blitzkrieg, l'histoire du punk en 45 tours

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HISTOiRE dU PuNK en 45 tours Géant Ve r t

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De 1976 à 1979, la musique rock a connu sa dernière révolution totale. Non content de donner un grand coup de pied dans le fondement d’une société où plus rien ne se passe, des jeunes pas si désœuvrés que ça invente le punk rock à travers une flopée de 45 tours qui sont plus des manifestes à la création que de simples chansons de moins de trois minutes. En quelques mois, ces jeunes gens changeront la face du monde musical avant de s’attaquer avec autant de succès à la mode, au design, à la peinture, au cinéma, à la bande-dessinée et à tout ce que la planète peut compter d’activités artistiques. Avec ce livre, l’auteur revisite ces trois années de folie à travers 80 singles enregistrés par autant de groupes aussi essentiels les uns que les autres même si la plupart n’ont pas connu le même succès que les Clash ou les Sex Pistols.

TRANSCRIPT

Page 1: Blitzkrieg, l'histoire du punk en 45 tours

Le 23 Avril 1976 sortait “Blitzkrieg Bop” premier 45 tours des Ramones.

Et derrière eux, le déluge. Clash, Sex Pistols, Saints, Asphalt Jungle, Richard Hell...

Londres, New York, Los Angeles et bientôt Paris s’embrasent lors d’un été de la haine rythmé par de fabuleuses pépites,

toutes publiées en singles 45 tours, format libre et populaire.

Géant Vert, auteur de la chanson “Anarchie en Chiraquie” et journaliste à Rock&Folk depuis 1994, nous raconte la grande bataille du punk.

Hey,ho,let’s go!

25 €ISBN : 9782-84230-454-6

HISTOiRE dU PuNK

en 45 tours

Géant Vert

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COLLECTION PHILIPPE MANŒUVRE

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Page 2: Blitzkrieg, l'histoire du punk en 45 tours

Géant, dans les Seventies.

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En 1976, j’avais quinze ans et déjà l’impression d’aller dans le mur. L’époque était aussi excitante que l’annonce du premier choc pétrolier, à grand renfort d’interventions du président Giscard d’Estaing, deux ans plus tôt. Dans les conversations, on sentait l’angoisse des gens, alors persuadés qu’il n’y aurait bientôt plus d’essence à mettre dans les réservoirs de leur Renault 10 ou de leur 504 Peugeot. D’ailleurs, à ce sujet, l’année 1976 ressemblait à s’y méprendre à une carrosserie de voiture française : le genre qu’on plante sans regret contre un platane de la Nationale 7 car il n’y a rien de mieux à faire pour en améliorer l’esthétique. Un soir, j’ai surpris une conversation entre mes parents.

Ils s’inquiétaient et de mon avenir et du plein d’essence. C’est là que ma mère a sorti cette phrase pleine de bon sens quant à son fils : “Oh lui, de toute façon, il est bien trop bête pour passer son permis !” Là-dessus, elle n’avait pas tort, je ne l’ai jamais eu. Quand à mon avenir professionnel, une écoute religieuse du No Fun des Stooges s’en était déjà chargée. C’est à peu près à ce moment-là que je suis tombé sur une puce de Rock&Folk qui disait qu’à force d’avoir loupé les Stooges et les New York Dolls et de ne pas s’en être remis, les Anglais créaient un ersatz par mois et que le dernier en date s’appelait les Sex Pistols. Je me suis donc rendu à la gare la plus proche pour prendre le train en marche.

Trente-cinq ans plus tard, je suis assis derrière un ordinateur, essayant de résumer quatre années extraordinairement créatives en les réduisant brutalement à seulement quatre-vingt singles. Ces choix vont certainement générer des réactions du genre : “Cet idiot confond la New Wave et le punk !", “Quoi ? Plastic Bertrand au même rang que les Clash et Johnny Thunders !", “Heu, Sham 69, ce n’est pas des skins fachos ?” ou encore “Mais Pere Ubu, Devo, Ian Dury, Magazine ne sont pas punks !” À cela, je répondrais qu’il s’agit d’une succession de portraits de groupes essentiels, à travers quatre-vingt singles que j’ai aimés où détestés entre 1976 et 1979 mais qui m’ont tous forcément marqué. J’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à l’époque à m’intéresser au punk américain car je trouvais les Germs pénibles et la scène de Los Angeles peu convaincante.

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INTRODUCTiON

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“Havana Affair”

USA 23 avril 1976

The Ramones“Blitzkrieg Bop”

L’année 1976 va se distinguer de ses consœurs sur pas mal de points. Déjà, sur le plan météorologique, la planète va connaître l’été le plus caniculaire depuis des décennies. Alors que le futur été de la haine des grands barrés n’a pas encore été détecté par les spécialistes de la météo musicale, il se trouve que quelques trublions originaires de Forest Hills – banlieue de New York généralement fréquentée par les adeptes du tennis sur fond de réacteurs d’avions – ne se sont pas gênés pour préparer son échauffement depuis le garage où ils ont établi leurs pénates. Ces quatre quasi teenagers (ils sont tous nés entre 1951 et 1952) ont décidé de se baptiser Ramones et de faire croire à la planète entière qu’ils sont frères. Évidemment, les débuts ne sont pas glorieux. Ils sont même assez durs car le quatuor est purement et simplement épouvantable à écouter pour les oreilles de la clientèle du CBGB’s, bar pourri du Bowery, le quartier des clodos et des toxicos de la Grosse Pomme. C’est simple, dès le premier accord, le son est assourdissant et le look militaro-clownesque des Ramones fait peur à la clientèle encore néo-baba qui ose les écouter. Les quatre sont habillés à l’identique, à base de blousons de cuir rincés, jeans serrés avec usure naturelle sur toutes les coutures, coupe de douilles entre Beatles au saut du lit et manque de bol le plus total quant

à l’égalisation du résultat, ainsi qu’une volonté absolue de porter des Converse, encore plus basses que la marée pour ce qui est de l’odeur de varech échoué qui s’en dégage. Bref, ces quatre-là ont quasi tout inventé de ce qui sera le look à la mode chez tous les suiveurs de la Terre. Seulement, ils ne le savent pas encore et Joey, le chanteur, est encore persuadé que les Ramones est un groupe de surf rock comme un autre. À croire qu’il avait aussi inventé les bouchons d’oreille… Malgré le tollé suscité par leurs premières apparitions, les quatre développent un rock minimaliste et bruyant qui va résolument à l’encontre de tous les canons musicaux de l’époque. Alors que le résultat scénique est sujet à caution – ils n’hésitent pas à interrompre le set pour s’engueuler sur une question de rythme ou de tonalité – les Ramones sont tous persuadés qu’ils tiennent là le concept qui va faire d’eux des stars au même titre que les Who, Elvis Presley ou les Beatles dont ils sont fans. Au regard de ce qui ne va pas tarder à débouler sur le vieux continent, les aspirations du groupe n’ont rien à voir avec la subversion. On peut même dire qu’ils ne cachent pas une certaine admiration pour l’ordre établi dans certaines chansons de leur répertoire, au grand dam de Joey, seul véritable démocrate dans l’âme. Après coup, et comme pourra en témoigner la chanteuse Debbie Harry, le sens de la discipline des Ramones faisait un peu peur. Alors que les Ramones et leur Blitzkrieg Bop vont être un des vecteurs essentiels de

la révolution qui s’annonce, ses membres, en dépit d’un mode de vie très rock’n’roll, décident de devenir des professionnels absolus aussi bien en studio que sur scène. Ils en sont tellement persuadés qu’ils n’ont aucun mal à signer avec Sire Records, le label de Seymour Stein, grand nez creux au panthéon des découvreurs de nouveaux talents – surtout quand il s’agira de faire signer Madonna avant tout le monde. Avec un budget peau de chagrin qui ne leur permettra pas de dépasser le stade de la maquette, les Ramones synthétisent deux ans de travail acharné dans les quelques minutes de Blitzkrieg Bop, un “trois accords” tellement classique qu’il fait figure d’OVNI dans le paysage rock de l’époque. Malgré un son de casserole, tous les fondamentaux du punk rock sont présents et ce single est définitivement le premier 45 tours punk de l’histoire de la musique. Pour cela, les Ramones resteront à jamais les précurseurs du punk rock originel. Et cela même s’il est aussi celui qui termine définitivement aigri à force d’avoir visé trop haut. Ultime particularité : avec le décès par cancer ou overdose du chanteur, du bassiste et du guitariste, il reste aussi le seul groupe où il valait mieux être le batteur pour figurer sur la photo finale un soir d’orage.

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(Sire Records)

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Angleterre 19 novembre 1976

The Sex Pistols“Anarchy In The U

.K.” Le 20 juillet 1976, les Sex Pistols jouent au Lesser Free Trade Hall, une minuscule salle de Manchester qu’ils investissent pour la deuxième fois en moins de deux mois. Ce soir-là, c’est une nouvelle chanson qui ouvre le bal. Elle s’appelle Anarchy in the U.K. et tout le petit monde de la musique s’en contrefiche royalement : des adolescents mal dans leur peau qui font rimer difficilement “antichrist” et “anarchist”, tout cela n’empêchera certainement pas la perfide Albion de continuer à ronronner. La chanson est tellement inoffensive pour tout le monde qu’elle est même diffusée deux fois à la télévision anglaise sans que les ligues de vertu s’en émeuvent d’aucune façon (Granada TV le 4 septembre et pendant le programme Young Nation le 12 novembre). Le 1er décembre, quelques minutes après la sacro-sainte heure du thé, la donne change brutalement suite à une bordée de “fuck” aimablement fournis par Steve Jones au micro du présentateur Bill Grundy. Persuadés que le passage sera coupé au montage, les Sex Pistols quittent le studio sans savoir que l’émission était en direct. Le lendemain, les quatre jeunes gens deviennent officiellement les ennemis publics préférés de ce que tout le Royaume-Uni compte de beaufs drogués au politiquement correct. C’est le début de la légende et l’interdiction direct du 45 tours dont la pochette avait déjà subi les foudres de la censure. Avant d’en arriver là, le titre avait déjà connu quelques déboires en studio.

de réglage (humeur du groupe assortie à un tempo quelque peu erratique pour Paul Cook), l’enregistrement est définitivement en boîte le 17 octobre 1976. Avant cette date, aucune oreille de mélomane n’avait entendu des cymbales sonner de la sorte à la sortie des baffles. Plus qu’une simple agression sonore, le traitement de la batterie imposée par les deux apporte une dimension bruitiste à la chanson que n’auraient pas reniée les adeptes de la musique contemporaine. Dès les premières notes, les candidats à l’expérience Sex Pistols sont plongés dans un climat d’extrême urgence qui colle seconde après seconde au texte provocateur écrit par Johnny Rotten. Plus qu’un simple enregistrement, Anarchy in the U.K. est la bande-son d’une Angleterre en pleine déliquescence. Quelques décennies plus tard, ce manifeste continue à susciter la controverse, la dernière en date étant les allégations de Penny Rimbaud (Crass) laissant entendre que les paroles ont plus été écrites par l’entourage du groupe que par Rotten. C’est évidemment faux et démontre uniquement tout le ressentiment éprouvé par ceux qui n’ont jamais su utiliser l’accord de mi majeur comme les Sex Pistols l’ont fait.

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(EMI) “I Wanna Be Me”

Si le groupe le joue parfaitement en public, ce n’est plus le cas dès qu’il s’agit de le mettre en boîte et les versions enregistrées ne sont guère convaincantes. Après un dernier essai aussi infructueux qu’éthylique avec Dave Goodman, le producteur des débuts, les exécutives d’EMI décident de protéger leur tout nouvel investissement et retirent la production à Goodman qui passera le reste de sa vie à crier au complot. En deux temps trois mouvements, ils mettent Chris Thomas sur le coup qui, après avoir vu les Sex Pistols en concert, accepte de mettre son grain de sel dans l’aventure. Pour les amateurs de rock, Chris Thomas est loin d’être un inconnu. Plus que pour son impressionnant CV – il a déjà travaillé avec Elton John, Roxy Music et même sur le White Album des Beatles – il est connu pour son sens du dialogue, même avec les musiciens les plus difficiles. Flanqué de son fidèle compère Bill Price, il débarque au Wessex Studio. Les deux hommes sont prêts à affronter la nouvelle vague anglaise sans trop d’inquiétude : habitués à travailler ensemble, Thomas amène les idées et Price est l’oreille chargée de la mise en forme. L’idée de départ de Chris Thomas est tout simplement monumentale quand on pense aux 20 000 livres d’avance que EMI vient de lâcher à Malcolm McLaren : faire sonner la batterie comme s’il s’agissait de poubelles métalliques jetées dans un escalier ! Après quelques menus problèmes

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Angleterre 18 mars 1977

The Clash“White Riot” Avant de se réunir sous la même bannière, les différents membres des Clash ont déjà tous une expérience musicale, même si le jeu de basse de Paul Simonon en est encore au stade du balbutiement appliqué. Comme un paquet de musiciens londoniens, le futur leader charismatique Joe (pas encore) Strummer s’ennuie ferme dans un groupe pub rock qui s’appelle les 101’rs. À force de passer ses nuits dans les clubs, il finit par croiser la route des Sex Pistols qui font la première partie de son groupe au Nashville Rooms. Évidemment, l’expérience tourne au chaos et Joe Strummer se réveille le lendemain avec la ferme intention de faire la même chose. Avec l’aide de Bernie Rhodes (ami et principal concurrent de Malcolm McLaren), The Clash est rapidement monté et commence à répéter sec sous la forme primaire d’un quintet avec trois guitaristes, ce qui en fait déjà deux de trop si on suit les canons de l’époque. Les débuts sont difficiles. Afin de profiter au maximum de la notoriété grandissante des Sex Pistols, Bernie Rhodes ne refuse aucune occasion pour faire jouer les deux groupes ensemble et cela, jusqu’en décembre 1976 et le fumeux Anarchy Tour où la plupart des dates sont annulées suite au passage des Sex Pistols chez Bill Grundy.

que des membres du National Front provoquent les festivaliers, Paul Simonon et lui se rangent du côté des opprimés car la police a déjà choisi son camp. Mal leur en prend car tout le monde est sacrément énervé et les deux hommes manquent de se faire écharper par la foule en furie qui ne voit en leur présence que deux Blancs de plus. Pas rancunier, Joe Strummer rédige White Riot dans la foulée où il crie son admiration pour les Noirs qui n’hésitent pas à se lever contre les injustices, tout en faisant le parallèle avec la classe ouvrière blanche qui se laisse faire sans réagir. Par la suite, beaucoup diront que la vision politique des Clash est forcément simpliste mais Joe Strummer et ses camarades ont réussi leur coup : devenir la première conscience politique issue du punk rock. À partir de ce disque, cette démarche politique va essaimer dans le monde entier et apprendre White Riot par cœur deviendra un passage obligé pour tous les rockers militants contre l’injustice. Loin d’être récompensé pour avoir ouvert la porte, les Clash vont se faire épingler par les fans pour avoir osé signer avec une major compagnie. Pourtant, comme la suite des évènements va le prouver, ce n’était pas vraiment pour l’argent. La plupart de leurs droits d’auteur ont été sacrifiés dès la signature au profit d’un contrat beaucoup trop long pour un groupe qui souhaitait vendre ses disques pour une poignée de cacahouètes afin de faire économiser un maximum d’argent à ses fans.

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“1977” (CBS)

L’expérience est dure et McLaren ne perd aucune occasion pour infliger un “traitement de faveur” aux protégés de son ami. Ainsi, le 29 août 1976, il accepte la présence du groupe comme première partie au Screen On The Green mais uniquement s’ils construisent la scène avant le concert. En échange, McLaren promet de s’occuper du reste. Quand les Clash monte sur scène, ces cinq membres sont exténués après une nuit blanche consacrée à la saine joie du bricolage. Très rapidement, malgré leur fatigue extrême, ils s’aperçoivent qu’ils ont vraiment un son atroce et font des signes au sonorisateur. Peine perdue, il n’y a personne derrière la table… Malheureusement pour McLaren, Joe Strummer et son gang connaissent parfaitement l’adage : “Ce qui ne tue pas rend plus fort.” Ils sont là pour apprendre et l’école des Sex Pistols est parfaite pour eux. À défaut d’être un guitariste exceptionnel, Joe Strummer est un brillant analyste. En peu de temps, il comprend qu’il doit se démarquer de l’esprit insouciant et vaguement anarchiste des Sex Pistols. À la faveur des émeutes raciales du 13 août 1976 qui ont suivi le carnaval antillais organisé dans le quartier londonien de Notting Hill, il prend la décision de politiser à gauche tout le répertoire du groupe. Ce jour-là, alors

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Irlande 19 août 1977

The Boomtown Rats

L’histoire des Boomtown Rats (du nom d’un gang cité par Woody Guthrie dans son autobiographie) commence en 1975 dans la petite ville d’Irlande du Sud, Dún Laoghaire, à côté de Dublin. L’amateur de musique absolument punk ne peut redouter que le pire venant de cet endroit côtier. Après des débuts sous le nom The Nightlife Thugs, les futurs Boomtown Rats sont tous des copains d’enfance réunis par la même passion de la musique irlandaise. Évidemment, comme ils sont jeunes et tous en admiration pour le chanteur Bob Geldof qui pige déjà au New Musical Express, ils décident de faire du rock à la mode. En bon groupe irlandais, les Boomtown Rats dépassent largement les canons du punk en vigueur avec une demi-douzaine de musiciens. Non seulement il y a deux guitaristes (Gerry Cott et Garry Roberts), un bassiste (Pete Briquette), un batteur (Simon Crowe) en plus de Bob Geldof mais aussi un clavier en la personne de Johnny Fingers ! Dans le genre, il ne manquait plus que l’accordéon pour préfigurer les Pogues… Avec l’arrivée de l’été 1977, le monde de la musique assiste à l’émergence d’une nouvelle génération de groupes pour l’instant toujours rattachés au punk. Cependant, dans le cas des Killjoys et des Boomtown Rats, elle sort du standard punk avec un nombre de musiciens en hausse car elle intègre maintenant des claviers et des cuivres en plus de la formation dite classique avec voix, basse, batterie et une ou deux guitares. Parallèlement à cette augmentation du personnel, cette

comprendre, tous les candidats au succès sous la bannière punk devront choisir leur camp : marcher avec le système ou le combattre. Loin d’être cornélien, ce choix sera très rapide pour la plupart des groupes. Ceux qui choisissent la voie de l’intégrisme pur et dur sont déjà conscients qu’ils n’ont pas les possibilités créatives d’un duo Lennon/McCartney pour les sortir de la moyenne tandis que les autres voient dans cette situation une excellente opportunité pour se sortir du carcan stéréotypé que semble être devenu le punk. Dans un cas comme dans l’autre, tout le monde est content.Mélange de rhythm and blues ultra speedé, la musique des Boomtown Rats arrive à temps pour remonter le moral de l’industrie musicale qui commençait tout juste à déprimer très fort devant tous les problèmes causés par les groupes phares. Le premier à réagir est Nigel Grainge, boss du label londonien Ensign Records, qui voit en cette demi-douzaine de jeunes l’opportunité d’apporter quelque chose de neuf dans le business. Ce sera chose faite après la sortie du hit Looking After No.1 qui permet aux Boomtown Rats de devenir le premier groupe officiellement new wave à avoir les honneurs d’un passage à l’émission de télé Top Of The Pop. Après, ce sera le début d’une longue progression vers la gloire pour un chanteur futur prix Nobel de la paix qui finira par oublier en cours de route que les Boomtown Rats étaient six et non un.

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“Born To Burn” “Lookin’ After No. 1”

(Ensign Records)

génération se distingue aussi par la présence de leaders comme Kevin Rowland et Bob Geldof, dont les aspirations personnelles sont beaucoup trop larges pour se contenter d’un format musical jugé trop étriqué, mais idéal pour mettre le pied à l’étrier. Dès le départ, les chanteurs de ces groupes avaient analysé le punk sous toutes ses coutures et ont appris à l’utiliser au mieux de leurs intérêts avant de passer à autre chose. Avoir un chanteur carriériste n’est pas une mauvaise chose pour un groupe. Au contraire, les musiciens n’ont plus qu’à suivre le mouvement impulsé par la personne ayant le plus d’énergie pour s’en sortir. De plus, la musique ainsi créée n’est pas mauvaise et même un brin au-dessus de la moyenne car forcément différente de ce que l’auditeur a l’habitude d’entendre. Dans le cas des Boomtown Rats, le premier 45 tours amène tout de suite une grosse bouffée d’énergie très positive. Être positif, écouter des groupes positifs, tout ce qui est positif dans l’attitude sur scène et dans la vie est exactement ce que les Britanniques souhaitent se mettre dans les oreilles car, à la sortie du disque, tout ce petit monde baigne alors dans ce que les tabloïds locaux ont baptisé “the summer of hate”, été de la haine où la chasse aux punks et principalement aux Sex Pistols est alors ouverte. Avant la sortie du God Save The Queen personnel de Johnny Rotten, le punk rock n’était pas une menace pour la société ; après, ce n’est plus le cas et la guerre est déclarée contre toute forme de sédition musicale. Maintenant, et en utilisant un cliché facile à

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France septembre 1977

Métal Urbain“Panik”

Dans l’histoire du rock, il y a les gagnants et les autres, la grande majorité constituée par tous ceux qui ne confirmeront jamais les espoirs placés en eux. Et puis il y a aussi l’exception qui confirme la règle, comme le cas très à part de Métal Urbain, un groupe né pour entrer directement dans la légende dès le premier accord et sans passer par la case départ. Les débuts de Métal Urbain sont connus. Après un essai qualifié de proto-punk et sous le nom de De Sade en 1975, Éric Débris (voix et boîte à rythme), Zip Zinc (synthé) et Rikky Darling (guitare) croisent la route d’un allumé qui ne va pas tarder à devenir Clode Panik. L’homme est un petit gabarit sec et nerveux doté d’une voix démoniaque dès qu’il s’agit de balancer les textes slogans dans un micro. Le quatuor répète d’arrache-pied dans un local à Châtelet, situé dans l’arrière-boutique de Rock Hair, le coiffeur des stars. C’est au cours de ces répétitions que naît officiellement Métal Urbain en référence au Metal Machine Music de Lou Reed, un album bruitiste et avant-gardiste tellement barré qu’il est très dur d’arriver au bout de ses quatre faces sans donner un grand coup de botte dans le tourne-disque. Après un premier concert au Golf Drouot qui se passe mal, les cavaliers de l’apocalypse passent la première partie de l’année 1977 à développer un style tellement personnel qu’il reste inimité à

ce jour, malgré les nombreuses tentatives faites au cours des années 80. Pour faire du Métal Urbain, il faut principalement des gens barrés, dotés de personnalités surdimensionnées, capables d’avaler un rouleau-compresseur au petit déjeuner avant de sauter sur Omaha Beach sans parachute en tirant sur tout ce qui bouge. Dans le cas de Zip Zinc, il est batteur mais trouve l’instrument encombrant et primaire. Électronicien, programmateur et bricoleur de génie, il commence à fabriquer ses propres instruments pour raison principalement économique : en 1976, le prix du synthétiseur le plus bas est encore à des années-lumière du porte-monnaie de Zip Zinc. Grâce à Asphalt Jungle, avec qui Métal Urbain partage le même guitariste, le groupe trouve un contrat d’enregistrement chez Cobra. Le deal est intéressant car le label propose carrément une semaine au studio Davoust sur un 24-pistes. C’est le Pérou, mais Rikki Darling annonce aussi son départ du groupe pour mieux se consacrer à Asphalt Jungle. Loin d’être abattu, le groupe se renforce en embauchant Nancy Lüger et Hermann Schwartz, deux frères guitaristes élevés aux trois accords et pas les derniers à bouger en cas d’embrouille. L’intégration se passe à merveille et Métal investit le studio d’enregistrement avec la ferme intention de bien profiter des moyens techniques mis à disposition. Le résultat est tout simplement terrifiant (dans le sens propre) pour ce qui est de la face A.

Jamais avant Métal Urbain un groupe n’avait été capable d’enregistrer une chanson d’une manière aussi brutalement dérangeante. En deux minutes et douze secondes, ce riff de Rikki Darling sur un texte d’Éric Débris se retrouve transcendé en une espèce de symphonie discordante où chaque note jouée l’est de façon agressive ; la voix de Clode Panik scande des bribes de texte où il est question d’exploser la tête du président de la République. Le quintet avait promis de faire fort et il a tenu parole en signant, non pas une chanson, mais un véritable manifeste dédié à l’insoumission la plus totale face au pouvoir. Évidemment, le monde ronronnant du disque national prend peur et la France devient alors subitement, non pas trop petite mais complètement inutile au groupe. Après la sortie et un passage promo inusité dans Aujourd’hui Madame, l’émission de la rombière giscardienne qui se respecte, le groupe fait ses valises pour l’Angleterre qui l’accueille avec le respect dû aux groupes qui savent prendre des risques. Malheureu sement, si l’accueil est enthousiaste et les deux 45 tours suivants plus que prometteurs, Métal Urbain ne rencontrera rien d’autre qu’un succès d’estime. Trop en avance sur tout, le groupe ne survivra pas au départ de Clode Panik, lassé par la dureté du séjour londonien. Pourtant, trente-cinq ans après, Métal Urbain reste la référence ultime de tous les jusqu’au-boutistes de la planète. Il n’est pas certain qu’avec le temps les anciens membres du gang apprécient particulièrement d’être devenus une fierté nationale.

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(Cobra) “Lady Coca Cola”

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The Nipple Erectors

Angleterre 16 mai 1978

“King Of The Bop”

poindre comme un sentiment de versatilité. À l’exception du batteur, les trois autres membres du groupe se présentent avant tout comme des artistes plutôt que comme des musiciens. Pour un groupe punk, il y a tout de même un peu d’arrogance dans l’attitude vis-à-vis des petits camarades qui les entourent. Ce sentiment d’être avant tout des artistes est tellement fort chez le chanteur et la bassiste que la moindre décision est prétexte à une véritable foire d’empoigne. Loin d’être stériles, ces discussions sont malheureusement trop engluées dans l’alcool pour que le groupe s’en rappelle le lendemain. Pourtant, jouer du punk rock en y incluant du rockabilly est une idée de génie. Sans le savoir, les Nipple Erectors ont exactement eu la même idée que le guitariste Billy Zoom à Los Angeles. Simplement, tandis que X va remporter la timbale en incluant progressivement le rockabilly au punk et devenir le géant du rock que tout le monde connaît, les Nipple Erectors vont prendre un autre chemin en expérimentant une nouvelle direction à chaque nouvelle sortie. Quand King Of The Bop sort, le disque ne tombe pas dans l’oreille de sourds. Il est populaire partout où il passe et influence, sans que ces musiciens s’en aperçoivent, la future scène psycho alors en pleine gestation. En deux disques sortis sensiblement en même temps mais sur deux

continents différents, la planète punk rock se prend un bon shoot de rockabilly dans le fondement comme vaccin de rappel. En 1980, le succès des Stray Cats a dû paraître bien amer à la bande de MacGowan. Pour la deuxième sortie de ce groupe un peu versatile, le nom se voit raccourci en The Nips. Pour ce qui est de la musique, All The Time InThe World/Vengeance est une sorte de copie carbone du British R&B tel qu’il était joué à Londres dans les années 60. Sur la pochette, MacGowan fait un appel du pied à John Peel en lui demandant pourquoi le groupe n’est toujours pas passé dans son émission. Après quelques nouveaux changements dans le personnel et toujours autant de tension entre Shane et Shanne, un troisième simple voit le jour en 1979. Là, les fans ont carrément droit aux chutes du Cost Of Living E.P. Après un ultime 45 tours produit par Paul Weller, un de leur plus grands fans, les Nips font du… jam ! Quatre disques, quatre styles et le groupe se sépare en 1981. MacGowan fondera les Pogues. En 1984, John Peel, rassuré par un style qui ne change pas tous les trente-six du mois, les invitera pour deux émissions. Dommage que le leader et sa bassiste n’aient pas compris cela plus tôt. La versatilité, ce n’est pas payant dans la musique.

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(Soho Records)“Nervous Wreck” Les débuts du punk auront engendré une première génération de fans suiveurs, dont une bonne partie finira par faire des petits. Parmi les membres du Bromley Contingent, certains comme Siouxsie ou Sid Vicious ont réussi très vite et sont des stars du premier coup, d’autres mettent plus de temps à concrétiser. C’est le cas de Marco Pironni (avec Adam & the Ants) et de la jeune Shanne Bradley qui connaîtra le succès en 1984 avec The Men They Couldn’t Hang. En attendant, elle passe toute l’année 1976 à faire le modèle pour Vivienne Westwood comme tout le monde. En 1977, elle finit par s’accoquiner avec une sorte de hooligan punk, fouteur de merde dans les concerts, nommé Shane MacGowan. Ce dernier, outre sa belle réputation de soiffard impénitent, est la tête pensante du fanzine Bondage qui ne sortira que pour un seul numéro début 1977 avec des chroniques des concerts d’Eater et de Jam au Roxy ainsi qu’une apologie des Sex Pistols. L’ensemble était rédigé à la main et MacGowan y parlait même de Little Bob Story au Marquee Club. À force de croiser tous les acteurs de l’époque, il finit par faire comme tout le monde après sa rencontre avec Shane Bradley. La première formation se monte très vite autour du couple, du batteur Arcane Vendetta et du guitariste Roger Towndrow. Le 17 septembre 1977, c’est le premier concert au Roxy Club sous le nom de Nipple Erectus avant qu’il ne devienne Erectors dès le deuxième. Déjà, on sent

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999 ....... 066Adverts ....... 038Alberto Y Lost Trios Paranoias ....... 086 Angelic Upstarts ....... 130Asphalt Jungle ....... 044 Avengers ....... 110Bags ....... 154Bertrand Plastic ....... 108Black Flag ....... 152Blondie ....... 016Boomtown Rats ....... 064Boys ....... 036Buzzcocks ....... 030Chelsea ....... 048Clash ....... 034Cockney Rejects ....... 164Cortinas ....... 046County Wayne ....... 132Damned ....... 020Dead Boys ....... 106Dead Kennedys ....... 158Desperate Bicycles ....... 058Devo ....... 114Dickies ....... 134Dils ....... 082Dury Ian ....... 088

Eater ....... 042Gang Of Four ....... 148 Generation X ....... 078Germs ....... 080Guilty Razors ....... 122Hagen Nina ....... 146 Heartbreakers ....... 040Hell Richard & The Voidoids ....... 026Killjoys ....... 062La Souris Déglinguée ....... 170London ....... 076Lurkers ....... 068Magazine ....... 112Maniacs ....... 100Menace ....... 072Métal Urbain ....... 084Misfits ....... 162Models ....... 052Moped Johnny ....... 056Nipple Erectors ....... 126Nosebleeds ....... 060Olivensteins ....... 160Outcasts ....... 150Penetration ....... 102Pere Ubu ....... 014Ramones ....... 012Ruts ....... 156Saints ....... 018

Sex Pistols ....... 028Sham 69 ....... 138Siouxsie & The Banshees ....... 168Skrewdriver ....... 050Slaughter & The Dogs ....... 090Slits ....... 166Snatch ....... 116Spedding Chris + Vibrators ....... 022 Spitfire Boys ....... 096Starshooter ....... 094Stiff Little Fingers ....... 144Stinky Toys ....... 054Stranglers ....... 032Subway Sect ....... 118Thunders Johnny ....... 128U.K. Subs ....... 140Undertones ....... 142Unwanted ....... 098Valves ....... 074Vibrators ....... 024Vicious Sid ....... 136Weirdos ....... 120Wire ....... 104X ....... 124X-Ray Spex ....... 092Zeros ....... 070

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