balkanika - 27 (1996) - 007

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UDC 261.772.2(495.02):322(497.02) Travail original Andre GUlLLOU Paris TOLERANCE ET POUVOIR DANS LE MONDE ORTHODOXE MEDlEYAL ET MODERNE Abstract: La polarisation sociale, connue par chaque Etat et chaque Eglise, entre un parti rigoriste et une tendence plus indulgente, se concretise dans Ie monde byzantin et post-byzantin entre les cercles monastiques attaches au texte de la loi (akribeiai et ceux des pretres et des prelats seculiers plus at- tentifs aux implications pratiques de la croyance chretienne (oikonomia). L' oikonomia (que je traduit par "tolerance") est aux marges d' akribeia - qui est Ie sens exact et precis du dogme, de la loi - mais elle n' est pas la tra- hison de la norme. Tout au contraire, elle est souplesse vivante dinterpeta- tion. La theologic byzantine, au sein meme de son conservatismc. sappuie sur des criteres internes certes, mais aussi sur I'experience qui implique Ie changcment, mais aussi la fidelite au passe. C' est a la croisee de ces deux chemins que se trouve I' oikonimia. Le normatif n' est pas irreductible. car il exprime la volonte et les pretensions mouvantes d'un pouvoir social. Dans sa celebre "Lettre sur la Tolerance" iEpistola de to!erantia), publiee en latin a Gouda aux Pays Bas en 1689, John Locke developpe la theorie d'un Etat qui constitue I' ordre necessaire au sein duquel peut murir et sepanouir lhomme, c est-a-dire lindividu, dans 1a securite et dans la paix. Cet ordre est fabrique par des hornmes raisonnables, afin quil y puisse regner, en depit des faiblesses et des fragilites humaines, la justice conforme a la nature des chases et a leur sens.' Chaque Etat, cornme chaque Eglise, au COUTS de I'histoire a connu une polarisation entre un parti rigoriste et une ten dance plus indul- gente, qui prone un ernploi plus large de la tolerance surtout par rap- port a 1 'Etat : dans le monde byzantin et post-byzantin, la tension se concretise ainsi souvent entre les cercles monastiques attaches, selon cette image, au texte de la loi iakribcia) et ceux des pretres et des John Locke, Lettre sur la tolerance, ed. et trad. R. Klibansky et R. Polin, Paris, PDF, Quadrige, 1995.

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UDC 261.772.2(495.02):322(497.02)Travail originalAndre GUlLLOUParisTOLERANCE ET POUVOIRDANS LE MONDE ORTHODOXE MEDlEYAL ET MODERNEAbstract: La polarisation sociale, connuepar chaqueEtatet chaqueEglise,entre un parti rigoriste et une tendenceplus indulgente, se concretise dans Iemondebyzantin et post-byzantin entrelescerclesmonastiques attaches autextede la loi (akribeiai et ceuxdespretres et des prelatsseculiers plusat-tentifs auximplications pratiques de lacroyance chretienne(oikonomia).L' oikonomia (que jetraduit par "tolerance") est aux marges d' akribeia - quiest Iesens exact et precisdudogme, delaloi-mais ellen' estpas la tra-hisonde la norme. Toutau contraire, elleest souplessevivantedinterpeta-tion.Latheologicbyzantine, au seinmemede son conservatismc. sappuiesur descriteresinternescertes, mais aussi sur I'experiencequi impliqueIechangcment, maisaussi la fideliteaupasse. C' est alacroiseedecesdeuxcheminsque se trouve I' oikonimia. Lenormatif n' est pas irreductible. car ilexprime la volonte et les pretensionsmouvantes d'un pouvoir social.Dans sa celebre"Lettre sur la Tolerance"iEpistola deto!erantia),publiee enlatin aGouda auxPays Bas en1689, John Locke developpela theorie d'unEtat qui constitue I' ordre necessaireauseinduquelpeutmurir et sepanouir lhomme, cest-a-dire lindividu, dans 1a securite etdanslapaix. Cet ordreest fabriquepardeshornmesraisonnables, afinquil ypuisseregner, endepit desfaiblesseset desfragilites humaines,la justice conforme ala nature deschases et aleur sens.'Chaque Etat, cornme chaque Eglise, auCOUTSdeI'histoire a connuune polarisation entre un parti rigoriste et une ten dance plus indul-gente, qui proneunernploi plus largede latolerancesurtout parrap-port a1'Etat : dans lemondebyzantinet post-byzantin, latensionseconcretiseainsi souvent entreles cercles monastiques attaches, seloncette image, au texte de la loi iakribcia) et ceuxdes pretres et desJohnLocke, Lettresurla tolerance, ed. ettrad. R.Klibanskyet R.Polin, Paris,PDF, Quadrige, 1995.Andre Guillouorelats seculiers plus attentifs aux implications pratiques de la croy-ance chretienne, que J' appelie oikonomia.Tant lalitterature historiquequelalitterature theologique byzanti-nes prennent souvent Ieprincipe d' oikonomia, que jetraduis plus oumoinsbienpar "tolerance", commeun exernplede lafaculteparncu-heredes Byzantinsit interpreterlaloi dunefaconarbitraireit des finspolitiques ou personnelles. C'est, Je crois, une erreur evidenteet uneinjusticeenvers Ie principe meme etaussi sonveritableusage, qui sont,I 'un et I'autre, si specifiques de lapensee et de lideologiebyzanti-")nes.:Examinons quelques textesque j "ai choisis sur unelongue dureeDanssa fameuse "Lettreit Amphiloque", qui fit autoritedans lesrecueilscanoruques grecsduMoyenAge,apresavoir reaffirme leprin-cipeemis par saintCyprienqueIebaptemepratiqueparlesheretiquesetait frappedenullite, Basile deCesaree ecrit auIVC siecle: "Toutefois,si celadevient unobstacleit l'oikonOlniaengeneral, on doit senrap-porter it la tradition et suivre les Peres qui ont pratique I' oikonomiapour nous".:' Et Basile justifie l'oikonomia par la cramte que tropdautorite pourrait etre un empechement ausalut dequelques-uris."Dans ce texte, commedans les innombrables references it l' oik-onomia-tolerancede lalitteraturecanoniquebyzantine, onvoit queIetermeetaitinterpretedansunsenstreslarge, nonpasseulement d' ex-ception ala loi (cequi fut Iecasdudroit canonoccidental), maisbienplutot duneobligationdetrancher les questionsparticulieres dans Iecadregenral dudesseindeDieu pourIesalut dumonde: il s' agitdoneparrapportitI' observancestncted'unetoleranceit laregle, et c' est Iesensauquel serattachent, it monavis, lesnuancesmultiplesdonneesitcemot par les Byzantins.2 H. Ahrweiler, L'ideologie politique de I 'empire byzantin, Paris. PUF.1975,p. 141-147: Y'oikonomia est "adaptation progressIve it des realitesnouvelles" C. Cupane, Appunti per uno studio dell 'oiknomia ecclesiastica aBisanzio, in J()B 38 (1988) p. 53-73. pense it "une mesure speciale, uncomprornis'', "qui se reduira auminimum dansl ' administration dela Justiceetdela penitence": Cr. Dagron, La regie et I'exception. Analyse de fa notiond 'economic, in Religiose Devianz, (Jus commune. Sonderheft 48, Francfort 1990)p. 1-18, pense"it unenormalisationdes conduites socialespar 1'introductiondeprincipes moraux et la mediation de personnages charismatiques".3 p. G. 32, col. 669 B. Eav "Cn Ka8oAouoixovoui EO"0"8al "C 0\)10, n:aAtv "Ci!> E8n XOVO""COV, Kat "ColO"' at ro;Kaa 11 IlcctpcrnvuKoAou811"CEOV.4 Ibidem.yapwe;oxvnpnoix; a\HO-Ue; n:pt10n:atfiO"al, "COlO" bta"Co "Cfie; n:p01aO"ffie; aUO""Cllpov.Tolerance et pouvoir 9Eneffet, pensent ceux-ci, les dispositionsetroitesdescanonsnecorrespondent pas toujours it la realite de I'Evangile et elle ne peuventpas, par elles-rnemes, procurer I' assurancequeI' onobeit alavolontedeDieuenlesappliquant. Ona donerecoursauxoikononomiai, dontlepatriarched' AlexandrieEuloge, auVIe siecle, foumissait, dapresPhotius.t un veritable petit traite: "Lesoikonomiai",ecrit-il, "sont pra-tiquees justement, quand la regie del' eusebeia(qui est lapiete, ladevotion, lesens dudevoir, bref I' orthodoxie)n' ensubit aucuneatte-inte. Car, sicetteregierestesansmelange etsansfraude, I' oikonomiatrouve sa place, pour des questions qui sont en dehors de celle-ci(I' eusebeiay.Souvent une oikonomiatemporaire a ete adoptee pour peu detemps et enretenant quelquedonnee qui nedevait pasI' etre, pour per-mettre aI' eusebeiaderetrouver sonpouvoirdurabledansla tranquil-liteet aussi pourbriser lesattaqueset lesmanoeuvrescontre la verite;attaques nombreuses et dont I' impetuosite aurait sans doute fait ungrandmal, si ceuxqui adrninstrent I'Eglisenes' etaient pour unpeurelaches en sen tenant al'indiscutable...Lasecondeespeced' oikonomiatrouvesanaturedans les mots.En effet, quand les dogmes deI'Eglisesont bien etablis et sont ex-primesendestermesdifferents, onconsent Vet) ataireces mots, qui ne sont pas motifs descandale(aKuvoaAov) pour lesgens les plus purs ...Un troisieme mode d'oikonomia, dit-il, "cest quand des genssou-vent negligent undecret proclamed' akribeiaet proclamecontreeux,mais sansque I' autorite des vraisdogmes en soit amoindrie".L'oikonomia est doneauxmargesde l'acribie, qui estle sensex-act etprecisdudogme, delaloi, mais, precisait Euloge, ellen' est nitrahisonni negationdela norme, qu' ellenemet pasencause, tout aucontraire. Et ceci est essentiel. Elleest souplesse vivanted'interpreta-tion, en depassant touteacception legaliste.Moyen de gouvemement, elle est utilisee par I' empereur ConstantII, qui, par un decret de 648 (Ie Typos), interdit sous peinede sanctionstoutediscussion sur la nature du Christ, sujet qui trouble profondementl'Empire depuis plus d'unsiecle. Al'annonce de cette nouvelle, legrandtheologienMaximeIeConfesseurreagit violemment: "C'est, amonavis, unprojet impossible, car lesRomainsn'acceptentpas que5 Bibliotheque227, ed. R. Henry, t. IV, Paris1965, p. 112-113.10 Andre Guilloules paroles dessaintsPeres disparaissent en meme temps quecelles desheretiquesimpurs, ni quelaveritesoit eteinteenmemetempsquelemensonge, ni que la lumiere disparaisse en meme temps que lestenebres... Si, souspretexted' oikonomia, onsupprime Ia foi salvatriceen meme temps que la foi rnauvaise, cette sorte de pretendue oik-onomiaest uneseparationdeDieuet nonuneunionvoulueparDieu.Et, eneffet, demainlesJuifs aunommaudit n'ont quadire: FaisonsI' oikonomiadelapaixentrenous: nous, noussupprimonsIa circonci-sion et vous lebapterne, et nous cesserons denous combattre. C' estcela que jadis les Ariens ont propose par ecrit sous Constantin leGrand, endisant: SupprimonslaConsubstantialiteet I'Heterogeneite,etques'unissent les Eglises! Mais nosPeres theophores naccepterent116pas...Poursuivant I' auditiondes grandes voixquiont utilise Ie mot oik-onomia, nous entendons les restrictions de Nicolas le mystikos, audebut duX" siecle. Aproposdelaquestionduquatriememariagedelempereur Leon VI, il ecrit au pape Anastase m.' "Certains disent quevous permettez non seulement une quatriyrne, mais une cinquiyrnefemmeetmemeuneautreapres celle-ci. Bien, et si lasixieme meurt,votre oikonomia sans limites, disons plutot votre concession aladebauche, va jusqu'a permettre de contracter un autremariage, puis unautre etainsi desuite jusqu'aux portesde lamort... Mais, I'autorite deRomeapratiqueYoikonomlapourlui (l'empereur) et vousne devezpas VOllS opposer ace qui a eteregleavecoikonomia, dites-vous. Quevoulez-vous dire?Est-il au pouvoir de Rome dedecider paroikonomiaquecelui qui violelaloi resteimpuni et quedeses mainsimpuresiltouche Ies choses sacrees?.. OUavez-vous decouvert une aussi invrais-emblable oikonomiajusqu'amaintenant? .. Si quelqu'un ru'obeit ouplutot obeit aux lois sacrees, d'une part j' accepte la penitence dupecheur et j e luiconfirme I' appli cation de I' oikonomia, mais seulements'il metfin asonpeche, nons'ils'y obstine. La fautecontinuant aetrecommisesans interruption, il est impossible de supposer quecelui quipermet aupecheur devivredanssafautepuisse pratiquer I' oikonomiaen vue du salut. Ceci est le fait d'un personnage cynique, non de6 Relatiomotionis, P.G. 90, col. 113-117(trad. G. Dagron, Ernpereuret pretre,Paris,Gallimard, 1996,p. 180.7 Ed. R.J.H. Jenkins- L.G. Westerink, Nicholas J Patriarch of Constantinople, 32(Dumbarton Oaks Texts. 2), Washington1973, p. 230,234, 236, 238.Tolerance et pouvoir 11queIqu'un, qui pratiqueI' oikonomia, mais dequelqu'unqui semoquedes secours apportes par l' oikonomia",Ledroitmatrimonialbyzantin, onlesait, visesurtout aexprimeret aproteger Ia notion selonlaquelle Ie mariage chretien unique, realitesacramentelle, est une representation de I'union du Christ et de son Eg-lise.8Parsuite, lemariagen'estpas qu'uncontrat qui neseraitindis-soluble quetant quevivent Ies deuxpartis, maisune relationeternelle,que lamort nerompt pas. Done, commeledit l'apotrePaul,9lere-mariageest unetolerance, maisn' estpaslegitime parIui-rnerne, qu'ilsoit conclu apreslamort de l'un desepoux ouapresundivorce. DansIes deuxcas,il n' est accepte deux foisque par oikonomia. 10Lepatriarche Athanase I",au debut du XfV"siecle, dansunelet-tre aI' empereur condarnne lesmesuresde tolerancereccmment prisesauxdepens,estime-t-il, de Ia hierarchie: "En ce qui conceme Ie metro-politedeTyr" , ecrit-il, "qui pensepouvoirreIever deleurs fonctionspretresetdiacres, ou bienle patriarched' Alexandrie, qui decided' ac-cepter qui bonlui semble aurangdesorthodoxesetd' enrejeter d' au-tres, desemontrerinsolent alegarddusynodeet dupatriarched'icidans lacapitale, refusantd' etre jugepar lUI, et, danslememetemps,soupesemes actes d'autorite, tel unsecondTheophile, comme jeI'aidit; de tellesoikonomiai apparentes ont detruit Ia structure de 1'Eglise,et, si nousneveillons pas ayremedier, celles-ciprevaudront toujoursplus"."II apparait clairement ici qu'au nomde Voikonomia malcomprise,lepatriarchedeConstantinoplerevandiquetoutesonautoritecommechef deI'Eglise orthodoxe etcelledesinstances collegialesstatutairesgrecques.L' oikonomiadevient done till instrument de pouvoir libere desstrictes exigences de Ia loi et elle est sujet d'appreciations plus aumoins durables.Deuxexemples concrets de Iaviejuridiqueleferont connaitreavec plusd' evidence, s'il en est besoin.En 1112, une certaine Eudocie, fille d'un patrice GregoireBourionet epoused'unprctospathaireStephane Rasopoles, "reduite",8 Paul aux Ephesiens, 5.25-33.9 1 Co 7.869.10J. Meyendorff, Initiation alatheologiebyzantine. L 'histoireet la doctrine, Paris,Cerf, 1975, p.119-122.11Ed.Alice-MaryMaffryTalbot, The Correspondence ofAthanasius J Patriarch ofConstantinople, 69 (Dumbarton Oaks Texts. 3), Washington 1975, p. 168.12 AndreGuilloudit Ie texte, "ituneextremepauvrete"et, aprcs avoir obtenu l ' autorisa-tion necessaire, vendpour 28hyperpres aI'higoumenedumonasterede DocheiariouauMont-Athos, Neophyte, son prcasteiond'Ison, sisdansla circonscription fiscaledesBryai, qu' elle possede it titre dedot.La vente est cornpliquee en raison du statut particulier etprivilegiereservepar lalegislationbyzantineauxbiensdetenusa titredotal: Iemari n' apas Iedroit de les vendre, mde les hypothequer,meme sil aIe consentement desonepouse(Basiliques, 29.1.119, 15).Pour rassurer Neophyte, Eudocie fait appel a la clause legale autorisantI' epouse it vendre des immeubles de sa dot pour certaines raisonsgraves, commelebesoindenourrirsafamille. C'est laproceduredeI' oikonomia(Basiliques, 28.8.20), qui comporteune requeteadresseepar Eudocieaupraitor etduede ThessaloniqueAndronicDoukas, puisune decision(lysis) dupraitor, uncompte-renduexecutoiredulogari-astesChandrenos(qUI reIevedubureaucentral desfinances), donnantaEudocielautorisationdevendrelesbiensqu'elledetient autitredesa dot, enfin une deposition ecrite dans laquelle Eudocie declarequ' elle adicteelle-rnemesarequete, qu' elle tient avendreson biend'Isonet expliquelesraisonsqui l' ont poussecacettedecision: "Sonmari Stephane Rasopoles a vusesaffairespericliter par suitedestrou-bles de lepoqueet en outre a causedela non-productionprolongeedela terre, qui a entraine limpossibilite de subvenir auxbesoins vitaux desa familleet lesreduisit ala mendicite, lui, elle-rneme et leurs enfants;dautre part, leurs biens-fonds situes loin de Thessalonique, OU ilshabitent, neleur rapportentrien, alors qu'ilspeuvent etreexploites parceux qui Ie veulent.en toute tranquillite"(lignes 27-29).On mettraendoutel 'exactitudedes declarations d'Eudociecon-cernant l' etat de delabrernent de la famille, y compris du mari, qui,certes, a puconnaitredesreversde fortune, maisconservesontitredeprorospathaire, quilui assure unerente et Ie rangde senateur.Done, les instancesadmmistrativesbyzantinesauront contourne,par oikonomia, I' interdictionlegaled' alienerIe biendotaLpourcom-plaire a une famille de notables. 12Secondexemple. En aout 1373, une certaineAnna, avecIecon-sentement de son mari, le grand domestique Demetrius Paleologue,vend aumonasterede Docheiariou sonbiendotal situea Mariana presd'Olynthos, pourlasommede600hyperpres. Le monastered'Akap-12Actes de Docheiariou, no3,ed. Oikonornidis (Archives de l' Athas. 13), Paris1984, p. 60-73.Tolerance et pouvoir13nioua Thessaloniquecontestelavente, enpretendant pouvoiruser desondroit depreemption. Legranddomestiquedemandeaupatriarchede trancher I'affaire. Il sefforce de lui demontrer qu'il sagit biend'une donationet non d'une vente, ce qui est encontradiction flagranteavecle contenu du document conteste parle monastere d' Akapniou,eninsistant sur lefait queleprixqu'il avaitdemandeauxautresvoisinsetait plusdutripledecequeDocheiariouavait finalementpay e. IInefait pasmentiondu fait quepourvendre un biendotal le detenteur doity etrecontraint parla necessite,ce qui pourrait etre ala rigueur justifiepar I' affirmation que la terre est abandonnee et improductive!Quoiqu'il ensoit, le patriarche debouteIe monastere d' Akapniou de saplainte, reconnait qu'il sagit d'une donation, qui nest pas sounusecomme telle aux restrictions de la preemption et qu' entout etat decauseil faut constaterqueIeplaignant n'apas elevede contestationdanslesdelais requispar la loi.Il est clairquelasolutiond' oikonomiaadopteepar lepatriarcheest simplement revetue de quelques arguments juridiques.MaisIe granddomestique, Demetrius Paleologue, epoux d' Anna,qui donneouvendsonbiendotal aumonastereathonite, encontour-nant lesinterdictionslegales, est l' onele de l' empereur etfilsspiritueldu patriarche. 13Cette opportune souplesse fut, on l'imagine, largement mise acontributiona l' epoquedeladominationottomane, quandlepouvoirde l'Eglise orthodoxe reposait sur une initiale ambiguite, entre lanecessite detre soumise au pouvoir ottoman et d'obeir auxorganes del'administrationcivile, et, enmemetemps, I'obligationmoraledenepas servir untyraninfidelemais I'Eglise. L'usagenuanced'uneoik-onomia nouvellement elaboree permit a l'Eglised'avoir souvent l'atti-tude prudentedecollaboration, qui lui conservases interetsvitauxetceux desChretiens.!"Endroit matrimonial, par exemple, l'usaged'unnouveauregimed'oikonomiadecoulapeuapeudelanecessitedamenagerdemulti-ples systernesdedroits coutumiers, pour lesincorporer danslecorpusjuridiquedechaquediocese. D' autre part, laSublime Porte, qui avaitdes le premier moment reconnu I' autorite juridique du patriarche et desprelatsorthodoxespourtoutesles causesrelevant dudroit familial et13Ibidem,n042, p. 237-240.14 S.c. Zervos, Recherches sur les Phanariotes et leur ideologie politique(1666-1821), Thesede doctorat EH.E.S.S., Paris. 1990.14 Andre Guilloududroit successoral des populationsconquises, permettait it ses sujetsde religion non islamique de recourir aux Instances judiciaires IS-Iamiques pour Iesmemesquestions. Et c est ainsi quememe lesdigni-tairesdelEgliseorthodoxeportaientleurs litigesdevantlestribunauxdes juges musulmans, endepit desprotestanons deI'Eglise, comme onpeut bienIe penser.Pour conserversonauto rite sur sontroupeau, I'Egliseorthodoxeassouplit done sapratiqueence qui concerneplusieurs aspects delaviefamilialeet de Ia viecivile despopulations chretiennes.Mais I' extension dela notiond' oikonomia rencontra de nombreuxobstacles, comme il est nature!' Gennadios II, voulant amenager Iesregles fixees pour Iemanage, se heurtait une veritable revolte d'ungroupeimportant d' officiers de Ia Grande Eglise et de prelats, soucieuxdevoir observerlaIettredudogmeorthodoxe. Legrandsynodereunien1484 aboutitituncornprorrussur I' applicationduprincipedeI' oik-onomia, quiabandonnait desormais tout critere reposant surunecodifi-cationrigoureuse, maisfaisait simplementreference, comme toujours,auxgrandes valeurs de Ia foi orthodoxe.LanaturedeI' oikonomiademeurait intacte, maissonapplicationsystematique conduisit it uncertainrelachement et it quelques execscaracterises: Iesprelatset lespretresenuserent sans lemoindrescru-pule pour justifier desmalversationsoufaciliterIe progesdeleurcar-riere; Ies rivalites entre les archontes laiques et les archontesecclesiastiquesdevinrent apres, acharnees, et susciterent enplus duneoccasion l'intervention desautorites musulmanes.Pour apprecier justement Iasituation, il convient de se rappelerque I' actionduclergeorthodoxedevait respecterIaIettre des canons(l' akribeiai me me assouplie par I' oikonomia, et la realite de Ia viequotidienne, ce que lonappelait "la servitudedes temps": et ceci aI'interieur dun systeme de contraintes ideologiques contradictoires,qui avait donnenaissance a uncorpusnormatif adoubleorigine. Deson cote, Iepatriarche, qui avait Ieredoutableavantaged' accederdi-rectementitIaSublimePorte, dans saIutteseculairecontreIesmetro-polites, justifia ses actes, bons ou moins bons, par Ie principed' oikonomia, qui lui donna finalement la victoire et Ie pouvoir auXVIIesiecle. 1515 Voir S. Petrnezas, in P. Odorico, Conseils et memoires de Synadinos, pretre de SerresenMacedoine (.,:\17Jle steele) (Textes. Documents. Etudes sur lemonde byzantin,neohellenique et balkanique), Paris, Association Pierre Belen. 1996, sous-pressc.Tolerance et pouvoir 15LepatriarcheGennadios, dans unelettreadresseeit MaxirneSo-phianoset auxautres moinesdumonastereSainte-CatherineauMontSinal, 16 explique clairement les limites autorisees par I' oikonomiapoureviter"Ie scandale", termetechniquebyzantin(dorigineevangelique)pourdesignertout actesemant laconfusionet portant atteinteauxin-terets de 1'Eglise. II demande auxmoines de ne pasetrescandalises parlaconduitedupatriarchede Jerusalem, qui etait obligede menager,moyannant finances, les seigneursmusulmansdupays, et denepl uscontester salegitimite: "la vente etI' achat" dusacerdoce et desofficesecclesiastiques devaient etre toleres, meme danslescasde transactionspurementvenalesimpliquantdesarchonteset des prelatschretiens; labonnevolonteet l' actiondespatriarches onteteincapablesd' extirperle mal et de mettre fin it de mauvaises pratiques. Mais, merne lesprelatsjustes, ceuxqui savent les irregularites comnuses et la mau-vaisefoi des pecheurs, doivent "econorniserletemps", dissimulerlesactes, qui peuvent ebranler la confiance du peuple chretien en sesprelats. La perte decette confiance conduit aumeprisdesprelats et audoute sur le dogme chretien. Ledoute mene it la perte de la foi.Endis-simulant les manquements aux canons, continue-t-il, et aux lois di-vines, les crimesdespretreset des prelats, lebonpatriarchepreserveI'innocencedesesouailles. Lafautepesesur laconscienceduprelatseul, tandisquelesChretiens, ignorantsetpieux, gagneront leur salut.Le prelat, memecupideet pecheur, portesur lui, grace a- sonsacer-doce, lepechecollectif delacommunautedes fideles. 11 remplit sonrole de mediateur. Dieureconnait et recompenselapietesinceredesChretiens merne envers des prelats ignominieux.Oikonomia du pouvoir de I'Eglise dans la marche du Chretienverssonsalut eternel.II ya encore I' oikonomia du Chretien dans sesrelations formellesavec Dieu.UnpretredeSerres en Macedoine en fixeainsi le mode d'emploi:"Frere bien aime, il faut que tu fasses encore ceci: quandtu vas a-I' eglise, desque tu entres, commence it dire it Dieu": suitune longue Ii-tanie. PuisI' auteur continue: "II faut quetudisestoutescesprieres, etensuite quetu toumes tonvisage vers l'icone dela Vierge;alorsrecitececi avec unegrande piete et dis": suit unelongueserie d'invocations.Et I' auteurpoursuit: "11 faut que tudisestout cela, mon frere... Et si16Ed. L.Petit, t. IV, Paris 1935, p. 201-202.16 Andre Guilloutout cela tesembletropetquetunegligesdeledire, dis-enlamoitie,lorsque tu entres dansI' eglise et que tu te prostemes, et disI' autremoi-tie, lorsqueIe pretre est arrive it la fin de la liturgie et que tu te proster-nes. Alors, il faut que tudises aussi ceque tuas laisse et que tuleterrnines. Ensuite, rentrechez toi et remercie Dieu.Et, si tu es illettre, frerebienaime. dis:Seigneur Jesus-Christ, Filset Verbe deDieu, pourta grande pitie et pour l'intercessionde la Merede Dieu, aie pitiede moi, qui suisun pecheur, et: Seigneur, prends soindemoi, donne-moi la joie, aide-moi, donne-moi unabri, garde-moi detout mal, et rends-rnoi dignede tonroyaume. Amen.E1, sitout cela tesemble tropetquetunepuissesledireruteIerappeler, dis seulement ceci: Mon Dieu, pardonne-moi, qui SUlS unpecheur. Ces motsnedoivent jamais etreabsentsde tabouche, quetusoisinstruit ouquetusoisillettre, quetutravaillesouquetuchomes,quetu te prornenes ouque tuSOlSdanston lit, que tusoisit I' eglise ouque tusoischez toi, il faut que tudisesces mots: MonDieu, pardonne-moi, qui suisun pecheur" .17II ya enfin l' oikonomia divine, couplee avec l' ascese personnelle;etnousnous eloignonsici beaucoupdelalitteraturedeI'Eglise, puis-que mon demier texte est le poeme epique duDigenis Akritas. Legeneral quipoursuit Digenis, qui lui a enleve safilleeta vuladefaitede sa suitemilitaire, ecrase par le heros"leve les mainsversle cielEt les yeux tournes versl'Orient rendit grace it Dieu:Gloire it toi, dit-il, 0 Dieu econorne de nosinteretsAvec ta sagesse indicible it notre endroitTu masaccorde un gendre telque je le voulais".18Lesvoiesde Dieu(1'oikonomia divine)sont souvent insondables.mais elles nont dautrebut que lesalut delameduChretien; et Iefidele orthodoxe aura it coeur de s'yconformer parune oikonomia per-sonnelle, dont unbel exemple litteraire estfoumi par unautrepassagedumemepoeme: unchef apelate, levieuxphilopappos, mis enfuitepar le heros, raconte it I' amazone Maximo, dont il demande I' aide,qu'il estdecide it se retirer de la luttepour trouver le repos monastiqueet, par oikonomiaavec1'assentiment deDieu, it yrechercher"ledonqui na pasde prix", 19 qui est le salut eternel par la viesolitaire.17P. Odorico, op.cit., III. paragraphes 23-26.18Ed. et trad. ital. P. Odorico. IV, 684-687, Florence 1995. p. 102.19 Ibidem. VI. 400, p. 166.Tolerance et pouvoir17Lafoi orthodoxe est univcrselle. disait Euloge au VIesieele,20apres d' autres;"elle est la plus belle du monde", ecrit Synadinos, Ie pretremacedonienauXvll"siecle," qui exelut touteautrecroyance: "Si Dieutavait fait naitre dansuneautrerace. queserait-iI advenudetoi. mal-hcureux?Un etre perdu pour toujoursdu point de vue spirituel comme dupoint de vue tempore!..."Legrandrevedelacivilisationbyzantineetait d' etabliruneso-cietechretienneuniverselle, administree parI'empereur et guidee dansla voiespirituelle parI'Eglise.Toutefois, s' etant toujoursattachceit Ia verite, it saverite, et ex-eluant par principe tout relativisme, la pensee byzantine a evite detomber dans Ierationalisme conceptuel comme dans I,autoritarisme.Auseinmemedesonconservatisme, Ia theologiebyzantines'appuiesur des criteres internes certes, mais aussi sur I' experience, qui im-plique, commeIa vieelle-merne, Ie changement, maisaussi Ia fideliteaupasse. C' estit Ia croiseede cesdeuxcheminsquese trouve, it monsens, I' oikonomia, complaisance. can descendance, comprorrus,tolerance salvatrice (a(J)'tllpt(J)Ol1s "imitation delamour de Dieu pour les hommes",22 puisque l'Incamation est Iemodelebyzantinde Yoikonomiadivine,23I'instrument Ie plussubtil etIe plusspecifique, peut-etre, de I' autorite de I'Eglise orthodoxe, qui nese considere pas comme source de verite, maisdepend elle-meme de lafoi de ceux qui sont appeles it I' exercer.Lenormatif n' est donepasirreductible, caril exprime lavolonteet les pretentious mouvantes d'un pouvoir social, qui ne peut ignorer latolerance gaged' efficacite.20 Photius. Bibliotheque, ed.cit., p. 114.21 Ed.cit.. IV. paragraphe 222 Nicolas mystikos, ed.cit., p. 236.23 JeanDamascene, Pege gnoseos, P.G. 94,col. 1101.18 Andre Guillou 11 BJIACTY l1PABOCITABHOM CBETY CPEIIIhEr 11HOBOr BEKAPC1lIMCYC130M"TIIICMy0TO,lcpaHUIIjII" 1131689. rOIJ,IIHC. UOHJIoK pasanjaTCO-pnjyAP)KaBC'IlIjlI npasenau nopenax oxroryhana'I013CKy, rj. nojemnnry,pasaojn caspeaaa.e y MUpy II CIIrypHOCTII. CBaKa AP)Ka13a. xao II cnaxa IJ,pKBaacxycnnecyTOKOMucropujenoaapusarmjynarnphyII norrycrrsnaajy crpyjy,YBII3aHTIIjcKOMII rrOCTBlnaHTJIjcKOMcnery. 'raTeH3IIja ce'ICCTOxonxpernayjey OLJ,HOCyu3Mel)yMOnaIl1K11Xxpyrona, KOjlI ceAP)Ke CJIOBa3aKOHa totcputiuja).II xpyrosa cseurrencrna UCBeTOBHlIXnocrojancrneunsa. xojn sehy rra)KJbyofipahajynanpax'rnxneUMlliluKauuje xpumhancxor seponan.a. naOHOUITOjana3IIBaM etconosuqa. 11 IICTopIIjcKa II TeOJIOJUKa mnaHTujcKa rnrrepa'rypa'IeCTOce IIa'ICJIOM etcououuje - xojyrrpCBOjJ,UM xao"ronepaannja "-xaonpaxrepov BU3aHTUHUUMaCBojcT13eHe cnocofinocrn na 3aKOHTyMalJe CJIO-aOAHO. yCKJIaAYCrrOJIIlTlI'IKUMllJIU JIlI'mUM UIUbCBUMa. ToCMaTpaM olJUrJIeA-nOM rpCJUKOMII Herrpa13IJ,OM KaKO npexiacaMOM naneny TaKO U rrpCMa n.eronojUCTlIHCKOj npnxtenn. Y C130M 'IYBenOM"TIUCl\ty AMClHIJIOXIIjy". 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