par faiblesse;

mais , dans ces circonstances , la même religion

nous dit que Dieu est un Père infiniment miséri-.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2$']

cordieux et indulgent, qui sait pardonuer ! et qu'en

conséquence , bien loin de se décourager , l'homme

qui a succombé doit , au contraire , faire servir

l'expérience même de sa faiblesse à son avance

ment dans la perfection.

Si l'espoir de parvenir un jour , avec le secours

de l'Homme-Dieu , à guérir mon cœur de toutes

ses faiblesses , à le remplir de l'amour de la

vertu et de la vérité , et à l'armer de la force né

cessaire pour l'exécution de tout bien , n'est pas

capable de me porter à surmonter généreusement

mes tentations diverses, alors je ne connais plus

de ressort assez puissant pour me faire agir.

Cependant , outre ces ennemis de la perfection

que je porte au dedans de moi-même, je rencontre

encore dans le monde mille piéges extérieurs où

mon innocence peut se prendre à tout moment.

Les écueils que le monde présente , surtout dans

ces temps d'irréligion et d'impiété , sont aussi

nombreux qu'inévitables : ici ce sont les richesses ,

les honneurs , l'ambition et l'avarice; là les plaisirs

et les mauvais exemples , qui se réunissent , en

quelque sorte , pour m'attaquer , pour corrompre

ma fidélité et pour ternir l'éclat de mes vertus.

Mais le vrai chrétien trouve encore moyen de se

faciliter une glorieuse victoire sur ce monde cor

rupteur. Il remplit tous les jours son cœur d'un

amour effectif pour le Seigneur, et d'un zèle ardent

auquel rien ne semble impossible. L'approbation

238 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

de cet Être chéri , de cet Etre créateur et rému

nérateur , toujours présent à sa pensée, forme

en lui un puissant contre -poids pour arrêter

les passions injustes que réveille un monde aveu

gle et léger ; et jamais ses exemples pervers ,

ses sollicitations ni ses artifices ne pourront l'é

branler. Le repos d'une conscience sans tache , les

promesses futures , l'espérance d'une riche com

pensation dans l'éternité, les exemples de Jésus-

Christ et ses leçons divines , sont des considéra

tions qui rendront toujours le chrétien fidèle

capable de tous les genres de sacrifices : il passera

tcute sa vie dans la gêne , la contrainte , l'oppo

sition avec les maximes et les coutumes perverses

de son siècle , et même dans les persécutions ,

plutôt que de consentir à ce qui serait criminel

et indigne d'un disciple de l'Evangile!

Remplissez-moi donc , Seigneur , tous les jours

de ma vie , de votre divin amour ; fortifiez inces

samment dans mon cœur la foi en Jésus, le grand

Instituteur des hommes ; alors je n'aurai jamais à

craindre aucun des ennemis de mon salut , et je

triompherai , à la fin , de la mort elle-même ,

cette dernière épreuve de la vertu , après avoir

triomphé heureusement de tous les autres obstacles

qui me retiennent éloigné de vous et du suprême

bonheur.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGIOX. a3g

VINGT-SEPTIÈME SUJET.

LA MORT.

Malgré mes efforts, le temps passe avec plus de

rapidité encore qu'un rayon de lumière ne s'élance

dans l'espace, et une tombe humide et sombre me

recevra à la fin de ma courte carrière. Ni l'âge ni

la force ne sauvent du trépas ; le plus petit acci

dent, le souffle d'un air un peu trop froid peut

me renverser sur le lit de douleur d'où je ne me

relèverai plus. Oui, à chaque instant, je puis ar

river à cette époque d'une conséquence infinie pour

moi , à ce terme fatal où les chemins de la vie et

de la mort se divisent ; où , d'un côté , brillera

la lumière de l'immortalité , et de l'autre s'épais

siront les ténèbres éternelles. — Encore quelques

momens, et mon dernier jour luira; je verrai pour

la dernière fois le soleil qui éclaire cette terre ;

j'entendrai pour la dernière fois la voix d'un ami ;

pour la dernière fois je serrerai la main d'une per

sonne chérie , d'un père , d'une épouse , d'un en

fant ! O Dieu ! le tombeau s'ouvre , mon front se

couvre d'une sueur glaciale; le froid de la mort saisit

tout mon corps , paralyse tous mes membres ,

engourdit tous mes sens ; mon sang cesse de cir

2^0 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

culer, mes yeux s'éteignent, ma tête se penche, et

la dernière flamme de la vie s'échappe !

Quel état effrayant , ô mon Dieu ! c'est l'état

voisin de l'anéantissement. O Mort ! que tu es li

vide ! ton nom seul me glace d'effroi ! Cependant

tu seras aujourd'hui le sujet de mes médita

tions. Avec tes horribles traits je veux chercher à

me familiariser , afin que , s'il est possible , je

puisse , à la fin de ma carrière, t'attendre de sang-

froid.

Qu'est-ce donc que la mort ?

La mort est ce sommeil paisible qui n'est plus

troublé par aucun songe ; cette léthargie pro

fonde , cette paralysie totale qui ferme pour ja

mais l'œil à la lumière et rend l'oreille sourde à

la voix de l'amitié. Oui , je la connais , la mort ;

je l'ai vue : — elle est pâle et livide », cruelle et

inexorable; ses traits sont hideux. Hélas! je ne

l'ai vue souvent que de trop près ! Elle est venue

souvent abattre inopinément à mes côtés les têtes

les plus chères, et la cruelle a toujours affecté de

rompre les liens les plus étroits qui m'attachaient

à la vie.

A entendre les sages du siècle , la mort est une

chose fort simple et fort naturelle. Puisque c'est peu

à peu que nous prenons notre accroissement, il faut

bien qu'arrivés au plus haut période de force et

de santé , nous déclinions xle même , et que nous

succombions enfin aux accidens de la vie , aux

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. • 2^1

maladies , à la misère , aux chagrins ou à la vieil

lesse. Mais si nous consultons la religion, elle nous

donne de tout autres notions touchant la mort.

Selon la religion , la mort est , pour ainsi dire ,

un accident contre nature, puisqu'il semble ne

point être entré dans le premier plan de la Divi

nité. Les livres saints disent formellement que

Dieu n'a point fait la mort , mais qu'elle est la

suite de l'abus que l'homme a fait de sa liberté.

La religion me paraît ici plus lumineuse que la

raison. Pourquoi , s'il n'y avait point eu de la

faute de l'homme , le Créateur , infiniment bon

et infiniment puissant , eût-il voulu que ses créa

tures , soumises à mille disgrâces sur cette terre ,

ne pussent être soustraites à leurs maux que par

une mort plus terrible encore? Dira- 1- on que

la mort est le passage nécessaire pour arriver à

une vie meilleure? Mais quelle apparence que le

Seigneur ait voulu choisir un passage aussi épou

vantable? — O mon Dieu! pardonnez à un esprit

inquiet et troublé ; je ne veux point scruter vos

jugemens profonds comme l'abîme. Je ne sais

quelle conduite vous eussiez tenue à l'égard de

l'homme , si l'homme n'eût point abusé de sa li

berté ; mais je ne saurais regarder la mort que

comme la suite d'un crime. Tout mon être frémit ,

toutes les puissances de mon âme sont ébranlées

à la seule idée de mort et de destruction. Ici , la

froide raison s'écrie nécessairement : Ah ! mieux

16

•2/\?. RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

eût valu n'avoir jamais existé ! — Etre sensible !

vous avez senti l'existence , vous avez admiré un

point de l'immense création , vous avez connu

Dieu et le bonheur, et vous allez rentrer dans le

néant!!! Le ver de terre lui-même se débat au

moment de quitter la vie.; comment l'homme qui

réfléchit ne reculerait-il pas , plein d'effroi , à l'ap

proche de la mort ? — Malheur donc à celui qui

demeure indifférent aux consolations du christia

nisme ! Par ses riches promesses et ses secours

puissans , la religion chrétienne est seule capable

d'adoucir l'amertume de cet effroyable passage

et de cette séparation désolante pour des êtres

sensibles.

Quand l'athée , quand l'incrédule , quand tous

les hommes pervers, qui font aujourd'hui vanité de

la prétendue force de leur esprit, se trouveront

tout à coup arrivés à ce terme fatal dont les con

séquences sont éternelles et infinies; à ce moment

le plus solennel de la vie , où toutes les illusions

du monde cessent , où il s'agit de s'enfoncer pour

jamais dans une nuit éternelle; alors leur âme,

effrayée à la vue de l'anéantissement, réclamera

avec instance la foi en Dieu et en une vie future.

Peut-être même que l'idée d'un Sauveur, tel que

Jésus ressuscité , leur paraîtrait alors consolante.

Mais une conscience chargée d'injustices et souillée

de crimes, un dernier effort d'orgueil, repoussera

l'idée d'un Dieu donnant une vie éternelle à ses

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

créatures. Il en résultera un conflit intérieur, le dé

chirement de l'âme , et ce désespoir que le pécheur

mourant peut seul éprouver !

Hélas ! la mort a des rigueurs , même pour

l'homme juste , même pour le chrétien. Il faut

qu'il s'arme d'un saint courage pour supporter

dignement cette dernière et rude épreuve de la

vertu. Il faut que sa confiance dans le Seigneur soit

sans bornes, pour que la vue d'une famille chérie,

qui se plaint de l'arrêt du ciel , ne parvienne pas

à l'ébranler !

Cependant la pensée de la mort , quelque lu

gubre et désolante qu'elle soit , a pourtant ceci de

salutaire qu'elle doit nous empêcher de la perdre

de vue. Elle dissipe puissamment les vaines illu

sions du monde ; elle nous fait juger sainement

des objets, et nous apprend à les apprécier tous à

leur juste valeur. Le souvenir de la mort qui range

tous les hommes sous le même niveau , et les fait

rentrer nus dans une poussière commune, quel

frein pour le vice , quelle digue contre les passions

coupables ! O mon Dieu ! où les hommes égarés

n'eussent-ils pas porté leurs atrocités , si cette mort

cruelle et juste ne venait souvent les arrêter au

milieu d'une carrière abominable!!! Que de ré

flexions de tous genres se présentent en ce moment

à mon esprit !

Après avoir médité sur les différens devoirs de

l'homme envers Dieu , envers lui-même et envers

244 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

la société , ainsi que sur les terreurs de la mort et

l'horreur qu'elle inspire nécessairement à la Nature,

que penser maintenant de ces frénétiques , de ces

monstres de lâcheté qui commettent un sacrilége

attentat sur leur propre existence, désespèrent de

la charité de leurs semblables et de la bonté du

Créateur, et outragent à la fois Dieu , la Nature et

l'humanité? Qu'en penser? Hélas! après ce duel

aussi horrible quefroid et prémédité , sans cesse

et toujours condamné par la raison éclairée , la

saine philosophie , la religion et la patrie , quoi

qu'un usage barbare et l'opinion des têtes faibles

l'approuvent et le préconisent ; après ce duel

abominable , dis-je , le suicide paraît ce qu'il y a

de plus atroce dans les crimes dont les malheureux

mortels peuvent se souiller ! — O ciel ! j'y vois la

réunion de tous les crimes, la violation manifeste

de toutes les lois divines et humaines , un mépris

formel de tous les devoirs de l'homme et de la

sainte voix de la Nature, une lâcheté , une témé

rité sans nom !

O mon Dieu ! réveillez donc dans le cœur de

créatures aussi nobles que le sont les hommes, des

sentimens plus grands et plus dignes de vous et

de leurs destinées immortelles !

Pour moi, Seigneur, j'ai la ferme confiance que,

soutenu par votre religion sainte et par tous les

bons principes , je pourrai supporter toutes les

épreuves de cette vie; que ma vertu sortira tou

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. %/\5

jours victorieuse de toutes les tentations ; que je

remplirai ainsi ma vocation sublime, et ne* quit

terai cette vallée de misère et de larmes que pour

recevoir la couronne promise à la persévérance.

J'espère même supporter avec courage la der

nière et terrible catastrophe de la mort à laquelle

je forme la résolution de me préparer chaque

jour de ma vie. Tout me la rappelle sur cette terre

de destruction , où tout se précipite sans relâche

vers la dissolution. Chaque pas m'y porte ; la

naissance est le premier pas vers la tombe , et l'on

meurt en quelque sorte à tous les instans de la

vie.—Ah ! si, jusqu'à la fin, j'ai pratiqué la justice ;

si ma conscience me rend, dans mes derniers mo-

mens , le consolant témoignage d'avoir bien rem

pli ma tâche ; surtout si , lors de mes dernières

agonies, ce Jésus, cet ami tendre, le seul qui de

meure fidèle jusqu'au delà du tombeau , m'ac

compagne , ah ! sans doute qu'alors je triompherai

de la mort , après avoir surmonté tous les autres

obstacles , et je ressusciterai glorieux en poussant

ce cri de l'immortalité : « O Mort! où est mainte

nant ta victoire ? où sont tes traits? qu'est devenue

ta proie ? — Tes traits sont émoussés , et tes ter

reurs ont été changées en rayons de gloire ! —

Béni soit celui qui m'a donné la victoire sur mes

passions, sur le vice , le malheur et la mort, par

Jésus-Christ ! Que ses miséricordes , sa bonté et sa

puissance soient exaltées à jamais ! »

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

"V\VW*%WWVWWVVWVWWWVtVWW\AA(VWWXW\VW

VINGT-HUITIÈME SUJET.

LE JUGEMENT.

Une vérité aussi importante qu'incontestable ,

c'est qu'après notre mort nous serons tous jugés

par le Seigneur. Rassemblés en sa présence, nous

rendrons tous compte du bien et du mal que nous

aurons opérés pendant notre séjour sur la terre.

Dieu doit à sa sainteté infinie de prouver authen-

tiquement , et à la face de toutes les générations ,

qu'il n'a point coopéré à l'iniquité , comme des

insensés ont osé Fen accuser ; qu'il n'a point été

Je complice du méchant quand celui-ci a prospéré

dans ses injustices , et qu'enfin tous ses jugemens

sont justes à l'égard des élus comme à l'égard des

réprouvés pour l'éternité. Pour nier le jugement ,

il faudrait nier aussi les peines et les récompenses

de la vie à venir , qui supposent un jugement

préalable; mais où est l'esprit assez pervers pour

oser soutenir que la vertu périt comme le vice, et

que le sort de l'homme juste et bon ne diffère de

celui de l'homme criminel que par les malheurs

et les souffrances qui sont d'ordinaire le partage

du premier sur la terre ?

Oui , il faut que tôt ou tard les crimes soient

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2^

punis, les injustices vengées, les torts et les scan

dales réparés, comme il faut que toutes les nobles

actions de la vertu soient enfin récompensées ,

et les généreux sacrifices reconnus publiquement,

avec appareil , et sous les jeux du Juge suprême !

autrement, Dieu ne serait pas Dieu I Et où l'in

nocence opprimée et écrasée sous les pieds du

tyran irait-elle donc , après une mort injuste ,

porter ses plaintes, s'il n'existait pas un tribunal

éternel ?

J'ai vu de grands désordres sur la terre , dit le

prophète ; j'ai vu le vice en honneur et la vertu

opprimée , et j'ai dit : Plus tard, le Seigneur ré

tablira l'ordre ! Cette conclusion est parfaitement

juste , et jamais un vrai philosophe ne prétendra

à la nier. Ce n'est donc point une illusion que ce

jugement dernier annoncé par l'Évangile ! Non ,

le jour du Seigneur arrivera nécessairement. Il

arrivera ce jour grand et formidable de la ma

nifestation des œuvres ! Quel spectacle imposant !

Jésus , le plus vertueux d'entre les enfans des

hommes , en qui réside corporellement toute la

plénitude de la Divinité • Jésus , le juge naturel

des vivans et des morts , paraîtra tout à coup

entouré de gloire et de majesté, accompagné de

toutes les vertus des cieux ! et la mémoire per

sonnelle de chaque individu sera comme un livre

où toute sa vie morale est écrite ! Tous les crimes

des mortels , depuis Adam , désobéissant à Dieu ,

BÉFLEXIONS ET SENTIMENS

jusqu'aux égaremens du dernier rejeton de sa race,

seront rappelés alors ! L'hypocrisie sera sans

masque, et la vertu sans fard ! Toutes les œuvres ^

de ténèbres seront produites au grand jour ; toutes

les actions basses et avilissantes , toutes les noir

ceurs , toutes les perfidies , seront dévoilées aux

yeux du Seigneur, en présence des esprits par

faits, immortels habitaus des cieux, et de tous les

hommes qui auront vécu sur la terre ! D'un autre

côté , la vertu sera exaltée , et toutes les actions

nobles et généreuses, cachées sous le voile de l'hu

milité , seront produites avec éclat pour l'honneur

de l'humanité ; chacun rect-ra enfin selon ses

œuvres. Alors, tous les êtres intelligens, depuis

l'ange le plus parfait jusqu'au plus obscur des mor

tels , s'écrieront d'un commun accord : « Oui, le

Créateur est juste autant qu'il est bon et miséri

cordieux ! Tous ses j ugemens sont remplis d'équité I

Gloire , louanges , actions de grâces , adoration à

l'Etre des êtres , et à Jésus , le fils de sa droite ,

pendant les siècles des siècles ! » — Les réprouvés

eux-mêmes se retireront sans murmurer! O

Dieu ! combien grand , combien imposant , com

bien terrible le jour où vous apparaîtrez pour

juger les hommes I Chaque individu des innom

brables familles du genre humain rendra compte

jusqu'à la dernière obole; le jugement de l'homme

pervers sera un jugement de rigueur , et les jus

tices elles-mêmes seront jugées !!!

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

Homme infortuné ! tu fus sur la terre le fléau

de tes semblables , injuste , inhumain , dur ,

atroce, le persécuteur de l'innocent, l'oppresseur

du faible , un meurtrier, un usurier, un monstre !

que deviendras-tu dans le moment épouvantable

où tu seras amené en la présence du Seigneur?

Hélas ! tu ne pourras pas même supporter les

regards des justes !!! Et toi, dont la gloire ici-

bas consiste dans le libertinage , l'impiété , l'in

crédulité , dans le matérialisme et l'athéisme ,

quels seront tes sentimens quand tu te verras un

être immortel en relation avec le Dieu éternel ?

Alors il ne te restera qu'à t'écrier avec fureur et

désespoir : Je me suis donc trompé !!! et c'est

d'une éternité qu'il s'agira !

Si les jugemens des hommes eux-mêmes, les

jugemens des faibles et injustes mortels, sont déjà

tellement rigoureux et formidables , que Jes cri

minels pâlissent devant les tribunaux , jusqu'à

s'évanouir quand la loi prononce leur sentence

de mort ! quelle crainte , quelle frayeur , quel

désespoir ne saisira donc pas le malfaiteur qui se

verra en même temps accusé , convaincu et con

damné par le Juge suprême , et par sa propre

CONSCIENCE !

Dieu de bonté ! je ne puis m'arrêter plus long

temps à ces pensées lugubres , à ces jugemens

funestes que vous prononcerez vous-même avec

une douleur profonde ; actuellement un spectacle

25o RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

consolant se présente à mes yeux : je vois cette

légion brillante des bienheureux , des bénis du

Père céleste , invités à partager la gloire immor

telle. Cette vue est capable de rassurer mon âme

effrayée , de ranimer ma foi , mon courage et mon

espoir.

Le corps des hommes assez généreux pour user

d'une manière noble de leur liberté , qui non-

seulement auront évité le mal , mais se seront

exercés dans la pratique de tout bien, sera re

vêtu de lumière , comme celui de Jésus sur le

mont Thabor. Plus de corps terrestre, mais un

corps céleste, glorieux et incorruptible comme

celui du Seigneur après sa résurrection ! La tête

de ces hommes nobles et vraiment grands, sortis

vainqueurs de toutes les faiblesses et de toutes

les passions humaines, sera ceinte du laurier de

l'immortalité ; ils continueront de marcher de

vertu en vertu , de gloire en gloire , de bonheur

en bonheur , pendant toute l'éternité ! O mon

Créateur ! quel saint enthousiasme s'empare de

moi ! De quel saint transport mon âme est ravie ,

quand je pense à la destinée glorieuse de l'homme

juste ! à cette félicité préparée par votre toute-

puissance à vos élus ! Quel heureux changement ,

par la suite , dans tout mon être , si je suis fidèle I

Que l'incrédule préfère l'anéantissement , qu'il se

compare tant qu'il voudra à la brute, je n'envie

point un tel sort ; son espoir n'excite point mon

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 25 1

envie : je le plains , au contraire , car mon es

poir est plus riche , il est divin , il est éternel !

Seigneur , vous voyez que mon âme a osé at

teindre jusqu'à vous , qu'un rayon de votre gloire

l'a pénétrée : ah ! n'anéantissez jamais un être

sensible qui commence à se faire une idée du

vrai bonheur! anéantissez plutôt ces âmes stu-

pides qui affectent de vous méconnaître , parce

qu'elles désespèrent de votre bonté et de votre

puissance. Je renouvelle ici solennellement la pro

testation de ne me rendre jamais indigne du bien

fait de l'existence ! Jésus m'a enseigné le chemin

de la perfection et de la vraie félicité qui réside

en vous; par lui je veux participer à vos bontés;

par lui je continuerai à triompher de tous les

obstacles que#la vie de ce monde m'oppose, et

enfin j'en sortirai vainqueur , comme un athlète

sort de l'arène pour être couronné. Pour y par

venir , il faut , je le sais , avoir généreusement

combattu , il faut s'être montré partout plus grand

que le malheur. Dans cette intention , et dès ce

moment, je m'attacherai à porter des fruits de

charité , d'humilité , d'abnégation , de douceur ,

d'affabilité , de condescendance , de justice , de

vérité , de patience , de résignation , de zèle et

d'amour ! Oui , dès ce moment je ferai servir

toutes les circonstances de ma vie , la prospérité

iinssi-bien que l'adversité, à me rapprocher tous

les jours davantage du degré de perfection que

252 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

vous exigez de ceux qui doivent être vos éternels

amis.

Quel puissant encouragement pour toutes les

vertus , quelle barrière épouvantable opposée au

crime , que cette attente de peines et de récom

penses , en présence des esprits immortels , au

grand jour de la manifestation des œuvres ! Com

ment une main impie et sacrilége a- t-elle entre

pris d'arracher de tous les cœurs cette foi salutaire,

le garant le plus assuré de la paix , du bonheur

et de l'espoir de la terre ? Comment une sagesse

insensée a-t-elle osé mettre en problème l'immor

talité de l'homme , et couper ainsi dans sa racine

ses plus chères, ses uniques espérances? Comment

a-t-on pu confondre le bien et le mal , le vice et

la vertu , la vérité et le mensonge , l'homme juste

et le criminel ? Quelle audace dans la profanation

de l'image de la Divinité dans ces créatures nobles

qui participent à sa nature , à sa science et à sa

liberté éternelles ?

Puissent nos malheurs au moins nous instruire !

puisse la génération nouvelle recueillir un exemple

salutaire de celle qui passe , et n'a fait , au milieu

de ses égaremens , que languir et que gémir !

O Dieu éternel et immuable ! je tremble quand

je pense que le sort des hommes mortels dépend

autant d'eux - mêmes que de vous ! Mais enfin ,

ils sont libres , ils sont intelligens ! ils ont Jésus

pour guide efepour modèle! Votre toute-puissance

SCR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 253

n'eût pu faire plus pour le bonheur de vos créa

tures. Aucun homme , aucune nation , aucun

monde , ne peut vous rendre responsable de ses

malheurs.

254 . RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

VINGT-NEUVIÈME SUJET.

LE BONHEUR ET LE MALHEUR ÉTERNELS.

C'est ici , ô Dieu , Dieu créateur! que ma raison

confondue et consternée, autant que faible et obs

cure , doit se taire et adorer en silence ! Le mal

heur éternel d'une des créatures sorties de vos mains

toutes-puissantes , c'est , à mes yeux , le plus grand

et le plus profond des mystères de votre religion

sainte! Cependant la foi chrétienne m'apprend

cette vérité désolante d'une éternelle réprobation ,

comme elle m'enseigne les vérités les plus conso

lantes pour l'homme. Le même Évangile, la même

parole divine annoncent le salut et le malheur

éternels. Et le philosophe , idole de son siècle, n'a

osé nier absolument les remords et les peines sans

fin du méchant : il s'est contenté d'avouer son

ignorance à cet égard , et d'exprimer un doute ,

non moins effrayant, je l'ose dire, que la foi du

chrétien ! — Dois-je donc m'étonner , Seigneur ,

de vos grandes mesures pour le salut de tout le

genre humain?

Je ne séparerai point ces deux grands sujets ,

du bonheur et du malheur éternels , pour ne point

désespérer de la bonté infinie du Créateur , en

m'occupant exclusivement de sa justice.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. ^55

En considérant attentivement ces grandes véri

tés , ces vérités dignes d'une éternelle méditation ,

je ne puis m'empêcher de me dire en moi-même :

« Non , on ne traite point aussi légèrement les

» choses de Dieu ; on ne se moque pas aussi im-

» punément de l'Etre éternel , que les impies et

» les libertins du siècle croient pouvoir le faire !

» Le nom seul du souverain Modérateur des cieux

» est sacré et adorable ! Dieu fait tout en Dieu !

» Il s'est montré Dieu dans sa création , il s'est

» montré Dieu dans son amour : puis-je m'étonner

» qu'il se montre aussi Dieu dans ses châtimens et

» ses récompenses ? — O mon Créateur ! vous êtes

» grand ! vous saurez garder votre rang pendant

» toute l'éternité, et vous ne céderez jamais votre

» gloire k un autre ! »

Qu'elle est étonnante cette manière sublime,

autant que vraie, dont Je législateur d'Israël parle

de ces grandes vérités qui justifient la sagesse

éternelle aux yeux de la raison ! Voici comment

Moïse fait parler le Créateur lui-même, à l'égard

du bonheur et du malheur éternels : « Mortels , je

» prends aujourd'hui à témoins le ciel et la terre

» que j'ai mis devant vos yeux la vie et la mort, la

» bénédiction et la malédiction : choisissez donc, et

» choisissez la vie , afin que vous viviez éterneïle-

» ment , vous et vos desGendans 1 S'il vous paraît

» trop dur de servir le Seigneur votre Dieu, voyez

» ce que vous avez à faire , et à quoi vous voulez

256 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

» vous résoudre. Je vous ai créés intelligens et

» libres ! Voyez donc à qui vous voulez vous at-

» tacher. » •

D'après cet oracle , nous pouvons dire , avec vé

rité , que Dieu ne sauve ni ne damne les hommes

selon une volonté arbitraire de sa part ; mais que

les hommes eux-mêmes se saisissent des récom

penses éternelles, ou se précipitent librement dans

l'éternel abîme. Dieu n'a fait autre chose qu'atta

cher le remords et l'infortune à la poursuite du

crime, et semer le bonheur sur les pas de la vertu.

Qui donc oserait dire qu'il n a point agi selon les

règles de la sagesse éternelle ?

Ayant une fois résolu de créer des êtres libres et

intelligens comme il l'est lui-même, le Créateur a

été forcé d'admettre aussi toutes les conséquences

que pouvait entraîner le mauvais usage de ce don si

magnifique de la liberté qui est une participation

de la nature divine. Et le misérable lui-même , qui

se perd éternellement, ne pourra demander sans

blasphème pourquoi le Seigneur l'a créé intelli

gent et libre ! car ces qualités sont les présens les

plus riches que le Tout-Puissant peut accorder à

une créature.

L'âme sensible de quelques écrivains eût désiré

qu'après cette vie il y en eût une autre dans la

quelle on pût encore mériter et démériter , afin

d'y pouvoir réparer les fautes commises dans celle-

ci. Cette charité ingénieuse est sans doute bien

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2^

respectable ; mais malheureusement elle ne tranche

point la difficulté , elle ne fait qu'en reculer la so

lution. Ceux qui, dans cette seconde vie, au lieu

de réparer leurs fautes, en commettraient de nou

velles , finiraient toujours par prendre irrévoca

blement la route de l'éternel malheur devant lequel

tremble la raison des faibles humains.

Pour moi , ô mon Dieu ! quoique terrifié à la

pensée de l'éternelle perdition , j'adore cependant

votre justice divine , et je bénis votre bonté et

votre miséricorde infinie dans la grande mesure

de la rédemption. Et quel philosophe serait assez

aveugle pour ne point envisager avec un saint res

pect les souffrances , les humiliations , les maximes

et les exemples de Jésus-Christ , de cet Homme-

Dieu , de cette victime sanglante de la perversité

humaine, offerte si douloureusement en sacrifice

de propitiation , malgré l'effroi dont ces vérités

frappent une faible raison ? Oui , dès ce moment

je dois m'écrier , comme feront un jour tous les

esprits créés , même les réprouvés pour l'éternité :

« Le Créateur est juste; sa sagesse est sans bornes ;

sa miséricorde est infinie, et sa bonté sera toujours

la même ! Tout ce qu'il a fait est bien fait , et tout

ce qu'il a ordonné est sagement ordonné. Gloire,

honneur et louanges au Seigneur! »

Je me garderai bien de vouloir scruter aujour

d'hui les secrets de la justice éternelle, relatifs à

ceux qui auront abusé de leur liberté pour se

'7-

a58 RÉFLEXIONS ET SliXTIMENS

perdre. Tout ce que je sais , c'est qu'éloignés du

Créateur et des esprits bienheureux, ces infortunés

ne voudront jamais plus entendre parler de lu

mière , de vérité , de vertu , de gloire , ni de bon

heur pendant l'éternité!!! Homme sensible, faites-

vous une idée , si vous le pouvez , d'un malheur

auquel l'anéantissement serait mille fois préfé

rable!!!

Cependant, gardez -vous bien d'interroger le

Très-Haut sur l'adoption d'un système qui expose

ses créatures à encourir l'épouvantable châtiment

de regrets inutiles et éternels ! Car , n'y eût - il

même qu'un seul juste qui fît servir sa liberté à

sa perfection et à son suprême bonheur, Dieu

serait encore en droit de créer notre univers ,-

puisqu'un seul juste, qui se sauve, vaut infiniment

plus que tous les lâches qui se damnent.

La condamnation est une suite nécessaire du

crime. Avez -vous commis un attentat horrible,

un affreux parricide : eh bien ! cette action sera

éternellement présente à votre mémoire, et le re

mords vous tourmentera éternellement! Il ne dé

pend plus de Dieu que le crime n'ait point été

commis : vous n'avez pas le droit, non plus, de lui

demander qu'il vous prive de votre mémoire , de

vos remords , ni de votre existence. Et , en sup

posant même que le Ciel puisse vous pardonner,

EST -IL BIEN DANS LA NATURE DES CHOSES QUE VOUS

PUISSIEZ VOUS PARDONNER VOUS-MÊME ? .

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 25g

Au surplus, si l'idée d'un éternel malheur effraie,

le ciel , la félicité éternelle tont le contre-poids

consolant de cette vérité terrible ! Dieu récom

pense comme il punit ! Détournons donc nos re

gards stupéfiés à l'aspect de cette justice infinie

du Seigneur , et contemplons sa bonté et sa ten

dresse, auxquelles il semble attacher lui-même le

plus de prix. O Dieu ! vos merveilles à l'égard de

l'homme vertueux sont pareillement incompré

hensibles : l'œil n'a point vu , l'oreille n'a point

entendu , et le cœur de l'homme ne saurait com

prendre maintenant ce que vous avez préparé pour

vos élus. Tout ce que nous savons , c'est que vous

êtes tout-puissant, et que vous épuiserez , en quel

que sorte , vos trésors éternels pour récompenser

dignement la vertu !

En cherchant quelquefois à me faire une idée

du vrai bonheur , je me représente un état de paix

et de tranquillité dans lequel on ne connaît plus

la douleur , les peines , les soupirs et les larmes.

Ame faible ! ce ne sont encore là que des absences

de maux , et non la félicité réelle que le Seigneur

a mise en réserve dans les trésors de son infinie

puissance pour le bonheur d'une créature sensible!

Quand je considère tout ce que nous avons à

souffrir ici-bas, cette misère qui nous touche , cette

pauvreté qui tend la main ; lorsque j'entends parler

de ces guerres abominables, de ces dissensions , de

ces haines , de ces persécutions , de ces injustices

»7-

260 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

dont, sur la terre, le sang et les larmes qui coulent

par torrens , sont 1 infaillible et cruel résultat ;

lorsque je rencontre ces machines épouvantables ,

inventées pour la destruction, et que les cris confus

de la douleur et du désespoir parviennent jusqu'à

moi, je me dis : O Dieu! que l'échange du Ciel

contre cette malheureuse terre sera doue heureux !

Hélas! un vaste cimetière engloutit ici les géné

rations à mesure qu'elles naissent ! ici , l'homme

fait, sur une plage déserte, ses préparatifs pour

le vojage de l'éternité ! Dans le Ciel , en présence

du Créateur , au milieu des esprits parfaits, dans

la compagnie de toutes ces personnes chéries sur

les tombes desquelles je pleure aujourd'hui , la

félicité éternelle se dévoilera tout entière à mes re

gards ! Que de sensations nouvelles ! Quel torrent

de délices inconnues ! Que de scènes divines pré

sentera l'Étemel , béatifiant ses créatures par la

vue de toute vérité ! Notre univers , avec toutes

les richesses que la main du Seigneur y a étalées,

n'est qu'un point imperceptible dans l'immensité

des domaines célestes ! O mon Dieu ! ! !

SUR DIVEHS SUJETS DE RELIGION. 26 I

WVVWWV-VWW>^VVWVW\WWWVWWVAVVW'VVAVVVVV VWkwwvwwwwuw

TRENTIÈME ET DERNIER SUJET.

OBSCURITÉS ET MYSTÈRES DANS LA RELIGION ET DANS LA

MORALE.

Pourquoi Dieu est-il un Dieu caché? Pourquoi

ces mystères impénétrables el ces difficultés inso

lubles dans la religion et la morale ? Pourquoi ces

ténèbres qui enveloppent l'esprit humain , et en

tourent le flambeau de la foi lui-même ? Pour

quoi enfin ces choses inconcevables dans l'Evan

gile et le» autres Ecritures divines? Toutes ces

questions, l'incrédulité a cru les faire tourner à son

avantage. Le vrai philosophe, cependant, et le

vrai métaphysicien , comme le chrétien éclairé ,

trouvent ces dispositions , non-seulement sages ,

mais nécessaires dans la nature même des choses.

Je ne m'arrêterai point aujourd'hui à cette con

sidération générale que , dans tout ce qui touche

l'éternel Créateur, il doive y avoir toujours, et né

cessairement , des choses incompréhensibles pour

ses créatures , quand bien même celles-ci auraient

été créées mille fois plus parfaites ; puisqu'alors ,

elles auraient peut-être pu découvrir aussi mille

fois plus de difficultés. Je ne remarquerai pas

non plus que , s'il est vrai que les ténèbres cou

vrent notre esprit et enveloppent la religion, c'est

262 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

à nous-mêmes à les dissiper autant qu'il est pos

sible , puisqu'il n'y a pas moins de mérite à trou

ver la vérité cachée qu'à surmonter les passions et

à corriger les autres faiblesses de la Nature ; et que

nous devons opérer nous-mêmes notre perfection

sous tous les rapports, sous celui de la connais

sance de la vérité comme sous tous les autres. Mais

j'entrerai, en ce moment, autant que la force de

la raison humaine le permet, dans le fond même

de toutes ces questions de l'incrédulité , point es

sentiel qui peut fixer mes incertitudes etme rassurer

dans ma foi.

Rien ne me paraît moins philosophique que ces

plaintes éternelles des prétendus sages du siècle, re

latives aux mystères et aux choses inconcevables

qui se rencontrent à chaque pas dans la religion.

Ces difficultés , ces obscurités , sont absolument

nécessaires , non-seulement à cause de la nature

même d'un être borné, mais aussi pour conserver

à cet être une liberté intacte.

En effet, comment concevrai-je le mérite et le

démérite de l'homme, point sur lequel toute mo

rale et toute religion repose , si ce n'est par une

liberté pleine , entière et parfaite dans ce même

homme ; par une volonté si indépendante de sa

part, et si absolue, que dieu lui-même ne puisse

plus le gêner ni le contraindre en aucune ma

nière dans sgs actions ?

Et comment concevrai-je cette liberté pleine y

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2Ô3

entière et parfaite, et cette indépendance de vo

lonté , telles qu'elles sont requises pour que le bien

et le mal moral soient attribués individuellement

à l'homme, sans ces mystères, ces obscurités et

ces choses inconcevables qui offensent la sagesse

du siècle dans la religion , la morale et surtout dans

l'Evangile? Une vue trop claire dans les choses de

Dieu, ne diminuerait-elle pas évidemment la li

berté de l'homme , et par-là même la bonté ou^a

malice de ses actions? N'anéantirait-elle pas né

cessairement le mérite et le démérite? Oui, il est

indispensable quel'homme soit placé partout entre

des infinis , pour être libre. Il faut que le Créateur

se soit entièrement retiré, et pour ainsi dire caché

sous le voile du mystère ; sans cela , point de li

berté!

Un exemple rendra cette vérité frappante. Si

un voleur ou un meurtrier , familiarisé avec le

crime, venait tout à coup à apercevoir la hache de

la justice suspendue d'une manière visible sur sa

tête , et prête à chaque instant à tomber sur lui au

premier écart, il ne pourrait plus ni voler ni as

sassiner; et il n'en serait pas pour cela plus hon

nête homme. De même, si une personne qui fait

le bien , avait toujours devant les jeux une récom

pense riche , capable d'éblouir et absolument cer~

taine , ses bonnes actions perdraient beaucoup de

leur mérite, au jugementmême de tous les hommes.

Faisons donc l'application à la religion chré

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

tienne de vérités si universellement reconnues. Si

l'abîme de l'éternelle perdition était ouvert sous

nos pas, comme l'est un gouffre terrestre, et que

nous vissions avec autant de clarté la liaison d'un

malheur éternel avec le péché , que nous voyons le

danger de mort d'un homme qui se précipiterait

dans ce gouffre , sans doute que nous ne commet

trions plus aucun péché ; nous n'en pourrions même

plus commettre , et nous n'en serions pas pour cela

plus louables. Si , d'un autre côté, une main vi

sible nous présentait incessamment du haut du ciel

la récompense de chaque bonne action que nous

faisons, ou que, par un autre miracle éclatant ,

qui aurait lieu tous les jours sous nos propres

jeux , Dieu voulait bien nous encourager dans la

pratique de toutes les vertus chrétiennes ; nous ne

pourrions plus nous empêcher d'être vertueux ; et

nous n'en aurions pas pour cela plus de mérite.

Il est donc indispensable que la religion, que la

morale, que l'Evangile lui-même, soient envelop

pés du voile mystérieux de la foi. Aucun vrai philo

sophe n'en pourra jamais disconvenir. C'est évi

demment , par une disposition aussi sage , que

notre liberté demeure intacte ; que le bien , le mal ,

le vice , la vertu , la connaissance de la vérité ou le

mensonge, et, par suite, la perfection ou la dé

gradation , bases du bonheur et du malheur , sont

individuellement notre ouvrage ; et j'oserais pres

que avancer qu'il y a une proportion géométrique

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2Ô5

entre les lumières et les ténèbres que nous trouvons

dans la morale et la religion. Si Pascal , Leibnitz ,

et une infinité d'autres, dans les différentes sectes ,

avaient bien réfléchi sur cette vérité , ils auraient

parlé plus clairement qu'ils n'ont fait de la liberté

morale de l'homme , et l'on n'aurait point avancé ,

d'un côté, des systèmes ridicules, et, de l'autre,

des assertions horribles.

Il ne faut donc pas nous attendre à ce que l'on

parvienne jamais , ici-bas , à dissiper toutes les té*

nèbres, à résoudre toutes les difficultés philoso

phiques , ni à lever tous les doutes en matière de

morale et de religion, moins encore qu'en toute

autre. La liberté de l'homme en serait visiblement

altérée. Quel que soit le degré de perfection au

quel l'espèce humaine puisse atteindre, i| restera

toujours pour nous des mystères impénétrables.

Les sciences exactes elles-mêmes conserveront les

leurs; et cette perfectibilité illimitée, qui a tant

enthousiasmé les sages des derniers temps , n'est

point le partage de l'homme sur cette terre. Lhomme

immortel , le moi impérissable , cette âme , en un

mot , que l'on voudrait méconnaître , en est seu

lement susceptible , dans une vie qui s'étend au

delà du tombeau. Ici-bas, nous resterons toujours

placés entre les infinis. Dieu a voulu être un Dieu

caché; et il a du l'être, jusqu'au grand jour de

la manifestation , où nous ne le verrons plus idéa

lement , mais face à face.

a66 RÉFLEXIONS ET 5ENTIMEWS

Et ici , admirons la force du génie divin et la

profondeur de l'esprit créateur , qui ont agi dans

l'arrangement de l'univers : comment Dieu a tout

admirablement combiné dans son plan pour laisser

à l'homme la plénitude de sa liberté, afin d'attei ndre

le grand but de la religion! Des esprits intelligens

sont unis à la matière organisée, pour ménager un

lien entre la nature purement animale, et entre le

monde des intelligences qui se rapprochent davan

tage de la nature de l'Etre incréé. L'homme , orné

d'une âme intelligente , fait rentrer, d'une manière

presque imperceptible, la chaîne des êtres composés

de corps et d'esprit, dans le règne, si je puis user

de ce mot, des intelligences pures; règne immense

sans doute, et infiniment plus riche que ceux que

nous connaissons et qui se donnent si admirable

ment la main. Qui donc oserait dire que l'homme

est le dernier anneau de la chaîne dei êtres créés?

Cependant, quelque merveilleuse que soit la Na

ture, tout y est combiné avec tant de simplicité,

que l'homme puisse absolument s'aveugler au point

de méconnaître l'Architecte éternel, le Dieu de vé

rité et de justice, qui récompense et qui punit,

lorsque cet homme veut se laisser aller à tous les

désordres d'un cœur corrompu. C'est alors qu'il

dit en entrant dans l'abîme : Dieu n'est pas !

• Tandis que l'homme juste et vertueux, qui cherche

le royaume de Dieu avec sincérité et simplicité de

cœur, trouve l'image de son éternel Bienfaiteur

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 207

empreinte sur tous les objets de la Nature, et recon

naît partout la main paternelle de la Providence !

Le mode que Dieu a choisi pour la propagation

du genre humain , démontre aussi clairement ses

desseins à l'égard de la liberté de l'homme. Nous

arrivons sur la terre, et nous nous trouvons placés

au milieu de la société , sans nous en apercevoir.

Ce n'est qu'à un certain âge , et lorsque notre raison

commence à se développer, que , frappés de la mer

veille de l'e;;istence , nous nous disons tout à coup

en nous-mêmes : D'où viens-tu ? Qui es-tu ? N'est-il

pas évident que le but de Dieu, dans cette conduite,

a été de laisser les hommes livrés à leur propre vo

lonté?— Si nous sortions tous d'entre les mains du

Créateur dans l'état de l'homme parfait, comme

en sortirent nos premiers païens , notre surprise

serait trop grande, et il nous serait impossible de

méconnaître l'Auteur de nos jours. Mais non, Dieu

est resté derrière le voile, et nous sommes entière

ment livrés à nous-mêmes. Il arrive de là que celui

qui consulte sans prévention la lumière de sa raison,

et qui n'a aucun motif de nier l'existence de Dieu,

ne doute jamais un instant qu'il ne soit la créature

de l'Etre éternel : cette vérité lui paraît évidente ;

il ne considère ses parens que comme un instru

ment aveugle entre les mains du Tout-Puissant;

tandis que l'homme criminel ou le philosophe or

gueilleux soutiendra que c'est le hasard qui a tout

fait, et qu'il provient lui-même d'une chaîne

2Ô8 JtÉFLF-XIONS ET SKNTIMENS

d'êtres prolongée jusqu'à l'infini. Il en arrive en

core que celui-là, dont la conscience est pure et la

volonté droite reconnaîtra la différence du bien et

du mal jusqu'aux plus petites nuances, pendant

que l'incrédule, qui s'est aveuglé sur les choses di

vines, et l'homme coupable que le remords agite,

s'efforceront de prouver que toutes les actions sont

indifférentes en elles-mêmes. 11 en arrive , en un

mot, que, d'un côté , Vhomme peut s'éle\>er à

un degré de perfeetion morale illimité ; tandis

que , de l'autre , il peut effacer dans son esprit

et dans son cœur jusqu'aux traces des vérités

les plus claires , des notions les plus communes ,

et des sentimens les plus distinctifs d'un être-

sensible.

Jésus-Christ , la preuve vivante et palpable de

l'existence du Dieu caché; Jésus-Christ , la sagesse

incréée , a également , dans la prédication de son

Evangile , eu soin de se conduire de manière à ne

porter aucune atteinte à la liberté de l'homme. Il

s'est abstenu d'écrire lui-même , sans doute pour

laisser plus de latitude à la foi et plus de mérite

à la vertu du chrétien. S'il eût voulu rédiger par

lui-même le code sacré qui nous dirige , il l'eût

fait nécessairement d'une manière parfaite , au

point que l'incrédule eût été condamné au silence

le plus absolu, et dès lors il eût détruit la liberté des

hommes, puisqu'alors il eût fallu être insensé pour

ne se pas régler en tout sur l'Evangile. Et , en

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 26y

général , si tous les miracles qu'il a opérés étaient

plus frappons pour nous qu'ils ne le sont au

simple récit d'hommes droits , nods serions moins

libres, et moins propres à mériter et à démériter.

Voilà pourquoi Jésus-Christ déclare à saint Tho

mas qu'il est moins heureux que ceux qui croi

ront sans avoir vu , de leurs propres yeux , les

miracles multipliés dont il avait été le témoin,

parce que ceux-ci avaient ôté toute espèce de mé

rite à sa foi.

Cette balance de la liberté de l'homme établie

par le Créateur , balance indispensable pour le

mérite et le démérite , résultat , en partie , des

obscurités , des mystères , des difficultés insolubles

et des choses inconcevables qui se trouvent dans

la religion et la morale, est demeurée si parfaite

jusqu'au dix -huitième siècle, malgré les raison-

nemens et les écrits des plus beaux génies qui ont

orné l'espèce humaine , et même , ce qui est

admirable , malgré les éclatantes lumières de

l'Evangile de Jésus- Christ , que des écrivains

hardis , aidés de malheureuses circonstances de

temps et d'abus, sont encore parvenus à entraîner

un grand nombre de leurs malheureux contem

porains jusque dans l'abîme de cette incrédulité

presque absolue qui ose mettre en problème l'im

mortalité de l'homme , la différence essentielle

entre le bien et le mal , et l'existence même de

l'éternel Créateur !

37O RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Quoique l'esprit humain s'égare nécessairement

quand il veut scruter jusqu'à la nature et l'es-

cence des choses , et surtout des choses divines ,

il me semble cependant que la raison doit acquies

cer à cette manière d'expliquer les desseins de

Dieu à l'égard des mystères que la philosophie du

jour regrette de voir dans la morale et dans la

religion. Mais, en général, quand notre esprit

trouve des bornes , nous devons être assez francs

pour les reconnaître, et savoir nous écrier avec

l'Apôtre : O profondeurs impénétrables de la

science et de la sagesse du Seigneur !

Mon Créateur et mon Dieu ! Modérateur su

prême des cieux et de tous les mondes ! Dieu ca

ché et incompréhensible ! donnez-moi, je vous en

supplie , cette simplicité de foi qui caractérise vos

plus humbles serviteurs. Je crois que je m'égarerai

plus difficilement avec eux qu'avec les prétendus

sages du siècle. Faites, surtout, qu'au lieu de perdre

souvent un temps précieux à scruter des points

obscurs qui sont et qui nécessairement ont du

être placés au-dessus de l'entendement hu

main , je me fasse plutôt souvent ces questions :

Suis-je devenu meilleur depuis une telle époque ?

Suis-je plus content de moi-même ; ai-je plus

de raison de l'être ? Le Créateur peut -il être

satisfait de mes efforts dans la pratique de

toutes les vertus ? Que voudrais-je avoir cru ,

que voudrais-je avoirfait à Vheure de ma mort ?

SDB DIVERS SUJETS DE RELIGION. a^I

De combien me suis-je rapproché , depuis un

tel temps , de la perfection et du vrai bonheur

qui en est inséparable ? Ces réflexions , bien

méditées , me seront plus profitables mille fois,

que si je parvenais à expliquer tous les mystères.

DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.

A CÉLESTINE.

En s'adressant à la jeune personne et à la femme

chrétiennes, on devrait être naturellement dispensé

de leur parler d'autre chose que des divers senti-

mens de piété et de dévotion , puisqu'on ne sau

rait les supposer étrangères aux premiers principes

de toute religion, sans les soupçonner en même

temps capablesdes plus grands écarts . Cependan t , il

faut malheureusement le dire, nous sommes tombés

si bas dans ce siècle d'incrédulité, qu'il est devenu

nécessaire de ranimer jusqu'aux principes fonda

mentaux de la vraie morale, dans le cœur même de

la femme , de la jeune chrétienne et de l'enfant !

L'esprit d'irréligion , semblable à un torrent qui

grossit à mesure qu'il avance, entraîne notre siècle

dans l'abîme , avec une force pour ainsi dire ma

gique! Quel charme secret peuvent donc avoir,

pour le cœur humain , le doute , l'incertitude et

l'incrédulité?Quel plaisir inexplicable peut-ou trou

ver à renoncer à tout espoir ?— Tel est cependant

le délire qui s'est emparé des nations. O Dieu I

quand permettrez-vous que le sort de votre reli-

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2^3

I

gion sainte soit moins précaire sur la terre ? Com

ment lui rèndra-t-on quelque éclat? Quand pourra-

t-elle faire sentir à l'univers l'influence salutaire

qu'elle exerce nécessairement sur le bonheur gé

néral? — Quel siècle que celui où l'on est réduit

à entendre les personnes même du sexe, non-

seulement dansles villes, mais dans les hameaux ,

nier froidement l'existence d'un Etre suprême ,

ou, du moins, la vérité d'un avenirpour l'homme !

où de nouvelles pyrrhoniennes révoquent en doute,

les uns après les autres, les plus grands principes

de la religion et de la morale ! Comment un peuple

voudrait-il se flatter de conserver ses mœurs, lors

que les bases mêmes de toute morale, de toute re

ligion sont détruites jusque dans le cœur de la

femme et du faible enfant ?

Je ne crains pas de le dire, elles sont générale

ment ébranlées sur la terre. Sous le prétexte de

tirer les peuples du fanatisme, on les a plongés

dans un abîme plus effrayant! 11 est devenu urgent

de poser partout, et dans tous les cœurs, de nou

veaux fondemens aux mœurs sociales , si l'on dé

sire que l'ordre puisse se rétablir, et la félicité

publique renaître. *

Je sais , Célestine , que vous avez été assez sage

et assez sensée pour ne point sortir, jusqu'à pré

sent, du cercle dans lequel votre sexe est partout

circonscrit. Vous avez conservé jusqu'à ce jour cette

simplicité de foi , cette religion non raisonneuse ,

18

2^4 RÉFLEXIONS ET SENTIMEN3

si recommandai )les dans des âmes naturellement

timides et faibles , en général bien éloignées de

pouvoir s'ériger en arbitres de la foi, ou se donner

pour juges compétens des principes religieux. Ce

pendant, comme vous êtes destinée à vivre dans

un monde véritablement égaré , et qui , évidem

ment, dans ses relations avec le Créateur , ne saj^

plus ce qu'il doit adopter; dans un monde devenu

trop semblable à un vaisseau sans ancre, sans pi

lote et sans boussole , et qui ignorerait le port

même où il doit aborder, vous ne serez point éton

née si je vous engage aussi à vous pénétrer des

divers sujets de réliexions sérieuses soumises à

l'examen de tous les chrétiens pour vous prémunir

contre le malbeur , je ne dirai pas d'une incrédu

lité absolue, vous en êtes incapable, mais même

dun doute vague dont votre esprit, n'ayant pas

la force de se préserver, vous rendrait criminelle

peut-être , mais malheureuse très-certainement le

reste de vos jours. Croyez-moi , la religion et ses

puissantes- consolations vous sont indispensables

pour avoir la force de supporter toutes les épreuves

de cette vie, qui, malgré la délicatesse et la fai

blesse de votre sexe, semblent vous atteindre d'une

manière plus particulière.

Affermissez-vous donc dans la foi de ces grandes

vérités , bases éternelles de toute morale , quel que

soit le tourment de l'incrédulité pour les ébranler :

^— l'existence de Dieu; — sa providence pleine de

SCR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2j5

sollicitude , qui veille à nos moindres besoins et

sur nos moindres démarches ; — l'immortalité de

l'homme ; les peines et récompenses futures; —

la divinité de la religion et dela morale de Jésus-

Christ, et la confiance inébranlable que par lui

seul l'homme est conduit au vrai bonheur.... At

tachez-vous irrévocablement à la foi de vos pères

et de tous les vrais chrétiens. Vous vous égarerez

plus difficilement avec cette société antique et

respectable, que vous ne feriez avec les prétendus

sages du siècle, fort embarrassés de nous assigner

aujourd'hui même un seul principe sur lequel ils

puissent s'accorder ; fussiez-vous même dans l'er

reur, vous seriez excusable de vous être égarée avec

l'univers chrétien !

Epurez vos sentimens religieux , et adoptez à

cet égard une conduite aussi noble que ferme. Re

noncez à toute petitesse , à toute superstition , à

toute observance inutile et puérile ; mais soyez

d'autant plus exacte et plus inébranlable dans tout

ce qui tient essentiellement à une religion pure ,

à un christianisme éclairé. Par une conduite irré

prochable forcez l'impiété elle-même à vous res

pecter; autrement vous ne parviendrez jamais à la

possession de cette approbation publique et de ce

témoignage si précieux dç votre propre conscience,

indispensablement nécessaires pour assurer votre

tranquillité sur la terre , et votre bonheur éternel

dans la vie future.

18.

1*]<0 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Rappelez-vous qu'en général on ne demande

de l'homme que la profession franche et sincère

îles grands principes de religion et de morale que

nous avons précédemment exposés , et une con

duite conséquente qui y soit strictement conforme ;

mais que l'on exige quelque chose en outre de la

femme et de la jeune chrétienne, une piété et une

dévotion tendres , suite nécessaire , en effet , des

sentimens religieux chez les personnes du sexe.

Tous les sentimens , plus tendres et plus délicats

chez elles , exigent que les sentimens de religion

se montrent aussi au dehors d'une manière plus

sensible. Qui ne sait qu'un amour plus ardent du

Dieu de toute bonté et de Jésus mourant par cha

rité et par vertu, qu'un désir plus vif de la paix et

de la félicité publiques, que l'espérance du bonheur,

la crainte du Seigneur et la confiance en son saint

nom ; en un mot, que toutes les émotions de la

religion sont en quelque sorte naturelles à des âmes

tendres, aimantes et faibles, pleines d'une exquise

sensibilité ? Et au milieu des ruines de tous les

principes religieux ne s'accorde-t-on pas encore

généralement dans le monde à regarder comme

une chose désolante qu'une femme se donne pour

philosophe ; qu'une mère se pique d'incrédulité ;

qu'une épouse soit étrangère à la religion , une

jeune personne à la piété?

Il faut donc avoir de la piété , Célestine , beau

coup de piété, une piété même tendre, mais une

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. I^n

piété véritable et éclairée , une dévotion solide et

réelle. Si le grand Apôtre a dit que la piété est

utile à tout , que les promesses les plus riches lui

sont garanties , et pour cette vie et pour la vie

future , c'est sans doute d'une piété éclairée qu'il

a voulu parler. Vous savez assez qu'une fausse

dévotion , qu'une piété ridicule ne peuvent servir

qu'à vous rendre méprisable aux yeux des hommes,

et condamnable aux yeux de Dieu. S'il est vrai

que les impies se sont déchaînés contre la religion

chrétienne , depuis quelques années , de la ma

nière la plus cruelle, il n'est pas moins vrai que

plusieurs chrétiens , par leur faiblesse , leur ont

fourni des armes. Il paraît même incontestable

que si l'on n'avait jamais rien outré ni poussé à

l'excès dans la religion , en prêtant à l'éternelle

Sagesse les pensées rétrécies des mortels, jamais

l'impiété ni l'incrédulité n'eussent osé faire au

christianisme hjs blessures profondes qui aujour

d'hui le mettent à deux doigts de sa perte. L'a

théisme et le matérialisme eux-mêmes , je l'ose

dire, auraient respecté des opinions qui, de leur

propre aveu , n'auraient jamais pu que contri

buer au bonheur de la société , à l'ordre et à la

paix publics, en augmentant parmi les peuples

l'horreur du vice , et par l'encouragement puis

sant de toutes les vertus sociales.

Cependant , souvenons-nous que ce n'est pas à

la philosophie du jour, et encore moins à l'incré

278 BÉFLEXIONS ET SENTIMENS

dulité absolue , de prescrire des règles de piété et

de dévotion , ainsi qu'on a voulu le faire. Je sou

tiens même qu'il n'appartient point aux incrédules

d'élever la voix contre le fanatisme religieux ; que

la religion et la raison éclairée par l'Évangile peu

vent seules apprendre à tous les hommes en quoi

consiste la vraie dévotion et la vraie piété envers

Dieu , et ramener tous les esprits qui tendent à

s'égarer.

Tout excès est blâmable , dit la raison ; et la

vertu, qui tient toujours un juste et louable milieu,

a consacré ce principe. Je l'avouerai cependant ,

j'aurais préféré de voir régner dans la société un

excès de piété , de religion et de zèle pour le règne

de Dieu, qu'un excès contraire, celui de l'impiété,

de l'irréligion et de l'immoralité. Sur ce point

vous me voyez en opposition complète avec

l'esprit d'une fausse sagesse et d'une philosophie

réformatrice , dont tout le but e* d'arrêter les

derniers élans d'une génération perverse et mal

heureuse qui sent encore qu'elle a besoin d'un

Dieu. Ne cherchons point follement à anéantir des

sentimens qui sont naturels au cœur humain, qui

se sont toujours manifestés depuis qu'il y a eu des

hommes , et se manifesteront toujours dans la

société. Cherchons plutôt, si nous sommes véri

tablement sages , à régler et à perfectionner des

sentimens que l'on ne saurait détruire sans anéan

tir l'homme !

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 279

En quoi consiste donc cette piété véritable du

chrétien , le partage des personnes de votre sexe ,

et dont on l'exige plus particulièrement? Ecoutez

la raison éclairée par le flambeau de la foi ;

écoutez Jésus-Christ, le divin Instituteur du genre

humain ; écoutez l'Evangile qui renferme sa doc

trine et ses exemples ; en un mot, écoulez Dieu,

et non les hommes ! Fuyez l'hypocrisie et les

pratiques futiles : craignez d'avilir cette religion

sublime établie par la Sagesse éternelle. Ne cher

chez point à paraître meilleure que les autres, et

surtout ne vous persuadez pas , dans votre cœur,

que vous êtes réellement meilleure. Ne condamnez

jamais personne , afin que vous ne soyez point

condamnée. Ayez avant tout la charité. Que l'hu

milité soit, ensuite, votre vertu favorite. Cachez

vos bonnes œuvres. Craignez de jious distinguer

et de vous singulariser. Ne comptez pour rien le

suffrage des faibles mortels, et n'ayez en vue que

votre Père céleste qui voit toutes vos démarches,

tous les mouvemens les plus secrets de votre cœur,

et qui les juge. Souvenez-vous que ce n'est pas par

le nombre des prières que le Seigneur est honoré,

encore moins par celles qui ne sont récitées que du

bout des lèvres ; que le Tout-Puissant a en abo

mination toute superstition autant que l'impiété;

que, par conséquent, il ne demande pas de vaines

pratiques ni des observances superflues. Évitez

soigneusement toute petitesse et toute minutie :

280 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

l'Eternel en est incapable, et sa religion doit être

en tout aussi grande et aussi élevée que le sont ses

pensées. Rappelez -vous que Jésus -Christ n'est

point venu nous imposer un joug insupportable ,

mais un joug doux et léger, capable de nous faire

trouver la paix du cœur. — Soyez persuadée que

le Seigneur est infiniment éloigné d'exiger l'exté

nuation de votre corps et labréviation de vos

jours : il n'entre pas même dans ses desseins éter

nels que vous vous refusiez les délassemens inno-

cens et les vraies jouissances de cette vie , pourvu

que vous les goûtiez avec sagesse et sobriété , et

que vous n'oubliiez point les actions de grâce. Si

vous avez de la force et de la santé , employez-les

à travailler utilement au bonheur de votre pro

chain : soulagez le faible et le pauvre ; visitez l'in

firme , le prisonnier ; aidez la veuve et l'orphelin ;

soignez le malade ; faites en sorte que tant de

vos malheureux frères, qui n'ont pas même en

mourant un linceul ou une bière pour reposer

leur triste dépouille, soient enterrés décemment;

enfin , devenez un ange tutélaire et une seconde

mère pour tant d'infortunées qui , d'abord en

traînées dans l'abîme par la misère , sont aban

données ensuite et rebutées , pour ainsi dire , de

tout l'univers , et périssent misérablement , avec

la croyance d'être devenues indignes de toute

consolation , et incapables de revenir à Dieu, à

la vertu et au bonheur! Vous entrerez ainsi véri-

SUR DIVERS SUJETS DE KELIGION. 28 I

tablement dans les vues de Jésus, du Rédempteur,

du sage Législateur ; et vous vous rendrez plus

agréable à l'Eternel que si vous affaiblissiez votre

corps de toute autre manière.— Sachez que Dieu

ne veut , n'a jamais voulu , et n'a jamais pu vou

loir autre chose que le bonheur de ses créatures.

Il vous désire uniquement heureuse , heureuse

même dans cette vie , autant que votre nature

présente le comporte. Il désire même votre bon

heur plus efficacement que vous, puisque, d'après

ses sages exhortations, c'est une félicité réelle et

véritable que vous devez chercher dans l'innocence

et la perfection de votre être. C'est donc pour le

bonheur , et le bonheur seul , que vous avez été

tirée du néant : comprenez-le bien , et commencez

enfin à être véritablement sage et véritablement

pieuse. N'écoutez plus ces esprits faibles et incer

tains qui obscurcissent les vérités les plus claires ,

surchargent et altèrent la doctrine de Jésus-Christ,

se montrent plus exigeans que le Créateur lui-

même , et vont chercher au loin un bonheur que

le ciel a mis à la disposition de chacun de nous.

La vraie piété n'est donc autre chose qu'un

amour sincère du Dieu d'amour ; qu'une ten

dresse filiale pour le meilleur des Pères qui nous

a comblés , autant qu'il l'a pu , des biens ter

restres et des biens de la grâce. Et cet amour ,

cette tendresse , doivent nous porter à remplir

avec joie tous nos devoirs religieux , à nous entre

282 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

tenir souvent avec le Seigneur dans la prière et

l'oraison, à nous pénétrer de plus en plus d'un sen

timent de cette crainte filiale qui nous empêche de

lui déplaire , mais qui n'exclut jamais la confiance

en son infinie bonté. Une véritable piété est

touchée surtout de la tendresse de Jésus et de

Marie, lorsque les solennités annuelles rappellent

aux chrétiens tout ce qui a été fait pour ramener

l'univers égaré à des sentimens de justice, de vertu,

de douceur et d'humanité, k l'amour de la vé

rité et des vrais biens. Par-là même , la véritable

piété rejaillit sur tout ce qui est sacré , sur tout

ce qui tient à Dieu et à sa religion sainte , sur les

esprits bienheureux qui sont dans le ciel près du

trône de l'Eternelle majesté , sur les pères et mères

qui tiennent auprès des enfans la place de Dieu, et

qui méritent toute leur piété fdiale; enfin, sur les

défunts eux-mêmes qui nous ont précédés dans

le voyage de l'éternité, pour les cendres de qui

nous devons avoir une vénération religieuse , et

auxquels nous sommes obligés d'accorder quelque

fois un pieux souvenir.

Ayez donc de la piété , Célestine ; montrez dans

vos exercices de dévotion toute l'exactitude des

vraies/ chrétiennes , des chrétiennes éclairées qui

vous entourent. Mais si vous voulez vous élever à

une perfection plus haute que le commun des

fidèles , cachez alors soigneusement vos pratiques

particulières et surabondantes , de peur que la

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 283

vanité ne devienne pour vous une tentation ter

rible et un piége inévitable. Fuyez , sur toutes

choses , ce zèle amer , cette piété austère et rebu

tante qui donne de l'odieux à une religion si

douce et si consolante par elle-même , et rendez-

vous propre cette piété aimable et bienfaisante

qui gagne tous les cœurs et les attache irrévoca

blement à Dieu , à la vertu et au bonheur. Culti

vez surtout dans votre cœur cet esprit d'une vraie

tolérance , c'est-à-dire de la charité chrétienne ,

qui couvre d'un voile épais tous les torts, tous les

défauts du prochain , et qui ne pense jamais de

mal. Secourez tous les hommes , et faites du bien

indistinctement à tous les malheureux, de quelque

religion , de quelque opinion, de quelque croyance

ou secte qu'ils soient; et avant de donner, ne de

mandez jamais : Quj, êtes-vous? C'est ainsi que

vous accomplirez la loi de Jésus-Christ.

S'il est vrai , comme on l'a dit , que les hommes

font les lois, et les femmes les mœurs , je crois

pouvoir ajouter avec autant de vérité que , si les

hommes découvrent et assignent les grands prin

cipes de la morale et de la religion, ce sont aussi

les femmes qui doivent cultiver en eux les senti-

mens de piété et de dévotion , et qu'elles sont

peut être seules capables aujourd'hui de ressusci

ter parmi nous , en peu de temps , le véritable

esprit du christianisme. Si les personnes du sexe

avaient généralement une piété solide, une religion

284 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

éclairée , une dévotion bien entendue, sans doute

qu'aucun homme , aucun philosophe ne serait

assez barbare pour vouloir leur ravir des sentimens

qui font leur unique bonheur, une foi et une es

pérance qui font leur unique consolation sur la

terre. Au contraire, on verrait bientôt les hommes,

eux-mêmes, non-seulement respecter et aimer ,

mais pratiquer exactement les différens devoirs

religieux.

Vous voyez , Célestine , combien vous pouvez

devenir utile à la société, en même temps que vous

travaillerez à votre propre perfection et à votre

propre bonheur. Tâchez donc d'acquérir bientôt

cette véritable piété chrélienne , source de toutes

les autres vertus douces et sociales qui sont propres

à votre cœur. Ah ! si vous saviez de combien l'hu

milité , la modestie , la douceur , la piété , re

haussent tous les autres avantages de la nature,

je vous verrais brûler d'une ardeur tout inquiète

pour l'acquisition de ces précieuses qualités. For

mez , d'après les divers sujets de réflexions et de

sentimens rédigés à votre intention , formez votre

piété et toutes vos vertus sur celles de Marie ,

l'admirable mère de Jésus. Étudiez soigneuse

ment ses grands exemples , et marchez sur ses

nobles traces , car tout en elle était sublime et

réel , et digne du Très-Haut : auec cette conduite

vous serez heureuse , et vous contribuerez effica

cement au bonheur général. Et, n'en doutez pas,

SUR DIVERS SUJETS DE REUGION. 285

la vraie piété trouvera encore de nombreuses imi

tatrices par toute la chrétienté. Votre exemple

sera entraînant , et il sera suivi ! Oui , nous pou

vons encore espérer de voir s'effectuer cette réu

nion désirable de tous les sentimens , de toutes

les opinions raisonnables , et de tous les inté

rêts des hommes en société : c'est pour cette

grande fin que Jésus-Christ , que le Fils de Dieu

est venu visiter cette terre , et la religion qu'il y

a établie est de nature à conduire la société hu

maine à ce degré de perfection. Si les passions des

hommes ne contrarient pas ses vues de miséri

corde , il se formera , sous l'étendard qu'il a ar

boré , une réunion générale , et toutes les na

tions diverses ne formeront plus qu'une seule

famille ; grande époque dans l'histoire du genre

humain : alors on commencera à compter des

années de paix et de félicité suv la terre. Et il

faudra bien que l'on revienne enfin généralement

aux vrais principes ; il faudra bien que tout le

monde finisse par admettre tout ce qui est rai

sonnable , et par respecter tout ce qui est res

pectable. L'univers serait trop à plaindre si l'on

s'obstinait plus long -temps à méconnaître les

véritables sources de l'ordre social et les vrais fon-

demens de la morale publique; si l'on voulait ab

solument renoncer à tout espoir pour l'homme ,

et se résoudre à n'avoir jamais rien de fixe ni de

certain. L'univers serait trop malheureux s'il devait

286 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS , etc.

toujours être permis de blasphémer contre Dieu ,

d'outrager la vertu , la piété et la religion !

Oui, un heureux pressentiment me dit que, in

struits par nos propres disgrâces et nos propres

fureurs , nous reconnaîtrons enfin , que dans le

christianisme seul les hommes peuvent trouver ce

bonheur, qu'ils ont inutilement cherché jusqu'au

jourd'hui dans des institutions purement hu

maines.

Que la grâce d'en haut vous fortifie , Célestine ,

dans toutes vos louables entreprises pour votre

sanctification et celle des personnes qui vous sont

chères, et que la paix de Jésus et de Marie péuitre

toujours plus avant dans votre cœur !

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

SUR

QUELQUES SUJETS PLUS PARTICULIERS

A LA JEUNE PERSONNE ET A LA FEMME CHRÉTIENNES.

, v

s

PREMIER SUJET.

MARIE , MODÈLE PARTICULIER DE LA JEUNE PERSONNE

ET DE LA FEMME CHRÉTIENNES.

Je ne m'arrêterai pas à célébrer les grandeurs de

Marie, ni à raconter les priviléges sublimes et les

faveurs extraordinaires dont elle a été honorée par

le Souverain des cieux. Elle est trop au-dessus de

mes faibles éloges, ayant été élevée au-dessus

des anges et des chérubins , et proposée à tous les

êtres sensibles comme le plus parfait modèle à

imiter après la Divinité elle-même. Mais je m'at

tacherai d'une manière toute particulière à consi

dérer ses vertus, afin de les imiter fidèlement. C'est

aussi principalement en l'imitant qu'on l'honore ,

comme tous les autres saints ; une admiration

stérile , des hommages vains ne sauraient plaire

288 BÉFLEXIONS ET SENTIMENS

à la plus humble des créatures. Je veux donc

marcher sur ses traces , je veux lui devenir sem

blable !

A la vérité, Marie est la patronne et le modèle

de perfection de tous les chrétiens; mais elle l'est,

d'une manière plus particulière , de la jeune per

sonne et de la femme chrétiennes, de même qu'elle

est la principale consolation des affligés et le refuge

plus particulier du pécheur. Rien ne me paraît plus

frappant dans la religion chrétienne que cette at

tention de la Divinité , d'avoir donné , dans la

personne de Marie , un modèle particulier aux

personnes du sexe , afin qu'elles pussent se for

mer plus facilement à toutes les vertus qui leur

sont propres. Aucune autre religion sùr la terre

ne présente un semblable avantage, que la bonté

infinie de Dieu et la nature du cœur humain doivent

cependant faire considérer comme bien naturel.

La dévotion tendre et toute spéciale que les

jeunes chrétiennes ont d'ordinaire pour Marie , et

qu'elles portent souvent jusqu'à s'occuper presque

exclusivement de son culte et de la décoration

de sa statue et de ses images , prouve qu'il était

conforme a la nature des choses qu'un modèle de

perfection, pris au milieu d'elles, fût élevé jusqu'aux

cieux par des faveurs toutes spéciales.

Mais les âmes affligées , les cœurs abreuvés d'a

mertume , que ne trouvent - ils pas dans Marie ?

Les consolations les plus douces et les plus ton

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 289

chantes , des forces toutes divines pour supporter

avec patience et résignation les misères insépa

rables de cette vie. Qui pourrait se désespérer dans

ses peines , en se rappelant que l'humble et ver

tueuse Marie, la Mère de Jésus, fut aussi la Mère

des douleurs? en se rappelant que personne sur la

terre n'a eu à souffrir autant qu'elle; que personne,

en même temps, n'a supporté ses peines avec au

tant de constance ; et enlin , qu'elle en a été am

plement dédommagée par le Tout-Puissant ?

Mais si la majesté infinie de Dieu a de quoi at-

térer les faibles mortels et confondre toutes les

créatures , l'homme égaré ne peut - il pas recourir ,

avec une entière confiance , à l'intercession de cette

Mère, la plus tendre qui fût jamais ? — Ce mal

heureux pécheur , qui ne se reconnaît plus digne

d'approcher du trône éclatant de la Divinité, mille

fois outragée par lui; cet infortuné, précipité dans

l'abîme du crime ; cet homme , couvert d'iniqui

tés et de forfaits, qui craint d'élever des mains

teintes de sang vers un Dieu vengeur; n'est-il pas

infiniment consolant pour eux de trouver cette

puissante Médiatrice entre le ciel et la terre , qui

peut leur ouvrir les voies de la réconciliation ,

et les introduire en quelque sorte dans le sanc

tuaire du Très-Haut , pour obtenir miséricorde et

pardon? ;..

Quel présent inappréciable le Seigneur n'a-t-il

donc pas fait au genre humain en lui donnant

'9

3g© RÉFLEXIONS Eî SENTIMENS

Marie, mère de Jésus, pour patrone?—^Le Sau

veur nous a laissé l'exemple de ces vertus solides et

mâles qui triomphent des plus grands malheurs ,

des plus affreux tourmens , et de la mort elle-

même ; Marie est le modèle de ces vertus douces

et tendres, apanage, des personnes du sexe, de ces

vertus domestiques qui font le bonheur et le charme

de la vie. Jésus-Christ était Dieu; et quoique tout

ce qu'il a fait et souffert, il l'ait fait et souffert selon

l'humanité , l'homme faible pouvait cependant se

sentir découragé en voulant le suivre dans sa car

rière divine : Marie , créature fragile comme nous ,

nous laisserait sans excuse , si nous refusions de

la suivre dans sa route glorieuse vers la perfection

éternelle.

O vous donc qui , par votre humilité , votre pu

reté , votre douceur , votre piété vous qui , par

toutes les vertus , vous êtes rendue digne d'être

la mère du Dieu consolateur des humains , et

avez mérité de nous être proposée comme le plus

parfait modèle de perfection après l'Être incréé ;

du haut de ce trône de gloire où vous êtes élevée

maintenant, jetez un regard favorable sur nous!

souvenez-vous de ces faibles enfans que vous avez

laissés dans cette vallée de larmes. Souvenez-vous

de moi en particulier dans ce moment où vous

êtes l'objet de mes pensées. Je suis cette jeune

chrétienne qui doit marcher sur vos traces : hélas !

vous connaissez ma faiblesse , vous n'ignorez pas

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 29 1

combien de dangers m'environnent de toutes parts.

Après m'avoir si puissamment attirée vers la per

fection par vos sublimes exemples, daignez m'ob-

tenir, auprès du Père des lumières, des forces suf

fisantes, afin que je puisse exécuter tous mes bons

desseins. — Je suis cette pécheresse inconsidérée

qui a fait abus de toutes les grâces du ciel , et qui

s'est plongée dans tous les désordres et tous les

malheurs; je me reconnais, avec amertume, in

digne de m'adresser au Dieu trois fois saint : ah !

préparez , préparez vous-même les voies à ma ré

conciliation ! Le repos et la paix ont fui de mon

cœur; il n'est plus de bonheur pour moi sur la

terre : vous êtes mon seul espoir ! Je n'ose plus

appeler Dieu mon père, ni Jésus mon frère ; je les

déshonorerais en les nommant ainsi : ah ! par

donnez-moi si j'ose encore vous donner le nom de

mère ! — Je suis cette âme affligée et abreuvée

d'amertume, tourmentée par de rudes épreuves.

Mon cœur a été profondément blessé. Cette per

sonne chérie, cet époux, ce père, cet enfant, ce

protecteur hélas ! vous le savez , la mort , la

cruelle mort les a ravis à ma tendresse , à ma re

connaissance ! vous seule pouvez verser quelque con

solation dans mon âme déchirée. — Je suis cette

infortunée que la misère accable , que le malheur

poursuit , que l'injustice persécute , et que la ca

lomnie la plus atroce a noircie; mon courage,

l'espoir lui-même , m'abandonnent ! Hâtez done

•9-

2g2 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

votre secours ! rappelez vivement à mon esprit

toutes vos souffrances pendant votre vie sur la

terre , et comment vous avez su vous résigner.

Rappelez-moi comment vous avez été privée de

votre fils chéri par le crime le plus affreux , et

apprenez-moi à imiter et votre patience , et votre

résignation ; soyez ma consolation comme vous

avez été la joie et la consolation d'Israël. Ah ! je le

sens vivement aujourd'hui : en vain ornerais -je

votre image dans le temple , si je ne suis pas moi-

même votre plus bel ornement ! en vain allume-

rais-je mille flambeaux en votre honneur, si mon

esprit n'est que ténèbres ! en vain je vous consa

crerais tout ce que je possède, si je ne vous con

sacre , avant tout, mon cœur ! je sens vivement

que tous ces soins sont inutiles et superflus , si je

ne commence pas enfin à marcher sur vos traces !

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 293

wwx\w

SECOND SUJET.

FIDÉLITÉ A DIEU.

On sait que Marie fut prévenue par des grâces

qui n'ont été accordées à aucune autre créature ;

aussi , le Seigneur ne demande-t-il pas qu'aucune

autre mortelle s'élève à la même hauteur. Il suffit

de nous rapprocher tous, plus ou moins, du grand

modèle qui nous est proposé dans sa personne,

selon la mesure de grâces qui nous est donnée ,

et les mouvemens de l'esprit de Dieu qui se fait

sentir à tout âge et dans toutes les circonstances

de la vie , au fond d'u*n cœur fidèle à suivre la voix

d'en haut , et à correspondre avec promptitude à

tous les desseins de la divine Providence.

La raison de Marie ne commence pas plus tôt à

se développer, elle n'apprend pas plus tôt les vues

de miséricorde du Créateur qui voulait enfin en

voyer le Messie promis , qu'elle se hâte de porter

ses pas vers le temple pour s'y consacrer entière

ment au service du Seigneur, ainsi que la tradition

nous l'apprend. Cette grande démarche , dans un

âge si tendre, devint la source de toutes,ses per

fections. Que de grâces , en effet ,• ne devait point

lui attirer une promptitude aussi admirable à se

WWWWVWVWVVWWWWWV

ag4 \ RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

donner au Seigneur, à ce Dieu de majesté qui

ne se laisse jamais vaincre en générosité par ses

créatures !

Une fois consacrée au service du Très-Haut dans

le temple , Marie ne pense plus qu'à y mener une

vie pleine d'innocence , une vie toute divine ; vie

simple , à la vérité , mais bien éclatante aux yeux

du Ciel. La modestie , l'humilité , l'amour de

Dieu , la douceur , la bonté , toutes les vertus , se

faisaient remarquer en elle. Aussi , vers ce temps

le Seigneur, qui ne manque jamais d'accorder des

grâces plus grandes à mesure qu'on s'y montre

plus fidèle , révéla à son humble servante le prix

qu'il attache à la vertu de pureté et de chasteté.

Convaincue aussitôt de quelle utilité pouvait être

à l'univers corrompu un grand et éclatant exemple

sous ce rapport, Marie fait dans l'instant même,

et au milieu d'une nation où la stérilité était un

opprobre , ce vœu si glorieux d'une virginité per

pétuelle. Elle prouve ainsi ce dont l'homme est

capable quand il a la ferme volonté du bien : sa<-

crifice généreux agréé par le ciel; car, dès lors,

la vertu de pureté devint comme une chose sacrée

aux yeux de l'univers chrétien ! Qui peut caU

culer l'influence salutaire de cette seule démarche

de Marie sur le sort de l'espèce humaine? Où

en serajt l'univers aujourd'hui , sans les grands

exemples de Jésus et de Marie , suivis , dans les

siècles subséquens , par ces légions de vierges chré^

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 2g5

tiennes qui ont mis partout la modestie en hon

neur sur la terre ? Qui peut savoir si , à défaut du

christianisme, toute chair n'eût pas de nouveau

corrompu sa voie, comme il était arrivé au com

mencement ; et si les suites du libertinage et de

tous les crimes n'eussent point amené , peut-être ,

l'extinction du genre humain ? Hommes irréflé

chis du siècle ! au lieu de vous attacher à tourner

tout en dérision , admirez les moyens employés

par le Créateur, quand il veut influer efficacement

sur le sort de ses créatures sans toucher en rien,

à leur parfaite liberté. Partout vous remarquerez

la sagesse des institutions du christianisme , et la

salutaire influence de la religion établie par Jésus-

Christ , si vous savez vous dépouiller de toute pré

vention et vous mettre au-dessus des préjugés du

monde , et , surtout , si vous savez les considérer

dans leur véritable esprit, en faisant abstraction

de tout ce qui n'est que l'ouvrage de la liberté hu-.

maine et de la superstition.

Cette promptitude de Marie à se soumettre à,

toutes les vues de la Providence , à suivre les.

moindres impressions de l'esprit divin, lui fit donc

faire des progrès si rapides dans la perfection ,

qu'elle se vit bientôt en état de pouvoir remplir

les grands desseins de miséricorde par lesquels le

Tout-Puissant voulait réjouir l'univers et étonner

les habitans de la cité céleste. Déjà un envoyé du.

çiel vient la saluer en l'appelant pleine de grâces ,

296 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

et lui annoncer la gloire dont elle va être comblée

en devenant la mère du Sauveur promis depuis le

commencement. Mais, au lieu de concevoir en cet

instant le moindre sentiment de vanité, Marie ne

profite d'une circonstance si glorieuse que pour

faire éclater la plus profonde humilité et l'obéis

sance la plus parfaite. « Je suis la servante du

« Seigneur ; qu'il me soit fait» selon ta parole. »

Aussi marchera-t-elle de vertu en vertu, de per

fection en perfection, et bientôt elle s'élancera

au - dessus même des intelligences pures qui se

tiennent sur les degrés du trône éternel , pour

prendre sa place dans les rayons d'une splendeur

et d'une gloire divines !

0 la plus parfaite des créatures sorties des mains

de l'Eternel ! Vierge vraiment admirable ! par cette

fidélité à toutes les impressions de la grâce , fidé

lité qui s'est manifestée en vous dès votre plus tendre

jeunesse , et qui ne s'est jamais démentie , vous

vous êtes élevée insensiblement à cette hauteur

prodigieuse qui étonne et confond les faibles

mortels ! Soutenue par vos beaux exemples , je

puis donc aussi, moyennant une fidélité semblable,

aspirer à quelque degré de perfection , de gloire

et de félicité ! Quel espoir encourageant pour une

âme généreuse ! Quelle serait la jeune chrétienne

assez insensée pour ne pas chercher incessamment

à vous suivre, quoique de loin? Pour moi, je forme

dès aujourd'hui la résolution ferme et inébranlable

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGIOxX. 297

de vous imiter dans toutes vos vertus , autant que

mes forces me le permettront. Oui , dès ce mo

ment je commence à marcher sur vos traces. O

Dieu ! il me semble entendre une voix angélique

et secrète qui me dit : « Courage , âme pieuse^!

soyez inébranlable dans votre résolution ; Dieu

vous a donné une volonté si forte et si puissante ,

que lui-même ne peut plus l'arrêter quand elle est

bien prononcée ; tournez-la donc , cette volonté si

puissante , vers le bien , puisqu'après tout vous

êtes libre de vous donner au bien, et soyez per

suadée que le bras du Seigneur n'est point encore

raccourci. Si vous êtes fidèle , de grandes choses

peuvent être opérées en vous par celui qui est

tout- puissant ; il peut ajouter quelque degré de

plus à votre perfection et à votre bonheur pour

l'éternité. Suivez donc ces bonnes inspirations que

l'Esprit divin ne cesse de donner à tous les hu

mains dès les premières années de leur vie , et

jusque dans leur vieillesse , et le Ciel coopérera à

votre salut et à votre gloire éternelle. A la vérité ,

vous n'égalerez jamais Marie , mais vous pourrez

obtenir après elle une des premières places dans

les cieux. Comme elle, vous pouvez encore faire

l'admiration des esprits célestes, et forcer toutes

les générations humaines à vous appeler bien

heureuse. »

Oui , qui que vous soyez , âmes chrétiennes ,

prenez courage ; vous pouvez toutes aspirer à la

298 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

plus haute perfection : dans quelque état , dans

quelque condition que vous soyez nées , riches et

pauvres , grands et petits , princes et sujets ; c'est

pour une perfection et une félicité .illimitées que

tout être sensible et libre a été tiré du néant.

SUR DIVEES SUJETS DE RELIGION. 299

%/VW"WW\\WWVWWWWWW»W\VWW*W^\XVWWWWW\^WVWVV^vvwvwvvw»

TROISIÈME SUJET.

l'humilité.

Qu'est-ce que l'humilité ? Quels sont les avan

tages de l'humilité ? Gomment imiterai -je Marie

dans son humilité profonde ?

L'humilité , comme la vertu des vertus , doit

être naturellement la plus difficile de toutes , celle

dont la pratique doit coûter davantage à la nature

humaine ; aussi une véritable humilité est-elle

plus rare encore à rencontrer parmi les hommes

que le vrai mérite. Jésus et Marie ont été les pre

miers à la mettre en honneur sur la terre , et ils

ont depuis bien peu d'imitateurs. Cependant cette

vertu présente à Ehomme des avantages inappré

ciables , comme la base de tout l'édifice de la

perfection.

On a dit que l'humilité consistait dans une con

naissance parfaite de soi-même ; mais cette défi

nition nous en donne-t-elle une notion bien claire

et bien exacte? — A la vérité, si nous nous con

naissions toujours bien nous-mêmes , et si nous

étions d'une exacte impartialité sur nos qualités et

nos défauts, nous serions toujours assez humbles;

cependant, il semble que la véritable humilité,

l'humilité chrétienne , doive renfermer quelque

300 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

chose de plus pénible à la nature qu'une apprécia

tion simple et exacte de soi-même. L'humilité, dans

mon cœur, devra donc être une persuasion intime

que je ne suis rien ; que je n'ai aucun avantage sur

mes semblables ; que toutes les personnes qui m'en

tourent ont des qualités préférables aux miennes ;

en un mot , je devrai en quelque sorte estimer tous

les autres en me considérant moi-même comme

indigne de leurs moindres égards.

S'il en coûte pour être vraiment humble ; si la

nature souffre de cette abnégation , l'humilité offre

aussi des avantages inappréciables. Principe de

toutes les vertus , elle est une source abondante

de paix pour les personnes privées comme pour

les société. Quel trouble, quelle inquiétude, quelle

passion peuvent agiter une âme parfaitement

humble ? N'est-elle pas toujours persuadée qu'on a

pour elle tous les égards qui lui sont dus ? Rien

donc ne saurait l'émouvoir. L'effet même particu

lier de cette précieuse vertu de l'humilité est d'éta

blir, dans les familles et les sociétés , ce bel ordre ,

cette harmonie parfaite, ce précieux commerce

de services mutuels et de prévenances obligeantes

qui font le charme de la vie sociale ; car chaque

membre de ces familles et sociétés privilégiées se

regarde comme le serviteur de tous les autres. A

quelle vertu une âme vraiment humble pourrait-

elle être étrangère? La douceur est une suite né

cessaire de l'humilité , et Jésus-Christ ne l'en se

SUR DIVERS SUJETS DE REMOION. 3oi

pare point : Apprenez de moi , dit-il , à être doux

et humble de cœur. La tolérance , la charité , en

dérivent aussi. Une personne humble ne saurait

être arrogante ni exigeante; au contraire, la pré

venance est pour elle un devoir et une satisfaction.

En un mot , la patience , la longanimité , toutes

les qualités douces , toutes les vertus sociales que

le monde sait estimer comme la religion , ne sont

qu'une suite nécessaire d'une humilité véritable.

Oui , le monde lui-même n'a pu se défendre de

marquer son estime pour une aussi rare vertu ;

elle y a toujours été accueillie avec distinction.

Malgré ces calomniateurs insensés de toute vertu ,

qui prétendent que l'humilité ôte à l'âmé tout son

ressort , et la rend incapable de grandes choses ,

on a toujours reconnu qu'elle était le signe le plus

certain du vrai mérite , et que la défiance de ses

propres forces en provoquait au contraire de toutes

nouvelles émanées d'un Dieu qui résiste aux su

perbes et donne sa grâce aux humbles. Aussi, les

personnes du monde ont-elles toujours tâché de

conserver au moins les. formes extérieures qui rap

pellent la vertu de l'humilité dont elles jugeaient la

pratique réelle trop difficile. Dans leurs assemblées

cérémonieuses on doit toujours céder le pas, choisir

toujours la dernière place , cacher avec soin sa su

périorité, et relever les moindres qualités des autres.

Mais ce que le mondejpe fait plus que par pure gri

mace, le vrai chrétien doit le faire par un principe

302 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

religieux, et chercher à plaire à Dieu en même

temps qu'il captive la bienveillance des hommes.

Comment donc m'affermirai-je en peu de temps

dans . cette vertu si rare de l'humilité ? — Si le

Seigneur me fait la grâce d'être bien impartiale dans

l'examen que je vais faire des différens avantages

sur lesquels se pourrait fonder mon amour-propre,

je reconnaîtrai facilement tous les motifs d'être

humble. Et bien loin de vouloir jamais m'élever, je

ne penserai plus quà m'humilier profondément ,

non- seulement devant le Dieu trois fois saint,

mais même en présence des âmes justes d'entre

mes semblables.

Ce dont je pourrais tirer vanité , ce sont les ri

chesses , la naissance , le nom , les agrémens du

corps, le rang, l'esprit , les talens Mais, avant

de m'enorguillir de ces avantages, voyons ce que

je puis répondre aux questions suivantes : Com

ment ai-je amassé ma fortune , employé rhes ri

chesses et mon crédit ? ma conscience ne me re-

proche-t-elle rien à cet égard? Comment ai-je

rempli les obligations de mon rang ? Ai-je été la

protectrice de l'innocence, le soutien de la faiblesse ?

N'ai-je point fait éprouver sans raison le poids de

ma supériorité à ceux qui avaient le malheur de

vivre dans ma dépendance ? et ne me suis-je pas

rendue méprisable à leurs yeux ? — Les agrémens

du corps n'ont-ils pas été l^j premiers écueils de

ma vertu? Ai-je véritablement lieu de me louer

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3o3

de ces dons de la Nature? Enfin, quel esprit m'a

nime ? Est-ce l'esprit de bonté , de douceur , de

charité ? l'esprit de Dieu ? ou n'est-ce pas plutôt

l'esprit de malice , de méchanceté , l'esprit d'irré

ligion et d'impiété ? Ah ! si je veux réfléchir sé

rieusement , je ne trouverai que de vrais sujets de

confusion , même dans ces prétendus avantages

dont je serais tentée de m'enorgueillir.

D'autre part , si je consulte le Sage , que me

dit-il? Tout sur la terre n'est que vanité et afflic

tion d'esprit , hors de servir Dieu. Si je m'adresse

à l'Apôtre, quelle réponse me fait-il ? il me répond

par ces paroles accablantes pour un esprit orgueil

leux : Tout ce que vous avez , vous l'avez reçu ;

et si vous Pavez reçu , comment voudriez - vous

vous en glorifier comme si vous ne l'aviez point

reçu ?3

O mon Dieu ! que la pensée de vouloir m'enor

gueillir soit donc toujours bien éloignée de mon

cœur, et que je me dise souvent en moi-même :

Oserais-je , sans rougir, soutenir un parallèle entre

moi et Marie ? Non sans doute. Cependant Marie

a été la plus humble de toutes les créatures ! Je

dois donc être humble aussi , et savoir me mettre

à ma place , c'est-à-dire à la dernière.

Reconnaissant ainsi toutes les raisons que j'ai de

pratiquer la sainte vertu d'humilité , je m'adresse

à vous, Vierge admirable, pour obtenir les grâces

dont j'ai besoin.— A,h! ne me refusez point, en ce

3o4 RÉFLEXIONS ET SENTJMENS

moment votre puissante protection ! Vos exemples

d'humilité et de modestie ont été grands et dignes

d'une éternelle imitation! 0 ciel! avec quelle sainte

conviction , au moment même d'être choisie pour

mère de Dieu entre mille autres filles d'Israël qui

avaient aussi amassé des richesses, mais que vous

aviez surpassées toutes , vous avez déclaré que vous

n'en étiez que L'humble servante ! i— Et quand il

s'est agi de faire une offrande dans le temple , le

jour de la Purification , selon la loi de Moïse , avec

quelle profonde humilité vous avez voulu offrir

votre don à la manière des pauvres ! avec quel

empressement , en un mot , vous avez cherché à

vous humilier et à vous abaisser dans toutes les

circonstances de votre vie! Ah! s'il vous était donné

de revenir sur la terre, après avoir repoussé un culte

qui n'appartient qu'à Dieu seul, vous renverseriez les

autels que les hommes élèvent en votre honneur!

Aidez-moi donc aussi à vous imiter dans votre con

duite aussi difficile que méritoire , afin que eet

oracle de votre divin Fils s'accomplisse plus tard

sur moi :dans le ciel : Ceux qui se seront humiliés

sur. la terre seront glorifiés dans le Seigneur:

SLR DIVERS SUJETS DE RELIGION. îk>5

QUATRIÈME SUJET.

INNOCENCE, VERTUS PURES ET SANS TACHE.

L'innocence et les vertus de Marie ont été aussi

précieuses aux yeux de Dieu que sa profonde hu

milité. Se tenir exempt des plus légères souillures ,

éviter jusqu'à l'ombre du mal, voilà en quoi con

siste principalement la perfection. Que ces qualités

remarquables dans Marie, que les grands exemples

qu'elle nous a laissés m'inspirent le désir ardent

de les imiter avec constance ! ...

Personne ne peut envisager avec quelque atten

tion les différentes époques de la vie de Marie sans

reconnaître aussitôt que toutes ses vertus ont été

pures et sans tache. Il est impossible de découvrir

en elle une seule pensée, un seul désir qui pût être

regardé comme la plus légère faute envers Dieu ou

le prochain. Sa conduite a été en tout exactement

ce qu'elle devait être. Jamais elle n'a manqué en

rien à la vénération, à l'anWur ni à la soumission

qu'elle devait au Seigneur, pas même dans ces

terribles épreuves dont sa vie toute sainte fut tra

versée. Jamais elle n'a désiré s'élever contre les

vues de la Providence et les contrarier; au con

traire , elle a fait sans murmurer le sacrifice de

son Fils unique, pour se soumettre aux décrets du

3o6 KÉFLEXIONS ET SENT1MENS

ciel qui voulait que Jésus s'exposât à la mort pour

retirer le genre humain de l'abîme qu'il s'était

creusé. Et comment pourrait- on avoir une idée

différente des vertus de Marie , quand on pense

qu'elle a été spécialement choisie pour devenir la

mère de l'Homme-Dieu ?

Mais sa conduite envers tous ses contemporains

n'est-elle pas une nouvelle preuve de sa pureté et

de ses vertus intactes ? Ceux de ses compatriotes

qui eurent le bonheur de l'approcher et de la con

naître plus particulièrement, ne furent-ils point

forcés de lui rendre cette justice, que ses exemples

de modestie , de réserve', de franchise , de sincé

rité, de patience et de soumission , de bonté et de'

charité , étaient si évidens , qu'ils faisaient l'im

pression la plus heureuse sur tous les cœurs ? Où

trouvera-t"-on , dans une vie aussi exemplaire , lé'

moindre tort contre le prochain ? Marie n'a-t-élle

pas été, au contraire, par sa tendresse, la conso

lation d'Israël et du monde entier? À-t-on jamais

pù remarquer en elle lâ plus petite tracé d'un désir

contraire à quelque loi que ce fût dans l'intérêt de

la société ? À-t-éïle éveillé le soupçon de ïa plus

légère passion capable de scandaliser?'

Abreuvée d'amertume, et couverte d'opprobres ;

objet des outrages les plus cruels comme les plus

injustes ; inondée du sang innocent de son Fils

chéri ; recevant dans ses bras maternels le corps

inanimé de cette déplorable victime de l'humaine

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3c>7

perversité ; quand elle a pu dire avec vérité aux

tilles d'Israël : Venez , et voyez s il est une dou

leur semblable à ma douleur; dans ces momens

véritablement affreux, lui est-il échappé une seule

invective contre les juges et les bourreaux de Jésus-

Christ? A-t-elle ressenti dans son cœur la moindre

haine, le moindre ressentiment ou le plus léger

désir de vengeance ? . •

Non : personne ne peut envisager la vie de Marie

sans reconnaître avec joie que son innocence et

ses vertus pures et sans tache lui ont mérité les

faveurs et les grâces insignes dont elle a été com

blée. — Par ces mœurs douces et cette conduite

absolument intacte, elle parvint aussi à établir en

elle cette tranquillité, cette paix inaltérable et ce

contentement divin qui ne l'abandonnèrent jamais

dans les circonstances même les plus pénibles de

sa vie.

0 vous, la plus parfaite et la plus pure des

créatures, comme la plus intéressante de toutes

les filles de David ! obtenez-moi du ciel un cœur

semblable au vôtre , un cœur sensible aux charmes

d'une vertu intacte, "afin que vos exemples puissent

y laisser des traces profondes. Je veux apprendre

de vous à veiller sans cesse sur tous les mouvemens

de mon âme , pour me conserver pure comme

vous. Je veux apprendre de vous à ne jamais

troubler le calme de ma vie par des légèretés ou

des folies , et à ne jamais ternir l'éclat des vertus

20.

3©8 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

même les plus difficiles à conserver intactes. En

un mot, je veux apprendre de vous à mener une

vie tellement irréprochable, que toute la terre soit

forcée d'avouer que désormais, en aucun point,

ma conduite ne saurait provoquer de censure.

Oui, dès ce moment je ne veux plus manquer,

de propos délibéré , à aucun de mes devoirs.

Quel bonheur pour moi si , à l'exemple de Ma

rie , je demeure inébranlable dans cette réso

lution jusqu'à la fin de ma carrière , et si mon

courage et ma fidélité ne se démentent plus !

Combien les consolations de la piété et de la reli

gion auront alors de force pour pénétrer mon cœur

du sentiment de la paix du Seigneur ! Combien

l'espérance chrétienne me paraîtra consolante en

me rendant digne de la protection du Tout-

Puissant ! Avec quelle confiance je pourrai porter

mes regards vers la cité céleste !

0 vous, jeunes chrétiennes! qui que vous soyez,

efforcez-vous de prendre Marie pour le modèle

constant de votre conduite ! Plus vous vous eu

rapprocherez , plus vous augmenterez votre bon

heur, même sur la terre, au milieu des peines et

des épreuves. Ah ! tâchez donc d'être toujours en

état de pouvoir prononcer, sans rougir , les noms

de Vertu et de Marie ! .

Et vous , qui n'avez pas encore commencé à

marcher sur les traces de la plus pure des vierges,

craignez de vous dire ses enfers! craignez de vous

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3©<|

dire les sœurs de Jésus-Christ , si vous ressemblez

encore , le moins du monde , à ces malheureuses

victimes de toutes les passions , dont vous déplo

rez vous-mêmes tous les jours les fautes et les

malheurs ! Craignez même de vous donner pour

chrétiennes si vous ne sentez pas encore au fond

de votre cœur un désir ardent d'imiter Marie dans

son innocence parfaite comme dans toutes ses

autres vertus. Vous annoncer comme chrétiennes,

sans l'être de cœur et de fait , ce serait mentir à

votre conscience , tromper le public ; ce serait

déshonorer la famille sainte.

JtÉFLEXIONS ET SENTIMENS

CINQUIÈME SUJET.

PATIENCE ET RÉSIGNATION.

Aucune créature n'a eu autant à souffrir de l'in

justice et de la cruauté des hommes que Marie , la

mère de Jésus. Il n'est point donné au cœur hu

main de concevoir toute l'étendue de ses souf

frances. Une mère , qui perd son fds unique par la

mort la plus terrible , peut à peine s'en faire une

légère idée. Il est impossible de décrire tous les

tourmens qui déchirèrent le cœur de Marie , ni

faire sentir toute l'amertume de sa douleur. Ce

pendant , la douceur , la patience et la résignation

n'ont jamais éprouvé la moindre altération dans

cette âme divine ! Elle se rassurait et se consolait

dans le Seigneur ; elle ne voyait dans les persécu teurs

de son Fils que des frères aveugles, plutôt à plaindre

que haïssables. Elle priait donc en secret pour eux

avec Jésus , afin que le Ciel voulût bien les changer

et les éclairer , et son cœur généreux ne sut ja

mais que pardonner ! Elle excusait même , autant

que possible , dans ses contemporains , la cruauté

la plus atroce ! « Que le sang de mon fils, s'écriait

cette divine mère, que ce sang , s'il faut qu'il coule,

efface du moins les péchés du monde, et le ramène

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 5l I

à la vertu et à la vérité qu'il leur a enseignées !

Que ce sang soit pour l'univers, égaré et mal

heureux , une source de salut et de bénédiction !

Qu'après avoir ajouté encore ce crime à- tous les

autres , il ouvre du moins les yeux sur la profon

deur de sa perversité , et que l'horreur d'une si

épouvantable catastrophe fasse une impression sa

lutaire sur les générations à venir !

Quelle tendresse dans ce langage de Marie!

quelle bonté , et en même temps quelle confiance

en Dieu , quelle résignation , quel héroïsme ! Oui y

de tels sentimens sont véritablement dignes du

Dieu sauveur du genre humain , et de celle qu'il

a choisie pour mère \ Le cœur de l'homme est trop

faible pour apprécier autant de vertu ; il en de

meure confondu d'admiration et d'étonnement !

O Marie I modèle parfait d'une patience toute

divine ! apprenez-moi à souffrir, avec autant de ré

signation que vous , les diverses épreuves de la

vie , et toutes les persécutions que l'injustice de

mes semblables me suscitera. Faites qu'au milieu

des plus grands tourmens, l'animosité, le désir de

la vengeance, le découragement et le désespoir,

n'entrent jamais dans mon cœur; que ma patience

soit toujours inaltérable, et ma douceur toujours la

même ; que mon âme penche toujours du côté de

la miséricorde ; que je sois toujours prête à par

donner, et que ma confiance en Dieu ne se dé

mente jamais.

3l2 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Je suis accablée d'infortunes et de malheurs ;

les plus terribles épreuves sont venues m'assaillir ;

persécutée par mes semblables , calomniée , mé

prisée , je me vois abandonnée de toutes parts :

eh bien l Seigneur , Dieu du ciel , Père infiniment

bon ! à l'exemple de Marie , j'adore vos jugemens

incompréhensibles , et je baise votre main pater

nelle. Que vous m'envoyiez des bénédictions , ou

que vous permettiez que la malédiction des hommes

retombe sur moi , vous ne voulez jamais autre

chose que ma perfection et mon bonheur. Si je

reçois tous les jours vos bienfaits sans nombre ,

pourquoi n'accepterais -je pas aussi les infirmités

par lesquelles la vertu se perfectionne? pourquoi

ne les accepterais-je pas avec la même reconnais

sance , puisque tout doit enfin contribuer à mon

éternelle félicité , si de mon côté je suis fidèle ?

Oui r pourvu que je ne mette point moi-même

d'obstacle à mon salut , vous me conduirez sûre

ment à ma fin , quelque chemin que vous jugiez

convenable de me faire prendre , ô vous qui savez

tirer le bien du mal même ! Je ne murmure donc

pas contre mon sort , ni contre le ciel , ni même

contre mes frères injustes et égarés ; mais, à l'exem

ple de Jésus et de Marie, je prie pour eux, en vous

disant du fond du cœur : Pardonnez - leur, Sei

gneur, ils ne savent ce qu'ils font !

La mort, la cruelle mort, vient de me ravir ce

que j'avais de plus cher au monde ! Vous venez

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3 i 3

d'exiger, ô mon Créateur! le sacrifice de cette per

sonne que j'aimais plus que ma propre vie, de cet

époux , de ce fils , de ce père , de ce protecteur !

Vous ne voulez pas que je sois insensible aux coups

qui me frappent ni à la perte que je fais , mais

vous voulez que je vous en fasse le sacrifice, et que

j'imite Marie dans la force avec laquelle elle sup

porta la mort de son fils unique! Eh bien [Seigneur,

oui, je vous le fais, ce sacrifice pénible ; je ne me

plains pas de vos arrêts ! Il est vrai , mes larmes

coulent, mais je ne les répands que dans votre pré

sence , ô mon Dieu i je me dérobe aux yeux des

hommes pour ne confier mes peines qu'à vous seul!

Mon cœur abattu cherche à la vérité des consola

tions , mais il n'en cherche qu'en vous ! La nature

se révolte ; mais la religion , mais les exemples de

Jésus et de Marie m'apprennent à triompher de

la nature elle-même!

O mon âme ! louez le Seigneur. Dites que sa

sainte et adorable volonté soit faite en tout et

partout ! Le ciel et la terre lui sont soumis : pour

quoi moi , faible et chétive créature , ne me sou-

mettrais-je pas aussi ? — Comment oserais-je me

plaindre de mes disgrâces? Suis-je bien sûre que

je ne me les suis point attirées moi - même par

des imprudences ou des désordres ? Comment

me permettrais -je de murmurer contre le Sei

gneur? Le Seigneur se plaît-il dans les souffrances

de ses créatures? Ne dois-je pas le remercier plutôt

!

3 1 4 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

d'avoir permis qu'une occasion favorable me don

nât la facilité d'expier mes erreurs sans nombre?'

Et fût-il vrai que mon Créateur m'eût envoyé des

malheurs tout exprès pour éprouver ma vertu , ma

résignation et mon amour , ne serait-ce point alora

le moment de manifester des sentimens véritable

ment dignes du ciel, plutôt que de me laisser aller

à une lâche pusillanimité , ou à ce désespoir résul

tat ordinaire de l'incrédulité ? Ne me suffit-il pas de

savoir que Dieu est infiniment bon, infiniment sage

et infiniment puissant , pour m'abandonner sans

réserve à sa providence ? Je me souviendrai donc

sans cesse des souffrances et de la résignation de

Marie ; et dans mes peines , toujours bien légères à

côté des siennes, je dirai avec elle au Tout-Puissant :

Seigneur ! dans la vie et dans la mort vous êtes

mon Dieu ! entre vos mains je remets mon sort

pour l'éternité ! .

SDR DIVERâ SUJETS DE RELIGION. 3i5

vVwwvw*rwwwWWWWWWWVWVWWWWWWWWWHWWVWWWWWWVWW

SIXIÈME SUJET.

AMOUR DE DIEU, SERVICE CONTINUEL DU SEIGNEUR.

Je vous salue, ô la plus parfaite des vierges! et

je reconnais que vous avez été véritablement rem

plie de grâces. Votre cœur, pénétré de l'amour di

vin, fut un autel où s'offrait un sacrifice continuel.

Toutes les actions, toutes les pensées de votre vie

furent dictées par un esprit de religion et d'amour

de Dieu. Vous rapportiez tout à Dieu. La grande

pensée de cet Etre qui remplit l'univers, cette pen

sée qui élève l'âme et la rend capable de grandes

choses , cette conviction intime que vous vous

trouviez partout dans la sainte présence de celui qui

dirige la destinée de tous les mortels, devint, chez

vous, la première cause de cette sainteté qui vous

méritera les éloges des générations les plus reculées.

Oui, la vie de Marie fut un service continuel du

Seigneur. Dans tout ce qui lui arrivait , elle n'en

visageait que l'éternel témoin de ses actions, et le

juge incorruptible de chaque mouvement de son

cœur. Elle n'ignorait pas qu'avec une telle con

duite on parvient à s'élever à une haute sainteté

par les actions les plus simples en apparence. Et

c'est ainsi que , s'enrichissant de jour en jour de

tous les mérites de la vertu , elle conserva dans

3l6 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

leur état primitif l'innocence et la pureté de son

cœur. ,

Hélas ! par les mêmes moyens , j'aurais pu

augmenter prodigieusement mon trésor dans le

ciel ! Dans ce moment je pourrais déjà être riche

devant Dieu , et mûVe pour l'éternité ! tandis que

je languis encore dans le honteux esclavage de

mes passions et dans la lèpre du péché. Seigneur,

quand commencerai-je donc à vous servir comme

vous le méritez ? Quand penserai-je sérieusement

à travailler à ma perfection et à ma félicité ? 0 mon

Dieu ! que je regrette le temps perdu ! Mais s'il

est vrai , Seigneur , que je commence tard à vous

servir, au moins , faites-moi la grâce de demeurer

fidèle , jusqu'à mon dernier soupir , à la résolution

que je forme aujourd'hui. Faites qu'à l'exemple

de l'admirable Marie, je sanctifie jusqu'à mes

moindres actions pendant le reste de mes jours.

Et alors, si je n'arrive point riche en mérite et en

bonnes œuvres au terme de ma carrière mortelle,

au moins pourrai-je espérer le pardon de mes

fautes passées.

Ainsi , dès aujourd'hui je veux m'accoutumer à

ne voir que Dieu dans tout ce qui m'arrive , à n'a

voir en vue que lui seul dans toutes mes démar

ches. Dans la prospérité je lui rendrai grâces , et

dans les revers je porterai vers lui mes regards.

Dès aujourd'huije veux chercher à m'élever à un tel

degré de sainteté, que mes peines elles-mêmes me

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3 I <J

paraissent de véritables jouissances. Oui , dès ce

moment je reconnaîtrai et adorerai , en tout et

partout , la sainte volonté du Créateur ; je m'effor

cerai de m'y conformer dans ma conduite autant

que la faiblesse humaine peut le permettre.

Dieu de bonté ! en suivant l'exemple de Marie ,

le reste de ma vie sera un sacrifice non interrompu.

Quelles prières , quelles adorations pourraient vous

être plus agréables que des journées passées dans

l'exercice de tout bien ? A la vérité , je ne pourrai

point passer tout mon temps dans votre saint

temple ; mais je remplirai tous les devoirs de mon

état, et, par les occupations les plus simples en

apparence, j'arriverai à la perfection.

Quel bonheur pour moi , dans la suite , si je

m'attache irrévocablement à suivre les exemples

de Marie dans son zèle pour le service de Dieu !

Et pourquoi ne les suivrais-je pas , ces exemples

sacrés ? Ne m'est-il pas permis , aussi-bien qu'à

Marie, de m'encourager sans cesse par la pensée

du Seigneur suprême? Ne suis-je pas, comme elle,

placée sous la surveillance du ciel? N'est-ce pas

toujours la même providence paternelle qui di

rige tous les événemens de notre vie?— Oui, moi

seule je me suis opposée jusqu'à présent à ma fé

licité, car Dieu n'a jamais cessé un seul instant

de la chercher : c'est là son unique désir ; et les

moindres changemens qui surviennent à ma si

tuation ne sont que l'effet des conseils de son éter

3 I 8 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

nelle sagesse qui m'appelle sans cesse au bonheur

par la perfection. Si j'entre dans ses vues, si je ne

contrarie en rien les effets de sa bonté , il me

conduira à ma fin par" des voies sûres et infaillibles ;

il saura faire servir mes faiblesses passées elles-

mêmes à mon avancement spirituel.

Que cette grande et salutaire pensée de la pré

sence de Dieu fasse donc une impression profonde

et durable sur mon cœur. Que ce souvenir donne à

toutes mes paroles , à toutes mes entreprises , à

tous mes désirs la direction convenable , afin que,

dans la prospérité, je ne me laisse point aveugler

au point de faire un mauvais usage de mes biens ,

et que , dans l'adversité , je puisse toujours de

meurer ferme et résignée.

Oui, mon Dieu! la résolution irrévocable en

est prise ; à l'exemple de la divine mère de Jésus,

je veux m'efforcer à ne plus voir que vous dans la

Nature entière, et à entrer, avec toute l'exactitude

qui me sera possible, dans toutes les vues de votre

tendresse. Je rechercherai avec soin et empresse

ment toutes les occasions de pratiquer quelque

vertu et de faire quelque bien. Je m'exercerai dans

la patience, dans l'humilité, la modestie, dans la

charité, la piété , la religion, dans la bienfaisance

et toutes les œuvres de miséricorde, et surtout dans

la fidélité et la confiance filiale que je vous dois.

Je remplirai avec joie tous mes devoirs , même

ceux qui paraissent humbles et petits aux yeux du

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3 H)

monde. Le bien-être spirituel et temporel de mes

semblables sera en même temps l'objet continuel

de ma sollicitude. Donner des conseils, porter des

secours et des consolations , faire , en un mot ,

le bien , sera mon occupation la plus chère. Et si,

à l'exemple de Marie , je remplis bien ces diverses

résolutions; si , jusqu'à la fin de ma carrière, j'ai le

bonheur de ne les plus perdre un seul instant de

vue , avec quelle douce consolation je pourrai me

rendre alors , pendant toute l'éternité , le témoi

gnage précieux d'avoir consacre ma vie à un ser

vice non interrompu du Très-Haut! Quelle joie,

quel triomphe de pouvoir me dire incessamment

que mon amour pour Dieu a brûlé d'une flamme

continue, et qu'il n'a fait que s'accroître à chaque

instant, dépuis le moment où, moyennant votre

grâce, j'ai persisté avec fidélité dans mes résolu

tions ! Quelle gloire de pouvoir m'applaudir éter

nellement d'avoir choisi le véritable chemin de la

félicité ! "

» , , * • > ' * y

[ . ^ , ..i î. t' ' i J , , .LAI. . ..." J " ) ', ' . , <<» J ' '

. . f I , • 3'i . f i - i ' '. • • ' i

,

ilO BÉFUiXIONS ET SENTXMENS

SEPTIÈME SUJET.

LA VERTU RICHEMENT RÉCOMPENSÉE.

Je vous félicite , divine Marie , au moment de

votre départ pour une vie meilleure. Je me réjouis

de voir approcher le terme de toutes vos peines ,

et les riches récompenses qui vont couronner vos

vertus. Par là vous donnez à l'univers une preuve,

aussi consolante qu'incontestable , qu'une vertu so

lide et pure peut seule rendre l'homme heureux.

Vous y avez trouvé vous-même le contentement

pour le temps , et la félicité pour l'éternité, et vous

êtes vraiment pour nous l'exemple de la vertu ri

chement récompensée.

- Nous ne disons rien de trop lorsque nous avan

çons que toute votre vie n'a été, qu'une suite de

pensées et d'actions véritablement dignes du Créa

teur ; aussi pouvons -nous ajouter que la récom

pense , qui tôt ou tard suit immanquablement la

vertu, vous fut donnée dès cette vie., et que votre

félicité ne fit que s'accroître jusqu'au moment glo

rieux où le Très-Haut épuisa en quelque sorte sur

vous les trésors de sa toute-puissance.

La plus tendre jeunesse de Marie, déjà marquée

par tant d'innocence et de vertu , lui mérita d'être

proposée , comme un modèle accompli. , à toutes

,

v /

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 32 I

les jeunes personnes de son temps. Il lui suffisait

de se faire connaître pour se concilier l'affection

et l'estime de tous ses contemporains. Éloignée

du monde , de ses faux plaisirs et des soins ter

restres , seule et retirée dans le sein de l'oubli,

elle trouva dans son propre cœUr une consolation ,

une paix que le monde ne saurait donner. Une

foi ferme et inébranlable devint la base de toule's

ses vertus ; une paix durable s'établit dans cette

âme remplie de confiance en Dieu, et de l'espoir

d'un avenir meilleur.

L'intérieur de Marie ne fut jamais troublé par

aucune passion dominante. Jamais d'orage , ja

mais le plus léger nuage dans cette âme noble et

pure ! Contente de ce que le ciel accorde pour la

vie, soumise à toutes les destinées de la Provi

dence , armée d'un courage inébranlable pour les

heures de tribulations , cette Vierge établit en elle-

même une source de félicité. Elle put attendre Je

terme de son pèlerinage terrestre avec un calme

parfait; elle savait que ce pèlerinage, quoique dur,

ne pouvait se terminer que par un bonheur sans

fin.

On peut le dire : la douceur et l'amour faisaient

le fond du caractère de Marie ; ces vertus furent

inaltérables en elle , et ne se démentirent jamais ;

aussi sera-t-elle toujours le plus beau modèle qui

puisse être proposé aux épouses fidèles , aux mères

tendres, aux véritables amies, et à toutes les jeunes

322 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

chrétiennes qui aspirent à la perfection. Si , pour

soutenir l'égalité de son humeur dans les situations

variées et difficiles de la vie , ses efforts furent pé

nibles , elle fut digne aussi de l'estime et de l'ap

probation universelles, ainsi que de l'attachement

de toutes les personnes vertueuses qui la con

nurent. Que dis-je ? elle obtint la haute approba

tion de la Divinité elle-même, et les faveurs les plus

signalées du ciel ! Que pouvait-il donc manquer à

son bonheur, même dès cette vie ? Humble, pauvre,

abandonnée , persécutée , quoique descendant des

rois d'Israël, elle était riche en vertus, et aimée

du Seigneur.

Oui, Marie prit le véritable chemin du bonheur.

Elle sut mettre au profit de sa perfection toutes

les circonstances de sa vie, et ses souffrances elles-

mêmes contribuèrent à consolider la paix de son

cœur. Son entière confiance en Dieu la conduisit

jusqu'au terme de sa carrière mortelle , et son

passage à l'éternité ne put être pour elle que le

passage à la gloire suprême. Aussi son nom est-il

resté en bénédiction parmi nous. Son souvenir

sera toujours cher aux âmes sensibles ; elle sera

appelée heureuse jusqu'aux générations les plus

reculées; et, ce qui est plus glorieux encore, toutes

les âmes droites et généreuses, remplies d'une vé

nération profonde pour ses vertus et la sainteté

de sa vie, s'efforceront, jusqu'à la fin du monde,

de marcher sur ses traces !

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3a3

Quelle preuve éclatante la vie de Marie ne nous

offre-t-elle donc pas de cette vérité qui devrait être

gravée en caractères d'or dans tous les temples, et

en caractères de feu dans tous les cœurs, qu'une

vertu solide et pure est seule capable de rendre

l'homme véritablement heureux ! —Non ; tout bien

considéré , je ne pourrai jamais appeler heureux

celui qui ne trouve pas dans son cœur la paix et le

contentement que donne la vertu. Et comment

pourrait-il donc goûter le bonheur , cet esclave

méprisable du vice , que mille soucis et mille re

mords agitent? L'or, les pierreries et la gloire

humaine ne donnent pas la paix ; et quand bien

même je verrais le monde s'étourdir un certain

temps sur son véritable état ; quand il serait vrai

qu'il réussît à se distraire pendant quelques jours

par les plaisirs bruyans qu'il invente sans cesse ;

quand je le surprendrais même endormi entre les

bras de la volupté , de quelle durée pourrait être

cette image prétendue du bonheur? O ciel ! comme

les suites funestes du désordre et du crime sont

promptes à attaquer et à poursuivre le malheureux

qui s'y est livré ! Comme la paix et la tranquillité

disparaissent subitement d'un cœur irréligieux et

coupable! Comme les cruels remords s'acharnent à

tourmenter une âme pécheresse ! Comment donc

pourrait-il y avoir un seul moment de paix pour

l'infortuné qui ne peut plus prononcer le nom de -

vertu sans rougir, ni se rappeler la pensée de Dieu

,i i .

3^4 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

sans terreur? Comment concevrait - il un senti

ment de confiance ou d'amour filial, celui-là qui

ne peut penser à la vie future , à la mort , au ciel

et à l'éternité qu'avec effroi, qu'avec horreur? Non,

point de bonheur pour l'homme criminel. La vraie

félicité n'est réservée qu'à la vertu, car elle éprouve

déjà ici-bas un avant-goût du bonheur éternel.

Comment ne sacrifierais-je pas tout pour suivre

cette voix puissante du Seigneur et l'invitation

de Marie , qui ne cessent de m'appeler à la perfec

tion chrétienne, tandis que mille expériences me

prouvent clairement que la. félicité et la perfection

sont unies aussi intimement entre elles que le sont

les perfections de Dieu dans son essence divine ; et

lorsque , par mes propres raisonnemens , je trouve

que l'imitatrice zélée de Marie peut seule goûter le

bonheur , et qu'elle le goûte même au milieu des

tribulations de la vie ?

O mon Dieu l dès aujourd'hui je suis à vous et

au bonheur ! Dans toutes les rencontres, et à chaque

instant de ma vie , je serai prête à suivre la voix

salutaire de la vertu, d'après les exemples de Jésus

et de Marie , pour ma tranquillité sur la terre et

ma félicité dans le séjour éternel de la gloire , où

seulement la vertu recevra sa véritable couronne et

une récompense digne d'elle !

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3n5

,VAA\1\WH\\VVV*WW\WWWVXWWWW\VWWWWVVWWVWWVAXWw\yWXVWW V

HUITIÈME SUJET.

LA PRIÈRE ET l'oRAISON.

Quelle consolation et quel bonheur pour moi

*le trouver un ami puissant , grand et noble pro

tecteur, toujours disposé à me secourir et à alléger

mes peines ; à qui je pusse confier tous les jours

mes peines , mes besoins divers ! Ce serait rencon

trer un trésor, selon l'expression de l'Écriture !

Ame de peu de foi ! chaque chrétien n'a-t-il donc

pas à ses côtés cet ami fidèle , ce puissant conso

lateur, ce noble protecteur ? Le Souverain du ciel

et de la terre n'a-t-il pas lui-même , le premier ,

établi entre lui et les humains des relations intimes

et étroites ? Vous pouvez vous adresser à lui , à

toute heure et avec une pleine confiance , comme

à un confident , comme à un père , et lui faire

incessamment part de vos craintes et de vos es

pérances. Son oreille est toujours attentive à vos

prières , et son cœur toujours penché vers vous. Il

ne demande même qu'à vous seconder dans vos

efforts pour parvenir au vrai bonheur, puisqu'à

cette fin toute créature intelligente et sensible a

été tirée du néant.

Pourquoi suis-je obligée de prier ? Que dois-je

326 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

demander dans mes prières ? Comment dois-je

m'entretenir avec Dieu dans mes oraisons? 0 vous,

Vierge pure et sainte , qui , la première , avez eu

des communications si intimes avec le Très-Haut,

après m'avoir donné tant d'autres exemples , en

seignez-moi encore à le prier comme il le faut.

Pourquoi Dieu veut-il être prié ? Pourquoi ne

m'accorde-t-il pas, sans de pressantes sollicitations,

tout ce dont je puis avoir besoin? Ne connaît-il

pas beaucoup mieux que moi tout ce qui m'est né

cessaire et utile ? — Telles sont les questions , ou

plutôt les blasphèmes d'une impiété toujours aveu

gle qui n'a point vu , ou n'a point voulu voir, que

si le Tout-Puissant avait adopté un semblable sys

tème à notre égard , il eût ainsi détruit toute es

pèce de relation entre le ciel et la terre , et que

nous eussions été tous semblables à cet enfant

malheureux de l'Evangile , qui avait reçu sa légi

time , et qui n'avait plus rien à espérer de son

père. Cet argument captieux du philosophe du

siècle est-il donc un langage digne d'un sage , et

surtout d'un législateur? Attaquer inconsidérément

l'usage de la prière , c'est se mettre en opposition

avec le genre humain , et par conséquent la sainte

nature ! C'est outrager la bonté et la puissance

du Créateur autant que la raison humaine. Com

ment le profond philosophe , auteur de ce para

doxe , ne put-il pas se rappeler que Dieu peut

accorder des faveurs conditionnelles , et attacher

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3 37

certains bienfaits aux prières ferventes de ses créa

tures sensibles , sans que pour cela il soit obligé

de changer ses décrets éternels ? Pour moi, je ne

me mettrai jamais en peine de la puissance du

Seigneur, il peut, sans aucun doute, m'accorder

toutes les faveurs dont je saurai me rendre digne ;

et de plus grandes encore , car son pouvoir ne re

connaît point de bornes au ciel ni sur la terre.

Avant que je fusse en état de prier , le Seigneur

m'avait déjà accordé une infinité de bienfaits. Il

m'avait donné l'existence, le premier de tous les

biens ; il m'avait fait naître de bons parens ; il avait

amené dans mes bras des amies vertueuses ; enfin,

il m'avait fait trouver partout de nobles protec

teurs , des bienfaiteurs généreux , dont il a été

lui-même le premier : comment donc aujourd'hui

serais-je assez ingrate ou assez aveugle , pour

trouver mauvais que ce Maître souverain de tous

ses dons en ait attaché quelques-uns à mes prières

ferventes , sans vouloir ne les accorder qu'à de

vives instances ?

Cependant, nous pouvons encore ajouter ici cette

réflexion de l'Evangile que , dans nos prières ,

nous devons demander , surtout , les biens dont

l'objet est notre salut éternel , la grâce de bien

faire ; que tout le reste nous sera donné comme

par surcroît ; et cela , parce qu'il faut que le mérite

de la vertu nous soit propre , et qu'il puisse nous

être appliqué. Si le Seigneur nous rendait sages,

3aS RÉFLEXIONS ET SENTIMEMS

pieux , vertueux , parfaits , malgré nous , ou sans

que notre volonté y fût pour quelque chose , à

quelle récompense pourrions-nous donc prétendre ?

Nos prières ne seront donc jamais inutiles ni

superflues, si nous avons soin de chercher, avant

tout , le royaume de Dieu et sa justice , et si nous

ne demandons les biens terrestres qué%K>mme des

moyens de salut et des occasions de faire le bien.

Aussi , l'Eglise n'a-t-elle pas mis dans la bouche

de ses enfans seulement des prières intéressées;

mais, quand nous prions, nous louons Dieu, nous

le bénissons , nous l'adorons , nous lui rendons

grâces de ses bienfaits sans nombre. Dans nos

prières , nous excitons au fond de nos cœurs des

senlimens d'affection, de dévouement, de recon

naissance, d'bumilité, d'anéantissement devant la

majesté éternelle. Dans nos prières, nous nous

entretenons avec l'Etre des êtres, qui sait se com

muniquer avec tant de bonté à l'âme vertueuse ;

nous méditons sur les vices et les vertus, sur la

manière de fuir les uns et de pratiquer les autres.

En un mot, dans nos prières, nous nous occupons

directement , spécialement , et le plus utilement

pour nous , de notre perfection et de notre fé

licité.

Ainsi , je vois donc déjà quels biens je dois de

mander à Dieu dans mes prières. Seigneur, dirai-je

au Tout- Puissant , bienfaiteur de vos créatures !

â l'exemple de Salomon , je vous demande , avant

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. O29

tout , le don de la sagesse , préférable à tous les

trésors de la terre. Je vous demande le don de

charité , l'esprit de bonté , de douceur , l'esprit de

patience , de longanimité , l'esprit de sainteté et

de justice. Fortifiez , ô mon Dieu ! et dirigez ma

volonté , afin que je n'aspire jamais qu'aux vrais

biens. Sans la vertu , je méprise souverainement

les richesses, les honneurs et les grandeurs. du

monde. Donnez - moi , Seigneur , la science des

saints et toutes les connaissances célestes ; sans

elles je n'oserais même pas vous demander les

vaines lumières du siècle , ni les connaissances

obscures et incertaines des sages de la terre.

Mais comment dois -je prier? Autrefois les

apôtres firent la même question à Jésus-Christ ,

et ce divin instituteur des nations leur répondit:

Quand vous priez, dites : « Notre Père, qui êtes

» aux cieux , que votre nom soit sanctifié , que

» votre règne arrive , que votre volonté soit faite

» sur la terre comme au ciel ; donnez -nous au-

» jourd'hui notre pain quotidien , pardonnez-nous

» nos offenses , comme nous pardonnons à ceux

» qui nous ont offensés ; et ne nous laissez point

» succomber à la tentation , mais délivrez-nous du

» mal. Amen.» Voilà donc la prière des prières,

cette prière enseignée par Jésus lui-même; cette

prière que je ne saurais jamais trop répéter, parce

qu'elle contient l'abrégé de toutes les autres. Voilà

ces paroles divines qui ne doivent point être sim^

33o HÉFLEXIOKS ET SENTIMENS

plement sur mes lèvres , mais dans mon cœur ;

puisqu'elles expriment , avec une précision admi

rable , tous les sentimens dont je dois être animée

envers Dieu et le prochain. Si les sages de l'anti

quité ont essayé de donner aux hommes quelques

formules de prières , ces formules n'étaient évi

demment que les faibles étincelles de ce soleil de

toute vérité qui, aujourd'hui, éclaire tout homme

appelé dans ce monde.

Faites donc, ô mon Dieu ! que toutes mes prières

soient telles que vous les désirez. Et vous , admi

rable mère de Jésus-Christ , en tout mon modèle ,

mettez dans mon cœur un langage aussi pur, aussi

naïf et aussi simple que le vôtre au Seigneur, lors

que vous demandiez le salut du monde , en appe

lant le Sauveur sur la terre.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 33 I

XXXVWXXXMVUWUWVW\\WXVWVXVVVXXVVWXXXXWXXXVXA\XVXVWXXWXWXWWWWXWWXX»

NEUVIÈME SUJET.

DE LA BIENFAISANCE.

Encore une vertu qui doit être comme parti

culière aux jeunes personnes et aux femmes chré

tiennes : c'est la vertu des cœurs bien nés, la vertu

des coeurs sensibles , la céleste bienfaisance. Il est

devenu indispensable , aujourd'hui , de ranimer ,

parmi nous , cette vertu précieuse par le feu sacré

de la charité chrétienne. On ne peut plus se le

dissimuler; un égoïsme honteux et un athéisme

désolant ont tari toutes les sources de la bienfai

sance. Mais si l'incrédulité et l'impiété sont dures

et insensibles ; si la prétendue philanthropie est

froide et impuissante, la religion saura bien encore

amollir les cœurs , si l'on vient , de fait , à lui

rendre quelque influence de morale publique. Une

seule sentence de Jésus-Christ a produit plus de

bien sur la terre que tous les ouvrages des mo

ralistes et toutes les sociétés se disant philanthro

piques : « Ce que vous aurez fait pour le dernier,

pour le plus humble , pour le plus pauvre de mes

disciples , c'est pour moi personnellement que

vous l'aurez fait. » Que de bien ce peu de paroles

n'a-t-il pas produit sur la tewe depuis dix-huit

cents ans! Que d'actes d'humanité, de générosité,

332 RÉFLEXIONS ET SENTIMEMS

«l'héroïsme , n'a point fait éclater cette religieuse

persuasion ! Que d'infortunés soulagés ! Que de

malheureux consolés ! Que de larmes essuyées !

Le nombre de ces légions d'âmes charitables qui

se sont sacrifiées de tout temps , dans le christia

nisme , pour le Service des pauvres et le soulage

ment des malades , est incalculable. Et tous les

jours encore des milliers de ces filles admirables

de saint Vincent de Paule deviennent les martyrs

de l'humanité souffrante , sur la seule foi des pro

messes que leur a faites Jésus-Christ !

Non , rien n'est plus capable de nous rendre

généreux et nobles, grands et magnifiques dans

nos sacrifices pour le bien de nos semblables , que

les mystérieuses vérités de l'Evangile , et les tou-

chans exemples de Jésus et de Marie. Je tâche

rai donc ,v par des souvenirs religieux , de renou

veler aujourd'hui ma tendresse envers ceux de mes

frères et sœurs en Jésus - Christ , qui n'ont reçu

pour partage suf la terre que la misère et les

souffrances.

La raison nous apprend que nous sommes tous

les enfans d'un même père tendre qui veut que

nous ayons tous également, de quoi subvenir aux

besoins indispensables de la vie. 11 est donc bien

juste que nous nous regardions tous comme frères,

et que nous nous aimions comme tels ; que nous

nous prêtions un secours mutuel , et que nous évi

tions soigneusement qu'aucun de nos semblables

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 333

ne soit victime secrète de la faim et de la misère. Si

Dieu s'est trouvé dans la nécessité d'admettre sur la

terre mille états différens et mille conditions di

verses, ce qui entrait nécessairement dans le plan

d'une société, il a su mettre également dans le cœur

de tous les hommes le précieux sentiment de la pitié

et de la commisération ; il nous a donné à tous des

entrailles de miséricorde , nécessairement émues

à l'aspect des misères humaines, si, par des pas

sions avilissantes , nous n'avons pas détruit en

nous cette divine sensibilité; et il a voulu que la

bienfaisance et la charité rétablissent l'équilibre

rompu par le partage inégal des biens terrestres.

La bienfaisance est,donc née en quelque sorte avec

le cœur humain ; et celui qui peut amasser des

richesses, tandis que ses frères manquent du néces-

cessaire ; celui qui peut vivre dans l'abondance ,

tandis que ses frères manquent de pain ; celui qui

peut se vêtir et se loger richement et se couvrir

d'or et de pierreries , tandis que ses frères sont

sans asile, sans vêtemens, exposés à la rigueur

des saisons , n'est assurément point un homme ,

c'est , dans la société , un monstre dont les pas

sions ont corrompu le cœur.

Mais ce sentiment louable et naturel chez tous

les hommes a encore été perfectionné par Jésus-

Christ. « Celui , dit-il , qui voit son frère dans le

besoin et la souffrance, et qui resserre ses entrailles

pour ne le point soulager, comment la charité

334 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

de Dieu demeurerait-elle en lui? » Non, sans doute,

un cœur dur et inhumain ne saurait être l'ami

d'un Dieu , tout amour ; d'un Dieu attiré sur la

terre par la seule charité, et qu'elle a immolé pour

le salut de tous les hommes. Aussi , lorsque le

sentiment de l'humanité , perfectionné par la

charité chrétienne , remplit bien notre cœur, com

bien la vue d'un riche avare qui entasse trésor

sur trésor et qui chasse durement le pauvre du

seuil de sa porte, nous révolte ! Nous éclatons né

cessairement , dans ces rencontres , en murmures

et en reproches. Combien , au contraire , notre

cœur, à l'aspect de l'acte d'une généreuse bien

faisance , est satisfait ! C'est alors que , pour ainsi

dire malgré nous , nous nous écrions : Ah ! bénie,

mille fois bénie cette âme sensible et charitable ;

elle est , sur la terre , l'image la plus parfaite du

Dieu de toute bonté, qui nourrit la terre entière!

0 mon Dieu ! conservez et augmentez en moi

cette précieuse sensibilité pour les malheurs de

mes semblables ! Pourrais-je donc me dégrader au

jourd'hui , parce que j'en éprouve toute la force ?

Qu'elle est affligeante , en effet , la pensée qui me

reporte sur tant d'ouvriers pauvres , de parens

infortunés qui, après un travail opiniâtre pendant

une longue journée , ne peuvent , le soir , rap

porter à leur femme exténuée , à leurs nombreux

enfans affamés, qu'un pain trempé de leurs sueurs

et de leurs larmes , insuffisant , hélas ! pour les

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 335

alimenter tous ; qui n'ont d'autre asile qu'un gre

nier où l'on n'aperçoit pour tout meuble que

quelques brins de paille sur lesquels ils ne peu

vent trouver le repos ni réparer leurs forces épui

sées ! N'est - il pas affreux d'apprendre que des

malheureux , accablés de misère et de fatigues ,

meurent chaque jour abandonnés , et sans laisser

pas même le linceul dont leur dépouille mortelle

aurait dû être enveloppée en attendant le jour du

Seigneur? JN'est-ce donc pas un spectacle déchi

rant que celui de personnes , remplies de délica

tesse et de sentimens d'honneur, réduites, faute

de vêtemens décens , à ne pouvoir se rendre dans

le temple du Seigneur pour y adorer notre Père

commun ; que celui de parens réduits à une

extrême pauvreté , n'ayant que des larmes à

donner à leurs enfans , qui ne cessent de leur de

mander du pain ? Et à la vue d'une telle misère ,

ô mon Dieu ! je ne serais point attendrie! et je ne

volerais pas au secours de tant d'infortunés partout

où je le puis ! et je ne chercherais pas , avec une

sollicitude inquiète , la retraite obscure de la

pauvreté et des larmes ! Ah! si l'humanité, si la

charité , était à un tel point un sentiment mé

connu par mon cœur , que j'aurais honte de me

dire chrétienne !

Lorsqu'à la fin de la journée le Père de famille

viendra demander , à chacun de ses serviteurs ,

compte de son travail; lorsqu'il verra que plusieurs

336 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

de ses enfans ont succombé sous le poids de lèifr

misère , combien seront attérans les reproches

amers qu'il adressera au mauvais riche ? « Mal

heureux , s'écriera-t-il , comment avez-vous laissé

mourir de faim votre frère? Comment avez-vous

permis que la misère exposât votre sœur à la plus

affreuse destinée ? N'avais-je pas mis sur la terre

tout le nécessaire pour l'entretien de toutes mes

créatures ? n'étiez-vous pas bien partagé du côté

de la fortune , et ne vous avais-je pas donné un

cœur sensible ? Comment donc n'avez-vous songé

ridiculement qu'à amasser le superflu ? Comment

n'avez-vous fait aucune action généreuse qui puisse

témoigner maintenant en votre faveur? Retirez-

vous , et allez cacher votre honte dans les abîmes

éternels, car vous êtes éternellement indigne du

ciel et de moi. » O Dieu ! quel coup de foudre ces

justes reproches ne seront-ils pas pour le cœur

dur et inhumain au dernier jour , au jour du ju

gement !

Seigneur l je crois pouvoir me rendre ce con

solant témoignage : je ne mériterai point, à cet

égard , votre terrible condamnation ! Si je n'ai

point été, jusqu'à ce jour , généreuse et noble au

tant qu'il convient à une imitatrice de Marie , au

moins vais-je me montrer telle dès aujourd'hui ,

et jusqu'à la fin de ma vie. Oui, je veux renouveler

parmi nous ces grands exemples si fréquens dans

la primitive église , de céder au pauvre tout mon

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. OJ^

superflu , comme un bien qui leur appartient I

Que dis-je ? je veux partager même mon néces

saire avec ceux de mes frères et sœurs entièrement

dénués de tout secours ! Je veux visiter, soulager,

consoler le malade , le vieillard , le prisonnier. Je

veux nourrir le pauvre, la veuve désolée, l'orphe

lin abandonné. Je veux ramener dans le chemin

de la vertu ceux et celles qui ont pris celui du vice

et du malheur. Je veux que la charité de Jésus et

de Marie , la bienfaisance chrétienne , dans le sens

le plus noble et le plus parfait, fasse ma plus douce

occupation ! Je veux , en un mot , que le repos ,

que le sommeil , que le bonheur me fuient tant

que je saurai qu'il reste près de moi un seul mal

heureux dont je puisse atténuer les peines !

Et si , le reste de ma vie , je suis fidèle à ces ré

solutions , avec quelle assurance je pourrai me

présenter au dernier jour devant le tribunal du

Juge suprême des vivans et des morts! Le pauvre,

le nécessiteux que j'aurai soulagés dans leurs souf

frances , dont j'aurai apaisé la faim ; l'étranger à

qui j'aurai donné l'hospitalité ; le malade que j'au

rai soigné ; l'ignorant que j'aurai instruit dans les

voies de la perfection ; le faible et l'opprimé dont

j'aurai fait valoir les droits , se presseront autour

de moi , et Jésus s'avancera plein d'une bonté di

vine, en m'adressant ces paroles rassurantes pour

l'éternité : « Ame fidèle , prenez courage ! J'ai été

pauvre , j'ai été nu , j'ai été malade et en prison ,

22

338 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

et vous avez partagé avec moi ; vous m'avez visité

et consolé ; vous avez essuyé mes larmes. Tout ce

que vous avez fait pour le plus pauvre, pour le

plus humble , pour le dernier de mes disciples ,

c'est pour moi personnellement que vous l'avez

fait. Je ne veux point me laisser vaincre en géné

rosité par mes créatures ; entrez dans le royaume

des cieux , venez y partager ma gloire éternelle ! »

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 33g

vw\xww\w vw\w\wwi\xaw\w\w\ vwwwwvwww\wuwumuwvww

...

SOUVENIRS PIEUX DES DÉFUNTS; VISITE ANNUELLE AUX

CHAMPS DU SEIGNEUR.

:'u , , >• ;- i-;.:iiî-u'..:;.-i zih ;.~.it»i

Je m'arrête aujourd'hui sur vos tombes , ô vous

qui m'avez précédé dans la carrière de la vie ! Je

viens dans l'asile de la mort recueillir des leçons

de sagesse et de vertu. Quelle multitude de mo-

numens lugubres ! Quelle foule de tristes inscrip

tions ! De quelque çôté que je porte mes regards,

je ne rencontre que des témoignages de douleur

et de regrets amers. Ici coulent les larmes de

l'amour paternel , de la piété filiale , de la ten

dresse fraternelle ; là , les pleurs de l'amour con

jugal, de l'amitié, de la reconnaissance Mais

partout aussi je vois réclamer, pour l'homme , le

glorieux privilége de l'immortalité. C'est unique

ment dans les souvenirs de la vertu, c'est dans le

Seigneur seul que l'on trouve sa consolation et que

l'on, ranime son espoir. — 0 vous donc qui fûtes

si chers à mon cœur ! vous n'êtes ici que dans un

lieu de repos , et vous ne dormez pas pour tou

jours : l'homme, créé à l'image de Dieu, ne saurait

périr , pendant que l'insecte se réveille à la saison

nouvelle ; la fleur reparaît, l'herbe même reverdit

22.'

Z/fO RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

sur vos tombes ; la nature entière me donne un

pressentiment de l'immortalité

Quelle barrière fatale sépare ici la génération

actuelle des précédentes ! O ciel ! dans ce lieu furent

déposées ces nombreuses dépouilles mortelles ,

animées autrefois d'âmes immortelles ! Elles ont

successivement éprouvé les sentimens divers de la

joie , des souffrances , de la crainte , de l'espé

rance; la vertu et peut-être, hélas î le crime , ont

exercé sur elles une heureuse ou fatale influence I

maintenant elles sont enveloppées des ombres de

la mort , jusqu'à ce que la voix puissante de l'Ange

se fasse entendre : O morts ! levez-vous.

Qu'elles sont imposantes , les vérités que me

suggèrent ces tombes ! Combien éloquente» et

persuasives les leçons données par cette poussière

insensible !

Je ne m'arrêterai point aujourd'hui à une dou

leur stérile, bien-aimés que mon cœur regrette ! Si

je me trouve ici sur vos tombes , père estimable ,

mère tendre , du moins je n'ai point abrégé vos

jours par de mauvais procédés. Mon cœur ne me

reproche rien; ma tendresse fdiale ne s'est point

démentie ; j'ai rempli à votre égard tout ce qu'elle

m'inspirait, et, en ce moment, je n'ai d'autre

regret que celui de vous avoir perdus ! Vous savez

d'ailleurs, mes défunts parens et amis, vous' savez

que je vous ai payé le tribut de larmes exigé

par la nature. Dieu et la religion veulent que je

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 34 I

me console maintenant , dans l'espoir donné par

Jésus-Christ qu'un jour je vous reverrai , et que

vos âmes chéries m'attendent au delà du tombeau.

La raison elle-même me rassure: «La sainte na

ture , s'écrie-t-elle , est trop sage partout pour que

vous puissiez la soupçonner capable de commettre

cette injustice horrible envers les êtres les plus

parfaits, de les anéantir totalement après quelques

années de souffrance; tandis que, dans toute la

création , pas un atome ne périt. Certes , si la

nature n'eût su terminer les maux de cette vie que

par une mort plus terrible encore , elle eût sans

doute laissé les hommes dans le néant, car le néant

eût été préférable ! Je me console donc , et au lieu

de pleurer sur vos cendres, je médite sur nos'des-

tinées à venir.

Ainsi que vous l'avez été pendant votre vie , je

suis mortelle , faible et fragile. En un instant je

puis vous rejoindre : il ne faut qu'un souffle pour

m'enlever de cette terre. Depuis l'année précédente

je n'ai point visité cette terre sainte, et les nouvelles

tombes que j'y remarque en grand nombre me

prouvent la fragilité étonnante de la vie humaine,

et ne m'en avertissent que trop. Que de victimes la

mort s'est choisies dans ce court espace de temps !

O Dieu ! avec quelle rapidité mes jours fuient sur

les ailes du temps ! A peine l'homme a-t-il celui

de faire quelques actions qui seront l'objet de son

jugement pour l'éternité, lorsqu'il se sent frappé

Z^l RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

inopinément par la mort. Il n'y a que peu d'an

nées , j'avais encore des frères , des sœurs , des

amies , un père chéri , une mère pleine de ten

dresse : semblables à des plantes fraîches et vigou

reuses , ils paraissaient devoir encore vivre long

temps ; eh bien ! ils ont passé comme des fleurs

qui éclosent le matin et sont fanées avant la fin du

jour ! La terre fut privée des fruits qu'ils voulaient

produire , et des bénédictions qui devaient les ac

compagner.

Le moment triste , mais doux , que je passe ici ,

devra donc laisser des traces profondes dans mon

âme pour le reste de ma vie. O vous ! mes bien-

aimés , arrachés si tôt à ma tendresse , vous m'ap

prenez encore , après votre mort , ces vérités im

portantes et capables de ranimer toutes les vertus :

vous m'avertissez de la courte durée de la vie , de

la fragilité et du néant de toutes les choses hu

maines ; enfin , de la nécessité de me disposer

promptement à l'éternité qui, peut-être, va bientôt

commencer pour moi.

O mon Dieu ! s'il est sage de me souvenir sans

cesse que je suis sujette à la mort, n'est-ce pas pour

moi un sujet de vous bénir, lorsque des réflexions

salutaires me font sentir vivement la vanité des

biens périssables. Comment, à la vue de ces tombes

éloquentes, pourrais-je encore attacher du prix aux

plus grands biens de la terre ? Que deviennent ,

quand je foule cette poussière , insensible résidu

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

de tant de corps jadis animés , que deviennent

la gloire et tous les honneurs de ce monde? Ah!

sans doute, le souvenir d'une bonne action vaut

plus que toutes les grandeurs humaines! La figure

de ce monde change incessamment. La plus bril

lante fortune , le plus grand bonheur d'iei-bas ne

durent qu'un instant. A l'ombre de ces saules pleu

reurs , dans le silence qui règne.sous ces cyprès ,

une voix secrète ne cesse de me répéter ces paroles

pleines d'une lugubre mais sainte vérité : Le sort

de l'homme sur la terre est de souffrir , et le

terme de sa vie est la mort. Ce qu'on appelle

joie, dans le monde, n'est qu'une illusion, et ses

plaisirs n'existent pas. O sainte vertu ! compagne

adorable de l'homme mortel I O espoir consolant

de l'immortalité ! vous seuls avez quelque chose de

réel aux yeux de l'âme sensible et de l'homme ré

fléchi !

Encore quelques-unes de ces années qui passent

comme autant d'éclairs , et j'aurai pris ma place

dans cette sombre vallée dela mort ; j'aurai traversé

la vie pour entrer dans l'éternité ! Ma dépouille

mortelle sera couchéee, en ce lieu de repos, dans une

étroite et humide tombe ! Moi-même je me le suis

choisi ; mais alors moi, cet esprit immortel , chargé

des souvenirs de bonnes ou de mauvaises actions ,

retourné auprès du Créateur , je serai réunie à

l'univers des génies , des anges , des esprits par

faits I Non , les plaisirs , les honneurs et tous les

344 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

biens terrestres ne méritent pas que je les pour

suive avec autant d'âpreté que de sollicitude. Mais

les biens célestes , les jouissances que donne la

vertu , les consolations de la religion , chaîne invi

sible par laquelle je tiens à l'éternité , n'en de

viennent que plus désirables à mes yeux.

Mais ces tombes qui m'environnent , et dont la

voix éloquente me donne la conviction de la des

truction et de la mort , ne me parlent pas , avec

moins de force, de la résurrection et de la vie.

Nous ne trouverons point , il est vrai , dans des

dépouilles mortelles confiées à la terre , inhumai

nement exhumées par la main d'un insensé ou

d'un impie , la preuve de l'existence des âmes qui

les animèrent ; mais elles se découvrent à nous par

les plus hautes pensées sur les perfections immua

bles du Créateur , et sur l'exeellence de la nature

humaine; et les traces de l'immortalité sont ainsi

inspirées au génie de l'homme capable de grandes

et vastes idées ! 0 vous ! autrefois malheureux ,

vous qui avez appris sur cette terre ce que sont les

souffrances et les larmes ! Vous qui avez peut-être

succombé sous les coups de la tyrannie, et qui avez

été précipités de bonne heure dans la tombe par

d'atroces contemporains ! âmes pures et vertueuses !

innocentes et patientes victimes ! comment, après

tant de souffrances et de vertu, seriez-vous rentrées

pour jamais dans le néant ! — Parce que vos per

sécuteurs ont été cruels au point de vous ravir la

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 345

vie, il n'y aurait plus de justice pour vous!!! O

Dieu ! je frissonne à cette pensée ; mon cœur, mon

esprit , ma raison , la repoussent avec une égale

indignation. Non, non ; le Créateur de cet univers,

le suprême Modérateur des destinées de tous les

mondes , est trop sage pour avoir laissé sa grande

œuvre dans un tel état d'imperfection. Un vil in

secte se réveille à la saison nouvelle , et l'homme

juste périrait !! — Il est donc vrai que ces cendres

inanimées m'annoncent la résurrection et la vie !

Jésus , le Dieu sauveur qui , dans sa personne sa

crée, a bien voulu nous donner un modèle des

corps glorieux , se tient debout sur ces tombes ,

afin de rappeler plus tard à la vie tous ceux qui

espèrent en lui. C'est ici le champ du Père de fa

mille : au temps de la moisson, il enverra ses anges ;

et ces corps mortels , tombés aujourd'hui *n dis

solution , seront glorifiés ! En attendant , la partie

la plus noble , que dis-je ? vous-mêmes , mes frères

et sœurs , vous survivez ! Le moi est impérissable ,

indestructible, immortel. Vous n'avez fait que me

précéder dans ce lieu où Jésus est allé nous pré

parer une place à tous.

Seigneur , fortifiez en moi de jour en jour l'a

mour de la vertu et le désir de la perfection de mon

être , afin que je puisse avoir part à la résurrection

et à la vie.

J'implore aussi , ô mon Dieu ! votre indulgence

et votre pardon pour ceux d'entre mes parens et

346 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

amis qui auraient encore à trembler au pied du

tribunal de votre justice éternelle. Souvenez-vous

qu'ils sont les frères de Jésus en qui vous avez mis

toutes vos complaisances, et les enfans de Marie,

la mère de Jésus , dont les vertus ont honoré l'hu

manité , et qui a rendu , par ces mêmes vertus ,

tous les chrétiens et chrétiennes , que dis-je ? tous

les hommes de cette terre, dignes de vos infinies

bontés. Transférez-les donc dans ce lieu de repos

où nous devons un jour nous rejoindre tous, afin

de recevoir , comme le prix de leurs bonnes ac

tions et de leur persévérance , l'éternelle félicité

que vous avez préparée pour tous ceux qui l'auront

méritée.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

AVANT DE S'ENDORMIR.

Je touche donc encore au terme d'une journée I

Dieu de bonté et de miséricorde, c'est une portion

bien considérable d'une vie qui doit être si courte.

J'ai passé ce jour sans aucun accident fâcheux,

sous votre conduite et votre protection paternelles,

et je le termine par le sentiment de la reconnais

sance la plus profonde. Soyez loué , Seigneur, et

soyez béni ! Que mon cœur sente bien vivement

avec quelle tendresse vous traitez votre créature et

la comblez de bienfaits! Comment ai-je mérité un

meilleur sort que plusieurs de mes frères , atteints

aujourd'hui par quelques coups funestes ? Votre

œil a veillé sur moi, et votre main a écarté tout

ce qui pouvait me nuire. Vous avez béni mon tra

vail et toutes mes entreprises , et vous les avez

couronnés de succès. Vous m'avez donné de la

force et du courage : vous m'avez même fait trouver

du plaisir dans l'accomplissement de tous mes de

voirs. C'est à vous seul que je suis redevable de tous

les sentimens agréables et doux que j'ai éprouvés,

et de tous les momens heureux que j'ai passés. C'est

348 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

vous-même qui avez touché mon cœur, qui avez

ravi mon âme. à la vue de l'aimable nature et des

divers objets de votre admirable création. C'est

votre main divine qui a conduit vers moi ce bien

faiteur, cet ami, ce consolateur, et le repos lui-

même que je vais prendre est un bienfait de votre

sagesse. Que de raisons n'ai-je donc pas, Seigneur,

de m'abandonner entièrement à votre bonté pa

ternelle ; de me jeter dans vos bras avec toute la

confiance d'un enfant ; de vous obéir avec joie ;

de vous aimer en esprit et en vérité, et de vous té

moigner ma reconnaissance autant qu'il peut être

permis à mon faible individu I

Que je serais heureux , ô mon Dieu ! si , dans

l'examen que je vais faire en ce moment de ma

conscience , je ne trouvais aucun sujet de repro

ches , et si je pouvais m'approcher de vous avec

un cœur parfaitement pur ! Dieu de toute sain

teté ! vous avez connu le motif de chacune de mes

entreprises. La pensée la plus secrète de mon

âme , mon plus léger désir ne vous ont point été

cachés. Vous connaissez aussi les fautes et les er

reurs dont j'ai pu me rendre coupable en ce jour,

causes infaillibles du trouble de ma tranquillité et

de ma paix intérieure. Daignez me faire sentir

vivement tous mes torts, afin que je sois porté à

la douleur et au regret qu'ils doivent faire naître

en moi , et que je fasse la résolution sincère de ne

plus vous offenser. Pardonnez-moi selon la gran

SCR DIVERS SUJETS DE RELIGION. O49

deur de votre miséricorde et de votre indulgence

paternelles , afin que mon cœur , contrit et humi

lié , trouve grâce devant vous , et que la paix et

la joie puissent y rentrer. La vue de votre bonté

infinie me disposera enfin à travailler efficacement

à ma perfection , et à ne plus m'exposer aux fautes

les plus légères.

Daignez, Seigneur, me rendre également at

tentif aux défauts qui pourraient me paraître in-

signifians, quoique très-dangereux en eux-mêmes;

apprenez-moi à veiller sur moi-même avec tant de

soin, que dans peu j'éprouve, par ma propre expé

rience , combien chaque degré d'accroissement de

perfection augmente mon bonheur.

La fin de ce jour doit aussi me rappeler lâ courte

durée de la vie , et le compte que j'aurai à rendre

à son terme. Peut-être le souverain Juge m'ap-

pellera-t-il dès demain. Hélas ! peut-être encore

aujourd'hui ! Cette considération doit; donc m'en-

gager puissamment à me conduire sans cesse avec

prudence et sagesse , et a vivre de manière que

l'approche de ma dernière heure ne m'occasione

aucune terreur. •-•

Plein de ces réflexions , pénétré de ces senti-

mens , uniquement occupé de votre bonté ét de

votre amour, je livrerai ce corps fatigué au repos

que votre providence lui a rendu nécessaire. Dieu

tout-puissant et bon, vous veillerez sur moi pen

dant que je ne saurai rien de moi-même , et que je

350 RÉFLEXIONS ET SEOTIMENS

serai hors d'état de me protéger. C'est donc à vous

seul que je me confie , ô mon Créateur, conserva

teur de mon être ! à vous qui m'avez déjà comblé

de tant de bienfaits que je n'avais point mérités, et

pendant cette nuit je me remets entre vos mains.

Faites que je trouve , comme à l'ordinaire , la

paix et la tranquillité sous votre protection, et

détournez de moi , ainsi que de tous ceux qui me

sont chers, les dangers et les malheurs de la nuit.

Que votre bras tout-puissant soit étendu sur notre

bon monarque, et que votre main pleine des plus

abondantes bénédictions les répande sur l'Etat et

sur chacun de ses membres. Soyez à la droite de

tout homme qui vous reconnaît et vous sert avec

zèle ; communiquez vos lumières et vos grâces à

ceux qui vous méconnaissent. Soyez la consolation

de tous les malheureux, de ceux d'entre mes frères

infortunés dépourvus d'asiles , et qui peut-être ,

avant de se retirer , n'ont pu satisfaire à leur

faim, ni réparer leurs forces perdues pendant le

jour. Secourez ces familles nombreuses et pauvres

que la misère tiendra éveillées pendant toute la

nuit. O Dieu ! puisqu'il n'y a plus d'humanité sur

la (erre, vous seul pouvez les soulager dans leurs

maux ! .. . , , • .:; • .. • ij. , ... . -

Pour moi, Seigneur,, qui me vois comblé de

biens, et que vous avez sans doute jugé trop faible

pour pouvoir supporter quelque misère, remplis

sez du moins mon cœur d'une vive reconnaissance,

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 35 1

et faites-moi la grâce de bien employer ma for

tune. Faites enfin que je m'endorme doucement

dans le sentiment de vos bonnes grâces et de votre

amour, afin qu'après avoir réparé mes forces par le

repos , je puisse me réveiller demain plein d'une

sainte joie , et que je me sente armé d'un nouveau

courage pour vivre en vrai chrétien , pratiquer

toutes les vertus religieuses et sociales , et remplir

tous mes devoirs.

Amen.

35a . ' RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

"""" ' " " ~ " ' ' — , ,, _

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

, .. POUR LE DIMANCHE.

Au moment du réveil.

Je vous salue, jour du Seigneur, jour d'une

préparation plus particulière pour l'immortalité !

Vous me rappelez ce grand jour de repos qui n'aura

plus de lendemain après la semaine pénible de

cette vie.

Comme ce saint jour encourage puissamment

toutes les vertus ! C'est avec un cœur content et

satisfait que je puis porter aujourd'hui mes regards

sur la société ; car je vois des millions de mes frères

déposer le fardeau d'un pénible travail , et oublier

quelques momens leur pauvreté et leur misère. Je

les vois , Seigneur , se rassembler, avec une tou

chante harmonie , au pied de vos autels , pour

vous adorer, vous et votre divin Fils. Ils se ré

jouissent au souvenir de votre sagesse , de votre

puissance et de votre bonté infinie. En ce moment

heureux , le dernier, le plus pauvre de mes conci

toyens , sent aussi le bienfait de la vie. Il s'est ar-

StR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 353

raché pour quelques heures aux occupations et

aux soucis qui le pressent pendant toute la se

maine , et il est accouru vers vous , 6 Père de

tous les hommes! avec autant de joie et une

confiance aussi filiale que le riche tout couvert

d'or, parce qu'il vous apporte pour présent un

cœur purl

Aujourd'hui tant de bonnes pensées , tant de

généreux sentimens, tant de pieux désirs, tant de

louables résolutions , sont réveillés dans tous les

cœurs par l'exposition simple de la doctrine la

plus consolante , et par le souvenir d'un amour

sans bornes et d'une miséricorde infinie ! — Tant

de bons desseins sont formés en ce jour , et seront

exécutés plus tard ! le pauvre , le malade , l'affligé ,

le prisonnier, s'en ressentiront ! Soyez donc béni ,

ô jour du Seigneur ! Oui , soyez béni, et demeurez

toujours un jour sacré pour moi !

Je vous loue , je vous adore et vous rends grâces,

6 mon Dieu ! de cette admirable disposition de

votre éternelle sagesse qui a consacré le septième

jour, afin qu'il fût sanctifié par toutes les généra

tions !

Le saint dimanche doit être la source de biens

innombrables pour le genre humain. Telle était

l'intention du Créateur. — Et n'a-t-il pas atteint

son but? Moi-même, n'ai-je pas senti mille fois

la salutaire influence de ce saint jour? En me réu

nissant , dans votre sainte maison , avec tous mes

25'

354 nÉFLEXIONS ET SENTIMENS

frères , combien de fois , Seigneur , j'y ai trouvé

de repos pour un cœur inquiet et agité ! Com

bien de fois j'ai trouvé de consolations dans mes

chagrins , de courage pour surmonter mes pas

sions , et de force pour l'exécution de tout bien !

Combien de fois j'ai trouvé de lumières pour un

esprit troublé et de solutions à mes doutes !

— Et dans mes erreurs et mes égaremens , com

bien de fois je me suis vu ramené dans la bonne

voie!

Touché du sentiment de la plus profonde véné

ration et de l'amour filial le plus ardent , je me

présenterai donc aujourd'hui devant vous, ô Père

commun des hommes ! J'unirai ma voix à celle de

vos vrais adorateurs pour célébrer avec eux vos

louanges et votre amour. Quel bonheur indicible

pour une créature raisonnable , que celui de pou

voir s'élever jusqu'à vous et vous reconnaître dans

vos ouvrages ! Oui , Seigneur , je sens que je suis

l'objet de votre sollicitude paternelle ; que c'est

vous qui voulez me mener à la perfection et au

bonheur ! Si je cherche moi-même , avec une vo

lonté ferme , à accomplir toute justice ; si la vertu

et la véritable félicité qu'elle procure me touchent,

je puis m'abandonner avec une entière sécurité à

la conduite de votre providence. Heureux ! oui ,

mille fois heureux l'homme qui voit en vous un

père , et desfrères dans ses concitoyens ! Heureux

le chrétien qui , plein de zèle et d'ardeur, s'avance

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 355

courageusement vers le but que votre sagesse lui a

proposé !

Je bannirai aujourd'hui de mon cœur tout ce

qui pourrait arrêter ces transports, et surtout cette

salutaire influence de la sagesse et de la vérité. Je

consacrerai une partie de ces heures de délasse

ment que mon Créateur m'a ménagées, à une mé

ditation sérieuse , mais paisible , sur l'état de mon

àme et de ma conscience. Je me dirai : Où en

es-tu dans tes rapports avec Dieu ? où en es-tu

avec tes semblables et avec toi-même? — Ces

questions ne me sont-elles pas de la plus haute

importance ? Plus il m'est facile de m'égarer sur

le chemin de la vie , de courir à ma perte et de

me précipiter dans l'abîme , plus il est nécessaire

de m'arrêter de temps en temps dans ma car

rière mortelle, et de porter un regard en avant

sur la partie intéressante de celle qui me reste

encore à parcourir, afin de ne point manquer mon

but. Je me ferai donc aujourd'hui quelques-unes

des questions suivantes, et mon cœur devra y ré

pondre.

Pourquoi ne suis-je pas encore devenu inébran

lable dans ma foi, m entièrement affermi dans

toutes les vertus ?

Pourquoi n'ai-je pas encore trouvé l'entier repos

de mon cœur; pourquoi sùis-je encore enclin à la

jouissance des plaisirs purement terrestres ?

Comment ferai-je pour devenir plus parfait , et

23

356 RÉFLEXIONS Et SENTIMENS

par-là plus heureux? Quels différens moyens m'est-iï

possible de mettre en usage ?

Pourquoi ne trouvai-je pas encore mon unique

plaisir et mon unique consolation, à m'entrete-

nir avec Dieu de la vie future et de l'immorta

lité^ ?

Après avoir médité sur l'un de ces sujets sè->

rieux , je prendrai des résolutions relatives; réso

lutions saintes , que le Seigneur ne manquera pas

de bénir du haut du ciel , et que je mettrai en

pratique pendant la semaine, jusqu'à l'heureux

retour d'un autre jour de- repos et de salut.

Par quel aveuglement inconcevable arrive-t-il

donc que l'observation de ce saint jour soit au

jourd'hui si généralement négligée parmi nous , à

la honte du christianisme , à la honte de la raison

éclairée ! Les idolâtres étaient plus exacts autrefois

à observer religieusement leurs jours de fête, que

nous ne le sommes dans ces temps d'impiété et

d'irréligion , qui auraient fait rougir les païens !

Gomment ose-t-on se glorifier du progrès des lu

mières au milieu d'une corruption qui nous con

duirait dans peu à l'ancienne barbarie ? L'obser

vation exacte du dimanche et la sanctification du

septième jour, instituée par le Créateur lui-même,

est , je l'ose dire sans crainte d'être contredit par

la philosophie , la principale cause de toute civi

lisation. Otez ces jours de réunion en présence de

l'Eternel , où les familles se rassemblent , où l'on

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3bn

cesse généralement des travaux mécaniques et

grossiers , où l'ouvrier , où le laboureur, cette classe

la plus nombreuse de la société , s'occupent quel

ques instans des vérités morales et de la religion

de Jésus-Christ ; et vous verrez , dès la première

année , les peuples redevenir sauvages , et toiites

les nations dégénérer en peu de temps : lumières,

morale , civilisation , religion , sciences et arts

même, tout se perdra.

Qui peut donc avoir contribué , parmi nous ,

à cette espèce d'abolition du saint jour du di

manche , de ce jour de repos et de délassement ,

de ce jour du Seigneur ? Sans doute que ce ne

sont pas ces malheureux ouvriers dont les sueurs,

pendant toute la semaine sans avoir jamais un mo

ment de relâche , ne leur procurent pas souvent ,

après les travaux les plus pénibles , de quoi répa

rer leurs forces épuisées ! — C'est encore ici un

fruit de cette haine aveugle que des forcenés ont

jurée à toute religion, et qui, pour la détruire ,

détruiraient , je crois , l'espèce humaine ! Oui ,

c'est la dureté, l'inhumanité et l'avarice du siècle

qu'il faut principalement en accuser , quoiqu'on >

se flatte plus que jamais de douceur et de philan

thropie.

Quels moyens , Seigneur , pourront rendre de

nouveau le jour qui vous est consacré à l'obser

vance des peuples? Hélas ! on avait déjà proposé,

il y a quelques années , cette mesure extrême, de

358 RÉFLEXIONS ET SENTIMES

fermer les temples du Seigneur pendant toute la

semaine , afin de rendre le culte plus solennel le

jour du dimanche , et attirer ainsi la foule des

adorateurs. Les chrétiens de nos jours seraient-ils

tombés à ce point d'indifférence qu'ils eûssent be

soin de tels remèdes? N'y aurait-il plus autre chose à

espérer pour le christianisme?—Dans quels abîmes

la société humaine ne se précipiterait-elle point

alors dans les siècles qui vont suivre? 0 Dieu!

cette question fait frémir l'esprit réfléchi et l'ami

de l'humanité !

Pour moi , Seigneur , je vous rends grâces et

vous remercie , du plus profond de mon cœur ,

de toutes les lumières , de toutes les consola

tions et de tous les bons sentimens que m'a sou

vent procurés le jour qui vous est consacré. Je

me sens comme rapproché du ciel depuis hier !

Et je vous promets solennellement de me rendre

de jour en jour plus exact à observer et à sanc

tifier le saint dimanche. Je connais trop bien

maintenant mes vrais intérêts et ceux de la so

ciété , pour négliger encore ce premier devoir du

chrétien. Encore une fois, soyez mille fois béni,

ô jour de repos , jour de préparation à l'immor

talité !

Donnez ! ô Père de tous les hommes ! donnez

à tous mes semblables le même goût des choses

saintes , afin qu'ils reconnaissent les avantages de

vos solennités. Faites-leur sentir vivement com

SDR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 35^

Lien vous trouvez de complaisance , et combien ils

trouveront de consolation dans ces réunions toutes

saintes où le petit et le grand , le prince et le

sujet, le riche et le pauvre , le jeune homme et

le vieillard , tous prosternés ensemble dans vos

temples, dans la maison de toutes grâces, viennent

y chanter vos louanges , exalter vos bienfaits , et

s'entretenir de leurs espérances immortelles!

En entrant dans le Temple du Seigneur.

Mon Créateur et mon Dieu ! je parais devant

vous dans l'assemblée solennelLe des chrétiens ,

pénétré du sentiment le plus profond de respect

et d'adoration , et plein d'une confiance vraiment

filiale ; car je sais que vous êtes en même temps

tout- puissant et tout miséricordieux. Je viens

vous .adorer en esprit et en vérité , vous offrir

un cœur reconnaissant, vous exposer mes besoins

et prendre part à l'action la plus touchante de la

religion , qui renouvelle la mémoire de la pas

sion , de la mort et de l'amour immense du Ré

dempteur du monde. Faites-moi , Seigneur , la

grâce d'y assister avec un esprit recueilli , un cœur

touché , et une âme remplie de sentimens divins,

afin que , sortant de votre saint temple , fortifié ,

consolé , et armé d'un courage tout nouveau , je

me porte, pendant toute la semaine , avec un zèle

infatigable , à l'exécution de tous mes différens

36o RÉFLEXIONS ET 8ENTIMENS

devoirs, et à la pratique constante de toutes les

vertus. Bénissez-moi , ô mon Dieu . bénissez toute

cette assemblée ; et que Jésus-Christ, selon sa pro

messe , soit au milieu de nous.

Amen.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 36 1

LA MESSE,

ou

CONSÉCRATION SOLENNELLE DU PAIN ET DU VIN ,

EN MÉMOIRE DE JÉSUS - CHRI ST.

Humble aveu des fautes commises.

Malgré mes fautes nombreuses , mes torts et

mes erreurs, j'ose encore me présenter devant vous,

ô Dieu trois fois saint ! Vous , devant qui ne pa

raissent d'ordinaire que les esprits purs et les in

telligences parfaites ! De l'abîme de mon néant et

de ma misère, je porte un regard timide vers vous

en demandant grâce et miséricorde. Oui, ô mon

Père ! j'ai péché contre le ciel et contre vous ; j'ai

péché contre moi-même ! Mon cœur , confus et

honteux , mais rempli de regrets amers et de ré

solutions louables , avoue sa faute avec sincérité ,

et atténd son pardon de votre indulgence pater

nelle !

Dieu de bonté ! vous ne sauriez repousser ce

faible enfant qui, après s'être égaré, vient chercher

la paix et la consolation auprès de vous. Déjà vous

362 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

étendez vers lui votre main toute-puissante ; déjà

vous le rassurez , en voyant sa confiance filiale et

son sincère repentir.

Aucune crainte servile ne m'éloignera donc de

vous , Seigneur ! Quoique pécheur , votre sainteté

infinie ne doit point m'effrayer, car votre clémence

est également sans bornes. Et avec un cœur

vraiment touché , entièrement changé , avec un

cœur qui ne saurait arrêter ses élans , je m'écrie :

Seigneur, ayez pitié de moi! Dieu d'amour, ne

m'abandonnez pas! Seigneur, soyez à ma droite!

Jésus , qui êtes venu sur la terre pour le pécheur

plutôt que pour le juste , je vous demande grâce ,

indulgence*, pardon et miséricorde !

Amen.

Adoration, Louanges, Actions de grâces.

Honneur et gloire à Dieu au plus haut des

cieux ! Paix et salut sur la terre aux hommes d'une

bonne volonté! Nous vous louons, Seigneur, nous

vous bénissons, nous vous adorons et vous rendons

mille actions de grâces pour vos infinies bontés !

O Dieu ! avec quel empressement vous avez en

voyé le Fils de votre droite nous secourir , en

nous annonçant, par lui, l'indulgence et le pardon;

en nous rendant l'espoir et la vie ! Le ciel et la

terre exalteront éternellement votre saint nom , à

cause des preuves aussi éclatantes d'une bonté et

d'une puissance illimitées!

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 363

Louanges , bénédictions et actions de grâces à

vous , ô Fils de l'Eternel , qui n'avez point hésité

de venir sur cette terre ! Avec quel amour et quelle

bonté vous avez quitté le ciel , ô Dieu de notre

salut ! Avec quelle joie vous avez abordé cette re

traite de la misère et de la perversité, en y échan

geant la gloire immortelle contre les humiliations I

Vous n'ignoriez pas le triste sort que l'innocence

et la vertu éprouveraient au milieu de l'humaine

perversité ; mais cette considération n'a pu vous

arrêter ; vous avez voulu vous exposer à tout ce

que la vie de l'homme a de plus amer et de plus

douloureux, pour ramener les mortels égarés sur

le chemin de l'immortalité. Honneur donc , et

gloire à celui qui est venu nous annoncer la paix

et le bonheur ; à celui qui a secouru tous les in

fortunés et consolé tous les affligés ; qui a apporté

du ciel la vérité et la lumière , la consolation et

l'espoir! Oui , c'est avec une jubilation toute sainte

que nous unissons nos voix à celles des esprits cé

lestes , et que nous chantons : Gloire à Dieu au

plus haut des cieux , et paix sur la terre aux

hommes d'une bonne volonté!

Amen.

Les bienfaits de l'Evangile , Résolutions.

Dieu de bonté ! lorsque je pense aux rapports

que j'ai avec vous ! lorsque je me considère vive

ment comme votre créature , votre enfant , quelle

364 RÉFLEXIONS ET SENTIMEN3

joie profonde s'empare de mon cœur ! De combien,

cependant , la dignité , le prix de mon être se

trouve-t-il encore rehaussé par la qualité de chré

tien, de disciple de Jésus - Christ l Je suis un

membre de cette société admirable formée sur la

terre par l'Homme-Dieu ! de cotte société qui doit

répandre tant de bénédictions sur toutes les gé

nérations ! Quel honneur pour moi ! quelle su

blime vocation! Oui, ô mon Dieu ! l'unique route

de la perfection est là ; vous connaître , vous et

votre Fils , envoyé par vous sur la terre , est le

gage de la vie dans l'éternité. Maintenant, riche

ou pauvre , revêtu de dignités ou enseveli dans

l'oubli, je suis toujours un enfant privilégié ! Ré

jouissez-vous donc , ô mon âme ! et louez le Sei

gneur qui , dans sa miséricorde , a jeté sur vous

un regard de complaisance ; reconnaissez toutes

vos prérogatives , et sentez toute votre dignité.

Que je suis heureux de me voir environné de la

lumière divine de l'Evangile ! Elle m'a enseigné ,

ô mon Créateur ! à vous regarder comme le père

le plus tendre et comme l'ami le plus fidèle; Je

sais , à n'en pouvoir douter , que vous ne cherchez

que mon bonheur, et que je n'ai qu'à m'abandon-

ner entièrement à votre conduite. Vous avez , je le

vois , préféré de faire valoir les droits de l'amour

et de la reconnaissance , plutôt que d'employer

ceux de l'autorité et de la contrainte. A chaque

instant de ma vie je puis donc avoir recours à vous

SCft DIVERS SUJETS DE RELIGION. 365

avec une pleine confiance , puisque votre bonté

et votre puissance ont éclaté d'une manière aussi

remarquable dans l'œuvre de la rédemption ! Je

sais également que je n'aurai jamais à redouter

aucun mal , pourvu que, de mon côté, je marche

dans les sentiers de la justice, et que ma volonté

demeure toujours ferme et droite. Je sais que vos

commandemens sont doux ; que vous n'exigez ja

mais l'impossible de vos faibles créatures , et que

vous êtes toujours plein d'indulgence et de bonté,

même envers ceux de vos enfans qui s'égarent.

Je sais , en un mot , que vous me ménagez , ainsi

qu'à tous les hommes , le temps et les moyens

nécessaires pour parvenir à la félicité éternelle par

Jésus-Christ. Encore une fois , que je suis donc

heureux de me voir environné des lumières salu

taires de l'Evangile !

Mais aussi , que je serais coupable , que je serais

à plaindre , si je n'étais pas en même temps plus

vertueux et plus parfait que tous ceux à qui les

mêmes avantages n'ont point été accordés ! Jésus

m'a laissé tant de touchantes instructions , tant

de beaux exemples , que je demeurerais absolu

ment sans excuse, si je ne devenais un modèle de

perfection. Je renouvelle donc encore une fois, ô

mon Dieu ! et plus solennellement que jamais , la

résolution irrévocable de marcher sur les traces de

Jésus - Christ , et de ne plus penser et agir que

comme Jésus-Christ a pensé et agi. La lumière de

366 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

son Evangile m'éclairera, et sa sainte vertu m'ar

mera de force et de courage.

Je vous rends grâces , ô mon Dieu ! de vos bon

tés infinies. Elles ont paru, en quelque sorte, plus

inépuisables dans l'ordre de la grâce , que dans

l'ordre de la nature. Faites que je vive et que je

meure d'une manière digne de vous !

Amen.

Offrandes et Sacrifices.

C'est du pain et du vin que vous offre votre mi

nistre , Dieu créateur et suprême dispensateur de

tous les biens. 11 vous fait cette offrande au nom

de tous ceux qui sont ici présens , en mémoire du

grand sacrifice du Calvaire où Jésus s'est offert

et sacrifié tout entier.

Dieu du ciel ! que votre charité a été grande

envers nous ! Qu'elle s'est manifestée d'une ma

nière éclatante dans la grande résolution d'envoyer

sur la terre votre propre Fils ! Sans doute que vous

saviez ce dont les hommes égarés étaient capables.

Sans doute que vous n'ignoriez pas jusqu'à quel

point une vertu pure et une innocence parfaite les

rendraient jaloux et inhumains. Vous saviez po

sitivement que Jésus-Christ , en venant prêcher la

vérité au monde , deviendrait la triste victime de

cette perversité profonde capable de tous les excès,

et cependant vous n'avez pas hésité un instant de

l'envoyer pour le salut du monde !

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 067

I

Et vous , divin Sauveur du genre humain ! Que

votre amour immense , pour le salut du genre hu

main , s'est hien fait remarquer dans cette promp

titude admirable avec laquelle vous vous êtes rendu

à l'invitation de votre Père éternel ! Vous n'avez

point redouté les persécutions, ni les tourmens,

ni la mort ; la crainte même de faire des ingrats

ne vous a point retenu !

Que pourrons-nous donc vous offrir, Seigneur, qui

soit digne de tant de générosité , faibles et chétives

créatures que nous sommes ? Il est écrit qu'un

cœur pénétré de regrets de ses fautes , qu'un cœur

contrit et humilié , mais rempli du ferme désir

d'améliorer sa conduite , est le plus beau sacrifice

de propitiation qui puisse vous être offert. Eh

bien ! ô mon Dieu ! tel est le sacrifice que nous

vous offrons. Agréez ces cœurs reconnaissans , en

flammés du désir de tout bien , que cette assem

blée nombreuse s'empresse de vous offrir. Agréez

nos biens et notre vie , tout ce que nous avons et tout

ce que nous sommes. Agréez la soumission entière

et l'obéissance parfaite que nous vous promettons.

C'est avec joie que nous vous faisons, en ce mo

ment , le sacrifice de tout ce que nous avons de

plus cher , le sacrifice de toutes nos passions , le

sacrifice de tous nos penchans , de tous nos désirs ,

contraires à vos saintes lois. Surtout , Seigneur ,

nous vous faisons le sacrifice de tous les sentimens

de haine et d'animosité que nous pourrions avoir

368 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

conservés jusqu'ici envers quelques-uns de nos

frères !

En particulier , j'ose vous offrir mon cœur , ô

mon Dieu ! quelque indigne qu'il ait été de vous

jusqu'aujourd'hui. Vous pouvez le purifier entière

ment, et le remplir de sentimens dignes des cieux.

Vous pouvez l'enflammer de l'amour divin et

l'embraser tout entier d'une sainte ardeur pour la

vertu. Je vous fais aussi, en particulier, le sacri

fice de ma volonté* Ordonnez , Seigneur , selon

votre bon plaisir, de toutes les facultés de mon

âme et de mon corps. Vous êtes mou Créateur et

souverain Seigneur , vous qui conservez toujours

une haute domination sur les monarques mêmes

de la terre, et qui tenez tous les empires et tous les

mondes entre vos mains.

O Dieu ! quand je me rappelle ces anciens sa

crifices de victimes humaines que les hommes

vous ont souvent offerts dans leur cruel aveugle

ment , croyant se rendre agréables à vos yeux par

de telles atrocités : quand je pense que , sans le

christianisme , nous serions peut-être rassemblés

nous-mêmes en ce moment , autour d'une in

nocente et malheureuse victime , pour offrir un

sacrifice horrible ; avec quelle profonde satisfac

tion , avec quelle joie et quelle reconnaissance

ne vois-je pas l'accomplissement de cet oracle de

votre prophète ! « Les temps viendront , dit le

» Seigneur, que du levant jusqu'au couchant on

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 36a.

» m'offrira par toute la terre une victime pure et

» sans tache. »

Dieu d'amour ! daignez donc agréer la protesta-

tation solennelle que je renouvelle encore une fois,

en présence de vos saints autels , de ne vouloir

appartenir qu'à vous, et de vouloir éternellement

vous aimer comme vous m'avez aimé ; d'aimer aussi

mon prochain par amour pour vous ; de ne faire,

à cet"égard, aucune distinction entre mes sem

blables , de quelque nation , de quelque religion

qu'ils soient; d'aimer même, d'une tendresse par

ticulière , mes plus grands ennemis. Comment

pourriez-vous agréer mes offrandes, si je conservais

le moindre sentiment de haine, ou le plus léger

désir de vengeance dans mon cœur ? Jamais des

dons offerts avec une main ensanglantée ne vous

lurent agréables.

Dieu incompréhensible! avant de renouveler les

mystères de votre immense charité , et le mémo

rial de la passion de Jésus-Christ , souffrez encore

que je vous fasse amende honorable de la mort

douloureuse à laquelle ce Juste par excellence a

été condamné par des hommes égarés. O ciel ! il

est impossible de revenir sur les temps passés !

Cette tache sera éternelle pour l'espèce humaine ,

aussi -bien que le triomphe de l'amour dans la

personne de Jésus !

Amen.

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Jésus-Christ, selon sespromesses, se rendprésent

au milieu de l'assemblée des chrétiens.

Maintenant , ô mon Dieu et mon Créateur !

ravissez mon âme au delà des choses créées ;

transportez-moi jusque dans l'assemblée des es

prits parfaits , au pied du trône éternel ; car, en

ce moment, vous allez vous montrer tel que vous

êtes , c'est-à-dire , tout-puissant , tout miséricor

dieux et incompréhensible! Je vais donc m'anéan-

tir devant vous , et unir ma voix à celle des-saintes

intelligences qui environnent sans cesse votre trône

étincelant, pour célébrer avec elles votre gloire et

votre amour ; pour chanter les trésors infinis de

votre bonté, en exaltant jusqu'aux cieux votre nom

et vos faveurs !

Il est vrai , je compte trop peu et suis trop in

signifiant dans votre création pour pouvoir cé

lébrer dignement vos louanges; mais je sais qu'un

père infiniment indulgent aime à entendre le lan

gage à peine articulé de ses plus petits enfans.

Incapable d'arrêter les transports de mon cœur ,

et saintement fier de pouvoir aussi m'élever jus

qu'à vous , je m'écrie donc , avec l'assemblé au

guste qui reçoit au milieu d'elle le Roi des rois :

« Saint , saint , saint est le Seigneur , le Dieu de

» tous les mondes. Le ciel et la terre sont remplis

» de sa gloire et de sa -majesté ! Béni soit celui qui

» vient au -nom du Seigneur ! Esprits célestes ,

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3^1

» soyez dans la jubilation ! Chérubins , entonnez

» un cantique nouveau ! »

O mémorial sacré d'un amour sans bornes et

au-dessus de l'intelligence humaine! Comment, ô

mon Dieu ! avez-vous opéré ces merveilles signalées

pour les enfans des hommes ? J'adore , Seigneur ,

j'adore en silence ! Mon esprit se trouble, ma

raison se confond, et je me tais ! Uniquement oc

cupé de bénir mille fois votre puissance et votre

amour infinis, je vous adore en ce moment comme

présent parmi nous; >'.,,,. >

O Dieu ! qui pourra saisir et comprendre

cette générosité avec laquelle votre Fils s'est sa

crifié pour nous ! Voilà jusqu'où est allé l'amour

de Jésus pour moi ! Un homme pouvait-il

aller jusque - là ? un Dieu pouvait - il aller plus

loin? — Quel amour! — Mais, d'un autre côté,

quelle sagesse ! — Elle est évidemment divine. O

ciel ! le miracle s'opère sous mes propres yeux ,

et cependant ma liberté demeure intacte ; car le

Dieu tout-puissant veut que la foi seule m'atteste

ses invisibles merveilles. Ah ! quand le Modéra

teur suprême de toutes les choses créées veut in

fluer sur les destinées de ses créatures sensibles ,

comme il sait en employer les moyens ! comme

il sait se servir des voies les plus simples pour

changer la direction de tous esprits! Qui peut savoir

quel serait aujourd'hui le sort du genre humain ,

sans les institutions divines faites par Jésus-Christ

24.

3y2 v RÉFLEXIONS ET SENT1MENS

parmi nous il y a dix-huit siècles ? Et qui peut

savoir ce qu'il serait devenu dans la suite des

temps ? — O Dieu ! encore une fois., j'adore et je

me tais !

Que ne suis-je en état, Seigneur, d'éprouver,

dans toute son étendue , l'émotion sainte que la

vue d'un tel spectacle de charité devrait exciter

dans mon cœur ! Que le pouvoir de me livrer et

me sacrifier tout entier par amour pour vous, gé

néreux Sauveur du monde , ne m'est-il également

donné ! Que ne puis -je surmonter entièrement

toutes mes passions , pour obéir , pour aimer ,

pardonner , souffrir et mourir comme vous ! Sei

gneur , vous êtes la voie , la vérité et la vie ; je

crois en vous , j'espère en vous, je me confie sans

réserve à votre bonté , à votre puissance et à votre

amour. Après tout ce que vous avez fait pour

moi, comment pourrais-je encore douter que vous

veuillez me conduire au bonheur éternel , si je le

veux sincèrement moi-même? Je mets donc mon

sort entre vos mains , et je ne serai point cou-

fondu !

Sainte victime ! je vous adore avec le sentiment

de la plus profonde vénération et du plus ardent

amour. Vous êtes , à la vérité , cachée à mes yeux ;

mais, je le sens, vous êtes pleine de vie dans mon

cœur ; vous êtes intimement présente à mon âme :

que votre sainte présence m'encourage donc dans

le bien , et me préserve de tout mal.

Sur divers sujets de religion. 070

Père de tous les hommes, jetez aussi un regard

favorable sur tous mes frères et sœurs ici présens ,

et agréez la prière que je fais ici pour eux. Que

vos célestes bénédictions se répandent sur tous les

humains, sur les pères des peuples et sur leurs

sujets, pour le bonheur général de l'univers. En

particulier, Seigneur, bénissez toutes lès personnes

qui sont chères à mon cœur, mes parens, mes amis ,

mes proches , mes bienfaiteurs, et surtout mes en

nemis. Donnez-nous à tous la connaissance de la.

vérité , et portez-nous à la pratique constante de

toutes les vertus. '

Amen.

Paraphrase de là Prière enseignée par Jésus-

Christ.

Notre Père, Père infiniment tendre, infiniment

bon , infiniment miséricordieux ; Père des orphe

lins et de tous les malheureux; Père de tous les

hommes , notre Créateur et notre Dieu !

Que votre nom soit sanctifié; que votre sagesse

et votre puissance soient reconnues et exaltées en

tous lieux ; que par toute la terre on chante vos

louanges , en célébrant vos bienfaits ; que votre

amour surtout , et votre tendresse , soient exaltés

jusqu'aux cieux , dans toute l'immense création !

Que votre règne arrive ; ce règne de paix et de

justice; ce règne bien différent du règne des rois

de la terre. Que votre religion vivifiante et con

3^4 BÉFLEXIONS ET SENTIMENS

servatrice, que les lois si douces de l'Evangile se

répandent sur tout le globe ; que tous les humains

connaissent et pratiquent les maximes divines de

Jésus , relatives à la perfection , et qu'ils imitent à

l'envi ses vertus et ses exemples.

Que votre volonté soit faite en la terre comme

au ciel; cette volonté divine , cette volonté ado

rable ; ô Dieu ! votre volonté est toujours la meil

leure ! Pour nous , nous ne sommes que des aveu

gles ; nous ne savons pas ce qui nous est bon et

utile : que votre volonté , éternellement éclairée

des rayons de la Divinité , ait donc seule aussi son

accomplissement , car elle n'est qu'amour pour

nous ! l'amour est l'esprit de tous les commande-

mens de Dieu ! Faites-nous, bien sentir cette vé

rité , Seigneur ! Gravez dans nos cœurs une con

viction profonde de l'immensité de votre sagesse,

de votre bonté , de votre amour , et surtout de la

sainteté de toutes vos volontés , afin qu'elles de

viennent aussi sacrées pour nous sur la terre, qu'elles

le sont pour les esprits purs dans le ciel.

Donnez -nous aujourd'hui notre pain quoti

dien. Nous ne demandons pas l'abondance des

biens terrestres, ni un superflu inutile. Semblables

à ces enfans qui demandent tous les jours , avec

confiance , de la nourriture à un bon père , nous

ne nous mettons point en peine du lendemain ;

nous ne demandons que le nécessaire pour aujour

d'hui , car nous savons que vous connaissez tous

SUR DIVEKS SUJETS DE RELIGION. 6^5

nos besoins divers , et que vous êtes le Dieu de

tous les siècles. Donnez nous seulement la santé ;

bénissez nos travaux ; rendez nos cœurs humains

et compatissans ; et alors , ne cherchant avec in

quiétude que le royaume des cieux, nous pourrons

encore , après nous être procuré le nécessaire pour

nous-mêmes , goûter le plaisir de la bienfaisance ,

en soulageant nos frères infirmes et indigens.

Pardonnez - nous nos offenses comme nous

pardonnons nous -mêmes à ceux qui nous ont

offensés. Oui , ô mon Dieu ! pardonnez - nous ,

si nous avons été assez faibles ou assez insensés

pour oser vous déplaire et quitter le chemin de

la vertu, afin d'errer dans les sentiers difficiles

où l'on ne trouve qu'amertume : pardonnez-nous ,

car nous avons commencé nous-mêmes par par

donner à ceux qui nous avaient offensés. Comment

oserions -nous espérer pardon et indulgence, si

nous étions encore durs , inhumains , sans pitié et

sans miséricorde envers nos frères? Et en même-

temps , comment nous serait-il possible de douter

de votre indulgence paternelle , en nous souvenant

de Jésus-Christ et de ses pénibles sacrifices ?

Ne nous laissez pas succomber à la tentation.

Soutenez nos pas chancelans dans les malheurs et

les épreuves de cette vie. Montrez-nous les écueils

et les orages si fréquens sur la mer de ce monde.

Délivrez notre faiblesse de la tentation , ou plutôt,

Seigneur, donnez-nous la force de la combattn;

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

sans nous laisser vaincre, et d'en sortir victorieux

et triomphans. Que le souvenir de votre sainte et

intime présence et des riches promesses de la vertu,

nous arme incessamment d'une force surnaturelle

qui trouve sa gloire dans les dangers.

Enfin , délivrez-nous du mal : principalement

du mal moral, Seigneur, car il est le plus terrible,

il est l'unique mal réel de la terre ! Pour les autres

maux inséparables dela vie, ce sont des épreuves sa

lutaires par lesquelles la vertu se perfectionne, la pa

tience et la justice éclatent. Ces maux sont d'ailleurs

bien supportables, quand on connaît Jésus-Christ !

puisque la mort elle-même a perdu son amertume

pour le vrai chrétien I C'est donc du péché seul

que nous demandons d'être délivrés, ô mon Dieu!

afin que nous puissions incessamment marcher,

sous vos yeux , vers le bonheur , par le chemin de

la perfection.

Amen ! C'est le vœu que nous formons tous pour

tous ceux qui sont ici présens à vos saints mystères,

et , en général , pour tous les humains.

Communion, Actions de grâces.

Jésus , Homme-Dieu ! je bénis vbtre saint nom ,

j'adore votre puissance et votre bonté, et vous rends

grâces pour vos nombreuses instructions , vos di

vins exemples, et surtout pour cet amour im

mense avec lequel vous vous êtes sacrifié pour le

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3^

salut du genre humain. Vous venez , Seigneur, de,

me donner l'assurance que, par votre vie, par votre

mort , et par tous les moyens de salut que vous

nous avez ménagés, vous m'avez rendu à la vertu,

à la vérité et au bonheur. C'est à moi maintenant

à correspondre fidèlement à tant de faveurs. Vous

désirez me mener à cette hauteur de perfection de

ne plus vivre que d'une vie divine ; car , par la

participation au sacrement de votre amour, vous-

voulez vivre en moi. Vivez donc , Seigneur, Dieu

de charité ! vivez en moi , afin que je vive éter

nellement en vous !

Amen.

Bénédictions , Fceux pour le bien public.

Que toutes vos plus abondantes bénédictions

descendent sur nous , Père du ciel I au moment

que votre ministre forme de pieux souhaits pour

toute cette assemblée dont le cœur vient d'être ré

généré. Bénissez tous nos concitoyens , notre bon

monarque, et tous ceux qui nous gouvernent. Soyez

vous-même leur lumière , leur force et leur justice,

afin que nous coulions des jours heureux et tran

quilles sur la terre , en attendant le bonheur éter

nel. Bénissez-moi en particulier, ô mon Dieu! afin

que je puisse accomplir toutes mes bonnes réso

lutions et exécuter toutes mes louables entreprises.

Sans votre assistance divine, je ne saurais atteindre

le but que vous m'avez proposé.

O78 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Entretenez donc dans mon cœur tous les bons

sentimens , toutes les impressions salutaires et

toutes les bonnes pensées qui viennent de s'y

former en votre présence : alors je porterai de

dignes fruits de vie. Aidez de même de votre se

cours divin toutes les personnes qui me sont chères,

afin que , remplis de foi, d'espoir et d'amour, nous

nous rapprochions tous du Père des lumières, en

qui se trouve la source de l'éternelle félicité.

. . < Amen.

SLR DIVliRS SLJCTS DE RELIGION.

LES VÊPRES.

Rien de plus propre a réveiller tous les senti-

mens religieux , à exciter dans toutes les âmes un

saint enthousiasme , que l»chant des cantiques en

commun. Aussi , le chant a-t-il fait , dans tous

les temps , une partie principale du culte. Les

chrétiens n'ont pas manqué de se réunir, dès les

premiers siècles , dans la soirée du jour du Sei

gneur, pour chanter des cantiques spirituels et des

hymnes d'actions de grâces, et célébrer les gran

deurs et les miséricordes infinies du Créateur.

Telle est l'origine des vêpres, qui commençaient

généralement à l'entrée de la nuit. Rien n'est plus

conforme à l'esprit du christianisme, ni plus salu

taire que cet usage. Ce saint exercice paraît même ,

en quelque sorte , naturel au cœur humain , qui

aime tout ce qui le dilate , l'élève et le transporte ;

et nous pourrions demander ici aux enfans du

siècle, de quelle réunion, de quelle assemblée, de

quelles réjouissances du monde ils sont jamais

sortis avec une âme aussi calme et aussi tranquille,

avec un cœur aussi satisfait , que ne sort le chrétien

d'une belle cérémonie religieuse et d'un nombreux

concours d'adorateurs , où son cœur a été élevé

38o RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

,

jusqu'au ciel , et son âme transportée jusqu'à l'Au

teur de l'être ! Il faut l'avouer : à côté de la majesté

de la religion, de ses pompes, de ses solennités,

et des grands et nobles sentimens qu'elle inspire ,

tout paraît petit et vain sur la terre. Les anciens

le savaient bien. — Quelle richesse , quelle splen

deur ils mettaient dans leurs cérémonies reli

gieuses! — Le vrai malheur de notre siècle, c'est

de ne savoir plus goûtet les choses de Dieu. Mais

espérons qu'avec les vrais principes , ce goût re

naîtra aussi généralement.

Ceux qui ne comprennent pas les psaumes de

l'Eglise , et ils sont en grand nombre , peuvent

chanter , le jour du Seigneur , quelques-unes des

odes sacrées qui suivent; elles ont été tirées, autant

que possible, de nos meilleurs poètes , et on y cé

lèbre les grandeurs de Dieu , les merveilles sans

nombre de sa création', et ses miséricordes infi

nies envers l'homme juste.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

ODE PREMIERE.

Mowemcns d'une âme qui s'élève à la connaissance

de Dieu par la contemplation de ses ouvrages.

Les cieux instruisent la terre

A révérer leur Auteur,

Tout ce que leur globe enserre

Célèbre un Dieu créateur.

Quel plus sablime cantique

Que ce concert magnifique

De tous les célestes corps !

Quelle grandeur infinie !

Quelle divine harmonie

Résulte de leurs accords!

De sa puissance immortelle

Tout parle , tout nous instruit.

Le jour au jour la révèle ,

La nuit l'annonce à la nuit.

Ce grand et superbe ouvrage «

N'est point pour l'homme un langage

Obscur et mystérieux :

Sou admirable structure

Est la voix de la nature

Qui se fait entendre aux yeux.

Dans une éclatante voûte

Il a placé , de ses mains ,

Ce soleil , qui dans sa route

Eclaire tous les humains.

RÉFLEXIONS ET SENTIMEXS

Environné de lumière ,

Cet astre ouvre sa carrière

Comme un époux glorieux

Qui , dès l'aube matinale ,

De sa couche nuptiale

Sort brillant et radieux.

L'univers à sa puissance

Semble sortir du néant.

Il prend sa course et s'avance

Comme un superbe géant.

Bientôt sa marche féconde

Embrasse le tour du monde

Dans le cercle qu'il décrit ;

Et par sa chaleur puissante

La nature languissante

Se ranime et se nourrit.

O que tes œuvres sont belles !

Grand Dieu , quels sont tes bienfaits !

Que ceux qui te sont fidèles

Sous ton joug trouvent d'attraits !

Ta crainte inspire la joie .

Elle assure notre voie ,

Elle nous rend triomphans :

Elle éclaire la jeunesse

Et fait briller la sagesse

Dans les plus faibles enfans.

Soutiens ma foi chancelante ,

Dieu puissant ! inspire-moi

Cette crainte vigilante

Qui fait pratiquer ta loi.

Loi sainte , loi désirable ,

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 383

:

Ta richesse est préférable

A la richesse de l'or ;

Et ta douceur est pareille

Au miel dont la jeune abeille

Compose son cher trésor.

Mais sans tes clartés sacrées ,

Qui peut connaître , Seigneur,

Les faiblesses égarées

Dans les replis de son coeur ?

Prête-moi tes feux propices ,

Viens m'aider à fuir les vices

Qui s'attachent à mes pas.

Viens consumer par ta flamme

Ceux que je vois dans mon âme

Et ceux que je n'y vois pas.

Si de leur triste esclavage

Tu viens dégager mes sens ;

Si tu détruis leur ouvrage ,

Mes jours seront innocens.

J'irai puiser sur ta trace

Dans les sources de ta grâce;'

Et de ces eaux abreuvé ,

Ma gloire fera connaître

Que le Dieu qui m'a fait naître

Est le Dieu qui m'a sauvé

i

384 - RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

ODE DEUXIÈME.

Œuvres admirables du ' Créateur ; sa bonté envers

les hommes.

0 suprême grandeur ! ô sagesse ineffable !

Ton nom remplit la terre , et ta gloire admirable

Eblouit en tous lieux.

Les anges devant toi baissent leurs yeux timides ;

Monarque qui , du haut du trône où tu résides ,

Sous tes pieds vois les cieux !

Ce stupide mortel , s'il est vrai qu'il t'ignore ,

De l'enfant qu'au berceau le lait nourrit encore

Peut prendre des leçons.

La langue de l'entant qui tient de toi la vie ,

Pour bénir ta puissance et confondre l'impie ,

Forme les premiers sons.

Pour moi , lorsque la nuit vient déployer ses voiles

Où. tes prodigues mains ont semé tant d'étoiles ,

Je t'adresse ma voix.

Lorsque l'astre du jour rentre dans sa carrière ,

Je redouble mes chants, et c'est dans sa lumière

La tienne que je vois.

D'ouvrages merveilleux la foule est innombrable ;

L'homme n'y paraît plus que l'amas méprisable

De la chair et du sang. *•

Dans ta cour , toutefois , que tes bontés l'honorent !

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 385

Presqu'égal aux esprits qui sans cesse t'adorent ,

Il tient le second rang.

Tu veux qu'à ses besoins ici-bas tout conspire.

Les plus fiers animaux reconnaissent l'empire

Qu'il a reçu de toi.

Ceux qui de l'Océan parcourent les abîmes ,

Ceux qui fendent de l'air les campagnes sublimes ,

Tous respectent leur roi.

Que de biens tu nous fais , ô Sagesse ineffable !

Ton nom remplit la terre , et ta gloire admirable

Eblouit en tous lieux.

Les anges devant toi baissent leurs yeux timides ,

Monarque qui , du haut du trône où tu résides ,

Sous tes pieds vois les cieux !

ODE TROISIÈME.

Faiblesse des mortels ; puissance de Dieu.

Mon âme , louez le Seigneur ;

Rendez un légitime honneur

A l'objet éternel de vos justes louanges.

Oui , mon Dieu , je veux désormais

Partager la gloire des anges ,

Et consacrer ma vie à chanter vos bienfaits.

Renonçons au stérile appui

Des grands qu'on implore aujourd'hui ;

Ne fondons point sur eux une espérance folle.

Leur pompe , indigne de nos vœux ,

386 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

N'est qu'un simulacre frivole ,

Et les solides biens ne dépendent pas d'eux.

Comme nous , esclaves du sort ,

Comme nous , jouets de la mort ,

La terre engloutira leurs grandeurs insensées ,

Et périront en même jour

Ces vastes et hautes pensées

Qu'adorent maintenant ceux qui leur font la cour.

Dieu seul doit faire notre espoir ;

Dieu , de qui l'immortel pouvoir

Fit sortir du néant le ciel , la terre et l'onde ,

Et qui , tranquille au haut des airs ,

Anima d'une voix féconde

Tous les êtres semés dans ce vaste univers.

Heureux qui du Ciel occupé,

Et d'un faux éclat détrompé ,

Met de bonne heure en lui toute son espérance :

Il protège la vérité ,

Il saura prendre la défense

Du juste que l'impie aura persécuté.

C'est le Seigneur qui nous nourrit ,

C'est le Seigneur qui nous guérit.

Il prévient nos besoins , il adoucit nos gênés :

Il assure nos pas craintifs ,

Il déhe , il brise nos chaînes ,

Et nos tyrans , par lui , deviennent nos captifs.

Il offre au timide étranger

Un bras prompt à le protéger ,

Et l'orphelin retrouve en lui un second père.

SLR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 387

De la veuve il devient l'époux ,

Et , par un châtiment sévère,

Il confond les pécheurs conjurés contre nous.

Les jours des rois sont dans sa main ;

Leur règne est un règne incertain

Dont le doigt du Seigneur a marqué les limites.

Mais de son règne illimité

Les bornes ne seront prescrites

Ni par la fin des temps , ni par l'éternité.

ODE QUATRIÈME.

Dieu fait triompher la vertu , lajustice , l'innocence,

la paix et la vérité.

Le Seigneur est connu dans nos climats paisibles.

Il habite avec nous , et ses secours visibles

Ont de son peuple heureux prévenu les souhaits.

Ce Dieu , de ses faveurs nous comblant à toute heure ,

A fait de sa demeure

La demeure de paix.

Du haut de la montagne où sa grandeur réside ,

II" a brisé fa lance et l'épée homicide

Sur qui l'impiété fondait son ferme appui.

Le sang des malheureux a fait fumer la terre :

Mais le feu de la guerre

S'est éteint devant lui.

Insensés ! qui , remplis d'une vapeur légère ,

Ne prenez pour conseil qu'une ombre mensongère

388 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Qui vous peint des trésors chimériques et vains ;

Le réveil suit de près vos trompeuses ivresses ,

Et toutes vos richesses

S'écoulent de vos mains.

L'ambition guidait vos escadrons rapides :

Vous dévoriez déjà dans vos courses avides

Toutes les régions qu'éclaire le soleil ;

Mais le Seigneur se lève , il parle , et sa menace

Convertit votre audace

En un morne sommeil.

Contre les inhumains tes jugemens augustes

S'élèvent, Dieu puissant ! pour sauver tous les justes

Dont le cœur devant toi s'abaisse avec respect.

Ta justice, paraît de feu étincelante,

Et la terre tremblante

S'arrête à ton aspect.

Mais ceux pour qui ta main opère ces miracles ,

N'en cueilleront le fruit qu'en suivant tes oracles ,

En bénissant ton nom , en pratiquant ta loi.

Quel encens est plus pur qu'un si saint exercice ?

Quel autre sacrifice

Serait digne de toi ?

Ce sont là les présens , grand Dieu ! que tu demandes.

Peuples , ce ne sont pas vos pompeuses offrandes

Qui le peuvent payer de ses dons immortels.

C'est par une humble foi , c'est par un amour tendre

Que l'homme peut prétendre

D'honorer ses autels.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 38g

AAWV WVWWVWWWW\WWWWVW\WWWW\VWW\ <iWVWW\WV

ODE CINQUIÈME.

La Providence divine dans l'ordre moral.

Pardonne, Dieu puissant, pardonne à ma faiblesse.

A l'aspect des médians , confus , épouvanté ,

Le trouble m'a saisi , mes pas ont hésité ;

Mon zèle m'a trahi , Seigneur , je le confesse ,

En voyant leur prospérité.

Cette mer d'abondance où leur âme se noie ,

Ne craint ni les écueils , ni les vents rigoureux :

Ils ne partagent point nos fléaux douloureux ;

Ils marchent sur les fleurs , ils nagent dans la joie ;

Le sort n'ose changer pour eux.

Voilà donc d'où leur vient cette audace intrépide

Qui n'a jamais connu craintes ni repentirs.

Enveloppés d'orgueil , nageant dans les plaisirs ,

Enivrés de bonheur , ils ne prennent pour guide

Que leurs plus insensés désirs.

Leur bouche ne vomit qu'injures et blasphèmes ,

Et leur cœur ne nourrit que désirs vicieux.

Ils affrontent la terre , ils attaquent les cieux ;

Ils n'élèvent leur voix que pour vanter eux-mêmes

Leurs forfaits les plus odieux.

De là , je l'avoûrai , naissait ma défiance.

Si sur tous les mortels Dieu tient les yeux ouverts ,

Comment , sans les punir, voit-il ces cœurs pervers ?

3gO RÉFLEXIONS ET SBNTIMENS

Et , s'il ne les voit point, comment peut sa science

Embrasser tout cet univers ?

C'était en ces discours que j'exhalais ma plainte.

Mais , ô coupable erreur ! ô transports indiscrets !

Quand je pensais ainsi , j'ignorais tes secrets ;

J'offensais tes élus , et je portais atteinte

A l'équité de tes décrets.

Je croyais pénétrer tes jugemens augustes ;

Mais , grand Dieu ! mes efforts ont toujours été vains:

Jusqu'à ce qu'éclairé du flambeau de tes saints ,

J'ai reconnu la fin qu'à ces hommes injustes

Réservent tes puissantes mains.

J'ai vu que leurs honneurs , leur gloire , leur richesse ,

Ne sont que des filets tendus à leur orgueil ;

Que le port n'est pour eux qu'un véritable écueil ,

Et que ces lits pompeux où s'endort leur mollesse ,

Ne couvrent qu'un affreux cercueil.

Puis-je assez exalter l'adorable clémence

Du Dieu qui m'a sauvé d'un si mortel danger ?

Sa main contre moi-même a su me protéger ;

Et son divin amour m'offre un bonheur immense

Pour un mal faible et passager.

Que me reste-t-il donc à chérir sur la terre ,

Et qu'ai-je à désirer au céleste séjour ?

La nuit qui me couvrait cède à l'éclat du jour ;

Mon esprit ni mes sens ne me font plus la guerre ;

Tout est absorbé par l'amour.

Car, enfin je le vois , le bras de la justice ,

Quoique lent à frapper , se tient toujours levé

-SU» DIVERS SUJETS DE RELIGION. 3g I

Sur ces hommes charnels dont l'esprit dépravé

Ose à de faux objets offrir le sacrifice

D'un cœur pour lui seul réservé.

ODË SIXIÈME.

Dieu Juge suprême.

Paraissez , roi des rois , venez , juge suprême ,

Faire éclater votre courroux

Contre l'orgueil et le blasphème

De l'impie armé contre vous-

Le Dieu de l'univers est le Dieu des vengeances.

Le pouvoir et le droit de punir les offenses

N'appartient qu'à ce Dieu jaloux.

Jusques à quand , Seigneur , sWffrirez-vous l'ivresse

De ces superbes criminels ,

De qui la malice transgresse

Vos ordres les plus solennels ,

Et dont l'impiété barbare et tyrannique

Au crime ajoute encore le mépris ironique

De vos préceptes éternels.

Ils ont sur votre peuple exercé leur furie ,

Ils n'ont pensé qu'à l'affliger.

Ils ont semé dans leur patrie

L'horreur , le trouble et le danger ;

Ils ont de l'orphelin envahi l'héritage ,

Et leur main sanguinaire a déployé sa rage

Sur la veuve et sur l'étranger.

92 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Ne songeons , ont-ils dit , quelque prix qu'il en coûte,

Qu'à nous ménager d'heureux jours.

Du haut de la céleste voûte

Dieu n'entendra point nos discours.

Nos offenses par lui ne seront point punies.

Il ne les verra point , et de nos tyrannies

Il n'arrêtera point le cours.

Quel charme vous séduit , quel esprit vous conseille ?

Hommes insensés , dites-nous ,

Celui qui forma votre oreille

Sera sans oreilles pour vous ?

Celui qui fit vos yeux ne verra point vos crimes ?

Et celui qui punit les rois les plus sublimes ,

Pour vous seuls retiendra ses coups ?

Il voit , n'en doutez plus , il entend toute chose ;

Il lit jusqu'au fond de vos cœurs.

L'artifice en vain se propose

D'éluder ses arrêts vengeurs :

Rien n'échappe aux regards de ce juge sévère

Le repentir lui seul peut calmer sa colère

Et fléchir ses justes rigueurs.

Ouvrez , ouvrez les yeux , et laissez-vous conduire

Aux divins rayons de sa foi.

Heureux celui qu'il daigne instruire

Dans la science de sa loi {

C'est l'asile du juste , et la simple innocence

Y trouve son repos ; tandis que la licence

N'y trouve qu'un sujet d'effroi.

Qui me garantira des assauts de l'envie ?

Sa fureur n'a pu s'attendrir.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

Si vous n'aviez sauvé ma vie ,

Grand Dieu ! j'étais prêt à périr.

Je vous ai dit : Seigneur, ma mort est infaillible ;

Je succombe. Aussitôt votre bras invincible

S'est armé pour me secourir.

Non , non f c'est vainement qu'une main sacrilège

Contre moi décoche ses traits ;

Votre trône n'est point un siège

Souillé par d'injustes décrets.

Vous ne ressemblez point à ces rois implacables

Qui ne font exercer leurs lois impraticables

Que pour accabler leurs sujets.

Toujours à vos élus l'envieuse malice

Tendra ses filets captieux ;

Mais toujours votre loi propice

Confondra les audacieux.

Vous anéantirez ceux qui vous font la guerre j

Et si l'impiété vous juge sur la terre ,

Vous la jugerez dans les cieux.

394 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

ODE SEPTIÈME.

Caractère de l'homme juste.

Seigneur , dans ta gloire adorable

Quel mortel est digne d'entrer ?

Qui pourra , grand Dieu ! pénétrer

Ce sapctuaire impénétrable

Où tes saints inclinés , d'un œil respectueux ,

Contemplent de ton front l'éclat majestueux ?

Ce sera celui qui du vice

Evite le sentier impur ,

Qui marche d'un pas ferme et sûr

Dans le chemin de la justice ,

Attentif et fidèle à distinguer sa voix ,

Intrépide et sévère à maintenir ses lois.

Ce sera celui dont la bouche

Rend hommage à la vérité ,

Qui , sous un air d'humanité ,

Ne cache point un cœur farouche ,

Et qui , par des discours faux et calomnieux ,

Jamais à la vertu n'a fait baisser les yeux;

Celui devant qui le superbe ,

Enflé d'une vaine splendeur ,

Paraît plus bas dans sa grandeur

Que l'insecte caché sous l'herbe ;

Qui , bravant du méchant le faste couronné ,

Honore la vertu du juste infortuné ;

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 395

Celui , dis-je , dont les promesses

Sont un gage toujours certain ;

Celui qui , d'un infâme gain ,

Ne sait point grossir ses richesses ;

Celui qui , sur les dons du coupable puissant ,

N'a jamais décidé du sort de l'innocent.

Qui marchera dans cette voie ,

Comblé d'un éternel bonheur ,

Un jour, des élus du Seigneur

Partagera la sainte joie ;

Et les frémissemens de l'enfer irrité ' .

Ne pourront faire obstacle à sa félicité.

ODE HUITIÈME.

Invitation à tous les chrétiens de l'univers à se

réunir pour adorer Dieu et chanter ses louanges

en commun.

D'un cantique nouveau que la sainte harmonie

Exalte le Seigneur qui créa l'univers ;

Que , pour chanter son nom , toute la nature unie

Réponde à nos pieux concerts.

Célébrez ses grandeurs et sa gloire accomplie ;

Qu'à bénir son saint nom tous vos soins soient bornés ;

Que le jour et la nuit sans cesse l'on publie

Tous les biens qu'il nous a donnés.

A qui le méconnaît , faites de ses oracles

Comprendre la lumière et recevoir les fruits :

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Annonce! son pouvoir , et de ses grands miracles

Que tous les peuples soient instruits.

Qu'ils apprennent combien sa grandeur est immense ,

Qu'on dqjt toute louange à son nom glorieux ;

Et qu'il est par sa haute et terrible puissance

Au-dessus de tous les faux dieux.

Ces faux dieux adorés des peuples infidèles ,

Que sont-ils ? des métaux muets , inanimés

Mais c'est par notre Dieu , par ses mains éternelles ,

Que les cieux ont été formés.

La gloire l'accompagne , et sa splendeur éclaire

De son trône brillant l'auguste majesté.

Sa présence remplit son divin sanctuaire

De grandeur et de sainteté.

Nations , que chacun apporte son offrande

Aux pieds d'un Dieu si grand , si puissant et si bon :

Rendez toute la gloire et l'honneur que demande

Son saint , son adorable nom.

Apportez votre hostie ; entrez , remplis de zèle ,

Au portique du temple à son nom consacré.

Que Dieu soit à jamais , par son peuple fidèle ,

Dans son sanctuaire adoré.

Que d'un profond respect toute la terre tremble

Au seul aspect d'un Dieu si terrible en grandeur ;

Dites aux nations que l'Evangile assemble :

Voici le règne du Seigneur.

Sa parole a rendu la terre inébranlable :

Elle a , par son pouvoir , repris sa fermeté ;

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.3<J7

Arbitre souverain du juste et du coupable ,

Il les juge avec équité.

Que la terre ravie en tressaille sans cesse :

Cieux , réjouissez-vous „ et vous , profondes mers !

Que la nature inspire une même allégresse

A tous ses ornemens divers.

Qu'au comble de la joie on voie en sa présence

Les arbres s'incliner et les monts se lever :

Le Seigneur est venu , par sa toute-puissance ,

Et nous juger, et nous sauver.

Par sa droite justice , unie à sa tendresse ,

Tous les peuples seront jugés dans l'équité :

Et , jugeant les mortels , il tiendra sa promesse

D'une entière fidélité !

IMMMMMMMWVWW\,\M/WVWM^^IWMIMim%mmilVMMWMWVWMVW

ODE NEUVIÈME.

Sacrifices vraiment agréables à Dieu.

Le Roi des cieux et de la terre

Descend au milieu des éclairs ;

Sa voix , comme un bruyant tonnerre ,

S'est fait entendre dans les airs.

Dieux mortels , c'est vous qu'il appelle ;

Il tient la balance éternelle

Qui doit peser tous les humains.

Dans ses yeux la flamme étincelle »

Et le glaive brille en ses mains.

RÉFLEXIONS ET 8ENT1MCXS

Ministres de ses lois augustes ,

Esprits divins qui le servez ,

Assemblez la troupe des justes

Que les œuvres ont éprouvés ;

Et de ces serviteurs utiles

Séparez les âmes serviles

Dont le zèle , oisif en sa foi ,

Par des holocaustes stériles

A cru satisfaire à la loi.

Allez , saintes intelligences ,

Exécuter ses volontés ;

Tandis qu'à servir ses vengeances ,

Les cieux et la terre invités ,

Par des prodiges innombrables ,

Apprendront à ces misérables

Que leur jour fatal est venu

Qui fera connaître aux coupables

Le juge qu'ils ont méconnu.

Ecoutez ce juge sévère,,

Hommes charnels , écoutez tous !

Quand je viendrai, dans ma colère :

Lancer mes jugemens sur vous ,

Vous m'alléguerez les victimes

Que sur mes autels légitimes

Chaque jour vous sacrifiez ;

Mais ne pensez pas que vos crimes

Par là puissent être expiés.

Que m'importent vos sacrifices ,

Vos offrandes et vos troupeaux ?

Dieu boit-il le sang des génisses ?

Mange-t-il la chair des taureaux ?

SUU DIVERS SUJET.* DE RELIGION.

Ignorez-vous que son empire

Embrasse tout ce qui respire

Et sur la terre et dans les mers ,

Et que son souffle seul inspire

L'âme à tout ce vaste univers ?

Offrez , à l'exemple des anges ,

A ce Dieu votre unique appui ,

Un sacrifice de louanges ,

Le seul qui soit digne de lui.

Chantez d'une voix ferme et sûre

De cet auteur de la nature

Les bienfaits toujours renaissant :

Mais sachez qu'une main impure

Peut souiller le plus pur encens.

11 a dit à l'homme profane :

Oses-tu , pécheur criminel ,

D'un Dieu dont la loi te condamne ,

Chanter le pouvoir éternel ?

Toi qui , courant à ta ruine ,

Fus toujours sourd à ma doctrine ;

Et malgré mes secours puissans ,

Rejetant toute discipline ,

N'a pris conseil que de tes sens :

Si tu voyais un adultère ,

C'était lui que tu consultais ;

Tu respirais le caractère

Du voleur que tu fréquentais.

Ta bouche abondait en malice ;

Ton coeur, plein d'un vil artifice ,

Contre ton frère encouragé ,

S'applaudissait du précipice

Où ta fraude l'avait plongé.

400 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Contre une impiété si noire

Mes foudres furent sans emploi : •

Et voilà ce qui t'a fait croire

Que ton Dieu pensait comme toi.

Mais apprends , homme détestable ,

Que ma justice formidable

Ne se laisse point prévenir ,

Et n'en est pas moins redoutable

Pour être tardive à punir.

Pensez-y donc , âmes grossières ;

Commencez par régler vos mœurs.

Moins de faste dans vos prières ,

Plus d'innocence dans vos cœurs.

Sans une âme légitimée

Par la pratique confirmée

De mes préceptes immortels ,

Votre encens n'est qu'une fumée

Qui déshonore mes autels.

ODE DIXIÈME.

Les jugemens de Dieu.

Peuples , élevez vos concerts ,

Poussez des cris de joie et des chants de victoire-

Voici le roi de l'univers

Qui vient faire éclater son triomphe et sa gloire.

La justice et la vérité

Servent de fondement à son trône terrible.

Une profonde obscurité

Aux regards des humains la rend inaccessible.

SL'R DIVERS StIJETS DE RELIGION.

Pleine d'horreur et de respect ,

La terre a tressailli sous ses voûtes brisées ;

Les monts , fondus à son aspect ,

S'écoulent dans le sein des ombres embrasées.

De ses jugemens redoutés

La trompette céleste a porté le message ,

Et dans les airs épouvantés

En ces terribles mots sa voix s'ouvre un passage :

Soyez à jamais confondus,

Adorateurs impurs de profanes idoles ,

Vous qui , par des vœux défendus ,

Invoquez de vos mains les ouvrages frivoles !

C'est moi qui du plus haut des cieux ,

Du monde que j'ai fait règle les deslinées.

C'est moi qui brise ses faux dieux ,

Misérables jouets des vents et des années.

Par' ma puissance raffermis,

Méprisez du méchant la haine et l'artifice :

L'ennemi de vos ennemis

A détourné sur eux les traits de leur malice.

Conduits par mes vives clartés ,

Vous n'avez écouté que mes lois adorables ;

Jouissez des félicités

Qu'ont mérité pour vous mes bontés secourables.

Venez donc , venez en ce jour

Signaler de vos cœurs l'humble reconnaissance ;

Et , par un respect plein d'amour ,

Sanctifiez en moi votre réjouissance.

26

403 RJSFIBXIONS ET SENTIMENS

ODE ONZIÈME.

Désirs de l'immortalité.

Que la demeure où tu résides ,

Dieu puissant , a d'attraits pour moi !

Et que mes transports sont rapides

Quand mon cœur s'élève vers toi !

Mon âme tombe en défaillance.

Que ma flamme a de violence !

Mon Dieu , que mon zèle est fervent !

Oui , tout plein de l'objet que j'aime ,

Mon cœur se trouble , et ma chair même

Tressaille au nom du Dieu vivant.- 't

Dans les déserts la tourterelle

Loin du chasseur va se cacher ,

Et trouve un asile pour elle

Dans le sein de quelque rocher.

Loin du monde où tout me désole ,

C'est à ton temple que je vole :

Et dans l'ombre de ce saint lieu ,

Toujours caché , toujours tranquille,

Tels autels seront mon asile ,

Mon Roi , mon Seigneur et mon Dieu !

Tandis que ta sainte assemblée

Y forme des concerts charmans ,

Notre aride et sombre vallée

Retentit de gémissemens.

Que la carrière est longue et rude !

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

De tristesse et de lassitude

Que de voyageurs abattus !

Mais celui que ta main soulève ,

De vertus en vertus selève

Jusqu'à la source des vertus.

C'est à toi-même qu'il arfive

Sur les ailes de son amour.

Quand mon âme ici-bas captive

Le suivra-t-elle en ton séjour ?

Hélas ! de loin je le contemple ;

Un seul jour passé dans ton temple

Est bien plus cher à mes désirs ,

Qu'une longue suite d'années

Aux yeux du monde fortunées ,

Qu'un siècle entier de ses plaisirs.

A la porte du sanctuaire

N'être admis qu'au dernier des rangs

Est un honneur que je préfère

A toutes les faveurs des grands.

Chez eux habitent les caprices ,

Les trahisons , les injustices ;

Mais , dans la maison du Seigneur ,

Rien de souillé n'ose paraître :

La sainte majesté du Maître

En fait le temple du bonheur.

Qu'un cœur touché de tes promesses

Trouve de chîrmes dans ta loi !

0 Dieu prodigue en tes largesses !

Heureux qui n'espère qu'en toiJ .

Si nous marchons dans l'innocence ,

Nous recevrons sa récompense ;

26.

4o4 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Et nous ne serons point jaloux

Qu'ornés de nos mêmes couronnes,

Les pécheurs à qui tu pardonnes ,

Près de toi brillent avec nous.

ODE DOUZIÈME.

Souvenirs de l'immortalité.

Voici , voici le jour propice

Où le Dieu pour qui j'ai souffert

Va me tirer du précipice

Que le péché m'avait ouvert.

De l'imposture et de l'envie

Contre ma vertu poursuivie

Les traits ne seront plus lancés ;

Et les soins mortels de ma vie

De l'immortalité seront récompensés.

Loin de cette terre funeste

Transporté sur l'aile des vents ,

La main d'un ministre céleste

M'ouvre la terre des vivans :

Près des saints j'y prendrai ma place ,

J'y ressentirai de la grâce

L'intarissable écoulement ;

Et , voyant mon roi face à face, ,

L'éternité pour moi ne sera qu'un moment.

Qui m'affranchira de l'empire

Du monde où je suis enchaîné ?

De la délivrance où j'aspire

Qu.and viendra le jour fortuné ?

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

Quand pourrai-je , rompant les charmes

Où ce triste vallon de larmes

De ma vie endort les instans ,

Trouver la fin de mes alarmes

Et le commencement du bonheur que j'attends ?

Grand Dieu ! daigne sur ton esclave

Jeter un regard paternel !

Confonds le crime qui te brave ;

Mais épargne le criminel.

Et s'il te faut un sacrifice ,

Si de ta suprême justice

L'honneur doit être réparé ,

Venge-toi seulement du vice

En le chassant des cœurs dont il s'est emparé.

C'est alors que de ma victoire

J'obtiendrai les fruits les plus doux ,

En chantant avec eux la gloire

Du Dieu qui nous a sauvés tous.

Agréable et sainte harmonie !

Pour moi quelle joie infinie !

Quelle gloire , de voir un jour

Leur troupe avec moi réunie

Dans les mêmes concerts et dans le même amour !

Pendant qu'ils vivent sur la terre ,

Prépare du moins leur fierté

Par la crainte de ton tonnerre

A ce bien pour eux souhaité ;

Et les retirant des abîmes

Où dans des nœuds illégitimes

Languit leur courage abattu ,

Fais que l'image de leurs crimes

Introduise en leurs cœurs celle de la vertu.

4o6 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

1WMAWWWVWWWWW\W\VWVWWWWWAWWVVW\WWWW\W\WWWvwwwv

LE MAGNIFICAT.

Sentimens humbles et sublimes de Marie.

Je chante du Seigneur Jes bienfaits et la gloire.

De ses dons immortels , présens à ma mémoire ,

Mon âme s'occupe en ce jour.

Mon cœur et mon esprit ont tressailli de joie ; .

J'attendais mon Sauveur : le Très-Haut me l'envoie:

Que ne lui doit point mon amour !

Oui , malgré mon néant , ô faveur ravissante !

Il a daigné , du ciel , sur son humble servante

Jeter un regard de bonté.

Oui , ce qu'a fait pour moi sa piété généreuse

Me vaudra pour jamais le nom de bienheureuse

Par tous les siècles répété.

L'Etre à qui le pouvoir appartient par essence

A signalé pour moi sa force et sa puissance

Par des miracles éclatans. . .

Le nom de l'Eternel est la sainteté même.

Celui qui tremble aux pieds de sa grandeur suprême

Lui sera cher dans tous les temps.

Son bras est déployé , sa main forte et terrible

A confondu l'orgueil du mortel inflexible

Qui ne respirait que fureur.

Il a du front des rois fait tomber la couronne ,

Renversé les tyrans arrachés de leur trône ,

Et mis les humbles en honneur.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4°7

Prêt à combler les vœux du juste qui soupire ,

Et dont l'âme altérée aux seuls vrais biens aspire ,

Il les lui prodigue aujourd'hui.

Tandis que l'opulent qui , sur son abondance ,

De ses besoins remplis fonde l'indépendance ,

Sort pauvre et nu de devant lui.

Il choisit Israël ; il en fit son partage ,

Exact à nous tenir tout ce que d'âge en âge

Sa bonté nous avait promis.

Abraham notre aïeul , et sa race fidèle ,

De sa bouche ont reçu la promesse immortelle

Du don qu'il fait à ses amis. .

\uuvvwumuumunvvuuwtwuvnuuWMim\vm W\VWVW vv\VWV

LE DOMINE SALFUM.

Vœux pour la prospérité et la vraie grandeur du

Monarque.

O Dieu qui par un choix propice

Daignâtes élire , entre tous ,

Un homme qui fût parmi nous

L'oracle de votre justice ,

Inspirez, inspirez au Roi ,

Avec l'amour de votre loi

Et l'horreur de la violence ,

Cette clairvoyante équité

Qui de la fausse vraisemblance

Sait discerner la vérité.

Que par des jugemens sévères

Sa voix rassure l'innocent ;

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Que de son peuple gémissant

Sa main soulage les misères ;

Que jamais le mensonge obscur

Des pas de l'homme libre et pur

N'ose à ses yeux souiller la trace ;

Et que le vice fastueux

Ne soit point assis à la place

Du mérite humble et vertueux.

Ainsi du plus haut des montagnes

La paix et tous les dons des cieux ,

Comme un fleuve délicieux,

Viendront arroser nos campagnes.

Son règne à ses peuples chéris

Sera ce qu'aux champs défleuris

Est l'eau que le ciel leur envoie ;

Et tant que luira le soleil ,

L'homme , plein d'une sainte joie ,

Le bénira dès son réveil.

Son trône deviendra l'asile

De l'orphelin persécuté ;

Son équitable austérité

Soutiendra le faible pupille.

Le pauvre , sous ce défenseur ,

Ne craindra plus que l'oppresseur

Lui ravisse son héritage ;

Et le champ qu'il aura semé

Ne deviendra plus le partage

De l'usurpateur affamé.

Ses dons , versés avec justice ,

Du pâle calomniateur

Ni du servile adulateur

Ne nourriront point l'avarice :

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

Pour eux son front sera glacé ;

Le zèle désintéressé ,

Seul digne de sa confiance,

Fera renaître pour jamais

Les délices et l'abondance ,

Inséparables de la paix.

Alors la juste renommée

Répandue au delà des mers ,

Jusqu'aux confins de l'univers

Avec éclat sera semée.

Ses ennemis , humiliés ,

Mettront leur orgueil à ses pieds ;

Et des plus éloignés rivages,

Les rois , frappés de sa grandeur ,

Viendront , par de riches hommages ,

Briguer sa puissante faveur.

Ils diront : Voilà le modèle

Que doivent suivre tous les rois ;

C'est de la sainteté des lois

Le protecteur le plus fidèle :

L'ambitieux immodéré ,

Et des eaux du siècle enivré ,

N'ose paraître en sa présence ;

Mais l'humble ressent son appui ,

Et les larmes de l'innocence

Sont précieuses devant lui.

De ses triomphantes années

Le temps respectera le cours ,

Et d'un long ordre d'heureux jours

Ses vertus seront couronnées ;

Ses vaisseaux , par les vents poussés ,

Vogueront des climats glacés

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Aux bords de l'ardente Libye i

La mer enrichira ses ports ;

Et pour lui l'heureuse Arabie

Epuisera tous ses trésors.

Tel qu'on voit la tête chenue

D'un chêne , autrefois arbrisseau ,

Egaler le plus haut rameau

Du cèdre caché dans la nue ;

Tel , croissant toujours en grandeur,

Il égalera la splendeur

Du potentat le plus superbe.

Et ses redoutables sujets

Se multiplîront comme l'herbe

Autour des humides marais.

Qu'il vive ! et que dans leur mémoire

Les rois lui dressent des autels !

Que les cœurs de tous les mortels

Soient les monumens de sa gloire î

Et vous j ô Maître des humains !

Qui de vos bienfaisantes mains

Formez les monarques célèbres ,

Montrez-vous à tout l'uuivers ;

Et daignez chasser les ténèbres

Dont nos faibles yeux sont couverts.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 41 1

\wvuwxmwvwwIWWWVWVWVWVWVVWWWWWW\WVVW W\W\WIW\l\

LE DEUM.

Actions de grâces , joie , transports.

Notre voix te bénit , notre cœur te révère ,

Grand Dieu ! souverain Maître ! inconcevable Père !

Tes enfans , répandus en cent climats divers ,

T'adorent comu.e Roi de ce grand univers.

Ces célestes esprits , qui vivent de toi-même ,

Relèvent à l'envi ta puissance suprême.

Des Trônes , des Vertus , les cœurs étincelans ,

Les sages Chérubins , les Séraphins brûlans ,

Chantent, dans les Concerts de leurs voix enflammées :

Saint , saint , saint est le Dieu , le Seigneur des armées.

Ta grandeur invisible et visible en tous lieux

Remplit le vaste enclos de la terre et des cieux ;

Les envoyés du Verbe , eux qui l'ont fait connaître ,

Les Prophètes dont l'œil vit ce qui devait être ,

Et de tes saints martyrs l'escadron généreux

Rendent gloire à ton nom qui les rend bienheureux.

Du Midi jusqu'au Nord , de l'Inde jusqu'au Tage ,

L'Eglise , une en tous lieux , rend un céleste hommage

A toi , Père éternel, source de majesté,

A ton unique Fils , rayon de ta clarté ;

A ton Esprit divin , qui par ses saintes flammes

Guérit seul tous nos maux et console nos âmes.

4l2 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

0 Jésus ! roi de gloire , égal au Dieu très-haut .

Miroir de sa splendeur , sans tache et sans défaut ;

Tu n'as pas dédaigné , pour le salut du monde ,

D'entrer dans l'humble sein d'une Vierge féconde :

Vainqueur, même à la croix, d'un bras puissant et fort

En mourant tu brisas l'aiguillon de la mort !

En sortant du Aombeau tu rouvris aux fidèles

Du céleste palais les portes éternelles.

Tu règnes dans le ciel , sur la terre , en tout lieu ,

Dans la gloire du Père , à la droite de Dieu.

Et nous croyons qu'un jour , armé de ton tonnerre,

Tu viendras dans les airs juger toute la terre.

Combats donc pour les tiens , et protège des cieux

Tes captifs rachetés de ton sang précieux ;

Mets-nous avec ces saints /que ton Père te donne ,

Pour porter avec toi ta royale couronne.

Seigneur , sauve ton peuple , assiste tes enfans ,

Fais vaincre tes soldats et les rends triomphans.

Avant que le grand astre ouvre au ciel sa carrière ,

Nos voix pour te bénir préviennent la lumière :

Guide aujourd'hui nos pas , aide-nous à marcher ;

Pardonne nos erreurs , garde-nous de pécher.

L'homme pour te servir n'ayant rien de soi-même ,

Toute notre espérance est ta bonté suprême ;

C'est notre unique appui , notre bien , notre paix :

Qui n'espère qu'en toi ne périra jamais.

SLR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

RÉFLEXIONS ET SENTIMENS ,

POUR LA CONFESSION ET LA COMMUNION

SOLENNELLES

AU TEMPS PASCAL.

( Rentrez ici dans l'intérieur de votre propre conscience )

elle seule doit vous guider. Faites , par conséquent ,

peu ou point d'attention aux vains argumens des autres

hommes. )

Il est inconcevable jusqu'à quel point ces grands,

ces divins exercices de la confession et de la com

munion annuelles sont négligés parmi les chré

tiens de nos jours. Rien cependant de plus salu

taire et de plus propre à nous faire faire des progrès

rapides dans la perfection. Et le moins que l'Eglise

puisse exiger de ceux qui veulent porter le nom

de chrétiens, c'est de participer une fois l'an , selon

l'esprit du christianisme , au sacrement de l'amour

de Jésus-Christ , et de célébrer les mystères de sa

charité dans la sainte quinzaine de Pâques, qui

rappelle tant et de si touchans souvenirs. Com

ment un véritable chrétien pourrait-il passer ce

temps de salut sans songer à sa réconciliation avec

4 1 4 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

le Créateur ? Quel homme pourrait vivre , plus

d'une année , dans l'éloignement du Seigneur et

dans l'inquiétude du crime , à moins d'avoir en

tièrement perdu tout sentiment de. piété , et de

s'être laissé aveugler et corrompre par les plus viles

passions ? O mon Dieu ! éclairez , éclairez tant de

mortels si frivoles et si indifférens sur leur salut :

montrez à la chrétienté l'abîme épouvantable où

elle se précipite en négligeant les ressources di

vines que vous avez ménagées dans votre religion

à la faiblesse de l'homme. Oui , notre cœur lui-

même nous conduirait au sanctuaire de la ré

conciliation , si l'injustice ne l'avait pas entière

ment dénaturé ! Voyez cet enfant encore simple

et innocent ; il a aussi un père qu'il offense quel

quefois. Que fait-il dès qu'il reconnaît avoir en-

encouru sa disgrâce? Son propre cœur le lui dicte.

La paix et la tranquillité ont fui; pour lui , plus

de joie ni de repûs qu'il ne se soit jeté aux pieds

de ce père tendre , et ne lui ait avoué sa faute

avec une sincère naïveté , en demandant son par

don sur la promesse de se corriger. Mais s'il est

vrai que tous les hommes , que les monarques

mêmes de la terre , ne sont que de petits , que

de faibles enfans auprès du Créateur suprême et

du Père de la nature , pourquoi n'auraient-ils pas

tous envers lui une piété aussi fdiale et des senti-

mens aussi naturels? Et comment des incrédules,

des têtes faibles et des libertins seraient-ils par

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4^

venus à jeter assez de ridicule sur cette action sa

crée de la réconciliation de l'homme avec son Dieu,

pour arrêter partout l'élan d'une âme sensible et

franche ? Cet acte , j'ose le dire , est peut-être ce

qu'il y a de plus grand dans la création !

Pour moi , les sarcasmes d'un monde aveugle

et vain , ni un faux respect humain n'en impose

ront à mon âme , et ne lui feront pas la loi. Le

monde peut crier aux abus , moi je sais que les

voix de la nature et de la religion , loin de récla

mer les abus , les repoussent , mais qu'elles de

mandent le sacrement dans sa pureté , et une

véritable réconciliation du pécheur avec son Dieu.

Le monde se plaindra de l'usage de dérouler les

replis de sa conscience et de dévoiler ses plus

secrètes pensées devant un homme faible et mortel

comme tout autre; moi, tout persuadé que je

sois que le chrétien éclairé peut se contenter, pour

cet acte important, de s'éprouver simplement lui-

même , selon l'invitation de l'Apôtre , je m'esti

merai heureux de pouvoir m'entretenir de l'im

portante affaire de ma réconciliation avec un

homme instruit et impartial, qui connaît le cœur

humain et les lois du Seigneur , afin d'en re

cevoir les avis salutaires dont j'ai besoin, en même

temps que j'en obtiens la tranquillisante assurance

d'être l'entré en grâce avec mon Créateur. Oui , je

reconnaîtrai toujours que cette institution divine,

si bien adaptée à la nature de l'homme, qui a

4 I 6 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

besoin de cérémonies extérieures qui s'accordent

avec les sentimens de son âme , est la seule ca

pable de rendre généralement à tous les hommes

égarés , par surprise ou par faiblesse , le courage

nécessaire pour rentrer dans les sentiers de la per

fection et recommencer à y marcher d'un pas

assuré.

PRÉPARATION.

Me voici devant vous , ô mon Dieu ! vous , le

témoin invisible et incorruptible de toutes les

actions et de toutes les pensées de ma vie : vous ,

le suprême Scrutateur des cœurs , qui démêlez

jusqu'aux derniers replis de ma conscience ! me

voici devant vous ! Je m'arrête un moment sur le

chemin de mon pèlerinage terrestre, afin de por

ter un regard sur ma vie passée et sur l'état de

mon intérieur, afin d'examiner , avec franchise et

impartialité , de combien je me suis rapproché ou

éloigné de ce modèle divin de la perfection , pro

posé à mon imitation. Mais ici , je sais que j'ai

besoin de toutes vos grâces , ô mon Dieu ! Cette

recherche si nécessaire est en même temps si dif

ficile ! Que d'obstacles se présentent partout ! Je

dois en ce moment reconnaître toutes mes fai

blesses, avouer toutes mes erreurs, tous mes torts,

tous mes vices ; et mon amour-propre s'y oppose

avec obstination ! Un cœur gâté sait faire tant de

représentations , tant d'objections , que je me sens

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4' 7

presque assez faible pour fuir encore une fois tout

examen sérieux ! Me sera-t-il bien possible , au

milieu de tant d'obstacles , de reconnaître toute

1 enormité de mes égaremens, si vous ne me sou

tenez , ô Dieu tout-puissant ! Ayez donc pitié de ma

faiblesse et de mon impuissance; encouragez-moi,

fortifiez mon âme par votre divin esprit ; soyez à

ma droite, afin que je puisse reconnaître et déplorer

vivement toutes mes passions criminelles , et par

venir , après un humble et sincère aveu , à mener

une vie meilleure ! Donnez-moi , ô le plus tendre

des pères ! un repentir véritable de mes fautes ,

avec une résolution inébranlable de m'en corriger!

Soyez propice aux vœux d'un faible enfant qui,

plein de trouble et d'inquiétude , vous appelle à

son secours , et à qui il serait impossible , sans

votre assistance , d'amener à un heureux terme

les précieux sentimens dont son cœur vient de se

remplir.

Amen.

examen de conscience.

Il faut savoir enfin aujuste quelles sont les dispo

sitions intérieures de mon âme. Je veux, enfin, me

rendre compte à moi-même de toutes mes actions

passées et connaître ma véritable situation avec

mon Créateur, avec mes semblables, en un mot,

en ce moment je veux savoir ce que j'ai à craindre

et à espérer dans l'affaire de mon salut éternel.

27

-4 1 S RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Qui sait si demain , si dans quelques instans

je serai encore assez maître de disposer de mon

temps et de mes facultés pour faire un examen aussi

sérieux et une revue aussi importante? Déjà je suis

dans votre présence , ô Dieu caché et incompré

hensible, mais intimement présent à tout mortel!

Vous voyez mon âme et ses pensées diverses : je

vais donc m'interroger sans réserve , et mon cœur

devra répondre. •

Amour de Dieu.

L'amour le plus pur est le fondement et l'esprit

de la religion. Quel a donc été mon amour envers

le Seigneur suprême , le premier et le plus noble

de mes bienfaiteurs ? Quelle a été ma reconnais

sance et mon affection pour Jésus , le divin Légis

lateur et le Sauveur du genre humain ?

Ai-je pensé souvent , et avec complaisance , à

mon Créateur et au Dieu de mon salut?

Ai-je formé de nombreux désirs de lui plaire ,

de le voir , de le posséder; et me suis-je réjoui de

lui appartenir?

Ai-je fait de continuels efforts pour accomplir en

tout et partout sa sainte et adorable volonté?

Ai-je toujours été intimement persuadé que tout

ce que j'ai et tout ce que je suis n'est qu'un don

pur et gratuit de celui qui n'avait aucun besoin des

créatures , et qui ne les a produites que pour les

rendre heureuses ? . • , >

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4'9

Ne me suis-je jamais laissé aller à un criminel

mécontentement ou à d'injustes plaintes touchant

sa sage et paternelle Providence?

N'ai je point murmuré, blasphémé? N'ai-je point

abusé du nom trois fois saint de l'Etre des êtres,

en le prononçant dans des circonstances incon

venantes ?

Me sui^-je montré modeste et réservé , lorsque

desjours de prospérité me sont tombés en partage,

et que le ciel couronnait d'un heureux succès mes

diverses entreprises ?

N'ai-je point été, au contraire, impatient, in

quiet et découragé dans mes disgrâces et mes re

vers , perdant aussitôt toute confiance en Dieu

quand je rencontrais des chemins difficiles et se

més de ronces et d'épines ?

N'ai-je point prétendu que tout devait se régler

sur mes fantaisies , mes volontés et mes aveugles

désirs ?

Enfin , ai-je toujours tâché de conserver la foi au

Seigneur, et l'attachement à tous les bons principes?

Amour de mes semblables.

'Quels ont été mes sentimens de charité pour

mes frères , c'est-à-dire pour tous les hommes de

quelque nation ou religion qu'ils soient ?

Comment me suis-je comporté , en particulier,

envers ceux que la nature ou le sang m'attachent

27.

420 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

plus étroitement , ovi que le commerce de la vie

met en une liaison plus intime avec moi, des pa-

rens, des frères et sœurs, des amis, des proches,

des serviteurs ?

Ne me suis-je jamais oublié jusqu'à prendre de

l'humeur , et jusqu'à nourrir dans mon intérieur

de l'aversion, de la haine et de l'animosité contre

mes semblables ?

Ai-je toujours pardonné franchement et sincè

rement à mes ennemis , ou à ceux que je croyais

l'être ; et ne nté suis-je point réjoui en secret de

leurs maux?

Ai-je eu en horreur le meurtre et l'affreuse guerre?

et n'ai-je point adopté en cela les idées d'un monde

aveugle en fait de morale , ou celles d'une abomi

nable politique ?

N'ai-je point cherché à fomenter des partis , des

divisions , des factions dans la société ?

Ai-je évité de faire de la peine à mes semblables

par des propos , des soupçons , des accusations

injustes et de fausses imputations ?

Ai-je été persuadé qu'en ôtant , par un seul

mot peu charitable , la paix du cœur à un de mes

frères , je lui faisais souvent plus de mal que si je

lui enlevais une grande partie de ses biens ter

restres?

Ne me suis-je point plu à railler ceux de mes

frères à qui il me semblait que le Seigneur avait

accordé moins de facultés d'esprit qu'à moi, et

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 42<I

dont la piété ne me paraissait pas aussi éclairée

que la mienne ? Surtout , ne me suis-je point per

mis de les mépriser , et de les contrister en les

traitant de têtes faibles et de fanatiques ?

N'ai-je point maltraité l'étranger et l'inconnu ,

le jugeant sur les apparences ? Ai-je plaint partout

le pauvre , le malheureux , le persécuté , et même

le criminel ?

N'ai-je point été moins prévenant et moins dis

posé à rendre service envers ceux qui étaient d'une

nation, d'une religion, ou d'une opinion différentes

de la mienne ?

N'ai-je offensé aucun de mes semblables par des

paroles peu mesurées ? Aucun n'a-t-il droit de se

plaindre de mes procédés ?

N'ai-je point jugé trop sévèrement la conduite et

les démarches des personnes qui m'entouraient ?

N'ai-je point été sans pitié, sans miséricorde, sans

bonté de cœur, quand j'ai été obligé de les con

damner? Surtout, n'ai-je point pris plaisir à pu

blier partout leurs défauts et leurs torts? .

N'ai-je manqué à aucun de mes semblables par

des reproches , des mépris ou des railleries, qu'il

ue méritait pas ?

N'ai-je point fait tort à la réputation de mon

prochain, principalement des personnes qui ont

besoin de la bonne renommée de leur talent ou

de leur probité pour gagner leur vie ? Aucun père

de famille n'a-t-il été réduit à la misère et à la

4^2 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

gêne par suite de mes propos qui tendaient a lui

faire perdre le crédit publie ?

Et, si j'ai été capable de toutes ces fautes graves*

les ai-je commises par légèreté et d'une manière

inconsidérée , ou avec préméditation ?

Enfin, qu'ai-je fait, ou que ferai-je pour réparer

tous les torts , et ces fautes grossières dont je me

suis rendu coupable ?

Injustices.

Ai-je été fidèle , intègre et loyal dans mes actes

de commerce, quant aux gains , aux contrats , aux

ventes , aux achats , aux échanges ? et ne suis-je

point forcé de me faire ici le honteux reproche

d'avoir trompé mon frère qui agissait franchement ;

d'avoir vexé mes semblables par nombre de bas

sesses, d'injustices, palliées quelquefois, mais tou

jours très-réelles?

N'ai-je point volé , pillé , soustrait par fraude ,

du par d'infâmes usures, le bien de mon prochain,

ou retenu lâchement ce qui ne m'appartenait pas ?

Ne me suis-je point persuadé, avec tant d'aveu

gles commerçans de nos jours, qu'il est permis de

vendre à tout prix ?

L'avarice et la cupidité d'un gain sordide ne

m'ont-ils point fait aimer les troubles , les révolu

tions, les désordres de la guerre? • >

Ai-je toujours fait l'aumône aux pauvres selon

si;r divers sujets de religion. 423

mes facultés ? et n'ai-je point été égoïste et inhu

main au point de posséder du superflu pendant cpje

mes voisins manquaient du nécessaire et mouraient

de faim ?

Surtout, ne me suis-je point fait illusion sur ce

qu'on doit appeler le superflu, en me persuadant fol

lement qu'un faste qui insulte à la misère publique

est nécessaire pour soutenir mon rang ?

Et , si j'ai été assez insensé, assez faible et mé

prisable pour me rendre coupable sous des rapports

si humilians , qu'ai-je fait, ou comment ferai -je

pour réparer mes torts et satisfaire à tous ceux qui

ont droit de se plaindre ?

Scandale. • ,

N'ai-je jamais été le séducteur de mes frères? Ne

les ai-je jamais engagés ni entraînés au mal , soit

par des discours peu réfléchis, soit par des propos

ou des actes criminellement prémédités , ou par

des conseils perfides ?

N'ai-je point donné de ces mauvais exemples

auxquels les personnes présentes résistent diflîci-

lement ? j t;-; -

N'ai-je point livré à l'impression des raisonne-

mens faux contre la'religion et la morale publique ?

et n'ai-je point insulté à la sainte nalure et aux

mœurs ?

Quelles sont les suites terribles qu'ont eues mes

424 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

crimes en ce genre ? Et comment pourrai-je arrêter

les progrès du mal? Ai-je vraiment assez de cou

rage pour condamner publiquement ma conduite,

pour rétracter ce que j'ai dit , pour détromper et

ramener sur la voie de la vérité et de la vertu ceux

que mes discours ou mes écrits auraient égarés?

Ne me suis-je point , d'un autre côté, follement

scandalisé de la conduite et des démarches de la

plupart de mes concitoyens, me croyant en tout

meilleur qu'eux , trouvant du mal dans toutes leurs

actions, interprétant mal leurs intentions, ne leuF

en supposant jamais de bonnes , et imputant a

crimes jusqu'à leurs bonnes œuvres?

Ne me suis-je point persuadé , dans mon cœur,

que je valais infiniment mieux que toutes les per

sonnes qui me paraissent moins exactes que moi

dans l'accomplissement des devoirs extérieurs de

piété et de dévotion ?

Ai-je été persuadé que Dieu seul connaît le degré

de mérite et de démérite de l'homme sur la terre,

parce qu'il connaît seul les grâces qu'il lui a don

nées , l'éducation qu'il a reçue , et la force des ten

tations auxquelles il s'est trouvé exposé ? et me

suis-je, en conséquence, abstenu de juger ou de

condamner qui que ce soit , afin de n'êtré point

condamné moi-même?

D'après cet oracle de Jésus-Christ qui nous dé

fend de juger nos frères , ai-je été intimement per

suadé que le criminel lui-même qui , pour de nom

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

breux forfaits , est condamné par la justice hu

maine , peut être moins coupable devant Dieu que

ceux qui ont été chargés de son éducation , ou

qu'un hypocrite dont personne ne connaît les pen

sées ni la vie privée ? En conséquence , ai-je eu

soin de m'occuper toujours plus de ma propre

conduite que de celle des autres , persuadé que

chacun a assez à faire de se surveiller soi-même?

Enfin , si je me reconnais coupable sous quel

qu'un de ces rapports , comment ferai-je pour me

corriger au plus tôt ?

Bierifaisance.

La bienfaisance a-t-elle fait ma plus chère occu

pation? a-t-elle fait mon unique joie véritable?

l'ai-je regardée comme le premier de mes de

voirs ?

Ai-je aidé partout où je le pouvais, et de mes

biens et de mes conseils , sans jamais demander

aux malheureux : Qui êtes-vous ? avant de voler

à leur secours ?

Ai-je consolé, soulagé tous les infortunés à qui

je pouvais être utile? Ai-je eu du plaisir à essuyer

des larmes , à arrêter des sanglots ?

Ai-je cherché , avec une sollicitude inquiète , la

retraite obscure du pauvre honteux que la faim et

les misères de tous gem,es rongent en secret?

Quandje l'ai pnfaire, ai-je appelé le bonheur dans

4^6 RÉFLEXIONS ET SESTIMENS . .

ces familles nombreuses et honnêtes d'où le man

que du nécessaire a banni la joie ?

Me suis-je cru, pour cela, obligé de faire des sa

crifices considérables, quand mes facultés me l'ont

permis? Combien de familles industrieuses ai-je

relevées, en leur avançant les sommes nécessaires?

A combien de malheureux ai-je aidé à retrouver

leur subsistais ? Y a-t-il beaucoup de pauvres qui

aient lieu de bénir mon nom ?

Ne faut-il pas que j'avoue ici , à la honte du

christianisme et des sentimens d'humanité que

l'Auteur de la nature a mis dans le cœur de tous les

hommes , que j'ai fait des dépenses et des embel-

lissemens inutiles, pendant que plusieurs de mes

pauvres concitoyens mouraient de besoin ?

Ai-je servi de père à l'orphelin ? ai-je été le sou

tien , la consolation de la veuve désolée , et l'ami

de cœur de tous les infortunés , de quelque na

tion , de quelque religion qu'ils fussent , quand

même ils auraient été eux-mêmes la cause de leurs

disgrâces ?

Sur quoi ont roulé, le plus ordinairement., mes

pensées, mes spéculations, mes désirs ? L'ambition

et l'avarice n'ont-elles pas dégradé mon cœur ni

avili mon âme ? pourrais-je avouer , sans rougir ,

quels vœux j'ai formés , quels procédés j'ai suivis?

et ne serais-je point forcé de mépriser celui de mes

semblables en qui je découvrirais les mêmes désirs

injustes et immodérés , et le même égoïsme dont

SUR DIVE1S SUJETS DE RELIGION. 427

je n'ai pas eu honte de me rendre coupable moi-

même ?

Enfin, si j'ai été assez heureux pour faire quel

que bien, l'ai-je toujours fait dans des intentions

pures, n'ayant jamais en vue d'autres récompenses

que celles du Dieu invisible , persuadé que tout

autre motifdégrade la sainte vertu de bienfaisance?

Ai-je répandu , d'ailleurs , mes largesses avec la

prudence convenable ; et n'ai-je point quelquefois

nourri la paresse , mère de tous les vices , aux

dépens de la véritable indigence?

Religion.

Ai-je eu soin de bien m'instruire dans la reli

gion , et n'ai-je point recherché les sciences hu

maines, les connaissances obscures et incertaines

du monde , plutôt que la science de Dieu ?

Me sais-je donné quelque peine pour pénétrer et

saisir le véritable esprit de la religion? N'ai-je point

méprisé ce que je ne connaissais pas? N'ai-je point

blasphémé ce que j'ignorais ? • . „• •

N'ai-je point cherché à ébranler les fondemens

de toute morale, de toute justice , de toute vertu ,

en niant follement l'existence d'un Dieu créateur

et rémunérateur, la spiritualité ou l'immortalité

de l'âme , et les autres grandes vérités de la re

ligion ?

Ai-je été persuadé que le mot honneur, aussi

vide de sens que ceux qui le prononcent , ne peut

428 RÉFLEXIONS ET SEATIMENS

pas être la base de la morale publique, ni le prin

cipe de toutes les vertus sociales ?

N'ai-je pas persécuté ou méprisé mes semblables

pour cause d'opinions, en matière religieuse comme

en tout autre ? N'ai-je pas eu des opinions exagé

rées ; et me suis -je souvenu qu'en général elles

rendent les hommes plus malheureux que toutes

les misères inséparables de la vie ?

Me suis-je, en conséquence, contenté de plaindre

ceux que je croyais dans l'erreur , lorsque je n'ai

pu les éclairer ? , S

Ai-je été tolérant , ou plutôt ai-je bien connu

jusqu'où doit aller la charité chrétienne ?

N'ai-je point traité de faux dévots ceux d'entre

mes frères qui se croyaient obligés de remplir des

pratiques de dévotion que je regardais moi-même

comme superflues ; ai-je toujours fait réflexion que

le Seigneur regarde principalement le cœur , et

qu'une prière naïve et simple lui est plus agréable

que des phrases savantes et philosophiques?

Enfin , ai-je eu soin d'inculquer aussi des prin

cipes religieux dans le cœur de tous ceux sur qui

j'avais autorité , et de les y entretenir , persuadé

que si , par ma négligence ou mes mauvais exem

ples, j'ai élevé de mauvais sujets autour de moi, je

réponds devant Dieu de tous leurs crimes ?

jyiauvais.es habitudes.

Quelle a été ma passion dominante; quel peu-

SIÎR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 429

chant m'a entraîné avec plus d'empire? quel vice

ai-je conservé long-temps ? quelles fautes ai-je com

mises par habitude?

Me sui6-je donné quelque peine pour arrêter une

passion entraînante , pour corriger des habitudes

mauvaises ?

Les résolutions que j'ai souvent faites à cet égard

ont-elles été fortes et sincères ? et comment les

ai-je observées ?

Combien de fois ai-je manqué à mes meilleures

résolutions ; et y ai-je manqué par surprise , par

inadvertance, ou malgré les représentations vives

et réitérées de ma conscience ?

Lorsque je suis retombé souvent dans les mêmes

fautes , quoique je renouvelasse sans cesse mes

bonnes résolutions, n'ai-je pas fini par me décou

rager au point de renoncer à tout espoir de me

corriger ? et n'ai-je point ensuite poursuivi la car

rière du vice , sans plus de réflexion ?

Vertus.

' Ai-je fait tous mes efforts pour déraciner tous

mes vices , et les remplacer par des vertus ?

Ne me suis-je point glorifié de mes faiblesses ,

tirant vanité de mes désordres, au lieu d'en rougir

devant Dieu et devant les hommes ?

N'ai-je point humilié , raillé , persécuté l'inno

cence et la vertu , en traitant d'âmes simples et

43û RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

de petits esprits ceux d'entre mes semblables qui

y attachaient un grand prix?

Ne me suis-je point laissé aller, avec les liber

tins , au mépris de toute morale , de tout principe

de religion et de vertu , afin de me livrer plus li

brement à des actions criminelles, sacrifiant ainsi

l'estime de toutes les personnes honnêtes, ruinant

ma santé , et ternissant l'éclat immortel que Dieu

a imprimé sur le visage de l'homme ?

N'ai-je point abusé brutalement de ce qu'il y a

de plus sacré dans la nature , et n'ai-je point attiré

par-là , à mes descendans ainsi qu'à moi-même ,

des maladies et des infirmités honteuses ?

N'ai-je point cherché à éteindre dans mon cœur,

et dans le cœur de ceux que je fréquentais, la foi

en un Dieu rémunérateur, la croyance de l'immor

talité et des peines et récompenses futures , bases

de toute vertu?

N'ai-je point ainsi été cause de désordres dans

les familles , de malheurs domestiques qui ont

désolé des ménages qui auraient été heureux sans

moi, parce que, sans moi, ils n'eussent jamais

perdu leurs principes de vertu?

N'ai-je point été assez injuste pour exiger des

autres une pureté et une réserve que je ne savais

point estimer moi-même ?

Enfin, comment ferai-je pour réparer mes torts

sans nombre à cet égard ?

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

Devoirs de l'Etat.

( Voyez la méditation sur les différais devoirs sociaux , page 210.)

Comment ai-je rempli les devoirs de mon état

ou de ma charge ? S'il me fallait rendre compte

tout à l'heure de ma conduite , comment pa

raîtrais- je devant le tribunal du Juge suprême?

N'aurais-je point lieu de rougir ou de trembler

devant Dieu ?

N'ai-je point fait sentir follement le poids de ma

supériorité à ceux qui avaient le malheur d'être nés

sous ma dépendance?

La société n'a-t-elle pas lieu de se plaindre de

ma négligence ? Aucun de mes semblables n'a-t-il

rien à me reprocher sous le rappprt des devoirs de

mon état?

Dieu peut-il être content de moi ; puis-je l'être

de moi-même? Suis-je devenu meilleur depuis la

dernière fois que j'ai fait une pareille revue sérieuse

de ma vie ?

De combien me suis-je rapproché de la perfec

tion que le Seigneur demande de moi pour mon

bonheur , ou de combien m'en suis-je éloigné ?

Ai-je eu soin de perfectionner par des connaissan

ces analogues, et surtout par la science des choses

divines et éternelles , une âme que je dois élever

peu à peu à la hauteur des esprits parfaits, et un

cœur qui doit un jour posséder Dieu ? Ai-je cher

ché , en conséquence , à pratiquer toutes les vertus

432 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

chrétiennes , et à suivre les exemples de Jésus-

Christ mon modèle ?

Enfin , quelles sont les fautes qui me pèsent

davantage? et, en général, quels pourraient être

mes motifs d'espérance ou de crainte , si je devais

.paraître en ce moment même devant mon Créa

teur ?

Telles sont à peu près les questions que l'on peut

se faire dans l'examen de sa vie passée. Chacun, ce

pendant , doit s'en tenir strictement à sa propre

conscience. C'est la loi sacrée de la nature près la

quelle les opinions erronées des hommes sont sans

poids et sans force. Personne ne sera jugé ni con

damné que d'après sa propre conscience ; celle de

tous les autres hommes n'y sera pour rien ; et la

seule chose qu'il y ait à remarquer ici , c'est que

chacun doit se tenir sur ses gardes , afin de con

server toujours à cette conscience précieuse tout le

ressort et toute la délicatesse que l'innocence lui

donne , et ne pas s'en faire une fausse en écoutant

les préjugés.

VÉRITABLE CONTRITION; RÉSOLUTION D'UNE VIE

MEILLEURE.

Mon Père , j'ai péché , et maintenant je n'ose

plus porter mes regards vers vous. Je ne puis plus

m'approcher de vous avec cette confiance filiale ,

ni avec cette sainte joie que je ressentais autre

SUR DIVERS SCJETS DE RELIGION. 4^3

fois. Je n'ai plus cette assurance que l'innocence

donne à vos vrais enfans. Je tremble, je suis in

quiet , et ma conscience me fait les reproches les

plus amers.

Seigneur ! vous ayez toujours été envers moi

d'une bonté si paternelle ! tous les jours vous me

comblez de bénédictions si abondantes ; vous se

mez sans cesse sur le chemin de mon pèlerinage

des jouissances et des consolations si douces ; vous

désirez , avec une ardeur si vive , de me voir heu

reux ! Et moi, ô ciel ! avec quelle ingratitude je

me suis conduit de mon côté ! C'est avec une es

pèce de fureur et de folie que j'ai transgressé vos

sages lois et que j'ai enfreint vos plus saintes or

donnances, en oubliant également vos promesses

et vos menaces ! — Insensé ! je ne faisais pas ré

flexion qu'il était bien plus facile de pratiquer les

vertus, même les plus méritoires et les plus dif

ficiles , que de supporter toutes les inquiétudes et

les misères qu'entraînent le crime et le désordre.

Maintenant qu'il est trop tard , je reconnais plei

nement combien il est dur et amer d'avoir aban

donné Dieu et la vertu !

Mon Dieu ! que je me sens humilié , honteux ,

confondu en votre présence ! Ah ! si je n'avais ja

mais quitté la voie de vos saints commandemens,

qui conduit à la perfection et au bonheur ; si je

n'avais jamais méprisé vos saintes volontés , en me

révoltant contre elles , quelle joie je ressentirais

28

434 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

en ce moment! Alors, quelle gloire, quel triomphe

pour mon cœur ! tandis que je me vois aujour

d'hui réduit à rougir devant vous et à mes propres

yeux ! Depuis que je suis devenu l'esclave aveugle

de mes passions ; depuis que le ver rongeur de

ma conscience s'est réveillé ; depuis ce moment

fatal mon âme ne peut plus trouver de repos.

Quel bien , quel plaisir , quel trésor terrestre

peuvent me tenir lieu de vertu et remplacer mon

innocence ? A quoi peuvent me servir toutes les

richesses et toutes les grandeurs du monde , si je

suis forcé de me condamner, de me mépriser et

de m'abhorrer moi-même ? Malheureux que j'ai

été et que je suis , de m'être laissé éblouir par les

faux attraits du péché , et de m'y être laissé hon

teusement entraîner , tandis que la vertu seule

peut rendre heureux ! Oui, je le sens à présent plus

vivement que jamais : toutes les peines réelles de

cette vie sont le fruit des fautes et des égaremens

.des mortels !

Cependant jusqu'aujourd'hui , Seigneur , vous

n'avez encore fait que me traiter avec ménagement,

douceur et indulgence. Si, par malheur, j'avais

été inopinément arraché à ce qui m'attachait si fort

à la terre pour paraître devant vous , grand Dieu !

que serais-je devenu ? S'il est vrai qu'un jour vous

devez rendre à chacun selon ses œuvres , quel eût

été mon lot et mon partage ? Si rien d'impur ne

peut entrer dans ce lieu où un rayon de la gloire

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. fô5

de Dieu réjouit les élus , quel eût été mon sort ,

et dans quel abîme eussé-je été réduit à cacher

mon éternelle honte ?

Qu'ai-je fait , Seigneur ! et à quoi ai-je pensé

jusqu'à ce jour? Où en suis-je même encore en ce

moment? Comme le désordre et le crime, comme

l'injustice et la passion m'ont rendu misérable !

Et combien plus à plaindre aurais-je pu devenir

encore , si je ne venais de reconnaître mes torts et

mes égaremens ! Non, il n'y a point de paix pour

l'impie ! il n'y a point de bonheur sur toutes autres

routes que celles de la vertu ! Je ne demeurerai

donc pas plus long-temps dans mon funeste aveu

glement et dans le danger imminent de mon

éternelle ruine. Et comment pourrais-je rester en

core un seul instant en votre présence, dans l'état

humiliant et vil où je me vois réduit ? Gomment %

me verrais-je forcé plus long-temps à prononcer sans

cesse ma propre condamnation ? Non /Seigneur ,

non ; mon aveuglement ne fera point d'ultérieurs

progrès. Je ne m'endormirai pas sur le bord de

l'abîme , en oubliant la calamité irréparable qui

me menace. Dès ce moment je déteste , j'abhorre

et j'abjure le vice, l'erreur, et même l'imperfec

tion ! Je renonce solennellement , en votre pré

sence , à l'esclavage honteux de mes passions,

quelles que soient les représentations et les oppo

sitions que fasse un cœur corrompu. Je risquerai

tout plutôt , j'endurerai plutôt toutes les souf-

28.

436 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

françes , tous les mépris et toutes les persécutions

du monde , que de m'exposer de nouveau à vous

déplaire. Aucun effort, aucun moyen, aucun tra

vail ne me seront pénibles quand il s'agira d'obéir

à vos saintes lois , quand ils seront nécessaires â

mon avancement ou à mon affermissement dans la

vertu.

Oui , je me conduirai , à l'avenir , avec pru

dence et sagesse, en suivant exactement les règles

infaillibles de ma conscience. Plein de vénération

et d'amour pour toute justice , je réparerai autant

qu'il sera en moi , et dès aujourd'hui, les torts que

je puis avoir causés ; et je m'efforcerai généreuse

ment à regagner , par mon zèle et mon assiduité ,

tout ce que j'ai perdu par une si longue et si cou

pable négligence. Il ne m'échappera plus une seule

circonstance de faire le bien ; j'en rechercherai

même les occasions.

Etre tout-puissant , Etre immense ! mon Dieu

et mon Créateur ! ce que je vous promets en ce

moment avec tant de solennité , sera exécuté avec

votre grâce ! J'en renouvellerai tous les jours la

résolution généreuse. Je ne perdrai plus un seul

instant de vue vos saintes et adorables volontés ,

qui ne renferment que votre amour pour tous les

hommes , et pour moi en particulier. Et , pour

m'armer d'une force surnaturelle dans l'accom

plissement de mes résolutions, je penserai sans

cesse aux riches promesses que vous avez faites à

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

la vertu , et aux maux inévitables , tôt ou tard

résultat du vice. L'image , constamment présente

à ma pensée , de votre présence intime en tous

lieux , rendra mon cœur et mon esprit toujours at

tentifs, et la crainte de me rendre indigne de votre

approbation et de votre amour étouffera dans mon

âme toutes les mauvaises pensées et tous les désirs

criminels dès leur naissance.

Vous voyez , ô mon Dieu ! combien ma volonté

en ce point est sincère et franche ! mais vous voyez

aussi combien elle est faible. Mille fois je vous ai

fait les promesses les plus belles, et mille fois j'ai

été trouvé infidèle ! Cependant cette considération

ne doit point me décourager ; au contraire , elle

doit m'apprendre à mieux veiller sur moi-même ,

et à me tenir sur mes gardes mieux que je n'ai

jamais fait. Donnez-moi seulement votre grâce,

Seigneur ; et , fort de l'amour de la vertu , je serai

capable de tout entreprendre et de tout exécuter.

Amen.

. avant d'entrer dans le tribunal de la

réconciliation.

(Pourlespersonnes qui auront assez de religionpour croire

que cette démarcheparticulière leur sera profitable.)

Plein de ces réflexions , avec un cœur touché et

rempli de regrets, et dans une sainte impatience

d'obtenir grâce , pardon et miséricorde , je vais

438 RÉFLEXtOINS ET SENTIMEttS

donc m'approchor du ministre de la religion et

de la morale, ô mon Dieu! pour lui avouer mes

erreurs , mes injustices et tous mes torts , comme

j'ai été forcé de me les 'avouer à moi-même. C'est

en votre nom qu'il m'écoutera. Il est l'homme

dont l'état et le caractère doivent m'inspirer autant

de confiance que de vénération ; l'homme qui ,

chargé de sonder les faiblesses du cœur humain

jusque dans ses derniers replis, me fera encore

mieux connaître le véritable état de mon âme,

car il est plus éclairé que moi et plus impartial. Il

m'aidera de ses conseils, m'éclairera sur les points

délicats sur lesquels , malgré ma bonne volonté ,

je me suis peut-être encore fait illusion ; il m in

diquera les sentiers d'une vie meilleure ; et après

avoir réglé mon intérieur , m'assurera la paix >• le

pardon et les consolations après lesquelles mon

cœur soupire.

Déjà je me prosterne devant vous avec une con

fiance vraiment filiale , ô Père infiniment tendre

et miséricordieux ! Pourrez-vous repousser de votre

sein cet enfant faible et égaré qui , touché d'un

repentir sincère , et rempli du désir de se corriger

de tous ses défauts , vient se jeter à vos pieds pour

rentrer en grâce? Non , vous le recevrez avec bonté ;

vous le serrerez même avec transport dans vos bras

paternels,

Jésus , Dieu sauveur , Dieu législateur , mon

unique consolation ! soutenez mon courage et ma

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4^9

résolution. Faites que je ne voie ici que le Seigneur,

que je n'aie en vue que le Seigneur, et que j'oublie

en ce moment l'homme à qui je parle. Soyez dans

mon cœur et sur mes lèvres , afin qu'après avoir

avoué avec franchise tous mes torts , j'en puisse ob

tenir le pardon, et recommencer avec un nouveau

zèle à pratiquer toutes les vertus.

Amen.

en sortant du tribunal de la réconciliation.

Je viens de renoncer solennellement à tous les

désordres de mon cœur , à toutes mes passions ,

et à• l'esclavage avilissant du péché. Je viens de

briser mes chaînes , et mes égaremens passés

me sont pardonnés! O Dieu ch? bonté ! c'est ici,

c'est ici que l'homme devrait bien reconnaître toute

la grandeur de votre inépuisable miséricorde !

Toujours vous êtes prêt à pardonner, pourvu que

ce soit un repentir sincère qui ramène le pécheur

vers vous , eût-il commis les plus grands crimes !

Quelle consolation douce et vivifiante a ranimé

mon âme ! Qui a donné cette nouvelle vie à mon

cœur? Je suis renouvelé tout entier, je me sens

absolument changé. Non , je ne suis plus le même

que tout à l'heure , car tout à l'heure j'étais un

pécheur , et maintenant je suis un juste ! Mes

fautes me sont remises. J'en ai pour garant la

parole de Jésus - Christ ; j'en ai pour 'garant la

44° RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

bonté et l'amour de mon Créateur , et surtout ce

profond sentiment de paix , depuis si long-temps

inconnu à mon cœur. J'ai déjà rempli en partie

les conditions que le Très-Haut avait mises à mon

pardon. Je dois aussi remplir les autres ; celle de

réparer tous les dommages que j'ai causés à mon

prochain; celle, surtout, de ne plus retomber dans

mes premiers déréglemens. J'ai avoué devant Dieu,

sans détour, tout ce en quoi je me reconnaissais

coupable ; fidèle à ne me rien déguiser ni atté

nuer en rien la gravité de mes fautes : mes péchés

sont donc oubliés, j'en ai obtenu le plein , entier

et absolu pardon. Je puis de nouveau prononcer

sans confusion les noms &innocence et de vertu,

en entendre parler sans rougir. Je puis penser à

l'immortalité, no%seulement sans crainte, mais

avec espoir, confiance et joie ! J'ai pardonné moi-

même à tous mes ennemis ; j'ai renoncé à toute

haine , à toute animosité , à tout désir de ven

geance ; j'en ai fait le sacrifice volontaire , et dès

lors agréable au Père commun ; j'ai fait miséri

corde pour obtenir miséricorde ; j'ai pardonné pour

obtenir pardon.

Mon Dieu ! faites-moi la grâce de bien sentir

l'immensité du bienfait que vous m'avez octroyé ,

et l'énormité de l'ingratitude noire dont je me

rendrais coupable , si, par la suite, je devenais en

core criminel. Mais que dis-je , Seigneur ? ce mal

heur ne. marrivera pas ! Je m'efforcerai de fuir

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 44 1

toutes les occasions qui pourraient me détourner

du sentier de la vertu , et me ravir cette nouvelle

innocence qui est l'unique principe de la félicité !

Je vous rends grâces , ô mon Dieu ! de vos miséri

cordes infinies , par Jésus-Christ notre Seigneur.

Amen.

^vant la communion , ou la sainte cène.

( On sait qu'il y a dans le christianisme différentes ma

nières d'envisager cet acte imposant ; chacun doit donc

s'édifier au milieu de ses frères , suivant ses lumières et

sa conscience , sans vouloir s'isoler des autres, et se

persuader que c'est une absurdité desplus inconcevables

que de rompre les liens de la charité et de la fraternité

pour cause d'opinions ; la charité étant plus indispen

sable dans le christianisme que la foi et l'espérance

quipeuvent se perdre, tandis que la charité demeurera

éternellement.)

Je m'approcherai donc maintenant avec con

fiance de ce banquet sacré que vous avez préparé

vous-même, et auquel vous avez invité tous ceux

qui vous appartiennent, avec une tendresse si parti

culière ! Je vais donc célébrer, Seigneur, le souvenir

de votre amour incompréhensible , et recevoir le

gage de ma parfaite réconciliation, le gage de l'im

mortalité, le gage de la résurrection et de la gloire

future! Que ne puis-jebien comprendre toute l'im

portance de la démarche que je vais faire ! Dieu

infiniment bon , ayez pitié de moi ! Qui suis-je,

442 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

pour que vous daigniez vous souvenir de moi , et

jeter un regard si favorable sur le dernier des fils

de l'homme ? Qui suis-je,pour que vous descendiez

si bas, que de vouloir vous humilier jusqu'à venir

vous unir à moi ?

O souvenir d'un amour sans bornes et d'une

miséricorde infinie ! Serai-je bien assez pénétré de

vénération , de piété et d'amour , pour ne point

m'asseoir indignement à cette table sacrée? O vous,

qui changez les substances comme il vous plaît !

vous qui changez même le cœur des hommes de

bonne volonté I ah ! préparez, préparez vous-même

mon âme à la réception de mon immortel Bien

faiteur , de Jésus , du Fils de votre complaisance !

Faites que je reconnaisse humblement mon néant

et les merveilles que vous voulez opérer en moi.

Qu'une paix inaltérable règne dans mon âme ;

que cette paix ne soit jamais troublée par aucun

désir coupable , par aucune passion criminelle !

que mon cœur devienne un sanctuaire digne d'être

la source de toute bénédiction !

Faites aussi , divin Rédempteur et Législateur

du genre humain , que le souvenir lugubre de

votre mort se grave profondément dans ma pen

sée, afin que je ne perde jamais un instant de

vue tout ce que vous avez fait et souffert par

amour pour moi , car vous êtes mon modèle dans

la vie et dans la mort. Faites que je comprenne

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 44^

tout le bonheur qu'il y a de se trouver au nombre

de vos disciples et de vos imitateurs.

Que la réception de votre être adorable j ô mon

Dieu ! nourrisse et fortifie mon âme ! que cette

nourriture céleste la soutienne et l'encourage dans

l'exécution de tout bien, de toute vertu! Que votre

esprit , Seigneur, m'anime! qu'au lieu de moi-même

J ésus-Christ vive en moi avec sa douceur infinie, avec

son incomparable modestie, avec sa charité toute

divine, avec son zèle ardent, enfin avec toutes ses

vertus , tous ses dons et toutes ses grâces !

Amen.

i ' •

APRÈS LA COMMUNION , OU- LA SAINTE CÈNE.

Nourri de la manne céleste , je vous adore ,

Seigneur , et vous rends d'éternelles actions de

grâces. Maintenant je vous appartiens, car je vous

ai assuré moi-même la possession de mon cœur

pour jamais. Maintenant aussi vous m'appartenez,

car vous vous êtes donné à moi tout entier , en

m'admettant à cette table dont ne s'approchent

que vos véritables amis. Quel bonheur , quel bon

heur indicible pour moi ! pour moi, faible et ché-

tive créature ! Je viens de recevoir mon Créateur,

avec l'assurance de toute sa bienveillance et de

tout son amour !

A présent donc , Seigneur , que vous ne pouvez

rien me refuser , je vf>us demande instamment la

444 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

grâce de demeurer éternellement un de vos plus

fidèles imitateurs dans vos combats comme dans

vos victoires , dans vos souffrances comme dans

vos triomphes , dans votre vie comme dans votre

mort. Soutenez ma faiblesse par votre vertu, afin

que je ne sois jamais ébranlé dans ma foi , afin

que l'amour divin , qui échauffe en ce momentmon

cœur , ne refroidisse plus , et afin que le feu sacré

de toute vertu et de toute vérité m'embrase éter

nellement.

Comment pourrais-je encore me perdre , main

tenant que j'ai trouvé en vous la lumière , la vé

rité et la vie ? Comment pourrais-je faillir de nou

veau, nourri que je suis de votre substance divine

elle-même? Non, je sens que j'irai à présent, dans

la force que m'a donnée cette précieuse nourriture,

jusqu'à votre montagne sainte. . '.

Si je ne perds plus l'esprit de Jésus-Christ ; si ,

dans la suite, lui seul m'anime et donne la vie à

toutes mes pensées , à tous mes désirs , à toutes

mes volontés , à toutes mes démarches , que d'ac

tions méritoires pour la vie éternelle , à la fin de

ma carrière ! Oui , éternellement je conserverai

dans mon cœur cet amour du Seigneur, ce zèle

pour la vérité et la vertu , cette charité ardente

pour mes semblables ! Par un exercice constant

dans la perfection chrétienne , j'ajouterai de nou

veaux fleurons à la couronne de l'immortalité qui

se prépare pour moi dans le» cieux ! Tous les ans,

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 44^

Seigneur, je célébrerai ainsi votre Pàque jusqu'à

la fin de ma vie, avec cette différence que, moyen

nant votre grâce, vous me trouverez tous les ans

plus parfait et plus digne de vous. Depuis quatre

mille ans cette solennité admirable réjouit et ra

nime vos vrais adorateurs ! Oui , tous les ans je

renouvellerai ainsi tout mon être en me rappelant

votre amour , et en recevant le véritable agneau

pascal je remplirai mon âme de vos bénédictions.

Et alors , ô mon Créateur et mon Dieu ! alors ,

après voir contracté une union si étroite , une

liaison si intime avec vous pendant ma vie mor

telle, je pourrai aussi espérer de vous recevoir, au

moment de la mort , comme un ami consolateur,

comme le gage de l'immortalité et de la résurrec

tion glorieuse , comme le principe de vie éternelle,

comme le Dieu fidèle aux siens, même au delà

du tombeau. .

Amen.

i

446 RÉFLEXIONS ET SEKTIMEWS

PLAN Ï)E VIE}

SYSTÈME DE RELIGION ET DE MORALE.

Je ne prétends point tracer ici le modèle d'un

plan de vie que chacun puisse adopter. Je ne le

ferai pas même à l'égard d'un système de morale.

Les états, le6 facultés de l'esprit, les conditions,

les situations des hommes sont trop variés , pour

que ce que j'indique ici paraisse entièrement pra

ticable ; mais j'invite tous les jeunes chrétiens et

chrétiennes à se tracer à eux-mêmes les plans in

dispensables à l'uniformité de leur conduite et au

répos de leurs jours. Je crois que chacun en trou

vera tous les matériaux convenables dans les di

verses réflexions répandues dans ce Manuel. J'a

jouterai seulement qu'il serait à souhaiter que l'on

mit par écrit un travail aussi important , qui doit

servir de boussole pendant toute la vie, afin de

ne le jamais perdre de vue. On ne ferait alors qu'y

ajouter les nouveaux articles que les diverses épo

ques dela vie exigeraient, ou le perfectionner, si l'on

acquérait de nouvelles lumières.

Quelle honte , pour un être doué de raison ,

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 447

d'ignorer ce qu'il croit et ce qu'il espère , de

vivre sans plan , d'agir sans but , et d'être abso

lument hors d'état de rendre raison de sa con

duite ! Croirait-on que telle est pourtant la si

tuation du plus grand nombre des hommes du

siècle des lumières? Quel est le jeune homme de

nos jours, même instruit dans les diverses branches

des sciences humaines, à qui l'idée soit seulement

venue de ne vouloir plus vivre en aveugle , de vou

loir enfin fixer sa croyance et ses principes , et se

tracer un plan de vie ? Ne fuit-on pas généralement

toute règle ? Et la vie est-elle devenue autre chose

qu'une suite d'inconséquences?

Oui , la conduite des hommes de ce siècle est

marquée au coin de la versatilité et de la foli^ Dans

une réunion on se dit philosophe , dans l'autre

on parait chrétien. Devant telle personne on se

donne, par vanité, pour incrédule, pour matéria

liste, tandis que, par honte, on n'ose se dire athée

devant telles autres. On parle avec enthousiasme de

religion, de morale, de principes, de justice, de

vertu, quand la conversation en fournit l'occasion;

et , le moment d'après, on déclare sans détour que

l'on ne croit ni à la vie future, ni à l'immortalité ,

ni aux récompenses de la vertu, ni aux peines du

crime , vérités qui sont précisément les bases de

toute morale et de toute religion ; et au milieu de

tant et de si étranges contradictions , il n'est pas

pas même bien clair que l'on soit indifférent par

448 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

principe. Quelle conduite pour un être raisonnable !

et quel chaos qu'une telle existence !

Combien voit-on aujourd'hui d'esprits solides

et réfléchis , même parmi les hommes graves et

les personnes en places , qui , interrogés , puissent

déclarer sans hésiter ce qu'ils croient et ce qu'ils

espèrent ; quelles sont leurs idées touchant la vie

future et les relations de l'homme avec son Créa-*

teur • quelles mesures sages ont-ils prises afin de

s'assurer le bonheur pour le temps et pour l'éter

nité? Ne sont -ils pas obligés d'avouer qu'ils se

trouvent , à cet égard , dans un vague indéfinis

sable? qu'ils ne savent même plus quel nom don

ner à la Divinité? qu'ils sont véritablement em

barrassés chaque fois qu'il s'agit de prononcer son

nom adorable ? Dieu bon : Mais c'est là le nom

qu'emploie le commun du peuple. — Créateur :

Mais la création est-elle possible ? — Sauveur,

Rédempteur : Mais est-il concevable que la Divi

nité ait jamais paru sur la terre? — Etre su

prême : Mais le malheur des temps a attaché à ces

mots des souvenirs trop déchirans et trop humi-

lians pour le siècle.

On s'enveloppe donc , pour l'ordinaire , dans les

expressions vagues de nature, d'agent, de force, ou

plutôt on évite, autant que possible, de parler de

la Divinité en aucune manière. Et comment une

société , tombée aussi bas en l'ait de morale , ne-

serait-elle pas sur le point de sa dissolution ? . 4

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 44')

Quand certaines personnes , même prises dans

les premiers rangs de la société , et chargées de

créer ou de surveiller le bonheur des peuples,

veulent raisonner aujourd'hui sur les principes re

ligieux , sur les bases de la vertu et de la morale

publique , leur langage est devenu absolument ri

dicule! Ce nom trois fois saint que toutes les

puissances terrestres invoquent, a paru tellement

avili sur la terre, qu'on a eu honte de le mettre

à la tête du code des lois comme une sanction

indispensable , et qu'on ne peut plus donner que

les échafauds pour fondement à la justice et aux

vertus sociales ! ,

Aussi, commentées personnes prétendues éclai

rées se consolent-elles dans leurs disgrâces , dans

les revers de la fortune et les malheurs de la vie ?

Comment consolent-elles leurs familles , dans ces

circonstances pénibles où la, mort cruelle sépare

des époux, des parens, des amis? Il faut avoir été

à portée de les entendre pour le croire!! — « Si

» l'on n'avait point de religion, » disent-elles dans

ces momens douloureux, « en vérité, on serait

» tenté de se détruire! mais la religion !... hélas!

» il faut respecter ce grand Etre , ou plutôt cette

» force, cette puissance qui nous a produits. Avec

» le temps, d'ailleurs, les souffrances se calment;

» on oublie les plus grands malheurs, on se fait

» à toutes les situations de la vie. Avec les années,

» on parvient jusqu'à trouver une certaine com

29

/pO RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

» plaisance dans les disgrâces passées , et jusqu'à

» éprouver une émotion douce au souvenir des

» qualités aimables qui nous rendaient chères les

» personnes qui ne sont plus ! ! Consolons - nous

» donc les uns les autres par ces considérations... »

Quel langage glacial ! et surtout combien in

sensé ! v

Oui , je le soutiendrai jusqu'à la mort, il y a

une faiblesse , une bassesse et une contradiction

impardonnables, de la part d'un être doué de rai

son , de vivre sans principes fixes, sans but et sans

plan ! Il est surtout souverainement indigne , de

la part d'un disciple du divin Jésus, de ne pouvoir

ou de n'oser se montrer véritablement chrétien.

Les croyances religieuses ne seront jamais désho

norantes à ce point qu'il faille les cacher comme

on cache les crimes !

Il est donc indispensable que tous les jeunes

chrétiens et chrétiennes , et en général tous les

hommes tant soit peu réfléchis , arrêtent , dès

qu'ils en sont capables , leur système de morale ;

qu'ils adoptent des principes ; qu'ils se rendent

compte à eux-mêmes de leur foi et de leur con

duite ; qu'ils se proposent un but ; en un mot ,

qu'ils se tracent un plan , et qu'ensuite ils mon

trent assez de force de caractère et de grandeur

d'âme pour mener une vie qui y soit strictement

conforme , afin de demeurer d'accord avec eux-

mêmes.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4^1

Je le sais bien : c'est une chose fort difficile que

de fixer sa croyance dans ce siècle indéfinissable

où l'on ne tient plus à rien ; où rien ne paraît plus

stable ; où tout est confondu dans le christianisme

et les idées religieuses ; les exercices indispensables

avec les abus et les pratiques vaines , le mensonge

avec la vérité ; où mille sectes forment mille pré

tentions diverses. Mais ces difficultés, loin dé re

buter des âmes vraiment grandes et vraiment

nobles , doivent au contraire les enflammer d'un

saint zèle pour connaître la vérité. Nous essaie

rons donc de donner quelques idées sur un point

aussi important , et nous nous adresseronsplus di

rectement à ceux qui ont eu le malheur deperdre

lafoi dans les derniers troubles.

Dès que vous parlez aujourd'hui de religion et

de christianisme dans le monde , il vous effraie

aussitôt par mille questions difficiles ; les unes

relatives à la conduite de Dieu à l'égard du genre

humain; les autres sur la prédestination, la li

berté, la prescience; les dernières enfin, et les

plus nombreuses , sur les contradictions , les

choses inconcevables qu'offrent les divines Écri

tures, et sur les abus religieux. .

Toutes ces difficultés , cependant , peuvent se

résoudre de la manière la plus simple et la plus

satisfaisante pour celui qui veut bien se dépouiller

de tout préjugé. Et l'on ne conçoit pas trop com

ment ce génie bizarre du dernier siècle, après

^52 RÉFLEXIONS ET SESTIMENS

avoir raisonné avec tant de profondeur sur les dif

ficultés les plus abstraites de la religion naturelle,

n'a plus su faire l'application d'aucun de ses prin

cipes, quand il s'est agi de la religion chrétienne.

Ces principes sont et doivent être les mêmes de

part et d'autre.

En premier lieu , de tant dq questions que

l'incrédulité ne cesse de nous faire, en est -il

beaucoup qui doivent influer sur notre conduite,

en un mot , qui nous regardent directement ?

Non , évidemment non ! ce sont , pour la plu

part, des secrets de la providence du Dieu in

compréhensible, qui ne nous touchent nullement;

et nous devrions nous contenter, pour ce qui nous

concerne, des vérités pratiques qui nous ont été

enseignées personnellement en notre qualité d'in

dividus et de chrétiens , d'après lesquelles notre

conduite doit se régler, et d'après lesquelles aussi

nous serons jugés , en abandonnant à la sagesse

du Seigneur le soin de décider du sort de tous

les autres hommes, selon la mesure des grâces

que chacun a reçues , et le nombre des talens qui

lui ont été confiés ; et en nous souvenant , sur

tout , qu'il est écrit : Ne jugez ni ne condamnez

personne.

Mais, en outre, il n'est point impossible de

répondre directement à toutes ces questions des

incrédules , questions qu'ils proposent d'un air si

triomphant, eux qui, niant tout, ou abandonnant

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. fâi

tous les principes dès qu'ils se sentent pressés un

peu vivement , sont très-i'arement dans le cas de

prouver, et à qui l'on pourrait faire raille fois

plus de questions difficiles que n'en présente le

christianisme , s'ils voulaient se charger d'y ré

pondre , et se montrer en général un peu moins

commodes.

Il fut un temps où l'Église , toujours pleine de

sagesse , dérobait aux fidèles d'épineuses difficul

tés que le peuple n'était en effet point appelé à

discuter; mais l'époque est arrivée où des solu

tions satisfaisantes doivent être données à tout

le monde , même au campagnard et a l'ouvrier !

puisque les objections les plus difficiles et les plus

inquiétantes Se sont répandues jusque dans les

ateliers et les chaumières. Cette considération nous

décide à traiter cetté importante matière dans un

livre qui peut être mis entre les mains de tous les

fidèles.

Pour être court et à la portée de tous , nous ne

raisonnerons ici que d'après les principes mêmes

des philosophes les plus révérés dans le monde.

Si vous reconnaissez , si vous saisissez bien ces

deux grandes vérités que presque tous les écri

vains célèbres ont soutenues , depuis le temps des

gymnosophistes jusqu'à celui de Montesquieu et

des autres qui l'ont suivi, d'une souveraine , et

éternelle liberté et indépendance de la part de

Dieu , et d'une liberté pleine , entière , parfaite ,

4^>4 RÉFLEXIONS ET SENT1MENS

ET , DANS SON GENRE , INDÉPENDANTE , de la part d&

l'homme créé à son image ; toutes les difficultés

d'un monde incrédule et vain disparaîtront à vos

yeux , et vous pourrez vivre et mourir heureux

dans le sein du christianisme.

Vous concevrez que l'Eternel agit d'une manière

souverainement libre dans les merveilles du salut

du genre humain comme dans celles de la créa

tion, et qu'il choisit pour cet eBet les temps et les,

lieux selon son bon plaisir, uniquement guidé par

sa sagesse suprême dont chacun n'est pas toujours,

le juge.

Vous concevrez que les hommes des premiers

siècles , encore voisins de l'époque frappante de

la création , et conservant encore les traditions,

fraîches des instructions données avant au père

des humains , pouvaient encore être suffisamment

éclairés,, en fait de morale, pour travailler efficace

ment à leur perfection et à leur bonheur jusqu'aux

temps de l'avénement de Jésus - Christ , lorsque

les nations diverses , livrées à l'idolâtrie et à tous,

les genres de crimes et de superstitions, eurent,

le besoin indispensable d'un Réparateur céleste ,

sans l'arrivée duquel le genre humain périssait

sans retour.

Vous concevrez encore que, si jusqu'aujourd'hui

la doctrine salutaire et vivifiante du Fils de Dieu

n'est pas répandue généralement sur toute la terre,,

ce mal ne vient nullement du Très -Haut, mais

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4^5

bien des hommes insoucians à qui aucune puissance

n'a pu ni voulu ôter leur liberté pour le bien et

le mal , et qui , par conséquent , contrarient en

ce point les vues de miséricorde du Seigneur.

Jésus-Christ, en quittant la terre, a dit: Allez

prêcher les vérités du salut à tout l'univers. Les

Apôtres ont commencé cette grande œuvre par les

efforts les plus nobles et les plus louables ; elle

marche encore de nos jours , et nous devons es

pérer que, plus tard, tous les homrftes s'éclaire

ront de cette lumière divine, se rangeront du côté

de la vérité , et se réuniront , sous l'empire de

l'Evangile , pour travailler, d'un commun accord ,

à leur perfection et à leur félicité : les institu

tions de Jésus-Christ sont de nature à conduire-

la société humaine à ce degré de perfection ;

mais , encore une fois , le Créateur n'a ni pu ni

voulu ôter à l'homme sa liberté morale oui

fait la gloire comme l'essence de son être. Et il

n'est malheureusement que trop vrai que les

hommes , quels qu'ils soient , abusent tous les

jours de cette liberté précieuse pour agir direc

tement contre les vœux de la Providence qui ne

désire que la félicité de ses créatures.

Avec le principe que nous avons mis en avant ,

vous concevrez même ce qui paraît inconcevable

dans l'Evangile. H y a une sagesse infinie , im

mense et évidemment divine , dans la manière

dont Jésus-Christ a su agir sur la moralité de

4^6 RÉFLEXIOUS ET SENTIMENS

1 espèce humaine, sans toucher le moins du monde

à sa liberté. Incrédules ! il faut adorer ici , et non

blasphémer ! Le Créateur ne fait que toucher de

son doigt une seule roue de la grande machine

de sa création, et il fait prendre une autre di

rection aux mondes et à leurs habitans ! Et quand

il veut opérer des merveilles ici-bas, surtout dans

l'ordre de la morale et du salut des créatures sen

sibles , ne vous y trompez pas , il s'y prend au

trement qdte les faibles mortels et que tous les

prétendus sages du siècle! Le jour viendra que nous

reconnaîtrons clairement l'admirable influence que

l'apparition de Jésus-Chi ist aura eue sur les des

tinées des innombrables familles du genre hu

main , non-seulement pendant cette vie , mais

pendant l'éternité.

Il est vrai, me direz -vous, avec le principe

que vous avez mis en avant et contre lequel nous

ne saurions nous élever , puisqu'il est le nôtre ,

vous détruisez la plupart des grandes objections

contre le christianisme. Mais pourquoi des difficul

tés, absolument insurmontables à l'esprit humain,

dans les fondemens mêmes de toute morale et

de toute religion ? Pourquoi les preuves qui éta

blissent nos croyances religieuses ne sont - elles

pas d'une rigueur mathématique ? Pourquoi , en

un mot , Dieu a-t-il laissé cette grande œuvre si

imparfaite ?

Nous avons déjà vu , dans le dernier des sujets

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4^7

de réflexions qui sont à la tête de ce Manuel , que

les difficultés en question sont indispensablement

ET MÉTAPHYSIQUEMENT NÉCESSAIRES fOlir COllServer Ù

l'homme cette liberté pleine , entière et parfaite,

d'où dérive la moralité de ses actions. Nous pou

vons ajouter ici queplusieurs de ces difficultés peu

vent aussi venir des hommes. Moïse , les prophètes,

aussi-bien que les apôtres, ont toujours conservé

leur franc arbitre dans toute sa force; que dis-je?

ils n'ont pas même été toujours exempts des fai

blesses de l humanité ! Et Dieu l'a permis ainsi ,

parce qu'il est de toute nécessité qu'il y ait toujours

assez de ténèbres et de mystères dans la religion et

la morale , pour que l'impie puisse s'aveugler au

point de douter de tout, de nier tout , et de dire

dans son cœur pervers : Dieu n'est pas. Autre

ment , plus de liberté absolue pour l'honn

Une vue trop claire dans les choses de Dieu

des merveilles trop frappantes , la détruisent

S'il n'y avait aucune objection à faire contre l'É

vangile , si tout y était d'une évidence palpable, si

ce code sacré , dont l'inventeur serait plus éton

nant que le héros , ne contenait pas aussi des

choses inconcevables , il faudrait être insensé

pour ne pas croire au christianisme , et pour ne

PAS vivre selon ses saintes maximes#et par-la même

TOUT LE MÉRITE DE LA CONDUITE DU CHRÉTIEN SE TROU

VERAIT ANÉANTI.

Depuis long-temps la philosophie demande les

Isentr

458 .RÉFLEXIONS ET SEHTÏMENS

raisons pour lesquelles les hommes doivent res

pecter en silence les mystères et les difficultés

inconcevables de la religion. Nous venons de les

dire, ces raisons, et nous attendons que l'on nous

prouve que ce ne sont pas les véritables.

Il est étonnant jusqu'où l'esprit humain est par

venu , dans les divers siècles , pour renverser les

grandes vérités de la morale et de la religion. En

attendant , ces vérités restent cependant ce qu'elles

onttoujours été. L'incrédule fera d'inutiles tentatives

pour les anéantir, et le chrétien n'aura jamais de

raisonnemens assez forts contre l'impie qui voudra

bien s'aveugler. Il est de la nature des preuves

de morale de n'être point d'une rigueur mathé

matique. Si vous parveniez à prouver tjne seule

des véritésfondamentales de la religion , comme

Jtel prouve le rapport des angles ou des nombres,

"'•qpus auriez renversé toute la morale. La diffé

rence du bien et du mal, du vice et de la vertu,

de la vérité et du mensonge, existent et existeront

toujours sur la terre , ainsi que la foi d'une vie

future. On reconnaîtra toujours la justice et la

conscience ; on craindra dans tous les temps les

peines dues au crime, et on espérera les récom

penses promises à la vertu ; en un mot , Dieu et

l'éternité demirent , et les générations seules

s'évanouissent ! Que chacun donc, pendant son

court passage , se hâte de se préparer , selon 1»

mesure de ses forces, à traverser le sombre avenir

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4^9

qui nous sépare de l'éternité ! Pensez-y, ô esprit im

mortel qui m'animez! pensez-y sérieusement. Cette

affaire est de la plus haute importance, et vous re

garde individuellement. Personne ne peut s'en occu

per que vous-même, car vous êtes un être individuel

et actifpar sa nature. C'est à vous-même à éviter

les malheurs futurs , et à vous préparer ce bon

heur éternel , ce bonheur suprême qui consiste

dans le souvenir de la vertu , et que Dieu même

ne peut donner sans elle. Le temps arrivera où

l'univers entier ne sera plus rien pour vous , où

tous les hommes , avec tous les trésors , ne pour

ront plus vous secourir! La grâce de Dieu peut,

à la vérité , vous aider d'une manière spéciale

dans l'affaire de votre salut , pendant votre pèle

rinage terrestre ; mais il vous faut implorer ce se

cours divin , et , surtout , il faut n'y point mettre

d'obstacle. Votre liberté , à cet égard , est en

tière , et vous n aurez à vous en prendre qu'a

vous-même, si le malheur devientpar la suite votre

partage. .

Ainsi, qu'on ne nous parle donc plus, avec tant

de véhémence, de tous les schismes, de toutes les.

guerres , de toutes les dissensions et persécutions

atroces dont le christianisme a été l'occasion; car,

de tous les abus que les hommes ont faits des

bontés de la Divinité, depuis la mort cruelle dont

ils ont récompensé le Fils de Dieu pour les pé

nibles démarches de son amour, jusqu'aux abus

4^0 IlÉFLEXIOHS ET SEÎITIMEHS

que l'on reproche aujourd'hui à l'Eglise mère, et

assez nombreux chez toutes les sectes , qui en est

responsable ? le Créateur, ou les créatures? Dieu ,

ou les hommes? Est-ce Jésus-Christ, ouïes êtres

libres qui ont contrarié les vues de t Eternelle

sagesse? — La question n'est pas difficile à ré

soudre.

Mais enfin , selon la doctrine chrétienne, Dieu

a créé des hommes qu'il prévoyait certainement

devoir se perdre éternellement. Si donc il a prévu \

que nous serions réprouvés , qu'y pouvons -nous

faire? Et s'ils nous a créés expressément pour le

vrai bonheur, qu'est-il besoin de nous en occuper?

Blasphémateurs!!! jusqu'à quand méconnaîtrez-

vous encore que Dieu vous a créés a son image ?

qu'il vous a faits participans d'une émanation de

cette liberté éternelle dont il jouit lui-même ?

Jusqu'à quand méeonnaîtrez-vous que vous êtes

du nombre des êtres les plus intéresSans de

son immense création , chargés Vous-mêmes de

votre propre perfection et de vo/re propre bon

heur? Ne sentirez-vous pas enfin toute la dignité

.de votre nature ? Dieu vous a fait connaître le

bien et le mal, le vice et la vertu , la vérité et le

mensonge , la vie et la mort , le bonheur et le

malheur, et il vous a dit : Choisissez , mais choi

sissez la vie, afin que vous viviez éternellement!

Mais il ne vous a pas créés pour la damnation;

il n'a pas prévu que vous vous damneriez, il n'a

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION.

pas même prévu que vous blasphémeriez ! sans

cela vous eut-il créés ? Malheureux! !! ne blasphé

mez donc plus ! mais adorez le Seigneur, et opé

rez votre salut avec crainte et tremblement ! les

possibilités seules, à cet égard, ont été prévues, et

non les réalités! Travaillez à votre bonheur éternel !

et le Créateur ne vous réprouvera pas , car il ne ré

prouve personne ! c'est le pécheur lui-même qui se

prononce à lui-même son éternelle sentence de ré

probation !!! —Et nous l'avons déjà dit , riy eût il,

sur tout le genre humain , qu'un seul homme qui

parvînt à la suprême félicité en perfectionnant

son être , et en se conduisant envers son Créateur

et son Rédempteur avec la générosité convenable,

ce seul homme, ce seul élu, serait d'un plus grand

prix que tous les misérables qui seraient assez

lâches pour se damner ! Et même, dflns une sup

position aussi terrible, aucun philosophe ne pour

rait dire au Seigneur : II ne vous étaitpointpermis

d'adopter un pareil système. — Il est donc trop

vrai que l'on a trop appris aux personnes simples

et grossières , et aux nombreux demi - savans de

ce siècle , à faire un argument absurde sur la

prescience de Dieu Jfcir la liberté de l'homme,

et sur ce qu'on appelle prédestination , sans leur

donner en même temps une solution satisfaisante.

« Si Dieu a prévu que j'agirais de telle manière,

» je le ferai malgré que j'en aie ; s'il a prévu le

» contraire, j'agirai certainement d'une manière

46a RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

» opposée. Ou Dieu a prévu que je me damnerais,

» ou il rte l'a pas prévu; s'il la prévu, comment

» puis-je démentir sa prévision?»

Il faut répondre, toujours d'après les principes

mêmes de l'incrédulité , que ni la philosophie ,

ni la métaphysique , ni la raison humaine , ne

nous empêchent point de soutenir ici que Dieu

N'a RIEN PRÉVU DE TOUTES CES CHOSES !

Que pourrait en effet répondre l'incrédule, si

on lui disait , avec les anciens sages et avec les

philosophes les plus révérés dans le monde :

« Qu'il n'y aucune réalité dans les actions morales

avant qu'elles n'arrivent par la libre détermina

tion de l'homme ; que , dans bette opinion , Dieù

paraît plus grand, l'homme un être plus inté

ressant, et que tout s'y explique plus facilement

en morale comme en religion ; que ce serait une

cruauté , de la part du Tout-Puissant , de créer

des êtres sensibles dont il prévoirait , d'une ma

nière certaine , l'éternel malheur ; qu'en consé

quence , puisque Dieu nous a une fois créés , nous

devons en conclure que sa puissance a été assez

grande pour nous donner une liberté si parfaite,

que lui-même ne pût phiS'j/frcvoir si nous , nous

nous déciderions pour le bien ou pour le mal, et

par suite, si nous serions heureux ou malheu

reux ? L'incrédule pourrait-il nous reprocher que

nous détruisons la prescience de Dieu ? Non : nous

lui dirions que, de même que Dieu ne peut pas

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. fôZ

faire l'impossible , de même il ne peut pas pré-'

voir ce qu'il est impossible de prévoir. Et nous

noterions rien à cette perfection de Dieu , par

laquelle il prévoit les événemens dans l'avenir ;

mais nous établirions sa puissance mieux qu'elle

ne l'a jamais été. Car elle serait assez grande

pour le mettre en état de donner aux êtres in-

telligens une liberté indépendante.

Encore une fois , la philosophie ne peut se tirer

de cet abîme. Là , sont les bornes de l'esprit hu

main. Elle raisonnera pour et contre ; mais les

bases de la morale.et de la religion n'en seront

nullement ébranlées. Le christianisme nous ap

prend que , si nous nous conduisons imprudem

ment , nous pourrons nous perdre pour une éter

nité ; mais que nous sommes entièrement libres

de nous procurer un éternel bonheur , et que les

moyens d'être élus ne nous manquent pas. C'est

à quoi le vrai chrétien s'en tient avec humilité, et

il ne demande pas la solution d'argumens absurdes ;

il ne les propose pas même. Jésus- Christ lui a

laissé assez d'instructions et assez d'exemples pour

qu'il puisse bien faire et devenir heureux, et cela

lui suffit !

Reconnaissons donc , reconnaissons enfin que

l'homme est un être bien différent de ce que les

philosophes, ou plutôt les anatomistes du siècle

voudraient prétendre ! Les aveugles ne veulent

point voir que nous tenons à un autre règne plus ^

464 RÉFLEXIONS ET SENTIMEN3

sublime, à celui des intelligences ^pures ! Ils ne

veulent point savoir que les facultés admirables de

notre esprit prouvent, de toutes parts, que nous

touchons immédiatement à l'univers des esprits

parfaits, et que , par conséquent, notre vocation,

c'est Yimmortalité , c'est la perfection, c'est la

vraie félicité ! !

O homme ! élevez , étendez vos pensées ; peu

plez l'immensité d'êtres intell igens ; et ne dites

jamais : Voici la dernière borne des œuvres et de

la puissance de l'éternel Créateur ! — Dieu est un

être infiniment plus grand que tous les plus su

blimes génies ne l'ont jamais soupçonné ! Et

l'homme lui-même, l'homme, un être individuel ,

doué de raison et de liberté, par où il tient en

quelque sorte de la nature divine , et maître ,

dans la création , d'agir selon , ou même contre

l'ordre éternel , est une créature bien plus inté

ressante que ne pourront jamais le concevoir les

philosophes de tous les jours; et rien de tout ce

que Dieu a fait pour nous ne doit nous étonner

depuis que l'écrivain sacré a prononcé ce mot

terrible qui se trouve à la tête de nos livres saints,

qu'au jour de la chute du premier des humains ,

lequel transgressa le commandement le plus fa

cile à observer, et le seul , je le répète , le seul

QUI PDT LUI ÊTRE DONNÉ ALORS , Didl Se REPENTIT

d'avoir créé l'homme !!!

Convenons donc aussi que tout homme de bonne

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4^5

volonté , depuis le plus profond des sages jusqu'à

l'ouvrier le plus grossier, peut très-bien établir son

système de morale sur les bases du christianisme.

Car, quand bien même il serait vrai de dire qu'en

voulant approfondir toutes les questions de la re

ligion et de la morale , vous trouveriez tant de

difficultés opposées de toutes parts, que, restant

dans un pjrrhonisme involontaire , vous seriez

tenté d'adopter , à cet égard , la devise de Mon

taigne : Que sais-je P Je pourrais encore vous ré

pondre : VOUS EN SAVEZ ASSEZ POUR ÊTRE VERTUEUX

et pour devenir heureux; et la morale, aussi-bien

que la doctrine de Jésus - Christ , subsisterait

dans toute sa force ; car il est métuphysiquement

nécessaire que l'homme moral se trouve placé

partout entre les infinis.

Que tout homme qui ne veut point agir en in

sensé se hâte donc de s'éclairer sur sa croyance

et ses espérances. Qu'il s'empresse de se rendre

compte à lui-même , et se mette en état d'entrer

dans sa vocation sublime. Tous les individus le

peuvent également. Ils sont tous également avan

tagés dans le christianisme, qui seul établit une

égalité admirable entre les riches et les pauvres ,

entre les princes et les esclaves , entre les grands

et les petits , entre les hommes fortunés et les

malheureux. Jésus-Christ s'est rangé du côté de

ce, derniers , et il leur a dit : Ne vous plaignez

plus.

/j66 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

En général, pour sentir vivement toute la grau»

deur de l'œuvre étonnante que cet Homme-Dieu a

opérée parmi nous , il faut se rappeler tout ce qui

aurait pu arriver sur la^terre depuis dix-huit

siècles , et encore tout ce qu auraientpu amener

LA SUITE DES TEMPS et les ANNÉES ÉTERNELLES , SBnS

son heureux avénement. Qui peut savoir si , sans

les doctrines conservatrices de Jésus - Christ , et

sans ses divins exemples de soumission , d'ordre ,

de dépendance de l'autorité, d'amour, d obéis

sance jusqu'à la mort , et jusqu'à la mort de la

croix, le genre humain n'eût pas trouvé depuis

long-temps son tombeau dans tous ses égaremens

et dans tous ses crimes? Qui peut dire au juste à

quels excès la multitude des intérieurs et des in

fortunés se serait portée dans les divers siècles ,

sans la puissante barrière posée par le divin Insti

tuteur des hommes, qui a montré, par ses paroles

et par sa conduite , que la pauvreté et les souf

frances peuvent avoir autant d'avantages réels que

la fortune et les grandeurs de la terre , quand on

les supporte en chrétien ? Qui a déclaré que la

misère est nécessaire en morale , et que le travail

est salutaire et indispensable dans la société? —

Voyez quelle tournure les affaires commencent à

prendre chez les diverses nations de la terre ,

depuis que le véritable esprit de la religion de

Jésus-Christ a été généralement méconnu. Voyez

l'insubordination et l'anarchie menacer la société

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4'^7

humaine d'une prochaine dissolution , et 'dites

que ce n'est pas le christianisme qui , dans les

"vues de la Providence , devra devenir le contre

poids nécessaire pour rétablir l'ordre dans l'uni

vers ! Absolument parlant , les hommes peuvent

encore aujourd'hui contrarier les desseins de la

.Sagesse éternelle. L'histoire des siècles suivons

résoudra ce problème auxyeux des générations

à veniy, et les chefs spirituels et temporels du

siècle présent seront responsables de tous les

événemens !

Mais s'il est vrai, comme je n'en doute pas, que

c'est la religion établie par Jésus -Christ qui doit

sauver les générations actuelles d'une anarchie

universelle et véritablement épouvantable , c'est

aux grands de la terre à donner ici les premiers

exemples : ces hommes infortunés , qui se sont

crus souvent au-dessus des lois, parce qu'une flat

terie perfide les entretenait dans ces fauses idées

qui ont causé souvent laur perte ; tandis que je ne

crains point, au contraire, de leur assurer qu'ils sont

tenus à une exactitude d'autant plus exemplaire

dans leur soumission aux lois, du christianisme ,

qu'ils sontplus élevés en gloire et en dignité , tout

devant être compensé. Une croyance raisonnable,

d'ailleurs, ne déshonore personne, pas même les plus

glorieux monarques. Bien plus, hors la morale et la

religion , il n'existe point de véritable puissance „

ni de vraie gloire , ni de solide grandeur.

468 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS

Que chacun se trace donc un système de mo

rale et de religion , et un plan de vie d'après les

maximes de Jésus-Christ répandues dans ce Ma*-

nuel , et qu'il travaille ainsi sans relâche à son

repos , à la paix de son cœur , à sa perfection et

à sa félicité, et par-là au bonheur général pour

le temps et pour l'éternité. ' ,

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 4^9

W AiVW*VW\,WWV\'»AiWlAiW\\XWA'VW*\^

LITANIES DES YERTUS.

Seigneur, donnez-nous une foi raisonnable.— Seigneur, etc.

Jésus , ranimez notre espérance. — Jésus , etc.

Esprit de Dieu , enflammez dans nos cœurs le feu de la

charité. — Esprit de Dieu , etc.

Trinité sainte , faites-nous la grâce de pratiquer toutes les

vertus chrétiennes. — Trinité sainte , etc.

L'amour de Dieu , qui est le principe de toute per- ^

fection.

La crainte du Seigneur , qui est le commencement

de la sagesse.

L'amour du prochain , qui est l'abrégé des lois.

L'amour des ennemis , qui est un effort digne d'un

cœur généreux.

L'humilité , qui est la base de toutes les vertus.

La modestie , qui est l'apanage du vrai mérite.

La bonté, la piété, la bienfaisance et la miséricorde,

qui doivent soulager tous les maux de l'humanité.

La douceur, la longanimité, la patience et la rési

gnation , qui donnent la paix du cœur.

La condescendance , la prévenance , l'esprit d'union

. et d'harmonie , qui assurent la paix de la so

ciété.

Là prudence , la sagesse , le zèle et le courage , qui

portent à.un heureux terme les plus nobles en

treprises.

n i-rt

S» ^

4^0 RÉFLEXIONS ET SENTIMENS.

O mon Dieu ! donnez-nous à tous l'esprit de piété

et de religion.

Donnez-nous l'esprit de pureté , d'innocence et de

réserve.

Donnez-nous l'amour de la sainte vérité.

Donnez-nous l'amour de toute justice.

Donnez-nous enfin la générosité et la grandeur

d'âme nécessaires à la pratique constante de toutes

les vertus chrétiennes.

Inspirez-nous , au contraire , autant d'horreur pour

tous les vices , que nous ressentons d'amour pour

toutes les vertus.

Pour l'incrédulité et l'indifférence , qui mènent à

l'athéisme.

Pour l'athéisme et le matérialisme , qui mènent au

désespoir.

Pour la haine , la vengeance , l'envie et la jalou

sie, qui nous rendent aussi malheureux que cou

pables.

Pour l'orgueil , la vanité et l'ambition , qui troublent

l'ordre social, et rie s'élèvent que sur de sanglantes

ruines.

Pour la dureté , l'inhumanité, l'avarice et l'égoïsme

du siècle , qui voient d'un oeil sec toutes les mi

sères.

Pour les injustices, les vexations, les usures et les

tromperies , qui empêchent la société de prospé

rer.

Pour les guerres et les meurtres , auxquels les mor

tels faibles se sont tellement accoutumés , qu'ils

n'en sentent plus l'horreur.

SUR DIVERS SUJETS DE RELIGION. 47 1

O mon Dieu ! délivrez-nous au plus tôt de cet esprit ^

d'irréligion et d'impiété , qui a fait partout tant

de progrès.

Délivrez-nous de tout esprit de schisme et de di

vision dans les opinions religieuses, aussi-bien que

civiles.

Délivrez-nous de tout esprit d'intolérance et de I 53

persécution , si opposé à la charité de Jésus- I §

Christ.

Délivrez-nous de toute superstition et de toute pe- [ g

titesse indigne du Créateur.

Délivrez-nous des préjugés, de l'ignorance, de l'a

veuglement et de toutes les erreurs.

Délivrez-nous du mensonge , de la médisance , de

la calomnie et de toute fausseté.

Délivrez-nous de la présomption et de la témérité

qui nous jettent dans tous les abîmes. | ci5

Délivrez nous de la lâcheté et de la paresse , qui

est la mère de tous les vices.

Délivrez-nous de la légèreté , de l'intempérance et

de toutes les bassesses indignes du chrétien et de

l'homme. *

Délivrez nous des péchés de scandale et d'habi

tude.

Délivrez-nous de tous les vices.

Dieu de bonté , exaucez-nous.

Dieu d'amour , sauvez-nous.

PRIÈRE.

o

en

O mon Dieu ! qui avez dit : « Je prends aujourd'hui

» à témoin le ciel et la terre que j'ai mis devant vos yeux

fyll RÉFLEXIONS ET SENTIMENS , etc.

» la lumière et les ténèbres , la vie et la mort , choisissez.,

» mais choisissez la vie ! » faites-nous la grâce d'éviter par

tout l'erreur et le péché ; afin que nous puissions nous

élever peu à peu à une perfection digne du bonheur éter

nel , et capable de le goûter.

Amen.

FIN

vvwwwwwvwvuvivuuwvw\u\/W VW•VWWWWIWWVIW VWlWlUW\VWVW

TABLE DES MATIÈRES.

Pa6cs.

Avertissement de l'Auteur v

De la Religion de Jésus-Christ. A Célestin 1

Réflexions et sentimens au moment du réveil 14

Réflexions et sentimens sur divers sujets de religion. . 23

1". Sujet. L'Homme id.

2e. Sujet. Dieu 31

3e. Sujet. Perfections de Dieu 37

4e. Sujet. Destinée de l'homme 44

5°. Sujet. L'Athéisme 53

6e. Sujet. La Providence 61

7e. Sujet. Le Déisme 68

8e. Sujet. L'Indifférence en matière de religion. . 78

9e. Sujet. L'Immortalité 85

10e. Sujet. L'Incrédulité 95

11e. Sujet. Religion 104

12e. Sujet. Du Christianisme 115

13e. Sujet. De la foi en Jésus-Christ, Homme-Dieu. 122

14e. Sujet. Du code de l'Evangile 136

15e. Sujet. La Vie de Jésus-Christ 144

16e. Sujet. Les Souffrances de Jésus-Christ. •. . . 152

17e. Sujet. La Mort de Jésus-Christ 159

18e. Sujet. La Résurrection de Jésus-Christ. ... 167

19e. Sujet. Imitation de Jésus-Christ 174

20e. Sujet. Tolérance 182

21e. Sujet. Charité chrétienne 192

22e. Sujet. De l'Éducation 200

\ _

4/4 TABLE DES MATIÈRES.

Pas»*.

23*. Sujet. Devoirs sociaux 210

24*. Sujet. La Vertu 219

25e. Sujet. La Sagesse. . f , . , • , 224

26'. Sujet. Les Tentations et les Victoires. . . . . 233

27e. Sujet. La Mort 239

28*. Sujet. Le Jugement 246

29». Sujet. Le Bonheur et le Malheur éternels. . 254

30e. Sujet. Obscurités et Mystères dans la religion

et dans la morale 261

De la Piété chrétienne. A Célestine 272

Réflexions et sentimens sur quelques sujets plus parti

culiers à la jeune personne et à la femme chrétiennes. 287

ier. Sujet. Marie, modèle particulier de la jeune

personne et de la femme chrétiennes, id.

2". Sujet. Fidélité à Dieu. 293

3e. Sujet. L'Humilité. 299

4*. Sujet. Innocence, Vertus pures et sans tache. 305

5e. Sujet. Patience et Résignation 310

6e. Sujet. Amour de Dieu , service continuel du

Seigneur ..315

7e. Sujet. La Vertu richement récompensée. . . 320

8e. Sujet. La Prière et l'Oraison. . 325

; 9e. Sujet. De la Bienfaisance. 331

30e. Sujet. Souvenirs pieux des défunts ; Visite an

nuelle aux champs du Seigneur. . . 339

Réflexions et sentimens avant de s'endormir 347

Réflexions et sentimens pour le dimanche 352

Au moment du réveil id.

En entrant dans le temple du Seigneur 359

La Messe , ou Consécration solennelle du pain et du vin

en mémoire de Jésus-Christ. . . . , 361

Humble aveu des fautes commises id.

Adoration , Louanges , Actions de grâces 362

Les Bienfaits de l'Évangile ; Résolutions 363.

TABLE DES MATIÈRES. 475

P.|Ç«,.

Offrandes et Sacrifices 366

Jésus-Christ, selon ses promesses, se rend présent au

milieu de l'assemblée des chrétiens. : 370

Paraphrase de la prière enseignée par Jésus-Christ. 373

Communion, Actions de grâces 376

Bénédictions , Vœux pour le bien public 377

Les Vêpres 379

Odes sacrées sur divers sujets 381

Le Magnificat. — Sentimens humbles et sublimes

de Marie 406

Le Domine salvum. — Vœux pour la prospérité et la

grandeur du monarque 407

Le Te Deum. — Actions de grâces, joie , transports. 411

Réflexions et sentimens pour la confession et la com

munion solennelles au temps pascal 413

Préparation 416

Examen de conscience 417

Véritable contrition, résolution d'une vie meilleure. 432

Avant d'entrer dans le tribunal de la réconciliation. 437

En sortant du tribunal de la réconciliation. . . . '. 439

Avant la communion , ou la sainte Cène 441

Après la communion , ou la sainte Cène 443

Plan de vie ; Système de religion et de morale. . . . 446

Litanies des vertus 469

FIN DE LA TABLE.

BIBLIOTHÈQUE

" Les Fontaines "

S J

60 - CHANTILLY

I

#

-