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COLLOQUE ORGANISE PAR : ASSOCIATION DES AVOCATS PRATICIENS DES PROCEDURES ET DE L’EXECUTION DROIT ET PROCEDURE INSTITUT FRANÇAIS DES PRATICIENS DES PROCEDURES COLLECTIVES «PATRIMOINE FAMILIAL ET PROCEDURES COLLECTIVES : PREVENTION ET REALISATION DU RISQUE » VENDREDI 11 OCTOBRE 2013 UNIVERSITE LUMIERE LYON 2

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Page 1: COLLOQUE ORGANISE PAR - aappe.fr · Le droit de la famille : on parlera notamment de l’incidence des régimes matrimoniaux et du pacte civil de solidarité ;

COLLOQUE ORGANISE PAR :

ASSOCIATION DES AVOCATS PRATICIENS

DES PROCEDURES ET DE L’EXECUTION

DROIT ET PROCEDURE

INSTITUT FRANÇAIS DES PRATICIENS

DES PROCEDURES COLLECTIVES

« PATRIMOINE FAMILIAL

ET PROCEDURES COLLECTIVES :

PREVENTION

ET REALISATION DU RISQUE »

VENDREDI 11 OCTOBRE 2013

UNIVERSITE

LUMIERE LYON 2

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INTRODUCTION

Julie COUTURIERPrésident de DROIT ET PROCEDURE

Il m’a été confié la tâche délicate d’introduire ce colloque en ma qualité de président deDroit & Procédure, l’une des trois associations qui l’organise.

Le dénominateur commun de nos trois associations n’est pas seulement le fait d’avoir unnom à faire peur, un nom qui donne l’impression d’appartenir à une secte.

À la croisée de nos trois associations, il y a un homme : mon confrère et mon ami AlainProvansal : ancien président de l’AAPPE, ancien membre du conseil d’administration deDroit & Procédure, membre de l’IFPPC.

Quoi de plus normal alors que Patrick Canet, vice-président de l’IFPPC, ait eu l’idée de faireappel à l’AAPPE pour organiser une formation permettant notamment d’aborder les délicatesproblématiques de l’insaisissabilité à l’épreuve des procédures collectives.

Quoi de plus normal que cette alliance, à défaut de mariage pour tous, se soit transforméeen ménage à trois, associant Droit & Procédure, association cousine voire sœur de l’AAPPE.

Droit & Procédure, pour ceux qui ne connaissent pas notre association, était, à l’origine,l’association des anciens avoués près le tribunal de grande instance de Paris.

Elle a été constituée au début des années 70 pour aider les anciens avoués près le tribunal,à intégrer la profession d’avocat mais aussi pour assurer la pérennité des valeurs et dupatrimoine moral des anciens avoués.

L’association est appelée à faire valoir le point de vue des avocats parisiens sur les projetsde textes en matière de procédure.

Dans le même ordre d’idée, nous participons à des groupes de travail commun avec lesmagistrats tendant, notamment, à l’élaboration de protocoles barreaux/juridictions participantainsi à ce que Madame le professeur Natalie Fricero appelle « la justice partenariale ».

Enfin, nous organisons des formations dans les matières qui touchent à la procédure, sousun angle pratique.

C’est dans cet esprit que Droit & Procédure et l’AAPPE poursuivent leur rapprochement dontla voie avait déjà été largement ouverte par mon prédécesseur, Stéphane Lataste, et parcelui de Frédéric, Alain Provansal.

Sur leurs traces, nous nous employons, avec Frédéric Kieffer, à gommer ce qui a puapparaître, pendant quelques années, comme une forme de rivalité entre nous. Pour preuve,nous avons, à titre de symbole, adhéré mutuellement à l’association de l’autre.

Quoi de plus normal alors que nous nous retrouvions à Lyon, après le colloque organisé encommun à Paris en 2012 sur le recouvrement des créances en Europe.

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Comme je l’ai dit à l’instant, Droit & Procédure, était, historiquement, l’association desanciens avoués près le tribunal de grande instance de Paris.

L’AAPPE est, quant à elle, une association créée initialement par des praticiens originairesdu sud-est même si elle a su « mailler » depuis lors tout le territoire national.

Il était donc logique que nous fassions chacun la moitié du chemin pour nous retrouver ici àLyon où nous sommes formidablement accueillis par vous, Madame Marie-Odile Nicoud,doyen de cette faculté.

Soyez-en chaleureusement remerciée ainsi que le personnel de l’Université et notammentMadame Delphine Lonati qui a grandement facilité l’organisation de ce colloque.

Nos remerciements vont également à François Kuntz et Frédéric Alleaume, les régionaux del’étape en quelque sorte, qui nous ont réservé un accueil chaleureux et ont été d’efficacesfacilitateurs de la tenue de ce colloque.

Nous l’avons dit : Lyon est un carrefour.

Le thème choisi pour notre colloque l’est aussi : il est à la croisée de différentes disciplinescomme nous aurons l’occasion de le voir tout au long de cette journée :

Le droit des sociétés : sera notamment abordée la question du choix de la structure pour

protéger son patrimoine familial ;

Le droit de la famille : on parlera notamment de l’incidence des régimes matrimoniaux et

du pacte civil de solidarité ;

Le droit civil : seront appelés « à la barre » le droit de l’indivision et les problématiques

liées à l’inaliénabilité ou au droit de retour ;

Les procédures collectives : elles seront le fil rouge de la journée et plus spécifiquement

de notre après-midi au cours de laquelle seront abordées, la réalisation des actifs et la

répartition des produits des ventes.

L’association Droit & Procédure est aujourd’hui représentée par un trio de choc et decharme.

Clémence Bertin-Aynès et Muriel Cadiou sont toutes deux avocats au barreau de Paris,membres du conseil d’administration de Droit & Procédure et pratiquent assidûment le droitde la famille.

Clémence nous parlera de l’incidence des régimes matrimoniaux et du pacte civil desolidarité tandis que Muriel évoquera l’insaisissabilité et le patrimoine d’affectation.

Cet après-midi, Céline Ranjard-Normand, avocat au barreau de Nanterre, ancien membre duconseil de l’Ordre des Hauts de Seine, membre du conseil d’administration de Droit &Procédure évoquera la réalisation des actifs avec Marc Authamayou, avocat au barreau deToulouse et membre du conseil d’administration de l’AAPPE.

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Enfin, au nom des trois associations, je souhaite adresser nos plus vifs remerciements auxintervenants « extérieurs » à nos associations ;

Nicolas Borga, vous êtes professeur agrégé, co-directeur du centre de recherches

juridiques de l’université Pierre-Mendès-France Grenoble II.

Vous interviendrez aux côtés de Patrick Canet sur le choix de la forme d’exercice.

Jean-Pierre Sénéchal, vous êtes responsable du Cridon de Bordeaux, professeur à

l’université Montesquieu Bordeaux IV ;

Vous interviendrez aux côtés d’Alain Provansal sur l’indivision et le démembrement dupatrimoine.

Véronique Pey-Harvey, vous êtes mandataire judiciaire à Villefranche sur Saône.

Vous interviendrez aux côtés de Didier Bousquet, avocat au barreau de Grenoble,membre du conseil d’administration de l’AAPPE mais également membre de Droit &Procédure, pour aborder la répartition des produits des ventes.

Michel Gaget, vous conclurez ce colloque, dans un esprit d’ouverture, sur les modes de

résolution amiable des différends.

C’est un sujet qui vous tient à cœur comme en témoignent vos activités.

Vous être président de chambre à la cour d’appel de Lyon et, dans ce cadre, vous êtescoordonnateur des médiateurs de la cour d’appel.

Vous enseignez par ailleurs dans cette faculté qui nous accueille et intervenez dans le3ème cycle consacré à la médiation.

Vous avez, par exemple assuré les propos introductifs du colloque organisé l’annéedernière sur le thème « la médiation, avenir du procès ? ».

Je voudrais adresser un dernier remerciement à quelqu’un qui n’est pas là aujourd’hui maisqui s’est énormément investie dans l’organisation de ce colloque : c’est notre chèreVéronique Jeandé, secrétaire commune aux deux associations à laquelle je souhaite commechacun d’entre nous un très prompt rétablissement.

LYON,Le 11 octobre 2013

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SOMMAIRE

Choix de la forme d’exercice 1

Quel statut pour quelle protection ?

Nicolas BORGA, Professeur agrégé à l’Université Jean Moulin-Lyon 3

Patrick CANET, Vice-président de l’I.F.P.P.C,Mandataire judiciaire, Ancien professeur associé des facultés de droit

Les outils de protection 15

L’incidence des régimes matrimoniaux et du pacte civil de solidarité

Clémence BERTIN-AYNES, Avocat au barreau de Paris, membre du conseild’administration de DROIT ET PROCEDURE

L’insaisissabilité et le patrimoine d’affectation :

Muriel CADIOU, Avocat au barreau de Paris, membre du conseild’administration de DROIT ET PROCEDURE

Indivision et démembrement du patrimoine 37

Inaliénabilité et droit de retour :

Alain PROVANSAL, Ancien Président de l’AAPPE, Avocat au barreau deMarseille

Jean-Pierre SENECHAL, Responsable du CRIDON de Bordeaux

Réalisation des actifs à toutes les phases de laprocédure (sauvegarde, redressement, liquidation) -Inaliénabilité de l’immeuble dans le cadre de laprocédure collective 53

Céline RANJARD-NORMAND, Avocat au barreau de Nanterre, membre duconseil d’administration de DROIT ET PROCEDURE

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Répartition des produits des ventes 67

Didier BOUSQUET, Avocat au barreau de Grenoble, membre du conseild’administration de l’AAPPE

Aperçu sur les modes de résolution amiable desdifférends 73

Michel GAGET, Président de chambre à la Cour d’appel de Lyon, Maître deconférence à l’Université Lumière Lyon II, Responsable du Master 1 Droit-Médiation

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CHOIX DE LA FORME D’EXERCICE

QUEL STATUT POUR QUELLE PROTECTION ?

Nicolas BORGA,Professeur agrégé

à l’Université Jean Moulin-Lyon 3

Patrick CANET,Mandataire judiciaire

Vice-président de l’I.F.P.P.CAncien professeur associé des facultés de droit

1. Le choix d’une structure d’exercice n’est jamais anodin dans une perspective de gestiondes risques encourus par l’entrepreneur, le risque faisant figure de boussole pour le créateurd’entreprise. Dans le cadre de cette contribution, le risque envisagé est celui lié à l’ouvertured’une procédure collective, ce risque pesant sur le patrimoine familial. A titre liminaire, uneprécision s’impose tout de même : une famille n’a pas, au sens propre, de patrimoine fautede personnalité juridique. Néanmoins, dès lors qu’un entrepreneur a une famille, le réalismeimpose d’admettre qu’un certain nombre de ses biens sont en quelque sorte affectés à lacellule familiale. Aussi, sa défaillance est-elle susceptible d’avoir des répercussionspatrimoniales évidentes pour la famille, les biens en question, dont la famille entière a lajouissance, pouvant naturellement intégrer l’actif que la procédure collective va appréhender.

2. Opposer l’exercice individuel au choix d’une structure sociétaire relève de l’imaged’Epinal. Les sociétés de capitaux seraient parées des plus grandes vertus par la grâce ducloisonnement patrimonial obtenu, cloisonnement ayant notamment vocation à protégerdirigeants et associés dans l’hypothèse où une procédure collective viendrait frapper lapersonne morale. Il importe toutefois d’indiquer que la prévention du risque ne doit tout demême pas s’analyser au regard de la seule procédure collective à venir. D’une part, hors detoute liquidation judiciaire prononcée, l’exécution forcée de l’associé est tout autant redoutée.D’autre part, la création d’entreprise ne doit pas être pensée à l’aune du seul risque dedéfaillance, cela parce que telle n’est pas la psychologie de la plupart des créateurs, qui nepourraient entamer une activité s’ils devaient intérioriser leur futur dépôt de bilan. Maiségalement parce que le choix d’une forme d’exercice n’obéit pas nécessairement, auprincipal, à une recherche de cantonnement du risque. Ce choix est largement dicté par lesconditions humaines, économiques et financières qui président à la création d’uneentreprise, et il est parfois commandé par les contraintes légales pouvant, dans certains cas,imposer ou interdire telle ou telle forme d’exercice1. Le choix d’une forme d’exercice peut

1 L’on songe notamment au débitant de tabac, qui doit exploiter son fonds de commerce sous la forme d’uneS.N.C. ou d’une entreprise individuelle (art. L. 568, al. 2, du CGI). De même, les professionnels libérauxrelevant d’un statut règlementé ne peuvent exercer en société de capitaux qu’au travers d’une société d’exercicelibéral (art. 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés desprofessions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés departicipations financières de professions libérales).

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encore être grandement influencé par le statut fiscal et social qui s’appliquera au créateurd’entreprise. En prenant l’exemple de la protection sociale (retraite) du dirigeant en société, ilétait d’usage d’entendre louer la qualité de salarié du gérant minoritaire ou égalitaire (SARL).Mais, à une époque où les cotisations « Retraite » ont un avenir très flou, l’expert-comptableaura parfois tendance à conseiller le statut de gérant majoritaire éligible au régime T.N.S., cequi évitera le double prélèvement sur salaire2. Globalement, opter pour le régime des TNSau détriment du régime des TS permet un allègement de cotisations de 20 %3. Il faudraitdonc, sur ce terrain, éviter d’opter pour le statut de gérant minoritaire de SARL ou de SAS.

3. Si le risque de défaillance devait seul commander le choix de la forme d’exercice, lesstatistiques en la matière, au stade de la création puis de la défaillance, devraient se traduirepar un choix minoritaire en faveur de l’entreprise individuelle. Tel n’est pourtant pas le caspuisque si 71% des entreprises créées l’ont été sous la forme individuelle4, celles-ci nereprésentent que 23 % des entreprises défaillantes5.Il faut toutefois indiquer que ces chiffresdoivent être lus avec prudence. En effet, le décalage s’impose avec force lorsqu’on lescompare avec ceux obtenus auprès des greffes des tribunaux de commerce, desquelsressort une prédominance du choix en faveur des structures à responsabilité limitée6. Cesdifférences s’expliquent aisément, dans la mesure où les auto-entrepreneurs ne sont pastenus de s’immatriculer alors qu’ils représentent les trois-quarts des entreprises individuellesà l’échelle nationale. Le succès de la personnalité morale ne se vérifie donc qu’à la conditiond’écarter les auto-entrepreneurs, ce qui ne se justifie pas. Alors même qu’ils bénéficient d’unstatut particulier, ils demeurent des entrepreneurs, qui plus est justiciables du Livre VI ducode de commerce. Il nous semble donc bien que le choix de la forme d’exercice n’est pascommandé, au premier chef, par le risque de défaillance et que le projet entrepreneurialdemeure prépondérant.

4. Si l’on s’en tient au seul risque de défaillance, le conseil de l’entrepreneur pourrachercher, de manière avisée, à gérer un tel risque (I) à travers le choix de la formed’exercice. Si le risque peut alors être contenu, nous observerons qu’il ne peut êtretotalement éliminé (II).

2 Si l’on additionne la part patronale (40 %) et la part salariale (22-23 %), cela représente 62 à 63 % prélevé surle revenu brut.3 Différence de taux global de prélèvement.4 Au stade de la création, selon l’Insee, pour la période d’août 2012 à juillet 2013 : 71% d’entreprisesindividuelles (dont ¾ Auto-entrepreneur) ; 29% d’EURL ou de SASU ; 10,8 % de SARL ; 13,7 % de SAS ;1,3 % autres.5 Au stade de la défaillance (source ALTARES), pour l’année 2012, les deux tiers (67 %) des entreprisesdéfaillantes se présentent sous forme de SARL et moins d’un quart (23 %) sous forme d’entreprise Individuelle(E.I.), dont l’essentiel est constitué d’artisans-commerçants. Le nombre de procédures ouvertes à l’égard d’E.Iest en recul sensible (- 3,8 %), mais la sinistralité des SARL a augmenté (+ 3,5 %) avec désormais plus de40 000 jugements. Mais les évolutions sont surtout marquées pour les Sociétés par actions simplifiées etassimilées (+ 25 %) avec désormais plus de 3 100 défaillances alors qu’il y en avait moins de 1 400 en 2008.Parmi les autres formes sous tension, nous trouvons les associations avec près de 800 dépôts de bilan en 2012 etles sociétés civiles immobilières (788 défaillances, + 25 %).6 Si l’on prend le cas du greffe du tribunal de commerce de Lyon pour l’année 2012, il a été enregistré 8 788immatriculations de personnes morales contre 680 immatriculations de personnes physiques. Parmi les personnesmorales, la SARL continue d’occuper une part essentielle puisqu’elle représente près de la moitié desimmatriculations (4 407), mais la SAS apparaît tout de même en progression (1 595). Enfin, on indiquera que legreffe du tribunal de commerce de Lyon enregistre 1 à 2 EIRL par semaine, soit moins de 100 par an. Sur leterrain de la cessation d’activité, 2 264 personnes morales, dont 1 816 SARL, ont été concernées en 2012, contre1 000 personnes physiques.

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I – LA GESTION DU RISQUE

5. Si l’importance du choix d’une forme d’exercice ne saurait être niée dans la perspectived’une protection du patrimoine familial (A), elle ne doit pas, à l’opposé, être exagérée.D’autres outils, traditionnels ou récents, doivent être mobilisés, de façon combinée ouindépendante du choix de la forme d’exercice (B).

A/ PAR LE CHOIX D’UNE FORME D’EXERCICE

6. Le choix d’une forme d’exercice peut s’envisager, soit à la création de l’entreprise (1), soiten cours de vie sociale (2).

1 – Le choix d’une forme d’exercice à la création d’entreprise

7. A la création, le choix d’une structure juridique a traditionnellement été commandé auprincipal par l’opposition entre l’exercice en nom propre et l’exercice au travers d’unepersonne morale à risque limitée. Mais l’évolution française récente a poussé à la recherchede solutions nouvelles destinées à encourager la création d’entreprise ; tel l’auto-entrepreneur non immatriculé.

8. Certes, l’entreprise individuelle (commerçant, artisan, agriculteur, profession libérale)présente des avantages : simplicité de création et de fonctionnement, absence d’associés,maîtrise des décisions par le seul entrepreneur qui bénéficie donc d’une complèteautonomie. Subsiste néanmoins sa responsabilité indéfinie sur la totalité de son patrimoine,du chef de ses engagements professionnels. Aussi, tous les manuels de droit et guides ducréateur d’entreprise soulignent-ils l’intérêt de pratiquer la SARL et l’EURL et laresponsabilité limitée du ou des associés au montant de leurs apports respectifs.

9. A l’étape suivante, celle du choix de la personne morale, les mêmes ouvrages distinguentensuite entre la situation du créateur isolé et celle du projet d’entreprise collectif. L’hommeseul est orienté, depuis bientôt trente ans, vers l’EURL d’abord. On y retrouve les qualités del’entreprise en nom propre, autonomie et maîtrise des décisions. On y obtient donc, en sus,la protection du patrimoine personnel du créateur par la création d’une personne morale àpatrimoine propre. Mais une figure plus récente, la SASU (société par actions simplifiéesunipersonnelle), connaît un fort développement. Le dirigeant bénéficie du régime destravailleurs salariés, l’associé voit sa responsabilité limitée au capital souscrit. Ce choix destructure peut être commandé par la situation psychologique du créateur, parfois un anciensalarié attaché à ce statut social. Ajoutons l’effet favorable au choix de la SAS qu’a puconstituer la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dont on a dit qu’elle a fait dela SAS une société « tout terrain » : plus de capital minimum, apports en industrie possibles,absence de recours systématique à un commissaire aux comptes7.

10. Les hommes, créateurs forgeant à plusieurs un affectio societatis, feront face, du pointde vue de l’associé et de sa responsabilité, à l’opposition entre le risque illimité de l’associéen nom de la SNC (voire celui de l’associé commandité de la SCS et de la SCA) et le risquelimité à l’apport dans la SARL, la SA, la SAS (entre ces dernières, le choix se fera sur des

7 Sur tous ces points, v. not. Th. Massart, La modernisation de la SAS ou comment apporter moins pour gagnerplus, Bull. Joly Sociétés, juillet 2008, p. 632 et s.

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critères particuliers : gestion des relations entre associés, statut social et fiscal desdirigeants, financements de l’entreprise, etc.).

11. Dans le contexte actuel, quels éléments ajouter aux conseils traditionnels ? Depuis le1er janvier 2009, une personne physique peut créer une entreprise individuelle sanss’immatriculer, pour exercer une activité commerciale, artisanale ou libérale ; ce souscondition de ne pas dépasser un chiffre d’affaires maximum8. Une simple déclaration auprèsdu centre de formalité des entreprises suffit (ou via internet). L’entrepreneur bénéficie d’unrégime simplifié de calcul de paiement des cotisations sociales (pas de cotisations sansencaissement), d’une exonération de TVA, du régime micro-social simplifié, d’unedéclaration trimestrielle de son chiffre d’affaires (depuis le 1er janvier 2012), d’obligationscomptables allégées (livre-journal détaillant les recettes). Ce statut, dit de l’auto-entrepreneur, est donc comptable, social et fiscal ; il ne peut être mis sur le même plan queles statuts juridiques déjà présentés, sauf à le caractériser par l’absence d’immatriculation auregistre du commerce. Il s’agit en réalité d’une variante du statut d’entrepreneur individuel.

12. Du point de vue de la gestion du risque, il est révélateur que les chambres de commerceet d’industrie conseillent à l’auto-entrepreneur, en complément, de recourir à la déclarationd’insaisissabilité ou à l’EIRL.

2 – Le choix d’une forme d’exercice en cours d’activité

13. La protection du patrimoine familial peut également passer par une modification de laforme d’exercice en cours d’activité. La démarche consiste, essentiellement, à abandonnerle statut d’entrepreneur individuel. Les praticiens des procédures collectives constatentrégulièrement cet exercice, par exemple par la mise en place d’une location-gérance auprofit d’une SARL ou EURL. En cas de difficultés financières, l’entrepreneur va ainsi geler lesdettes d’exploitation liées au démarrage d’activité, pour les traiter en dissociation de lapoursuite de l’exploitation par le locataire-gérant. Le passif de l’entrepreneur individuelpourra, ainsi, être étalé dans le temps sous l’effet de la procédure collective et du plan misen place. Par ailleurs, en prévision de difficultés financières à venir, la location-gérancepermettra de placer le locataire-gérant en procédure collective, en épargnant ainsil’entrepreneur individuel bailleur de fonds.

14. Le choix de la structure d’exercice est donc essentiel s’agissant de gérer le risqueentrepreneurial, risque qui, s’il se réalise, aura des conséquences au-delà du patrimoine duseul entrepreneur. Mais ce choix ne peut être pensé isolément de l’utilisation d’autres outilsprotecteurs ; la combinaison entre structure choisie et outils additionnels constitue uneapproche normale de protection du patrimoine familial.

B/ HORS OU EN SUS DU CHOIX D’UNE FORME D’EXERCICE

15. Si le choix de la structure d’exercice est important en termes de gestion du risque queferait courir sur le patrimoine familial l’ouverture d’une procédure collective, d’autres outilspeuvent actuellement se révéler utiles. Ces outils peuvent venir au soutien du choix quiserait opéré en faveur de l’entreprenariat individuel, ils peuvent également être totalementindépendants du choix de la structure.

8 81 500,00 € H.T. : activité d’achat – revente ; 32 600,00 € H.T. : prestation de service.

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1/ Les outils de complément

16. Le législateur, parfois bien maladroitement, semble faire tout son possible pour que ceuxayant décidé de ne pas créer de société n’aient pas, ensuite, quelques regrets quant à cechoix. Le choix en faveur de la forme sociale résulte d’une démarche active. A l’inverse,choisir l’entreprenariat individuel relève d’une démarche beaucoup plus passive. Certes, saufle cas des auto-entrepreneurs, les commerçants ou artisans devront se faire immatriculer auregistre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Toutefois, sil’immatriculation fait présumer de la qualité de commerçant ou d’artisan, elle n’est pasforcément décisive, notamment quant à la soumission aux procédures du livre VI du code decommerce. Choisir l’entreprenariat individuel correspond en quelque sorte au choix de lafacilité et le législateur contemporain, dans sa grande bonté, estime nécessaire de protégerles entrepreneurs individuels qui peuvent, soit dès l’origine, soit en cours d’exercice,remédier aux défauts de leur statut. Ces outils sont désormais bien connus, qu’il s’agisse dela déclaration d’insaisissabilité9 ou du statut d’entrepreneur individuel à responsabilitélimitée10.

17. L’idée à l’œuvre dans l’EIRL n’est pas neuve. Elle était au cœur du rapport remis enfévrier 1978 par un groupe de travail présidé par le professeur Claude Champaud. Cerapport, qui préconisait la création d'une « entreprise personnelle à responsabilité limitée »,répartissait les biens de l'entrepreneur en trois patrimoines : un patrimoine affecté àl'entreprise, gage des créanciers professionnels, un patrimoine personnel à l'usage de lafamille, insaisissable par ces créanciers, et un patrimoine intermédiaire, disponible pourl'entreprise. La proposition n’a toutefois pas été retenue, et il a été fait le choix d’altérerprofondément le droit des sociétés en créant l’EURL. Si les principes juridiques n’y ont pastrouvé leur compte, le succès a été au rendez-vous. Mais l’EURL ne fait néanmoins pasl’unanimité. Que ce soit par paresse, par peur des conditions de constitution ou dufonctionnement propre à toute structure sociétaire, quelques-uns ne font pas ce choix, et lelégislateur, depuis 2003, se préoccupe de leur fournir des outils propres à leur assurer uneprotection équivalente ou presque. Et il faut ajouter que si la loi du 31 décembre 1990 apermis aux professions libérales de constituer ces sociétés commerciales spécifiques quesont les sociétés d’exercice libéral, elles n’apportent pas un même niveau de protection.Certes, SELARL et SELAS peuvent être unipersonnelles, mais la responsabilité civileprofessionnelle reste alors indéfinie. D’où l’intérêt pour les professionnels libéraux d’exerceren nom, en se ménageant une protection par l’intermédiaire de la déclarationd’insaisissabilité ou du recours à l’EIRL.

18. Ces deux dispositifs de complément ont, a priori, de sérieux atouts. Ils opèrent en effetun cloisonnement patrimonial rendant les biens déclarés insaisissables ou les biens figurantdans le patrimoine non affecté hors de portée des créanciers, tout du moins de certainsd’entre eux. Contrairement à la déclaration d’insaisissabilité, l’EIRL n’a toutefois pas encoresubi l’épreuve du feu jurisprudentiel. Chacun le sait, la déclaration d’insaisissabilité a, poursa part, fait l’objet d’arrêts retentissants de la part de la Cour de cassation, qui s’est montréeextrêmement respectueuse de l’esprit du texte en lui offrant une certaine efficacité là où lelégislateur n’avait absolument rien dit11. Pour autant, la déclaration d’insaisissabilité met-ellevéritablement les biens immobiliers du débiteur à l’abri des créanciers lorsque les difficultésapparaissent ? Rien n’est moins sûr, nous le verrons. Reste que la déclarationd’insaisissabilité est aisée à constituer, ce qui est beaucoup moins vrai pour l’EIRL. Si l’EIRLrecueille encore très peu les suffrages des créateurs d’entreprise, ce n’est pas en raison d’unmanque d’efficacité dans la protection du patrimoine. Là, EURL et EIRL produisent enprincipe des effets assez proches. Le faible succès de l’EIRL résulte bien plus sûrement du

9 Art. L. 526-1 et s. C.com.10 Art. L. 526-6 et s. C.com.11 V. la contribution de Me M. Cadiou.

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fait que les formalités de constitution et les conditions de fonctionnement sont assezcomparables à celles rencontrées dans l’EURL12. Or, si certains font le choix de renoncer àla structure sociale, ce n’est pas pour se diriger vers un ersatz de société. Si le projet de loirelatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, adopté au Sénat le 17 avril2014 prévoit de modifier certains aspects du statut de l’EIRL, ces évolutions ne seront pasde nature à rendre l’institution plus attractive13.

19. Si l’EIRL et la déclaration d’insaisissabilité sont supposés remédier aux inconvénients del’entreprenariat individuel sur le terrain de la protection du patrimoine personnel et familial,d’autres outils existent, et peuvent, pour leur part, être mobilisés indépendamment du choixde la structure d’exercice.

2/ Les outils autonomes

20. Certains mécanismes protecteurs peuvent être mis à profit tant par un entrepreneurindividuel que par celui ayant opté pour la constitution d’une société. Tantôt c’est la loi qui lesmet à leur disposition, tantôt ils résultent de l’imagination et du volontarisme des praticiens. Ilimporte naturellement de mesurer leur efficacité, mais, au-delà, ces outils invitent peut-être àremettre en cause une idée largement reçue : celle selon laquelle le choix de la structuredécisif est déterminant pour protéger le patrimoine familial, ce choix, autre idée reçue,devant a priori s’effectuer en faveur d’une structure sociétaire à responsabilité limitée.

21. La loi offre à l’entrepreneur un premier outil, c’est le choix de son régime matrimonial. Acet égard, la séparation de biens est naturellement beaucoup plus indiquée qu’un régimecommunautariste dès lors qu’il s’agit de protéger le patrimoine familial14. C’est un outilindépendant du choix de la structure d’exercice dans la mesure où il présente un intérêtaussi bien pour l’entrepreneur individuel que pour le dirigeant ou l’associé de société.

22. Les autres outils sont parfois moins simples à manipuler et peuvent nécessiter pourl’entrepreneur ou le créateur de société de faire appel à un ouvrier du droit très qualifié. Dece point de vue, la fiducie mérite d’être évoquée. Celle-ci commence à s’acclimater en droitfrançais, et elle a par exemple été mise à profit dans l’affaire Petroplus où une fiducie-sûretésur stocks a permis de sécuriser la restructuration de l’entreprise15. Dans le cadre de laprotection du patrimoine familial, c’est toutefois la fiducie-gestion qui est susceptible deprésenter le plus d’intérêt. Elle pourrait, en effet, se révéler utile pour sécuriser un patrimoinefamilial, les biens entrant en fiducie échappant au périmètre de la procédure collective.Certes, en liquidation judiciaire, l’article L. 641-12-1 du code de commerce prévoit que si « ledébiteur est constituant et seul bénéficiaire d’un contrat de fiducie, l’ouverture ou le prononcéd’une liquidation judiciaire à son égard entraine la résiliation de plein droit de ce contrat et leretour dans son patrimoine des droits, biens ou sûretés présents dans le patrimoinefiduciaire ». Le texte ne vise néanmoins qu’une situation, celle dans laquelle un débiteurpersonne physique a constitué une fiducie-gestion dont il a été désigné bénéficiaire. Aussi,dès lors qu’est désignée une autre personne en qualité de bénéficiaire, les biens seront àl’abri de la liquidation judiciaire. La fiducie-gestion n’est donc pas sans intérêt, à conditionbien sûr de ne pas avoir été constituée en période suspecte16 ou de ne pas être entachéed’une fraude susceptible d’être attaquée par le biais de l’action paulienne. En présence d’undirigeant de société ou d’un associé, le mécanisme est encore plus intéressant puisque le

12 V. not. F. Marmoz, L’EIRL : nouvelle technique d’organisation de l’entreprise, D. 2010, p. 1570.13 V. not. V. Legrand, EIRL : coup de théâtre en trois actes ou énième épisode d’un mauvais feuilleton ?,D. 2013, p. 1971.14 V. la contribution de Me C. Bertin-Aynès.15 V. S. Catoire et A. Bertin, Retour sur des utilisations réussies de la fiducie, Droit et Patrimoine, 2013, n°228.16 L. 632-1, 9° et 10° C.com.

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dirigeant ou l’associé n’étant pas le débiteur sujet de la procédure collective, on peut tout àfait être constituant et bénéficiaire d’une fiducie-gestion sans que les textes du Livre VI nesoient un problème. Le risque est d’autant plus faible que les extensions-sanction ontdisparu depuis la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005.

23. Dans un esprit assez proche, dans la mesure où il s’agit là encore d’isoler certains biens,le recours à l’assurance vie peut présenter quelques attraits. Un arrêt de la chambrecommerciale du 11 décembre 2012 permet de le mesurer pleinement17. L’arrêt réaffirme eneffet que le liquidateur ne peut demander le rachat de l’assurance vie souscrite par ledébiteur dans la mesure où il s’agit d’un droit exclusivement attaché à sa personne. S’il lepeut, le débiteur a donc intérêt à attendre la clôture de la procédure de liquidation judiciairepour exercer le droit au rachat sans avoir à craindre que les fonds soient appréhendés par laprocédure ou que des sanctions soient prononcées à son égard. En effet, l’exercice de lafaculté de rachat postérieurement à la clôture de la procédure ne saurait donner lieu ni à uneréouverture ni à une reprise des poursuites. L’article L. 643-13 du code de commercesupposant que des actifs n’aient pas été réalisés ou que des actions dans l’intérêt descréanciers n’aient pas été entreprises, aucune réouverture n’est envisageable. Parhypothèse en effet, aucune action n’était ouverte au liquidateur puisque demander le rachatest un droit exclusivement attaché à la personne du débiteur. Et aucun actif n’a échappé à laprocédure puisque, préalablement à l’exercice du rachat, la valeur de rachat demeure horsdu patrimoine du débiteur. Quant à une éventuelle reprise des poursuites, le simple fait dedemander le rachat après clôture de la procédure de liquidation plutôt qu’avant ne peut êtreen soi considéré comme une fraude. Deux précautions devront néanmoins être prises. D’unepart, il vaut mieux éviter de conclure la convention pendant la période suspecte. D’autre part,les primes ne doivent pas être exagérées eu égard aux facultés du souscripteur18.

24. D’autres moyens peuvent encore être employés pour mettre une partie du patrimoinefamilial hors de portée des créanciers. A chaque fois, ils reposent sur la paralysie dumandataire judiciaire. C’est par exemple le cas de la clause d’inaliénabilité, qui rend le bieninaliénable mais également insaisissable19.Une fois encore, l’action en levée de la claused’inaliénabilité est exclusivement attachée à la personne du donataire20. La chambrecommerciale de la Cour de cassation a notamment eu à connaître d’une telle difficulté dansun arrêt du 8 novembre 201121. Face à un immeuble grevé d’une clause d’inaliénabilité, lemandataire judiciaire sollicitait du juge-commissaire l’autorisation de ne pas vendrel’immeuble afin de pouvoir clôturer la procédure. La Cour de cassation considérant que lejuge-commissaire est incompétent à cet égard, le mandataire judiciaire n’a donc d’autrepossibilité que de s’adresser au TGI pour tenter de mettre en échec la clause d’inaliénabilité.Il peut alors essayer de démontrer le défaut de validité de la clause, faute d’être temporaireou justifiée par un intérêt sérieux et légitime22. Il peut aussi, comme en l’espèce, exciperd’une renonciation du bénéficiaire à se prévaloir de la clause d’inaliénabilité.

25. Une clause d’inaliénabilité pourra encore être combinée aux ressources offertes par ledroit des sociétés. On pourrait notamment imaginer la constitution d’une société civileimmobilière dont les statuts contiendraient une clause d’inaliénabilité des parts sociales.Depuis un arrêt du 31 octobre 2007, la Cour de cassation admet en effet que « dès lorsqu'elle est limitée dans le temps et qu'elle est justifiée par un intérêt sérieux et légitime, une

17 Cass. com. 11 déc. 2012, n°11-27437, Lettre d’act. des proc. coll. civiles et commerciales, n°3, févr. 2013,repère 30 et nos obs. ; JCP E n°16, avril 2013, 1216, n°4, obs. Ph. Pétel.18 C. assur., art. L. 132-13 et L. 132-14.19 V. par ex., Cass. civ. 1re, 15 juin 1994, D. 1995, p. 342, note A. Leborgne, somm., p. 50, obs. M. Grimaldi,RTD civ. 1995, p. 919, obs. F. Zenati ; Cass. civ. 2e, 30 juin 1993, Bull. civ. II, no 241, D. 1995, somm., p. 50,obs. M. Grimaldi.20 Cass. civ. 1re, 29 mai 2001, n° 99-15776.21 Cass. com. 8 nov. 2011, n°10-21508.22 Cette action doit pouvoir être offerte au mandataire judiciaire puisqu’il s’agit d’une nullité absolue.

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clause d'inaliénabilité peut être stipulée dans un acte à titre onéreux »23. La pratique uselargement de cette possibilité à l’égard des droits sociaux dans la mesure où lorsque la loiautorise les clauses d’inaliénabilité, elle ne le fait que pour les SAS24 et les sociétéseuropéennes25. Dans le contexte, par exemple, d’une procédure de liquidation judiciaireouverte à l’égard d’un débiteur personne physique associé-gérant de la SCI, le mandataireliquidateur se heurtera alors à deux séries de difficultés. D’une part, il devra surmonter laclause d’inaliénabilité relative aux parts sociales. D’autre part, la constitution de la sociétépar le débiteur limitera également sa marge de manœuvre. En effet, le liquidateur pourraitêtre tenté de tirer prétexte du dessaisissement du débiteur pour exercer ses droits d’associéet modifier les statuts afin d’être débarrassé de la clause en question. Mais cela lui estinterdit, puisque la Cour de cassation considère, de façon très nette, que « le liquidateur n’apas qualité pour exercer les actions liées à sa qualité d’associé ou de gérant et concernant lepatrimoine de la personne morale, non plus que son droit de participer aux décisionscollectives »26.

26. Si le choix d’une structure d’exercice participe largement de la gestion du risque lié àl’ouverture d’une procédure collective, il faut actuellement y associer d’autres éléments qui,soit remédient au déficit de protection dont pâtit l’entrepreneur individuel, soit peuvent êtremobilisés tant par des entrepreneurs individuels que par ceux exerçant sous couvert d’unestructure sociétaire. Ces éléments autonomes ne sont pas sans importance. En effet, lechoix d’une structure d’exercice, quelle qu’elle soit, n’est pas de nature à éliminer tout risque.

II – LA SUBSISTANCE DU RISQUE

27. Peu importe le statut du créateur d’entreprise, le risque n’est pas susceptible dedisparaître totalement. Cela paraît relever de l’évidence s’agissant de l’entrepreneurindividuel (A), mais cela mérite tout de même que l’on en dise quelques mots. A l’égard desstructures sociétaires (B), là encore, et de façon moins attendue, le risque n’est pas minime,loin s’en faut. Certes, ce n’est pas forcément de risque face à la procédure collective dont ils’agit, mais le risque face à la procédure de traitement du surendettement des particuliersest parfois plus grand encore.

A/ L’EXERCICE INDIVIDUEL

28. Deux situations peuvent ici être distinguées, l’hypothèse d’un exercice en nom propre defaçon traditionnelle, et l’hypothèse d’un recours à l’EIRL.

1 – Le choix de la tradition

29. Dans une telle situation, le risque pour le patrimoine familial est, à l’évidence, majeur.Au-delà de la situation personnelle de l’entrepreneur, le risque se révèle en effet pleinement« familial », dans la mesure où le conjoint peut se retrouver fortement exposé sans l’avoiranticipé. Le risque peut en effet se propager à la cellule familiale de plusieurs façons.

23 Cass. com. 31 oct. 2007, RDC avril 2008, p. 248 obs. Y.-M. Laithier.24 Art. L. 227-13 C. com.25 Art. L. 229-11, al. 1er, C. com.26 Cass. com., 19 juin 2012, n° 11-19775 (n° F-PB), SCI Vea, Bulletin Joly Sociétés, 01 octobre 2012 n° 10,p. 731, note F.-X. Lucas. V. aussi Cass. com. 18 oct. 2011, n° 10-19647.

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30. On indiquera en premier lieu que lorsque les époux sont mariés sous le régime de lacommunauté, les biens communs sont susceptibles d’être appréhendés, et cela en vertu del’effet réel de la procédure collective. Par ailleurs, lorsque le conjoint s’est porté caution desdettes de l’entrepreneur, il va alors également engager ses biens propres. Et, naturellement,le risque est tout aussi grand dans un tel cas lorsque les époux sont mariés sous le régimede la séparation de biens. La situation patrimoniale de la famille devient alors très précaire.Le conjoint, sauf à être lui-même éligible aux procédures du livre VI du code de commerce,pourrait être confronté à une procédure de traitement du surendettement des particuliers.Fort heureusement pour lui, la dette née du contrat de cautionnement, quand bien même ellea une nature professionnelle, sera prise en compte pour apprécier son état desurendettement27. Et s’il vient à bénéficier d’une procédure de rétablissement personnel, laclôture de cette procédure entrainera effacement de la dette née de son engagement decaution28.

31. En second lieu, et quel que soit le régime matrimonial choisi, le conjoint est encore trèsexposé s’il participe d’un peu trop près à l’activité. Plusieurs situations sont alorsenvisageables. On peut tout d’abord imaginer que les époux soient considérés comme ayantparticipé à une société créée de fait. Ensuite, une véritable co-exploitation pourrait êtreidentifiée29, l’activité commerciale du conjoint pouvant être exercée dans le fonds decommerce du conjoint30. Enfin, il peut arriver que la procédure collective soit étendue auconjoint dans l’hypothèse d’une confusion de patrimoines31. Si les cas d’extension deprocédure entre époux sont rares, cette situation peut parfois être observée en casd’utilisation d’un régime séparatiste32.

32. En dernier lieu, on indiquera qu’alors même que la Cour de cassation est venue conforterles effets de la déclaration d’insaisissabilité en cas d’ouverture d’une procédure collective33,le débiteur aurait tort d’imaginer son bien immobilier définitivement à l’abri. Si le liquidateurvoit ses pouvoirs paralysés, certains créanciers pourront agir, plus précisément tous ceuxauxquels la déclaration est inopposable34. Le bien échappant au périmètre de la procédurecollective, il doit pouvoir être appréhendé par ces créanciers et selon les voies de droitcommun35.

27 Art. L. 330-1 C.conso.28 Art. L. 332-9, al. 2, C.conso.29 Si la jurisprudence distingue exploitation en commun et société créée de fait (cf. par exemple Cass. com., 28juin 1983 : Bull. civ., IV, p. 167, no 192), les deux notions correspondent à des hypothèses pratiquementidentiques. Il y a exploitation en commun lorsque deux personnes exercent ensemble, mais en touteindépendance, une activité commerciale ; il y a société créée de fait lorsque deux personnes se comportent en faitcomme des associés, sans en avoir manifesté expressément la volonté, ce qui suppose que l'on décèle dans leursrapports les trois éléments d'un contrat de société : apports, vocation de chacun aux bénéfices et aux pertes, etaffectio societatis.30 Cass. com., 15 octobre 1991, n°89-19281, Bull. civ., IV, n° 286.31 La jurisprudence distingue clairement l’exploitation en commun et la confusion de patrimoines, l’exploitationen commun ne se traduisant pas nécessairement par une confusion de patrimoines. V. très nettement, CAVersailles 13ème ch. 29 mars 1990, BJS 1990, p. 561 note Ph. Pétèl.32 V. topique, Cass. com. 15 février 2000, BJS 2000, p. 611, note Dom. Récemment, un arrêt un arrêt du 2 juillet2013 (Cass. com. 2 juillet 2013, n°12-23743, inédit) a permis d’illustrer le risque d’extension entre époux. Enl’espèce, l’extension a été admise non seulement contre le mari de la débitrice, mais encore contre une sociétédont le mari était l’associé unique. En l’occurrence, le mari s’était impliqué dans l’activité de sa femme au pointde constituer une « véritable identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine ». Quant à la société, elle était toutà fait fictive, elle avait été immatriculée en même temps que l’épouse déclarait cesser ses paiements, elle en avaitrepris les chantiers et réglé les factures.33 V. sur ce point la contribution de Me Muriel Cadiou.34 Sur cette question, v. not. F. Pérochon, « Efficacité de la déclaration d’insaisissabilité… : oui, mais après ? » :Rev. proc. coll. n° 4, juillet-août 2013, dossier, 25, n° 14 et s.35 V. ainsi, T. com. Valenciennes, 16 déc. 2013, n 2013005130, BJE mai 2014, p. 153, et nos obs.

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2 – Le choix de l’EIRL

33. Lorsque l’on opte pour l’EIRL le risque ne disparaît pas. Dans certaines hypothèses, lesbiens communs ou indivis vont en effet intégrer le patrimoine affecté et, naturellement,générer un risque pour la famille de l’entrepreneur36. Au-delà, deux points particuliers nousparaissent devoir être évoqués.

34. Tout d’abord, peut-on imaginer un cautionnement des dettes nées au sein du patrimoineaffecté par le patrimoine non affecté ? A priori l’hypothèse est incongrue, le cautionnementétant une opération à trois personnes quand il n’y en a ici que deux, le créancier etl’entrepreneur individuel. Mais, si l’on considère que l’essentiel réside moins dans laprésence de trois personnes distinctes que dans des relations juridiques entre troispatrimoines, cette forme particulière de cautionnement est alors pleinement envisageable37.Au-delà du cautionnement, notons que rien n’interdit qu’un bien figurant dans le patrimoinenon affecté soit donné en garantie pour une dette née dans le patrimoine affecté.

35. Ensuite, en cas d’ouverture d’une procédure collective, le choix de l’EIRL engendrel’application de règles spécifiques38. La procédure collective a vocation à s’appliquer aupatrimoine affecté et si plusieurs patrimoines affectés ont été constitués, autant deprocédures devront être ouvertes. Par ailleurs, si le débiteur a continué d’exercer une activitéau sein du patrimoine non affecté, il peut alors faire l’objet d’une procédure collective. Dansun tel contexte, l’étanchéité patrimoniale est loin d’être assurée. Ainsi, l’article L. 526-12,al. 8, du code de commerce permet une appréhension du bénéfice de l’EIRL réalisé au titredu dernier exercice clos, en cas d’insuffisance du patrimoine non affecté. Mais le véritablerisque correspond aux hypothèses dans lesquelles le patrimoine non affecté va répondre desdettes nées dans le patrimoine affecté. L’article L. 621-2, al. 3, du code de commerce, relatifà l’extension de procédure, prévoit en effet « qu’un ou plusieurs autres patrimoines dudébiteur peuvent être réunis au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion aveccelui-ci ». Il en va de même, précise le texte, en cas de non-respect des règles relatives àl’affectation posées par l’article L. 526-6, al. 2 ; en cas d’absence d’une comptabilitéautonome et de comptes bancaires exclusivement dédiés à l’activité39 ; mais également encas de fraude à l’égard d’un créancier titulaire d’un droit de gage général sur le patrimoinevisé par la procédure. Il est intéressant d’observer que ces trois derniers cas sont égalementvisés par l’article L. 526-12 du code de commerce et permettent au créancier d’agir sur tousles biens du débiteur sans avoir à se soucier de l’affectation. Il y a donc là un pont entre lelivre V et le Livre VI du code de commerce. En cas de recours à l’EIRL, le risque d’extensionest ainsi particulièrement élevé40.

36. Que l’entrepreneur individuel ait fait le choix de l’EIRL ou pas, son conjoint pourra quantà lui accéder aux procédures de traitement du surendettement des particuliers, pour peunaturellement qu’il ne soit pas éligible aux procédures du Livre VI du Code de commerce.Simplement, si des dettes communes ont été prises en compte au passif de l’entrepreneur,

36 V. la contribution de Me M. Cadiou.37 La dette principale se situe dans la relation entre deux patrimoines, le patrimoine affecté et celui du créancier,alors que la dette née du contrat de cautionnement se situe dans la relation entre le patrimoine non affecté et lepatrimoine du créancier. Pour plus de détails sur cette figure originale, v. N. Borga, L’EIRL et la constitution desûretés personnelles, BJE mars 2011, p. 76 et s.38 V. not. N. Borga et G. Berthelot, L’EIRL en difficulté, entre respect et négation de l’affectation, BJE mai2011, p. 155 et s.39 Art. L. 526-13 C. com.40 Par ailleurs, l’article L. 643-11, VI, C. com. prévoit désormais qu’en cas de clôture de la liquidation judiciairepour insuffisance d’actif d’un EIRL, le droit de poursuite des créanciers peut, en cas de fraude, s’exercer sur lepatrimoine non affecté.

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elles ne pourront l’être prises au titre du traitement du surendettement du conjoint, et celapeu important que les dettes en question aient ou non un caractère professionnel41.

37. Conclure à la dangerosité de l’exercice individuel pour le patrimoine familial n’a rien desurprenant. Ce qui l’est plus, c’est d’observer que la constitution d’une société, souventprésentée comme une source de sécurité, est loin de se traduire par une disparition durisque.

B/ L’EXERCICE EN SOCIETE

38. Le risque pour le patrimoine familial subsiste au travers du dirigeant, menacé par desactions en responsabilité (1), mais également au travers de l’associé (2).

1/ Les risques liés à la qualité de dirigeant

39. Le premier des dangers pour le dirigeant est celui lié à l’application de l’article L. 651-2du Code de commerce, relatif à la responsabilité pour faute de gestion, en cas d’insuffisanced’actifs en cas de liquidation judiciaire de la personne morale42. Que dire, en 2014, de cerisque financier pour le dirigeant ? Il faut sans doute conclure qu’il a perdu de sonimportance. D’une part, la loi de sauvegarde l’a cantonné à la liquidation judiciaire. D’autrepart, elle a abrogé les dispositions complémentaires qui donnaient la faculté au tribunal deprononcer une « extension-sanction » à l’encontre du dirigeant qui n’exécutait pasvolontairement sa condamnation financière43. En pratique, les contrôleurs agissent peu surce fondement, quand bien même la loi de sauvegarde leur a offert cette possibilité aux côtésdu liquidateur et du ministère public. Reste à apprécier son avenir au regard de la pratiquedes mesures conservatoires qui peuvent l’accompagner44. Du point de vue de la protectiondu dirigeant, on remarquera, en outre, que le fait d’être condamné sur le terrain del’insuffisance d’actif n’est pas en soi de nature à fermer au dirigeant la voie des procéduresde traitement du surendettement des particuliers45.

40. Nouveau danger, l’article L. 631-10-1, créé par la loi Pétroplus du 22 mars 2012, sembleavoir introduit une action en responsabilité « … fondée sur une faute ayant contribué à la

41 V. Cass. 2ème civ., 6 janv. 2011, n°09-72485. La Cour de cassation ne précise pas quel était le régimematrimonial des époux, mais il faudra nécessairement s’y reporter. En régime séparatiste, les créanciers duconjoint n’ont pas à déclarer leur créance et le passif du conjoint ne sera donc en principe pas incorporé. Il lesera néanmoins pour les dettes dont les époux sont codébiteurs solidaires : dettes ménagères (C. civ., art. 220) oudettes fiscales (CGI, art. 1685). Ces dettes ne sont pas négligeables et peuvent suffire à caractériser une situationde surendettement à l’égard du conjoint. Mais cette incorporation à la procédure le priverait d’un accès auxprocédures de traitement du surendettement alors même qu’il s’agira de dettes non professionnelles. En régimecommunautaire, les biens communs répondent des dettes de chaque époux selon l’article 1413 du code civil. Cesbiens sont alors appréhendés par la procédure collective et les créanciers du conjoint in bonis doivent déclarerleur créance pour espérer participer aux répartitions. Le passif du conjoint est donc incorporé.42 Selon ce texte, « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisanced'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que lemontant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait,ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion… ».43 Anc. art. L 624-5 C.com. : « Le tribunal peut ouvrir une procédure de redressement judiciaire ou de liquidationjudiciaire à l’égard des dirigeants à la charge desquels a été mis tout ou partie du passif d’une personne morale etqui ne s’acquittent pas de cette dette ».44 V. infra n°41.45 Cass, 2ème civ., 21 janv. 2010, n° 08 – 19984. Mais la dette résultant de la condamnation correspondraassurément à une dette professionnelle qui ne pourra être prise en compte pour apprécier l’existence dusurendettement.

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cessation des paiements du débiteur… ». Tel n’est, à vrai dire, pas l’objet même de cetarticle qui autorise l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire demandeur à l’actionen responsabilité pécuniaire à pratiquer « toute mesure conservatoire utile à l’égard desbiens du dirigeant de droit ou de fait… ». Il faut considérer, semble-t-il, que cette action enresponsabilité relève de l’article 1382 du code civil.

41. Par ailleurs, le patrimoine familial pourrait être affecté par les mesures conservatoiresaccessoires aux actions pécuniaires du livre 6 du code de commerce.

Ces mesures, saisies ou sûretés, sont tout d’abord susceptibles de grever d’abord lepatrimoine du dirigeant. Il vient d’être évoqué la mesure conservatoire « utile » autorisée auvisa du nouvel article L. 631-10-1, et pratiquée à l’égard d’un dirigeant auquel est reprochéune faute ayant contribué à la cessation des paiements. Il convient, surtout, d’évoquer lamesure conservatoire « utile » prévue par l’article L 651-4, al. 2, du code de commerce,mesure pouvant frapper le dirigeant d’une personne morale en liquidation judiciaire et auquelest reproché une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif. Il importe d’insistersur l’actionnaire et les conditions d’autorisation assez libérales de ces mesuresconservatoires. Rendu au visa de l’article L. 651-4, al. 2, du code de commerce, l’arrêtSpanberg a consacré leur caractère dérogatoire au droit commun des mesuresconservatoires46. Nul besoin de démontrer une créance fondée en son principe47, ni mêmeun risque quant à son recouvrement, conformément aux règles du code des procéduresciviles d’exécution. Seule importe l’utilité de la mesure, utilité pour la préservation de l’intérêtcollectif des créanciers.

Ensuite, les mesures conservatoires utiles peuvent également être celles de droit civilou judiciaire, telle l’apposition des scellés ou la désignation d’un séquestre. Ces mesuresconservatoires sont aussi susceptibles de grever le patrimoine des tiers lorsqu’est envisagéeà leur encontre une action en extension (art. L 621-2 al. 4 C. com.). En l’occurrence, les« tiers » peuvent être, soit une personne morale à caractère familial, soit une personnephysique de la famille du dirigeant. Les tiers, et notamment la famille de l’entrepreneur,pourront également subir les effets d’une action en réunion des patrimoines dans le cas del’EIRL48.

42. Enfin, il convient de rappeler la responsabilité fiscale du dirigeant, qui sera solidairementtenu avec la personne morale en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservationsgraves et répétées des obligations fiscales ayant rendu impossible le recouvrement del’impôt49. L’effet peut être dévastateur pour le dirigeant, et ce d’autant que l’action del’administration fiscale peut se cumuler avec celle de l’article L. 651-2 du code de commercelorsque la personne morale est en liquidation judiciaire50.

2/ Les risques liés à la qualité d’associé

43. Pour les associés, si le risque est par nature majeur dans les sociétés à responsabilitéillimitée, il ne disparaît pas quand bien même leur responsabilité serait limitée aux apports.Tout particulièrement lorsqu’il est majoritaire, l’associé doit prendre garde à ne pas adopterun comportement susceptible de lui faire revêtir les habits du dirigeant de fait. Cela pourraitnotamment l’exposer à une éventuelle action en responsabilité pour insuffisance d’actif siétait démontrée à son encontre une faute de gestion51. Au-delà, la jurisprudencecontemporaine témoigne d’une plus grande sévérité à l’égard de l’actionnaire majoritaire,

46 Cass. com. 31 mai 2011, n° 551, FS-P+B.47 La créance provenant de la condamnation du dirigeant ne naît en effet que du jugement constitutif de droit.48 V. supra n° 35.49 Article L. 267 C.P.F.50 Cass. com. 1997, Bull. civ. 97, IV, n° 331, p. 286.51 Art. L. 651-2, al. 1er, C. com.

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retenant sa responsabilité délictuelle sans qu’il ne soit nécessaire de le qualifier de dirigeantde fait ou de co-employeur. Certes, les hypothèses sont encore rares, et concernentpratiquement des associés personnes morales52. Mais une extension aux actionnairesmajoritaires personnes physiques n’a rien d’impossible. Au-delà de ces cas particuliers, deuxrisques courus par l’associé méritent d’être évoqués : d’une part, le risque de ne pouvoiraccéder à la procédure collective ; d’autre part, le risque d’être exposé aux poursuites.

44. Faire l’objet d’une procédure collective matérialise la survenance du risque, mais nepouvoir accéder à une telle procédure constitue également un risque. De ce point de vue,tous les associés ne sont pas logés à la même enseigne. Dans la plupart des cas, l’associén’est pas éligible aux différentes procédures du Livre VI du Code de commerce, et n’ad’autre choix que de se tourner vers les procédures de traitement du surendettement desparticuliers. La Cour de cassation a ainsi très nettement indiqué que le gérant majoritaire deSARL n’est pas un professionnel indépendant au sens du Livre VI du Code de commercealors même qu’il relève du régime des travailleurs non salariés53. Ces personnes peuventalors se retrouver dans une situation délicate puisqu’ils sont personnellement tenuss’agissant de leurs cotisations sociales, ce qui explique que l’Urssaf les ait parfois assignésen redressement ou liquidation judiciaires. Mais seules les procédures de traitement dusurendettement peuvent être envisagées, et le caractère professionnel de ce type de dettefera fréquemment figure d’obstacle insurmontable à l’ouverture d’une telle procédure54.

Une question de même nature s’est posée avec encore plus d’acuité pour lesprofessionnels libéraux exerçant en SCP ou en SEL. S’agissant de personnes morales dedroit privé, elles relèvent naturellement du Livre VI du code de commerce, mais l’on pouvaitse demander si le praticien ne devait pas lui-même pouvoir bénéficier d’une procédurecollective. S’il exerce une profession libérale au nom de la société, il le fait en touteindépendance. La Cour de cassation a néanmoins fermement exclu une telle solution55, sibien qu’à une exception près, tous les associés, quel que soit le type sociétaire, ont étérejetés hors du champ d’application des procédures du Livre VI. À une exception près56,puisque de façon extrêmement regrettable, la Cour de cassation a récemment pu considérerque la qualité de commerçant reconnue par la loi aux associés de SNC les rend éligibles auxprocédures de traitement des difficultés de l’entreprise57, cela quand bien même ilsn’exercent aucune véritable activité professionnelle indépendante au sens des articlesL. 620-2, L. 631-2 ou L. 640-2 du code de commerce.

45. À l’égard des poursuites auxquelles l’associé s’expose, les associés de sociétés à risqueillimité sont naturellement les premiers concernés. Tel est le cas de l’associé de sociétécivile, mais l’on sait que selon l’article 1858 du code civil, les créanciers ne peuventpoursuivre le paiement des dettes sociales contre les associés, débiteurs subsidiaires du

52 V. ainsi l’affaire Klarius, CA Versailles, 15e ch., 31 oct. 2011, RG n° 10/00578, dans laquelle l’AGS et lessalariés ont fait condamner la société mère anglaise, qui avait « asphyxié » sa filiale, à lui rembourser lessommes versées au titre des licenciements et à indemniser les salariés. V. également l’affaire Quelle où un fondsallemand à été condamné à indemniser les salariés, TC Orléans, 1er juin 2012, n° 2010-11170, BJE juill.-août2012, p. 201, n° 135, note R. Dammann et M. Boché-Robinet ; LEDEN 4 juill. 2012 n° 7, p. 1, obs. F.-X. Lucas ;Gaz. Pal. 4 août 2012, n° 217, p. 1, obs. L.-C. Henry ; JCP E 2012, 1494, note A. Couret et B. Dondero.53 Cass. com. 12 nov 2008, n°07-16998, D. 2008, p. 2929, obs. A. Lienhard ; JCP E 2009, 1023, note C. Lebel ;Dr. sociétés 2009, comm. 15, note J.-P. Legros ; Bull. Joly 2009, p. 278, note P. M. Le Corre ; Defrénois 2009.1397, obs. D. Gibirila ; Rev. sociétés 2009, p. 607, note Ph. Roussel Galle.54 Art. L. 330-1, al. 1er, C. conso.55 Cass. com. 9 février 2010, 3 arrêts, n° 08-17144, 08-15191, 08-17170, Leden mars 2010, obs. F.-X. Lucas ;BJS mai 2010, p. 489, note J.-J. Daigre.56 Deux exceptions en réalité, puisque les associés commandités sont exactement dans la même situation que lesassociés de SNC.57 Cass. 2ème civ. 5 déc. 2013, n°11-28092, BJS mars 2014 p. 184 note F.-X. Lucas ; Lettre d'actualité desprocédures collectives civiles et commerciales n° 2, Janvier 2014, repère 20, obs. N. Borga, Leden janvier 2014,obs. I. Parachkévova ; LPA 5 février 2014, n° 26, p. 9, note Q. Nemoz-Rajot.

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passif social envers les tiers, qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi lapersonne morale. Si le créancier ne peut agir lorsque la société bénéficie d’un plan desauvegarde ou de redressement judiciaire58, il retrouve une plus grande liberté d’action unefois la liquidation judiciaire ouverte. La Cour de cassation lui a en effet facilité la tâche enconsidérant que l’exigence de vaines poursuites est réputée satisfaite dès lors que lecréancier a déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de la société59. La situation descréanciers d’une SNC est encore plus favorable puisque la déclaration de créance au passifde la société vaut mise en demeure de la société60, et permettra donc d’engager lespoursuites contre l’associé.

46. L’associé de société civile ou de société en nom collectif s’expose donc aux poursuitesdes créanciers sociaux, mais pas seulement. Dans un arrêt du 20 septembre 2011, lachambre commerciale a en effet pu indiquer que « le liquidateur judiciaire était recevable àagir à l’encontre des associés de la SCM pour voir fixer leur contribution aux pertes socialespar la prise en compte, outre du montant de leurs apports, de celui du passif social et duproduit de la réalisation des actifs »61. Comme l’écrit François-Xavier Lucas, la cour admetainsi « qu’une action visant à répartir entre ces associés le poids de l’insuffisance d’actif vapouvoir être collectivisée. On voit ainsi que l’obligation aux dettes sociales qui pèse sur lesassociés à l’égard des créanciers n’est pas exclusive d’une action en contribution aux pertesouverte à la société ou à son liquidateur à l’encontre des associés »62. Pour parvenir à un telrésultat, le liquidateur devra veiller à ne pas agir contre les associés au titre de leurobligation aux dettes sociales63, car cette action lui est fermée, mais au titre de leurobligation d’avoir à contribuer aux pertes64.

47. In fine, il apparaît que si certaines idées reçues méritent d’être bousculées, le choix, auregard de la protection du patrimoine familial, d’exercer au travers d’une société àresponsabilité limitée, demeure pertinent et notamment en raison des faiblesses présentéespar les dispositifs destinés à protéger l’entrepreneur individuel que sont la déclarationd’insaisissabilité ou le recours à l’EIRL. L’entrepreneur devra toutefois veiller à adopter lecomportement diligent et consciencieux du bon dirigeant de société faute de quoi sesprévisions pourraient être largement déjouées.

58 Les délais consentis à la société rendent alors impossible la démonstration de son insuffisance patrimoniale(v. ainsi Cass. 3e civ., 23 février 2000, Bull. civ. III, no 43 ; RTD com. 2000, p. 681, obs. M.-H. Monsérié-Bon ;RD Banc. et fin. 2000/3, n° 123, obs. F.-X. Lucas). En période d’observation, l’associé ne pourra être poursuiviqu’à la condition que le créancier démontre que la société est incapable de faire face à ses obligations.59 Cass. ch. mixte 18 mai 2007, n° 05-10413, BJS, 2007, p. 1176, note F. Pérochon ; D., 2007, p. 1414, obs.A. Lienhard ; JCP G, 2007, II, n° 10128, note J.-P. Legros ; Dr sociétés, 2007, comm. n° 130, note F.-X. Lucas ;Rev. sociétés, 2007, p. 620, note J.-F. Barbièri ; Gaz. Pal. 21 juillet 2007, n° 202, p. 18, note P.-M. Le Corre ;60 Cass. com. 19 déc. 2006, n° 02-21.333, D. 2007, p. 92, obs. Lienhard ; BJS 2007, p. 472, note C. Regnaut-Moutier ; Rev. sociétés, 2006, p. 99, note J.-F. Barbièri ; JCP E, 2007, p. 1450, n° 8, obs. M. Cabrillac.61 Cass. Com. 20 sept. 2011, n°10-24888 ; BJS nov. 2011, p. 902, note F.-X. Lucas.62 F.-X. Lucas, note préc.63 Art. 1857 C. civ.64 Art. 1832, al. 3 C. civ.

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LES OUTILS DE PROTECTION

1ERE PARTIE :

L’INCIDENCE DES REGIMES MATRIMONIAUX

ET DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

Clémence BERTIN-AYNES,Avocat au barreau de Paris, membre du conseil d’administration

de DROIT ET PROCEDURE

Avant de s’interroger sur les mécanismes du droit des régimes matrimoniaux qui pourraientpermettre de protéger davantage le patrimoine familial, il nous faut comprendre les effets del’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’un débiteur marié ou pacsé.

L’hypothèse n’est pas rare. Je lisais, en préparant mon propos d’aujourd’hui, que 70% desdébiteurs concernés par une procédure collective étaient mariés ;

Et pourtant, le législateur, qui a réformé la même année, en 1985, le droit des régimesmatrimoniaux et celui des entreprises en difficultés, n’a pas dit un mot du débiteur marié oupacsé soumis à une procédure collective.

Les effets de l’ouverture d’une procédure sont évidemment différents selon que le débiteurest marié sous un régime de communauté, ou de séparation, qu’il a conclu un PACS avant2006 ou après.

De multiples questions se posent, que je ne pourrai pas toutes aborder :

quels sont les biens concernés,

quels sont les pouvoirs conservés par les époux sur le patrimoine familial pendant la

procédure,

qu’en est-il de la sacro-sainte protection du logement de la famille ?

Si j’interviens aujourd’hui, c’est en qualité de praticienne du droit de la famille. Aussi, jesollicite votre indulgence si je devais manquer de précisions sur quelques notions du droitdes procédures collectives.

Je vous propose de voir aussi rapidement que possible les effets de la procédure sur lepatrimoine familial en fonction, du régime matrimonial adopté par le débiteur et son conjoint.

J’évoquerai très rapidement la situation des créanciers des époux, et notamment descréanciers du conjoint in bonis qui entrent en concurrence, pour les biens communs, avecles créanciers du débiteur : avant de vous livrer mes modestes réflexions sur les moyensqu’offre le droit des régimes matrimoniaux pour tenter de protéger, autant que faire se peut,le patrimoine familial.

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Je dis modestes car en réalité je n’ai pu que constater que le droit des régimes matrimoniauxoffrait finalement bien peu de protection.

La protection devra être recherchée dans des mécanismes autres, que Muriel CADIOU vousexposera.

Entrons dans le vif du sujet et voyons tout de suite quels sont les effets de l’ouverture d’uneprocédure collective sur le patrimoine des époux et des partenaires.

I. Les effets de l’ouverture d’une procédure collective sur le

patrimoine des époux ou des partenaires

Pour comprendre les effets de l’ouverture d’une procédure collective sur les biens desépoux, encore faut-il se poser la question de leur régime matrimonial car c’est ce régime quiva permettre de déterminer la propriété du bien et donc de savoir si ces biens sontconcernés par la procédure ouverte.

C’est ce régime matrimonial qui permettra aussi à l’époux in bonis de faire échapper un bienqui lui appartiendrait à la procédure collective ouverte à l’encontre de son conjoint : c’estl’action en revendication.

Action en revendication : Le conjoint qui veut revendiquer la propriété d’un bienappréhendé par la procédure collective, doit exercer, comme n’importe quel autre tiers,l’action en revendication prévue par l’article L 624-5 du code de commerce.

Pour une illustration récente : Com 12 mars 2013 n°12-12.011

Le conjoint devra apporter la preuve de sa propriété conformément aux règles des régimesmatrimoniaux.

Ces règles vont nous dire : qui est propriétaire ? et comment prouver sa propriété ?

De manière très succincte et caricaturale, il existe deux sortes de régimes : ceux dits« séparatistes » et ceux dits « communautaires ».

Au sein de chacune de ces catégories, il y a différents degrés permettant d’atténuer oud’augmenter les effets de la séparation ou de la communauté.

Ainsi, la communauté peut être universelle ou limitée aux acquêts (c’est le régime légal), ouexclure certains biens (professionnels par exemple).

Je ne vais pas faire un exposé complet de toutes les sortes de régimes possibles.

Rappel très bref pour les deux principaux régimes des effets de la procédure afin de voircomment mettre en œuvre l’action en revendication.

- Dans le régime légal de communauté réduite aux acquêts :

Deux masses de biens : biens communs et biens propres.

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Les biens propres : ceux détenus avant le mariage, reçus par donation ou successionpendant le mariage.

Les biens communs (article 1401 du code civil) sont les biens acquis pendant le mariage,mais aussi, on l’oublie parfois, les gains et salaires des deux époux et les revenus de leursbiens propres.

Pour les biens propres, pas de problème : article 1428 : « Chacun des époux al’administration et la jouissance de ses propres et peut en disposer librement ».

L’article 1421 du code civil prévoit que « chacun des époux a le pouvoir d’administrer seulles biens communs et d’en disposer à titre onéreux (sauf immeubles)… ».

Tandis que l’article 1413 du même code dispose que « le paiement des dettes dont chaqueépoux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours êtrepoursuivi sur les biens communs ».

Les biens communs tombent donc dans le périmètre de la procédure collective.

Article 1402 : sous le régime légal, tout bien acquis pendant le mariage est présumécommun.

L’époux qui revendique sa propriété devra apporter la preuve, s’il n’a pas pris la précautionde faire une déclaration de remploi, que ce bien a été acquis avec des fonds propres.

La preuve doit être écrite, ce qui ne facilite pas les choses sauf à invoquer l’article 1438 etl’impossibilité morale de se procurer un écrit.

- Dans le régime de la séparation pure et simple des biens (1536 et suivants du code

civil) :

Deux patrimoines distincts, y compris les revenus.

Par définition, chacun des époux est libre d’administrer ou de gérer ses biens personnels.

Article 1538 du code civil pour les époux mariés sous le régime de la séparation des biens :édicte une présomption de propriété indivise à l’égard des biens dont aucun des époux nejustifie d’une propriété exclusive. La preuve contraire peut être apportée par tousmoyens.

Décidemment… les époux mariés sous le régime légal ne sont pas épargnés !

- Le PACS :

Il nous faut distinguer selon que le PACS a été conclu :

Avant la loi du 23 juin 2006 : biens sont présumés indivis par moitié sauf mention contrairedans l’acte d’acquisition. Présomption d’indivision.

Depuis la Loi du 23 juin 2006 : Principe : séparation des biens, sauf convention d’indivisiondans le cadre de laquelle les biens seraient réputés indivis par moitié.

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Article 515-5 du code civil : chacun des partenaires peut prouver par tous moyens qu’il a lapropriété exclusive d’un bien.

Article 515-5-2 : dresse une liste de biens qui sont la propriété exclusive de chaquepartenaire : les biens à caractère personnel, les derniers perçus par chacun des partenairesnon employés à l’acquisition d’un bien, les biens acquis au moyen de deniers reçus pardonation ou succession…

***

Action en revendication par un conjoint est facilitée pour les époux mariés sous unrégime séparatiste ou des partenaires pacsés, tandis que les conjoints mariés sous lerégime légal verront leur tâche plus ardue.

Un mot du pendant de l’action en revendication : la présomption mucienne, reprise à l’articleL 624-6 du code de commerce qui permet la réintégration d’actifs acquis par un époux àl’aide de valeurs fournies par son conjoint qui fait l’objet d’une procédure collective.

« Le mandataire ou l’administrateur peut, en prouvant par tous les moyens que les biensacquis par le conjoint du débiteur l’ont été avec des valeurs fournies par celui-ci, demanderque les acquisitions ainsi faites soient réunies à l’actif ».

Permettait donc de récupérer un bien personnel d’un époux, au motif qu’il avait été financépar son conjoint.

Le conseil constitutionnel, saisi d’une QPC, a déclaré que ces dispositions constituaient uneatteinte disproportionnée au droit de propriété dans la mesure où aucune limite n’était prévuepar le texte pour encadrer cette action.

Décision du 19 janvier 2012.

La balle est dans le camp du législateur, qui devra revoir sa copie.

***

Une fois que la procédure est ouverte et que les biens concernés par la procédure ontété déterminés, se pose la question des pouvoirs des époux sur ces biens pendant laprocédure.

C’est l’incidence du dessaisissement d’un époux sur le patrimoine familial.

A/ Les pouvoirs des époux et partenaires : Incidence dudessaisissement d’un époux sur le patrimoine familial

Pour ceux qui seraient plus aguerris au droit de la famille qu’à celui des procédurescollectives (ce qui est mon cas), je précise simplement que le dessaisissement est « la pertepour un temps au moins, de tout ou partie des pouvoirs de gestion sur ses bienspersonnels ».

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1- Lorsque les époux sont mariés sous un régime séparatiste ou pacsés depuis 2006

Seuls seront touchés les biens personnels du conjoint « débiteur ». Le conjoint in bonisn’aura donc pas à subir les conséquences de l’ouverture de la procédure sur ses bienspersonnels.

Les biens acquis en indivision par les deux époux seront protégés, comme nousl’expliqueront tout à l’heure Alain PROVANSAL et Jean-Pierre SENECHAL.

2- Lorsque les époux sont mariés sous un régime communautaire

Comment concilier la protection des créanciers et les dispositions de l’article 1421 quiprévoit que chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs etd’en disposer à titre onéreux.

Pendant la période d’observation : impossibilité de faire des actes de disposition étrangersà la gestion courante de l’entreprise.

Aucun acte de disposition des biens communs, même avec l’accord du juge commissaire !

Pour les pouvoirs de gestion des époux sur les biens communs : dépend de la procédureouverte et de l’étendue du dessaisissement et donc des pouvoirs confiés à l’administrateur.

Le conjoint in bonis n’a pas plus de droit que ceux accordés au débiteur sur les bienscommuns.

A l’issue du jugement arrêtant le plan de redressement, de continuation ou desauvegarde : le droit commun de la gestion est rétabli.

Les époux retrouvent leurs pleins pouvoirs, sauf disposition particulière dans le planconcernant un bien particulier.

Dans le cadre de la liquidation judiciaire : le dessaisissement est total : les bienscommuns sont administrés par le liquidateur. Le débiteur et son conjoint in bonis n’ont plusaucun des pouvoirs visés à l’article 1421 du code civil.

Illustration : Impossibilité de donner à bail, même précaire, un bien commun. Com 4 octobre2005 – n°04-12.610

Se pose la question des gains et salaires.

***

Nous avons vu les effets de la procédure collective sur le patrimoine familial, les pouvoirsdes époux sur les biens pendant la procédure.

Je voudrais maintenant vous dire un mot des droits des créanciers sur le patrimoine familial.

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B/ Droits des créanciers et patrimoine familial

La question qui se pose est celle de savoir quels sont les droits des créanciers des deuxépoux, celui faisant l’objet de la procédure, et son conjoint, in bonis, sur leurs biens.

Se pose également la question de la situation du conjoint lorsque lui-même est créancier deson époux. Je vous renvoie aux documents dans la clé qui vous donneront toutes lesprécisions à ce sujet.

La question des droits des créanciers, concerne principalement les époux mariéssous un régime communautaire dès lors que 1413 : « le paiement des dettes dontchaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peuttoujours être poursuivi sur les biens communs ».

Les créanciers du débiteur et les créanciers du conjoint in bonis sont donc en concurrencesur les biens communs, sur lesquels ils peuvent tous prétendre à être payés.

1- Biens communs et suspension des poursuites

L’ouverture de la procédure va entraîner la suspension des poursuites, laquelle concerneratous les biens communs.

Cela signifie que les biens communs ne peuvent pas être saisis par les créanciers duconjoint in bonis.

Illustration sur les gains et salaires : Com 16 novembre 2010 – n°09-68.459

Les créanciers du conjoint in bonis ne pourront donc plus exercer leurs poursuites, mêmesur les gains et salaires de leur débiteur.

Conséquences sur la situation des créanciers du conjoint in bonis qui doivent, s’ils veulentpouvoir appréhender les biens de leur débiteur à eux, se soumettre aux règles de laprocédure collective du conjoint.

Ass Plénière 23 décembre 1994 – n°90-15.305

Cette déclaration est une faculté : Les créanciers du conjoint in bonis sont libres d’entrerdans la procédure ou non. S’ils le font, ils participeront à la répartition. S’ils ne le font pas,leur droit subsiste néanmoins. Ils pourront reprendre leurs poursuites sur les biens communsà l’issue de la procédure collective.

Com 14 mai 1996 – n°94-11366

2- La réalisation des actifs – les biens communs – le logement de la famille

Lors de la réalisation des actifs, le droit des procédures collectives domine sans contestecelui du droit de la famille. Les droits des créanciers sur le patrimoine familial sont tout-puissants.

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Les biens communs peuvent être cédés sans l’accord du conjoint.

Illustration : Com 28 avril 2009 – 08-10.368

Cela s’applique aussi au logement de la famille.

La protection du logement de la famille est balayée (article 215 du code civil).

Ce logement pourra être cédé, sans avoir besoin de l’accord du conjoint.

Nb : Si le logement de la famille est un bien propre de l’époux in bonis, il ne pourra pasvendre sans l’accord de son conjoint, mais si le bien est un bien propre de l’époux débiteurou un bien commun, alors l’époux in bonis n’aura pas son mot à dire… Deux poids, deuxmesures…

3- Le conjoint créancier

Le conjoint créancier : Le conjoint qui est lui-même créancier d’une pension ou prestationcompensatoire (si le divorce a été prononcé entre-temps), c’est-à-dire d’une créance dite« alimentaire » n’aura pas à déclarer sa créance au passif de la procédure de son époux.

Arrêt de principe : Com 8 octobre 2003 n°99-21.682

Il peut choisir de déclarer sa créance et sera alors soumis aux règles de la procédure (etpourra être réglé comme les autres créanciers) mais son éventuelle non admission au passifne lui fera pas perdre son droit.

Com 13 juin 2006 – n°05-17.081

***

II. Les mécanismes du droit des régimes matrimoniaux qui

pourraient permettre d’améliorer la protection du patrimoine familial

J’en viens maintenant aux mécanismes du droit des régimes matrimoniaux qui pourraientpermettre d’améliorer la protection du patrimoine familial.

A exclure : le changement de régime, les avantages matrimoniaux, les actes de

disposition à titre gratuit.

Changement de régime matrimonial :

Changement de régime avant l’ouverture de la procédure peut être attaqué par lescréanciers sur le fondement des nullités de la période suspecte.

L’article 1397 Code civil prévoit aussi que les créanciers non opposants peuvent attaquer lechangement de régime s’il a été fait en fraude de leurs droits dans les conditions de l’article1167 du code civil.

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En cas de passage d’un régime de communauté à un régime de séparation, les articles 1482et 1483 du code civil permettent de maintenir le droit de poursuite des créanciers de lacommunauté à hauteur des ¾ des biens (moitié des biens de l’époux qui a fait entrer la detteen communauté et ¼ des biens de l’autre).

Si le jugement d’ouverture intervient moins de 3 mois après la publication du changement derégime matrimonial, il est inopposable aux créanciers.

Si le changement de régime est judiciaire (demande d’un époux si péril), les organes de laprocédure sont parties à la procédure de changement de régime.

Les avantages matrimoniaux :

Enrichissement procuré à l’un des époux par le jeu des règles du régime matrimonial etéchappant en principe aux règles des libéralités.

Ex : communauté universelle en cas d’apports inégaux, clause de préciput (prélever certainsbiens sans tenir compte de leur valeur), clause de partage inégal, clause d’attribution ausurvivant.

L’avantage matrimonial suppose qu’un époux reçoive un profit par le jeu du contrat demariage.

L 624-8 du code de commerce : « le conjoint ne peut exercer aucune action à raison desavantages faits par l’un des époux à l’autre dans le contrat de mariage ou pendant lemariage ».

La règle de l’inopposabilité des avantages matrimoniaux à la procédure collective interdit auconjoint de soustraire des actifs du débiteur des libéralités qui lui auraient été faites et quin’auraient pas été délivrées.

Avec la clause au dernier vivant, on comprend mieux l’intérêt de la règle…

Les actes de dispositions à titre gratuit :

Rentrent sous le coup de la nullité de la période suspecte (L 621-107 et L 632-1).

Une donation effectuée par le débiteur d’un bien propre ou commun sera nulle.

Il en est de même d’une donation qui aurait été effectuée par le conjoint in bonis d’un biencommun.

Tout cela semble bien inefficace.

Que faire alors ?

Faire le choix d’un régime plus adapté :

Le régime de la séparation pure et simple des biens, peut avoir une dose decommunauté avec l’adjonction d’une société d’acquêts.

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Cette société d’acquêts permet de déterminer à l’avance quels sont les biens qui serontréputés communs entre les époux.

L’adoption d’un régime de participation aux acquêts. Articles 1569 et suivants du codecivil. Régime de séparation pendant la vie du régime. Deux patrimoines distincts, chacun desépoux conserve la gestion et la libre disposition de ses biens. A la dissolution, les épouxparticipent à l’enrichissement de l’autre, à la différence entre le patrimoine final (constituédes acquêts, épargne..) et le patrimoine originaire (avant le mariage, reçu par donation ousuccession).

L’avantage de ce régime : article 1570 prévoit qu’un état descriptif du patrimoine originaireest établi. Cela servira de preuve. Il est signé par l’autre conjoint. À défaut d’état descriptif, lapreuve de la propriété exclusive d’un bien peut être apportée par tous moyens.

Pacs : Article 515-5-1 : dans la convention initiale, les partenaires peuvent exclure certainsbiens.

L’aménagement du contrat de mariage par la précision de présomption de

propriété.

Dans le contrat de mariage, il est possible de prévoir des présomptions de propriété de tel outel bien.

Les biens professionnels peuvent par exemple faire l’objet d’une telle présomption pourdemeurer, malgré un régime de communauté, un bien personnel d’un époux.

***

En réalité, la protection du patrimoine de la famille en cas d’ouverture d’une procédurecollective ne viendra pas forcément du droit des régimes matrimoniaux, contrairement à cequ’on pourrait penser.

Il faudra assurer cette protection en ayant recours à d’autres mécanismes : détention desactifs par des sociétés (SCI) par le biais d’assurance vie (qui ne seront pas appréhendéesdans la procédure – article L 132-17).

Et surtout par les mécanismes qui vont vous être exposés par mon confrère et amie MurielCADIOU.

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2EME PARTIE :

L’INSAISISSABILITE

ET LE PATRIMOINE D’AFFECTATION

Muriel CADIOU,Avocat au barreau de Paris, membre du conseil d’administration

de DROIT ET PROCEDURE

La déclaration d’insaisissabilité et le patrimoine d’affectation sont deux techniques quiconcernent l'entrepreneur individuel, lequel dispose d'un patrimoine unique qui comprendses biens personnels et ses biens professionnels.

Sans régime de protection, les créanciers personnels et professionnels peuventindifféremment saisir ses biens personnels (notamment sa résidence principale) et ses biensprofessionnels.

Pour pallier à cet inconvénient, la loi du 1er août 2003 a institué la déclarationd'insaisissabilité de l’habitation principale de l’entrepreneur individuel (Articles L.526-1 et s.et R.526-1 et s. du Code de Commerce) puis la loi du 4 août 2008 a étendu son bénéfice àtout immeuble non affecté à un usage professionnel.

À cette technique s'ajoute, depuis peu, le régime de l'entrepreneur individuel à responsabilitélimitée (EIRL) créé par la loi du 15 juin 2010 (articles L. 526-6 et s. et R.526-3 et s. du Codede Commerce).

Ces deux mécanismes constituent des exceptions au droit de gage général des créancierssur l’ensemble des biens du débiteur prévu aux articles 2284 et 2285 du Code civil.

I – LA DECLARATION D’INSAISISSABILITE

A – Le champ d’application

Qui est concerné ?

Cette protection concerne :

- les personnes physiques immatriculées à un registre de publicité légale àcaractère professionnel : commerçants, artisans (RCS, répertoire des métiers,registre des artisans),

- et celles exerçant une activité agricole ou libérale y compris les auto-entrepreneurset les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée.

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En revanche, les entrepreneurs exerçant ces activités sous forme de société (peu importantle type de société et le régime de responsabilité) ne peuvent effectuer de déclarationd’insaisissabilité.

Objet de la protection

les biens immobiliers personnels

L'entrepreneur individuel peut protéger des poursuites de ses créanciersprofessionnels :- l’habitation principale, qu'elle soit en pleine propriété, en usufruit ou en nue-

propriété,- tout bien foncier bâti ou non bâti qu'il n'a pas affecté à son usage professionnel :

résidence secondaire.

Il peut s'agir de biens immobiliers propres à l'entrepreneur, communs aux époux ouindivis.

Les biens immobiliers à usage mixte (mais EDD)

Si le bien immobilier n'est pas exclusivement affecté à l’habitation mais comporteégalement des pièces affectées à usage professionnel, seule la partie destinée àl'habitation peut être protégée par la déclaration d'insaisissabilité, à condition dedésigner précisément cette partie dans un état descriptif de division.

La question s’est posée de la domiciliation : lorsque l’entrepreneur possède un locald’habitation dans lequel est domiciliée une activité professionnelle. La question s’estposée de savoir si ce local pouvait faire l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité : laréponse est oui et la mention de cette domiciliation n’est pas nécessaire dans l’étatdescriptif de division.

Autre cas : les biens immobiliers détenus en indivision doivent également fairel’objet d’un état descriptif de division accepté par tous les indivisaires

Exception : Les parts de sociétés civiles immobilières ne peuvent faire l’objetd’une déclaration d’insaisissabilité (Rép. Min. N°52819 publiée au JO le 7 déc.2004).

B – Les modalités de la déclaration

Forme

La déclaration d'insaisissabilité doit être établie par acte notarié à peine de nullité.

Contenu

- Description détaillée des biens,

- Indication de leur nature : caractère propre, commun ou indivis,

- Le cas échéant, état descriptif de division si le bien est à usage mixte ou détenu enindivision.

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Si l'entrepreneur est marié

Le principe est que la résidence principale constitue généralement le logement de lafamille dont les époux ne peuvent disposer l’un sans l’autre à peine de nullité del’acte en application de l’article 215 du Code civil.

La déclaration d’insaisissabilité ne constitue pas un acte de disposition mais un acteconservatoire. Elle échappe donc aux dispositions de l’article 215 du Code civil ce quipermet à l’entrepreneur individuel de ne pas avoir à recueillir le consentement de sonconjoint pour procéder à cette déclaration.

Publicité

La déclaration doit être publiée au bureau des hypothèques (dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et la Moselle, au livre foncier de sa situation).

Elle doit également être mentionnée sur le registre de publicité légale sur lequel estimmatriculé l'entrepreneur (RCS, Répertoire des métiers, etc.).

En l'absence d'immatriculation sur un tel registre (ex les professionnels libéraux), un extraitde la déclaration doit être publié dans un journal d'annonces légales du département danslequel est exercée l'activité professionnelle.

Coût

Cette formalité engendre des coûts de rédaction et d'enregistrement de l'acte qui sontvariables selon la valeur de l'immeuble.

Les frais fixes demandés pour cette formalité correspondent :

- aux frais d'établissement de l'acte par le notaire : 139,93 euros TTC,- aux frais liés à l'accomplissement par le notaire de formalités préalables ou postérieures

à l'acte (demande de cadastres, extraits d'acte, attestations, états hypothécaires, copiesd'actes) : 419,79 euros TTC, auxquels il faut ajouter la somme de 23,32 euros TTC pourles demandes de publication,

- le cas échéant, les frais liés à l'établissement d'un état descriptif de division :466,44 euros TTC, auxquels peuvent s'ajouter les frais liés à l'accomplissement deformalités préalables ou postérieures à l'acte (419,79 euros TTC).

C - Effets de la déclaration

Date

La déclaration d’insaisissabilité est opposable à compter de sa publication au bureau deshypothèques.

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Etendue

Les immeubles mentionnés dans la déclaration deviennent insaisissables uniquement :

- à l’égard des créanciers professionnels c’est-à-dire dont la créance est née à l’occasionde l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel,

- et ceux dont la créance est postérieure à la publication de la déclaration.

La déclaration est donc sans effet :

- pour les créanciers personnels,

- et pour les créanciers professionnels dont la créance est antérieure à la publication de ladéclaration.

Le problème de la date de la naissance de la créance peut se poser, surtout lorsqu’il s’agitd’une créance à exécution successive.

Cas de l’entrepreneur marié :

En cas de déclaration d’insaisissabilité portant sur le logement de la famille, qu’ils’agisse d’un bien propre, commun ou indivis, le conjoint bénéficiera indirectement decette protection contre les créanciers professionnels de son époux entrepreneur dontla créance est née postérieurement à la publication de la déclaration.

Le logement de la famille ne sera toutefois pas à l’abri :

- des créanciers personnels des deux époux (application de l’article 1413 du Codecivil, si les époux sont mariés sous la communauté légale, et de l’article 815-17 dumême Code en cas de séparation de biens permettant aux créanciers nonconcernés par l’insaisissabilité de provoquer le partage de l’indivision).

- des créanciers professionnels du conjoint de l’entrepreneur.

Si le conjoint est également entrepreneur, les créanciers professionnels de celui-ci pourrontsaisir le logement de la famille sauf s’il effectue également de son côté une déclarationd’insaisissabilité.

Quid en cas de saisie ?

Lorsque le bien déclaré insaisissable est finalement saisi par un créancier auquel ladéclaration est inopposable (personnel ou un créancier professionnel antérieur à lapublication de la déclaration), la répartition du prix de vente se fera au profit de cescréanciers.

En revanche, les créanciers professionnels auxquels la déclaration d’insaisissabilité estopposable, qu’ils soient d’un rang supérieur ou inférieur au créancier saisissant ne pourrontparticiper à la distribution. Le surplus du prix bénéficiera à l’entrepreneur.

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Quid en cas de liquidation judiciaire

Le législateur est resté muet sur la question de l’articulation du régime de la déclarationd’insaisissabilité et des procédures collectives.

La question qui s’est rapidement posée concernait l’effet de la déclaration d’insaisissabilitépar rapport au liquidateur judiciaire.

La jurisprudence est progressivement venue apporter des solutions qui semblent désormaisclaires notamment depuis quatre arrêts rendus par la Cour de Cassation entre décembre2009 et juin 2013.

Tout d’abord, il n’est pas contesté que le liquidateur agit dans l’intérêt de tous les créancierset n’a pas qualité pour agir dans l’intérêt personnel d’un créancier ou d’un groupe decréanciers (article L.641-4 du Code de commerce - Com., 9 novembre 2004 n° 02-13.685 -Com., 13 décembre 2005, pourvoi n° 04-18.567).

Il ne fait pas non plus de doute qu’en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur peut vendrel’immeuble déclaré insaisissable si tous les créanciers détiennent des créances personnellesou des créances professionnelles antérieures à la publication de la déclarationd’insaisissabilité.

En revanche, la situation est plus délicate lorsqu’il y a un mélange et que certains créancierspeuvent se voir opposer la déclaration d’insaisissabilité dès lors que leur créance est unecréance professionnelle postérieure à la publication de la déclaration.

Avant que la Cour de cassation ne se prononce sur cette question, la doctrine étaitdivisée mais le courant majoritaire soutenait qu’il suffisait que la déclarationd’insaisissabilité soit inopposable à un seul créancier (c’est-à-dire qu’il y ait au moinsun créancier personnel ou au moins un créancier professionnel antérieur à ladéclaration) pour que l’immeuble entre dans l’actif du patrimoine à liquider et puisseainsi être réalisé par le liquidateur.

La jurisprudence des cours d’appel était également divisée (dans le sens del’inopposabilité de la déclaration d’insaisissabilité dès lors qu’elle ne l’est pas àl’égard de certains créanciers : CA Aix-en-Provence, Chambre 8 A, 3 décembre 2009n°08/22422 – CA Bourges, Chambre civile, 10 mars 2011 n°10/01556 – CA Orléans,Chambre des urgences, 6 avril 2011, n°11/00312 ; Contra : CA Douai 23 sept. 2010,JCP E 2001, n°2076).

Il a fallu attendre un arrêt du 3 février 2009 pour que la Cour de cassation s’exprime etjuge sur la recevabilité que le liquidateur judiciaire n’a pas intérêt à agir au sens del’article 31 du CPC pour faire déclarer inopposable la déclaration d’insaisissabilité(Cass. Com. 3 février 2009 n°08-10.303).

Mais cette décision ne permettait pas de lever les doutes concernant la faculté pour leliquidateur de procéder directement à la réalisation du bien.

Par un arrêt de principe du 28 juin 2011, la Cour de cassation est venue affirmer avecclarté que le débiteur peut opposer au liquidateur judiciaire la déclarationd’insaisissabilité et ainsi l’empêcher de vendre l’immeuble (en cas de vente, le juge-commissaire commettrait un excès de pouvoir) (Cass. Com. 28 juin 2011 n°10-15.482).

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La décision du 28 juin 2011 a été confirmée par deux arrêts du 13 mars 2012 (Cass. Com.13 mars 2012 n°11-15.438 et 10.27-087) :

- dans le premier, il a été confirmé que le liquidateur n’avait pas qualité pour agir eninopposabilité de la déclaration d’insaisissabilité dès lors qu’il ne peut agir que dansl’intérêt de tous les créanciers, solution réaffirmée dans un récent arrêt en date du 18 juin2013 (Cass. Com. 18 juin 2013 n°11-23.716),

- dans le deuxième, la Cour de cassation est venue dire que « l’immeuble déclaréinsaisissable n’entre pas dans le périmètre de la saisie des biens du débiteur et que leliquidateur n’avait pas qualité pour agir en réalisation de l’immeuble affecté », précisionimportante pour les créanciers personnels et antérieurs qui semble-t-il voient l’immeubleéchapper au dessaisissement dont le débiteur est frappé et ne pas figurer à l’actif de laliquidation.

Reste effectivement le problème du sort des créanciers personnels ou antérieurs(auxquels la déclaration d’insaisissabilité était inopposable) qui, en dépit de leur droitde gage général sur l’ensemble des biens du débiteur, se retrouvaient dans unesituation où ils ne peuvent ni faire vendre l’immeuble par le liquidateur ni le faire saisireux-mêmes en raison de la suspension des poursuites que ce soit dans le cadre de laliquidation ou après sa clôture (articles L.622-21, L.641-3 et L.643-11 du Code decommerce).

Le sort de ces créanciers n’est pas clair mais certains auteurs pensent qu’il leur est possiblede poursuivre la réalisation forcée par la voie de la saisie immobilière, dès lors que lacréance est exigible conformément au droit commun.

Enfin, la Cour de cassation a répondu à une autre question importante : unedéclaration d’insaisissabilité tardive effectuée peu de temps avant l’ouverture de laprocédure collective peut-elle être attaquée pour fraude par le liquidateur sur le terrainde l’action paulienne ?

La réponse apportée par le récent arrêt du 23 avril 2013 est négative, à nouveau au motifque le liquidateur n’a pas d’intérêt à agir pour représenter seulement une partie descréanciers en vue d’une action paulienne (Cass. Com. 23 avril 2013 n°12-16.035).

D – Durée de la protection dévolue par la déclarationd’insaisissabilité

Les textes ne fixant aucune limitation de durée de la déclaration, celle-ci est considéréecomme indéterminée.

Vente des biens immobiliers désignés dans la déclaration initiale

Si l'habitation principale protégée est vendue ultérieurement, le prix de la cession ne pourrapas être saisi à condition que les sommes obtenues soient réemployées dans un délai d'unan pour l'achat d'une nouvelle résidence principale.

L’insaisissabilité du prix de cession n’est évidemment opposable qu’aux créanciersprofessionnels dont la créance est née postérieurement à la publication de la déclaration, ilreste donc saisissable par tous les autres créanciers de l’entrepreneur.

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Pour que le prix de cession demeure insaisissable, l'acte d'acquisition du nouveau biendevra contenir une déclaration de remploi des fonds établie selon les mêmes conditions devalidité et de publicité que la déclaration initiale d'insaisissabilité.

On peut par ailleurs déplorer l’oubli du législateur qui n’a pas étendu le bénéfice del’insaisissabilité par remploi à tous les immeubles déclarés insaisissable autres que larésidence principale dont le produit de la vente pourra dès lors systématiquement êtreappréhendé.

Renonciation

L'entrepreneur individuel peut, à tout moment, renoncer à sa déclaration d'insaisissabilitéselon les mêmes modalités de validité et de publicité que la déclaration initiale.

Cette renonciation peut porter sur tous les biens ou seulement sur une partie de ces biens etpeut concerner un ou plusieurs créanciers.

Elle ne vaut que pour l’avenir.

Dissolution du régime matrimonial

Les effets de la déclaration d'insaisissabilité subsistent après la dissolution du mariage si ledéclarant est attributaire des biens concernés (cela peut résulter du fait qu’il s’agisse d’unbien propre, de l’attribution d’un bien commun à l’issue de la liquidation ou de l’attributiond’un bien indivis à l’issue du partage en cas de séparation de biens).

Si le bien n’est pas attribué au déclarant, la déclaration d’insaisissabilité devient caduque.Rien ne l’empêche, s’il est lui-même entrepreneur, de procéder à une nouvelle déclarationmais elle ne produira ses effets qu’à partir de sa publication.

Décès du déclarant

En cas de décès du déclarant, la déclaration d'insaisissabilité est révoquée et ne peut plusproduire d'effet. Le conjoint survivant ne bénéficie plus indirectement de l’insaisissabilité dulogement, tout comme les héritiers.

La doctrine est toutefois divisée concernant la portée de cette révocation : certains estimentque la déclaration reste opposable aux créanciers concernés depuis la date de sapublication jusqu’au décès du déclarant. D’autres considèrent que la révocation a un effetrétroactif tel que la déclaration n’aurait jamais existé.

II – LA DECLARATION D’AFFECTATION DU PATRIMOINE

Alors que la déclaration d'insaisissabilité porte sur la protection des biens personnels àl’égard des créanciers professionnels et consiste à isoler le patrimoine personnel et leprotéger,

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la déclaration d'affectation du patrimoine dans le cadre du régime de l’option pour l’EIRLeffectuée va consister à offrir en gage aux créanciers professionnels un patrimoinecomposé :

- obligatoirement des biens, droits, obligations ou sûretés nécessaires à l'exercice del'activité professionnelle,

- et facultativement sur les biens, droits, obligations ou sûretés utilisés dans ce cadre.

LE patrimoine d’affectation créé un patrimoine séparé.

Les deux déclarations n'ont donc pas le même objet et peuvent être cumulées.

A – Le champ d’application

Qui est concerné ?

- uniquement les personnes physiques,- les entrepreneurs individuels,- les auto-entrepreneurs,

qu'ils exercent une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Objet de la protection : les biens professionnels

L’entrepreneur individuel va créer un patrimoine professionnel, appelé patrimoined'affectation, qui seul peut être saisi en cas de difficultés, par dérogation au droit de gagedes créanciers prévu aux articles 2284 et 2285 du Code civil.

Ce patrimoine d’affectation va devenir le gage :

- les créanciers professionnels dont les droits sont nés postérieurement à la déclarationd'affectation,

- facultativement et sur option, les créanciers professionnels dont les droits sont nésantérieurement à celle-ci,

À condition que chaque créancier antérieur ait être informé individuellement par LRAR dansle mois suivant la déclaration de la constitution du patrimoine affecté ainsi que de son droitde faire opposition à cette déclaration d'affectation et du délai dont il dispose pour faire uneaction en justice (1 mois à compter de la lettre RAR).

Quid des biens communs ou indivis : l’accord du conjoint ou du coindivisaire

En cas d'affectation d'un bien commun ou indivis (régime de séparation de biens, couplepacsé ayant opté pour l’indivision, concubin), l'accord exprès de son conjoint oucoindivisaire est requis, ainsi que son information préalable sur la portée del'engagement du fait de l'entrée du bien dans le patrimoine affecté (article 526-1 du Code deCommerce).

À défaut, l’affectation est inopposable.

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o Affectation d’un bien commun

Le bien appartenant en commun aux deux époux leur appartient ensemble, en totalité.

Bien que les textes ne le précisent pas, des auteurs estiment que le bien affecté échappeaux créanciers du conjoint de l’entrepreneur par dérogation à l’article 1413 du Code civil etd’autres avancent que dès lors que l’affectation a été faite de manière unilatérale parl’entrepreneur, les créanciers du conjoint ont toujours pour gage les biens communs, mêmeaffectés.

Dans le doute, il est préférable de ne pas affecter un bien commun (simplement utilisé dansle cadre de l’activité professionnelle) qui de fait devient le gage des créanciersprofessionnels du déclarant et le gage des créanciers de l’épouse.

o Affectation d’un bien indivis (indivision, séparation de biens, choix des partenairespacsés, concubins)

L’affectation d’un bien indivis porte sur la totalité du bien mais l’EIRL n’est titulaire que desdroits indivis de l’entrepreneur et non des autres indivisaires.

Par conséquent, seuls les créanciers de l’indivision peuvent saisir le bien indivis. Les autrescréanciers, ne pourront pas directement le saisir mais uniquement provoquer le partage surle fondement de l’article 815-17 du Code civil.

B – Les modalités de la constitution du patrimoine d’affectation

Composition du patrimoine d'affectation

L'entrepreneur fait une déclaration en définissant le patrimoine d'affectation.

Il doit affecter à ce patrimoine :

obligatoirement, tous les biens, droits, obligations, sûretés qui sont nécessaires àl'activité de l'EIRL et dont il est titulaire,

facultativement, les biens, droits, obligations, sûretés qu'il utilise dans le cadre deson activité.

Précisions :

o Les biens nécessaires à l'activité sont les biens qui, par nature, ne peuvent êtreutilisés que dans le cadre de cette activité professionnelle (ex : un fonds decommerce ou le droit de présentation d'une clientèle, un droit au bail, du matériel etde l'outillage spécifique tel qu'une scieuse pour un menuisier, des installations etbiens d'équipement servant spécifiquement à l'exercice de l'activité professionnellecomme le standard téléphonique).

o Les biens utilisés dans le cadre de l'activité ne sont pas des biens nécessaires parnature ; ils peuvent être des biens à usage mixte (professionnel et privé), comme parexemple un local d'habitation ou un véhicule.

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Evaluation du patrimoine

En principe, chaque élément de ce patrimoine affecté doit être évalué par l'entrepreneur, à lavaleur vénale ou, en l'absence de valeur de marché, à la valeur d'utilité. Celle-ci doit figurerdans l'état descriptif accompagnant la déclaration d'affectation du patrimoine de l'EIRL.

Mais, tout bien autre que des liquidités d'une valeur supérieure à 30 000 € doit être évaluépar un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et decomptabilité, ou par un notaire (uniquement pour un bien immobilier).

Forme et contenu de la déclaration

La création d'un patrimoine d'affectation implique de faire une déclaration.

Celle-ci doit préciser :

- l'objet de l'activité à laquelle le patrimoine est affecté,- comporter un état descriptif des biens affectés à l'activité professionnelle comportant

les éléments d’actif et de passif (en nature, qualité, quantité, valeur, nature dessûretés, encours des dettes),

- l'accord exprès du conjoint ou du coïndivisaire,- l’acte notarié publié au bureau des hypothèques si le bien affecté est un immeuble et,

le cas échéant, un rapport d'évaluation.

Obligations déclaratives

La déclaration d'affectation est déposée par l'entrepreneur au centre de formalités desentreprises (CFE) qui se chargera de la transmettre :

- au Registre du commerce et des sociétés (RCS) pour les commerçants,- au Répertoire des métiers (RM) pour les artisans,- au Registre tenu par la chambre d'agriculture pour les exploitants agricoles,- au Registre spécial des agents commerciaux (RSAC) tenu au greffe du tribunal de

commerce pour les agents commerciaux,- au greffe du tribunal de commerce pour les auto-entrepreneurs dispensés

d'immatriculation et pour les professionnels libéraux (ou pour ces derniers, au tribunalde grande instance en Alsace-Moselle).

Coût des formalités

o A la création : si la déclaration d'affectation est simultanée à la demanded'immatriculation au Répertoire des métiers pour les artisans, au Registre ducommerce et des sociétés pour les commerçants, au Registre spécial des agentscommerciaux pour ces derniers, la formalité de dépôt sera gratuite. Seuls sont dusles frais d'immatriculation de l'entreprise au registre de publicité légale.

o Le dépôt de la déclaration est payant pour les auto-entrepreneurs dispensésd'immatriculation (personnes exerçant une activité artisanale accessoire sans êtreimmatriculées au Répertoire des métiers ; commerçants non immatriculés au RCS) etles professionnels libéraux : 55,97 €.

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o En cours de vie de l'entreprise individuelle : si le dépôt de la déclaration se faitultérieurement, des frais sont dus (42 € pour les personnes exerçant une activitéartisanale ou une activité agricole ; 55,65 € pour les commerçants, 49,75 € pour lesagents commerciaux et 55,97 € pour les auto-entrepreneurs et professionnelslibéraux).

L'acte d'affectation d'un bien immobilier établi obligatoirement par le notaire coûte 139,93 €(ce tarif inclut les formalités de publicité au bureau des hypothèques). Lorsque la situationjuridique de l'entrepreneur présente une particulière complexité, le notaire peut facturer,après en avoir informé son client au préalable, des honoraires au titre des conseils,recherches et toutes autres démarches excédant ses diligences habituelles en la matière.

Le coût d'évaluation d'un bien immobilier par un notaire a été fixé par décret à 139,93 €. Letarif d'évaluation des biens par les autres professionnels est librement fixé.

C - Effets de la déclaration

A compter de la déclaration d’affectation, le patrimoine de l’entrepreneur est scindé en 2parties :- le patrimoine non affecté composé de tous les éléments d’actif et passif de l’entrepreneur

qui ne sont pas pris en compte dans le périmètre de l’affectation,- le patrimoine affecté qui est décrit dans la déclaration.

A partir de la déclaration d’affectation, le droit de gage des créanciers de professionnels selimite à l’actif du patrimoine affecté.

En principe ce droit de gage ne concerne que les créances nées postérieurement au dépôtde la déclaration. Toutefois, l’entrepreneur peut avoir opté pour une opposabilité del’affectation aux créanciers antérieurs à condition de les avoir informés et de leur avoir offertun droit à opposition.

Quid des créanciers personnels ?

Les créanciers personnels dont la créance est née antérieurement à la déclaration peuventappréhender le patrimoine affecté et non affecté sauf si l’entrepreneur a opté pourl’opposabilité de la déclaration, dans ce cas leur gage sera limité au patrimoineaffecté.

A l’égard des créanciers personnels de l’entrepreneur, la loi prévoit que ceux dont lesdroits sont nés postérieurement à la déclaration ont pour gage le patrimoine non affecté(article L.526-12 al. 1 et 8 Code de commerce).

Rien n’est dit dans les textes sur les créanciers du conjoint de l’entrepreneur, ni de ceuxenvers lesquels les créanciers sont solidairement tenus. LA logique veut que la déclarationd’affectation leur soit inopposable.

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EIRL et procédure collective

Il faut raisonner patrimoine par patrimoine c’est-à-dire que l’entrepreneur peut faire l’objet dedeux voire trois procédures collectives distinctes, l’une à l’égard de son patrimoineprofessionnel non affecté, une à l’égard de son patrimoine affecté, le tout sans préjudiced’une éventuelle procédure de surendettement.

L’affectation du patrimoine peut être remise en cause par le biais d’une procédure pourconfusion de patrimoine en cas d’imbrication des patrimoines ou flux financiers anormaux ousi l’entrepreneur commet une fraude, un manquement grave aux règles concernant laconstitution du patrimoine d’affectation ou à ses obligations comptables.

Transmission du patrimoine affecté

Le patrimoine d'affectation peut être transmis dans son intégralité.

Dans ce cas, les conséquences varient selon qu'il est transmis à une personne physique(maintien de l’affectation) ou à une personne morale (affectation non maintenue). Précision :dans les deux cas, le patrimoine affecté n'est pas liquidé.

Les biens constituant le patrimoine d'affectation peuvent être transmis également isolément.

Dans ce cas, les règles propres à la nature des biens vendus s'appliquent. Par exemple : ilfaut respecter les règles relatives à la cession d'un fonds de commerce, à la cession d'undroit au bail, d'un brevet, etc.

Disparition du patrimoine affecté : Renonciation à l’affectation ou décès

La déclaration ne produit plus d’effets sauf en cas de cessation de l’activité professionnelleconcomitante à la renonciation ou en cas de décès, les créanciers ont alors pour seul gagele patrimoine qu’ils avaient au moment de la renonciation ou du décès.

Un héritier ou ayant droit peut reprendre l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine estaffecté, afin que l’affectation ne cesse pas, sous réserve des règles du droit dessuccessions, et ce en faisant porter une mention spécifique sur le registre où a été déposéela déclaration. Une fois le partage successoral effectué et certains biens affectés vendus, ildevra déposer une déclaration de reprise.

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Comparatif EIRL - Déclaration d'insaisissabilité

Déclarationd'insaisissabilité

EIRL

Effets

Protection de tous lesbiens fonciers bâtis etnon bâtis personnels del’entrepreneur individuel

Affectation en garantie unpatrimoine professionnelspécifique

A faire

Acte notarié

Publication de ladéclaration au bureaudes hypothèques

Mention sur le registrede publicité légale surlequel est immatriculél'entrepreneur

Déclaration d’affectation àremplir (état descriptif, accordexprès du conjoint ou ducoïndivisaire, acte notariépublié au bureau deshypothèques si le bien affectéest un immeuble, rapportd'évaluation)

Dépôt de la déclaration auCFE qui se chargera de latransmettre

Ouverture d’un compte bancairespécifique

Dépôt des comptes annuel

ObligationsAucune

Comptabilité séparée

Compte bancaire séparé

Dénomination

Modificationspossiblesdans le temps

Oui Oui

CONCLUSION

La protection du patrimoine personnel peut se révéler illusoire dans la mesure où certainscréanciers, notamment les banques, exigent souvent l’engagement personnel du dirigeantsur ses biens propres.

En cas de procédure judiciaire avec faute de gestion, les tribunaux peuvent déclarer lesdirigeants responsables, d’où l’importance du choix du régime matrimonial et de l’intérêtd’adopter le régime de la séparation de biens.

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INDIVISION ET DEMEMBREMENT DU PATRIMOINE

INALIENABILITE ET DROIT DE RETOUR :

Jean-Pierre SENECHAL,Responsable du CRIDON de Bordeaux

Alain PROVANSAL,Ancien Président de l’AAPPE, Avocat au barreau de Marseille

I - Le mécanisme et les techniques de sortie (J.-P. SENECHAL)

Le droit de poursuite des créanciers sur les biens indivis est régi par l'article 815-17 du Codecivil. Ce texte paraît opposer deux catégories de créanciers. L'alinéa 1er autorise lescréanciers « qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision et ceux dontla créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis », à poursuivre lasaisie et la vente des biens indivis.

L'alinéa 2 refuse au contraire aux créanciers personnels des indivisaires tout droit depoursuite sur les biens indivis. Ils ne peuvent ni les saisir en entier ni même la quote-partindivise de leur débiteur. Ils ont seulement la faculté de provoquer le partage au nom de leurdébiteur ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui.

Pour comprendre l'article 815-17 une incursion dans la technique du partage est nécessaire.

En principe les attributions dans l'opération partage sont faites en adéquation avec la quote-part de chacun : celui qui a une quote-part de moitié doit recevoir la moitié des biens.

Cependant, avant de procéder aux attributions, il faut liquider les comptes de ce que sedoivent mutuellement les indivisaires en raison des biens indivis. L'un d'eux peut êtrecréancier de sommes qu'il a versées dans l'intérêt commun, comme le remboursement d'unprêt souscrit pour l'acquisition ou l'amélioration d'un bien indivis. Un autre peut être débiteurde sommes ou valeurs prises sur la masse indivise par exemple parce qu'il a occupéprivativement l'immeuble indivis et doit une indemnité d'occupation.

Dans les rapports entre indivisaires le droit du partage organise donc la liquidation descomptes entre indivisaires avant les attributions.

Celui qui est créancier de la masse aura une attribution supérieure à sa quote-part théorique.Techniquement, il commence par prélever le montant de sa créance sur l'actif indivis ce quiremet les indivisaires à égalité, puis il reçoit une attribution conforme à sa quote-part.

Celui qui est débiteur de la masse rapporte en moins prenant le montant de sa dette. Parexemple s'il est débiteur d'une indemnité d'occupation de 30 000 € son attribution estamputée de cette somme. Concrètement, les autres indivisaires commencent par prélever30 000 € sur la masse indivise, ce qui rétablit l'égalité, puis on procède aux attributionsconformes aux quotes-parts théoriques.

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Cette technique de liquidation des comptes entre indivisaires et de prélèvement avantpartage est à la source des deux alinéas de l'article 815-17 du Code civil. Elle a pourconséquence que les attributions faites aux indivisaires ne sont pas nécessairement enadéquation avec leur quote-part théorique.

Le premier alinéa du texte protège les créanciers de l'indivision contre le risque queconstituerait la division de leur créance entre des indivisaires qui vont recevoir desattributions inégales en raison de la liquidation des comptes. Par exemple, dans uneindivision successorale un héritier est tenu du passif du défunt en proportion de sa quote-part successorale, supposons la moitié, mais en raison d'un rapport de libéralités ou dedettes, il peut ne recevoir dans le partage que le tiers ou le quart des biens de l'indivisionsuccessorale. Pour que le créancier du défunt ne souffre pas le risque d'insolvabilité de cethéritier, l'article 815-17 alinéa 1er, lui permet de poursuivre la saisie des biens indivis entotalité sans que le coïndivisaire puisse arrêter la poursuite en payant seulement sa quote-part de moitié dans la dette successorale.

Dans une indivision post communautaire, les créanciers de la communauté peuvent jusqu'aupartage saisir les biens indivis sans tenir compte du fait que le conjoint de l'époux du chef dequi est née la dette n'en est tenu personnellement en principe que pour moitié (article 1483du Code civil).

L'alinéa 2 de l'article 815-17 du Code civil protège les indivisaires, pour le paiement deleurs créances résultant de la liquidation du compte d'indivision, contre le concours sur lesbiens indivis avec les créanciers personnels de l'un d'eux. Les créanciers personnels nepeuvent évidemment pas saisir les biens indivis, mais même pas non plus la quote-partindivise de leur débiteur. Ils peuvent seulement provoquer le partage au cours duquel lesindivisaires commenceront pas recouvrer les créances que fait apparaître à leur profit laliquidation des comptes. Le règlement s'opérera par prélèvement sur la masse et lescréanciers personnels de l'indivisaire pourront seulement après le partage saisir le ou lesbiens qui lui ont été attribués en fonction de la liquidation des comptes entre indivisaires.

On voit donc que l'article 815-17 ne règle en aucune façon une question de concoursentre créanciers de l'indivision et créanciers personnels des indivisaires. L'alinéapremier fait prévaloir l'intérêt des créanciers de l'indivision sur le recouvrement des créancesrésultant du compte d'indivision.

L'alinéa deux fait au contraire prévaloir le recouvrement des créances résultant du compted'indivision sur celui des créances des créanciers personnels d'un indivisaire.

En droit commun l'application de ce texte soulève peu de questions : le droit poursuite d'uncréancier est défini par sa qualité. S'il est créancier de l'indivision il peut saisir les biensindivis jusqu'au partage. S'il est créancier personnel d'un indivisaire, il ne peut même passaisir la quote-part indivise de son débiteur, il peut seulement provoquer partage.

La situation se complique singulièrement en cas d'ouverture d'une procédure collectiveparce que dans une telle procédure les droits de poursuite individuelle sont arrêtés etremplacés par une poursuite collective exercée par les organes de la procédure,représentant des créanciers et liquidateur, et parce qu'il subsiste un principe d'égalité detraitement du moins entre les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture.

Or parmi les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture il existe presque toujours à la foisdes créanciers de l'indivision et des créanciers personnels de l'indivisaire en procédurecollective.

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Par exemple dans une indivision post communautaire les anciens créanciers de lacommunauté sont créanciers de l'indivision, mais les créanciers dont la créance est néeaprès la dissolution de la communauté sont créanciers personnels de chaque indivisaire.

Dans une indivision entre époux séparés de bien, par exemple consécutive à l'achat d'unimmeuble, les créanciers de chaque époux sont en principe personnels (article 1536 alinéa 2du Code civil) mais le créancier qui a financé l'acquisition du bien indivis et qui est titulaired'un privilège prêteur de deniers ou d'une hypothèque sur l'immeuble indivis, est uncréancier de l'indivision.

Dans de telles hypothèses, compte tenu du caractère collectif de la procédure et du principed'égalité des créanciers, se pose inévitablement la question du pouvoir des organes de laprocédure collective. Ces pouvoirs sont-ils alignés sur le droit de poursuites des créancierspersonnels ou des créanciers de l'indivision ? Les biens indivis entrent-ils dans l'assiette dela poursuite collective, comme constituant un élément du gage commun des créanciers ?

Si la réponse est négative, si le liquidateur doit être traité comme un créancier personnel del'indivisaire en procédure collective, privé de droit de poursuite, qu'en est-il alors descréanciers de l'indivision ?

Ces questions ne trouvent évidemment aucune réponse législative claire parce que ledroit de l'indivision et le droit des procédures collectives ont été rédigés dans l'ignorance l'unde l'autre.

Il a donc fallu que la jurisprudence élabore, à partir des principes régissant le droit desprocédures collectives et le droit de l'indivision, les solutions qui respectent l'organisationgénérale de notre droit. Elle l'a fait progressivement sur une quinzaine d'années et a élaboréun système jurisprudentiel cohérent qui est à ce jour presque achevé.

Le point de départ, non formulé explicitement par la jurisprudence mais qui se dégageclairement de son ensemble, est que le droit des procédures collectives met en oeuvre,selon les procédés qui sont les siens, le gage commun des créanciers tel qu'il est défini parle droit commun (articles 2284 et 2285 du Code civil).

À partir de ce principe, la jurisprudence a déterminé le critère d'inclusion ou non des biensindivis dans l'actif de la procédure collective :

- si le jugement d'ouverture a été prononcé avant la naissance de l'indivision, les biensindivis sont compris dans l'actif de la procédure collective ;

- si le jugement d'ouverture a été prononcé après la naissance de l'indivision, les biensindivis échappent à l'empire de la procédure collective et les organes de la procédurepeuvent seulement, comme ne représentant que des créanciers personnels del'indivisaire en procédure collective, demander le partage.

Cette distinction mérite d'être rapidement explicitée : si les biens indivis sont compris dansl'actif de la procédure collective lorsque celle-ci a été ouverte avant la naissance del'indivision c'est parce que cela ne se rencontre que dans des hypothèses où le débiteuravait le pouvoir, à la date du jugement d'ouverture, d'engager par n'importe laquelle de sesdettes personnelles, les biens ultérieurement devenus indivis. Cela ne se produit que dansles indivisions successorales et dans les indivisions post communautaires.

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En cas d'ouverture d'une succession, le défunt avait conformément au droit commun lepouvoir d'engager ses biens avant la naissance de l'indivision provoquée par son décès.

En cas de dissolution de la communauté, chaque époux avait le pouvoir, avant cettedissolution, qui a provoqué la naissance de l'indivision, d'engager des biens communs parn'importe laquelle de ses dettes (article 1421 du Code civil).

Si la procédure collective prend effet par le jugement d'ouverture, avant le décès ou avant ladissolution de la communauté (du moins avant qu'elle ne soit opposable aux tiers) elle frappel'actif avant qu'il ne devienne indivis, ce qui explique que les organes de la procédure soienttraités comme des créanciers de l'indivision.

Au contraire, lorsque l'indivision est née avant l'ouverture de la procédure collective,conformément à l'article 815-17 du Code civil, les organes de la procédure doivent êtreconsidérés comme représentant des créanciers personnels d'un indivisaire ayant seulementle droit de provoquer le partage. Se pose alors la question du droit de poursuite descréanciers de l'indivision : est-il maintenu sur les biens indivis malgré la règle de l'arrêt despoursuites individuelles (article L622-21 du code de commerce) et le principe d'égalité descréanciers dans les procédures collectives ? On sait que la jurisprudence, après deshésitations, a fini par donner une réponse positive à cette question, précisant que nonseulement le créancier de l'indivision conserve son droit poursuite sur les biens indivis maisqu'il n'est même pas obligé pour l'exercer d'avoir déclaré sa créance dans la procédurecollective.

Cela s'explique par le fait que le créancier de l'indivision ne se prévaut pas d'un privilège quilui donnerait un droit de préférence dans un concours avec les autres créanciers du débiteur,mais d'un droit de poursuite exclusive des biens indivis qui échappent au gage commun descréanciers par application de l'article 815-17 alinéa 2.

L'ensemble des solutions élaborées par la jurisprudence va vous être exposé en détail parMaître Provansal dans un instant. Je reprendrai ensuite la parole un court moment pourenvisager la question particulière soulevée par la mise en oeuvre du compte indivisionlorsque l'un des indivisaires est en procédure collective.

II - Les solutions établies (Alain PROVANSAL) :

A - L’action des créanciers de l’ensemble des indivisaires : leprélèvement sinon la saisie, l’inapplicabilité des règles des procédurescollectives : les règles du code des procédures civiles d’exécution

1° Quels créanciers ? Antérieurs ou postérieurs à la procédure collective

Créanciers antérieurs : ceux dont la créance est née à l’encontre de l’ensemble desindivisaires (l’indivision n’a pas de personnalité juridique) devenus propriétaires avantl’ouverture de la procédure collective ; par exemple créanciers d’un couple divorcé ou séparéde corps ou de biens si la transcription de la décision est antérieure de plus de trois mois aujugement d’ouverture ; créanciers d’un couple pacsé ; créanciers de la succession du défuntdécédé avant sa mise en liquidation judiciaire. (Cass. Com. 7 fév. 2012, n°11-12787 et 11-13213 à titre d’exemple).

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Créanciers postérieurs : ceux dont la créance est née en raison de la conservation ou del’entretien des biens indivis même après le jugement d’ouverture et notamment un autreindivisaire (Cass. Civ. 1, 26 juin 2013, 12-11818 pour une épouse créancière de dépenses deconservation autorisée à prélever à l’encontre du liquidateur de son mari).

2° Quelles actions ? Prélèvement, réalisation forcée des biens

Prélèvement : lorsque l’indivision possède des liquidités, a vendu un ou plusieurs biens ou areçu une indemnité d’assurance en dédommagement d’un sinistre survenu à un bien, lecréancier peut prélever la somme sur l’actif pour se payer ou utiliser tout moyen légal prévuau code des procédures civiles d’exécution telle que saisie d’un compte en banque ou d’unecréance. Pour exemple la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel qui avait ordonné laremise des fonds revenant à un indivisaire en liquidation au liquidateur en vertu de l’articleR 622-19 du Code de commerce alors que des créanciers de l’ensemble des indivisairespouvaient prélever cet actif (Cass. Civ. 2°, 16 mai 2013, n° 12-16216).

Saisie d’un bien : à défaut de liquidités le créancier peut saisir un bien suivant les règles dumême code des procédures civiles d’exécution ; saisie d’un bien corporel (meuble ouimmeuble) ou incorporel (titres négociables, parts de sociétés). (Pour la saisie immobilièreCass. Civ. 2, 16 mai 2013, n°12-16216 précité).

3° Quelles entorses aux règles de la procédure collective ?

Absence d’obligation de déclarer la créance (Cass. 1ère civ., 13 déc. 2005, n° 02-17.778 :JurisData n° 2005-031266 ; D. 2006, p. 302, obs. A. Lienhard : "Les créanciers de l'indivisionpréexistante à l'ouverture de la procédure collective de l'un des indivisaires, qui auraient puagir sur les biens indivis avant qu'il y eût l'indivision, conservent leur droit de poursuivre lasaisie de ces biens, malgré l'ouverture de cette procédure. Dès lors, l'extinction de la créance,faute de déclaration au passif de l'indivisaire soumis à la procédure collective, est sansincidence sur le droit de poursuivre les biens indivis que le créancier de l'indivision tient del'article 815-17, alinéa 1er du Code civil".)

Absence d’obligation d’arrêter les poursuites (Cass. 1ère civ., 28 juin 2005, n° 02-20.452 :JurisData n° 2005-029160 ; JCP G 2005, I, 185, obs. Ph. Delebecque).

Absence du principe de l’égalité entre les créanciers : étant hors procédure collective ilsn’y sont pas soumis d’autant plus que les biens indivis ne font pas partie du dessaisissement,seule la quote-part du débiteur y étant incluse .

B - L’action de l’indivisaire ou de son créancier : provoquer le partagecontre les autres y compris celui qui est en liquidation, les obstaclesou moyens de défense, les règles du code civil

1° Quelles conditions pour agir ?

Les deux premières sont communes à toutes les actions, la dernière est propre à l’actionen partage.

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Une créance : certaine, liquide et exigible. D’un tiers ou d’un indivisaire lui-même qui auraitengagé des dépenses pour l’indivision ou aurait réglé des dettes indivises.

Une indivision : le démembrement total (un usufruitier et un nu-propriétaire) n’est pas uneindivision ; peu importe la source de l’indivision.

Une inaction de l’indivisaire débiteur : s’agissant d’une action oblique, le créancier d’unindivisaire in bonis doit justifier que son débiteur n’a engagé aucune action ni qu’aucunautre indivisaire n’a engagé une action.

2° Quelles actions ?

Action en prélèvement : sur les sommes disponibles, liquides appartenant à toutel’indivision.

Action en partage : le créancier qui remplit les conditions peut provoquer le partage del’indivision puisque nul ne peut être tenu de demeurer dans l’indivision (art. 815 CC) et serasoumis aux règles de cette action, puisqu’agissant par la voie oblique (art. 815-17 CC). Ledéroulé et l’issue du partage ne diffèreront pas d’une action engagée par un indivisaire.

Le fait que le créancier ne soit susceptible d’être dédommagé que d’une partie de sa créanceest sans incidence sur l’application de l’article 815-17 du code civil qui ne conditionne pas lafaculté de provoquer le partage à la possibilité d’obtenir un remboursement intégral (CourMontpellier 1° ch. Section AO1, 5 sept. 2006, RG 05/04290).

Reste à savoir si les conditions procédurales de l’article 1360 du CPC sont applicables ; il fautrappeler que cet article exige que le demandeur à l’action justifie d’une tentative amiable departage préalable et liste sommairement les actif et passif constituant la masse à partager enprécisant ses intentions quant à la répartition des biens. Non pour la Cour de Paris qui astatué trois fois en ce sens (« CA PARIS P3 Ch1 - arrêts 8-02-12 (11/00283), 29-02-12(11/09777) et 11-04-12 (11/07832) site AAPPE).

La Cour de cassation a tranché par sa 1° chambre civile le 11 septembre 2013 pourvoi n° 12-17173 : « Mais attendu que l'article 1360 du code de procédure civile, propre à l'assignationen partage, n'a pas vocation à régir l'action que, par voie oblique, le créancier d'un co-indivisaire exerce sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil » (voir aussiarrêt du 25 septembre 2013 pourvoi n° 12,21272).

NB : L’action introduite contre un seul indivisaire est recevable. Toutefois, la décision renduesur cette action est inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ceux-ci(Cass. Civ. 1, 12 juin 2013, 11-23137).

Reste aussi à savoir si en présence d’une ordonnance du juge-commissaire ordonnant lavente amiable des parts et portions indivises du débiteur, la demande en partage d’uncréancier du co-indivisaire in bonis est recevable. La Cour de cassation répond positivement(Cass. Civ. 1, 20 mars 2013, n° 11-26241).

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Opposition à partage et nullité :

Les créanciers d’un copartageant pour éviter que le partage ne soit fait en fraude de leursdroits peuvent s’opposer à ce qu’il y soit procédé hors de leur présence et si le partage a étéfait au mépris de leur opposition ils peuvent en demander la nullité (Cour Douai, Chambre 1,section 1, 13 juin 2005, n° 04-02301).

3° Quels obstacles ou défenses ?

Prévisibilité : Dettes de rapport du débiteur - Récompenses et créances de l’indivisioncontre le débiteur.

Elimination : attribution éliminatoire.S’il y a plus de deux indivisaires et à condition que la créance soit connue.

Temporisation :

Le sursis pendant deux ans si le partage immédiat met les biens en péril ou si un héritier nepeut reprendre l’entreprise avant ce délai (art. 820 CC).

Le maintien dans l’indivision pendant cinq ans : peut être prononcé par le tribunal pourl’entreprise exploitée par le défunt ou son conjoint ; ce dernier s’il demeure dans le locald’habitation où il résidait avec le défunt peut demander aussi le maintien. De même pour lelocal professionnel utilisé par le défunt et son conjoint. A condition que le conjoint soitdevenu copropriétaire de l’entreprise ou du local avant le décès ou par l’effet de celui-ci.

Ce maintien peut être demandé en présence d’enfants mineurs par le conjoint, un héritier,leur représentant légal.

Ce maintien ne peut excéder cinq ans.

L’indivision conventionnelle peut être conclue pour une durée de cinq ans renouvelablesuivant les termes de la convention ou par tacite reconduction si la convention le prévoitmais le partage peut toujours être demandé pour motifs légitimes article 1873-3 et s. codecivil. Reste à savoir lesquels.

L’indivision conventionnelle peut être à durée indéterminée auquel cas le partage peuttoujours être demandé à tout moment, pourvu que ce ne soit pas de mauvaise foi ou àcontretemps. Restant à savoir ce que cela signifie.

L’indivision conventionnelle non publiée n’est pas nulle entre les indivisaires (Cass. Civ 1, 10juillet 2013, 12-12115) mais sera inopposable aux créanciers hypothécaires (art. 30 décret 4janvier 1955).

Inaliénabilité temporaire :

En cas d’adoption d’un plan de continuation du débiteur indivis garanti par l’inaliénabilitédes parts indivises d’un ou plusieurs immeubles du débiteur, ni celui-ci ni ses héritiers nepeuvent arguer de cette inaliénabilité pour s’opposer à une demande en partage d’un autreindivisaire ou d’un de ses créanciers. (Cass. Com. 7 fév. 2012, 11-12287).

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Modalités :

Attribution préférentielle :

Sa demande n’arrête pas l’action en partage mais manifeste l’intention de l’obtenir (arrêt cv.1, 26 juin 2013 précité sur le prélèvement).

Applicable pour certains biens (habitation et mobilier le garnissant, droit au bailprofessionnel et mobilier y inclus, entreprise agricole, artisanale, commerciale, industrielles,libérale).

Et au profit de certaines personnes (conjoint survivant ou héritier – ou légataire universel -copropriétaire résidant au décès ou exerçant sa profession dans le local ou bénéficiaire dubail rural sur le matériel nécessaire à l’activité, partenaire d’un pacte civil de solidarité).

Ne peut jouer si le risque d’insolvabilité du demandeur à l’attribution met en péril les autresindivisaires (Cass. Civ 1, 15 avr. 1995, 93-14461 ; 23 avr. 2003, 01-2485).

Ne peut jouer dans le cas d’une indivision conventionnelle à moins qu’elle ne soit prévuedans la convention (Cass. Civ. 1, 26 septembre 2012, 11-12838 pour une indivisionparticulière et même date 11-16246 pour une séparation de biens). Il est à noter qu’entre lesparties la convention d’indivision même non publiée au Service de Publicité Foncière estvalable (Cass. Civ. 1, 2 juil. 2003, 12-12115).

Partage en nature : à condition que la composition de l’actif et les droits des héritierspermettent une égalité des lots sinon en nature du moins en valeur (depuis 2006).

Licitation : vente de biens immeubles avec clause d’attribution ou de substitution ouenchères fermées entre les indivisaires (art. 1378 CPC).

C - L’action du liquidateur (ou du mandataire judiciaire) : provoquerou subir le partage ou le prélèvement ou la saisie ; les règles du codede commerce combinées à celles du code civil

1° Quels pouvoirs pour agir ou défendre ? Articles 815 et/ou 815-17 du code civil :

Le premier principe est que le liquidateur a le pouvoir d’exercer tous les droits patrimoniaux dudébiteur (article L 641-9 I al. 1er du code de commerce).

Le second principe est que le dessaisissement s’étend à l’exercice des droits du débiteur dansl’indivision (Cass. Com. 21 janv. 2003, 00-13952).

Le liquidateur peut agir seul sans l’autorisation du juge-commissaire (Cass. Com., 12 nov. 2008,07-17078).

En conséquence le liquidateur peut défendre à une action en partage engagée après le jugementd’ouverture, intervenir dans une action antérieure. Il sera seul mis en cause ne s’agissant pasd’une action en paiement (Cass. Civ. 1, 13 déc. 2005, 02-17778).

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Il peut aussi prendre l’initiative sur le fondement double des articles 815 et 815-17 du code civilreprésentant à la fois le débiteur et l’ensemble des créanciers.

L’article 815 seul lui permet d’agir alors même que le passif du débiteur serait éteint, tant que laliquidation n’est pas clôturée (Cass. Civ. 1, 29 juin 2011, 10-25098).

Sur ce même fondement et celui de l’article 815-2 du code civil, le liquidateur peut agir seul enexpulsion d’occupants sans titre et en condamnation à une indemnité d’occupation (Cass. civ. 1,4 juill. 2012, 10-21957) puisqu’il exerce alors une mesure conservatoire des biens indivis ;l’indemnité d’occupation perçue ira dans la masse à partager.

L’article 815-17 exige que le liquidateur justifie d’un intérêt à agir – ce qui n’est pas le cas sid’évidence le partage ne permettrait pas d’allotir le débiteur d’une quelconque part en raisondes règles du rapport en moins prenant par exemple (Cass. Civ. 1, 14 déc. 1983, Bull. civ. 1983, I,n° 300 ; voir aussi Revue des Procédures Collectives n° 1, janvier 2013, dossier 10 « Difficultéspratiques de l’indivision » étude du Professeur Laurence-Caroline HENRY, Université deBourgogne).

2° Quel pouvoir pour transiger ? Rôles du débiteur et du juge-commissaire :

Le liquidateur peut transiger avec l’autorisation du juge-commissaire sur tout partage maisl’acte devra être homologué par le Tribunal de la procédure collective si l’intérêt du litige estindéterminé ou supérieur au taux du dernier ressort (L 642-24 code commerce).

3° Quels interdits juridiques et/ou financiers à son action ou à sa défense ?

Interdits ou obstacles juridiques : les mêmes que pour les créanciers de l’ensemble desindivisaires : temporisation, modalités, attribution éliminatoire par paiement du passif vérifié etadmis minoré du produit des actifs déjà réalisés (sous réserve de l’arrêt du 29 juin 2011 fondésur le seul article 815 du code civil), attribution préférentielle.

Et en plus les créanciers de l’ensemble des indivisaires eux-mêmes qui sont prioritaires et nonsoumis à la procédure collective comme on l’a vu ci-dessus, et ont pu absorber l’actif qu’ils soienthypothécaires ou non (Cass. Civ. 1, 4 juill. 2007, Defrénois 2008, art. 2875, note A. Chamoulaud-Trapiers).

Obstacle financier : le liquidateur ne peut arrêter une action d’un créancier d’un indivisaire inbonis en le réglant, l’actif qu’il a pu recouvrer devant servir à apurer le passif de la liquidation.

Rappel (voir ci-dessus) : en cas d’adoption d’un plan de continuation du débiteur indivis garantipar l’inaliénabilité des parts indivises d’un ou plusieurs immeubles du débiteur, ni celui-ci ni seshéritiers ne peuvent arguer de cette inaliénabilité pour s’opposer à une demande en partaged’un autre indivisaire ou d’un de ses créanciers. (Cass. Com. 7 fév. 2012, 11-12287 et 11-13213précité).

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III - Les questions en suspens (J.-P. SENECHAL)

La question de l'incidence de la procédure collective sur le règlement du compteindivision.

J'ai rappelé en introduction que dans un partage avant de procéder aux attributions il fautliquider les comptes de ce que se doivent mutuellement les indivisaires en raison des biensindivis. L'un d'eux peut être créancier de sommes qu'il a versées dans l'intérêt commun,comme le remboursement d'un prêt souscrit pour l'acquisition ou l'amélioration d'un bienindivis. Un autre peut être débiteur de sommes ou valeurs prises sur la masse indivise parexemple parce qu'il a occupé privativement l'immeuble indivis et doit une indemnitéd'occupation.

On peut aussi citer l'exemple du règlement des récompenses dans les indivisions postcommunautaires. Quand un époux est débiteur d'une récompense, par exemple pour avoiramélioré un bien personnel avec des deniers communs, il en doit le rapport en moinsprenant lors du partage de la communauté.

Lorsque l'un des indivisaires est mis en procédure collective la question se pose desavoir si le rapport en moins prenant est possible, et dans l'affirmative, s'il supposeune déclaration de la créance de l'indivisaire créancier.

Il faut d'abord observer que le problème ne se pose pas lorsque la procédurecollective frappe les biens indivis, c'est-à-dire lorsqu'elle a pris effet avant la naissance del'indivision. Dans une telle hypothèse en effet le liquidateur poursuit la vente forcée de toutl'actif indivis de sorte qu'il n'y aura jamais lieu au partage ni au règlement en moins prenantdes créances figurant au compte d'indivision. Par exemple, lorsque la mise en liquidationjudiciaire d'un époux survient avant la date à laquelle la dissolution de la communauté par ledivorce devient opposable aux tiers (mention en marge de l'acte de mariage et des actes denaissance des époux), l'ex conjoint ne pourra pas récupérer dans le partage le montantd'une récompense dont il serait créancier ou dont l'époux en procédure collective seraitdébiteur.

Au contraire, la question se pose lorsque les biens indivis échappent à la procédurecollective en application de l'article 815-17 du Code civil. Nous avons vu avec MaitreProvansal que dans ce cas l'organe de la procédure compétent peut seulement demander lepartage (soit au nom du débiteur en vertu du dessaisissement, soit au nom des créanciersen application de l'article 815 17 alinéa 3).

Dans le partage, le ou les coïndivisaires peuvent se prévaloir du solde du compted'indivision. Ils feront valoir soit qu'ils sont créanciers de la masse indivise, par exemple pouravoir remboursé de leurs deniers personnels une dette de l'indivision, soit que l'indivisaire enprocédure collective est débiteur de la masse indivise par exemple au titre d'une indemnitéd'occupation privative d'un bien indivis.

La procédure collective modifie-t-elle la mise en oeuvre de ce droit au règlement surles biens indivis des créances issues du compte d'indivision ?

Il faut distinguer deux types de situations.

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Dans certains cas l'indivisaire fait valoir qu'il est créancier de la masse indivise, parexemple lorsqu'il a remboursé de ses deniers personnels un prêt souscrit pour l'améliorationdes biens indivis.

Dans ce cas, il est en réalité un créancier de l'indivision et doit être traité comme tel. Ilpourrait aussi bien saisir les biens indivis et n'a pas à déclarer de créance dans la procédurecollective. Il peut faire valoir sa créance dans le compte d'indivision, en exiger le rapport enmoins prenant sans avoir déclaré de créances dans la procédure collective. Un exemple enest donné par un arrêt de la première chambre civile du 26 juin 2013 (n° 12-11818). Dansune indivision post communautaire résultant d'un divorce l'ex-épouse faisait valoir qu'elleétait créancière de la masse indivise pour avoir remboursé de ses deniers personnels unemprunt souscrit pendant le mariage pour l'acquisition et la construction d'un immeublecommun. La chambre commerciale de la Cour de Cassation censure la cour d'appel qui luiavait refusé de faire valoir sa créance par prélèvement sur l'actif de l'indivision avant lepartage.

Dans d'autres cas, le coïndivisaire du débiteur fait valoir dans le partage que ce dernier estdébiteur du rapport en moins prenant d'une dette à l'égard de la masse indivise par exemplepour avoir occupé privativement un bien indivis ou pour avoir perçu et conservé par-deverslui des créances de l'indivision. Dans de telles hypothèses, si le coïndivisaire est créancierc'est en réalité parce que l'indivisaire en procédure collective est débiteur de la masseindivise. La jurisprudence en tire la conséquence que si le coïndivisaire peut exiger lerèglement en moins prenant de la dette de l'indivisaire en procédure collective il ne peut lefaire qu'à la condition d'avoir déclaré sa créance dans la procédure collective.

Deux arrêts en ce sens peuvent être cités :

- un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 10 octobre 1995 (Bull.civ. I, n° 349) : il décide qu'une indemnité d'occupation due pour l'exploitation privatived'un fonds de commerce par un indivisaire à l'encontre de qui avait été postérieurementouverte une procédure de redressement judiciaire était éteinte faute d'avoir été déclaréedans le délai légal. Il est vrai que la portée de l'arrêt peut prêter à discussion compte tenude la sanction qui existait à l'époque de l'extinction des créances non déclarées.

- Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 1er février 2005 (n° 01-13943 ; D. 2005, 489, obs. A. Lienhard et 2196 n. J. Revel) : il s'agissait là encore d’uneindivision post communautaire après divorce. Le mari en liquidation judiciaire étaitdébiteur de la masse indivise pour avoir perçu des loyers dus à l'indivision. L'épouse endemandait le rapport en moins prenant et la cour d'appel avait pensé pouvoir lui donnersatisfaction au motif qu'il n'y avait ni créance ni dette au sens du droit des procédurescollectives. Elle est censurée au motif que préalablement aux opérations de partage del'indivision l'épouse en qualité d'indivisaire devait déclarer à la procédure collective sacréance au titre des loyers échus antérieurement au jugement d'ouverture et perçus parle mari.

Il me semble que cette solution peut être discutée et que l'arrêt de la cour d'appel peut êtrejuridiquement défendu. La déclaration des créances, de quelque manière qu'on l'envisage,équivaut selon la jurisprudence à une demande en justice « par laquelle le créancier sollicitedu juge-commissaire la reconnaissance de ses droits en vue de participer aux opérationsd'apurement du passif » (Ass. Plen. 26 janv. 2001, JCP E 2001 617 N. Béhar-Touchais. F.Pérochon Entreprises en difficulté, 9e éd. LGDJ, n° 1331 p. 713).

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Or l'indivisaire qui demande le règlement en moins prenant de la dette à l'égard del'indivision de l'indivisaire en procédure collective ne demande pas le moins du monde àparticiper aux opérations d'apurement du passif que la procédure collective organise. Lerèglement en moins prenant s'opère sur les biens indivis qui échappent à l'actif de laprocédure collective. Aussi bien la demande est faite dans la procédure de partage qui n'estpas de la compétence du tribunal de la procédure collective. À mon sens, c'est seulement sile règlement moins prenant ne suffit pas parce que la dette de l'indivisaire en procédurecollective est d'un montant supérieur à ses droits dans la masse indivise, qu'il y a lieu àdéclaration de la créance si le coïndivisaire créancier souhaite obtenir une collocationsupplémentaire dans la procédure collective.

IV - Le démembrement de propriété et la propriété inaliénable (AlainPROVANSAL) :

A - Usufruit et nue-propriété :

1° Quelle cessation de l’indivision en usufruit ?

Elle est permise par l’article 815-18 du code civil et toutes les règles des articles 815 et suivantslui sont applicables. En cas de vente d’une quote-part le droit de préemption de l’usufruitier nepourra s’exercer que sur l’usufruit ; toutefois si aucun nu-propriétaire n’exerce le sien sur la nue-propriété, l’usufruitier pourra alors l’exercer.

2° Quelle cessation de l’indivision en nue-propriété ?

Elle est permise par la jurisprudence pour un créancier exerçant l’action oblique :

Le créancier qui demande le partage d'une indivision doit supporter que ce partage ne porte quesur la nue-propriété, quand bien même l'acte ayant conféré l'usufruit des biens indivis à un tiersn'a jamais été publié (Cass. 3e civ., 7 juin 2000, n° 98-19.495 : JurisData n° 2000-002445. – acontrario).

Le liquidateur qui exerce les droits de tous les créanciers possède l’action oblique et peutréaliser la seule nue-propriété sur le fondement de l’article 815-17.

B - Donation avec clause de retour et inaliénabilité : objectif familial etremise en cause

1° Quels obstacles à la réalisation du bien donné ?

La clause de retour :

La clause de retour conventionnel s’applique aux donations et aux donations partagesmobilières et immobilières de biens corporels ou incorporels.

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Seule la publication au Service de Publicité Foncière la rend opposable à la procédure collectivedu donataire en vertu des dispositions de l’article 30 1° du décret du 4 janvier 1955.

D’autre part elle est nulle si elle est faite au profit d’un héritier du donateur ou d’un tiers (Cass.Req. 8 août 1836, S 1836, 1, p. 105 et 3 janv. 1934, DP 1934, 1, p. 105).

Et elle ne joue pas si le donataire laisse des descendants vivants au jour de son décès.

Le retour légal existe aussi au profit du conjoint du donateur à concurrence des quotes-parts del’article 738-2 du code civil (loi du 23 juin 2006) ; et ce, sans préjudice du retour conventionnel.

Le retour conventionnel a l’avantage de permettre d’annuler tous les actes faits par le donataireau mépris de la clause de retour (par exemple si le débiteur vend en accord avec sonliquidateur ; voir Cass. Civ.1, 10 juillet 2013, n°12-20885).

La clause d’inaliénabilité :

Elle est généralement incluse dans une donation ou une donation-partage et combinée avec laclause de retour ; elle est motivée par le souhait du donateur que le bien reste familial.

Elle s’impose au donataire, à ses créanciers, à son liquidateur à qui elle rend impossible la venteet la saisie du bien donné.

Le donataire peut y renoncer en permettant une hypothèque et donc une saisie ou une vente.

2° Quels moyens de lever ces obstacles ?

L’impossibilité de remise en cause :

Après diverses tergiversations de la jurisprudence estimant d’abord le donateur recevable àattaquer l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente nonobstant la clause, puispermettant au liquidateur de l’attaquer, l’intérêt supérieur étant de payer les créanciers, la Courde cassation a jugé en chambre civile puis commerciale que le droit de demander à être autoriséà vendre le bien malgré la clause était personnel (Cass. Civ 1, 29 mai 2001, 99-15776 ; Cass. Com.9 nov. 2004, 02-18617. Mais rien n’est fini (voir ci-après).

La possibilité de remise en cause :

Fraude (Cour Montpellier 1° ch. section B 16 janvier 2013 GP, 19 au 23 mai 2013, p. 18)

Absence de motifs moral ou familial (Cass. Civ 1, 4 juillet 2006, 04-12825 et 4 juillet 2006, 04-12350). A noter que le 8 novembre 2011, 10-21508, la chambre commerciale a jugé que le jugecommissaire n’avait pas compétence pour se prononcer sur l’éventuelle cession forcée d’unimmeuble grevé d’une telle clause renvoyant à la juridiction civile.

La 1° chambre civile a toutefois jugé le 6 mars 2013 (pourvoi n° 12-13340) que l’intérêt de laclause d’inaliénabilité devait s’apprécier au jour où elle avait été stipulée, ce qui réduit d’autantl’intérêt postérieur éventuellement supérieur des créanciers et de la liquidation judiciaire.

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Pour assurer la transition avec ce qui suit je rappellerai que la clause d’inaliénabilité figurantdans un pacte tontinier est valable.

C - Tontine : rétroactivité de la propriété du survivant et absence dedessaisissement

1° Qu’est-ce que la tontine ?

Il s’agit d’une clause dans l’acte d’acquisition (elle ne peut être stipulée postérieurement)appelée aussi clause d’accroissement qui consiste à ce que le bien ait deux ou plusieurspersonnes propriétaires ayant vocation à appréhender la part du premier décédé. Elle comportequasiment tout le temps une clause d’inaliénabilité du bien pendant la durée de la tontine.

Elle se caractérise par l'incertitude existant sur la tête du propriétaire définitif puisque chacundes acquéreurs réalise son acquisition sous la double condition suspensive de sa survie à l'autreacquéreur et résolutoire du prédécès de ce dernier.

Jusqu’à réalisation de cet événement le bien ne sera pas soumis au régime de l'indivision. Il s'agiten réalité d'une acquisition purement conditionnelle, soumise à l'aléa des décès. Aucun des deuxacquéreurs ne peut demander le partage puisqu'il n'y a pas indivision.

Comme aucun débiteur n'est titulaire d'un droit de propriété privatif sur le bien acquis entontine, aucune saisie immobilière ou exécution forcée ne sera possible aussi longtemps que lacondition suspensive de survie ne se sera pas réalisée (Cass. 1re civ., 18 nov. 1997 : Defrénois1998, art. 36761, obs. Mazeron).

2° Quels sont les effets de la tontine face à la procédure collective ?

Les effets généraux de la tontine et sa remise en cause en droit commun :

La clause d'accroissement peut constituer une donation déguisée, soit entre des époux soitentre des concubins ou autres. Il s'agit de faire la différence entre un contrat aléatoire et unelibéralité.

Si le contrat ne contient pas d'aléa, il y a éventuellement donation déguisée (Cass. 1re civ.,10 mai 2007, n° 05-21.011 : JurisData n° 2007-038791 ; RJPF 2007, p. 28, note S. Valory : enl'espèce le défunt avait constitué avec sa compagne une SCI avec clause de tontine ; il avaitseul apporté des biens immobiliers et une grande différence d'âge existait entre lui et sacompagne qui rendait probable son décès avant celui de sa compagne).

Mais l'inverse est possible, c'est-à-dire que la clause ne vaut pas automatiquement donationdéguisée et que l'on peut considérer qu'il y a un aléa (Cass. 1re civ., 14 déc. 2004, n° 02-11.088 : JurisData n° 2004-026140).

La clause interdit toute demande en partage d’un des tontiniers ou de ses créanciers et toutesaisie des biens soumis à la clause, mais les créanciers de tous les tontiniers peuvent saisirles biens.

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La clause peut être remise en cause en vertu de la notion de fraude : l’action paulienne estpossible si la clause est requalifiée en libéralité (différence d’âge entre concubins). En effet ledébiteur a remplacé un bien saisissable par un bien qui ne l’est pas, en tout cas pas s’ildécède, et cela diminue le droit des créanciers.

Les effets face à la procédure collective :

Le liquidateur peut attaquer la clause en demandant sa requalification ou sur le fondementde l’action paulienne mais c’est délicat.

Le liquidateur peut solliciter la nullité si la clause a été conclue pendant la période suspecte.

EN CONCLUSION il n’existe pas de système de protection absolue mais un ensemble qui, de lacréation de l’activité par le choix de la structure, du régime matrimonial et des clauses ducontrat, de la société civile immobilière avec associé fiduciaire au Luxembourg oudémembrement de propriété, passe par l’insaisissabilité ou l’inaliénabilité.

A l’avenir il est permis de penser à une protection accrue de la résidence principale, même pourl’entrepreneur individuel en cas de procédure collective.

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REALISATION DES ACTIFS

A TOUTES LES PHASES DE LA PROCEDURE

(SAUVEGARDE, REDRESSEMENT, LIQUIDATION)INALIENABILITE DE L’IMMEUBLE

DANS LE CADRE DE LA PROCEDURE COLLECTIVE

Céline RANJARD-NORMAND,Avocat au barreau de Nanterre, membre du conseil d’administration

de DROIT ET PROCEDURE

INTRODUCTION

L’inaliénabilité est l’impossibilité de transférer à titre gratuit ou onéreux une chose ou undroit.

Ici la chose est l’immeuble, et le droit l’interdiction de transférer.

Les effets de l’inaliénabilité sont l’indisponibilité et l’insaisissabilité du bien immobilier.

Elle peut être légale :

Les biens immobiliers indisponibles par nature sont ceux qui appartiennent audomaine public ou en dépendent.

Le domaine public est en effet inaliénable.

Si une vente intervenait, elle serait nulle de plein droit et les biens immobiliersdevraient être restitués.

Ou judiciaire :

Elle est en ce cas temporaire, imposée au débiteur.

En période de sauvegarde l’article L 626-14 du Code de Commerce dispose :« Dans le jugement arrêtant le plan ou le modifiant, le Tribunal peut décider que lesbiens qu’il estime indispensables à la continuation de l’entreprise ne pourront êtrealiénés, pour une durée qu’il fixe sans son autorisation ».« La durée de l’inaliénabilité ne peut excéder celle du plan ».

Lorsque le Tribunal est saisi d’une demande d’autorisation d’aliéner un bieninaliénable en application du 1er alinéa, il statue à peine de nullité après avoir recueillil’avis du ministère public et fixe la durée de la mesure qui est soumise à une publicité.

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L’objet est de préserver les biens propriété du débiteur, de les rendre de faitinsaisissables.

Cette mesure protège les créanciers. Elle est susceptible d’appel du débiteur.

I – LES OBSTACLES A LA REALISATION DES ACTIFSIMMOBILIERS

1) La clause d’inaliénabilité :

A l’origine, elle est employée pour préserver les biens de famille.

Il en est de même des donations ou donations partage avec interdiction d’aliéner ethypothéquer et droit de retour.

Une telle clause rend le bien indisponible et insaisissable qui ne peut faire l’objet d’une saisieimmobilière donc d’une vente sur liquidation judiciaire à la requête du liquidateur tant quecette clause est en vigueur durant la vie du donateur.

Les clauses d’inaliénabilité frappant ces donations sont valables sous deux conditions :

De durée : temporaires durant la vie du donateur. De motivation : justifiées par un intérêt légitime et sérieux.

Elle peut être faite dans l’intérêt du donateur s’il perçoit une rente viagère ou un droit d’usageet d’habitation et dans l’intérêt du donataire puisqu’elle lui permet de conserver le bien.

La demande de mainlevée d’une clause d’inaliénabilité contenue dans une donation pourraitêtre intentée par le créancier du donataire agissant par la voie de l’action paulienne etégalement par le mandataire liquidateur qui voudrait appréhender lesdits biens, lequel agitcomme représentant des créanciers.

La recevabilité de son action pourrait néanmoins être contestée s’agissant d’une actionpersonnelle du débiteur. Il devra rapporter la preuve que l’intérêt du donataire d’obtenir lamainlevée est supérieur à celui du donateur (Cassation Civile 1ère 11/01/2000, Bull. CIV I n°3 p.2).

2) La vente avec clause de réméré :

Cette vente permet au vendeur de racheter, dans un délai maximum de cinq ans, le bien,condition résolutoire de la vente.

Si cette clause joue, tous les actes de disposition seront anéantis et une revendication serapossible de la part du vendeur à l’égard du ou des sous acquéreurs.

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3) La tontine :

Il s’agit d’une clause d’accroissement, soit une « clause par laquelle les acquéreurs d’unmême bien conviennent que l’acquisition sera réputée faite pour le compte du seul survivantd’entre eux dès le jour de l’acquisition à l’exclusion des prémourants qui sont rétroactivementsensés n’avoir jamais été propriétaires ».

Elle est aujourd’hui tombée en désuétude.

Ce bien est hors « tout » ; il est hors succession et hors procédure.

Le bien immobilier est une propriété « partagée » et la Cour de Cassation n’a pas admis queson régime soit celui de l’indivision.

Seul le créancier des deux acquéreurs pourrait réaliser le bien hors procédure à l’exclusiondu liquidateur.

Dans un arrêt du 12/11/2008 la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation rejette lepourvoi de la Banque Privée Européenne à l’encontre d’un arrêt lui refusant la réouverturede la liquidation judiciaire prononcée après le rejet d’une action du liquidateur pour fairerequalifier un pacte tontinier en donation (Cassation Commerciale. 12/11/2008, numéro depourvoi 07/19389).

4) Le droit d’usage et d’habitation :

Il rend l’immeuble inaliénable et a un caractère alimentaire.

L’usager ne pourra ni céder son bien, ni le louer et le bien immobilier est insaisissable.

Il sera particulièrement difficile de faire revenir dans le patrimoine du débiteur des biensfrappés d’une telle clause d’inaliénabilité.

** *

5) La déclaration d’insaisissabilité

Elle est définie à l’article L 526-1 du Code de Commerce et ne peut être mise en œuvre quepar une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractèreprofessionnel et pour les personnes exerçant une activité professionnelle agricole ou uneprofession libérale.

Cette déclaration porte sur la résidence principale de l’employeur qui n’est pas forcément lelogement de la famille.

Il peut s’agir d’un logement mixte dont seule la partie habitation est protégée, étant préciséque l’immeuble devra dans ce cas être régi par un état descriptif de division.

Sa forme est notariée uniquement et n’a d’effet qu’à l’issue de sa publication dans un journald’annonces légales et au Service de la Publicité Foncière.

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Elle n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers résultant de l’activité du déclarant postérieurs à sapublication.

Il faudra distinguer trois types de dettes :

1- Les dettes professionnelles nées avant la publication de la déclaration

L’immeuble est saisissable.

Le créancier ne sera donc pas soumis à la suspension des poursuites individuelles.

2- Les dettes non liées à l’activité professionnelle, soit avant soit après la déclarationd’insaisissabilité

Le bien immobilier reste saisissable.

3- Les dettes professionnelles nées après la publication : l’immeuble est insaisissable.

Dans un premier temps, le liquidateur pouvait faire vendre l’immeuble dès lors que ladéclaration d’insaisissabilité est inopposable à au moins un créancier.

L’immeuble en effet reste toujours saisissable par les créanciers auxquels la déclarationnotariée d’insaisissabilité est inopposable dès lors que l’immeuble échappe à la liquidationjudiciaire et, dans ce cas, ils n’ont pas à déclarer leur créance au liquidateur.

Dans un arrêt du 28 juin 2011, la Chambre Commerciale de la Cour de cassation préciseque la déclaration d’insaisissabilité est opposable au mandataire liquidateur dès lors qu’elleest antérieure au prononcé de la liquidation judiciaire.

Dans ce cas de l’espèce, les époux mariés sous le régime de la communauté, propriétairesd’une maison, avaient effectué une déclaration d’insaisissabilité par acte notarié le 30 avril2005, publié aux hypothèques le 4 mai 2005.

Un an plus tard, la liquidation judiciaire du mari était prononcée.

Le Juge Commissaire autorisait par ordonnance du 19 juin 2007 le liquidateur à poursuivre lavente aux enchères publiques, décision annulée par jugement du Tribunal de Commerce du27 novembre 2008 qui a déclaré nulle et de nulle effet cette ordonnance.

Sur appel du ministère public et du mandataire liquidateur, la Cour d’appel d’AIX ENPROVENCE, le 3 décembre 2009, confirmait les termes de l’ordonnance du JugeCommissaire autorisant la vente sur liquidation judiciaire en la forme des saisiesimmobilières de l’immeuble commun.

La Chambre Commerciale de la Cour de cassation sanctionne la Cour d’appel précisantque : « l’immeuble appartenant à Monsieur et Madame X.... , ayant fait l’objet d’unedéclaration d’insaisissabilité publiée avant l’ouverture de la liquidation judiciaire de MonsieurX..., le Juge Commissaire ne pouvait autoriser, sous peine de commettre un excès depouvoir, le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques de cet immeuble dontl’insaisissabilité lui était opposable, la Cour d’appel a violé les textes et principes susvisés »(Cassation Commerciale 28/06/2011 n° 10-15482).

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Avec humour, le Professeur VAUVILLE nous dit que « Quand la déclaration d’insaisissabilitépasse, la liquidation judiciaire trépasse ».

De son côté, le Professeur ROUSSEL-GALLE forme une proposition constructive suggérantd’inscrire cette déclaration d’insaisissabilité dans les nullités prévues à l’article L 632-1 duCode de Commerce puisque l’action paulienne est déniée au mandataire liquidateur.

Dans un arrêt du 23 avril 2013, la Chambre Commerciale de la Cour de cassation confirmel’absence de pouvoir du liquidateur, lui interdisant d’agir par le biais d’une action pauliennepour voir déclarer inopposable une déclaration d’insaisissabilité tardive.

Le mandataire liquidateur ne peut donc agir que dans l’intérêt de tous les créanciers et nonpas au nom d’un groupe de créanciers.

Cette déclaration d’insaisissabilité va ainsi faire obstacle à toute vente immobilière de la partdu liquidateur.

Elle paralyse le liquidateur qui ne peut plus ni agir ni même combattre cette clause.

Si elle est opposable aux liquidateurs elle ne l’est pas aux créanciers antérieurs qui peuventpoursuivre dès lors que le bien est hors procédure et n’entre pas dans le périmètre de laliquidation judiciaire.

Mais qu’en est-il des créanciers qui sont parties à la procédure collective et ont déclaré leurscréances ?

Sont-ils soumis à la suspension des poursuites individuelles ?

Le Professeur LUCAS conseille d’attendre la clôture de la procédure tandis que leProfesseur BORGA les invite à agir.

II – La réalisation des actifs dans la liquidation judiciaire

Les pouvoirs du mandataire liquidateur sont considérablement amoindris du fait del’existence de la déclaration d’insaisissabilité et de la difficulté de diligenter une action enretour des actifs, l’action en réunion étant désormais censurée.

Dans le cadre de la sauvegarde ou du redressement judiciaire il est possible d’empêcher lavente d’un immeuble en lui conférant une inaliénabilité judiciaire.

D’un côté on bloque la vente de l’immeuble mais, par ailleurs, il peut aussi être envisagé unecession amiable prévue à l’article L 622-7 II qui stipule « Le juge commissaire peut autoriserle débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l’entreprise, àconsentir une hypothèque, un gage ou un nantissement ou à compromettre ou transiger ».

L’administrateur qui fait la prisée des actifs, s’il existe un actif immobilier, pourra solliciterauprès du juge commissaire l’autorisation de réaliser une maison d’habitation propriété d’undébiteur en liquidation judiciaire.

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1) Le retour des actifs

Le liquidateur doit veiller à faire revenir dans le patrimoine du débiteur les biens immobiliersqui le composaient et qui auraient été donnés ou vendus :

La nullité des actes consentis à titre gratuit

Aux termes de l’article L 632-1 du Code de Commerce « Sont nuls lorsqu’ils sont intervenusdepuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :1° tous les actes à titre gratuit, translatifs, de propriété mobilière ou immobilière ».

Il conviendra de vérifier la date de cessation des paiements à partir de laquelle les actesconclus peuvent être annulés, tel qu’un changement de régime matrimonial ou uneconvention de divorce. Cassation Commerciale 01/02/2000, pourvoi 97-16484 Cassation Commerciale 07/04/2009, pourvoi 06-19538

Les actes lésionnaires

Il est stipulé au paragraphe 2 de l’article L 632-1 qu’est également nul « 2° tout contratcommutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autrepartie ».

Si le divorce a été initié avant la procédure collective, le mandataire liquidateur pourraréclamer l’annulation d’un partage forfaitaire et transactionnel qui aurait été lésionnaire.

Les époux « avertis » se décideront pour un partage judiciaire plutôt qu’un partagetransactionnel pouvant être remis en question.

L’action en réunion d’actifs

Il s’agit d’apporter dans l’actif du débiteur le bien acquis par un conjoint in bonis.

Le mandataire liquidateur devra démontrer que cette acquisition a été faite avec des valeursfournies par le conjoint soumis à la procédure.

Cette action est possible au visa des articles L 624-6 et suivants du Code de Commerce quidispose :

« Le mandataire judiciaire ou l’administrateur peut, en prouvant par tous moyens que lesbiens acquis par le conjoint du débiteur l’ont été avec des valeurs fournies par celui-ci,demander que les acquisitions ainsi faites soient réunies à l’actif ».

Une telle action sera recevable si elle est diligentée par le mandataire liquidateur, mêmepostérieurement au prononcé du divorce et à sa transcription (Cassation Commerciale, arrêtdu 16/01/2007 numéro de pourvoi 04-14592).

Il lui appartiendra de rapporter la preuve, pour diligenter une telle action en rapport, que lesbiens acquis par le conjoint l’ont été avec les avoirs propres du débiteur alors que le conjointdu débiteur n’avait ni revenus, ni activité professionnelle, ni économies, avoirs ou capitaux luipermettant d’effectuer une telle acquisition immobilière. (Cassation Commerciale22/09/2009, numéro de pourvoi n° 06-20247).

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Une telle possibilité d’action bat en brèche les règles du régime matrimonial de la séparationdes biens.

Les dispositions de l’article L 624-6 du Code de Commerce ont fait l’objet d’une questionprioritaire de constitutionalité et, par décision du 20 janvier 2012 paru au JO du 21 janvier2012, le Conseil Constitutionnel a statué comme suit :

« Les dispositions de l’article L 624-6 du Code de Commerce permettent qu’il soit porté, audroit de propriété du conjoint du débiteur, une atteinte disproportionnée au regard du butpoursuivi.Elles doivent donc être déclarées contraires à la constitution ».

Il en résulte que les possibilités d’action du liquidateur se réduisent de plus en plus.

L’action en inopposabilité

Dès lors que la liquidation judiciaire est prononcée, le débiteur est dessaisi en vertu del’article L 641-9 du Code de Commerce de l’administration, de la gestion et de la dispositionde ses biens.

Seul le mandataire liquidateur peut agir en son nom.

Néanmoins, le débiteur conserve ses droits personnels notamment pour agir en divorce.

Toute vente immobilière passée postérieurement au jugement d’ouverture est inopposableau liquidateur.

Il pourra diligenter une action pour que l’actif immobilier réintègre le patrimoine du débiteur,ce qui lui permettrait ensuite de vendre cet immeuble.

L’action paulienne

Il faut rapporter la preuve d’une fraude, soit la volonté de soustraire les biens aux poursuitesdes créanciers.

2) Les droits du conjoint

Sauvegarde

Les devoirs du conjoint : il devra établir la consistance de ses biens personnelsconformément aux règles des régimes matrimoniaux en application de l’article L 624-5 du Code de Commerce et ne pourra exercer aucune action à raison des avantagesqui lui ont été consentis dans le contrat de mariage ou pendant le mariage au visa del’article L 624-8 du Code de Commerce.

Les droits du conjoint : si la vente d’un immeuble est autorisée judiciairement à lasuite par exemple de la levée de l’inaliénabilité décidée par le Tribunal, le conjoint dudébiteur doit être « entendu ou dûment convoqué avant toute décision autorisant lavente des biens de communauté » en application de l’article R 624-11 du Code deCommerce.

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Redressement judiciaire

Cette disposition est reprise au visa de l’article R 631-30 du Code de Commerce.

Liquidation judiciaire

Une disposition identique figure à l’article R 641-30 du Code de Commerce.

Le conjoint a donc un droit à l’information.

Postérieurement il sera destinataire de l’avis d’adjudication si la vente porte sur un biencommun (art. R 642-291 du Code Civil).

Le mandataire liquidateur peut appréhender l’intégralité des biens communs qui font partiede l’actif de la liquidation judiciaire et la règle du dessaisissement s’étend au conjoint inbonis.

Celui-ci sera consulté avant que ne soit prise une décision ordonnant ou autorisant la ventedes biens immobiliers communs par le Juge Commissaire.

3) Les autres dispositions communes

Les dispositions communes à toutes les ventes possibles, qu’elles soient amiables, paradjudication ou de gré à gré, sont les suivantes :

La publicité, La conservation des archives du débiteur, Le compromis ou la transaction visés aux articles L 642-22, L 642-23 et L 642-24 du

Code de Commerce, Les voies de recours : l’appel au visa de l’article R 642-37-1 du Code de Commerce, La fixation d’une indemnité d’occupation due par le débiteur si le Tribunal lui accorde des

délais en application de l’article L 642-18 dernier alinéa, soit des délais de grâce pourquitter sa résidence principale lorsqu’il s’agit de la liquidation judiciaire d’un agriculteur.

4) Les interdictions d’acquérir

Ne peuvent ni faire une offre ni acquérir des biens compris dans la cession, le débiteur, lesdirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents oualliés jusqu’au deuxième degré inclus desdits dirigeants ou débiteurs, personnes physiquesou contrôleurs.

Ces interdictions d’acquérir sont édictées par l’article L 642-3 et reprises par l’article R 642-20 du Code de Commerce et s’ajoutent à celles visées à l’article 322-39 du Code desProcédures Civiles d’Exécution (débiteur saisi, auxiliaires de justice intervenus dans laprocédure, magistrats de la juridiction).

Quel que soit le type de vente ordonnée par le Juge Commissaire, cette règle s’applique.

L’avocat du mandataire liquidateur fera preuve de vivacité et de célérité en surveillant lateneur du pouvoir déposé à l’issue des enchères afin de soulever la nullité de l’enchère et del’adjudication pour une remise en vente immédiate, l’adjudication étant nulle de plein droit sielle est intervenue au profit d’une personne frappée d’interdiction.

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Ne serait-il pas utile, dans la publicité, de rappeler les interdictions spécifiques édictées pourles ventes sur liquidation judiciaire ?

III - La vente des immeubles

La cession durant la sauvegarde

Le Juge Commissaire pourra autoriser le débiteur à faire un acte de disposition enapplication de l’article L 622-7 du Code de Commerce.

Il est donc possible d’envisager, au stade de la sauvegarde la réalisation d’un bienimmobilier qui serait propriété de la société débitrice aux fins d’éviter le prononcé d’uneliquidation judiciaire.

La vente au stade de la liquidation judiciaire

Si un seul des époux est en liquidation judiciaire et que l’immeuble est indivis une action encompte liquidation partage doit être diligentée sur le fondement de l’article 815 du Code Civilou 815-17 du même Code.

La réalisation de l’actif de la liquidation judiciaire est abordée dans le Code de Commerce :

pour la partie législative à la section 1 du chapitre 2 intitulé « DE LA CESSION DEL’ENTREPRISE » comprenant les articles L 642-1 à L 642-17 et à la section 2, intitulée« DE LA CESSION DES ACTIFS DU DEBITEUR » aux articles L 642-18 à L 642-21,

Et pour la partie règlementaire, la vente des immeubles est régie à la sous-section 1 etprévoit trois possibilités de vente (articles R 642-27 à R 642-36) : La vente de gré à gré (articles R 642-30 à R 642-35), L’adjudication en la forme des saisies immobilières (articles R 642-27 à R 642-29-2), La vente par adjudication amiable (articles R 642-30 à R 642-35).

Trois situations procédurales coexistent :

Procédures collectives ouvertes avant 01/01/2006 (article L 622-16) : les dispositions duCode de Procédure Civile Ancien s’appliquent,

Procédures collectives ouvertes entre 01/01/2006 et 15/02/2009 : il existe une audienced’orientation,

Procédures collectives ouvertes à compter du 15/02/2009 : l’audience d’orientationdisparaît, les créanciers et le conjoint du débiteur recevant après le dépôt du cahier desconditions de vente un avis d’adjudication.

Le mandataire liquidateur aura le choix entre : Ordonner la vente aux enchères publiques, la vente étant faite en la forme des saisies

immobilières, Autoriser une vente de gré à gré.

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L’ordonnance du 18 décembre 2008 et le décret du 12 février 2009 ont supprimé le renvoides dispositions à la procédure de saisie immobilière prescrivant la tenue de l’audienced’orientation où le Juge de l’Exécution fixe la créance du poursuivant et décide de la venteamiable de l’immeuble alors qu’il n’a aucune compétence à cet effet.

La saisine du Juge Commissaire par le liquidateur d’une requête aux fins de vente devraintervenir très rapidement car à défaut de justifier dans le délai de trois mois uncommencement d’exécution les créanciers titulaires d’un privilège ou d’une inscriptiond’hypothèque peuvent, en application de l’article 643-2 du Code de Commerce solliciter lareprise des poursuites individuelles.

S’il a initié précédemment une procédure de saisie immobilière, il pourra la reprendre austade actuel où elle se trouve.

S’il poursuit la vente d’un bien commun ou d’un bien indivis, étant créancier des deux épouxdont l’un est soumis à la procédure collective, il devra présenter requête auprès du JugeCommissaire et justifier avoir déclaré sa créance.

Ce délai apparaît certes court pour un liquidateur qui, avant la réalisation d’un bien, sollicitehabituellement une expertise immobilière des biens concernés aux fins de donner deséléments au Juge Commissaire pour la fixation de la mise à prix.

La subrogation

Si la procédure de saisie immobilière avait été précédemment diligentée par un créancier, lemandataire liquidateur aura la possibilité de se subroger dans les poursuites de saisie.

Il devra pour ce faire solliciter auprès du Juge Commissaire une ordonnance l’y autorisantqu’il publiera puis annexera au cahier des conditions de vente (article L 642-18, deuxièmealinéa du Code de Commerce).

Le Juge Commissaire aura donc le choix d’envisager une vente, soit par adjudicationamiable, soit par adjudication judiciaire, soit de gré à gré.

La vente de gré à gré

Le Juge Commissaire rendra une ordonnance autorisant la cession de gré à gré.

Un notaire dressera un acte de vente signé par le mandataire liquidateur qui représente ledébiteur dessaisi.

L’acte de cession mentionnera l’autorisation donnée par le Juge Commissaire et relateral’ordonnance autorisant ladite cession.

L’inconvénient d’une telle vente amiable est qu’elle n’emporte pas purge.

Il sera nécessaire, pour l’adjudicataire, de diligenter une procédure de purge en permettantaux créanciers inscrits de former une surenchère du dixième dans les quarante jours de lanotification de purge (article 2480 du Code Civil).

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L’adjudication judiciaire

Il s’agit de la vente forcée en la forme des saisies immobilières.

Le Juge Commissaire décidera du Juge de l’Exécution compétent devant lequel la vente setiendra qui peut être celui du lieu de situation de l’immeuble plutôt que celui de la liquidation.

Il a la possibilité par une seule et même ordonnance d’ordonner la vente de plusieurs biensimmobiliers.

Il fixe les conditions essentielles de la vente, notamment :

La mise à prix, laquelle pourra être décidée en accord avec le créancier poursuivant sic’est ce dernier qui a présenté requête au Juge Commissaire, étant précisé que la mise àprix pourra être baissée en cas de désertion d’enchères.

Les modalités de publicité, Les modalités de visite.

L’ordonnance du Juge Commissaire devra également comporter obligatoirement leséléments visés à l’article R 321-3 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qui sont :

§ 1 : la constitution d’avocat du créancier poursuivant laquelle emporte élection dedomicile,

§ 5 : la désignation de chacun des biens ou droits sur lesquels porte la saisie immobilièretelle qu’exigée par les règles de la publication foncière,

§ 10 : l’indication qu’un huissier pourra pénétrer dans les lieux afin de dresser un procès-verbal de description de l’immeuble.

Il conviendra de mentionner dans l’ordonnance du Juge Commissaire l’origine de propriétédu bien à vendre ainsi que sa désignation complète et les références du règlement decopropriété et modificatifs s’il y a lieu.

La date de publication de l’ordonnance du Juge Commissaire au Service de la PublicitéFoncière fait courir le délai de deux mois pour déposer le cahier des conditions de vente envertu de l’article R 642-29-1 du Code de Commerce modifié par le décret du 30 mai 2012.

Il sera prudent de solliciter auprès du Juge Commissaire la désignation d’un huissier pourdresser un procès-verbal descriptif puisqu’aussi bien ledit procès-verbal devra être annexéau cahier des conditions de vente lors de son dépôt ainsi que le précise l’article L 642-25 duCode de Commerce.

L’ordonnance ne sera rendue qu’après convocation du débiteur et de son conjoint s’il s’agitd’un bien commun.

Elle sera notifiée par le Greffier par lettre recommandée avec avis de réception mentionnantle délai de contestation et la juridiction de recours au débiteur, à son conjoint et auxcréanciers inscrits sur l’immeuble.

Si les accusés réception de lettres recommandées ne parvenaient pas au Greffe, ilappartiendra à l’avocat du mandataire liquidateur d’effectuer une notification de l’ordonnancepar exploit d’huissier aux fins de faire courir le délai d’appel pour lui conférer un caractèredéfinitif.

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L’ordonnance devra être publiée au Service de la Publicité Foncière de la même façon qu’uncommandement afin de saisie immobilière et elle pourra l’être nonobstant l’existence d’unprécédent commandement antérieurement publié.

Le cahier des conditions de vente comportera les références à l’ordonnance rendue, ladésignation complète de l’immeuble, son origine de propriété, les servitudes le grevant, lesbaux, le procès-verbal descriptif, l’indication de la mise à prix et les modalités de paiementdu prix d’adjudication (trois mois selon l’article R 643-3 du Code de Commerce au lieu dedeux mois en matière de saisie immobilière).

Au plus tard le cinquième jour ouvrable suivant le dépôt du cahier des conditions de vente, lepoursuivant devra adresser un avis d’adjudication aux créanciers inscrits à domicile élu et auconjoint du débiteur si la vente concerne un bien commun en les avisant de la date de dépôtdu cahier des conditions de vente et de la date de l’audience d’adjudication qui sera fixéeentre deux et quatre mois suivant l’avis.

Cet avis d’adjudication comprendra les mentions suivantes :

1) l’indication des lieu, jour et heure de l’audience d’adjudication du Juge de l’Exécution,

2) la sommation de prendre connaissance du cahier des conditions de vente et l’indicationdu Greffe du Juge de l’Exécution, ainsi que du Cabinet de l’avocat du poursuivant oùcelui-ci peut être consulté,

3) l’indication, en caractères très apparents, qu’à peine d’irrecevabilité : seules les contestations relatives à un acte de procédure postérieures à l’audience du

Juge Commissaire peuvent être soulevées dans les quinze jours de l’acte ou, le caséchéant, de sa notification, par conclusions d’avocat déposées au Greffe du Juge del’Exécution,

que l’avis vaut notification du cahier des conditions de vente, qu’en cas de contestation formée, les parties sont convoquées à une audience par le

Greffe du Juge de l’Exécution conformément au troisième alinéa de l’article R 316-6du Code des Procédures Civiles d’Exécution. Il sera prudent d’indiquer le nom duBarreau de l’avocat qui pourrait former une contestation, ce qui apparaît important auregard de la règle de la multipostulation dans la région parisienne qui ne s’appliquepas en matière de saisie immobilière.

La 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans son arrêt du 6 juin 2013, précise quel’ordonnance du Juge Commissaire « ne pouvait être remise en cause à l’audienced’orientation devant le Juge de l’Exécution compétent pour statuer sur les seulescontestations postérieures à l’ordonnance du Juge Commissaire et fixer la date del’adjudication. C’est sans méconnaître l’étendue de ses pouvoirs ni le principe du droit à unrecours effectif au Juge que la Cour d’Appel a déclaré Monsieur X irrecevable en sesdemandes ».

Si l’audience d’orientation se tient (pour les liquidations judiciaires prononcées entre le01/01/2006 et le 01/02/2009), le débiteur n’est pas recevable à critiquer la teneur del’ordonnance rendue par le Juge Commissaire lors de celle-ci.

En effet, il a eu la possibilité au préalable exercer un recours à l’encontre de cette décision,invoquer un excès de pouvoir qu’il ne peut plus invoquer après l’exercice de ce recours quiclôt le débat (Cassation Civile 2ème, 06/06/2013 n° 12-18481).

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En ce qui concerne la tenue de l’adjudication, les dispositions du Code des ProcéduresCiviles d’Exécution sont applicables pour la tenue de l’audience, la possibilité de surenchèreet la réitération des enchères.

Le jugement d’adjudication sera notifié conformément à l’article R 322-60 du Code desProcédures Civiles d’Exécution au débiteur, aux créanciers inscrits, à l’adjudicataire et àtoute personne ayant élevé une contestation.

Il n’est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de sa notification que s’ila statué sur une contestation.

Dans le cas contraire, le jugement d’adjudication qui n’a statué sur aucun incident, n’est passusceptible d’un pourvoi en cassation sauf en cas d’excès de pouvoir.

Dans un arrêt du 6 décembre 2012, la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation rappelleque le jugement d’adjudication ne peut être l’objet d’un appel pour excès de pouvoir(Cassation Civile arrêt du 06/12/2012, pourvoi n° 11-24028).

Si l’adjudicataire ne règle pas le prix d’adjudication dans le délai de trois mois del’adjudication la procédure de réitération des enchères sera poursuivie devant le Juge del’Exécution, après envoi par le liquidateur d’une lettre RAR à l’adjudicataire (article R 643-3du Code de Commerce).

La procédure de vente forcée a deux effets bénéfiques qui sont, d’une part, la purge detoutes les inscriptions, hypothèques et privilèges, d’autre part, la possibilité pourl’adjudicataire de poursuivre l’expulsion du débiteur s’il se maintenait dans les lieux aprèssignification du jugement d’adjudication puisque le jugement d’adjudication vaut expulsion(article L 322-13 du Code des Procédures Civiles d’Exécution).

Vente par adjudication amiable

La procédure est identique dans sa première phase à la procédure d’adjudication judiciaire.

Le Juge Commissaire rendra une ordonnance qui sera publiée au Service de la PublicitéFoncière.

Le Notaire établira un cahier des conditions de vente et sommera les créanciers inscrits deprendre connaissance du cahier des conditions de vente deux mois avant la date fixée pourl’adjudication et de déposer leurs dires et observations un mois avant la date de celle-ci(article R 642-31 du Code de Commerce).

Les enchères seront effectuées par-devant notaire sans avocat et le notaire peut adjugerpour le montant de l’offre la plus élevée à titre provisoire.

La procédure de surenchère est possible, de même que la procédure de réitération desenchères.

Cette vente a les mêmes effets qu’une vente par adjudication judiciaire en ce qui concerne lapurge.

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CONCLUSION

La jurisprudence a réduit le champ d’action du mandataire liquidateur pour appréhender lesbiens immobiliers du débiteur.

Ce dernier dispose de moyens pour faire échapper le bien immobilier dont il est propriétaire,notamment sa résidence principale, à l’actif de la liquidation.

En ce qui concerne la réalisation des actifs, l’option de l’adjudication judiciaire est privilégiée,le prix d’adjudication étant « inattaquable » et cette option permettant d’opérer la purge desinscriptions grevant le bien immobilier.

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REPARTITION DES PRODUITS DES VENTES

Didier BOUSQUET,Avocat au barreau de Grenoble,

membre du conseil d’administration de l’AAPPE

INTRODUCTION

C’est le moment redouté par le débiteur qui s’interroge sur le point de savoir si les bonsconseils des excellents professeurs, avocats et notaires, après les tout aussi bons conseilsdu CRIDON, lui ont assuré une protection efficace.

C’est également le moment redouté par le créancier, nonobstant la réalisation des actifs,menée de main de maître et avec célérité, par nos amis de NANTERRE et TOULOUSE...

Tous deux s’interrogent sur l’influence d’une procédure collective et en définitive se posent lamême question : va-t-il me rester quelque chose ?

C’est ce que nous allons tenter d’examiner, en abordant dans une première partie larépartition des produits des ventes lorsque les biens meubles ou immeubles ont été réalisésavant un jugement déclaratif d’une procédure collective, puis dans une seconde partielorsque la réalisation est postérieure à un tel jugement.

I - LA REPARTITION DES PRODUITS DES VENTES INTERVENUES AVANT UN

JUGEMENT DECLARATIF D’UNE PROCEDURE COLLECTIVE

A. Appréhension du prix de vente

Lecture combinée des articles L 622 21 II et R 622 19 du code de commerce : le mandataireappréhende les fonds.

Immeuble

En cas de vente d’un immeuble à l’amiable avant le J.O.

Vente amiable par devant notaire en dehors de toutes procédures judiciaires

Exceptionnellement le produit de la vente n’a pas été distribué.

Appréhension.

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L’ordre de la répartition se fera dans le même ordre que lorsque la vente est intervenuepostérieurement au jugement déclaratif.

En cas de vente d’un immeuble sur saisie immobilière avant le J.O.

Vente amiable sur autorisation judiciaire

Hypothèse 1 : à l’audience d’orientation le JEX a autorisé la vente amiable à certainesconditions et a fixé une audience pour rendre un jugement constatant cette vente.

Avant ce jugement, intervention d’un jugement déclaratif.

Que l’acte notarié ait été ou non passé, en raison de la suspension des poursuites, on doitconsidérer que la vente n’est pas intervenue, et si le notaire a les fonds il doit les restituer àl’acquéreur.

La question de la répartition ne se pose pas.

Hypothèse 2 : le juge de l’exécution a rendu un jugement constatant la réalisation desconditions auxquelles il a antérieurement autorisé la vente amiable.

Par hypothèse et en application des articles R 322 23 et R 322 25 du code des procéduresciviles d’exécution, les fonds sont consignés par le notaire à la CDC.

Appréhension.

L’ordre de la répartition se fera dans le même ordre que lorsque la vente est intervenuepostérieurement au jugement déclaratif.

Vente forcée

Hypothèse 1 : un jugement d’adjudication a été rendu mais il n’est pas définitif, soit parceque le délai de 10 jours n’est pas expiré, soit en raison d’une surenchère.

On doit considérer qu’il n’y a pas vente en raison de la suspension des poursuites édictéepar L. 622 21 du code de commerce.

Hypothèse 2 : le jugement d’adjudication est définitif.

Appréhension.

Fonds de commerce

En cas de vente amiable ou aux enchères du fonds de commerce

Le tiers détenteur doit se déposséder des fonds et les verser au mandataire judiciaire ou auliquidateur judiciaire, en application de l’article R. 622-19.

Si le prix n’a pas été payé, le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire devra procéderà son recouvrement pendant la procédure.

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Meubles

En cas de vente amiable ou suite à une procédure d’exécution

Appréhension.

Si le prix n’a pas été payé, le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire devra procéderà son recouvrement pendant la procédure.

La seule procédure d’exécution qui produit un effet attributif immédiat est la saisie-attribution(expressément prévue par le texte). En ce qui concerne les saisies mobilières, pas d’effetattributif immédiat.

B. Règlement des créanciers

a) Que doit faire le créancier ?

Le créancier doit déclarer sa créance au passif selon les dispositions de l’articleL. 622-24 du Code de Commerce.

La créance sera soumise à la procédure de vérification. Seule une créance définitivement admise sera soumise à répartition.

b) Dans quel délai le créancier sera-t-il payé ?

En PS (R. 622-19) et en RJ (R. 631-20 qui renvoie à R. 622-19), il est prévu que lesfonds soient remis au Mandataire Judiciaire

Les fonds sont ensuite remis par le Mandataire Judiciaire au Commissaire à l’Exécutiondu plan lorsque le tribunal arrête un plan.

Le Commissaire à l’Exécution du Plan peut alors procéder à la répartition des fonds.

La répartition n’a donc lieu qu’à l’adoption du plan.

En Liquidation Judiciaire (R. 641-24 qui renvoie à R. 622-19)

Les fonds sont remis au Liquidateur Judiciaire aux fins de répartition.

En cas de prononcé de Liquidation Judiciaire pendant la Période d’Observation, leMandataire Judiciaire remet les fonds au Liquidateur Judiciaire aux fins de répartition.

La répartition a donc lieu dans les délais de la procédure liquidative.

c) Classement

Le classement est le même que si la vente avait lieu après le jugement d’ouverture.

Il est fonction de la nature du bien vendu et de la sûreté qui le grève.

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En Liquidation Judiciaire, ce recouvrement entrera dans l’actif de la liquidation avec lesautres et sera réparti selon les règles classiques.

Nous verrons ce classement dans la deuxième partie.

II - LA REPARTITION DES PRODUITS DES VENTES INTERVENUES APRES UN

JUGEMENT DECLARATIF D’UNE PROCEDURE COLLECTIVE

A. En procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire

a) Période d’observation

Vente d’un actif Libre en période d’observation

Pas de texte quant au devenir du prix de cession.

Vente d’un actif grevé d’un privilège spécial, d’un gage, d’un nantissement, d’unehypothèque en période d’observation

Ce sont les articles L. 622-8 et R. 622-7 qui s’appliquent (L. 631-14 en RJ renvoie à cesarticles).

b) En plan de cession

Vente d’un Actif Libre dans le cadre d’un plan de cession

Prix de cession contenu dans le plan de cession partielle ou totale.

Vente d’un actif grevé d’un privilège spécial, d’un gage, d’un nantissement, d’unehypothèque dans le cadre d’un plan de cession

L’article L. 642-12 du Code de Commerce traite de la cession d’un bien grevé d’unprivilège spécial, d’un gage, d’un nantissement ou d’une hypothèque.

c) Pendant l’exécution du plan par continuation

Vente d’un Actif Libre dans le cadre d’un plan par continuation

L’article L. 626-23 (repris en RJ à l’article L. 631-19) précise que les fonds sont remis« au débiteur ».

Vente d’un actif grevé d’un privilège spécial, d’un gage, d’un nantissement, d’unehypothèque pendant l’exécution d’un plan de continuation

L’article L. 626-22 (repris en RJ à l’article L. 631-19) s’applique.

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B. En procédure de liquidation judiciaire

a) Qui est en charge de la répartition ?

En liquidation judiciaire, il revient au Liquidateur Judiciaire de procéder aux répartitions.

b) Quand est-ce que la répartition a lieu ?

1. Règlement provisionnel

L 622 8 et R 622 7.

2. Délais en fonction de la procédure

En liquidation judiciaire, le délai est fixé par le Tribunal dans le jugement.

En liquidation judiciaire simplifiée, le délai est fixé à un an puisque la procédurene peut pas excéder ce délai. La procédure peut être convertie en liquidationjudiciaire « classique » avec un nouveau délai de clôture.

Cas de défaut d’action du liquidateur judiciaire dans le délai de 3 mois

L’article L. 643-2 du code de commerce indique que les créanciers titulaires d’unprivilège spécial, d’un gage, d’un nantissement ou d’une hypothèque, et le TrésorPublic pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu’ils ont déclaré leurscréances (même si elles n’ont pas encore été admises), exercer leur droit depoursuite individuelle si le liquidateur n’a pas entrepris la liquidation des biensgrevés dans le délai de 3 mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce laliquidation judiciaire.

3. Le principe de subsidiarité et le principe de proportionnalité

Application de ces deux principes.

Une seule répartition ? Plusieurs répartitions ?

Quel est le moment le plus opportun pour procéder aux répartitions ?

c) Quel est le classement opéré ?

Dans la mesure où il n’est pas possible de traiter toutes les répartitions, nous en avonssélectionné quelques-unes :

Tout d’abord, il faut bien avoir à l’esprit que le classement de la procédure est régi parl’article L. 622-17 en procédure de sauvegarde et Redressement Judiciaire et l’articleL. 641-13 en Liquidation Judiciaire.

Ce classement est à combiner avec celui des privilèges généraux sur les meubles et lesimmeubles du Code Civil.

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De plus, il se peut que le montant à répartir diffère du prix de cession. En effet il se peutque ce dernier soit grevé d’un certain nombre de prélèvements, avant d’être réparti,selon les dispositions de l’article L.643-8 du Code de Commerce.

En effet, le liquidateur peut être contraint de puiser sur le prix de vente, pour payer :

Les frais et dépens de la liquidation judiciaire, Les subsides accordés au débiteur, Les sommes payées aux créanciers privilégiés, c’est-à-dire les créances bénéficiant

du privilège de l’article L.641-13 du Code de Commerce qui ont été payées à leuréchéance.

1. Répartition d’actif gagé

Le gage est la reine des sûretés.

Le gage prime le superprivilège.

2. Répartition d’actif bénéficiant d’un PNOM (Privilège de Nantissement surOutillage et le Matériel)

Le créancier nanti (PNOM) est primé par le superprivilège.

3. Répartition en matière de fonds de commerce (Privilège de Nantissement ouPrivilège de Vendeur sur le Fonds de Commerce)

4. Répartition immobilière

1er rang : les 8 privilèges spéciaux prévus par 2374 du code civil. 2ème rang : les privilèges généraux prévus par 2375 du code civil. 3ème rang : les hypothèques 2425 du code civil.

Si les créanciers privilégiés ou hypothécaires ne sont pas remplis sur le prix del’immeuble, ils concourent avec les créanciers chirographaires pour ce qui leurreste dû (L. 643-6).

5. Répartition des actifs libres (chirographaires)

CONCLUSION

Influence de l’indivision née antérieurement à la procédure collective, sur la procédure derépartition.

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APERÇU

SUR LES MODES DE RESOLUTION AMIABLE

DES DIFFERENDS

Michel GAGETPrésident de chambre à la Cour d’appel de Lyon

Maître de conférence à l’Université Lumière Lyon IIResponsable du Master 1 Droit-Médiation

Devant l’impossibilité de faire une synthèse de la richesse, en cette fin d’après-midi, desquestions qui ont été traitées aujourd’hui, il me revient, en guise de synthèse et deconclusion, de vous parler des modes alternatifs de justice ou mieux pour suivre le titre dudécret du 20 janvier 2012 de la résolution amiable des différends. Curieuse manière declôturer une journée consacrée au patrimoine familial et aux procédures collectives.

Mais je rappelle que le législateur n’est pas hostile dans le règlement des questions desuccession, de partage de communauté et dans le cours de la procédure de la saisineimmobilière, aux solutions négociées entre les parties aux règlements amiables qui peuventêtre trouvés pour mettre fin au litige ou à la procédure.

Cette tendance a - me semble-t-il - été réaffirmée dans les récentes et dernières lois quiréglementent ces matières et qui laissent une place aux accords amiables, dans le soucid’une meilleure satisfaction des intérêts en jeu. Le partage amiable est préféré au partagejudiciaire.

Dans cette logique qui tient de la liberté contractuelle d’exercer pleinement ses droits,disponibles, et de manière responsable, dans la défense de ses intérêts, spécialementfinanciers, il est assurément, plus que raisonnablement, quasi-nécessaire d’envisager lesmodes de résolution amiables des différends, notamment la médiation, mais aussi laconciliation, la transaction, l’accord amiable, la procédure participative, et le droit collaboratif.

Traiter des MARC, des MARL, de l’ADR ou de la RAD dans le droit des procéduresd’exécution est une nécessité au XXIème siècle qui commence. Je ne dis pas que c’estl’avenir. Mais je dis que cette question ne doit pas être négligée par les praticiens, et dansleurs intérêts et dans ceux de leurs clients, les plaideurs en litige.

Intérêt personnel et professionnel : le client doit être informé sur les modes alternatifs et ilpeut le reprocher à son conseil si celui-ci ne l’a pas fait.

L’accord amiable donne des satisfactions autres que le jugement qui est un acte d’autorité,et qui donne une solution imposée.

Intérêts bien compris des litigeants et plaideurs qui mettent fin par leur accord à unecontestation dans des conditions moins coûteuses, plus rapides et plus avantageuses dansles cas où il ne s’agit pas de transiger ou de contracter sur des droits indisponibles.

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Cependant, la mise en place de ces processus alternatifs au procès et au jugement doit fairel’objet d’une réflexion attentive pour les procédures et matières dont il a été parléaujourd’hui : partage de communauté entre époux, saisie immobilière, procédure collective.

En effet, ces matières relèvent de l’ordre public. Mais lequel ? L’ordre public impératif etabsolu qui ne permet aucune dérogation ou l’ordre public de protection des intérêts d’unparticulier qui pourrait y renoncer en confirmant l’acte qui a été conclu en infraction à la loi deprotection. Je ne pose que les questions et je ne prétends pas les traiter sauf à remarquerque la théorie générale des contrats connaît la confirmation des actes nuls d’une nullitérelative, et sauf que les parties peuvent disposer de leurs droits, en toute connaissance decause, dès lors que le droit auquel elles renoncent n’est pas un droit radicalementindisponible dans l’ordre public absolu et impératif.

D’autre part, j’observe qu’une autre limite à la résolution amiable est la mise en place dansnos procédures de délai préfix, de délais de forclusion, de délai de prescription, de délaiimpératif, au-delà desquels le droit peut être perdu. Le titulaire du droit en est privé pour nepas l’avoir exercé dans le délai. Et je conçois la difficulté pour le praticien dont le devoir estde ne pas faire perdre un droit à son client ou de ne pas l’engager dans une démarche auterme de laquelle il se trouvera forclos ou prescrit.

La mise en place, à ce titre, d’une médiation ou d’un processus amiable, ne peut se fairequ’en toute connaissance de cause et avec les précautions nécessaires pour que le risquede perte du droit soit bien envisagé, accepté et encouru, et pour que ce ne soit pas unesurprise.

Ce sont des questions à traiter pour bien identifier les étapes dans lesquelles le processusamiable peut être engagé, car les procédures codifiées dans la matière des procédurescollectives, de la saisie immobilière et du partage judiciaire ont un caractère impératif,d’ordre public que beaucoup qualifie d’impératif et d’absolu et sur lequel j’attire votreattention parce que je n’ai pas la certitude absolue que l’ordre public procédural soit toujoursimpératif, eu égard au but que la loi veut atteindre et aux intérêts que la loi veut protéger.Affaire à suivre et à discuter.

Pour conclure ce propos, oui à la médiation et aux modes de résolutions amiables desdifférends ; mais avec prudence, réflexion et intelligence.

Sans oublier que ces alternatives au procès et au jugement proviennent de l’imaginationcréatrice des praticiens que vous êtes et sont appréciées par des juges qui les croient justes.