Claude Calame

Confrence de M. Claude CalameIn: cole pratique des hautes tudes, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 100, 1991-1992. 1991. pp.317-319.

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Calame Claude. Confrence de M. Claude Calame. In: cole pratique des hautes tudes, Section des sciences religieuses.Annuaire. Tome 100, 1991-1992. 1991. pp. 317-319.

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Confrence de M. Claude Calame (Universit de Lausanne)

Directeur d'tudes associ

Mots d'amour en Grce ancienne

Les diffrents modes de ralisation de la sexualit en Grce antique ont en gnral t reconstruits partir des seuls textes littraires. On a tent de rompre avec cette manire illusoire de faire de la sociologie en distinguant les diffrents domaines o les Grecs ont mnag ce que nous appelons la sexualit et la relation amoureuse un rle dterminant : posie d'occasion de l'poque archaque, institutions assurant passage initiatique et ducation, espaces de l'exercice du dsir et de l'amour, contestations dans les spectacles ritualiss du drame classique. Puisque la pulsion sexuelle et le sentiment amoureux des Grecs sont incarns dans la figure anthropomorphique d'Eros, c'est ce jeune adolescent au vol espigle que l'on a tent de suivre au cours des quatre exposs suivants :

1. Amours de lgendes et amours de potes : entre htrosexualit et homophilie (9.1.91, dans le cadre du sminaire de M. Dtienne).

2. Le pome et l'image au banquet : pratiques erotiques et propdeu- tiques pour les garons (17.1.92, Centre Louis Gernet).

3. Prairies et jardins, des espaces initiatiques pour les filles ? (22.1.92, sminaire de S. Georgoudi).

4. Eros et Dionysos : l'amour comique, l'amour tragique (27.1.92, sminaire de F. Frontisi-Ducroux et F. Lissarrague).

Mene travers diverses compositions de la posie archaque, la premire enqute a conduit au constat d'une diffrence fondamentale entre le dsir amoureux souvent inassouvi dont font tat les potes mliques et les amours accomplies et satisfaisantes connues par les dieux et les hros telles qu'en rend compte la posie pique. C'est que la posie narrative correspondant en gnral aux genres piques fait tat de relations htrosexuelles entre adultes alors que dans la posie d'action qu'est la posie mlique, le locuteur exprime directement le souhait de relations asymtriques, avec une adolescente ou un adolescent. A cet ros souvent donn comme irralisable se substitue entre l'adulte et l'adolescent(e) une relation de philts, une relation de confiance et d'affection rciproques, telle qu'elle fonde galement les relations amoureuses et conjugales permanentes entre adultes.

En comparant ensuite ces expressions potiques d'un dsir insatisfait avec l'iconographie contemporaine, on s'est interrog sur la diffrence, bien marque la fin de l'poque archaque, entre les reprsentations

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pudiques des scnes de cour amoureuse et les figurations de la sexualit la plus crue et la plus dbride, en gnral place sous le signe des satyres. On s'est donc demand si les imagiers n'avaient pas repris, avec leurs moyens d'expression propres, le contraste entre posie d'loge et posie du blme qui fonde toute la potique des poques archaque et classique. L'opposition entre les beaux corps des dieux ou djeunes gens la nudit voile et les comportements dbordants de figures satyresques marques par les signes d'une sexualit ithyphallique conduit la question de la fonction des objets portant ces images et destins pour la plupart d'entre eux la circulation parmi les convives du symposion. Par analogie se dessine la fonction des pomes d'amour, eux aussi chants l'occasion des runions symposiaques : la relation de philts que le pote tente d'tablir avec son jeune destinataire par l'expression erotique se rvle une sorte de prfiguration de la relation de phila attendue des citoyens adultes appartenant au groupe symposiaque. La relation d'homophilie apparat ds lors dans son caractre initiatique et propdeutique, par les moyens d'une posie qui se pare elle-mme des charmes d'Eros.

A travers une critique de l'application trop rigide la ralit grecque du concept anthropologique de l'initiation tribale, on a essay de montrer que dans lgendes et littrature, le pouvoir d'Eros et celui de sa matresse Aphrodite s'exercent dans des espaces bien dlimits, notamment pour les femmes. Sous peine de cder au schmatisme, on peut distinguer trois espaces qui correspondent trois statuts fminins et, par mtaphore interpose, trois domaines de la reprsentation grecque de l'activit civilisatrice :

prairie -parthnos- activit pastorale jardin - nmph - activit arboricole couche - gun - craliculture C'est dans ce cadre que peut se dfinir, du point de vue de la pratique

sociale et culturelle, par exemple le rle du culte athnien rendu Aphrodite aux Jardins par les trs jeunes arrhphores. Sous l'gide de la desse et de son pardre Eros, les deux lues sont introduites dans leur fonction de futures adultes, celle de gnrer de nouveaux citoyens.

Enfin dans les spectacles dramatiques consacrs Dionysos de l'Athnes classique, ce qui semble mis en question en ce qui concerne l'amour ce sont moins les institutions que le pouvoir des dieux qui manipulent le dsir amoureux, en particulier Cypris. Sous la plume des potes comiques, le reproche de passivit homosexuelle devient une arme politique travers les formes ritualises de la posie du blme et de la satire. Pas question en revanche de critiquer l'institution des relations pdagogiques d'homophilie entre le citoyen adulte et son jeune protg. Quant aux potes tragiques, ils se plaisent dnoncer, frquemment par les voix chorales des femmes, les effets destructeurs des interventions d'Eros et de la toute puissance d'Aphrodite. La dnonciation est en gnral suivie d'appels la modration et la retenue de la femme attache l'institution du mariage.

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Portes sur la scne attique, les paroles erotiques mliques et chorales, avec leur fonction de propdeutique aux amours de la maturit, perdent de leur efficacit rituelle ; par la mise en intrigue dramatique et par la transposition dionysiaque, elles deviennent mises en garde politiques et thiques.

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