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«De la crise financière vers la guerre
mondiale, ou de la crise mondiale
vers la guerre financière ?
Une analyse par les cycles longs.»
Philippe JOURDON
ES 2009-01
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De la crise financière vers la guerre mondiale, ou de la crise mondiale vers la guerre
financière ? Une analyse par les cycles longs.
From the financial crisis to the World War, or the global crisis in the financial war? An
analysis by the long cycles.
Philippe Jourdon1
LAMETA
Université de Sciences Economiques Montpellier 1
Arno Tausch2
Université de Science Politique Innsbruck
La crise financière actuelle n’est que la conséquence ultime d’une crise économique et
sociale qui a commencée il y a trente-cinq ans et a eu dès le début les caractères d’une Crise
de Civilisation. Elle devient aujourd’hui géopolitique, les risques visibles et immédiats. Les
Théories du Système Mondial et des Cycles Longs Politiques nous permettent de prévoir une
guerre globale en Eurasie dès les années 2020’. Au contraire nous prédisons qu’un modèle
préventif de gestion intégrée des risques, forgé avant 2015, en fonction d’un Cycle Long
Monétaire anticipé de l’euro, et adossé à un projet social permettant d’intégrer les nouvelles
1 Docteur en Economie, Université de Montpellier, [email protected]. Sa thèse soutenue en 2007
traite de cycles longs monétaires. Il publie en 2009 chez L’Harmattan une Histoire Monétaire de l’Europe de
1800 à aujourd’hui.
2 Maître de Conférences en sciences politiques à l’université d’Innsbruck, en Autriche. [email protected].
Site web : http://www.getcited.org/10134373. Les titres de ses livres sont disponibles à l’adresse :
http://www.campusi.com/.
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formes de propriété, réconcilierait objet du cycle, sujets géographiques et projet social,
permettant d’éviter le pire.
The current financial crisis is that the ultimate consequence of an economic and social crisis
that started it thirty-five years ago, and has been from the beginning character of a crisis of
civilization. It becomes visible and immediate geopolitical risks. Theories of the World System
and of Political Long Cycles, allow us to forecast a global war in Eurasia since the 2020s.
Instead we are preparing a preventive model of integrated risk management, built before
2015, according to a Monetary Long Cycle advance of the euro, and against a social project
to integrate new forms of ownership. This would reconcile the object cycle, geographic areas,
and this social project, in order to be able to avoid the worst.
INTRODUCTION :
Les auteurs de l’Ecole du Système Mondial nous alertent depuis les années 1970 sur l’aspect
des rapports de force à la fois économiques et géopolitiques qui se cachent discrètement
derrière cette longue dépression. Celle-ci, après 1870-1893 et 1929-1945, est la dernière que
nous ayons connue, une Crise de Civilisation selon de nombreux observateurs. Or cette fois-
ci, depuis la crise financière, les risques commencent à « sortir du placard » pour être de plus
en plus visibles. Les solutions devront être visibles elles aussi, rapidement connues, et
immédiatement mises en place. Sur le plan théorique, on pourrait distinguer trois périodes. 1)
1970-1990, crise classique, grande dépression ou Crise de Civilisation : les pays développés
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arrivent encore au moyen de l’endettement à refinancer leurs économies. Et tous les pays dans
le monde ne souffrent pas au même point de la crise. 2) Années 1990 à 2007 environ, on
commence à voir s’ajouter des problèmes géopolitiques aux problèmes économiques et on est
conscient de l’existence de risques. Les conseillers réfléchissent dans le secret des missions
qui leurs sont confiées, à un ordre de priorité pour les aborder. 3) 2007 à 2020 enfin : il y a
deux solutions. Soit on met immédiatement en place des mesures concertées, tout en créant
des solutions comptables, diplomatiques et institutionnelles pour gérer la transition. On
désamorce les menaces. Et après 2020 on assistera à une très forte période de croissance et
prospérité partagées. Soit on tergiverse, on temporise. Dans ce dernier cas, non seulement la
crise deviendra sûrement la plus grave depuis 1929, voire, plus grave. Mais en plus nous
aurions, malheureusement, la guerre.
Face à ce tableau qui est bien selon nous, à certains égards, apocalyptique, nous nous livrons
ici à un double devoir : d’alerte, et d’information. Ce tableau promet en effet de multiples
rebondissements. Il promet aussi de non moins nombreuses manifestations de chantage dans
les négociations internationales et leurs retombées dans les débats nationaux, notamment
économiques et sociaux, sans oublier les débats accolés à la politique européenne.
- Devoir d’alerte. Nous rappelons les contributions théoriques depuis une quarantaine
d’années, qui nous offrent tout le soubassement théorique nécessaire pour comprendre la
portée de la crise actuelle. Ce soubassement peut et doit aussi nous donner les moyens d’en
sortir au plus vite sans courir de risque d’y retomber.
- Devoir d’information. Nous parlons donc de la Théorie du Système Mondial d’Amin (1973).
Mais nous parlons surtout de la théorie des cycles longs politiques datant des années quatre-
vingt à nos jours, et en particulier l’Ecole dominante, celle de Modelski (1983) et Goldstein
(1988). Celle-ci analyse les cycles longs politiques comme des cycles de guerre et de paix, ce
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qui permet de prédire le destin de la crise actuelle. Ce destin est un scénario catastrophe qu’il
faut comprendre, afin de pouvoir se donner les moyens de l’empêcher de se réaliser. Enfin,
nous présentons les dernières tendances de la théorie des cycles longs monétaires, qui
renouvellent Marjolin (1941) et Dupriez (1966). Par là cela permet également, chez Chistilin
(2006) et chez Jourdon (2007), d’encadrer la période actuelle afin de mieux maîtriser le
calendrier.
Il ne faut donc pas chercher dans cet article une « resucée » des théories classiques des cycles
longs économiques, chez Kondratieff (1935) et Schumpeter (1939). Le propos ici est décalé
par rapport à cette perspective. Il permet en partie de l’encadrer car les cycles longs politiques
(120 ans chez Modelski, 150 ans chez Goldstein) de même que les cycles longs monétaires
(70 ans chez Chistilin, 90 ans chez Jourdon), encadrent les cycles longs économiques. Nous
ne sommes pas non plus dans une optique alternative de l’explication des cycles longs
économiques, telle l’approche classique marxiste des « crises périodiques du capitalisme ».
En nous appuyant sur Modelski et Goldstein, nous nous plaçons dans le cadre de la Science
Politique américaine. Celle-ci reprend le système mondial sans supposer forcément qu’il va
s’effondrer brutalement. Mais au contraire elle part de l’hypothèse de son évolution, et étudie
les moyens d’utiliser son calendrier – son « horloge interne » - afin d’aider cette évolution
dans un sens plus rationnel. Au demeurant, nous nous inscrivons dans la logique de
« dépassement » des approches marxistes traditionnelles et des approches libérales
orthodoxes. Car Modelski et Goldstein acceptent les théories du Système Mondial qui sont
des approches néo-marxistes, mais réformées. Ces dernières critiquent le système mondial
mais ne font pas de la Révolution un préalable indispensable pour analyser les moyens de son
évolution.
Notre développement comprendra donc trois grandes parties :
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- Dans un premier temps, nous nous en tiendrons à la présentation des auteurs que nous avons
ciblés dans cette introduction concernant les cycles politiques longs (contributions essentielles
de Modelski et Goldstein) et les cycles monétaires longs (contributions « classiques » de
Marjolin et Dupriez). Nous montrerons l’actualité et l’utilité de leur message. Nous nous
attacherons à montrer à quel point on peut le préciser à l’approche de cette période de « gros
temps » dans les relations politiques, économiques et monétaires internationales. Nous y
sommes déjà entrés sans doute depuis la mi 2007, mais nous continuons à nous y enfoncer
indubitablement ;
- Dans un second temps, nous resterons fidèles à ces auteurs tout en apportant quelques points
de réflexion personnelle, peut-être diriminants, afin de sortir des problèmes systémiques
actuels et d’aller vers la solution. Cela veut dire que nous partons du cadre d’analyse temporel
(compris comme un contenant de l’analyse de l’évolution) des théories des cycles longs
politiques et monétaires, pour envisager les possibilités offertes aux contenus, géographique et
/ ou social. Goldstein s’est appuyé sur Modelski pour montrer encore plus précisément que
son maître le calendrier démentiel des relations internationales dans lequel nous sommes
engagés malgré nous. Nous nous appuyons à notre tour sur Goldstein. Mais aussi dans le
même temps nous nous appuyons sur Dupriez, ancien conseiller de la Banque Nationale de
Belgique dans les années soixante. Sa contribution était avant la grande crise dont, soit nous
sortons, soit nous vivons la transformation d’une crise économique vers une crise politique
qui pourrait aller jusqu’à la guerre – surtout si notre message n’était pas entendu. Elle était
néanmoins prémonitoire. Nous montrons le projet social qui découle de notre théorie, et la
méthode qui lui est adjacente pour la négociation future, y compris par rapport au calendrier
de cette négociation.
- Dans un troisième temps, enfin, nous replaçons toute notre approche dans le cadre de la
Théorie du Système Mondial. A la fois source et aboutissement de notre théorie, elle aide
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celle-ci à s’équilibrer elle-même. Ainsi cette dernière pourra contribuer au partage des risques
entre les grandes régions, mais avec des perspectives d’autonomie, d’épanouissement, d’auto-
organisation qui y seraient aussi liées. Notre contribution engagée serait alors pour fixer un
programme repère, qui serait un projet social européen lié au calendrier. Ce calendrier est
celui du cadre d’analyse et de négociation des événements (monétaires, diplomatiques et
politiques, économiques et sociaux) internalisé selon nous dans l’euro. Face à une question
aussi grave, on ne peut quand on a étudié ces questions qu’être un scientifique engagé34.
Nous suivrons ce triple fil conducteur (les cycles longs politiques, et monétaires ; le projet
social adossé ; les contraintes du système mondial) tout le long de notre exposé. Celui-ci
requiert un effort d’attention, car nous ne parlons pas des cycles longs économiques et il faut
faire l’effort de se mettre au diapason des nouvelles interprétations des cycles longs,
politiques, monétaires. Il requiert aussi un effort de déduction. Nous affirmons des critères
simples, logiques, certains. Faute de place nous ne pouvons refaire tous les raisonnements,
mais nous espérons que le lecteur aura acquis la conviction, à l’issue de cette lecture, que
nous décrivons correctement un calendrier annoncé. Nous pensons en effet livrer ici très vite
les prémisses d’un exposé – qui figure beaucoup plus longuement dans notre Thèse – pour en
remplir le contenu, que les événements futurs, imprévus seulement en partie, se chargeront
bien de compléter.
3 Cela nous permet d’affirmer que les questions temporelles, sociales, géographiques, sont liées.
4 Cette dernière constatation nous permet d’affirmer que les différentes théories des cycles longs sont à la fois
plus compliquées mais aussi plus nécessaires que nous l’avons jamais pensé. Elles sont plus compliquées parce
que des cycles de temporalités et d’origines géographiques diverses peuvent s’influencer réciproquement, sans
que cela empêche pour autant la mise en évidence d’un phénomène cyclique long central, synthèse de tous les
autres et aisément reconnaissable à l’issue d’une procédure rigoureuse. Elles apparaissent donc d’autant plus
nécessaires : pour revenir à la méthode et distinguer l’essentiel de l’accessoire.
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I. – ALORS QUE DANS LE FEU DES NEGOCIATIONS, SUBSISTE TOUJOURS LE
RISQUE DU RETOUR EN ARRIERE VERS LE PIRE, LA THEORIE DES CYCLES
LONGS POLITIQUES NOUS PROPOSE D’AGIR SUR LE CALENDRIER, IMMEDIAT
ET « PERMANENT » - SUR CINQUANTE ANS – POUR TROUVER UNE SORTIE
ACCEPTABLE
I.1 La crise financière
Aujourd’hui, la crise financière, qui a commencé avec la crise hypothécaire américaine depuis
l’été 2007 et a pris un virage international dramatique depuis le 15 septembre de l’année
dernière, focalise l’attention des économistes et des gouvernants du monde entier. Les
particuliers s’inquiètent de la perspective de réduction de leur consommation. Les
gouvernants revoient leurs prévisions de croissance à la baisse. Et les banques restructurent
leurs bilans, voire, crient au secours auprès des Institutions Internationales. Alors même qu’un
Sommet Mondial l’automne dernier, le 15 novembre 2008 à Washington, a été convoqué en
urgence pour traiter de cette question. Et alors que le G20 s’est réuni le 2 avril 2009 pour
discuter du Nouvel Ordre Financier International. Un tel sujet a été beaucoup abordé par les
économistes depuis une bonne quinzaine d’années. Mais il ne l’a jamais été officiellement par
les dirigeants politiques depuis toutes ces années.
Mais cela ne voile-t-il pas en fait une crise bien plus profonde dans les relations
internationales, qui serait en quelque sorte le sous-jacent de la partie émergée, financière,
monétaire, et immobilière ? Au-delà de cette crise financière qui ne pourra être réglée en
moins de six mois, le temps de restructurer les bilans en vue de faire apparaître des garanties
crédibles… nous prédisons que les deux prochaines années seront nécessaires. Nécessaires
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pour adosser les perspectives de redressement et de rééquilibrage purement financières,
monétaires, fiscales, à un projet social ou à des projets sociaux et des visions politiques
nouvelles, permettant de faire renaître la confiance. Mais cela ne suffirait pas non plus encore
à dissiper une « hypothèque » bien plus grave. Nous connaissons aujourd’hui une crise
géopolitique qui commande d’urgence une prise de conscience générale, la mobilisation des
compétences spécialisées pour fournir des diagnostics et servir dans les négociations et afin de
mobiliser de nouvelles visions. Il s’agit de retourner l’échelle des risques de ces cinquante
prochaines années. Si nous ne nous mettons pas tout de suite au travail et n’en faisons pas un
chantier national, européen et mondial, dans dix ans il sera hélas bien trop tard.
I.2 Les théories des cycles longs politiques à la rescousse, et leur torsion par des auteurs
francophones (Marjolin, Dupriez) en cycles longs monétaires
Ce tableau actuel des risques qui sont en train d’émerger et même de se réaliser, comme nous
l’avons dit dans l’introduction, est la conséquence d’un calendrier précis de la grande crise.
Celle-ci, les très jeunes générations – moins de quarante ans – en France en tous cas, n’ont
connu que cela durant toute leur vie. Si nous ne parvenons à sortir du chômage de masse, de
l’endettement de masse, des nouveaux risques écologiques, des nouveaux risques
géopolitiques, que se passera-t’il ? La situation actuelle est critique, car nous sommes déjà
engagés dans un état de déséquilibre à l’heure de négocier l’essentiel : les chances d’équilibre
du XXIe siècle. Et maintenant il faut peut-être avoir le courage de parler d’une guerre
financière. Des créanciers, mais aussi des spéculateurs, aux abois, essaient encore de
s’échapper et de rejeter des risques sur les autres. Si nous ne pouvons parler franchement de
ces problèmes, vu le temps qui s’est déjà écoulé, il est impossible que la société tout entière,
dans ses facteurs d’équilibrage les plus profonds, les plus naturels, puisse espérer retrouver
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son équilibre structurel. Ces facteurs d’équilibrage nous paraissent être, notamment :
démographie, croyances politiques en faveur de la démocratie, ascenseur social.... Et si nous
n’y parvenons pas le vingt-et-unième siècle serait alors sans doute tout simplement une
immense tragédie collective. En réalité, tout ceci était annoncé, mais l’élément à maîtriser
pour trouver collectivement la porte de sortie d’une telle catastrophe, c’est la maîtrise d’un
calendrier à différents niveaux. Dans le cadre d’une société de communications, celui-ci est
aussi un calendrier incontournable pour les négociations inévitables et nécessaires. Notre
présentation de la théorie des cycles longs politiques qui suit, va donc peut-être vous paraître
en partie fastidieuse et ennuyeuse… à la mesure de son importance pour nous sortir de la
spirale infernale !
La fameuse théorie des cycles économiques longs de cinquante à soixante ans, développée par
le célèbre Nicolaï Kondratieff dans les années trente, a été popularisée dans les Trente
Glorieuses par Schumpeter. Pour ce dernier ces cycles, comprenant une phase dépressive de
vingt-cinq ans où la croissance ralentit, puis une phase d’expansion où elle s’accélère,
s’expliqueraient par le phénomène des vagues longues d’innovation. Celles-ci font émerger
périodiquement – tous les cinquante ans – de nouveaux secteurs qui restructurent les anciens
tout en organisant le crédit et provoquant la croissance… Cette théorie de Kondratieff dont la
principale pédagogie a été faite par Schumpeter, est relativement bien connue du public
familier d’économie. Plus restreint est sans doute le public de ceux qui savent que depuis les
années soixante-dix, de nouvelles théories des cycles longs se sont développées. Il s’agit cette
fois-ci de cycles longs à caractère politique. Ils dureraient entre un siècle (cent vingt ans pour
Modelski) et un siècle et demi (Goldstein pense cent cinquante ans). Et ils comprendraient
donc, environ, selon Modelski, deux cycles de Kondratieff qui se succèdent. La vision de
Modelski est par exemple la suivante. Un cycle allant de 1850 à 1975, avait vu la révolution
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politique dans l’histoire de l’Humanité, des négociations intra gouvernementales prenant des
décisions politiques, succédant au caractère ancien où chaque gouvernement prenait des
décisions de son côté… Depuis 1975 et ceci jusqu’en 2080 au moins, nous sommes au
contraire selon Modelski entrés dans un cycle long de « transition démocratique ». En clair, il
y a aujourd’hui 50% à la fois de peuples et d’Etat, qui vivent selon un régime démocratique.
Et cela peut nous permettre si nous prenons conscience de leur réalité, de contrer la
malédiction des cycles longs politiques qui ont toujours été jusqu’ici des cycles de guerres et
de paix. Mais il faut pour cela mobiliser cette prise de conscience dans la négociation, à
l’occasion des quelques « fenêtres » offertes par le cycle long comme Modelski souhaite nous
y inviter.
Ici nul besoin de rappeler l’antienne marxiste selon laquelle le capitalisme se nourrit des
guerres. Beaucoup de gouvernants y compris à droite ont admis que cette préoccupation n’est
pas sans fondements. C’est plutôt rentré dans les mœurs sauf dans quelques cercles étroits de
fondamentalistes, qui du marché et qui de la croisade occidentale afin d’imposer son sens de
l’histoire. Mais les spécialistes francophones des cycles longs de Kondratieff l’avaient
anticipé depuis les années quarante. Marjolin (1941) de même qu’Imbert (1959), avaient
privilégié l’explication des cycles de Kondratieff par le couple guerres internationales / procès
monétaire national.
Le Belge Dupriez à la même époque et jusqu’en 1966 (sa dernière édition) avait été le premier
à parler de cycles longs de la monnaie et du crédit. Ceux-ci sont couplés selon lui, à la
nécessité, pour harmoniser économie nationale et système géopolitique international, de
recourir à des « coups de barre politiques », à la fin des cycles longs. De tels phénomènes
brutaux se produisent donc quand les tendances, comme le crédit, ont par trop dérivé d’une
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tendance centrale, à l’issue d’une longue évolution, dont il ne précise pas nécessairement si
elle doit se produire à l’issue de la phase dépressive ou bien de la phase expansive. Même si
auparavant, avant ce « coup de barre », la propension à reconnaître l’existence d’un équilibre
du système est parfois selon lui purement psychologique voire subjective.
I.3 Sous l’égide de Modelski, l’avertissement de Goldstein
Il est à noter que selon Goldstein, c’est plutôt à l’issue des phases de croissance que se situent
les guerres car alors les nations hégémoniques ont suffisamment d’argent pour pouvoir les
financer en vue de maintenir leur hégémonie. Les deux grands chercheurs américains
Modelski (1983) et Goldstein (1988) comme ceux qui les ont suivis dans le monde, en
particulier Attina (2005) en Italie, Arrighi (1995), Chase-Dunn (1999), Bornschier (1999) en
Suisse, tous ont reconnu la pertinence du schéma de Modelski.
Cependant, il est à noter que Dupriez se situe dans la lignée des penseurs en économie
disciples de Kondratieff. C’est la raison pour laquelle il ne décrit pas nécessairement un
calendrier précis qui, de fait, dans l’échelle des responsabilités des différents décideurs, relève
pratiquement toujours du politique même si celui-ci peut être influencé. Son propos est plutôt
de montrer qu’il existe une autre logique à laquelle ne se réfèrent presque jamais les
économistes les plus orthodoxes, celle des cycles longs. Cette logique permet mieux que les
équations habituelles le dialogue entre conscient et inconscient qui pèse tant dans l’évolution
des mentalités, donc des lois, donc de l’économie réelle. La théorie des cycles longs
monétaires précède un peu les principales théories des cycles longs politiques qui trouvent
leurs sources dans les années quatre-vingt. Mais il y avait eu aussi des précurseurs, assez
isolés, de la théorie des cycles longs politiques, dès les années quarante et cinquante.
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Goldstein aussi bien que Modelski sont, eux, des auteurs en science politique. Ils décrivent
une horloge du conflit, un système dans lequel le sous-système politique et le sous-système
économique se co-développent, mais qui s’impose dans sa brutalité nue aux décideurs
suprêmes dans les pires moments. Ces moments auraient jusqu’ici presque toujours imposé
leur formatage à l’histoire. Et tant que nous n’aurions pas pris conscience de cette logique,
nous en resterions prisonniers.
D’après Modelski (2006), le cycle long politique comporte quatre phases. La première (1975-
2000) viserait à dessiner un nouvel agenda avec de nouvelles questions (environnement,
révolution de la communication…). Puis de 2000 à 2026 une coalition se constituerait, ou
peut-être plusieurs. Les deux phases qui suivraient alors dureraient aussi vingt-cinq ans
chacune. L’une pourrait donc bien être marquée, selon Modelski, par une très grande guerre,
une guerre mondiale. La dernière enfin serait une période à la fois de forte croissance dans le
domaine économique. Et ce serait aussi une période où les nouvelles valeurs politiques faisant
l’objet d’un consensus auprès du système mondial se seraient imposées. Dès lors tous
reconnaissent le risque de guerre mondiale entre 2026 et 2050, mais Chase-Dunn et Podobnik
(1995) osent affirmer ce risque dès la décennie des années 2010’. Goldstein et Modelski
parlent de la décennie des années 2020’ comme celle de tous les dangers et du risque d’une
guerre localisée en Asie, mais dans laquelle seraient impliqués Etats-Unis, Europe, Russie et
Japon. Si l’on ne sort pas de ce schéma déduit scientifiquement5, voilà donc vers quoi on
5 Ces théories s’appuient sur des études statistiques systématiques et rigoureuses, à partir de l’étude de la
fréquence comparée d’événements tels les batailles navales, ou encore le nombre de morts à l’occasion des
combats livrés entre Etats. Le tout est mis en rapport avec d’autres événements sociaux, ou encore des inventions
technologiques ou scientifiques. Enfin le processus d’analyse est rigoureux et couvre de longues périodes. Par
exemple, Goldstein étudie les cycles de guerres et de paix en Europe de 1300 à nos jours. Jusqu’en 1945, on ne
peut guère lui donner tort au vu de la rigueur scientifique de la démarche. Cependant, un réel enjeu consiste à
13
court. Il faudrait dans ce cas attendre la dernière moitié du vingt-et-unième siècle pour
connaître à nouveau une très forte croissance, les acquis de la « transition démocratique »
désormais bien ancrés en nous et après 2080 enfin une « gouvernance globale ».
II. – GRÂCE AU CALENDRIER PERMIS PAR LA THEORIE DES CYCLES LONGS
POLITIQUES, NOUS VOYONS UNE FENÊTRE DE NEGOCIATION S’OUVRIR, OÙ
NOUS POURRIONS DISCUTER DU CONTENU : GEOGRAPHIQUE AUTANT QUE
SOCIAL
II.1 Le projet social attendu comme la seule façon de désamorcer les risques ? Un
calendrier serré pour tout le monde comme pour les négociateurs… Une nouvelle
théorie des cycles longs monétaires
Hélas, il nous semble en effet qu’il est urgent, dans la lignée de Dupriez (1966), de brandir un
projet social qui permettrait de commencer à aborder la négociation qui nous attend : avec
fermeté et sans faux fuyants. Mus par un sentiment d’affirmation de ce que nous savons,
scientifiquement déduit au cours de notre Thèse, nous pensons devoir présenter une théorie à
la fois riche et complète. Cette théorie scientifique voudrait que l’euro soit le garant d’un
projet social représentant un équilibre entre propriété privée, propriété sociale et propriété de
soi. On peut étudier les régressions statistiques des cycles longs précédents montrant que la
Livre Sterling à l’époque de l’étalon or n’avait guère pu défendre que la propriété privée. Ceci
dit d’une façon suffisamment caricaturale pour revêtir un intérêt scientifique. On prêtait au
critiquer les éléments de causalité retenus traitant des périodes les plus récentes – de 1945 jusqu’à nos jours, ou
bien concernant l’avenir…
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grand économiste Milton Friedman la citation « plus une théorie est caricaturale, plus elle a de
chances d’être utile ». Pour lui, ce qui comptait scientifiquement n’était pas tant le « les
choses se passent de telle façon », que le « tout se passe comme si les choses se passaient de
telle façon » (son fameux « tout se passe comme si »). Ce positionnement particulier de ce
que la Livre Sterling avait à financer a entraîné frustration et conflits aux frontières de
l’Europe, puis l’effondrement dans la guerre mondiale. Ce qu’elle avait à financer était un
développement économique général moyen avec des contraintes politiques particulières,
notamment en termes de coercition, connues et le plus souvent subies par les différentes
nations. Susan Berger (2003) écrit aussi sur la première mondialisation financière, entre 1870
et 1914 et les débats politiques passionnés qu’elle a entraînés dans les partis politiques de
gauche à l’époque en faveur de, ou contre, le protectionnisme, notamment. Là où le cycle de
la £ est venu buter à la fin sur trente ans de guerre, crise puis guerre… le dollar depuis la
Libération semblait avoir réussi à équilibrer propriété privée et propriété sociale dans un
consensus permettant le développement du crédit. Mais cela peut sembler avoir entraîné aussi
la recherche du consensus comme une fin en soi. On peut fort bien s’imaginer alors comment
cela a entraîné aussi par la suite – de plus en plus violemment ces dernières années - des effets
d’éviction sociaux, des excès de défiscalisation. Les esprits les plus échauffés ou les plus
politisés invoquent alors « l’ultra libéralisme », considéré comme ultime recours alors qu’il
accélère la marche, voire, amplifie les risques. Ces derniers phénomènes, on peut sans doute
largement les constater6.
6 Nous complétons les grandes lignes de notre théorie afin que le lecteur dispose bien de tous ses paramètres. Le
cycle long de la £ (1848-1945) a permis de défendre la propriété privée. L’idéologie sous-jacente était le
libéralisme. Le dollar (1917-2015 ?) a permis d’équilibrer propriété privée et propriété sociale. La méthode de
négociation liée apparaît être la social-démocratie. L’euro hérite des déséquilibres d’un système qui s’est entre
temps démesurément complexifié et élargi. Il ne peut permettre à ce système de retrouver son équilibre qu’en
cherchant les moyens d’équilibrer propriété privée, propriété sociale, propriété de soi, pour porter l’exigence du
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Malheureusement, on peut alors déduire une suite probable, si on croyait au retour de
« cycles » se reproduisant à l’identique. Il nous faut préciser que les théories des cycles longs
prétend – tous ses spécialistes adhèrent à ce principe – plutôt avancer un cadre qui permettrait
d’anticiper et de prévenir le pire. Elles ne sont nullement des théories déterministes, elles sont
des théories évolutionnistes, dans la lignée de Kondratieff et Schumpeter, puis des auteurs des
théories de cycles longs politiques. Même un intellectuel, philosophe et économiste majeur
comme Jacques Attali (2008) prédit un scénario extrême de réalisation de risques tels ceux
que nous décrivons, probable, qui ne contredit donc nullement notre type de projection
intellectuelle dans le futur. Nous essayons d’y apporter la caution des grands écrits des
spécialistes en théorie des cycles longs politiques. Puis aussi celle des rares auteurs en théorie
des cycles longs monétaires (Simiand 1932, Marjolin 1941, Imbert 1959, Dupriez 1966,
Chistilin 2006, Jourdon 2007).
Nous passons alors d’une tentative de vulgarisation scientifique à un essai de débat public
dans le cadre de la démocratie à l’ère des risques globaux disséminés, soit une démocratie
participative. Et nous faisons alors des propositions qui peuvent être considérées comme
recélant une valeur politique. Nous espérons que des décideurs importants nous les développement jusqu’au niveau de l’individu, ce qui nécessite désormais de penser la justice durable. Les
idéologies autour restent à être précisées. Cet horizon de la volonté affirmée des politiques, aujourd’hui en
charge d’un modèle discret, qui devra demain être exposé au grand jour, supposera d’intégrer de nouvelles
dimensions dans les relations de propriété reconnues. Ces nouvelles dimensions sont notamment : formation tout
au long de la vie et sécurité sociale professionnelle, justice durable. Chaque nouveau cycle comprend trois
phases d’une trentaine d’années chacune. 1) Au début existe une phase de constitution de réserves tant juridiques
que financières vis-à-vis du régime précédent et de sa devise-clef. 2) Elle est suivie par une phase d’influence
mais aussi d’endettement croissants. 3) Enfin surviennent déclin, coopétition et passage obligé du relais. Chaque
cycle long, chaque nouveau système, doit apprendre à gérer une complexité structurelle toujours plus grande par
rapport à ce qu’était celle du cycle long ayant précédé.
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emprunteront tout en signalant les sources afin de faciliter les recherches des lecteurs. Sinon
nous serons nous-mêmes obligés d’adopter une attitude volontairement ou naturellement
« provocatrice », compte tenu de l’importance et de l’ampleur du thème.
II.2 Le projet social attendu comme la seule façon de désamorcer les risques ? Un
calendrier serré pour tout le monde comme pour les négociateurs… Projet possible et
méthode collatérale attachée à ce projet
Il faudrait se forger un modèle de grands projets mobilisateurs pour l’Europe (tous les dix ans
environ). Ces projets commenceraient par cette Europe sociale afin d’aller vers un équilibre
psychologique interne à l’Europe, en faisant converger logique chronologique du cycle long –
cycle des affaires après cycle des affaires – avec sa logique structurelle profonde. Ce serait
aussi, certainement, vouloir aborder à rebours tous les risques qui nous guettent si nous ne le
faisons pas. Car le cycle de Kondratieff qui commence repartira en s’appuyant sur de
nouvelles sources d’énergie… Ayres (2006) démontre en effet que les cycles longs de
cinquante ans ont toujours été marqués par une technologie nouvelle d’exploitation de
l’énergie : vapeur, charbon, pétrole, dans l’ordre. Quoiqu’aujourd’hui on pourrait avoir un
panel de différentes ressources en énergie, brutes ou retraitées puisque notre économie s’est
toute entière extrêmement diversifiée. Mais en tous cas, si la nouvelle technologie dans ce
domaine s’avérait être le nucléaire, cela contribuerait logiquement - toutes choses égales par
ailleurs - à accélérer la confrontation malheureusement toujours possible avec des risques
saillants. Parmi ces risques se trouvent la question et les risques de prolifération. Il nous faut
signaler les interactions multiples qui nous dissuaderaient de cibler un seul pays sans tomber
non plus dans le piège de « l'axe du mal » ni dans la croyance dans un extrémisme du «
terrorisme généralisé » en Asie. Il est même possible que, notamment à cause de ces risques et
17
aussi faute de garanties suffisantes sur une vision d’avenir apte à sécuriser les
investissements, un nouveau cycle long aurait pu commencer. Il aurait démarré pour tout le
monde depuis les années quatre-vingt-dix. Puis aurait été brutalement stoppé. C’est ce que
suggèrent pour leur part Mensch (2006) et Ayres (2006).
Quand nous parlons d’ « aborder les risques à rebours », nous voulons dire qu’on peut lister
des risques, selon leurs caractères urgents et / ou importants, noter les interdépendances entre
eux. Puis nous pouvons dans le même temps nous forger une conception générale du cycle
long qui s’annonce. Celui-ci mourra – dans sa troisième phase – sans doute de limites qui
étaient contenues dès son début, qui sont connues dès aujourd’hui comme des risques de
désagrégation du Système Mondial présents dès le début du nouveau cycle long. Le nouveau
cycle long est un cycle long économique et à la fois un cycle long politique de cinquante /
soixante / soixante-dix ans. Ils sont eux-mêmes contenus à la marge dans un cycle long
monétaire de soixante-dix à cent ans qui les enveloppe et les assure. Et ces deux natures de
cycles sont contenues elles-mêmes dans une variabilité générale appelée « cycle long
hégémonique » de cent-vingt à cent-cinquante ans. Cette dernière décrit les frontières du
système hégémonique, actuellement américain, exerçant un relatif monopole sur l’économie,
la finance et l’armée. Ce monopole, il faut pouvoir en discuter à l’occasion des « fenêtres à la
Modelski ». Car le cycle long est la répétition d’un cadre d’analyse, mais permet d’ouvrir de
nouvelles fenêtres qui font que l’on peut distinguer cycle et tendance. La théorie des cycles
longs permet de renseigner à la fois le cycle et la tendance, grâce à sa capacité unique dans la
science de penser les interactions entre conscient et inconscient, et leurs conséquences dans
nos vies. Cela fait, le véritable enjeu à la fois pour les scientifiques, pour les négociateurs et
pour les dirigeants, sera de percevoir des « points de retournement » du cycle long allant des
années 2000 à 2060 au plus tard. (Car après 2060 nous serons vraisemblablement dans une
18
réalité d’une autre nature que celle d’aujourd’hui.) Quand nous avons des points de
retournement, nous pouvons retourner à l’extrême fin du cycle qui aujourd’hui commence,
puis revenir en arrière vers les risques les pires que nous anticipons aujourd’hui au cours de ce
cycle. Par exemple, si nous anticipons une attaque nucléaire de grande échelle en 2025 il nous
faut voir pourquoi : ce que ceux qui auraient intérêt à l’orchestrer, anticiperaient pour la suite,
ou l’impasse dans laquelle ils se trouveraient. Alors, nous pourrions remonter dans la chaîne
des conséquences logiques, plus près de l’époque actuelle, et voir comment dénouer les
problèmes s’il est encore possible d’y penser.
A noter que tous ces cycles interagissent les uns vis-à-vis des autres. Nous parlons des trois
natures de cycles longs : politiques, monétaires, et économiques. Mais nous parlons même
aussi des « cycles des affaires », de sept à onze ans, de Schumpeter, vis-à-vis des cycles longs.
Car il existe des impacts réels des périodes de hausse et de baisse à moyen terme, vis-à-vis
des dispositions d’esprit des acteurs, des citoyens ou des négociateurs. Ces impacts sont réels
en vue d’aborder une négociation portant largement sur « l’inconscient collectif », celle des
cycles longs. Et d’ailleurs cette interaction est une dimension cruciale qui implique selon nous
une organisation collective mais rigoureuse du débat, une forme de démocratie participative7
7 U. Beck, dans « La société du risque » (1986), annonce que nous sommes désormais entrés dans une société où
les individus se positionnent – et sont positionnés - non plus tant par rapport à leur classe sociale que par rapport
à leur classe de risque. Cela veut dire que la société ne redistribue plus d’abord des revenus, mais d’abord des
risques. Il en déduit qu’en plus du monde de la politique, très institutionnel, diplomatiquement policé, d’où son
aspect « représentatif », il faut faire intervenir aujourd’hui le monde de la subpolitique, qui était jusqu’ici
toujours resté relativement dans l’ombre. Les entreprises, le monde de l’économie doivent aujourd’hui intervenir
dans les débats politiques sur les risques, car elles y ont une part importante de responsabilité, pour le meilleur et
pour le pire. Bien qu’ayant un fonctionnement qui n’est en rien dicté par des impératifs de démocratie mais
plutôt par des impératifs d’efficacité, les entreprises devraient donc trouver leur place naturelle dans ces débats.
19
8. Si nous n’arrivons pas à agir sur les points de retournement, à la fois en quantité et en
qualité – voire, en nature… – alors les aspects inconscients, fatals, annoncés du cycle se
réaliseront et ce cycle méritera – malheureusement – son nom de cycle. Si par contre la
pensée du cadre nous permet de repérer les points de retournement, cela comportera des
conséquences vertueuses à la fois en termes de démocratie et de préparation plus rationnelle et
scientifique de notre futur. Cette « pensée du cadre » nécessite à la fois une connaissance
approfondie des auteurs qui en ont parlé, et une analyse tout aussi approfondie de la situation
actuelle. Celle-ci n’est en effet pas la situation de la période précédente, ni socio-
économiquement, ni politiquement ou géopolitiquement, ni culturellement, écologiquement
ou monétairement. Si nous y parvenons, nous refinancerons efficacement le système tout au
long. Nous pourrons trouver des garanties rationnelles, selon la nature des phénomènes
dominants. Et nous pourrons classer les phénomènes entre eux, d’une façon à la fois Font également partie du monde de la subpolitique de ce point de vue : les médias, la justice, les associations de
consommateurs, tous les professionnels qui ont leur mot à dire sur les risques, et les particuliers qui peuvent
avoir à les subir. Ils ne peuvent non plus s’abstraire d’un tel débat, que ce soit par choix, voire, par force. Beck
annonce alors l’ère de la « démocratie participative », du moins une ère où la « subpolitique » acquiert ses lettres
de noblesse. Cela n’a fait que se confirmer par la suite, même s’il reste sans doute du chemin à faire pour que
cette nouvelle dimension se trouve stabilisée. C’est pourquoi nous n’hésitons pas à parler de la « démocratie
participative » pour chercher à placer notre débat – pas le seul lieu où il doive être placé.
8 En 1959, Imbert dit qu’il est temps que, un quart de siècle après les apports de Kondratieff, les dirigeants dans
nos sociétés soient bien conscients de l’existence des cycles longs économiques, au point d’en tenir compte dans
leurs politiques. Le chemin depuis lors est aussi passé par l’émergence des cycles longs monétaires et du crédit,
puis par l’affirmation des cycles longs politiques, enfin celle des nouveaux cycles longs monétaires. Ces
nouvelles dimensions revêtent un caractère éventuellement plus englobant. Elles constitueraient dans ce cas des
points d’arrimage supplémentaires en vue de capter « l’inconscient collectif », qui est peut-être la « part
maudite » (l’expression est de Georges Bataille en 1949 – publié en 1967) de nos sociétés, pour vaincre nos
démons face à l’avenir. Nous pensons quant à nous que la nouvelle étape serait que tous les citoyens puissent
acquérir des lumières sur cette approche, y être formés.
20
économiquement moins coûteuse (que sans cette méthode), et démocratiquement plus
acceptable9. Nous améliorerons l’environnement dans lequel les humains souhaitent
légitimement habiter. Voilà pour la méthode.
II.3 La contrainte du temps pratique de la négociation
En réalité, nous n’avons certainement pas dix nouvelles années pour aborder les risques à
rebours, de la façon dont nous venons de parler. Il serait urgent et important de passer, dans le
cadre de la démocratie participative, de leur listage vers un plan de négociation et de
reconstruction – social et fiscal, de Civilisation et inter civilisations, etc.- systématique. Car
cette vision assurantielle devrait être prête le plus tôt possible et selon nous dans tous les cas
avant 2015. Notre collègue Chistilin (2006) d’Ukraine, un auteur important en théorie des
cycles longs monétaires, signale aussi, avec une qualité d’anticipation qui fait honneur à la
pensée stratégique issue des pays ex membres de l’URSS, le caractère marquant de 2015. Ce
serait selon lui la fin d’une longue période de « bifurcation » du Système Monétaire
International (1965-2015) avec une croissance mondiale modérée. Cette dernière période fut
celle marquée institutionnellement par le régime de taux de change flexibles, décidé in fine
lors des Accords de La Jamaïque en 1976. La fin du cycle long monétaire selon lui serait une
période dite « d’adaptation » (2015-2035), plus courte mais marquée aussi par une plus forte
croissance mondiale coordonnée, les rattrapages de la Périphérie vis-à-vis du Centre du
Système Mondial ayant alors eu lieu. Nous en déduisons une conséquence simple et logique.
Pour une coordination optimale de la relance au niveau mondial, avec toutes ses dimensions 9 Si l’on en croit les augures de la « démocratie participative »… celle-ci est un peu comme, dans le domaine des
relations internationales, l’approche multilatérale : plus coûteuse – du moins en temps – au départ, elle
permettrait de se rattraper par la suite… à condition toutefois de maîtriser les risques, décidemment un enjeu
déterminant.
21
requises, il nous faut avant 2015 un modèle de gestion préventive des risques. Par dimensions
requises du plan de relance, nous entendons investissement et consommation, mais aussi
l’objectif nouveau et important de la justice durable. Pour être opérationnel, il faudrait afin de
créer la confiance nécessaire et être efficace, qu’il recueille l’accord plein et entier des
politiques, à l’Ouest, à l’Est et au Sud1011.
10 Nous produisons cette note afin de tâcher de donner tous les éléments de repères au lecteur. Celui-ci pourra
ainsi juger des différences d’évaluation entre théories, soit pour se faire son opinion, soit au moins pour se poser
des bonnes questions. Quelles sont les différences entre la théorie de Chistilin (2006) et la nôtre ? Chistilin parle
de 1825-1895 pour le cycle long monétaire de l’étalon-or, de 1895-1945 pour celui du régime de Bretton Woods,
de 1945-2015 pour celui du régime de changes flottants. Il parle de régimes monétaires alors que nous parlons
plutôt d’attributs monétaires. Il privilégie le cadre alors que nous examinons l’actif spécifique plus ou moins
inclus dans ce cadre. Nous parlons de 1848-1945 pour le cycle long monétaire lié à la £, 1917-2015 pour celui
qui serait lié au $, 1992-2090 pour celui de l’euro. A première vue, ni la longueur des périodes, ni leurs dates de
début et de fin, ni leur contenu ne sont les mêmes. En réalité, notre théorie comprend des « cycles imbriqués »,
d’où la différence de longueur des cycles. Sans cette précision nos théories seraient très semblables. Cependant,
la théorie de Chistilin apparaît plus anticipatrice sur les racines mêmes du pouvoir grâce au Système Monétaire
International, prévues longtemps à l’avance. Pour notre part nous nous bornons à constater la charge, pour le
meilleur ou pour le pire, qui a reposé sur les épaules de devises-clefs successives en vue d’assurer les rapports de
propriété officiellement reconnus comme légitimes entre agents. Il a pu s’agir à ce sujet de la propriété privée, de
la propriété publique, ou de la propriété de soi. Les deux théories montre la complexification progressive du
système à traiter par les autorités, à chaque fois qu’un cycle long succède à un autre. La théorie de notre collègue
montre plus de recul par rapport à ce pouvoir monétaire « mondial de fait » proprement indiqué. Et de ce fait,
une telle source a intérêt à davantage anticiper si elle veut conquérir davantage de pouvoir partagé à l’avenir. Il
n’y a donc pas vraiment de contradictions entre nos théories. Surtout au regard de l’avenir.
11 Nous devons faire aussi une autre remarque qui nous paraît essentielle. On peut considérer que les pouvoirs
politique et monétaire sont assez proches l’un de l’autre dans le cadre des relations internationales. Nous en
voulons pour seule caution, pour le moment, la Théorie du Système Mondial. Le fait que dans les cycles longs
monétaires de Chistilin il y ait une longue période de cinquante ans de « bifurcation », puis une courte période de
vingt ans d’ « adaptation », confirme la contrainte qui a toujours pesé sur la Semi-Périphérie. Cette contrainte qui
22
Dans le cas de l’Europe, D. Strauss-Kahn (2003) dans son rapport demandé par le Président
de la Commission Européenne R. Prodi « Cinquante propositions pour construire l’Europe
Politique », disait la justice durable clef de voûte des futures politiques. Nous nous référons
ici à lui et à sa vision, sur ce point si important tant en théorie que pour le futur de nos
politiques en pratique. Une telle vision, qui s’appuie sur les acquis de la science et de
penseurs majeurs et par la force des choses engagés, ainsi que les outils qui vont avec, sont un
des principaux projets sur lesquels nous souhaitons nous concentrer dans les années qui
viennent.
touche avant tout la Semi Périphérie, consiste à devoir souvent recourir à des « coups de barre » politiques pour
s’adapter au Système Mondial, en fin de cycle long. Par contre, en anticipant suffisamment sur les évolutions du
Système Mondial lui-même, il y aurait sans doute la possibilité en tendance, c’est-à-dire au-delà du seul cycle
fut-il long, de s’équilibrer (non dans l’absolu mais relativement au Centre) petit à petit pour faire reculer ce
risque de recourir à un « coup de barre ». La présence de cette menace planante rend la théorie de Chistilin
vraiment compatible avec celle de Dupriez (1966), père de la notion de « coup de barre ».
23
III. – LA THEORIE DU SYSTEME MONDIAL, A LA FOIS SOURCE DE NOTRE
REFLEXION AVEC LES THEORIES DES CYCLES POLITIQUES ET MONETAIRES
LONGS, ET POINT DE RETOUR DE NOTRE DEMARCHE POUR UN EQUILIBRAGE
DES NOUVELLES THEORIES DES CYCLES LONGS MONETAIRES
III.1 De la théorie à la pratique. Pédagogie de négociation, partage, gestion des risques
en vue de sortir de la crise par le haut, au moyen d’un projet social qui devra être
financé globalement, et juste pour différentes régions du monde. Sources d’une
cohérence
Nous venons de voir la perspective de la crise financière actuelle vis-à-vis des différents
débats, à la fois intellectuels et « grand public », qu’elle appelle. Ceux-ci paraissent emboîtés
les uns dans les autres tels des poupées russes. Nous voyons aussi le tour dramatique que leur
infligerait d’emblée leur influence par la Théorie des Cycles Longs Politiques dans la tradition
de Modelski (1983) et Goldstein (1988). Pour ces deux auteurs, parmi les plus en vue de
l’Ecole des Cycles Longs Politiques, les risques suivants peuvent être prévenus dans le futur,
mais il n’est pas certain que l’on y parvienne. Il s’agit – c’est le schéma de Goldstein qui
s’inspire de la méthode d’analyse de Modelski et en tire des conclusions très précises face
auxquelles il ne faut rester ni inerte ni angélique ni fataliste – d’événements suivants. Des
guerres plus importantes que les autres tous les cinquante ans dans le monde culminent dans
des guerres pour la conquête de l’Hégémonie tous les cent vingt ou les cent cinquante ans. Et
enfin un risque de guerre mondiale située probablement en Asie, impliquant Europe, Russie,
Etats-Unis, et Japon, est prévisible pour les années 2020’, possible pour Chase-Dunn et
Podobnik (1995) dès les années 2010’. La contrainte du temps et des cycles longs politiques
de guerres et de paix, nous placent tous, mais surtout nos dirigeants ainsi que tous les acteurs
24
du débat plus ou moins participatif, sous très forte pression dans les quelques années qui
viennent. Au plus tard dans les dix prochaines années, si nous voulons échapper à la
régression vers le pire en répétant les scenarii du passé, il nous faut dès à présent agir
collectivement de façon beaucoup plus intelligente que nous ne l’avons fait.
En réalité, ces perspectives extrêmes étaient bien sûr plus ou moins annoncées par l’évolution
du débat depuis les années soixante-dix. Ainsi, après les décennies soixante-dix et quatre-
vingt, qui ont vu un approfondissement de la crise économique et sociale, à partir des années
quatre-vingt-dix la crise se déplaça sur le terrain ouvertement politique. C’est alors une
décomposition du système qui se manifesta, non seulement par la chute désormais réalisée de
l’Empire Soviétique, mais aussi en interne à l’Europe par une réduction relative de l’espace
démocratique : la pensée unique en matière économique. Quant aux Etats-Unis la marche vers
le bushisme, en l’occurrence un réarmement spectaculaire en vue de défendre le Système
Mondial, ou au contraire préparer ses mutations… mais sous un angle avant tout militaire !
Reste-t-il dès lors une marge pour une vision harmonieuse et ne réduisant pas l’espace du
débat ? Il nous semble encore possible au contraire de le rouvrir, une fois posés quelques
fondamentaux. Ceux-ci devraient être à la fois des paramètres scientifiques, et des garde-fous
pour le débat public : pour une vision permettant non seulement de lister les risques qui nous
menacent, mais aussi d’y répondre de façon préventive. Le but ne serait-il pas de rétablir un
espoir de vie future heureuse, solidaire, prospère, pour nous, la génération de nos enfants, nos
conditions d’habitat ?
25
En effet les aspects temporels, géographiques, sociaux, sont bel et bien liés12.
III.2 Entre le cycle, objet temporel servant à gérer le calendrier, et projet social,
l’unique et le multiple du sujet géographique
Comment profiter d’une « fenêtre de négociation du cycle long à la Modelski » ? Une telle
fenêtre s’ouvre en ce moment à nous, seule chance s’il en est une de la crise financière qui
prend nos pays, nos grandes régions et nos secteurs d’activité économiques ainsi que
l’épargne des ménages, cruellement à la gorge…
Il faut pour renouer avec de nouveaux rythmes et cycles, sortir de la dépression ambiante et
son corollaire les paniques des banques et des marchés financiers, laisser un instant,
paradoxalement… derrière nous cette pression du temps et des cycles longs. Nous pourrions
12 La théorie néo-marxiste du Système Mondial, que nous allons maintenant appeler à la rescousse comme les
auteurs libéraux américains Modelski et Goldstein l’ont fait, part de l’analyse de la domination d’un Centre
géographique, mais aussi politique, diplomatique, militaire, sur une Périphérie. Peut-être, dans le cadre de la
démocratie participative aussi, vaut-il mieux partir d’un contenu géographique que d’un contenant, une avance
dans le temps qu’auraient les économies les plus développées pour investir dans les pays dominés. Une telle
« avance » leur permettait certes de se développer mais sous contrainte d’endettement, laquelle entraîne en retour
d’autres dominations : économique, politique, culturelle. A priori, une telle source de la réflexion n’aurait aucun
rapport avec la théorie monétaire. A posteriori cependant, si on arrive à démocratiser le crédit, à gérer sainement
les banques, à rendre plus souveraine la monnaie des pays émergents, et moins dollarisées leur économie et leur
société, nous aurons constaté plusieurs points essentiels. On aura remarqué qu’on peut en fait, partir, soit du
temps qui permet de créer de la valeur, soit de la géographie, soit enfin du projet social, de façon assez
indifférenciée, tant que l’on reste dans une analyse du Système Mondial et de ses chances d’évoluer… Cela
permettra de trouver des arguments en faveur de l’édification d’une nouvelle monnaie devise-clef qui serait plus
« souveraine » que la précédente, car source d’un rapport d’exploitation mieux accepté.
26
alors aborder la dimension géographique telle qu’elle est exprimée dans la Théorie du
Système Mondial. Puis enfin le projet social vers lequel l’Europe devrait selon nous aller,
mais qui, tel que nous pouvons l’exprimer aujourd’hui, ne pourrait l’être pour le moment que
par défaut13.
La théorie du Système Mondial, et ses grands apôtres Amin (1973, 1976, 1992, 1994, 1996),
Wallerstein (1983, 2000), Gunder Franck (1998), Arrighi (1995), Chase-Dunn (1995, 1999),
Bornschier (1994, 1999), Tausch (2003, 2006), Henrique Cardoso et Tricoire (1991), posent
l’existence d’un Centre et d’une Périphérie de l’économie, la société, la politique mondiales.
Dans cette théorie, Centre et Périphérie exercent des relations dialectiques entre eux le long de
cycles longs. La conséquence en serait l’appauvrissement relatif du Tiers Monde par le moyen
de la domination presque absolue du Nord. Mais si le caractère de cette théorie ainsi exprimée
– qui est aussi, par ses fondateurs néo-marxistes, une théorie de l’expansion du capital et du
capitalisme dans le monde – peut paraître un tantinet schématique, sa contradiction pourrait
paraître vite apportée. Pour pointer la contradiction, ne suffit-il pas de montrer l’émergence de
nouveaux pays dans l’économie-monde. Cela ne clôt cependant pas le débat, car on peut
remarquer que la portée de cette théorie portée au départ par Samir Amin et aujourd’hui
largement reconnue, s’illustre en fait d’abord par l’analyse de la situation des pays de la Semi
Périphérie. Une telle théorie, créée par un auteur néo-marxiste, a largement été réutilisée par
des auteurs en science politique, « libéraux » au sens américain, tels le sont sans doute
Modelski et Goldstein.
13 Car il y a trop de sujets tous liés et pratiquement jamais abordés. Le triptyque monnaie, budget, frontières pour
l’Europe serait l’horizon naturel du débat politique. Cependant dans le débat public réel, il n’est jamais abordé
globalement en proposant une vision totalement claire et indiscutable. Tout simplement parce que la question
n’est jamais abordée dans ces termes.
27
Les non prises en compte des théories des cycles longs politiques et du Système Mondial
seraient propres à entraîner un durcissement du monde actuel – à la fois aux niveaux
économique, social, géopolitique, et dans l’aspect de la domination culturelle. La Théorie du
Système Mondial a aussi été appuyée par deux autres Théories très riches : la Théorie de la
Dépendance Structurelle de Henrique Cardoso14 et sa traductrice française Cécile Tricoire
(1991), la Théorie de la Violence Structurelle de Galtung15 (1971) et Hoïvik (1971).
Aujourd’hui les dominations, qui passent souvent par le prisme de la culture, paraissent
parfois voilées, mais la crise actuelle nous montre l’étendue d’un malaise corroboré par l’état
de grand déséquilibre qui frappe aujourd’hui brutalement l’ensemble du Système Mondial.
« A la marge », nous en voulons pour preuve le fait que les Etats-Unis « aident » l’Europe à
leur façon, en maintenant une très forte « pression » à ses alentours. C’est l’exemple, récent,
pas vraiment réglé après huit ans d’occupation par l’Amérique de l’Irak, de la guerre qui a eu
lieu dans ce pays. Cette pression joue donc au Sud, avec les drames du chômage et du sous-
emploi en particulier touchant les jeunes des pays arabes. Et elle joue aussi à l’Est, où l’on
observe que la panique financière connaît parfois des manifestations encore plus brutales à
Moscou que sur d’autres places financières, occidentales et extrême asiatiques. En réalité,
14 Les pays de la Périphérie, comme le Brésil ou l’Argentine, sont dépendants de ceux du Centre, comme les
Etats-Unis ou la France, ou même l’Union Européenne. Même si on ne prône pas pour eux nécessairement la
Révolution pour s’en sortir – Henrique Cardoso théoricien devint Henrique Cardoso Président social-démocrate
du Brésil qui assainit le système bancaire de ce pays -, les réformes éventuelles doivent partir de là.
15 Les pays de la Périphérie subissent de la part du Centre une Violence Structurelle, c’est-à-dire une forme de
violence qui est incrémentée dans les rapports entre Centre et Périphérie. Les conséquences en sont incrémentées
de même que les causes. Cette Violence Structurelle se réalise par des chocs sur les conditions vitales de ses
habitants, sur les ressources dans ce domaine, telles l’éducation et la santé. Cela entraîne une diminution relative
et objective de l’espérance de vie des habitants des pays placés dans la Périphérie.
28
l’Europe ne pourrait résister à une telle pression, sur le fond des mouvements sociaux qui sont
prêts d’accoucher mais pourraient être un peu reportés, qu’en négociant de nouvelles marges
de manœuvre. Continuons à être « caricaturaux » dans le but d’être utiles : cette négociation
vis-à-vis du Sud concernerait d’abord les valeurs et « l’information » - jusqu’où une société
aurait-elle pu être religieuse ? Vis-à-vis de l’Est au contraire elle concernerait une source
d’élasticité de l’intérêt économique qu’est l’énergie.
Parler de l’espace géographique : c’est parler du Système Mondial… c’est donc parler avec
Tausch (2006) de la volonté de domination culturelle ! Mais pour évaluer la situation de
l’Europe élargie à la question du Système Mondial, nous nous devons de préciser que
l’économie monde (au sens de Braudel 1985) s’est constamment et démesurément étendue
depuis cinquante ans. Nous parlions précédemment des 50% de pays « démocratiques » selon
Modelski. Tout aussi pertinente serait la référence à 50% de pays « monétarisés » aujourd’hui
– notamment en constatant que leur masse monétaire dépasse aujourd’hui le montant de leur
épargne accumulée. Ce dernier phénomène paraît volontiers un choc « quantique » dans le
monde depuis trente à quarante ans ! C’est la monnaie qui va bien au-delà du simple « crédit »
accordé sans toujours savoir où il commence et où il finit. La monnaie pour Aglietta et Orléan
(1998) a la prétention d’être « souveraine ». Mais la situation demeure fragile au possible,
d’autant plus que la croissance économique n’entraîne pas mécaniquement la démocratie.
Mais en somme, pour gérer un espace développé ou relativement développé à ce point élargi,
que vaudrait-il mieux ?
- un mode de gouvernance bilatéral, très militarisé, ultra libéral ?
- ou un mode de gouvernance multilatéral, générant un nouveau souffle en développant
un nouveau système de gestion des droits de propriété : combinant propriété privée,
propriété sociale, propriété de soi de manière à essayer de les équilibrer dans leurs
29
forces entre elles. Ce mode pourrait même aller jusqu’à renouveler le « vieux »
modèle social-démocrate en l’approfondissant (par la prise en compte de la propriété
de soi, afin d’atteindre toujours plus de justice durable…) et l’élargissant (en
confrontant position, énergie, information).
…
Ce qui n’empêche pas que l’Europe et les Etats-Unis devraient plus que jamais travailler
ensemble afin de gérer la transition du système, aborder les échéances, éviter les écueils. En
somme ce que propose le Président américain élu à l’automne dernier, Barack Obama.
III.3 Des moyens d’aborder un projet social européen qui est la pièce manquante du
puzzle de la crise actuelle, tout en engageant les négociations au niveau de la régulation
mondiale. Notre projet pour un contenant de débat public
Déjà en souhaitant un débat qui permettrait d’accepter de voir se confronter et se compléter,
se coordonner : les opinions du Nord et du Sud, de la droite et de la gauche, des « grands
pays » et des « petits pays ». Cela devrait nous permettre d’aller, toutes choses égales par
ailleurs, vers une convergence entre Communauté Légale et Communauté Morale en Europe,
pour reprendre la terminologie de Walzer (1987, 1997)… Nous avions, afin aussi d’éviter que
l’Europe ne tombe dans la Semi Périphérie par un processus de « latin américanisation »
(domination économique, militaire, culturelle, de notre grand voisin transatlantique les Etats-
Unis d’Amérique), proposé un nouveau consensus. Il aurait pour vocation de remplacer le
« consensus de Washington » des anciens dirigeants de la Banque Mondiale et du Fonds
Monétaire International. Du moins il devrait pouvoir le seconder et réorienter ses aspects les
plus désagréables et indésirables en vue d’une négociation. Quel but aurait cette négociation,
désormais obligée depuis la crise actuelle des valeurs politiques et morales et celle des valeurs
30
financières ? Permette le multiculturalisme et l’idée Européenne pour le vingt-et-unième
siècle. Nous défendons donc le « consensus de Vienne », sans nul doute un consensus plus
durable que le « consensus de Washington » ou même celui issu de la Libération ? Un
nouveau consensus :
- où aux questions socio-économiques héritées de la période 1945-1990
- avec un retour du système du fait de ses pressions subies vers un libéralisme dur
on ajoute plutôt que la régression énoncée à la ligne au-dessus, un dispositif valant évolution
interne :
- multi culturalisme
- nouveaux critères de justice permettant expression de l’identité de chacun et respect
des différences
- questions de genre qui déboucheraient fort volontiers si on se tient à l’écoute d’une
certaine tendance transcendante à la Dupriez (1966) vers « l’alliance des
civilisations » et non « le choc des civilisations » annoncé par Huntington (1996).
CONCLUSION
A l’avenir, nous nous demanderions volontiers comment le débat grand public pourrait être
conduit afin de rapprocher ces idées du public et en soumettre d’autres. Il ne s’agirait de rien
moins que laisser derrière nous la phase de décomposition du système. Celle-ci ne pourrait
s’arrêter qu’une fois la crise actuelle passée, ce qui peut encore prendre du temps puisque
cette crise est en train de s’étendre au domaine social y compris en France, pays pourtant bien
protégé a priori. Le but reste néanmoins de se projeter d’ores et déjà dans « l’après » car
sinon nous ne saurions l’atteindre. Il conviendrait de prendre des décisions concrètes sur toute
31
une série d’aspects. Ce sont les aspects permettant à la fois de tourner, maîtriser les risques,
les réduire. Voilà pour la partie technique. Mais il y a aussi la partie générale : exprimer aussi
un modèle de gouvernance, voire, pourquoi pas une idée de la civilisation pour le vingt-et-
unième siècle : parité entre pays développés et pays en développement… Enfin il faudrait
mieux passer du constat de la crise de civilisation depuis quarante ans, à une série de remèdes
concrets, concertés, partagés… Grâce à la crise une fenêtre de négociation à la Modelski
s’ouvre sans aucun doute.
En réalité, nous n’avons certainement pas dix ans pour aborder les risques à rebours, passer,
dans le cadre de la démocratie participative, de leur listage vers un plan de négociation et de
reconstruction – social et fiscal, de Civilisation et inter civilisations, etc.- systématique. Car
cette vision assurantielle devra être prête le plus tôt possible, et dans tous les cas avant 2015.
Cet article est un appel à nos gouvernants en ce sens pour qu’ils définissent une nouvelle
combinaison entre doctrines en matière de sécurité, d’intérêts et de valeurs, aptes à nous faire
entrer définitivement dans ce demi siècle si prometteur en émotions de toutes sortes. Et un
appel au peuple pour un débat collectif que nous pensons devoir verser au pot commun.
Il signale aussi une bonne nouvelle pour les théoriciens. Jamais depuis l’époque de Keynes
(1936), Nash (1951), Friedman (1956, 1963), Kondratieff (1935), un terrain de recomposition
si riche des théories, des visions, des questions scientifiques ne s’était ouvert grâce à la
mutation actuelle dont nous sortirons forcément différents. Aux questions propres à chaque
discipline universitaire s’ajoute la quasi nécessité d’un recul éthique pour aborder chaque
question en la replaçant dans la perspective du développement durable. Aujourd’hui, cette
question du développement durable se pose à la fois et en même temps aux plans économique
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social et de gestion, mais aussi politique et géopolitique, et enfin écologique… Sans même
oublier les dimensions philosophique et éthique de réflexion sur l’évolution, alliée d’ailleurs à
la nouvelle Ecole anglo-saxonne de l’Histoire Globale ! Par rapport à des nombreux points
épistémologiques, de méthode, éthiques, travaillés par les universitaires à l’œuvre depuis les
années soixante-dix, la pression de l’histoire nous appelle puissamment aujourd’hui à des
modèles ayant une réelle dimension intégrative. Il faut des modèles pratiques, opérationnels et
modulaires rassemblant des théories jusqu’ici éparses. Pour ne citer qu’un seul exemple, la
théorie monétaire. Dans ce domaine théories marxiste, keynésienne, monétariste pourraient
sans doute selon nous trouver des points d’accord fédérateurs dans le cadre d’une nouvelle
synthèse. Le contenant de cette synthèse dans le domaine monétaire, comme chez Modelski et
Goldstein dans le domaine politique, emprunterait aussi à la Théorie du Système Mondial. Le
contenu sera livré en tant que de besoin sous forme des nouvelles théories des cycles longs
monétaires. Cela pourrait d’ailleurs rappeler le prestige, la force et l’originalité d’auteurs
francophones passés tels Marjolin (1941), Dupriez (1966), ou actuels tels les promoteurs de
l’Ecole de la Régulation.
Pendant la crise, vite : bâtissons des théories !
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