arbitrage interne et international

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DROIT ET PRATIQUE DE L’ARBITRAGE INTERNE ET INTERNATIONAL FADY NAMMOUR Troisième édition BRUYLANT DELTA L.G.D.J

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L’expansion de l’arbitrage comme un moyen de règlement des litiges enmatière de commerce international a eu un impact considérable sur saréglementation au Maroc.

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  • DROIT ET PRATIQUE DE LARBITRAGE INTERNE ET

    INTERNATIONAL

    FADY NAMMOUR

    Troisime dition

    BRUYLANT DELTA L.G.D.J

  • DANGER

    LE PHOTOCOPILLAGE

    TUE LE LIVRE

    Lobjet du logo qui figure ci-dessus est dalerter le lecteur sur la menace que reprsente pour lavenir de lcrit, le dveloppement massif du photocopillage. Or, cette pratique sest gnralise dans les tablissements denseignement suprieur, entranant une forte baisse des achats de livres, au point que la cration et ldition des uvres nouvelles par les auteurs sont aujourdhui menaces.

    _________________ Cette uvre est protge par les dispositions de la loi libanaise n 75 du 3 avril 1999 relative la proprit littraire et artistique et aux droits dauteur. Ces droits sont la proprit exclusive de lauteur. Toute reproduction intgrale ou partielle, par quelque moyen que ce soit, non autorise par lauteur ou ses ayants droit, est strictement interdite. 1e dition, mars 2000 2e dition, septembre 2005 3e dition, juillet 2009 Etablissements Emile Bruylant, S.A. Rue de la Rgence 67, 1000 Bruxelles. Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence, E.J.A, Paris, 31, rue Falguire, 75741 Paris cedex 15, ditions DELTA, Jdeidet El-Metn, Beyrouth, Liban. Tl : 01-898085/Fax : 04-411189 2009 Imprim au Liban ISBN : 978-2-8027-2822-1

  • PREFACE DE LA PREMIERE EDITION Larbitrage jouit du prestige dune justice libre de la pesanteur de lappareil judiciaire et affranchie du carcan des textes; celle quun sage peut rendre sous un chne ou sous un cdre la seule lumire de sa conscience. Cette perception idyllique est dmentie par lexistence dun droit de larbitrage; existence paradoxale, puisque, n de la libert contractuelle, ce mode de rglement des litiges ne devrait relever que de la thorie gnrale du contrat. En ralit, si les volonts individuelles peuvent contourner le service public de la justice, elles ne peuvent pas saffranchir des grands principes qui gouvernent le procs, et notamment celui du contradictoire. Elles ne peuvent pas non plus esquiver le contrle de la justice de lEtat, notamment parce quil peut tre demand ce dernier de prter son bras sculier lexcution de la sentence. Ainsi sest form et dvelopp un droit de larbitrage. Il a fait fleurir de nombreux ouvrages dans la doctrine franaise; la doctrine libanaise a t moins fconde. Cest pourquoi il faut savoir gr M. Fady NAMMOUR de lavoir enrichi du livre que nous avons lhonneur et le plaisir de prsenter au public. Un livre qui est publi un moment opportun, celui o le Liban reconquiert une place de premier plan dans la vie commerciale et conomique du Moyen Orient, ce qui lappelle naturellement connatre un large usage de larbitrage. Ce livre est le fruit de lexprience acquise par M. NAMMOUR en sa double qualit denseignant et davocat, mais aussi le fruit de la vaste et solide culture juridique quil a amasse au cours dun brillant parcours universitaire dans une facult franaise, qui a t couronne par une thse trs remarque sur les clauses de secret. La confidentialit nest-elle pas justement le principal attrait de larbitrage ? Ce qui ne doit pas conduire, comme on peut reprocher lauteur de le faire, en minimiser les autres avantages, mme sils ne sont pas toujours au rendez-vous : rapidit, comptence des arbitres, souplesse offerte par lamiable composition Classiquement, M. NAMMOUR prsente successivement les deux volets quimpose la matire : celui de larbitrage interne, celui de larbitrage international. Lun et lautre sont ordonns selon un plan transparent et judicieusement agenc, ce qui permet au lecteur de trouver sans peine la question particulire qui le proccupe. Les rgles du droit libanais y sont constamment confrontes celles du droit franais et la comparaison est fructueuse. Les dveloppements qui sont consacrs lun et lautre brillent par leur clart, par leur ralisme, par ltendue et la sret de la documentation. Grce ce faisceau de qualits, ce livre que son auteur destinait essentiellement aux tudiants, qui y trouveront leur provende, sera galement un prcieux instrument de travail pour les praticiens. Ainsi sont runis tous les ingrdients du succs; ce succs, nous en prenons volontiers le pari, car nous pressentons pour le livre de M. NAMMOUR lavenir dun ouvrage de rfrence.

    Michel CABRILLAC Professeur mrite la Facult de droit

    de Montpellier

  • A Chlo, Marie. Petit Ange venu du ciel.

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    SOMMAIRE

    INTRODUCTION LIVRE PREMIER : ARBITRAGE INTERNE PREMIERE PARTIE : CONVENTION DARBITRAGE

    Titre I : Rgles communes la clause compromissoire et au compromis darbitrage

    Chapitre 1 : Matires Chapitre 2 : Parties larbitrage

    Titre II : Rgles spcifiques la clause compromissoire et au compromis darbitrage

    Chapitre 1 : Clause compromissoire Chapitre 2 : Compromis darbitrage DEUXIEME PARTIE : CONTENTIEUX ARBITRAL

    Titre I : Priode arbitrale

    Chapitre 1 : Tribunal arbitral Chapitre 2 : Procdure arbitrale Chapitre 3 : Sentence arbitrale Titre II : Priode post-arbitrale Chapitre 1 : Excution de la sentence Chapitre 2 : Voies de recours LIVRE DEUXIEME : ARBITRAGE INTERNATIONAL PREMIERE PARTIE : CONVENTION DARBITRAGE INTERNATIONAL Titre I : Rgime de la convention darbitrage international Chapitre 1 : Validit de la convention darbitrage international Chapitre 2 : Autonomie de la convention darbitrage international Titre II : Effets de la convention darbitrage international Chapitre 1 : Effets entre les parties Chapitre 2 : Effets lgard des tiers

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    DEUXIEME PARTIE : CONTENTIEUX ARBITRAL

    Titre I : Priode arbitrale Chapitre 1 : Tribunal arbitral Chapitre 2 : Procdure arbitrale Chapitre 3 : Sentence arbitrale Titre II : Priode post-arbitrale Chapitre 1 : Reconnaissance et excution de la sentence Chapitre 2 : Voies de recours

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    TABLE DES ABREVIATIONS

    Al Adl Revue Al Adl (Ordre des avocats de Beyrouth). Baz Jamil Baz (Recueil des arrts de la Cour de Cassation libanaise). Bibl. dr. pr. Bibliothque de droit priv. Bull. CCI Bulletin de la Cour Internationale darbitrage de la CCI. Bull. civ. Bulletin des arrts de la Cour de Cassation- chambres civiles. Cassand Cassandre (Revue libanaise de jurisprudence dite par IDREL) CA Cour dappel Cass. civ. Cour de Cassation - chambre civile Cass. com. Cour de Cassation - chambre commerciale Cass. lib. civ. Cour de Cassation libanaise - chambre civile CCI Chambre de commerce Internationale C.civ. Code civil C.com Code de commerce C. com. lb. Code de commerce libanais CEIPI Centre dEtudes Internationales de la Proprit Industrielle CNUDCI Commission des Nations pour le Droit Commercial International COC Code des obligations et des contrats D. Dalloz- Sirey (Recueil) DA Dalloz Affaires DH Dalloz hebdomadaire Doss. Br. Dossiers Brevets DP Dalloz Priodique (Recueil) DPCI Droit et pratique du commerce international Dr. soc. Droit social Ed. Edition Gaz. Pal. Gazette du Palais Hat. Hatem (Recueil de jurisprudence libanaise) Ibid Ibidem IDREL Institute for Documentation and Research on Lebanon Inf. rap. Informations rapides JCL Jurisclasseur ditions techniques JCP G Jurisclasseur priodique dition gnrale JCP.CI Jurisclasseur priodique dition Commerce et Industrie JCP. E Jurisclasseur Priodique dition Entreprise JCP.G Jurisclasseur Priodique dition Gnrale JDI Journal du droit international JO Journal officiel LGDJ Librairie gnrale de droit et de jurisprudence Libr. Tech. Librairie technique NCPC Nouveau code de procdure civile Op. cit. opere citato PIBD Proprit industrielle, Bulletin documentaire Prc. Prcit PUF Presses Universitaires de France RDAI/IBLJ Revue de droit des affaires internationales

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    Rec. CE Recueil des dcisions du conseil dEtat (Lebon) Rf. Rfrence Rep. proc. civ. Rpertoire de procdure civile, Dalloz Rep. com. Rpertoire de droit commercial, Dalloz Rev. Huiss Revue des Huissiers Rev. crit. DIP Revue critique de droit international priv Rev. arb. Revue de larbitrage Rev. lib. arb. Revue libanaise de larbitrage arabe et international Rev. jud.lib. Revue judiciaire libanaise Rev. jur. Revue de jurisprudence commerciale (ancien journal des agrs) RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires-Francis Lefbvre RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial Somm. com. Sommaires comments Trib. gr. inst. Tribunal de Grande Instance Trib. pr. Inst. Tribunal de Premire Instance Trib. civ. Tribunal civil Trib. com. Tribunal commercial

  • INTRODUCTION

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    I- GENERALITES

    1. DROIT DE LARBITRAGE

    1 Dfinition. Larbitrage nest pas dfini par la loi. Doctrine et jurisprudence saccordent pour le caractriser par la mission juridictionnelle confie larbitre (V. par ex. R. DAVID, Larbitrage dans le commerce international, Economica, 1982 n 29; V. A. KASSIS, Problmes de base de larbitrage, T1, Arbitrage juridictionnel et arbitrage contractuel, LGDJ, 1987; L. CADIET, Droit judiciaire priv, Litec 1998, n2000, p 843; V. A. LEFEBVRE-TEILLARD, Arbiter, arbitrator seu amicabilis compositor, Rev. arb. 2008 p 369s). En effet, larbitrage est un mode de traitement des litiges, juridictionnel, par lequel les parties investissent une personne prive appele arbitre pour la circonstance, du pouvoir de juger. A ce propos, MOTULSKY estimait que lexistence de larbitrage dpend de la nature de la mission confie aux personnes dont lactivit est en cause observant que si cette mission consiste statuer sur une prtention juridique (..) il sagit dun arbitrage (Ecrits, T II, Etudes et notes sur larbitrage, Dalloz 1974 prf. B. GOLDMAN et Ph. FOUCHARD). Cest donc la mission juridictionnelle qui dfinit larbitrage (Cass. civ. 2e, 24 juin 2004, Rev. arb. 2004 p. 738 ; v. aussi Paris 7 fvrier 2002, Gaz. Pal., Rec. 2002, somm. p 756, J. n164, 13 juin 2002, p 26). Celle-ci rsulte non pas des termes ou des qualifications retenus par les parties mais de lanalyse de la mission confie au tiers telle qu'elle rsulte de la relle volont des parties souverainement apprcie par le juge (Cass. lib. civ. 5e, arrt n98, 29 mai 2003, Rev. lib. arb. 2003 n27 p26; Paris 1e ch., 14 mars 2002, Gaz. Pal., Rec. 2002, somm. p 756, J. n164, 13 juin 2002 p29; Paris 1e ch., 21 novembre 2001, RTD com 2002, p 40, Chron. E. LOQUIN). Ainsi dfini, larbitrage est une justice prive (Cass. lib. civ. 5 ch., 25 juin 2002, Rev. lib. arb. 2002 n23 p34) dorigine conventionnelle. Il bnficie donc dune nature mixte et hybride (Paris 28 avril 2004, Rev. arb. 2004, somm p 725 : Larbitrage prsente un caractre hybride, savoir conventionnel mais aussi processuel ).

    2. DROIT A LARBITRAGE

    2 Affirmation du principe. Larbitrage est une forme de justice contractuelle trs ancienne. Il merge du droit naturel (Pandectes franaises publies sous la direction de M. RIVIERE, Libr. MARESQ AINE-PLON, T. VIII, 1890, v Arbitrage civil, chapitre premier). En droit codifi, on peut citer son actif deux principes, constitutionnel et civil du droit libanais: le droit de proprit est protg par la loi, nul ne peut tre dpossd de sa proprit sous rserve des causes dutilit publique (Constitution du 23 mai 1926, art. 15.) et, les particuliers peuvent rgler leurs rapports juridiques leur gr sous rserve des exigences de lordre public, des bonnes moeurs et des dispositions lgales impratives (Art. 166 a contrario COC). Ces deux principes signifient que toute personne peut disposer librement des droits quelle possde et dcider de les soumettre larbitrage. Donc, ce droit larbitrage est une rgle de droit commun qui ne connat de tempraments que de manire exceptionnelle, dans des hypothses dtermines o la loi prohibe larbitrage pour des considrations dordre public ou de bonnes moeurs ou parce que contrevenant des dispositions lgislatives impratives (V. J.-L. DELVOLVE, Le droit larbitre, Gaz. Pal, 1995, 1, 473). La reconnaissance du droit larbitrage est favorise par la "politique jurisprudentielle" actuelle considrant larbitrage comme un mode courant de rglement des litiges et la comptence arbitrale, comme "une comptence qui nest pas une exception la comptence des juridictions tatiques " (Paris 13 fvrier 2003 Rev. arb. 2004 p 317s note J.-B. RACINE).

    3 Besoin darbitrage. Larbitrage est un besoin : besoin dtre jug ailleurs que devant les tribunaux notamment, dans un souci de confidentialit et besoin dtre jug autrement, notamment, afin dtre certain sur la conduite de la procdure (B. OPPETIT Philosophie de larbitrage commercial international, Clunet, p 811; Cf. J.-M. COULON et T. GRUNBACH, Lgalit devant la justice, in Ce qui a chang dans la justice depuis 20 ans, Dossier Justices, Dalloz 2000, p 83s spc. p 87).

    4 Droit daccs la justice. En retenant larbitrage comme mode de solution de leurs diffrends, les parties exercent leur droit daccs la justice (V. N. DIAB, Le droit fondamental la justice, prf. B. TABBARAH, d. Bruylant - Delta - LGDJ 2005) comme moyen daccs au droit . Egalement, elles dcident daccder au droit comme alternative laccs en justice (V. F.

  • INTRODUCTION

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    VALENCIA, Parties faibles et accs la justice en matire d'arbitrage, Rev. arb. 2007 p 45). Ce faisant, les parties expriment leur droit un juge priv au mme titre que le droit un juge judiciaire et leur droit au droit (J.-M. VARAUT, Le droit au droit, pour un libralisme institutionnel, coll Libre Echange , PUF 1986) en vertu de la libert procdurale dont dispose tout contractant (L. WILLER, La libert procdurale du contractant, prf. J. MESTRE, PUAM 2004).

    5 Droit spcifique. Ladoption de larbitrage comme mode et moyen daccs la justice

    implique ncessairement quon llve au rang de droit spcifique de la personne (Beyrouth 3e ch, arrt n1815, 26 octobre 2001 Rev. lib. arb. 2004 n32 p 24 ; Al Adl 2005, jur. p 309s ; v. N. DIAB, Immunit de juridiction, droit fondamental daccs la justice et arbitrage, rflexions autour de larrt de la Cour dappel de Beyrouth du 26 octobre 2004, Ibid p 170s). La Cour de justice des communauts europennes dsigne ce droit sous lexpression de protection juridictionnelle des droits faisant partie des principes gnraux du droit qui trouvent leur base dans les traditions constitutionnelles communes aux Etats membres (CJCE, 15 mai 1986, D 1986 IR p. 454 obs. L. CARTON). En outre, le Conseil Constitutionnel franais a depuis longtemps donn laccs la justice valeur constitutionnelle (R. CHAPUS, Contentieux administratif, d. Montchrestien 2001, p 116s).

    3. ARBITRAGE ET DROITS DE LHOMME

    6 Procs quitable. La reconnaissance aux parties dun droit daccs la justice trouve cho dans le principe selon lequel le litige doit tre tranch par un arbitre indpendant et impartial (P. CROCQ, Le droit un tribunal impartial, in Liberts et droits fondamentaux prc. p 413s; F. QUILLERE-MAJZOUB, Le droit au procs quitable, Al Adl 2002, p 246). Ce principe, dcoule naturellement du droit de chacune des parties un bon juge (N. DIAB, Le droit fondamental la justice, prc., p 108s). Limportance de lindpendance est telle quelle constitue un des critres de la notion de juridiction (CJCE, 4e ch, 27 janvier 2005 aff. C. 125/04 JCP G 2005, II-10079 note G. CHABOT; v. aussi CJCE 29 novembre 2001, de Coster JCP G 2002, II-10160 note J. PERTEK; Ces principes sont consacrs par plusieurs traits internationaux : art. 10 de la Dclaration universelle des droits de lHomme (DUDH); larticle 6-1 de la Convention europenne des droits de lHomme (CEDH); art II-107 du Trait de la Constitution europenne).

    7 Applicabilit de la CEDH larbitrage. La question sest pose de savoir si larticle 6-1 CEDH est applicable larbitrage (A. C. FAVRE-BULLE, G.A. DAL, G. FLECHEUX, P. LAMBERT et A. MOURRE, Larbitrage et la convention europenne des droits de lhomme, Bruylant. Coll. Droit et justice n31, 2001). Le recours larbitrage, la violation des principes dindpendance et dimpartialit exigs chez larbitre, permettent-ils la partie lse de saisir la Cour internationale ? Malgr les rserves de certains auteurs estimant "quil existe une incompatibilit matrielle entre lapplication de la convention europenne des droits de lhomme, mme en imaginant de la modifier, et larbitrage" (Ch. JARROSSON. Larbitrage et la convention europenne des droits de lhomme, Rev. arb. 1989, p.573), larticle 6 1 CEDH interfre dans la procdure arbitrale dans des conditions dtermines (J-F. FLAUSS, Lapplication de larticle 6-1 de la Convention europenne des droits de lhomme aux procdures arbitrales, Gaz. Pal. 1986, 2e sem, Doct. p. 407; V. A. MOURRE, Le droit franais de larbitrage international face la CEDH, Gaz. Pal. Rec 2000, Cahiers de larbitrage n2 p 16s). A ce propos, la Commission europenne considre que larbitrage forc est inluctablement soumis aux garanties procdurales de larticle 6-1 de la convention europenne (CJCE, 4 dcembre 2003, Aff. C-63/01, Evans, Juris-data n2003-240279 ; JTDE n107-2004 p 82 cit par G. CHABOT note sous CJCE, 4e ch., 27 janvier 2005) contrairement l'arbitrage volontaire (A. MOURRE, Le droit franais de larbitrage international face la CEDH, art. prc., spc. p 19). Ds lors, pour tre valable, la procdure darbitrage obligatoire doit tre tablie dans le respect des dispositions de larticle 6-1 CEDH sous le contrle de l'arbitre (V. A. MEZGHANI, Arbitrage forc et fondement contractuel de larbitrage ? Gaz. Pal., Rec. 2003, Doct. p 1635). Ainsi que la jug la Cour dappel de Paris, les arbitres doivent assurer eux-mmes les conditions dun procs quitable, conforme aux principes gnraux, aux dispositions de larticle 6 de la convention de sauvegarde des droits de lhomme (Paris 18 novembre 1987, Rev. arb. 1988, p. 657 note Ph. FOUCHARD cit par A. MOURRE, art. prc.). Le rapport de la CEDH avec larbitrage peut tre rsum ce qui suit : la convention EDH comme tout trait international nengage que les Etats qui lont signe pour des faits qui leur sont imputables

  • INTRODUCTION

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    raison du comportement de leurs organes (excutif, lgislatif, judiciaire ou administratif). La responsabilit internationale dun Etat ne saurait donc dcouler de laction de personnes prives, quelles soient des arbitres, des cocontractants ou des organismes privs comme la Cour internationale darbitrage. Rciproquement, ces mmes personnes prives ne se voient aucunement imposer lobligation de respecter la convention. En revanche, les Etats sont engags par les violations de la convention commises soit directement par leurs propres juges soit indirectement lorsque ceux-ci se bornent contribuer en donnant leur aval la constitution de situations qui y portent atteinte (V. nanmoins Cass. civ. 1e, 20 fvrier 2001, Gaz. Pal., Rec. 2001, somm. p 1893, J. n347, 13 dcembre 2001, p. 29, note M.-L. NIBOYET ; D 2001, Inf. rap. p 903, note X ; Rev. crit. DIP 2002, p 124 note C. SERAGLINI ; Gaz. Pal., Rec 2001, jur. somm. p 29 note X). En dautres termes, larbitre, le centre darbitrage, les parties larbitrage ne sont pas lis par les droits garantis par la convention EDH. Mais le juge tatique, appel intervenir dans lexercice de son contrle de la sentence (comme juge de lannulation ou de lexequatur), doit sanctionner toute violation de la convention, sous peine dengager la responsabilit indirecte de lEtat quil reprsente (V. note X sous Cass. civ. 20 fvrier 2001, Gaz. Pal., Rec. 2002, prc.).

    4. JUSTICE ARBITRALE ET JUSTICE ETATIQUE

    8 Contexte institutionnel et processuel. La justice arbitrale se rapproche de la justice tatique en ce quelle se ralise dans un mme contexte institutionnel: dune part, le litige est tranch par un tribunal (non judiciaire), en loccurrence, le ou les arbitres (Laffirmation de lidentit de juge de larbitre est consacre par la loi, la doctrine et la jurisprudence ; v. Th. CLAY, Larbitre, prf. Ph. FOUCHARD, Dalloz 2001, coll. nouv. bibl. de thses spc. n80s p 64 et les nombreuses rfrences cites) dautre part, le traitement du contentieux arbitral est effectu dans un cadre processuel qui sapparente aux juridictions tatiques: respect des droits de la dfense et des rgles dordre public procdural, motivation, audiences, etc. (Sur cet aspect, v. X. LAGARDE, Droit processuel et modes alternatifs de rglement des litiges, Rev. arb. 2001 p 423; V. M.-C. RIVIER, Justice arbitrale, Rev. just. 1995/1, p 274 etc.). Aussi, estime-t-on que si lon sen tient la fonction de la justice, qui est de trancher le litige, on doit conclure une identification parfaite entre justice arbitrale et justice tatique (R. PERROT, Larbitrage, une autre justice ? LPA 2 octobre 2003, n197, p 32, n4). Nanmoins, la justice arbitrale se distingue nettement de la justice tatique.

    9 Volont des parties. Larbitre est dsign par les parties en vertu dun accord de volont momentan sans aucune dlgation de lautorit publique (Paris 14 octobre 1977 D 1978, p 298 note J. ROBERT ; Cass. civ. 1e, 18 novembre 1986, Rev. arb. 1987, p 149 note J.-L. DELVOLVE ; JDI 1987, p 120 note B. OPPETIT), alors que le magistrat est nomm par lEtat en vertu dune dlgation officielle et permanente. Egalement, il y a une diffrence entre le juge et larbitre quant au fondement de lobligation de dire le droit. En effet, le juge doit appliquer les rgles de droit en raison de la dlgation de pouvoir quil tient de lEtat, alors que larbitre est oblig, non pas par sa fonction mais par sa mission, en ce sens que cest seulement la volont des contractants qui le lui imposerait ; la convention darbitrage oprerait ainsi une contractualisation de lobligation de trancher le litige conformment au droit (E. LOQUIN, JCL Procdure civile, Fasc 1038 n4). Cest ce qui explique que les juges tatiques rendent leurs dcisions au nom du peuple alors que les arbitres le font au nom des seules parties larbitrage. Cela justifie notamment que larbitre ne puisse tendre sa comptence des parties totalement trangres larbitrage, ou ordonner des jonctions ou disjonctions dinstance sans laccord de toutes les parties, et cela explique mme quil nait pas de juridiction gracieuse ou quil ne puisse juger par contumace alors quil le peut par dfaut. Enfin, ltendue des pouvoirs de larbitre est dlimite par la convention des parties, alors que les pouvoirs du juge ne sauraient tre cantonns par les plaideurs.

    10 For. Contrairement au juge judiciaire, larbitre est dmuni de tout ordre juridique tatique (Cf. Th. CLAY, Larbitre, n237s p 195s). Il na pas de for au sens du droit international priv qui implique une localisation tatique cest--dire, lide dune investiture par lEtat et le respect des lois de police et de procdure du lieu du sige, le sige ntant alors quun diminutif de la notion de for . Ainsi, entendu, il est effectivement possible de soutenir que larbitre a

  • INTRODUCTION

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    un sige et point de for (Th. CLAY, Larbitre n258 p 213). Un auteur considre que le for s'est dmatrialis. Il sest, en quelque sorte, dplac dun espace matriel, savoir un territoire, vers un espace symbolique, celui du consentement des parties (M. de BOISSESON, Rflexions sur lespace et le temps dans larbitrage international, in Mlanges P. BELLET, Litec 1991 p 33, spc p 36; V. F. OSMAN, Les principes gnraux du droit de la Lex mercatoria, contribution un ordre juridique anational, prf. E. LOQUIN, Bibl dr. priv T 224, LGDJ 1992 spc p 405s).

    11 Imperium. Larbitre rend une sentence dpourvue de la force excutoire alors que le juge, dtenteur de limperium, appose la formule excutoire ses dcisions (V. Beyrouth 3ch., arrt n686, 8juin 2000 Rev. lib. arb. 2001 n20 p24 qui relve expressment que : Les arbitres nont pas dimperium ). Nanmoins, labsence dimperium ne prive pas larbitre de prescrire aux parties des obligations de faire condition que lexcution force de telles dcisions ne dpendent du contrle pralable de lautorit publique (Paris 1e ch., 19 mai 1998, Gaz. Pal., Rec. 2000, somm. p 172, J. n11, 11 janvier 2000, p 58). Ainsi jug que la mesure prise par la sentence arbitrale contraignant une socit ouvrir un compte squestre et demander son dbiteur, tiers la sentence, d'y verser les fonds dus en vertu de dcisions judiciaires suisses, ne constituait pas une mesure conservatoire mais une obligation de faire non excutoire de droit; le juge de l'excution n'avait pas le pouvoir d'ordonner la mesure sollicite (Cass. 1e civ 4 juillet 2007, JCP E et A 2007 pan 2145 Rev. arb. 008 p 441 note P. CALL).

    5. ARBITRAGE ET CLAUSE ATTRIBUTIVE DE COMPETENCE

    12 Notions. La convention darbitrage doit tre distingue de la clause attributive de comptence dite galement clause attributive de juridiction. En effet, la comptence dune juridiction est gnralement dfinie comme laptitude du juge connatre dune action ou dune dfense (E. GARSONNET, Ch. CEZAR-BRU, Trait thorique et pratique de procdure, Sirey 1912 n 461, 713) ou selon une autre expression la portion de juridiction confie au tribunal (E. GLASSON, A. TISSIER, op. cit., T I n8, 19 sp. n 262s, 673) ou encore la mesure dans laquelle le juge doit exercer son pouvoir de juridiction (R. PERROT, Les institutions judiciaires, Montchrestien n 310; v. aussi P. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire priv T. 2 n1; C. GIVERDON, Rep. pr. civ. Dalloz v. Comptence n1). Il en rsulte que la comptence se rapporte lexercice de ce pouvoir, et, plus prcisment, au corps des rgles qui permettent de rpartir les diffrentes contestations des particuliers entre les diffrentes juridictions. Ds lors, la question de la comptence ne soulve pas le problme de la source du pouvoir mais elle concerne, en aval, les modalits de mise en oeuvre du pouvoir juridictionnel dont lexercice est dlgu par lEtat des juridictions. Au contraire, la clause compromissoire est une convention dinvestiture (M. de BOISSESSON, op. cit. n 113, 94 et les rf. cites) cest--dire, un titre contractuel qui investit larbitre du pouvoir de trancher. Donc, la question de la clause compromissoire se pose en amont, elle fonde le principe mme du pouvoir juridictionnel (V. H. MOTULSKY, Ecrits, t. 2, Etudes et notes sur larbitrage, Dalloz, 1974, spc. p. 189s. et p. 208s. ; Ph. THERY, Pouvoir juridictionnel et comptence, Etude de droit international priv, thse Paris II, 1981, passim; H. GAUDEMET-TALLON, note Rev. crit. DIP, 1974. p 103 ; M.-L. NIBOYET, note Rev. arb. 1991, spc. p. 308 ; J. NORMAND, obs. RTD civ., 1983., 1983. p 781 ; N. DIAB, Les clauses attributives de comptence et les clauses compromissoires en droit international priv, Al Adl 1992, p 20s; V. D. COHEN note sous Cass. civ. 1e, 16 octobre 2001, Rev. arb. 2002 p 919 spc., p 925).

    13 Concurrence entre clause compromissoire et clause attributive de comptence. La question est de savoir quelle clause applique au cas o un mme contrat comporte une clause attributive de comptence aux tribunaux tatiques et une clause compromissoire ? En cas de concurrence entre ces deux clauses (Sur la concurrence entre clause attributive de juridiction et clause compromissoire, v. G. BLANC, Clause compromissoire et clause attributive de juridiction dans un mme contrat ou dans un mme ensemble contractuel : de la concurrence la subsidiarit de la comptence des tribunaux tatiques, JCP E 1991, I, 707 ; Cass. civ. 1e, 28 mars 1995, JCP G 1995 IV-1321 ; Paris 22 novembre 2000 1e, ch. Epoux Saadi c/ Consorts Huon, juris-data n127070), la jurisprudence franaise tend faire prvaloir la convention darbitrage (Nancy 22 novembre 2004, JCP G 2006, IV-1253 faisant prvaloir la clause compromissoire, procdure drogatoire au droit commun alors que la clause attributive de juridiction est une clause usuelle "qui a manifestement t insre dans la convention par inadvertance". Dans le mme sens Paris 11 avril 2002, Rev. arb. 2003 p 1255s obs F. X. TRAIN. Paris 1e ch. 25 octobre 2000, Rev. arb. 2001 p 602 obs. C. LEGROS; Paris 1e dcembre 1995, Rev. arb. 1996, p 456 note J-M. TALAN ; Cass. civ. 2e, 26

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    novembre 1997, Rev. arb. 1997, p 544). D'une part, la simple contradiction dune clause darbitrage avec une clause attributive de juridiction nemporte pas automatiquement lannulation de la clause darbitrage (Cass. civ. 2e, 18 dcembre 2003, Bull. civ. II n393 ; JCP G 2004, II-10075 note C. NOBLOT); il convient de sarrter, au cas par cas, sur la volont commune des parties de faire rgler le diffrend par voie darbitrage et, ce nest que si une telle volont ne se manifeste pas que le juge carte alors les deux clauses inconciliables (Paris 22 novembre 2000, RTD com 2001, p 57 obs. E. LOQUIN ; JCP E 2000 pan p 2027; JCP E 2000, panor p. 2027 ; Gaz. Pal., Rec 2001, somm. p 859, J. n123, 3 mai 2001, p 51 note X. Cass. com. 23 fvrier 1999, Gaz. Pal., Rec 2000, somm. p 2553, J. n337, 2 dcembre 2000, p. 49) ou l'une au profit de l'autre (Cass. civ. 1e, 4 juillet 2006, Rev. arb. 2006, somm p 868). Et, d'autre part, il appartient larbitre par priorit de se prononcer sur la nullit de la clause darbitrage afin de vrifier sa comptence en vertu du principe de la comptence-comptence (Cass. civ. 1e, 14 novembre 2007, Rev. arb. 2008 p 453 note F.-X. TRAIN).

    14 Arbitrage sur arbitrage ne vaut. La question est de savoir si les parties aprs lacceptation dune clause compromissoire insre dans le contrat peuvent convenir ultrieurement dune clause attributive de juridiction ? Selon un auteur averti (Ch. JARROSSON, note sous Paris 29 avril 2003, Rev. arb. 2003 p 1304) : on peut poser a priori dans les clauses de rglement des conflits un principe ainsi formul : Arbitrage sur arbitrage ne vaut. Ce principe signifie que, ds lors quun contrat contient une clause compromissoire, celle-ci exclut a priori toute autre attribution dune mission juridictionnelle un tiers par une autre clause du mme contrat . Lauteur prvoit une limite ce principe : La limite ce principe concerne lexception particulire (qui ne saurait tre recommande), dans laquelle les parties auraient voulu insrer dans un mme contrat deux conventions darbitrage, lune delles, spciale, ne sappliquant qu certains litiges, par exemple en raison de leur technicit toute particulire, lautre ayant un domaine dapplication gnral (rapp. de Ph. PINSOLLE, Difficults lies la dfinition conventionnelle de la comptence arbitrale, RDAI, 2002. p. 238).

    II- MODES VOISINS DE REGLEMENT DES LITIGES

    Larbitrage ne doit pas tre confondu avec les autres modes amiables de rglement des litiges (V. J. Ph TRICOIT, Chronique de droit des modes amiables de rglement des conflits, Rev. arb. 2009 p 207; Rev. arb. 2007 p 123; B. GORCHS, Le contrle judiciaire des accords de rglement amiable, Rev. arb. 2008 p 33s).

    1- CLAUSE DE REGLEMENT AMIABLE

    15 Par la clause de rglement amiable, les parties dcident de rechercher, seules, le rglement amiable du litige naissant. Cette recherche, spontane ou provoque, est ncessairement bilatrale et cre une obligation non pas de transaction mais de ngociation de bonne foi la charge de chacune des parties en cause (J-M. MOUSSERON, Technique contractuelle avec le concours de M.-L. IZORCHE, P. MOUSSERON, J. RAYNARD, F. Lefbvre 1999, n 1874, p 699). Il importe alors, de bien diffrencier ce procd de larbitrage : la clause de rglement amiable dbouche sur une transaction alors que la convention darbitrage, aboutit une sentence dpartageant les droits des litigants.

    2- CONCILIATION

    16 Dfinition. Le mot conciliation dsigne aussi bien laction de concilier que le rsultat de cette action (X. DESDEVISES, Remarques sur la place de la conciliation dans les textes rcents de procdure civile, D.S. 1981 chr., 241, n2, P. Estoup, Etude et pratique de la conciliation, D. 1986, Chr. XXVI). Par la clause de conciliation les parties dcident de recourir un conciliateur charg, limitativement, de tenter un rapprochement entre elles. Si les volonts des parties divergent, le conciliateur se bornera, constater cette situation sans pouvoir imposer aux parties la solution au conflit. Cest cette mme dfinition que retient l'article 1-3 de la loi-type de la CNUDCI du 24 juin 2002 relative la conciliation commerciale internationale (Cf. J.-M. JACQUET, La loi-type de la CNUDCI du 24 juin 2002 sur la conciliation commerciale internationale, Rev.

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    arb. 2004 p 63s. V. le texte de la loi, Rev. arb. 2004, Doc. p143). En fait, le conciliateur organise la ngociation et supprime les obstacles la discussion afin de favoriser la transaction entre les parties (Aix 27 janvier 1994, Bull. Aix. 1994/1 n2).

    17 Conciliation judiciaire. La conciliation est initialement assure par le juge judiciaire. En effet, larticle 375 NCPC libanais prvoit que " la conciliation des parties entre dans la mission du juge ". Contrairement au Code franais (V. art 829 835. V. J. JOLY-HURARD, Conciliation et mdiation judiciaires, prf. S. GUINCHARD, PUAM 2003, spc. p 75), le Code libanais ne rglemente pas la conciliation judiciaire En principe, la conciliation judiciaire a lieu sous le contrle du juge ou entre les seules parties. Dans ces cas, elle peut tre dclenche tout moment de linstance et devant toutes les juridictions de lordre judiciaire, de droit commun comme dexception. La mission de la conciliation judiciaire peut tre dlgue un tiers (Sur la question, V. C.-P. BARNIERE, Nouvelles pratiques des conciliateurs de justice dans les tribunaux dinstance Gaz. Pal., Rec. 2001, Doct. p 3s). Mais, elle ne peut avoir lieu que devant les tribunaux dinstance (J. JOLY-HURARD, spc. p76 n97 et les rf. cites).

    18 Conciliation institutionnelle. La conciliation peut tre institutionnelle. Ici, les parties recourent une institution spcialise dans le rglement amiable de certains litiges. Elles sont alors rputes avoir adhr aux dispositions du rglement interne de ces organismes. Ainsi par exemple, la Chambre de commerce international (CCI) propose depuis le 1er juillet 2001, un rglement ADR (Alternative dispute resolution) qui peut tre utilis aussi bien en matire internationale quen matire interne. De mme, la Commission des Nations Unies pour le dveloppement du commerce international (CNUDCI) a adopt un rglement de conciliation, l'image du Centre international pour le rglement des diffrends relatifs aux investissements (CIRDI) qui consacre dans sa convention le troisime chapitre la conciliation.

    19 Conciliation conventionnelle. La conciliation sera conventionnelle lorsque ses dclenchement, dveloppement et dnouement dpendent de la seule volont des parties en conflit (V. X. LAGARDE, Lefficacit des clauses de conciliation ou de mdiation, Rev. arb. 2000, p 377 et la note de Ch. JARROSSON sous Cass ch. mixte 14 fvrier 2003 rev. arb 2003 p 403). Conformment larticle 366 COC, le juge ne doit pas sarrter au sens littral des termes de la convention mais rechercher la vritable intention des parties (rapp. Paris 20 novembre 2003, Rev. arb. 2004, somm, p 440; 9 avril 1998 D.A. 25 juin 1998, 109 1, note S.P.). Par consquent, une clause qui prvoit uniquement une consultation des parties en vue de soumettre leur diffrend un arbitre ou pour refuser l'arbitrage, n'institue pas une procdure de conciliation obligatoire (Cass. civ. 1e, 6 fvrier 2007, Rev. arb. 2007, somm. p 137).

    20 Fin de non-recevoir. Parfois le contrat comporte une clause de conciliation pralable au jeu de la clause compromissoire, la question est de savoir si le non respect de lobligation pralable de conciliation peut ou non tre sanctionn ? Aprs diverses hsitations de la jurisprudence (V. Cass. civ. 2e, 6 juillet 2000, Cass civ 1e 23 janvier 2001 et Cass civ 1e 6 mars 2001, Rev. arb. 2001 p 749 note Ch. JARROSSON et Cass civ 1e, 6 mai 2003 JCP G 2004, II-10021 note R. COLSON), la Cour de Cassation sigeant en chambre mixte a mis un terme la divergence qui divisait ses diverses chambres. Selon la Haute Cour (Cass. ch. mixte, 14 fvrier 2003, Rev. arb. 2003 p 403 note Ch. JARROSSON), la clause de conciliation pralable au jeu de la clause compromissoire est constitutive dune fin de non-recevoir conventionnelle parfaitement licite ds lors quelle porte sur des droits litigieux disponibles et ne contrevient pas un quelconque texte impratif (En ce sens, art 13 loi-type de la CNUDCI). Le dclenchement de la procdure de conciliation est une obligation de rsultat mise la charge du contractant. Mais lexcution de lobligation de concilier est une obligation de moyens gouverne par la rgle de la bonne foi issue du droit commun. En outre, soulignons que le principe de la comptence-comptence interdit la cour d'appel de mettre en uvre elle-mme la procdure pralable de conciliation qui relve de la comptence des arbitres (Cass. civ. 1e, 6 mars 2007, JCP E et A 2007 pano 1531).

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    21 Limites lexception de fin de non-recevoir. La fin de non-recevoir ne concerne que la

    demande au fond et ne sapplique pas si la demande a pour objet loctroi dune mesure urgente destine sauvegarder des droits (Paris 11 octobre 2006, Rev. arb. 2007 somm p 341; 23 mai 2001, Rev. arb. 2003 p 405, 2e esp. note Ch. JARROSSON). Ainsi, si le prliminaire obligatoire de conciliation interdit le dclenchement de la procdure arbitrale, il nexclut pas pour autant quune partie puisse, en cas durgence, saisir le juge des rfrs dune demande tendant au prononc dune mesure relevant de ses attributions (Paris 14e ch., 23 mai 2001, Rev. arb. 2003 p 405, e esp note Ch. JARROSSON; Gaz. Pal., Rec. 2003, somm. p. 3999, J. n312, 8 novembre 2003, p. 40; V. art 13 in fine de la loi-type CNUDCI).

    3- MEDIATION

    22 Dfinition. Dans la mdiation, une tierce personne est dsigne afin dentendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. La mdiation franchit un degr supplmentaire dans laide la ngociation et se rapproche du seuil contentieux. Le dsaccord entre les parties sest durci et la mdiation apparat comme la dernire opportunit dun rglement pacifique. Dans les clauses contractuelles que nous rencontrons, la mdiation apparat toujours comme ltape pralable au recours juridictionnel. Elle constitue la forme la plus frquente de rglement amiable. L'acceptation de la mdiation nemporte pas en elle mme, dfaut de manifestation de volont non quivoque en ce sens, renonciation larbitrage et acceptation de la comptence de la juridiction tatique (Cass. civ. 1e, 28 janvier 2003, Rev. arb. 2003 p 1337 obs. C. LEGROS ; JDI 2003, p 473, note P. KAHN, Gaz. Pal., Rec. 2003, somm p1846, J. n151, 31 mai 2003, p 19 note X, Dans le mme sens : Paris 1e ch., 25 octobre 2000, Rev. arb. 2001 p 575, obs C. LEGROS).

    23 Mdiation judiciaire. La mdiation peut tre judiciaire. Le Code de procdure civile libanais ne lvoque pas. En revanche, elle est consacre par larticle 131-1 CPC franais. Elle peut tre dclenche devant toutes les juridictions de lordre judiciaire et tout moment de la procdure, dans la mesure o le juge est dj saisi du conflit aux fins de jugement, lequel sera prononc en cas dchec de la mdiation (V. G. PLUYETTE, La mdiation judiciaire, in Mlanges P. DRAI, Dalloz 2000, p 463 ; P. DRAI, Libres propos sur la mdiation judiciaire, in Mlanges BELLET, Litec 1991). Le mdiateur approuv par les parties est retenu par le juge, il a pour mission dcouter les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.

    24 Mdiation institutionnelle. La mdiation peut tre institutionnelle. Plusieurs rglements consacrent la mdiation comme mode de solution des conflits. Ainsi, le prambule du rglement ADR susvis dcrte : faute dun accord entre les parties sur le mode de solution, celle-ci sera la mdiation (V. E. JORGEN PETERSEN, La mise en uvre des ADR dans les grands contrats, Gaz. Pal., 2001, Cahiers de larbitrage 1e partie p. 42 spc. p 46 ; X. LAGARDE, Droit processuel et modes alternatifs de rglement des litiges, Rev. arb. 2001, p 423).

    25 Mdiation conventionnelle. La mdiation est conventionnelle lorsque sa mise en uvre, ses modalits dapplication et ses effets dpendent de la seule volont des parties au litige. Par la clause de mdiation, les parties dsignent un tiers, appel mdiateur ou facilitateur (V. Rglement ADR de la CCI, Art 5-1) afin de les aider trouver une solution leur conflit par la ngociation. La jurisprudence en matire de clauses de mdiation a conclu au moins lexistence dune obligation de discuter, de tenter de ngocier, avant dengager un procs (J. TINSIT, La mdiation : une alternative la justice et non une justice alternative, Gaz. Pal., Rec 2001, les cahiers de larbitrage p 53s spec. p 55). La Cour de Paris a mme estim quelle pouvait apprcier la ralit de cette tentative (Paris 1e ch., 28 septembre 1976, JCP G 1978 II-18810, note J. ROBERT). Cependant, si les parties sont obliges de dclencher la ngociation, elles ne sont pas pour autant obliges darriver une solution sauf le cas de la rupture abusive de la ngociation (P. MAZEAUD, Loyaut, solidarit, fraternit : La nouvelle devise contractuelle ?, Mlanges F. TERRE, Dalloz 1999 p 623s). En pratique, le mdiateur propose, slectionne et recommande des solutions au litige.

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    Linitiative vient donc de lui ; il se distingue par ce trait du conciliateur (B. OPPETIT, Arbitrage, mdiation et conciliation, Rev. arb. 1984, p 307). Les recommandations du mdiateur ne simposent pas aux parties, elles ne sont pas excutoires, en cela, la mdiation se distingue de larbitrage.

    26 Mdiation pnale. Aux termes de larticle 41 du code de procdure pnale franais (CPP fr.) : Le procureur de la Rpublique peut, pralablement sa dcision sur laction publique et avec laccord des parties, dcider de recourir une mdiation sil lui apparat quune telle mesure est susceptible dassurer la rparation du dommage caus la victime, de mettre fin au trouble rsultant de linfraction et de contribuer au reclassement de lauteur de linfraction . La mdiation pnale souffre de dysfonctionnements certains : Sa mise en uvre dpend de la seule volont du procureur de la Rpublique ; elle ne jouera que si la victime obtient rparation et si elle est de nature reclasser lauteur de linfraction. En outre, la libert de celui-ci refuser la mdiation semble compromise. Aussi, certains auteurs rapprochent cette mdiation, de la grce conditionnelle, linitiative du Ministre public et avec laccord de la victime (V. S. GUINCHARD, M. BAUDRAC, X. LAGARDE et M. DOUCHY, Droit processuel, Droit commun du procs, Dalloz, prcis, 2000, n590 p 695).

    27 Fin de non recevoir. La clause instituant une procdure de mdiation pralable la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si une partie l'invoque. Toutefois, une telle clause ne prive pas le juge des rfrs du pouvoir d'allouer, dans les conditions de l'article 873 NCPC franais, une provision au crancier si l'urgence justifie de passer outre le processus de rglement amiable du conflit (Paris 13 octobre 2006, Rev. arb. 2007, somm. p 343).

    28 Mdiation-arbitrage. Les parties peuvent saccorder dans le cadre dune mdiation-arbitrage que le mdiateur, devenu automa-tiquement arbitre, pourra trancher si leur dsaccord persiste. La procdure amricaine dite medacoa autorise le mdiateur intervenir alors comme arbitre, en se basant sur la dernire proposition de chaque partie (R. COULSON, Vue densemble sur larbitrage et les autres formes de rglement extra-judiciaire des litiges, cit par J.-M. MOUSSERON et alii, op. cit., n1887, p 705).

    4- TRANSACTION

    29 Notion. Larticle 1035 COC dfinit la transaction comme Un contrat par lequel les parties, au moyen de concessions mutuelles, terminent une contestation ne ou prviennent une contestation natre ; le juge demeurant matre de la qualification (Cass. civ. 7 octobre 1981, Bull. civ., III, n180). La transaction se rapproche de larbitrage en ce quelle implique une contestation qui divise les parties. Mais, elle sen distingue plus dun titre : 1- la transaction exige des concessions mutuelles, cest--dire, quelle implique des renonciations rciproques de la part de chacune des parties (Cass. civ. 3 janvier 1883 DP 1883, 1, p 457; Beyrouth 29 dcembre 1994 Adl 1994, p 142) alors que, la sentence arbitrale, au mme titre quun jugement dailleurs, peut consacrer la totalit des droits invoqus par lune des parties sils sont justifis. 2- La transaction est par son essence mme un mode conventionnel de traitement des litiges (Art. 1035 COC) et implique la runion dun certain nombre de conditions trs lies sa nature contractuelle (Art. 1036s COC) alors que, larbitrage, bien que trouvant sa source dans un lien contractuel (except le cas de larbitrage obligatoire), demeure un mode juridictionnel de traitement des litiges (J. RUBELLIN-DEVICHI art. prc. n31 et les rf. cites). 3- En cours de transaction, les parties apportent elles-mmes la solution de fond au litige qui les oppose alors, quen matire darbitrage, la rsolution du fond du litige est dcide par un arbitre qui rend une sentence qui leur simpose (Cons. dEtat 19 mai 1893, DP 1894, 3, 91). 4- La transaction, de nature contractuelle, nest pas excutoire si elle nest pas constate par un jugement alors que, la sentence arbitrale, est plus facilement excutoire puisquil suffit quelle soit revtue de la formalit de lexequatur. 5- La transaction est une convention qui peut tre seulement annule ou rescinde dans les cas

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    limitativement numrs par la loi (Art 1037s COC : dol, erreur sur la personne, sur sa qualit ou sur la chose objet de la convention etc...) alors que, la sentence arbitrale, ne peut faire lobjet que de voies de recours.

    5- MINI-PROCES

    30 Mcanisme. Import des Etats-Unis dAmrique, le mini-procs, traduction littrale de la formule mini-trial, consiste en un arbitrage simul. La procdure consiste simuler le procs arbitral, ventuel, devant des personnes tierces faisant fonction de tribunal ou de jury. Les parties changent leurs mmoires et documents, ce qui permet chacune dentre elles, dapprocher et danalyser concrtement les allgations de ladversaire et den apprcier le srieux et leffet rel quelles pourraient avoir sur le juge, selon lopinion de tiers, impartiaux et neutres (neutral adviser). Une premire variante du mini-trial ou mini-hearing entrane la tenue et la communication des mmes dossiers que lon produirait dans le cadre dun contentieux judiciaire ou arbitral, suivies dune discussion politique par les dirigeants notamment des entreprises (V. J.-M. MOUSSERRON et alii, n1881,p 703). Une seconde variante du mini-trial implique en sus des changes crits, la tenue de vritables audiences devant un pseudo-tribunal spcialement constitu pour la circonstance, lequel rendra une pseudo-dcision, dnue de toute force obligatoire, mais, qui permettra nanmoins aux litigants de connatre leurs argumentations respectives et aussi lavis, objectif, des tiers.

    6- EXPERTISE

    31 Intrts. Les parties peuvent conclure une clause dexpertise, ou clause dexpert ou encore clause dexpert neutre par laquelle elles sobligent, en cas de conflit, de recourir une tierce personne, neutre, charge de constater une situation dtermine de fait ou de droit (M.-A. FRISON-ROCHE et D. MAZEAUD (coordination), Lexpertise, thmes et commentaires, Dalloz 1995). Lexpert tablit en quelque sorte ltat (des lieux) du contentieux tel quil est prsent par les parties. A la diffrence du mdiateur, lexpert ne suggre aucune solution. A la diffrence de larbitre, il nen impose aucune. Sa mission consiste simplement clairer le dbat. Le besoin accru dexpertises dans divers domaines amener la CCI fonder un Centre international dexpertise technique en 1976 s'articulant sur un rglement dexpertise qui rgit le fonctionnement du Centre. Suivant lactuel rglement dexpertise en vigueur depuis le 1e janvier 2003 (V. www Iccwbo. org./drs/french/expertise/all topics.-asp), le Centre offre trois services distincts : proposition dun expert (Section II du Rglement), nomination dun expert (Section III du Rglement), et administration de la procdure dexpertise (Section IV du Rglement). DOCDEX. Le Centre international dexpertise administre aussi le rglement dexpertise pour la rsolution des diffrends en matire dinstruments documentaires (DOCDEX) labor par la Commission bancaire de la CCI afin de faciliter le prompt rglement des diffrends survenant dans le cadre des Rgles et usances uniformes relatives aux crdits documentaires (RUU), des Rgles et usances uniformes pour les remboursements entre banques (RUR), des Rgles uniformes pour les remboursements entre banques (RUR), des Rgles uniformes relatives aux encaissements (RUC) et dans le cadre des Rgles uniformes relatives aux garanties sur demande (RUGD). Le systme DOCDEX permet un rglement rapide et fiable des diffrends sous la forme dune dcision prise sur pices par trois experts, aprs consultation du conseiller technique de la Commission bancaire de la CCI et, rendue par le Centre international dexpertise. La dcision DOCDEX nest pas contraignante sauf convention contraire des parties. Dans la plupart des affaires, les parties peuvent esprer une opinion finale dans les six douze semaines aprs la rception de la demande par la CCI, mais des affaires dune exceptionnelle complexit prennent plus de temps. (le texte peut tre consult sur le site : www.iccwbo. org./drs/french/docdex/all.topics.-asp).

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    32 Expert et arbitre. Trois critres distinguent lexpertise de larbitrage: 1-lexpert nomm par les parties est parfois leur mandataire, ce que ne saurait tre larbitre (Sur la question v. Arbitrage et expertise : o sont les frontires ? Confluences juridiques, tudes n6, Gaz. Pal. Rec 2006, doctr. p 967, J n117, 27 avril 2006 p 2). 2- lexpert formule un simple avis mais ne dcide pas (Cf art 327 NCPC lib; Bordeaux, 1e ch. 11 mai 1988, Juris-data n043580 ; v. J-M. MOUSSERRON, M.E. ANDRE, Les alternatives au contentieux judiciaire, colloque de lAss. Marocaine des Juristes dAffaires sur Les juridictions commerciales et le nouvel environnement des affaires en mditerrane, Casablanca 6-7/3-1998) alors que larbitre est investi de la mission de rendre une sentence qui simpose aux parties et qui a lautorit de la chose juge (Req. 7 mars 1888 DP 1889, 1, 32; Paris 17 novembre 1903 DP 1905, 2, 30 ; 1e mars 1951 D. 1951, p 315). 3- lexpert intervient gnralement sur une question technique alors que larbitre se prononce sur un conflit juridique. En effet, si le tiers est simplement charg de constater une situation de fait, cest un expert peu importe la force obligatoire ou non de sa dcision. En revanche, sil lui est demand, en plus, de tirer les consquences juridiques inhrentes la situation de fait, il devient un arbitre. La convention darbitrage met donc ncessairement en cause un problme juridique. Lexpertise, elle, concerne un litige factuel (Paris 28 octobre 2004, Rev. arb. 2004, somm. p 984. V. aussi Paris 14 mars 2002, JCP E 2003, chron 705 par Ch. SERAGLINI).

    33 Expertise amiable. Rien ninterdit des parties en litige, en dehors de toute procdure

    contentieuse devant un juge tatique ou un arbitre, de requrir lavis dun expert sur la manire dont il conviendrait de rgler leur litige en vertu dune clause dite expertise amiable . Il ne sagit pas ncessairement dans cette hypothse de demander lavis du tiers sur une question technique au sens strict du terme, mais davoir recours lui en raison de sa comptence professionnelle relativement la question pose (Ch. JARROSSON, La notion darbitrage, prc. n208 et 236). Rien nempche surtout que ce tiers soit un juriste qui possde les qualifications, lexprience et les comptences ncessaires pour proposer aux parties une solution conforme aux rgles de droit. Pas plus que la mission de lexpert judiciaire, celle de lexpert amiable, quil soit un juriste ou pas, ne peut tre assimile un arbitrage, les parties le dsignent, en effet, pour quil leur donne un avis, mais saccordent pour considrer que cet avis a un caractre strictement consultatif. Une fois cet avis mis, elles seront libres de le suivre ce qui mettra fin leur dsaccord ou de passer outre, et dans cette hypothse, leur litige persistera. Lavis mis par un expert ne jouit pas, en effet, de lautorit de la chose juge (C. LEGROS, note prc.). Il ne constitue donc quune proposition que chaque partie accepte librement dadopter ou non (Ch. JARROSSON, Les frontires de larbitrage, Rev. arb. 2001, p 21s).

    34 Expertise et conciliation. Lexpertise contractuelle est trs proche de la conciliation car lorsque des contrats ou des statuts prvoient une tentative de conciliation, ils en confient souvent le soin des experts (D. VEAUX, Arbitrage, JCL Civil, Art. 2059 2061 Fasc. 1 n 14). Lune des pratiques les plus courantes, en la matire, est celle des compagnies dassurances, qui, pour le rglement des sinistres et notamment lvaluation de lindemnit, prvoient trs souvent, dans leurs polices, la dsignation dune commission dexperts (lun nomm par la compagnie, lautre par lassur), qui est, en ralit, une commission de conciliation car les parties ne sont pas tenues de sincliner devant ses conclusions, et peuvent toujours saisir la justice au cas de dsaccord.

    7- ARBITRAGE DES ARTICLES 386 ALINEA 2 ET 852 DU CODE DES OBLIGATIONS ET

    DES CONTRATS

    35 Arbitrage contractuel. Larticle 386 COC (Art. 1592 C. civ. fr.) prvoit dans son deuxime alina que le prix de la vente, lment de formation du contrat, peut tre laiss larbitrage dun tiers et que si le tiers ne veut ou ne peut faire lestimation, il ny a point de vente. Egalement, l'artricle 852 COC voquant l'apport en socit consistant en choses autres que du numraire nonce : " celles-ci doivent tre estimes la valeur du jour o elles ont t mises dans le fonds social; dfaut, les parties sont censes avoir voulu s'en rapporter la valeur courante du jour o l'apport a t fait ou, dfaut, ce qui sera arbitr par experts".

  • INTRODUCTION

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    La question est de savoir si l'arbitrage des articles 386 et 852 COC est un arbitrage au sens du code de procdure civile ? Malgr lutilisation expresse du mot arbitrage et "arbitre" la mission confie aux tiers et aux "experts" est dune nature tout a fait diffrente de celle qui est stipule dans une clause gnrale darbitrage (Ch. JARROSSON, op. cit. n 298). La mission du tiers et des "experts" selon ces textes consiste estimer, valuer, la chose vendue et l'apport en socit. Ce faisant, les articles 386 et 852 prvoient une procdure de formation du contrat de vente et de socit. Or, la mission de larbitre na pas pour objet dassurer la conclusion du contrat ngocier, mais de rgler les dsaccords susceptibles de natre lors de son excution (J. GHESTIN, Trait de droit civil, La formation du contrat, LGDJ 1996 n 697, p 678). En ce sens, la convention darbitrage prvoit une procdure de rglement des litiges. De mme, larbitre des articles 386 et 852 supple la volont des parties pour former le contrat alors que larbitre du droit de larbitrage est investi dune mission juridictionnelle : il doit trancher une contestation indpendamment de la volont des parties. En ralit, cest le critre du litige qui illustre la distinction entre la procdure des articles 386 et 852 COC appele galement arbitrage contractuel et la convention darbitrage revtant le vritable arbitrage juridictionnel . Il en rsulte que la dcision rendue par larbitre de larticle 386 nest pas une sentence arbitrale qui, a fortiori, ne peut faire lobjet dune dcision dexequatur (Versailles, 1e ch., 4 mars 2004, JCP G 2005 II-10017 note C. NOBLOT ; JCP E 2005, chron. Droit de larbitrage 676 note J. BEGUIN).

    36 Clause de prix dires de tiers. Larbitre des articles 386 alina 2 et 852 COC nest pas un expert bien que ce soit parfois le langage des arrts (Versailles 4 mars 2004 prc.) ou des textes, car un expert a pour office de donner au juge des avis consultatifs, tandis quici lvaluation faite par le tiers est dfinitive (Ph. MALAURIE, L. AYNES, op. cit. n 204, 145; v. aussi Req. 31 Mars 1862 DP 1862, 1, 242). En ralit, le tiers de larticle 386 et l'expert de l'article 852 COC est un mandataire commun charg par les deux parties au contrat, de fixer son prix faute daccord de leur part (La qualification nest plus discute : Cass. civ. 1e, 2 dcembre 1997, RTD civ 1998 p 396 obs. GAUTIER ; D. Affaires 1998 p 144 obs. BOIZARD, J. GHESTIN, Ibid.; Ph MALAURIE, L. AYNES, Ibid). En ce sens, les articles 386 et 852 COC organisent la clause de prix dires de tiers: les parties tant daccord sur la chose ou l'apport, lavis du tiers ou de l'expert apportera le complment contractuel ncessaire la perfection du contrat (J. ROBERT, op. cit., n 3, 6; sur la notion de clause de prix dires de tiers v J.-M. MOUSSERRON et alii, n 784, p 309 ; J. MOURY, Des ventes et des cessions de droits sociaux dires de tiers, Rev. socits 1997 p 455).

    8- REGLEMENT ADR DE LA CCI

    37 Source. Les ADR (Alternative Dispute Resolution) ou mode alternatifs de solution des litiges ont t imports des Etats-Unis dAmrique o ils sont pratiqus par lAssociation amricaine des Barreaux depuis 1976 (J.M. NOLAN-HALEY, Alternative Dispute Resolution, West group 2001, spc. p 5; J.-C. GOLDSMITH, Petite et grande histoire du Rglement ADR par la CCI, Gaz. Pal., Rec. 2001, Les cahiers de larbitrage p 36). La CCI a mis en place un rglement ADR en vigueur depuis le 1er juillet 2001 qui est venu remplacer le rglement de conciliation facultative en vigueur depuis le 1er janvier 1988. Il sapplique aussi bien aux litiges internationaux quinternes comme mode amiable de rglement des litiges (Th. CLAY, Arbitrage et modes alternatifs de rglement des conflits D 2005, panor 3050 D 2006, panor. 3026; V. A. AL. AHADAB, De l'arbitrage l'ADR, lg-ar., Rev. lib. arb 2006 n38 p 18s).

    38 Notion. Le Rglement ADR de la CCI, se caractrise par la volont de reconnatre aux

    modes de solution des litiges autres que le mode judiciaire, un droit de cit propre et autonome qui se suffit par lui-mme. A ce propos, le Rglement explique dans lintroduction que la CCI a choisi de retenir pour le sigle ADR la notion de rglement amiable des diffrends, de prfrence celle, jusqu prsent plus communment employe, de rglement alternatif des diffrends. Il nest donc plus question de modes alternatifs mais amiables de rglement des litiges. Certains modes amiables viss par le rglement ADR sont dtermins tels la mdiation, la conciliation et le minitrial. Dautres sont dterminables; en effet, larticle 5 du rglement englobe sous lappellation ADR, toute

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    autre formule et une combinaison de formules . Si les parties ne prcisent pas la nature du mode amiable de rglement des litiges, celui-ci est prsum tre la mdiation ainsi que cela est expressment relev dans le prambule du Rglement. En revanche, le rglement ADR de la CCI nvoque pas larbitrage dans la mesure o ces modes amiables ne dbouchent pas sur une sentence excutoire comme cest le cas en matire darbitrage (V. Introduction du Rglement).

    39 Tiers. Larticle 3 du Rglement ADR fait de la personnalit du tiers le chef du succs de toute procdure ADR. Cette personnalit repose sur les comptences professionnelles et les qualits humaines du tiers. Le tiers est en principe dsign par les parties ou dfaut daccord, par la CCI. En plus de son curriculum vitae, le tiers doit remettre une dclaration dindpendance qui sera communique aux parties. Les parties disposeront alors dun dlai de quinze jours pour notifier la CCI leur objection motive. Le cas chant, la CCI procde la dsignation dun autre tiers. Sauf accord contraire crit des parties, le tiers commun ne doit pas agir ni avoir agi, que ce soit en qualit de juge, arbitre, expert ou reprsentant au conseil dune partie dans une instance judiciaire, arbitrale ou autre du mme ordre, se rapportant au diffrend faisant ou ayant fait lobjet de la procdure ADR. De mme, il ne peut tmoigner.

    40 Procdure. Si les parties ont convenu, au pralable, de recourir la procdure arbitrale, elles ne pourront se retirer de la procdure avant la premire runion avec le tiers. Nanmoins, le Rglement ne sanctionne pas linexcution de cet engagement. En revanche, si les parties nont pas prvu un tel accord pralable, elles pourront refuser de se runir avec le tiers. Larticle 7 du Rglement fait de la confidentialit un lment important, sinon essentiel , dune procdure ADR de la CCI. Cette confidentialit joue pour la priode procdurale et post-procdurale. Elle concerne aussi bien les parties que les tiers. Elle est relative tous documents, dclarations ou communications verss durant la procdure. Elle tombe lorsque le droit applicable implique la leve de la confidentialit. Aux termes de larticle 6 du Rglement ADR, la procdure prend fin par la survenance de lun des vnements suivants : a) La signature par les parties dun accord mettant fin au diffrend ; b) La notification par crit au Tiers, par une ou plusieurs parties, tout moment aprs que la discussion mentionne larticle 5 (1) a eu lieu, dune dcision de ne pas poursuivre plus avant la procdure ADR ; C) Lachvement de la procdure ADR tablie selon larticle 5 de la notification crite faite en consquence par le Tiers aux parties ; d) La notification crite aux parties par le Tiers que, selon son opinion, la procdure ADR naboutira pas au rglement du diffrend opposant les parties ; c) Lexpiration de tout dlai fix pour la procdure ADR sauf prorogation de ce dlai par toutes les parties, charge pour le Tiers de notifier ladite expiration aux parties par crit ; f) La notification crite par la CCI aux parties et au Tiers, dans un dlai qui ne saurait tre infrieur 15 jours compter de la date dchance, de tout paiement d par une ou plusieurs parties en application du prsent Rglement, leur indiquant que ce paiement na pas t effectu ; g) La notification crite par la CCI aux parties leur indiquant que selon son apprciation, la dsignation dun Tiers na pu tre faite ou quil na pas t raisonnablement possible de nommer un Tiers. Le Tiers notifie la CCI et aux parties la clture de la procdure ADR et la CCI la confirme aux parties.

    9- MODES ELECTRONIQUES DE REGLEMENT DES LITIGES

    Le dveloppement du commerce lectronique a naturellement abouti lessor des modes lectroniques de rglement des litiges dits Online dispute resolution . Certains modes sloignent de larbitrage tel le rglement ICANN; dautres sont constitutifs dun vritable arbitrage lectronique.

  • INTRODUCTION

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    REGLEMENT ICANN DE RESOLUTION UNIFORME DES CONFLITS DE NOMS DE DOMAINE

    41 Notion. LICANN (Internet corporation for assigned names and numbers) est une socit amricaine

    cre en 1998 but non lucratif ayant des pouvoirs qui lui sont dvolus par le gouvernement amricain dont la responsabilit de grer le systme des noms de domaine (LICANN a remplac lIANA (Internet assigned numbers authority). Cette expression dsigne ladresse du site web exprime selon un langage cod comportant au moins un suffixe dit de premier niveau, qui peut tre constitu par un domaine gnrique (par ex. com pour les activits commerciales ou net pour les entreprises impliques dans le dveloppement de lInternet) ou national (par ex. Lb pour le Liban, fr. pour la France) et un radical choisi par lintress (V. A. LUCAS, J. DEVEZE et J. FRAYSSINET, Droit de linformatique et de lInternet, PUF, Thmis 2001 p 403 n636 ; G. KAUFMAN, Noms de domaine sur internet, Vuibert, 2001 ; N. BEAURAIN et E. JEZ, Les noms de domaine de linternet, aspects juridiques, Litec 2001; rapp. Trib. gr. inst. Paris rf. 12 mars 1998, D 1999 p 316 note VIALA). LICANN bnficie dun monopole mondial dattribution des noms de domaine dans les domaines gnriques de premier niveau com , net et org (V. P. LASTENOUSE, Le rglement ICANN de rsolution uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, Rev. arb. 2001 p 95 et s spc p 97). La procdure dattribution des noms de domaine repose sur un contrle minimum afin de faciliter laccs aux internautes. Si une personne dsire enregistrer un nom de domaine, elle sadressera aux registraires (registrars) agrs par lICANN ; lenregistrement tant constat par un contrat sign avec le registraire. Le 24 octobre 1999 et au vu d'un rapport de lorganisation mondiale de la proprit industrielle (OMPI) sur les noms de domaine de lInternet (http : // wipo2.wipo.int), lICANN a adopt un Rglement de rsolution uniforme des conflits aux noms de domaine (Uniform domain name dispute resolution policy (UDRP) www.icann.org.).

    42 Procdure administrative de rglement des litiges. Le Rglement ICANN prvoit une procdure de rglement des conflits rsultant de lenregistrement ou de lutilisation de mauvaise foi dun nom de domaine dite procdure administrative (administrative proceeding). Aux termes de larticle 4-a du Rglement ICANN, la procdure administrative est obligatoire pour toute personne qui enregistre auprs de lICANN ou dun registraire agr un nom de domaine chaque fois quil lui est reproche par quiconque, sous rserve de le prouver devant lICANN ou toute autre institution accrdite par cette dernire, que : le nom de domaine enregistr est identique ou prte confusion avec une marque de commerce ou une marque de services sur laquelle le demandeur a des droits et la personne ayant enregistr le nom de domaine na pas de droit ou dintrt lgitime dans ce nom de domaine, et lenregistrement et lutilisation de ce domaine sont empreints de mauvaise foi. Les institutions accrdites par lICANN pour connatre de la procdure administrative sont : le Centre darbitrage et de mdiation de lOrganisation mondiale de la proprit intellectuelle, le National arbitration form, le Consortium disputes, org/e resolution, le Center for Public Resources (CDR), et lInstitute for Dispute Resolution (v. P. LASTENOUSE, art. prc., spc. p 100).

    43 Mcanisme. La procdure administrative se droule exclusivement en ligne (Sur le sujet, v. Th. SCHULTZ, Online dispute resolution (ODR) ; rsolution des litiges et ins numericum, RIDEJ J 2002/48 p 153 ; O. CACHARD, Les modes lectroniques de rglement des litiges (MERLE), Com. lectr., 2003, comm, 30, V. E. KATSH, The emergence of online dispute resolution, in Les premires journes internationales du droit du commerce lectronique, Actes du colloque de Nice des 23, 24 et 25 octobre 2000, Act. dr. entr. n20, Litec 2000 p 42s). Le demandeur formule sa demande qui est par la suite communique au dfendeur pour rpondre ; dfaut, le conflit est tranch sur la base de la seule demande (Rglement dapplication, art. 5. e). Les conflits sont tranchs par des panels composs suivant le cas par un membre unique ou de trois membres impartiaux et indpendants (Rglement dapplication, art. 7). Ce panel rend une dcision crite et motive (Rglement dapplication, art. 15) et la communique lInstitution qui, son tour, la communique aux parties, au registraire concern, et lICANN. Conformment larticle 8.a du Rglement, le dfendeur ne doit pas cder une autre personne le nom de domaine objet de la procdure et ce, durant toute la procdure et dans la priode de quinze jours ouvrables lexpiration de la procdure. Il en

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    est de mme si le mme nom de domaine fait lobjet dune action judiciaire ou arbitrale sauf si le cessionnaire du nom de domaine sengage excuter le jugement ou la sentence intervenir.

    44 Excution des dcisions. La dcision du panel en annulation ou transfert du nom de domaine est excute par le registraire concern aprs sa notification par linstitution. Lexcution na pas lieu si le dfendeur prsent au registraire la preuve dune action en justice quil a intente devant une juridiction dont la comptence a t reconnue par le demandeur dans sa demande (V. Rglement, article 3.b (XIV)). Dans ce cas, le registraire sinterdit toute mesure jusqu rception soit dune preuve du rglement du diffrend par les parties, soit dune preuve du rejet ou du dsistement du recours en justice, soit dune copie dune ordonnance dun tribunal rejetant le recours en justice ou dcidant que le dfendeur na pas le droit de continuer utiliser le nom de domaine (Rglement, article 8.a).

    45 Procdure administrative et arbitrage. La question est de savoir si la procdure administrative prvue par lICANN est constitutive dun arbitrage ? Dans un arrt du 17 juin 2004, la Cour dappel de Paris a estim que le mcanisme administratif propos par l'ICANN nest pas constitutif darbitrage (Paris 1e ch., 17 juin 2004, Michel le P. c/ St Miss France, JCP G 2004, II-10156 note G. CHABOT ; Com. com. lectr. 2005 comm n38 note Ch. CARON; Rev. arb. 2006 p 161 note T. AZZI). En effet, si la procdure administrative de lICANN se rapproche de la procdure de larbitrage en ce quelle suppose un litige, lindpendance et limpartialit des experts membres de la commission administrative, un traitement quitable des parties et une libre apprciation des preuves, cela ne suffit pas pour la qualifier de procdure arbitrale (V. P.-Y GAUTIER, Arbitrage et internet, Dr. et patrimoine 2002/6 p88). Comme le relve la Cour dappel, ces lments sappliquent galement aux modes de rglement des litiges et notamment , comme en lespce, lexpert juridique, au titre de laquelle le tiers est simplement investi de la mission de rendre un avis . En ralit, cette procdure se distingue de larbitrage par plusieurs points. En premier lieu, on notera labsence dans le rglement ICANN dune clause compromissoire ou dun compromis. Larbitrage repose sur la volont commune des parties de se soumettre ce mode de rglement de litiges alors que dans la procdure administrative de lICANN seul le dfendeur, personne qui a enregistr son nom, accepte de sy soumettre (P. LASTENOUSE art. prc., spc. p. 106 ; G. CHABOT note prc.). En deuxime lieu, malgr la soumission obligatoire du dfendeur cette procdure, celle-ci peut tre double dune action devant les tribunaux tatiques et ce, avant le dclenchement de la procdure administrative ou pendant son droulement (V. art. 4K : [Les parties peuvent] porter le litige devant un tribunal comptent appel statuer indpendamment avant louverture de cette procdure obligatoire ou aprs sa clture ; v. aussi larticle18 du Rglement qui prvoit expressment la possibilit quune action soit engage devant les tribunaux tatiques pendant le droulement dune procdure administrative). En troisime lieu, la convention darbitrage investit larbitre dune vritable comptence dattribution entranant par l le dessaisissement du juge tatique qui se trouve, par leffet de la convention, incomptent pour connatre du litige pendant la procdure arbitrale et aprs le prononc de la sentence arbitrale par leffet de lautorit de la chose juge. Or, le rglement de lICANN prvoit la possibilit de saisir un tribunal tatique avant, pendant et aprs la clture de la procdure administrative (Articles 4K et 18 du Rglement). La commission administrative ne dispose donc pas de pouvoir juridictionnel exclusif ; elle ne peut donc tre qualifie de juridiction arbitrale (G. CHABOT note prc.; P. LANESTOUSE art. prc. p 107 ; v. aussi O. CACHARD, La rgulation internationale du march lectronique LGDJ 2002 note (10) n533 cit par G. CHABOT prc note 14). En quatrime lieu, et la Cour dappel de Paris la relev, larbitre est investi dune mission dordre juridictionnel en vue de conclure par une dcision ayant autorit de chose jug pour les parties , en ce sens que larbitre tranche le litige. Or, la dcision de la commission administrative ne satisfait pas cette condition ; dune part, cette dcision noblige que le registraire, tierce personne la procdure, tenu, suivant le cas, dannuler ou de transfrer le nom de domaine, alors quaucun texte du Rglement nindique que les parties la procdure sont lies par cette dcision. Dautre part, le Rglement, consacrant aux parties le droit de recourir aux tribunaux tatiques, dit clairement que la dcision administrative est dpourvue dautorit lgard des parties ; cette dcision ne tranchant

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    pas ncessairement le conflit. Nanmoins, il est noter que si la Cour a considr quil sagit dexpertise juridique, force est de constater que la qualification de cette procdure administrative ne fait pas lunanimit des auteurs. Aussi un auteur averti y voit une procdure sui generis, manifestation originale des usages internationaux qui sont ns dans le sillage de linternet (Ch. CARON note prc. Du mme auteur, Brefs propos sur lmergence des usages de linternet dans lenvironnement international, in Linternet et le droit, lgipresse 2001, p 429 ; Dans le mme sens F. GELINAS, Splendeurs et misres de la clrit : bilan du systme de rglement des diffrends relatifs ladressage internet, Gaz. Pal., Rec. 2002, Cahiers de larbitrage n2002/1 p 46 spc. p 48).

    ARBITRAGE ELECTRONIQUE

    46 Intrts. En plus des avantages classiques de larbitrage : rapidit, cots, confidentialit et comptence des arbitres, larbitrage lectronique prsente lintrt dune justice domicile . La procdure arbitrale communique par la voie des rseaux lectroniques vite aux parties de se dplacer. De mme, il favorise un arbitrage acclr dans la mesure o les prtentions, preuves et autres documents sont quasi instantanment envoys par simple clicquement sur une icne par la voie du courrier lectronique notamment (Sur la possibilit de pratiquer un arbitrage en ligne , v. J. HUET et S. VALMACHINO, Rflexions sur larbitrage lectronique dans le commerce international, Gaz. Pal., Rec 2000, Doct p 6s). A lheure actuelle, les rglements spcifiques larbitrage en ligne les plus labors sont ceux de lOrganisation mondiale de la proprit intellectuelle (OMPI) et de lUniversit de Montral connu sous le nom de Cybertribunal.

    47 OMPI. Le Centre darbitrage et de mdiation de lOMPI a t cr en 1994 afin de rsoudre les litiges en relation avec la proprit intellectuelle. Le Centre soccupe surtout des noms de domaine et des droits de proprit intellectuelle. A cet effet, il propose trois modes de rglement des litiges : une mdiation en ligne, un arbitrage acclr en ligne et une procdure en ligne devant les commissions des contestations administratives. Seule cette dernire fait pour linstant lobjet dun projet rdig : cest le Rglement de lOMPI relatif aux procdures devant les commissions de contestations administratives concernant les noms de domaine de linternet (ou Rglement pour les CCA , qui est accessible sur le site de lOMPI ladresse www.wipo.int/fre/arbit/acprules).

    48 Cybertribunal. Mis en place depuis 1996 par le Centre de recherche en droit public de la Facult de droit de lUniversit de Montral, le cybertribunal tranche les litiges susceptibles dintervenir dans les domaines suivants : droit dauteur, marque de commerce, commerce lectronique, concurrence, libert dexpression, vie prive, et autres domaines lexclusion des questions qui relvent de lordre public (Cf C. FERAL-SCHUHL, Cyber droit, Le droit lpreuve de linternet, 3 d. Dalloz-Dunod, 2002 ; F. BAILLET, Internet, Le droit du Cybercommerce, le guide pratique et juridique, d. stratgies 2001; V. E. CAPRIOLI, Arbitrage et mdiation dans le commerce lectronique, lexprience du cybertribunal, Rev. arb. 1999 p 224). Pour soumettre un litige au cybertribunal, la partie remplit un formulaire lectronique disponible sur son site internet et choisit un mot de passe personnel. Aprs tude de la recevabilit de la demande, le secrtariat nomme un arbitre ou un mdiateur et ouvre un dossier pour laffaire, accessible en ligne sur le site de laffaire en cours . Laccs est scuris et seules les personnes titulaires dun code confidentiel peuvent consulter les informations et les pices du dossier (Les parties nayant accs qu la seule partie du dossier qui les concerne). Une fois nomm, larbitre ou le mdiateur se rend sur le site afin dinviter lautre partie participer la procdure et conclure une convention de mdiation ou darbitrage. Par la suite, tous les changes de documents, conclusions et autres informations soprent par courrier lectronique ou dans une chat room (pice o lon peut discuter en direct via les ordinateurs et les rseaux). Matriellement, larbitre dispose de formulaires lectroniques pour tous les actes de la procdure : modles de convention, davis, etc. Cette procdure se caractrise par sa gratuit et par labsence du rle de la volont des parties dans le choix de larbitre qui, nanmoins, peut tre rcus au cas o son indpendance et impartialit font dfaut. De mme, rapporte lauteur, le Rglement du cybertribunal consacre le respect des principes directeurs du procs :

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    contradiction, confidentialit et ordre public. En outre, larticle 23 4 nonce que la sentence de larbitre est finale et sans appel (Pour de plus amples dtails, v. E. CAPRIOLI, art. prc.).

    49 Exigence de forme. Larticle 763 alina 1 NCPC libanais prvoit que La clause compromissoire nest valable que si elle est crite dans le contrat principal ou dans un document auquel le contrat sy rfre . De mme, larticle 766 alina 1 NCPC nonce que : Le compromis darbitrage ne peut tre prouv que par crit . Par consquent, la convention darbitrage forme par un moyen lectronique pose les problmes de sa validit et de sa preuve au regard des articles 763 et 766 susviss cause de la nature lectronique de son support. Ici, il faut distinguer selon que la convention intervienne dans le cadre dun systme ferm dchanges de donnes informatises (EDI) ou dans le cadre dun systme ouvert notamment, sur le rseau internet.

    50 EDI. Techniquement, lEDI permet lchange automatis, via un moyen de tlcommunication, de logiciel dapplication logiciel dapplication indpendants de donnes normalises et structures (T CARCENAS, in Pour une administration lectronique citoyenne, mthodes et moyens, rapport CARCENAC au premier ministre, avril 2001 ; v. A. BENSOUSSAN et alii, Lchange de donnes informatise et le droit, Herms 1991). Juridiquement, lEDI, dit encore accord dinterchange ou dchange, peut tre dfini suivant la formule de M. CAPRIOLI, comme un contrat cadre par lequel deux ou plusieurs personnes physique ou morale, tablissent les conditions juridiques et techniques dutilisation de lchange de donnes informatises dans le cadre de leurs relations commerciales (E. CAPRIOLI, Les accords dchange de donnes informatises, Cahiers Lamy mai 1992 (c) p 2 spc p 6 ; JCL Commercial Fasc 8-1995. V. R. HOWLAND, Laccord dinterchange standard, Journes forum Droit des affaires, 11 juin 1993 ; B. NOEL, Les accords dinterchange et la formation des contrats par EDI, Journe Forum prc. J. HUET, Aspects juridiques de lEDI, D 1991, chr. XXXVII p 181). Le contrat-cadre daccord dEDI tant en pratique conclu par crit sur support papier, la validit ou la preuve de la convention darbitrage ne doit pas poser de problmes particuliers.

    51 Rseau ouvert. A loccasion dune transaction lectronique en rseau ouvert, lorsque le contrat est conclu online, une partie peut mettre une offre de compromettre, la question est de savoir si la clause compromissoire une fois accepte (notamment par le double cliquage, lun donn pour le corps du contrat, lautre pour les conditions gnrales) produira valablement ses effets ? En matire darbitrage interne, les dispositions de larticle 763 NCPC libanais militent pour une rponse ngative. En effet, larticle 763 exige la forme crite pour la validit mme de la clause arbitrale et larticle 766 NCPC exige un support-papier pour prouver le compromis darbitrage. La situation du droit franais est diffrente. En effet, la loi n2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de linformation et relative la signature lectronique (JO 14 mars 2000 p 3968 ; JCP G 2000, II-20259) ajoutant les articles 1316 1316-4 du Code civil a affirm la synonymie du littral et de lcrit (P. CATALA, Ecriture lectronique et actes juridiques, in Mlanges M. CABRILLAC, Dalloz-Litec 1999 p. 91 spc. p 95) mettant un terme au monopole du papier (Art. 1316 C. civ. : La preuve littrale, ou preuve par crit, rsulte dune suite de lettres, de caractres, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dots dune signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalits de transmission) aussi bien pour ladmissibilit (Art. 1316-1 : Lcrit sous forme lectronique est admis en preuve au mme titre que lcrit sur support papier ) que pour la prconstitution de la preuve (Art. 1316-3 : Lcrit sur support lectronique a la mme force probante que lcrit sur support papier ). Il en rsulte que la nature de lcrit ne dpend pas de son support physique, la preuve littrale ne sidentifie plus au papier (P. CATALA, art prc. spc. p 96 ; v. E. A. CAPRIOLI, La loi franaise sur la preuve et la signature lectroniques dans la directive europenne, JCP G 2000 Doct I-224 ; P.-Y. GAUTIER, De lcrit lectronique et des signatures qui sy attachent, Ibid, Doct I-236). Ds lors, la question est de savoir si la convention darbitrage conclue par un moyen lectronique bnficie des articles 1316 et suivants du Code civil ? Sagissant la clause compromissoire, lcrit est exig titre de validit. Or, lobjet des articles 1316 et suivants du Code civil est limit, pour lheure, ladmission dcrits signs de faon lectronique comme moyen de preuve. Comme le relve justement un auteur : Il nest point question, ce stade, dautoriser le recours de tels actes lorsquun crit ou une signature manuscrite sont exiges ad validitatem (A. PRUM, Lacte sous seing priv

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    lectronique : Rflexions sur une dmarche de reconnaissance, in Mlanges, M. CABRILLAC prc. p 255 spc p 256). Il en rsulte que la clause compromissoire ne peut bnficier de la synonymie du littral et de lcrit . En revanche, sagissant le compromis, o lcrit est exig titre de preuve, on peut prsager que la jurisprudence admettra la validit de la preuve dun compromis figurant sur un support lectronique.

    52 Moyen lectronique et arbitrage international. En matire darbitrage international, deux arguments militent pour la validit de la convention darbitrage insre dans un contrat lectronique : dabord, labsence de dispositions lgislatives internes imposant une condition de forme la clause arbitrale internationale. A cet effet, les auteurs saccordent dire quen matire internationale, la convention darbitrage est rgie par le seul principe de consensualisme. Ensuite, le principe de la validit de la clause compromissoire indpendamment de la rfrence toute loi tatique, pos comme une vritable rgle matrielle du droit franais de larbitrage international (Paris 11 avril 2002, Rev. arb. 2003 p 1255, 1e esp, note F.-X. TRAIN ; v. aussi Cass. civ. 1e, 4 juillet 1972, Rev. crit DIP 1974 p 82 note P. LEVEL ; Paris 13 dcembre 1975, Rev. arb. 1977 p 147 note Ph. FOUCHARD ; JDI 1977 p 106 note E. LOQUIN). Il en rsulte que pour tre efficace en matire internationale, il suffit pour juger de lexistence de la clause arbitrale de prouver la commune volont des contractants de recourir larbitrage en cas de conflit, abstraction faite des dispositions de droit interne notamment celles de larticle 763 NCPC libanais. Nanmoins, la difficult demeure dans la mesure o la convention de New York de 1958 pour la reconnaissance et lexcution des sentences arbitrales trangres que le Liban a ratifi en 1997 exige dans son article II une convention crite en prvoyant quelle doit tre signe par les parties ou contenues dans un change de lettres ou de tlgrammes . En outre, larticle IV 1 exige pour la reconnaissance et lexcution de la sentence que le demandeur fournisse loriginal ou une copie de la convention. En ralit, les dispositions de larticle II et IV de la convention de New York sont contournes : dune part, larticle VII 1 de la convention permet la partie intresse dinvoquer les dispositions plus librales du lieu dexcution de la sentence. Il en rsulte que lon pourra valablement se prvaloir des rgles du droit interne pour carter lexigence de forme de la convention de New York (Cass. lib. civ. 5e, arrt n141, 20 novembre 2001, Rev. lib. arb. 2002 n21 p 24 ; Cass. civ. 1e, 26 juin 2001, Rev. arb. 2003 p 1280 obs. E. GAILLARD ; infra, n848) ; dautre part, parce que supposer la convention de New York applicable, lcrit peut sentendre de la forme lectronique. A ce propos, la loi-type de la CNUDCI sur larbitrage prcise en son article 7 alina 2 que la convention darbitrage est sous forme crite si elle est consigne dans un change ou tout autre moyen de communication qui en atteste lexistence . De mme, la loi-type de la CNUDCI sur le commerce lectronique de 1996 admet quun document lectronique peut tre assimil un crit si linformation quil contient est accessible pour tre consulte ultrieurement .

    10- ARBITRAGE BASEBALL

    53 Origine. La pratique du commerce international et donc des contrats internationaux familiarise les diffrents oprateurs avec diffrentes facettes de larbitrage. Ainsi en est-il par exemple des clauses dites darbitrage baseball galement appeles clauses darbitrage de la dernire offre (Final offer arbitration (FOA) ou last offer arbitration (LOA), darbitrage pendulaire (pendalum arbitration) ou encore darbitrage flip-flop (flip-flop arbitration). Selon un auteur (L. METROVIC, Larbitrage baseball : Arbitrage ou mode alternatif du rglement ? Rev. arb. 2003, Doct p 1167s), larbitrage baseball trouve son origine dans les techniques de ngociations salariales appliques aux Etats-Unis. En 1908, Tommy Leach, joueur de baseball membre de lquipe des Pittsburgh Pirates, utilisa le terme darbitrage pour dcrire le mcanisme quil suggrait afin de trancher le diffrend salarial qui lopposait son club. Il suggra la nomination dun panel de trois arbitres choisi parmi le milieu daffaires local, lun dsign par ses soins, lautre choisi par son club et le troisime dsign par les deux arbitres proposs par chaque partie, avec mission de fixer son salaire. Cette ide dun mcanisme rapide et quelque peu expditif pour trancher les revendications des

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    joueurs fit ensuite son chemin dans le monde sportif professionnel amricain. Il est aussi connu sous le terme darbitrage salarial (salary arbitration).

    54 Mcanisme. Lauteur dcrit le concept : chaque partie, joueur comme club, doit faire une proposition de salaire. Les parties s'changent leurs propositions simultanment (chacune ignorant jusqu' ce moment celle formule par l'autre) et en mme temps que celles-ci sont remises au tribunal arbitral. Aprs avoir entendu les parties lors d'une audience contradictoire, ce dernier retient l'un des deux montants proposs sans possibilit d'apprcier ni son bien-fond, ni de proposer un montant reprsentatif d'un compromis entre les positions respectives des parties. L'ide sous-jacente est d'inciter d'emble les parties rapprocher le plus possible leurs positions, en dcourageant toute exagration. En effet, la dcision de l'arbitre agit comme un couperet par l'exclusion pure et simple et sans appel de toute proposition manifestement draisonnable (V. M. MAISONNEUVRE, Arbitres sportifs et arbitres juridiques rflexions inspires de la loi n2006-1294 du 23 octobre 2006, Rev. arb 2006 p 1123).

    11- DISPUTE BOARDS

    55 Notion. Les Dispute boards (DB) sont des collges dexperts que les parties un contrat (de

    construction et densembles industriels) dsignent au moment de la conclusion de celui-ci-, chargs, pendant toute la dure de celui-ci, titre onreux, de rsoudre les litiges (entre matres douvrages et entrepreneurs) mesure quils surgissent. Nanmoins, les litiges viss ne sont pas, en principe, dordre juridique mais dordre technique et financier. Cela a amen la CCI dicter un rglement international relatif aux dispute boards en vigueur compter du 1er septembre 2004 (Le rglement peut tre consult sur le site de la CCI : www. iccwbo.-org/drs/french/dispute.boards/reglements.-asp; V. P. GENTON, Le nouveau rglement CCI sur les "Dispute boards", Gaz. Pal. Rec. 2004, doct. P 3596, J. n339, 4 dcembre 2004, p 36). Les procdures engages conformment au rglement de la CCI relatif aux DB ne sont pas administres par la CCI. Celle-ci joue plutt un rle subsidiaire qui peut comprendre la nomination des membres du DB et lexamen des dcisions du DB. Ces fonctions sont assures par le Centre des DB de la CCI qui est distinct de la Cour internationale darbitrage, du Centre international dexpertise et du secrtariat ADR de la CCI.

    56 Mcanisme. Le collge dexperts nest pas un tribunal arbitral dans la mesure o ses conclusions ne simposent pas aux parties. En effet, le DB aide de manire informelle les parties, si elles le souhaitent, rsoudre des dsaccords pouvant survenir lors de lexcution du contrat et met des recommandations ou des dterminations concernant tout diffrend que lui soumet lune ou lautre partie . Nanmoins, les dterminations des DB peuvent devenir contractuellement obligatoires lgard des parties sous certaines conditions (Cf art. 1, Rglement DB, CCI). De mme, ses conclusions ne sont pas dnues de toute incidence sur le cours du litige dans la mesure o la partie lse pourra menacer la partie fautive de recourir la justice sur la base desdites conclusions.

    57 Contrat de membre. Pour bnficier des services du Cent