de l’observation du microclimat urbain à la modélisation

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HAL Id: meteo-00350227 https://hal-meteofrance.archives-ouvertes.fr/meteo-00350227 Submitted on 4 Jun 2021 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution| 4.0 International License De l’observation du microclimat urbain à la modélisation intégrée de la ville Grégoire Pigeon, Aude Lemonsu, Valéry Masson, Julia Hidalgo To cite this version: Grégoire Pigeon, Aude Lemonsu, Valéry Masson, Julia Hidalgo. De l’observation du microclimat urbain à la modélisation intégrée de la ville. La Météorologie, Météo et Climat, 2008, pp.PP. 39-47. meteo-00350227

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HAL Id: meteo-00350227https://hal-meteofrance.archives-ouvertes.fr/meteo-00350227

Submitted on 4 Jun 2021

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Distributed under a Creative Commons Attribution| 4.0 International License

De l’observation du microclimat urbain à lamodélisation intégrée de la ville

Grégoire Pigeon, Aude Lemonsu, Valéry Masson, Julia Hidalgo

To cite this version:Grégoire Pigeon, Aude Lemonsu, Valéry Masson, Julia Hidalgo. De l’observation du microclimaturbain à la modélisation intégrée de la ville. La Météorologie, Météo et Climat, 2008, pp.PP. 39-47.�meteo-00350227�

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De l’observationdu microclimat urbainà la modélisation intégréede la villeGrégoire Pigeon, Aude Lemonsu, Valéry Masson et Julia HidalgoMétéo-France - Centre national de recherches météorologiques (CNRM)42, avenue Gaspard-Coriolis - 31057 Toulouse Cedex 1

Les villes sont le lieu d’un micro-cli-mat dont la caractéristique princi-pale est l’îlot de chaleur urbain. Ses

conséquences sur le confort des citadinssont connues depuis longtemps. En1885, Guy de Maupassant décrit, dansBel Ami, des Parisiens cherchant fré-quemment la fraîcheur dans les parcs,afin d’échapper à la chaleur insoutena-ble de la ville ! Comparé à la violenced’un cyclone, d’une tempête ou d’unorage, le souci de confort urbain peutparaître un enjeu dérisoire. Cependant,ce microclimat a des conséquencessanitaires sur les populations, du faitnotamment de l’augmentation du stressthermique que le corps doit affronter.Elles furent importantes lors de la cani-cule de 2003, et les victimes furent pro-portionnellement plus nombreuses enville où les températures nocturnes pei-naient à redescendre en dessous de25 °C.

Les zones urbaines sont aussi un lieud’émission de polluants. Modif iantl’écoulement atmosphérique, elles enaffectent la dispersion. D’autres phéno-mènes météorologiques, comme la for-mation de brouillard, de pluie ou deneige, sont influencés par l’urbanisationdes surfaces et les émissions associées.Enfin, elles sont des zones sensibles encas d’accident industriel et des ciblespotentielles d’attaques terroristes avecrejets toxiques dans l’atmosphère.Savoir prévoir les écoulements atmo-sphériques en milieu urbain devient unenécessité d’autant plus impérativequ’une proportion sans cesse croissantede la population et des activités socio-économiques se trouve en ville.

Très prochainement, la résolution hori-zontale des modèles numériques de pré-vision du temps sera si fine que des

mailles entièrement urbanisées en sur-face apparaîtront dans leurs grilles.Dans le cas du modèle Arome(1) dont lemaillage sera de 2,5 km de résolution,les grandes agglomérations françaisesoccuperont plusieurs points de grille.C’est dans cette perspective qu’a étédéveloppé le modèle Town EnergyBalance [TEB] (Masson, 2000), dédiéau calcul des échanges entre les surfacesurbanisées et l’atmosphère, et que deuxcampagnes de mesures ont été menéesen France ces dernières années. Celles-ci avaient pour objectif d’accroître notreconnaissance du climat urbain et deréunir les observations nécessaires àl’évaluation des modèles numériques. Lapremière campagne, CLU-Escompte(2)

(Mestayer et al., 2005), a eu lieu àMarseille en juin et juillet 2001 et a ras-semblé plusieurs équipes françaises etinternationales. Parmi les objectifs deCLU-Escompte, figuraient les études dela variabilité du bilan d’énergie en fonc-tion des couverts urbains et de la variabi-lité spatio-temporelle de l’îlot de chaleururbain. Plus récemment, une deuxièmecampagne, Capitoul(3), a eu lieu surToulouse pendant un cycle annuel com-plet (de février 2004 à mars 2005). Lesattentes de ce programme concernaientle suivi du bilan d’énergie, de l’îlot dechaleur urbain, de la structure de la cou-che limite urbaine, et cela notamment enpériode hivernale, ainsi que les interac-tions entre la dynamique atmosphériqueet les particules d’aérosols.

(1) Arome sera le prochain système numérique deprévision à aire limitée de Météo-France.(2) CLU est le sigle pour Couche limite urbaine,et Escompte pour Expérience sur site pourcontraindre les modèles de pollution atmosphé-rique et de transport d’émissions.(3) Capitoul est le sigle pour Canopy and AerosolParticles Interactions in Toulouse Urban Layer.

RésuméLa manifestation la plus connue dumicroclimat généré par les villes, enparticulier lors de canicule, est l’excèsdes températures, appelé îlot de cha-leur urbain (il peut varier de 2 °Cpour une ville de 1 000 habitants à12 °C pour une ville de plusieursmillions d’habitants). Cet articlepasse en revue ce qui caractérise lesmodifications du climat en zonesurbaines et explique les processus quiles gouvernent. D’après la littératureexistante, principalement consacréeau climat urbain en période estivale,la modification du climat en ville nerésulte pas tant de la source addition-nelle de chaleur dégagée par les acti-vités humaines que du changementdes propriétés de la surface – imper-méabilité des revêtements, matériauxde grande capacité thermique etretrait de la végétation créant un envi-ronnement propice au piégeage durayonnement solaire. …

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limite entre la ville et son environne-ment naturel est très marquée. Ainsi,selon Oke (1987), la structure spatialede l’ICU est concentrique autour ducentre-ville et caractérisée par troiscouronnes (figure 1). À l’extérieur,une couronne étroite correspondant àun intense gradient de température àla transition entre la ville et la campa-gne qu’il dénomme littéralement« falaise » (traduction de l’anglaiscliff). Dans cette zone de transition,des gradients de l’ordre de 0,3 à 0,4 °Cpar 100 mètres ont été mesurés. Ladeuxième couronne dénommée « pla-teau » est la plus large. Elle est mar-quée par des gradients faibles et unetendance progressive au réchauffementau fur et à mesure que l’on s’approchedu centre-ville. Enfin, le « pic » cor-respond à la zone du centre- ville. Biensûr, l’écart de température entre le cen-tre-ville et les zones rurales dépendrades caractéristiques architecturales dela ville (comme son étendue, la densitéet la hauteur des bâtiments) et del’espace rural pris comme référence.Enfin, l’espace urbain d’aujourd’huiest plus diffus et plus hétérogène. Lesgrandes villes ont phagocyté lesnoyaux villageois qui les entouraient etles limites de la zone urbaine sontfloues. Il en résulte une structure d’îlotde chaleur souvent plus compliquée.

Cet article a pour butde dresser un bref étatdes connaissances surle microclimat urbainen mettant notammentl’accent sur les résul-tats originaux obtenusà partir de ces deuxcampagnes récentes.Ainsi, on présenterad’abord les caractéris-tiques principales dumicroclimat urbain.Ensuite, l’accent seramis sur la présentation des processus quiconduisent à la mise en place de cemicroclimat. Dans la continuité de cesdeux premières parties, la représentationnumérique de ces processus sera expo-sée. Enfin, quelques perspectives d’évo-lution de la recherche dans ce domaineseront esquissées.

Le microclimaturbainAprès une définition de l’îlot de chaleururbain (ICU), principal élément dumicroclimat des villes, ce chapitre passeen revue ses principales manifestations :modifications des températures en sur-face du fait de l’urbanisation, stratifica-tion verticale en forme de dôme etécoulement perturbé par un régime deconvergence généré par la ville.

Températures en surfaceL’îlot de chaleur urbain est le principalélément du microclimat des villes. Ildésigne l’excès des températures de l’airque l’on observe régulièrement, près dusol, dans les zones urbaines, en compa-raison avec les zones rurales qui lesentourent (figure 1).Selon plusieurs étudesrassemblées par Oke(1987), les maximad’intensité de l’ICUpeuvent aller de 2 °Cpour une ville de 1 000habitants à 12 °C pourune ville de plusieursmillions d’habitants.

La notion d’ICU estintimement liée à unevision monocentriquede l’espace urbain, avecun centre-ville uniqueainsi qu’à une visionurbanistique histori-que pour laquelle la

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Rural Périurbain Parc Centre

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Figure 1 - Variation spatiale de la température de l’air le long d’une coupe trans-versale d’une zone urbanisée (adaptation de Oke, 1987).

Figure 2 - Évolution de la température en deux points de Toulouse, le 25 février 2005,pendant la campagne Capitoul.

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Urbain densePériurbainDifférence

L’article présente ensuite lesrésultats de deux campagnes fran-çaises, CLU-Escompte et Capitoul.Pendant Capitoul, une comparaison,particulièrement originale, a pu êtrefaite entre la consommation urbained’énergie et les observations deséchanges entre la surface du centre-ville de Toulouse et les premièrescouches d’atmosphère. Elle adémontré le poids des dégagementsd’énergie par l’activité humaine(chauffage surtout) sur le biland’énergie pendant la période hiver-nale. La comparaison des résultatsavec ceux obtenus par le modèleTEB (Town Energy Balance) coupléà un modèle atmosphérique a révéléque TEB contribuait avec succès à lasimulation du microclimat urbain.Cela a fait émerger l’idée d’unemodélisation intégrée de la villeréunissant d’autres modèles, pre-nant chacun en compte une compo-sante isolée du système urbain(microclimat, hydrologie, propaga-tion du bruit, habitat).

AbstractFrom urban climate observation tointegrated modelling of the city

The best known aspect of urbanmicroclimate is the “heat island”which can range from 2° C for avillage of 1,000 inhabitants to 12° Cfor a large city. This article examinesthe changes caused by urbanisationand how they are brought about.Current literature, chiefly concernedwith urban climate in summertimeascribes the changes, not so much tohuman activities as to changes ofsurface characteristics of retentionof moisture and heat, and of albedo.

This article gives the results of twocampaigns, CLU-Escompte andCapitoul. The latter tried to measureurban energy consumption andexchanges between the surface in thecentre of Toulouse and the boundarylayer. It showed clearly the overallheating caused by human energy useduring wintertime. The results com-pared favourably with those fromthe Town Energy Balance atmosphe-ric model. Thus it is now possible tovisualise a model combining all thecomponents of the urban system,microclimate, hydrology, noise pro-pagation and buildings.

La Météorologie - n° 62 - août 2008 41

L’ICU a une variabilité journalière récur-rente, son intensité est en général plusforte la nuit que le jour (figure 2). Ils’amplifie ou se forme progressive-ment lors de la période de refroidisse-ment nocturne, en réponse à un taux derefroidissement plus faible dans leszones les plus urbanisées par rapportaux zones périphériques. Dans lamajorité des cas, le maximum d’ICUsemble se situer quelques heures aprèsle coucher du soleil, puis l’ICU dimi-nue rapidement après le lever du soleil.L’intensité de l’ICU diminue avec lavitesse du vent. On constate que l’ICUdisparaît pour des vents supérieurs à11 m.s-1. En présence d’un vent modéré(3 à 6 m.s-1), le champ de températureprend la forme d’un panache étiréselon l’axe du vent. En cas de vent trèsfaible (< 2 m.s-1), l’ICU peut êtremulticellulaire et sa forme varie selonle mode d’occupation des sols.L’intensité de l’ICU diminue lorsque lanébulosité augmente. Les nuages inter-viennent en modifiant le refroidisse-ment radiatif nocturne pendant lequelse forme l’ICU. L’influence de la sai-son a été étudiée sur des villes du cli-mat tempéré, mais aussi d’autres typesde climat (Mexico, Le Caire, parexemple). Il est rapporté dans ces étu-des que les ICU sont plus fréquents enété, qu’ils tendent à se former plus tarden hiver et à décroître moins vite enmatinée. Enf in, les ICU sont plusfaibles et moins fréquents en périodepluvieuse.

Stratification verticaleOn observe aussi une influence de l’ur-banisation sur la structure verticale del’atmosphère. En milieu de journée, lapropriété la plus remarquable de lacouche limite urbaine (CLU) estl’accroissement de son épaisseur encomparaison avec la couche limiterurale – parfois jusqu’à250 mètres de plus.L’influence de la ville surla couche limite est cepen-dant plus marquée la nuit.On observe fréquemmentque l’excès de températureau-dessus de la zoneurbaine diminue avec l’al-titude et s’annule à unehauteur comprise entre100 et 500 mètres au-des-sus du sol. Au-dessus decette couche, on observeun îlot froid (f igure 3).Ce phénomène, baptisé« crossover », est associéà une CLU nocturne

Figure 3 - Profils de température potentielleobservés pendant la campagne Capitoul,

e 25 février 2005 à 22 h 00 UTC.

Figure 4 - Observationsde vent le longde deux trajets avionau-dessus de Toulousele 4 juillet 2004,illustrant le phénomènede brise urbaine.À 350 m au-dessus du sol(à gauche), on observeune convergencealors qu’une divergenceest observée à 1 650 m (à droite).

convective de quelques centaines demètres surmontée d’une inversion diteélevée alors qu’une inversion de sur-face est observée en zone rurale. Cettestratif ication particulière de l’at-mosphère au-dessus des zones urbai-nes et de leurs environs conditionne ladispersion des polluants émis dansl’air. Un autre effet notable est l’im-pact sur les méthodes naturelles deventilation. En effet, en périodechaude, lorsque les habitants desétages les plus élevés des grandestours d’immeuble cherchent à rafraî-chir leur appartement par ventilationnaturelle, la stratification thermique etla hauteur de l’appartement par rap-port à l’inversion influencent forte-ment l’eff icacité de la ventilation.Ainsi, pendant la canicule de 2003, ila été observé en région parisienne quele risque de surchauffe nocturne aug-mentait pour les étages élevés desimmeubles les plus hauts (Rousseau,2005).

Écoulement perturbéPar analogie avec les phénomènes debrises thermiques côtières, l’existenced’une convergence associée à l’ICU aété très vite conceptualisée (Oke, 1987).Ce type de circulation peut avoir unimpact sur la répartition des polluants àl’échelle régionale (Lemonsu etMasson, 2002), et son observation futl’un des objectifs de la campagneCapitoul. Une situation de convergencede basse couche, associée à une diver-gence proche du sommet de la couchelimite, fut documentée au cours dela campagne, notamment à partir de

mesures aéroportées (f igure 4), deradiosondage et de mesures par télédé-tection (Hidalgo et al., 2007).

Processus à l’originedu microclimaturbain : le poidsdes échangessurface-atmosphèreQuels sont les processus à l’origine dumicroclimat urbain ? de jour ? de nuit ?Telles sont les questions abordées dansce chapitre.

Bilan d’énergied’une zone urbaine

L’îlot de chaleur urbain est un phéno-mène affectant les basses couches del’atmosphère ; ainsi, les échanges d’éner-

gie et de matières pour unesurface urbaine sont desprocessus élémentaires àcaractériser. L’équation debilan d’énergie d’une

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l’urbanisation et la saison. Ce dégage-ment de chaleur renforce le flux dechaleur sensible QH qui représentegénéralement entre 35 et 60 % de Q*selon l’urbanisation et la saison, soitentre 100 et 250 W.m-2.

De jour, l’urbanisation conduit doncprincipalement à une réduction del’évaporation au profit de l’accumulationde chaleur dans les matériaux urbains.

La nuitEn soirée, alors que les échangesd’énergie sont très faibles en zonerurale, l’énergie accumulée dans lacanopée urbaine(1) est restituée versl’atmosphère et maintient un chauffageconvectif (QH positif jusqu’à 100 W.m-2)qui limite le refroidissement nocturne.C’est ainsi que se met en place l’ICUet que se maintient une faible couchelimite convective au-dessus de la ville.De plus, ce phénomène est accentuépar la géométrie encaissée des rues quilimite le refroidissement des parois(route et murs) par les pertes radiativesnettes (réduction du facteur de vue duciel qui constitue un puissant puitsradiatif).

En conclusion, la modification du cli-mat dans les zones urbaines ne résultepas tant de la source additionnelle dechaleur dégagée par les activitéshumaines que du changement des pro-priétés de la surface, qui conduit à unerestitution lente de la chaleur accumu-lée le jour du fait des caractéristiques

(1) Par analogie aux forêts, le terme canopéeurbaine désigne la couche entre le sol et le som-met des bâtiments.

Naturellement, ces résultats sont ànuancer pour des villes plus atypiquescomme, par exemple, Las Vegas, situéeau milieu d’un désert.

Le jourDans la journée, la raréfaction de lavégétation et la faible disponibilitéd’eau en surface, du fait de l’utilisationabondante de matériaux imperméables,conduisent à une forte réduction duflux de chaleur latente QE en comparai-son à la surface rurale (du fait du peud’énergie perdue pour évaporer del’eau en surface). Le rapport QE /Q*est généralement compris entre 0,1 et0,2 pour une zone urbaine dense, alorsqu’il est généralement supérieur à0,5 pour une zone rurale couverte devégétation. Ainsi, une plus grandequantité de l’énergie solaire est renduedisponible pour les autres termes puitsdu bilan d’énergie que sont l’accumu-lation de chaleur �QS (réchauffementdes constructions par conduction) et leflux de chaleur sensible QH (réchauffe-ment de l’atmosphère par flux turbu-lent). �QS est d’autant plus accentuéque la géométrie tridimensionnelle dela surface urbaine (rue en forme decanyon) favorise le piégeage de rayon-nement solaire par réflexion multipleet offre une plus grande surfaced’échange. De plus, les propriétés ther-miques des matériaux urbains favori-sent l’accumulation de chaleur. Enmoyenne, le jour, �QS représente entre30 et 60 % de Q* pour une zoneurbaine, soit en période estivale desvaleurs entre 100 et 175 W.m-2. Deplus, le terme anthropique QF constitueune source additionnelle de chaleurqui s’élève entre 5 et 150 W.m-2 selon

Figure 5 - Présentation du bilan d’énergie en zonerurale (à gauche) et en zone urbaine (à droite),

le jour (en haut) et la nuit (en bas).

surface traduit l’équilibre entre les sour-ces et les puits d’énergie. En ville, la sur-face est loin d’être plane et homogène etles éléments rugueux sont de grandesdimensions. Ainsi, au lieu de reprendrel’approche conventionnelle et d’établir lebilan d’énergie pour une surface fictive,Oke (1987) a adopté une approche plusmacroscopique et a proposé d’établir lebilan d’énergie pour un volume decontrôle allant du sol au sommet des bâti-ments. Le bilan d’énergie s’écrit alorsselon l’équation suivante :

Q* + QF = QH+ QE + �QS + �QA (1)

où :– Q* est le flux de rayonnement net,toutes longueurs d’onde confondues,reçu par la surface. Rigoureusement, ils’agit d’une densité de flux exprimée enW.m-2. C’est un terme compté positive-ment lorsque la surface gagne de l’éner-gie (le jour) et négativement lorsqu’elleen perd (la nuit). Il se décompose de lamanière suivante : Q* = K↓-K + L↓-Loù K et K↓ sont respectivement le fluxsolaire incident et réfléchi par la surfaceet L↓ et L sont le flux infrarouge inci-dent (émis par l’atmosphère) et remon-tant (émis par la surface).– QF est le dégagement de chaleur parl’ensemble des activités humaines, c’estun terme toujours positif.– QH et QE sont respectivement les fluxturbulents de chaleur sensible et latente.Ce sont généralement des termes puitset, par convention, ces termes sontcomptés positivement lorsque le trans-fert d’énergie qu’ils représentent estdirigé de la surface vers l’atmosphère.– �QS est la variation d’énergie internepar unité de temps et de surface de l’en-semble du volume de contrôle (incluantles bâtiments). En journée, c’est unterme puits (accumulation de chaleurpar conduction) alors que la nuit il s’agitd’un terme source (relâchement de cha-leur) qui compense les pertes radiatives.– �QA est l’advection moyenne de cha-leur (l’advection moyenne d’humiditéconvertie en chaleur latente est inclusedans ce terme) à travers l’ensemble desparois du volume de contrôle.

Afin de faire ressortir la spécificité dubilan d’énergie d’une surface urbaine,nous décrirons l’évolution du biland’énergie sur un cycle journalier idéalen deux temps – le jour, puis la nuit – enle comparant avec celui d’une surfacerurale fortement végétalisée (figure 5).

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La Météorologie - n° 62 - août 2008 43

des matériaux urbains. Parmi les pro-priétés de surface, il faut retenir l’im-perméabilisation des revêtements, leretrait de la végétation, la créationd’une géométrie propice au piégeagedu rayonnement solaire et l’utilisationen général de matériaux d’une grandecapacité thermique.

CampagneCLU-Escompte :le cas d’une villecôtièreJusqu’à présent, les variations spatiales ettemporelles de l’ICU avaient été étudiéesséparément au moyen de deux types dedispositifs expérimentaux. Respecti-vement, il s’agissait de véhicules instru-mentés explorant la variabilité detempérature selon les diverses zonesd’une agglomération ou d’un nombrerestreint (deux ou trois) de stationssituées en des zones plus ou moins urba-nisées pour caractériser la variation tem-porelle de l’ICU. Constatant cettedéficience, il a été décidé de déployer unréseau de vingt stations automatiques surMarseille pendant la campagne CLU-Escompte permettant une observationcontinue de l’ICU en différents points dela ville (Pigeon et al., 2006). Afin d’opti-miser la disposition du réseau de stations,

Optimisationde la disposition

du réseau de stationsAfin d’optimiser la capacité du réseau destations urbaines à capturer les caractéris-tiques spatio-temporelles de l’ICU surMarseille, une simula-tion numérique avec lemodèle atmosphériqueMéso-NH a été réalisée,en utilisant le schémaTEB (Masson, 2000)pour le calcul des échan-ges surface urbaine/atmosphère. La simula-tion s’est faite sur quatregrilles emboîtées. Le pluspetit domaine couvraitl’agglomération de Mar-seille à une résolution de250 m. La simulationconcernait trois joursconsécutifs de la pré-campagne Escompte enjuin et juillet 2000. Cechoix représentait un trèsbon échantillonnage desconditions météorolo-giques possibles dans larégion à cette période del’année : régime de mis-tral modéré, brise demeret régime de sud-est. Deplus, la qualité de la simulation a pu êtreévaluée en la confrontant aux observa-tions de la précampagne. Une attentiontoute particulière a été portée sur la capa-cité de la simulation à reproduire la varia-bilité spatiale de la température entre lazone urbaine et les zones environ-nantes. Ensuite, des informations synthé-tiques et statistiquement pertinentes de lasimulation sur la zone urbaine ont étéextraites par une analyse en composanteprincipale (ACP). La disposition du réseaua été choisie dans le but d’échantillonnerles structures spatiales et temporelles lesplus significatives des champs de tempé-rature et d’humidité (figure 6). À l’issue dela campagne de l’été 2001, les mesuresde température et d’humidité des vingtstations du réseau ont également été ana-lysées avec une ACP,mais demanière dis-jointe pour le jour et pour la nuit.

Figure 6 - Disposition du réseau d’observation de l’îlotde chaleur urbain sur Marseille pendant CLU-Escompte.Cinq axes de mesures ont été optimisés en fonctiondes résultats d’une simulation numériquede trois jours sur la ville de Marseille.

Figure 7 - Premier mode de variationspatio-temporelle de la température nocturne pendantCLU-Escompte qui présente une structure d’îlotde chaleur urbain idéalisé. En haut, sa variationspatiale normalisée a une forme concentrique autourdu centre-ville (station 20). L’échelle représentel’anomalie normalisée de température par rapport àune station de référence (ici la station 8). En bas,l’évolution temporelle associée au premier mode estreprésentée par l’anomalie de températurede la station 20. Elle présente une périodicitéjournalière d’intensification de l’anomalie en débutde nuit et de diminution en deuxième partie de nuit.

une méthode originale a été développée(voir l’encadré « Optimisation de ladisposition du réseau de stations » ci-contre). L’analyse en composante princi-pale a ensuite été faite afin d’extraire desmesures les principaux modes de varia-tion spatio-temporelle. La nuit, le premiermode est apparu sous la forme d’un ICUidéalisé dont la structure spatiale estconcentrique autour du centre-ville deMarseille (figure 7). Son évolution tem-porelle prend la forme d’une série tempo-relle périodique qui présente en chaquedébut de nuit une intensification del’écart de température entre le centre-ville et ses alentours à laquelle succèdeune période d’homogénéisation au coursde la deuxième partie de la nuit. Le jour,le phénomène d’ICU n’est pas observé etle champ de température, parallèle à lacôte, est principale-ment dominé par lesinteractions mer/continent.

La structure spatiale de cet ICU idéalisé,mis en évidence pour la période noc-turne, a ensuite été analysée en fonctionde paramètres quantifiables de l’urbani-sation. Autour de chaque site de mesure(500 m), la fraction couverte par les sur-faces imperméables (bâtiments, routes,trottoirs, parkings) et le rapport entre lahauteur des bâtiments et la largeur desrues (appelé rapport d’aspect) ont été

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Figure 9 - Schémade l’instrumentationdu site central pendantla campagne Capitoul.Le bilan d’énergie étaitmesuré au sommetde la tour de 27 mètres.

évalués à partir d’une base de donnéesgéographiques. Une très bonne corréla-tion a été démontrée entre la structurespatiale de l’ICU idéalisé et la fraction desurface couverte par des matériauximperméables ainsi qu’avec le rapportd’aspect des rues entourant les sites demesure (figure 8). Le jour, par contre, lacorrélation entre la température et la frac-tion occupée par les surfaces imperméa-bles était faible, et le critère le pluspertinent était la distance à la mer. Cesmêmes corrélations ont été retrouvéesdans l’analyse de la simulation utiliséeinitialement pour optimiser la dispositiondu réseau dans laquelle des comporte-ments très similaires ont été observéspour la température. Ce résultat souligneà la fois la validité de l’outil numériqueutilisé, de la méthode mise en place pouroptimiser l’implantation du réseau de sta-tions et la stabilité dans le temps des rela-tions entre les caractéristiques de lasurface urbaine et la variabilité du champde température puisque la simulation etles observations correspondaient à deuxannées différentes (2000 et 2001).

Campagne Capitoul :bilan anthropiqueLa campagne Capitoul, qui s’est dérouléeà Toulouse et a duré une année entière, apermis d’étudier en détail l’îlot de cha-leur urbain en période hivernale, jusqu’a-lors peu documenté. Les mesures ont misen évidence l’importance du termeanthropique, qu’il est possible d’estimerde deux manières – à partir des mesuresdes termes du bilan d’énergie et parinventaire des consommations d’énergie– puis d’en étudier les variations.

Estimation par mesuresdes termes du biland’énergieJusqu’à très récemment, peu d’étudess’étaient intéressées au bilan d’énergiedes surfaces urbaines en hiver. Ce futaussi l’un des objectifs de la campagneCapitoul durant laquelle le bilan d’éner-gie d’une année complète (février 2004 -mars 2005) fut mesuré grâce à unestation de mesures implantée en centre-ville de Toulouse sur une toiture-terrasse(figure 9). Les observations collectéesont été utilisées pour estimer le terme QF

de dégagement de chaleur par les activi-tés humaines. En partant de l’équation dubilan d’énergie (équation 1) et en négli-geant le terme d’advection �QA suite aux

résultats de Pigeon et al. (2007a) surMarseille, il est établi que le résidu desmesures, Q* - (QH + QE) est égal à la dif-férence entre le terme de stockage et leterme anthropique �QS - QF. Ensuite,l’hypothèse classique a été faite que lerelâchement de chaleur la nuit compensequasiment son accumulation pendant lajournée.Ainsi,�QS intégré sur un ou plu-sieurs cycles journaliers tend à devenir unterme négligeable et le résidu intégrésur les mêmes périodes est ainsi égal àl’opposé du terme QE de dégagement dechaleur des activités humaines. D’aprèsdes travaux antérieurs (Offerle et al.,2005), une précision de ±10 W.m-2 peutêtre attendue sur ce terme par cetteméthode d’estimation.

Estimation par reconstitutiondes consommationsd’énergieIndépendamment de la méthode précé-dente, un inventaire de la consommationd’énergie a été constitué sur l’aggloméra-tion toulousaine, pour la période de lacampagne. Il repose sur des données deconsommation réelle d’électricité (pas detemps horaire) et de gaz (pas de tempsjournalier) qui représentent 90 % desconsommations d’énergie liées au secteurrésidentiel dans l’agglomération. Pour lesautres sources d’énergie fossile (fioul,bois), des données annuelles (2001) deconsommation ont été fournies par

l’Observatoire régio-nal de l’énergie enM i d i - P y r é n é e s(Oremip). Pour cessources d’énergie dontle mode d’utilisationest proche de celui dugaz (principalementchauffage et éventuel-lement productiond’eau chaude sani-taire), le cycle annuelnormalisé de la four-niture de gaz a étéappliqué afin de pré-ciser dans le tempsleur consommation.La localisation à uneéchelle spatiale plusfine des consomma-tions a été réalisée en

1.0

0.8

0.6

0.4

0.2

0.0

0.0 0.2 0.4 0.6

Fraction urbaineΔ

T/Δ

T max

0.8 1.0

1.0

0.8

0.6

0.4

0.2

0.0

0.0 0.2 0.4 0.6

Rapport d’aspect des rues

ΔT/

ΔT m

ax

0.8 1.0

Observation 2001

Simulation 2000

Observation 2001

Simulation 2000

Figure 8 - Relation entre la variation spatiale du premier mode de variation spatio-temporelle de la températurenocturne (représentée spatialement sur le graphique du haut de la figure 4) en fonction de la densité de bâti (àgauche) et de l’encaissement des rues (à droite). Sur ces graphiques, les comportements des observations de2001 (noir) et de la simulation de 2000 (gris) sont représentés. Les valeurs selon l’axe des ordonnées évoluentdes stations les plus froides aux plus chaudes.

Largeur : 15 m

VOIE BUS VOIE BUSRue d'Alsace-Lorraine

Rue de la PommeLarge

ur: 9

m

Terrasse large de 45 m

Tour de 27 m

Haute

ur:2

3m

Radiomètre 4 composantesAnémomètre soniqueAnalyseur de gaz (H20, CO2)Analyseur d'aérosolsRadiothermomètre infrarougeThermomètre sous abriPluviomètre

court

60°

60°

60°

40°

60°

15°

15°

15°

Nord

Haut

eur:

20m

Perche de 5 m (B5)

Perche de 3 m (B3)

La Météorologie - n° 62 - août 2008 45

deux étapes. Premièrement, les donnéesdisponibles pour l’ensemble de l’agglo-mération ont été réparties selon des esti-mations statistiques disponibles auprèsde l’INSEE à une échelle plus fine (typi-quement un quartier). À l’intérieurde ce maillage irrégulier, les consomma-tions ont été localisées plus finement surune grille régulière de 100 mètres derésolution en fonction de la densité debâtiments. La consommation d’énergieliée au trafic routier a également étéprise en compte. Une base de donnéesgéographiques, disponible auprès de lamairie, concentre les trafics journaliersen moyenne annuelle pour chacune dessections de rue de la commune ainsi quepour les grands axes. C’est à partir decette information et de l’estimation de laconsommation de carburant obtenueauprès de l’Institut national de recherchesur les transports et leur sécurité (Inrets)qu’a été calculé le dégagement dechaleur par le trafic sur une grille de100 mètres.Au final, des cartes de déga-gement de chaleur ont été établies,comme par exemple la figure 10 quimontre le dégagement de chaleur moyenpendant la période hivernale.

Variation du termeanthropique sur ToulouseLes estimations réalisées à partir desdeux méthodes (voir les deux sectionsprécédentes) ont été comparées sur unezone géographique de 500 mètres derayon autour du site de mesure(figure 11). Pendant la période hiver-nale, QF atteint des valeurs de l’ordre de60 W.m-2 pour cette zone du centre-ville,et les estimations réalisées à partir desmesures se comparent très bien à l’in-ventaire de consommation d’énergie.Pendant la période estivale, l’estimationà partir des observations a tendance àsous-estimer les valeurs de QF calculéesà partir de l’inventaire (de l’ordre de20 W.m-2). C’est aussi pendant cettepériode que l’on peut s’attendre à demoins bons résultats à cause de :– la diminution logique de QF en été ;– la sous-estimation chronique desflux turbulents par les méthodes demesure.

Cette comparaison d’un inventaire de laconsommation d’énergie avec desmesures du bilan d’énergie sur unemême période et un même site confèreà cette étude son caractère très original.Pour le centre-ville de Toulouse, QF

varie entre 100 et 25 W.m-2 entre l’hiveret l’été, alors qu’il varie entre 25 et5 W.m-2 dans les zones périurbainespour les mêmes périodes.

QH TEB QE TEB

QH route

QH mur

QE route

QF industrie

QF trafic

QH toit

TEB

Modèleatmosphérique

QE toit

Couche 1Couche 2

Couche 3

Couche1

Couche2

Couche3

Couche 1

Couche 2Couche 3

TOIT

ROUTEMURS

Eau Neige

Eau Neige

Figure 10 - Dégagement de chaleur parles activités humaines sur Toulouse

pendant l’hiver 2004-2005à une résolution de 100 mètres.

Figure 12 - Représentation schématiquedu modèle TEB (Masson, 2000).

Processusurbains dansles modèlesd’écoulementatmosphériqueL’acquisition d’une meilleureconnaissance des échangessurfaces urbaines-atmosphèrecontribue directement auxaméliorations des modèlesnumériques développés pourla prévision du temps et descaractéristiques environne-mentales des zones urbaines.C’est dans cette perspectivequ’a été développé le modèle TownEnergy Budget [TEB],(Masson, 2000).

Ce modèle ne traite que dessurfaces spécifiques du milieuurbain que sont les routes (ouparkings) et les bâtiments. Lessurfaces végétales qui sontaussi présentes en ville sont àtraiter par un autre modèletel que Isba (Noilhan etMahfouf, 1996). Dans TEB,l’unité de base est la ruecanyon : il s’agit d’une rueentourée de deux murs et d’untoit (figure 12). Cette rue estconsidérée d’une longueur

Mars Avril Mai Juin Juil. Août Sep. Oct. Nov. Déc. Jan. Fév.2004 2005

−20

0

20

40

60

80

100

120

140

Q F(W

.m-2

)

QF observationQF inventaire

Figure 11 - Comparaison entre les estimationsdu dégagement de chaleur par les activités humainesen centre-ville de Toulouse.

46 La Météorologie - n° 62 - août 2008

infinie et les intersections sont négli-gées. Pour tenir compte des effets de lagéométrie sur le rayonnement, toutesles directions de rue sont considéréeséquiprobables (même en situation deville réelle) et la largeur des rues ainsique la hauteur des bâtiments sont ajus-tables. Pour chacune des surfaces élé-mentaires (route, mur, toit), un biland’énergie est calculé. Le transfert dechaleur par conduction dans ces structu-res est également établi. Les dégage-ments de chaleur par le trafic et lesactivités industrielles sont prescrits.Dans le cas de simulations sur des villesréelles, il est nécessaire d’alimenter lemodèle par des couches d’informationslocalisées géographiquement qui préci-sent les caractéristiques de la morpholo-gie urbaine, les propriétés thermiquesdes matériaux de construction ainsi quele dégagement de chaleur par les activi-tés humaines (autres que le chauffage).Actuellement, ce travail est réalisé aucas par cas selon les besoins de recher-che. Enfin, les dégagements de chaleurassociés au chauffage des bâtimentssont représentés implicitement en fixantun seuil de température minimal à l’in-térieur du bâtiment. En sortie dumodèle TEB, on peut alimenter unmodèle atmosphérique par les flux dechaleur, de vapeur d’eau et de quantitéde mouvement (figure 12). La tempéra-ture et l’humidité dans les rues sontégalement calculées pour appréhenderle microclimat urbain.

Un premier exercice d’évaluation dumodèle a été mené avec des jeux dedonnées provenant de Vancouver etMexico (Masson et al., 2002). Les deuxcampagnes CLU-Escompte et Capitoulont permis l’acquisition d’autres obser-vations très pertinentes pour l’évalua-tion du modèle sur des centres-villeeuropéens. Ainsi, une étude qui a étémenée sur Marseille (Lemonsu et al.,2004) a permis de faire progresser lemodèle sur la représentation des échan-ges entre la rue et l’atmosphère au-dessus de la canopée urbaine. À l’issuede Capitoul, les données de biland’énergie et l’inventaire de consomma-tion d’énergie ont été exploités, pour lessaisons d’automne et d’hiver, af ind’évaluer la capacité du modèle TEB àprévoir le terme de chauffage à l’inté-rieur des bâtiments (Pigeon et al., 2008).Un très bon comportement du modèle aété observé (figure 13) pour la repro-duction de l’ordre de grandeur de ceterme tout comme celui de sa variationsaisonnière. Des améliorations sontenvisagées pour tenir compte des varia-tions temporelles qui relèvent de l’acti-vité économique et sociale (cycles

diurne ou hebdomadaire). Une évaluationest également en cours sur des épisodesneigeux documentées lors de la cam-pagne Muse, qui a eu lieu à Montréal à lafin de l’hiver 2005 (Lemonsu et al.,2008). Elle présente des résultats trèsencourageants pour la représentation dela neige en milieu urbain et son impactsur le bilan d’énergie dans le modèleTEB. Enfin, pour compléter cet effortd’évaluation déjà important, deux exer-cices d’intercomparaison de modèlessont en cours. Le premier se concentresur la représentation des flux radiatifsdans l’infrarouge en collaboration avecl’Onera, l’École centrale de Nantes,l’Inra et le Centre d’études spatiales de labiosphère (Cesbio). Le deuxième est uneffort international de comparaison desmodèles dédiés aux surfaces urbainespiloté par le King’s College de Londres.

L’utilisation du modèle TEB couplé à unmodèle atmosphérique se révèle être àmême de simuler le microclimat urbain.Par exemple, l’ICU a été correctementreproduit lors de simulations conduitessur Paris (Lemonsu et Masson, 2002). De

même, en utilisant ce couplage, la sensi-bilité de l’écoulement atmosphériquerégional à l’urbanisation de la surface apu être montrée (figure 14). Ce type decouplage permet aussi de démonter lesmultiples interactions qui existent entre ladynamique de petite échelle et les épiso-des de pollutions (Sarrat et al., 2006).Plus récemment, la représentation de labrise urbaine, bien que de faible ampleur,a été possible avec le modèle atmosphé-rique de recherche Méso-NH (Hidalgo etal., 2008) et la confrontation des résultatsavec les observations collectées pendantCapitoul a confirmé le réalisme de cettesimulation.

Vers une modélisationintégrée de la villeLe climat urbain est une conséquenceinvolontaire de l’action de l’homme. Au-delà de cette prise de conscience, il estintéressant de dresser une perspective quipermettra d’en tenir compte dans ladémarche d’urbanisation actuelle.L’adaptation de l’espace urbain à notreenvironnement changeant, comme le cli-mat, est une préoccupation qui transparaîtauprès des collectivités territoriales et del’ensemble de la société, comme l’a mon-tré la prospective Agora 2020 de laDrast(1). C’est dans ce contexte qu’aémergé l’idée d’une modélisation inté-grée de la ville. Il s’agit de coupler desoutils numériques spécifiques à la modé-lisation de composantes isolées du sys-tème urbain (microclimat, hydrologie,propagation du bruit, habitat) et de sonenvironnement proche. Une plate-forme,qui simulera numériquement les princi-paux processus physiques intervenantdans le fonctionnement du système ville,

150

100

50

0

Flux

anth

ropi

que

(W.m

-2)

00:00 06:00 12:00Heure (UTC)

18:00 00:00

Observations

Simulation

Figure 13 - Comparaison des observations du dégage-ment de chaleur par les activités humaines pendantl’automne 2004, en centre-ville de Toulouse, avec lesrésultats d’une simulation avec TEB.

Figure 14 - Champ de vent simulé avec Méso-NH sur l’agglomération parisienne. À gauche, on observe uneconvergence au niveau 200 m, alors qu’à droite on observe une divergence au niveau 2 000 m. Par analogie auphénomène de brise marine, celui-ci est appelé brise urbaine.

(1) Drast : Direction de la recherche et des affairesscientifiques et techniques.

La Météorologie - n° 62 - août 2008 47

permettra de comprendre, quantifier etprévoir certaines de ses propriétés, enparticulier ses bilans énergétiques ethydrologiques et ses conditions environ-nementales (notamment climat et qualitéde l’air, mais également qualité des eaux,des sols et nuisances sonores). Le bilanénergétique prendra en compte notam-ment les échanges d’énergie entre les dif-férents systèmes anthropiques etl’atmosphère, qui sont en interactionétroite. Par exemple, une part importantede la consommation énergétique dépenddes conditions météorologiques (chauf-fage et climatisation, mais aussitransports, éclairage et différents usagesdomestiques et activités industrielles). Laplate-forme visera également à évaluer lebilan carbone de l’agglomération et sadépendance aux conditions climatiquesactuelles et futures. Par une approcheessentiellement fondée sur la physique età l’aide d’une interface utilisateur appro-priée, il sera possible d’évaluer l’impactsur le bilan énergétique et sur les condi-tions environnementales de différentsfacteurs comme les évolutions àmoyen età long termes des aménagements, du bâti,des transports, du changement clima-tique, ainsi que les impacts d’événementscatastrophiques, qu’ils soient naturels,accidentels, ou des actes de malveillanceet de terrorisme. Cela permettra, entreautres, d’identifier et d’évaluer de façonquantitative les mesures d’adaptation

pour atténuer lesimpacts du change-ment climatique et cel-les pour optimiser laconsommation d’éner-gie et le bilan carboned’un système urbain.

Les différents modu-les de la plate-forme(f igure 15) devrontpermettre :– de définir les scénarios de simula-tion : scénarios internes pour l’évolu-tion propre au système ville (politiquespubliques, projets d’aménagements),scénarios externes pour l’évolution desparamètres environnementaux au sys-tème (climat) ;– d’activer les modèles qui traduisentces scénarios en bases de données deconditions initiales et de conditions auxlimites pour la simulation du systèmeville ;– d’activer une simulation dynamiquede l’évolution du système ville ;– de synthétiser les résultats sous laforme d’indicateurs pertinents tra-duisant les impacts, la vulnérabilité oul’adaptation du système ville.

La construction d’une telle plate-formenumérique sera un exemple d’axe d’in-novation possible pour les profession-nels de la météorologie ou du climat. Ilne s’agira plus uniquement de produireune prévision numérique du temps ouune projection climatique et de la four-nir à un acteur potentiel. Dans la démar-che présentée ci-dessus, il s’agirad’établir, conjointement avec les acteursimpliqués, quelle est la vulnérabilité auclimat du segment dont ils ont laresponsabilité et les stratégies d’adapta-tion qu’il convient d’envisager.

Hidalgo J., G. Pigeon et V. Masson, 2007: Urban breeze circulation during the Capitoul experiment: Experimental data analysis approach. Meteorology and AtmosphericPhysics, accepté pour publication.

Lemonsu A. et V. Masson, 2002: Simulation of a summer urban breeze over Paris. Bound.-Layer Meteor., 104, 463-490.

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Mestayer P. G., P. Durand et al., 2005: The Urban Boundary-Layer Field Campaign in Marseille (UBL/CLU-Escompte): Set-Up and first results. Bound.-Layer Meteor., 114,315-365.

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Bibliographie

Figure 15 - Représentationschématique d’une approche

de modélisation intégréede la ville.