affaire van droogenbroeck c belgique

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  • 7/31/2019 Affaire Van Droogenbroeck c Belgique

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    CONSEILDE LEUROPE

    COUNCILOF EUROPE

    COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

    COUR (PLNIRE)

    AFFAIRE VAN DROOGENBROECK c. BELGIQUE

    (Requte no 7906/77)

    ARRT

    STRASBOURG

    24 juin 1982

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    CONSEILDE LEUROPE COUNCILOF EUROPE

    COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

    En laffaire Van Droogenbroeck,

    La Cour europenne des Droits de lHomme, statuant en sance plnirepar application de larticle 48 de son rglement et compose des juges dont le

    nom suit:MM. WIARDA,prsident,

    M. ZEKIA,J. CREMONA,W. GANSHOFVANDERMEERSCH,

    Mme D. BINDSCHEDLER-ROBERT,MM. D. EVRIGENIS,

    G. LAGERGREN,L. LIESCH,F. GLCKL,F. MATSCHER,

    J. PINHEIRO FARINHA,E. GARCADE ENTERRA,L.-E. PETTITI,B. WALSH,

    Sir Vincent EVANS,MM. C. RUSSO,

    R. BERNHARDT,J. GERSING,

    ainsi que de MM. M.-A. EISSEN,greffier, et H. PETZOLD,greffier adjoint,Aprs avoir dlibr en chambre du conseil les 26 et 27 fvrier 1982, puis

    les 24, 25 et 27 mai,Rend larrt que voici, adopt cette dernire date:

    PROCEDURE

    1. Laffaire Van Droogenbroeck a t dfre la Cour par la Commissioneuropenne des Droits de lHomme ("la Commission") et le gouvernement duRoyaume de Belgique ("le Gouvernement"). A son origine se trouve une

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    requte (no 7906/77) dirige contre cet tat et dont un ressortissant belge, M.Valery Van Droogenbroeck, avait saisi la Commission le 16 avril 1977 en

    vertu de larticle 25 (art. 25) de la Convention de sauvegarde des Droits delHomme et des Liberts fondamentales ("la Convention").

    2. Demande de la Commission et requte du Gouvernement ont tdposes au greffe de la Cour dans le dlai de trois mois ouvert par lesarticles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47), les 18 dcembre 1980 et 5 janvier1981 respectivement. La premire renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art.48) ainsi qu la dclaration du Royaume de Belgique reconnaissant la

    juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46), la seconde larticle48 (art. 48). Elles ont pour objet dobtenir une dcision sur le point de savoirsi les faits de la cause rvlent ou non, de la part de lEtat dfendeur, unmanquement aux obligations lui incombant aux termes des articles 4 et 5 (art.

    4, art. 5); elles invitent en particulier la Cour prciser la porte du droit,garanti par le paragraphe 4 (art. 5-4) de cette dernire disposition,dintroduire un recours en lgalit.

    3. La chambre de sept juges constituer comprenait de plein droit M. W.Ganshof van der Meersch, juge lu de nationalit belge (article 43 de laConvention) (art. 43), et M. G. Wiarda, prsident de la Cour (article 21 par.3b) du rglement). Le 31 janvier 1981, celui-ci a dsign par tirage au sort, en

    prsence du greffier, les cinq autres membres, savoir M. J. Cremona, MmeD. Bindschedler-Robert, M. F. Glckl, M. L.-E. Pettiti et M. B. Walsh(articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du rglement) (art. 43). M.D. Evrigenis, premier supplant, a remplac ultrieurement M. Pettiti,empch (articles 22 par. 1 et 24 par. 1 du rglement).

    4. Ayant assum la prsidence de la Chambre (article 21 par. 5 durglement), M. Wiarda a recueilli par lintermdiaire du greffier lopinion delagent du Gouvernement, de mme que celle du dlgu de la Commission,au sujet de la procdure suivre. Le 3 fvrier, il a dcid que lagent aurait

    jusquau 15 avril 1981 pour dposer un mmoire et que le dlgu pourrait yrpondre par crit dans les deux mois du jour o le greffier le lui auraitcommuniqu.

    Le mmoire du Gouvernement est parvenu au greffe le 21 avril. Le 20juillet, le secrtaire de la Commission a inform le greffier que le dlgu

    prsenterait ses propres observations pendant les audiences.5. Le 23 juillet, le prsident a fix au 20 octobre 1981 la date douverturede la procdure orale aprs avoir consult agent du Gouvernement et dlgude la Commission par lintermdiaire du greffier adjoint.

    6. Les dbats se sont drouls en public le 20 octobre, au Palais des Droitsde lHomme Strasbourg. La Cour avait tenu immdiatement auparavant unerunion prparatoire.

    Ont comparu:- pour le GouvernementM. J. NISET, conseiller juridique

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    au ministre de la Justice, agent,Me E. JAKHIAN, avocat, conseil,

    Mme N. LAUWERS, conseiller juridique adjoint la Direction gnrale des tablissements pnitentiaires,

    conseiller;- pour la CommissionM. S. TRECHSEL, dlgu,Me S. BEUSELINCK et Me J. Van Damme, avocats,

    assistant le dlgu (article 29 par. 1, seconde phrase, durglement).

    La Cour a entendu en leurs dclarations, ainsi quen leurs rponses sesquestions et celles de deux de ses membres, M. Trechsel, Me Beuselinck etMe Van Damme pour la Commission, Me Jakhian pour le Gouvernement.

    7. lissue de dlibrations qui ont eu lieu les 21 et 22 octobre 1981, puisle 23 novembre, la chambre a rsolu, en vertu de larticle 48 du rglement, dese dessaisir avec effet immdiat au profit de la Cour plnire.

    Par une lettre du 8 dcembre, lagent du Gouvernement a renonc demander de nouvelles audiences. Le dlgu de la Commission a adopt lamme attitude le 15. Le lendemain, le prsident de la Cour a autoris lagent,qui en avait exprim le souhait dans ladite lettre, dposer un mmoirecomplmentaire pour le 18 janvier 1982 et le dlgu y rpondre par critdans les trois semaines du jour o le greffier le lui aurait communiqu. Le 28

    janvier, il a prorog le premier de ces dlais jusquau 10 fvrier. Le mmoirecomplmentaire du Gouvernement et la rponse du dlgu, laquellesaccompagnait dobservations du requrant, sont parvenus au greffe les 10 et25 fvrier respectivement.

    Aprs avoir not laccord de lagent du Gouvernement et lavis, favorable,du dlgu de la Commission, la Cour a dcid le 27 fvrier que la procdurese poursuivrait sans rouverture des dbats (article 26 du rglement).

    8. A des dates diverses schelonnant du 14 octobre 1981 au 8 mars 1982,le greffier a reu de la Commission et du Gouvernement de nombreuxdocuments et renseignements quil leur avait demands sur les instructions du

    prsident, de la Chambre ou de la Cour plnire, selon le cas, ou quils lui ontfournis de leur propre initiative.

    FAITS

    I. LES CIRCONSTANCES DE LESPCE

    9. Le requrant, ressortissant belge n en nexerce aucune professionrgulire.

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    Le 29 juillet 1970, le tribunal correctionnel de Bruges pronona contre luiune peine de deux ans demprisonnement pour vol, et tentative de vol, avec

    usage de fausses clefs. En vertu de larticle 23 de la loi "de dfense sociale"du 1er juillet 1964 (paragraphe 19 ci-dessous), il le condamna en outre dixannes de "mise la disposition du gouvernement": il constata quil sagissaitdun rcidiviste (article 56 du code pnal) qui le tribunal correctionnel deBruxelles avait inflig, le 9 avril 1968, deux ans demprisonnement pour volavec circonstances aggravantes et qui manifestait une tendance persistante la dlinquance.

    Saisie par lintress ainsi que par le ministre public, la cour dappel deGand confirma le jugement le 20 octobre 1970. La mise la disposition dugouvernement, releva-t-elle, se justifiait par le danger que courraient lasocit comme M. Van Droogenbroeck lui-mme sil recouvrait sa libert

    lexpiration de sa peine (door het gevaar dat, na afloop van de straf die tegenhem uitgesproken wordt, de invrijheidstelling van de veroordeelde voor demaatschappij en voor hem zelf zou doen lopen). La Cour de cassation rejetale pourvoi du requrant le 19 janvier 1971.

    10. Aprs avoir subi sa peine principale Saint Gilles-Bruxelles puis Malines (18 juin 1972), M. Van Droogenbroeck ne demeura pas dtenu. Sansdoute ne connaissait-il, selon le "mdecin anthropologue" de la prison deMalines, ni autocritique ni sens des responsabilits (noch auto-kritiek, nochverantwoordelijkszin). Le ministre de la Justice accepta nanmoins, sur leconseil du directeur de ltablissement et dans le cadre dune "politique"tendant "assurer au maximum le reclassement des dtenus librs",dessayer de le rintgrer dans la socit en le plaant, partir du 1er aot1972, sous un rgime de semi-libert qui lamnerait travailler commestagiaire, Bruxelles, dans une entreprise dinstallation de chauffage centralet suivre, les vendredis et samedis, des cours de formation professionnelleacclre dans un institut spcialis.

    11. Le requrant disparut cependant ds le 8 aot 1972. Signal trois joursplus tard rechercher, sur lordre du procureur gnral prs la cour dappel deGand, il fut arrt le 3 octobre 1972, en vertu dun dcern par un jugedinstruction pour tentative de vol qualifi, et incarcr Forest-Bruxelles. Letribunal correctionnel de Bruxelles reconnut son innocence le 17 novembre,

    mais le 27 le ministre de la Justice rsolut de lenvoyer ltablissementpnitentiaire de Merksplas, dans la section pour rcidivistes mis ladisposition du gouvernement (te doen overbrengen naar de afdeling voorTBR - geinterneerde recidivisten te Merksplas); le 27 novembre, le Servicedes cas individuels du ministre avait en effet exprim lopinion quelintress avait abus de la chance offerte lui, quon ne pouvait en aucunemanire se fier lui et quune nouvelle priode dinternement savraitindique (dat (hij) werkelijk misbruik heeft gemaakt van de hem gebodenkans, dat hij helemaal niet is te betrouwen en dat een nieuweinterneringsperiode gewettigd is).

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    Sur avis favorable de la Commission pour rcidivistes (paragraphe 22 ci-dessous), qui avait entendu M. Van Droogenbroeck le 13 juin 1973, le

    ministre de la Justice dcida, le 22 juin, dlargir celui-ci le 25 juillet sousconditions, car lentreprise mentionne plus haut se montrait prte lerembaucher comme stagiaire chauffagiste.

    12. Au dbut de septembre 1973, le requrant disparut derechef.Apprhend le 6 novembre et traduit devant le tribunal correctionneldAnvers pour vol qualifi, il fut condamn le 16 janvier 1974 trois moisdemprisonnement. Il recouvra sa libert le 4 fvrier lexpiration de sa

    peine, le ministre ayant consenti tenter une fois encore une exprience derinsertion sociale, mais la fin de mars il chappa la surveillance delorganisme charg de contrler lvolution de son reclassement. Arrt le 21mai 1974, il subit jusquau 16 janvier 1975 une peine de huit mois

    demprisonnement dont le tribunal correctionnel de Bruxelles lavait frapp leaot 1974 pour vol qualifi, aprs quoi il rintgra ltablissement

    pnitentiaire de Merksplas en excution dune dcision dinternement (teinterneren) prise le 11 janvier par le ministre de la Justice. Il en sortit le 11

    juillet 1975: sur recommandation de la Commission pour rcidivistes, leministre avait consenti deux jours plus tt le relcher (te ontslaan) sousconditions, au moyen dun cong dun mois renouvelable, en vue dunreclassement en France.

    13. M. Van Droogenbroeck se rendit donc dans ce pays, en compagniedun membre du comit de patronage, mais comme le projet se rvlairralisable il retourna en Belgique. Aprs diffrents checs dans des foyers, illui fallut habiter seul Bruxelles, sans travail et dmuni de tout. Invoquant ledanger de rcidive, le Service des cas individuels proprosa, le 10 septembre1975, de le "faire interner" Merksplas; le ministre de la Justice donnaaccord le lendemain. L-dessus, lintress disparut pour la troisime fois; lesautorits le signalrent rechercher, en raison de son comportement.prouvant de graves difficults financires, il se prsenta le 21 janvier 1976,aprs une fugue de quelques mois aux Pays-Bas, la police judiciaire prs le

    parquet du procureur du Roi de Bruxelles. On lcroua aussitt Forest avantde le renvoyer Merksplas. Comme il ne voulait pas accomplir les travauxquon lui offrait, on laffecta le 2 fvrier la section cellulaire au lieu de la

    section pour rcidivistes.Le 3 mars 1976, la Commission pour rcidivistes entendit le requrant quilen avait prie; elle rsolut de rexaminer le cas en septembre. A sa sancedu 8 septembre, elle releva quil ne stait constitu aucun pcule pendant sadtention et que nulle perspective demploi ne souvrait lui au dehors. Enconsquence, elle refusa de se prononcer en faveur de sa libration tant quilnaurait pas runi une somme de 12.000 FB par son travail en prison.

    Le 23 septembre, on le transfra de Merksplas ltablissementpnitentiaire de Louvain.

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    14. Se prvalant de larticle 26 de la loi du 1er juillet 1964 (paragraphe 23ci-dessous), lintress avait adress au procureur gnral prs la cour dappel

    de Gand, le 12 mai 1976, une demande de mainleve des effets de la dcisionqui lavait mis la disposition du gouvernement. La cour dappel la rejeta le13 dcembre: aprs avoir cart les arguments tirs par lui des articles 4 par.1, 4 par. 2, 5 par. 1 et 5 par. 4 (art. 4-1, art. 4-2, art. 5-1, art. 5-4) de laConvention, elle constata quaprs chacun de ses largissements il avait cd ses impulsions et commis de nouvelles infractions; elle en dduisit quildemeurait asocial (zodat hij asociaal blijft). Le 15 fvrier 1977, la Cour decassation jugea irrecevable le pourvoi de M. Van Droogenbroeck; elle estimaque ce dernier ne pouvait plus contester devant elle, comme il sy efforait ense plaant sur le terrain de la Convention, la validit de la mesure litigieuse,dfinitive depuis le 19 janvier 1971.

    15. Le 13 mars 1977, le requrant porta plainte auprs du procureur du Roide Louvain pour dtention arbitraire et, subsidiairement, pour abus de

    pouvoir. Il signalait que depuis le 28 fvrier il avait en compte un montantsuprieur 12.000 FB; en outre, il qualifiait d"illgale" la Commission pourrcidivistes, non mentionne dans la loi du 1er juillet 1964, et accusait leministre de transformer sa peine en "travaux forcs". La plainte fut classesans suite le 19 aot 1977.

    16. La commission prcite entendit une fois encore lintress le 4 mai1977. Notant quil possdait dsormais un pcule de 12.868 FB et se trouvaitintern depuis suffisamment longtemps (lang genoeg), elle proposa "sansgrand enthousiasme" (zonder veel enthousiasme) de la relcher (te ontslaan).Aussi se vit-il accorder par le ministre de la Justice, le 1er juin 1977, uncong renouvelable dun mois, lissue dune priode de semi-libert dedeux mois durant laquelle il logerait la nuit la prison de Saint Gilles-Bruxelles, mais travaillerait le jour au dehors. Il sesquiva cependant des lelendemain de sa premire sortie; on le signala immdiatement rechercherafin de le rintgrer la section pour rcidivistes de Merksplas.

    17. Arrt le 22 septembre 1977 en flagrant dlit de vol Bruges, M. VanDroogenbroeck fut condamn le 9 dcembre trois mois demprisonnement

    par le tribunal correctionnel de cette ville, puis renvoy Merksplas aprsavoir achev de purger sa peine le 21 dcembre. Le dpartement de la Justice

    avait constat, le 19, quune nouvelle dcision ministrielle ntait pasncessaire pour rinterner le requrant puisque celui-ci stait soustrait sontinternement le 8 juin 1977 (aangezien betrokkene zich op 8.6.77 heeftonttrokken aan zijn internering, is geen nieuwe ministeriele beslissing nodigom hem opnieuw te interneren).

    La Commission pour rcidivistes tudia derechef la situation le 3 mai1978, mais en ajourna lexamen septembre. Le 13 septembre elle soulignaque lintress, cause de son refus systmatique de travailler, navait runiquun pcule de 2.437 FB. Aussi suggra-t-elle dattendre, pour lui octroyerun cong renouvelable, quil et constitu une masse de sortie de 12.000 FB.

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    Le 3 octobre, le ministre donna des directives en ce sens; il subordonna enoutre la libration une srie de conditions analogues celles quil avait

    fixes antrieurement: accepter la "guidance" de lOffice de radaptionssociale de Bruxelles, travailler rgulirement, ne pas changer demployeur oudadresse sans laccord de lOffice, viter dabuser de boissons alcooliques etne pas frquenter danciens condamns. Cette dcision ne put recevoirexcution car M. Van Droogenbroeck ne remplit aucune des exigences dontelle saccompagnait. Il comparut u ne fois encore, le 14 mars 1979, devant laCommission pour rcidivistes qui confirma son avis du 13 septembre 1978.

    18. Le 16 septembre 1979, le requrant saisit le procureur gnral prs lacour dappel de Gand dune deuxime demande fonde sur larticle 26 de laloi du 1er juillet 1964 (paragraphe 23 ci-dessous). La cour y fit droit le 18mars 1980: statuant sur les conclusions contraires du ministre public, et tout

    en cartant comme en 1976 les arguments tirs de la Convention, elle jugeaquil existait dsormais des raisons de relever lintress des effets de ladcision de mise la disposition du gouvernement prononce contre lui. Ilrecouvra sa libert le jour mme, mais la reperdue peu aprs car le tribunalcorrectionnel de Bruxelles et la cour dappel de Gand lui ont inflig, les 10septembre 1980 et 3 juin, un mois puis un an demprisonnement pour volqualifi, sans pour autant lui appliquer la loi de dfense sociale.

    II. LA LGISLATION EN CAUSE

    A. La mise la disposition du gouvernement des rcidivistes et

    dlinquants dhabitude

    19. La "mise la disposition du gouvernement" des rcidivistes etdlinquants dhabitude a remplac le "renvoi sous la surveillance spciale dela police", que prvoyait le code pnal du 8 juin 1867. Institue par lesarticles 24 28 de la loi "de dfense sociale" du 9 avril 1930, elle fait lobjetaujourdhui des articles 22 26 (chapitre VII) de la loi du 1er juillet 1964 "dedfense sociale lgard des anormaux et dlinquants dhabitude" ("la loi de1964").

    Daprs la jurisprudence belge, elle sanalyse en une peine et non en unemesure de sret; il en dcoule diverses consquences juridiques (Cour decassation 4 avril 1978, Pasicrisie 1978, I, pp. 858-862; 17 juin 1975, ibidem1975, I, pp. 998-999; 11 dcembre 1933, ibidem, 1934, I, p. 96). Selon lesarticles 22 et 23 de la loi de 1964, elle sajoute une peine principale

    privative de libert, inflige en mme temps quelle, et commence recevoirexcution lexpiration de celle-ci. Elle vaut pour une dure dtermine parla loi: vingt ans, dix ans ou cinq dix ans, suivant les hypothses.

    Le juge doit lordonner sil y a rcidive de crime sur crime (article 22),mais il sagit pour lui dune simple facult dans les autres cas (article 23), tel

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    celui du requrant: rcidive de dlit sur crime ou sur dlit (articles 56 et 57 ducode pnal), rcidive de crime sur dlit et situation de "quiconque, ayant

    commis depuis quinze ans au moins trois infractions qui ont entran chacuneun emprisonnement correctionnel dau moins six mois, apparat comme

    prsentant une tendance persistante la dlinquance". Les "procduresrelatives aux infractions qui forment la base de la rcidive sont" alors "jointesau dossier" et la juridiction comptente a lobligation de motiver, "de manireconcrte et prcise", sa dcision en la matire (article 24 et Cour de cassation3 janvier 1962, Pasicrisie 1962, I, pp. 525-526).

    20. La condamnation dun rcidiviste une nouvelle peinedemprisonnement principal suspend, jusqu laccomplissement de celle-ci,les effets de la mise la disposition du gouvernement antrieurement

    prononce. Il en a t ainsi, en lespce, des jugements des 16 janvier 1974, 9

    aot 1974 et 9 dcembre 1977 (paragraphes 12 et 17 ci-dessus). Elle peutsaccompagner elle-mme dune nouvelle peine de mise la disposition dugouvernement, excuter aprs lchance de la premire, mais ni lestribunaux correctionnels dAnvers, Bruxelles et Bruges ni la cour dappel deGand nont agi de la sorte lgard de M. Van Droogenbroeck en 1974,1977, 1980 et 1981 (paragraphes 12, 17 et 18 ci-dessus).

    21. Susceptible dappel et de pourvoi en cassation, pareille peine constitue,selon la Cour de cassation, un "tout indivisible" avec la peine principale etrevt, comme elle, un caractre privatif de libert (4 avril 1978, Pasicrisie1978, I, pp. 858-862; 17 juin 1975, ibidem 1975, I, pp. 998-999; 3 janvier1962, ibidem 1962, I, pp. 525-526; 22 juillet 1955, ibidem 1955, I, pp. 1270-1271; 19 September 1939, ibidem 1939, I, p. 384; 11 dcembre 1933, ibidem1934, p. 96). Aux termes de larticle 25 de la loi de 1964, "les rcidivistes etdlinquants dhabitude se trouvant la disposition du gouvernement sontinterns, sil y a lieu, dans un tablissement dsign par arrt royal" - enlespce celui de Merksplas, affect aux hommes ne souffrant pas de maladiementale (arrt royal du 8 fvrier 1952).

    Ainsi que le donne penser le membre de phrase "sil y a lieu", la loilaisse au gouvernement - en loccurrence le ministre de la Justice - une largediscrtion quant au choix des modalits dexcution: internement, semi-libert, libert sous tutelle ou probation. Le ministre peut largir lintress

    sous conditions soit lissue de la peine principale, faute de quoi celui-ci sevoit interner, soit en cours dinternement; il peut aussi rvoquer semblablemesure une date ultrieure.

    Le ministre de la Justice prend les diverses dcisions selon une procduredfinie, pour partie dans des arrts ministriels. La libration conditionnelleintervient en gnral:

    - pendant laccomplissement de la peine principale, sur le rapport du"mdecin anthropologue" et du directeur de ltablissement o sjourne lecondamn (paragraphe 10 ci-dessus);

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    - pendant linternement, sur lavis de la Commission pour rcidivistesparagraphes 11, 12 et 16 ci-dessus; paragraphe 22 ci-dessous).

    Quant la rvocation dune libration conditionnelle (paragraphes 11, 12,13 et 17 ci-dessus), le ministre a pour coutume den dcider sur la base dunrapport de lagent charg de la "guidance", ou dun avis du procureur gnral

    prs la cour dappel dans le ressort de laquelle a t ordonne la mise ladisposition du gouvernement. Ces rapports et avis concernent la manire dontlindividu en cause respecte les conditions fixes, ses moyens dexistence, sesoccupations, son comportement et le risque de rcidive de sa part. Si toutefoisil se trouve en train daccomplir une nouvelle peine demprisonnement, larvocation se fonde normalement sur des rapports du "mdecinanthropologue" et du directeur de ltablissement, rapports indiquant la naturedes infractions ainsi rprimes, les antcdents judiciaires du condamn, sa

    personnalit, ses dispositions morales, sa situation familiale et professionnelleet ses perspectives davenir.

    22. La Commission pour rcidivistes interns mis la disposition dugouvernement ("la Commission pour rcidivistes") a t cre par un arrtministriel du 12 mars 1946, modifi et complt les 20 mai 1949 et 11 mars1968. Elle comprend un magistrat en activit en honoraire, qui la prside, lemdecin directeur - ou le mdecin directeur honoraire - du Servicedanthropologie pnitentiaire et un fonctionnaire dirigeant du Service social

    pnitentiaire. Un dlgu du ministre de la Justice assiste aux runions; enoutre, les comits de patronage ou les offices de radaptation sociale peuventtre pris denvoyer un reprsentant - qui a voix dlibrative (arrt du 20mai 1949) - celles o se dbat le sort dinterns placs ou placer sous leurtutelle.

    La Commission sige au moins tous les deux mois sur convocation de sonprsident. Elle a pour tche de donner au ministre de la Justice un avis - noncontraignant - "sur lopportunit de la libration des rcidivistes etdlinquants dhabitude interns (...) ainsi que sur les conditions" auxquellessubordonner pareille libration.

    Les intresss peuvent solliciter leur comparution devant elle soit lors de larunion prcdant la fin des six premiers mois de leur internement, si celui-cia dbut aussitt aprs quils avaient achev de subir leur peine principale,

    soit lors de la premire sance qui suit leur internement dans lhypothse dela rvocation, par le ministre, dune dcision dlargissement sous conditions(paragraphe 13 ci-dessus). Les auditions ultrieures ont lieu la dernirerunion qui se tient avant lexpiration dun dlai, non suprieur six mois,fix par la Commission pour rcidivistes (paragraphes 11, 12, 13, 16 et 17 ci-dessus).

    Bien que les textes restent muets cet gard, lintern est entendu sanslassistance dun avocat et sans avoir accs au dossier pnitentiaire o figurenotamment lenqute sociale. Par les soins du secrtaire, il reoitimmdiatement communication de lavis adopt par la Commission lissue

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    de son dlibr. Sil sagit dun avis favorable, la cause est dfre pourdcision au ministre; celui-ci peut galement, tout moment, provoquer la

    libration sans consulter la Commission au pralable.Les directeurs des tablissements comptents notifient aux intresss les

    dcisions ministrielles dlargissement. Elles saccompagnent de conditionsconsignes dans un carnet et au nombre desquelles compte toujourslobligation de se soumettre la tutelle organise par les offices deradaptation sociale ou par le Service social pnitentiaire.

    23. En son article 26, la loi de 1964 autorise les individus mis ladisposition du gouvernement en vertu des articles 22 et 23 demander lamainleve "des effets de cette dcision" en sadressant au procureur gnral

    prs la cour dappel dans le ressort duquel sige la juridiction qui la rendue.Si, comme en lespce, "la dure de la mise la disposition du gouvernement

    ne dpasse pas dix ans", la demande "peut tre introduite trois ans aprslexpiration de la peine" principale (paragraphe 14 ci-dessus), puis "de troisen trois ans" (paragraphe 18 ci-dessus), dlais ports cinq ans "dans lesautres cas". Le procureur gnral "prend toutes informations quil jugencessaires, en joint le rsultat au dossier et soumet celui-ci, avec sesrquisitions, une chambre correctionnelle de la cour qui statue par arrtmotiv, aprs avoir entendu lintress assist dun avocat".

    24. Lapplication des lois de 1930 et 1964 a subi une nette volution avecle temps. A lorigine, llargissement des condamns ne se produisaitquaprs une priode dinternement variant selon les catgories. Aujourdhuiau contraire, quand il sagit dune premire mesure et dun individu peudangereux ladministration a pour principe de le librer lessai une foissubie la peine principale, quitte linterner sil rcidive ou sil enfreint lunedes conditions observer et se trouve sans travail ni moyens dexistence. Enoutre, linternement de longue dure constitue dsormais lexception: en

    pratique, daprs le Gouvernement, lassujetti recouvre sa libert sousconditions - sauf risque grave pour la socit - ds que se prsente uneoccasion srieuse de reclassement.

    25. Daprs les articles 62 et 63 du rglement gnral des tablissementspnitentiaires (arrt royal du 21 mai 1965), combin avec larticle 95, unindividu condamn une peine correctionnelle puis intern au titre de

    larticle 25 de la loi de 1964, comme M. Van Droogenbroeck, peut se voirastreint au travail pnitentiaire.

    B. Existence de voies de recours contre une privation de libert taxe

    dillgale

    26. Le Gouvernement soutient que plusieurs voies de recours souvraientau requrant:

    (i) provoquer ou engager des poursuites pour squestration arbitraire;

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    (ii) porter devant la cour dappel de Gand tout litige n entre lui et leministre public quant lexcution de larrt du 20 octobre 1970;

    (iii) linviter le relever des effets de la mesure le frappant;(iv) sadresser au prsident du tribunal de premire instance titre de juge

    des rfrs;(v) intenter une action sappuyant directement sur larticle 5 par. 4 (art. 5-

    4) de la Convention.Sur le troisime point, la Cour renvoie aux paragraphes 14, 18 et 23 ci-

    dessus, sur le cinquime au paragraphe 55 ci-dessous.27. Premier point: en droit belge, quiconque se prtend victime dune

    privation illgale de libert, imputable un particulier ou un fonctionnairepublic, a le droit de porter plainte, avec ou sans constitution de partie civile,ou de saisir le tribunal correctionnel par citation directe (articles 147 et 434

    436 du code pnal; articles 63, 182 et 609 du Code dinstruction criminelle;paragraphe 15 ci-dessus).

    28. Quant au deuxime point, la cour dappel de Gand avait jug, en 1897et 1914, que les conflits surgissant entre le ministre public et un condamnau sujet de lexcution dune dcision rpressive pouvaient tre soumis la

    juridiction dont elle manait, mais il sagit de dcisions isoles que lajurisprudence na pas confirmes.

    29. Au sujet de la quatrime voie de recours mentionne plus haut, la Course borne pour linstant noter quaux termes des articles 584 et 1039 du code

    judiciaire de 1967 il appartient au prsident du tribunal de premire instancede statuer comme juge des rfrs - cest--dire "au provisoire", sil y aurgence et sans prjudicier "au principal" la demande de quiconque se

    prtend victime, par exemple, dun acte administratif constituant une voie defait. Le recours sexerce "en toute matires, sauf celles que la loi soustrait au

    pouvoir judiciaire". La jurisprudence mentionne cet gard par leGouvernement se trouve analyse au paragraphe 54 ci-dessous.

    PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

    30. M. Van Droogenbroeck avait introduit, le 2 janvier 1974, une premirerequte (no 6989/75) que la Commission a dclare irrecevable le 5 mars1976, pour non-puisement des voies de recours internes. Dans la seconde, du16 avril 1977 (no 7906/77), il prtendait se trouver en tat de servitude enastreint au travail, au mpris des paragraphes 1 et 2 de larticle 4 (art. 4-1, art.4-2) de la Convention. Il allguait en outre que sa privation de libert, dcideselon lui par le ministre de la Justice et non par un libert, tribunal,enfreignait, le paragraphe 1 de larticle 5 (art. 5-1) et quil navait pas

    bnfici dun contrle judiciaire de la lgalit de ses internements commelet voulu le paragraphe 4 (art. 5-4) du mme article. Il invoquait enfin sa

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    libert dexpression, garantie par larticle 10 (art. 10): il aurait par deux foissubi des sanctions disciplinaires pour avoir protest contre les

    recommandations de la Commission pour rcidivistes.31. Le 5 juillet 1979, la Commission europenne des Droits de lHomme a

    rejet ce dernier grief pour dfaut manifeste de fondement (article 27 par. 2)(art. 27-2); elle a retenu la requte pour le surplus.

    Dans son rapport du 9 juillet 1980 (article 31 de la Convention) (art. 31),elle formule lavis quil y a eu manquement aux exigences du paragraphe 4de larticle 5 (art. 5-4) (unanimit), mais non du paragraphe 1 (art. 5-1) (dixvoix contre deux) ni de larticle 4 (art. 4) (unanimit).

    Le rapport renferme une opinion dissidente.

    CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR PAR LEGOUVERNEMENT

    32. Dans son mmoire davril 1981 puis son mmoire complmentaire defvrier 1982, le Gouvernement a conclu

    "quil plaise la Cour de dcider quil ny a eu, lgard du requrant, violationdaucune disposition de la Convention europenne de sauvegarde des Droits delHomme et des Liberts fondamentales".

    EN DROIT

    I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE LARTICLE 5 par. 1 (art. 5-1)

    33. Pour autant quil sapplique en lespce, larticle 5 par. 1 (art. 5-1) dela Convention se lit ainsi:

    "Toute personne a droit libert et la sret. Nul ne peut tre priv de sa libert,sauf dans les cas suivants et selon les voies lgales:

    a) sil est dtenu rgulirement aprs condamnation par un tribunal comptent.

    (...)"

    Les alinas b) f) nentrent manifestement pas en ligne de compte; leGouvernement ninvoque du reste aucun dentre eux.

    34. Quant au paragraphe 1 a), la "comptence" du "tribunal" qui aprononc la mesure litigieuse - la cour dappel de Gand par son arrt du 20octobre 1970 (paragraphe 9 ci-dessus) - ne prte pas controverse.

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    Il en va de mme de lexistence dune privation de libert. Sur ce point, ilchet de rappeler que daprs la jurisprudence belge la mise la disposition

    de gouvernement des rcidivistes et dlinquants dhabitude sanalyse en unepeine privative de libert, indpendamment de la forme que son excutionpeut revtir dans un cas et un moment donns: internement, semi-libert,libert sous tutelle ou probation (paragraphes 19 et 21 ci-dessus - Cour decassation 4 avril 1978, Pasicrisie 1978, I, p. 861). La Cour ne prendra

    pourtant en considration que la premire de ces formes, la seule dont seplaigne M. Van Droogenbroeck. A la lumire des prcisions fournies par ledlgu de la Commission lors des audiences du 20 octobre 1981, ellelimitera son examen aux internements auxquels a trait la requte no 7906/77de lintress (paragraphe 30 ci-dessus), savoir ceux quil a subis du 21

    janvier 1976 au 1er juin 1977 puis du 21 dcembre 1977 au 18 mars 1980

    (paragraphes 13-18 ci-dessus).35. Il incombe la Cour de rechercher si lesdits internements ont eu lieu

    "aprs condamnation" par la cour dappel de Gand.Par "condamnation" au sens de larticle 5 par. 1a) (art. 5-1-a), il faut

    entendre, eu gard au texte franais, la fois une "dclaration de culpabilit",conscutive "ltablissement lgal dune infraction" (arrt Guzzardi du 6novembre 1980, srie A no 39, p. 37, par. 100), et linfliction dune peine ouautre mesure privatives de libert. Ces conditions se trouvent remplies enloccurrence.

    Quant au mot "aprs", il nimplique pas un simple ordre chronologique desuccession entre "condamnation" et "dtention": la seconde doit en outrersulter de la premire, se produire, " la suite et par suite" - ou "en vertu" -"de celle-ci" (arrt X contre Royaume-Uni du 5 novembre 1981, srie A no

    46, p. 17, par. 39; arrt Engel et autres du 8 juin 1976, srie A n o 22, p. 27,par. 68).

    36. Selon le requrant, les privations de libert incrimines tiraient leursource non pas de la sentence dun "tribunal comptent", mais de dcisionsdu ministre de la Justice.

    Pour ltat dfendeur au contraire, linternement sopre "de plein droit"sur la base de la dcision judiciaire qui place le rcidiviste la disposition dugouvernement et il en constitue "le principal mode dexcution"; seul

    llargissement exigerait "une dcision ministrielle". La "mission attribueau ministre (...) par la loi du 1er juillet 1964" se limiterait " modaliserlexcution dune peine privative de libert", par exemple "en suspendant",sous des conditions fixes par lui, "linternement qui dcoule de cette peine(...) ou en rvoquant une dcision de libration sous condition prise par lui"."En ne dcidant pas de librer", le ministre "ne dcide[rait]" donc "pasdinterner".

    37. Cette thse est controverse en droit belge. Elle sappuie dans unelarge mesure sur un passage des travaux prparatoires de la loi du 9 avril1930, remplace par celle du 1er juillet 1964 ("la mise la disposition du

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    gouvernement est linternement dans un tablissement dsign par un arrtroyal", Pasinomie 1930, p. 88, 2e colonne), mais dautres vont dans un sens

    diffrent (la "mise la disposition du gouvernement est indpendante delinternement quelle peut entraner": Chambre des reprsentants, session1927-1928, document no 11). Le dlgu de la Commission a soulign quellene cadre pas avec la lettre de larticle 25 de la loi de 1964 (paragraphe 21 ci-dessus: "sil y a lieu"), ni surtout avec la pratique rcente de ladministrationdu dpartement de la Justice puisque les deux tiers environ des rcidivistes etdlinquants dhabitude mis la disposition du gouvernement demeurent enlibert (paragraphe 24 ci-dessus, paragraphe 16 du rapport de la Commissionet compte rendu de laudience de la matine du 20 octobre 1981).

    Mme quand le condamn ne recouvre pas sa libert aprs avoir subi sapeine dorigine, hypothse trangre au cas despce et aujourdhui

    exceptionnelle, cest apparemment en vertu dinstructions ministriellesprescrivant son internement. Du moins cela ressort-il du paragraphe 6 dunecirculaire du 20 dcembre 1930, produite par le Gouvernement ("Lescondamns mis la disposition du gouvernement aprs lexpiration de leur

    peine doivent tre signals au ministre de la Justice en vue de leurinternement ventuel") et du rsum des faits figurant dans une dcision de laCommission (1er octobre 1975, requte no 6697/74, R.V. c/Belgique, jointeultrieurement la premire requte, no 6989/75, de M. Van Droogenbroeck).La ncessit de pareilles instructions expresses se conoit dailleurs chaquefois quil y a transfert de lintress, appel quitter une prison pourMerksplas.

    En tout cas, les dcisions ministrielles qui ont rvoqu, les 11 janvier et11 septembre 1975, les librations conditionnelles accordes M. VanDroogenbroeck ont bien ordonn d"interner" ce dernier (paragraphes 12-13ci-dessus).

    38. Au demeurant, par del les apparences et le vocabulaire employ ilfaut sattacher cerner la ralit (voir notamment, mutatis mutandis, larrtDeweer du 27 fvrier 1980, srie A no 35, p. 23, par. 44).

    Or le gouvernement jouit en loccurrence dune grande latitude. Lajurisprudence et la pratique confirment sans nul doute ce qui parat se dgagerdu texte de larticle 25 de la loi de 1964 ("sil y a lieu") et de lexpression

    mme de "mise (...) disposition". Dans un arrt du 4 avril 1978, la Cour decassation de Belgique a constat que "lexcution de [la] peine" dont il sagit"est dans une large mesure laisse lapprciation" du ministre de la Justice(Pasicrisie 1978, I, p. 861). Par rapport au jugement ou arrt initial, lesdcisions ministrielles se rvlent beaucoup plus autonomes en la matiresque dans un domaine voisin: la mise des vagabonds " la disposition dugouvernement" (loi du 27 novembre 1891; arrt De Wilde, Ooms et Versypdu 18 juin 1971, srie A no pp. 24-25, par. 37, et pp. 33-34, par. 61). En bref,

    pour reprendre une formule du dlgu de la Commission, "la dcision

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    judiciaire nordonne pas la dtention" des rcidivistes et dlinquantsdhabitude: elle "lautorise".

    39. Partant, il incombe la Cour de rechercher sil existe un lien suffisant,aux fins de larticle 5 (art. 5), entre ladite dcision et la privation de libert encause.

    La question appelle une rponse affirmative car le pouvoir dapprciationconsenti au ministre sexerce lintrieur dun cadre trac la fois par la loiet par la "condamnation" qua prononce le "tribunal comptent". A cetgard, la Cour relve que daprs la jurisprudence belge, le jugement ou arrtqui condamne lintress lemprisonnement et, titre complmentaire ouaccessoire, le met la disposition du gouvernement en vertu de larticle 22 oude larticle 23 de la loi de 1964, constitue "un tout indivisible" (paragraphe 21ci-dessus; Cour de cassation 17 juin 1975, Pasicrisie 1975, I, p. 999). Il

    comprend deux lments: le premier consiste en une peine privative delibert, subir durant le temps indiqu dans la dcision judiciaire, le seconden la mise la disposition du gouvernement, dont lexcution peut revtir desformes diffrentes allant de la libert sous tutelle linternement.

    Le choix entre ces formes relve de la discrtion du ministre de la Justice.Celui-ci ne jouit cependant pas dune libert absolue en la matire: dans leslimites fixes par la loi, il doit valuer le degr de "dangerosit" de lintressainsi que les perspectives de le rinsrer dans la socit court ou moyenterme.

    40. De fait, il importe de ne pas perdre de vue les finalits de la loi de 1964telles quelles se dgagent du titre et de lconomie gnrale de celle-ci, destravaux prparatoires et de la jurisprudence belge: "protger la socit contrele danger que constituent les rcidivistes et les dlinquants dhabitude", maisaussi "donner [au gouvernement] la possibilit de tenter [leur] amendement"(Cour de cassation 11 dcembre 1933, Pasicrisie 1934, I, p. 99). Pour essayerdatteindre ce double but, il faut prendre en compte des circonstances diverseset changeantes par nature. Au moment o il statue, le juge ne saurait, par laforce des choses, que supputer lvolution future de lintress. Le ministrede la Justice, lui, peut la suivre de plus prs et intervalles rapprochs, parlintermdiaire et avec laide de ses services, mais par l mme le lien entreses dcisions de non-largissement ou de rinternement et le jugement ou

    arrt initial se distend peu peu avec lcoulement du temps. Il risquerait dese rompre la longue si lesdites dcisions en arrivaient se fonder sur desmotifs trangers aux objectifs du lgislateur et du juge ou sur uneapprciation draisonnable au regard de ces objectifs. En pareil cas, uninternement rgulier lorigine se muerait en une privation de libertarbitraire et, ds lors, incompatible avec larticle 5 (art. 5) (voir notammentlarrt X contre Royaume-Uni, prcit, srie A no 46, p. 19, par. 43).

    Il nen a pas t ainsi en lespce. Les autorits belges ont tmoign enversM. Van Droogenbroeck de patience et de confiance: elles lui ont mnag,malgr son comportement, plusieurs occasions de se reclasser (paragraphes

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    10, 11, 12 et 16 ci-dessus). La manire dont elles ont us de leur pouvoir arespect les exigences de la Convention qui saccommode dune

    indtermination relative de la sentence et nastreint pas les Etats contractants confier des juges un contrle gnral de lapplication des peines.

    41. Le requrant a soutenu de surcrot, devant la Commission (paragraphes27 in fine et 57 du rapport), que son internement navait pas eu lieu"rgulirement" et "selon les voies lgales", au sens de larticle 5 par. 1 (art.5-1): le ministre de la Justice aurait usurp un pouvoir dont larticle 25 de laloi de 1964 investirait le gouvernement tout entier.

    La Cour se borne constater ce sujet, avec la Commission, quenBelgique - comme dans dautres tats contractants - lexcution des peines etautres mesures prononces par les juridictions rpressives relvestraditionnellement du ministre de la Justice. Elle na aucune raison de douter

    que celui-ci ait constitu, en vertu des principes gnraux de lattribution etde la rpartition des pouvoirs en droit public belge, une autorit qualifie pouragir dans le cas de M. Van Droogenbroeck.

    42. Il ny a donc pas eu violation de larticle 5 par. 1 (art. 5-1).

    II. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE LARTICLE 5 par. 4 (art. 5-4)

    43. Le requrant se plaint galement de navoir pu exercer, lors de sesinternements, aucun recours conforme aux exigences du paragraphe 4 delarticle 5 (art. 5-4), aux termes duquel

    "Toute personne prive de sa libert par arrestation ou dtention a le droitdintroduire un recours devant un tribunal, afin quil statue bref dlai sur la lgalitde sa dtention et ordonne sa libration si la dtention est illgale."

    La Cour doit examiner le grief malgr labsence dinfraction auparagraphe 1; elle renvoie sur ce point sa jurisprudence, et notamment sont arrt De Wilde, Ooms Versyp du 18 juin 1971 (srie A n o 12, pp. 39-40,

    par. 73).

    A. Sur la thse principale du Gouvernement

    44. Le Gouvernement plaide dabord que la procdure suivie en 1970 et1971 devant le tribunal correctionnel de Bruges, puis la cour dappel de Gandet la Cour de cassation (paragraphe 9 ci-dessus), suffisait au respect delarticle 5 par. 4 (art. 5-4). Il invoque notamment un extrait de larrt prcitdu 18 juin 1971 (ibidem, p. 40, par. 76):

    "De prime abord, le libell de larticle 5 par. 4 (art. 5-4) pourrait donner penserquil reconnat au dtenu le droit de faire toujours contrler par un tribunal la lgalitdune dtention antrieure qui la priv de sa libert (...). Si [cette] dcision manedun organe administratif, larticle 5 par. 4 (art. 5-4) astreint sans nul doute les tats ouvrir au dtenu un recours auprs dun tribunal, mais rien nindique quil en aille demme quand elle est rendue par un tribunal statuant lissue dune procdure

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    judiciaire. Dans cette dernire hypothse, le contrle voulu par larticle 5 par. 4 (art. 5-4) se trouve incorpor la dcision; tel est le cas, par exemple, dune condamnation lemprisonnement prononce par un tribunal comptent (article 5 par. 1a) (art. 5-1-a) de la Convention)." (voir en outre larrt Engel et autres, prcit, srie A no 22, p.32, par. 77)

    45. En ralit, la Cour la soulign rcemment, ce passage "ne parle que dela dcision privative de libert; il ne vise pas la dtention ultrieure dans lamesure o des questions nouvelles de lgalit la concernant surgiraient aprscoup" (arrt X contre Royaume-Uni, prcit, srie A no 46, p. 22, par. 51).Larrt De Wilde, Ooms et Versyp avait du reste pris en considration, souslangle de larticle 5 par. 4 (art. 5-4), non seulement les dcisions initialesdinternement pour vagabondage relatives trois requrants (srie A no 12,

    pp. 40-43, par. 74-80), mais aussi la procdure rgissant lexamen des

    demandes dlargissement des intresss pour autant quelles soulevaient desquestions quant la lgalit de la poursuite de cet internement (ibidem, pp.43-44, par. 81-84).

    La "dtention" des vagabonds relve de lalina e) de larticle 5 par. 1 (art.5-1-e); il en va de mme de celle des alins. Or "les motifs [la] justifiant lorigine (...) peuvent cesser dexister". La Cour en a tir une consquenceimportante:

    "(...) on mconnatrait le but et lobjet de larticle 5 (...) si lon interprtait leparagraphe 4 (art. 5-4) (...) comme exemptant en loccurrence la dtention de toutcontrle ultrieur de lgalit pour peu quun tribunal ait pris la dcision initiale. Parnature, la privation de libert dont il sagit parat appeler la possibilit de semblable

    contrle, exercer des intervalles raisonnables." (arrts Winterwerp du 24 octobre1979 et X contre Royaume-Uni, prcit, srie A no 33, p. 23, par. 55, et no 46, pp. 22-23, par. 52)

    46. Daprs ltat dfendeur, "la mise la disposition du gouvernementdes rcidivistes et dlinquants dhabitude ne prsente (...) aucun descaractres" voulus "pour que sapplique cette jurisprudence". Ellesanalyserait en une privation de libert prescrite "par une juridiction delordre judiciaire, pour une priode dtermine". Sa "validit" dpendrait de"conditions objectives", "limitativement numres par les articles 22 et 23 dela loi" de 1964, runies "au jour du prononc de la peine" et, "en principe,[non] susceptibles de se modifier au fil du temps"; nul "vnement ultrieur"

    ne saurait la "compromettre". La mesure ainsi autorise par le lgislateur,adopte par le juge et excute par le ministre de la Justice, danslaccomplissement de sa tche "dindividualisation de cette peine", sefonderait certes sur "la ncessit de protger la socit contre les agissementsdes rcidivistes et dlinquants dhabitude", mais ni la loi belge ni laConvention ne subordonneraient le "maintien de linternement" la"persistance dun danger social inhrent la mise en libert". Lopinioncontraire de la Commission confondrait la "lgalit" avec lopportunit, "deuxconcepts" pourtant "radicalement diffrents". Elle dboucherait sur unesolution que lon ne rencontrerait "dans aucun pays": "proclamer que tout

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    condamn de droit commun" doit pouvoir contester, " un moment donn",lopportunit de sa dtention.

    47. La Cour rappelle que ltendue de lobligation assume par les Etatscontractants en vertu du paragraphe 4 de larticle 5 (art. 5-4) "nest pasforcment identique en toute circonstance, ni pour chaque sorte de privationde libert" (arrt X contre Royaume-Uni, prcit, srie A no 46, p. 22, par.52). Elle noublie pas quen loccurrence linternement litigieux tombait sousle coup du seul alina a) du paragraphe 1 et non, comme dans laffaireWinterwerp et laffaire De Wilde, Ooms et Versyp, de lalina e) ni, commedans laffaire X contre Royaume-Uni (ibidem, pp. 17-18, par. 39), de cesdeux alinas combins.

    Nanmoins, la nature et le but dun type donn de "dtention" importentplus ici que sa place dans la systmatique de la Convention. Or la mise des

    rcidivistes et dlinquants dhabitude la disposition du gouvernementrpond des finalits spcifiques. Dans la doctrine de la Cour de cassation,

    bien quassimile une peine elle vise, en mme temps qu protger lasocit, fournir lexcutif loccasion dessayer damender les intresss(paragraphe 40 ci-dessus). Sauf dans le cas de la rcidive de crime sur crime(article 22 de la loi), la juridiction qui la prononce doit motiver sa dcision(article 24); il lui faut en particulier indiquer "de faon concrte en prcise"

    pourquoi elle estime que le prvenu, en tat de rcidive lgale, prsente "unetendance persistante la dlinquance", au sens de larticle 23 de la loi (Courde cassation 3 janvier 1962, Pasicrisie 1962, I, p. 526; paragraphe 9 ci-dessus). En pratique, elle ouvre au ministre de la Justice "un crdit de

    privation de libert (...) dont la dure effective" - "de zro jour dix"ans -frappe par son "indtermination relative" et varie, en principe, selon les

    besoins du traitement et les impratifs de la dfense sociale (paragraphe 64 durapport de la Commission et dcision finale du 5 juillet 1979 sur larecevabilit de la requte). Linternement que peut entraner la mise ladisposition du gouvernement se produit uniquement "sil y a lieu" (article 25de la loi), expression synonyme, daprs la Cour de cassation, de "lorsque la

    protection de la socit lexige" (4 avril 1978, Pasicrisie 1978, I, p. 861).Ainsi que la Commission le souligne au paragraphe 66 de son rapport, un

    tel systme diffre fondamentalement de celui - sur lequel la Cour na pas

    se prononcer en loccurrence - de la libration conditionnelle dune personnecondamne par un tribunal une peine demprisonnement juge par luiapproprie.

    Dans le domaine de la loi de 1964, la libert de choix laisse au ministrede la Justice implique que celui-ci, durant lapplication de la mesure,sinterroge sur la ncessit de priver ou continuer priver lintress de salibert ou sur labsence ou disparition de pareille ncessit. "Tendance

    persistante la dlinquance" ou "dangerosit sociale": notions contingentespar essence, qui amnent suivre le condamn dans lvolution de sapersonnalit comme de son comportement, afin dadapter son statut un

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    changement, favorable ou dfavorable, des circonstances. Les lgislateurbelge la reconnu jusqu un certain point en mnageant la possibilit dune

    mainleve, par la cour dappel, des effets du jugement ou arrt initial (article26 de la loi, paragraphe 23 ci-dessus), le gouvernement en crant laCommission pour rcidivistes et en associant des "mdecins anthropologues"aux dcisions ministrielles (paragraphes 21 et 22 ci-dessus).

    Il faut ds lors se demander si la logique mme du systme belge nexigepas un contrle judiciaire ultrieur, intervalles raisonnables, de lajustification de la privation de libert. Considrer cette justification commeacquise, une fois pour toutes, au moment de la condamnation quivaudrait enquelque sorte prsumer que la dtention napportera aucun rsultat utile.

    48. Sans doute la Cour de cassation de Belgique a-t-elle cart cette thse,par un arrt du 4 avril 1978, au profit de la doctrine du "contrle incorpor"

    (Pasicrisie 1978, I, p. 862, et paragraphe 44 ci-dessus). Telle que lentendlarticle 5 par. 4 (art. 5-4), la "lgalit" dune "arrestation ou dtention"sapprcie pourtant sous langle non du seul droit interne, mais aussi du textede la Convention, des principes gnraux quelle consacre et du but desrestrictions quautorise larticle 5 par. 1 (art. 5-1) (voir, mutatis mutandis,larrt X contre Royaume-Uni, prcit, srie A no 46, p. 25, par. 57, combiner avec larrt Winterwerp prcit, srie A no 33, p. 17, par. 39, et pp.19-20, par. 45).

    Or "une dtention arbitraire ne peut jamais passer pour rgulire"(lawful) au regard du paragraphe 1, indpendamment de sa compatibilit avecle droit interne (voir, parmi dautres, larrt X contre Royaume-Uni, prcit,srie A no 46, p. 19, par. 43). L se situe la limite ne pas franchir danslexercice du large pouvoir discrtionnaire dont le ministre de la Justice jouit

    pour excuter, ou mettre en oeuvre, la dcision judiciaire initiale. Cettencessit se trouve encore accrue par la gravit de l enjeu, le risque dune

    perte de libert qui peut atteindre dix ans (article 23 de la loi), voiredavantage (article 22). Un tel internement ne cadrerait plus avec laConvention sil cessait de se fonder sur des motifs plausibles et conformesaux finalits de la loi de dfense sociale; sous langle de larticle 5 (art. 5), ilacquerrait un caractre "illgal" ou "irrgulier". Partant, lintress doit

    pouvoir saisir un "tribunal" comptent pour statuer sur lexistence ou

    labsence de pareil manquement; il doit en avoir la facult pendant sa"dtention" - un certain temps aprs le dbut de celle-ci, puis des intervallesraisonnables (voir, mutatis mutandis, larrt X contre Royaume-Uni, prcit,srie A no 46, pp. 22-23, par. 52) - ainsi quau moment dun rinternementventuel sil se trouvait en libert.

    49. Assurment, larticle 5 par. 4 (art. 5-4) ne garantit pas le droit unexamen judiciaire dune porte telle quil habiliterait le tribunal substituersur lensemble des aspects de la cause, y compris des considrations de pureopportunit, sa propre apprciation celle de lautorit dont mane ladcision. Il nen veut pas moins "un contrle assez ample pour stendre

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    chacune des conditions indispensables, selon la Convention, la rgularitou lgalit de la dtention dun individu" en vertu du chapitre VII de la loi

    de 1964; il le commande dautant plus que sauf la qualit mme de rcidivisteou de dlinquant dhabitude, les circonstances justifiant cette dtention lorigine peuvent changer au point de disparatre (voir, mutatis mutandis,larrt X contre Royaume-Uni, prcit, srie A no 46, p. 25, par. 57-58).

    En loccurrence, la Convention exigeait une procdure appropriepermettant une juridiction de dterminer " bref dlai", la demande de M.van Droogenbroeck, si le ministre de la Justice tait en droit de dcider quelinternement continuait rpondre au but et lobjet de la loi de 1964(ibidem). Au regard de larticle 5 par. 4 (art. 5-4), il ne sagissait pas l dunesimple question dopportunit; elle concernait la "lgalit" mme de la

    privation de libert incrimine.

    B. Sur la thse subsidiaire du Gouvernement

    50. Daprs la thse subsidiaire du Gouvernement, plusieurs voies derecours conformes aux prescriptions de larticle 5 par. 4 (art. 5-4) souvraientau requrant:

    (i) provoquer ou engager des poursuites pour squestration arbitraire;(ii) saisir la cour dappel de Gand de tout litige n entre lui et le ministre

    public quant lexcution de larrt du 20 octobre 1970;(iii) linviter le relever des effets de la mesure le frappant;

    (iv) sadresser au prsident du tribunal de premire instance titre de jugedes rfrs;(v) intenter une action sappuyant directement sur larticle 5 par. 4 (art. 5-

    4).Lors des audiences du 20 octobre 1981 et dans son mmoire

    complmentaire de fvrier 1982 (paragraphes 44-45), le Gouvernement arenonc soutenir que M. Van Droogenbroeck aurait pu, de surcrot,introduire devant le Conseil dtat un pourvoi en annulation contre ladcision dinternement.

    La Commission pour rcidivistes (paragraphe 22 ci-dessus) nentre pasdavantage en ligne de compte sur le terrain de larticle 5 par. 4 (art. 5-4). Elle

    nest pas un "tribunal" au sens de la Convention, ne fournit pas aux internsquelle entend les garanties dune procdure judiciaire et, dote dattributionspurement consultatives, na comptence ni pour se prononcer sur la "lgalit"de la "dtention" des intresss, ni a fortiori pour "ordonner" de relcher ceuxdentre eux dont elle estimerait "illgale" la privation de libert (voirnotamment larrt X contre Royaume-Uni, prcit, srie A no 46, p. 23, par.53, et p. 26, par. 61, ainsi que larrt Irlande contre Royaume-Uni, du 18

    janvier 1978, srie A no 25, p. 76, par. 200).51. La premire voie de recours mentionne par le Gouvernement

    (paragraphes 26 et 50 ci-dessus) tend la constatation non seulement dune

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    illgalit, mais aussi dune infraction imputable par hypothse, dans le casdun internement de rcidiviste ou dlinquant dhabitude, un fonctionnaire,

    officier public ou directeur dtablissement pnitentiaire (articles 147 du codepnal et 609 du code dinstruction criminelle), donc dune culpabilitpersonnelle. En outre, le "tribunal" ventuellement saisi, supposer que laprocdure sachve " bref dlai", pourra au mieux condamner le dlinquantet non "ordonner" lui-mme la libration de la victime. Enfin, lactionrisquera de reste inoprante si le prvenu se retranche derrire le"commandement de lautorit lgitime" (article 70 du code pnal), savoir leministre de la Justice.

    52. Quant la deuxime voie de recours allgue, la cour dappel de Gandavait en effet jug, en 1897 et 1914, que les conflits surgissant entre leministre public et un dtenu au sujet de lexcution dune sentence

    rpressive pouvaient tre ports devant la juridiction dont elle manait(paragraphe 28 ci-dessus; paragraphes 35, 39 et 71 in fine du rapport de laCommission; paragraphe 53 du mmoire du Gouvernement). Ainsi que leGouvernement la reconnu en rponse une question de la Cour, cesdcisions anciennes - qui dailleurs navaient pas trait au systme de ladfense sociale - sont cependant demeures isoles et la jurisprudenceultrieure ne les a pas confirmes; on ne saurait en dduire lexistence dunrecours conforme aux exigences de larticle 5 par. 4 (art. 5-4).

    53. Troisime voie de recours invoque, linstance en mainleve organisepar larticle 26 de la loi de 1964 (paragraphe 23 ci-dessus) se droule sanscontredit "devant un tribunal" et sentoure des garanties dune procdure

    judiciaire, mais la demande vise la suppression intgrale de la mise ladisposition du gouvernement, mme quand lintress se trouve en libert. Lecontrle sexerce donc sur lensemble de la mesure et non sur le seulinternement; il concerne moins le "lgalit" de ce dernier que "lopportunitdune extinction anticipe de la peine" prononce par un jugement ou arrtdsormais inattaquables (paragraphe 33 du mmoire complmentaire duGouvernement et Cour de cassation 15 fvrier 1977, paragraphe 14 ci-dessus). Comme le soulignent Commission (paragraphe 74 in fine du rapport)et requrant (observations crites de fvrier 1982), la cour dappel ne saurait"distinguer la privation de libert des mesures de guidance, dassistance ou

    dencadrement" qui resteraient ncessaires, "mme si le comportement actuelde lintress ntait absolument plus de nature justifier lgalement lapoursuite de linternement". En outre, les intervalles de trois, voire cinq ansqui doivent sparer deux saisines de lautorit judiciaire se rvlent tropespacs pour tre "raisonnables" sous langle de larticle 5 par. 4 (art. 5-4)(paragraphe 48 ci-dessus). Surabondamment, il chet de noter que lexamendes demandes de M. Van Droogenbroeck a pris sept mois pour la premire(12 mai-13 dcembre 1976, paragraphe 14 ci-dessus) et six pour la seconde(16 septembre 1979 - 18 mars 1980, paragraphe 18 ci-dessus), ce quisaccorde mal avec la notion de "bref dlai".

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    54. Pour le Gouvernement, le juge des rfrs (paragraphe 29 ci-dessus)reprsente "le dernier rempart, sil devait en exister un, des liberts

    individuelles" dans le systme juridique belge. On peut le saisir en casdurgence et sur la base de la comptence gnrale dont linvestit larticle 584du code judiciaire: statuer "au provisoire (...) en toutes matires, sauf cellesque la loi soustrait au pouvoir judiciaire".

    Il offre manifestement les caractristiques dun "tribunal" au sens delarticle 5 par. 4 (art. 5-4). En outre, par la nature mme de son rle il paratappel se prononcer " bref dlai". Sans doute ne rend-il sa dcision qu"au

    provisoire", mais elle est "immdiatement excutoire, nonobstant tout recoursventuel" (paragraphe 56 du mmoire du Gouvernement).

    Ses attributions se trouvent dfinies en termes larges. De plus, les travauxprparatoires et lexpos des motifs du code judiciaire montrent quelles

    stendent toutes les affaires, civiles, administratives et pnales, qui relventdes tribunaux, hormis celles pour lesquelles la lgislation pnale ou de

    procdure pnale ouvre des voies de recours spcifiques. Daprs leslments dinformation recueillis par la Cour, lexception vise la fin delarticle 584 concerne les domaines du ressort de lexcutif, mais ellenempche pas de censurer des actes illgaux de ce dernier.

    La Cour reconnat aussi le grand intrt de la jurisprudence mentionnepar le Gouvernement. Elle note en particulier que les 22 fvrier, 20 mai et 14aot 1980, le juge des rfrs de Bruxelles a "enjoint" ltat belge,dfendeur, de "librer immdiatement" des personnes dont il estimait ladtention "illgale" (Journal des Tribunaux 1980, pp. 578-580). Lesordonnances en question sont cependant postrieures au rinternement (21dcembre 1977) et, sauf la plus ancienne dentre elles, llargissement deM. Van Droogenbroeck (18 mars 1980). En outre, bien que relatives desmesures privatives de libert elles ne portaient pas sur la loi de 1964: la

    premire et la troisime avaient trait la mise de non-ressortissants ladisposition du gouvernement, au titre de la lgislation sur la police destrangers, la deuxime - contre laquelle ltat belge a interjet appel - larvocation dune libration conditionnelle.

    Il nen va pas de mme dune ordonnance plus rcent (Note du greffe:Dcisions apparemment indites la date de ladoption du prsent arrt): le

    16 novembre 1981, le juge des rfrs de Bruxelles sest estim comptentpour examiner une demande qui linvitait commander llargissement dunepersonne dtenue, en vertu de larticle 14 de la loi de 1964, lannexepsychiatrique dun centre pnitentiaire; les circonstances de la cause lontcependant conduit dire pour droit quil ny avait pas lieu rfr.

    Dun autre ct, le 10 juillet 1981 le prsident du tribunal de premireinstance de Nivelles a dclin sa comptence pour prescrire la restitution dunmetteur de radiodiffusion et de son antenne, saisis le 3 juin 1981 sur plaintede la Rgie des tlgraphes et tlphones. (Note du greffe: Dcisionapparemment indites la date de ladoption du prsent arrt.) La cour

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    dappel de Bruxelles a confirm cette dcision le 18 janvier 1982; renvoyant de la jurisprudence, tant belge que franaise, antrieure au code judiciaire,

    elle a dclar que "le juge civil, et par consquent le juge des rfrs, estincomptent pour connatre des actes dune instruction criminelle".

    Eu gard ce qui prcde, le recours au juge des rfrs ne parat pas laCour rpondre, en lespce, aux exigences de larticle 5 par. 4 (art. 5-4) de laConvention, et ce pour les raisons suivantes.

    Dune part, il sagit pour linstant de questions de droit interne belgeindcises (voir, mutatis mutandis, larrt Deweer prcit, srie A no 35, p. 28in fine), dune jurisprudence trs rcente, en train de se former et qui prte controverse. Le Gouvernement la combattue devant les juridictionsnationales; il ne la invoque devant la Commission ni sur le terrain delarticle 26 (art. 26) de la Convention ni sur celui du fond. Or une voie derecours doit exister avec un degr suffisant de certitude, sans quoi luimanquent laccessibilit et leffectivit requises par larticle 5 par. 4 (art. 5-4)(voir, mutatis mutandis, larrt De Wilde, Ooms et Versyp, prcit, srie A no

    12, p. 34, par. 62. Au moins lpoque des faits litigieux, cette condition nese trouvait pas ralise quant la possibilit de sadresser au juge des rfrsdans le domaine de la loi de 1964.

    En second lieu, comme le juge des rfrs ne statue qu"au provisoire" sadcision ne porte pas prjudice au principal (article 1039 du code judiciaireet, mutatis mutandis, larrt Deweer prcit, srie A n o 35, p. 28, a), in fine) etne revt pas lautorit de la chose juge. De plus, lvolution de la

    jurisprudence ne montre pas jusquici avec assez de clart si le contrle de"lgalit" opr par le juge des rfrs prsente lampleur voulue par larticle5 par. 4 (art. 5-4) (paragraphe 49 ci-dessus). Il faut donc connatre le jugehabilit vider le contentieux "au principal". La Cour ayant soulev laquestion lors des audiences, le Gouvernement a rpondu quil sagirait dutribunal de premire instance. Il na pourtant apport aucun lment lappuide cette indication, ni sur le point de savoir comment assurer actuellement lerespect de "bref dlai".

    55. Quelques-unes des rflexions qui prcdent valent aussi pour lacinquime et dernire ressource signale par le Gouvernement.

    Le 28 fvrier 1979, la cour dappel de Mons a prononc un arrt daprs

    lequel il incombe au tribunal de premire instance, dfaut de texte spcial eten vertu de larticle 568 du code judiciaire, dexaminer un recours qui sefonde demble sur larticle 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention pour contesterla validit dune privation de libert (Journal des Tribunaux, 1979, pp. 358-361). Il sagissait de linternement dun individu qui, "au moment des faits",se trouvait "dans un tat grave de dsquilibre mental le rendant incapable ducontrle de ses actions", matire que rgissent les chapitres II V (articles 7 20) de la loi de 1964. La Cour de cassation a censur cette dcision le 14

    Note du greffe: Dcisions apparemment indites la date de l'adoption du prsent arrt.

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    fvrier 1980, mais par des motifs trangers la recevabilit du recours,quelle parat au contraire avoir implicitement reconnue (Revue de droit pnal

    et de criminologie, 1980, pp. 765-790, avec les conclusions conformes duministre public).

    De leur ct, un arrt du 22 aot 1974 (Cour militaire, Journal desTribunaux, 1974, pp. 611-612) et un jugement du 10 juin 1976 (conseil deguerre en campagne, chambre du conseil, ibidem, 1976, pp. 646-647) ontadmis, sur la base de larticle 5 par. 4 (art. 5-4), que rien nempche unmilitaire plac en dtention prventive par la "Commission judiciaire" derclamer son largissement devant le conseil de guerre ou la Cour militaire,selon le cas. La comptence de ceux-ci, ont-ils prcis, ne drive pas de "lalgislation interne en vigueur", mais dune "cration jurisprudentielle" dont lasource rside "dans un trait international et dans le principe de la

    prminence de la rgle de droit conventionnel international"; partant, elle selimite ce quexige larticle 5 par. 4 (art. 5-4) (vrification de la lgalit, nonde lopportunit).

    La Cour a dj eu loccasion de souligner limportance et lesconsquences de lincorporation de la Convention lordre juridique interne(arrt Irlande contre Royaume-Uni, prcit, srie A no 25, p. 91, par. 239) etde son applicabilit directe (arrt De Wilde, Ooms et Versyp, prcit, srie Ano 12, p. 46, par. 95; arrt Van Oosterwijck du 6 novembre 1980, srie A no

    40, p. 16, par. 33). Toutefois, ltat dfendeur "ne connat pas de dcisionstatuant sur un recours directement fond sur larticle 5 par. 4 (art. 5-4) de laConvention, et introduit par un rcidiviste mis la disposition dugouvernement" (paragraphe 39 du mmoire complmentaire). De celles quilnumre, les plus anciennes (1974/1976) se rapportent la dtention

    prventive de militaires. Larrt rendu par la cour dappel de Mons le 28fvrier 1979 avait bien trait une forme de privation de libert qui relve deschapitres II V - et non, comme en lespce, du chapitre VII - de la loi dedfense sociale. Il sagit pourtant dune dcision isole, non expressmentconfirme par la Cour suprme sur le point considr et, au demeurant,

    postrieure au rinternement de M. Van Droogenbroeck. L encore lajurisprudence belge parat en mouvement et lon ignore jusquo elle ira danslaffirmation dun pouvoir judiciaire de contrle.

    56. La Cour nexclut en aucune manire que lexercice combin, parallleou successif (voir, mutatis mutandis, larrt X contre Royaume-Uni, prcit,srie A no 46, p. 26, par. 60) dun recours au juge des rfrs et dune action"au principal" sur la base de larticle 5 par. 5 (art. 5-5) puisse, au terme delvolution frappante analyse plus haut, conduire un rsultat conforme aux

    prescriptions de ce texte. Elle doit nanmoins constater que pareil rsultat napas t atteint en lespce; il ya a donc eu violation de larticle 5 par. 4 (art. 5-4).

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    III. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE LARTICLE 4 (art. 4)

    57. Lintress invoque aussi larticle 4 (art. 4), ainsi libell:"1. Nul ne peut tre tenu en esclavage ni en servitude.

    2. Nul ne peut tre astreint accomplir un travail forc ou obligatoire.

    3. Nest pas considr comme travail forc ou obligatoire au sens du prsentarticle:

    a) tout travail requis normalement dune personne soumise la dtention dans lesconditions prvues par larticle 5 (art. 5) de la (...) Convention, ou durant sa mise enlibert conditionnelle;

    (...)."58. En premier lieu, sa mise la disposition du gouvernement laurait

    plac dans un tat de "servitude" contraire au paragraphe 1: elle lauraitassujetti "au bon vouloir de ladministration".

    La situation incrimine na pas enfreint larticle 5 par. 1 (art. 5-1)(paragraphe 42 ci-dessus). Partant, elle ne pourrait sanalyser en servitude quesi elle avait impliqu une forme "particulirement grave" de "ngation de lalibert" (paragraphes 79-80 du rapport de la Commission), ce qui na pas tle cas.

    59. M. Van Droogenbroeck se plaint en outre davoir t, au mpris duparagraphe 2 de larticle 4 (art. 4-2), "contraint" de travailler pour gagner12.000 FB. Daprs le Gouvernement, on ly a seulement "invit".

    La Cour estime pouvoir laisser ouverte cette question de fait. A partir dumoment o llargissement dpend de la possession dun pcule rsultant dela rtribution de tches accomplies dans un tablissement pnitentiaire(paragraphes 13, 16 et 17 ci-dessus), on se rapproche en pratique dunevritable obligation.

    Il ne sensuit pourtant pas que le grief soit fond. En effet, lamconnaissance de larticle 5 par. 4 (art. 5-4) (paragraphe 56 ci-dessus)nentrane pas celle de larticle 4 (art. 4): par son paragraphe 3 a) (art. 4-3-a),il autorise le travail requis normalement de personnes dont, comme en

    loccurrence, la privation de libert nenfreint pas le paragraphe 1 de larticle5 (art. 5-1). De plus, le travail demand M. Van Droogenbroeck na pasexcd les limites "normales" en la matire car il tendait laider sereclasser dans la socit et avait pour base lgale des textes dont on rencontrelquivalent dans certains autres tats membres du Conseil de lEurope(paragraphe 25 ci-dessus et, mutatis mutandis, arrt De Wilde, Ooms etVersyp, prcit, srie A no 12, pp. 44-45, par. 89-90).

    60. Les autorits belges nont donc pas manqu aux exigences de larticle4 (art. 4).

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    IV. SUR LAPPLICATION DE LARTICLE 50 (art. 50)

    61. Lors des audiences, lun des avocats du requrant a pri la Courdaccorder son client, si elle constate une violation de la Convention, unesatisfaction quitable au titre de larticle 50 (art. 50). Il a dclar sen remettre elle en ce qui concerne les "dommages matriel et moral"; quant aux "fraiset honoraires", il les a numrs dans une note que le secrtaire de laCommission a communique au greffier 14 dcembre 1981.

    Le Gouvernement, lui, na pas pris position.62. Bien que souleve en vertu de larticle 47 bis du rglement, la question

    ne se trouve donc pas en tat. En consquence, la Cour doit la rserver; dansles circonstances de la cause, elle estime quil chet de la renvoyer lachambre conformment larticle 50 par. 4 du rglement.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, A LUNANIMITE

    1. Dit quil ny a pas eu violation de larticle 5 par. 1 (art. 5-1) de laConvention;

    2. Dit quil y a eu violation de larticle 5 par. 4 (art. 5-4);

    3. Dit quil ny a pas eu violation de larticle 4 (art. 4);

    4. Dit que la question de lapplication de larticle 50 (art. 50) ne se trouve pasen tat;a) en consquence, la rserve en entier;

    b) la renvoie la chambre en vertu de larticle 50 par. 4 du rglement.

    Rendu en franais et en anglais, le texte franais faisant foi, au Palais desDroits de lHomme Strasbourg, le vingt-quatre juin mil neuf cent quatre-

    vingt-deux.

    Grard WIARDAPrsident

    Marc-Andr EISSENGreffier

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