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Philosophie(s) et Sciences Cognitives La philosophie des sciences cognitives Alice DUPAS - ENS de Lyon - [email protected]

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Philosophie(s) et Sciences CognitivesLa philosophie des sciences cognitives

Alice DUPAS - ENS de Lyon - [email protected]

Axe II - B L’esprit est-il le cerveau ? 24/10/2017

Introduction : vers le mind-body problem

★ Les années 1990 = le “tournant neurocognitif” lié à l’importance croissante des neurosciences qui jouent un “rôle heuristique” dans l’élaboration d’hypothèses sur le fonctionnement de l’esprit.

★ ⇒ La question qui se pose : comment concevoir les rapports entre l’esprit et le corps ? ★ → Pour les Sciences Cognitives, les principales opérations cognitives s’enracinent dans le

cerveau; mais cela signifie-t-il que ces opérations cognitives additionnées constituent la totalité de l’esprit ? (cf conscience, intentionnalité, action volontaire, etc.)

★ Cette question de savoir si l’esprit EST le cerveau ou s’il est quelque chose de supplémentaire = le mind-brain problem → = un problème qui remonte à l’Antiquité (Platon, Le Phédon).

★ Le mind-brain problem est un aspect particulier du mind-body problem.

Plan du cours I - Le problème des rapports de l’esprit et du corps à l'âge classique

1. Formulation du problème général 2. Dualisme vs Monisme 3. Le dualisme cartésien 4. Solutions classiques au problème posé par Descartes 5. Le monisme matérialiste de Hobbes

II - Renouvellement du problème dans les Sciences Cognitives et solution fonctionnaliste

Conclusion : Les Sciences Cognitives ont-elles résolu le problème de la nature de l’esprit ?

I - Le problème des rapports entre l’esprit et le corps à l'âge classique

1 - Formulation du problème général : mind-body problem

Comment ce problème s’est-il construit ? → Quand nous concevons le rapport entre le corps et l’esprit, trois propositions

apparaissent vraies séparément, sans être compatibles; c’est de l’interconnexion de ces propositions vraies que jaillit le problème ou le paradoxe.

Quelles sont ces trois propositions ?

1. Le principe de causalité mentale2. La distinction du mental et du physique ( = dualisme)3. Le principe de complétude causal et de déterminisme

Première proposition : le principe de la causalité mentale

● Des états mentaux causent des états physiques. ● = Principe essentiel pour les êtres humains pour qu’ils

puissent se concevoir comme les agents effectifs de leur vie ⇒ proposition la plus intimement vécue.

● Mais question : comment quelque chose d’immatériel - un état mental - peut-il causer quelque chose de physique ?

Deuxième proposition : la distinction du mental et du physique

● De manière générale, nous organisons les données de l’extérieur à l’aide de concepts, afin de pouvoir nous repérer, comprendre ce qui se passe et agir.

⇒ Ainsi, nous classons, nous regroupons les choses par groupes (arbres, poissons, hommes, animaux, rapides, grands, etc). Or, l’une des distinctions les plus évidentes par laquelle nous classons = celle entre les créatures qui sont dotées d’un esprit et celles qui en sont dépourvues.

● D’après cette dichotomie, ce qui est physique est complètement différent de ce qui est mental → ils ont chacun des caractéristiques que l’autre ne peut pas posséder.

● De la sorte, il y a des marques propres au physique et des marques exclusives au mental. Et en même temps (nuance), comme on l’a esquissé avec le principe de causalité mentale, les états mentaux et les états physiques sont intrinsèquement liés.

Troisième proposition : le principe de complétude causale

● A l’âge classique (Kepler, Galilée, etc.), on passe d’un monde clos à un univers infini (cf Koyré).

● = Passage d’un système finaliste de la nature (point de vue qualitatif) à un système mécanique = explication par les causes (point de vue quantitatif).

● Tout ce qui est physique doit avoir une cause physique et aucune cause physique ne peut avoir d’effet non-physique.

Le mind-body problem : comment faire tenir les trois propositions ensemble ?

DUALISME

CAUSALITÉ MENTALE

COMPLÉTUDE CAUSALE

Exemples de résolution du problème corps-esprit

❖ Sacrifice de la causalité mentale = Malebranche (occasionnalisme); leibniz (Harmonie préétablie)

❖ Sacrifice du dualisme = Spinoza (monisme neutre); Hobbes (monisme matérialiste); physicalisme contemporain

❖ Sacrifice de la complétude causale = Descartes; John Eccles (interprétation de la physique quantique).

2 - Dualisme vs Monisme

Matière vs Esprit dans la position dualiste

L’opposition entre matière et esprit est assez intuitive et évidente pour le sens commun :

● Est matière ce qui est palpable, perceptible par l’un de nos 5 sens = ce qui est corporel ou composé de corpuscules de matières → par exemple un corps vivant ou une entité inerte comme une pierre.

● Est esprit ce qui n’est ni palpable ni perceptible, mais au contraire immatériel, (inexistant au sens physique) → par exemple une idée.

La position de départ = toutes les choses qui sont, qui existent, sont soit “esprit”, soit “matière” = dualisme.

La réunion de la matière et de l’esprit dans la position moniste

L’esprit et la matière sont une seule et même chose, même si on y accède de manière différente = le monisme.

→ Le monisme affirme que tous les phénomènes sont constitués d’une seule et unique substance, partout la même.

⇒ Problème : Si l’on affirme qu’il n’existe qu’une substance, laquelle est-ce ? L’esprit ou la matière ?

→ Trois options possibles…

Première option : monisme spiritualiste ou idéalisme ou immatérialisme

❖ La seule substance qui existe = l’esprit. ❖ Berkeley soutient l’immatérialisme : “exister, c’est percevoir ou être perçu”.❖ Le monde n’est donc que le fruit de la perception et de la représentation de

l’homme. → Il n’existerait pas sans lui. ❖ De la sorte, les choses matérielles n’existent que dans le temps où elles sont

perçues par un esprit. ❖ → Elles n’existent que sous l’oeil de l’esprit.

Berkeley, Principes de la connaissance humaine

« La table sur laquelle j’écris, je dis qu’elle existe ; c’est-à-dire, je la vois et je la touche : si j’étais sorti de mon bureau, je dirais qu’elle existe ; j’entendrais par ces mots que si j’étais dans mon bureau, je la percevrais ou qu’un autre esprit la perçoit actuellement. Il y avait une odeur, c’est-à-dire on odorait ; il y avait un son, c’est-à-dire on entendait ; une couleur ou une forme, on percevait par la vue ou le toucher. C’est tout ce que je peux entendre par ces expressions et les expressions analogues. Car ce que l’on dit de l’existence absolue de choses non pensantes, sans rapport à une perception qu’on en prendrait, c’est pour moi complètement inintelligible. Leur existence c’est d’être perçues ; il est impossible qu’elles aient une existence hors des intelligences ou choses pensantes qui les perçoivent. »

Deuxième option : monisme matérialiste

❖ = Le courant dominant actuellement.❖ L’esprit ne peut exister sans corps : tout est en fin de compte

physique. ❖ Les Sciences Cognitives sont corollaires d’une position

matérialiste.❖ Il existe plusieurs positions au sein du matérialisme, qui sont plus

ou moins réductionnistes.

Troisième option : monisme neutre ou théorie du double aspect

❖ Les termes “mental” et “physique” désignent deux aspects d’une même substance.

❖ Il existe une seule substance, neutre.❖ La matière et l’esprit sont deux propriétés issues de cette substance

inconnue. ❖ C’est notamment la position de Spinoza, dont on verra tout à l’heure

qu’elle est une tentative de dépasser le dualisme cartésien.

3 - Le dualisme cartésienDescartes : « Nous ne concevons aucun corps que comme divisible, au lieu que l’esprit, ou l’âme de l’homme, ne se peut concevoir que comme indivisible : car, en effet, nous ne pouvons concevoir la moitié d’aucune âme, comme nous pouvons faire du plus petit de tous les corps ».

Les principes du dualisme

➢ Une dualisme des substances → le corps et l’esprit sont deux substances indépendantes.

➢ L’esprit (l’âme) peut s’exercer sans le concours du corps ⇒ idée d’une âme immortelle qui survit à la mort du corps (cf Platon, religion, notamment).

➢ En tant que substances radicalement distinctes, l’esprit et la matière possèdent des caractéristiques propres dissociées.

➢ Il existe malgré tout une “interaction psychophysique” qui se produit au niveau de la “glande pinéale” (une partie de l’âme et du cerveau) = dualisme interactionniste.

4 - Les solutions classiques apportées au problème du dualisme cartésien

La solution de Malebranche

= Théorie de l’occasionnalisme → rejet de la proposition 1 (causalité mentale)

● Ma volonté n’est pas la cause réelle du mouvement de mon bras mais seulement sa cause occasionnelle.

● La seule cause véritable de tout ce qui est = Dieu. ● L’action divine est déterminées à chaque instant par “des causes occasionnelles”

qui ne sont qu’une médiation, qu’un principe d’intelligibilité, et à travers lesquelles l’homme peut avoir l’idée de la puissance divine qui s’exerce.

● La jonction entre le physique et le psychique est le fait de Dieu seul ⇒ il n’y a pas lieu de la chercher dans l’homme et encore moins dans quelque région corporelle.

La solution de Leibniz

= Théorie de l’harmonie préétablie → rejet de la proposition 1 (causalité mentale)

● L’union de l’âme et du corps est un rapport mutuel réglé par avance entre les deux substances ⇒ un mouvement dans le corps correspond à un état dans l’âme, et inversement.

● Dieu est le “Grand Horloger” qui synchronise une fois pour toutes ces deux horloges, à savoir les événements mentaux et les événements physiques.

● Il n’existe pas de lien causal entre les états mentaux et les états physiques, mais seulement une relation de correspondance : à chaque état mental correspond un état cérébral et vice-versa.

La solution de Spinoza

● La solution apportée par Spinoza au problème de l’union de l’âme et du corps est beaucoup plus radicale que les deux solutions précédemment présentées.

● Spinoza invite à dépasser le dualisme des substances. ● Il remet en question la proposition n°2 = distinction entre les états

mentaux et les états physiques. ● Il défend une proposition moniste ● L’esprit et le corps sont deux expressions différentes d’une seule et unique

substance (Dieu ou la nature).

5 - Le monisme matérialiste de Hobbes

● Hobbes sacrifie également la proposition n°2 (distinction états mentaux / états physiques).

● Tout est matériel, tout est matière, même la pensée = tout est régi par des lois mécaniques.

● Sa position a une influence directe sur les Sciences Cognitives, et notamment sur la possibilité de l’IA.

II - Renouvellement du problème dans les Sciences Cognitives et solution fonctionnaliste

J. Dokic (“La Philosophie de l’esprit”) :

“La philosophie de l’esprit (...) s’attache à

définir une conception du mental compatible

avec un monisme de la substance, selon

lequel une même chose (par exemple une

personne) peut avoir les deux jeux de

propriétés”.

L’histoire du renouvellement

❏ Dualisme dominant jusqu’au milieu du XXe siècle. ❏ Deux raisons à son renversement :1. Réfutation du béhaviorisme par le cognitivisme2. Critique de G. Ryle ❏ En réaction = théorie de l’identité (Feigl, Place, Smart)... ❏ ...Puis en réaction à la théorie de l’identité = différentes positions

qui façonnent le champ du mind-body problem aujourd’hui.

Spectre des solutions contemporaines

Dualisme radical

Monisme Monisme radical

Dualisme des substances

Matérialisme non réductionniste

Matérialisme réductionniste

Matérialisme réductionniste et éliminativisme

Dualisme interactionniste

John Eccles

Dualisme des propriétés

David Chalmers

Anti-réductionnisme

Thomas Nagel

Monisme anomal

Donald Davidson

Fonctionnalisme

Putnam, Fodor

Théorie de l’identité psycho-physiqueFreigl, Place, Smart

Neurophilosophie

Churchland

La théorie de l’identité = théorie de l’identité psychophysique

● Défendue par Feigl, Place et Smart. Conception encore soutenue aujourd’hui, notamment par Bickle.

● Engel : “Les états mentaux, et en particulier les états de conscience, sont identiques à des états physiques du cerveau”.

● Critique de la thèse de la simple corrélation des états de conscience et des états physiques → “Dire qu’ils sont corrélés, c’est dire qu’il y a quelque chose ‘de plus’” (Smart) ⇒ cela n’explique rien et n’aide en rien à la compréhension du problème.

● On parle d’ “identité des types”.

Le matérialisme éliminativiste

● Défendu par Feyerabend, Rorty, les Churchland. ● = Il n’existe que des états physiques. ● Si nous sommes persuadés que des états mentaux existent, c’est parce

que nous adhérons à une théorie erronée qui se cantonne à la psychologie et au langage populaires.

● Optimisme quant au défi de la naturalisation de l’intentionnalité et de la conscience → Engel : “Une fois que les bases de la conscience auront été établies, il n’y aura tout simplement plus lieu de continuer à parler d’expériences conscientes, de perceptions, de souvenirs, de croyances, de désirs, etc”.

Le monisme, seule alternative possible ?

❖ Il existe des auteurs qui défendent un monisme neutre, tel Bertrand Russel. ❖ Remarque : plus aucun auteur ne défend aujourd'hui un monisme spiritualiste.❖ Il existe également des auteurs qui refusent l’identité entre esprit et cerveau = des partisans du

dualisme. Parmi les penseurs dualistes, on peut compter : 1. John Foster, The Immaterial Self, (1991).2. John Eccles, Évolution du cerveau et création de la conscience (1994) → dualisme interactionniste. 3. David Chalmers → thèse selon laquelle le matérialisme ne pourra jamais expliquer les phénomènes de

la conscience. ❖ Il est encore des auteurs qui renvoient dos à dos monisme et dualisme, comme Searle → philosophie

émergentiste = continuité, et non dualité, entre l'esprit et le corps; continuité entendue au sens d'une complexification du corps et en particulier du cerveau = forme de survenance ou de complexité qui stipule généralement que la conscience est une propriété émergente du cerveau, et la vie de la physico-chimie des organismes vivants.

Conclusion : Les Sciences Cognitives ont-elles résolu le problème de la nature de l’esprit ?

Quel modèle de l’esprit aujourd’hui ?

● Aujourd’hui, plus personne ne défend un monisme spiritualiste qui dénierait toute existence à la matière = seule option complètement réfutable en science.

● Le mind-body problem = surtout un problème pour la philosophie de l’esprit. Dans les Sciences Cognitives = un certain consensus sur le fait que l’on doive étudier comment les états mentaux fonctionnent.

● ⇒ Grande influence du fonctionnalisme = position la plus répandue en philosophie de l’esprit depuis les années 1960.

Steiner, “Cognitivisme et Sciences Cognitives”

« (…) on peut considérer les sciences cognitives comme une alliance de disciplines visant à constituer une science naturelle de l’esprit . Par « esprit », on entend simplement ici l’ensemble des capacités mentales propres au système nerveux central. Plus précisément, les sciences cognitives sont des sciences de la cognition : il s’agit d’étudier les capacités et processus mentaux – mais néanmoins naturels – qui, au moyen d’un traitement de l’information, engendrent, transmettent, modifient, utilisent, conservent ou consistent en de la connaissance : sensori-motricité, perception, mémoire, compréhension et production langagière (et plus largement symbolique), représentation des connaissances, ou encore raisonnement.

La cognition est à la connaissance ce que la volition est à la volonté : une fonction de production et de réalisation. C’est cette fonction qui amène l’état de connaissance (…). On étudie donc ce qui rend causalement possible la connaissance, et non pas cette dernière en elle-même ».

En route vers les prochains cours…

Si l’on comprend bien l’intérêt de croire à une conception matérialiste mais non réductionniste de l’esprit, comment désormais la rendre possible ? Comment comprendre à la fois cette corrélation entre l’esprit et le cerveau et cette limitation au principe de localisation cérébrale stricte qui identifierait chaque type d’état mental à un type d’état physique ?

Cette question renoue avec une problématique classique des conceptions de l’esprit : est-il une entité, une substance unique, ou est-il au contraire composé d’une juxtaposition de facultés ? → C’est la querelle entre le holisme et le localisationnisme de l’esprit.

Pour aller plus loin : bibliographie indicative - Berkeley, Principes de la connaissance humaine. - Churchland, A Neurocomputational Perspective: The Nature of Mind and the Structure of Science. - Descartes, Méditations Métaphysiques. - Dokic, “La Philosophie de l’esprit”. - Eccles, Evolution du cerveau et création de la conscience. - Esfeld, La philosophie de l’esprit. De la relation entre l’esprit et la nature.- Foster, The Immaterial Self. - Gillot, L’esprit, Figures classiques et contemporaines. - Leibniz, Discours de métaphysique. - Lewis, “An Argument for the Identity Theory”. - Malebranche, De la recherche de la vérité. Où l’on traite de la Nature de l’Esprit de l’homme, et de l’usage qu’il en doit faire

pour éviter l’erreur dans les Sciences - Nagel, Qu’est-ce que tout cela veut dire ? - Platon, Parménide + Phédon- Russel, Analyse de l’esprit. - Ryle, La Notion d’esprit. - Searle, La Redécouverte de l’esprit. - Spinoza, Ethique, II.

Bibliographie bis : des livres d’épistémologie- Bachelard G., La Formation de l’esprit scientifique, 2000. - Barreau H., L’épistémologie, Que sais-je ?, 2013. - Besnier J-M., Les théories de la connaissances, 2016. - Chalmers A. F., Qu’est-ce que la connaissance ?, 1990. - Esfeld M., Philosophie des sciences : Une introduction, 2017. - Laugier S. et Wagner P., Philosophie des sciences, Tome 1: Expériences, théories et méthodes, 2004.- Lecourt D., La Philosophie des sciences, Que sais-je ?, 2015.- Lepeltier T., Histoire et philosophie des sciences, 2013.- Soler L., Introduction à l’épistémologie, 2009.- Sur les liens entre intentionnalité et mathématiques → Pradelle D., “La Phénoménologie des objets

mathématiques chez Desanti”, 2011 + Desanti J-T., Les Idéalités mathématiques, 1968.- Sur les liens entre intentionnalité et logique → “L’intuition catégoriale dans la VIème Recherche

Logique de Husserl” http://www.iri.centrepompidou.fr/wp-content/uploads/2014/10/Ariane-Mayer-Paul-Emile-Geoffroy-Lintuition-cate%CC%81goriale-dans-la-6e%CC%80me-Recherche-Logique-de-Husserl.pdf