de... · web view– les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par...

266
STRATEGIE JURIDIQUE ET ÉCONOMIQUE DES IMMEUBLES ET DES BAUX COMMERCIAUX INTRODUCTION 9 PARTIE 1. LE CALCUL DU LOYER D’UN BIEN IMMOBILIER 10 TITRE : 1. LE CALCUL DU LOYER A LA SIGNATURE DU CONTRAT (bail neuf) 10 Chapitre 1. Principes 10 Section 1. Détermination de la surface pondérée 10 A. Pondération des surfaces 11 B. TABLEAU PROPOSE PAR Me BRAULT 12 Section 2. Détermination de la moyenne de la valeur de location 14 Section 3. Application du prix de location à la moyenne pondérée 14 Chapitre 2. LE PAS DE PORTE 14 Section 1. Origine 14 Section 2. Dualité du pas-de-porte 14 Section 3. Effets économiques, fiscaux et comptables 15 15 TITRE 2. LE CALCUL DU LOYER LORS DE LA RÉVISION TRIENNALE EN COURS DE BAIL 15 Chapitre 1. - Généralités 15 Section 1. Baux concernés 15 Section 2. Caractère impératif des règles concernant la révision du loyer 16 Section 3. Faculté de renoncer à l'application des règles légales 16 Chapitre 2. - Champ d'application des règles légales concernant la révision du loyer 16 Section 1. Baux soumis au statut des baux commerciaux 16 Section 2. Baux en cours 17 Section 3. Conditions de recevabilité de la demande de révision 17 A. Conditions de délai 18 a) Point de départ du délai 18 Première demande de révision après la conclusion du bail originaire 18 Première demande après la conclusion du bail renouvelé 18 Demande formée après prescription de la demande en fixation du loyer du bail renouvelé 19 Demandes ultérieures 19 b) Terme du délai 19 c) Date à laquelle la demande de révision peut être formée 19 d) Sanctions des règles légales 19 Demande prématurée 19 Demande tardive 20 e) Révision conventionnelle 20

Upload: others

Post on 15-Feb-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

STRATEGIE JURIDIQUE ET ÉCONOMIQUE DES IMMEUBLES ET DES BAUX COMMERCIAUX

INTRODUCTION 9

PARTIE 1. LE CALCUL DU LOYER D’UN BIEN IMMOBILIER 10

TITRE : 1. LE CALCUL DU LOYER A LA SIGNATURE DU CONTRAT (bail neuf) 10Chapitre 1. Principes 10

Section 1. Détermination de la surface pondérée 10A. Pondération des surfaces 11B. TABLEAU PROPOSE PAR Me BRAULT 12

Section 2. Détermination de la moyenne de la valeur de location 14Section 3. Application du prix de location à la moyenne pondérée 14

Chapitre 2. LE PAS DE PORTE 14Section 1. Origine 14Section 2. Dualité du pas-de-porte 14Section 3. Effets économiques, fiscaux et comptables 15

15

TITRE 2. LE CALCUL DU LOYER LORS DE LA RÉVISION TRIENNALE EN COURS DE BAIL 15Chapitre 1. - Généralités 15

Section 1. Baux concernés 15Section 2. Caractère impératif des règles concernant la révision du loyer 16Section 3. Faculté de renoncer à l'application des règles légales 16

Chapitre 2. - Champ d'application des règles légales concernant la révision du loyer 16Section 1. Baux soumis au statut des baux commerciaux 16Section 2. Baux en cours 17Section 3. Conditions de recevabilité de la demande de révision 17

A. Conditions de délai 18a) Point de départ du délai 18

Première demande de révision après la conclusion du bail originaire 18Première demande après la conclusion du bail renouvelé 18Demande formée après prescription de la demande en fixation du loyer du bail renouvelé 19Demandes ultérieures 19

b) Terme du délai 19c) Date à laquelle la demande de révision peut être formée 19d) Sanctions des règles légales 19

Demande prématurée 19Demande tardive 20

e) Révision conventionnelle 20Possibilité de réviser le loyer sans tenir compte du délai légal 20Révision suivante 20

Section 4. – Prescription de l’action en révision 21A. Suspension de la prescription 21B. Interruption de la prescription 22

Section 3. Existence de la dette de loyer 22Section 4. - Modalités de la demande 22

A. Le demandeur en révision 22a) Bailleur ou locataire 23

Bailleurs solidaires 23Créanciers du bailleur ou du locataire 23

Page 2: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

b) Mandataires 23c) Indivisaire d’un immeuble indivis 23

Convention d'indivision 24d) Usufruitier 24e) Époux 24

Époux bailleurs 24Époux locataires 25

f) Personnes protégées 25g) Sociétés 25

Section 2. Défendeurs 25Règles générales 25A. Vente du fonds 26B. Locataires solidaires 26C. Époux 26D. Héritiers du locataire 26E. Co-bailleurs 26

Section 3. Formes de la demande 27A. Lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou acte d'huissier 27B. Caractère limitatif des formes prévues par la loi 27C. Sanctions 27

Section 4. Contenu de la demande 28A. Indication du prix demandé ou offert 28B. Solutions proposées 28

Section 5. Montant de la demande 29A. Absence de variation des facteurs locaux de commercialité 29

a) Suppression de la possibilité de se référer à l'indice trimestriel du coût de la construction 29b) Détermination du loyer 29

B. Cas de demande tardive 31a) Demande de révision formée après renouvellement du bail au prix en vigueur 31

b) Renonciation par le bailleur au bénéfice de la première révision triennale 31c) Prescription de la demande de révision 31D. Différence entre le loyer plafond (loyer « indiciaire ») et la valeur locative 32

Section 2. Variation des facteurs locaux de commercialité 33A. Conditions à remplir 33

a) Modification « matérielle » 33b) Amplitude et origine de la variation de la valeur locative 34c) Preuve de la réunion des conditions exigées par le texte 34d) Appréciation souveraine du juge 34

B. Effets de la variation des facteurs locaux de commercialité lorsque les conditions légales sont remplies 35

a) Fixation du loyer à la valeur locative 35Absence de plafond ou de plancher 351) Détermination de la « valeur locative » 352) Éléments à prendre en considération 35

b) Accord entre bailleur et locataire 35c) Loyer « à l'américaine » 35d) Éléments d'appréciation exclus 36

Interprétation de la notion d'investissement du preneur 36Plus ou moins-values imputables à la gestion du locataire 36

e) Institution d’un plafond de l’augmentation de loyer par la loi Pinel 36« Plafonnement du déplafonnement » 36Modalités d’application 37Précisions terminologiques 37

Section 3. Effets de la demande 38A. - Point de départ du nouveau prix 38

a) Règle de principe 38Le nouveau loyer part du jour de la demande 38

Page 3: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Accord des parties pour écarter la règle légale 38b) Cas particulier 39

Modification de la demande après sa notification 39B. - Point de départ des intérêts 39

a) Intérêts proprement dits 39b) Intérêts sur les intérêts 40c) Loyers perçus en trop par le bailleur 40d) Suites de la demande de révision 40

1° Conciliation 402° Fixation judiciaire du loyer 413° Exigibilité du nouveau loyer 42

Chapitre 3. LOYERS VARIABLES 43Section 1. Révision du loyer des baux « à paliers » 43

A. Formes diverses de « baux à paliers » 43a) Paliers constituant un mode de variation conventionnel du loyer 43b) Paliers permettant d'atteindre le loyer convenu 44

B. Révision fondée sur la variation des facteurs locaux de commercialité 44C. Révision fondée sur le jeu des indices 44

Section 2. Révision des loyers indexés 44a) Principe de l'automaticité de la variation du loyer 45

Cas où le bailleur ne réclame pas l'augmentation de loyer 45Aménagements 45Mise en échec de la clause 45

b) - Tempéraments à l'application automatique du loyer résultant de la clause d'indexation 461° Révision du loyer résultant du jeu de la clause d'indexation (C. com., art. L. 145-39) 46

c) Qui peut demander la révision ? 49Bailleur ou locataire 49Capacité et pouvoir 50

d) Comment demander la révision ? 50e) Effets de la révision 50

1) Fixation du loyer à la valeur locative 502) Retour à la valeur locative au jour de la demande 513) Possibilité de revenir à la révision légale (C. com., art. L. 145-38) 52

Section 3. Mise en œuvre de la révision légale 53Section 4. Révision du loyer résultant d'une « clause-recettes » 55

Chapitre 3. PLAFONNEMENT ET DÉPLAFONNEMENT 57Section 1. LA LOI PINEL 57

A. Principe : plafonnement du loyer 57B. - Renouvellement d'un bail expiré à son terme contractuel 59

a) Choix de l'indice multiplicateur 59b) Détermination de l'indice diviseur 59c) Loyer de base à prendre en compte 60

1. Versement d'un pas-de-porte lors de la conclusion du bail 602. Augmentation ou réduction conventionnelle du loyer en cours de bail 603. Loyer progressif (« bail à paliers ») 61

B. - Renouvellement d'un bail expiré se poursuivant par prolongation tacite 62a) Mode de calcul du nouveau loyer 62b) Exception : fixation du loyer à la valeur locative (déplafonnement) 63

1. Déplafonnement conditionnel 63B. - Déplafonnement automatique du loyer lié à la durée du bail 68

a) Bail expiré conclu pour une durée supérieure à neuf ans 69b) Bail de neuf ans qui s'est poursuivi pour plus de douze ans par prolongation tacite 69

C. - Déplafonnement conventionnel du loyer 71D. - Application du loyer déplafonné 71

Section 2. LES MÉTHODES ÉCONOMIQUES : la valeur locative 72A. Caractéristiques des locaux loués 73

Page 4: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

a) Éléments à prendre en considération 73b) Emplacement du local 74c) Commodité d'accès 74d) Surface. Volume. Rapports entre les diverses dimensions du local 74e) Adaptation à l'activité exercée 74f) État d'entretien de l'immeuble 75g) Existence de locaux accessoires ou annexes et de dépendances 75h) Équipements et moyens d'exploitation 75i) Locaux d'habitation inclus dans la location 75

B. Destination des lieux 76a) Influence de la destination des lieux sur la valeur locative 76b) Clause « tous commerces », ou faculté de sous-louer 76

C. Obligations respectives des parties 77a) Transfert d'obligations ou de charges sur le locataire 77b) Travaux et réparations 77c) Impôts et taxes 78d) Charges diverses 78

D. Facteurs locaux de commercialité 79E. Prix pratiqués dans le voisinage 79

a) Choix des loyers de comparaison 79b) Loyer judiciaire et loyer du marché 80

Cas des baux consentis sans « pas-de-porte » 82Le problème de la « décapitalisation » 82

TITRE 4. L’INFLUENCE DE LA DÉSPÉCIALISATION SUR LE LOYER RENOUVELÉ 84Chapitre 1. Modification matérielle des lieux loués 84

Section 1- Augmentation des surfaces louées 84A. Conditions du déplafonnement 85

a) Caractère notable de la modification 85b) Époque à laquelle est intervenue la modification des surfaces louées 86c) Cas où les surfaces supplémentaires dont dispose le locataire ne sont pas la propriété du bailleur

86d) Cas où l'augmentation des surfaces louées a donné lieu à une contrepartie financière 87

B. Augmentation de surface à la suite de travaux 87a) Travaux considérés comme des travaux d'amélioration 88b) Augmentation des surfaces de vente analysée en une simple modification des caractéristiques des locaux loués 88

Section 2. Réduction des surfaces louées 89Section 3. Adjonction de nouveaux équipements 90

A. Modification notable 90B. Conditions à remplir 90

Section 4. Modification des caractéristiques des locaux 90A. Nature de la modification 90B. Caractère notable de la modification 91

a) Modifications reconnues comme « notables » 91b) Modifications considérées comme insuffisamment « notables » 92c) Période au cours de laquelle doit être intervenue la modification des caractéristiques des locaux.

92C. Modification des obligations respectives des parties 92

a) Obligations découlant du contrat de bail 93b) Obligations découlant de la loi 93

1° Augmentation notable de l'impôt foncier 942° Autres exemples 95

Section 3. Modification de la destination des lieux 95A. - Réalité du changement de destination 96

a) Changement de destination prévu par le bail 96b) Modification de l'activité dans le respect de la destination des lieux 96

Page 5: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

B. - Modalités du changement de destination 97a) Changement de destination non autorisé 97b) Autorisation de changement de destination moyennant contrepartie 97

C. - Caractère notable de la modification 98D. - Époque du changement de destination 98

Section 4. - Modification des circonstances ayant entouré la fixation du loyer du bail à renouveler 98A. - Principe : l'insuffisance du montant du loyer par rapport à la valeur locative réelle n'est pas en soi un motif de déplafonnement 98B. - Cas particulier : modification des modalités de fixation du loyer initial 99

a) Perception d'un pas-de-porte 99b) Loyer initial volontairement minoré 99

Section 5. Modification des facteurs locaux de commercialité 101A. - Existence d'une modification notable 101

a) Modifications à prendre en compte 101b) Modification concernant « l'importance de la ville, du quartier ou de la rue » 102c) Modifications concernant l'environnement immédiat des locaux loués 102d) Modification de l'accessibilité des locaux loués 103e) Modification de l'attractivité de la rue ou du quartier 104

B. Conditions à remplir 104a) Nature et objet de la modification 104b) Preuve de la modification 105

C. Incidence de la modification des facteurs locaux de commercialité sur l'activité du locataire 105a) Intérêt de la modification des facteurs locaux de commercialité pour le commerce considéré 105

1. Notion de « commerce considéré » 1052. Notion « d'intérêt » pour le commerce considéré 106

b) Critères d'appréciation admis et critères exclus 1071. Appréciation « in abstracto » 1072. Chiffre d'affaires du locataire 1073. Prix de vente des fonds et montant des loyers dans le secteur 108

c) Applications diverses 108Augmentation de la population 108Modification de l'environnement 109Implantation de nouvelles enseignes 110

TITRE 5. L’IMPACT DES TRAVAUX SUR LE LOYER RENOUVELÉ 111Chapitre 1. Preuve des travaux 111

Section 1. Preuve de la matérialité des travaux 111Section 2 Preuve de la date des travaux 111

Chapitre 2. Qualification des travaux 112Section 1 Critères de qualification 112

A. Travaux nécessaires pour adapter les locaux à leur destination contractuelle 113B. Travaux effectués par le bailleur en exécution des obligations imposées par le contrat de bail 113C. Travaux constituant à la fois une modification notable des caractéristiques des lieux et une amélioration notable des locaux 114D. Inventaire 114

a) Travaux considérés comme des améliorations 114b) Travaux modifiant les caractéristiques des locaux loués 115

B. Travaux financés par le bailleur 116a) - Financement direct ou indirect 116b) Conséquences 117c) Conditions du déplafonnement 118d)- Mécanisme du déplafonnement 118

C. - Travaux financés par le locataire 118a. - Jeu de l'accession 119b. - Travaux modifiant les caractéristiques des lieux loués 120c. - Travaux d'amélioration 120

D. Cas particulier des hôtels 121

Page 6: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

a. - Champ d'application 121b - Conditions d'application 122c) Sanction du non-respect des formalités exigées par la loi 122d) Incidences des clauses du bail 123e - Conséquences de l'application de l'article L. 311-3 du Code du tourisme 124

TITRE 6. LE LOYER DES BIENS ATYPIQUES 126Chapitre 1. Locaux construits en vue d'une seule utilisation dit « locaux monovalents » 126

Section 1. – Notion de locaux monovalents 126A. Critère matériel : affectation à une activité spécifique 126

a) Notion d'affectation à l'exercice d'une activité spécifique 126Constructions ou aménagements en vue d'une utilisation spécifique 126Application aux locaux aménagés postérieurement à leur construction 127Utilisation des locaux 127Clauses du bail et « monovalence » 127

b) Pluralité d'activités et monovalence 128La pluralité d'activités exclut en principe la monovalence 128Exercice d'activités annexes ou accessoires à l'activité principale 128Activités regroupées au sein d'une exploitation unique s'adressant à une même clientèle 129

c) Cas particulier de la sous-location 129Sous-location pour l'exercice d'une activité distincte de l'activité principale 129

B. Critère économique 130C. Applications 130

a- Locaux à usage industriel 130b- Établissements d'enseignement 130c- Etablissements de nuit et casinos 130d- Cinémas. Salles de spectacles 131e- Boulangeries 131f- Maisons de retraite ou de repos ; pensions de famille 131g- Garages 132h- Location en meublé 132i- Activités diverses 132

Section 2. - Fixation du loyer 133A. Règles générales sur la fixation du loyer 133

a) Principe : fixation selon les usages observés 133b) Fixation du loyer à la valeur locative 133c) Référence aux usages de la profession 133

B. Applications 134a) Connaissance des « usages » 134b) Cinémas – Salles de spectacles 134

Chapitre 2. Locaux à usage exclusif de bureaux 135Section 1. - Conditions d'application de l'article R. 145-11 135

A. Définition des « bureaux » 135B. Utilisation des locaux comme bureaux 136

b) Interprétation de la volonté des parties 136C. Utilisation exclusive des locaux comme bureaux 137

a) Notion d'usage exclusif 137b) Clauses « tous commerces » 137c) Locaux affectés partiellement à usage d'habitation 138

D. Applications 138Section 2. - Mode de fixation du loyer 139

A. Règles posées par l'article R. 145-11 139B. Absence de caractère impératif 139C. Méthodes utilisées 140

Chapitre 3. Les hôtels 140Section 1. Qualification du bail des banques. 140

A. La banque comme local monovalent 140

Page 7: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

a) L'activité bancaire peut requérir des installations lourdes et spécifiques : ce sera un local monovalent 140b) Une agence bancaire peut être installée avec des équipements légers (protection assurée par des dispositifs électroniques) : ce n’est plus un local monovalent 140

B. La banque comme local à usage exclusif de bureaux 140Section 2. Mode de calcul 141

Chapitre 4. Les hôtels 141Section 1. L’hôtel comme local monovalent 143

A. Principe et difficultés d'application 143a) Monovalence admise malgré l'exercice d'activités annexes 144

b) Monovalence non admise 144Section 2. Les grandes familles d’évaluation des murs et des loyers des hôtels 145Chapitre 4. Les cliniques 147

TITRE 7. CALCUL DU LOYER ET PROCÉDURES COLLECTIVES 148

PARTIE 2. LE CALCUL DE L’INDEMNITE OU VALEUR D’ÉVICTION 149

1. Principes du calcul de l'indemnité d’éviction 149

2. Méthode d'évaluation en cas de perte du fonds de commerce 150

LES INDEMNITÉS ACCESSOIRES À L’INDEMNITÉ PRINCIPALE 155a) Frais normaux de déménagement et de réinstallation 155b) Les frais de remploi 155c) Trouble commercial 155d) Indemnité de licenciement 156e) Plus-value 156f) Prise en compte de la TVA 156

3. METHODE D’EVALUATION EN CAS DE TRANSFERT DU FONDS 157

LE DROIT AU BAIL SE DISTINGUE DU PAS DE PORTE QUI EST LE MONTANT DEMANDÉ PAR LE BAILLEUR AU LOCATAIRE ENTRANT. 157

3.1. VALEUR DU DROIT AU BAIL 157

3.2. LES INDEMNITÉS ACCESSOIRES : FRAIS DE DÉMÉNAGEMENT ET DE RÉINSTALLATION ET AUTRES FRAIS 159

4. CAS PARTICULIERS DES BUREAUX 160

a) Bureau 160

b) Théâtre, cinéma et spectacles 160

PARTIE 3. LE CALCUL DE LA VALEUR D’UN TERRAIN (BILAN PROMOTEUR) 162

TITRE 1. LE POINT DE DEPART : LE COUT D’ACQUISITION 162Chapitre 1. Déterminer le cout d’acquisition net 162Chapitre 2. Relativisation par l’intégration de données factuelles 162

Page 8: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

TITRE 2. LA VENTILATION ENTRE LE TERRAIN D’ASSIETTE ET LES CONSTRUCTIONS 162Chapitre 1. Les pistes du droit fiscal 162Chapitre 2. La méthode par comparaison pour les terrains nus 163

Section 1 - La méthode au mètre carré 163Section 2- La méthode dite au pourcentage du prix de vente 164Section 3- Les facteurs qui influencent la comparaison 164

Chapitre 3. La méthode pour l’évaluation du bâti 165Section 1. La méthode par le coût de reconstruction 165Section 2. La méthode par les composantes 166Section 3. Pratique de ces méthodes en matière fiscale 167

PARTIE 4. LE CALCUL DE LA VALEUR VÉNALE D’UN BIEN IMMOBILIER 169

Titre 1. Valeur et prix 169Chapitre 1. La valeur en théorie 169Chapitre 2. De la théorie à la pratique 171

Titre 2. Méthodes d’évaluations traditionnelles 172Chapitre 1 Définition de la valeur vénale 172Chapitre 2. Les méthodes d’expertise 173

Section 1. La méthode par comparaison 173A- Présentation de la méthode 173B- Les facteurs qui influencent la comparaison 174C- Les limites de la méthode par comparaison : 174

Section 2. Méthode d’évaluation par capitalisation 175A- Présentation de la méthode 175B- Le choix du taux de capitalisation 175C- Limites de la méthode de capitalisation 176

Section 3. Méthode de l’évaluation par les coûts 177A- Exposé de la méthode 177B- Critique des méthodes basées sur le prix de revient de la construction 178C- Amélioration: la méthode des promoteurs 178

Chapitre 2. Phase dite de conciliation 179

Titre 3. - L’approche moderne de l’expertise 179Chapitre 1 Méthode financière des cash-flows 180

A. Exposé des principes 180a- Revenu périodique 180b- Valeur finale de l’objet 180c- Le taux d’actualisation 180

Chapitre 2. Intérêt et simplification 180Section 1- Les différences avec la méthode par capitalisation 181Section 2 - Simplification de la méthode 181Section 3- Limites de la méthode 182

Chapitre 3. L’amélioration de la lecture du marché : la méthode hédoniste 182Section 1. Les bases théoriques 182

A- Origine 182B- Théorie traditionnelle de la consommation 183C- Théorie de Lancaster (1966) 183D- Modèle de S. Rosen sur la demande de caractéristique (1974) 183E- Relation fonctionnelle 184F- Applications 184

Chapitre 3. Une application en grandeur nature : les loyers de Bordeaux 186Chapitre 4. PORTÉE DE L’IFI 188Chapitre 5. INFLUENCE DE LA JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE SUR LA VALEUR VÉNALE 188

Page 9: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

5. LE CALCUL DE LA VALEUR DES PARTS DE SCI 189

Page 10: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

IntroductionLes dispositions concernant la révision des loyers commerciaux figuraient à l'origine dans le décret n° 53-960 du 30 septembre 1953. Ce décret a fait l'objet d'une codification aux termes d'une ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 (JO 21 sept. 2000 et rectif. JO 18 nov. 2000). Le décret n° 2007-431 du 25 mars 2007 (JO 27 mars 2007) a abrogé le décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, à l'exception toutefois de ses articles 33, 39 et 45 (J.-P. Blatter, La codification quasiment définitive du décret du 30 septembre 1953 : AJDI 2007, p. 446). Ce décret a été codifié dans la partie réglementaire du Code de commerce, qui comporte 33 articles consacrés au bail commercial (C. com., art. R. 145-1 s.).

Page 11: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

PARTIE 1. LE CALCUL DU LOYER d’UN BIEN IMMOBILIERTITRE : 1. LE CALCUL DU LOYER A LA SIGNATURE DU CONTRAT (bail neuf)

Chapitre 1. PrincipesLe montant initial du loyer n'est pas réglementé et est fixé librement par les parties au contrat. Le propriétaire n'est pas tenu par le loyer du locataire précédent ou par des loyers de référence. Il est en général basé sur la valeur locative du bien.

La Cour de cassation a, dans plusieurs décisions, indiqué que les juges qui fixent la valeur locative d'un local dont le bail est renouvelé « sont libres d'adopter le mode de calcul qui leur paraît le meilleur » (Cass. 3e civ., 16 oct. 1974, n° 73-12.175 : Bull. civ. 1974, III, n° 362. – Cass. 3e civ., 7 mai 1986 : Bull. civ. 1986, III, n° 63. – Cass. 3e civ., 3 févr. 1988 : Loyers et copr. avr. 1988, n° 178. – Cass. 3e civ., 16 oct. 1990 : Gaz. Pal. 1991, 1, p. 84, note J.-D. Barbier.).

La réglementation des baux commerciaux ne prescrit l'emploi d'aucune méthode particulière pour déterminer la valeur locative des lieux loués (Cass. 3e civ., 29 avr. 1971 : JCP G 1971, IV, 144).

Il importe cependant que le juge prenne en considération l'ensemble des éléments énumérés par l'article L. 145-33 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 29 avr. 1971, préc. – Cass. 3e civ., 13 avr. 1972 : Bull. civ. 1972, III, n° 226), ce qui doit ressortir de sa décision (Cass. 3e civ., 9 févr. 1994, n° 91-17.949 : Loyers et copr. 1994, comm. 200).Toute méthode qui exclurait la prise en compte des critères énumérés par l'article L. 145-33 du Code de commerce encourrait la censure de la Cour de cassation. Il en serait de même si le juge faisait application de critères non prévus par ce texte.

Le prix du loyer est généralement exprimé en euros annuels hors taxes par mètre carré.Exemple : le loyer mensuel d'une boutique de 100 m² affichant un prix de 600 € HT correspond à un loyer mensuel de (100 x 600)/12 = 5.000 € HT.

Le prix du bail résulte donc du principe économique de l’offre et de la demande. Si le propriétaire des murs peut librement déterminer le montant du loyer, encore faut-il qu’un commerçant accepte de payer ce prix.

En général, c’est une méthode comparative qui est utilisée, même si elle ne rend pas compte de la réalité économique des investissements.

De manière simpliste, on peut dire qu’elle a lieu en trois temps :

Exemple : Pour un restaurant, il faut mesure la surface de la terrasse sur le trottoir, celle de la salle à manger, de la cuisine, des toilettes, de la cave…

Puis, il faut appliquer à chacune de ces parties un coefficient de prise en compte.

Page 12: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Exemple : Pour un restaurant, la terrasse sur le trottoir est affectée d’un coefficient 1,25, celle de la salle à manger d’un coefficient 1, de la cuisine d’un coefficient 0,5, des toilettes d’un c) 0,25, de la cave d’un coefficient 0,10…

A. Pondération des surfaces – Quelle que soit la méthode adoptée, il est utile d'avoir recours à une « unité de mesure » permettant d'effectuer les comparaisons. Pour ce faire, il est d'usage de « pondérer » les surfaces du local considéré, en les affectant de coefficients. « La surface du local ainsi pondérée pourra ainsi s'exprimer en un nombre de mètres carrés de valeur locative ayant tous la même valeur » (V. J.-P. Blatter, préc. n° 14, p. 285). En invitant à se référer aux loyers pratiqués « par unité de surface » l'article R. 145-7 du Code de commerce légitime cette pratique, qui a pour objet de permettre la comparaison de locaux de configuration et de superficie différente. Cette technique n'est régie par aucune disposition légale ou réglementaire (Cass. 3e civ., 19 sept. 2005 : AJDI 2007, p. 840) et les méthodes utilisées, et donc les coefficients de pondération appliqués peuvent varier selon les experts (V. pour un exemple, CA Paris, 16e ch., sect. A, 15 juin 2005 : AJDI 2005, p. 738).

Pour procéder à la pondération, les locaux en cause sont divisés en zones homogènes au regard de différents critères : leur configuration, leur niveau, leur accessibilité, leur destination et leur utilité commerciale. Ces critères déterminent le coefficient de correction applicable à chacune des zones. Après multiplication de la surface réelle de chaque zone par le coefficient adéquat, les surfaces ainsi corrigées sont cumulées pour obtenir la « surface pondérée » totale.Pour l'application des coefficients, il y a lieu de tenir compte de l'utilité des surfaces concernées pour l'activité exercée (CA Paris, 16e ch., sect. A, 27 oct. 2007, n° 04/21937 : JurisData n° 2007-347233 ; Loyers et copr. 2008, comm. 110, obs. E. Chavance), de la valeur d'utilisation de telle ou telle surface (CA Paris, 16e ch., sect. A, 2 mai 2007, n° 06/05546 : JurisData n° 2007-333983), en distinguant les surfaces commerciales les plus attractives en fonction de la configuration des lieux, de la profondeur, de la largeur de la façade, de l'accessibilité, de la commodité, de la vétusté, de la situation et de l'utilisation des lieux (CA Colmar, 2re ch. civ., sect. B, 28 mars 2007, n° 1B04/05641 : JurisData n° 2007-346322).

Lorsque les surfaces concernées constituent un tout (par exemple le hall d'attente et la salle des coffres dans une banque) le coefficient de pondération appliqué doit être le même (CA Paris, 16e ch., sect. A, 21 janv. 2009 : JurisData n° 2009-374782). De même il n'y a pas lieu de pratiquer une pondération différente en fonction de la situation des diverses pièces, lorsqu'elles ont toutes la même utilité : ainsi, dans un commerce de gros, lorsque la totalité des locaux sert en fait à l'accueil d'une clientèle constituée de professionnels venant prendre ou chercher leurs commandes (CA Paris, 16e ch., sect. A, 17 mai 2000 : AJDI 2001 p. 737), ou, dans un établissement d'enseignement lorsque toutes les pièces sont utilisées comme salles de cours et de bureaux (CA Paris, 16e ch., sect. B, 1er oct. 2008 : JurisData n° 2008-370659).

Il faut cependant noter que la pondération n'est pas d'une application systématique. Ainsi les surfaces réelles sont en général retenues pour les locaux industriels, ou à usage artisanal (ateliers) ou encore pour les bureaux (V. CA Paris, 30 nov. 1989 : D. 1990, inf. rap. p. 9). Une pondération pourra cependant être appliquée si ces locaux ne sont pas aisément utilisables.

Les coefficients de pondération varient selon la nature des locaux (bureaux, locaux d'activités, locaux monovalents, locaux industriels, etc.) et selon leur surface (boutiques traditionnelles, boutiques de surface importante, entre 100 et 300 mètres carrés ; grandes surfaces et « hypersurfaces »). Il est admis qu'il y a lieu de distinguer la pondération des boutiques de faible superficie et la pondération des très grandes surfaces (CA Paris, 16e ch., sect. A, 21 févr. 2005 : Administrer oct. 2005, p. 39, obs. B. Boccara).

Page 13: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Des tentatives ont été faites pour unifier les pratiques. La Compagnie des experts en estimation de fond de commerce et d'industrie et de valeur locative près la cour d'appel de Paris a publié des barèmes (Le point sur la pondération des surfaces : AJDI 1999, p. 1114. – V. également les recommandations pour la pondération des locaux à usage de commerce, figurant en annexe de la Charte de l'expertise en évaluation immobilière : AJDI 2007, p. 15). Et divers experts ont publié des études approfondies, qui constituent d'utiles références (M. Cornaton et S. Fruchter, La pondération des surfaces en matière de locaux commerciaux : Gaz. Pal. 16-17 juin 2006, p. 3. – M. Delécole, Du bon d'usage de la pondération des valeurs locatives : AJDI 2007 p. 15).

B. TABLEAU PROPOSE PAR Me BRAULT

Page 14: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation
Page 15: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Section 2. Détermination de la moyenne de la valeur de location Il faut obtenir le plus d’information sur le montant des loyers pratiqués dans le voisinage.Cette valeur moyenne doit être pondéré en raison de données particulières pour le logement.

Si le bail est prévu pour « tous commerces », le loyer est en principe plus élevé que celui d'un bail autorisant seulement une activité définie.

Section 3. Application du prix de location à la moyenne pondéréeAfin de déterminer la valeur locative du commerce, il suffit enfin d’appliquer la valeur locative déterminée (prix annuel au m2) à la surface pondérée.

Le prix des loyers commerciaux est soumis à la TVA au taux normal de 20 %. Le prix prend en compte différents éléments, comme par exemple :- caractéristiques du local (emplacement, surface, standing et agencements des locaux...),- destination des lieux (nature et nombre des commerces autorisés par le bail),- facteurs locaux de commercialité (enseignes de notoriété, transports par exemple),- prix pratiqués dans le voisinage...

Le contrat de bail peut également prévoir le versement par le locataire d'un dépôt de garantie, dont le montant est librement fixé par les parties, visant à garantir au bailleur la bonne exécution du bail. Il ne s’agit pas d’une obligation légale, toutefois en pratique le dépôt de garantie est souvent exigé.

Chapitre 2. LE PAS DE PORTE

Section 1. OrigineLorsque le bail porte sur un local vacant, une clause du bail commercial peut prévoir le versement d'un droit d'entrée au propriétaire des murs.

Cette somme, librement fixée par les parties, est définitivement acquise au bailleur et n'a pas à être remboursée à la fin du bail.

Initialement, le pas de porte visait à indemniser le propriétaire des murs de la perte économique que constitue l’entrée d’un commerçant dans ses murs. En effet, une fois installé, le commerçant ne peut plus être mis à la porte, sauf paiement d’une indemnité d’éviction. Qui plus est, le commerçant pourra céder le droit au bail en même temps que son fonds de commerce. C’est ce que la pratique appelle « la propriété commerciale ».Pour un propriétaire, concéder un bail commercial revient à se priver définitivement de la possibilité de récupérer les murs abritant le fonds de commerce. Sauf à miser sur la faute ou les fautes commises par le locataire commercial. Aujourd’hui, cette conception du pas-de-porte (différence entre la valeur de l’immeuble libre et la valeur du même immeuble en tenant compte de la propriété commerciale).

En revanche, le droit de préemption légal du locataire n’est pas applicable en cas de vente judiciaire d’un ensemble immobilier (Cass. 3E civ., 17 mai 2018, n°17-16113). Ce droit de préemption du locataire a été considéré comme une règle d’ordre public et les parties ne peuvent déroger par une clause contraire : « en application de l'alinéa 1er de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d'ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation et ayant relevé que le preneur avait fait connaître au bailleur son acceptation d'acquérir au seul prix de vente, la cour

Page 16: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

d'appel en a exactement déduit que la vente était parfaite »  (Cass. 3e civ., 28 juin 2018, n°17-14605).

Section 2. Dualité du pas-de-porteAujourd’hui, d’un point de vue économique, le pas-de-porte peut être :- soit un supplément de loyer (cas le plus fréquent), permettant au propriétaire de se prémunir contre le risque de décalage entre la hausse de loyer et celle de la valeur locative réelle des locaux. Comme le pas-de-porte est un « supplément de loyer », ce supplément est intégré dans le calcul du loyer au moment du renouvellement du bail.- soit une indemnité en contrepartie de certains éléments, notamment d'avantages commerciaux, fournis par le bailleur sans rapport avec le loyer, en contrepartie de l'indemnité d'éviction due au locataire en cas de non-renouvellement du bail, ou en contrepartie de la dépréciation de la valeur vénale des locaux. C’était l’utilité originelle de la notion de pas-de-porte – compenser la perte de valeur de l’immeuble.

La nature du pas-de-porte doit être précisée dans le contrat de bail.

Section 3. Effets économiques, fiscaux et comptablesLe versement au bailleur d’un pas-de–porte est en général compensé par un loyer plus faible. Cela permet au commerçant de céder plus facilement le fonds de commerce ; en effet, nous verrons que, pour apprécier la valeur du fonds de commerce, le futur acquéreur doit intégrer dans son analyse le prix du loyer. Plus le loyer que le commerçant doit s’acquitter auprès du propriétaire des murs est faible, meilleure est la rentabilité dudit fonds et, par conséquent, meilleur sera son prix.

Fiscalement et comptabilité,- si dans le contrat de bail le pas-de-porte est défini comme un supplément de loyer, le locataire pourra le déduire de ses bénéfices, en répartissant cette déduction sur une période au moins égale à la durée du bail.- si dans le contrat de bail ce versement est qualifié d'indemnité, le locataire ne peut ni le déduire, ni l'amortir.

TITRE 2. LE CALCUL DU LOYER LORS DE LA RÉVISION TRIENNALE EN COURS DE BAIL 

La révision triennale en cours de bail est la révision dite « légale » qui s'applique aux loyers ne comportant pas de clause de variabilité (loyers fixes).

Chapitre 1. - Généralités Nous rappellerons brièvement tout d'abord l'évolution de la réglementation (1°). Puis, après avoir évoqué les clauses concernant la révision du loyer (2°), nous soulignerons le caractère impératif des règles concernant cette révision (3°).

Section 1. Baux concernés

Les dispositions concernant la révision des loyers commerciaux figuraient à l'origine dans les articles 26 et suivants du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953. Les dispositions

Page 17: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

concernant la révision des loyers figurent désormais sous les articles L. 145-33 et suivants du Code de commerce.Le décret n° 2007-431 du 25 mars 2007 (JO 27 mars 2007) a abrogé le décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, à l'exception toutefois de ses articles 33, 39 et 45. Ce décret a été codifié dans la partie réglementaire du Code de commerce, qui comporte 33 articles consacrés au bail commercial (C. com., art. R. 145-1 s.).

– La possibilité de réviser le loyer en cours de bail est prévue par des textes divers :• l'article L. 145-38 du Code de commerce tout d'abord, qui concerne les révisions des loyers fixes, ne comportant pas de clause de variabilité (clause d'indexation ou clause-recettes) ;• l'article L. 145-39 du Code de commerce, concernant la révision des loyers assortis d'une clause d'échelle mobile ;• l'article L. 145-31 du Code de commerce qui permet de réviser le loyer en le majorant dans le cas de sous-location.;• l'article L. 145-47, alinéa 3 du Code de commerce, qui prévoit la possibilité de réviser le loyer dans le cas de déspécialisation partielle, l'article L. 145-50 du Code de commerce autorisant pour sa part la révision du loyer en cas de déspécialisation totale.

Section 2. Caractère impératif des règles concernant la révision du loyer – Selon l'article L. 145-15 du Code de commerce, “sont réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec aux dispositions des articles […] L. 145-37 à L. 145-41”.Sont englobés dans cette énumération les articles L. 145-33 à L. 145-40, relatifs à la révision des loyers.

Ces textes ont un caractère d'ordre public. Avant la réforme, la discussion avait lieu sur la sanction des clauses contraires ; depuis celle-ci, les clauses contraires à ces dispositions sont réputées non écrites.

Section 3. Faculté de renoncer à l'application des règles légales – Les parties peuvent renoncer à l'application des règles légales ou à invoquer la nullité résultant de leur violation, à la double condition suivante :• il faut qu'au moment où intervient cette renonciation le renonçant ait un droit acquis à se prévaloir selon le cas du bénéfice de la loi ou de la violation de ses dispositions ;• il faut que cette renonciation intervienne en pleine connaissance de cause.

– La jurisprudence a fait de multiples applications de ces principes :• il a été jugé qu'une fois réunies les conditions de la révision du loyer, les parties pouvaient y procéder sans tenir compte des règles de l'article L. 145-38, le preneur renonçant par exemple à invoquer les règles du « plafonnement » (Cass. com., 27 nov. 1970 : Rev. loyers 1971, p. 162. – Cass. 3e civ., 24 oct. 1979 : JCP G 1980, IV, 2. – CA Versailles, 12e ch., 18 mai 1995 : JCP E 1996, pan. 203) ou à invoquer le non-respect des formes légales (Cass. 3e civ., 5 avr. 2005, n° 04-12.358 : Loyers et copr. 2005, comm. 159, obs. Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal. 9-10 déc. 2005, p. 26, note J.-D. Barbier) ;• il a également été admis qu'elles pouvaient réviser le loyer alors que les conditions de recevabilité de l'action en révision n'étaient pas réunies (Cass. 3e civ., 24 oct. 1979 : Bull. civ. III, n° 189 ; Rev. loyers 1980, p. 45, note Viatte. – Cass. 3e civ., 6 nov. 1991 : JurisData n° 1991-004086 ; Loyers et copr. 1992, comm. 302), par exemple si le délai de trois ans n'est pas écoulé (Cass. 3e civ., 7 mars 2001. – V. n° 27).

Si le locataire ne conteste pas devant le juge des loyers la recevabilité d'une demande en révision et que les deux parties acceptent le principe d'une expertise pour la fixation du loyer révisé, il se forme un « contrat judiciaire » permettant la révision alors même que

Page 18: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

les conditions prévues par le Code de commerce ne sont pas remplies (Cass. com., 14 oct. 1963 : Gaz. Pal. 1964, 1, p. 134).

Chapitre 2. - Champ d'application des règles légales concernant la révision du loyer

Section 1. Baux soumis au statut des baux commerciaux Les règles posées par le décret du 30 septembre 1953 concernant la révision des loyers s'appliquaient, aux termes mêmes de l'article 26 de ce même décret, aux « loyers des baux d'immeubles ou de locaux régis par les dispositions du présent décret ».L'interprétation de ce texte avait donné lieu à controverses : lorsqu'il exigeait pour que la révision légale soit applicable que le bail soit « régi » par le décret du 30 septembre 1953, cela signifiait-il qu'il devait conférer au locataire le bénéfice du droit à renouvellement ? Ou simplement que tout bail faisant l'objet d'une réglementation spécifique dans le cadre du décret du 30 septembre 1953 et entrant dans le champ d'application de ce décret obéissait lorsqu'il fallait en réviser le loyer aux dispositions des articles 27 et 28 anciens ?

Ces controverses restent toujours d'actualité après la codification, puisque l'article L. 145-37 du Code de commerce reprend, à peu de chose près, l'ancien texte dans les mêmes termes, en indiquant que « les loyers des baux d'immeubles ou de locaux régis par les dispositions du présent chapitre peuvent être révisés (…) »

Opinions en présence – Il a été soutenu que les baux auxquels n'était pas attaché le bénéfice de la propriété commerciale n'étaient pas soumis aux règles de la « révision triennale ».La Cour de cassation, par un arrêt du 11 juin 1986, a préféré l’opinion contraire (Cass. 3e civ., 11 juin 1986, n° 84-17.222 : Bull. civ. III, n° 93 ; JCP N 1987, prat. 86 ; Defrénois 1987, art. 34016-49, p. 935, obs. Vermelle) : « si le bail rentre dans le champ d'application du statut il n'est pas nécessaire, pour que les règles concernant la révision légale soit applicables, que soient en outre réunies les conditions propres au droit à renouvellement ». En conséquence il a été admis en l’espèce que le loyer d'un bail de terrain nu, sans obligation de construire pouvait être « révisé » par application des dispositions du statut des baux commerciaux.

Deux points sont en toute hypothèse hors de discussion :• lorsqu'un bail confère le droit au bénéfice du statut des baux commerciaux, les règles concernant la révision légale lui sont applicables ;• lorsqu'un bail n'entre pas dans le champ d'application du statut mais relève du secteur libre, les parties peuvent convenir d'appliquer pour la révision du loyer les règles édictées par le statut des baux commerciaux (Cass. 3e civ., 3 nov. 1988, n° 87-14.963 : Bull. civ. III, n° 152. – Cass. com., 11 déc. 1969 : Bull. civ. III, n° 824).

Section 2. Baux en cours Les règles concernant la révision du loyer s'appliquent pendant toute la durée du bail originaire ou de sa prorogation (TGI Marseille, 18 sept. 1972 : Ann. loyers 1973, p 15-25.939. 976).

– Que se passe-t-il lorsque le bail arrive à son terme ?• si aucun congé n'est donné, le bail se poursuit par tacite prolongation. Des demandes de révision peuvent être formées pendant cette période, sous réserve que les conditions

Page 19: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

de recevabilité, notamment de délai soient remplies (CA Aix-en-Provence, 24 avr. 1972 : Ann. loyers 1973, p. 976. – CA Paris, 25 avr. 1985 : Loyers et copr. 1985, comm. 345) ;L’article L. 145-9 du Code de commerce a été qualifié d’ordre public par la Cour de cassation depuis un arrêt de principe du 17 mai 2002 (Cass. Ass. Plén., 17 mai 2002, n°00-11664) : le congé doit obligatoirement emprunter la forme d’un acte extrajudiciaire et les parties ne peuvent déroger à la règle en prévoyant contractuellement la possibilité de délivrer congé par une lettre recommandée. De même, la mise en œuvre de la clause résolutoire exige un exploit d’huissier (Cass. 3e civ., 21 déc. 2017, n°16-10.583 ; Gaz. Pal. 20 mars 2018, p.66, note C.-E. Brault).

• si le bail est renouvelé amiablement, ou à la suite d'un congé avec offre de renouvellement, une demande de révision peut être formée dès lors que trois ans se sont écoulés à partir de la date de prise d'effet du nouveau loyer. Peu importe que le loyer du bail renouvelé ne soit pas encore fixé ;

• si un congé est donné en vue de l'éviction du locataire (congé avec offre d'indemnité par exemple, ou pour motif grave et légitime), le bail prend fin et le locataire n'est plus redevable d'un loyer mais d'une indemnité d'occupation.

Le montant de cette indemnité d’occupation est habituellement déterminé par le contrat de bail. Le juge des référés ne peut pas retenir les dispositions contractuelles lorsqu’elles s’assimilent à une clause pénale (Cass. 3e civ., 6 juill. 2017, n°16-19564).

Section 3. Conditions de recevabilité de la demande de révision Selon l'article L. 145-38 du Code de commerce :La demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision.De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.

Ce texte pose donc une condition de délai pour que la demande soit recevable (A). Mais la recevabilité de la demande est également subordonnée à d'autres conditions définies par la jurisprudence (B).

A. Conditions de délai – L'article L. 145-38, alinéa 1er du Code de commerce indique que la révision n'est possible “que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé”.Ensuite, “de nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable”.

La seule condition imposée de recevabilité d'une demande de révision – par l'une ou l'autre des parties – est l'écoulement d'un délai de trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé ou, après une précédente révision, depuis le jour où le nouveau prix est entré en application.

En imposant ce délai, le législateur a tenu à accorder au locataire une certaine stabilité du loyer, sans pour autant priver le propriétaire d'une revalorisation équitable, pour le mettre à l'abri d'une dépréciation excessive du loyer.

a) Point de départ du délai

Page 20: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Première demande de révision après la conclusion du bail originaire – Lorsque la demande de révision est la première, faisant suite à la conclusion du bail d'origine, le point de départ du délai de trois ans est la date portée au bail pour l'entrée en jouissance (c'est-à-dire la date de prise d'effet du bail), même si elle est différente de la date de l'entrée en jouissance ou d'occupation effective, ou de la date de signature de l'acte lui-même (Cass. 3e civ., 19 mai 1971 : Bull. civ. III, n° 322).Peu importe donc que le locataire soit entré dans les lieux à une date antérieure (Cass. com., 28 juin 1960 : Bull. civ. III, n° 259). Le propriétaire ne peut prendre en compte le temps antérieur accompli en vertu d'un bail verbal (CA Paris, 10 févr. 1960 : Ann. loyers 1960, p. 764).

Première demande après la conclusion du bail renouvelé Lorsque la demande de révision est la première après la conclusion du bail renouvelé, le délai de trois ans court selon les termes mêmes de l'article L. 145-38, alinéa 1er du Code de commerce, à compter du « point de départ du bail renouvelé » : c'est-à-dire en fait de la date où le loyer du bail renouvelé a pris effet, et non pas de la date de la convention – s'il y a renouvellement amiable – ou du jugement (Cass. 3e civ., 17 mai 1971 : Bull. civ. III, n° 230. – Cass. 3e civ., 21 janv. 1981 : JCP N 1982, prat. 8194. – Cass. 3e civ., 11 juin 1985, n° 84-12.248 : Bull. civ. III, n° 92 ; JCP N 1986, prat. 9822). Si la date d'exigibilité du loyer renouvelé est reportée en raison du retard apporté par le bailleur à proposer un nouveau loyer, cette circonstance est sans incidence sur la date de prise d'effet du nouveau bail (Cass. 3e civ., 8 sept. 2016, n° 15-17.485; Loyers et copr. 2016, n° 217, note E. Chavance ; JCP E 2016, 1548, n° 41, note B. Brignon). Dès lors, si le bail s’est renouvelé le 1er avril 2017, mais que la date d'exigibilité du loyer a été judiciairement reportée au 23 juin 2018 car le bailleur a tardé à demander un nouveau loyer, l'indice de base à prendre en compte pour le calcul du loyer révisé est celui du deuxième trimestre 2017 correspondant à la date d’effet du bail renouvelé, et non pas celui du deuxième trimestre 2018.Peu importe que le loyer du bail renouvelé n'ait pas été fixé (ce qui peut se produire lorsqu'une procédure judiciaire s'instaure) : dès lors que trois ans ont couru depuis le point de départ du bail renouvelé, une demande de révision du loyer est recevable (Cass. 3e civ., 10 nov. 1982, n° 81-13.399 : Bull. civ. III, n° 217. – Cass. 3e civ., 25 nov. 1987, n° 86-14.638 : Bull. civ. III, n° 194). Peu importe également, en cas de fixation judiciaire, que le loyer fixé judiciairement ait pris effet postérieurement (CA Paris, 16e ch. A, 24 sept. 2008 : Loyers et copr. 2009, comm. 16, obs. E. Chavance).

Demande formée après prescription de la demande en fixation du loyer du bail renouvelé – Si après avoir accepté le loyer proposé par le locataire, le bailleur s'abstient de notifier le mémoire interruptif de prescription dans le délai de 2 ans imparti par l'article L. 145-62 du Code de commerce, la demande de fixation du loyer du bail renouvelée est prescrite. Mais ceci n'entraîne pas la prescription de l'action en révision du prix du bail en raison d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité que le bailleur avait introduite pendant le cours du bail expiré (Cass. 3e civ., 1er févr. 2012, n° 11-10.271 : Loyers et copr. 2012, comm. 109, note Ph.-H. Brault ; Administrer avr. 2012, p. 28, note J.-D. Barbier).

Demandes ultérieures – L'article L. 145-38, alinéa 2 du Code de commerce permet de former de nouvelles demandes de révision “tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable”. Ce sera selon le cas :• la date de prise d'effet du précédent loyer, résultant de la décision judiciaire qui l'a fixée (cette date est le plus souvent indiquée par cette décision) ;• la date convenue par les parties si la procédure de fixation du loyer a été conventionnelle.

Page 21: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

b) Terme du délai – La Cour de cassation a déclaré que les dispositions de l'article 641, alinéa 2 du Code de procédure civile s'appliquaient au calcul du délai fixé actuellement par l'article L. 145-38 du Code de commerce. Selon ce texte : « Lorsqu'un délai est exprimé en années, ce délai expire le jour de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de la notification qui fait courir le délai. À défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois ».

ExempleSi le loyer a fait l'objet d'une révision, le 1er décembre 1999, la demande de révision suivante ne peut être valablement formée avant le 2 décembre 2002 (Cass. 3e civ., 23 févr. 1994, n° 91-20.075 : Bull. civ. III, n° 31 ; RD imm. 1994, p. 510, note J. Derruppé ; JCP N 1995, II, p. 386, note B. Boccara).

Concrètement, il en résulte dans le cas considéré que la lettre recommandée ne peut être expédiée avant le 2 décembre 2002.

En revanche, les dispositions de l’article 642 du Code de procédure civile peuvent s’appliquer si les conditions en sont remplies : « la prorogation prévue à l'article 642 du code de procédure civile ne s'applique que lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, la cour d'appel qui, ayant retenu que le congé, qui devait être donné six mois avant l'échéance triennale et prendre effet le 30 septembre d'une année, dernier jour de ce mois, devait être signifié par le preneur au bailleur avant le dernier jour du mois de mars précédent, soit au plus tard le 31 mars de la même année, en a exactement déduit que le congé signifié le 2 avril 2013 ne pouvait produire effet au 30 septembre 2013 » (Cass. 3e civ., 8 mars 2018, n°17-11312).

c) Date à laquelle la demande de révision peut être formée – Selon la Cour de cassation, la date à laquelle la demande est « formée » selon les termes de l'article L. 145-38, alinéa 1er du Code de commerce correspond au jour de l'expédition de la lettre recommandée (Cass. 3e civ., 22 avr. 1980 : Bull. civ. III, n° 81 ; Journ. not. 1980, art. 55845, note J. Viatte) ou de la délivrance de l'acte d'huissier.Il devra donc s'écouler un délai de trois ans « au moins » (C. com., art. L. 145-38, al. 1er) entre la date retenue comme point de départ du délai légal et, selon le cas, la date d'expédition de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier contenant demande de révision, faute de quoi cette demande sera prématurée.

d) Sanctions des règles légales

Demande prématurée – La Cour de cassation a décidé que toute demande prématurée était irrecevable : ceci par application littérale du texte de l'article L. 145-38, al. 1er. Du Code de commerce (Cass. 3e civ., 30 mai 2001, n° 99-17.810 : AJDI 2001, p. 982, note J.-P. Blatter. – Cass. 3e civ., 11 juin 1985 : Bull. civ. III, n° 92 ; Rev. loyers 1985, p. 435. – Cass. com., 22 avr. 1980 : Rev. loyers 1980, p. 316, note J. Viatte - Cass. 3e civ., 8 mars 2018, n°17-11312). Le juge ne peut pas relever cette irrecevabilité d'office (Cass. 3e civ., 24 juin 1998, n° 96-19.730).

La solution est appliquée par la jurisprudence de manière rigoureuse : ainsi une demande sera déclarée irrecevable alors même qu'elle aurait été notifiée quelques jours seulement, ou même un seul jour à l'avance, pour prendre effet à la date exacte où le délai de trois ans sera accompli (TGI Marseille, 26 juin 1990 : Ann. loyers 1991, p. 670).

Page 22: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Une lettre recommandée expédiée le 28 mai pour prendre effet le 1er juin, date à laquelle devait expirer le délai de trois ans a été considérée comme inopérante (TGI Marseille, 16 déc. 1981 : Ann. loyers 1982, p. 964).

Ceci n'empêchera pas le bailleur de former une nouvelle demande, dans les délais cette fois : mais le nouveau loyer ne partant que du jour de cette dernière demande, ce retard lui sera bien évidemment préjudiciable (CA Paris, 24 mai 1983 : Loyers et copr. 1983, comm. 302.).

Demande tardive – Si le bailleur laisse s'écouler plus de trois ans depuis la précédente fixation du loyer, la demande de révision n'est pas pour autant irrecevable.Si par exemple une demande peut être faite à compter du 1er juin 2015 et que le bailleur néglige de la former, il n'est pas nécessaire d'attendre l'échéance du 1er juin 2018 (trois ans plus tard) pour demander une nouvelle révision du loyer. Elle peut être sollicitée à tout moment (T. civ. Valence, 31 janv. 1957 : D. 1957, somm. p. 58).

Une demande de révision tardive est préjudiciable au bailleur à un double titre :• le nouveau loyer ne partira que de la date de la demande, sans qu'il puisse rétroagir à la date à laquelle cette demande aurait pu être formée, à moins d'un accord amiable des parties sur ce point ;• ce retard aura pour effet de reporter d'autant la date des révisions ultérieures. Si, dans l'exemple donné ci-dessus, la demande tardive prend effet le 1er décembre 2015, la nouvelle révision ne pourra être formée qu'à compter du 2 décembre 2018, et non pas du 2 juin 2018.

e) Révision conventionnelle

Possibilité de réviser le loyer sans tenir compte du délai légal À partir du moment où les parties ont un droit acquis à s'en prévaloir, elles peuvent renoncer à invoquer la protection des règles légales (Cass. com., 19 juin 1957 : JCP G 1957, IV, 113. – Cass. 3e civ., 24 oct. 1979 : Bull. civ. III, n° 189 ; Rev. loyers 1980, p. 45, note J. Viatte. – Cass. 3e civ., 6 nov. 1991, n° 90-15.605) :

« L'article 35 du décret du 30 septembre 1953 (devenu C. com., art. L. 145-15) n'interdit pas aux parties, en cours de bail, de procéder à la révision du loyer sans tenir compte des règles de l'article 27 du décret du 30 septembre 1953 (devenu C. com., art. L. 145-38) », déclare un arrêt de la 3e chambre civile du 7 mars 2001 (Cass. 3e civ., 7 mars 2001, n° 99-18.368 : Bull. civ. III, n° 30 ; JCP E 2001, n° 18, p. 731 ; Gaz. Pal. 8 et 9 août 2001, p. 25, note J.-D. Barbier ; AJDI 2001, p. 423, note J.-P Blatter. –Cass. 3e civ., 26 mai 2016, n° 14-18.293). Ainsi le loyer pourra-t-il être révisé en cours de bail alors même qu'un délai de trois ans ne s'est pas écoulé depuis la précédente fixation, si le locataire est d'accord (CA Nancy, 31 mai 1979 : Rev. loyers 1980, p. 47).

Cet accord intervient fréquemment à l'occasion d'un avantage particulier que consent le bailleur au locataire : autorisation de travaux, de céder le bail, de sous-louer, de « déspécialiser », etc. La révision du loyer constitue la contrepartie financière de cet avantage.

Révision suivante – La révision suivante ne peut alors intervenir que trois ans après que le nouveau loyer aura pris effet (Cass. 3e civ., 21 janv. 1981 : Bull. civ. III, n° 18 ; JCP N 1982, prat. 8194. – Cass. 3e civ., 11 juin 1985 : JCP N 1986, prat. 9822. – Cass. 3e civ., 26 nov. 1986, n° 85-

Page 23: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

14.399 : Bull. civ. III, n° 167 : JCP N 1987, prat. 224), à moins que le locataire ne soit de nouveau d'accord pour accepter une révision du loyer avant l'expiration du délai légal.

Section 4. – Prescription de l’action en révision La demande de révision n'est recevable que si la prescription n'est pas acquise.L'action en révision est soumise à la prescription de deux ans de l'article L. 145-60 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 1er févr. 1983 : Bull. civ. III, n° 31 ; Gaz. Pal. 1983, 1, pan. jurispr. p. 160. – Cass. 3e civ., 1er juin 1988, n° 86-14.659 : JurisData n° 1988-000846 ; Bull. civ. III, n° 100 ; Loyers et copr. 1988, comm. 330).

Le point de départ du délai de deux ans est la date où la demande a été formée, et plus spécialement la date d'expédition de la lettre recommandée avec accusé de réception si cette forme a été utilisée (Cass. 3e civ., 1er juin 1988, préc.. – Cass. 3e civ., 7 nov. 1990 : Bull. civ. III, n° 219 ; JCP N 1991, p. 256, obs. Ph.-H. Brault). Peu importe que cette demande soit intervenue au-delà du délai minimum impératif de trois ans (Cass. 3e civ., 13 févr. 2002, n° 89-12.922 : Bull. civ. III, n° 39 ; Loyers et copr. 2002, comm. 150, obs. Ph.-H. Brault ; Administrer juill. 2002, p. 11, note J.-D. Barbier ; AJDI 2002, p. 289, note M.-P. Dumont ; Rev. loyers 2002, p. 127, note C. Quément).

Le délai de deux ans se calcule selon les règles posées par le Code de procédure civile. L'article 641 de ce code énonce que : “lorsqu'un délai a été exprimé en […] années, ce délai expire le jour…de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de […] la notification qui fait courir le délai. À défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois”.

A. Suspension de la prescription – Selon l’article 2234 du Code civil, la prescription “ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure”.

Lorsque la demande de révision est notifiée pendant le cours d'une instance en fixation du loyer du bail renouvelé, le fait que cette fixation ne soit pas intervenue, ne constitue pas une cause de suspension de la prescription car le bailleur peut néanmoins signifier son mémoire et agir en justice (Cass. 3e civ., 10 nov. 1982 : Bull. civ. III, n° 217 ; JCP N 1983, prat. 8763. – Cass. 3e civ., 13 mars 1985 : D. 1985, inf. rap. p. 296. – Cass. 3e civ., 25 nov. 1987, n° 86-14.638 : Bull. civ. III, n° 194 ; Loyers et copr. 1988, comm. 29 ; JCP N 1988, prat. 623). En pareil cas, le tribunal devra surseoir à statuer sur la demande de révision jusqu'à ce que le loyer du bail renouvelé ait été fixé.

– La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription a introduit de nouvelles causes de suspension :• la demande de mesure d'instruction (expertise) présentée avant tout procès (C. civ., art. 2239). La prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à cette demande, et le délai ne recommence à courir qu'à compter du jour où la mesure a été exécutée, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois ;• lorsque les parties, après la survenance d'un litige conviennent de recourir à la médiation et à la conciliation. Le point de départ de l'effet suspensif est le jour de l'accord écrit par lequel les parties décident de recourir à ces mesures ou, à défaut d'accord écrit, le jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La suspension prend fin à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. Le délai de prescription restant à courir dans cette hypothèse ne peut être inférieur à six mois (C. civ., art. 2238).

Page 24: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

La suspension arrête temporairement le cours de la prescription sans effacer le délai déjà couru (C. civ., art. 2230).

À la suite d'une demande de révision du loyer, il peut se produire que les parties engagent des pourparlers pour la fixation du loyer révisé. Si ces pourparlers se prolongent exagérément, la prescription peut être encourue. Pour l'éviter, il convient qu'un document écrit soit établi, organisant une procédure de médiation ou de conciliation, ce qui suspendra la prescription.

B. Interruption de la prescription – La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (C. civ., art. 2241, al. 1er), et ceci jusqu'à extinction de l'instance (C. civ., art. 2242). L'effet interruptif joue même lorsque la demande est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure (C. civ., art. 2241, al. 2).De même, la prescription est interrompue par la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait (C. civ., art. 2240) ou par un acte d'exécution forcée (C. civ., art. 2244).

Si l'on veut éviter le jeu de la prescription, il convient qu'un acte interruptif intervienne dans le délai de deux ans à compter du jour de la demande (V. n° 29).

– Outre les causes d'interruption de droit commun, l'article 33 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, non abrogé) prévoit une cause d'interruption spécifique au statut des baux commerciaux.Ce texte indique que la notification du mémoire, obligatoire en vertu de l'article R. 145-26 du Code de commerce « interrompt la prescription ». Il en est ainsi lorsque le mémoire préalable à la saisine du juge est notifié avant l'expiration du délai de deux ans (Cass. 3e civ., 9 nov. 1981 : Bull. civ. III, n° 179. – Cass. 3e civ., 10 nov. 1982 : Bull. civ. III, n° 217. – Cass. 3e civ., 13 mars 1985 : Loyers et copr. 1985, comm. 291. – Cass. 3e civ., 1er juin 1988 : Bull. civ. III, n° 100 ; Loyers et copr. 1988, comm. 391). Un mémoire en réponse expédié par lettre simple et non par lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'interrompt pas la prescription (Cass. 3e civ., 2 févr. 2005, n° 03-18.042 : Bull. civ. III, n° 21 ; JCP G 2005, IV, 567).

Si le bailleur n'a pas saisi le juge des loyers d'une demande en révision de loyer mais qu'il a assigné en paiement d'un loyer qu'il pensait être révisé de plein droit du fait de la publication de l'indice, l'assignation en paiement n'interrompt pas la prescription (CA Paris, 16e ch. B, 14 sept. 2006, n° 05/18781).

Section 3. Existence de la dette de loyer – La révision du loyer n'est pas possible lorsque le loyer a été payé d'avance en totalité : la dette est alors éteinte (Cass. 3e civ., 5 juin 1965 : Bull. civ. III, n° 421. – V. dans un cas où le loyer avait été payé de manière forfaitaire et transactionnelle d'avance et pour toute la durée du bail, Cass. 3e civ., 13 févr. 1985, n° 83-10.445 : Loyers et copr. 1985, comm. 264).Si le loyer est payable partie d'avance et partie par annuités, il a été jugé que la révision ne pourrait porter que sur la partie soumise à des versements périodiques, la fraction payée d'avance n'étant pas susceptible d'être affectée par la révision (Cass. 3e civ., 12 déc. 1968 : AJPI 1969, p. 809 ; Ann. loyers 1969, p. 1577).

Page 25: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Section 4. - Modalités de la demande

A. Le demandeur en révision

a) Bailleur ou locataire – La demande de révision peut être formée par le bailleur ou le locataire (C. com., art. L. 145-37).

Bailleurs solidaires – Le propre de la solidarité active, lorsqu'elle est stipulée (ce qui peut se produire dans le cas de cobailleurs) est que chaque créancier dispose d'un pouvoir de représentation. L'un des créanciers solidaires peut donc, par exemple, exiger et obtenir le paiement total du loyer, sauf à rembourser ultérieurement les autres ayants droit à concurrence de leur part.

Créanciers du bailleur ou du locataire – Les créanciers du bailleur ou du locataire pourraient-ils présenter une demande de révision du loyer par voie d'action oblique, pour en obtenir, selon le cas, l'augmentation ou la diminution ?Il a été jugé qu'étant donné son « caractère facultatif », cette demande pouvait être considérée comme entrant dans la catégorie des droits concernant la gestion et l'administration du patrimoine du locataire ayant un caractère personnel. Les créanciers ne pourraient donc former cette demande pour le compte de leur débiteur (CA Aix-en-Provence, 20 mars 1986 : RTD civ. 1987, p. 321, obs. Mestre. – V. précédemment dans le même sens, CA Aix-en-Provence, 31 mai 1966 : Ann. loyers 1966, p. 862).

Cette jurisprudence fait application de l'idée selon laquelle le débiteur gère librement son patrimoine, sous réserve de ne pas agir en fraude des droits de ses créanciers. Ce principe de libre gestion ne peut être tenu en échec que dans des circonstances exceptionnelles.

b) Mandataires – Le mandat général couvrant les actes d'administration dans la catégorie desquels entre la demande de révision permet de former une semblable demande, sans qu'il soit nécessaire de solliciter un mandat spécial (TGI Seine, 4 avr. 1963 : Rev. loyers 1963, p. 470. – TGI Marseille, 13 déc. 1972 : Ann. loyers 1973, p. 1619).Si le mandat est judiciaire (cas d'un administrateur provisoire désigné pour l'administration d'une succession par exemple), c'est à la décision de nomination qu'il faudra se référer pour connaître les pouvoirs du mandataire et déterminer s'il peut ou non former une demande de révision de loyer.

c) Indivisaire d’un immeuble indivis–Cette action en justice est-elle un acte conservatoire (que chaque indivisaire peut accomplir seul, C. civ., art. 815-2) ou d'un acte d'administration (qui peut être accompli par le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis, C. civ., art. 815-3) ?La Cour de cassation, par un arrêt du 25 janvier 1983(JCP G 1983, IV, 111 ; RTD civ. 1984, p. 133, obs. Patarin) a considéré comme acte conservatoire « tout acte matériel ou juridique ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril imminent sans compromettre les droits des indivisaires ». Si l’on suit cette définition, la demande de révision est un acte conservatoire. La demande de révision a été ainsi qualifiée d'acte conservatoire par un arrêt de la deuxième chambre civile du 8 décembre 1965 (Ann. loyers 1966, p. 862).

Page 26: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

La doctrine et la jurisprudence plus récente préfèrent considérer la demande de révision comme un acte d'administration (Cass. com., 5 févr. 1963 : Bull. civ. III, n° 85. – Cass. 2e civ., 17 déc. 1965 : Bull. civ. II, n° 1044. – Cass. 3e civ., 27 juin 1972, n° 71-10.847 : Bull. civ. III, n° 431). Cette demande doit donc être formée par le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis (C. civ., art. 815-3).

La demande de révision pourrait toutefois être formée par l'un des indivisaires ayant pris en main la gestion des biens indivis, au su des autres indivisaires et néanmoins sans opposition de leur part. Cet indivisaire est alors censé avoir reçu un mandat tacite couvrant les actes d'administration (C. civ., art. 815-3, al. 8). Dans le cas où la demande serait formée par l'un des indivisaires sans avoir le consentement des autres, il pourrait être recouru non seulement à la notion de mandat tacite, mais aussi à la « gestion d'affaires » pour valider son initiative.

Convention d'indivision – Si une convention d'indivision a été conclue, le gérant ayant, selon l'article 1873-6 du Code civil « les pouvoirs attribués à chaque époux sur les biens communs » pourra former seul une demande de révision du loyer.Une difficulté particulière peut se rencontrer lorsque l'immeuble indivis est loué à l'un des indivisaires. La jurisprudence appliquait à l'origine, même dans ce cas, le principe selon lequel la demande de révision exigeait un consentement unanime de tous les indivisaires (Cass. com., 5 févr. 1963 : Ann. loyers 1963, p. 715. – Contra : CA Nancy, 31 mars 1965 : D. 1965, p. 639). Mais si l'indivisaire locataire refusait son consentement, comment sortir de cette impasse ?Considérant que la demande de révision est une mesure urgente que requiert l'intérêt commun, les indivisaires peuvent se faire autoriser judiciairement à former la demande (C. civ., art. 815-5) ou faire désigner un administrateur à cette fin.

d) Usufruitier Usufruitier seul – L'usufruitier en tant que bailleur a qualité pour former une demande de révision du loyer, sans avoir à en référer au nu-propriétaire dont le concours n'est requis que pour la conclusion du bail.S'il y a plusieurs usufruitiers, ce sont alors les règles de l'indivision qui s'appliquent. La demande ne peut émaner d'un seul des co-usufruitiers (TGI Versailles, 17 févr. 1960 : AJPI 1960, p. 81).

e) Époux

Époux bailleurs Immeubles propres ou indivis – Lorsqu'un époux donne à bail un immeuble propre, il peut procéder seul par la suite à la révision du loyer, et ceci quel que soit son régime matrimonial.

Immeuble commun ou dépendant d'une société d'acquêts – Qu'en est-il si l'immeuble donné à bail est un immeuble commun, ou s'il dépend de l'actif d'une société d'acquêts adjointe à un régime de séparation des biens ?On sait que relèvent du principe de la « cogestion » les baux « à usage commercial, industriel ou artisanal » (C. civ., art. 1425).

On pourrait en conclure que chaque époux a le pouvoir de former une demande de révision sans le concours de l'autre. En fait deux situations doivent à notre avis être distinguées :

Page 27: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• la première est celle où les deux époux ont donné à bail, conjointement. Ils ont alors la qualité de co-bailleurs et la conséquence est qu'ils devront accomplir conjointement les actes consécutifs à la signature du bail : demande de révision, congé, action en résiliation du bail. De même, les actes émanant des locataires (par exemple, une demande de renouvellement du bail) devront être adressés aux deux époux ;• il se peut aussi qu'un seul des époux (mari ou femme) ait donné à bail, avec le simple consentement de son conjoint. En ce cas, ce dernier n'aura pas la qualité de co-bailleur. Et c'est le seul époux bailleur qui délivrera les actes consécutifs à la signature du bail : demande de révision, congé, demande de résiliation, etc. De même, c'est à lui seul que les actes émanant du locataire devront être signifiés.

Époux locataires Il faut à notre avis distinguer selon que le bail est au nom de l'un des époux, ou au nom des deux :• si le bail est au nom de l'un des époux, c'est lui seul qui pourra former la demande en révision, en raison de sa « position contractuelle ». La solution vaut quel que soit le régime matrimonial, que le bail constitue un bien propre ou un bien commun ou qu'il dépende d'une société d'acquêts adjointe à un régime de séparation de biens. Rappelons que le fait que le fonds de commerce ait été acquis par des époux communs en biens n'implique pas que l'époux, qui n'a pas signé le bail commercial, soit cotitulaire de celui-ci (Cass. 3e civ., 28 mai 2008, n° 07-12.277; Bull. civ. III, n° 96 ; Rev. loyers 2008, p. 369, note B. de Lacger ; D. 2008, p. 1690, obs. Y. Rouquet). Il en est ainsi et de plus fort lorsque le fonds de commerce a été acquis par un seul des époux ou lorsque le bail est au nom d'un seul des conjoints ;• si le bail est au nom des deux époux, il faut introduire une sous-distinction :– si ce bail est en indivision pure et simple, la demande de révision constituant un acte d'administration ne peut pas être effectuée par l'un seulement des époux (à moins qu'on ne l'analyse en un acte conservatoire). Mais l'époux titulaire d'au moins deux tiers des droits indivis peut former seul cette demande (C. civ., art. 815-3),– si le bail dépend de la communauté, ou d'une société d'acquêts adjointe à un régime de séparation de biens, la demande de révision peut être formée soit par l'un soit par l'autre époux en raison du principe de la cogestion (C. civ., art. 1421).

f) Personnes protégées La demande de révision est un acte d'administration. Dès lors il conviendra de vérifier, en fonction de la nature du régime de protection, que la personne protégée elle-même, ou son représentant, a bien le pouvoir d'accomplir seul ce type d’acte, ou, dans la négative, de se munir des autorisations nécessaires.

g) Sociétés Sociétés en général – Dans une société ordinaire, la personne compétente pour former la demande de révision est celle qui, légalement ou statutairement, a le pouvoir d'accomplir des actes d'administration.Lorsque la demande émane d'un cogérant d'une société et que les autres gérants s'y sont opposés, le locataire qui a connaissance de cette opposition peut s'en prévaloir et faire déclarer cette demande irrecevable (CA Paris, 25 oct. 1984 : Loyers et copr. 1985, comm. 86).

Société de construction – Le titulaire de droits sociaux dans une société de construction donnant vocation à l'attribution d'un lot en propriété, et, préalablement, à une attribution en jouissance, a qualité pour intenter une action en révision du loyer des locaux dont il a la jouissance (Cass. com., 14 nov. 1968 : Bull. civ. III, n° 464).

Page 28: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Section 2. Défendeurs

Règles générales – La demande de révision doit être adressée au locataire ou à son représentant qualifié : il faut qu'il ait le pouvoir de faire des actes d'administration.En cas d'erreur d'orientation, la demande a pu néanmoins être validée dans des cas exceptionnels où le bailleur était fondé à croire que la personne avec laquelle il était en rapport était son véritable interlocuteur. Ainsi dans une espèce où la demande de révision avait été notifiée et la procédure judiciaire poursuivie à l'encontre d'une première société dissoute par suite de l'apport de son fonds de commerce à une deuxième société, cette demande a été validée dès lors que la société bénéficiaire de l'apport n'avait pu ignorer que les actes la concernaient, en dépit de l'erreur commise sur la véritable identité de leur destinataire (Cass. 3e civ., 23 mai 1973 : JCP G 1974, IV, p. 6). De même il a été admis que si le locataire adressait une demande de révision du loyer à une personne n'ayant pas qualité pour la recevoir, cette irrégularité était couverte si le bailleur répondait à cette demande (Cass. 2e civ., 17 mars 2016, n° 14-26.672 : JurisData n° 2016-004813 ; AJDI 2016, p. 606, note M.-P. Dumont-Lefrand).

A. Vente du fonds – Il est à noter que lorsqu'une demande a été formée à l'encontre du locataire en place et que celui-ci vend son fonds, elle n'a pas à être réitérée à l'encontre de l'acquéreur. Ainsi, une demande de révision a été déclarée opposable à l'adjudicataire du fonds bien que le cahier des charges n'en fasse pas mention (TGI Seine, 22 mai 1963 : Rev. loyers 1963, p. 361).

B. Locataires solidaires – Il a été parfois admis par la jurisprudence que chacun des codébiteurs solidaires représentait ses coobligés. Il en a été déduit en particulier que le congé donné à l'un quelconque des colocataires solidaires valait également pour tous les autres (Cass. 3e civ., 20 juill. 1989 : JCP G 1991, II, 21595, 1er arrêt, note B. Dumortier).Au vu de cette jurisprudence, on pourrait donc conclure que la demande de révision du loyer peut en pareil cas être signifiée à l'un quelconque des locataires solidaires et qu'elle produit alors effet à l'égard de tous. Mais cette théorie de la « représentation mutuelle » a fait l'objet de critiques doctrinales.

Pour éviter des difficultés et à moins qu'il y ait une impossibilité pratique à procéder de la sorte, il paraît préférable de notifier néanmoins la demande à tous les colocataires.

C. Époux – Comment procéder lorsque des époux sont locataires ? Il n'y a sur ce point aucune jurisprudence publiée et la doctrine est muette sur la difficulté.Conseil pratique

Il semble que le problème puisse être résolu en pratique de la façon suivante : le bailleur adressera la demande de révision à l'époux qui, aux termes du bail, est locataire en titre. Cette manière de procéder ne paraît pas avoir d'inconvénient : en effet, même dans le cas où le fonds exploité est commun ou dépend d'une société d'acquêts, chaque époux a le pouvoir de l'administrer seul.

D. Héritiers du locataire – Si le fonds de commerce devient indivis, à la suite par exemple du décès de l'exploitant, la demande de révision devrait être en principe notifiée à chacun des coïndivisaires. Il n'y a pas en effet de solidarité entre eux. Cependant, s'ils sont coexploitants, cette solidarité existera du fait de la nature commerciale de l'obligation (Cass. com., 16 janv. 1990, n° 88-16 265 : D. 1992, somm. p. 177, obs. J.-C. Bousquet et G. Bugeja ; JCP G 1991, II,

Page 29: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

21748, note C. Hannoun). Il paraît cependant hasardeux de s’autoriser de cette situation pour adresser la demande de révision à l'un quelconque d'entre eux.Le bail peut comporter une clause (relativement courante) selon laquelle « en cas de décès du preneur avant la fin du bail, il y aura solidarité et indivisibilité entre tous ses héritiers et représentants pour l'exécution des obligations (imposées au locataire) ». En pareil cas, la solidarité est conventionnelle : ce sont les solutions évoquées plus haut qui s'appliqueront.

E. Co-bailleurs – En cas de pluralité de bailleurs (bailleurs conjoints ; bailleurs en indivision), la demande de révision formée par le locataire doit être adressée à tous les bailleurs, et non à une partie d'entre eux, peu important que l'un d'eux ne soit copropriétaire que d'une faible partie des locaux loués (CA Paris, pôle 4, 2e ch., 6 mai 2015, n° 13/08357 : Loyers et copr. 2015, comm. 147, obs. Ph. H. Br.).

F. UsufruitiersLorsque la demande de renouvellement du bail commercial a eu pour unique destinataire l'usufruitière du bien loué, elle est nulle et de nul effet (Cass. 3e civ., 19 oct. 2017, n°16-19843).

Section 3. Formes de la demande

A. Lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou acte d'huissier – Aux termes de l'article R. 145-20 du Code de commerce, la demande « doit être formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ».Ce texte a un caractère impératif (C. com., art. L. 145-15) et l'utilisation du mot « doit » montre que dans l'intention du législateur les deux formes énoncées sont les seules qui peuvent être admises.

En pratique, on ne saurait trop recommander de respecter les formes et même de préférer systématiquement l'acte d'huissier à la lettre recommandée dont les inconvénients ont été dénoncés de longue date en raison des multiples incidents causés par ce mode de notification.

B. Caractère limitatif des formes prévues par la loi – La notification d'une demande selon les formes légales est un préalable obligatoire à toute révision. Le mémoire préalable à l'introduction de la procédure est un acte totalement distinct (Cass. 3e civ., 5 juill. 1983, n° 81-15.725 : Bull. civ. III, n° 156 ; Loyers et copr. 1983, comm. 349). Il ne peut tenir lieu de demande de révision (Cass. 3e civ., 15 nov. 2006, n° 05-18.259 : Bull. civ. III, n° 224 ; RJDA 2007, n° 131. – Cass. 3e civ., 12 oct. 1976, n° 74-13.864 : Bull. civ. III, n° 335 ; Defrénois 1977, art. 31512, p. 1105, note M. Vion). Il en est de même pour l'assignation : c'est à tort, a déclaré la Cour de cassation, qu'il a pu être décidé que l'assignation devant le juge des loyers valait demande de révision et que le nouveau loyer partait de sa date (Cass. 3e civ., 29 avr. 1998, n° 96-14.121 : JCP G 1998, IV, 2317 ; Loyers et copr. 1998, comm. 302, obs. Ph.-H. Brault ; Bull. civ. 1998, III, n° 86 ; Gaz. Pal. 1998, 2, p. 806, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 30 mai 2001 : AJDI 2001, p. 982, note J.-P. Blatter). De même est irrégulière la demande de révision triennale du loyer formée par conclusions au cours de l'instance en fixation du loyer du bail renouvelé (Cass. 3e civ., 1er juill. 2015, n° 14-13.056 : JCP N 2016, n° 43-44, p. 40 et s., n° 22, obs. J. Monéger ; AJDI 2016, p. 37, note J.-P. Blatter).

Page 30: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

La saisine du juge des loyers s’effectue par la remise au greffe de l’assignation qui a été signifiée, de sorte que cette assignation a pu valablement être délivrée dans le délai d’un mois suivant la notification du mémoire en demande (CA Paris, Pole 5 ch. 3 , 13 sept. 2017, n°15/19371).

C. Sanctions – Si les formes légales ne sont pas respectées, quelle est la sanction ? La jurisprudence a tendance à faire preuve d'un certain libéralisme qui s'est manifesté à plusieurs titres.En application de la loi du 30 juin 1926 qui avait précédé le décret du 30 septembre 1953, la Cour de cassation avait ainsi admis que le locataire, dans l'intérêt duquel étaient exigées les formes légales pouvait y renoncer même tacitement. Tel était le cas notamment s'il n'avait pas invoqué en première instance la nullité résultant de leur non-respect (Cass. com., 5 oct. 1954 : D. 1955, somm. p. 27).

Les parties peuvent renoncer aux règles de forme de la révision du loyer (Cass. 3e civ., 5 avr. 2005, n° 04-12.358 : Loyers et copr. 2005, comm. 159, obs. Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal. 9-10 déc. 2005, p. 26, note J.-D. Barbier) ;

C'est ainsi que les parties peuvent réviser amiablement le loyer en dehors des formes légales par simple échange de correspondance (T. civ. Beaune, 7 juill. 1955 : D. 1956, somm. p. 59). Il a été jugé qu'une simple lettre suffisait s'il était établi ou non contesté que le locataire l'avait effectivement reçue (T. civ. Beaune, 7 juill. 1955, préc.) ou si le destinataire reconnaissait l'avoir reçue et n'avait subi aucun préjudice du fait de l'absence de recommandation (TGI Seine, 5 mars 1963 : Rev. loyers 1964, p. 365. – CA Paris, 30 juin 1971 : Ann. loyers 1972, p. 1629. – CA Bordeaux, 23 juill. 1989 : Loyers et copr. 1989, comm. 334). Il a été également admis que la demande restait valable si le propriétaire avait omis de la signer, dès lors que le destinataire n'avait pu se méprendre sur sa provenance et avait signé l'accusé de réception (TGI Seine, 25 janv. 1964 : Ann. loyers 1964, p. 851).

Section 4. Contenu de la demande

A. Indication du prix demandé ou offert – Selon l'article R. 145-20, alinéa premier du Code de commerce, la demande doit « à peine de nullité préciser le montant du loyer demandé ou offert ».Si cette obligation n'est pas respectée la demande de révision est nulle, comme le prévoit expressément le texte (Cass. 3e civ., 12 oct. 1976, préc. n° 60. – CA Paris, 27 avr. 1977 : JCP G 1977, II, 18765). Selon un arrêt de la Cour de Paris, la demande de révision n'étant pas un acte de procédure, la nullité pour défaut d'indication du prix est une nullité de droit commun non soumise aux articles 114 et suivants du Code de procédure civile. La nullité de la demande peut donc être prononcée sans qu'il y ait à rechercher si cette irrégularité a causé un grief (CA Paris, 16e ch. A, 30 janv. 2008, n° 06/18659 : Loyers et copr. 2008, comm. 85, obs. E. Chavance).

– Une difficulté se présente lorsqu'il s'agit de satisfaire aux dispositions légales. En effet, au moment où la demande est formée, l'indice du coût de la construction du trimestre correspondant qui permet de déterminer le « loyer plafond » n'est généralement pas encore publié.Si le bailleur, pour chiffrer exactement sa demande, attend la publication de l'indice, il perdra le bénéfice de la révision pour toute la période courue entre la date de cette publication et celle où la demande aurait normalement pu être formée.

Ce problème de détermination du chiffre à indiquer dans la demande ne se pose vraiment que dans le cas où le loyer résulte du jeu des indices. S'il s'agit d'obtenir un loyer correspondant à la valeur locative, bailleur ou locataire seront nécessairement en mesure

Page 31: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

de le chiffrer. On ne conçoit pas en effet que semblable demande puisse être formée sans investigation préalable (par exemple, un avis d'expert privé).

B. Solutions proposées – Pour que la demande puisse répondre aux exigences légales, diverses solutions ont été imaginées en pratique :• la première consistait à indiquer dans la demande que le loyer serait fixé au prix résultant de l'application des indices. Cette formule avait été validée par la cour de Paris au motif que l'article 26 du décret du 30 septembre 1953 n'exigeait pas que le montant du loyer soit chiffré dans la demande, dès lors que les éléments en permettant le calcul étaient définis avec suffisamment de précision pour que le preneur puisse l'établir dès la parution de l'indice manquant (CA Paris, 16 avr. 1985 : Loyers et copr. 1985, comm. 301). Mais la Cour de cassation a condamné cette formule considérant qu'elle ne satisfaisait pas aux exigences légales puisqu'elle ne comportait pas « le montant du loyer demandé ou offert » (Cass. 3e civ., 17 déc. 1986 : Loyers et copr. 1987, comm. 91). Il en est de même pour la demande d'un loyer calculé « en fonction des indices trimestriels en vigueur sur la base d'un loyer restant à fixer judiciairement » (CA Paris, 16e ch. A, 30 janv. 2008, préc. n° 62) ;• la deuxième formule consiste à chiffrer la demande par extrapolation, en tentant d'apprécier ce que doit normalement être l'évolution des indices (V. CA Paris, 27 avr. 1977 : Gaz. Pal. 1977, 2, p. 524, note Ph.-H. Brault). Cette manière de faire n'a pas d'inconvénient réel, si du moins la demande réserve une marge de sécurité suffisante.Il convient de chiffrer largement le nouveau loyer : en effet si la demande s'avérait insuffisante et devait être « réajustée », le nouveau chiffre pourrait, en cas de fixation judiciaire, ne partir que du jour de la notification des nouvelles prétentions.Il est possible d’indiquer que le loyer proposé est indiqué « sauf à parfaire ».

Section 5. Montant de la demande – La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi Pinel » (JO 19 juin 2014) a donné une nouvelle rédaction à l'article L. 145-38 du Code de commerce qui régit la matière. Ce texte (alinéas 2 et 3) est ainsi rédigé :Alinéa modifié L. n° 2014-626, 18 juin 2014, art. 9, II, 11, 2°. – Par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer. Dans le cas où cette preuve est rapportée, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.En aucun cas il n'est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours.

A. Absence de variation des facteurs locaux de commercialité

a) Suppression de la possibilité de se référer à l'indice trimestriel du coût de la construction – Antérieurement à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, les indices susceptibles d'être utilisés pour le calcul du loyer révisé (loyer plafond) étaient les suivants :

Page 32: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• l'indice officiel du coût de la construction (ICC) publié par l'INSEE, en l'absence de stipulation particulière dans le bail ;• ou, si les parties l'avaient expressément stipulé, l'indice des loyers commerciaux (ILC) ou l'indice des loyers des activités tertiaires (ILAT).

Dans le nouveau texte de l'article L. 145-38, toute référence à l'indice du coût de la construction a disparu. Il existe toujours un “loyer plafond”, mais il se calcule par référence soit à l'indice des loyers commerciaux soit à l'indice des loyers des activités tertiaires. Il est désormais interdit de se référer à l'indice du coût de la construction.

Le problème est que chacun de ces indices a des champs d'application différents, ce qui peut engendrer des difficultés. Dans certains cas, un désaccord peut survenir entre les parties sur le point de savoir quel est l'indice qui, en raison de l'activité exercée, doit être utilisé pour le calcul du loyer plafond.

Pour éviter un contentieux, il est souhaitable que l'indice applicable soit prédéterminé dans le bail, (sans qu’il soit pour autant nécessaire de stipuler une clause d'indexation), étant entendu que cette stipulation pourrait elle-même être soumise au contrôle du juge, si sa licéité était contestée au regard des articles L. 112-2, alinéa 2 et D. 112-2 du Code monétaire et financier, qui ont un caractère d'ordre public.Par application de ces textes, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts déclarant non écrites des clauses d’indexation qui organisaient une distorsion entre la période de variation de l’indice supérieur à la durée s’écoulant entre chaque révision (Cass. 3e civ., 25 févr. 2016, n°14-28165 : Administrer mai 2016, p. 25, note J.-D. Barbier ; Cass. 3e civ., 9 févr. 2017, n°15-28691, Administrer mars 2017, p. 27, note J.-D. Barbier, Gaz. Pal. 14 mars 2017, p. 65, note C.-E. Brault).« s'il n'interdit pas la prise en compte d'un indice de base fixe, l'article L. 112-1 du code monétaire et financier prohibe cependant toute organisation contractuelle d'une distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre deux révisions, et ayant relevé que la reproduction dans l'avenant à effet de février 2007 de la clause d'indexation contenue dans le bail initial et la référence ainsi faite à l'indice du quatrième trimestre 2003, indice de référence à la signature du bail initial, puis l'application consécutive qui en était faite pour calculer les indexations annuelles dues au titre des années 2007/2012 entraînait une distorsion entre l'intervalle de variation indiciaire et la durée s'écoulant entre deux révisions annuelles, dès lors que le loyer de base pris en compte était celui applicable au 9 février 2007, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision » (Cass. 3e civ., 25 févr. 2016, n°14-28165, précité).« ayant constaté que la clause d'indexation disposait que l'indice à prendre en considération serait le dernier indice publié au 1er janvier de chaque année, l'indice de référence étant le dernier connu au 1er juillet 1996, et relevé que la SCI avait, lors de la première révision le 1er janvier 1998, pris en compte l'indice publié à cette date, soit celui du 2ème trimestre 1997, et l'avait rapporté à celui connu au 12 juillet 1996, soit celui du 1er trimestre 1996, la cour d'appel, qui a constaté une distorsion temporelle entre l'indice de base fixe et l'indice multiplicateur, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision » (Cass. 3e civ., 9 févr. 2017, n°15-28691, précité).

Ces textes avaient fait l’objet d’une demande de QPC de la part du TGI de PARIS : « Les dispositions législatives contestées à savoir les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code monétaire et financier portent-elles atteinte à la liberté contractuelle, à l'économie des contrats sans motifs suffisants d'intérêt général et au principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ? »Cette QPC a été déclarée irrecevable par la Cour de cassation, au motif qu’elle ne porte pas sur une disposition législative mais sur un principe jurisprudentiel (Cass. 3e civ., 15 fév. 2018, n°17-40.070 à 17-40.075, Gaz. Pal. 17 juill. 2018 p.56, note J.-D. Barbier)

Un arrêt récent a été rendu sur la possibilité pour le juge de limiter les effets de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier :

Page 33: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

La société civile immobilière du Centre commercial de Boisseuil (la SCI) avait donné à bail à la société Go Sport, aux droits de laquelle se trouve la société Go Sport France, un local commercial à compter du 1er septembre 1999 ; le bail s'est poursuivi par tacite reconduction et, le 22 mars 2012, la société Go Sport France en a demandé le renouvellement à compter du 1er avril 2012 ; le 12 juin 2014, la société locataire a assigné la société bailleresse afin de voir déclarer réputée non écrite la clause d'indexation stipulée au bail et la voir condamner au paiement d'un trop-perçu de loyers de 2009 à 2011.La cour d’appel a limité la condamnation à paiement de la SCI, au motif qu'il existe une distorsion relative à l'indexation réalisée le 1er janvier 2000, mais que ses effets sont minimes ; comme le juge a le pouvoir d'en apprécier la gravité, la sanction prévue par l'article L. 112-1 du code monétaire et financier ne doit pas être appliquée.Cette solution a été censurée par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 17 mai 2018, n°17-11.635).

D'autre part, certains types de locations n'entrent pas dans le champ d'application de ces indices. C'est le cas pour les baux portant sur des locaux à usage industriel. Comment alors calculer le « loyer plafond » ? Si l'on se trouve dans ce cas de figure, le mieux est d'insérer dans le bail une clause d'indexation, pour éviter des difficultés ultérieures.

b) Détermination du loyer

En théorie, la formule est simple.Soit L, le loyer ; soit In l’indice trimestriel publié lors de l’entrée en vigueur du contrat ; soit I n+3 le dernier indice publié lors de la demande de révision du loyer :

L n+3 = L x In+3/In

Loyer L Le loyer à prendre en considération, et auquel il convient d'appliquer les indices pour chiffrer la demande est celui en vigueur, et qui a pris effet depuis trois ans au moins à compter de la date de la demande.

– Cette règle peut présenter des difficultés d'application dans certains cas :• Lorsque le loyer a été stipulé charges comprises sans qu'une ventilation ait été prévue et puisse être opérée. C'est alors sur le montant du loyer « forfaitaire » que jouera la révision (TGI Marseille, 26 avr. 1978 : Ann. loyers 1979, p. 149) ;• Lorsque le loyer a été temporairement réduit en contrepartie de travaux exécutés par le locataire : c'est au loyer normal (avant réduction) que la révision s'appliquera, si les parties l’ont voulu ainsi (Cass. 3e civ., 18 mai 1978, n° 77-10.316 : Bull. civ. III, n° 204) ;• Lorsque le contrat de bail fait référence à un indice de base fixe.

D'autres difficultés vont naître lorsqu'il y a eu versement d'un pas-de-porte lors de la conclusion du bail, dans le cas du « bail à paliers » ou en présence d'une « clause-recettes ».

Lorsque le pas-de-porte est considéré comme une indemnité, il n'y a pas à en tenir compte pour la fixation du loyer révisé. Lorsque le pas-de-porte s'agit d'un supplément de loyer, il doit en être tenu compte pour la fixation du loyer révisé (Cass. 3e civ., 12 oct. 1976, n° 75-11.003 : Bull. civ. III, n° 334). Son montant devra être imputé à raison de 1/9e par an sur le loyer pour en déterminer le chiffre réel.

Exemple : si le bail a été consenti moyennant un loyer de 450 000 euros par an et le paiement d'une somme de 270 000 à titre de pas-de-porte – supplément de loyer, il faudrait considérer que le loyer annuel est de : (450 000 + 270 000)/ / (9) = 480 000 euros.

Page 34: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Conséquences – Le problème est de déterminer les conséquences à déduire du versement d'un pas-de-porte – supplément de loyer du point de vue de la révision.S'agissant d'un loyer payé d'avance, la fraction de loyer correspondant au pas-de-porte ne peut, en ce qui la concerne, être révisée. Et il en découle qu'après détermination du loyer correspondant à la valeur locative, il faudrait, selon une première analyse, en retrancher la partie correspondant à l'avance de loyer non révisable pour chiffrer le loyer effectivement dû « de manière à maintenir dans le prix révisé la correspondance entre la fraction du loyer payée par redevance périodique et celle payée initialement » (Cass. 3e civ., 12 déc. 1968 : AJPI 1969, p. 809. – Cass. 3e civ., 6 juill. 1976 : Quot. jur. 1977, n° 684, p. 9. – CA Paris, 13 déc. 1958 : Ann. loyers 1959, p. 719. –. – CA Paris, 19 mars 1962 : AJPI 1962, p. 662).

Cependant, pour d'autres auteurs, l'incidence du paiement d'un pas-de-porte serait différente. Il n'y aurait pas lieu de déduire une annuité du pas-de-porte mais simplement l'intérêt des sommes versées à titre de pas-de-porte (Cass. 3e civ., 28 nov. 1969 : AJPI 1970, p. 752. – CA Paris, 30 avr. 1965 : Gaz. Pal. 1965, 2, p. 303. – CA Paris, 6 févr. 1968 : AJPI 1970, p. 75). La controverse née à ce propos sera évoquée dans le fascicule consacré à la fixation du loyer du bail renouvelé.

Indices à prendre en considération – Les indices à prendre en considération pour le calcul du loyer plafond sont :• d'une part, l'indice du trimestre au cours duquel le précédent prix a été fixé :– si le loyer à réviser a pris effet le 1er avril, l'indice à retenir sera celui du deuxième trimestre (CA Paris, 17 nov. 1956 : JCP G 1957, II, 9720 ; Cass. com., 29 nov. 1960 : Bull. civ. III, n° 386),– si le loyer à réviser part du 19 septembre 1978, l'indice à appliquer sera celui du troisième trimestre 1978 (Cass. 3e civ., 16 nov. 1988, n° 87-16.298 : Loyers et copr. 1989, comm. 35).• d'autre part, l'indice du trimestre au cours duquel la demande de révision a été formée (Cass. com., 9 juin 1959 : Ann. loyers 1959, p. 718).Lorsque la demande est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la date de « formation » de la demande est celle de l'expédition de la lettre. C'est donc l'indice du trimestre au cours duquel la lettre a été expédiée qui devra être appliqué.

Loyer déterminé à partir du chiffre d’affairesPour la Cour de cassation, la stipulation selon laquelle le loyer d'un bail commercial est composé d'un loyer minimum et d'un loyer calculé sur la base du chiffre d‘affaires du preneur n'interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative. Le juge statue alors selon les critères de l'article L. 145-33 du Code de commerce , notamment au regard de l'obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum garanti, une part variable, en appréciant l'abattement qui en découle.

Cette solution (Cass. 3e civ., 3 nov. 2016, n°15-16826 et 15-16827, publié) répond à la doctrine contraire.Pour cette doctrine, l'existence d'une clause de loyer binaire induit une incompatibilité avec les règles statutaires relatives à la fixation du loyer puisque celui-ci, dans un tel bail, n'est pas fixé selon les critères définis à l'article L. 145-33 que le juge des loyers commerciaux a l'obligation d'appliquer, mais peut prendre en considération des éléments étrangers à cette énumération tel qu'un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé par le preneur. L'accord des parties et la liberté contractuelle dont il est l'expression ne permet pas d'écarter cette incompatibilité, et si les parties peuvent librement stipuler s'agissant du loyer initial et peuvent, d'un commun accord, fixer par avance les conditions de fixation du loyer du bail renouvelé, elles ne peuvent que stipuler sur les droits dont elles ont la disposition. Les dispositions de l'article L. 145-33 s'imposent au juge des loyers

Page 35: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

commerciaux qui ne saurait fixer par application d'autres critères que ceux que la loi lui prescrit le loyer du bail renouvelé qui ne peut en aucun cas excéder la valeur locative.La Chambre civile a condamné ce raisonnement : lorsqu'elles sont convenues d'un loyer composé d'une part variable et d'un minimum garanti, les parties peuvent prévoir de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative. Dans ce cas, le juge statue selon les critères de l'article L. 145-33 du code de commerce, notamment au regard de l'obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum, une part variable, en appréciant l'abattement qui en découle.

B. Cas de demande tardive – Il se peut que le délai de trois ans soit plus ou moins largement dépassé au moment où intervient la demande.En ce cas, les indices à prendre en compte sont, selon le droit commun, celui du trimestre où le loyer à réviser a pris naissance d'une part et celui du trimestre au cours duquel la demande est formée d'autre part (Cass. 3e civ., 12 févr. 1985 : Bull. civ. III, n° 22).

Est réputée non écrite la clause prévoyant que la révision s'opérera en fonction du dernier indice publié. En effet, la révision doit être effectuée en fonction de l'indice en vigueur lors de la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer et l'indice en vigueur au moment de la révision, sans que les parties puissent déroger à cette règle (CA Paris, pôle 5, 3e ch., 31 oct. 2012, n° 11/01173 : Loyers et copr. 2012, comm. 329, note E. Chavance).

a) Demande de révision formée après renouvellement du bail au prix en vigueur – Dans le cas où le bailleur encourt la prescription faute d'avoir notifié en temps utile un mémoire pour faire fixer le loyer du bail renouvelé, l'indice à prendre en considération pour fixer le loyer du bail en révision est celui afférent au trimestre pendant lequel est intervenue la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer (C. com., art. L. 145-38, al. 3).Si, par exemple, le renouvellement est intervenu le 1er octobre 1989 et qu'une demande de révision a été formée pour prendre effet au 1er avril 1993, il y a lieu pour le calcul du nouveau loyer, de prendre en compte l'indice du quatrième trimestre 1980, date de conclusion du bail initial (en l'absence de fixation amiable ou judiciaire depuis cette date) et l'indice du deuxième trimestre 1993 (CA Paris, 16e ch. B, 2 avr. 1999 : Loyers et copr. 1999, comm. 267, obs. Ph.-H. Brault).

b) Renonciation par le bailleur au bénéfice de la première révision triennale – Il y a eu difficulté dans un cas où le bailleur avait renoncé à se prévaloir du bénéfice de la première révision triennale. Interprétant la convention des parties, un tribunal a estimé qu'il fallait en pareil cas appliquer l'indice en vigueur lors du point de départ du bail, et non pas celui en vigueur lors de la première révision. Retenir cette dernière interprétation serait en effet conférer au locataire un avantage complémentaire non expressément convenu (TGI Le Mans, 22 mars 1983 : Gaz. Pal. 1983, 2, somm. p. 408).

c) Prescription de la demande de révision – L'hypothèse d'une demande tardive peut aussi se rencontrer dans le cas où une demande a été formée et se trouve prescrite. Le délai de prescription est de deux ans et il commence à courir à compter seulement du jour de l'expédition de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception contenant la demande (ou de la date de l'acte d'huissier si cette forme a été utilisée, Cass. 3e civ., 13 févr. 2002, n° 00-17.667 :

Page 36: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Bull. civ. III, n° 39 ; JCP G 2002, IV, 1532 ; AJDI 2002, p. 289, note M.-P. Dumont. –Cass. 3e civ., 7 nov. 1990, n° 89-12.922 : Bull. civ. III, n° 219). Si la prescription est acquise, une nouvelle demande peut être faite, qui ne produira effet qu'à sa date.

Exemples pratiques Un bail est renouvelé à compter du 14 septembre 1978. Une première demande de révision, faite le 16 septembre 1981, est atteinte par la prescription. Le bailleur forme une nouvelle demande le 17 septembre 1984. Pour le calcul du loyer plafond, c'est l'indice du troisième trimestre 1978 (et non pas celui du troisième trimestre 1981) qui doit être pris pour base (Cass. 3e civ., 16 nov. 1988, n° 87-16.998 : JurisData n° 1988-002748 ; Loyers et copr. 1988, comm. 35).Demande tardive – Soit un bail ayant pris effet le 1er janvier 2011. La demande de révision peut être « formée » à compter du 2 janvier 2014.Le bailleur négligent n'adresse sa lettre recommandée avec demande d'avis de réception (ou l'act et d'huissier) contenant demande de révision que le 3 novembre 2014. Le nouveau loyer ne partira donc que de cette date.Le calcul du « loyer plafond » (loyer indiciaire) s'opérera de la façon suivante : loyer au 1er janvier 2011 × indice du coût de la construction du quatrième trimestre 2014 / indice du coût de la construction du premier trimestre 2011.La demande de révision suivante ne pourra être formée que trois ans après la prise d'effet du loyer révisé, soit à compter du 4 novembre 2017.

Révision conventionnelle en dehors des échéances normales – Soit un bail ayant pris effet à compter du 1er janvier 2011. Bailleur et locataire se mettent d'accord pour augmenter le loyer, en dehors des règles légales, en contrepartie d'une autorisation donnée au locataire d'exercer « tous commerces ». Il est convenu que cette augmentation prendra effet à compter du 1er décembre 2013.Le loyer ne pourra par la suite être révisé, selon la loi, qu'à compter du 2 décembre 2016. Si une demande est formée à cette date, le calcul du loyer indiciaire s'opérera de la façon suivante : loyer en vigueur au 1er décembre 2013 × indice du coût de la construction du quatrième trimestre 2016 / indice du coût de la construction du quatrième trimestre 2013.

Révision en cas de baisse de l'indice – Si l'indice du coût de la construction accuse, à la date de la demande en révision, une baisse par rapport à ce qu'il était lorsque le loyer à réviser avait commencé à s'appliquer, le pourcentage de baisse déterminé par la variation de l'indice constitue un « plancher » à la diminution du loyer.La révision en baisse du loyer est expressément prévue par l'article L. 145-38, alinéa 3 du Code de commerce. Et elle a été admise par la jurisprudence (Cass. com., 8 janv. 1964 : Ann. loyers 1964, p. 464).

Elle est cependant, à ce jour, restée théorique : en effet, il n'existe pas d'exemple dans le passé d'une variation en baisse de l'indice INSEE du coût de la construction sur une période triennale. On a seulement constaté des baisses sur un seul ou éventuellement sur plusieurs trimestres successifs.

D. Différence entre le loyer plafond (loyer « indiciaire ») et la valeur locative Application combinée par la jurisprudence du loyer indiciaire et du loyer résultant de la valeur locative – Le principe posé par l'article L. 145-33, alinéa 1er du Code de commerce est que le montant du loyer révisé “doit correspondre à la valeur locative”.

Page 37: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Comment combiner ce principe avec la règle du plafonnement indiciaire posé par ailleurs par l'article L. 145-38 du Code de commerce ? Si la valeur locative s'avère inférieure au loyer en vigueur, ce loyer (contractuel) peut-il être diminué ? Quel loyer appliquer si la valeur locative se situe entre le loyer en vigueur et le loyer plafond ? L'intervention du législateur (L. n° 2001-1068, 11 déc. 2001, dite « loi Murcef ») et les précisions apportées par la jurisprudence postérieure ont permis de résoudre ces problèmes.

À l'heure actuelle les solutions admises sont les suivantes (V. pour des applications par les juridictions du fond, CA Lyon, 1re ch. civ. B, 15 janv. 2013, n° 11/05284 : Administrer juin 2013, p. 43, note A. Guillemain. – CA Paris, pôle 5, 3e ch., 3 avr. 2013, n° 09/06388 : Administrer juin 2013, p. 42, note A. Guillemain) :• si la valeur locative est supérieure au chiffre résultant d'un jeu des indices, c'est l'indexation légale qui s'appliquera ;• si la valeur locative est inférieure au loyer en vigueur, c'est ce loyer qui restera applicable ;• si la valeur locative se situe entre le loyer en vigueur et le loyer résultant du jeu des indices, le loyer sera fixé à la valeur locative (Cass. 3e civ., 6 févr. 2008, n° 06-21.983 : JCP E 2008, IV, 1455 ; Loyers et copr. 2008, comm. 59 ; Administrer avr. 2008, p. 30, note J.-D. Barbier).

Exemple– Loyer en vigueur = 100.– Loyer indiciaire = 130.Si le loyer résultant de la valeur locative est de 140, c'est le loyer indiciaire, soit 130 (loyer plafond) qui s'appliquera.Si le loyer résultant de la valeur locative est de 90, le loyer contractuel (100) considéré comme un loyer plancher, restera en vigueur.Si le loyer résultant de la valeur locative est de 125, c'est ce loyer qui s'appliquera.

Section 5. Variation des facteurs locaux de commercialité – Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation de la valeur locative. Leur variation est susceptible d'influer tant sur la fixation du loyer révisé que sur la fixation du loyer du bail renouvelé.

A. Conditions à remplir – Il résulte des termes de l'article L. 145-38, alinéa 3 du Code de commerce que la révision ne peut s'opérer que si plusieurs conditions sont remplies :• la modification doit concerner des « facteurs locaux de commercialité » ;• elle doit affecter le commerce exploité dans les lieux;• la modification doit être matérielle ;• elle doit avoir entraîné par elle-même une variation de la valeur locative en hausse ou en baisse de plus de 10 % : ce taux doit donc être dépassé et non pas seulement atteint pour que la condition exigée par le texte soit réalisée.

a) Modification « matérielle » – L'article L. 145-38 du Code de commerce énonce que la modification des facteurs locaux de commercialité doit être « matérielle ». Ce terme n'est pas aisé à préciser et la définition de cette notion de « matérialité » suscite l'embarras des commentateurs, certains estimant même qu'il n'y aurait pas de différence entre la modification « notable » et la modification « matérielle » (J. Robine et Vaz da Cruz : Gaz. Pal. 1998, 1, doctr., p.

Page 38: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

451). Et ce critère est parfois perdu de vue par les tribunaux (CA Paris, 16e ch. A, 27 nov. 2002 : Administrer août-sept. 2003, p. 38, obs. B. Boccara).Cette exigence légale empêche de prendre en considération de simples projets (d'aménagement, de construction) susceptibles d'influer sur les facteurs locaux de commercialité (F. Maigné-Gaborit et J.-D. Barbier, La révision triennale du loyer du bail commercial à la hausse : Gaz. Pal. 2000, doctr., p. 1811). La modification doit porter sur des éléments concrets et existants : construction de bâtiments nouveaux (CA Versailles, 11 janv. 1996 : Gaz. Pal. 1996, 1, somm., p. 258, note J.-D. Barbier. – CA Paris, 16e ch. B, 30 nov. 2001 : AJDI 2002, p. 216) ; transformation d'un quartier avec création de zones piétonnières (CA Versailles, 27 avr. 1989 : Loyers et copr. 1989, comm. 536), amélioration de la desserte locale à la suite de l'ouverture de nouvelles voies à proximité du commerce considéré, de la création de nouvelles lignes d'autobus, de stations de métro ou de la construction de parkings (CA Versailles, 11 janv. 1996, préc. – CA Paris, 16e ch., 15 déc. 1971 : Gaz. Pal. 1972, p. 188).

La simple évolution quantitative de facteurs anciens matériellement inchangés ne devrait pas être prise en considération (CA Paris, 16e ch. A, 11 avr. 2005, n° 04/04058 : Administrer oct. 2005, p. 39) : par exemple, l'accroissement du nombre de voyageurs passant par une aérogare déjà en service (CA Paris, 21 déc. 1970 : Gaz. Pal. 1971, somm. p. 48).

Et on notera que la cour de Paris a refusé de considérer la venue de grandes enseignes comme un élément matériel de variation des facteurs locaux de commercialité (CA Paris, 16e ch. A, 24 nov. 2004, n° 02/09829 : Loyers et copr. 2005, comm. 53, obs. Ph.-H. Brault. – CA Paris, 13 févr. 2004, n° 2002/05609).

b) Modification positive de la valeur locativeEncore faut-il que la modification des facteurs locaux de commercialité ait eu une influence positive sur le chiffre d’affaires du commerce.Une cour d’appel avait retenu que l'augmentation de la clientèle de passage liée à une meilleure accessibilité au centre-ville de la population locale et des touristes et d'un parking de 1 800 places, ainsi qu'à une attractivité d'un nouveau centre commercial de 48 enseignes, a nécessairement une incidence sur l'activité de bar brasserie restaurant qui est exploité dans un local jouxtant immédiatement ces deux ouvrages, d'autant que le commerce dispose d'une terrasse ouverte de 300 m ² sur le domaine public et particulièrement visible sur la place.Ce constat entrait en conflit avec l'évolution négative du chiffre d'affaires. Pour la cour d’appel, cette baisse peut avoir une autre cause telle que les options de gestion mises en place par l'exploitant et cela ne contredit pas cette « analyse objective ». Le 14 septembre 2017, la Cour de cassation a censuré cette démarche : « en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'incidence relevée de la modification notable des facteurs de commercialité avait été favorable à l'activité commerciale exercée par le preneur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » (Cass. 3e civ., 14 sept. 2017, n°16-19409).

c) Amplitude et origine de la variation de la valeur locative – L'article L. 145-38 du Code de commerce énonce que la modification des facteurs locaux de commercialité doit avoir entraîné par elle-même une variation de la valeur locative en hausse ou en baisse de plus de 10 %. Ce taux doit donc être dépassé et non pas seulement atteint pour que la condition exigée par le texte soit réalisée.Pour vérifier si cette condition est remplie, il convient de comparer la valeur locative à la date de la dernière fixation amiable ou judiciaire et la valeur locative à la date de la demande de révision (CA Paris, 16e ch. A, 8 nov. 1994 : Loyers et copr. 1995, comm. 223. – V. aussi CA Paris, 16e ch. A, 22 nov. 1994 : Loyers et copr. 1995, comm. 122).

Page 39: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Selon le texte, la modification matérielle doit avoir entraîné « par elle-même » une modification de la valeur locative, ce que le juge doit rechercher, au besoin d'office (Cass. 3e civ., 28 sept. 2004, n° 02-21.173 : Rev. loyers 2004, p. 692). Il y a donc lieu d'exclure les effets de la conjoncture ou de tous autres événements.

Il ne suffit donc pas qu'il y ait eu effectivement des modifications matérielles comme la suppression de zones de stationnement, la création d'axes rouges, la redistribution du secteur piéton, la réfection totale d'une place voisine : il faut aussi apporter la preuve que ces modifications sont par elles-mêmes à l'origine de la variation de la valeur locative (CA Paris, pôle 5, 3e ch., 7 avr. 2010, n° 09/02698 : AJDI 2010, p. 723).

d) Preuve de la réunion des conditions exigées par le texte – C'est à celui qui l'invoque (bailleur ou locataire) d'établir que les facteurs locaux de commercialité ont effectivement varié dans les proportions et selon les modalités voulues par la loi. Le demandeur ne peut se borner à solliciter une mesure d'instruction sans indiquer les faits précis qui justifient cette demande et sur lesquels devront porter les recherches de l'expert (Cass. 3e civ., 22 janv. 1997, n° 94-21.352 : Bull. civ. III, n° 19 ; JCP G 1997, IV, 537. – Cass. 3e civ., 12 janv. 1977 : Rev. loyers 1977, p. 226. – CA Paris, 16e ch. B, 3 mai 1996 : Loyers et copr. 1997, comm. 21).La modification alléguée doit être intervenue et avoir produit effet entre la date de prise d'effet du loyer à réviser et la demande de révision (TGI Paris, 8 juin 1970 : Gaz. Pal. 1970, 2, p. 313 ; Rev. loyers 1971, p. 33, note J. Viatte. – CA Toulouse, 17 janv. 1985 : Loyers et copr. 1985, comm. 300).

e) Appréciation souveraine du juge – Le point de savoir s'il y a eu effectivement modification des facteurs locaux de commercialité et si elle entraîne une variation de plus de dix pour cent de la valeur locative relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. com., 16 déc. 1963 : Bull. civ. III, n° 545). Saisi d'une demande de révision pour modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, le juge des loyers ne peut faire droit à cette demande sans d'une part relever les éléments établissant une telle modification et d'autre part expliquer en quoi ces éléments ont entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative (Cass. 3e civ., 1er févr. 2012, n° 11-10.271 : RJDA 2012, n° 566 et la note).Le juge aura le plus souvent recours à une expertise, mais rien ne l'y oblige. Ainsi peut-il rejeter la demande si l'absence de variation des facteurs locaux de commercialité est manifeste (TGI Marseille, 5 oct. 1988 : Ann. loyers 1989, p. 685. – TGI Marseille, 5 juill. 1990 : Ann. loyers 1991, p. 670).

B. Effets de la variation des facteurs locaux de commercialité lorsque les conditions légales sont remplies Si les conditions sont réunies pour que le loyer puisse être fixé sans application des indices légaux, ce loyer sera déterminé en considération de la valeur locative (a). Cependant un tempérament a été apporté à cette règle par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 (b).

a) Fixation du loyer à la valeur locative

Absence de plafond ou de plancher – Lorsque les conditions fixées par l'article L. 145-38, alinéa 3 du Code de commerce sont remplies, le loyer sera fixé au chiffre correspondant à la valeur locative, et ceci quel que soit par ailleurs le loyer « indiciaire » résultant de la variation de l'indice du coût de la construction, qui sera écarté. La révision pourra s'opérer en hausse comme en baisse

Page 40: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

(Cass. 3e civ., 11 mai 1982, n° 81-15.285 : Bull. civ. III, n° 119 ; RTD com. 1983, p. 223, obs. M. Pédamon. – CA Paris, 12 juill. 1983 : D. 1983, inf. rap. p. 40).Il n'y a plus ni plafond ni plancher et le loyer révisé peut donc être fixé à un chiffre inférieur au loyer en vigueur, ou supérieur au loyer indiciaire (Cass. 3e civ., 24 mai 2017, n° 16-15.043 AJDI 2017, p. 671, note D. Lipman-W. Boccara. – Cass. 3e civ., 11 mai 1982, préc.).

Les juges du fond ont parfois des difficultés à pratiquer une révision à la baisse en cas de modification matérielle de la commercialité, y compris à la hausse.« Ayant retenu souverainement, par motifs propres et adoptés, d'une part, qu'il y avait eu, entre le 1er janvier 2004 et le 19 avril 2010, une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité en raison de la construction de nombreux logements et bâtiments à usage scolaire et industriel, ainsi que de la rénovation et de l'aménagement de la portion de l'avenue sur laquelle étaient implantés les lieux loués, et que cette modification avait eu une incidence sur l'activité exercée par le preneur, d'autre part, que cette modification avait entraîné par elle-même, pendant la période de référence, une variation de plus de 10 % la valeur locative, la cour d'appel a, à bon droit, fixé le loyer du bail révisé au montant de la valeur locative, quelqu'en soit le montant, même inférieur au loyer en vigueur, et indépendamment du sens de la variation de l'indice » (Cass. 3e civ., 24 mai 2017, n°16-15.043).En effet, la modification des facteurs locaux de commercialité, y compris à la hausse, peut conduire à une évaluation à la baisse du loyer. Pour prendre un exemple simpliste, la construction d’un immeuble HLM entraîne une augmentation de la population (donc de la clientèle potentielle). Toutefois, cette modification ne conduit pas nécessairement à une hausse de la valeur locative.

1) Détermination de la « valeur locative »L'article L. 145-33 du Code de commerce : “le montant du loyer des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative”.La valeur locative s'apprécie de la même manière qu'il s'agisse de fixer le loyer à l'occasion d'une révision ou du renouvellement du bail.La valeur locative qui sera ainsi fixée est une « valeur locative judiciaire », distincte en pratique de la valeur locative du marché.

2) Éléments à prendre en considérationMode de détermination de la valeur locative – Les divers éléments permettant de déterminer la valeur locative sont indiqués par l'article L. 145-33 du Code de commerce. Il s'agit des « caractéristiques du local considéré » de la « destination des lieux », des « obligations respectives des parties », des « facteurs locaux de commercialité » et enfin des « prix couramment pratiqués dans le voisinage ».En cas de litige, les juges du fond apprécient souverainement la valeur locative en partant des divers critères énoncés par l'article L. 145-33 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n° 83-14.535 : Bull. civ. III, n° 63. – Cass. 3e civ., 3 févr. 1988 : Loyers et copr. 1988, comm. 178).

b) Accord entre bailleur et locataire – Les parties peuvent pour leur part convenir d'un loyer sans avoir à se référer obligatoirement aux différents paramètres énoncés par l'article L. 145-33 du Code de commerce. Ce texte n'a d'application qu'à défaut d'accord entre les parties. Ainsi bailleur et locataire pourraient-ils se mettre d'accord pour fixer le loyer à dire d'expert (Cass. 3e civ. 24 oct. 1979, n° 78-11.107 : Bull. civ. III, n° 189).

Page 41: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

c) Loyer « à l'américaine » – Le bail « à l'américaine » est un bail consenti sans versement de pas-de-porte mais au prix réel du marché. Le loyer de ce bail, fixé à la valeur locative du marché, sans versement d'aucun droit d'entrée, est beaucoup plus élevé que les loyers judiciaires, lesquels sont appliqués à des baux anciens consentis sans pas-de-porte ou à des baux plus récents mais consentis moyennant versement d'un droit d'entrée au bailleur ou d'un prix de cession au locataire d'origine.Ce type de loyer va évidemment poser un problème à l'occasion de la révision ou du renouvellement : si le juge se réfère à des loyers judiciaires pour fixer le loyer d'un tel bail, il y aura nécessairement rupture de l'équilibre du contrat.

Il est ainsi apparu nécessaire que les prix révisés ou renouvelés des locations « libres » soient fixés par référence exclusive aux prix du secteur libre (par opposition aux prix judiciaires) ; la controverse née à ce propos sera évoquée dans le fascicule consacré à la fixation du loyer du bail renouvelé.

d) Éléments d'appréciation exclusExclusion des investissements du preneur ou des plus ou moins-values résultant de sa gestion – L'article L. 145-38 du Code de commerce énonce qu'en aucun cas il ne sera tenu compte pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur, ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours. Le principe est repris, sous une forme différente par l'article R. 145-8, alinéa 1er du Code de commerce.

Interprétation de la notion d'investissement du preneur – Par « investissement du preneur », il semble qu'il faille prendre en considération les améliorations matérielles apportées aux locaux pendant la durée du bail. Le plus souvent, elles deviennent la propriété du bailleur seulement à la fin du bail, il est donc normal de ne pas en tenir compte pour le calcul de la valeur locative en cas de révision du loyer. Compte tenu de la rédaction du texte, il ne sera pas possible d'en faire état pendant la durée du bail, même si une clause de celui-ci en attribue la propriété au bailleur (Cass. com., 24 mai 1960 : D. 1961, somm. p. 1 ; Bull. civ. III, n° 196).Il ne sera pas tenu compte non plus, lors de la révision, des travaux de transformation effectués par le locataire qui étaient imposés par le contrat et indispensables à l'usage prévu (Cass. 3e civ., 9 mai 1968 : Rev. loyers 1968, 385 ; Bull. civ. III, n° 191, cassant CA Paris, 13 mai 1966 : Rev. loyers 1966, p. 467, note Viatte).

Selon la jurisprudence, il doit être tenu compte pour le calcul de la valeur locative des travaux effectués par le locataire si la durée du bail a été fixée en conséquence (Cass. com., 19 déc. 1961 : Bull. civ. III, n° 490) ou encore si le montant du loyer a été fixé en considération de la charge que représentaient ces travaux (Cass. com., 5 janv. 1962 : D. 1962, somm. p. 53).

Plus ou moins-values imputables à la gestion du locataire – Il n'y a pas non plus à tenir compte des « plus ou moins-values résultant » de la gestion du locataire pendant la durée du bail en cours (C. com., art. L. 145-38, al. 4). Il semble qu'il faille entendre par là qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération la gestion commerciale du preneur pour la fixation du loyer, le locataire n'étant pas l'associé du bailleur.

e) Institution d’un plafond de l’augmentation de loyer par la loi Pinel

« Plafonnement du déplafonnement » – La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi Pinel » (JO 19 juin 2014) a donné une nouvelle rédaction à l'article L. 145-38 du Code de commerce. Le texte prévoit désormais

Page 42: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

que si la preuve est rapportée d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, “la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente”.

Ce texte a un caractère impératif (C. com., art. L. 145-15).

L'application du plafonnement de l'augmentation du loyer n'est entrée en vigueur qu'à compter du 1er septembre 2014 (L. n° 2014-626, 18 juin 2014, art. 21).

Dans l'ancienne rédaction de l'article L. 145-38, lorsqu'on constatait une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, le loyer pouvait alors être fixé à la valeur locative, sans application d'un plafond. Ceci reste toujours vrai : mais seulement dans le cas où l’augmentation de loyer en résultant ne conduit pas à une « augmentation supérieure, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ».

Modalités d’application – Les modalités d'application de cette disposition ont laissé perplexes les commentateurs (J.-D. Barbier, Plafonnement du loyer : quel calcul ? : Gaz. Pal. 23-25 nov. 2014, p. 12. – J.-P. Blatter, Le bail commercial dans le projet de loi relative à l'artisanat, au commerce et aux TPE : AJDI 2014, p. 119. – J.-P. Blatter, La loi Pinel et le statut des baux commerciaux : AJDI 2014, p. 584 - C.-E. Brault, Projet de loi yer, Gaz. Pal. 26 nov. 2013, p. 9. - C.-E. Brault, Loi du 18 juin 2014 : les évolutions portant sur le loyer : Gaz. Pal. 8-9 août 2014, p. 43 – Ph. H. Brault, L'augmentation par paliers de 10 % des loyers fixés en révision ou en renouvellement selon la valeur locative » : Loyers et copr. 2014, dossier 7. - E. Chavancet, Le plafonnement du déplafonnement : Actes prat. ing. immobilière 2014, p. 1. - E. Chavancet et S. Regnault, Le loyer après la loi Pinel : CDE 2015, dossier 15, p. 22. - J.-P. Dumur, Loi Pinel et « plafonnement du déplafonnement » : quadrature du cercle du cercle et casse-tête chinois ! : AJDI 2014, p. 405 - C. Mutelet, J. Prigent et M.-L. Rodriguez, Réforme du régime des baux commerciaux : Rev. loyers 2014, p. 331 à 334. - F. Planckeel, Bail à paliers et lissage du déplafonnement vs/ révision et plafonnement : Loyers et copr. 2015, étude 3. –) :

Précisions terminologiques• Le « loyer acquitté » est le dernier loyer contractuel exigible à la date d'effet de la révision ;• La notion « d'année précédente » : s’agit-il de l’année civile, ou de la période des 12 derniers mois précédant la date d'effet de la révision ? ;• Pour le calcul des paliers, faut-il toujours tenir compte du dernier loyer acquitté au cours de l'année précédant la date d'effet de la révision ? L'augmentation annuelle interviendra alors d'une façon constante d'année en année (pour un compte rendu des interprétations divergentes, et de leurs incidences pratiques, V. J.-P. Blatter, Traité des baux commerciaux, 2018, n° 1037 à 1050) :• Faut-il au contraire prendre en compte le loyer acquitté au cours de chaque année précédente pour ce calcul des paliers ?Exemple 1(en supposant un « loyer acquitté »de 20 000 € et une valeur locative de 40 000 €) :• 1re année : 20 000 + 2000 = 22 000• 2e année : 22 000 + 2 000 = 24 000•3e année : 24 000 + 2 000 = 26 000Exemple 2(mêmes données que dans l'exemple précédent) :• 1re année : 20 000 + 10 % = 22 000• 2e année : 22 000 + 10 % = 24 200• 3e année : 24 200 + 10 % = 26 620

Page 43: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Dans tous les cas, comme on l'a remarqué quel que soit le mode de calcul retenu, lorsque la valeur locative sera bien supérieure au dernier loyer contractuel, les paliers ne permettront de l'atteindre qu'à une date très lointaine.Un expert judiciaire recensait pas moins de 7 interprétations possibles de l'article L. 145-38 du Code de commerce instituant un “plafonnement du déplafonnement” (J.-P. Dumur, étude préc. n° 101).

Sollicitée de donner un avis, la Cour de cassation a indiqué (Cass. avis, 9 mars 2018, n° 15004 : JCP N 2018, n° 12, act. 329 ; Gaz. Pal. 17 juill. 2018, p.61, note C.-E. Brault) :• qu'il n'entrait pas dans l'office du juge des loyers commerciaux, mais dans celui des parties d'arrêter l'échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s'applique l'étalement de la hausse du loyer instauré par l'article L. 145-34 du Code de commerce ;•que l'étalement n’étant pas d'ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer.Cette réponse ne se prononce pas sur les modalités d'application de « l'étalement » de la hausse du loyer, qui était visiblement la préoccupation de l'auteur de la question.

En cette situation l'attitude du praticien appelé à tenter de concilier les parties paraît devoir être la suivante :• il devra présenter les divers systèmes d'interprétation et montrer quelles sont les incidences financières de chacun de ces systèmes dans le cas considéré (enfin d'apprécier concrètement les enjeux de la discussion) ;• le cas échéant il donnera son avis sur celui qui paraît le plus défendable, au regard des opinions avancées par la doctrine ;• il lui faudra attirer l'attention des parties, en cas de désaccord persistant, sur la durée du contentieux qui s’ensuivra (qui logiquement devrait se terminer par un arrêt de la Cour de cassation), et sur son coût…

Section 6. Effets de la demande La demande de révision constitue le point de départ du nouveau loyer (A). En outre, elle fait courir les intérêts (B).

A. - Point de départ du nouveau prix

a) Règle de principe

Le nouveau loyer part du jour de la demande – Le nouveau loyer sera dû à compter de la date de la demande c'est-à-dire à compter du jour de l'expédition de la lettre recommandée avec accusé de réception (si la demande est faite en cette forme), et non pas de sa réception par l'autre partie. Ce principe est énoncé à la fois par l’article L. 145-38, alinéa 1er du Code de commerce et par l'article R. 145-20, alinéa 3 du même code.En fixant le point de départ du nouveau prix, la demande marque, par là même, le point de départ du délai de trois ans à l'expiration duquel une nouvelle demande de révision sera recevable (V. n° 25).

Cette règle jouera obligatoirement si la fixation du loyer est purement judiciaire. En raison de son caractère impératif (V. n° 7), le juge n'a pas le pouvoir de l'écarter. Ainsi le juge des loyers commerciaux, saisi d'une demande en révision de loyer précédée de deux demandes à la suite desquelles aucune procédure n'a été engagée, ne saurait ordonner une révision rétroactive à partir de la date sollicitée lors de la première demande faute d'accord des parties sur ce point (Cass. com., 11 oct. 1966 : Bull. civ. III, n° 389).

Page 44: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Accord des parties pour écarter la règle légale – L'article R. 145-20, alinéa 3 du Code de commerce précité réservait expressément la possibilité pour les parties de se mettre d'accord « avant ou pendant l'instance sur une date plus ancienne ou plus récente ». Il en avait été déduit de manière quelque peu aventureuse que la convention relative au point de départ du loyer révisé pouvait figurer dans le bail lui-même (CA Paris, 28 oct. 1981 : Gaz. Pal. 1983, 1, somm. p. 18. – Contra précédemment CA Paris, 9 févr. 1957 : Rev. loyers 1957, p. 292).La possibilité d’un accord entre les parties, réservée par ce texte, a été supprimée par le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014. Cependant il ne paraît pas justifié d'en déduire que tout accord de ce type est, à l'avenir interdit. La possibilité pour les parties, admise par la jurisprudence, de se dispenser conventionnellement d'appliquer les règles concernant la révision du loyer (V. n° 26) semble laisser le champ libre à ce type de convention.

Si un tel accord intervient, il a été jugé qu'il n'était pas opposable au cessionnaire du bail s'il n'avait pas été mentionné dans l'acte de cession, ou s'il n'avait pas été porté à sa connaissance par voie de signification (CA Nancy, 31 mai 1979 : D. 1980, inf. rap. p. 247).

b) Cas particulier

Modification de la demande après sa notification – La demande peut faire l'objet d'une modification à tout moment, et même en cours d'instance. L'article R. 145-21, alinéa 1er du Code de commerce le prévoit expressément.

En ce cas, les dispositions de ce même texte amènent à distinguer deux situations :

• la demande nouvelle est inférieure au chiffre précédemment réclamé. Ceci peut se produire lorsque par exemple le bailleur se rend compte qu'il a formulé des prétentions exagérées, ou lorsque après publication de l'indice il s'avère que « le loyer indiciaire » (lorsqu'il est applicable) est inférieur au montant de la demande. En ce cas, le loyer révisé part de la première demande ;• la demande nouvelle est supérieure au chiffre précédemment réclamé : le nouveau loyer ne part alors “qu'à dater de la notification des nouvelles prétentions” (C. com., art. R. 145-21, al. 2).Les parties peuvent cependant se mettre d'accord pour écarter ces règles et fixer le point de départ du loyer révisé à la date qui leur convient.

B. - Point de départ des intérêts a) Intérêts proprement dits – La Cour de cassation a décidé, après des variations, que les intérêts dus sur les compléments de loyer après sa fixation judiciaire couraient, par le seul effet de la loi, en l'absence de convention contraire, du jour de la demande en fixation du nouveau loyer (Cass. 3e civ., 3 oct. 2012, n° 11-17.177 : Bull. civ. III, n° 136 ; Loyers et copr. 2012, comm. 327, note Ph.-H. Brault ; Rev. loyers 2012, p. 407, note B. Raclet ; Gaz. Pal. 20 avril 2013, p. 24, note J.-D. Barbier ; Loyers et copropriété 2012, comm. 327). C’était un retour à l’arrêt de principe du 20 mars 1969 (Cass. 3e civ., 20 mars 1969 : JCP G 1970 II 16300, note B. Boccara). Dans un arrêt du 12 avril 2018, la Cour de cassation énonce que les intérêts courent en l'absence de convention contraire « à compter de la délivrance de l'assignation en fixation du prix » (Cass. 3e civ., 12 avr. 2018, n° 16-26.514 : JCP N 2018, n° 17, act. 420, obs. E. Chavance ; Gaz. Pal. 17 juill. 2018, p.59, note C.-E. Brault). La demande qui fait courir les intérêts est constituée par l'assignation délivrée par le bailleur, s’il est

Page 45: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

demandeur à l'instance ou par la notification du premier mémoire en défense du bailleur, lorsque c'est le preneur qui a saisi le juge.

Ces décisions ont été rendues sur le visa de l'article 1155 du Code civil selon lequel les revenus échus, tels que les loyers, produisaient intérêts du jour de la demande ou de la convention. Selon un auteur, ce n'est pas ce texte qui aurait dû s'appliquer en la matière, mais l'article 1153 du Code civil. Il appartenait au créancier après la fixation du loyer, d'établir le compte des rappels ou des trop-perçus et de l'adresser à son cocontractant et c'est seulement à compter de la présentation de ce compte par lettre recommandée ou par sommation de payer que pouvaient courir les intérêts (J.-D. Barbier, Les intérêts sur les loyers commerciaux fixés judiciairement : Gaz. Pal. 12-13 mars 2010, p. 7).

La réforme du droit des obligations (Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016) applicable depuis le 1er octobre 2016 a supprimé les articles 1153 à 1155 du Code civil qui régissaient la matière, et donc l'article 1155 sur lequel la Cour de cassation s'est fondée dans son arrêt précité. Le principe posé par l'article 1153 ancien se trouve repris à l'article 1344-1 nouveau du Code civil selon lequel, en matière de dette de somme d'argent, l'intérêt moratoire court au taux légal du jour de la mise en demeure. L'article 1231-6 précise par ailleurs que les intérêts, qui ne sont plus qualifiés de “moratoires”, sont dus à dater de la mise en demeure. On en a déduit que, mis à part le cas de stipulation expresse ou de lois spéciales dérogeant à ce principe, si le créancier ne met pas son débiteur en demeure de payer, il est censé ne pas subir de préjudice résultant du retard.

La Cour de cassation sera probablement appelée à se prononcer de nouveau quant à l'incidence de la réforme des obligations sur les intérêts dus en matière de rappels de loyers. Pour éviter ce type de contentieux, il peut être stipulé dans le contrat de bail que si le loyer est fixé à la suite d'une procédure judiciaire, les rappels de loyers dûs au bailleur produiront intérêt de plein droit (au taux légal oui à un taux qui devra être conventionnellement fixé) sans mise en demeure préalable.

b) Intérêts sur les intérêts – Le bailleur peut-il demander des intérêts sur les intérêts produits par les loyers échus ? Ce ne sont plus alors les intérêts des loyers et les conditions de leur exigibilité qui sont en cause, mais le droit de capitaliser ces intérêts pour les rendre à leur tour productifs d'intérêts. Cette hypothèse relevait exclusivement de l'article 1154 ancien du Code civil et de la réglementation spéciale de la clause d'anatocisme dont la substance a été reprise par l'ordonnance du 10 février 2016 précitée dans l'article 1343-2 nouveau du Code civil. Selon ce texte “les intérêts échus dus au moins pour une année entière, produisent intérêts si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise”.La Cour de Paris avait à ce propos décidé que les intérêts des loyers devaient être échus depuis au moins une année entière pour être eux-mêmes productifs d'intérêts, sous réserve qu'intervienne une demande judiciaire ou qu'existe une convention spéciale d'anatocisme (CA Paris, 16e ch. B, 6 avr. 1979 : D. 1979, inf. rap. p. 506) ce qui n’était que l'application littérale de l'article 1154 ancien du Code civil. Un arrêt postérieur de la même juridiction (CA Paris, 16e ch. B, 24 mai 1989) est venu dire que « l'article 1155 autorise la capitalisation des intérêts produits par des loyers échus sans condition de durée » (RD imm. 1990, p. 259, obs. critique J. Derruppé).

L'insertion d'une clause particulière dans le contrat de bail, précisant si les intérêts afférents aux rappels de loyers se capitalisent rompt ou non, est de nature à éviter ce contentieux.

c) Loyers perçus en trop par le bailleur – Si le loyer après avoir été fixé à la valeur locative en première instance, en vertu d'un jugement assorti de l'exécution provisoire, est plafonné en cause d'appel, le bailleur se

Page 46: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

trouve dans l'obligation de restituer les trop-perçus de loyer au preneur. La Cour de cassation a jugé, sur le fondement de l'article 1153, alinéa 2 du Code civil, qu’il ne devait les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de l'arrêt de la Cour (Cass. 3e civ., 18 févr. 2003, n° 02-10.204 : Gaz. Pal. 20-21 févr. 2004, p. 37, note J.-D. Barbier).

d) Suites de la demande de révision La demande de révision est susceptible d'avoir plusieurs issues. Elle peut déboucher sur une conciliation (1°) ou sur la saisine du juge des loyers (2°), qui vont permettre de déterminer la date d'exigibilité du nouveau loyer (3°).

1° Conciliation Formes de l'accord – Après notification de la demande bailleur et locataire peuvent se mettre d'accord sur un chiffre de loyer, au besoin en écartant les règles légales.La validité de cet accord n'est pas subordonnée au respect de formes particulières : il peut résulter d'un simple échange de lettres. Mais sur un plan pratique, pour des raisons de preuve et de conservation de la preuve, il est préférable d'établir un écrit : acte sous seing privé (dénommé généralement « avenant au bail ») ou notarié.

Il est rappelé que si les pourparlers se prolongent, il importe qu'ils aboutissent et donc qu'un accord intervienne avant l'accomplissement du délai de prescription.

S'il s'avère que l'avenant au bail est un document d'une grande simplicité qui, au moyen d'un outil informatique habituel, n'est qu'un « copié-collé » d'un autre avenant, et qu'il ne comporte pas de calcul, alors qu'une simple lettre comportant les indices avec un calcul par règle de trois aurait suffi, une cour d'appel peut déduire de ces constatations que le paiement des honoraires réclamé par l'administrateur de biens pour l'établissement de l'avenant est injustifié (Cass. 3e civ., 13 juin 2006, n° 05-16.282 : AJDI 2007, p. 382, note F. de la Vaissière).

Accord sur le point de départ du nouveau loyer – Nous l'avons vu, si le nouveau prix est dû à dater du jour de la demande à moins, l'article R. 145-20, alinéa 3 du Code de commerce réservait le cas où les parties s'étaient mises d'accord avant ou pendant l'instance sur une date plus ancienne ou plus récente. L'allusion à la possibilité d'un tel accord ne figure plus aujourd'hui dans ce texte. Mais ceci ne signifie pas que ce type de convention soit prohibé.Encore aujourd'hui, le point de départ du nouveau loyer peut donc être fixé à une date antérieure à celle de la demande de révision, dans le cadre d'un accord amiable ou judiciaire intervenu à ce sujet entre les parties. De même, les parties ont la possibilité de se mettre d'accord avant ou pendant l'instance sur une date plus récente (Cass. com., 14 janv. 1964 : JCP G 1964, II, 13841, 1er arrêt).Les parties peuvent également convenir d'écarter les règles prévues pour le cas où la demande a été modifiée après sa notification.

Autres points à régler – Diverses difficultés particulières doivent être réglées à l'occasion de l'établissement de l'acte constatant la révision du loyer :• il faudra faire le compte des suppléments de loyers dus, en remontant à la date d'effet de la demande et en tenant compte des intérêts dus ;• il y aura lieu ensuite de reconsidérer le décompte des charges et de les répartir différemment, si elles sont calculées au prorata des loyers (dans les immeubles collectifs) ;

Page 47: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• enfin, lorsque le dépôt de garantie correspond selon l'usage à un ou plusieurs termes de loyer, il doit être réajusté par le versement d'un complément.

Ce réajustement ne peut en principe intervenir que s'il a été expressément convenu lors de la conclusion du bail qui prévoyait le versement d'un dépôt de garantie. Cependant, en pratique, on constate que ce versement complémentaire est fréquemment opéré sans qu'il soit fait référence au contrat de bail, les parties considérant implicitement qu'un usage s'est établi en ce sens.

2° Fixation judiciaire du loyer Renvoi – Les règles procédurales concernant la fixation du loyer révisé et la fixation du loyer du bail renouvelé sont identiques. Elles sont fixées par les articles R. 145-23 à R. 145-33 du Code de commerce.

Il existe toutefois une particularité en matière de révision de loyer : la commission départementale de conciliation n'a pas à intervenir, car elle n'est pas compétente (C. com., art. L. 145-35).

Le fait de ne pas avoir mis en œuvre une procédure de conciliation prévue au contrat constitue une fin de non-recevoir (Cass. ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423 : JCP E 2003, n° 9, p. 810, n° 707, note H. Croze et D. Gautier ; D. 2003, p. 1386, note P. Ancel et M. Cottin).

Procédure – Rappelons brièvement que la procédure se déroule de la manière suivante :• notification d'un mémoire par le demandeur à l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception ;• saisine du juge, un mois au plus tôt après la réception du mémoire par son destinataire.Le juge ne peut fixer le prix du bail révisé qu'après avoir été saisi régulièrement à la suite d'une demande notifiée en application de l'article L. 145-37 du Code de commerce, conformément aux dispositions de l'article R. 145-20 du même code. Est irrégulière la demande en révision notifiée postérieurement au mémoire en demande. La demande de révision doit en effet être préalable à l'instance judiciaire (Cass. 3e civ., 26 janv. 2017, n° 16-10.304 : Loyers et copr. 2017, n° 66, note Ph.-H. Brault). À défaut la demande en fixation du prix du bail révisé est irrecevable, faute de régularisation possible (même décision).

Loyer provisionnel – Comme en matière de fixation du loyer du bail renouvelé, le locataire est tenu, pendant la durée de l'instance de “continuer à payer les loyers échus au prix ancien” (C. com., art. L. 145-57, al. 1er).Le juge peut, selon ce même texte, fixer un loyer provisionnel applicable pendant la durée de l'instance.

3° Exigibilité du nouveau loyer Nécessité d'un accord ou d'une fixation judiciaire – Le destinataire de la demande de révision n'est nullement obligé d'accepter le loyer proposé, qui ne s'impose pas à lui et n'entre pas automatiquement en vigueur. Il peut avoir des moyens de contestation à faire valoir, en soutenant par exemple qu'une variation des facteurs locaux de commercialité est intervenue, ou en contestant le point de départ du nouveau loyer. En ce cas, c'est le juge des loyers, saisi à la requête de la partie la plus diligente qui tranchera. Ainsi, s'il n'obtient pas l'accord du locataire, le

Page 48: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

bailleur doit saisir le juge des loyers pour faire fixer le prix du loyer révisé (Cass. 3e civ., 12 avr. 1995, n° 93-12.849 : Bull. civ. III, n° 103 ; AJDI 1995, p. 683, note J.-P. Blatter).Le loyer demandé n'entrera finalement en vigueur qu'au jour où il aura été expressément accepté par le locataire (où le bailleur, s'il y a demande de révision en baisse) ou, à défaut, lorsqu'il aura été fixé par le juge des loyers, saisi à la requête de l'une ou de l'autre des parties.

C'est uniquement donc lorsqu'un accord sera intervenu, ou après fixation du nouveau loyer par le juge, que le bailleur pourra engager des poursuites pour avoir paiement du loyer à son nouveau chiffre.

Recouvrement du loyer au nouveau prix – Quels sont les recours dont dispose le bailleur si le locataire refuse de payer les rappels de loyers résultant de la révision ? La clause résolutoire ne peut être invoquée en cas de non-paiement des rappels de loyers consécutifs à une décision judiciaire (Cass. 3e civ., 11 juill. 1990, n° 88-19.994 : Loyers et copr. 1990, comm. 475, obs. Ph.-H. Brault. – CA Paris, 27 oct. 1992 : Administrer mars 1993, p. 59).L'article R. 145-23 du Code de commerce ne donne pouvoir au juge des loyers commerciaux que pour « fixer » le nouveau loyer et non pas pour condamner au paiement. Il s’agit d’une décision de fixation du loyer et non de condamnation.

Certains locataires se sont appuyés sur ce texte pour soutenir que le bailleur ne pouvait se prévaloir de la décision du juge pour engager des poursuites. Il serait alors contraint d'introduire un référé-provision pour obtenir la liquidation et le paiement de sa créance de loyers. À l’encontre de cette thèse, rejetée par la cour de Paris, il a été soutenu que le bailleur pourrait, en vertu de la décision du juge des loyers commerciaux fixant le nouveau prix, qui vaudrait « titre exécutoire », pratiquer des saisies pour recouvrer les sommes qui lui sont dues, ce qu'avaient admis de nombreuses juridictions du fond, qui l’énonçaient expressément (V. J.-P. Blatter, Traité des baux commerciaux, préc. n° 4, spéc. n° 1182).

Finalement la Cour de cassation a mis (implicitement) fin au débat en considérant que la décision judiciaire fixant le loyer (en l'espèce le loyer d'un bail renouvelé) pouvait être exécutée alors même que le « délai d’option » d'un mois ouvert au bailleur et au preneur n'était pas expiré (Cass. 3e civ., 6 oct. 2016, n° 15-12.606 :; JCP N 2016, n° 49, 1338, obs. J. Monéger ; AJDI 2017, p. 115, obs. J.-P. Blatter).

Chapitre 3. LOYERS VARIABLESLa variabilité du loyer peut prendre des formes diverses :• les parties peuvent tout d'abord prévoir une entrée en vigueur progressive du loyer convenu, le loyer de départ subissant des hausses par paliers successifs (bail à paliers) ;• le loyer peut être indexé (clause dite « d'indexation » ou « clause d'échelle mobile ») ;• le loyer peut enfin varier, en tout ou en partie, en proportion des recettes du locataire (clause-recettes).

Section 1. Révision du loyer des baux « à paliers »

A. Formes diverses de « baux à paliers » – Le « bail à paliers » peut se présenter sous deux formes différentes, chacune d'elles étant justiciable de règles distinctes en ce qui concerne la révision du loyer. Les paliers stipulés peuvent constituer un mode de variation conventionnelle du loyer (1°), ou une

Page 49: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

solution permettant d'éviter, pour des raisons diverses, l'application immédiate du loyer convenu (2°).

a) Paliers constituant un mode de variation conventionnel du loyer – Dans cette formule (constitutive du « bail à paliers » proprement dit), le loyer va subir des augmentations successives selon des échéances et une périodicité programmée à l'avance. On prévoit que la première année le loyer sera de 200 000 € par an, la troisième année de 250 000, la cinquième année de 270 000, la septième année de 290 000, etc.La jurisprudence a reconnu la validité de ces clauses. Si l'on veut bien admettre qu'au même titre que les clauses recettes, il s'agit d'un « mode de détermination du loyer » qui n'a rien d'illicite, comment s'opérera une éventuelle révision du loyer convenu ?

La seule solution paraît être, comme la jurisprudence l'a décidé pour les clauses-recettes, de décider que les modalités de révision de ce type de loyers échappent aux dispositions du statut des baux commerciaux pour n'être régies que par la convention des parties.

Indexation des paliers – Un arrêt de la Cour de cassation a admis que les paliers pourraient faire l'objet d'une indexation (Cass. 3e civ., 9 févr. 2017, n° 15-26.200 : AJDI 2017, p. 509, note F. Planckeel. – V. déjà, CA Paris, ch. 16, sect. B, 12 oct. 2001, n° 2000/07780 : Loyers et copr. 2002, comm. 65, obs. Ph.-H. Brault).Toutefois, l'annotateur de cette décision a montré que cette combinaison pouvait s'avérer dangereuse, parce qu'elle pouvait se trouver en contradiction avec les dispositions de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier, selon lequel la période de variation de l'indice ne doit pas être supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.

Un arrêt de la cour d'appel d’Aix-en-Provence permet d'illustrer la difficulté. En l'espèce une clause d'indexation s'appliquait à 3 paliers se succédant les 1er septembre 1999, 1er septembre 2002 et 1er septembre 2005. La première indexation des deuxième et troisième palier (soit le 1er septembre 2003 et le 1er septembre 2006) devait s'opérer sur la base de l'indice de base initial (3e trimestre 1998), ce qui impliquait la prise en compte d'une période de variation indiciaire de 4 ans pour le deuxième palier et de 7 ans pour le troisième palier. La clause a été réputée non écrite (CA Aix-en-Provence, 15 mars 2013, n° 11/06632 : AJDI 2013, p. 517, obs. F. Planckeel).

b) Paliers permettant d'atteindre le loyer convenu Un autre cas de figure est celui où les parties, étant tombées d'accord sur un loyer déterminé, décident que celui-ci n'entrera en vigueur qu'après un temps de rémission, par exemple au bout de trois ans. Le loyer convenu est par exemple de 200 000 € par an mais il est stipulé que pendant la première année ce loyer sera réduit à 150 000 €, et à 180 000 € pendant la deuxième année. Ce type de clause, qualifié de clause de « franchise » ou « d'allégement » se rencontre assez fréquemment pour compenser le fait que des travaux sont mis à la charge du locataire.Les diverses espèces dont la jurisprudence a eu à connaître concernaient toutes ce type de stipulation. Les difficultés concernant la révision du loyer se sont manifestées dans plusieurs domaines.

B. Révision fondée sur la variation des facteurs locaux de commercialité – Dans une première affaire, le loyer annuel était de 3 500 F pendant les deux premières années du bail, qui prenait effet le 1er septembre 1968 puis de 4 500 F à partir du 1er septembre 1970. Une demande de révision avait été formée à compter du 13 septembre 1974 en invoquant la variation des facteurs locaux de commercialité. Les juges du fond avaient estimé qu'il n'était pas démontré qu'entre le 1er septembre 1970 et le 13 septembre 1974 la variation des facteurs locaux de commercialité ait entraîné par elle-

Page 50: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

même une modification de plus de 10 % de la valeur locative. La Cour de cassation censure en reprochant à l'arrêt rendu d'avoir pris pour point de départ de la période au cours de laquelle devait être appréciée la variation des facteurs locaux de commercialité une date autre que celle de la prise d'effet du bail : soit en l'espèce le 1er septembre 1968 (Cass. 3e civ., 14 mai 1980, n° 79-10.511 : Bull. civ. III, n° 98 ; Rev. loyers 1980, p. 377, note J. Viatte ; RTD com. 1984, p. 71, obs. M. Pédamon).

C. Révision fondée sur le jeu des indices – La solution donnée ci-dessus peut être transposée au cas de révision « plafonnée » du loyer. Si dans le cas considéré, la demande formée le 13 septembre 1974 avait eu pour objet la révision du loyer en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction, le nouveau loyer aurait dû être calculé en considération de la progression de l'indice depuis le point de départ du bail, c'est-à-dire depuis le 1er septembre 1968.Dans un arrêt plus récent, la Cour d'appel de Paris énonce que le bail à paliers n'est pas incompatible avec le principe de la révision, et que la seule difficulté repose sur la détermination du loyer de référence (CA Paris, 16e ch. B, 12 oct. 2001, n° 2000/07780 : Loyers et copr. 2002, comm. 65, obs. Ph.-H. Brault ; Administrer oct. 2002, p. 26, note B. Boccara et D. Lipman-Boccara). En l'espèce, il s'agissait également d'un loyer sur lequel un abattement avait été pratiqué.

La solution paraît commandée par le bon sens. Dans la situation qui a donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation du 14 mai 1980 précité, il serait totalement infondé d'appliquer le pourcentage de variation des indices au loyer résultant d'un des « paliers » convenus, et qui n'a qu'un caractère transitoire. Le loyer objet de la révision doit être celui convenu à l'origine par les parties, et qui est censé refléter la valeur locative des locaux, soit dans le cas considéré 4 500 F (V. en faveur de cette solution, Cass. 3e civ., 18 mai 1978 : Bull. civ. III, n° 204 ; Rev. loyers 1978, p. 386. – Et à propos de l'application de l'indice du coût de la construction lors du renouvellement d'un bail dont le loyer avait augmenté par paliers, Cass. 3e civ., 17 mai 2006, n° 05-11.685 : Bull. civ. III, n° 124 ; RJDA 2006, n° 879).

Section 2. Révision des loyers indexés L'effet recherché lorsqu'on insère dans un bail une clause d'indexation est d'obtenir une variation automatique du loyer, mais cette automaticité de la variation du loyer peut être tenue en échec dans un certain nombre de cas : ainsi peut-on obtenir l'adaptation du jeu de la clause d'indexation à la valeur locative, ou encore, selon la jurisprudence, revenir à la révision légale.

a) Principe de l'automaticité de la variation du loyer Si la clause d'indexation est correctement rédigée, le loyer s'appliquera de plein droit à la date fixée (en principe lors de la publication de l'indice) sans que l'une ou l'autre des parties ait à en faire la demande.

Le loyer résultant du jeu de l'indice prend alors effet sans que le propriétaire ait à effectuer une notification quelconque (Cass. 3e civ., 20 mai 1985 : Loyers et copr. 1985, comm. 385. – Cass. 3e civ., 2 oct. 1985 : Loyers et copr. 1986, comm. 33. – Cass. 3e civ., 28 oct. 1987, n° 84-10.371 : Gaz. Pal. 1988, 1, p. 445, note J.-D. Barbier).

Une première conséquence tirée par la jurisprudence de cette automaticité est qu'en cas d'incident de paiement, le propriétaire peut délivrer immédiatement un commandement de payer, visant la clause résolutoire figurant au bail, sans qu'il y ait préalablement lieu de faire fixer le loyer par le juge des loyers (Cass. 3e civ., 2 juin 1977, n° 76-13.199 : Bull. civ. III, n° 241. – Cass. 3e civ., 26 mai 1983 : Loyers et copr. 1983, comm. 321. – Cass. 3e civ., 2 oct. 1985, préc.), mais à la condition toutefois que le calcul du loyer ne pose aucun problème (Cass. com., 16 juin 1959 : Bull. civ. III, n° 234).

Page 51: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Rappelons le fait que le locataire/preneur ne peut pas invoquer la clause résolutoire (Cass. 3e civ., 27 avr. 2017, n°16-13625).

Cas où le bailleur ne réclame pas l'augmentation de loyer – Il résulte également de l'automaticité de principe du jeu de l'indexation que même si le bailleur ne se prévaut pas de la clause d'indexation pendant plusieurs années, on ne peut déduire de ce seul fait qu'il a entendu renoncer tacitement au bénéfice de cette clause (Cass. 3e civ., 26 janv. 1994, n° 91-18 325 : Bull. civ. III, n° 11 ; AJPI 1994, p. 360, note J.-P. Blatter ; JCP G 1994, IV, 821). La renonciation du bailleur à se prévaloir des loyers contractuellement prévus, tels qu'ils résultent du jeu d'une clause d'indexation doit être claire et non équivoque. Elle ne peut se déduire de la seule acceptation de loyer réduit au-delà d'une période de franchise (Cass. 3e civ., 22 janv. 2014, n° 12-29.856 : Bull. civ. III, n° 4) ou encore de l'acceptation d'un loyer inférieur à celui qui résulterait de l'indexation (Cass. 3e civ., 21 janv. 2014, n° 12-26.174).En pareil cas, le bailleur pourra donc réclamer le bénéfice de l'indexation, dans la limite cependant du délai de prescription de 5 ans applicable en la matière (C. civ., art. 2224. – CA Bordeaux, 29 juin 1977 : Administrer 1978, p. 23, note J. Lafond). Cette prescription n'atteint toutefois que l'action en paiement. L'indexation ayant joué automatiquement, le loyer des périodes non prescrites devra être calculé en tenant compte du chiffre du loyer résultant de l'indexation (Cass. 3e civ., 26 janv. 1994, préc. – CA Paris, ch. 6, sect. C, 12 mai 1993 : Rev. loyers 1995, p. 515. – CA Paris, ch. 8, sect. B, 18 sept 1997 : Loyers et copr. 1998, comm. 30).

Aménagements – La clause d'indexation peut faire l'objet d'aménagements conventionnels. Rien n'empêche par exemple les parties de subordonner le jeu de l'indexation à une demande préalable : mais ceci enlève à la clause une partie de son intérêt et crée un risque de confusion avec les « clauses de révision » prohibées.Les parties peuvent également convenir que l'indexation ne jouera qu'à partir d'un certain seuil : par exemple lorsque l'indice choisi sera modifié de x % par rapport à l'indice de référence.

Mise en échec de la clause – Par ailleurs l'application du loyer résultant de l'indice peut être tenue en échec à plusieurs titres :• le locataire peut éventuellement contester la licéité de l'indice ;• il peut aussi contester l'application des indices et faire vérifier judiciairement que ce loyer a été correctement déterminé par référence aux indices choisis (Cass. 3e civ., 26 mai 1983 : Loyers et copr. 1983, comm. 321). Enfin la révision du loyer résultant de la clause d'indexation ou encore le retour au système de révision légale peuvent être demandés sous certaines conditions.

b) - Tempéraments à l'application automatique du loyer résultant de la clause d'indexation La règle d'automaticité de la variation du loyer connaît plusieurs exceptions : l'une est incontestable, puisqu'elle résulte de la loi même (C. com., art. L. 145-39) : la possibilité d'obtenir l'adaptation du jeu de la clause (1°). L'autre est plus discutable et découle de la jurisprudence : la possibilité de revenir à la révision légale malgré l'existence d'une clause d'indexation (2°).

Page 52: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

1° Révision du loyer résultant du jeu de la clause d'indexation (C. com., art. L. 145-39) Si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile déclare l'article L. 145-39 du Code de commerce, la révision pourra être demandée. Et, précise l'article R. 145-22, alinéa 1er du même code “le juge [devra adapter] le jeu de l'échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande”.

Objet de la « révision » – Le terme de révision employé pour qualifier cette action créé un risque de confusion (J.-P. Blatter, Traité des baux commerciaux : éd. Le Moniteur, 6e éd. 2017, n° 947. – Ph. Brault et J.-D. Barbier, Le statut des baux commerciaux : Gaz. Pal. 2009, p. 163). Cette demande de révision est en effet différente de celle que l'on peut former en vertu de l'article L. 145-38 du Code de commerce. Ce qu'il s'agit d'obtenir ici c'est la révision du contrat, la remise en cause du loyer résultant de la clause d'indexation convenue. De la même manière que la loi prévoit par exemple la faculté de faire « réviser » les clauses pénales (C. civ., art. 1231-5, al. 2), le législateur a prévu ici la possibilité de faire réviser la clause d'indexation.L'objet de ces dispositions, qui existaient déjà dans le décret-loi du 1er juillet 1939 est de remédier aux exagérations de prix en hausse ou en baisse auxquelles est susceptible d'aboutir le jeu de la clause d'échelle mobile (Cass. soc., 1er juill. 1943 : DH 1944, p. 5).

Caractère impératif – Les règles édictées par l'article L. 145-39 du Code de commerce présentent, comme celles de l'article L. 145-38, un caractère d'ordre public.La constitutionnalité de l'article L. 145-39 du Code de commerce ayant été contestée, la Cour de cassation a estimé que ce mécanisme de révision était entouré de garanties procédurales et de fond suffisants, si bien qu'il ne porte atteinte ni au principe d'égalité ni à la garantie des droits (Cass. 3e civ., 6 déc. 2012, n° 12-40.071 : RJDA 2013, n° 200 et la note ; AJDI 2013, p. 434, note F. Planckeel).

Renonciation à demander la révision – Un arrêt a admis la validité d'une renonciation du preneur, contenue dans le contrat de bail, à solliciter pendant le cours du bail une diminution du loyer pour quelque motif et sur quelque fondement que ce soit, en considérant que cette renonciation était la contrepartie du fait que le pas-de-porte avait été négocié dans des conditions avantageuses (CA Colmar, 4 juill. 2012, n° 11/02844 : Loyers et copr. 2013, n° 52, note critique Ph.-H. Brault).

Toutefois un arrêt récent de la Cour de cassation semble interdire une clause faisant échec à la révision légale. La clause était la suivante : « il a été expressément convenu, comme constituant une condition essentielle et déterminante du présent bail, sans laquelle il n'aurait pas été consenti, que le preneur renonce pendant toute la durée du présent bail à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel défini ci-dessus, même dans le cas où la valeur locative se révélerait inférieure au loyer contractuel ». Cette clause a été annulée : « la clause avait pour effet de faire échec au réajustement du loyer en vigueur à la valeur locative » or « la renonciation par le preneur à son droit d'obtenir la révision ne pouvait valablement intervenir qu'une fois ce droit acquis, soit après le constat d'une augmentation du loyer de plus d'un quart par le jeu de la clause d'échelle mobile » (Cass. 3e civ., 30 mars 2017, n°16-13914).

La Cour de cassation avait déjà sanctionné une clause illicite comme « non écrite » : « ayant constaté que la clause d'indexation disposait que l'indice à prendre en considération serait le dernier indice publié au 1er janvier de chaque année, l'indice de référence étant le dernier connu au 1er juillet 1996, et relevé que la SCI avait, lors de la première révision le 1er janvier 1998, pris en compte l'indice publié à cette date, soit

Page 53: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

celui du 2ème trimestre 1997, et l'avait rapporté à celui connu au 12 juillet 1996, soit celui du 1er trimestre 1996, la cour d'appel, qui a constaté une distorsion temporelle entre l'indice de base fixe et l'indice multiplicateur, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision » (Cass. 3e civ., 9 février 2017, n° 15-28691, publié).

Articulation de la révision de la clause d'échelle mobile et des autres possibilités de demande de révision – Selon les articles L. 145-38 et L. 145-39 du Code de commerce, la révision du loyer est soumise au plafonnement et ne peut donc être fixée à la valeur locative qu'à titre d'exception dans trois hypothèses :• l'augmentation de plus de 25 % du loyer par le jeu de la clause d'échelle mobile ;• la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative ;• si la valeur locative est située entre le loyer en cours et le loyer plafond (TGI Paris, 6 oct. 2011, n° 11/00995 : Loyers et copr. 2012, comm. 77, obs. Ph.-H. Brault).Comme on le verra, la possibilité de revenir au loyer résultant de la valeur locative par application des règles de la révision légale a été limité aux seuls cas l'évolution de la valeur locative résultait de la variation des facteurs commercialité.

Quand peut-on demander la révision du loyer résultant de la clause d'indexation ? Rappel des conditions exigées – Plusieurs conditions doivent être remplies pour que la demande de révision de la clause d'indexation soit recevable :• il faut que l'on soit réellement en présence d'une clause d'échelle mobile ;• il faut que cette clause ait joué ;• il faut enfin que le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus du quart par rapport au loyer initial.

- Vraies et fausses clauses d'échelle mobileLa révision de l'article L. 145 39 du Code de commerce ne s'applique qu'aux clauses d'échelle mobile – Il est parfois difficile en raison d'ambiguïtés ou de maladresses de rédaction de savoir si l'on est en présence d'une véritable clause d'échelle mobile au sens de l'article L. 145-39 du Code de commerce.Ce problème de qualification a des enjeux très concrets : il s'agit de déterminer si la révision du loyer relève des dispositions des articles L. 145-38 ou L. 145-39 du Code de commerce. Dans ce dernier cas seulement le loyer pourra être fixé à la valeur locative, sans qu'il y ait de plafond ou de plancher à respecter, alors que dans le cadre de la révision légale, il n'est pas possible (sauf lorsqu'il y a variation des facteurs locaux de commercialité) de fixer le loyer en deçà de celui actuellement en vigueur.

Clauses ambiguës – Une difficulté d'interprétation va naître principalement en présence de clauses qui prévoient une variation du loyer tous les trois ans, avec indexation sur l’un des indices visés par l’article L. 145-38, alinéa 3. Faut-il alors penser que le contrat ne fait que rappeler la possibilité de révision triennale prévue par l'article L. 145-38 du Code de commerce – ce qui est une simple redondance ? Doit-on au contraire estimer que le loyer est véritablement assorti d'une clause d'échelle mobile ?Il s'agira dans chaque cas d'interpréter la convention des parties. Cette interprétation est faite souverainement par les juges du fond.

ExempleIl a été jugé qu'une clause selon laquelle « le loyer sera indexé sur l'indice général du coût de la construction, et comme tel réévalué par périodes triennales dans un sens ou dans l'autre » n'était que la reprise des dispositions de l'article 27 du décret n° 53-960 du

Page 54: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

30 septembre 1953 (devenu C. com., art. L. 145-38) et ne constituait pas une clause d'indexation (CA Paris, 16e ch. B, 23 avr. 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 303. – V. également CA Lyon, 6e ch., 21 févr. 1991 : JurisData n° 1991-045230).Par contre, a été considérée comme une clause d'indexation la clause indiquant : « la révision triennale se fera en fonction des variations de l'indice trimestriel du coût de la construction publié par l'INSEE, les parties décidant d'un commun accord de prendre, en raison des retards apportés dans la publication de cet indice, comme indice de base, celui se rapportant au troisième trimestre 1978, soit 472, et comme indice de référence, celui du troisième trimestre de l'année précédant la révision » (Cass 3e civ., 5 févr. 1992, n° 89-20.378 : Gaz. Pal. 1992, 1, p. 368, note J.-D. Barbier). De même, si les parties ont prévu un seuil de loyer en dessous duquel la variation du loyer ne jouerait pas, on est en présence d'une clause d'échelle mobile malgré l'indication selon laquelle le loyer sera « révisable par périodes triennales » et malgré la référence à la « législation sur les baux commerciaux » (CA Nîmes, 24 juill. 1991 : JurisData n° 1991-030244. – Comp. Cass. 3e civ., 23 févr. 1982 :. – Cass. 3e civ., 28 oct. 1987, n° 84-10.371).

- La clause d'échelle mobile doit avoir jouéApplications – Pour que la révision soit possible, la clause d'indexation doit avoir joué. L'existence de cette condition particulière se déduit du texte même de l'article L. 145-39 du Code de commerce selon lequel la révision pourra être demandée chaque fois que par le jeu de la clause le loyer aura augmenté ou diminué de plus du quart.

Dès lors, de deux choses l'une :• ou bien le bail prévoit que la clause jouera automatiquement et de plein droit : la demande de révision sera alors possible par le seul fait que l'indice aura varié de plus de 25 % ;• ou bien le bail prévoit que pour faire jouer la clause, l'une des parties devra notifier son intention de la voir s'appliquer : la demande de révision ne pourra alors être formée qu'à partir du moment où l'une des parties invoquera le jeu de la clause.

Cas où l'augmentation résultant du jeu de la clause n'a pas été réclamée par le bailleur – Il a été jugé que l’'article L. 145-39 ne limitant pas la possibilité de révision à l'effectivité du paiement par le preneur du loyer ainsi augmenté ou diminué, l'action pouvait être introduite par le preneur, même si le montant résultant de l'application de l'indice n'avait pas été appelé par le bailleur, dès lors que par l'application de la clause il se trouve correspondre aux critères légaux, à moins de démontrer que les parties sont convenues de renoncer à l'application de la clause d'échelle mobile (TGI Paris, 7 janv. 2010, n° 09/15111 : Loyers et copr. 2010, comm. 78, obs. Ph.-H. Brault).

Absence de condition de délai – Contrairement à la révision légale, la loi n'impose ici aucune condition de délai. L'adaptation judiciaire de la clause d'indexation peut être demandée chaque fois que les conditions précédentes sont remplies (Cass. 3e civ., 22 nov. 1989, n° 88-14.336 : Loyers et copr. 1990, comm. 133).La demande de révision de l'article L. 145-39 du Code de commerce est soumise à la prescription de deux ans prévue par l'article L. 145-60 du Code de commerce (CA Paris, 14 nov. 1957 : AJPI 1958, p. 167).

Augmentation ou diminution du loyer de plus du quartInterprétation de cette condition – Pour que la demande de révision soit recevable, il faut ensuite que le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus du quart par rapport au loyer initial.

L'interprétation de ce texte, retenue tant en doctrine qu'en jurisprudence, est la suivante :

Page 55: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• lors de la première demande de révision, à défaut d'une modification intervenue en cours de bail par une convention des parties on se référera au loyer du bail initial (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 30 nov. 2011, n° 10/10183 : Loyers et copr. 2012, comm. 79, obs. Ph.-H. Brault) ;Cette solution a été confirmée récemment : le loyer à prendre en considération pour apprécier la variation d'un quart permettant d'exercer l'action en révision de l'article L. 145-39 du code de commerce était le loyer initial du bail en cours à la date de la demande de révision (Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, n° 15-23.069, publié).

• pour la demande de révision subséquente, on prendra en considération le dernier loyer fixé, soit d'un commun accord entre les parties, soit judiciairement.En aucun cas il n'y a lieu de se référer au loyer précédent résultant du jeu de la clause d'indexation (Cass. com., 23 oct. 1961 : Bull. civ. 1961, n° 371. – Cass. com., 20 nov. 1962 : Bull. civ. III, n° 468. – Cass. 3e civ., 9 déc. 1981 : JCP G 1982, IV, p. 80. – Cass. 3e civ., 16 déc. 1992, n° 91-12.016 : Gaz. Pal. 1993, 2, p. 309, note J.-D. Barbier. – Rép. min. just. à M. Laurissergues, 2 mai 1983 : JCP N 1983, prat. 8790).

Pour vérifier si les conditions d'application de l'article L. 145-39 du Code de commerce sont réunies, il faut comparer au prix précédemment fixé par l'accord des parties, hors indexation, le loyer obtenu par le jeu de la clause d'indexation et non pas le loyer effectivement payé (Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, n° 15-27.148 : Rev. loyers 2017, p. 66, note C. Quément ; RJDA 2017, n° 226 et la note).

Exemple : Pour qu'il soit plus parlant nous avons retenu des variations fortes de l'indice, telles qu'elles ont été constatées dans le passé.Supposons qu'un loyer ait été fixé lors de la conclusion du bail à 100 000 €. Il est indexé ; l'indice de référence est supposé égal à 100.La première année, il s'élève à 110 : le loyer passe à 110 000 €.La deuxième année, l'indice est de 130 : le loyer passe à 130 000 €. La révision du loyer devient alors possible.Supposons qu'après cette révision le nouveau loyer soit fixé judiciairement à 115 000 €, montant de la valeur locative.La clause d'indexation reprend alors son empire. Elle jouera sur le montant du loyer judiciairement fixé.La troisième année, si l'indice s'établit à 150, le nouveau loyer se déterminera comme suit : 115 000 × 150 / 130 = 135 700.La quatrième année si l'indice s'établit à 180, une nouvelle révision du loyer deviendra possible, l'augmentation ayant été de plus de 25 % par rapport à la précédente fixation judiciaire.

Incidence de la taxe foncière supportée par le locataire – Pour calculer la variation de loyer, il n'y a pas lieu d'ajouter au loyer de référence le montant de la taxe foncière que le locataire doit rembourser au propriétaire au titre d'un transfert conventionnel de charges, dès lors que la clause d'échelle mobile n'est pas applicable à cette taxe (Cass. 3e civ., 3 mai 2012, n° 11-13.448 : Bull. civ. III, n° 62 ; Loyers et copr. 2012, comm. 204, obs. E. Chavance ; AJDI 2012, p. 749, note J.-P. Blatter ; Ann. loyers 2012, p. 984, note A. Cerati-Gauthier ; Rev. loyers 2012, p. 259, note C. Lebel ; Gaz. Pal. 29-30 juin 2012, p. 16, obs. C.-E. Brault).

En revanche, lorsque la taxe foncière dont le paiement incombe normalement au bailleur avait été mise à la charge du preneur, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que, par application des dispositions de l'article R. 145-8 du code de commerce, les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, et en particulier la taxe foncière, constituent un facteur de diminution de la valeur locative, et a, par une appréciation souveraine de la méthode d'évaluation qui lui paraissait la plus appropriée, déduit le montant de l'impôt foncier de la valeur locative (Cass. 3e civ., 15 fév. 2018, n°16-19818, Gaz. Pal. 17 juill. 2018, p. 57, obs. J.-D. Barbier).

Page 56: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Extension de l’assiette du bail en contrepartie d’une augmentation du loyer – Si les parties décident d'étendre l'assiette du bail et établissent en contrepartie un avenant portant augmentation du loyer, la modification du loyer opérée par cet avenant doit être considérée comme le « prix précédemment fixé contractuellement » au sens de l'article L 145-39 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 17 mars 2016, n° 14-26.009 : JCP N 2016, n° 43-44, p. 40 et s., n° 24, obs. J. Monéger ; JCP E 2016, 1469, n° 36, note S. Legrix de la Salle et A.-L.Pastre-Boyer ; Administrer avr. 2016, p. 28, note J.-D. Barbier ; Rev. loyers 2016, p. 235, note B. de Lagger ; AJDI 2016, p. 512, note J.-P.Blatter. – V.aussi, Cass. 3e civ., 9 juill. 2014, n° 13-22.562 : Loyers et copr. 2014, comm. 246, obs. Ph.-H. Brault ; Administrer août-sept. 2014, p. 37, note J.-D. Barbier ; Administrer déc. 2014, p. 41, obs. M.-L. Sainturat ; AJDI 2015, p. 42, obs. J.-P. Blatter).

Renouvellement du bail – En cas de demande de renouvellement notifié par le locataire, le bail prend fin et en l'absence de réponse du bailleur, un nouveau bail prend effet aux clauses et conditions du bail expiré. En l'espèce le loyer à prendre en considération pour apprécier la variation de plus du quart, condition de recevabilité de l'action en révision de l'article L 145-39) est le loyer du bail renouvelé (Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, n° 15-23.069 : JCP E 2017, n° 4, note B. Brignon ; Loyers et copr. 2017, n° 45, note E.Chavance ; RJDA 2017, n° 227 et la note ; Rev. loyers 2017, p. 63, note H. Chaoui).

c) Qui peut demander la révision ?

Bailleur ou locataire – Il est à l'heure actuelle bien admis que la demande de révision de la clause d'indexation peut être formée par l'une ou l'autre des parties, pour voir fixer le loyer à la valeur locative et ceci que les indices aient varié en hausse ou en baisse (V. Cass. com., 7 juin 1963 : Bull. civ. III, n° 268 ; D. 1964, somm. p. 9. – Cass. com., 8 janv. 1964 : Bull. civ. III, n° 15 ; D. 1964, jurispr. p. 379. – J. Derruppé, G. Brière de L'Isle, Baux commerciaux, préc. n° 729).Le locataire aura intérêt à former une demande de révision lorsque la valeur locative sera inférieure au chiffre résultant du jeu de l'indice.

Inversement, le propriétaire aura intérêt à former cette demande lorsque la valeur locative sera supérieure au chiffre résultant du jeu de la clause d'indexation. Ceci peut se produire par exemple si l'indice a baissé, bien que la conjoncture soit en hausse : il suffit d'imaginer un indice en rapport avec l'activité économique de l'une des parties, qui concerne un secteur économique en déclin...

Sur le point de savoir si la demande peut être formée par des créanciers du bailleur ou du locataire, on se reportera aux indications données à propos de la révision légale.

Capacité et pouvoir – En ce qui concerne la capacité et le pouvoir nécessaire pour former la demande de révision les règles sont également celles applicables en matière de révision légale.

d) Comment demander la révision ? Application des règles prévues pour la révision dite légale – Bien que les textes régissant la matière ne comportent aucune règle particulière, on estime généralement, que la demande doit néanmoins respecter les règles de forme

Page 57: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

posées par l'article R. 145-20 du Code de commerce (V. J.-P. Blatter, préc. n° 544. – J. Debeaurain, Guide des baux commerciaux : Ann. loyers 2006, n° 521. – J. Derruppé, G. Brière de L'Isle, Baux commerciaux, préc. n° 735. – Ph.-H. Brault, La révision des loyers comportant une clause d'échelle mobile : Loyers et copr. 1991, p. 1.).

Si les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord, la procédure à suivre est celle habituellement utilisée en matière de fixation de loyer judiciaire (C. com., art. R. 145-23 à R. 145-33). Après notification d'un mémoire, le juge des loyers commerciaux sera saisi.

e) Effets de la révision – Le juge, énonce l'article R. 145-22, alinéa 2 du Code commerce, va “[adapter] le jeu de l'échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande”.Il y aura donc fixation du loyer à la valeur locative (1) à compter du jour de la demande (2).

1) Fixation du loyer à la valeur locativePortée de la révision du loyer – L'article R. 145-22 du Code de commerce prévoit un retour du loyer à la valeur locative.Le texte a-t-il une portée absolue ? Peut-on descendre en deçà du loyer précédemment fixé, tel qu'il résulte du jeu de la clause d'indexation ou du loyer fixé à l'origine par le bail si la valeur locative leur est inférieure ? Peut-on à l'inverse fixer le loyer à un chiffre supérieur à celui résultant de l'application de la clause d'indexation ?

Enjeux du débat – Un exemple montrera l'enjeu du débat. Supposons un loyer fixé à 100 000 € par an avec clause d'indexation. De 100, l'indice passe à 140, 5 ans plus tard, ce qui rend possible la révision du loyer résultant de la clause d'indexation, loyer qui s'établit à 140 000 € par an.• si le loyer reflétant la valeur locative est de 160 000 €, le propriétaire peut-il le faire fixer à cette valeur ?• si le loyer reflétant la valeur locative est de 90 000 € et qu'il est donc inférieur au loyer initial du bail, le locataire pourra-t-il obtenir sa fixation à ce chiffre ?Le problème est le même lorsqu'il y a baisse de l'indice et que le loyer correspondant à la valeur locative est inférieur à la fois à celui résultant du jeu de l'indice et au loyer initial (si dans l'exemple précédent l'indice étant tombé à 70, le loyer correspondant est de 70 000 € alors que la valeur locative est de 60 000 €).

Deux courants d'opinion divergents s'affrontaient à ce propos :

• pour les uns, le texte avait simplement pour but d'éviter que, par suite du jeu de l'échelle mobile, le loyer puisse subir des hausses ou des baisses exagérées par rapport à la valeur locative des lieux. En aucun cas il ne pouvait permettre d'obtenir la remise en cause du loyer initial librement débattu entre les parties ;• pour d'autres, en permettant, dans une formule très générale, d'adapter le jeu de l'échelle mobile à la “valeur locative au jour de la demande”, le texte de l'article 28 ne faisait aucune distinction. Il devait donc être appliqué dans toute sa rigueur.

Solution : absence de plancher et de plafond – La question est désormais résolue de manière parfaitement nette par la Cour de cassation : à partir du moment où la demande de révision du loyer résultant de la clause d'indexation est recevable, ce loyer doit être fixé par le juge en fonction de la valeur locative, sans qu'il y ait de plancher ou de plafond (Cass. 3e civ., 16 juin 1993 :; Bull. civ. III, n° 88 ; Administrer avr. 1994, p. 35, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 20 juill. 1994 : Bull. civ. III, n° 152 ; JCP G 1994, IV, 2346 ; Administrer nov. 1994, p. 28, obs. J.-D. Barbier. – V. également, sur renvoi, CA Paris, 1re ch. A, aud. sol., 10 janv. 1996 : Loyers et

Page 58: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

copr. 1996, comm. 125, note Ph.-H. Brault. – V. à ce propos, Ph.-H. Brault, Le loyer variable, la valeur locative et les pouvoirs du juge : Loyers et copr. 1993, p. 1).Dès lors, la demande de révision peut être formée soit par le bailleur pour obtenir la fixation du loyer à un chiffre supérieur à celui de l'indexation, soit par le locataire pour voir fixer le loyer à un chiffre inférieur (V. à ce propos, Ph.-H. Brault, Le loyer variable, la valeur locative et les pouvoirs du juge : Loyers et copr. 1993, p. 1).

Cas particulier où le locataire a fait une offre – Selon l'article R. 145-21 du Code de commerce, “lorsque les parties varient dans leurs prétentions, le prix judiciairement fixé ne peut prendre effet, s'il excède les limites fixées par les prétentions originaires, qu'à dater de la notification des nouvelles prétentions”.En conséquence, si un locataire, après avoir offert un prix de loyer déterminé (28 044 F) réduit son offre après le dépôt du rapport d'expert (à 20 534 F), le tribunal ne peut fixer le loyer à cette dernière somme au motif qu'en exécution des dispositions de l'article R. 145-22 le juge doit adapter le jeu de l'échelle mobile à la valeur locative. Les dispositions de l'article R. 145-21 du Code de commerce l'emportent sur celles de l'article R. 145-22. Dans le cas considéré, la première offre faite par le locataire doit donc être prise en compte, et le loyer en découlant (28 044 F) doit être appliqué jusqu'à la date de la nouvelle offre faite par le locataire (Cass. 3e civ., 23 févr. 1994, n° 91-21.005 : Bull. civ. III, n° 30 ; Administrer juin 1994, p. 24, note J.-D. Barbier ; D. 1995, somm. p. 151, obs. L. Rozès).

2) Retour à la valeur locative au jour de la demandePrincipe – C'est à la valeur locative au jour de la demande que doit être « adapté » le loyer.C'est à ce même jour que le loyer fixé par le juge prendra effet, sauf accord des parties sur une autre date (Cass. 3e civ., 15 mars 1989, n° 86-17.792 : Loyers et copr. 1989, comm. 289).

Lorsque la société locataire notifie une demande de révision sur le fondement de l'article L. 145-39 du Code de commerce, puis que le bailleur, en notifiant un mémoire, invoque également le bénéfice de ce texte pour obtenir la fixation du loyer à un chiffre supérieur à celui résultant du jeu de l'indice, il a été jugé qu'il convenait de se placer, en vue de fixer un loyer supérieur à celui découlant de la clause d'échelle mobile, au jour de la notification de ce mémoire par le propriétaire (Cass. 3e civ., 27 janv. 1988, n° 86-18.177 : Gaz. Pal. 1988, 1, p. 195, note J.-D. Barbier).

Conséquences – Diverses conséquences résultent des règles sus-énoncées :• pendant le cours de l'instance, le loyer doit être payé au prix résultant du jeu de la clause d'indexation (J. Archevêque, J.-M. Legrand et P. de Belot, Le statut des baux commerciaux : Dalloz, 2e éd. 1966, n° 171) ;• lorsque le loyer est fixé, un compte est à faire. Le loyer perçu en trop doit être restitué par le propriétaire (Cass. 3e civ., 12 févr. 1985, n° 83-10.443 : Bull. civ. III, n° 30). Selon cette décision, les trop-perçus de loyer doive porter intérêts à compter de chaque versement excédentaire postérieur à la demande en justice valant sommation de restituer, dès lors qu'il résulte de la combinaison des articles 1153 et 1378 du Code civil que celui qui est condamné à restituer un somme indûment perçue doit les intérêts au jour de la demande s'il était de bonne foi et au jour du paiement s'il n'était pas de bonne foi. À l'inverse un complément de loyer doit être effectivement payé par le locataire s'il y a révision en hausse.Pour l'avenir, la clause recommencera à jouer, sur la base du nouveau chiffre de loyer fixé par le juge (Cass. com., 20 nov. 1961 : Bull. civ. III, n° 418).

Page 59: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

3) Possibilité de revenir à la révision légale (C. com., art. L. 145-38) Cas d'application – La loi prévoit le retour à la révision légale lorsque “l'un des éléments retenus pour le calcul de la clause d'échelle mobile vient à disparaître” (a). Mais on s'est demandé s'il ne fallait pas également reconnaître aux parties la faculté d'opter pour la révision légale si elles le jugeaient utile (b).

Cas où l'indice disparaît ou ne peut plus s'appliquer L'article R. 145-22, alinéa 2 du Code de commerce prévoit expressément que “si l'un des éléments retenus pour le calcul de la clause d'échelle mobile vient à disparaître, la révision ne pourra être demandée et poursuivie que dans les conditions visées à l'article L. 145-38”.

La formule employée par le texte est assez générale et permet d'englober des hypothèses relativement diverses :• celle tout d'abord où l'indice disparaît sans qu'il y ait indice de substitution. Mais on sait que les tribunaux, sous couvert d'interpréter la volonté des parties, s'arrogent parfois le droit de substituer à l'indice disparu un indice voisin toujours en vigueur ce qui permet à la clause d'indexation de continuer à fonctionner. Il n'y aura évidemment pas lieu de recourir à la révision légale si les parties ont prévu dans le contrat de bail un indice de substitution ;• la deuxième hypothèse de retour possible à la révision légale est celle où l'indice ne peut plus s'appliquer parce qu'il a été déclaré illicite.Ainsi, il a été jugé que ne pouvait être assimilée à une clause d'échelle mobile la stipulation selon laquelle « de convention expresse le prix du loyer pourra être révisé chaque année depuis le point de départ du loyer à réviser et aux conditions de forme et non de fond prévues par la loi ». Faute de se référer à un indice, cette clause est une clause de révision, nulle comme contraire aux dispositions de l'article 27 du décret (devenu C. com., art. L. 145-36) a décidé la Cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 4e ch., 8 janv. 1987 : Bull. Aix janv. 1987, n° 82).

Cumul des deux révisions : articles L. 145-38 et L. 145-39 du Code de commerce

Possibilité de cumul – Une jurisprudence bien établie avait admis que l'on puisse former, sans limitation, une demande de révision légale alors même que le bail comportait une clause d'indexation (Cass. 3e civ., 16 déc. 1998, n° 96-22.490 : Bull. civ. III, n° 246. – Cass. 3e civ., 2 juill. 1986 : Loyers et copr. 1986, comm. 397 ; JCP G 1986, IV, 265. – Cass. com., 7 nov. 1961 : Bull. civ. III, n° 396. – Cass. com., 3 mai 1960 : Bull. civ. III, n° 154 ; JCP G 1960, IV, 93).

Caractère impératif de la faculté de révision – Il ne serait pas possible de prévoir dans le bail que l'une ou l'autre – ou l'une et l'autre – des parties s'engageraient d'une manière irrévocable à ne jamais émettre aucune demande ou prétention tendant à voir modifier directement ou indirectement le jeu normal des clauses d'échelle mobile relatives à la détermination du loyer. En présence d'une semblable clause, il a été admis que la demande du preneur tendant à obtenir la fixation du loyer selon les règles prévues en matière de révision triennale était recevable (Cass. 3e civ., 1er avr. 1987, n° 85-18.269 : Loyers et copr. 1987, comm. 188).

Cas de cumul – Le cumul pouvait se rencontrer dans deux cas :• lorsque les conditions de la révision légale (écoulement d'un délai de trois ans depuis la dernière fixation du loyer) et de la révision de l'article L. 145-39 du Code de commerce (variation de plus de 25 % du loyer) sont simultanément réunies ;• lorsque les conditions de la révision légale sont remplies alors qu'il n'est pas possible d'obtenir la révision du loyer en vertu de l'article L. 145-39 du Code de commerce.Dans le premier cas, bailleur ou locataire pouvaient opter pour l'application de l'article L. 145-38 du Code de commerce, soit pour l'application de l'article L. 145-39.

Page 60: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Dans le deuxième cas, bailleur ou locataire pouvaient former une demande de révision légale. Il a été jugé que l'exercice de cette action n'impliquait pas renonciation au bénéfice de la clause d'indexation (Cass. com., 3 juin 1958 : Bull. civ. III, n° 185 ; Rev. loyers 1958, p. 446). Il a été également jugé que si le juge, saisi par le propriétaire d'une demande en révision triennale de loyer désignait un expert en vue de rechercher la valeur locative équitable des lieux, après avoir constaté l'accord des parties, on ne pouvait déduire de cet accord l'existence d'un contrat judiciaire portant renonciation des parties à se prévaloir de la clause d'échelle mobile prévue au bail, mais seulement la reconnaissance de la recevabilité de la demande de révision triennale (Cass. com., 27 janv. 1960 : Bull. civ. III, n° 40).

Limitation des possibilités d'application de la révision légale – Un important arrêt de la Cour de cassation est venu dire qu’à défaut de variation de plus de 10 % de la valeur locative entraînée par la modification des facteurs locaux de commercialité, il n'y avait pas lieu à révision du loyer sur le fondement de l'article L 145-38 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 20 mai 2015, n° 13-27.367 : Bull. civ. III, n° 47 ; JCP G 2015, 826, n° 28, note J. Monéger ; Bull. civ. III, n° 47 ; Loyers et copr. 2015, comm. 167, note Ph.H. Brault ; AJDI 2015, p. 767, note J.-P. Blatter ; LPA 19 juin 2015, p. 15, note V. Legrand ; Rev.loyers 2015, p. 339, note C. Lebel ; Gaz. Pal. 14-18 août 2015, p. 26, note C.-E. Brault ; RJDA 2015, n° 635 et la note. –L. Ruet, Le choix de l'indexation du loyer et l'éviction de la valeur locative : Defrénois 2015, n° 18, p. 927. – F. Planckeel, L'article L. 145-39 du Code de commerce et le plafonnement : AJDI 2013, p. 1).

Explicitant la portée de cette décision, la Cour de cassation indique (Rapp. C. cass. 2015, p. 200) :Par cet arrêt, la troisième chambre civile de la Cour de cassation repousse la thèse selon laquelle, même en l'absence de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative, le loyer d'un bail commercial contenant une clause d'échelle mobile pourrait être, à l'occasion d'une révision triennale, fixé à un montant moindre que celui résultant d'une clause de révision automatique du loyer en fonction de la variation d'un indice légal.

Section 3. Mise en œuvre de la révision légale

Variation des facteurs locaux de commercialité – Ce que l'on appelle parfois le cumul de révisions étant ainsi admis – il s'agit en fait d'une option – il reste à déterminer comment il sera mis en œuvre.Supposons que les conditions de la révision légale soient réunies (écoulement d'un délai de 3 ans depuis la précédente fixation du loyer, et variation des facteurs locaux de commercialité :). Si par ailleurs la révision du loyer indexé n'est pas possible, car le seuil de 25 % exigé par l'article L. 145-39 du Code de commerce n'est pas atteint, il restera une possibilité (mais une seule désormais) d'obtenir la révision du loyer résultant de la clause d'indexation : invoquer la variation des facteurs locaux de commercialité. Le loyer sera alors fixé à la valeur locative (judiciaire) sans application d'un plancher ou d'un plafond.

Une demande fondée sur la variation des facteurs locaux de commercialité pourra être formée lorsque par ailleurs la révision du loyer indexé n'est pas possible sur le fondement de l'article L. 145-39 du Code de commerce, car le seuil de 25 % exigé par ce texte n'est pas atteint. C’est là un des intérêts du recours à la révision légale.

Révision sollicitée par le locataire

Page 61: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

– L'application de la révision légale triennale pourra tout d'abord être sollicitée par le locataire : soit à titre principal, soit à titre reconventionnel, en réponse à une demande du bailleur tendant à obtenir le paiement du loyer résultant du jeu de l'indexation.Pour que cette demande présente un intérêt, il faut par définition que le loyer résultant de la variation des facteurs locaux de commercialité soit moins élevé que celui que le bailleur peut exiger en application de la clause d’indexation.

Révision sollicitée par le bailleur – À l'inverse l'application de la révision légale triennale fondée sur la variation des facteurs locaux de commercialité pourra être sollicitée par le bailleur lorsque le loyer résultant de la valeur locative sera plus élevé que celui pouvant être obtenu par application de la clause d'indexation. De même encore lorsque les conditions exigées par l'article L 145-39 pour obtenir une « révision » de la clause d'indexation, et un retour à la valeur locative ne sont pas réunies.On notera que conformément à l'article L. 145-38, alinéa 3, du Code de commerce, l'augmentation de loyer découlant de la demande du bailleur ne pourra pas conduire à des augmentations supérieures, pour une année à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

Champ d'application de la demande de révision de l'article L. 145-38 et de l'article L. 145-39 du Code de commerce – Il a été jugé que si le bailleur formait dans un premier temps une demande de révision fondée sur l'article L. 145-38 du Code de commerce et que le locataire demandait postérieurement la révision du loyer sur le fondement de l'article L. 145-39 du même code, les lois spéciales dérogeant aux lois générales, il convenait de faire primer la révision prévue par l'article L. 145-39 (TGI Paris, 13 nov. 2009, n° 09/11782, loyers commerciaux : JurisData n° 2009-017867. – V. sur cette décision originale et diversement appréciée : Loyers et copr. 2010, comm. 46, obs. Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal. 12-13 mars 2010, p. 33, note J.-D. Barbier ; Administrer févr. 2010, p. 47, obs. M.-L. Sainturat ; AJDI 2010, p. 30, note N. Loreau et J. Bonnemay-Israel).

Le cumul des révisions est-il fondé ? – Ce que l'on appelle le cumul des révisions (révision triennale dite légale et révision du loyer résultant de la clause d'indexation) soulève de nombreuses objections de principe. De nombreux auteurs ont donc estimé à juste titre que la solution « mériterait d'être revue » (J. Derruppé, G. Brière de l'Isle, Baux commerciaux, préc. n° 702. – M. Pédamon, Baux commerciaux, préc. n° 90, note 125. – V. aussi les critiques de J. Archevêque, J.-M. Legrand et P. de Belot, préc. n° 174. – P. Garbit : Lamy commercial, 2017, n° 1518).

– On peut se demander d'ailleurs si l'évolution de la jurisprudence récente ne tend pas à rendre caduques ces solutions anciennes.Affirmer que les clauses d'échelle mobile sont valables en matière de baux commerciaux comme mode de révision du loyer est une chose. Mais si l'on veut conférer à ce principe toute sa portée, il faut admettre aussi que la clause d'indexation fait la loi des parties (sous la seule réserve de la faculté de révision offerte par l'article L. 145-39). C'est le parti qu'a pris la Cour de cassation en matière de clause-recettes. Elle fait prévaloir le système de révision conventionnel choisi par les parties sur les règles légales. Il est inconcevable que l'une ou l'autre des parties puisse se soustraire à la loi du contrat par volonté unilatérale, en sollicitant l'application des règles de révision triennale qui avaient été au départ conventionnellement écartées.

On peut ajouter que la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de révision dite légale est radicalement incompatible avec les mécanismes par ailleurs admis à propos de la révision des clauses d'indexation. Ainsi dans le cadre de la révision triennale légale on tient compte du plafond résultant du jeu de l'indice « légal », alors qu'il ne peut pas y

Page 62: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

avoir de plafond lorsqu'il s'agit de réviser le loyer résultant de la clause d'indexation. De même en matière de révision triennale dite légale, il existe un loyer plancher en deçà auquel on ne peut pas descendre alors que, nous l'avons vu, lorsqu'il s'agit de réviser en vertu de l’article L. 145-38 le loyer résultant de la clause d'indexation, il n'y a ni plafond ni plancher...

L'application de la révision triennale légale a pour résultat de tenir en échec les règles de révision de la clause d'indexation posées par l'article L. 145-39 du Code de commerce et de neutraliser les effets de ce texte.

À ces objections on peut ajouter un argument de texte : si l'article R. 145-22, alinéa 2 du Code de commerce renvoie à l'article L. 145-38 du Code de commerce dans la seule hypothèse où “l'un des éléments retenus pour le calcul de la clause d'échelle mobile vient à disparaître”, ceci signifie bien qu'on ne peut appliquer ce même article L. 145-38 en dehors de ce cas particulier.

Le système ne retrouvera à notre avis sa cohérence que si la jurisprudence exclut ce cumul des révisions, redonnant à chaque texte son champ d'application bien spécifique.

Section 4. Révision du loyer résultant d'une « clause-recettes »

Problématique – La clause-recettes, fréquemment stipulée dans les baux de locaux dépendant des centres commerciaux, comporte un loyer alternatif dit encore articulé, comprenant généralement :• un loyer minimal fixe, garanti, soumis à indexation, et fixé contractuellement à l'origine du bail ;• un loyer variable en fonction du chiffre d'affaires réalisé par le preneur, déterminé après application d'un pourcentage conventionnellement prévu. Ce loyer absorbe, s'il vient à le dépasser, le loyer minimal indexé.

Plusieurs questions se sont posées quant à la révision de ce type de loyer :• la révision triennale prévue par l'article L. 145-38 du Code de commerce est-elle applicable, au moins en ce qui concerne la partie fixe du loyer ?• pouvait-on faire jouer les dispositions de l'article L. 145-39 du Code de commerce en considérant que la clause recettes était assimilable à une clause d'indexation ?La Cour de cassation a donné une réponse négative à chacune de ces questions.

Non-application de la révision triennale – Admettre que l'on puisse décomposer le loyer convenu dans le cadre d'une clause recettes, en considérant qu'il comporte une partie fixe, susceptible d'être révisée selon les règles légales, et une partie variable serait porter atteinte au caractère indivisible du loyer voulu par les parties, estime la Cour de cassation. Or comme l'a souligné un arrêt de la troisième chambre civile du 26 avril 1989, chaque élément fait partie intégrante du loyer contractuel, qui est indivisible (Cass. 3e civ., 26 avr. 1989, n° 88-10.225 : Bull. civ. III, n° 90 ; Loyers et copr. 1989, comm. 333 ; AJPI 1989, p. 538, note B. Boccara).Il s'en déduit que l'on ne peut procéder distinctement à la révision de la partie fixe du loyer en application des règles de la révision triennale posées par l'article L. 145-38 du Code de commerce (Jurisprudence constante : V. Cass. 3e civ., 10 déc. 2002, n° 01-10.208 : Loyers et copr. 2003, comm. 135, note Ph.-H. Brault. – Cass. 3e civ., 13 janv. 1988 : Bull. civ. III, n° 10 ; JCP G 1988, IV, 100 ; Loyers et copr. 1988, comm. 79. – Cass. 3e civ., 2 oct. 1984, n° 82-13.757 : JCP G 1984, IV, p. 334 ; Bull. civ. III, n° 156 ; Gaz Pal. 1985, 1, somm. p. 177, note Ph.-H. Brault ; RTD com. 1985, p. 744, obs. M. Pédamon).

Non-application de la révision du loyer prévue pour les clauses d'indexation

Page 63: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

– L'offensive des partisans de l'application des règles de la révision dite légale aux clauses-recettes s'est portée sur un autre terrain.Il a été soutenu que la faculté de réviser le loyer prévue en matière de loyer indexé (V. n° 14 à 41) était applicable en la matière, la clause recettes s'apparentant à une clause d'indexation.

La Cour de cassation a écarté l'argument à propos d'un loyer fixé selon un pourcentage du chiffre d'affaires du locataire, au motif qu'il ne pouvait y avoir assimilation de cette clause à une clause d'échelle mobile (Cass. 3e civ., 5 janv. 1983 : Bull. civ. III, n° 5 ; JCP G 1985, II, 20389, note A. Dorsner-Dolivet ; Gaz. Pal. 1983, 1, somm. p. 325, note Ph.-H. Brault ; RTD com. 1984, p. 71, obs. M. Pédamon).

L'application de l'article L. 145-39 du Code de commerce (D. 30 sept. 1953, ancien art. 28) a été également écartée dans un cas où la convention prévoyait en outre un loyer minimum indexé (Cass. 3e civ., 2 oct. 1984, préc.).

La révision d'un loyer comportant une partie fixe et une partie constituée par un pourcentage du chiffre d'affaires du locataire échappe aux dispositions du statut des baux commerciaux et n'est régie que par la convention des parties a déclaré la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 15 mai 1991(Cass. 3e civ., 15 mai 1991, n° 89-20.848 : JCP E 1992, I, 147, note J. Monéger ; Bull. civ. III, n° 137 ; Gaz. Pal. 1991, 2, p. 247, note J.-D. Barbier ; D. 1991, somm. p. 364, obs. L. Rozès. – V. également, Cass. 3e civ., 14 juin 1983, n° 81-12.764 : JCP G 1985, II, 20389, note A. Dorsner-Dolivet ; Bull. civ. III, n° 135 ; RTD com. 1984, p. 244, obs. J. Derruppé. – V. sur la question, Ph.-H. Brault, Baux commerciaux : le loyer variable, la valeur locative et les pouvoirs du juge : Loyers et copr. juin 1993, p. 1. – B. Boussageon, La clause de loyer variable : validité, nature et effet : AJPI 1992, p. 198).

La fixation du loyer n’est régie que par la convention des parties – En définitive, la clause-recettes apparaît comme un mode de fixation conventionnel du loyer échappant totalement aux modes de révision prévus par le statut des baux commerciaux (Cass. 3e civ., 5 mars 2013, n° 11-28.461 : Administrer avr. 2013, p. 52, obs. M.-L. Sainturat). Il n'y a pas de mécanisme de régulation légale qui puisse venir éventuellement tempérer le jeu de la convention. Le loyer résultant de la clause-recettes s'appliquera quelle que soit l'évolution de la valeur locative. La solution peut jouer en faveur ou à la défaveur du bailleur ou du locataire selon le cas.

Chapitre 3. PLAFONNEMENT ET DÉPLAFONNEMENT

Section 1. LA LOI PINEL

A. Principe : plafonnement du loyer

Page 64: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

– Le régime du plafonnement antérieurement applicable résultait de la loi n° 88-18 du 5 janvier 1988 qui avait donné à l'article 23-6 du décret du 30 septembre 1953 une nouvelle rédaction. Puis l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 a codifié ce texte qui est devenu l'article L. 145-34 du Code de commerce dont la rédaction a été modifiée par la loi 2014-626 du 18 juin 2014, entrée en vigueur le 1er septembre 2014 pour l'article L. 145-34 du Code de commerce aux baux conclus ou renouvelés à compter de cette date.

Le texte est actuellement rédigé de la manière suivante :À moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés au premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. À défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.

En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.

Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite reconduction, la durée du bail excède douze ans.

En cas de modification notable des éléments mentionnés au 1° à 4° de l'article L.145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

Constitutionnalité – La Cour de cassation a estimé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de la règle du plafonnement du loyer des baux commerciaux à la liberté contractuelle, à la libre concurrence et au droit de propriété garanti par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, car elle ne présentait pas un caractère sérieux (Cass. 3e civ., 13 juill. 2011, n° 11-11.072 : Gaz. Pal. 21-22 oct. 2011, p. 33, note C.-E. Brault ; Administrer oct. 2011, p. 54, obs. D. Lipman-Boccara. – V. dans le même sens, Cass. 3e civ., 28 sept. 2011, n° 11-13.879. – sur la question, J. Monéger, Question prioritaire de constitutionnalité et contrôle des juges du fond : Loyers et copr. 2011, repère 8. – A. Jacquin, Question prioritaire de constitutionnalité et baux commerciaux. Mythe ou réalité ? : Gaz. Pal. 11-12 mars 2011, p. 16).

Suppression de l'indice officiel du coût de la construction (ICC) pour définir le « loyer plafond » – Antérieurement à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, les indices susceptibles d'être utilisés pour le calcul du loyer plafond étaient les suivants :• l'indice officiel du coût de la construction (ICC) publié par l'INSEE, en l'absence de stipulation particulière dans le bail ;• ou, si les parties l'avaient expressément stipulé, l'indice des loyers commerciaux (ILC) ou l'indice des loyers des activités tertiaires (ILAT).Dans le nouveau texte de l'article L. 145-34, toute référence à l'indice du coût de la construction a disparu. Il existe toujours un « loyer plafond » mais il se calcule par

Page 65: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

référence soit à l'indice des loyers commerciaux soit à l'indice des loyers des activités tertiaires.

Le problème est que chacun de ces indices à des champs d'application différents, ce qui pose un problème quant aux modalités pratiques d'application du texte. Dans certains cas, une difficulté peut survenir entre les parties sur le point de savoir quel est l'indice qui, en raison de l'activité exercée, doit être utilisé pour le calcul du loyer plafond. Pour éviter un contentieux, il serait souhaitable que l'indice applicable soit prédéterminé dans le bail, sans pour autant stipuler une clause d'indexation, étant entendu que cette stipulation pourrait elle-même être soumise au contrôle du juge, si sa licéité était contestée au regard des articles L. 112-2 alinéa 2 et D.112-2 du Code monétaire et financier, qui ont un caractère d'ordre public.

D'autre part, certains types de locations n'entrent pas dans le champ d'application de ces indices ainsi par exemple pour les baux portant sur des locaux à usage industriel. Comment alors calculer le « loyer plafond » ?

Principe du plafonnement – Le principe du « plafonnement » est simple. Il consiste à appliquer au loyer initial du bail à renouveler l'indice officiel des loyers commerciaux ou l'indice des loyers des activités tertiaires publiés par l'INSEE. Le chiffre en résultant constitue un plafond, qui ne peut sauf exception être dépassé, même si la valeur locative des locaux loués est largement supérieure (sur la critique du mécanisme du plafonnement, V. B. et F. Robine, De l'inutilité avérée du plafonnement des baux commerciaux : Gaz. Pal. 25-26 sept. 2009, p. 4. – V. aussi le rapport au Garde des sceaux de la Commission Pelletier sur la modernisation des baux commerciaux et professionnels, consultable sur le site www.justice.gouv.fr).

Absence de caractère d'ordre public de la règle du plafonnement – L'article L. 145-34 du Code de commerce ne fait pas partie des textes auxquels l'article L. 145-15 du même code confère un caractère impératif.En conséquence, les règles concernant le « plafonnement » ne sont pas d'ordre public.

Il en résulte que les parties peuvent convenir qu'en cas de renouvellement le loyer sera en toute hypothèse plafonné (Cass. 3e civ., 2 juill. 1997 : Gaz. Pal. 1997, 2, somm. p. 403, note J.-D. Barbier). Si les parties sont d'accord pour appliquer le principe du plafonnement, le loyer doit être calculé en rapportant la variation indiciaire au loyer d'origine, même si le loyer a été modifié d'un commun accord entre les parties pendant le cours du bail et même si le loyer indiciaire est inférieur au loyer en vigueur (CA Paris, 16e ch. B, 16 févr. 2001 : AJDI 2001, p. 516, note J.-P. Blatter).

Inversement bailleur et locataire peuvent convenir que le loyer sera en toute hypothèse déplafonné.

D'autre part, le plafonnement peut être écarté par un accord des parties survenant en cours de bail ou lors des négociations ouvertes pour la fixation du loyer du bail renouvelé (Cass. 3e civ., 19 mai 1993 : Gaz. Pal. 1993, 2, somm. p. 536. – Cass. 3e civ., 11 févr. 1987 : Loyers et copr. 1987, comm. 136. – Cass. civ., 24 oct. 1979 : Loyers et copr. 1980, comm. 37).

Compatibilité du plafonnement avec la Convention européenne des droits de l'homme – La règle du plafonnement prévue à l'article L. 145-33 du Code de commerce, qui n'est pas d'application obligatoire, puisque les parties peuvent décider d'y déroger, ne porte pas atteinte aux impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu et il n'y a donc pas lieu de l'écarter sur le fondement de l'article premier du protocole additionnel

Page 66: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

n° 1 et de la Convention européenne des droits de l'Homme (CA Amiens, ch. éco., 8 févr. 2005 : JCP G 2005, II, 10060 et JCP E 2005, n° 22, 825, note F. Auque).

B. - Renouvellement d'un bail expiré à son terme contractuel Mode de calcul du nouveau loyer – La situation que nous évoquons (l'expiration du bail à son terme contractuel) va se rencontrer lorsque le bailleur aura donné congé avec offre de renouvellement pour le terme du bail ou lorsque le locataire aura formé une demande de renouvellement dans les six mois précédant la fin du bail, qui prendra alors fin à la date prévue au contrat.Le nouveau loyer du bail renouvelé se calculera dans ces diverses hypothèses en fonction de la variation de l'indice officiel des loyers commerciaux ou l'indice des loyers des activités tertiaires publiés par l'INSEE. Cet indice sert donc de référence pour déterminer l'amplitude de la hausse (ou de la baisse) du loyer.

Ce loyer se déterminera par une simple « règle de trois ». Mais la mise en œuvre de ce calcul pose plusieurs problèmes : quel indice figurera au « multiplicateur » (1°) ? Quel sera par ailleurs l'indice « diviseur » ? (2°). Quel sera le loyer auquel s'appliqueront ces indices (3°) ? Après avoir répondu à ces questions, nous donnerons des exemples concrets de calcul (4°).

a) Choix de l'indice multiplicateur Distinctions à opérer – Quel est l'indice multiplicateur à prendre en compte pour calculer le loyer du bail renouvelé ?Le texte de l'article L. 145-34 du Code de commerce distingue deux cas :• le premier cas est celui où il existe dans le contrat de bail une « clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice » : c'est alors l'indice trimestriel contractuellement choisi qui va s'appliquer. Ceci suppose, à notre avis, que la clause dont s'agit ait été spécialement rédigée pour la fixation du loyer du bail renouvelé. Si on l'admet, on n'appliquera pas alors les stipulations figurant dans les clauses d'indexation, destinées à jouer lors de la révision du loyer et non pas lors de son renouvellement (en ce sens, P.-H. Brault et J.-D. Barbier, Le statut des baux commerciaux : Gaz. Pal., éd. 2009, p. 137) ;• le deuxième cas est celui où le contrat de bail ne prévoit rien : on prendra alors en compte le « dernier indice publié ». Mais le dernier indice publié par rapport à quelle date ? Celle du congé ? De la demande de renouvellement ? La date à laquelle le bailleur doit faire connaître le prix demandé selon les dispositions de l'article L. 145-11 du Code de commerce ? Ou la date de prise d'effet du bail renouvelé ?C'est cette dernière solution qui est retenue par la doctrine (P.-H. Brault et J.-D. Barbier, préc., p. 137. – F. Auque, Les Baux commerciaux. Théorie et pratique : LGDJ, 1996, n° 211. – J.-P. Blatter, Droit des baux commerciaux : Éd. Du Moniteur, 4e éd. 2006, n° 561. – Memento Lefebvre, Baux commerciaux 2015-2016, n° 54485).

b) Détermination de l'indice diviseur Remontée dans le temps – Quel est l'indice de base à prendre en compte ?Cette question trouve sa réponse à partir du texte de l'article L. 145-34 du Code de commerce selon lequel il y a lieu de prendre en compte “la variation de l'indice (…) calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié”.

Il faut donc, une fois connu le dernier indice publié, prendre en compte comme indice de base l'indice du même trimestre, neuf ans auparavant (pour des exemples pratiques, V. n° 19).

Page 67: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Bien entendu, si le bail comporte une clause « fixant le trimestre de référence », elle devra être appliquée, comme l'indique l'article L. 145-34 du Code de commerce. Mais cette clause ne pourra avoir pour résultat la prise en compte d'une période supérieure à neuf ans pour la détermination du loyer du bail à renouveler. Autrement dit, si la clause indique que le loyer du bail renouvelé sera calculé en prenant en considération l'indice du deuxième trimestre de l'année au cours de laquelle le bail est expiré, l'indice de comparaison neuf ans auparavant sera nécessairement l'indice du deuxième trimestre.

c) Loyer de base à prendre en compte Règle de principe – Quel est le loyer de base auquel vont s'appliquer les indices de référence ?Il s'agira en principe du loyer du bail ayant pris effet neuf ans auparavant. Toutefois, l'énoncé de cette règle de principe ne suffit pas à résoudre tous les problèmes : ainsi lorsqu'il y a eu versement d'un pas-de-porte lors de la conclusion du bail, lorsqu'il a été procédé à des augmentations erratiques du loyer en cours de bail ou dans le cas des « baux à paliers ».

Il a été jugé qu'un loyer fixé charges comprises ne constitue pas un obstacle technique à l'application de la règle du plafonnement (CA Paris, 16e ch. A, 17 nov. 1999 : Loyers et copr. 2000, comm. 228).

1. Versement d'un pas-de-porte lors de la conclusion du bail Distinction selon la nature du « pas-de-porte » – Lorsque le locataire a versé un pas-de-porte, faut-il ou non l'intégrer au loyer de base pour le calcul du loyer du bail renouvelé ?Tout dépend en fait de la nature juridique du pas-de-porte : indemnité ou supplément de loyer

S'il s'agit d'un supplément de loyer, il doit effectivement, selon la jurisprudence, s'ajouter au loyer de base, à concurrence d'un neuvième, pour le calcul du loyer du bail renouvelé (Cass. 3e civ., 6 juill. 1976 : Loyers et copr. 1976, comm. 274. – Cass. 3e civ., 21 oct. 1976 : Gaz. Pal. 1976, 2, somm. p. 283. – Cass. 3e civ., 11 oct. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 312 ; Rev. loyers 1979, p. 39. – Cass. 3e civ., 23 janv. 1980 : Bull. civ. 1980, III, n° 21 ; Gaz. Pal. 1980, 2, somm. p. 318. – Cass. 3e civ., 12 févr. 1980 : Loyers et copr. 1980, comm. 240. – P.-H. Brault et J.-D. Barbier, préc. n° 11, p. 140).

Il faut cependant noter que dans certains cas (et pour certaines décisions) le fait qu'un pas-de-porte ait été versé constitue un motif de déplafonnement du loyer.

2. Augmentation ou réduction conventionnelle du loyer en cours de bail Nature de la difficulté – Autre problème de même nature : qu'en est-il lorsque le loyer a fait l'objet d'une révision amiable au cours du bail en dehors des règles légales ?En ce cas, le loyer du bail d'origine ne reflète plus la valeur locative : ainsi lorsque ce loyer a été révisé à la suite d'événements nouveaux survenus en cours de bail, par exemple une augmentation de la surface des lieux loués, un changement de destination des lieux, etc.

La logique voudrait que l'on ne puisse prendre en considération, pour déterminer le loyer « plafonné » du bail renouvelé, un loyer originaire qui ne correspond plus au véritable loyer. Ce loyer ne peut servir de référence pour l'application du loyer du bail renouvelé. Appliquer l'indice au loyer initial pourrait aboutir à la fixation du loyer de renouvellement

Page 68: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

plafonné à un chiffre inférieur ou supérieur au loyer en vigueur, conventionnellement fixé (pour un exemple, CA Paris, 16e ch. A, 12 oct. 2005 : AJDI 2006, p. 282).

Position de la Cour de cassation – Pour sa part, la Cour de cassation n'a pas admis qu'une augmentation ou une réduction du loyer convenue en cours de bail entraîne le déplafonnement du loyer en raison de l'impossibilité technique d'appliquer le coefficient de plafonnement. Elle conclut cependant qu'en pareil cas il y a lieu à un « déplafonnement » du loyer, mais pour une autre raison : parce qu'il y a eu « modification notable » des obligations des parties.« La modification conventionnelle du loyer au cours du bail dans des conditions étrangères à la loi constitue une modification notable des obligations respectives des parties justifiant à elle seule le déplafonnement du loyer lors du renouvellement » (Cass. 3e civ., 1er févr. 2000 : Dr. et patrimoine 2000, p. 102, note P. Chauvel. – Cass. 3e civ., 4 avr. 2001, n°99-18.899 : Bull. civ. 2001, III, n° 43 ; Gaz. Pal. 9 août 2001, p. 27, note J.-D. Barbier ; Loyers et copr. 2001, comm. 179, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira ; Dr. et patrimoine 2001, p. 98, note P. Chauvel ; Administrer juill. 2001, p. 30, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara ; AJDI 2001, p. 513, note J.-P. Blatter ; RJDA juin 2001, n° 665 - CA Paris, 16e ch. B, 22 juin 2001 : Loyers et copr. 2002, comm. 64, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira - Cass. 3e civ., 27 juin 2001 : Administrer nov. 2001, p. 27, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara. - Cass. 3e civ., 24 mars 2004, n°02-16.933 : Bull. civ. 2004, III, n° 61 ; Loyers et copr. 2004, comm. 110, obs. Ph.-H. Brault ; Defrénois 2005, art. 38097, p. 252, note L. Ruet ; Rev. loyers 2004, p. 498, note G. de Maillard ; D. 2004, p. 1456, note Y. Rouquet ; Gaz. Pal. 16 avril 2005, p. 25, note Ph.-H. Brault – CA Nancy, 26 avril 2010, n°10/01138 : Gaz. Pal. 12 mars 2011, p. 29, note C.-E. Brault).

La Cour de Paris a appliqué cette solution dans un cas où les parties avaient procédé à plusieurs révisions conventionnelles du loyer en cours de bail, pour le porter chaque fois à un niveau sensiblement supérieur au loyer qui aurait résulté de la révision légale (CA Paris, 16e ch. B, 9 sept. 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 481, note P.-H. Brault ; AJPI 1995, p. 487, note B. Boccara). Et elle en déduit, pour conclure au déplafonnement du loyer, que la fixation d'une valeur locative conventionnelle, élément essentiel du contrat, entraîne une modification notable des obligations des parties entraînant le déplafonnement du loyer. La cour de Paris estime que les parties ayant, de ce fait, fixé conventionnellement le loyer à une valeur locative résultant de leurs propres critères, ont voulu s'affranchir de la règle posée par l'article L. 145-34 du nouveau Code de commerce et donc « déplafonner » le loyer.

Absence de « déplafonnement » automatique – En pareil cas, le déplafonnement n'a rien d'automatique et ceci pour deux raisons :• le déplafonnement peut être écarté s'il apparaît que la « modification » du loyer intervenue n'est pas « notable », ce qu'il appartient aux juges du fond de contrôler souverainement (Cass. 3e civ., 21 mars 2006, n° 05-11.295 : Loyers et copr. 2006, comm. 178, obs. Ph.-H. Brault. – Cass. 3e civ., 5 mai 2004 : Bull. civ. 2004, III, n° 90 ; Loyers et copr. 2004, comm. 166, obs. Ph.-H. Brault ; AJDI 2005, p. 27, note C. Denizot ; Rev. loyers 2004, p. 495, note M.-O. Vaissié) ;• les juges du fond peuvent retenir souverainement que la modification du loyer opérée en cours de bail n'emporte pas renonciation des parties à se prévaloir du « déplafonnement » du loyer lors du renouvellement du bail. En admettant donc que la modification soit « notable », elle n'entraînera pas pour autant un déplafonnement du loyer s'il apparaît que la convention intervenue ne signifiait pas dans l'esprit des parties qu'elles entendaient écarter le plafonnement. Les juges vont donc se livrer dans chaque cas à une interprétation de leur volonté (pour un maintien du plafonnement, Cass. 3e civ., 5 mai 2004 préc. – Cass. 3e civ., 21 févr. 2001 : AJDI 2001, p. 513, note J.-P. Blatter ; Administrer juin 2001, p. 23, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara. – pour l'exclusion du plafonnement, CA Paris, 16e ch. A, 5 mai 2004 : AJDI 2004, p. 888).

Page 69: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

3. Loyer progressif (« bail à paliers »)

Distinction selon la convention des parties –qu'en est-il lorsque le bail prévoit que le loyer sera augmenté par paliers ?Deux types de conventions doivent être distingués :

• il se peut tout d'abord que le loyer convenu soit fixé, en précisant qu'il n'entrera en vigueur que progressivement, par paliers (clause dite « d'allégement »). En ce cas, pour l'application du coefficient de plafonnement on prendra pour base le loyer exprimé, qui est censé refléter la valeur locative. Si le loyer a été fixé à 250 000 francs, avec stipulation que ce montant serait ramené à 150 000 F pour les trois dernières années puis à 200 000 francs pour les trois années suivantes, le loyer à prendre en considération pour l'application de la variation indiciaire lors de renouvellement du bail est celui contractuellement fixé (soit 250 000 francs) et non pas le loyer effectivement payé (Cass. 3e civ., 17 mai 2006 : Bull. civ. 2006, III, n° 124 ; Loyers et copr. 2006, comm. 154, note P. Pereira-Osouf ; Defrénois 2006, art. 38451, p. 1411, note L. Ruet ; AJDI 2006, p. 819, note J.-P. Blatter ; Rev. loyers 2006, p. 399, note M.-O. Vaissié ; RJDA 8-9, 2006, n° 879 et la note) ;• si le loyer fait l'objet d'augmentations successives par paliers, le loyer pratiqué lors de la première année ne reflète pas la valeur locative, car il ne s'agit que d'un loyer provisoire. Il ne devrait donc pas être question de le prendre en considération pour déterminer le loyer « plafonné » du bail renouvelé. C'est pourtant la solution qu'a retenue la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 6 mars 2013, n° 12-13 962 : Bull. civ. 2013, III, n° 35). Cette décision a admis que le plafonnement puisse se calculer par référence au loyer initial du bail, sans tenir compte des paliers intermédiaires.

Illustration Prenons l'exemple d'un bail conclu le 1er février 2006 pour une durée de neuf ans moyennant un loyer de 100 000 euros par an. Il vient à expiration le 31 janvier 2015. Deux cas sont à distinguer.Dans le premier cas, le contrat de bail ne précise pas l'indice à utiliser pour le calcul du loyer de renouvellement.

ExempleIl faut alors se demander quel était le « dernier indice connu » au 31 janvier 2015. Il s'agit de l'indice du troisième trimestre 2014 soit : 108,52. Cet indice servira de référence pour le calcul du loyer plafonné, en même temps que l'indice du même trimestre neuf ans auparavant, soit l'indice du troisième trimestre 2005 (92,86).Le loyer plafond du bail renouvelé se chiffrera de la façon suivante :(100 000 × 108,52) / (92,26)Dans le deuxième cas, le bail précise l'indice à utiliser, par exemple celui du quatrième trimestre 2014 (soit 108,47).

ExempleL'indice de base sera celui du quatrième trimestre 2005, soit 93,46 et le calcul du nouveau loyer s'opérera de la façon suivante :(100 000 × 108,47) / (93,46)

C. - Renouvellement d'un bail expiré se poursuivant par prolongation tacite

a) Mode de calcul du nouveau loyer – L'article L. 145-34 précité du Code de commerce (V. n° 3) énonce que si le renouvellement est postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, la

Page 70: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

variation du loyer est calculée : “(…) à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif”.Le nouveau loyer se calcule donc de la manière suivante :

• on prend tout d'abord en compte le dernier indice publié lors de la date de prise d'effet du bail renouvelé. Supposons qu'il s'agisse de l'indice du deuxième trimestre 2015 ;• puis on calcule la période écoulée entre la date initiale du bail (date de prise d'effet) et la date de son renouvellement « effectif » (date de prise d'effet du renouvellement).Si cette durée est par exemple de dix ans, c'est l'indice du deuxième trimestre 2005 qui sera pris en compte.

Exemple pratiqueUn bail a été conclu le 1er octobre 2005 pour une durée de neuf ans moyennant un loyer de 100 000 euros par an. Il expirait le 30 septembre 2014. Il s'est poursuivi par tacite reconduction jusqu'au 30 septembre 2015, date pour laquelle le bailleur a donné congé au locataire, avec offre de renouvellement.Le dernier indice publié à la date de prise d'effet du renouvellement (1er octobre 2015) est l'indice du deuxième trimestre 2015, soit 108,38.La durée écoulée du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2015 est de dix ans. Pour déterminer l'indice de base à prendre en compte, il faut donc remonter dix ans en arrière, à compter « du dernier indice publié » qui est l'un des termes de référence. L'indice à retenir sera donc en l'espèce celui du deuxième trimestre 2005, soit 92,46.Le nouveau loyer se chiffrera donc de la manière suivante :(100 000 × 108,38) / (92,46)

b) Exception : fixation du loyer à la valeur locative (déplafonnement) Cas de déplafonnement. Caractère limitatif – Le principe selon lequel le loyer du bail renouvelé est plafonné connaît diverses exceptions que nous examinerons successivement.Dans une première série d'exceptions, le déplafonnement n'est que conditionnel (A).Dans d'autres cas le déplafonnement est au contraire automatique, parce que lié à la durée du bail (B).Enfin le déplafonnement du loyer peut être conventionnel (C).

Ainsi que nous aurons l'occasion de le souligner à plusieurs reprises, ces causes de déplafonnement sont limitatives. Lorsqu'elles ne se retrouvent pas, le loyer plafond restera applicable, quel que soit son niveau par rapport à la valeur locative réelle des lieux loués. Mais, comme nous le verrons (V. JCl. Notarial Formulaire, V° Bail commercial, fasc. 414), les parties ont la possibilité si elles le souhaitent d'écarter d'un commun accord l'application du plafonnement alors même que les conditions d'un « déplafonnement » ne sont pas réunies.

Pour obtenir un « déplafonnement » du loyer, il ne suffit pas pour le bailleur de démontrer que la valeur locative est supérieure au loyer en vigueur. Le déplafonnement ne peut intervenir que dans les seuls cas prévus par la loi ou admis par la jurisprudence.

1. Déplafonnement conditionnel Dans une première série d'exceptions, le déplafonnement n'est que conditionnel :• ainsi lorsque l'une ou l'autre des parties invoque le fait qu'une « modification notable » des facteurs constitutifs de la valeur locative est intervenue depuis la date de prise d'effet du bail à renouveler, ce qui doit être établi (1°) ;• de même lorsqu'il est allégué que la valeur locative est inférieure au « loyer plafond », ce qui là encore doit être démontré (2°).

Modification notable des facteurs constitutifs de la valeur locative

Page 71: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Principe – La règle du plafonnement édictée par l'article L. 145-34 du Code de commerce (variation du loyer en fonction de l'indice officiel des loyers commerciaux ou de l'indice des loyers des activités tertiaires publiés par l'INSEE) ne s'applique plus selon ce texte même s'il y a eu modification notable des éléments déterminant la valeur locative “mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33”.La question de savoir s'il y a ou non modification notable des éléments mentionnés aux paragraphes 1 à 4 de l'article L. 145-3 du Code de commerce relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. 3e civ., 4 avr. 2012, n° 11-13.912 : Administrer juin 2012, p. 36, obs. D. Lipman, W. Boccara).

Pour que le « déplafonnement » (c'est-à-dire la fixation du loyer à la valeur locative) puisse être admis, il doit y avoir « modification » de cette valeur locative par rapport à la situation antérieure (a). La modification doit être survenue au cours du bail expiré (b). Cette modification doit être « notable » (c) et elle doit concerner les éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du Code de commerce (d).

Nous reprendrons successivement ces diverses conditions.

Une « modification » doit être survenue Sens à donner au terme « modification » – Le déplafonnement implique que les éléments déterminant la valeur locative, mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 se soient modifiés. C'est au bailleur, qui veut obtenir le déplafonnement pour ce motif, d'en apporter la preuve (Cass. 3e civ., 1er mars 2000 : JCP E 2000, p. 679).S'il n'y a pas eu de modification – ce que les juges du fond sont appelés à contrôler dans chaque cas –, le plafonnement s'applique (Cass. 3e civ., 9 juill. 1979 : Gaz. Pal. 1979, 2, somm. p. 480. – Cass. 3e civ., 19 févr. 1980 : Ann. loyers 1980, p. 1178).Ainsi qu'on l'a mis en évidence, à propos d'un arrêt du 13 juillet 1999, la Cour de cassation adopte une lecture neutre du terme de « modification » (Cass. 3e civ., 13 juill. 1999 : JCP G 2000, n° 12, II, 10277, note F. Auque ; Bull. civ. 1999, III, n° 172 ; Administrer déc. 1999, p. 38, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat ; RJDA 1999, n° 1053 ; Gaz. Pal. 1999, 2, pan. jur. p. 227). Il s'agit de tout changement objectivement constaté, sans avoir à tenir compte de son effet, favorable ou défavorable (A. Fossaert-Sabatier, Le prix du bail renouvelé. Encadrement ou liberté : Rapport de la Cour de cassation 1999, p. 162).

Il existe toutefois une exception concernant la modification des facteurs locaux de commercialité pour lesquels la Cour de cassation a décidé qu'une modification ne pouvait constituer un motif de déplafonnement du nouveau loyer que si elle était de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité exercée par le preneur (Cass. 3e civ., 17 juin 2014, n° 13-1559. – Cass. 3e civ., 14 sept. 2011 n° 10-30.825 : JCP E 2011 n° 42-1751, note C. Rouquette-Terrouane ; JCP E 2012, n° 5-1095, note F.Kenderian ; Loyers et copr. 2011, comm. 321, note Ph.-H. Brault). La Cour de cassation a ainsi jugé qu'une modification notable à la baisse des facteurs locaux de commercialité ne pouvait justifier le déplafonnement, celui-ci ne pouvant intervenir qu'en cas d'évolution ayant un impact favorable sur le commerce concerné (Cass. 3e civ., 17 févr. 2012, n° 11-12.090 : Loyers et copr. 2012, comm. 80, obs. E.C).

La modification doit être survenue pendant le cours du bail expiré Période à prendre en considération – Par rapport à quel état de chose antérieur doit-on apprécier s'il y a eu ou non « modification » ?La jurisprudence a été amenée à préciser que ne devaient être prises en compte que les seules modifications intervenues depuis le point de départ du bail à renouveler (Cass. 3e civ., 19 nov. 1975 : Bull. civ. 1975, III, n° 343) et au plus tard au moment de la prise d'effet du nouveau bail (Cass. 3e civ., 21 déc. 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 471).

Page 72: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Si par exemple le bail à renouveler a pris effet le 1er février 1990, pour se terminer le 31 janvier 1999, le bailleur ayant donné congé pour l'échéance normale, seules peuvent être prises en considération les modifications intervenues entre ces deux dates.Peuvent justifier un déplafonnement (puisqu'elles se manifestent avant la prise d'effet du nouveau bail) les modifications intervenues pendant le cours de la tacite reconduction (CA Paris, 24 oct. 1980 : Loyers et copr. 1980, comm. 430) ou encore entre la date d'expiration du bail et la date de repentir du bailleur (V. note J.-D. Barbier : Gaz. Pal. 1986, 2, p. 428. – P.-H. Brault et J.-D. Barbier, préc. n° 11, p. 141. – Cass. 3e civ., 19 juill. 1984 : JCP G 1985, II, 20427, obs. G. Guérin ; Bull. civ. 1984, III, n° 146 ; Rev. loyers 1984, p. 438. – Cass. 3e civ., 11 déc. 1996 : Bull. civ. 1996, III, n° 234 ; JCP E 1997, pan. jurispr. p. 86, obs. L. Lévy ; Loyers et copr. 1997, comm. 110, note P.-H. Brault ; Gaz. Pal. 1997, 1, p. 208, note J.-D. Barbier ; D. 1997, jurispr. p. 153, concl. J.-F. Weber ; RD imm. 1997, obs. J. Derruppé cassant CA Paris, 16e ch. B, 15 déc. 1994 : Gaz. Pal. 1995, 2, somm. p. 370, note J.-D. Barbier).

Il appartient au bailleur qui se prévaut d'un motif de déplafonnement d'établir que la modification notable des éléments pris en compte pour la détermination de la valeur locative s'est bien produite au cours du bail expiré (Cass. 3e civ., 1er mars 2000 : Bull. civ. 2000, III, n° 47 ; Loyers et copr. 2000, comm. 227 ; RJDA 2000, n° 516).

Modifications antérieures à la prise d'effet du bail à renouveler – Les « modifications antérieures » à la prise d'effet du bail à renouveler n'ont pas à être prises en considération (Cass. 3e civ., 14 mai 1985 : Loyers et copr. 1985, comm. 342. – Cass. 3e civ., 14 oct. 1992 : JCP N 1993, II, 201 et 351, et 1994, II, 79, note B. Dumortier ; Gaz. Pal. 1993, 1, pan. jurispr. p. 51 et p. 134, note P.-H. Brault. – cassant CA Paris, 16e B, 8 nov. 1990 : JCP N 1992, II, p. 307, note P.-H. Brault. – Cass. 3e civ., 8 janv. 1997 : JCP G 1997, IV, 385 et N 1997, II, 771 ; Bull. civ. 1997, III, n° 6 ; Gaz. Pal. 1997, 1, jurispr. p. 8, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 4 nov. 1998 : JCP G 1999, II, 10131, obs. P.-H. Brault ; Bull. civ. 1998, III, n° 205 ; Defrénois 1999, art. 36969, p. 499, obs. S. Duplan-Miellet).Si par exemple le bail à renouveler a pris effet le 1er février 1999, les événements survenus avant cette date ne seront pas pris en compte.

Le bailleur qui ne s'en est pas prévalu lors de précédents renouvellements perd la possibilité de les invoquer par la suite. Il faut cependant rappeler que certaines décisions ont dérogé au principe selon lequel la modification notable doit être intervenue au cours du bail écoulé, dans le cas où le bailleur a été informé tardivement d'une modification intervenue sans son autorisation. Il pourrait alors s'en prévaloir, exceptionnellement, alors même qu'elle est antérieure à la date de prise d'effet du bail renouvelé (CA Paris, 16e ch., sect. B, 1er déc. 1994 : Loyers et copr. 1995, comm. 121. –CA Paris, 16e ch., sect. B, 19 mars 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 393. –CA Paris, 16e ch., sect. B, 14 févr. 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 436).

Des solutions particulières ont été prises pour le cas où le motif de déplafonnement tient aux améliorations apportées aux lieux loués par le locataire : mais ceci est un autre problème.

Modifications postérieures à la prise d'effet du bail renouvelé – Ne peuvent être prises en considération pour la fixation du loyer du bail renouvelé que les modifications existantes à la date du renouvellement du bail (Cass. 3e civ., 13 mai 1992 : JCP G 1992, IV, 1941 ; Bull. civ. 1992, III, n° 147 ; Administrer nov. 1992, p. 69, obs. Dunes). Il n'y a donc pas à prendre en compte pour la fixation du loyer des « modifications » (au sens donné, V. n° 25) postérieures à la date de prise d'effet du nouveau bail. Ainsi a été censurée une décision qui, pour accepter un déplafonnement du loyer, s'était fondée sur l'évolution probable de la population dont la diminution sera quasiment inévitable dans les années à venir ainsi que le laisse présager l'évolution actuelle de la population rurale française (Cass. 3e civ., 4 févr. 1997 : Loyers et copr. 1997, comm. 144, obs. P.-H. Brault et C. Mutelet ; Administrer juin 1997, p. 27, note J.-D. Barbier). Toutefois, la jurisprudence a admis qu'une modification intervenue

Page 73: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

antérieurement à la date d'effet du bail expiré constitue un motif de déplafonnement lorsque ses effets se sont produits postérieurement à cette date sur le commerce (CA Bordeaux, 3 sept. 2008 : Loyers et copr. 2009, comm. 40, obs. Ph.– H. Brault ; CA Paris 20 déc. 2000 : Administrer mars 2001, p. 25, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara).

Cas où la modification des éléments déterminant la valeur locative a donné lieu à une contrepartie financière – Il peut arriver que la « modification » des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 dont se prévaut le bailleur, ait donné lieu à une contrepartie financière, sous forme de versement d'un capital ou d'augmentation du loyer. Cet état de chose empêche-t-il le bailleur d'obtenir le déplafonnement du loyer ?La Cour de cassation a décidé qu'il n'y avait pas de rapport nécessaire entre d'une part le versement d'une indemnité ou une majoration du loyer et d'autre part l'absence de modification notable des éléments déterminant la valeur locative, antérieurement visés aux articles 23-1 à 23-4 du décret du 30 septembre 1953 (Cass. 3e civ., 24 févr. 1988 : Loyers et copr. 1988, n° 177 ; Gaz. Pal. 1988, 2, p. 798, note J.-D. Barbier).

En conséquence :• il est indifférent que la « modification » invoquée ait déjà été prise en considération pendant le cours du bail à renouveler et qu'elle ait par exemple donné lieu à une augmentation de loyer (Cass. 3e civ., 11 déc. 1979 : Rev. loyers 1980, p. 259. – Cass. 3e civ., 21 oct. 1980 : Gaz. Pal. 1981, 1, somm. p. 33. – Cass. 3e civ., 24 janv. 1990 : Rev. loyers 1990, p. 231, obs. S. Duplan-Miellet. – Cass. 3e civ., 14 mai 1997 : Bull. civ. 1997, III, n° 102 ; RJDA 1997, n° 885. – Cass. 3e civ., 16 déc. 1997 : Loyers et copr. mai 1998, comm. 126 ; Gaz. Pal. 1998, 2, somm. p. 621, obs. J.-D. Barbier ; RD imm. 1998, p. 309, obs. J. Derruppé) ;• il est également sans importance que cette même modification se soit accompagnée du versement d'une indemnité (CA Paris, 16e ch., sect. A, 31 oct. 1995 : Administrer févr. 1996, p. 34, obs. B. Boccara. – CA Paris, 1re ch., 10 févr. 1999 : JCP G 1999, IV, 2516), par exemple en contrepartie d'une autorisation de changement d'activité intervenue lors d'une cession du bail (Cass. 3e civ., 17 juin 1980 : Rev. loyers 1980, p. 449, note J.-C. Berthault. – Cass. 3e civ., 12 déc. 1990 : Bull. civ. 1990, III, n° 261. – CA Paris, 16e ch., 16 sept. 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 30. – V. également dans un cas où le bailleur avait obtenu deux contreparties financières sous forme de versement d'une indemnité et d'augmentation du loyer, Cass. 3e civ., 24 janv. 1990 : Rev. loyers 1990, p. 231, note S. Duplan-Miellet. – sur l'ensemble de ces problèmes, J.-L. Puygauthier, L'augmentation du loyer en cours de bail n'empêche pas le déplafonnement : JCP N 1998, n° 38, p. 1294 et JCP E 1998, n° 42, p. 1632. – J.-D. Barbier, Les révisions amiables de loyers du bail commercial et les indemnités en cours de bail : Administrer févr. 1993, n° 242, p. 11 s.).

Modification « notable »

Signification du mot « notable » – En exigeant que la modification soit « notable », le législateur laisse au juge un large pouvoir d'appréciation, qu'il exerce souverainement (Cass. 3e civ., 24 juin 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 392). Il a été admis que la modification « notable » pouvait résulter de modifications affectant plusieurs éléments, même si, pour chacun d'eux pris isolément, la « modification » ne pouvait pas être considérée comme notable (Cass. 3e civ., 2 déc. 1998 : Loyers et copr. févr. 1999, comm. 39 ; Bull. civ. 1998, III, n° 230 ; RJDA 1999, n° 155 ; RD imm. 1999, p. 324, obs. J. Derruppé). En toute hypothèse, le juge doit préciser en quoi il y a modification notable des éléments déterminant la valeur locative mentionnés aux articles 1° à 4° de l'article L. 145-33 du Code de commerce. Il ne peut se contenter de faire appel à « l'évidence », à peine d'encourir la censure de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 14 mai 1997 : RJDA 1997, n° 885).

Nous rencontrerons au fur et à mesure de l'étude des divers éléments constitutifs de la valeur locative mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 des applications jurisprudentielles de ce critère.

Page 74: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Les juges du fond ne peuvent admettre le principe du déplafonnement au motif qu'une modification des éléments pris en compte pour la détermination de la valeur locative est intervenue au cours du bail expiré, sans constater que, comme l'exige l'article L. 145-34 du Code de commerce, cette modification a été « notable » (Cass. 3e civ., 6 nov. 2001 : Administrer févr. 2002, p. 25, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara ; AJDI 2002, p. 215).

Preuve – C'est au bailleur qu'il appartient de rapporter la preuve du caractère « notable » de la modification qu'il invoque (Cass. 3e civ., 12 janv. 1977 : Rev. loyers 1977, p. 226). Le juge des loyers ne saurait suppléer à sa carence en ordonnant une mesure d'expertise pour vérifier s'il y a lieu ou non à déplafonnement (CA Paris, 16e ch. B, 21 sept. 2001 : Rev. loyers 2001, p. 463).

Importance de la modification pour l'activité du locataire – Bien que le texte ne l'indique pas, la jurisprudence estime (ce qui est logique) que ne peuvent être prises en considération que les seules modifications (des éléments mentionnés dans C. com., art L. 145-33, 1° à 4°) qui ont un impact sur l'activité exercée par le locataire (Cass. 3e civ., 4 mars 1987 : Gaz. Pal. 1987, 1, pan. jurispr. p. 117. – Cass. 3e civ., 5 déc. 1990 : Rev. loyers 1991, p. 201. – Cass. 3e civ., 24 nov. 1993 : Rev. loyers 1994, p. 151. – CA Paris, 16e ch. A, 8 oct. 1991 : Administrer févr. 1992, n° 231, p. 58. – CA Paris, 2e ch., 24 nov. 1992 : Administrer août-sept. 1993, n° 248, p. 36. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 29 mars 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 295. – V. J.-P. Blatter, préc. n° 11, p. 277).

Modification portant sur les éléments mentionnés au Code de commerce Observations préliminaires – L'article L. 145-34 du Code de commerce permet le déplafonnement du loyer lorsqu'il y a modification notable des éléments constitutifs de la valeur locative mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33. L'article L. 145-33 est ainsi rédigé :

Le montant des loyers des baux à renouveler ou à réviser doit correspondre à la valeur locative.Cette valeur est déterminée d'après :1° les caractéristiques du local considéré ;2° la destination des lieux ;3° les obligations respectives des parties ;4° les facteurs locaux de commercialité ;5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.Les modalités d'application de ce texte sont fixées par les articles R. 145-2 à R. 145-11.

S'il apparaît qu'au cours du bail expiré les obligations respectives des parties se sont modifiées au détriment du preneur dont la charge financière s'est accrue du fait de l'augmentation de la taxe foncière, et que les locaux ont parallèlement bénéficié d'une évolution favorable des facteurs locaux de commercialité, il y a lieu d'apprécier si la conjugaison de ces divers facteurs permet finalement de caractériser l'existence d'une modification suffisamment notable, à la hausse ou à la baisse des éléments mentionnés de l'article L. 145-33 du Code de commerce, permettant d'écarter la règle du plafonnement (Cass. 3e civ., 4 avr. 2012, n° 11-13.912).

Le texte appelle deux remarques :• un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation a confirmé que la codification du statut des baux commerciaux avait été réalisée à droit constant, et que, en conséquence, il n'y avait pas lieu de déduire de la nouvelle rédaction de l'article L. 145-33 du Code de commerce qu'elle autorise le déplafonnement au seul constat d'une évolution notable au cours du bail des prix couramment pratiqués dans le voisinage (Cass. 3e civ., 19 mars 2003 : JCP N 2003, n° 38, 1509, note B. Hohl ; D. 2004, p. 561, note C. Grare) ;

Page 75: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• il faut par ailleurs noter que le texte parle d'une éventuelle modification « des éléments ». Mais malgré l'utilisation du pluriel, la jurisprudence a admis qu'il suffit de la modification d'un seul de ces éléments pour que le déplafonnement du loyer puisse intervenir (Cass. 3e civ., 30 mai 1985 : Bull. loyers 1985, n° 384. – Cass. 3e civ., 13 févr. 1979 : JCP G 1979, IV, 134. – V. pour une modification des caractéristiques des locaux loués, Cass. 3e civ., 22 févr. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 95. – pour une modification des facteurs locaux de commercialité, Cass. 3e civ., 25 oct. 1983 : Bull. loyers 1984, n° 66).

Modifications concernées – Des articles R. 145-2 à R. 145-11 du Code de commerce, pris pour l'application de l'article L. 145-33, il découle que le déplafonnement peut résulter :• d'une modification matérielle des lieux loués ;• d'une modification concernant les clauses du bail ;• d'une modification concernant la destination des lieux loués ;• des circonstances ayant entouré la fixation du loyer du bail à renouveler ;• de la modification des facteurs locaux de commercialité.

Améliorations apportées aux lieux loués – Selon l'article R. 145-8, alinéa 1 du Code de commerce : “Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge”.

2° Valeur locative inférieure au loyer

Non-application du « plafond » légal – Il est admis en jurisprudence que le locataire avait toujours la possibilité d'exiger que le loyer du bail renouvelé soit fixé à la valeur locative lorsqu'elle est inférieure au « loyer plafond » résultant de l'application des indices (Cass. 3e civ., 23 juin 2015, n° 14-12 411 : Loyers et copr. 2015, comm. 193, note Ph.-H. Brault ; AJDI 2015, p. 839, note J.-P. Blatter. – Cass. 3e civ., 5 nov. 2014, n° 13-21 990 : Loyers et copr. 2014, comm. 12, obs. E. Chavance ; Rev. loyers 2015, p. 119, note A. Quiquerez ; Gaz. Pal. 23-25 nov. 2014, p. 26, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 5 févr. 1992 : JCP N 1992, II, 326 ; Bull. civ. 1992, III, n° 39 ; Gaz. Pal. 1992, 2, somm. p. 12, note J.-D. Barbier ; Administrer juill. 1992, p. 28, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 29 oct. 1986 : Gaz. Pal. 1987, 1, p. 218, note P.-H. Brault). La Cour de cassation a précisé que cette recherche de la valeur locative devait être effectuée par le juge, au besoin d'office (Cass. 3e civ., 3 déc. 2003 : Loyers et copr. 2004, comm. 13, obs. Ph.-H. Brault ; D. 2004, p. 639, obs. Y. Rouquet ; Administrer févr. 2004, p. 24, note J.-D. Barbier. – CA Paris, pôle 5, 3e ch., 2 juill. 2014 : Loyers et copr. 2014, comm. 245, obs. E. Chavance –J.-L. Puygauthier, Comment obtenir une diminution du loyer du bail renouvelé ? : JCP N 2004, n° 28, 1333). Cette règle doit s'appliquer alors même qu'il n'existe aucune modification notable des éléments mentionnés à l'article L. 145-33, 1° à 4° du Code de commerce (Cass. 3e civ. 11 déc. 2007 : Administrer févr. 2009, p. 34, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 3 juin 2004 : D. 2004, p. 1975, note Y. Rouquet ; Administrer août-sept. 2004, p. 19, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara. – Cass. 3e civ., 13 janv. 2004 : Administrer avr. 2004, p. 27, note J.-D. Barbier ; Cass. 3e civ., 5 nov. 2014 préc.).La Cour de cassation pose donc en principe que le loyer peut être fixé à la valeur locative, chaque fois que cette valeur locative est inférieure au prix plafond résultant du jeu des indices, indépendamment du point de savoir s'il y a ou non-lieu à « déplafonnement » (V. J.-D. Barbier, La fixation du loyer commercial à la baisse : Gaz. Pal. 6-7 févr. 2009, p. 11 s.).

Conséquences – Il en résulte que les règles applicables sont les suivantes :

Page 76: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• si la valeur locative est supérieure au loyer plafond, c'est, nous l'avons vu, ce loyer plafond qui s'applique à moins que le bailleur ne puisse établir que l'une des causes de « déplafonnement » prévues par les textes existe dans le cas considéré ;• si la valeur locative est inférieure au loyer plafond, le loyer sera fixé à la valeur locative.

Mais cette fixation à la valeur locative peut-elle avoir pour résultat que le loyer fixé par le juge soit inférieur au loyer en vigueur ?

La jurisprudence a répondu par l'affirmative (Cass. 3e civ., 11 déc. 2007 : AJDI 2008, p. 290. – Cass. 3e civ., 11 déc. 2007, n° 07-10.476 : AJDI 2008, p. 290. – Cass. 3e civ., 29 oct. 1986 : JCP G 1987, IV, 9 ; Bull. civ. 1986, III, n° 140 ; Gaz. Pal. 1987, 1, p. 218, note P.-H. Brault. – V. aussi, Cass. 3e civ., 9 déc. 1986 : JCP G 1987, IV, 58 ; Bull. civ. 1986, III, n° 172 ; RD. imm. 1987, p. 385. – CA Paris, 16e ch. A, 19 janv. 1988 : Loyers et copr. 1988, comm. 285).

La règle posée par l'article L. 145-33 du nouveau Code de commerce (D. 30 sept. 1953, art. 23 ancien) selon laquelle “le montant des loyers des baux à renouveler ou à réviser doit correspondre à la valeur locative” est donc appliquée dans toute sa rigueur.

D. - Déplafonnement automatique du loyer lié à la durée du bail Énoncé des règles applicables – Il résulte de l'article L. 145-34 du Code de commerce que le plafonnement du loyer est exclu dans les divers cas suivants :• lorsque le bail expiré était conclu pour une durée de plus de neuf ans ;• lorsque le bail était conclu pour une durée de neuf ans et que plus de douze ans se sont écoulés depuis la date de prise d'effet du bail expiré qui s'est tacitement reconduit. Nous reprendrons successivement chacun de ces cas.

La Cour de cassation a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soutenant que l'article L. 145-34, alinéa 3 du Code de commerce créait une inégalité entre les locataires en ce qu'il prévoit un déplafonnement du seul fait que le bail s'est poursuivi par tacite reconduction au-delà de douze ans alors que le plafonnement est acquis en cas de demande de renouvellement au-delà de neuf ans après la date de prise d'effet du bail, mais moins de douze ans après celle-ci (Cass. 3e civ., 5 oct. 2010, n° 10-14.091 . – V. sur la question, J. Monéger, préc. n° 4. – A. Jacquin, préc. n° 4).

a) Bail expiré conclu pour une durée supérieure à neuf ans Déplafonnement – Le « plafonnement » du loyer en fonction de la variation de l'indice officiel des loyers commerciaux ou des loyers des activités tertiaires publiés par l'INSEE ne joue, selon les termes mêmes de l'article L. 145-34 du Code de commerce que si la durée du « bail à renouveler » n'est pas « supérieure à neuf ans ».La Cour de cassation a jugé que l'expression « bail à renouveler » employée par ce texte désignait le bail expiré. Il en résulte que si ce bail avait une durée contractuelle (ce qui vise la durée convenue) supérieure à neuf ans (par exemple dix ans, onze ans… ou même neuf ans et trois mois), le plafonnement ne s'appliquera pas (Cass. 3e civ., 20 mars 1991 : JCP N 1991, II, 334 ; D. 1991, somm. p. 362, obs. L. Rozés ; Administrer juin 1991, n° 224, p. 26, obs. J.-D. Barbier. – R. Martin, Déplafonnement. Durée du bail expiré supérieure à neuf ans : Ann. loyers 1991, p. 1320 s.).

Page 77: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Si un bail a été consenti à l'origine pour neuf ans, puis prorogé conventionnellement pour une année au terme d'un accord intervenu lors de la cession du bail, le déplafonnement est encouru de ce chef (Cass. 3e civ., 13 nov. 1997 : JCP G 1997, IV, 2520 ; Loyers et copr. 1998, comm. 70, obs. P.-H. Brault ; Bull. civ. 1997, III, n° 203 ; RD imm. 1998, p. 147, obs. J. Derruppé ; Dr. et patrimoine mars 1998, p. 92, obs. P. Chauvel ; AJDI 1998, p. 180, obs J.-P. Blatter).

b) Bail de neuf ans qui s'est poursuivi pour plus de douze ans par prolongation tacite Cause de déplafonnement – L'article L. 145-34 du Code de commerce prévoit expressément dans son dernier alinéa que ses dispositions ne sont plus applicables (et qu'il y a donc lieu à « déplafonnement ») lorsque « par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans ». Le bail à considérer est le bail expiré.Ceci suppose qu'à la fin d'un bail conclu pour une durée contractuelle de neuf ans (si cette durée était supérieure, le déplafonnement interviendrait cette fois en vertu des dispositions de C. com., art. L. 145-34, al. 1er nouveau), le bailleur n'a pas donné congé, et que le locataire n'a pas fait de demande de renouvellement.

Le bail se poursuit alors par tacite prolongation, et si plus de douze ans s'écoulent depuis la date de prise d'effet du bail à renouveler, le déplafonnement est automatique (Cass. 3e civ., 14 oct. 1992 : Administrer mai 1993, n° 245, p. 41, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 5 avr. 1995 : JCP N 1995, II, 1435 ; Bull. civ. 1995, III, n° 94 ; RJDA juin 1995, n° 694 ; Dr. et patrimoine 1995, p. 87, obs. D. Chauvel. – CA Rouen, 16 sept. 1993 : JCP N 1994, II, p. 299. – CA Rouen, 8 nov. 1995 : Gaz. Pal. 1996, 1, p. 127, note J.-D. Barbier). Ce sera le cas par exemple si, après avoir donné un premier congé nul, le bailleur y renonce (le locataire acceptant cette renonciation) et délivre un second congé prenant effet cette fois plus de douze ans après la date de prise d'effet du bail à renouveler (Cass. 3e civ., 18 mars 1998 : JCP G 1998, IV, 2053 ; Bull. civ. 1998, III, n° 65 ; Administrer juin 1998, p. 28, obs. J.-D. Barbier ; AJDI 1998, p. 359, note J.-P. Blatter ; Gaz. Pal. 1998, 2, somm. p. 619, note P.-H. Brault ; RD imm. 1998, p. 430, obs. J. Derruppé).

Stratégie du bailleur – Le bailleur qui ne peut par ailleurs invoquer aucun motif de déplafonnement du loyer peut, en laissant se poursuivre le bail par tacite prolongation au-delà de son terme légal de neuf ans, espérer obtenir une fixation du loyer à la valeur locative si cette durée de douze ans (décomptée à partir de la date d'effet du bail à renouveler) est atteinte. Cette manœuvre est sans risque pour lui. En effet, elle ne se traduit par aucune perte financière si du moins à l'expiration du terme contractuel de neuf ans il prend soin de former une demande de révision du loyer.Lors de la demande de révision, le loyer plafond étant fixé en fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux ou de l'indice des loyers des activités tertiaires, il obtiendra la même augmentation que s'il avait provoqué le renouvellement du bail en donnant congé… tout en conservant l'espoir d'obtenir par la suite le déplafonnement du loyer.

Si une demande de révision est formée et qu'un « avenant » est établi pour constater le nouveau loyer, on prendra soin d'éviter toute équivoque dans sa rédaction afin qu'on ne puisse pas l'interpréter comme un renouvellement amiable.

Moyens de défense du locataire – Cette tactique du bailleur n'est pas imparable. En effet, pour y faire échec, il suffit que le locataire forme une demande de renouvellement. Il peut le faire à tout moment pendant le cours de la tacite prolongation, pourvu que ce soit avant que la durée de douze ans soit atteinte. Le bailleur doit à ce propos éviter une maladresse qui peut être de nature à provoquer cette demande. Il ne doit pas signifier de congé avec offre de

Page 78: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

renouvellement avant que la durée de douze ans soit accomplie. En effet, à réception de ce congé, le locataire, s'il est averti ou bien conseillé, formera immédiatement une demande de renouvellement qui aura pour effet de mettre fin au bail pour l'expiration de la douzième année.

Il est admis aujourd'hui qu'un congé avec offre de renouvellement délivré par le bailleur au cours de la tacite prolongation ne fait pas obstacle à la demande de renouvellement formée postérieurement par le locataire sur le fondement de l'article L. 145-10 du Code de commerce. Si du fait de cette demande de renouvellement, le bail prend fin sans que sa durée ait excédé douze ans, le loyer du bail renouvelé doit être plafonné (Cass. 3e civ., 1er oct. 1997 : JCP G 1997, IV, 2195 ; Loyers et copr. 1998, comm. 39, obs. P.-H. Brault et C. Mutelet ; Bull. civ. 1997, III, n° 178 ; AJDI 1998, p. 108, obs. J.-P. Blatter ; Gaz. Pal. 1997, 2, somm. p. 463, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 21 déc. 1993 : JCP N 1994, II, 120 et JCP E 1995, II, 646, note B.-H. Dumortier ; D. 1995, somm. p. 148, obs. L. Rozès ; RJDA 1994, n° 272).

Qu'en est-il si le bailleur donne congé avec refus de renouvellement ? Si ce congé, donné pour une date excédant le délai de 12 ans est suivi de l'exercice par le bailleur de son droit de repentir, il pourra alors de ce fait bénéficier d'un renouvellement déplafonné. La Cour de cassation a estimé que dans ce cas la demande de renouvellement notifiée postérieurement au congé ne peut produire d'effet dès lors qu'avant même cette demande le bailleur a fait connaître au preneur son intention de ne pas renouveler le bail (Cass. 3e civ., 20 févr. 1991 : Gaz. Pal. 1991, 2, 471, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 21 févr. 2007 : Loyers et copr. 2007, comm. 126, obs. Ph.-H. Brault. – contra CA Paris, 16e ch. A, 4 mars 2009 : Administrer juin 2009, p. 33, note D. Lipman-Boccara).

Si le locataire laisse le bail se poursuivre pendant plus de douze ans par tacite prolongation, il ne peut ensuite empêcher le déplafonnement, quels que soient les motifs – mêmes légitimes – pour lesquels il n'a pas formé de demande de renouvellement en temps utile (Cass. 3e civ., 1er oct. 1997 : RJDA 1997, n° 1469. – Cass. 3e civ., 18 mars 1998 : JCP N 1998, p. 1531 et JCP G 1998, IV, 2053 ; AJDI 1998, p. 359, obs. J.-P. Blatter).

ExempleUn bail conclu pour une durée de neuf ans a pris effet le 1er février 1998. Il est venu à expiration le 31 janvier 2007. S'il se poursuit par tacite prolongation au-delà du 1er février 2010, le bailleur sera en droit de faire fixer le loyer à la valeur locative.Supposons que le bailleur donne congé avec offre de renouvellement en octobre 2009 pour le 1er avril 2010. Si le locataire forme avant le 1er février 2010 une demande de renouvellement, le bail prendra fin le 31 janvier 2010 et moins de douze ans s'étant écoulés depuis la date de prise d'effet du bail, il n'y aura pas de déplafonnement automatique du loyer.Dans le cas considéré, le bailleur a donc tout intérêt à ne donner congé qu'à compter du 1er février 2010 pour ne pas susciter de la part du locataire une demande de renouvellement qui ruinerait ses espérances.

Influence sur le « déplafonnement » d'une offre de renouvellement du bailleur accepté par le locataire – Pour admettre le déplafonnement du loyer au motif que la durée du bail à renouveler était supérieure à douze ans, une cour d'appel avait retenu que le bail conclu pour une période courant du 15 novembre 1982 au 15 novembre 1991 s'était poursuivi jusqu'au 15 novembre 1997 sans que jusque-là ni le locataire ni le bailleur ne mette fin au contrat de location et sollicite son renouvellement.La Cour de cassation censure, en reprochant aux juges du fond de n'avoir pas recherché si une lettre adressée par le bailleur à son locataire le 18 novembre 1991 ne contenait pas une offre de renouvellement et si le locataire avait accepté cette offre (Cass. 3e civ., 10 oct. 2001 : Defrénois 2002, art. 37477, p. 176, note S. Duplan-Miellet ; RJDA 2002, n° 18).Cette décision montre qu'une offre de renouvellement formulée par une simple lettre, alors que douze ans ne se sont pas encore écoulés depuis la date de prise d'effet du bail

Page 79: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

à renouveler peut avoir pour effet de mettre fin au bail si elle est acceptée par le locataire, et empêcher ainsi le « déplafonnement ».

E. - Déplafonnement conventionnel du loyer Accord des parties pour écarter le plafonnement – Les parties peuvent se mettre d'accord pour écarter le plafonnement qui serait normalement applicable. Ainsi elles peuvent déterminer à l'avance par une stipulation du bail les conditions de fixation du prix du bail renouvelé (Cass. 3e civ., 10 mars 2004 :; Bull. civ. 2004, III, n° 52 ; JCP E 2004, p. 673, note B. Demoustier ; Defrénois 2004, art. 38026, p. 1325, note L. Ruet ; Loyers et copr. 2004, comm. 91, obs. Ph.-H. Brault ; Rev. loyers 2004, p. 296, note B. Humblot-Gignoux ; Rev. loyers 2004, p. 682, note J. Prigent ; Administrer mai 2004, p. 19, note J.-D. Barbier ; D. 2004, p. 878, obs. Y. Rouquet ; D. 2004, p. 2221, note S. Werthe-Talon. – V. sur cette décision, J. Lafond, Le déplafonnement conventionnel des loyers commerciaux : étude et formules : JCP N 2004, n° 20, 1242).Il a été jugé qu'en proposant par mémoire et en réponse à une offre de renouvellement, un loyer supérieur à celui résultant de la variation indicielle, le locataire avait admis le principe du déplafonnement (CA Paris, 16e ch. B, 23 juin 2000 : Loyers et copr. 2001, comm. 37, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira).

Si le congé délivré par le bailleur propose le renouvellement du bail moyennant un loyer annuel de 200 000 francs sans faire référence au principe du déplafonnement et que le locataire répond en offrant un loyer de 60 000 francs mais sans faire davantage référence à la notion de déplafonnement, on ne peut considérer, en l'absence de toutes mentions relatives à cette notion, que le locataire a consenti au déplafonnement (CA Paris, 16e ch. B, 22 déc. 2001 : Administrer mars 2001, p. 28, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara).

F. - Application du loyer déplafonné Plafonnement du déplafonnement – La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 a prévu qu'en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente. L'objectif poursuivi est de maintenir les commerces indépendants de centres-villes notamment par « une meilleure maîtrise des évolutions fortes et brutales des loyers en instaurant une régulation des hausses de loyer par le lissage de leur évolution dans le temps » (Ph.-H. Brault, Observations sur le plan d'action gouvernemental pour le commerce et les commerçants concrétisé par le projet de loi du 21 août 2013 : Loyers et copr. 2013, étude 12).En l'occurrence, l'encadrement envisagé s'appliquerait annuellement par rapport au dernier loyer appliqué.

Ainsi, pour un loyer déplafonné à 200 000 euros alors que le loyer précédent s'élevait à 100 000 euros, l'augmentation de loyer serait :• la première année de 100 000 euros plus 10 %, soit 110 000 euros ;• la deuxième année de 110 000 euros plus 10 %, soit 121 000 euros ;• la troisième année de 121 000 euros plus 10 %, soit 133 100 euros ;• la quatrième année de 133 100 euros plus 10 %, soit 146 410 euros ;• la cinquième année de 146 410 euros plus 10 %, soit 161 051 euros ;• la sixième année de 161 051 euros plus 10 %, soit 177 156 euros ;• la septième année de 177 156 euros plus 10 %, soit 194 871 euros.

Notion de loyer acquitté – On peut s'interroger sur la notion de « loyer acquitté au cours de l'année précédente ». S'agit-il du loyer que le preneur aurait dû acquitter ou de celui qu'il a effectivement

Page 80: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

réglé ? Dans ce dernier cas, on peut s'attendre à ce que certains preneurs, habillement conseillés, règlent le premier loyer acquitté servant de base au calcul des « paliers » successifs à un montant bien inférieur, voire ne règlent pas ce loyer (J. Monéger, Les baux commerciaux dans le projet de loi Pinel : cherche sénateur linguiste, désespérément : Loyers et copr. 2014, repère 3).

Exclusions – Sont implicitement exclus de ce plafonnement du déplafonnement :• les baux dont les loyers en renouvellement sont automatiquement fixés à la valeur locative, tels que les terrains nus, les locaux monovalents et les bureaux,• les baux dont lesquels les parties ont conventionnellement convenu que le loyer en renouvellement devait être fixé à la valeur locative.Il restera à déterminer si la variation du loyer automatiquement fixé à la valeur locative du fait d'une durée effective de plus de douze années sera ou non plafonné. Une lecture stricte des nouveaux textes devrait conduire à répondre par la négative.

Interrogations. – Deux interrogations se posent :• l'une concernant l'application de la clause d'indexation en présence d'un lissage de l'augmentation et la manière dont vont devoir se concilier l'augmentation annuelle du loyer acquitté et la variation annuelle du loyer résultant de la clause d'indexation (J.-P. Dumur, Loi Pinel et « Plafonnement du déplafonnement ». Quadrature du cercle et casse-tête chinois ! : AJDI juin 2014, p. 405. – F. Planckeel, Bail à paliers et lissage du déplafonnement vs révision et plafonnement : Loyers et copr. 2015, étude 3. – E. Chavance, S. Regnault, Le loyer après la loi Pinel : CDE 2015, p. 22).• l'autre concernant la détermination du loyer qui devra être pris en compte pour le calcul du loyer plafonné lors du renouvellement suivant : s'agit-il de la valeur locative fixée par le juge ou le loyer issu de la première augmentation annuelle, mais dans cette hypothèse, le loyer plafonné sera inférieur au loyer après application du lissage (E. Chavance, S. Regnault, Le loyer après la loi Pinel : CDE 2015, p. 22).

Section 2. LES MÉTHODES ÉCONOMIQUES : la valeur locative

Les éléments à prendre en considération pour la détermination de la valeur locative sont fixés par l'article L. 145-33 du Code de commerce. Ils sont au nombre de cinq, à savoir :• les caractéristiques du local considéré ;• la destination des lieux ;• les obligations respectives des parties ;• les facteurs locaux de commercialité ;• les prix couramment pratiqués dans le voisinage.Ce texte est complété par les articles R. 145-3 à R. 145-8 du Code de commerce, qui précisent de quelle manière doivent s'apprécier les éléments de référence de la valeur locative, étant rappelé que la valeur locative des terrains, des bureaux et des locaux dits « monovalents » est déterminée selon des règles particulières.Il est également rappelé que le loyer du bail renouvelé ne peut être fixé à la valeur locative que lorsqu'il existe une cause de « déplafonnement ».

Caractère limitatif – Il est généralement admis que les critères d'appréciation de la valeur locative énoncés par l'article L. 145-33 ont, lorsque la fixation du loyer intervient judiciairement, un caractère limitatif. Le juge est obligé de s'y référer (J. Derruppé, G. Brière de l'Isle, R. Maus et P. Lafarge, Baux commerciaux : Dalloz, n° 614. – J. Debeaurain, Guide des baux commerciaux : Ann. Loyers sept.-oct 2013, n° 534).La législation a sur ce point évolué dans le temps. Elle a été dans le sens d'une restriction croissante des pouvoirs du juge (V. J. Derruppé, G. Brière de l'Isle, R. Maus et P. Lafarge, préc.).

Page 81: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Ne peuvent donc être pris en considération, parce qu'ils ne font pas partie des critères retenus par la loi :• le « loyer rentabilité », c'est-à-dire le loyer auquel devrait pouvoir prétendre le bailleur pour assurer une rentabilité normale du capital investi représenté par la valeur de l'immeuble loué (J. Debeaurain, préc., n° 537. – L. Ruet, Les baux commerciaux : Lextenso, 3e ed. 2015, n° 202). Cependant rien n'interdit de porter cet élément d'appréciation à la connaissance du juge, afin de faire apparaître par exemple le niveau nettement anormal du loyer ;• les recettes du locataire : le bailleur n'étant pas l'associé du locataire, et le chiffre d'affaires effectué par ce dernier pouvant être fonction tant de l'emplacement du local loué que de son dynamisme personnel, il ne s'agit pas là d'un élément significatif (J. Debeaurain, préc., n° 539. – sur la condamnation d'une référence exclusive à l'évaluation de la valeur locative à partir des recettes du locataire, V. Cass. com., 24 févr. 1964 : Bull. civ. 1964, III, n° 88).De même, il n'y a pas lieu de prendre en compte l'enseigne pour la détermination de la valeur locative (CA Paris, 16e ch., sect. A, 13 déc. 2000 : Administrer mars 2001, p. 29, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara).

A. Caractéristiques des locaux loués a) Éléments à prendre en considération – Les éléments à prendre en considération au titre des « caractéristiques propres au local » loué sont énumérés par les articles R. 145-3 et R. 145-4 du Code de commerce (D. 30 sept. 1953, art. 23-1, ancien).Il s'agit de la situation du local dans l'immeuble, de la commodité des accès pour le public, de sa surface, de son volume et des rapports entre ses diverses dimensions, de la « conformation de chaque partie et de son adaptation à l'activité exercée », de l'état d'entretien du local et de sa conformité aux normes, des équipements et moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire, de l'existence de locaux accessoires ou annexes et de dépendances.

Le cas où des locaux d'habitation sont inclus dans la location fait l'objet d'une disposition spéciale (C. com., art. R. 145-4).

b) Emplacement du local – Ce qui est ici visé est l'emplacement du local « dans l'immeuble » (C. com., art. R. 145-3, 1°) et non pas dans la rue ou le quartier. Cet emplacement est a priori de nature à avoir un retentissement sur la valeur locative, car il est plus ou moins favorable (emplacement en rez-de-chaussée ou en étage, sur rue ou sur cour, emplacement d'angle, etc.). Mais tout est fonction de l'activité exercée. Un abattement de 15 % a été ainsi pratiqué pour des locaux en sous-sol, sans vitrine ni terrasses, ce qui constitue un facteur négatif pour l'exploitation de restauration en journée (CA Chambéry, 24 juin 2008, n° 07/01676 : JurisData n° 2008-367031).

c) Commodité d'accès – L'accessibilité des lieux loués est également de nature à influer sur la valeur locative. L'article R. 145-3, 1° du Code de commerce parle de la “commodité de son accès pour le public”.Cette accessibilité est, au sens large, fonction de plusieurs facteurs : desserte ferroviaire, existence d'une station de métro, de RER ou d'autobus proche, possibilité de stationnement (CA Paris, 20 janv. 2007, n° 06/07579 : JurisData n° 2007-324747), situation en zone piétonnière, etc.

Page 82: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Mais il faut également tenir compte de la commodité ou de l'incommodité des accès propres à l'immeuble : par exemple du fait qu'un escalier étroit commande l'accès du local situé en étage.

d) Surface. Volume. Rapports entre les diverses dimensions du local – Autre élément susceptible de retentir sur la valeur locative : les surfaces des locaux, et plus particulièrement selon l'article R. 145-3, 2° du Code de commerce “l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux” (savoir : activité administrative, stockage, locaux consacrés à la préparation des marchandises ou à leur conditionnement, etc.). Ces surfaces font généralement l'objet de « pondérations. La décision du locataire de ne pas exploiter certaines des surfaces louées n'est pas opposable au bailleur et est donc sans incidence sur le calcul de la valeur locative (Cass. 3e civ., 3 avr. 2012, n° 10-21.008 : Loyers et copr. 2012, comm. 170, note E. Chavance).Pour les locaux de très petites dimensions (vente de sandwiches, crêperies, boutiques, kiosques, etc.) situés dans des emplacements de très bonne commercialité, il est d'usage de majorer la valeur locative parfois de 20 à 30 %. L'effet dit « de bonbonnière », qui justifie cette majoration, ne concerne pas tous les locaux de très petite taille mais seulement ceux dans lesquels est exploité un commerce qui s'accommode facilement du manque d'espace tout en bénéficiant du bon rapport de la surface au chiffre d'affaires. Ce n'est pas le cas pour une boutique de 9, 20 mètres carrés réels, affectée à la vente de vêtements (CA Paris, 16e ch., sect. B, 12 oct. 2001 : Administrer févr. 2002, p. 29, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara).

Est également à considérer le « volume » des locaux, fonction de leur hauteur sous plafond et ajoute le texte (C. com., art. R. 145-3, 3°), ses dimensions, et “l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux”.

e) Adaptation à l'activité exercée – Il faut également tenir compte parmi les caractéristiques des locaux loués de la “conformation de chaque partie [de l'immeuble] et de son adaptation à l'activité exercée”.Si une partie d'immeuble est louée à usage de réserve ou d'entrepôt par exemple, est-elle parfaitement adaptée à cette fonction. Quel est le degré d'adaptation de l'immeuble lui-même à l'activité pour laquelle il a été loué ? Telles sont les questions qu'invite à se poser l'article R. 145-3, 3° du Code de commerce.

f) État d'entretien de l'immeuble – L'article R. 145-3, 4°, cite comme autre élément influant sur la valeur locative “l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité” (des locaux) et le cas échéant, leur “conformité aux normes exigées par la législation du travail”.Si les locaux sont en mauvais état d'entretien ou non conformes aux normes réglementaires (concernant l'hygiène, la sécurité, etc.), la valeur locative sera diminuée. Selon certaines décisions, il n'y aurait pas lieu de rechercher à qui incombe la responsabilité de cet état de choses (CA Paris, 16e ch., 21 déc. 1970 : Rev. loyers 1971, p. 454. – CA Lyon, 14 mai 1975 : Rev. loyers 1975, p. 493).Le bon état de l'immeuble peut faire que le loyer soit fixé à un prix supérieur à celui de locaux commerciaux voisins (CA Paris, 12 juill. 1983 : D. 1983, inf. rap. p. 401).

Page 83: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

g) Existence de locaux accessoires ou annexes et de dépendances – L'existence de locaux accessoires (cave, réserve, etc.) ou annexes (par exemple des parkings) ou de dépendances (par exemple un local à usage d'entrepôt ou de locaux de manutention) influe sur la valeur locative. Il doit toutefois s'agir de locaux “loués par le même bailleur et susceptibles d'une utilisation conjointe avec les locaux principaux” (C. com., art. R. 145-4, al. 1).Ces locaux accessoires, annexes ou dépendances peuvent exceptionnellement (si, par exemple ils ont « la même présentation, offrent les mêmes commodités et jouissent de la même exposition », si bien qu'ils pourraient servir du jour au lendemain de locaux de vente), être affectés du même coefficient (V. n° 42 à 44) que le magasin principal (Cass. 3e civ., 5 juin 1970, n° 68-13.552 : JurisData n° 1970-000384 ; Bull. civ. 1970, III, n° 384). Peu importe que ces locaux ne soient pas utilisés par le locataire. Dès lors qu'ils sont utilisables, il y a lieu de les prendre en compte pour le calcul de la valeur locative (CA Paris, 15 mars 1988 : Ann. loyers 1989, p. 625).

h) Équipements et moyens d'exploitation – L'article R. 145-3, 5° du Code de commerce invite à considérer “la nature et l'état des équipements et les moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire”. Ainsi le fait que le locataire dispose d'une terrasse justifie la majoration de la valeur locative (en l'espèce 10 %, CA Paris, 16e ch., sect. B, 20 sept. 2007, n° 06/16945 : JurisData n° 2007-344404). De même s'il dispose d'un logement inclus, qui lui permet « d'optimiser son activité » (majoration de 2 %, CA Paris, 16e ch., sect. A, 12 déc. 2007, n° 05/11926 : JurisData n° 2007-356690).On observera qu'il y a lieu de prendre en compte non seulement la nature des équipements (par exemple : ascenseur, monte-charge, etc.) et des « moyens d'exploitation » (par exemple : un quai de déchargement, une ligne ferroviaire particulière pour une exploitation industrielle, etc.) mais également leur état.

i) Locaux d'habitation inclus dans la location – L'article R. 145-4 du Code de commerce, alinéa 2 prévoit le cas où les lieux loués comportent une partie affectée à l'habitation. Selon ce texte, la valeur locative de cette partie doit être déterminée “… par comparaison avec les prix pratiqués pour des locaux d'habitation analogues faisant l'objet d'une location nouvelle, majorés ou minorés, pour tenir compte des avantages ou des inconvénients présentés par leur intégration dans un tout commercial”.

Une première difficulté concerne les loyers de comparaison auxquels le texte invite à se référer. Dans son alinéa 2, l'article R. 145-4 du Code de commerce invite à prendre en considération “les prix pratiqués dans des locaux d'habitation analogues faisant l'objet d'une location nouvelle” : c'est-à-dire les prix de locaux libres donnés ou redonnés à bail (J. Debeaurain, préc. n° 3, n° 552. – Ph. H. Brault et J.-D. Barbier, Le statut des baux commerciaux : Gaz. Pal. 2009, p. 232. – J.-P. Blatter, Droit des baux commerciaux : éd. Le Moniteur, 5e éd. 2017, p. 288).

Une deuxième difficulté, d'ordre pratique cette fois, concerne la mise en œuvre de la directive donnée par l'article R. 145-4 du Code de commerce, alinéa 2. Le loyer ainsi déterminé doit être “majoré ou minoré pour tenir compte des avantages ou inconvénients” résultant de “l'intégration des locaux dans un tout commercial”. Il s'agit ici d'apprécier cas par cas quelle est l'éventuelle pondération à appliquer au loyer fixé par comparaison. Il faudra pour ce faire tenir compte de la proximité ou de l'éloignement des locaux d'habitation, de la possibilité de cession séparée, de la possibilité d'utiliser éventuellement ces locaux comme bureaux ou entrepôts ou comme annexes, etc. (J. Debeaurain, préc. n° 3, n° 552. – pour une minoration de 50 % de la valeur locative du logement pour tenir compte de ses difficultés d'accès, CA Reims, 30 juill. 2007, n° 05/02068 : JurisData n° 2007-343111).

Page 84: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

B. Destination des lieux a) Influence de la destination des lieux sur la valeur locative – La « destination des lieux » à prendre en compte pour l'appréciation de la valeur locative est, aux termes de l'article R. 145-5 du Code de commerce, “celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L. 145-55”.L'idée que le texte met en œuvre est, que plus les possibilités de changement d'affectation sont étendues, compte tenu de la « destination des lieux » prévue au bail, plus la valeur locative doit être majorée (V. Robine et Mignot : Gaz. Pal. 1976, 1, doctr. p. 376).

RetraiteToutefois, l’article L. 145-51 prévoit une déspécialisation spécifique en matière de départ à la retraite :« Lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité attribuée par le régime d'assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales, a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification. A défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal de grande instance.La nature des activités dont l'exercice est envisagé doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble.Les dispositions du présent article sont applicables à l'associé unique d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ou au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une société à responsabilité limitée, lorsque celle-ci est titulaire du bail ».Le départ à la retraite est donc un moyen de modifier la destination du local commercial.Dans un arrêt récent (Cass. 3ème civ., 5 avril 2018, n°17-14882), la Cour de cassation a considéré ce droit du retraité à céder son bail comme d’ordre public : une clause d’agrément est contraire aux dispositions d’ordre public de la cession de bail en cas de départ à la retraite du locataire.

b) Clause « tous commerces », ou faculté de sous-louer – La clause autorisant le locataire à exercer tout commerce ou plusieurs commerces influe favorablement sur la valeur locative car le nombre des acquéreurs possibles du droit au bail s'en trouve augmenté. La majoration de la valeur locative peut atteindre en ce cas 10 % (Cass. 3e civ., 3 nov. 2005, n° 04-16.376 : Bull. civ. 2005, III, n° 208. – CA Nancy, 2 déc. 2008 : JurisData n° 2008-375123. – CA Colmar, 1re ch., sect. B, 28 mars 2007, n° 1B04/05641 : JurisData n° 2007-346322 – CA Nancy, 2 déc. 2008, n°04/03605) ou même exceptionnellement 20 % (TGI Paris, 20 oct. 1981 : Ann. loyers 1982, p. 956. – TGI Marseille, 6 mai 1987 : Ann. loyers 1988, p. 704. – J. Debeaurain, préc. n° 3, n° 553. –Ferbos, Méthodologie d'évaluation des valeurs locatives commerciales : Gaz. Pal. 1983, 1, doctr. p. 231).Cette majoration est modulée en fonction des circonstances, par exemple limitée à 5 % (CA Paris, 16e ch., sect. A, 3 oct. 2007, n° 04/12711 : JurisData n° 2007-347226), ou majorée de 15 % en raison de la destination du local à usage de pharmacie et du monopole d'activité en résultant (CA Limoges, 1re ch., sect. B, 10 avr. 2007, n° 06/00293 : JurisData n° 2007-344676). Il faut en effet tenir compte des possibilités effectives d'exercer des activités différentes. Si le local, compte tenu de sa superficie réduite ou de sa configuration, ne peut en fait intéresser qu'un nombre d'activités très

Page 85: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

limité, la majoration sera faible ou même nulle, par exemple majoration limitée à 2, 5 % (CA Paris, 16e ch., sect. A, 20 déc. 2007 : JurisData n° 2007-354694).

De même, il est d'usage de majorer la valeur locative lorsque le bail comporte l'autorisation de sous-louer, ce qui peut donner lieu à une majoration de 5 à 10 % (TGI Paris, 8 juill. 1980 : Ann. loyers 1982, p. 126. – TGI Marseille, 28 janv. 1987 : Ann. loyers 1988, p. 704. – J. Debeaurain, préc. n° 3, n° 417. – pour une majoration limitée à 2 %, CA Paris, 16e ch., sect. A, 2 juill. 2008, n° 07/10860 : JurisData n° 2008-367187). Mais là encore il faut tenir compte de l'avantage que peut tirer le locataire de cette clause. Il n'y a pas lieu à majoration lorsque le bail autorise la libre location-gérance et l'occupation des lieux par le locataire gérant (CA Paris, 16e ch., sect. A, 3 oct. 2007, n° 04/12711 : JurisData n° 2007-347226).

C. Obligations respectives des parties – Indépendamment des facteurs déjà évoqués, l'article R. 145-8 du Code de commerce invite à prendre en considération pour l'appréciation de la valeur locative :• les “restrictions à la jouissance des lieux” ;• les obligations incombant normalement au bailleur dont il s'est déchargé sur le locataire sans contrepartie ;• les obligations imposées au locataire au-delà de celles découlant de la loi ou des usages ;• les obligations légales nouvelles génératrices de charges imposées à l'une ou l'autre des parties depuis la prise d'effet du bail à renouveler.

Restrictions à la jouissance des lieux – Les restrictions à la jouissance des lieux imposées par le bail sont des facteurs de diminution de la valeur locative. Ainsi :• lorsque le bail impose une jouissance personnelle (qui interdit par exemple la mise en location-gérance du fonds) avec une interdiction de céder le droit au bail sauf à un successeur dans le commerce;• lorsque le bail impose des sujétions diverses au locataire (par exemple, un droit de passage au profit du bailleur, CA Paris, 9 nov. 1970 : AJDI 1972, p. 331).

a) Transfert d'obligations ou de charges sur le locataire – Au titre des éléments influant sur la valeur locative, l'article R. 145-8 du Code de commerce vise :• les “obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie” ;• les “obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages”.Ces deux textes qui peuvent apparaître comme quelque peu redondants expriment une même idée. Il convient dans chaque cas de rechercher :• quelles auraient été « normalement » les obligations et les charges pesant sur le bailleur. La « norme » à laquelle il convient de se référer est fixée soit par la loi soit par les usages (usages locaux, usages dans la branche d'activité considérée, etc.) ;• quelles sont en fait les obligations et charges que le bailleur supporte. Si elles sont minorées par rapport à ce qu'elles auraient pu ou dû être, le loyer du bail renouvelé doit en tenir compte. C'est principalement en matière de travaux et réparations, et en matière de charges fiscales, que cette idée va recevoir application.

Page 86: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

b) Travaux et réparations – En cette matière, les obligations du bailleur et du locataire sont définies par le Code civil. Le locataire n'est tenu que des réparations locatives et d'entretien.Si le bail oblige le locataire à effectuer toutes les réparations (ce qui est à distinguer du cas où le bail indique que le locataire ne pourra demander au bailleur aucune réparation), on est en présence de ce que l'on pourrait appeler une « clause exorbitante du droit commun ».

Si le locataire a été amené à effectuer des travaux, ou s'il est sur le point de le faire, ces travaux seront retenus pour leur valeur et amortis sur la durée du bail. À défaut, on appliquera un abattement en pourcentage de la valeur locative (Cass. 3e civ., 3 janv. 1985 : Bull. loyers 1985, n° 216) qui variera selon les circonstances.Il faudra à ce propos prendre en compte l'état de l'immeuble, l'importance des surfaces louées (CA Paris, 16e ch., sect. B, 30 oct. 1986 : Loyers et copr. janv. 1987, n° 35). S'il est en très bon état et de bonne qualité, l'obligation imposée au locataire peut n'entraîner pour lui aucune charge effective. L'abattement peut alors être faible (par exemple de 5 %, TGI Marseille, 15 juin 1986 : Ann. loyers 1986, p. 1073. – CA Paris, 11 mars 1987 : Gaz. Pal. 1987, 2, somm. p. 449. – ou même de 2 %, lorsqu'il apparaît qu'aucunes grosses réparations ne seront prochainement nécessaires, CA Paris, 16e ch. A, 18 déc. 2008 : JurisData n° 2008-373840 . – V. également pour un abattement limité à 4 %, CA Paris, 16e ch., sect. A, 4 févr. 2009 : JurisData n° 2009-377621. – ou à 6 %, CA Paris, 16e ch., sect. A, 7 nov. 2007, n° 06/17719 : JurisData n° 2007-356093).

En dehors de ces circonstances particulières, lorsque le locataire doit effectuer tous les travaux y compris les grosses réparations, l'abattement est fixé en moyenne à 10 % (V. par exemple, CA Paris, 16e ch., sect. B, 20 déc. 2007, n° 07/02459 : JurisData n° 2007-354694. – CA Nancy, 1re ch. civ., 2 déc. 2008 : JurisData n° 2008-375123) et il peut aller jusqu'à 20 % (V. dans un cas où le locataire était tenu d'importants travaux d'entretien, CA Paris, 16e ch., sect. A, 2 juill. 2008 : JurisData n° 2008-369744 . –CA Paris, 16 juin 1972 : Rev. loyers 1972, p. 415. – CA Paris, 25 janv. 1987 : Ann. loyers 1988, p. 705. – CA Paris, 8 juill. 1988 : Ann. loyers 1989, p. 1175).Il faut aussi tenir compte des usages. Ainsi lorsque les locaux sont situés dans un centre commercial, il peut être considéré comme étant de pratique courante de les livrer « bruts de béton », les travaux d'aménagement étant pris en charge par le locataire (pour une clause de ce type, CA Versailles, 12e ch., 25 janv. 1990 : Rev. loyers 1990, p. 275).

c) Impôts et taxes – En l'espèce, l'existence d'un transfert de charges est facile à diagnostiquer. Ce cas se rencontrera chaque fois que le bailleur imposera au locataire le paiement d'impôts et taxes qui légalement lui incombent.À défaut de clause expresse du bail mettant à la charge du preneur l’impôt foncier, ce dernier n’est pas redevable de la taxe foncière. Le fait pour le preneur d’avoir accepté de la payer durant plusieurs années (17 ans) n’équivaut pas à la reconnaissance faite par lui que cette charge lui incombe. En conséquence, le bailleur sera condamné à rembourser au locataire les sommes versées au titre des taxes foncières pour les années non atteintes par la prescription (CA Paris, 5-3, 17 janv. 2018, no 16/08381).

L'exemple le plus fréquent est celui où le bail met à la charge du locataire le paiement de la taxe foncière, ou encore de la taxe annuelle sur les bureaux. En ce cas, le poids financier effectif de la charge peut être aisément mesuré. Elle doit se traduire par une minoration de la valeur locative (sur le principe, V. Cass. soc., 21 déc. 1939 : Gaz. Pal. 1940, 1, p. 323. – Cass. com., 1er mars 1965 : Bull. civ. 1965, III, n° 155. – TGI Angers, 9 mai 1968 : Rev. loyers 1968, p. 422. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 4 avr. 2007, n° 06/04267– CA Paris 16e B, 18 mai 2001, n°1997/03039 – CA Paris 5-3, 30 nov. 2011, n°10/05085 – CA Paris 5-3, 26 juin 2013, n°09/24268).

Page 87: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Cette minoration consiste à déduire le montant de la taxe transférée de la valeur locative (Cass. 3e civ., 24 mars 2015, n°13-23.553 : Administrer mai 2015 p. 21).Toutefois la méthode n’est pas impérative et la Cour de cassation a rappelé que les juges du fond adoptent la méthode qui leur paraissait la plus appropriée (Cass. 3e civ., 16 mars 2017, n°16-11.972).

Lorsque la taxe foncière dont le paiement incombe normalement au bailleur avait été mise à la charge du preneur, les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages, et en particulier la taxe foncière, constituent un facteur de diminution de la valeur locative ; la cour d’appel a, par une appréciation souveraine de la méthode d'évaluation qui lui paraissait la plus appropriée, déduit le montant de l'impôt foncier de la valeur locative (Cass. 3e civ., 15 fév. 2018, n°16-19818, Gaz. Pal. 17 juill. 2018, p. 57, obs. J.-D. Barbier).

Une discussion a eu lieu de savoir si la détermination des prix dans le voisinage, selon l’article R. 145-7 du Code de commerce, doit prendre en compte les charges visées à l’article R. 145-8. Des auteurs contestent cette interprétation au motif que l’article R. 145-7 ne renvoie pas à l’article R. 145-8 et la notion de prix « couramment pratiqués dans le voisinage » ne doit pas tenir compte des charges payées (F. Auque, La partie réglementaire du Code de commerce, RJ com. 2007 p. 21).La Cour de cassation n’a pas validé cette proposition et il résulte de cette décision du 15 février 2018 que l’impot foncier doit systématiquement venir en déduction de la valeur locative, et ce malgré l’opinion contraire de la doctrine (F. Auque, précité ; J.-D. Barbier, précité).

d) Charges diverses – Toutes les charges constituant en fait un supplément indirect de loyer doivent être prises en considération pour la fixation du loyer du bail renouvelé (Cass. 3e civ., 11 juill. 1968 : Ann. loyers 1969, p. 603).Ainsi, lorsque le bail prévoit un forfait pour charges de 10 à 15 % du loyer qui dépasse en fait le montant réel des taxes locatives et le coût effectif des charges (Cass. com., 7 oct. 1953 : Bull. civ. 1953, III, n° 204. – TGI Paris, 7 oct. 1986 : AJPI 1987, p. 203).

De même, lorsque le bail impose au locataire le paiement de l'ensemble des charges de copropriété (TGI Marseille, 6 févr. 1990 : Ann. loyers 1991, p. 660. – V. J. Debeaurain, préc. n° 3, n° 410 bis), ou encore le paiement de charges de gardiennage, qui sont d'une utilité très marginale pour les locaux considérés (CA Paris, 16e ch., sect. A, 28 janv. 2009 : JurisData n° 2009-376438).

Dans la pratique, après avoir relevé les diverses « charges exorbitantes » du droit commun pesant sur le locataire (taxe foncière, assurance, grosses réparations etc.) les tribunaux appliquent un abattement global fixé entre le 15 et 20 % (CA Paris, 16e ch., sect. A, 19 mars 2008 : JurisData n° 2008-362854. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 2 juill. 2008 : JurisData n° 2008-367187. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 7 mai 2008, n° 07/07676 : JurisData n° 2008-363515. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 12 sept. 2007, n° 06/12515 : JurisData n° 2007-349978. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 27 juin 2007, n° 06/15519 : JurisData n° 2007-338391).

L'objectif doit être dans chaque cas de déterminer le coût réel de la charge transférée : il ne faut donc pas appliquer systématiquement un abattement forfaitaire.

D. Facteurs locaux de commercialité L'article R. 145-6 du Code de commerce énumère les éléments constitutifs de cette notion de « facteurs locaux de commercialité ». Selon ce texte, ils dépendent «

Page 88: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

principalement » (ce qui laisse entendre que les indications fournies par ce texte ne sont pas limitatives) :• de l'intérêt que présente pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé ;• du lieu de son implantation ;• de la répartition des diverses activités dans le voisinage ;• des moyens de transport ;• de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée ;• des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

E. Prix pratiqués dans le voisinage L'article R. 145-7 du Code de commerce qui régit la matière est ainsi rédigé :Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.À défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

Ce texte pose les critères de choix des loyers de comparaison (a), mais il laisse entier le point de savoir s'il est ou non possible – et dans quelle mesure – de se référer aux loyers du marché (b).

a) Choix des loyers de comparaison Critères de comparabilité – L'article R. 145-7 du Code de commerce fournit à l'expert et au juge plusieurs directives :• la première est que les loyers de référence doivent être pris “dans le voisinage”, c'est-à-dire en pratique à proximité, dans la rue ou le quartier. À défaut, ils ne seraient pas significatifs, même avec l'emploi de correctifs. Ils peuvent éventuellement concerner des loyers pratiqués dans l'immeuble même ;• la deuxième est qu'il doit s'agir de prix pratiqués “par unité de surface”, et donc ramenés au mètre carré et éventuellement pondérés;• la troisième est que les loyers doivent concerner des locaux “équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6”, c'est-à-dire en ce qui concerne les « caractéristiques des locaux » (C. com., art. R. 145-3 et R. 145-4), la « destination des lieux » (C. com., art. R. 145-5), les obligations respectives des parties telles qu'elles résultent des clauses du bail (C. com., art. R. 145-8) et les facteurs locaux de commercialité (C. com., art. R. 145-6).

Centres commerciaux – Il doit y avoir une certaine homogénéité entre les références retenues. Ainsi s'il s'agit de fixer le loyer de locaux situés dans un centre commercial, on estime généralement que les loyers de comparaison doivent être pris dans le centre lui-même (CA Paris, 16e ch., sect. B, 3 oct. 1997 : Administrer déc. 1997, p. 29, obs. B. Boccara). Il n'y a lieu de tenir compte ni des loyers pratiqués dans des commerces traditionnels, même au sein d'une rue piétonne voisine, trop différents par leur nature et ne comportant pas le pôle d'attraction essentiel du supermarché, ni des centres commerciaux d'autres villes ou régions dont il n'est pas possible de retenir avec certitude des données identiques (CA Caen, 1re ch., 24 mai 1985 : JCP G 1986, II, 20656, note B. Boccara. – V. dans le même sens, CA Paris, 16e ch., sect. A, 1er févr. 1983 : AJPI 1983, p. 394. – Juge loyers

Page 89: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

commerciaux Marseille, 7 déc. 1983, cité par Fau : Ann. loyers 1992, p. 924. – TGI Versailles, 26 juin 1984 : AJPI 1984, p. 541). Toutefois, certaines décisions ont admis la possibilité de rechercher des éléments de comparaison dans d'autres centres commerciaux (CA Montpellier, 3 nov. 2009 : Loyers et copr. 2010, comm. 142, obs. E.C).

Application éventuelle de correctifs – Le législateur a été conscient de ce que les critères de comparabilité qu'il avait posés seraient difficiles à réunir. Il dispose (C. com., art. R. 145-7, al. 2) que “à défaut d'équivalence”, les loyers recueillis peuvent néanmoins être utilisés “à titre indicatif” sauf à être corrigés.Ces correctifs seront appliqués :• en considération “des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence” (ces différences concernant les divers éléments énumérés dans C. com., art. R. 145-3 à R. 145-6 ) ;• à raison “des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et des modalités de cette fixation”.En faisant allusion aux “modalités de fixation” du loyer, le texte invite indirectement à faire le départ entre les loyers fixés à l'amiable et judiciairement, et entre les loyers fixés avec ou sans pas-de-porte. Il renvoie ainsi au problème qu'il nous faut maintenant examiner : peut-on se référer aux « loyers du marché » ?

b) Loyer judiciaire et loyer du marché Valeur locative judiciaire et valeur locative du marché – L'article L. 145-33 du Code de commerce pose en principe que le loyer du bail à renouveler doit correspondre à la valeur locative. Le meilleur indicatif de la valeur locative d'un immeuble déterminé est constitué par le loyer que l'on pourrait en retirer en le proposant à la location (valeur locative du marché), en lui appliquant éventuellement les correctifs nécessaires pour tenir compte de facteurs de nature à fausser les appréciations (mauvaise estimation des parties en cause due à leur ignorance du marché ; prix de convenance, etc.).Mais ce n'est pas cette valeur locative du marché qui, sauf exception, va servir de référence pour la fixation du loyer du bail à renouveler mais (lorsque le juge est amené à fixer le loyer) la « valeur locative judiciaire ». Or, cette valeur locative judiciaire a pris un retard croissant par rapport à la valeur locative du marché : on a pu constater un écart de 1 à 3 et parfois plus dans certains secteurs (V. B. Boccara, Baux commerciaux. De la valeur locative déplafonnée : Loyers et copr. 1993, chron. 2).

Ceci est dû à divers facteurs :• le premier est que, jusqu'à ce qu'intervienne le décret n° 66-12 du 3 janvier 1966, l'article 23 du décret du 30 septembre 1953 invitait le juge à fixer la « valeur locative équitable ». Cette référence à la notion d'équité conférait donc au juge un large pouvoir d'appréciation. Cette référence à la notion de « valeur locative équitable » a disparu et les pouvoirs du juge sont plus limités. Mais sa décision est dans une certaine mesure tributaire des fixations de loyers antérieures ;• une deuxième explication de ce retard des fixations judiciaires par rapport aux valeurs locatives du marché est le système légal de « plafonnement » du loyer qui, précisément, empêche le retour à la valeur locative sauf les cas exceptionnels où le « déplafonnement » est admis (V. J. Derruppé, Faut-il supprimer le statut des baux commerciaux ? : AJDI 2000, p. 510) ;• enfin lorsqu'un « déplafonnement » intervient, on constate que le juge fixe la valeur locative du loyer du bail renouvelé en deçà de la valeur locative de marché. En effet, à la suite de ce que l'on a qualifié de « dérives » (M.-L. Sainturat, Le loyer de déplafonné. Quelle valeur locative ? : Administrer août-sept. 2004, p. 13), le juge, dans un esprit de modération, puise les éléments de comparaison, quelles que soient les modalités de la fixation initiale du loyer, parmi non seulement les prix du marché, mais aussi les renouvellements amiables et les fixations judiciaires (C. Saint-Geniest-Conbastet, La dualité de valeur, la fixation par le juge des loyers : AJDI 2003, p. 105). On a donc assisté

Page 90: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

à un véritable « plafonnement judiciaire », en marge de l'application du plafonnement légal (J. Derruppé, préc., p. 512).Les incidences de ces mécanismes de plafonnement ont été encore aggravées de manière conjoncturelle par les lois de « blocage » des loyers.

Une des conséquences perverses de cet état de choses est que le locataire en place a généralement intérêt à laisser fixer le loyer par le juge, lorsque les exigences du bailleur – même si elles sont légitimes du point de vue de l'équité – tendent à obtenir une augmentation du loyer qui lui paraît excessive.

Lorsque l'article R. 145-7 du Code de commerce invite à se référer aux « prix pratiqués dans le voisinage », il semble bien qu'il renvoie par là-même aux prix du marché (en ce sens, Ch. Aubry, Ch. Rau, Traité de droit civil : t. V, vol. 2, Litec, 7e éd., par M. Pédamon, p. 127). « Les prix couramment pratiqués dans le voisinage sont nécessairement les prix de marché librement négociés par le bailleur et le locataire » énonce ainsi un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 5 décembre 2002 (CA Versailles, 12e ch., sect. 1, 5 déc. 2002, n° 01/00854 : JurisData n° 2002-197339 ; Loyers et copr. 2003, comm. 38, obs. Ph.-H. Brault. – V. aussi, J. Monéger, Expertise immobilière, libres propos sur la recherche de référence : AJDI 2002, p. 281).On sait qu'il existe des écarts importants entre les prix du marché et les valeurs locatives judiciairement fixées. Appliquer le loyer du marché peut se traduire par une augmentation de loyer insupportable. Il s'agit, a-t-on dit, d'une solution « dont la brutalité est difficilement acceptable » (B. Boccara, Baux commerciaux. De la valeur locative déplafonnée : Loyers et copr. 1993, chron. 2 s.).

À l'inverse, se référer uniquement aux loyers fixés judiciairement est une méthode qui conduit à pérenniser le « décrochement » des loyers judiciaires par rapport aux loyers du marché (V. sur ce point, obs. crit. M. Robine et Mignot : Gaz. Pal. 1976, 1, doctr. p. 379. – V. également Sellon : Gaz. Pal. 1982, 2, doctr. p. 481).Si le juge peut parfaitement puiser des renseignements dans des expertises judiciaires antérieures (Cass. 3e civ., 9 mai 1973 : Rev. loyers 1973, p. 447), il ne doit pas oublier que l'évaluation du loyer doit être avant tout fonction de « l'évolution des circonstances locales et des particularités propres à l'usage des lieux » (Cass. 3e civ., 10 mai 1968 : Rev. loyers 1968, p. 384).

Pratique judiciaire – En pratique, et pour tenter d'opérer un rattrapage progressif entre les valeurs locatives judiciaires et les valeurs locatives du marché, on pourrait imaginer d'appliquer des taux de rattrapage, fonction des ratios valeurs locatives judiciaires/valeurs locatives de marché (B. Boccara, préc. n° 35).Mais telle n'est pas la pratique dominante (Ph.-H. Brault et J.-D. Barbier, préc. n° 14, p. 242). La cour d'appel de Paris applique pour sa part un système de mixage, en considérant « qu'en toute hypothèse, les prix judiciairement fixés doivent être combinés avec ceux librement déterminés alors surtout que la location a été consentie initialement sans versement d'indemnité » (CA Paris, 13 juin 1985 : Gaz. Pal. 1985, 2, somm. p. 396, note Barbier. – CA Paris, 20 janv. 1983 : Gaz. Pal. 1983, 1, somm. p. 17, note Brault. – CA Paris, 16 janv. 1980 : Rev. loyers 1981, p. 82, note Rémy et Pialoux. – CA Paris, 2 nov. 1993 : Gaz. Pal. 1994, 1, somm. p. 117, obs. J.-D. Barbier. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 12 sept. 2005, n° 04/02379 : JurisData n° 2005-289567 ; Administrer nov. 2005, p. 25. – CA Paris, 16e ch. A, 27 juin 2007 : Administrer nov. 2007, p. 32, obs. D. Lipman-Boccara. – V. aussi Vigié : AJPI 1985, p. 736).

Un arrêt de la cour de Paris s'est cependant référé aux « loyers du marché », en excluant toutefois ceux des baux dérogatoires (CA Paris, 16e ch., sect. A, 2 sept. 2009 : Administrer nov. 2009, p. 59, obs. A. Guillemain).

Le juge dispose en la matière d'une grande liberté, dès lors que la Cour de cassation s'en remet en la matière à son appréciation souveraine (Cass. 3e civ., 6 juill. 2005, n° 04-12.613 : JurisData n° 2005-029351 ; Bull. civ. 2005, III, n° 149 ; Administrer avr. 2006, p.

Page 91: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

25, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 3 juin 2004, n° 03-12.202 : JurisData n° 2004-023920 ; Bull. civ. 2004, III, n° 111. – Cass. 3e civ., 25 avr. 2001 : Administrer août-sept. 2001, p. 32, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara).

Cas des baux consentis sans « pas-de-porte » – Diverses juridictions ont estimé que, pour des baux consentis sans pas-de-porte, il convenait de « se référer à des prix de locations consenties dans les mêmes conditions » (CA Versailles, 2 mars 1983 : AJPI 1984, p. 733. – CA Douai, 26 avr. 1984 : AJPI 1984, p. 673. – CA Toulouse, 14 juin 1984 : AJPI 1985, p. 208. – TGI Versailles, 26 juin 1984 : AJPI 1984, p. 541. – CA Aix-en-Provence, 4e ch., sect. A, 23 mars 2000 : Administrer mai 2003, p. 25. – CA Versailles, 12e ch., 5 déc. 2002, n° 01/00854 : JurisData n° 2002-197339 ; Loyers et copr. 2003, comm. 38, obs. Ph.-H. Brault) Un arrêt s'est prononcé en sens contraire (CA Rennes, 24 sept. 2003 : Loyers et copr. 2004, comm. 148). La Cour de cassation saisie d'un pourvoi à l'encontre de cette décision l'a rejeté, en rappelant que les juges du fond fixaient souverainement la valeur locative en adoptant le mode de calcul qui leur paraît le meilleur. Elle se refuse donc à « officialiser » telle ou telle méthode et laisse libre cours à l'appréciation des juges du fond.

Le problème de la « décapitalisation » – Lorsque le locataire a versé une somme en capital pour l'acquisition du « droit au bail », ce versement, considéré comme la contrepartie d'un loyer modéré, devrait selon certains être « décapitalisé » pour tenter de reconstituer ainsi la valeur locative de marché, que le locataire aurait acceptée dans le cas d'un loyer pur et simple dit « à l'américaine ».Cette technique, acceptée par un arrêt de la cour d'appel de Paris (CA Paris, 16e ch., sect. A, 22 oct. 2003, n° 2001/20447 : JurisData n° 2003-229650. – confirmant TGI Paris, 8 nov. 2001 : Gaz. Pal. 8-9 févr. 2002, p. 47) est très controversée (V. en sens contraire, TGI Paris, 10 oct. 2001 : Gaz. Pal. 8-9 févr. 2002, p. 47. – et pour des opinions hostiles, J.-D. Barbier, Contre la décapitalisation : Gaz. Pal. 2002, doctr. p. 215. – F. Robine, La décapitalisation, le coq et le dindon ou la thèse inflationniste des bailleurs : Gaz. Pal. 2002, doctr. p. 217. – A. Vasselin, Doit-on amortir le droit au bail ou les pas-de-porte pour apprécier la valeur locative de marché : Gaz. Pal. 6-7 févr. 2009, p. 16. – J. Courneroux, K. Ferrand, F. Hauguel, M. Nicodème, Droit au bail et valeur locative : réflexions d'un groupe d'experts judiciaires : AJDI 2009, p. 761. – V. pour un bilan récent, H. Heugas-Darraspen et B. Pain, Pas de porte [ou droit d'entrée], droit au bail et références de loyer décapitalisés : AJDI 2015, p. 333 ; AJDI 2015, p. 422).

Le coefficient de décapitalisation varie entre 3 et 10 suivant la qualité de l'emplacement ; M. Vasselin (Doit-on amortir le droit au bail ou les pas-de-porte pour apprécier la valeur locative de marché, préc.) donne l'exemple suivant :Un locataire ayant un loyer de 10 000 euros ayant versé pour l'achat du droit au bail une somme de 100 000 euros pour un emplacement n° 1 aurait consenti à supporter une charge locative de : (100 000 €) / (9) + 10 000 € = 21 111 € /an, qui représenterait la valeur locative de marché.

La Cour de cassation s'en remet au pouvoir souverain des juges du fond auxquels il appartient de fixer la valeur locative « en adoptant le mode de calcul qui leur apparaît le meilleur » (Cass. 3e civ., 11 oct. 2011, n° 08-18.599 : AJDI 2011, p. 789, note J.-P. Dumur ; Administrer déc. 2011, p. 40, note M.-L. Sainturat. – pourvoi contre CA Aix-en-Provence, 4e ch., sect. B, 7 mai 2008, n° 06/19980 : Loyers et copr., 2008, comm. 169, obs. Ph.-H. Br. – Cass. 3e civ., 31 mai 2011, n° 10-18.662 : AJDI 2011, p. 699, note J.-P. Dumur ; Gaz. Pal. 1er-2 juill. 2011, p. 22, note Ph.-H. Brault. – pourvoi contre CA Toulouse, 2e ch., sect. 1, 10 mars 2010, n° 08/04083 : Loyers et copr. 2010, comm. 167, obs. Ph.-H. Brault).

Il en résulte une cacophonie jurisprudentielle :

Page 92: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• tantôt la décapitalisation est admise sans distinguer selon que les sommes versées l'ont été au bailleur ou au locataire cédant (Cass. 3e civ., 11 oct. 2011 préc. – CA Aix-en-Provence, 4e ch., sect. C, 23 oct. 2008 : Administrer janv. 2009, p. 36, note M.-L. Sainturat) ;• tantôt il est exigé que la somme ait été versée à titre de supplément de loyer (Cass. 3e civ., 31 mai 2011, préc.). Tantôt la décapitalisation est purement et simplement écartée, comme ne reflétant pas exactement la réalité du marché (CA Paris, 5e ch., sect. 3, 6 oct. 2010 : Administrer déc. 2010, p. 72, note M.-L. Sainturat. – CA Lyon, 5 fév.2015 : Loyers et copr. 2015, comm. 97, obs. E. Chavance ; AJDI 2015, p. 202, obs. J.-P. Dumur ; Gaz. Pal.12-14 avr.20105, p. 24, note C.-E. Brault), ou parce que la somme n'a pas été versée au bailleur mais au locataire (CA Aix-en-Provence, 4e ch., sect. C, 20 janv. 2011 : Administrer, mars 2011, p. 37, note M.-L. Sainturat).Si l'on admet la décapitalisation, il paraît justifier de réserver cette technique d'évaluation au cas où la somme a été versée au bailleur à titre de supplément de loyer, et de n'utiliser le résultat obtenu que pour « se forger une opinion quant au niveau de la valeur locative du secteur » sans le placer sur le même plan que le loyer périodique constaté dans le voisinage (en ce sens, M.-L. Sainturat : Administrer déc. 2011, p. 41, préc.)

Page 93: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

TITRE 4. L’INFLUENCE DE LA DÉSPÉCIALISATION SUR LE LOYER RENOUVELÉ

Chapitre 1. Modification matérielle des lieux loués Nature des modifications – Si l'on combine les dispositions des articles R. 145-3 et R. 145-4 du Code de commerce (D. 30 sept. 1953, art. 23-1 et 23-2 anciens), pour établir l'inventaire des modifications aux « caractéristiques propres au local » loué, on constate qu'elles peuvent être de diverses natures.

La modification constatée peut concerner :• les surfaces ou les volumes des locaux loués ;• les accès ;• l'adaptation à la forme d'activité exercée ;• l'état d'entretien et de salubrité ;• la nature et l'état des équipements et moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire ;• enfin, ce que l'article R. 145-4 du Code de commerce appelle les « éléments extrinsèques », constitués par les locaux accessoires, les locaux annexes ou les dépendances…

Cette modification peut avoir pour origine des travaux effectués soit par le bailleur soit par le locataire ou une modification des conventions d'origine : ainsi lorsque de nouvelles surfaces sont incluses dans le bail, moyennant une augmentation du loyer. Dans tous les cas, la modification invoquée doit être « notable » et répondre aux divers critères dégagés par la jurisprudence pour l'interprétation de l'article L. 145-34 du Code de commerce (V. JCl. Notarial Formulaire, V° Bail commercial, fasc. 408).

La jurisprudence en la matière est extrêmement abondante, et les décisions rendues n'ont qu'un intérêt relatif puisque, comme nous l'avons vu, les juges apprécient souverainement s'il y a lieu ou non à déplafonnement, en fonction des circonstances de l'espèce.

Au titre de la modification matérielle des lieux loués, peuvent être pris en considération :• l'augmentation des surfaces louées ;• la réduction des surfaces louées ;• l'adjonction de nouveaux équipements ;• la modification des caractéristiques des locaux.

Section 1- Augmentation des surfaces louées Il convient de distinguer selon que l'augmentation des surfaces louées résulte ou non de l'exécution de travaux.1° Augmentation de surface sans exécution de travaux La mise à disposition du locataire de nouvelles surfaces est a priori de nature à justifier un déplafonnement du loyer.

Par exemple :• l'adjonction d'une courette (Cass. 3e civ., 21 oct. 1980 : Gaz. Pal. 1981, 1, pan. jurispr. p. 33) ;• d'un bureau (Cass. 3e civ., 2 déc. 1980 : JurisData n° 1980-035303 ; Gaz. Pal. 1981, 1, pan. jurispr. p. 122) ;• de locaux d'un seul tenant en sous-sol (CA Paris, 16e ch. A, 27 juin 1989 : JurisData n° 1989-023754 ; D. 1989, inf. rap. p. 222) ;

Page 94: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• ou même d'un couloir qui permet d'accéder à une cave isolée (CA Paris, 27 avr. 1977 : JurisData n° 1977-635182 ; Rev. loyers 1977, p. 416 ; AJPI 1978, p. 551, obs. J. Viatte).Peu importe que la jouissance des locaux supplémentaires (en l'espèce deux caves) ait été concédée au locataire par un bail distinct du bail d'origine (Cass. 3e civ., 2 déc. 1992 : JurisData n° 1992-002744 ; D. 1994, somm. p. 48, note L. Rozés ; Gaz. Pal. 1993, 2, p. 309, note J.-D. Barbier).

Si le bail d'origine porte sur deux locaux déterminés, avec un loyer correspondant à la surface de ces seuls locaux, et s'il est stipulé que la location sera ultérieurement étendue à des locaux supplémentaires identifiés, lorsqu'ils seront disponibles, avec stipulation d'un complément de loyer, on doit considérer qu'il y a eu adjonction de locaux supplémentaires en cours de bail et les conditions d'un déplafonnement sont réunies par application de l'article 23-1 du décret, devenu l'article R. 145-3 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 13 mai 1997 : Administrer nov. 1997, p. 61).

A. Conditions du déplafonnement – Pour que le déplafonnement du loyer puisse être admis, il faut que la modification des surfaces louées soit notable (a), qu'elle soit survenue au cours du bail expiré (b) que les surfaces supplémentaires dont dispose le locataire soient la propriété du bailleur et que la mise à disposition des surfaces nouvelles n'ait pas un caractère précaire (c). Mais peu importe qu'il y ait déjà eu, à ce titre, augmentation du loyer ou perception d'une indemnité en cours de bail (d).

a) Caractère notable de la modification Pour être prise en compte comme motif de déplafonnement, il faut que la modification des surfaces louées soit notable (Cass. 3e civ., 11 déc. 1979 : Gaz. Pal. 1980, 1, somm. p. 122).Ce principe a été rappelé encore récemment : « ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le bail initial du 1er avril 1992 portait sur la seule boutique à usage de tabac-journaux, que le bail suivant du 30 juin 2001 avait adjoint à la chose louée la boutique à usage de distribution de jeux vidéo et qu'à la suite de la cession en 2007 de cette partie du fonds de commerce, les locaux loués avaient retrouvé leur consistance initiale et que les parties étaient convenues d'une réduction du loyer pour tenir compte de la modification de l'assiette du bail, la cour d'appel a souverainement retenu que la modification intervenue au cours du bail expiré n'était pas notable » (Cass. 3e civ., 2 mars 2017, n° 16-10265).

Il faut l'apprécier par rapport à l'intérêt qu'en retire le locataire (Cass. 3e civ., 10 oct. 2001, n° 00-12.090 : Rev. loyers. 2001, p. 523. – CA Paris, 27 avr. 1977 : AJPI 1978, p. 552, note J. Viatte) et non pas uniquement en fonction de l'importance des mètres carrés supplémentaires mis à sa disposition (Cass. 3e civ., 19 déc. 1990 : Administrer mai 1991, n° 223, p. 37, note J.-D. Barbier).

Il a été jugé que si l'augmentation des surfaces louées n'était pas en soi de nature à justifier le déplafonnement, celui-ci pouvait être admis si la conjonction de diverses autres modifications affectant « les éléments déterminant la valeur locative » (par exemple, l'installation d'éléments d'équipement supplémentaires, un changement de destination des lieux…) se traduisaient au total par une modification notable de la valeur locative (Cass. 3e civ., 2 déc. 1998 : JCP G 1999, IV, 1113 ; Loyers et copr. 1999, comm. 39, obs. Ph.-H. Brault ; Bull. civ. 1998, III, n° 230 ; RD imm. 1999, p. 324 ; Dr. et patrimoine 1999, p. 106, obs. P. Chauvel).

En revanche, si des réserves ont été épisodiquement ouvertes au public, mais que leur utilisation pour la vente est accessoire et ne confère au locataire qu'un avantage limité, dès lors qu'il a besoin de cette partie du local comme entrepôt, il n'y a pas de

Page 95: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

modification notable des caractéristiques des lieux loués justifiant un déplafonnement du loyer (Cass. 3e civ., 23 juin 2009, n° 08-14.026 : Gaz. Pal. 25-26 sept. 2009, p. 25, obs. J.-D. Barbier).

Caractère « notable » de la modification non admis – Il a été jugé par exemple qu'il n'y avait pas de « modification notable » :• en présence du simple agrandissement d'une pièce (Cass. 3e civ., 23 nov. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. 32) ;• en cas de privatisation de W.-C communs, d'un petit couloir de dégagement et d'une partie de courette, alors qu'eu égard à la faiblesse de la surface adjointe, la modification des lieux n'a pas eu d'influence directe sur la clientèle (CA Paris, 16e ch. B, 30 juin 1994 : Dossier CSAB, juin 1995, n° 19) ;• en cas d'adjonction aux locaux loués d'une cave en sous-sol et d'une pièce d'habitation au premier étage dès lors que les locaux commerciaux destinés à la réception de la clientèle n'ont pas quant à eux été modifiés (Cass. 3e civ., 25 avr. 1990 : Rev. loyers 1990, p. 400. – CA Paris, 16e ch. B, 3 avr. 2008 : Administrer juin 2008, p. 35, note D. Lipmann-Boccara) ;• si les surfaces mises à la disposition du locataire ne présentent aucun intérêt pour son commerce (Cass. 3e civ., 10 oct. 2001, préc. n° 8).

Admission du caractère notable de la modification Constituent une « modification notable » :•la mise à disposition du locataire d'un appartement dans l'immeuble où est exploité le fonds, permettant au locataire ou à son personnel d'y habiter (CA Paris, 16e ch. A, 12 juill. 1988 : JurisData n° 1988-024694 ; Loyers et copr. 1988, comm. 499. – CA Paris, 16e ch. B, 3 oct. 1991 : Administrer févr. 1992, n° 231, p. 58) ;• la mise à la disposition du locataire d'une surface de 44 mètres carrés utilisée comme atelier d'expédition (CA Paris, 16e ch. A, 6 oct. 1992 : Loyers et copr. 1993, comm. 105) ou d'un local utilisé comme réserve (Cass. 3e civ., 22 janv. 1992 : Rev. loyers 1992, p. 208) ;• la transformation d'une salle à manger en réserve communiquant avec le magasin (CA Paris, 16e ch. A, 6 oct. 1999 : RJDA 2000, n° 18).

b) Époque à laquelle est intervenue la modification des surfaces louées La modification des surfaces louées doit être intervenue au cours du bail expiré – La modification des surfaces louées ne peut être prise en considération comme motif de déplafonnement que si elle s'est produite pendant le cours du bail à renouveler et jusqu'à la date d'effet du nouveau bail (CA Paris, 16e ch. A, 18 févr. 1998 : Loyers et copr. 1999, comm. 97, obs. Ph.-H. Brault). La solution peut être différente si l'augmentation de surface résulte de travaux et peut être qualifiée d'amélioration.

c) Cas où les surfaces supplémentaires dont dispose le locataire ne sont pas la propriété du bailleur Si des locaux sont loués dans un immeuble en copropriété pour y exploiter un restaurant et qu'en cours de bail le locataire obtient du syndicat de copropriété l'autorisation d'occuper une terrasse partie commune, le bailleur ne peut invoquer la modification notable des caractéristiques des locaux loués due à l'adjonction de cette terrasse pour solliciter le déplafonnement du loyer. En effet la terrasse n'a pas été donnée à bail par le bailleur lui-même mais par un tiers, le syndicat de copropriété (Cass. 3e civ., 4 févr. 1998 : Quot. jur. 17 mars 1998, p. 4). Cette décision relève en outre que l'autorisation d'occupation n'avait qu'un caractère purement précaire. (V. aussi, Cass. 3e civ., 27 juin 2001 : Administrer oct. 2001, p. 42, note J.-D. Barbier ; RJDA 2001, n° 946).

Page 96: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

De même le bailleur ne peut invoquer un « déplafonnement » du loyer lorsque le preneur occupe une cave en vertu d'une autorisation donnée par un tiers, ainsi que d'autres locaux, sans droit ni titre, car il n'y a pas eu en pareil cas modification de l'assiette du bail (Cass. 3e civ., 30 nov. 2005 : Bull. civ. 2005, III, n° 230 ; JCP G 2005, IV, 3805 : Loyers et copr. 2006, comm. 15, note Ph.-H. Brault ; Rev. loyers 2006, p. 93, note C. Quément).

Extension sur le domaine public – Si le locataire a obtenu des services municipaux l'autorisation d'installer une terrasse sur le domaine public moyennant redevance, certaines décisions estiment qu'il ne s'agit en aucun cas d'une modification des caractéristiques des lieux loués, dès lors que le bailleur est totalement étranger à cette extension (CA Paris, 16e ch. A, 22 nov. 2000 : AJDI 2001, p. 141). Le caractère précaire et révocable par nature de l'autorisation donnée par l'autorité publique est en outre invoqué pour refuser le « déplafonnement » (Cass. 3e civ., 17 déc. 2002 : Rev. loyers, 2003, p. 261 ; AJDI 2003, p. 267. – CA Paris, 16e ch. A, 16 janv. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 124. – CA Paris, 16e ch. A, 4 févr. 1997 : Administrer juin 1997, p. 30, obs. Boccara. – CA Paris, 16e ch. B, 25 sept. 2008 : Gaz. Pal. 6-7 févr. 2009, p. 35, obs. Ch.-E. Brault).Si des travaux effectués par le locataire, à savoir l'installation d'une terrasse close et couverte sur la voie publique, concernent le domaine public et non les lieux loués, et qu'il peut seulement utiliser ce domaine public à titre précaire, il n'y a pas lieu à déplafonnement du loyer (Cass. 3e civ., 25 nov. 2009, n° 08-21.049 : Gaz. Pal. 12-13 mars 2010, p. 32, note J.-D. Barbier ; Rev. loyers 2010, p. 116, note Ch.-H. Gallet ; Administrer févr. 2010, p. 44, note A. Guillemain).

D'autres décisions estiment que l'édification d'une terrasse fermée, même implantée sur le trottoir d'une voie publique, peut constituer une modification notable des caractéristiques propres du local dès l'instant où la surface de l'emprise, comparée à celle qui est réservée à la réception de la clientèle dans les lieux, s'avère suffisamment importante (CA Paris, 16e ch. A, 29 oct. 1991 : D. 1992, inf. rap. p. 29. – CA Paris, 16e ch. B, 13 avr. 1995 : JurisData n° 1995-021410. – CA Paris, 16e ch. B, 7 mars 1996 : JurisData n° 1996-020661. – CA Paris, 16e ch. B, 1er févr. 1996 : JurisData n° 1996-020367. – CA Paris, 16e ch. B, 23 sept. 1997 : JurisData n° 1997-022741). Me Philippe Hubert Brault, qui rapporte cette jurisprudence ajoute (obs. ss CA Paris, 16e ch. A, 18 févr. 1998 : JurisData n° 1998-020377 ; Loyers et copr. 1999, comm. 97).

Dans cette hypothèse, deux questions méritent une attention particulière :• la réalisation de la terrasse litigieuse a-t-elle été accompagnée de modifications importantes apportées à la façade de l'immeuble avec la réalisation de nouvelles communications ?• compte tenu de l'emprise effective de la terrasse au regard de l'ensemble des lieux loués affectés à la réception de la clientèle, le caractère notable des modifications peut-il être ou non retenu ? »

d) Cas où l'augmentation des surfaces louées a donné lieu à une contrepartie financière Le versement d'une contrepartie financière n'empêche pas le déplafonnement – Lorsqu'il y a eu pendant le cours du bail expiré adjonction de surfaces supplémentaires, peu importe qu'une indemnité ait été versée au bailleur ou que le loyer ait été augmenté à cette occasion (Cass. 3e civ., 14 mai 1997 : JCP E 1997, IV, 825, obs. L. Lévy ; Bull. civ. 1997, III, n° 102 ; Administrer août-sept. 1997, p. 31, obs. J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 1er févr. 2000 : JurisData n° 2000-000402 ; Administrer mai 2000, p. 44, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara. – CA Paris, 1re ch., 10 févr. 1999 : JCP G 1999, IV, 2516).On retrouve ici une solution d'application générale déjà rencontrée à l'occasion de l'énoncé des principes régissant le déplafonnement.

Page 97: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

B. Augmentation de surface à la suite de travaux Distinctions à opérer – Si l'augmentation des surfaces commerciales résulte de travaux des distinctions sont à opérer :• il faut tout d'abord déterminer si les travaux accomplis méritent ou non la qualification de « travaux d'amélioration » au sens de l'article R. 145-8, alinéa 1er du Code de commerce. Dans l'affirmative et par application combinée des articles R. 145-3 et R. 145-8, alinéa 1er du Code de commerce :– si le bailleur les a financés directement ou indirectement, et qu'ils sont devenus sa propriété par voie d'accession, il pourra s'en prévaloir lors du renouvellement pour obtenir un déplafonnement du loyer si la modification des lieux qui en résulte est « notable » ;– si les travaux ont été en fait financés par le locataire, le bailleur qui en est devenu propriétaire par le jeu de l'accession ne peut les invoquer à l'appui d'une demande de déplafonnement que lors du second renouvellement qui suit l'époque de leur exécution ; il en a été jugé ainsi pour la création d'une mezzanine et l'installation d'une salle au sous-sol d'un salon de coiffure (Cass. 3e civ., 3 oct. 1990 : Loyers et copr. 1991, comm. 125.) ;• s'il ne s'agit pas de “travaux d'amélioration”, il faut alors déterminer s'il y a eu “modification des caractéristiques propres au local” (C. com., art. R. 145-3, al. 1er). Cette modification, qui doit être “notable” pour entraîner un déplafonnement du loyer (C. com., art. L. 145-34) s'appréciera ici en considération « de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ».

Peu importe alors qui a financé les travaux. Mais ils doivent avoir été accomplis pendant le cours du bail à renouveler et s'ils ont été effectués par le locataire, être devenus la propriété du bailleur par voie d'accession. Ils doivent également constituer une modification notable au sens de l'article L. 145-34 du Code de commerce, ce qui est souverainement apprécié par les juges du fond (Cass. 3e civ., 13 janv. 2004 : Gaz. Pal. 15-16 avr. 2005, p. 33, note J.-D. Barbier).

a) Travaux considérés comme des travaux d'amélioration Augmentation des surfaces de vente à la suite de travaux, considérés comme des travaux d'amélioration – Nous citerons ici diverses décisions qui, en présence d'une augmentation des surfaces de vente à la suite de travaux ont appliqué les dispositions de l'article R. 145-8, alinéa 1er du Code de commerce (ancien article 23-3 du décret du 30 septembre 1953). Ces décisions ne sont pas toutefois absolument significatives car, en raison du contrôle léger qu'exerce la Cour de cassation en la matière des circonstances de fait voisines peuvent donner lieu à des appréciations différentes.

Ont été ainsi considérés comme des travaux d'amélioration ne pouvant donner lieu à un déplafonnement immédiat :• l'agrandissement par le locataire du magasin du rez-de-chaussée par adjonction de pièces à usage d'habitation, entraînant un accroissement de la surface de vente. Cette modification constituant une amélioration ne permet le déplafonnement du loyer qu'à la condition que le bailleur ait directement ou indirectement participé au financement des travaux (Cass. 3e civ., 17 juill. 1996 : Loyers et copr. 1997, comm. 18, note Ph.-H. Brault. – V. également CA Paris, 16e ch. A, 9 avr. 1996 : Administrer juill. 1996, p. 13, note B. Boccara) ;• la création de nouvelles surfaces de vente par transformation de pièces incluses dans la location (agrandissement de la cuisine ; création d'une nouvelle salle de restaurant à l'emplacement de deux réserves ; transfert des sanitaires au sous-sol). Les travaux s'analysent alors en des améliorations et ne peuvent entraîner le déplafonnement immédiat du bail que s'ils ont été financés directement ou indirectement par le bailleur sinon le déplafonnement n'interviendra que lors du renouvellement suivant (Cass. 3e civ., 28 mai 1997 : JCP E 1997, pan. 783, obs. L. Levy ; Bull. civ. 1997, III, n° 120 ; Administrer août-sept. 1997, p. 34 ; RJDA 1997, n° 1015 ; Gaz. Pal. 10-11 avr. 1998, p. 9, obs. J.-D.

Page 98: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Barbier. – V. aussi CA Paris, 16e ch. A, 16 oct. 1999 : Administrer avr. 2000, p. 38, note B. Boccara) ;• la réunion de deux pièces et la création d'une pièce nouvelle par couverture d'une cour (Cass. 3e civ., 12 avr. 1995 : Administrer oct. 1995, p. 24, obs. B. Boccara) ;• la construction d'une salle à manger d'été, étendant de 28 mètres carrés la surface accessible à la clientèle d'un restaurant (Cass. 3e civ., 2 juin 1999 n° 97-15.205 : Administrer août-sept. 1999, p. 48, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara, et M.-L. Sainturat, p. 48 ; RJDA 1999, n° 898) ;• la transformation de deux pièces en chambre froide, cinq fois plus grande que l'ancienne, et la modernisation de la surface de vente après enlèvement des réfrigérateurs (Cass. 3e civ., 27 juin 2001 : AJDI 2001, p. 880).

b) Augmentation des surfaces de vente analysée en une simple modification des caractéristiques des locaux loués Ont été considérés comme une simple modification des caractéristiques des locaux loués, permettant le déplafonnement immédiat du loyer par application de l'article R. 145-3 du Code de commerce :• l'augmentation des surfaces commerciales par la suppression de cloisons, n'ayant nécessité que des travaux minimes et d'un coût restreint (Cass. 3e civ., 4 nov. 1998 : JCP G 1999, II, 10131, note Ph.-H. Brault ; Loyers et copr. 1999, comm. 99 ; Defrénois 1999, art. 36969, note S. Duplan-Miellet. – CA Paris, 16e ch. B, 4 févr. 2000 : Administrer avr. 2000, p. 3, note B. Boccara ; Loyers et copr. 2000, comm. 118, obs. Ph.-H. Brault. – CA Paris, 16e ch. A, 6 oct. 1999 : AJDI 1999, p. 1162 ; RJDA 2000, n° 18. – CA Paris, 16e ch. B, 7 mai 1999 : Loyers et copr. 2000, comm. 93 ; AJDI 2000, p. 314. – CA Paris, 16e ch. A, 17 sept. 1996 : Administrer nov. 1996, p. 26, note Boccara) ;• l'extension des surfaces commerciales sans modification de l'assiette du bail, par réalisation d'une terrasse couverte (CA Paris, 16e ch. B, 16 oct. 1998 : Loyers et copr. 1999, comm. 96) ;• l'augmentation des locaux affectés à l'exploitation et la création de locaux d'habitation dans les combles (Cass. 3e civ., 4 nov. 1998 : Loyers et copr. 1999, comm. 41, obs. Ph.-H. Brault ; RJDA 1998, n° 1336).Dans tous les cas où l'article R. 145-3 du Code de commerce est reconnu applicable, il n'y a pas à rechercher qui a financé les travaux. Même s'ils ont été financés par le locataire le déplafonnement peut être immédiat, dès lors qu'ils ont entraîné une modification notable des caractéristiques propres du local (Cass. 3e civ., 26 nov. 1997 : Bull. civ. 1997, III, n° 208 ; JCP E 1998, p. 807, obs. Ph.-H. Brault ; Loyers et copr. 1998, comm. 71, note Ph.-H. Brault).

Section 2. Réduction des surfaces louées Cause de déplafonnement – Selon certaines décisions, la modification notable entraînant le déplafonnement du loyer ne pourrait s'entendre que d'une modification qui accroîtrait la surface louée, et non d'une modification qui la réduirait. Le loyer du bail renouvelé ne pourrait donc être déplafonné pour le motif que les surfaces louées ont été réduites depuis la prise d'effet du bail à renouveler (Cass. 3e civ., 16 juill. 1986 : Gaz. Pal. 1987, 1, p. 17, note J.-D. Barbier. – CA Paris, 16e ch. B, 10 janv. 1991 : RJDA 1991, p. 184. – CA Paris, 16e ch. B, 24 mai 1991 : Loyers et copr. 1991, comm. 388. – CA Paris, 16e ch. B, 26 mai 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 344).Cette jurisprudence paraît condamnée (Cass. 3e civ., 5 mai 2004 : Loyers et copr. 2004, comm. 166, obs. Ph.-H. Brault ; AJDI 2005, p. 27, note C. Denizot. – Cass. 3e civ., 20 juin 1989 : Bull. civ. 1989, III, n° 144 ; Loyers et copr. 1989, comm. 446. – Cass. 3e civ., 21 oct. 1980 : D. 1981, inf. rap. p. 163. – CA Paris, 22 oct. 1992 : Loyers et copr. 1993, comm. 186. – CA Paris, 26 mai 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 344). La réduction des surfaces louées est susceptible d'entraîner la fixation du loyer à la valeur locative. Cette réduction de surfaces, accompagnée d'une réduction du loyer, fait que le bail a, après cet

Page 99: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

événement, un autre objet et un autre prix. Dès lors, le déplafonnement se justifie par un argument de bon sens. Il apparaît illogique de fixer le loyer du nouveau bail en appliquant le coefficient légal à un loyer initial qui concernait des locaux différents puisque ayant une superficie inférieure.

Il faut que la réduction des surfaces louées modifie de manière notable les obligations respectives des parties et des caractéristiques des lieux.

Section 3. Adjonction de nouveaux équipements

A. Modification notable – Les équipements et les « moyens d'exploitation » mis à la disposition du locataire constituent un élément d'appréciation de la valeur locative (C. com., art. R. 145-3, 5°). Dès lors, s'ils se modifient en cours de bail, cette modification, à condition d'être « notable » (V. JCl. Notarial Formulaire, V° Bail commercial, fasc. 408), est susceptible d'entraîner un déplafonnement du loyer. Peuvent ainsi être retenues comme causes de déplafonnement :• l'installation de deux monte-charge (CA Paris, 16e ch. A, 3 mars 1992 : Administrer juill. 1992, n° 236, p. 49) ;• l'installation d'un ascenseur construit en l'espèce avec l'autorisation du bailleur dans une partie de l'immeuble non donnée à bail (Cass. 3e civ., 4 mars 1992, n° 90-16.406 : Rev. loyers 1992, p. 242 confirmant CA Paris, 6e ch. B, 19 janv. 1990 : Loyers et copr. 1990, comm. 227) ;• l'installation d'un ascenseur et d'interphones (Cass. 3e civ., 20 déc. 1995 : Loyers et copr. 1996, comm. 220, obs. Ph.-H. Brault. – CA Paris, 16e ch. A, 17 mars 1999 : Loyers et copr. 1999, comm. 265, obs. Ph.-H. Brault) ;• l'aménagement d'une chambre froide dont la superficie est près de cinq fois supérieure à celle existant auparavant, ce qui facilite l'exploitation du fonds de boucherie et lui apporte une plus-value certaine permettant un stockage plus important (CA Versailles, 21 sept. 1999 : RJDA 1999, n° 1303).En revanche, si le bailleur a autorisé le locataire à installer une enseigne lumineuse drapeau en façade et les caractères en métal doré scellé dans la pierre, mais que cette autorisation est précaire, personnelle et incessible, elle ne peut être considérée comme étant une modification notable d'une des caractéristiques du local loué (TGI Paris, juge loyers com., 28 mars 2011 : Administrer juin 2011, p. 36, obs. D. Lipmann-Boccara).

B. Conditions à remplir – Les tribunaux s'attachent à vérifier que les nouveaux équipements présentent un intérêt pour l'activité exercée par le locataire (TGI Paris, ch. baux commerciaux, 4 mars 1980 : AJPI 1981, p. 53). C'est le cas, par exemple, de l'installation d'un ascenseur pouvant servir pour le transport des marchandises et l'accès des clients et du personnel d'une boutique installée en étage (CA Paris, 16e ch. A, 17 mai 1994 : Dossier CSAB juin 1995, n° 17, p. 4).La création d'un ascenseur dans l'immeuble et des travaux d'embellissement des parties communes peuvent justifier le déplafonnement du loyer car même si ces travaux n'ont pas porté directement sur les lieux loués ils ont constitué des améliorations à l'immeuble profitant à tous les locataires et rendant les locaux plus attirants à la clientèle et pour un cessionnaire éventuel (Cass. 3e civ., 9 oct. 1996 : RD imm. 1997, p. 147, obs. J. Derruppé ; LPA 4 mai 1998, p. 10, note M. Fouda Nkene).

Page 100: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Section 4. Modification des caractéristiques des locaux

A. Nature de la modification Toute modification des « caractéristiques propres » ou locaux loués peut être une cause de déplafonnement.Doit être censuré un arrêt qui, pour dire que le loyer du bail renouvelé doit être plafonné, retient que les travaux effectués par le locataire n'ont porté que sur la surface intérieure des locaux loués sans en modifier l'assiette. Ce faisant les juges du fond ont ajouté à l'article R. 145-3 une condition qui n'y figure pas (Cass. 3e civ., 29 janv. 2002 : RJDA 2002, n° 363).

Travaux ne portant pas directement sur les locaux loués – La modification des caractéristiques propres aux lieux loués peut ne concerner qu'indirectement les locaux donnés à bail. Ainsi par exemple il a été admis que le remplacement des huisseries et des volets de la façade par le bailleur doit être pris en compte pour apprécier s'il y a ou non modification notable des caractéristiques propres du local même s'ils n'affectent que l'esthétique de l'immeuble et non l'entretien des lieux loués (Cass. 3e civ., 19 mars 1997 : Loyers et copr. 1997, comm. 313, obs. Ph.-H. Brault ; Dr. et patrimoine 1997, p. 74, obs. P. Chauvel).De même, le déplafonnement a pu intervenir dans un cas où le bailleur avait fait faire dans l'immeuble pour un coût supérieur à 14 années du loyer précédemment fixé d'importants travaux ayant consisté dans le ravalement des façades et une rénovation complète des parties communes ainsi que dans l'installation d'un ascenseur, dès lors qu'il résultait de ces opérations, qui excédaient le cadre du simple entretien, un élément certain d'attrait pour la clientèle (Cass. 3e civ., 20 déc. 1995 : RJDA 1996, n° 192).

B. Caractère notable de la modification La modification des « caractères propres » aux locaux loués ne peut devenir une cause de déplafonnement qu'à la condition d'être « notable ». La jurisprudence en offre quelques illustrations.

a) Modifications reconnues comme « notables » – Ont été considérées comme des modifications notables des caractéristiques des lieux loués :• le fait de créer un plancher intermédiaire ainsi qu'une troisième réserve, ce qui a entraîné une meilleure adaptation des lieux à l'activité exercée, soit en l'espèce un commerce de chaussures (CA Paris, 16e ch. A, 16 juin 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 434) ; cette décision applique ainsi le critère posé par l'article R. 145-3, 3° ;• le remplacement d'une usine vétuste et polluante installée dans la cour de l'immeuble loué par un grand immeuble moderne d'habitation à la suite d'une opération d'urbanisation d'ensemble, qui a eu pour effet que l'environnement, les accès et la luminosité des locaux loués s'en sont trouvés grandement améliorés (CA Paris, 16e ch. B, 19 nov. 1993 : Administrer août-sept. 1994, n° 259, p. 51, obs. Dunes) ;• des travaux de suppression du mur séparant les lots et de percement d'une trémie pour permettre le passage d'un monte-plat (Cass. 3e civ., 25 avr. 2001 : AJDI 2001, p. 604) ;• le percement d'une ouverture donnant directement sur la rue (Cass. 3e civ., 12 juin 2001 : AJDI 2001, p. 880), des travaux de démolition de la façade et de modernisation de la devanture qui ont amélioré l'aspect extérieur des locaux (Cass. 3e civ., 24 nov. 1999 : Gaz. Pal. 25-26 oct. 2000, p. 47, obs. J.-D. Barbier) ;• le percement d'un mur séparant l'immeuble loué d'un immeuble appartenant au locataire, ce qui a eu pour effet de faciliter l'exploitation d'un seul commerce dans les

Page 101: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

deux locaux ainsi réunis (Cass. 3e civ., 1er mars 2000 : Administrer juin 2000, p. 49, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat), la suppression d'un mur permettant l'exploitation de deux magasins distincts en un seul (Cass. 3e civ., 19 juill. 2000 : Administrer nov. 2000, p. 32, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat) ;• le percement d'un mur pour mettre en communication les locaux loués avec des locaux contigus loués à un tiers, et la transformation de combles en bureau (Cass. 3e civ., 10 mai 2001, n° 99-17.021).

b) Modifications considérées comme insuffisamment « notables » – Il a été jugé que ne constituaient pas des modifications notables des caractéristiques des lieux loués :• le déplacement de la cuisine et l'installation des sanitaires en sous-sol, ce qui a entraîné la création d'un escalier d'accès pris sur la boutique, les juges du fond ayant apprécié souverainement que ces modifications à l'agencement des locaux ne constituaient pas une modification suffisamment « notable » pour justifier un déplafonnement du loyer (Cass. 3e civ., 24 juin 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 392) ;• la suppression d'une trémie ayant permis une extension de la surface commerciale de 4,68 mètres carrés soient 4 % de la surface totale de vente (CA Paris, 16e ch. B, 10 mars 2000 : AJDI 2000, p. 554 ; Administrer juin 2000, p. 48, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat) ;• l'abattage d'une simple cloison séparant la boutique de l'arrière-boutique qui n'a pas eu pour effet d'augmenter les surfaces commerciales (Cass. 3e civ., 12 juin 2001 : AJDI 2001, p. 880), des travaux ayant abouti à la réunion de deux lots en une surface commerciale unique (CA Paris, 16e ch. A, 17 mai 2000 : AJDI 2000, p. 735), la création d'une chambre froide, s'agissant d'une structure démontable, et d'une surface non affectée à la réception de la clientèle et à la vente (Cass. 3e civ., 2 oct. 2002 : Administrer déc. 2002, p. 43, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara).

c) Période au cours de laquelle doit être intervenue la modification des caractéristiques des locaux.

Modification pendant le cours du bail à renouveler – La modification notable des caractéristiques du local loué doit s'être produite pendant le cours du bail a renouveler, jusqu'à la date d'effet du nouveau bail (Cass. 3e civ., 8 janv. 1997 : Gaz. Pal. 1997, 1, p. 209, note J.-D. Barbier ; Administrer mai 1997, p. 36, obs. B. Boccara. –Cass. 3e civ., 22 janv. 2003 : Administrer avr. 2003, p. 36, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara et juin 2003, p. 23, note J.-D. Barbier). Les modifications antérieures ou postérieures n'ont pas à être prises en considération.Des travaux autorisés par le bail ne pourront constituer un motif de déplafonnement dans la mesure où la modification ne sera pas considérée comme étant intervenue postérieurement à la prise d'effet du bail expiré (Cass. 3e civ., 7 juill. 2004 : Administrer nov. 2004, p. 27, obs. J.-D. Barbier).

C'est au bailleur qu'il incombe d'établir les faits dont il se prévaut pour justifier sa demande de déplafonnement (Cass. 3e civ., 1er mars 2000 : JCP G 2000, IV, 1684 ; Dr. et patrimoine 2000, p. 101, obs. P. Chauvel ; RD imm. 2000, p. 257, obs. J. Derruppé).

C. Modification des obligations respectives des parties – L'article L. 145-34 du Code de commerce permet le déplafonnement dans le cas où survient (entre autres) une “modification notable des éléments déterminant la valeur locative”.

Page 102: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Si on consulte l'article R. 145-8 du Code de commerce, on constate qu'il se réfère dans son alinéa 1 aux “obligations respectives des parties » en ce qui concerne « les restrictions à la jouissance des lieux”, ou encore les « obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages ».

Par application conjuguée des articles L. 145-34 et R. 145-8 du Code de commerce, on peut donc conclure que toute modification en cours de bail des obligations du locataire résultant du contrat de bail, en tant qu'elles constituent une restriction à la jouissance des lieux, ou encore et plus généralement toute modification des obligations du locataire par rapport à ce qui découle de la loi ou des usages, est susceptible, si elle est notable, d'entraîner un déplafonnement du loyer. Il en est de même en ce qui concerne le bailleur (s'il prend par exemple en charge en cours de bail des obligations qui ne lui incombaient pas précédemment).

L'article R. 145-8, alinéa 2, évoque ensuite les « obligations » découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre des parties. Toute modification en cours de bail de ces obligations peut donc donner lieu à déplafonnement.

a) Obligations découlant du contrat de bail Selon le principe précédemment énoncé, c'est aux juges du fond qu'il appartient d'apprécier le caractère « notable » de la modification au contrat d'origine. Le déplafonnement a été admis par exemple :• dans le cas de suppression d'une clause imposant au locataire de supporter 30 % des charges (TGI Paris, 21 mai 1975 : Rev. loyers 1975, p. 493) ;• lorsque deux baux jusque-là distincts ont été fusionnés en un bail unique (Cass. 3e civ., 11 déc. 1979 : D. 1980, inf. rap. p. 204. – Cass. 3e civ., 8 juin 1982 : JCP G 1982, IV, 296. – Cass. 3e civ., 12 mars 1986 : Bull. loyers 1986, n° 247) ;• en raison d'une autorisation de travaux donnée au locataire (CA Paris, 16e ch. B, 6 juin 1991 : Administrer nov. 1991, n° 228, p. 90).Par contre, il n'y a pas lieu à déplafonnement pour ce seul motif qu'une clause d'échelle mobile a été annulée. Cette annulation étant rétroactive, la clause est réputée n'avoir jamais existé et l'on ne peut donc parler d'une modification du contrat d'origine (Cass. 3e civ., 21 nov. 1979 : Bull. civ. 1979, III, n° 210 ; Rev. loyers 1980, p. 154, note J. V.).

Cessions ou sous-locations autorisées par le bailleur – Lorsque le bailleur donne en cours de bail une autorisation de sous-louer ou de céder le bail, éventuellement en régularisant une situation irrégulière, ne peut-on considérer qu'il y a de ce fait suppression d'une « restriction à la jouissance » du locataire (V. n° 27) et par là même motif à déplafonnement du loyer ? Certaines juridictions l'avaient pensé.Ainsi avait-il été admis par exemple qu'il y avait lieu à déplafonnement dans le cas où le bailleur avait donné l'autorisation de conclure une location-gérance, interdite par le bail (CA Paris, 30 avr. 1987 : D. 1987, inf. rap. p. 139) ou encore lorsque le bailleur avait donné en cours de bail une autorisation de sous-louer (CA Paris, 16e ch. A, 6 juin 1991 : Loyers et copr. 1991, comm. 387).

Un arrêt de la Cour de cassation du 24 novembre 1999 amène à reconsidérer la question. En l'espèce le locataire avait procédé à une sous-location irrégulière des locaux loués. Le bailleur, qui du même coup acceptait implicitement de ne pas se prévaloir de cette infraction aux clauses du bail, en tirait argument pour demander le déplafonnement du loyer.

La cour de Paris (16e ch. B) lui avait donné satisfaction dans un arrêt du 9 janvier 1998. La Cour de cassation censure, en visant les articles L. 145-34 et R. 145-8 du code de commerce. Elle déclare que « une sous-location, même non autorisée, ne constitue pas une modification des éléments mentionnés aux articles 23-1 à 23-4 du décret du 30 septembre 1953 » (Cass. 3e civ., 24 nov. 1999 : Bull. civ. 1999, III, n° 222 ; Defrénois 2000, art. 37171, n° 2, obs. S. Duplan-Miellet ; Administrer, avr. 2000, p. 39, obs. B. Boccara. – dans le même sens, CA Paris, 19 févr. 2009 : RJDA 6/09, n° 520. – CA Paris, 16e ch. A, 21 févr. 2005 : AJDI 2005, p. 575).

Page 103: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

b) Obligations découlant de la loi

L'article R. 145-8, alinéa 2, pose en principe que les obligations “découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer”.

1° Augmentation notable de l'impôt foncier Principes – Le cas où la taxe foncière a augmenté pendant le cours du bail fournit un premier exemple d'application de l'article R. 145-8, alinéa 2, précité.La Cour de cassation a posé en principe que : « l'évolution de l'impôt foncier à la charge du propriétaire, résultant de la loi et des règlements est un élément à prendre en considération pour la fixation du prix du bail renouvelé » (Cass. 3e civ., 25 juin 2008, n° 07-14.682 – Cass. 3e civ., 25 avr. 2001 : Loyers et copr. 2001, comm. 258, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira. Cass. 3e civ., 13 juill. 1999 : JCP E 1999, p. 1653 ; Loyers et copr. 1999, comm. 238 ; Bull. civ. 1999, III, n° 171 ; Administrer déc. 1999, p. 30, note J.-D. Barbier ; RD imm. 1999, p. 694, note J. Derruppé ; Rev. loyers 2000, p. 32, note G. de Maillard).

Peu importe que dans le même temps le locataire ait subi une importante augmentation de la taxe professionnelle (Cass. 3e civ., 7 févr. 2007 : Bull. civ. 2007, III, n° 18 ; Loyers et copr. 2007, comm. 103, obs. P. Pereira-Osouf ; Gaz. Pal. 20-22 mai 2007, p. 27, note J.-D. Barbier).

Caractère « notable » de l'augmentation – Il faut bien entendu, pour que la demande de déplafonnement soit accueillie, que la modification soit « notable » (C. com., art. L. 145-34, al. 1). Il appartient aux juges du fond, dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation, de déterminer dans chaque cas particulier si l'augmentation de l'impôt foncier constitue une modification suffisamment « notable » pour justifier un déplafonnement (Cass. 3e civ., 6 nov. 2001 : Administrer févr. 2002, p. 22) ; en l'espèce le déplafonnement a été refusé alors que l'impôt avait augmenté de 76 % pendant le cours du bail à renouveler (sur le pouvoir d'appréciation souverain des juges du fond, V. également Cass. 3e civ., 7 févr. 2007 préc. n° 31).

Augmentation de l'impôt au détriment du bailleur – Quels sont les éléments pris en considération pour procéder à l'appréciation du caractère « notable » de la « modification » ? L'augmentation importante de l'impôt n'est pas à elle seule un critère. Certaines juridictions s'y arrêtent cependant. Le déplafonnement a été admis par la cour de Montpellier à la suite d'une hausse de 186 % de la taxe foncière (CA Montpellier, 4 sept. 1996 : Ann. loyers 1997, p. 1004) et par la Cour de Paris à la suite d'une augmentation de 64 %, et d'un doublement des cotisations d'assurance à la charge du propriétaire (CA Paris, 16e ch. B, 28 sept. 2006 : Administrer janv. 2007, p. 45, obs. D. Lipmann-Boccara) Un déplafonnement a été admis à la suite d'une augmentation de 57 % de l'impôt sur neuf ans (CA Paris, 16e ch. B, 25 mars 2004 : AJDI 2004, p. 725). Le déplafonnement a été refusé au motif que l'impôt foncier n'avait augmenté que de 5 906 francs en dix ans (CA Montpellier, 2e ch. B, 12 févr. 2002 : Loyers et copr. 2002, comm. 284, 2e espèce, note Ph.-H. Brault), ou de 30 % sur neuf ans, ce qui ne représentait qu'une augmentation, non significative, de 3,6 % par an (CA Paris, 16e ch. A, 6 mars 2002 : Administrer, juin 2002, p. 32, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara).Plus généralement les juges procèdent à une comparaison entre la hausse de l'impôt foncier et l'augmentation des loyers pendant la même période. Ainsi le caractère notable de la modification a été admis dans un cas où l'impôt foncier avait augmenté de plus de 85 % au cours du bail expiré sans que cette augmentation soit compensée dans le même

Page 104: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

temps par celle du loyer qui est passé de 24 750 francs à 28 458 francs par an (Cass. 3e civ., 10 déc. 2002 : Rev. loyers 2003, p. 181 ; RJDA 2003, n° 238. – Cass. 3e civ., 19 mars 2003 : Administrer juill. 2003, p. 35, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara). La Cour de Rouen a refusé tout déplafonnement dans un cas où la hausse avait été de 63 % tandis que le loyer avait augmenté de 15 % et que les impôts locaux à la charge du preneur avaient augmenté de façon importante pendant la même période (CA Rouen, 18 févr. 1999 : JurisData n° 1999-041289). Une décision refuse un déplafonnement au motif que la hausse des taxes foncières est compensée par l'augmentation du loyer (CA Paris 16e ch. B, 8 juin 2006 : AJDI 2007, p. 36). On a pu également comparer la hausse de l'impôt foncier à l'évolution de l'indice du coût de la construction pour admettre le déplafonnement (CA Limoges, ch. civ. 1re sect., 6 sept. 2006 : JCP E 2007, n° 13-1410). De même, des juges du fond ont pu estimer que l'augmentation de la taxe foncière à la charge du bailleur (82 %) demeurait modeste (et ne constituait pas une modification « notable ») au regard des revenus tirés de la location (Cass. 3e civ., 14 sept. 2011, n° 10-23.510 : Loyers et copr. 2011, comm. 297, note Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal. 21-22 oct. 2011, p. 36, note J.-D. Barbier).

Ce qui compte, selon une formule, qui a une allure de directive, figurant dans l'arrêt de la Cour de cassation du 13 juillet 1999 précité et reprise par la, est que « la hausse de l'impôt ait affecté de manière très substantielle les revenus que le bailleur tire du local » (V. sur ces problèmes, J. Debeaurain, Incidence de l'augmentation de l'impôt foncier sur le loyer : Ann. loyers 2002, p. 1667).

Augmentation de l'impôt au détriment du locataire – S'il apparaît qu'au cours du bail expiré les obligations respectives des parties se sont modifiées au détriment du preneur dont la charge financière s'est accrue du fait de l'augmentation de la taxe foncière, et que les locaux ont parallèlement bénéficié d'une évolution favorable des facteurs locaux de commercialité, il y a lieu d'apprécier si la conjugaison de ces divers facteurs permet finalement de caractériser l'existence d'une modification suffisamment notable des éléments mentionnés de l'article L. 145-33 du Code de commerce, permettant d'écarter la règle du plafonnement (Cass. 3e civ., 4 avr. 2012, n° 11-13.912).

2° Autres exemples Toute modification des obligations découlant de la loi et génératrice de charges pour l'une ou l'autre des parties depuis la dernière fixation du prix, peut être l'occasion d'invoquer le déplafonnement du loyer pour celui qui est tenu de les assumer. Il peut en être ainsi lorsque l'autre partie se voit imposer de nouvelles obligations par la réglementation (par exemple la recherche de l'amiante) ou lorsque le poids des obligations existantes augmente (par exemple la taxe professionnelle pour le locataire).Ce cas de déplafonnement ne peut jouer que lorsque l'obligation découle de la loi (entendue au sens large). Une hausse sensible des charges de copropriété non récupérables ne saurait être un motif de déplafonnement du loyer dès lors qu'en l'espèce les charges sont la conséquence de délibérations de l'assemblée (CA Paris, 16e ch. A, 28 févr. 2001 : D. 2001, p. 1622, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2001, p. 604).

Section 3. Modification de la destination des lieux La modification de la destination des lieux, qui est l'un des éléments de détermination de la valeur locative (C. com., art. R. 145-5, réd. D. 30 sept. 1953, art. 23-3 ancien) visés par l'article L. 145-34 du Code de commerce peut donner lieu au déplafonnement du loyer. Ce déplafonnement n'a cependant rien d'automatique. Il ne peut résulter de la seule constatation du changement de destination des lieux (Cass. 3e civ., 9 oct. 1996 : RJDA 1996, n° 1445. – Cass. 3e civ., 3 mars 1981 : JCP G 1981, IV, 176 ; Bull. civ. 1981, III, n° 43). Pour qu'il soit admis, les juges doivent constater qu'il entraîne, selon le principe posé

Page 105: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

par l'article L. 145-34, une « modification notable » des éléments déterminant la valeur locative.Certaines décisions ont exigé que le changement de destination se traduise par une augmentation de la commercialité, et donc de la rentabilité du fonds (CA Paris, 23 mai 1979 : Gaz. Pal. 1979, 2, somm. p. 436, note Ph.-H. Brault. –CA Paris, 5 juill. 1978 : Gaz. Pal. 1978, 2, p. 572, note De Belot).

Le caractère notable de la modification de la destination contractuelle suffit à lui seul à justifier le déplafonnement du loyer renouvelé sans qu'il y ait à rechercher si l'extension de la destination du bail a une incidence favorable sur l'activité du locataire (Cass. 3e civ., 18 janv. 2012, n° 11-10.072 : Loyers et copr. 2012, comm. 75, obs. E. Chavance ; Rev. loyers 2012, p. 98, note C. Quément ; AJDI 2012, p. 506, note F. Planckeel ; Administrer mars 2012, p. 27, note J.-D. Barbier).

Il n'y a pas lieu à déplafonnement :• si le bailleur n'apporte pas la preuve que l'adjonction d'une activité complémentaire de produits de droguerie d'hygiène et de parfumerie qui constitue l'adaptation du commerce considéré aux usages commerciaux des supérettes à vocation principalement alimentaire constitue une modification notable de la destination du bail (CA Paris, pôle 5, 3e ch., 11 avr. 2012 : Administrer juin 2012, p. 42, obs. M.-L. Sainturat) ;• si le locataire fournit à l'occasion de fêtes, mariages, cocktails, des prestations qui entrent dans le cadre de l'activité autorisée par le bail (CA Paris, pôle 5, 3e ch., 30 nov. 2011 : Administrer févr. 2012, p. 41, obs. M.-L. Sainturat).En revanche, il y a modification notable de la destination des lieux si le locataire a développé une activité de traiteur en sus de son activité de restauration avec l'autorisation tacite du bailleur (CA Toulouse, 2e ch., 2e sect., 15 nov. 2011 : Administrer avr. 2012, p. 35, obs. A. Guillemain).

Pour pouvoir constituer une cause de déplafonnement, le changement de destination doit être réel. Les modalités selon lesquelles il est intervenu sont à considérer ainsi que son caractère, notable ou non et l'époque où il s'est produit.

A. - Réalité du changement de destination

a) Changement de destination prévu par le bail – Il n'y a pas de changement de destination lorsque le bail est tous commerces. Un avenant mentionnant à quelle activité seront en l'espèce affectés les locaux constitue une simple précision sur leur utilisation et non pas un changement de destination (Cass. 3e civ., 25 mai 1992 : Rev. loyers 1992, p. 353, note S. Duplan-Miellet). De même, il n'y a pas lieu à déplafonnement lorsque le bail prévoit dès l'origine que la modification de la destination des lieux loués donnera lieu au paiement d'un loyer augmenté dans des conditions fixées par avance (CA Paris, 16e ch. B, 22 nov. 2002 : RJDA 2003, n° 475. – confirmé par Cass. 3e civ., 7 juill. 2004 : Bull. civ. 2004, III, n° 145 ; Defrénois 2004, art. 38198-14, note L. Ruet).

b) Modification de l'activité dans le respect de la destination des lieux De même, si le locataire étend son activité ou la modifie pour exercer un autre commerce prévu par le bail, il n'y a pas modification de la destination des lieux mais seulement une modification de l'activité dans le respect de la destination des lieux. Il n'y a donc pas lieu à déplafonnement (Cass. 3e civ., 3 juin 1992 : Administrer juin 1993, p. 22, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 12 oct. 1988 : Rev. loyers 1989, p. 341. – CA Paris, 16e ch. A, 16 avr. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 311). Ainsi le changement d'affectation d'une salle de billard en salle de restaurant alors que les locaux étaient à destination de café-

Page 106: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

restaurant ne modifie ni la consistance ni les caractéristiques des locaux et ne donne pas lieu à déplafonnement (Cass. 3e civ., 10 oct. 2001 : Defrénois 2002, art. 37477, p. 178, note S. Duplan-Miellet).Il n'y a pas non plus de changement de destination si le locataire exerce une activité dite « incluse » parce qu'autorisée au regard des usages commerciaux.

Dès lors que le bail, qui porte sur une maison d'habitation et de commerce, ne fait aucunement obligation d'occuper bourgeoisement la partie à usage d'habitation, son affectation à usage commercial exclusif est conforme à la destination contractuelle qui confère une destination commerciale à l'ensemble des locaux. Il n'y a donc pas lieu à déplafonnement au motif d'une prétendue modification de la destination des lieux (CA Paris, 10 mars 2010 : Administrer juill. 2010, p. 37, note M.-L. Sainturat). La solution est la même si le locataire fournit à l'occasion de fêtes, mariages, cocktails, des prestations qui entrent dans le cadre de l'activité autorisée par le bail (CA Paris, pôle 5, 3e ch., 30 nov. 2011 : Administrer févr. 2012, p. 41, obs. M.-L. Sainturat).

B. - Modalités du changement de destination a) Changement de destination non autorisé – Qu'en est-il lorsque le changement de destination n'a pas été autorisé par le bailleur ? Il peut s'en prévaloir pour demander la résiliation du bail ou donner congé avec refus de renouvellement sans indemnité.La demande de résiliation doit être exercé dans un certain délai : « ayant retenu, à bon droit, que le délai de prescription de l'action en résiliation du bail court à compter du jour où le bailleur a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer l'action, constaté que la société Laurentel avait, le 23 novembre 1987, autorisé la société locataire à fermer partiellement un préau, que les travaux, réalisés en 1988, avaient consisté à construire sous un auvent deux vérandas, visibles de l'extérieur et relevé que, lors d'une visite sur place de son gérant en 1989-1990, la société Laurentel avait eu connaissance de la nature et de l'ampleur des travaux et que ce manquement contractuel avait été invoqué pour la première fois dans des conclusions du 28 novembre 2007, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que la demande était prescrite » (Cass. 3e civ., 24 mai 2017, n° 16-16541, non publié).

La jurisprudence admettait que, s'il le préférait, pour des raisons d'opportunité, le bailleur pouvait choisir d'entériner cette situation irrégulière, et s'en prévaloir pour demander un déplafonnement du loyer (CA Paris, 4 mars 1980 : Loyers et copr. 1980, comm. 202. – CA Paris, 1er juin 1990 : Gaz. Pal. 1990, 2, p. 590, note Ph.-H. Brault. – CA Paris, 19 mars 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 393. – CA Paris, 29 juin 1993 : Gaz. Pal. 1993, 2, somm. p. 587, note J.-D. Barbier). La Cour de cassation est revenue sur cette position initiale. Le déplafonnement du loyer ne peut intervenir du seul fait que le locataire a procédé à un changement de destination non autorisé, et qu'il est accepté a posteriori par le bailleur. La demande de déplafonnement ne peut être accueillie que s'il est constaté que ce changement de destination entraîne une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 6 nov. 2001 : Loyers et copr. 2002, comm. 36 note Ph.-H. Brault. – Cass. 3e civ., 8 janv. 1997 : Loyers et copr. 1997, comm. 175. –Ph.-H. Brault, Sur les conditions du déplafonnement en cas de modification d'un commerce autorisé au cours du bail échu : Loyers et copr. 1997, chron. n° 6).

Il en est ainsi lorsque le locataire vend exclusivement des tapis alors qu'il est autorisé contractuellement à exercer le commerce « d'articles de Paris, jeux, cadeaux, prêt-à-porter, vente de licence et articles griffés Omar Sharif » à l'exclusion de toute autre activité (CA Paris, 16e ch. B, 21 sept. 2001 : Loyers et copr. 2002, comm. 36, 2e espèce, note Ph.-H. Brault).

Page 107: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

b) Autorisation de changement de destination moyennant contrepartie – C'est principalement dans le cas où un changement de destination des lieux avait été autorisé par le bailleur moyennant une contrepartie (versement d'une indemnité ou augmentation du loyer) que s'est posé le problème de savoir si le bailleur ne perdait pas de ce fait la possibilité d'invoquer le déplafonnement.La Cour de cassation a condamné cette thèse à plusieurs reprises :• le versement d'une indemnité en capital au bailleur n'empêche pas ce dernier d'invoquer ultérieurement le déplafonnement du loyer dès lors que les conditions prévues par l'article L. 145-34 du Code de commerce pour ce déplafonnement (modification de l'un des éléments visés à l'article L. 145-33) sont remplies (Cass. 3e civ., 17 juin 1980 : Rev. loyers 1980, p. 449, note J.-C. Berthault. – Cass. 3e civ., 24 févr. 1988 : Loyers et copr. 1988, comm. 177 ; Gaz. Pal. 1988, 2, p. 798, note J.-D. Barbier. – CA Paris, 16e ch. A, 2 nov. 1993 : Gaz. Pal. 1994, 1, somm. p. 177, note J.-D. Barbier) ;• la modification notable due au changement de destination des lieux doit également être retenue alors même qu'en contrepartie de l'autorisation donnée par le bailleur le loyer a été augmenté (Cass. 3e civ., 21 oct. 1980 : Gaz. Pal. 1981, 1, pan. jurispr. p. 33. – Cass. 3e civ., 24 févr. 1988, préc. – Cass. 3e civ., 24 janv. 1990 : Rev. loyers 1990, p. 231, note Duplan-Miellet. – CA Paris, 16e ch. B, 9 sept. 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 481, note Ph.-H. Brault).

C. - Caractère notable de la modification Appréciation du caractère « notable » de la modification – La Cour de cassation s'en remet à l'appréciation des juges du fond quant aux éléments susceptibles de caractériser la modification notable (Cass. 3e civ., 3 juin 1992 : Bull. civ. 1992, III, n° 183 ; Defrénois 1993, art. 35578, n° 72, obs. Vermelle. – Cass. 3e civ., 19 mars 1986 : Bull. Loyers 1986, n° 248). L'important est que le caractère « notable » de la modification ait été constaté.

Il peut résulter par exemple :• de l'importance qualitative du changement d'activité. Ainsi lorsqu'on passe d'un commerce alimentaire (boucherie) à un commerce de luxe : vente et restauration de meubles d'art (CA Paris, 16e ch. A, 3 févr. 1988 : Loyers et copr. 1988, comm. 75. – V. également CA Paris, 16e ch. B, 16 avr. 1992 : RJDA 1992, p. 569) ; de même lorsqu'une autorisation est donnée de transformer un entrepôt en magasin de vente (CA Montpellier, 1re ch., 20 sept. 1990 : Loyers et copr. 1991, comm. 310) ;• de l'importance de l'extension du commerce autorisé. Ainsi lorsque plusieurs branches nouvelles peuvent être exercées (CA Paris, 16e ch. A, 14 mars 1989 : Rev. loyers 1990, p. 29. – CA Paris, 16e ch. A, 14 mai 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 480, note Ph.-H. Brault). Tel est le cas lorsque le cessionnaire du bail s'est vu autorisé à l'occasion de la cession à exercer une autre activité, en l'espèce celle d'antiquaire, que celle prévue au bail initial, celle de promoteur constructeur (Cass. 3e civ., 10 janv. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 357, note Ph.-H. Brault ; RD imm. 1996, p. 626, note J. Derruppé ; Rev. loyers 1996, p. 135, note Ph. Rémy et J. Pialoux) ou encore lorsque le locataire est autorisé à passer d'une activité réduite au domaine publicitaire promotionnel audiovisuel et vidéo au négoce de tous produits manufacturés et de tous services (Cass. 3e civ., 4 nov. 1998 : RJDA 1998, n° 1335). Constitue une modification notable de la destination des lieux l'utilisation de 135 mètres carrés sur les 215 de la partie commerciale comme salle de billard dans des locaux loués à usage de commerce de bar brasserie (Cass. 3e civ., 19 mars 2003 : Administrer juill. 2003, p. 35, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara).Il a été jugé que l'autorisation ponctuelle de céder le seul droit au bail donnée au locataire, sans changement de destination, ne justifiait pas le déplafonnement du loyer (CA Paris, 1re ch. urg., 15 oct. 1992 : Loyers et copr. 1993, comm. 25).

Page 108: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

D. - Époque du changement de destination Conformément à un principe bien établi, le changement de destination doit s'être produit au cours du bail expiré (Cass. 3e civ., 19 juill. 1995 : RJDA 1995, n° 1210 ; Administrer déc. 1995, p. 62, note B. Boccara).

Section 4. - Modification des circonstances ayant entouré la fixation du loyer du bail à renouveler

A. - Principe : l'insuffisance du montant du loyer par rapport à la valeur locative réelle n'est pas en soi un motif de déplafonnement Il peut arriver qu'il existe une importante différence entre le loyer pratiqué et la valeur locative des lieux loués. Ainsi lorsque ce loyer a fait l'objet de fixations judiciaires successives qui ont progressivement éloigné le loyer de la valeur du marché.Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser à la lecture du principe posé par l'article L. 145-33 du Code de commerce, selon lequel : “le loyer doit correspondre à la valeur locative”, cet état de chose est indifférent. Comme l'indique la cour de Paris, un loyer initial anormalement bas ne constitue pas à lui seul un motif de déplafonnement (CA Paris, 16e ch. A, 27 sept. 1994 : RJDA 1995, n° 824). En fait, on ne pourra « déplafonner » le loyer que dans le cas où l'une des causes de déplafonnement limitativement énumérées par l'article L. 145-34 du Code de commerce se trouvera réalisée, ou si les parties, alors même que ces conditions ne sont pas remplies, décident néanmoins de procéder à un déplafonnement, ce qu'elles peuvent faire puisque les dispositions de l'article L. 145-34 ne sont pas d'ordre public.

On notera que par contre il peut y avoir retour à la valeur locative lorsqu'elle est inférieure au loyer plafond.

Cas où la valeur locative des locaux d'habitation inclus dans le bail a varié – Dans le cas de bail mixte portant sur des locaux à usage commercial (ou artisanal) et d'habitation, le fait que la valeur locative des locaux à usage d'habitation ait varié peut-il justifier un déplafonnement du loyer ?La jurisprudence répond par la négative (Cass. 3e civ., 11 juill. 1977 : Bull. civ. 1977, III, n° 308. – Cass. 3e civ., 30 mai 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 223 ; Rev. loyers 1978, p. 380. – Cass. 3e civ., 13 déc. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 370. – Cass. 3e civ., 8 janv. 1980 : Bull. civ. 1980, III, n° 6). Dès lors que la location est indivisible, et soumise en conséquence pour le tout aux articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce et au statut des baux commerciaux, il n'est pas possible de procéder à une ventilation entre le loyer de la partie habitation, qui ne serait pas soumis au plafonnement, et celui des locaux commerciaux qui seul serait plafonné (Cass. 3e civ., 31 janv. 1979 : JCP G 1979, IV, 310 ; Bull. civ. 1979, III, n° 31). Il est impossible d'exclure le plafonnement pour une partie des locaux seulement (Cass. 3e civ., 13 déc. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 369).

B. - Cas particulier : modification des modalités de fixation du loyer initial L'article R. 145-8, alinéa 3 du Code de commerce invite à tenir compte pour la détermination de la valeur locative « des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé ». Ceci amène à évoquer le cas où le bailleur a perçu un « pas-de-porte » et celui ou le loyer initial a été volontairement minoré.

Page 109: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

a) Perception d'un pas-de-porte Le fait qu'un pas-de-porte ait été versé lors de la conclusion du bail est-il une cause de déplafonnement ? Soulignons d'emblée que la question ne va se poser que si ce pas-de-porte a le caractère d'un supplément de loyer.Mais en ce cas, comment justifier le déplafonnement ? La cour de Paris, qui l'a admis, a estimé que ce versement en capital n'étant pas renouvelable, la fixation du loyer du bail renouvelé intervenait nécessairement sur des bases autres que celles qui avaient présidé à la fixation du loyer du bail à renouveler, ce qui constituait une modification notable des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable avait été originairement fixé en application de l'article R. 145-8, alinéa 3 (CA Paris, 24 févr. 1988 : Loyers et copr. 1988, comm. 227. – Comp. CA Paris, 16e ch. B, 4 mai 1995 : Loyers et copr. 1996, comm. 32, obs. C. M. ; Gaz. Pal. 1995, 2, somm. p. 629, note Ph.-H. Brault).

Cette analyse est restée minoritaire : nous l'avons vu, la méthode qui prévaut consiste à appliquer le plafonnement au loyer majoré d'un neuvième du montant du pas-de-porte.

b) Loyer initial volontairement minoré Hypothèse spécifique de déplafonnement – L'article R. 145-8, alinéa 4, invite à se référer, parmi les éléments à prendre en compte pour la fixation de la valeur locative, aux “modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé”.Or il se peut qu'à l'origine les parties aient, d'un commun accord, minoré le loyer, en raison de considérations ou de circonstances particulières. Si les raisons qui ont justifié à l'époque cette minoration du loyer n'existent plus lors de la fixation du loyer du bail renouvelé, on peut alors considérer qu'il y a modification de “l'un des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33”, ce qui peut justifier le déplafonnement du loyer.

Quatre situations peuvent être dégagées de la jurisprudence- lorsque le loyer initial a été fixé à un montant anormalement bas en raison de

rapports privilégiés ou de relations de famille existants à l’époque, entre le locataire et le propriétaire, relations qui n’existent plus à la date du renouvellement, il y a lieu à déplafonnement (Cass. 3e civ., 5 mars 1986 : Gaz. Pal. Rec. 1986, 2, pan., p. 132 – Cass. 3e civ., 6 nov. 1986 : Loyers et copr. 1986, n° 482 – CA Paris, 19 janv. 1996 :Gaz. Pal. Rec. 1996, 2, som., p. 484, note Brault P.-H.).

- lorsque la bailleresse avait accepté un loyer bien inférieur à la valeur locative, lors de la conclusion du bail, en raison de la situation économique difficile de la société locataire (Cass. 3e civ., 12 févr. 1992 : Gaz. Pal. Rec. 1992, 1, p. 370, note Barbier J.-D.).

- lorsque le bailleur venait de perdre la concession d’une marque automobile et avait, pour unique locataire potentiel, le nouveau concessionnaire. Le bailleur avait accepté un loyer représentant environ la moitié de la valeur locative parce qu’il s’était trouvé « en position défavorable à une négociation de prix » (Cass. 3e civ., 13 sept. 2011, n° 10-19804 : Administrer nov. 2011, p. 24, note Barbier J.-D. ; Gaz. Pal. 22 oct. 2011, n° I7451, p. 35, note Brault C.-E.).

- Lorsque, lors du premier renouvellement du bail, le loyer a été maintenu à son montant, en raison des relations de famille qui existaient entre les parties, les juges du fond doivent vérifier si ces circonstances ne s’analysent pas en une minoration du loyer justifiant le déplafonnement lors du second renouvellement (Cass. 3e civ., 1er déc. 2016, n° 15-20365 : Administrer janv. 2017, p. 41, note Barbier J.-D. – Cass. 3e civ., 13 sept. 2011, n° 10-19804).

Conditions de ce déplafonnement

Trois conditions doivent être remplies pour que le déplafonnement soit admis.

Page 110: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

1. Le loyer d’origine doit avoir été fixé à un montant anormalement bas. La sous-évaluation doit être notable, c’est-à-dire importante. Pour que le déplafonnement soit admis, il doit être établi que le loyer a été minoré en raison des convenances des deux parties et que la minoration ne résulte pas du fait du seul bailleur (Cass. 3e civ., 10 juill. 1996 : RJDA 1997, n° 22).

2. En second lieu, il faut des circonstances particulières motivant cette sous-évaluation.La sous-évaluation du loyer initial, à elle seule, ne constitue pas un motif de déplafonnement.Ce n'est pas le cas si le loyer avait été fixé à un montant anormalement bas en raison du fait que les grosses réparations étaient à la charge du locataire mais que le renouvellement du bail est offert aux mêmes clauses et conditions (Cass. 3e civ., 3 avr. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 269, note Ph.-H. Brault ; Bull. civ. 1996, III, n° 96 ; RD imm. août-sept. 1996, p. 430, obs. J. Derruppé ; RJDA 1996, n° 897 ; Administrer janv. 1997, p. 32, note B. Boccara).

3. Enfin, il faut que les circonstances particulières à l’origine de la sous-évaluation ne se retrouvent pas à la date du renouvellement.

Déplafonnement admis – Le déplafonnement du loyer a été admis pour ce motif dans les cas suivants :• lorsque le loyer a été minoré en raison des bonnes relations familiales qui existaient à l'époque et qui se sont détériorées par la suite (Cass. 3e civ., 10 juill. 1978 : Rev. loyers 1978, p. 502). Ainsi lorsque le bail a été consenti par un époux à l'autre et qu'il y a eu divorce par la suite (CA Paris, 16e ch. A, 26 sept. 1995 : Loyers et copr. 1995, comm. 528) ou que le loyer a été minoré en raison des liens familiaux unissant bailleur et preneur et que le locataire actuel n'a plus aucun lien de parenté avec le bailleur (CA Paris, 16e ch. B, 19 janv. 1996 : Gaz. Pal. 1996, 2, somm. p. 484, obs. Ph.-H. Brault) ;• lorsque le loyer a été minoré en raison de relations privilégiées existant entre les parties lors de la conclusion du bail et qui ont disparu depuis lors (Cass. 3e civ., 5 mars 1986 : JCP G 1986, IV, 287. – CA Paris, 9 juin 1989 : D. 1989, inf. rap. p. 214), par exemple lorsque le bailleur était l'un des associés de la société locataire et qu'il n'a plus cette qualité lors du renouvellement du bail (CA Paris, 16e ch. A, 4 févr. 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 437) ;• lorsque le loyer a été minoré en raison de la situation économique de la société locataire, qui s'est améliorée en cours de bail (Cass. 3e civ., 12 févr. 1992 : Rev. loyers 1992, p. 243), ou en raison d'une menace d'expropriation qui a disparu depuis lors (CA Paris, 16e ch. B, 21 déc. 1989 : D. 1990, inf. rap. p. 22) ;• lorsque le loyer a été fixé à un prix anormalement bas pour faciliter la vente du fonds, ces circonstances exceptionnelles n'existant plus lors du renouvellement du bail (CA Paris, 16e ch. B, 10 oct. 1996 : Administrer déc. 1996, p. 25, note B. Boccara).

Déplafonnement non admis Un certain nombre de circonstances ne sont pas prises en considération ; ainsi lorsque la minoration du loyer ne tient pas à une volonté concertée des parties, mais à des circonstances fortuites, parfois purement personnelles au bailleur :• lorsqu'il a fixé le loyer à ce taux en raison de son ignorance de la valeur locative (Cass. 3e civ., 19 févr. 1980 : Rev. loyers 1980, p. 261. – CA Paris, 6 juin 1985 : Bull. Loyers 1985, n° 341) ;• lorsque la minoration du loyer est due à de nombreuses erreurs procédurales commises par le bailleur, qui ont maintenu le loyer à un taux anormalement bas (Cass. 3e civ., 4 nov. 1987 : Loyers et copr. 1987, comm. 456. – CA Paris, 16e ch. A, 26 nov. 1990 : JCP N 1992, II, 307, note Ph.-H. Brault) ;• lorsque le bailleur a minoré le montant du loyer parce qu'il cédait son fonds au locataire, et en vue de faciliter cette cession (Cass. 3e civ., 2 oct. 1985 : JCP G 1985, IV, 351. – CA Paris, 16e ch. A, 28 févr. 2001 : Administrer mai 2001, p. 48, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara ; Gaz. Pal. 8-9 févr. 2002, p. 46, note Ch.-E. Brault. – V.

Page 111: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

précédemment dans le même sens, CA Paris, 16e ch. B, 3 déc. 1999 : Loyers et copr. 2000, comm. 36, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira. – CA Toulouse, 22 mai 1984 : Bull. Loyers 1985, n° 218. – V. cependant en sens contraire, CA Paris, 10 oct. 1996, préc. supra n° 50).• lorsque le loyer a été convenu dans le cadre d'une transaction lors du dernier renouvellement du bail, sans qu'il soit établi que ce loyer a été fixé à un montant bien inférieur à la valeur locative pour une raison particulière (Cass. 3e civ., 29 sept. 2010, n° 09-67.584 : RJDA févr. 2011, n° 118).

Section 5. Modification des facteurs locaux de commercialité La modification des facteurs locaux de commercialité, élément de référence pour l'appréciation de la valeur locative (C. com., art. R. 145-6), est une autre cause éventuelle de déplafonnement. Pour qu'elle puisse être retenue, il faut qu'il y ait réellement modification et qu'elle soit notable (1°). Il faut ensuite que cette modification présente un intérêt pour l'activité exercée par le locataire (2°).

Pour accueillir une demande de déplafonnement, le juge doit constater que ces deux conditions sont remplies. À défaut sa décision sera censurée par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 30 juin 2004 : Bull. civ. 2004, III n° 138 ; Loyers et copr. 2004, comm. 147, obs. Ph.-H. Brault ; JCP N 2005, n° 1-2, 1004 et JCP E 2004, n° 44, 1601, note B. Demoustier ; AJDI 2005, p. 131, note C. Denizot).

A. - Existence d'une modification notable

a) Modifications à prendre en compte L'article R. 145-6 du Code de commerce définit les facteurs locaux de commercialité. Ils sont fonction :• de « l'importance » de la ville, du quartier, de la rue où est situé le local ;• du lieu de son implantation ;• de la répartition des diverses activités dans le voisinage ;• des moyens de transport ;• de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée.Toute modification de l'un quelconque de ces facteurs est susceptible d'influer sur les facteurs locaux de commercialité et elle peut être a priori retenue comme cause de « déplafonnement » du loyer.

Appréciation souveraine des juges du fond – La jurisprudence en ce domaine est très abondante, et elle n'a pas de signification dans l'absolu, puisqu'il s'agit toujours, nous le verrons, de procéder à une appréciation in concreto de l'incidence de la modification des facteurs locaux de commercialité sur le commerce considéré.L'évaluation, et l'importance des éléments de fait qu'il convient de retenir comme constituant une variation des facteurs locaux de commercialité relèvent, selon la Cour de cassation, de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. 3e civ., 29 avr. 1987 : Loyers et copr. 1987, comm. 226. – Cass. 3e civ., 19 juill. 1988 : Loyers et copr. 1988, comm. 498. – Cass. 3e civ., 7 déc. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. 77. – Cass. 3e civ., 1er févr. 1989 : JurisData n° 1989-000557 ; Loyers et copr. 1989, comm. 190. – Cass. 3e civ., 22 mars 1989 : Administrer mai 1990, n° 212, p. 41, note E.-E. Frank). De même les juges du fond apprécient souverainement s'il y a modification notable des facteurs locaux de commercialité et leurs incidences pour le commerce considéré (Cass. 3e civ., 11 déc. 1996 : JCP G 1997, IV, 254 et E 1997, pan. 113. – Cass. 3e civ., 10 janv. 1985 : Loyers et copr. 1985, comm. 166).

Page 112: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

La commercialité d'un quartier peut varier d'un secteur à l'autre, d'une rue à une autre, voire d'un trottoir à l'autre (CA Paris, 16e ch., 29 nov. 1996 : Administrer févr. 1997, p. 23, note B. Boccara). Pour la définir, on peut être amené à distinguer dans une même rue des tronçons de commercialité différente (Cass. 3e civ., 6 mars 1996 : Administrer juin 1996, p. 29, obs. B. Boccara).

Il serait donc sans intérêt de faire une présentation exhaustive de l'ensemble de la jurisprudence (fort abondante) que suscite la matière, puisque chaque cas est un cas d'espèce. Il nous suffira de présenter, à titre d'illustration, les éléments les plus souvent retenus par les tribunaux saisis de litiges en ce domaine.

b) Modification concernant « l'importance de la ville, du quartier ou de la rue » L'augmentation de la population, qu'elle concerne la ville, le quartier ou la rue, peut a priori constituer une modification des facteurs locaux de commercialité.Ainsi dans le cas d'une augmentation globale de la population de la commune ou de la population du quartier due à la construction de logements nouveaux (V. pour des exemples, Cass. 3e civ., 1er juin 1999 : AJDI 1999, p. 818. – Cass. 3e civ., 5 oct. 1999 : Dr. et patrimoine 2000, p. 104, obs. P. Chauvel. – Cass. 3e civ., 22 janv. 1992 : Rev. loyers 1992, p. 208. – Cass. 3e civ., 16 juin 1993 : Rev. loyers 1993, p. 356. – Cass. 3e civ., 23 nov. 1993 : Rev. loyers 1994, p. 151. – Cass. 3e civ., 31 mai 1994 : Rev. loyers 1994, p. 446. – CA Paris, 15 nov. 1983 : Bull. Loyers 1984, n° 34. – CA Paris, 11 oct. 1988 : D. 1988, inf. rap. p. 250. – CA Paris, 2 déc. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. 78. – CA Paris, 18 janv. 1990 : Loyers et copr. 1990, comm. 226. – CA Versailles, 14 juin 1990 : Administrer nov. 1990, n° 217, p. 51. – CA Paris, 16e ch. A, 26 nov. 1990 : Loyers et copr. 1991, comm. 127. – CA Paris, 16e ch. B, 29 mai 1992 : Administrer mai 1993, p. 53. – CA Paris, 16e ch. A, 29 mars 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 295).

Encore faut-il que les variations de population aient une importance pour l'activité exercée dans les locaux. Ainsi dans le cas d'un commerce de proximité (pharmacie), la baisse de population alléguée par le locataire et reconnue par le bailleur peut entraîner une modification notable des facteurs locaux de commercialité (Cass. 3e civ., 13 juill. 1999 : JCP N 2000, n° 18, p. 784, et JCP E 2000, n° 14, p. 609, note F. Auque ; Gaz. Pal. 4-6 juin 2000, p. 20, note J.-D. Barbier).

Le changement peut aussi être qualitatif :• ainsi l'expansion touristique d'une ville bénéficie à une société de transport exploitant des autocars de tourisme (Cass. 3e civ., 9 janv. 1991 : Rev. loyers 1991, p. 247) ;• le fait qu'une rue soit devenue à la mode et très fréquentée par une clientèle huppée peut être un motif de déplafonner le loyer d'un restaurant (CA Paris, 16e ch. B, 7 oct. 1994 : D. 1995, inf. rap. p. 34).

c) Modifications concernant l'environnement immédiat des locaux loués L'article R. 145-6 du Code de commerce invite à prendre en compte les modifications affectant le « lieu de l'implantation » de l'activité considérée, et la répartition des diverses activités dans le voisinage.

Création d'une zone piétonne – La création d'une rue piétonnière, ou d'une zone piétonnière est assez fréquemment admise comme motif de déplafonnement. A priori, il s'agit en effet d'un facteur bénéfique, du point de vue de la commercialité de la rue ou du quartier (Cass. 3e civ., 25 nov. 1992 : Rev. loyers 1993, p. 36). Mais encore faudra-t-il vérifier que la création de cette rue ou zone piétonnière a bénéficié ou est susceptible de bénéficier effectivement à l'activité exercée par le locataire (V. n° 68 . – V. par exemple, Cass. 3e civ., 13 oct. 1999 :

Page 113: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Dr. et patrimoine mai 2000, p. 121. – CA Paris, 22 févr. 1985 : Bull. Loyers 1985, n° 219. – CA Paris, 9 oct. 1987 : Loyers et copr. 1987, comm. 457. – CA Rennes, 12 mai 1987 : Gaz. Pal. 1988, 1, somm. p. 194. – CA Versailles, 12 févr. 1988 : Loyers et copr. 1988, comm. 542).

Évolution du quartier – Il peut y avoir déplafonnement dans le cas de création d'un centre d'affaires ou d'augmentation de la fréquentation touristique du quartier (CA Paris, 16e ch. A, 3 juin 1998 : Loyers et copr. 1999, comm. 10), ou d'augmentation très importante des surfaces commerciales et de bureaux, accompagnée de la création de nouveaux logements, facteurs favorables pour un commerce de restauration (CA Paris, 16e ch. A, 17 sept. 2008 : Administrer, déc. 2008, p. 62, obs. M. L Sainturat).De même encore, si le standing du quartier se modifie, si par exemple de nombreux commerces de luxe s'y sont implantés, ce qui ne peut que bénéficier à l'activité du locataire exerçant un commerce de cette nature (pour un antiquaire, CA Paris, 16e ch. A, 28 mai 1991 : Loyers et copr. 1991, comm. 438. – V. aussi CA Paris, 16e ch. B, 3 févr. 1994 : Administrer août-sept. 1994, n° 259, p. 51). Par contre l'implantation de nouvelles surfaces de bureaux est sans intérêt pour un commerce de pressing (CA Paris, 16e ch. A, 17 sept. 2008 : Administrer, déc. 2008, p. 62, obs. M.-L. Sainturat).

À l'inverse le départ de nombreux commerces peut entraîner une modification des facteurs locaux de commercialité (CA Montpellier, 1re ch. B, 5 nov. 1997 : Loyers et copr. 1998, comm. 272). Il peut s'agir d'un signe de stagnation ou de dépérissement de la commercialité. Mais ce peut être aussi un facteur bénéfique pour le commerce considéré, en raison de la disparition de la concurrence (CA Paris, 16e ch. A, 14 oct. 1998 : Administrer août-sept. 1999, p. 48, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat). L'impact positif ou négatif du développement de la concurrence est souvent pris en compte en tant qu'élément de modification des facteurs locaux de commercialité (CA Paris, 16e ch. B, 11 déc. 1998 : Loyers et copr. 1999, comm. 98, obs. Ph.-H. Brault. – pour un bilan de jurisprudence, F. Robine et A. Vaz de Cruz, Évolution des critères de la modification des facteurs locaux de commercialité dans le décret du 30 septembre 1953, l'émergence de l'incorporel : Gaz. Pal. 1998, 1, doctr. p. 451).

En ce qui concerne le périmètre dans lequel s'est manifestée l'évolution constatée, un arrêt de la Cour de Paris invite à se référer au secteur immédiat (CA Paris, 16e ch. A, 14 févr. 1995 : Loyers et copr. 1995, comm. 168). La Cour de Versailles précise pour sa part que cette évolution doit être appréciée non pas sur la zone de chalandise potentielle, c'est-à-dire celle à l'intérieur de laquelle le locataire peut par ses efforts développer une clientèle, mais sur la zone de chalandise naturelle (CA Versailles 7 janv. 1999 : RJDA 1999, n° 530, p. 418), qui peut dans certains cas être extrêmement restreinte (V. pour une pharmacie dans un secteur de très forte densité d'officines, CA Paris, 16e ch. A, 15 nov. 2006 : Administrer, févr. 2007, p. 36).

d) Modification de l'accessibilité des locaux loués Si les moyens d'accès de la rue ou du quartier s'améliorent, il y a là, a priori, une cause de déplafonnement du loyer, sauf à vérifier que ce nouvel état de chose est susceptible de profiter à l'activité exercée par le locataire :• ainsi lorsque se crée une station de métro ou de RER (Cass. 3e civ., 21 nov. 1995 : Rev. loyers 1996, p. 92) ; ceci peut justifier le déplafonnement du loyer d'un bar-restaurant situé à proximité immédiate (CA Paris, 16e ch. A, 18 janv. 1994 : Rev. loyers 1994, p. 410 ; Loyers et copr. 1994, comm. 296. –CA Paris, 22 févr. 1983 : Bull. Loyers 1983, n° 181) ;• de même, lorsque se crée un parc de stationnement dans un quartier où le stationnement est difficile (V. pour un commerce d'antiquités, CA Paris, 16e ch. B, 6 nov. 1986 : Loyers et copr. 1987, comm. 36. – CA Paris, 16e ch. B, 14 sept. 1989 : D. 1989, inf. rap. p. 250).

Page 114: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

e) Modification de l'attractivité de la rue ou du quartier La modification du caractère attractif du quartier ou de la rue, qui augmente sa commercialité, peut tenir à des facteurs divers :• par exemple l'installation d'un musée qui, en raison du flux de clientèle qu'il génère, peut justifier le déplafonnement du loyer d'un fonds de commerce de café-bar-brasserie-salon de thé-restaurant (CA Paris, 16e ch. A, 29 oct. 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 78) ;• la création d'un palais des congrès à 150 mètres du commerce de locataires qui vendent de la confiserie (Cass. 3e civ., 29 mars 1995 : Rev. loyers 1995, p. 346) ;• l'ouverture d'une grande surface, facteur favorable pour les commerces qui ne sont pas concurrencés par elle, en raison de la clientèle qu'elle attire (Cass. 3e civ., 12 déc. 1990 : Ann. loyers 1992, p. 686).Encore faut-il que la « modification » intervenue ait une incidence pour le commerce considéré. Ce n'est pas le cas pour la desserte de la commune par l'autoroute, dans le cas d'un commerce de pharmacie (CA Toulouse, 2e ch. 23 mars 2004 : JCP G 2004, IV, 2701).

B. Conditions à remplir a) Nature et objet de la modification – Il n'y a pas ici, comme en matière de révision du loyer, de seuil à franchir et il n'est pas exigé, pour la recevabilité de la demande, que la modification soit « matérielle ». Cependant, et conformément à la règle posée par l'article L. 145-34 nouveau du Code de commerce, cette modification doit être notable, au sens indiqué précédemment.Il faut également que la « modification » concerne des facteurs extrinsèques au commerce considéré. A été censuré un arrêt qui avait estimé qu'une pharmacie constitue un commerce à monopole qui par sa dynamique propre entraîne une augmentation de la commercialité, et qui avait pour ce motif admis le déplafonnement du loyer (Cass. 3e civ., 13 mars 1991 : Bull. civ. 1991, III, n° 89 ; Loyers et copr. 1991, comm. 439 ; RJDA 1991, n° 282).

De même le déplafonnement du loyer ne peut être admis pour le motif que la clientèle du fonds s'est accrue par l'effet de l'adjonction du loto alors que le développement du commerce dans le respect de la destination des lieux prévue au bail ne constitue pas une modification des facteurs locaux de commercialité (Cass. 3e civ., 12 oct. 1988 : Loyers et copr. 1989, comm. 33 ; Bull. civ. 1988, III, n° 138).

Époque à laquelle s'est produite la modification – Selon les principes de droit commun la modification des facteurs locaux de commercialité doit être intervenue depuis la date de prise d'effet du bail à renouveler. Ainsi lorsque le renouvellement intervient en raison de l'exercice de son droit de repentir par le bailleur, c'est la date de notification de ce repentir qui constitue la date d'effet du nouveau bail (C. com., art. L. 145-12).

Dès lors toute modification des facteurs locaux de commercialité intervenue entre le point de départ du bail à renouveler et la date du repentir doit être prise en considération (Cass. 3e civ., 11 déc. 1996 : JCP G 1997, IV, 255 et E 1997, pan. 86, note L. Levy cassant CA Paris, 16e ch. B, 15 déc. 1994 : Loyers et copr. 1995, comm. 72, obs. Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal. 1995, 2, somm. p. 370, note J.-D. Barbier. –CA Paris, 16e ch. B, 18 sept. 1998 : D. 1998, inf. rap. p. 231).Il est des cas où la modification des facteurs locaux de commercialité, bien qu'antérieure à la date de renouvellement du bail, ne sera pas cependant prise en compte. Ainsi lorsqu'elle n'aura pas encore eu d'impact (positif ou négatif) sur le commerce considéré (V. par exemple pour l'ouverture d'un centre commercial, CA Paris, 16e ch. B, 4 sept. 1998 : Administrer nov. 1998, p. 37, obs. B. Boccara). À l'inverse un arrêt a pris en

Page 115: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

compte des événements survenus avant le début du bail à renouveler, au motif que leurs effets positifs sur le commerce considéré ne s'étaient produits que pendant le cours de ce bail (CA Bordeaux 2e ch., 23 sept. 2008 : Loyers et copr. 2009, comm. 40, obs. E. C).

b) Preuve de la modification – C'est au bailleur qui invoque la modification des facteurs locaux de commercialité à l'appui d'une demande de déplafonnement de produire des éléments objectifs susceptibles d'en justifier (CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 11 juin 1998 : Bull. inf. C. cass. 15 mars 1999, n° 346, p. 24). À défaut, en présence de simples allégations, le tribunal ne peut ordonner une expertise pour suppléer à l'absence de tout commencement de preuve.Le juge apprécie l'opportunité de la désignation d'un expert et il peut débouter un bailleur s'il estime que les éléments fournis ne justifient pas suffisamment la demande (Cass. 3e civ., 22 janv. 1997 : AJPI 1997, p. 476. – Cass 3e civ., 28 mai 1997 : Bull. civ. 1997, III, n° 115). En effet, en application des dispositions de l'article 146, alinéa 2 du Code de procédure civile, le juge ne saurait ordonner une expertise pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe.

Faisant application de ce texte, la cour d'appel de Paris a confirmé, dans une autre affaire, la décision qui lui était déférée en ce qu'elle avait rejeté la demande d'instruction, faute par le propriétaire de produire aux débats des éléments d'appréciation suffisants, de nature à étayer sa demande (CA Paris, 16e ch., sect. A, 19 nov. 2003, n° 2001/00080 : Loyers et copr. 2004, comm. 12).

C. Incidence de la modification des facteurs locaux de commercialité sur l'activité du locataire L'article R. 145-6 du Code de commerce invite à s'interroger sur “l'intérêt que présente pour le commerce considéré” la variation des facteurs locaux de commercialité constatée. Après avoir évoqué les difficultés d'interprétation auxquelles ce texte a donné lieu (1°) nous verrons quels ont été les critères d'appréciation finalement retenus (2°) et les applications faites par la jurisprudence (3°).

a) Intérêt de la modification des facteurs locaux de commercialité pour le commerce considéré Recherche obligatoire pour les juges – La Cour de cassation invite les juges du fond à rechercher dans chaque cas, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, si la modification des facteurs locaux de commercialité constatée a ou non un retentissement sur l'activité exercée par le locataire : à défaut, leur décision sera censurée (Cass. 3e civ., 4 mars 1987 : Loyers et copr. 1987, comm. 138. – Cass. 3e civ., 22 mars 1989 : Rev. loyers 1989, p. 218. – Cass. 3e civ., 20 juin 1990 : Rev. loyers 1991, p. 80. – Cass. 3e civ., 31 mars 1998 : Loyers et copr. 1998, comm. 215. – Cass. 3e civ., 27 janv. 1999 : JCP E 1999, pan. p. 491 et G 1999, IV, 1507 ; Bull. civ. 1999, III, n° 21 ; Defrénois 1995, art. 36969, n° 2, obs. S. Duplan-Miellet. – Cass. 3e civ., 2 oct. 2007 : Gaz. Pal. 28-29 déc. 2007, p. 20, obs. C.-E. Brault).Cette recherche doit être effectuée par le juge « même d'office » (Cass. 3e civ., 7 avr. 2004 :; Bull. civ. 2004, III, n° 71 ; Loyers et copr. 2004, comm. 130, obs. Ph.-H. Brault ; JCP E 2005, n° 23, p. 967, obs. J. Monéger ; Defrénois 2005, p. 253, note L. Ruet ; D. 2004, p. 1311, note Y. Rouquet ; AJDI 2004, p. 719, note M.-P. Dumont).

Cela étant, l'interprétation de l'article R. 145-6 du Code de commerce a suscité deux difficultés : on s'est demandé ce qu'il fallait entendre par « commerce considéré » (a) et quel était le sens à donner à la notion d'« intérêt » pour le commerce considéré (b).

Page 116: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

1. Notion de « commerce considéré » Activité exercée dans les lieux – Un premier problème est de savoir si pour l'application de l'article R. 145-6 du Code de commerce, on doit prendre en considération l'activité effectivement exercée dans les lieux ou l'ensemble des activités susceptibles d'être exercées parce qu'elles sont contractuellement autorisées.La Cour de cassation a jugé qu'il y avait lieu de se référer au commerce effectivement exercé et non pas à la destination contractuelle des locaux (Cass. 3e civ., 16 juill. 1998 : JCP G 1998, IV, 3078 et JCP E 1998, pan. p. 1618 ; Loyers et copr. 1998 comm. 270 ; Bull. civ. 1998, III, n° 166 ; Administrer nov. 1998 p. 32, note J.-D. Barbier ; RD imm. 1999, p. 324, obs. J. Derruppé ; AJDI 1998, p. 926, note J.-P. Blatter. – Cass. 3e civ., 8 janv. 1997 : CP G 1997, IV, 387 ; Loyers et copr. 1997, comm. 51, obs. Ph.-H. Brault. – V. précédemment Cass. 3e civ., 17 févr. 1981 : Bull. civ. III, n° 33. – Cass. 3e civ., 4 mars 1987 : Loyers et copr. 1987, comm. 138 ; Bull. civ. 1987, III, n° 39).

Ainsi lorsque le bail autorise le commerce de parfumerie, coiffure, vente d'accessoires se rapportant à la coiffure, produits de beauté, soins esthétiques, mais que l'activité réelle se limite à celle de coiffure pour dames, le déplafonnement du loyer peut être opéré si l'on constate que les facteurs locaux de commercialité ont varié dans un sens favorable pour l'exercice de cette activité de coiffeur ; en l'espèce les juges ont retenu l'implantation de nombreux bureaux avenue de l'Opéra (Cass. 3e civ., 21 janv. 1998 : RJDA 1998, n° 268).

En cas de sous-location, l'intérêt que présente une modification des facteurs locaux de commercialité doit être apprécié au regard de là où des activités commerciales exercées dans les locaux loués, sans qu'il y ait lieu d'exclure de cet examen l'activité d'un sous-locataire (Cass. 3e civ., 8 déc. 2010 : Administrer févr. 2011, p. 25, obs. D. Lipmann-Boccara ; Bull. civ. 2010, III, n° 214 ; Rev. loyers 2011, p. 61, note C. Lebel ; Ann. loyers 2011, p. 19, note A. Cerati-Gauthier).

2. Notion « d'intérêt » pour le commerce considéré Nécessité d'une incidence favorable pour l'activité considérée – En 2011, la Cour de cassation, revenant sur sa jurisprudence antérieure, a décidé qu'une modification notable des facteurs locaux de commercialité ne pouvait constituer un motif de déplafonnement du nouveau loyer que si elle était de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité exercée par le preneur (Cass. 3e civ., 14 sept. 2011, n° 10-30.825 : JCP E 2011, n° 42, 1751, note C. Rouquette-Terrouane ; JCP E 2012, n° 5, 1095, note F. Kendérian ; Loyers et copr. 2011, comm. 321, note Ph.-H. Brault ; Defrenois 2011, art. 40174, p. 1530, note L. Ruet ; Rev. loyers 2011, p. 410, note A. de Galembert ; AJDI 2011, p. 829, chron. A. Confino ; J. Monéger, chron. Loyers et copr. 2011, repère 9).Comme on l'a observé, à la suite de cet arrêt, le bailleur qui voudra obtenir un « déplafonnement » du loyer devra dorénavant d'une part prouver la matérialité de la modification notable des facteurs locaux de commercialité et d'autre part prouver l'incidence favorable de cette modification sur l'activité exercée (L. Ruet, note préc.).

Un arrêt postérieur de la Cour de cassation a confirmé cette jurisprudence en énonçant qu'une évolution notable à la baisse des facteurs locaux de commercialité ne pouvait justifier le déplafonnement, celui-ci ne pouvant intervenir qu'en cas d'évolution ayant un impact favorable sur le commerce concerné (Cass. 3e civ., 17 janv. 2012, n° 11-12.090 : Loyers et copr. 2012, comm. 80, obs. E. C. ; Ann. loyers 2012, p. 505, note A. Cerati-Gauthier ; AJDI 2012, p. 506, obs. Y. Rouquet).

En présence d'une combinaison de facteurs favorables et défavorables, il y a lieu de procéder à une analyse globale des incidences favorables et défavorables des facteurs locaux de commercialité, pour permettre d'apprécier leur incidence sur le commerce considéré (TGI Verdun, 12 juill. 2012 : Rev. loyers 2012, p. 404, note B. de Lagger ;

Page 117: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Administrer nov. 2012, p. 42, obs. M.-L. Sainturat. –, Ph. Mélin, Modification des facteurs locaux de commerce. Appréciation globale : AJDI 2012, p. 733).

b) Critères d'appréciation admis et critères exclus

1. Appréciation « in abstracto » Absence de prise en considération de la gestion de l'exploitant – Une première approche consiste à se demander dans l'abstrait si la variation des facteurs locaux de commercialité constatée devrait normalement avoir une incidence favorable pour le commerce considéré, compte tenu de sa nature. Il ne s'agit pas alors de procéder à des investigations comptables pour vérifier si le locataire a tiré ou non parti de la modification des facteurs locaux de commercialité, mais de se demander si elle aurait dû normalement lui bénéficier. Dans l'affirmative, le déplafonnement sera admis. Ainsi pourra-t-on estimer qu'un fonds de confiserie ne peut que bénéficier de l'afflux de milliers de congressistes à la suite de l'installation d'un palais des Congrès à 150 mètres (Cass. 3e civ., 29 mars 1995 : RJDA 1995, n° 695 ; Rev. loyers 1995, p. 346).Cette appréciation a paru au vu de cet arrêt, être admise par la Cour de cassation. Mais la jurisprudence demande, en ce domaine, à se consolider (V. en ce sens, CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 11 mai 1999 : JCP E 2000, n° 8. – CA Versailles, 20 nov. 1997 : JurisData n° 1997-046693).

2. Chiffre d'affaires du locataire Critère n'étant pas suffisant à lui seul – Pour apprécier si la modification des facteurs de commercialité a une incidence sur l'activité considérée, on peut imaginer de se référer à l'évolution du chiffre d'affaires du fonds.Cette méthode présente divers inconvénients : le premier est qu'elle peut amener à fausser l'appréciation. En effet, un fonds déterminé peut ne pas avoir profité de la variation des facteurs locaux de commercialité en raison de l'incurie de celui qui l'exploite, alors qu'elle aurait dû normalement lui bénéficier. Par ailleurs (cas inverse…), l'augmentation du chiffre d'affaires peut avoir pour cause des facteurs étrangers à l'augmentation des facteurs locaux de commercialité : dynamisme particulier de l'exploitant, forte augmentation de la demande dans le secteur considéré.

La Cour de cassation a finalement condamné ce procédé. Les juges du fond n'ont pas à tenir compte de l'évolution du chiffre d'affaires du locataire pour retenir une modification notable justifiant le déplafonnement du loyer du bail renouvelé (Cass. 3e civ., 11 déc. 1996 : Bull. civ. 1996, III, n° 233). La modification des facteurs locaux de commercialité peut constituer, nonobstant la stagnation du chiffre d'affaires de la locataire une modification notable d'un élément de la valeur locative justifiant le déplafonnement du loyer du bail renouvelé (Cass. 3e civ., 12 juin 2001 : Administrer nov. 2001, p. 25, note J.-D. Barbier. – CA Versailles 12e ch. C, 2e sect., 12 déc. 2002 : Gaz. Pal. 13-14 juin 2003, p. 38, obs. Ph.-H. Brault).

Dans un arrêt antérieur à la décision de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 11 déc. 1996) la cour de Paris déclare que si le chiffre d'affaires ne peut pas constituer un critère déterminant au titre de l'évolution de la commercialité, il peut néanmoins constituer un élément de recoupement intéressant pour apprécier ce motif de déplafonnement (CA Paris, 16e ch. A, 8 oct. 1996 : RJDA 1997, n° 179). Par ailleurs un arrêt de la cour de Rennes (CA Rennes, 16 juin 1999), confirmé par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 26 sept. 2001 : Administrer janv. 2002, p. 26, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara ; AJDI 2002, p. 34 ; RJDA 2001, n° 1988) admet que l'évolution du chiffre d'affaires du locataire peut être prise en considération, en tant qu'indice de l'influence de la variation des facteurs locaux de commercialité sur le commerce considéré. Ainsi, le fait que le chiffre

Page 118: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

d'affaires du locataire ait augmenté de 60 % en sept ans a été considéré comme un indice de l'influence de l'augmentation de la population sur les facteurs locaux de commercialité (Cass. 3e civ., 1er mars 2000 : Dr. et patrimoine sept. 2000, p. 102, obs. P. Chauvel ; RJDA 2000, n° 517. – pour d'autres exemples, CA Paris, 16e ch. A, 8 nov. 2006 : Gaz. Pal. 20-22 mai 2007, p. 32, obs. C.-E. Brault. – CA Paris, 16e ch. A, 17 déc. 2008 : Administrer mars 2009, p. 52, obs. M.-L. Sainturat. – CA Paris, 16e ch. A, 26 mars 2009 : Loyers et copr. 2009, comm. 151, obs. E. Chavance).

3. Prix de vente des fonds et montant des loyers dans le secteur Plusieurs arrêts de la cour de Paris avaient estimé que le meilleur baromètre de la commercialité, qui se définit comme l'aptitude d'un secteur à générer du chiffre d'affaires, résidait dans l'augmentation sensible des prix de vente des fonds et des loyers, sauf à réserver l'incidence des facteurs purement spéculatifs (CA Paris, 16e ch. A, 23 nov. 1993 : RD imm. 1994, p. 313, obs. J. D. – 26 juin 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 79. – CA Paris, 16e ch. B, 27 juin 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 119, note Ph.-H. Brault ; JCP E 1992, I, 149, n° 46-Cette jurisprudence paraît avoir été condamnée par la Cour de cassation. Elle a en effet censuré une décision de la cour de Paris (CA Paris, 16e ch. A, 26 juin 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 79) qui s'était référée à l'augmentation moyenne des prix d'achat des fonds de commerce dans le secteur pour conclure à une variation des facteurs locaux de commercialité. La Cour de cassation reproche à la Cour de Paris de ne pas avoir précisé en quoi cette augmentation présentait un intérêt pour le commerce considéré (Cass. 3e civ., 24 nov. 1993 : Rev. loyers 1994, p. 151).

Néanmoins, la cour de Paris a maintenu sa position dans plusieurs décisions postérieures (CA Paris, 23 nov. 1993 : Loyers et copr. 1994, comm. 117. – CA Paris, 16 juin 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 343. – CA Paris, 10 oct. 1997 : Administrer mars 1998, p. 31). Mais une décision plus récente déclare, de façon, à notre avis, plus satisfaisante, qu'une forte augmentation des prix de cession de baux et de fonds ne peut caractériser à elle seule une évolution notable des facteurs de commercialité justifiant le déplafonnement (CA Paris, 16e ch. B, 9 janv. 1998 : Loyers et copr. 1998, comm. 125, obs. Ph.-H. Brault).

c) Applications diverses Appréciation cas par cas – Puisqu'il s'agit dans chaque cas de vérifier que la variation des facteurs locaux de commercialité constatée présente bien un intérêt pour le fonds du locataire compte tenu de l'activité exercée, il ne faut pas s'étonner que telle ou telle modification des facteurs locaux de commercialité qui pourra être a priori considérée comme bénéfique puisse néanmoins ne pas être retenue comme motif de déplafonnement, en fonction des circonstances particulières de l'espèce.

Augmentation de la population Une augmentation de la population du quartier, modification a priori positive de la « commercialité » peut ne pas être un motif de déplafonnement si elle n'a aucune importance pour le commerce considéré : par exemple pour une activité d'import-export (CA Paris, 16e ch. A, 8 oct. 1991 : D. 1991, inf. rap. p. 290). Ainsi, la construction de logements de standing peut n'avoir aucune incidence sur l'activité d'un petit restaurant qui s'adresse à une clientèle aux revenus modestes (CA Paris, 16e ch. B, 13 oct. 1994 : Dossiers CNAB Paris-Île-de-France, juin 1995, n° 19, p. 16).De même l'implantation de nouveaux ensembles immobiliers n'a pas d'incidence sur l'activité d'un commerce de gros et de demi-gros de papiers peints et de revêtements de sols (CA Paris, 2e ch. B, 26 oct. 1995 : D. 1995, inf. rap. p. 247 ; RD imm. 1996, p. 119,

Page 119: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

note J. Derruppé). Et le fait que la structure de la population se soit modifiée, au profit d'une population réputée avoir un pouvoir d'achat plus important, n'est pas nécessairement favorable au commerce considéré, qui est une petite librairie traditionnelle (CA Paris, 16e ch. B, 19 janv. 2001 : Loyers et copr. 2001, comm. 66, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira).

Enfin, un afflux de clientèle dans la proximité géographique du lieu de d'implantation du commerce exploité (chaussures de luxe) ne justifie pas le déplafonnement, s'il n'est pas établi que cet afflux concerne une clientèle à très fort pouvoir d'achat et susceptible de bénéficier au commerce considéré (Cass. 3e civ., 29 sept. 2010, n° 09-67.584 : Gaz. Pal. 19-20 nov. 2010 p. 31, obs. C.-E. Brault).

Incidence positive – Par contre, l'augmentation de la population est susceptible d'entraîner le déplafonnement pour les commerces sur lesquels elle a a priori une incidence positive, notamment :• pour les commerces alimentaires (boulangerie, CA Paris, 16e ch. A, 25 janv. 1994 : JurisData n° 1994-020152 ; Administrer août-sept. 1994, n° 259, p. 51. – Boucherie-charcuterie, Cass. 3e civ., 23 nov. 1993 : Rev. loyers 1994, p. 151) ;• pour les cafés-bars-tabacs-brasseries (Cass. 3e civ., 16 juin 1993 : Rev. loyers 1993, p. 356. – CA Paris, 16e ch. B, 27 oct. 1995 : D. 1995, inf. rap. p. 247. – 29 mai 1992 : Administrer mai 1993, n° 245, p. 53) ;• pour des activités de restauration (CA Paris, 16e ch. A, 26 nov. 1990 : Loyers et copr. 1991, comm. 127) ;• ou encore pour l'activité de coiffeur (CA Paris, 16e ch. A, 29 mars 1994 : JurisData n° 1994-020663 ; Loyers et copr. 1994, comm. 295).Il en est de même dans un cas où l'accroissement de la population s'est accompagné de la construction de 1104 logements, en ce qui concerne un commerce de bar-tabac loto-PMU (Cass. 3e civ., 17 avr. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 356).

Modification de l'environnement Implantations diverses – L'ouverture d'une station de métro, facteur a priori favorable du point de vue de la commercialité, peut être indifférente au regard de certaines activités : par exemple un commerce de voitures d'occasion (Cass. 3e civ., 24 juin 1992 : Rev. loyers 1992, p. 417) ou un salon de coiffure éloigné de la station (CA Paris, 16e ch. A, 21 sept. 1993 : Administrer mars 1994, n° 254, p. 56).La création du centre Beaubourg et du forum des Halles peut n'avoir aucune influence sur l'activité de photographe publicitaire exercée dans une voie secondaire et sans aucune enseigne (Cass. 3e civ., 22 mars 1989 : JurisData n° 1989-001352 ; Loyers et copr. 1989, comm. 287).

De même, la création de l'Opéra Bastille qui augmente l'attractivité du quartier n'a aucun intérêt pour un commerce de gros et demi-gros (CA Paris, 2e ch. A, 24 nov. 1992 : Administrer août-sept. 1993, n° 248, p. 36, obs. Dunes).

S'il est établi que de nouveaux immeubles se sont construits à proximité d'un commerce et ce, dans une zone résidentielle, en l'absence de toute concurrence directe et à proximité de plusieurs établissements scolaires, ce commerce n'a pas pu ne pas profiter de l'important apport de population installée à proximité, alors que la destination la plus large prévue au bail lui permet de diversifier ses activités (CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 11 mai 1999 : Bull. inf. C. cass. 15 avr. 2000, n° 492. – H. Lefebvre, Le déplafonnement du loyer généré par un flux complémentaire de chalands : AJDI 2001, p. 782).

La hausse de la population active, le développement important du tourisme d'agrément et d'affaires, l'implantation dans le secteur de grandes enseignes, y compris du

Page 120: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

commerce de luxe, et l'ouverture d'un nouveau parc de stationnement présente un intérêt pour un commerce de bijouterie-joaillerie dont les produits offerts permettent d'attirer une large clientèle et dont la notoriété dépasse la place de Lyon. Ils constituent dès lors une modification notable des facteurs locaux de commercialité justifiant la fixation du loyer à la valeur locative (Cass. 3e civ., 5 janv. 2010, n° 09-11.313 : Loyers et copr. 2010, comm. 79, obs. E. C. ; Gaz. Pal. 14-17 juill. 2010, p. 36, obs. C.-E. Brault. – V. aussi, Cass. 3e civ., 4 mai 2010, n° 09-14.124 : Rev. loyers 2010, p. 272 ; influence directe sur le commerce considéré [vente de vêtements] de l'installation de seize nouvelles enseignes ayant une notoriété nationale).

Implantation de nouvelles enseignes – L'implantation de nouveaux magasins spécialisés dans le commerce de meubles de cuisine, ou de bureau, ou encore de commerce de prêt-à-porter de luxe, n'est pas un facteur positif pour la société locataire (Roche et Bobois), ensemblier décorateur pour l'habitat implanté boulevard Saint-Germain, de même que la rénovation du magasin Le Bon Marché au cours du bail écoulé, qui n'a pas eu d'incidence sur la commercialité de la boutique dès lors que ce grand magasin est trop éloigné (CA Paris, 16e ch. B, 2 févr. 2001 : Administrer juin 2001, p. 22). L'influence d'une implantation d'enseignes connues au plan national a été déclarée nulle pour une cordonnerie, qui s'adresse à une clientèle de quartier (CA Paris, 16e ch. A, 28 févr. 2001 : AJDI 2001, p. 605. – V. aussi CA Paris, 16e ch. A, 24 nov. 2004 : Loyers et copr. 2005, comm. 53, obs. Ph.-H. Brault).

On ne peut non plus considérer que la modification de l'environnement a été favorable à un commerce d'antiquités dès lors que les magasins d'antiquités existant dans le secteur ont été progressivement remplacés par des enseignes de luxe spécialisées dans le commerce concernant l'équipement de la personne, des grands couturiers et des chausseurs, si bien que le magasin s'est trouvé relativement isolé parmi une concentration de boutiques d'habillement ce qui constitue un élément négatif (CA Paris, 16e ch. B, 23 févr. 2001 : AJDI 2001, p. 428). De même l'implantation de plusieurs enseignes de la grande distribution n'a pas d'intérêt pour un commerce de vente de fourrures (CA Paris, 16e ch. A, 10 sept. 2008 : Administrer, déc. 2008, p. 63, obs. M.-L. Sainturat).

Page 121: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

TITRE 5. L’IMPACT DES TRAVAUX SUR LE LOYER RENOUVELÉ

Selon l'article R. 145-8, alinéa 1 in fine du Code de commerce :Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Ce texte invite donc à prendre en considération comme motif de « déplafonnement » du loyer les « améliorations » apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler.

L'article L. 145-34 du Code de commerce évoque, comme motif de déplafonnement du loyer du bail renouvelé, la modification des caractéristiques propres au local loué (C. com., art. R. 145-3), modification qui peut résulter, le cas échéant, de travaux effectués.

Absence de caractère impératif – Si les travaux exécutés dans les lieux loués par le bailleur ou le locataire peuvent éventuellement constituer un motif de déplafonnement, qu'il s'agisse de travaux d'amélioration ou de travaux modifiant de façon notable les caractéristiques des lieux loués, ce principe n'a aucun caractère impératif.Les parties peuvent y déroger soit par une clause du bail, soit en cours de bail. Ainsi il peut être convenu dans le contrat de bail que le bailleur ne pourra prétendre à aucun supplément de loyer au titre des travaux effectués par le locataire pour moderniser les locaux loués (Cass. 3e civ., 15 mai 2008, n° 07-14.113 : Gaz. Pal. 6-8 juill. 2008, p. 28, note J.-D. Barbier).

Il importe que leurs conventions soient claires. En cas de doute elles devront être interprétées par le juge : - pour une transaction emportant renonciation à invoquer le déplafonnement, Cass. 3e civ., 3 mai 2007, n° 06-13 433 : Rev. loyers 2007, p. 344.- la fixation conventionnelle du loyer librement intervenue entre les parties emporte renonciation à la procédure de révision judiciaire du loyer et constitue une modification notable des obligations respectives des parties intervenue en cours de bail dans des conditions étrangères à la loi et justifiant, à elle seule, le déplafonnement (Cass. 3e civ., 15 février 2018, n°17-11.866 : Gaz. Pal. 20 mars 2008, p. 61, note J.-D. Barbier).

Plusieurs problèmes se posent lorsque des travaux ont été accomplis dans les lieux loués : celui de la preuve des travaux et de leur qualification.

Chapitre 1. Preuve des travaux

Section 1. Preuve de la matérialité des travaux – La preuve de la matérialité des travaux peut être rapportée par tous moyens. Elle peut dans certains cas être rendue difficile par l'ancienneté de leur date, ou le fait qu'ils ont été effectués par le bailleur, ou par le preneur lui-même, sans recourir à une entreprise.La matérialité des travaux doit être constatée : les tribunaux ne peuvent se contenter de probabilités, en émettant des hypothèses, en déclarant par exemple que l'existence de travaux s'induit du changement de destination du local (Cass. 3e civ., 30 juin 1999, n° 97-19.002 : JurisData n° 1999-002707 ; Bull. civ. 1999, III, n° 154 ; JCP G 1999, IV, 2575 ; Defrénois 1999, art. 37062, p. 1199, obs. S. Duplan-Miellet ; Loyers et copr. 2000, comm. 12, obs. Ph.-H. Brault ; Administrer déc. 1999, p. 37, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat).

Page 122: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Section 2 Preuve de la date des travaux Importance de la date des travaux – La date à laquelle ont été effectués les travaux est importante à plusieurs titres :• s'ils ont été exécutés par le bailleur ou/et financés par lui, ils ne peuvent entraîner un déplafonnement du loyer (sous réserve que la modification des lieux loués soit notable. – V. JCl. Notarial Formulaire , V° Bail commercial , fasc. 408) que s'ils sont intervenus pendant le cours du bail à renouveler (c'est-à-dire, à titre d'exemple, entre le 1er juillet 2001 et le 30 juin 2010, si le bail a pris effet le 1er juillet 2001 et doit être renouvelé à compter du 1er juillet 2010) ;• s'ils ont été effectués par le locataire et financés par lui, de deux choses l'une :– ou bien ils entraînent une simple modification des locaux loués : en ce cas, ils ne peuvent être pris en considération, pour entraîner un déplafonnement du loyer, que s'ils sont intervenus pendant le cours du bail à renouveler, sous réserve que le bailleur en soit devenu propriétaire par accession ;– ou bien il s'agit de « travaux d'amélioration » (V. n° 16) et en ce cas (et toujours sous réserve que l'accession ait joué, V. n° 31), il n'y aura de déplafonnement possible que s'ils ont été effectués pendant le cours du bail précédent. S'ils ont été exécutés pendant le cours du bail à renouveler, le déplafonnement ne pourra survenir qu'à la fin du bail suivant.

Charge de la preuve – C'est au bailleur, demandeur du déplafonnement, qu'il incombe de rapporter la preuve de la date de réalisation des travaux si elle est contestée (Cass. 3e civ., 1er mars 2000, n° 98-18.787 : JurisData n° 2000-000757 ; JCP G 2000, IV, 1684 ; Dr. et patrimoine 9/2000, p. 101, obs. P. Chauvel ; RD imm. 2000, p. 257, obs. J. Derruppé. – Cass. 3e civ., 28 sept. 2004, n° 03-14.174 : Gaz. Pal. 15-16 avr. 2005, p. 32, obs. J.-D. Barbier. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 11 oct. 2005 : AJDI 2008, p. 585).

Chapitre 2. Qualification des travaux Enjeux de la qualification – Lorsque des travaux ont été effectués dans les lieux loués, il est capital d'en définir la nature :• s'agit-il de travaux ayant simplement modifié les caractéristiques des locaux loués (C. com., art. R. 145-3) ? En ce cas, s'ils ont été effectués pendant le cours du bail à renouveler et que la modification est notable, et, s'ils ont été exécutés par le locataire, à la condition qu'ils soient devenus la propriété du bailleur par voie d'accession, ils vont donner lieu à un déplafonnement immédiat. Une demande de déplafonnement faite lors d'un renouvellement ultérieur ne serait pas recevable;• s'agit-il de travaux d'amélioration au sens de l'article R. 145-8 du Code de commerce ? En ce cas il faut distinguer :– s'ils ont été financés par le bailleur, directement ou indirectement, le déplafonnement sera immédiat (sous réserve que toutes les autres conditions soient remplies) ;– s'ils ont été financés par le locataire, le déplafonnement sera différé et ne pourra intervenir qu'à l'expiration du bail qui suit celui pendant lequel ils ont été exécutés (V. n° 34 à 36 . – sur la distinction entre les travaux réalisés par le preneur, qualifiés d'amélioration ou de modification des caractéristiques des lieux loués, V. M.-L. Sainturat, note ss Cass. 3e civ., 17 déc. 2002 : JCP G 2003, n° 48, p. 1911).

Section 1 Critères de qualification Contrôle de la Cour de cassation – On voit assez fréquemment les tribunaux faire droit à une demande de déplafonnement (ou, au contraire, refuser de l'accueillir), sans prendre soin de préciser la nature des travaux réalisés et de les qualifier. Leur décision est alors censurée par la Cour de

Page 123: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

cassation (V. pour des exemples, Cass. 3e civ., 30 juin 1999, préc. n° 6. – Cass. 3e civ., 16 juin 1999, n° 97-22.151 : JurisData n° 1999-002604 ; LPA 17 août 1999, p. 5 ; AJDI 1999, p. 817 ; D. affaires 1999, n° 40, jurispr. p. 43 ; Administrer oct. 1999, p. 33 et la note. – Cass. 3e civ., 24 nov. 1999, n° 97-20.698 : JurisData n° 1999-004280 ; RJDA 1/2000, n° 17 ; AJDI 2000, p. 141 ; Administrer avr. 2000, p. 35, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat. – Cass. 3e civ., 1er juill. 2003, n° 02-14.308 : JurisData n° 2003-020025 ; RJDA 10/03, n° 929. – Cass. 3e civ., 14 juin 2005, n° 04-13.391 : JurisData n° 2005-028981 ; Rev. loyers 2005, p. 489).Mais si la Cour de cassation censure les juges du fond lorsqu'ils ne prennent pas position sur la nature des travaux, elle leur laisse une relative liberté lorsqu'il s'agit de les qualifier (V. A. Fossaert-Sabatier, Le prix du bail renouvelé, encadrement ou liberté, Rapport de la Cour de cassation, 1999, p. 160). Elle se contente d'exercer un contrôle léger, en vérifiant la cohérence interne de leur décision (B. Boccara : Administrer août-sept. 1999, p. 48). En raison de ce contrôle on ne peut donc pas dire que le pouvoir d'appréciation des juges du fond est en la matière souverain.

La Cour de cassation a, sur certains points, formulé quelques directives.

A. Travaux nécessaires pour adapter les locaux à leur destination contractuelle – Ne constituent pas des « améliorations » au sens de l'article R. 145-8 du Code de commerce des travaux nécessaires pour rendre les lieux loués adaptés à leur destination contractuelle (Cass. 3e civ., 20 janv. 2009, n° 07-20.780 : AJDI 2009, p. 786, note D. Lipman-Boccara. – Cass. 3e civ., 30 juin 1999, préc. n° 6. – Cass. 3e civ., 31 oct. 1989, n° 88-15.403 : JurisData n° 1989-703537 ; Bull. civ. 1989, III, n° 203 ; D. 1990, somm. p. 254, note L. Rozès) ;Si les travaux effectués par le locataire ont été rendus nécessaires pour adapter les lieux loués à l'activité autorisée par le bail et aux contraintes imposées par l'administration, ces travaux ne peuvent être qualifiés d'amélioration justifiant un déplafonnement (Cass. 3e civ., 12 juin 2012, n° 11-20.153 : JurisData n° 2012-021575 ; Gaz. Pal. 28-29 sept. 2012, p. 28, obs. C.-E. Brault).

Ainsi pour des travaux d'isolation phonique imposés à un restaurant dancing (Cass. 3e civ., 19 déc. 2000 : Administrer mars 2001, p. 29, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara) ou pour des travaux de mise en conformité d'un fournil avec la réglementation en vigueur (CA Versailles, 12e ch., sect. B, 21 sept. 2000 : JCP E 2001, n° 2, p. 57. – V. aussi, CA Paris, 16e ch. B, 16 mars 1995 : JurisData n° 1995-021448 ; loyers et copr. 1995, comm. 327, note C. Mutelet), ou encore pour des locaux livrés « bruts de décoffrage » (CA Paris, 16e ch. B, 13 févr. 2004 : JurisData n° 2004-235728 ; Loyers et copr. 2004, comm. 129, obs. Ph.-H. Brault. – ou, pour des travaux d'adaptation au concept d'exploitation « Mc Donald's », CA Paris, 16e ch., sect. A, 25 mars 2009, n° 07/19404 : JurisData n° 2009-006747 ; Administrer juin 2009, p. 39, obs. M.-L. Sainturat).

Mais le principe ainsi posé est d'une application difficile. Ainsi, la Cour de Paris (CA Paris, 16e ch., sect. B, 12 mars 1999, n° 09/02489 : JurisData n° 1999-020605 ; Loyers et copr. 1999, comm. 239 ; Administrer févr. 2000, p. 39 et la note) a-t-elle jugé nécessaire de réserver le cas où les travaux effectués excèdent notablement les travaux d'adaptation nécessaires à l'activité exercée : il y aurait alors travaux d'amélioration (sur ce problème, V. Ph.-H. Brault, L'adaptation des lieux loués à leur destination contractuelle et la fixation du loyer en renouvellement : Loyers et copr., nov. 2002, étude 2).

Ainsi, la réunion d'une boutique à un magasin et l'annexion d'une cour couverte pour améliorer la liaison entre les bureaux et les salles de réunion préexistants constituent des travaux d'amélioration notable et non des travaux nécessaires à l'adaptation des locaux à leur destination (Cass. 3e civ., 3 avr. 2012, n° 11-15.225 : JurisData n° 2012-011038 ; Loyers et copr., 2012, comm. 174, obs. E. C. – V. également, pour des travaux de mises en communication des locaux donnés à bail et de locaux loués à un autre bailleur,

Page 124: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

justifiant un déplafonnement, CA Paris, pôle 5, 3e ch., 7 mars 2012, n° 10/15691 : JurisData n° 2012-006024 ; Loyers et copr. 2012, comm. 272, obs. E. C.).

B. Travaux effectués par le bailleur en exécution des obligations imposées par le contrat de bail – Le bailleur ne peut se prévaloir, pour obtenir un déplafonnement, des travaux qu'il a exécutés en exécution des obligations qui lui incombaient en vertu du contrat de bail (ainsi lorsqu'il a l'obligation contractuelle de réaliser les grosses réparations, Cass. 3e civ., 20 janv. 2009, préc. n° 12).Les travaux doivent excéder les obligations qui incombent au bailleur, ce qui n'est pas le cas pour les travaux d'entretien imposés par la vétusté de l'immeuble (Cass. 3e civ., 30 juin 1976 : D. 1976, inf. rap. p. 285 ; Rev. loyers 1977, p. 35. – Cass. 3e civ., 22 févr. 1978, n° 76-14.363 : Bull. civ. 1978, III, n° 95 ; Rev. loyers 1978, p. 259. – Cass. 3e civ., 31 oct. 1989 : Loyers et copr. 1990, n° 43 ; Rev. loyers 1990, p. 336). Les travaux de ravalement ont généralement été considérés comme relevant du simple entretien (Cass. 3e civ., 25 janv. 1983 : Loyers et copr. 1983, comm. 142. – CA Paris, 12 juill. 1984 : AJPI 1985, p. 75, note Talon. – CA Paris, 17 oct. 1984 : Loyers et copr. 1985, comm. 36. – CA Paris, 28 oct. 1987 : D. 1987, inf. rap. p. 127. – contra, Cass. 3e civ., 22 févr. 1978, n° 76-14.363 : Bull. civ. 1978, III, n° 95). Le changement complet des huisseries et des volets de la façade de l'immeuble ne saurait être écarté au seul motif que ce remplacement ne s'imposait pas et affectait seulement l'esthétique de l'immeuble (Cass. 3e civ., 19 mars 1997, n° 95-14.773 : JurisData n° 1997-001284 ; RJDA 1997, 621).

C. Travaux constituant à la fois une modification notable des caractéristiques des lieux et une amélioration notable des locaux – De même la Cour de cassation a clairement tranché le conflit entre l'article R. 145-3 (D. n° 53-960, art. 23-1 ancien) et l'article R. 145-8, alinéa 1 (D. n° 53-960, art. 23-3 ancien) dans l'hypothèse où les travaux réalisés constituent cumulativement une modification notable des caractéristiques des locaux loués et une amélioration des lieux. Seul l'article R. 145-8, alinéa 1 du Code de commerce est alors applicable (Cass. 3e civ., 21 févr. 2001 : Administrer juin 2001, p. 23, obs. B. Boccara. – Cass. 3e civ., 4 mars 1998 : JurisData n° 1998-000934 ; Bull. civ. 1998, III, n° 51. – V. déjà, Cass. 3e civ., 3 mai 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 180. – Cass. 3e civ., 30 oct. 1990 : Bull. civ. 1990, III, n° 212. – V. sur ce point, A. Fossaert-Sabatier, préc. n° 11, p. 158. – V. cependant, Cass. 3e civ., 3 avril 2001 : Administrer juill. 2001, p. 31, note B. Boccara ; présenté par l'annotateur comme une possible remise en cause de cette jurisprudence, mais qui ne s'est jamais confirmée).Autrement dit, le régime des améliorations prévaut sur celui des travaux modifiant les caractéristiques des locaux (Cass. 3e civ., 27 sept. 2011, n° 10-24.674 : JurisData n° 2011-020763 ; Loyers et copr. 2011, comm. 299, note E. Chavance).

Imprévisibilité de la jurisprudence – Du fait du « contrôle léger » exercé par la Cour de cassation, les juges du fond disposent d'une grande latitude dans leur travail de qualification des travaux. Ceci entraîne plusieurs conséquences :• tout d'abord, le fait qu'il est très difficile de prévoir la qualification de tel ou tel type de travaux (travaux d'amélioration ou travaux « ordinaires ») et donc d'en définir les conséquences en ce qui concerne un éventuel « déplafonnement » du loyer (V. par exemple, CA Paris, 16e ch. B, 20 déc. 2007 : Loyers et copr. 2008, comm. 112, obs. Ph.-H. Brault) ;• ensuite, le fait que des travaux de nature apparemment similaire se voient qualifiés tantôt de travaux d'amélioration, tantôt de travaux « ordinaires » sans que la Cour de cassation censure.

Page 125: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Ainsi, par exemple, dans l'affaire ayant donné lieu à un arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 2 juin 1999 (RJDA août-sept. 1999, n° 898 ; Administrer août-sept. 1999, p. 48) une augmentation de la surface commerciale sans modification de l'assiette du bail a été considérée comme une amélioration entraînant la mise en jeu de l'article R. 145-8, alinéa 1 du Code de commerce (D. n° 53-960, art. 23-3, ancien) et le déplafonnement a été différé, alors que, dans des affaires précédentes, ce même type de travaux avait été qualifié de simple modification des caractéristiques des locaux loués, relevant de l'article R. 145-3 (D. n° 53-960, art. 23-1, ancien. – Cass. 3e civ., 26 nov. 1997 : JurisData n° 1997-004669 ; Bull. civ. 1997, III, n° 208. – Cass. 3e civ., 4 nov. 1998, n° 96-18.907 : JurisData n° 1998-004333 ; Loyers et copr. 1999, comm. 41 ; RJDA, 12/1998, n° 1336).

D. Inventairea) Travaux considérés comme des améliorations Travaux d'installation de nouveaux équipements – Ont été considérés comme des améliorations au regard de l'article R. 145-8 du Code de commerce, avec des conséquences différentes selon qu'elles ont été financées par le bailleur ou par le locataire :• l'installation d'un ascenseur donnant accès au premier étage des locaux loués dont le preneur peut se servir pour le transport des marchandises lourdes et que la clientèle peut utiliser (CA Paris, 16e ch. A, 17 mai 1994 : JurisData n° 1994-021520 ; Cah. CNAB Paris-Île-de-France juin 1995, n° 19, p. 4. – V. également pour l'installation d'un ascenseur permettant la desserte des locaux loués situés au troisième étage, CA Paris, 16e ch. A, 19 oct. 1993 : JurisData n° 1993-023033 ; Administrer mai 1994, n° 256, p. 51, note Dunes) ; l'aménagement d'une chambre froide d'une capacité cinq fois supérieure à la précédente et l'augmentation de 17 % de la surface de réception de la clientèle pour un commerce de boucherie (CA Versailles, 22e ch. A, 21 sept. 1999 : RJDA 12/1999, n° 1303).

Travaux de construction – Ont été également considérés comme des améliorations au regard de l'article R. 145-8 du Code de commerce :• des constructions nouvelles (Cass. 3e civ., 3 mai 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 180. – Cass. 3e civ., 16 oct. 1979 : JurisData n° 1979-700025 ; JCP G 1980, II, 19392, note B. Boccara. – contra Cass. 3e civ., 19 avr. 1983 : JurisData n° 1983-701335 ; Bull. civ. 1983, III, n° 88) ;• les travaux de construction d'une terrasse qui n'ont pas augmenté la surface des lieux loués (pas de modification de l'assiette du bail) mais ont permis de meilleures conditions d'exploitation (CA Paris, 16e ch., sect. A, 16 oct. 1999 : Administrer avr. 2000, p. 38 et la note ; RJDA 1/2000, n° 18 ; AJDI 1999, p. 1162) ;• la construction, sans extension d'assiette du bail, d'un bureau à l'entrée des locaux loués pour permettre la réception de la clientèle (CA Paris, 16e ch., sect. B, 5 nov. 1999 : JurisData n° 1999-100709 ; AJDI 2000, p. 72) ;• l'édification par le locataire de constructions devenues la propriété du bailleur en application de l'article 555 du Code civil (Cass. 3e civ., 10 nov. 1999 : JurisData n° 1999-003931 ; Administrer févr. 2000, p. 35, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat ; Dr. et patrimoine 2/2000, p. 101, obs. P. Chauvel ; RD imm. 2000, p. 255, obs. J. Derruppé. – V. également, CA Paris, 16e ch., sect. A, 27 sept. 2000 : AJDI 2000, p. 1059) ;• la création d'une galerie d'exposition au lieu et place d'un local à usage de stockage d'emballage et l'aménagement au premier étage d'un bureau sur une terrasse non couverte, entraînant une augmentation de la surface utile de 33 % (Cass. 3e civ., 3 avr. 2001, n° 99-16.586 : JurisData n° 2001-009196).

Aménagements divers – Ont été également considérés comme des améliorations au regard de l'article R. 145-8 du Code de commerce :

Page 126: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• le déplacement de cloisons dans une boutique, augmentant de 37 % la surface de vente et permettant d'exposer à la vente une plus grande quantité de marchandises (CA Paris, 16e ch., sect. B, 3 sept. 1999 : JurisData n° 1999-100037 ; RJDA 12/1999, n° 1303) ;• des travaux d'élargissement d'un escalier d'accès au sous-sol et de rénovation et d'embellissement d'une salle de restaurant (CA Paris, 16e ch., sect. A, 3 mai 2006 : JurisData n° 2006-306314 ; Loyers et copr. 2006, comm. 202, obs. Ph. H. Brault) ;• la création d'une mezzanine par la locataire à ses frais exclusifs (CA Paris, 16e ch., sect. B, 31 mars 2000 : Loyers et copr. 2000, comm. 229, obs. Ph.-H. Brault et C. Mutelet).• la suppression de réserves permettant de faire passer la surface de vente ouverte au public de 1 200 à 1 800 m2, l'assiette du bail restant inchangée (Cass. 3e civ., 4 mai 2011, n° 10-16.777 : AJDI 2011, p. 624, note D. Lipmann-Boccarra).

b) Travaux modifiant les caractéristiques des locaux loués Ont été considérés comme de simples « modifications des caractéristiques propres des locaux » rendant applicable l'article R. 145-3 du Code de commerce :• la pose d'interphones, la réfection de la cour et du passage d'accès aux bureaux et la rénovation totale de l'immeuble par le bailleur : installation d'un ascenseur, ravalement des façades des cours (CA Paris, 16e ch., sect. A, 17 mars 1999, n° 1996/17610 : JurisData n° 1999-020600 ; Loyers et copr. 1999, comm. 265) ;• le percement d'un mur mitoyen permettant la communication entre des locaux faisant l'objet d'une location distincte et la transformation de combles en bureaux (CA Paris, 16e ch., sect. B, 7 mai 1999, n° 1997/23231 : JurisData n° 1999-022734 ; Loyers et copr. 2000, comm. 93) ;• le percement d'un mur mitoyen permettant la mise en communication avec des locaux contigus et la rationalisation de l'exploitation, et augmentant l'accessibilité à la clientèle (CA Paris, 16e ch., sect. B, 4 févr. 2000, n° 1998/15711 : JurisData n° 2000-107043 ; Loyers et copr. 2000, comm. 118) ;• la suppression d'une cloison séparative entre deux locaux contigus, qui ne nécessite que des travaux mineurs d'un coût restreint et qui n'emporte pas augmentation des surfaces commerciales (CA Paris, 16e ch., sect. A, 16 avr. 1996, Andre c/ Yang : JurisData n° 1996-020783 ; Administrer nov. 1996, p. 26, note B. Boccara) ;• la transformation d'une salle à manger en réserve communiquant avec le magasin d'exposition et la suppression d'une cloison séparant le magasin et le hall d'exposition (CA Paris, 16e ch., sect. A, 6 oct. 1999, n° 1997/18171 : JurisData n° 1999-024508 ; RJDA 1/2000, n° 18) ;• de simples travaux d'entretien incombant normalement au bailleur : par exemple le ravalement de la façade (Cass. 3e civ., 25 janv. 1983 : JurisData n° 1983-700189 ; Ann. loyers 1984, p. 150. – Cass. 3e civ., 8 janv. 1992 : Rev. loyers 1992, p. 155) ; des travaux de raccordement à l'égout (CA Versailles, 21 oct. 1983 : Ann. loyers 1984, p. 976) ;• la réfection d'une verrière qui n'assurait plus le couvert (CA Paris, 26 juin 1990 : Ann. loyers 1991, p. 882) ;• des travaux devenus nécessaires en raison de la vétusté de l'immeuble (Cass. 3e civ., 30 juin 1976 : D. 1976, inf. rap. p. 285. – V. aussi, CA Versailles, 21 oct. 1983 : Gaz. Pal. 1984, 2, p. 349) ;• des travaux de réfection de la façade, de modification de l'ouverture de la partie façade située à l'entresol, la création d'un vaste escalier avec une importante emprise au niveau de la cour couverte de manière à dégager totalement la surface de l'entresol, l'aménagement intérieur et la remise aux normes des éléments d'équipements avec remplacement des anciennes cuisines par des cabines d'essayage, ayant entraîné une augmentation de la surface des locaux loués, facilité l'accès à l'entresol et étendu la surface de vente (Cass. 3e civ., 8 déc. 2010, n° 1448, 09-17.294 : JurisData n° 2010-023530 ; Loyers et copr. 2011, comm. 48, note E. Chavance ; AJDI 2011, p. 440, note D. Lipman-Boccara).

Page 127: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Chapitre 3. Financement des travauxA. Travaux financés par le bailleur a) - Financement direct ou indirect L'article R. 145-8 du Code de commerce évoque le cas où « directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit », le bailleur a assumé la charge des travaux d'amélioration accomplis dans les locaux loués. En pareil cas, le déplafonnement va pouvoir être immédiat.

1° Notion de « financement indirect » par le bailleur Le cas où le bailleur a financé directement le coût des travaux ne fait pas de difficulté. Mais l'article R. 145-8, alinéa 1 du Code de commerce évoque également le cas où le bailleur les a financés « indirectement » et il donne comme exemple l'acceptation d'un loyer réduit, en contrepartie de l'engagement pris par le locataire d'effectuer les travaux.

La jurisprudence a été amenée à préciser cette notion de « financement indirect » :• il y aura financement indirect lorsque le bailleur a fixé un loyer inférieur à la valeur locative en contrepartie de l'engagement du locataire d'effectuer les travaux (Cass. 3e civ., 3 mai 1978, n° 76-15.589 : Bull. civ. 1978, III, n° 180 ; JCP G 1978, IV, p. 200) ;• de même lorsque le bail a été prorogé afin de retarder le jeu de l'accession (Cass. 3e civ., 26 janv. 1982, n° 80-12.434 : JurisData n° 1982-700149. – Bull. civ. 1982, III, n° 22 ; Gaz. Pal. 1982, 2, pan. jurispr. p. 206, note Dupichot. – CA Paris, 14 juin 1990 : Ann. loyers 1991, p. 660) ;• de même encore lorsque le bailleur a accepté un loyer initial modéré qui n'a pas été ensuite révisé pendant dix-huit ans (CA Paris, 16e ch., sect. B, 11 déc. 1992 : JurisData n° 1992-023995 ; Administrer août-sept. 1993, n° 248, p. 37).Mais le bailleur ne peut invoquer le fait qu'il n'a pas exigé d'indemnité en contrepartie d'une autorisation de travaux donnée au locataire, pour en déduire qu'il a ainsi participé indirectement à leur financement (Cass. 3e civ., 6 oct. 1981, n° 80-11.653 : JurisData n° 1981-702629 ; Bull. civ. 1981, III, n° 147 ; Rev. loyers 1981, p. 128).

Et il a été jugé que, ni la franchise de loyer consentie à la société locataire par les bailleurs, destinée à compenser l'impossibilité par la locataire de jouir immédiatement des lieux loués, ni l'absence de reprise d'un pas-de-porte ou de paiement d'un prix de cession de fonds, ne peuvent constituer une prise en charge directe ou indirecte par les bailleurs des travaux réalisés par le preneur (CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 1er juin 1995, Lambert c. Sté Hôtel Patio Brancion : JurisData n° 1995-042594 ; Bull. inf. C. cass., 1er déc. 1995, n° 1242 ; JCP E 1995, pan. 1426. – V. aussi, CA Paris, 16e ch. B, 16 mars 1995 : JurisData n° 1995-021448 ; Administrer déc. 1995, p. 63, obs. B. Boccara).

Doit-il y avoir une proportionnalité entre le coût des travaux et les concessions financières consenties par le bailleur ? S'il a accepté une réduction de loyer, doit-elle représenter (en la capitalisant) l'équivalent du coût des travaux ?La jurisprudence a pris sur ce point des positions divergentes et la Cour de cassation ne s'est pas à l'heure actuelle prononcée. Selon un arrêt de la cour de Paris (CA Paris, 16e ch. A, 7 juin 1994 : Loyers et copr. 1994, comm. 342), il n'est pas exigé que le bailleur ait intégralement assumé le coût des travaux. Il suffit qu'il ait participé « de façon notable » à leur financement (En l'espèce, la réduction de loyer équivalait à 11 % du coût des travaux).

Dans une précédente décision, la Cour de Paris avait pris une position différente considérant qu'une réduction de loyer représentant sur les neuf années du bail environ un tiers du montant des travaux ne permettait pas le déplafonnement, dès lors que leur coût n'avait pas été totalement assumé par le bailleur (CA Paris, 26 janv. 1993 : Loyers et copr. 1993, comm. 359. – V. également, CA Paris, 11 juin 1985 : Rev. loyers 1986, p. 100).

Page 128: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

b) Conséquences Conséquences du financement des améliorations par le bailleur – Si les « améliorations » ont été financées par le bailleur au sens défini plus haut, la conséquence est qu'il peut s'en prévaloir immédiatement pour obtenir le déplafonnement du loyer.Il devra former cette demande de déplafonnement à l'expiration de la période du bail pendant laquelle les « améliorations » ont été effectuées. À défaut, le déplafonnement ne pourra pas être demandé ultérieurement, par exemple lors du renouvellement suivant (V. n° 29).

Conséquences de l'absence de financement des améliorations par le bailleur – Si le bailleur n'a pas, directement ou indirectement, participé au financement des améliorations, dont le coût a été supporté par le locataire, il en résulte selon l'article R. 145-8, alinéa 1 du Code de commerce qu'il ne peut pas s'en prévaloir à l'expiration de la période en cours pour demander le déplafonnement du loyer. Par contre, le déplafonnement pourra intervenir lors du renouvellement suivant, sous réserve bien entendu que l'accession ait joué Ces solutions résultent d'une jurisprudence absolument constante et sont périodiquement rappelées par la Cour de cassation (V. Cass. 3e civ., 15 mai 1991 : Administrer nov. 1991, n° 228, p. 79, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 4 oct. 1994 : JCP G 1995, IV, 258 ; Administrer mars 1995, n° 265, p. 28, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 30 nov. 1994, n° 92-14.948 : JurisData n° 1994-002352 ; Bull. civ. 1994, III, n° 204 ; Administrer juin 1995, n° 268, p. 17, note J.-D. Barbier ; JCP G 1995, IV, 258).

3° Application Un bail ayant pris effet le 1er février 2001 vient à expiration le 31 janvier 2010. Des travaux d'amélioration ont été effectués en 2005.Si le bailleur a, directement ou indirectement, financé ces travaux, il pourra (et devra) invoquer le déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail qui suit la date de leur exécution, c'est-à-dire le 1er février 2010 (ou à la date d'expiration effective du bail si celui-ci se poursuit par tacite reconduction).

Si le bailleur n'a pas participé au financement des travaux, et qu'ils sont devenus sa propriété par accession à compter du 31 janvier 2010 (date d'expiration contractuelle du bail), il ne pourra s'en prévaloir, à l'appui d'une demande de « déplafonnement » du loyer que lors du renouvellement suivant (c'est-à-dire, à l'échéance du 1er février 2019, si le renouvellement intervient à cette date).

c) Conditions du déplafonnement Lorsque des travaux ont été accomplis par le bailleur, ils peuvent être une cause de déplafonnement immédiat du loyer, quelle que soit leur nature, qu'ils entraînent une modification matérielle des caractéristiques des locaux loués (C. com., art. R. 145-3) ou une amélioration des lieux loués (C. com., art. R. 145-3), sous les conditions suivantes :• qu'ils aient été effectués pendant le cours du bail à renouveler (V. n° 7) ;• que la modification des lieux soit notable ;• qu'ils ne soient pas imposés par les clauses du bail et n'aient pas pour objet d'adapter les locaux à leur destination contractuelle (V. n° 12 et 13) ;• et qu'ils aient une incidence favorable sur l'activité exercée par le preneur (Cass. 3e civ., 9 juill. 2008, n° 07-16.605 : JurisData n° 2008-044785 ; Loyers et copr. 2008, comm. 192, obs. Ph.-H. Brault ; AJDI 2008, p. 849, note J.-P. Blatter ; Rev. loyers 2008, p. 489, note C. Quément ; Administrer nov. 2008, p. 40, note J.-D. Barbier. – sur cette décision, V. A. Cerati-Gauthier, Du nouveau sur les conditions de déplafonnement du loyer en cas de travaux financés par le bailleur : Ann. loyers 2008, p. 1895).

Conditions non pertinentes – Peu importe que les travaux aient déjà été pris en compte, en donnant lieu par exemple à une augmentation de loyer pendant le cours du bail expiré (Cass. 3e civ., 30 nov. 1994 : Gaz. Pal. 1995, 2, p. 383, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 14 mai 1997, n° 95-15.444 : JurisData n° 1997-002057 ; Bull. civ. 1997, III, n° 102. – Cass. 3e civ., 4 mars 1998, n° 96-

Page 129: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

14.943 : JurisData n° 1998-000934 ; Bull. civ. 1998, III, n° 51. – Cass. 3e civ., 2 déc. 1998, n° 97-11.041 : JurisData n° 1998-004624 ; Bull. civ. 1998, III, n° 229).Peu importe également, lorsqu'il s'agit de travaux d'amélioration (sur cette notion, V. n° 16 à 18) qu'ils ne concernent pas directement les locaux loués. En effet l'article R. 145-8 du Code de commerce vise le cas d'amélioration apportée « aux lieux loués » et non « dans les lieux loués ». Dès lors, l'embellissement des parties communes et la création d'un ascenseur peuvent constituer un motif de déplafonnement, même s'ils ne portent pas directement sur les lieux loués, dès lors qu'ils constituent des améliorations à l'immeuble profitant à tous les locataires et rendant les locaux plus attirants pour la clientèle et pour un cessionnaire éventuel (Cass. 3e civ., 9 oct. 1996 : JCP E 1996, pan. 1170 ; RJDA 1996, n° 1444 ; Administrer déc. 1996, p. 24, note B. Boccara).

d)- Mécanisme du déplafonnement Déplafonnement immédiat – Lorsque les conditions ci-dessus énoncées sont réunies, le bailleur devra former sa demande de déplafonnement à l'expiration de la période du bail pendant laquelle les travaux ont été effectués. À défaut, le déplafonnement ne pourra pas être demandé ultérieurement, par exemple lors du renouvellement suivant (V. par analogie, Cass. 3e civ., 22 mars 1995, n° 93-14.282 : JurisData n° 1995-000662 ; Bull. civ. 1995, III, n° 83 ; RJDA 1995, p. 559, n° 696 ; Administrer août-sept. 1995, n° 270, p. 19, note J.-D. Barbier ; JCP G 1995, IV, 1236).

B. - Travaux financés par le locataire Le problème de la prise en compte des modifications apportées aux lieux loués par les travaux effectués par le locataire ne peut se poser qu'à partir du moment où l'accession a joué au profit du bailleur (A). Si tel est le cas, il faut distinguer, en ce qui concerne l'incidence des travaux, selon qu'il s'agit de travaux modifiant les caractéristiques des lieux loués (B) ou de travaux d'amélioration (C).

a. - Jeu de l'accession Principe – Le bailleur ne peut invoquer comme cause de déplafonnement les « améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler » que si elles sont devenues sa propriété.En l'absence de clause particulière dans le bail, l'accession joue en fin de bail, qui se produit lors du renouvellement, puisque le bail renouvelé est un nouveau bail (Cass. 3e civ., 27 sept. 2006, n° 05-12.981 : Bull. civ. 2006, III, n° 183 ; JCP G 2007, I ; 177, n° 5, obs. H. Périnet-Marquet, Rev. loyers 2007, p. 129, note J. Prigent. – Cass. 3e civ., 26 nov. 1985, n° 84-16.760 : Bull. civ. 1985, III, n° 154 ; Gaz. Pal. 1986, 1, p. 114, note P.-H. Brault ; RD imm. 1986, p. 259, obs. J. Derruppé).En conséquence, s'il s'agit de travaux « d'amélioration », ils sont susceptibles d'entraîner le déplafonnement du loyer à l'occasion du second renouvellement qui suivra l'exécution (Cass. 3e civ., 30 nov. 1994 : Administrer juin 1995, p.17, note J.-D. Barbier - Cass. 3e civ., 31 oct. 2000, n°98-21.195 : Gaz. Pal. 2001, 1, p. 409, note J.-D. Barbier - CA Paris, 16e ch. B, 7 févr. 2008 : Loyers et copr. 2008, comm. n° 134, obs. E. Chavance).

Clauses particulières dans le bail – En ce domaine, chaque cas est un cas d'espèce. En effet, le principe est celui de la liberté des conventions.Les baux contiennent fréquemment une clause selon laquelle « les améliorations apportées aux lieux loués deviendront en fin de bail la propriété du bailleur sans indemnité ».

Page 130: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

La pratique montre trois hypothèses.

- Hypothèse 1 : clause d’accession « en fin de bail ». Dans cette hypothèse, on peut s’interroger sur la notion de « fin de bail ». La jurisprudence a tranché : la fin du bail se produit, au sens de cette clause, lorsque la durée de la période en cours vient à expiration (Cass. 3e civ., 26 nov. 1985, n° 84-16.760 : Bull. civ. 1985, III, n° 154 ; Gaz. Pal. 1986, 1, p. 114, note Ph.-H. Brault) ou encore lorsque le bail est résilié à l'amiable et qu'un nouveau bail est établi à un cessionnaire (Cass. 3e civ., 19 mars 2008, n° 99-165.640 : Loyers et copr. 2008, comm. n° 161, obs. Ph.-H. Brault). Le déplafonnement du loyer peut donc avoir lieu soit lors du premier renouvellement, soit lors du second.

- Hypothèse 2 : clause d’accession « en fin de jouissance » ou « au départ effectif du preneur ».

Le bail peut aussi reporter le jeu de l'accession à la date où le locataire quittera effectivement les lieux (Cass. 3e civ., 22 juin 1988 : Loyers et copr. 1988, comm. 392). Dans cette hypothèse, le bailleur se trouvera privé de la faculté d'invoquer les améliorations intervenues comme cause de déplafonnement parce qu'elles restent la propriété du locataire pendant la durée du bail (Cass. 3e civ., 21 mars 2001, n° 99-16.640 : JCP N 2002, p. 34 et JCP E 2001, p. 1243, obs. M. Keita ; Loyers et copr. 2001, comm. 149, obs. Ph.-H. Brault ; AJDI 2001, p. 698, obs. J.-P. Blatter ; D. 2001, p. 2039, obs. Y. Rouquet ; Administrer juin 2001, p. 21, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara ; Gaz. Pal. 9 août 2001, p. 34, note J.-D. Barbier. – CA Versailles, 9 avr. 2009 : RJDA 10/09, n° 820).

Hypothèse 3 : clause d’accession « au fur et à mesure de la construction ».Le propriétaire du sol acquiert par accession les constructions au fur et à mesure de leur érection (Cass. 3e civ., 18 janv. 2018, n°15-27.525, Gaz. Pal. 20 mars 2018, p. 56, note J.-D. Barbier).

Hypothèse 4 : clause d’accession sans précision quant à la date.Lorsque les clauses du bail concernant l'accession n'en précisent pas clairement la date, les juges du fond la déterminent souverainement, en appréciant la commune intention des parties (Cass. 3e civ., 7 févr. 2007 : Administrer, mai 2007, p. 35, note J.-D. Barbier).

Hypothèse 5 : Contradiction entre la clause d’accession et la clause de remise en état.Parfois, le contrat de bail comporte deux clause contradictoires : d’une part, une clause d’accession ce qui suppose que le propriétaire souhaite acquérir les construction ; d’autre part, une clause de « remise en état », ce qui induit que le propriétaire ne souhaite pas conserver les ajouts du preneur.La cour d'appel de Caen a écarté l'accession et les effets qui en découlent selon la convention des parties au motif que dès l'instant où le bailleur se réserve la possibilité d'exiger la remise des lieux dans leur état primitif et que cette alternative ne peut être exercée qu'à la sortie des lieux, il apparaît que l'accession ne peut jouer qu'à la fin des relations contractuelles. Dès lors, l'appréciation de la valeur locative ne pouvait prendre en compte que la seule configuration des lieux avant travaux (CA Caen, 2e ch. civ. et com., 15 mai 2014, n° 13/00087 : Loyers et copr. 2015, comm. 45, obs. Ph.-H. Brault). Cette appréciation rejoint la position qui avait été adoptée en présence d'une telle clause de nivellement par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 7 févr. 2007 : Administrer mai 2007, p. 35, note J.-D. Barbier),

b. - Travaux modifiant les caractéristiques des lieux loués Déplafonnement immédiat – Si les travaux effectués par le locataire et à ses frais s'analysent en une modification (qui doit être notable. – V. JCl. Notarial Formulaire, V° Bail commercial, fasc. 408) des locaux loués (sur cette notion et la distinction d'avec les travaux d'amélioration, V. n° 19)

Page 131: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

ils doivent impérativement être invoqués comme motif de déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail au cours duquel ils ont été exécutés (Cass. 3e civ., 19 févr. 2003, n° 01-12.205 : JurisData n° 2003-017983 ; Administrer juin 2003, note J.-D. Barbier ; RJDA 5/03 n° 474). Moyennant quoi le déplafonnement sera immédiat (CA Paris, 16e ch., sect. B, 7 mai 1999, n° 1997/23231 : JurisData n° 1999-022734 ; Loyers et copr. 2000, comm. 93, obs. Ph.-H. Brault ; AJDI 2000, p. 314 ; en l'espèce, le locataire avait financé avec l'autorisation du bailleur divers travaux, dont le percement d'un mur mitoyen permettant la mise en communication avec des locaux voisins, faisant l'objet d'une location distincte, travaux que la cour d'appel de Paris s'est refusée à qualifier de travaux d'amélioration. – V. également, CA Paris, 16e ch., sect. B, 4 févr. 2000 : JurisData n° 2000-107043 ; Loyers et copr. 2000, comm. 118).Si ce principe n'était pas respecté, la demande de « déplafonnement » serait tardive (Cass. 3e civ., 4 nov. 1998, n° 97-11.040 : JurisData n° 1998-004150 ; JCP G 1999, II, 10131, obs. Ph.-H. Brault ; Loyers et copr. 1999, comm. 99 ; Defrénois 1999, art. 36969, n° 4, obs. S. Duplan-Miellet ; Administrer févr. 1999, p. 46, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L Sainturat. – Cass. 3e civ., 8 janv. 1997, n° 95-12.685 : JurisData n° 1997-000013 ; JCP E 1997, pan. 169 ; Gaz. Pal. 1997, 1, p. 209, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 22 mars 1995 : AJPI 1995, p. 887, note J.-P. Blatter. – CA Versailles, 22e ch., sect. A, 21 sept. 1999 : RD imm. 2000, p. 101, obs. J. Derruppé). Ainsi par exemple si le locataire a déposé à ses frais des cloisons, ce qui a permis la création d'une grande pharmacie d'un seul tenant et d'un appartement de six pièces au premier étage, le bailleur ne peut plus se prévaloir de cette modification notable des caractéristiques propres des locaux si le bail a été renouvelé postérieurement à la date des travaux (Cass. 3e civ., 19 févr. 2003, préc.).

c. - Travaux d'amélioration Il faut, dans tous les cas, lorsque des travaux sont effectués par le locataire, s'intéresser à leur mode de financement. La Cour de cassation invite les juges du fond à effectuer cette recherche, et censure les décisions qui admettent ou refusent un déplafonnement demandé à la suite de travaux d'amélioration sans préciser qui les a financés (Cass. 3e civ., 2 déc. 1998 préc. n° 28).

Déplafonnement différé – Des termes de l'article R. 145-8, alinéa 1 du Code de commerce, il résulte a contrario que si des travaux que l'on peut qualifier d'amélioration ont été accomplis par le locataire à ses frais au cours du bail à renouveler, ils ne peuvent pas être pris en considération dans l'immédiat pour justifier le déplafonnement du loyer. Ce déplafonnement est reporté à l'expiration du bail qui suivra (V. n° 7 . – sur le principe, V. Cass. 3e civ., 21 mars 2001, n° 99-16.640 : JCP N 2002, p. 34 et JCP E 2001, p. 1243, obs. M. Keita ; Loyers et copr. 2001, comm. 149, obs. Ph.-H. Brault ; AJDI 2001, p. 698, obs. J.-P. Blatter ; D. 2001, p. 2039, obs. Y. Rouquet ; Administrer juin 2001, p. 21, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara ; Gaz. Pal. 8-9 août 2001, p. 34, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 24 nov. 1999, n° 97-20.698 : AJDI 2000, p. 141 ; Administrer avr. 2000, p. 35 et la note. – Cass. 3e civ., 4 mars 1998, n° 96-14.943 : Bull. civ. 1998, III, n° 51 ; AJDI 1998, p. 1055, note J.-P. Blatter ; Administrer mai 1998, p. 28, obs. B. Boccara. – Cass. 3e civ., 30 nov. 1994, n° 92-14.948 : Bull. civ. 1994, III, n° 204 ; RD imm. 1995, p. 609, obs. J. Derruppé).En application des principes ci-dessus rappelés, le déplafonnement pourra être immédiat si les travaux d'amélioration ont été accomplis, non pas au cours du bail à renouveler, mais du bail précédent (Cass. 3e civ., 2 juin 1999 : RJDA 8-9/1999, n° 898 ; Administrer août-sept. 1999, p. 48 et la note. – CA Paris, 16e ch. A, 16 oct. 1999 : Administrer avr. 2000, p. 38, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat. – CA Versailles, 22e ch. A, 21 sept. 1999 : RD imm. 2000, p. 101, obs. J. Derruppé). Le bailleur doit impérativement demander le déplafonnement lors du deuxième renouvellement : au troisième, il sera trop tard (Cass. 3e civ., 22 mars 1995, n° 93-14.282 : JurisData n° 1995-000662 ; RD imm. 1995, p. 609, obs. J. Derruppé. – CA Paris, 16e ch. A, 7 févr. 1995 : Loyers et copr. 1995, comm. 219).

Exemple

Page 132: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Un bail a été conclu pour neuf ans à compter du 1er mars 2000. Le renouvellement doit prendre effet le 1er mars 2009 à la suite d'une demande de renouvellement formée par le locataire. Des travaux d'amélioration ont été effectués par le locataire à ses frais en 2005. Le bailleur ne peut pas s'en prévaloir pour obtenir un déplafonnement le 1er mars 2009. Par contre il pourra invoquer un déplafonnement pour ce motif le 1er mars 2018, si toutefois ces travaux sont devenus sa propriété par voie d'accession. S'il ne s'en prévaut pas à cette date, il sera trop tard pour obtenir un déplafonnement en raison des travaux effectués.

Obstacles au déplafonnement – Le déplafonnement peut intervenir dans les conditions sus-indiquées, alors même que le locataire s'était, lors du précédent renouvellement, prévalu des travaux qui avaient été pris en compte pour procéder à un abattement sur le loyer (Cass. 3e civ., 2 déc. 1998, n° 97-11.041 : JurisData n° 1998-004624 ; JCP E 1999, p. 102 ; Bull. civ. 1998, III, n° 229 ; Gaz. Pal. 1999, 1, p. 170, obs. J.-D. Barbier ; Dr. et patrimoine 6/1999, p. 106, obs. P. Chauvel). Peu importe également que le bail précédent ait été déplafonné (Cass. 3e civ., 31 oct. 2000, n° 99-12.230 : JurisData n° 2000-006685 ; Bull. civ. 2000, III, n° 165 ; JCP N 2001, n° 30-35, p. 1276, note M. Keita ; Loyers et copr. 2001, comm. 119, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira ; Dr. et patrimoine 3/2001, p. 109, obs. P. Chauvel ; AJDI 2001, p. 789, note Ch.-H. Gallet ; Administrer févr. 2001, p. 25, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara ; D. 2001, p. 310, obs. Y. Rouquet ; Gaz. Pal. 14-15 mars 2001, p. 22, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 4 mars 1998, préc. n° 28) par exemple en raison d'un accord amiable entre bailleur et preneur.Mais si les travaux ont déjà été pris en considération pour justifier le déplafonnement du bail précédent, ils ne peuvent l'être de nouveau pour justifier un déplafonnement lors du bail qui suit (Cass. 3e civ., 30 nov. 1994, préc. n° 35. – Cass. 3e civ., 2 juin 1999, préc. n° 35). Ainsi, lorsque les travaux effectués par le locataire ont déjà été pris en compte en leur totalité lors d'un précédent renouvellement au titre de l'article R. 145-3 du Code de commerce (D. n° 53-960, art. 23-1 ancien) comme constituant une modification notable des caractéristiques des locaux loués, ils ne peuvent l'être une nouvelle fois sur un autre fondement, pour justifier un nouveau déplafonnement lors du second renouvellement (Cass. 3e civ., 12 juin 2001, n° 00-13.063 : Gaz. Pal. 8-9 févr. 2002, p. 41, note J.-D. Barbier ; Administrer oct. 2001, p. 44, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara).

D. Cas particulier des hôtels Déplafonnement différé – Selon l'article L. 311-3 du Code du tourisme, dans sa numérotation issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 :Pendant la durée du bail en cours et celle du bail renouvelé qui lui fait suite et pour une durée de douze années à compter de l'expiration du délai d'exécution visé à l'article L. 311-3, le propriétaire ne peut prétendre à aucune majoration de loyer du fait de l'incorporation à l'immeuble des améliorations résultant de l'exécution des travaux mentionnés à l'article L. 311-1.

Il en résulte que le bailleur ne peut se prévaloir des travaux effectués par le locataire d'un hôtel pour déterminer la valeur locative au terme du bail pendant lequel ces travaux ont été effectués, mais seulement après un sursis de douze ans.

a. - Champ d'application Nature des travaux effectués – Les travaux concernés, auxquels le propriétaire “ne peut s'opposer, nonobstant toute disposition contraire” sont d'après l'article L. 311-1 du Code du tourisme, ceux relatifs à :• la distribution de l'eau, du gaz et de l'électricité ;• l'installation du téléphone, d'appareils récepteurs de radiodiffusion et de télévision ;• l'équipement sanitaire ;

Page 133: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• le déversement à l'égout ;• l'installation du chauffage central ou de distribution d'air chaud ou climatisé ;• l'installation d'ascenseurs, monte-charge et monte-plats ;• l'aménagement des cuisines et offices ;• la construction de piscines,Même si ces travaux doivent entraîner une modification dans la distribution des lieux.

Peu importe qu'il s'agisse de travaux « d'équipement » ou de travaux « d'amélioration ».

Modalités de financement et d'exécution des travaux – L'article L. 311-3 du Code du tourisme n'est applicable que si les travaux dont s'agit sont réalisés par le locataire « à ses frais et sous sa responsabilité ».Ses dispositions ne peuvent donc pas être invoquées, non plus que les dispositions de l'article R. 145-8, alinéa 1 precité si les travaux ont été financés directement par le bailleur ou par l'acceptation d'un loyer réduit (CA Paris, 16e ch., sect. B, 5 déc. 1997 : JurisData n° 1997-023790 ; Loyers et copr. 1998, comm. n° 100, note Ph.-H. Brault). En pareil cas, il peut donc y avoir déplafonnement du loyer dès l'expiration de la période pendant laquelle ont été effectués les travaux.

Hôtels concernés – Les dispositions des articles L. 311-1 à 5 du Code du tourisme s'appliquent à tous les hôtels. Une décision contestable de la cour de Paris a cependant jugé que cette législation ne s'appliquait pas aux hôtels dits « de préfecture » non homologués « tourisme » (CA Paris, 16e ch., sect. B, 31 mars 2000, n° 1998/16327, 1998/17219 : JurisData n° 2000-118312 ; Loyers et copr. 2000, comm. 197, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira).

b - Conditions d'application

1° Formalités requises par la loi

Formalités variables selon la nature des travaux – L'article L. 311-1, dernier alinéa du Code du tourisme énonce tout d'abord que lorsque les travaux affectent le gros œuvre de l'immeuble, ils ne peuvent être entrepris, à défaut d'accord du propriétaire, qu'après avis favorable de la Commission départementale dont la composition et les conditions de fonctionnement sont prévues par les articles R. 311-2, D. 311-3 et R. 311-4 du Code de commerce.Selon l'article L. 311-2 in fine, lorsque les travaux affectent le gros œuvre de l'immeuble, le propriétaire dispose d'un délai de deux mois pour informer dans la même forme (c'est-à-dire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception) le locataire de son acceptation ou de son refus. Le défaut de réponse est réputé valoir accord.

D'autre part, lorsque le locataire entend procéder aux travaux visés par l'article L. 311-1 du Code du tourisme, il doit respecter les formalités exigées par l'article L. 311-2 du même code : avertir le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de son intention de procéder aux travaux, mais aussi lui adresser un plan d'exécution et un devis descriptif et estimatif (pour des applications, V. CA Dijon, 3 nov. 1994 : JurisData n° 1994-050838 ; Loyers et copr. 1995, comm. 376, obs. Ph.-H. Brault ; JCP N 1996, II, 36. – Cass. 3e civ., 5 mai 1999 : JurisData n° 1999-011823 ; Loyers et copr. 1999, comm. 263, obs. Ph.-H. Brault). La clause du bail autorisant le locataire exploitant dans les locaux un hôtel à effectuer des travaux n'est pas suffisante pour s'analyser en une dispense d'effectuer les formalités prévues par l'article L. 311-2 du Code de tourisme (CA Aix-en-Provence, 11e ch., sect. A, 19 oct. 2012, n° 2012/497 : JurisData n° 2012-029092 ; Loyers et copr. 2013, comm. 14, note E. Chavance).

Page 134: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

c) Sanction du non-respect des formalités exigées par la loi Impossibilité de se prévaloir de l'article L. 311-3 du Code du tourisme – Si le locataire ne respecte pas les formalités imposées par l'article L. 311-2 du Code du tourisme, il ne peut alors invoquer les dispositions de l'article L. 311-3 du même code, et obtenir que la valorisation résultant des travaux effectués ne soit pas (temporairement) prise en compte pour la fixation du loyer (V. en ce sens, Cass. 3e civ., 3 mai 2007, n° 06.11.210 : JurisData n° 2007-038656 ; Loyers et copr. 2007, comm. 127, obs. Ph. H. Brault ; Gaz. Pal. 25-26 juill. 2005, p. 20, note Barbier ; Rev. loyers 2007, p. 447, note B. Humblot-Gignoux. – Cass. 3e civ., 21 févr. 2001, n° 99-14.704 : JurisData n° 2001-008296 ; Bull. civ. 2001, III, n° 16 ; Loyers et copr. 2001, comm. 178, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira ; JCP G 2001, IV, 1689 ; D. 2001, p. 1470, note Y. Rouquet ; Gaz. Pal. 8-9 août 2001, p. 35, note J.-D. Barbier ; Administrer mai 2001, p. 45, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara. – V. précédemment dans le même sens, Cass. 3e civ., 1er mars 2000, n° 98-14.763 : JurisData n° 2000-000760 ; Loyers et copr. 2000, comm. 196, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira. – Cass. 3e civ., 5 mai 1999, préc. n° 41).

La fixation du loyer du bail renouvelé s'opérera alors par référence aux règles de droit commun, et donc en application des dispositions de l'article R. 145-10 du Code de commerce puisque les hôtels sont en principe des locaux monovalents (en ce sens, Cass. 3e civ., 1er mars 2000, n° 98-14.763 : Bull. civ. 2000, III, n° 46 ; Administrer mai 2000, p. 40, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat et juin 2000, p. 40, obs. J.-D. Barbier). Il n'y aura pas lieu d'appliquer un abattement sur la valeur locative (Cass. 3e civ., 10 juill. 2002, n° 01-00.298. – CA Montpellier, 1re ch., sect. D, 19 déc. 2007, n° 07/01289 : JurisData n° 2007-357069. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 14 nov. 2005, n° 04/11995 : JurisData n° 2005-291539).

D'autre part, la valorisation résultant de ces travaux sera prise en considération lors du premier renouvellement suivant leur exécution. Le locataire ne pourra en effet invoquer l'article R. 145-8, alinéa 1 du Code de commerce pour reporter au renouvellement suivant la prise en compte des travaux effectués. (Cass. 3e civ., 1er mars 2000 préc. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 14 nov. 2005 préc. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 1er févr. 2002, n° 2001/01009 : JurisData n° 2002-170290). Parfois la réalité est plus complexe : ayant retenu que les parties étaient convenues, lors de la conclusion du bail, de modalités particulières de fixation du loyer au premier renouvellement tenant compte de l'engagement du preneur de réaliser d'importants travaux et relevé que le prix du premier bail renouvelé, fixé selon ces modalités contractuelles par le juge des loyers, était notablement inférieur à la valeur locative, la cour d'appel, qui a constaté que cette cause de minoration du loyer avait disparu lors du second renouvellement et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit, que le loyer devait être fixé à la valeur locative (Cass. 3e civ., 17 mai 2018, n°17-17313 : Gaz. Pal. 17 juill. 2018, p. 60, note J.-D. Barbier).

La sanction joue non seulement lorsque le locataire néglige d'informer le bailleur avant d'entreprendre les travaux, mais aussi lorsque la notification n'est pas régulière : ainsi par exemple lorsque le locataire n'a pas adressé au bailleur un plan d'exécution et un devis descriptif et estimatif des travaux (Cass. 3e civ., 5 mai 1999, n° 97-17.089 : JurisData n° 1999-001823 ; Loyers et copr. 1999, comm. 263).La jurisprudence fait parfois preuve de bienveillance. Ainsi la cour de Paris a estimé que lorsque le propriétaire a eu une parfaite information concernant les travaux, leur nature et leur durée d'exécution, et qu'il les a acceptés par avance, l'accomplissement des formalités exigées par la loi est inutile (CA Paris, 16e ch., sect. A, 10 janv. 2001 : Administrer avr. 2001, p. 56, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara). D'autres décisions ont admis que l'article L. 311-3 du Code du tourisme restait applicable lorsque le bailleur avait eu connaissance avec précision de la nature des travaux et avait suivi régulièrement leur avancement par l'intermédiaire de son architecte (CA Paris, 16e ch., sect. A, 29 nov. 2004, n° 03/15790 : JurisData n° 2004-263100) ou encore lorsque le bailleur avait acquiescé à la demande d'application de la loi formée par le preneur alors

Page 135: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

pourtant que le formalisme légal n'avait pas été respecté (CA Paris, 16e ch., sect. A, 13 déc. 2006, n° 05/24510 : JurisData n° 2006-330837).

Résiliation ou refus de renouvellement du bail – Il faut noter que le fait pour le locataire d'effectuer des travaux sans procéder aux notifications préalables prescrites par la loi peut justifier une demande de résiliation de bail formée par le bailleur (Cass. 3e civ., 10 juill. 1996 : RJDA 1996, n° 1299. – CA Aix-en-Provence, 4e ch., sect. A, 14 oct. 2005 : JurisData n° 2005-309353) ou encore un refus de renouvellement pour motif grave et légitime (CA Aix-en-Provence, 4e ch., sect. A, 10 janv. 2002, n° 00/15619 : JurisData n° 2002-167468).

d) Incidences des clauses du bail Clause du bail obligeant le locataire à effectuer des travaux – Selon un arrêt de la cour de Paris, les dispositions spécifiques aux travaux « hôteliers », figurant à l'origine dans la loi du 1er juillet 1964 (actuellement codifiée au Code de tourisme), ne seraient pas applicables si une clause du bail, imposée par le bailleur qui en avait fait une condition essentielle de son consentement, fait obligation au preneur de réaliser des travaux de rénovation, ce dont il résultait que l'économie générale du contrat tenait compte de cette obligation (CA Paris, 16e ch., sect. B, 1er mars 2002, n° 2000/20113 : JurisData n° 2002-175266 ; Loyers et copr. 2002, comm. 260, note Ph.-H. Brault ; Administrer avr. 2003, p. 40, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara).

Clause concernant l'accession – Si le bail comporte une clause reportant le jeu de l'accession en « fin de jouissance », c'est-à-dire à la sortie du locataire, celui-ci peut-il s'en prévaloir pour soutenir que les améliorations résultant des travaux ne s'étant pas « incorporées » à l'immeuble et n'étant pas devenues la propriété du bailleur lors du renouvellement du bail, les dispositions de l'article L. 311-3 n'ont pas à jouer ? Si l'on admettait cette thèse, la valeur locative devrait alors être déterminée sans qu'il y ait à tenir compte des travaux effectués. La Cour de cassation a rejeté cette analyse en considérant que la réglementation des « travaux hôteliers » édictée par le Code du tourisme doit s'appliquer sans avoir à rechercher si les améliorations en cause sont devenues ou non, à l'époque du renouvellement, la propriété du bailleur par accession (Cass. 3e civ., 3 mai 2007, n° 06-11.210 : JurisData n° 2007-038656 ; Loyers et copr. 2007, comm. 127, obs. Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal. 25-26 juill. 2005, p. 20, note Barbier ; Rev. loyers 2007, p. 447, note B. Humblot-Gignoux. – sur la critique de cette jurisprudence, V. Ph.-H. Brault, Accession et dispositions d'ordre public régissant les travaux réalisés par le locataire hôtelier : Loyers et copr., janv. 2007, étude n° 6).

e - Conséquences de l'application de l'article L. 311-3 du Code du tourisme Sursis à la prise en compte des travaux effectués par le locataire pour la détermination de la valeur locative – Si les conditions d'application de l'article L. 311-3 du Code du tourisme sont réunies, le bailleur ne peut prétendre à aucune majoration de loyer du fait de l'incorporation à l'immeuble des améliorations résultant des travaux mentionnés à l'article L. 311-1 du même code, et ceci pendant la durée du bail en cours et celle du bail renouvelé qui lui fait suite et pour une durée de 12 ans (V. Cass. 3e civ., 16 juin 1981 : Gaz. Pal. 1981, 2, p. 779, note Ph.-H. Brault. – CA Paris, 6 nov. 1984 : Gaz. Pal. 1985, 1, p. 365, note Ph.-H. Brault).

Calcul de la période de « neutralisation » de l'effet des travaux – Le délai de douze ans n'a pas pour point de départ la date d'achèvement des travaux (TGI Paris, 13 juin 1990 : Gaz. Pal. 1990, 1, somm. p. 422, note Ph.-H. Brault. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 2 mai 2001, n° 1999/15004 : JurisData n° 2001-144159).

Page 136: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Il court “à compter de l'expiration du délai d'exécution visé à l'article L. 311-2” du Code du tourisme. Que faut-il entendre par là ?Dans un arrêt du 13 novembre 2013, la Cour de cassation a décidé que le délai, pendant lequel le bailleur ne peut bénéficier des travaux réalisés par le preneur, ne court qu'à compter de la date à laquelle les travaux sont exécutés et non de l'autorisation donnée par le bailleur (Cass. 3e civ., 13 nov. 2013, n° 12-21.165 : JurisData n° 2013-025494 ; Bull. civ. 2013, III, n° 141 ; Loyers et copr. 2014, comm. 14, obs. Ph.-H. Brault ; Rev. loyers 2014, p. 1, note J. Prigent).Selon cette même décision, la date à laquelle le délai maximal de douze années visé à l'article L. 311-3 du Code de tourisme vient à échoir peut déterminer, au cours du bail renouvelé suivant celui pendant lequel les travaux ont été exécutés, un palier d'augmentation correspondant à l'incorporation des améliorations en résultant.

Méthode de détermination de la valeur locative abstraction faite des travaux effectués par le locataire – Prenons l'exemple d'un bail de neuf ans ayant pris effet le 1er janvier 2000, et qui vient à expiration le 31 décembre 2008. Supposons que des travaux répondant aux critères posés par l'article L. 311-3 du Code du tourisme aient été effectués en 2002, le point de départ du délai de 12 ans étant le 1er octobre 2002. Comment sera fixé le loyer du bail renouvelé, appelé à prendre effet à compter du 1er janvier 2009 ?Rappelons tout d'abord que les hôtels étant en principe des locaux « monovalents », le «plafonnement » du loyer n'est pas applicable et que sa fixation obéit à des règles spéciales fixées par l'article R. 145-10 du Code de commerce. Si la monovalence des locaux n'est pas contestée, la valeur locative sera déterminée selon les usages observés dans la profession, par application de la « méthode hôtelière ». Pour tenir compte des dispositions de l'article L. 311-3, et neutraliser l'incidence sur cette valeur locative des travaux effectués par le locataire, un abattement sera pratiqué, qui peut aller de 10 à 50 % de la valeur locative, selon l'importance des travaux (Cass. 3e civ., 15 nov. 2000 : Loyers et copr. 2001, comm. 38 ; JCP E 2001, n° 20-21, p. 849, obs. Ph.-H. Brault ; Administrer févr. 2001, p. 21, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara ; D. 2001, p. 128, note Y. Rouquet).

Cependant il a été jugé que s'il était d'usage de procéder à des abattements en raison des charges particulières pesant sur l'exploitant, encore fallait-il que ces charges présentent un caractère « anormal » ce qui n'est pas le cas de travaux devant être effectués par le locataire pour maintenir l'établissement qu'il exploite dans sa catégorie (CA Paris, 16e ch., sect. B, 6 mai 2004, n° 2003/10407 : JurisData n° 2004-250441 ; Administrer août-sept. 2004, p. 21).

Période de douze ans s'achevant en cours de bail – Reprenons l'exemple cité plus haut. Supposons que le point de départ du délai de douze ans soit en l'espèce le 1er novembre 2002. Ce délai viendra donc à expiration le 1er novembre 2014. À cette époque un nouveau bail aura pris effet, à compter du 1er janvier 2009. Comment appliquer l'article L. 311-3 du Code du tourisme lors de son renouvellement, le 1er janvier 2017, alors que la période de douze ans sera expirée depuis trois ans ?

Deux solutions pouvaient être envisagées (Ph.-H. Brault, préc. n° 46) :• fixation du loyer moyennant un abattement découlant d'une péréquation entre la durée résiduelle et les neuf années du bail renouvelé ;• fixation du loyer à la valeur locative à compter de l'expiration de la durée de douze ans, étant précisé que le preneur bénéficiera d'un abattement pendant la durée résiduelle (soit en l'espèce six ans). C'est cette dernière solution qui paraît la plus conforme avec les dispositions de ce texte (V. en ce sens, CA Paris, 16e ch., sect. A, 2 mai 2001 : JurisData n° 2001-144159. – CA Paris, 16e ch., sect A, 10 janv. 2001 : Administrer avr. 2001, p. 56, obs. B. Boccara).Bibliographie

Page 137: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

TITRE 6. LE LOYER DES BIENS ATYPIQUES 

Chapitre 1. Locaux construits en vue d'une seule utilisation dit « locaux monovalents »L'article R. 145-10 du Code de commerce énonce :Le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.

Section 1. – Notion de locaux monovalents

La définition des locaux « construits en vue d'une seule utilisation » visés par l'article R. 145-10 du Code de commerce a été donnée par la jurisprudence.

La Cour de cassation rappelle que les juges du fond doivent dans tous les cas rechercher si les locaux ont été construits ou aménagés en vue d'une seule affectation (critère physique) et s'ils ne peuvent être transformés sans d'importants travaux (critère économique).Cette jurisprudence est aujourd’hui classique : Cass. 3e civ., 27 nov. 2002, n° 01-10.625 : Bull. civ. 2002, III, n° 239 : Loyers et copr. 2003, comm. 133, Ph.-H. Brault ; Administrer févr. 2003, p. 32, note J.-D. Barbier et févr. 2003, p. 37, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara ; Dr. et patrimoine mars 2003, p. 90, note P. Chauvel ; D. 2003, p. 277, note Y. Rouquet ; Rev. loyers 2003, p. 231, note F. Roux. – Cass. 3e civ., 3 nov. 2005, n° 04-16.376 : Loyers et copr. 2005, comm. 225, obs. Ph. H. Brault ; AJDI 2006, p. 197, note M.-P. Dumont ; D 2005, p. 3013, note Y. Rouquet.Cela conduit à dire qu’il y a classiquement deux critères pour caractériser ces locaux : le critère matériel et le critère économique.

A. Critère matériel : affectation à une activité spécifique Les locaux visés par l'article R. 145-10 sont ceux qui ne permettent d'exercer dans les lieux qu'une activité spécifique (a). Mais ceci ne veut pas dire nécessairement que si plusieurs activités y sont exercées, le local perd son caractère « monovalent » (b). Le cas de sous-location pose un problème particulier (c).

a) Notion d'affectation à l'exercice d'une activité spécifique

Constructions ou aménagements en vue d'une utilisation spécifique – Le caractère monovalent d'un local va résulter à la fois de son agencement, qui est fonction de ce qu'il a été conçu pour un usage particulier, et des équipements dont il dispose, dont la nature montre précisément que le local est destiné à cet unique usage.C'est aux tribunaux qu'il appartient, dans chaque cas, de faire application de ces critères, et leur appréciation est souveraine. Elle dépend essentiellement d'éléments de fait et est donc fonction des circonstances particulières de chaque espèce. Dans cette mesure, les décisions rendues n'ont qu'une portée relative. Toutefois, il est possible de dégager de la jurisprudence quelques principes directeurs qui président à cette appréciation des tribunaux.

Page 138: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Nous verrons tout d'abord que le caractère de locaux « monovalents » peut être reconnu aussi bien à des locaux conçus comme tels dès leur construction qu'à des locaux postérieurement aménagés en vue d'une utilisation spécifique. Par ailleurs, l'utilisation des locaux faite par le locataire est indifférente. Les clauses du bail peuvent avoir une incidence en ce qui concerne la monovalence d'un local.

Application aux locaux aménagés postérieurement à leur constructionInterprétation large de l'article R. 145-10 par la jurisprudence – Si l'on s'en tenait aux termes de l'article R. 145-10, la qualification de « locaux monovalents » devrait être réservée aux locaux construits en vue d'une seule utilisation.La jurisprudence a depuis longtemps rejeté cette interprétation étroite du texte. Ce qui compte est que les locaux ne puissent être utilisés que pour l'exercice d'une activité spécifique. Peu importe que ceci résulte de leur conception d'origine ou de travaux d'aménagement postérieurs (Cass. 3e civ., 19 janv. 1982, n° 80-15.744 : Rev. loyers 1982, p. 158. – Cass. 3e civ., 21 nov. 1979, n° 78-11.858 : Bull. civ. 1979, III, n° 29 ; JCP G 1980, IV, 42).

Si un locataire effectue des travaux dans les locaux loués de nature à les rendre monovalents, le bailleur ne peut se prévaloir de la monovalence de ces locaux lors de la fixation du loyer du bail renouvelé que s'il est devenu propriétaire des aménagements effectués, par l'effet d'une clause d'accession. Ce n'est pas le cas si le bail ne prévoit l'accession des travaux au moment où le preneur quittera les lieux (Cass. 3e civ., 21 mai 2014, n° 13-12.592 : Bull. civ. 2014, III, n° 65 ; JCP G 2014, n° 30-35, note C. Lebel ; Rev. loyers 2014, p. 349, note O. Giannetti et B. Raclet ; RJDA oct. 2014, n° 740, et la note).

Utilisation des locauxPrise en compte des caractéristiques objectives des locaux et non pas de leur utilisation Pour définir si un local est ou non « monovalent », il convient de s'en tenir aux caractéristiques objectives des locaux. L'utilisation est indifférente.

Ainsi, lorsqu'un local a été conçu pour l'exploitation d'un hôtel-restaurant, il est sans importance que les locataires l'utilisent pour leur habitation personnelle. Ce local doit être considéré comme monovalent (Cass. 3e civ., 22 janv. 1992, n° 90-17.535 : Bull. civ. 1992, III, n° 22 ; Administrer juin 1992, n° 235, p. 49, obs. J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 2 mars 1976, n° 74-13.934 : Bull. civ. 1976, III, n° 97. – Cass. 3e civ., 11 mars 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 255). Il en est de même si l'immeuble loué, situé dans l'impasse d'un cimetière, ne peut être utilisé que pour un commerce de marbrerie funéraire ou d'articles funéraires ; il n'y a pas lieu pour ce seul motif de le qualifier de « monovalent ». La monovalence doit en effet s'apprécier au regard de la seule configuration des locaux (CA Paris, 16e ch., sect. B, 23 juin 2000, n° 1998/26431 : Rev. loyers 2000, p. 384 ; Administrer juin 2001, p. 21, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara).Si la nature des constructions et les choix architecturaux révèlent que l'immeuble avait, dès sa conception, été prévu à l'usage de garage-hôtel pour voitures particulières, il s'agit de locaux monovalents (CA Paris, 16e ch., sect. A, 4 oct. 2000, n° 99/03843 : Rev. loyers 2000, p. 539).

Clauses du bail et « monovalence »Incidence des clauses du bail – On peut concevoir que les clauses du bail aient une incidence à divers titres sur l'application des règles de l'article R. 145-10 :• tout d'abord parce que ce texte n'a pas de caractère impératif (C. com., art. L. 145-15). Dès lors, les parties peuvent convenir d'en exclure l'application (CA Paris, 16e ch., sect. A, 22 sept. 1992, Henry c/ Gueris : JurisData n° 1992-022498) ou au contraire de le rendre

Page 139: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

applicable à des situations où il ne serait pas normalement appelé à jouer, ou dans lesquelles il serait d'une application douteuse ;• ensuite, parce que certaines clauses peuvent faire douter que le local puisse être considéré comme monovalent. Mais en fait, la détermination du caractère « monovalent » de tel ou tel local s'opère en fonction de critères purement objectifs.

Bail tous commerces – Il ne faut pas croire que lorsque le bail est « tous commerces » les locaux ne peuvent de ce fait être qualifiés de « monovalents » ou qu'à l'inverse, lorsque le bail n'autorise que le seul exercice d'un commerce déterminé, les règles de fixation du loyer régissant les locaux « monovalents » deviennent applicables (Cass. 3e civ., 15 mai 1979 : Gaz. Pal. 1979, 1, somm. p. 391). C'est en fonction de critères objectifs, tenant à la consistance des locaux, que la question de savoir si les locaux loués sont ou non « monovalents » doit être résolue. De nombreuses décisions ont retenu la qualification de « locaux monovalents » en dépit d'une clause « tous commerces » : Cass. 3e civ., 27 nov. 2002 ; Bull. civ. 2002, III, n° 239 ; Loyers et copr. 2003, comm. 123, obs. Ph.-H. Brault ; Administrer févr. 2003, p. 32, note J.-D Barbier. – Cass. 3e civ., 3 nov. 2005, n° 04-16.376 : Loyers et copr. 2005, comm. 225, obs. Ph.-H. Brault ; AJDI 2006, p. 197, note M.-P. Dumont ; D. 2006, p. 930, note L. Rozès ; D. 2005, p. 3013, note Y. Rouquet.

b) Pluralité d'activités et monovalence En principe, la pluralité d'activités est incompatible avec l'idée de monovalence (1). Toutefois la qualification de local monovalent peut être maintenue lorsque les activités exercées sont annexes ou accessoires à l'activité principale ou si elles sont regroupées au sein d'une exploitation unique s'adressant à une même clientèle (2).

La pluralité d'activités exclut en principe la monovalence – En principe, lorsque les locaux loués abritent plusieurs activités de natures différentes, les règles spéciales de fixation du loyer prévues par l'article R. 145-10 du Code de commerce ne s'appliquent pas. La démonstration est apportée par le fait même de ce que les locaux n'ont pas un caractère « monovalent » (pour des applications, Cass. 3e civ., 29 avr. 1980 : Rev. loyers 1980, p. 319, note J.V. – Cass. 3e civ., 6 juill. 1982, Consorts Simon c/ Consorts Cousin : Rev. loyers 1982, p. 448. – Cass. 3e civ., 22 juill. 1987 : Loyers et copr. 1987, comm. 370).Même si l'immeuble a été construit à l'origine en vue d'une seule utilisation (garage-hôtel), si deux activités distinctes y sont exercées à la suite de la signature d'un avenant au bail autorisant la sous-location partielle, et qu'elles ont des clientèles distinctes, aucune n'étant l'accessoire de l'autre, la monovalence des locaux ne peut pas être retenue (Cass. 3e civ., 25 nov. 2009, n° 08-14.189 : Administrer févr. 2010, p. 37, note J.-D. Barbier ; AJDI 2010, p. 377, note Y. Rouquet, Rev. loyers 2010, p. 110, note C. Quément ; Gaz. Pal. 12-13 mars 2010, p. 30, obs. C.-E. Brault).

Une solution doit en tout cas être exclue : celle consistant à appliquer de manière distributive les règles de l'article R. 145-10 (aux locaux que l'on pourrait considérer comme « monovalents ») et les règles de l'article L. 145-34 (au surplus des locaux). Dès lors que la location porte de manière indivisible sur un ensemble, les locaux doivent, en ce qui concerne la fixation de leur loyer, être soumis à un régime identique. Ou bien il s'agit de locaux « monovalents » et les dispositions de l'article R. 145-10 s'appliquent pour le tout, ou bien ils ne peuvent avoir cette qualification et la fixation de leur loyer relève alors des règles de l'article L. 145-34 (Cass. 3e civ., 13 déc. 1978, Sté Grand Hôtel Capoul c/ SCI Hôtel Capoul : Rev. loyers 1979, p. 152. – V. dans le même sens, Cass. 3e civ., 6 juill. 1982, Consorts Simon c/ Consorts Cousin : Rev. loyers 1982, p. 448), c'est-à-dire des règles du plafonnement.

Page 140: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Exercice d'activités annexes ou accessoires à l'activité principale – La règle ci-dessus énoncée connaît cependant des exceptions : s'il existe dans l'immeuble une activité principale en liaison avec le caractère « monovalent » des locaux et que les autres activités exercées n'ont qu'un caractère accessoire ou annexe à l'activité principale, l'application des règles de l'article R. 145-10 du Code de commerce n'est pas pour autant exclue (Cass. 3e civ., 2 mars 1976, n° 74-13.934 : Rev. loyers 1976, p. 281 ; D. 1976, inf. rap. p. 143).

Comment s'apprécie le caractère annexe ou accessoire de l'activité exercée ? Il s'agit d'une question de fait. Un critère purement matériel, a été parfois appliqué. Il prend en considération les surfaces respectives des locaux. Exemple : un bail concernant un hôtel meublé, qui comporte au rez-de-chaussée une boutique. Il a été admis qu'en raison de « la faible surface » de cette boutique par rapport à l'ensemble des locaux loués, la monovalence des locaux pouvait néanmoins être admise (Cass. 3e civ., 4 janv. 1995, n° 93-12.550 : Rev. loyers 1995, p. 156). On conclura également au caractère purement accessoire de l'activité s'il apparaît qu'elle sert simplement « d'argument promotionnel » à l'activité principale et qu'une comptabilité commune est tenue pour les deux activités (pour un hôtel-restaurant, CA Paris, 16e ch., sect. B, 14 nov. 1997, Sarl Hôtel du Casino c/ Faure : Gaz. Pal. 10-11 avr. 1998, p. 25, obs. Ph.-H. Brault). Le chiffre d'affaire réalisé peut également être l'indice du caractère accessoire de telle ou telle activité (à propos d'un hôtel-bar-restaurant, CA Paris, 16e ch., sect. B, 19 sept. 1997 : Sté Copror c/ Sté Snc Parc de la Muette ; Administrer déc. 1997, p. 30, obs. B. Boccara, D. Lipman-Boccara et M.-L. Sainturat).

Activités regroupées au sein d'une exploitation unique s'adressant à une même clientèle – La Cour de cassation a admis que, même s'ils regroupaient des activités différentes, des locaux pouvaient être qualifiés de « monovalents » s'ils étaient « aménagés de manière à constituer une exploitation unique concernant une même clientèle » (Cass. 3e civ., 30 juin 2004, n° 03-12.811 : Bull. civ. 2004, III, n° 137 ; Loyers et copr. 2004, comm. 165, obs. Ph. H. Brault ; AJDI 2005, p. 133, note M.P. Dumont ; D. 2004, p. 2159, note Y. Rouquet ; Rev. loyers 2004, p. 594, note C. Quément). C'est en vertu de ce critère que la qualification de « locaux monovalents » a pu être admise :• pour un grand magasin, malgré la multiplicité des activités exercées dans les lieux dès lors que ces locaux constituaient « un tout indissociable permettant une unité d'exploitation », étant observé qu'un changement d'affectation nécessiterait des travaux de séparation d'un coût important avoisinant la valeur de l'immeuble (Cass. 3e civ., 8 févr. 2006, n° 04-17.046 : Bull. civ. 2006, III, n° 27 ; Loyers et copr. 2006, comm. 58, obs. Ph.-H. Brault ; Rev. loyers 2006, p. 232, note G. de Maillard ; AJDI 2006, p. 565, note M.P. Dumont) ;• pour une salle de spectacles, susceptible d'accueillir divers types de spectacles : manifestations sportives, patinage, spectacles de variétés, etc. (Cass. 3e civ., 3 déc. 2003, n° 02-12.266 : Bull. civ. 2003, III, n° 218 ; Loyers et copr. 2004, comm. 10, obs. Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal. 20-21 févr. 2004, p. 33, note C.E. Brault ; AJDI 2004, p. 283, note M.-P. Dumont ; Rev. loyers 2004, p. 166, note C. Quément. – pour la salle de spectacle du Bataclan, Cass. 3e civ., 21 mars 2007, n° 05-20.714 : Loyers et copr. 2007, comm. 102, obs. Brault ; Rev. loyers 2007, p. 279, note C. Quément ; Gaz. Pal. 25-26 juill. 2007, p. 18, note J.-D. Barbier ).

La Cour de cassation a rejeté la qualification de local monovalent à une salle de réunion : a destination contractuelle permettait la réception de public dans la salle de réunion en vue d'activités diverses organisées par la société locataire pour ses clients et que l'usage de cette salle, non exclusivement limité à l'exercice d'activité intellectuelle, ne se concevait pas sans la présence de la clientèle, nécessaire à l'activité elle-même, la cour d'appel a pu en déduire que les locaux n'étaient pas à usage exclusif de bureau (Cass. 3e

civ., 7 déc. 2017, n°16-14.969 : Gaz. Pal. 10 mars 2018, p. 60, note J.-D. Barbier).

Page 141: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

c) Cas particulier de la sous-location

Sous-location pour l'exercice d'une activité distincte de l'activité principale – Supposons que le locataire d'un local « monovalent » consente des sous-locations régulières et que, par exemple, l'exploitant d'un hôtel sous-loue une partie des locaux pour y installer des boutiques. Deux questions se posent alors :• La location principale conserve-t-elle son caractère monovalent ?• Le loyer des sous-locations doit-il être soumis ou non au plafonnement ?

La Cour de cassation a, dans deux arrêts, donné des directives permettant de répondre à ces questions. Le caractère monovalent « doit être apprécié au regard de l'objet du bail » (Cass. 3e civ., 7 juill. 1993 : Gaz. Pal. 1993, 2, p. 572, note J.-D. Barbier). En ce qui concerne la sous-location, la monovalence s'apprécie « par rapport aux seuls locaux faisant l'objet du sous-bail et non en fonction de l'ensemble des locaux pris à bail par le locataire principal » (Cass. 3e civ., 29 mai 1985, n° 83-13.133 : Bull. civ. 1985, III, n° 86 ; JCP G 1985, IV, 276 ; Rev. loyers 1985, p. 432, note Berthault).

Autrement dit :• si le bail est renouvelé sur l'ensemble des locaux, c'est cet ensemble qui sera pris en considération pour savoir s'il a ou non un caractère « monovalent » ;• si le renouvellement s'opère de manière distincte, d'une part au profit du locataire principal, d'autre part au profit du sous-locataire qui fait valoir un droit direct au renouvellement, les locaux devront être examinés distinctement afin de déterminer s'ils sont ou non « monovalents ».

B. Critère économique Il ne suffit pas que les locaux considérés aient été affectés à l'exercice d'une activité spécifique. Les tribunaux s'attachent également à vérifier que l'affectation ainsi imposée aux locaux dont la monovalence est alléguée est quasiment irréversible.Il en est ainsi lorsqu'ils ne pourraient être banalisés pour être affectés à n'importe quelle activité qu'au prix de travaux très importants et de transformations profondes et coûteuses (Cass. 3e civ., 2 mars 1977, Hugnier c/ Basso : Rev. loyers 1977, p. 347. – Cass. 3e civ., 3 mai 1978, n° 77-12.007 : Bull. civ. 1978, III, n° 179 ; Gaz. Pal. 1978, 2, pan. jurispr. p. 266. – Cass. 3e civ., 19 janv. 1982, n° 80-15.744 : Bull. civ. 1982, III, n° 18 ; Rev. loyers 1982, p. 158, note J.V. – Cass. 3e civ., 30 nov. 1987 : Loyers et copr. 1988, comm. 28. – Cass. 3e civ., 26 févr. 1992, n° 90-18.950 : Bull. civ. 1992, III, n° 60. – Cass. 3e civ., 7 févr. 1996 : Rev. loyers 1996, p. 248. – Cass. 3e civ., 7 mars 2001, n° 99-15.946 : Administrer mai 2001, p. 46, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara ; RJDA 5/01, n° 563).

En application de ce critère, a été par exemple admise la monovalence de locaux où était exploité un cabaret discothèque (Cass. 3e civ., 13 déc. 2000, n° 99-12.987 : Gaz. Pal. 8-9 août 2001, p. 23) ou un café-restaurant (Cass. 3e civ., 10 mai 2001, n° 99-21.211 : Gaz. Pal. 8-9 août 2001, p. 23, note J.-D. Barbier) ou de locaux de garage qui pouvaient être aisément transformés en vue d'une autre activité, notamment pour l'exploitation d'une supérette, d'un entrepôt ou d'un parc de stationnement avec box individuels (Cass. 3e civ., 1er févr. 2001 : Administrer mai 2001, p. 43, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara) ;

C'est au tribunal saisi de la difficulté qu'il appartient d'apprécier souverainement en fonction des circonstances particulières de l'espèce si ces conditions sont remplies.

Le fait que les locaux pourraient être en partie affectés à un autre usage est sans importance (CA Paris, 16e ch., sect. A, 1er mars 2006, n° 03/16040 : Administrer mai 2006, p. 42)

Page 142: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

C. Applications

a- Locaux à usage industriel Sont « monovalents » des locaux conçus ou aménagés pour l'exercice d'une activité industrielle spécifique (Cass. 3e civ., 6 mai 1987, n° 83-15.409 : Loyers et copr. 1987, comm. 273. – Comp. Cass. 3e civ., 2 déc. 1987, n° 86-14.318 : Loyers et copr. 1988, comm. 27).

b- Établissements d'enseignement Locaux conçus ou aménagés pour des activités d'enseignement – Si les locaux ont été spécialement conçus ou aménagés pour l'enseignement, ils peuvent être qualifiés de « monovalents » (Cass. 3e civ., 28 juin 1989, n° 88-12.246 : Loyers et copr. 1989, comm. 391. – confirmant CA Paris, 12 nov. 1987 : Gaz. Pal. 1988, 1, somm. p. 27). Mais encore faut-il qu'ils ne puissent pas être affectés à une autre activité sans des coûts importants (CA Paris, 16e ch., sect. B, 8 nov. 2007 : Loyers et copr. 2008, comm. 13, obs. E. Chavance).

c- Établissements de nuit et casinos Des locaux à usage de dancing peuvent être qualifiés de monovalents s'ils comportent des installations spécifiques à cette destination telles qu'un vaste plateau avec piste centrale autour de laquelle sont fixées des tables et des banquettes, un podium, des mezzanines, un bar et des locaux techniques, des tables et des vestiaires et qu'ils ne peuvent être transformés en vue d'une destination différente sans réalisation de travaux importants et coûteux (CA Paris, 16e ch., 30 mars 1990 : Administrer août-sept. 1990, n° 215, p. 56. – V. également Cass. 3e civ., 20 juin 1990 : Rev. loyers 1991, p. 150, note S. Duplan-Miellet et Rev. loyers 1991, p. 201, note Ch.-H. Gallet. – V. également pour un casino, Cass. com., 10 mars 1966 : Gaz. Pal. 1966, 1, p. 376. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 11 janv. 2002 : n° 2000/18125, 2001/00339 ; Loyers et copr. 2002, comm. 176, note Ph.-H. Brault).

d- Cinémas. Salles de spectacles Les locaux loués à usage de cinéma ou de salle de spectacles peuvent être considérés comme monovalents à la condition qu'ils comportent à demeure les équipements spécifiques à ces activités, ce qui montre qu'ils sont destinés à cet unique usage (par exemple, pour un cinéma : une cabine de projection fixe, etc. – V. pour une salle de spectacles, Cass. 3e civ., 1er mars 1972 : Rev. loyers 1972, p. 276. – pour un cinéma, Cass. 3e civ., 10 nov. 1987, n° 86-14.766 : Bull. civ. 1987, III, n° 185. – CA Toulouse, 2e ch., 23 févr. 1993 : JurisData n° 1993-040990 . – pour un théâtre, CA Paris, 16e ch., sect. A, 11 déc. 1990 : Gaz. Pal. 1991, 1, p. 386, note Ph.-H. Brault). Le fait que les locaux soient utilisés pour différentes sortes de spectacles est sans importance dès lors qu'ils sont « aménagés de manière à constituer une exploitation unique concernant une même clientèle » (Cass. 3e civ., 3 déc. 2003, préc.– Cass. 3e civ., 21 mars 2007, préc.– CA Paris, 16e ch., sect. A, 7 sept. 2005, n° 03/18238 : JurisData n° 2005-280238 ; Loyers et copr. 2006, comm. 82, obs. P. Pereira-Osouf). Mais il y a lieu dans tous les cas de vérifier que ces locaux ne pourraient pas être utilisés à un autre usage sans d'importants travaux ou des transformations coûteuses (CA Paris 16e ch., sect. A, 7 sept. 2005, préc.).

Page 143: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

e- Boulangeries Le fait que des locaux aient été construits ou aménagés pour être utilisés comme boulangerie, ce qui suppose des aménagements spécifiques (notamment l'installation d'un four), ne suffit pas à les qualifier de « monovalents ». Il faut rechercher dans tous les cas, s'ils ne peuvent être affectés à un autre usage sans des transformations importantes et coûteuses (Cass. 3e civ., 8 mars 2005, n° 03-20.336 : Loyers et copr. 2005, comm. 94, obs. Ph. H. Brault. – CA Paris, 2 mai 1979 : Gaz. Pal. 1979, 2, p. 494, note Ph.-H. Brault. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 3 nov. 1992, n° Schaaf c/ Guerry : Loyers et copr. 1993, comm. 103, note Ph.-H. Brault. – CA Besançon 24 janv. 1997, n° Tournier c/ Bousson : JurisData n° 1997-040070. – CA Chambéry, 13 juin 2001, n° 1998/01114 : JurisData n° 2001-146869. – sur le sujet, V. Boulangerie et monovalence : Ann. Loyers 2006, p. 1707). Ce pourra être le cas notamment s'il existe dans les lieux un four non démontable (Cass. 3e civ., 3 mai 1978, n° 77-12.007 : Bull. civ. 1978, III, n° 179 ; JCP G 1978, IV, p. 200 ; Rev. loyers 1978, p. 321, note J.V.).Il n'y a pas monovalence dans le cas d'une boulangerie installée dans un local non conçu spécialement pour cet usage (Cass. 3e civ., 23 juin 1976 : Rev. loyers 1976, p. 453. – V. aussi, Cass. 3e civ., 19 janv. 1982, n° 80-15.744 : Rev. loyers 1982, p. 158) ou si les installations existantes peuvent être démontées pour un coût modeste (CA Paris, 16e ch., sect. A, 20 juin 2007 : Administrer nov. 2007, p. 35).

f- Maisons de retraite ou de repos ; pensions de famille Ont le caractère de locaux monovalents des locaux aménagés à usage de maison de repos (Cass. 3e civ., 10 févr. 1981, n° 79-13.984 : JurisData n° 1981-700570 ; Bull. civ. 1981, III, n° 26), de maison de retraite (CA Versailles, 23 sept. 1993 : Rev. loyers 1994, p. 199) ou de pension de famille (Cass. 3e civ., 15 mai 1979 : Rev. loyers 1979, p. 425), à la condition qu'ils comportent tous les équipements et aménagements spécifiques à ce type d'activité (CA Paris, 16e ch., sect. A, 14 févr. 1989 : Loyers et copr. 1989, comm. 189). Mais il n'y aura pas « monovalence » s'il est possible de transformer ces locaux pour y exercer d'autres activités sans avoir à recourir à des « aménagements structurels lourds et coûteux » (à propos d'une pension de famille, V. CA Paris, 16e ch., sect. B, 6 déc. 2002, n° 2001/18533 : JurisData n° 2002-198556 ; Gaz. Pal. 13-14 juin 2003, p. 22, note Ph.-H. Brault).

g- Garages S'il est manifeste que l'immeuble a été spécialement agencé pour « permettre l'exercice d'activités relatives à des véhicules automobiles » en raison par exemple de l'existence d'une rampe construite en béton armé commandant l'accès aux différents niveaux et occupant une superficie importante dans l'immeuble (Cass. 3e civ., 14 déc. 1994, n° 92-20.865 : Loyers et copr. 1995, comm. 26, note Ph.-H. Brault) ou d'installations spécifiques (fosse, élévateur hydraulique et cabine de graissage, V. CA Paris, 8 janv. 1988 : Loyers et copr. 1988, comm. 127), les locaux peuvent être qualifiés de monovalents (V. également, Cass. 3e civ., 3 mai 1978, n° 77-10.380 : Bull. civ. 1978, III, n° 178. – Cass. 3e civ., 10 févr. 1981 : Bull. civ. 1981, III, n° 27) nonobstant l'exercice d'autres activités (CA Paris, 16e ch., sect. B, 9 janv. 1997 : Loyers et copr. 1997, comm. 145, obs. Ph.-H. Brault et C. Mutelet).

Les locaux ne sont pas monovalents s'ils ne comportent pas d'aménagements particuliers ou si ces aménagements sont facilement démontables (Cass. 3e civ., 1er juill. 1976 : Gaz. Pal. 1976, 2, pan. jurispr. p. 240. – CA Rouen, 16 janv. 1986 : Gaz. Pal. 1987, 1, somm. p. 228, note Ph.-H. Brault) et qu'ils pourraient donc de ce fait être facilement utilisés pour un autre usage (CA Lyon, 6e ch., civ., 15 mars 2007, n° 04/07264 : Gaz. Pal. 28-29 déc. 2007, p. 25, obs. Ph.-H. Brault. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 7 févr. 1997 : Loyers et copr. 1997, comm. 145, obs. Ph.-H. Brault et C. Mutelet). Ainsi, même si un garage comporte des aménagements spécifiques, notamment une rampe d'accès, les juges du fond peuvent déclarer souverainement que les locaux ne sont pas monovalents, si la preuve n'est pas rapportée qu'ils ont été construits ou aménagés en vue d'un seul type

Page 144: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

d'exploitation et qu'ils ne pourraient être affectés à une autre activité sans des travaux importants et coûteux (Cass. 3e civ., 10 nov. 2010, n° 1329, 09-16.783 : Loyers et copr. 2011, comm. 47, obs. E. Chavance ; Gaz. Pal. 11-12 mars 2011, p. 27, obs. C.-E. Brault ; Rev. loyers 2010, p. 470, note C. Lebel. – V. au contraire pour la reconnaissance du caractère monovalent de locaux loués à usage de garage, CA Paris, pôle 5, 3e ch., 24 nov. 2010 : AJDI 2011, p. 139. – et pour des locaux affectés à usage de garage automobile considérés comme non monovalents du fait qu'ils pouvaient être utilisés pour d'autres activités sans travaux importants, CA Versailles, 12e ch., 2 sept. 2014, n° 12/00469 : JurisData n° 2014-021409).

h- Location en meublé Les locaux à usage de location d'appartements meublés sans service de restauration ou activités secondaires dont les aménagements ne permettent pas une modification de l'activité ont un caractère monovalent et sont soumis aux dispositions de l'article R. 145-10 du Code de commerce (CA Paris, 16e ch., sect. B, 23 mai 1997 : Loyers et copr. 1997, comm. 262, obs. Ph.-H. Brault).

i- Activités diverses

Locaux considérés comme « monovalents » • un immeuble qui, compte tenu de son agencement particulier, ne peut abriter d'autre activité que celle de commerce en gros, de stockage de carburants et de produits pétroliers (TGI Soissons, 8 juill. 1994 : Rev. loyers 1995, p. 157) ;• des caves permettant le travail et le stockage des vins de Champagne (TGI Châlons-sur-Marne, 11 nov. 1977 : Rev. loyers 1978, p. 46. – CA Reims, 12 févr. 1979 : Rev. loyers 1979, p. 308) ;• un studio d'enregistrement (TGI Paris, 19 juin 1975 : Rev. loyers 1975, p. 498) ;• des locaux à usage de bains-douches (CA Paris, 16e ch., sect. A, 24 oct. 2007, n° 02/05072 : JurisData n° 2007-346421 ; Loyers et copr. 2007, comm. 164, obs. E.C) ;• une villa transformée pour l'exercice d'une activité hôtelière en chambre indépendante avec chacune une salle de bains (CA Aix-en-Provence, 11e ch., sect. A, 4 nov. 2014, n° 13/02585 : Rev. loyers 2014, p. 520) ;• une résidence étudiante (TGI Paris, 5 mai 2015, : Administrer mai 2015, p. 33, note M.-L. Sainturat) ;• une grotte souterraine avec un café attenant (CA Nîmes, 1re ch., sect. B, 24 nov. 2007, n° 04/02371IT/CM : Loyers et copr. 2008, comm. n° 166, obs. E.C. ; Ann. Loyers 2008, p. 483, note E. Fortunet).

Locaux dont la « monovalence » n'a pas été admise - un hangar métallique fermé, sans aménagements spéciaux, pouvant servir aussi bien d'atelier que d'entrepôt (Cass. 3e civ., 12 oct. 1976, n° 75-11.063 : JurisData n° 1976-700334 ; Rev. loyers 1977, p. 41. – Cass. 3e civ., 14 déc. 1981 : D. 1982, inf. rap. p. 160. – CA Rouen, 16 janv. 1986 : Gaz. Pal. 1987, 1, somm. p. 228, note Ph.-H. Brault) ;- un musée (CA Paris, 11 juill. 1974 : Rev. loyers 1974, p. 462).

Section 2. - Fixation du loyer Après avoir indiqué quelles sont les règles générales qui président à la fixation du loyer des locaux dits « monovalents » (1°), nous en donnerons quelques applications particulières (2°).

Page 145: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

A. Règles générales sur la fixation du loyer a) Principe : fixation selon les usages observés – L'article R. 145-10 du Code de commerce indique que “par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants”, le prix du bail des locaux monovalents “peut être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée”.Ce texte suscite une observation et une question concernant l'une et l'autre ses conditions d'application. Nous verrons que le loyer de ce type de locaux est déplafonné (V. n° 36).Mais le problème est de savoir si le texte est applicable lorsqu'il n'existe pas d'usages auxquels on puisse se référer dans la branche d'activité considérée (V. n° 37).

b) Fixation du loyer à la valeur locative – Il faut tout d'abord souligner que le loyer des locaux monovalents échappe au principe du plafonnement. Les règles les concernant dérogent en effet à celles posées par les articles L. 145-33 à L. 145-40 du Code de commerce, ainsi que le texte de l'article R. 145-10 l'indique expressément.Et la non-application du plafonnement joue de plein droit, dès lors que les locaux peuvent être qualifiés de « monovalents » (Cass. 3e civ., 29 sept. 2004, n° 03-12.624 : JurisData n° 2004-024953 ; Bull. civ. 2004, III, n° 358 ; Loyers et copr. 2004, comm. 206, obs. Brault ; AJDI 2005, p. 300, note M.-P. Dumont ; D. 2004, p. 2654, note Y. Rouquet ; Defrénois 2004, art. 38 198-16, note L. Ruet). Il n'y a pas à rechercher si les conditions d'application d'un « déplafonnement » sont réunies et si par exemple il y a eu modification des facteurs locaux de commercialité (Cass. 3e civ., 10 févr. 1981 : Rev. loyers 1981, p. 253).Encore récemment, la Cour de cassation a énoncé que « la soumission du bail aux dispositions de l'article R. 145-10 du code de commerce relatif à la fixation du loyer de locaux construits en vue d'une seule utilisation exclut l'application des dispositions de l'article R. 145-8 du même code » ; de plus, « ayant relevé que le bail portait sur un bien loué en vue d'une seule utilisation au sens du premier de ces textes, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le loyer devait être fixé à la valeur locative selon les usages observés dans la branche d'activité considérée » (Cass. 3e civ., 5 oct. 2017, n°16-21977). Il s’agissait d’un groupement foncier agricole qui a consenti à la société Détente et loisirs un bail commercial, d'une durée de seize années et demi relatif à un terrain permettant l'exploitation d'un fonds de commerce de camping. Le bailleur a délivré un congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel d'un certain montant, puis a assigné la locataire en fixation du loyer à ce montant ; un arrêt définitif a dit que le bail portait sur un bien en vue d'une seule utilisation au sens de l'article R. 145-10 du code de commerce, fixé un loyer provisionnel et ordonné une mesure d'instruction. La locataire, se prévalant des améliorations qu'elle a financées au cours du bail venant à renouvellement, a sollicité un abattement de ce chef lors de la fixation du loyer du bail renouvelé. C’est cette revendication qui est rejetée par la Cour de cassation.

c) Référence aux usages de la profession – La question qui s'est posée à propos de ce texte a été de savoir s'il devait jouer également lorsqu'il s'avérait qu'il n'y avait pas « d'usage » particulier concernant la fixation du loyer dans la branche d'activité considérée. La Cour de cassation a répondu par l'affirmative (Cass. 3e civ., 3 mai 1978, n° 77-10.380 : Bull. civ. 1978, III, n° 179 ; Rev. loyers 1978, p. 321, note J.V. – Cass. 3e civ., 4 janv. 1980 : Bull. civ. 1980, III, n° 5).Les juges du fond fixent souverainement la valeur locative des lieux loués selon le mode de calcul qui leur apparaît le meilleur, pourvu qu'ils s'en expliquent (Cass. 3e civ., 14 mai 1979 : JCP G 1979, IV, 174. – Cass. 3e civ., 19 avr. 1983 : Loyers et copr. 1983, comm. 263. – Cass. 3e civ., 1er févr. 2003, p. 26, note J.-D. Barbier).

Il faut ajouter que la fixation du loyer selon les « usages de la branche considérée lorsqu'il en existe » n'est pas obligatoire pour le juge (J. Derruppé et G. Brière de L'Isle, Baux commerciaux, n° 626, 2°). L'utilisation du mot « peut » (“le loyer […] peut être déterminé

Page 146: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

[…]”) par l'article R. 145-10 du Code de commerce montre qu'il s'agit pour lui d'une simple faculté. Ainsi a-t-il été admis que le loyer d'un hôtel pouvait être fixé à la fois selon la « méthode hôtelière » et en fonction de la valeur de la construction (Cass. 3e civ., 17 nov. 1981, n° 80-10.953 : Rev. loyers 1982, p. 30, note J.V. – Cass. 3e civ., 24 oct. 1979 : Gaz. Pal. 1980, 1, p. 86, note Ph.-H. Brault. - CA Paris, 17 juin 1974 : Rev. loyers 1974, p. 517).

B. Applications a) Connaissance des « usages » – Le notaire qui aura à donner un avis pour la fixation du loyer de locaux monovalents devra procéder en deux temps :• il lui faudra tout d'abord rechercher s'il existe des usages dans la branche considérée, et quelle en est la nature. Le mieux, si le bailleur lui-même n'est pas en mesure de répondre à cette question, est de s'adresser aux fédérations ou syndicats professionnels de la branche (de préférence au niveau national où il existe généralement un service juridique).• il faut ensuite vérifier si, lors des litiges survenus dans le passé, le juge des loyers localement compétent s'est ou non référé à ces usages (sur la liberté du juge en la matière, V. n° 37). Ce renseignement peut être obtenu auprès d'un expert judiciaire local.

b) Cinémas – Salles de spectacles

Méthode dite « de la jauge » – Pour les cinémas et les salles de spectacle, la méthode rattachée aux usages de la profession consiste à appliquer un pourcentage (5 à 7 %) à une recette théorique. Cette recette s'obtient en multipliant le nombre de places vendables par le prix moyen du fauteuil (TTC) et le nombre de séances par jour en tenant compte d'un coefficient de fréquentation (CA Paris, 16e ch., sect. A 19 mars 2008 : Loyers et copr. 2009, comm. 13, obs. E.C. – TGI Paris, 6 avr. 2007 : Gaz. Pal. 6-8 juill. 2008, p. 30 obs. J.-B. Barbier. – TGI Paris, 22 oct. 1981 : Ann. loyers 1982, p. 960 ; AJPI 1982, p. 459). Les modalités d'utilisation d'une salle de spectacles (diversité des représentations, plateau de tournage, organisation de combats de boxe, etc.) peuvent conduire à écarter l'application de la méthode de la jauge, pour lui préférer la méthode de comparaison par le prix unitaire, sans remettre pour autant en cause la monovalence des locaux (CA Paris, 16e ch., sect. A, 2 juill. 2008 : Loyers et copr. 2009, comm. 13, obs. Ph.-H. Brault. – pour une combinaison de diverses méthodes, V. aussi CA Paris, 16e ch., sect. A, 2 juill. 2008, n° 07/10860 : Administrer nov. 2008, p. 50, obs. M.-L. Sainturat).Pour un cinéma situé dans un quartier de prestige ou de haute commercialité, la méthode habituelle peut être corrigée en tenant compte de la valeur locative des locaux du voisinage en raison de l'attrait exceptionnel qui résulte de son implantation. Il convient d'ajouter au loyer de base, calculé suivant les usages cinématographiques, un quart de la différence entre ce loyer de base et celui qui aurait été déterminé à la surface (CA Paris, 16e ch., 29 janv. 2003, n° 2001/00984 : Administrer mai 2003, p. 25, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara. – sur les méthodes utilisées pour déterminer la valeur locative de locaux loués pour l'exploitation de salles de cinéma, V. O. Borderie et H. Lelebvre, Calcul de la valeur locative des salles de cinéma. Usure des méthodes ? : AJDI 2001, p. 507).

La loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 (JO 1er sept. 2010) a ajouté un alinéa deux à l'article L. 145-36 du Code de commerce. Le nouveau texte est ainsi conçu :Le prix du bail des locaux construits ou aménagés en vue d'une utilisation comme établissement de spectacles cinématographiques au sens de l'article L. 212-2 du Code du cinéma et de l'image animée est, par dérogation aux articles L. 145-33 et suivants du présent code, déterminé selon les seuls usages observés dans la branche d'activité considérée.

Page 147: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Il en résulte que désormais, et par dérogation à ce qui prévaut pour les autres locaux monovalents, les parties à un bail portant sur un cinéma devront nécessairement fixer le loyer selon les « usages de branche ». Toute appréciation fondée soit à titre principal soit par recoupements sur le mètre carré commercial (prix unitaire appliqué à une surface utile pondérée) est en la matière exclue (Ph.-H. Brault, De la monovalence obligée aux usages imposés. Quand le législateur fait son cinéma : Loyers et copr., nov. 2010, focus 70. – J.-P. Blatter, La fixation des loyers des cinémas, proposition de loi adoptée : AJDI 2010, p. 601. – M.-L. Sainturat, Loyer du bail renouvelé ou révisé. Cinémas – fixation selon les usages observés dans la branche d'activité considérée : Administrer nov. 2010, p. 17. – B. Robine, Le cinéma devient légalement monovalent. La charrue tire-t-elle les bœufs ? : AJDI 2011, p. 177).

Selon un arrêt de la cour de Paris, il n'y a pas lieu d'exclure pour le calcul de la recette théorique du cinéma le montant intégral de la taxe spéciale additionnelle, mais seulement une partie de cette taxe qui, en pourcentage, peut être appréciée à concurrence de la part bénéficiant aux autres acteurs de l'industrie cinématographique (CA Paris, pôle 5, 3e ch., 1er févr. 2012, n° 09/06339 : JurisData n° 2012-001525 ; Loyers et copr. 2012, comm. 203, note Ph.-H. Brault ; Administrer mars 2012, p. 39, note M.-L. Sainturat).

Chapitre 2. Locaux à usage exclusif de bureaux L'article R. 145-11 du Code de commerce :Le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 145-7 sont en ce cas applicables.

Section 1. - Conditions d'application de l'article R. 145-11 Pour que les règles de l'article R. 145-11 du Code de commerce s'appliquent, il faut que les locaux considérés soient utilisés comme bureaux et ceci de manière exclusive. Les commentaires de cette définition amènent à s'interroger quant à la définition des « bureaux » au sens de ce texte (1°). Il faut également définir la notion d'usage (2°) et celle « d'usage exclusif » (3°). Nous donnerons pour terminer quelques applications des critères ainsi définis (4°).

A. Définition des « bureaux » R. 145-11 du Code de commerce ne donne aucune définition des bureaux (pas plus d'ailleurs que les autres dispositions du statut des baux commerciaux). La jurisprudence a donc dû intervenir pour préciser les contours de cette notion :• le local à usage de bureau est celui dans lequel est effectué un travail intellectuel (CA Paris, 13 févr. 1975 : JCP N 1975, II, 18148, note B. Boccara), de nature administrative, comptable ou juridique (CA Paris, 16e ch. A, 9 juin 1992 : Administrer mai 1993, n° 245, p. 52, obs. Dunes) ;• cette activité « n'est pas incompatible avec la réception de clients ou même de fournisseurs » (Cass. 3e civ., 6 avr. 1976, n° 74-13.770 : Bull. civ. 1976, III, n° 134 ; Gaz. Pal. 1976, 2, p. 514, note Ph.-H. Brault. – Cass. 3e civ., 9 nov. 1976, n° 75-11.379 : Bull. civ. 1976, III, n° 398. – Cass. 3e civ., 14 mars 1979, n° 77-11.567 : Rev. loyers 1979, p. 259, note J.V. – Cass. 3e civ., 19 avr. 1989, n° 87-18.781 : Bull. civ. 1989, III, n° 84 ; Defrénois 1990, art. 34642, p. 35, note Vion ; RD imm. 1989, p. 400, obs. J. Derruppé. – Cass. 3e civ., 7 avr. 1994, n° 92-16.280 : JurisData n° 1994-000817 ; Gaz. Pal. 1994, 2, somm. p. 534, note J.-D. Barbier). Si la réception de clients ou de fournisseurs peut donner lieu à la signature de contrats (V. CA Paris, 14 févr. 1978 : Gaz. Pal. 1978, 2, somm. p. 302), il ne doit y avoir aucune opération de vente. Ainsi lorsque les personnes sont reçues dans des locaux pour passer commande, on n'est plus en présence de «

Page 148: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

bureaux » au sens de R. 145-11 du Code de commerce et le loyer doit être en conséquence « plafonné » (Cass. 3e civ., 12 oct. 1976, n° 75-11.166 : Rev. loyers 1977, p. 42. – Cass. 3e civ., 4 nov. 1992 : Rev. loyers 1993, p. 37. – CA Paris, 16 avr. 1991 : D. 1991, inf. rap. p. 137) ;• par contre, le local ne doit servir ni au dépôt ni à la livraison de marchandises (Cass. 3e civ., 6 avr. 1976, préc. – Cass. 3e civ., 7 avr. 1994, préc.). Mais peuvent y être présentés des échantillons ou des maquettes (CA Paris, 16e ch., sect. A, 18 mars 2009 : AJDI 2009, p. 791).

B. Utilisation des locaux comme bureaux a) Usage prévu par le bail ou usage effectif ? – Pour apprécier quel est « l'usage » auquel sont affectés les locaux, il faut se référer à la destination qui leur a été conférée par le bail (Cass. 3e civ., 14 févr. 1988 : Rev. loyer 1988, p. 175) et donc à la commune intention des parties (Cass. 3e civ., 27 févr. 2002, n° 00-20.380 : JurisData n° 2002-013241 ; AJDI 2002, p. 452, note M.-P. Dumont. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 7 avr. 2004 : AJDI 2004, p. 722), et non pas à l'usage effectif qui en est fait (Cass. 3e civ., 7 avr. 1994, n° 92-16.280 : JurisData n° 1994-000817 ; Bull. civ. 1994, III, n° 75. – CA Amiens, 10 avr. 2007, n° 06/01093 : JurisData n° 2007-335923 ; Loyers et copr. 2007, comm. 176, obs. Ph.-H. Brault. – V. A. Cerati-Gauthier, Locaux à usage exclusif de bureaux et détermination de la commune intention des parties : Ann. loyers 2009, p. 870 – Cass. 3e civ., 2 févr. 2010, n° 08-13.559 : JurisData n° 2010-051468 ; RJDA avr. 2010, n° 339).Il y a parfois doute sur la volonté exacte des parties, ainsi lorsque le bail prévoit un « usage exclusif de bureaux pour l'activité de …… », et que cette activité n'est pas en elle-même une activité purement intellectuelle (V. par exemple, TGI Paris, 19 mars 2011 : Administrer mai 2011, p. 38, note M.-L. Sainturat ; où la location était destinée à permettre au locataire « d'exercer l'activité de conception et réalisation de documents audiovisuels », l'usage exclusif de bureaux n'a pas été admis. – Cass. 3e civ., 1er avr. 2009, n° 08-13.130 : JurisData n° 2009-047673 ; Bull. civ. 2009, III, n° 75 ; AJDI 2009, p. 867, note J.-P. Blatter).

Si des locaux ont fait l'objet d'une déspécialisation pour un usage de bureaux et qu'ils sont utilisés comme tels, leur loyer doit être fixé conformément aux dispositions de l'article R. 145-10 du Code de commerce. Le fait que le bailleur n'ait pas invoqué le bénéfice de ce texte lors du précédent renouvellement n'équivaut pas à une renonciation de sa part à s'en prévaloir (Cass. 3e civ., 20 sept. 2005, n° 04-15.153 : AJDI 2006, p. 120, note C. Denizot ; Administrer nov. 2005, p. 23, note J.-D. Barbier).

Le caractère à usage exclusif de bureaux des lieux loués doit s'apprécier à la date de renouvellement du bail (Cass. 3e civ., 1er avr. 2009, préc.).

b) Interprétation de la volonté des parties – Un problème se pose lorsque le bail prévoit une affectation générale en indiquant que les locaux sont loués, par exemple à usage d'agence immobilière, de banque ou de maison d'édition. L'application de l'article R. 145-11 du Code de commerce n'est-elle pas exclue du fait que le bail n'indique pas expressément que l'activité exercée concerne des « bureaux » ?En pareil cas et lorsque le locataire a une activité susceptible de répondre a priori à la définition des « bureaux » telle qu'elle est admise par la jurisprudence, on estime que l'article R. 145-11 peut s'appliquer s'il s'avère que les locaux sont effectivement utilisés comme bureaux.

L'usage effectif est cette fois pris en compte pour permettre de dissiper l'ambiguïté née de l'imprécision des clauses du bail. Il permet, au même titre d'ailleurs que les indications tirées de l'agencement des locaux et leur destination normale, de définir ce qu'a pu être

Page 149: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

l'intention des parties (Cass. 3e civ., 31 janv. 1979 : Rev. loyers 1979, p. 202, note J.V. – Cass. 3e civ., 14 mars 1979, n° 77-11.567 : Bull. civ. 1979, III, n° 65. – Cass. 3e civ., 10 avr. 1986, n° 85-10.957 : Administrer nov. 1986, n° 173, p. 20. – Cass. 3e civ., 16 déc. 1992 : Gaz. Pal. 1993, 2, p. 572, note J.-D. Barbier. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 7 févr. 2005, n° 03/20185 : JurisData n° 2005-274552 ; Administrer juill. 2005, p. 46. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 29 oct. 1991 : Loyers et copr. 1992, comm. 28).

C. Utilisation exclusive des locaux comme bureaux a) Notion d'usage exclusif – Pour que l'article R. 145-11 du Code de commerce soit applicable, il ne suffit pas que le local soit « utilisé » comme bureau au sens indiqué plus haut. Il faut encore que cette utilisation soit « exclusive ». Et le juge doit vérifier ce point particulier, à peine d'être censuré par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 18 juill. 1984, n° 83-11.268 : Bull. civ. 1984, III, n° 140).Il n'y aura évidemment pas usage « exclusif » si le bail permet l'exercice de plusieurs activités différentes (Cass. 3e civ., 13 mai 1980 : JurisData n° 1980-799271 ; Rev. loyers 1980, p. 490, obs. J.V. – Cass. 3e civ., 25 nov. 1992 : Rev. loyers 1993, p. 37), ou si le bail consenti à usage de bureaux doit s'exercer dans le cadre de l'activité du preneur telle que résultant des énonciations de son objet social et que cet objet englobe l'exercice d'opérations commerciales (CA Riom, 7 déc. 2005, n° 05/00864 : JurisData n° 2005-291300 ; Loyers et copr. 2006, comm. 179, obs. P. Pereira-Osouf).

La Cour de cassation a précisé que le caractère d'usage exclusif de bureaux des lieux loués devait s'apprécier à la date de renouvellement du bail (Cass. 3e civ., 1er avr. 2009, n° 08-13.130 : JurisData n° 2009-047673 ; Bull. civ. 2009, III, n° 75 ; Loyers et copr. 2009, comm. 209, obs. E. Chavance ; Rev. loyers 2009, p. 1276 note C. Quément ; Gaz. Pal. 1er-5 mai 2009, p. 36, note J.-D. Barbier).

En l'absence « d'usage exclusif », ce sont alors les règles de droit commun qui s'appliquent. Le déplafonnement du loyer ne pourra intervenir qu'en faisant la démonstration qu'il y a eu modification notable des éléments mentionnés à l'article L. 145-34 du Code de commerce (V. JCl. Notarial Formulaire, V° Bail commercial, fasc. 410), ou qu'il existe une autre cause de déplafonnement (V. JCl. Notarial Formulaire, V° Bail commercial, fasc. 408).

b) Clauses « tous commerces » – On ne peut pas parler de location à « usage exclusif » de bureaux :• si le bail permet l'exercice de tous commerces (Cass. 3e civ., 14 mars 1979, n° 77-11.567 : Bull. civ. 1979, III, n° 49 ; Rev. loyers 1979, p. 259. – Cass. 3e civ., 7 juill. 1993, n° 91-14.821 : Bull. civ. 1993, III, n° 108 ; Gaz. Pal. 1993, 2, p. 572, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 17 déc. 2002, n° 01-13.206 : Gaz. Pal. 13-14 juin 2003, p. 27, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 10 févr. 2004, n° 02-19.872 : Administrer avr. 2004, p. 31, obs. B. Boccara) ;• ou encore si le bail permet au locataire de céder ou de sous-louer pour tous commerces de son choix (Cass. 3e civ., 25 juin 2008, n° 07-14.682 : Bull. civ. 2008, III, n° 312 ; AJDI 2009, p. 26, note J.-P. Blatter. – Cass. 3e civ., 18 févr. 1998, n° 96-11.955 : JurisData n° 1998-000665 ; JCP G 1998, IV, 1780 ; Dr. et patrimoine mai 1998, p. 111, obs. Chauvel ; AJDI 1998, p. 270, note J.-P. Blatter. – Cass. 3e civ., 16 déc. 1992, n° 91-12.655 : Gaz. Pal. 1993, 2, p. 572, note J.-D. Barbier. – Cass. 3e civ., 7 juill. 1993 : JCP G 1993, IV, 2298 ; Loyers et copr. 1993, comm. 396, note Ph.-H. Brault, cassant CA Paris, 16e ch., sect. B, 7 mars 1991 : JCP N 1992, II, p. 194. – CA Paris, 16e ch., 22 sept. 2004, n° 02/16275 : Gaz. Pal. 15-16 avr. 2005, p. 38, note C.-E. Brault ; Administrer déc. 2004, p. 50, obs. B. Boccara et D. Lipman-Boccara). Peu importe que le locataire n'ait jamais usé de cette faculté. Même si le bail indique que la location est faite à usage exclusif de bureau, le

Page 150: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

déplafonnement du loyer n'est pas justifié si par ailleurs la cession de bail est permise pour tout commerce (Cass. 3e civ., 14 févr. 2012, n° 11-11.115 : Administrer avr. 2012, obs. D. Lipman-Boccara ; RJDA 2012, n° 650).Toutefois, le bail pourrait continuer à être considéré comme étant « à usage exclusif de bureaux » si l'autorisation de céder à d'autres activités n'était donnée que sous la condition qu'il s'agisse de bureaux (Cass. 3e civ., 16 déc. 1992 : Rev. loyers 1993, p. 215, note S. Duplan-Miellet).

c) Locaux affectés partiellement à usage d'habitation – Par ailleurs, la jurisprudence fait preuve de souplesse. Ainsi, il a été jugé que le fait qu'une partie des lieux soit utilisée à usage d'habitation n'empêche pas l'application de l'article R. 145-11 du Code de commerce pourvu que cette utilisation soit secondaire (Cass. 3e civ., 21 févr. 1996, n° 94-12.860 : Bull. civ. 1996, III, n° 49 ; Loyers et copr. 1996, comm. 439, note Ph.-H. Brault ; RD imm. 1996, p. 295, obs. J. Derruppé. – Cass. 3e civ., 16 févr. 1977 : Rev. loyers 1977, p. 353. – Cass. 3e civ., 8 janv. 1980, n° 78-13.060 : Bull. civ. 1980, III, n° 4 ; Rev. loyers 1980, p. 205. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 11 avr. 1991 : Loyers et copr. 1991, comm. 309).Toutefois, la location ne pourrait plus être considérée comme étant à usage exclusif de bureaux si la plus grande partie des locaux se trouvait en fait affectée à l'habitation du locataire (Cass. 3e civ., 10 oct. 1979 : Rev. loyers 1980, p. 103).

D. Applications Ont été considérées comme étant à usage de bureaux les locations consenties :• à une agence immobilière (Cass. 3e civ., 19 avr. 1989, n° 87-18.781 : JurisData n° 1989-001217 ; Loyers et copr. 1989, comm. 331. – CA Paris, 16e ch. A, 16 janv. 2008 : AJDI 2008, p. 762. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 30 mai 2007, n° 06/00755 : JurisData n° 2007-336764 ; Administrer nov. 2007, p. 34. – CA Paris, 16e ch. A, 7 févr. 2005 : AJDI 2005, p. 389. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 20 sept. 1991 : JurisData n° 1991-025178 ; Loyers et copr. 1992, comm. 29. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 8 juin 1993 : JurisData n° 1993-022189 ; D. 1994, inf. rap. p. 213. – CA Paris, 15 févr. 1990 : JurisData n° 1990-021351 ; Loyers et copr. 1990, comm. 480) ;• à un administrateur de biens (CA Paris, 16e ch., sect. B, 11 oct. 1990 : JurisData n° 1990-025706 ; Loyers et copr. 1991, comm. 76) ;• à un courtier en opérations immobilières (CA Paris, 16e ch., sect. B, 15 févr. 1990 : JurisData n° 1990-021351 ; D. 1990, somm. p. 255, obs. L. Rozés) ou à un courtier d'assurances (CA Paris, 16e ch., sect. B, 11 oct. 1990 : JurisData n° 1990-025706 ; Loyers et copr. 1991, n° 76. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 11 juin 1993 : D. 1993, inf. rap. p. 181) ;• à une société d'intérim (CA Paris, 16e ch., sect. B, 31 oct. 1991 : Loyers et copr. 1991, comm. 475) ;• à une agence de voyages, les prestations fournies étant d'ordre intellectuel et la remise de billets à la clientèle ne pouvant s'analyser en une livraison de « marchandises » (Cass. 3e civ., 21 oct. 1980 : JCP G 1981, IV, p. 9 ; Rev. loyers 1981, p. 81, note J.V. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 30 juin 2004 : JurisData n° 2004-246117 ; Loyers et copr. 2004, comm. 205, obs. Ph.-H. Brault. – CA Paris, 21 sept. 1993 : JurisData n° 1993-023043 ; Loyers et copr. 1994, comm. 116. – CA Paris, 28 nov. 1989 : D. 1990, somm. p. 255, obs. L. Rozés) ;•à un assureur conseil (CA Paris, 20 avr. 1974 : Gaz. Pal. 1974, 1, p. 349. – V. aussi pour une activité d'assurances et de publicité, CA Paris, 16e ch., sect. A, 4 juill. 2001 : JurisData n° 2001-151091 ; Loyers et copr. 2001, comm. 289, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira).55. – Locations considérées comme n'étant pas à usage de bureaux – Par application des critères ci-dessus énoncés, ont été considérées comme n'étant pas à usage de bureaux au sens de l'article R. 145-11 :• la location à un établissement d'enseignement, la vocation de ce type d'établissement se caractérisant par « la réception du public, des clients ou des usagers dans des pièces où s'exercent des activités diversifiées » (Cass. 3e civ., 17 juill. 1987 : Rev. loyers 1987,

Page 151: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

p. 485. – CA Paris, 12 déc. 1985 : JurisData n° 1985-027471 ; Gaz. Pal. 1987, 1, somm. p. 226, obs. Ph.-H. Brault. – Bull. loyers 1986, n° 75. – CA Paris, 16e ch., 16 déc. 1988 : JurisData n° 1988-028002 ; Loyers et copr. 1989, comm. 137) ;• la location consentie à une auto-école, l'activité principale étant constituée par l'enseignement, qu'il s'agisse de l'enseignement du code prodigué dans les locaux eux-mêmes ou de l'enseignement de la conduite à bord de véhicules automobiles (TGI Paris, ch. baux com., 28 avr. 1997 : Loyers et copr. 1997, comm. 263) ;• la location à une société d'édition qui s'accompagne de la commercialisation des ouvrages (Cass. 3e civ., 25 juin 1997, n° 95-19.674 : RJDA oct. 1997, n° 1176. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 9 juin 1992 : Administrer mai 1993, n° 245, p. 52. – V. aussi Cass. 3e civ., 12 oct. 1976, n° 75-11.166 : Bull. civ. 1976, III, n° 333. – Et dans un cas où l'activité d'édition n'était pas exclusive : CA Paris, 16e ch., sect. B, 31 janv. 1992 : Administrer mai 1992, n° 234, p. 31, obs. Dunes) ;• la location à une agence de presse, cette activité supposant « la réalisation de travaux manuels et la détention de livres ou de revues constituant une marchandise » (CA Paris, 16e ch., sect. A, 12 juill. 1978 : Rev. loyers 1979, p. 101) ;• la location à une entreprise de transport (CA Aix, 4e ch., 11 mars 1976 : Ann. loyers 1977, p. 790) ;• la location pour l'exercice de « l'activité de conception de vente de logiciels informatiques, l'élaboration d'études techniques et scientifiques » (CA Paris, 16e ch., sect. A, 9 avr. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 310, note Ph.-H. Brault ; Administrer nov. 1996, p. 25, obs. B. Boccara) ;• la location à un maquettiste publicitaire photographe qui vend des clichés photographiques (CA Paris, 16e ch., sect. A, 30 mai 2007 : Administrer nov. 2007, p. 34. – V. également pour un atelier de dessin publicitaire qui réalise des maquettes : CA Paris, 16e ch., sect. A, 24 mai 2006, n° 05/05444 : JurisData n° 2006-303880 ; AJDI 2006, p. 824) ;• la location à un conseil en marketing d'entreprise qui exerce une activité de formation, de location de salles de réunion, et l'exposition de produits attestés (CA Paris, 16e ch., sect. A, 24 janv. 2005, n° 04/01442 : D. 2005, p. 1415, note Y. Rouquet) ;• l'activité de transport ne consistant pas uniquement en l'organisation de transports mais impliquant également le stockage et l'entreposage de marchandises, qui est l'une des phases du transport avant la livraison, n'est pas une activité relevant de l'article R. 145-11 puisqu'elle implique un déplacement matériel de marchandises (CA Paris, pôle 5, 3e ch., 15 sept. 2010, n° 08/24295 : Loyers et copr. 2011, comm. 19, obs. E. C.).

Section 2. - Mode de fixation du loyer

A. Règles posées par l'article R. 145-11 – L'article R. 145-11 du Code de commerce écarte l'application du « plafonnement » pour les locaux à usage exclusif de bureaux. Le loyer doit être fixé « par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents ». Le juge sera donc appelé à déterminer la valeur locative sans qu'il y ait ni plafond ni plancher. Le loyer du bail renouvelé peut être fixé à un niveau inférieur à celui du bail expiré (Cass. 3e civ., 29 oct. 1986, n° 84-14.757 : Bull. civ. 1986, III, n° 140 ; Bull. loyers 1986, n° 477 ; Gaz. Pal. 1987, 1, p. 218, note Ph.-H. Brault). Pour ce faire, l'article R. 145-11 l'invite à s'appuyer sur des loyers de comparaison. Les loyers de références doivent être « corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de références ».L'article R. 145-11, alinéa 2 ajoute que “les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 145-7, alinéas 2 et 3, sont en ce cas applicables”. Rappelons que le 3e alinéa de ce texte énonce que les références proposées doivent comporter pour chaque local son adresse et sa description succincte. Elles doivent être corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

Page 152: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

B. Absence de caractère impératif La règle posée par l'article R. 145-11 du Code de commerce n'a aucun caractère impératif. Une clause du bail peut donc exclure expressément l'application de ce texte (CA Paris, 16e ch., sect. A, 22 sept. 1992 : Loyers et copr. 1993, comm. 104). Le loyer sera alors fixé selon les règles de droit commun en la matière : application du plafonnement, et « déplafonnement » éventuel si les conditions requises sont réunies.

Le bailleur pourrait renoncer en cours de bail à se prévaloir des dispositions de l'article R. 145-11. Cette renonciation doit être expresse, ou du moins non équivoque. On ne pourrait par exemple opposer au bailleur que le fait de n'avoir jamais précédemment réclamé le déplafonnement du loyer le priverait définitivement du droit de s'en prévaloir (Cass. 3e civ., 5 janv. 1993, n° 91-15.542 : Rev. loyers 1993, p. 213, note S. Duplan-Miellet).

C. Méthodes utilisées – En pratique le montant du loyer de renouvellement des locaux à usage de bureaux est fixé par référence au seul prix de marché concernant des locaux équivalents situés dans le même secteur géographique (CA Paris, 16e ch., sect. A, 12 sept. 2007, n° 06/16687 : JurisData n° 2007-346103. – CA Paris, 3 oct. 2007, n° 06/14240 : JurisData n° 2007-347225).

Le loyer est fixé en fonction de la surface utile, sans procéder à une pondération (CA Paris, 16e ch., sect. A, 21 mars 2007 : JurisData n° 2007-331645) du moins pour les locaux en étage.

Pour les boutiques dans lesquelles s'exercent des activités de bureaux, une pondération est par contre opérée (CA Paris, 16e ch., sect. A, 8 sept. 2004, n° 02/19883 : Gaz. Pal. 2005, 1, somm. p. 1311, note Ph.-H. Brault. –Ch.-H. Gallet, Les loyers des boutiques à l'usage exclusif de bureaux : AJDI 1998, p. 696).

Chapitre 3. Les banques

Section 1. Qualification du bail des banques.Les locations consenties à des banques peuvent revêtir deux qualifications 

A. La banque comme local monovalentIl n’y a pas de règles en matière de banque comme local monovalent. Selon les situations,

a) L'activité bancaire peut requérir des installations lourdes et spécifiques : ce sera un local monovalentDans une affaire dont a connu la cour d'appel de Paris : l'immeuble comportait une salle de coffres entourée de murs en béton avec chemin de ronde (CA Paris, 16e ch., 5 avr. 1979 : Gaz. Pal. 1979, 2, p. 502, note Ph. de Belot. – CA Paris, 6e ch. A, 3 nov. 1987 : Gaz. Pal. 1988, 1, somm. p. 213, note Ph.-H. Brault). Dans cette mesure, il a pu être jugé que les locaux, qui ne peuvent être rendus à un autre usage que moyennant des « transformations profondes et très onéreuses » (CA Paris, 3 nov. 1987, préc.), devaient être considérés comme monovalents.

Page 153: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

b) Une agence bancaire peut être installée avec des équipements légers (protection assurée par des dispositifs électroniques) : ce n’est plus un local monovalentPeu importe même qu'elle comporte une salle des coffres si ce local « peut être assez facilement transformé en cave ordinaire, en entrepôt ou en salle d'archives ». En ce cas, il peut être décidé que les locaux ne peuvent être qualifiés de monovalents (CA Paris, 16e ch., sect. A, 18 mars 1987 : Gaz. Pal. 1987, 2, somm. p. 404, note Ph.-H. Brault).

Ceci ne signifie pas pour autant que le loyer sera plafonné.

En effet, si l'application des dispositions de l'article R. 145-10 est alors exclue, les locaux peuvent être considérés, selon la jurisprudence, comme étant à usage de bureaux, ce qui permettra la fixation du loyer à la valeur locative sur le fondement de l'article R. 145-11 du Code de commerce.

B. La banque comme local à usage exclusif de bureauxSi les locaux de banque ne peuvent pas être considérés comme « monovalents », la location peut être considérée comme louée à usage exclusif de bureaux.

La question est aujourd'hui réglée par la Cour de cassation. Après un premier arrêt de principe (Cass. 3e civ., 13 nov. 1986, n° 84-11.778 : Bull. civ. 1986, III, n° 155 ; JCP G 1987, IV, p. 25, et sur renvoi : CA Rouen, 8 nov. 1988 : Gaz. Pal. 1989, 2, p. 499, note Ph.-H. Brault), elle a été amenée à réaffirmer sa position de manière encore plus ferme, pour vaincre la résistance des juridictions du fond. Les arrêts les plus récents énoncent que l'activité essentielle d'une banque est d'ordre comptable, administratif ou juridique et qu'elle n'est pas affectée par la réception de clients (Cass. 3e civ., 19 avr. 1989, n° 87- 13.751 : Bull. civ. 1989, III, n° 84 ; Defrénois 1990, art. 34642, note M. Vion ; Gaz. Pal. 1989, 2, p. 889, note J.-D. Barbier ; RD imm. 1989, p. 400, obs. J. Derruppé. – Cass. 3e civ., 31 oct. 1989, n° 88-11.276 : Bull. civ. 1989, III, n° 202 ; JCP G 1989, IV, 419. – Cass. 3e civ., 8 janv. 1997, n° 94-21.384 : JCP G 1997, IV, n° 386 ; AJPI mai 1997, p. 478, obs. J.-P. Blatter).

L'argument selon lequel la remise de billets à la clientèle, ou éventuellement les ventes de devises ou d'or, ou les locations de coffres constituent des opérations commerciales, ou même des manipulations de marchandises, a donc été écarté.

Section 2. Mode de calcul

La valeur locative unitaire des lieux doit en conséquence être nettement plus élevée que celle de simples bureaux en étage, sans toutefois pouvoir correspondre aux valeurs locatives des boutiques traditionnelles qui, elles, ne bénéficient pas d'un loyer de renouvellement automatiquement déplafonné. Il s'ensuit que les seuls éléments de comparaison véritablement significatifs en pareil cas doivent être recherchés dans des locaux loués à usage de banque (CA Paris, 16e ch., sect. A, 26 oct. 2005, n° 02/20996 : AJDI 2006, p. 462, note C. Denizot. – CA Paris, 16e ch., sect. A, 25 mars 1997 : Loyers et copr. 1997, comm. 233, note Ph.-H. Brault. –C. Denizot, Valeur locative des agences bancaires : AJDI 2007, p. 184).

Page 154: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Chapitre 4. Les hôtels IntroductionL’univers de l’hôtellerie a bien changé. On a appris il y a quelques mois que le groupe Marriott avait racheté son rival Star Wood 12,2 milliards de dollars le 16 novembre 2015. N’oublions pas que la société Marriott a bâti son business model sans être propriétaire des murs ; tout ceci a bien fonctionné et a permis de passer les crises.Plus insidieux, le succès d’Airbnb peut-il changer la donne ? En théorie, Il offre plus de chambres que Mariott et Starwood réunis !Les centrales internationales de réservation à qui on prédisait un succès d’estime dament le pion à tous les standards des hôtels aussi bien équipés soient-ils ! Ces centrales de réservation ont bousculé l’équilibre instauré par la méthode de gestion dont le but était d’associer bailleur et locataire à la gestion des hôtels (le pourcentage sur recette était alors la part du bailleur sur la recette).Déjà s’organisent la contre-attaque des grandes chaines à l’instar de Mariott.Dans un pays en crise, l’hôtellerie reste une valeur sure. Surtout les hôtels n’hésitent pas à optimiser les services dégageant des recettes annexes et des synergies avec l’hébergement.

« Méthode hôtelière » C’est dans ce contexte que les experts s’interrogent sur la fiabilité de leurs méthodes d’évaluation tant des murs que des fonds de commerce des hôtels et se demandent si les méthodes actuelles sont encore adaptées. Rappelons que l’hôtel est un local monovalent : la fixation du loyer a longtemps résulté de l’ancien article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 qui disposait que « le prix du bail peut être déterminé selon les usages observés dans la branche d’activité concernée ». Quelques années plus tard afin d’accélérer la rénovation des hôtels souvent vieillissants le législateur a, par une loi du 1er juillet 1964 modifié par l’ordonnance du 20 décembre 2004, différé la prise en compte des travaux (la majoration du loyer afférents à ces travaux ne peut intervenir que douze ans après la fin de ceux-ci).

C’est dans ce cadre réglementé que les experts ont progressivement conceptualisé leur méthode : fondée sur la recherche de la recette maximale à laquelle on doit déduire la TVA, des décotes pour travaux et des décotes pour le coût supporté afin de rémunérer les centrales de réservation. A cette recette maximale on appliquait un pourcentage qui dépendait de la classification de l’hôtel. Cette méthode était une exception à la règle selon laquelle le bailleur n’était pas l’associé du preneur ; on a longtemps considéré que le bailleur qui devait supporter des charges élevés pour les travaux devait percevoir sa quote-part sur le chiffre d’affaires théorique potentiel de l’hôtel.

Voici la méthode :• on détermine tout d'abord la recette théorique, en tenant compte des différentes tarifications appliquées (haute et basse saison, tarifs préférentiels ou réduits, etc.). Le point de savoir si les recettes des petits-déjeuners doivent ou non être prises en considération donne lieu à des prises de position divergentes (pour la négative, CA Paris, 3e ch., 16 sept. 2009 : Loyers et copr. 2009, comm. 263, obs. Ph.-H. Brault. – CA Paris 16e ch., sect. A, 4 févr. 2009 : Loyers et copr. 2009, comm. 176, obs. Ph.-H. Brault. – mais la cour d'appel de Paris avait précédemment jugé le contraire et les juridictions de province statuent généralement en sens contraire, Ph.-H. Brault, obs. ss CA Paris, 16 sept. 2009, préc.). La cour de Paris a confirmé sa jurisprudence précédente en décidant que la recette des petits déjeuners ne doit pas être incluse dans la recette théorique annuelle (CA Paris, pôle 5, 3e ch., 16 févr. 2011 : Loyers et copr. 2011, comm. 182, obs. Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal. 1er-2 juill. 2011, p. 23, note C.-E. Brault ; Administrer avr. 2011, p. 31, note M.-L. Sainturat. –Ph.-H. Brault, Valeur locative des exploitations hôtelières selon la jurisprudence récente : Loyers et copr., juin 2011, étude 6. – L. Moiteaux, La nouvelle génération de l'hôtellerie : Gaz. Pal. 1er-2 juill. 2011, p. 14. – H. Lefebvre, Le calcul de la valeur locative par la « méthode hôtelière » est-il toujours adapté ? : Gaz. Pal. 19-20 nov. 2010, p. 9).

Page 155: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Le tribunal de grande instance de Paris (loyers commerciaux) a rendu une décision divergente en observant qu'il est devenu depuis quelques années habituel d'indiquer un prix particulier pour le petit-déjeuner, en sus du prix de la chambre et qu'il constitue donc une recette distincte. Il estime que cette modification des usages justifie l'adaptation de la « méthode hôtelière » en soulignant qu'elle « ne repose sur aucune règle précise et doit donc être susceptible d'évoluer au regard des pratiques commerciales elles-mêmes évolutives » (TGI Paris, loyers com., 7 sept. 2012 : Administrer déc. 2012, p. 56, obs. M.-L. Sainturat) ;• on déduit la TVA et la taxe de séjour pour définir la recette à prendre en considération, à laquelle on applique un abattement pour tenir compte du coefficient probable de fréquentation ;• le loyer est déterminé en appliquant à la recette ainsi définie un pourcentage, qui varie selon la catégorie de l'hôtel., pour tenir compte des charges fixes (Cass. 3e civ., 13 mai 1971 : AJPI 1971, p. 1077. – Cass. 3e civ., 2 févr. 1972, n° 70-13.896 : Bull. civ. 1972, III, n° 77. –A. Brane et F. Van der Elst, Le loyer des hôtels : AJPI 1993, p. 248 s., et pour des exemples concrets, V. CA Paris, 16e ch., sect. A, 6 mai 2004, n° 2003/10407 : Administrer août-sept. 2004, p. 21, obs. B. Boccara. – CA Paris 16e ch., sect. B, 24 oct. 2005, n° 04/09888 : Administrer avr. 2006, p. 31, obs. B. Boccara).

Autres méthodes – La « méthode hôtelière » a fait l'objet de critiques, principalement au motif que les pourcentages retenus habituellement aboutiraient à la fixation de loyers insuffisants (sur ces controverses, Ph. de Belot, Sus à la méthode hôtelière : Administrer août-sept. 1992, n° 237, p. 2 s. – J. Roussille, E. Mayeux, Estimation des loyers hôteliers, la méthode hôtelière, ratio anglo-saxon : Gaz. Pal. 1999, 2, doctr., p. 955. – A. Vaz da Cruz, Pour une meilleure méthode hôtelière : AJDI 1999, p. 486. – F. Auque, F. J.-P. Dumur, Dialogue expert-juriste : à propos du loyer des hôtels : AJDI 2001, p. 686). Cette méthode consiste à prendre en compte le revenu moyen journalier statistique par chambre disponible, qui est obtenu en multipliant le taux d'occupation par le prix moyen de la chambre. On détermine ensuite à partir de la « recette hébergement » le revenu brut d'exploitation (Gross operating profit : GOP) et qui peut être assimilé aux résultats bruts générés par l'exploitation avant déduction des charges fixes, ou celles résultant du coût du capital (V. pour un exemple comparatif d'application de la méthode hôtelière et de la méthode « REVPAR », B. Pain et H. Sainsard, Loyers d'hôtel. Du taux d'occupation au Revpar et du pourcentage sur recettes au GOP : Gaz. Pal. 8 juill. 2008, p. 7).La méthode hôtelière reste cependant couramment appliquée. La cour d'appel de Paris a rejeté pour sa part l'application de la méthode en considérant qu'elle ne peut être utilisée que pour des hôtels propriétés de « chaînes » (CA Paris, 16e ch., sect. B, 10 nov. 2000 : Loyers et copr. 2001, comm. 92. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 16 févr. 2001 : Administrer nov. 2001, p. 30, obs. B. Boccara. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 6 nov. 2002, n° 2002/00650 : JurisData n° 2002-196183 ; Loyers et copr. 2003, comm. 65, obs. Ph.-H. Brault).

La valeur locative peut être fixée par les tribunaux selon la méthode d'évaluation qui leur apparaît la meilleure par exemple en combinant la méthode dite « hôtelière » avec la méthode des comparaisons, non exclue par l'article R. 145-10 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 30 avr. 1997, n° 95-17.933 : RJDA janv. 1997, n° 758).

Cette méthode est-elle encore applicable alors que les prix affichés sont souvent fortement diminués par les réductions imposées par les centrales de commercialisation ?Que penser de partir d’un prix théorique sans rapport avec la réalité ?Comment tenir compte des stratégies de certains hôtels privilégiant de maximiser les prix (vs le taux d’occupation) ce qui procure à l’hôtel un positionnement plus haut de gamme, améliore sa compétitivité et évite une utilisation trop intensive de l’hôtel qui dégrade plus rapidement ses équipements ?Il va sans dire que fixer la valeur locative d’un hôtel a son importance pour l’hôtelier qui se doit de connaître le loyer le plus approprié tant dans ses relations avec son bailleur

Page 156: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

que pour appréhender la valeur de son fonds de commerce mais aussi pour le propriétaire des murs qui en a besoin pour estimer la valeur de ses actifs.Le loyer est la variable qui permet tant au bailleur qu’au preneur de déterminer pour le premier la valeur des murs pour le second celle du fonds de commerce ou sa charge locative.

Section 1. L’hôtel comme local monovalent

A. Principe et difficultés d'application – Des locaux loués à usage d'hôtel sont l'un des exemples typiques de locaux monovalents, dans la mesure où il s'agit d'immeubles qui ont été conçus dès le départ en vue de cette utilisation et où un changement d'affectation ne pourrait généralement intervenir sans d'importants travaux (Cass. 3e civ., 18 mars 1992, n° 90-14.625 : Loyers et copr. 1992, comm. 435. – Cass. 3e civ., 16 oct. 1991 : Rev. huissiers 1992, p. 528, note D. Vidal).

Ce type de locations pose cependant problème, en ce qui concerne l'application de l'article R. 145-10 :• lorsque dans l'hôtel ou au rez-de-chaussée sont installées des boutiques, ce qui instaure une pluriactivité. On peut alors se demander si de ce fait les locaux peuvent continuer à être qualifiés de « monovalents » ;• lorsque l'hôtel comporte une branche annexe : par exemple un bar ou un restaurant (.Il a été jugé que les choix de gestion du locataire n'étaient pas en eux-mêmes de nature à affecter le caractère monovalent des locaux. Ainsi le fait que le locataire mette en location-gérance la partie café restaurant de son commerce alors que les locaux avaient été donnés à bail à usage de café hôtel restaurant ne permet pas de soutenir que les deux parties des locaux sont totalement indépendantes et que les deux activités sont exploitées de façon distincte (Cass. 3e civ., 20 mai 2015, n° 14-12.223 : Loyers et copr. 2015, comm. 166, note P.-H. Brault ; AJDI 2015, p. 769, note D. Lipman W Boccara ; RJDA oct. 2015, n° 638 et la note).

a) Monovalence admise malgré l'exercice d'activités annexes – Lorsque l'hôtel abrite des activités annexes, le caractère monovalent a été admis :• lorsqu'il apparaît que les locaux ont été destinés dès l'origine du fait de leur interdépendance à une seule utilisation (Cass. 3e civ., 22 févr. 1989, n° 87-16.979 : Rev. loyers 1989, p. 17 ; en l'espèce l'hôtel qui avait une entrée distincte communiquait avec la salle de bar, desservant le restaurant. – Cass. 3e civ., 11 juin 1986 : Gaz. Pal. 1986, 2, pan. jurispr. p. 179. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 10 mai 1991 : Loyers et copr. 1991, n° 344, note Ph.-H. Brault) ;• et que ces locaux ne pourraient permettre l'exercice de plusieurs activités qu'au prix de travaux importants et coûteux (Cass. 3e civ., 12 juin 2001, n° 99-21.245 : AJDI 2001, p. 880. – Cass. 3e civ., 18 mars 1992, n° 90-14.625 : Loyers et copr. 1992, comm. 435. – pour une application plus récente de ce double critère, V. Cass. 3e civ., 15 sept. 2015, n° 14-15.069).Le fait de l'affectation à l'activité spécifique d'hôtel et le caractère pratiquement irréversible de cette affectation ne sont pas des critères suffisants lorsque plusieurs activités sont exercées dans les lieux. Encore faut-il, comme l'a indiqué l'arrêt de la Cour de cassation précité du 30 juin 2004, rendu précisément à propos d'un hôtel-restaurant, « que les locaux soient aménagés de manière à constituer une exploitation unique concernant une même clientèle ».

Dans un cas où un hôtel comportait en annexe l'exploitation d'un restaurant, les divers critères suivants ont été retenus pour conclure au caractère « monovalent » des locaux loués :

Page 157: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

• le fait que les locaux présentaient une entrée unique pour la clientèle de l'hôtel et celle du restaurant, le hall de réception, la salle à manger et le salon d'attente étant des locaux communs et aucune indication ne les réservant à telle ou telle clientèle ;• la disposition des lieux, aménagés de manière à constituer une exploitation unique concernant une même clientèle, les deux activités d'hôtel et de restaurant apparaissant comme étroitement complémentaires ;• le fait que l'immeuble ne pouvait offrir d'autre possibilité d'utilisation rationnelle que celle visée au bail (Cass. 3e civ., 13 nov. 1997, n° 95-21.323 : Loyers et copr. 1997, comm. 312, note Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal. 10-11 avr. 1998, p. 13, obs. Ph.-H. Brault. – Cass. 3e civ., 12 juin 2001 : AJDI 2001, p. 880. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 12 oct. 2001, n° 1998/04024, 2001/03894 : Administrer févr. 2002, p. 23, obs. B. Boccara et D. Lipmann-Boccara). La présence d'une boutique sous-louée avec l'autorisation régulière du bailleur, n'exclut pas la monovalence, même s'il s'agit de deux établissements dotés d'entrées séparées, sans accès intérieurs permettant la circulation de l'un à l'autre, étant observé que le loyer payé par le sous-locataire ne représente que le quart du loyer global et que la surface occupée par la boutique se limite à 17,6 % de la surface totale des lieux loués et qu'en outre elle ne réalise que 7,3 % du chiffre d'affaire global (CA Paris, pôle 5, 3e ch., 2 mars 2011 : Loyers et copr. 2011, comm. 180, obs. Ph.-H. B. – sur le caractère monovalent de locaux loués à usage d'hôtel-restaurant au motif que ces locaux ne pourraient être affectés à une autre utilisation qu'au prix de travaux importants et de transformations coûteuses et profondes, V. Cass. 3e civ., 5 janv. 2010, n° 09-11.193 : AJDI 2010, p. 550, obs. D. Lipmann-Boccara).

b) Monovalence non admise – Il n'y a plus monovalence lorsque le restaurant (ou plus généralement une activité annexe) est exploité dans des conditions distinctes de l'hôtel et a une clientèle propre (Cass. 3e civ., 14 mars 1979 : Gaz. Pal. 1979, 2, somm. p. 306. – CA Paris, 16e ch., sect. B, 11 déc. 2008 : Loyers et copr. 2009, comm. 67, obs. Ph.-H. Brault).Ainsi lorsqu'il apparaît qu'une partie de la surface louée a été dès l'origine de la construction conçue pour accueillir un fonds de commerce totalement distinct de l'hôtel, tant topographiquement que commercialement (Cass. 3e civ., 15 nov. 2000, n° 99-13.134 : Loyers et copr. 2001, comm. 93, obs. Ph.-H. Brault et P. Pereira ; Administrer mai 2001, p. 40, note J.-D. Barbier ; RJDA 2/01, n° 133. – Cass. 3e civ., 30 mai 2001, n° 99-21.273 : AJDI 2001, p. 792) et que l'activité de restaurant ne peut être de ce fait considérée comme l'accessoire de celle d'hôtel (Cass. 3e civ., 16 juin 1999, n° 97-22.151 : Loyers et copr. 1999, comm. 214, obs. Ph.-H. Brault ; Cass. 3e civ., 30 juin 2004, Loyers et copr. 2004, comm. 165, obs. Ph.-H. Brault ).

Il n'y a pas non plus monovalence si l'hôtel et le restaurant qui lui est adjoint ont une activité importante et autonome, disposent d'entrées distinctes dans l'immeuble, et que les deux activités sont séparables et de nature différente (Cass. 3e civ., 30 sept. 1998 : Loyers et copr. 1999, comm. 123, obs. Ph.-H. Brault).

Si l'activité hôtelière ne constitue qu'une des branches du fonds de commerce exploité dans les lieux (au rez-de-chaussée, un bar PMU et en étage un hôtel) il s'agit alors de deux activités distinctes et le prix du bail renouvelé ne peut résulter que de l'application des indices. Mais si le locataire fait valoir que la valeur locative est inférieure au loyer plafond, la valeur locative de la partie hôtelière doit être déterminée par la méthode hôtelière (CA Versailles, 13 janv. 2011 : Loyers et copr. 2011, comm. 181, obs. Ph.-H. Brault).

Page 158: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Section 2. Les grandes familles d’évaluation des murs et des loyers des hôtels

1. Pour valoriser les seuls murs d’un hôtel, il convient de capitaliser le loyer estimé à sa valeur locative. A Paris les taux de capitalisation peuvent varier de 3 à 7%.

Exemple :Si le loyer est de 200.000 euros annuels et le taux de capitalisation 5%, les murs doivent être considérés comme valant 4.000.000 euros.

2. Pour valoriser le seul fonds de commerce d’un hôtel, il y a plusieurs méthodes :

- La première est d’inspiration plutôt comptable : elle consiste à appliquer un multiple à un agrégat comptable en lecture directe ou calculé selon les us et coutumes des experts. Par exemple, si on prend le chiffre d’affaires comme agrégat comptable, pour la détermination de la valeur du fonds de commerce, ces analyses nous permettront d’affecter un coefficient multiplicateur au chiffre d’affaires réalisé par chaque établissement, en sachant que pour une exploitation rentable, le fonds de commerce d’un établissement d’hébergement se situe dans une fourchette de 1 à 3,5 fois le chiffre d’affaires hors taxes. Le coefficient est d’autant plus élevé que l’exploitation est pérenne avec de bonnes perspectives d’avenir, et un RBE hôtelier solide. Le cas échéant, on pourra ajouter la valeur du fonds de commerce des restaurants, lorsque leur contribution à la marge de l’ensemble est positive.

- La seconde est plus dynamique : l’expert cherchera à intégrer des données prévisionnelles de l’exploitation en estimant les cash flows disponibles et en les actualisant à la valeur d’aujourd’hui (on capitalise la valeur estimée de l’hôtel en fin de cycle). Pour que cette méthode soit la moins perfectible possible, il convient de justifier le taux d’actualisation le plus appropriée et une évaluation de la valeur de l’hôtel en fin de cycle. De cette valeur obtenue, il convient parfois de déduire les travaux.

- La troisième est étayée par des comparables : elle est souvent là pour conforter les résultats obtenus grâce aux deux méthodes précédentes ; elle est nécessaire pour des hôtels d’exception où la méthode classique montre vite ses limites. La valeur du fonds de commerce est appréciée à partir de l’analyse des ratios financiers de chaque établissement, en particulier le montant et la nature du chiffre d’affaires, mais aussi de son excédent brut d’exploitation hôtelier (EBE hôtelier). L’excédent brut d’exploitation (EBE) correspond au résultat net comptable avant impact des charges et produits financiers et exceptionnels, de l’impôt sur les sociétés et participation des salariés ainsi que des dotations aux amortissements et aux provisions. L’EBE hôtelier correspond à l’EBE avant imputation des charges fixes liées à l’immeuble : loyer, taxes foncières et professionnelles, assurance de l’immeuble. Il faut aussi tenir compte de la valeur de la marque.

. Pour valoriser les murs et le fonds de commerce ensemble dans une perspective notamment de céder le tout à un investisseur il y a des méthodes spécifiques :- La première dite du 1000e : soit RMCHT x 1000 x nombre de chambres

- La seconde dite multiple du Résultat Brut d’Exploitation (RBE) : elle consiste à calculer le RBE moyen sur trois ans, puis à lui appliquer un coefficient multiplicateur compris entre 8 à 12 ;

- La troisième dite multiple d’EBITDA (EBE) soit EBITDA moyen sur trois ans x multiple de 10 à 14.

Page 159: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

La valeur des murs d’un hôtel additionnée de la valeur du fonds de commerce qui y est attaché est souvent plus élevée que la somme algébrique des deux composantes (fonds de commerce et murs). Si acheter un fonds de commerce coûte cher, il faut ajuster le loyer avec la poursuite équilibrée de ce fonds.

. Pour valoriser le loyer d’un hôtel, la méthode hôtelière était privilégiée mais elle n’est plus la seule !En effet, la limite de cette méthode hôtelière c’est d’indexer la méthode sur le seul agrégat comptable que constitue le chiffre d’affaires ; on part d’un chiffre d’affaires optimal. Les recettes annexes sont souvent mises de côté si tel n’est pas le cas dans ce cas on calcule le RBE sur l’ensemble du chiffre d’affaires HT. Dans tous les cas ces recettes annexes constituent des synergies et participent aussi au niveau du chiffre d’affaires résultant de la vente des chambres d’hôtels.Il faut mettre en exergue les nouvelles normes de classement qui a permis à de nombreux hôtels de monter en gamme sans travaux supplémentaires

Rappeler que le niveau moyen de la chambre est un paramètre plus déterminant que le nombre d’étoiles pour apprécier le niveau de prestations d’un hôtel.

Il y a des méthodes anglo-saxonne plus réalistes: - En premier lieu celle fondée sur des moyennes statistiques dite REVPAR (REVenue Per Available Room) : il correspond à la division du chiffre d’affaires hébergement par le nombre de chambres disponibles sur l’année (c’est-à-dire le nombre de chambres de l’établissement multiplié par le nombre de jours d’ouverture). Il peut aussi s’obtenir en multipliant le prix moyen par chambre louée par le taux d’occupation.= Prix moyen de la chambre * taux d’occupationEn 2014, le REVPAR moyen des hôtels est de 137,4 euros avec des disparités importantes selon les catégories d’hôtels mais surtout selon leur emplacement géographique.

- En second lieu celle dite GOP (Gross Operating Profit) c’est le résultat d’exploitation après réintégration de certains postes de charge fixe).Avec cette méthode on répartit un profit entre propriétaire de l’immeuble et exploitant du fonds hôtelier. On isole la part du résultat global pouvant être affecté au loyer.C’est le résultat comptable avant imputation des redevances de gestion des frais de siège du loyer des impôts et taxes de l’assurance de l’immeuble des frais financiers et des amortissements.Comme le REVPAR on connaît le GOP moyen des hôtels sur une année. En 2011 il s’établissait à 36,7% toutes catégories et régions confondues. En le déclinant par catégorie, il était de 22,4% pour les cinq étoiles et de 46% pour les trois étoiles à Paris. Comme le REVPAR on peut établir un GOPPAR (Gross Operating Profit Per Available Room) ; dans ce cas son calcul est proche de celui du REVPAR puisqu’il consiste à diviser le GOP par le nombre de chambres disponibles dans l’hôtel. Un GOPPAR de 60 euros signifie que chaque chambre construite génère par jour 60 euros HT de résultat brut.

Cette technique a l’avantage de pondérer l’importance du chiffre d’affaires en s’attachant aussi au charges opérationnelles.Une partie du GOP rémunère les murs. Le loyer représente environ la moitié du RBE hôtelier.Pour des hôtels de catégorie supérieure, le RBE peut être étendu à toutes les recettes de l’hôtel.L’intérêt de ces deux dernières techniques est qu’elles s’appuient sur des éléments statistiques extérieurs à l’actif expertisé.

En hôtellerie, les principaux coûts d’exploitation sont liés aux frais de personnel, au coût de marketing, aux coûts de l’énergie et enfin aux coûts d’entretien. Cela permet de dégager un excédent brut d’exploitation hôtelier en excluant les coûts de capital intrinsèques à l’immeuble ou à son équipement (loyer, taxe foncière, impact du financement, amortissement, assurance de l’immeuble).

Page 160: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Le résultat brut d’exploitation (RBE hôtelier) par chambre louée moyen dans la catégorie est un outil qui permet de comparer la rentabilité en valeur dégagée par l’hôtel et le comparer avec son marché de référence. En règle générale le loyer représente environ la moitié du RBE hôtelier ; il est souvent plus élevé que celui qui résulte de la méthode hôtelière d’où le manque d’appétence des locataires pour l’adopter.

En conclusionNous avons esquissé les handicaps de cette méthode classique dite hôtelière utilisée depuis des lustres par les experts et avalisée par les Tribunaux :Prix moyen théorique surévalué lié au fait des remises forfaitaires aux prix affichés ;On ne peut déterminer la recette théorique avec les prix affichés gonflés par les réductions :Taux pratiqués insuffisants ;Plus de prix à la chambre ;Plus de référence au marché ;Ne pas oublier non plus que les commissions aux centrales d’achat et de réservation génèrent du chiffre d’affaires !Les méthodes anglo-saxonnes apparaissent plus en phase avec la réalité du marché hôtelier et plus fiables car elles s’appuient sur des données statistiques!

Mais n’oublions pas non plus que le loyer peut aussi s’approcher en analysant la rentabilité d’un d’investissement hôtelier tout comme le font ceux qui construisent un immeuble d’habitation en vue de le louer. Cette dernière méthode aurait le mérite de faire fi des imperfections des méthodes rappelées ci-avant.Dans cette méthode le loyer s’établirait en sommant le cout de construction d’un hôtel et en y appliquant un taux de capitalisation plus ou moins élevé selon l’emplacement et les perspectives de l’hôtel. Le chiffre obtenu correspondrait au loyer escompté par cet investisseur.Rappelons que le loyer a vocation à rémunérer le bailleur pour son investissement. En d’autres termes il n’est rien d’autre que le produit du taux de rendement initial et du prix d’acquisition acte en mains du bien.

Chapitre 4. Les cliniques

Page 161: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

TITRE 7. CALCUL DU LOYER ET PROCÉDURES COLLECTIVES

Page 162: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

PARTIE 2. LE CALCUL DE L’INDEMNITE OU VALEUR D’ÉVICTION1. INTRODUCTION

Aux termes de l'article L. 145-14 du Code de commerce : « Le Bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ». 

L’indemnité d’éviction doit être demandée par le locataire évincé et cette demande est soumise à une prescription de deux ans : il résulte des articles L. 145-28 et L. 145-60 du code de commerce que le locataire, qui entend demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit agir avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné. Le seul fait de délivrer un congé avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction en application de l'article L. 145-9 du même code ne vaut pas reconnaissance de ce droit à indemnité. Dans la mesure où le locataire n'a pas demandé le paiement d'une indemnité d'éviction avant l'expiration du délai de deux ans, « la cour d'appel en a exactement déduit, sans modifier l'objet du litige, que l'action en paiement de l'indemnité d'éviction était prescrite et que ledit locataire ne pouvait plus se prévaloir, fût-ce par voie d'exception, du droit au maintien dans les lieux qui en est le corollaire » (Cass. 3e civ., 30 mars 2017, n°16-13236, non publié).

La nullité d’un congé équivoque ne prive pas le preneur de son indemnité d’éviction (Cass. 3e civ., 28 juin 2018, n°17-18756). En effet, un congé délivré sans motif ou pour motifs équivoques par le bailleur produit néanmoins ses effets et met fin au bail commercial, dès lors que le bailleur est en toujours en droit de refuser le renouvellement du bail à la condition de payer une indemnité d'éviction (Cass. 3e civ., 1er février 1995, n° 93-14.808, Bull. 1995, III, n° 35 – Cass. 3e civ., 28 octobre 2009, n° 07-18.520 et 08-16.135, Bull. 2009, III, n° 234).

La nullité de ce congé prévue par l'article L. 145-9 du code de commerce est une nullité relative qui ne peut être soulevée que par le preneur ; celui-ci peut soit renoncer à la nullité du congé en sollicitant une indemnité d'éviction et en se maintenant dans les lieux en l'attente de son paiement en application de l'article L. 145-28 du même code, soit s'en prévaloir en optant pour la poursuite du bail. Par suite, la circonstance que le preneur reste ou non dans les lieux est sans incidence sur les effets du congé irrégulier. En l’espèce, ayant retenu, souverainement, par des motifs non critiqués, que le congé était équivoque et insuffisamment motivé et, à bon droit, que la nullité du congé ne pouvait priver le preneur de son droit à indemnité d'éviction, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant et sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, que la demande de paiement de l'indemnité d'éviction était justifiée (Cass. 3e civ., 28 juin 2018, n°17-18756, précité).

Ce texte pose le principe que l'indemnité doit être égale à la valeur du fonds de commerce augmentée :

Page 163: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

- d'une part, des frais de déménagement et de réinstallation ; - d'autre part, des frais de mutation à payer pour un fonds de même valeur.

Cette énumération n'est d'ailleurs pas limitative, puisque le texte emploie le terme « notamment », mais si le principe est que l'indemnité doit être égale à la valeur du fonds, ce principe comporte un tempérament en permettant au propriétaire de faire la preuve que le préjudice est moindre.

- L’indemnité d’éviction a pour vocation d’indemniser un préjudice subi par l’exploitant égal à :

- la valeur du fonds de commerce plus les accessoires ;- ou moins si l’entreprise peut être transférée sans perdre sa clientèle ou n’en

perdre qu’une partie.

- Si le fonds est transférable, l’indemnisation est limitée à la seule valeur du droit au bail plus les accessoires. En d’autres termes, si un commerçant dont l’activité est par nature transférable ne perd pas sa clientèle du fait de l’éviction compte tenu de sa notoriété le montant de l’indemnité d’éviction doit être limité au montant du transfert.

1. Principes du calcul de l'indemnité d’éviction

L'indemnité sera présumée égale à la valeur du fonds de commerce, à moins que le propriétaire justifie que le préjudice est inférieur. Ce sera, par exemple, le cas d'un locataire qui peut se réinstaller ailleurs sans frais importants.

Quoi qu'il en soit, l'indemnité d'éviction est calculée de manière différente suivant que le fonds de commerce est appelé à disparaître en totalité ou que, au contraire, il est susceptible d'être transféré dans un autre local.

- Dans le premier cas, l'évaluation sera égale à la valeur du fonds augmentée des frais accessoires : c'est l'hypothèse que la loi n o 57-6 du 5 janvier 1957 (JO 6 janv.) a érigée en principe.

- Dans le second cas, l'indemnité sera égale à la perte d’un loyer diminué éventuellement au prix d’un droit au bail d'un local de remplacement équivalent et ce coût sera augmenté, ici encore, des frais accessoires dont l’éventuelle perte partielle de la clientèle.

Ces principes étaient déjà appliqués avant la promulgation de la loi du 5 janvier 1957 qui n'a fait, en quelque sorte, que les codifier.

De toute façon, les juges du fond jouissent d'un pouvoir souverain d'appréciation pour la fixation de l'indemnité d'éviction et leurs décisions échappent, sur ce point, au contrôle de la Cour de cassation.

Afin d'être fixé sur l'opportunité d'avoir à exercer un droit d'option (C. com., art. L. 145-57), dangereux car irrévocable (C. com., art. L.  145-59), et refuser en conséquence un renouvellement initialement proposé, le bailleur peut avoir intérêt à saisir la juridiction des référés pour demander une expertise in futurum tendant à voir évaluer les

Page 164: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

indemnités d'éviction et d'occupation qui seraient dues de part et d'autre dans ce cas. Cette pratique a été admise par la cour d'appel de Paris.

2. Méthode d'évaluation en cas de perte du fonds de commerce

Dans cette hypothèse où l’éviction conduit le commerçant à perdre sa clientèle, l'indemnité doit être calculée sur la base de la valeur du fonds de commerce.

On sait qu'un fonds de commerce est une universalité juridique composée d'éléments incorporels tels que la clientèle, l'achalandage, l'enseigne, le droit au bail, les marques de fabrique, etc., et d'éléments corporels tels que le matériel, les marchandises, les immobilisations.

Les éléments corporels peuvent généralement être liquidés même dans le cas de perte totale du fonds.

Il n'y aura donc préjudice pour le locataire que dans la mesure où leur réalisation précipitée entraînera une perte sur la valeur de ces éléments.

En revanche, la difficulté consiste à évaluer les éléments incorporels.

L'article L. 145-14 du Code de commerce parle de la « valeur marchande » du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession.

Par suite, ne doivent pas être pris en considération :

ni la valeur de liquidation qui résulte généralement d'une vente forcée ; ni la valeur comptable telle qu'elle ressortirait d’une lecture du bilan de

l’entreprise.

Les experts et le tribunal doivent donc rechercher la valeur vénale du fonds de commerce, et le texte précise « en fonction des usages de la profession ».

Précisons que l'indemnité d'éviction ne peut être calculée que sur la seule activité autorisée par le bail (Cass. 3e civ., 4 mai 2006, no 05-10.938, Loyers et copr. 2006, no 182, note Ph.-H. Brault).

L'administration de l'enregistrement a établi un barème d'évaluation des principaux fonds de commerce, barème qui s'inspire précisément des règles en usage dans chaque profession. D'une façon générale, ces règles d'évaluation sont fonction du chiffre d'affaires et des bénéfices. Pour la plupart des commerces de détail, le pourcentage du chiffre d'affaires retenu oscille entre 50 et 80 %. Quant aux bénéfices, il est d'usage pour l'administration de retenir trois fois le bénéfice annuel.

Les taux de l'enregistrement semblent convenir pour les fonds d'importance moyenne.

Des corrections sont à faire dès que l'on sort des normes habituelles, en particulier lorsqu'il existe un logement attaché à un fonds. Les fonds avec logement se vendent beaucoup plus cher que les fonds sans logement. Et il n'est pas rare de voir, dans la banlieue de Paris, des fonds dont le revenu ne suffit pas à nourrir leur propriétaire, se vendre un bon prix parce qu'ils permettent à l'acheteur de se loger. D’autres corrections sont à apporter lorsque le fonds est un fonds exceptionnel ou situé dans un secteur particulier.

Page 165: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Bien que cette méthode de calcul soit aujourd'hui quelque peu délaissée, il convient de la rappeler car elle reçoit parfois une application de la part de certains Tribunaux.

- Sur la prise en compte du chiffre d'affaires TTC, il convient, pour décider s'il y a lieu d'inclure ou non la TVA dans le montant du chiffre d'affaires réalisé, de s'en tenir aux usages de la profession : « La TVA doit être incluse dans le montant du chiffre d'affaires qui sert de base au calcul de l'indemnité d'éviction si tel est l'usage de la profession »(Cass. 3e civ., 15 juin 1994, n o 92-14.172, Bull. civ. III, no 122, AJPI 1994, p. 641, D. 1994, I.R., p. 184).

Cette jurisprudence paraît être remise en cause par l'arrêt rendu le 17 décembre 2003 par la Cour de cassation.

« La cour d'appel, qui constate que la partie des locaux affectée à l'habitation est disproportionnée par rapport à l'importance réduite du fonds de commerce, a pu refuser de prendre en considération la totalité de ces locaux pour le calcul de l'indemnité d'éviction » (Cass. 3e civ., 5 nov. 1976, no 75-11.052, Rev. loyers 1977, p. 32).

Pour certains commerces, le quartier peut exercer une certaine influence sur la valeur du fonds. Un fonds de fleuriste, par exemple, se vend plus cher dans les quartiers dits « bourgeois », parce que le logement qui y est attaché est en général plus confortable, et surtout parce qu'il s'agit de quartiers plus aérés, plus tranquilles, etc. C'est ce qu'on peut appeler la « plus-value pour quartier agréable ».

Dans d'autres commerces, l'état du matériel joue un rôle important : une installation de chauffage central ou un ascenseur dont l'entretien est particulièrement coûteux, des tapis à remplacer, des peintures à refaire dans un hôtel, par exemple, aviliront la valeur du fonds dans l'esprit d'un acheteur éventuel, car les frais à envisager sont à déduire du prix d'achat.

Il existe des situations privilégiées (par exemple, cafés-restaurants, vente de souvenirs, places à proximité immédiate de sites touristiques) ; d'autres commerces ont une activité variable à caractère saisonnier (stations balnéaires, pratique de sports en montagne, agences de voyages, etc.) ; concernant des négoces tels que ceux des forains vendant sur les marchés, les spectacles itinérants (tournées ou cirques), les entreprises de transport, les locaux loués à usage commercial n'ont d'utilité que pour le stationnement des véhicules et le stockage des marchandises ou la mise à l'abri de matériel d'exploitation alors qu'à l'opposé, s'agissant de production industrielle, les aménagements, les installations des ateliers, les accès des poids lourds à la voie publique, peuvent constituer des éléments essentiels du fonds de commerce.

Plus généralement, tout au moins pour les fonds de commerce de faible ou moyenne importance, on peut distinguer le fonds de travail dont les revenus ne permettent pas de faire les frais d'un gérant, lequel fonds doit être exploité par le propriétaire lui-même, et le fonds de placement qui permet la mise en gérance et est devenu une manière de placer ses capitaux comme l'achat des actions en Bourse. En raison du développement de la gérance libre depuis quelques années, malgré sa réglementation, la valeur vénale de ces fonds a considérablement augmenté.

Les fonds qui ne demandent aucune compétence ou connaissance particulière de la part de leur exploitant se vendent en général beaucoup plus cher que les fonds qui réclament de leur exploitant certaines connaissances, les fonds de librairie par exemple, observation faite que cette règle s'applique également aux commerces pour lesquels la possession de diplômes est exigée.

Les experts commis par les tribunaux retiennent généralement le chiffre d'affaires ou le bénéfice moyen des trois dernières années d'exploitation, mais la méthode du chiffre d'affaires paraît préférable à celui du bénéfice car les déclarations de bénéfices

Page 166: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

dépendent plus étroitement des soucis fiscaux ou du désir de gonfler les résultats de l'exploitation en vue de l'éviction. De plus, il est plus facile de contrôler la réalité du chiffre d'affaires que les bénéfices.

Il est évident, cependant, que les règles ci-dessus n'ont qu'un caractère indicatif, chaque évaluation pose des problèmes particuliers.

C'est ainsi qu'indépendamment même des spécificités propres d'évaluation, il peut arriver qu'au début de l'exploitation d'un fonds, les bénéfices soient réduits ou même nuls, alors que, cependant, la valeur potentielle du fonds est élevée, l'absence de bénéfices s'expliquant par les frais de premier établissement, par l'âge avancé de l'exploitant, son manque d'initiative et de dynamisme, l'interruption d'activité due à la maladie, la force majeure.

Des barèmes sont alors établis en fonction des usages de chaque profession. Ils proposent un coefficient fixé à partir de l’un de ces éléments (bénéfice, chiffre d’affaires). Cette méthode ne fait pas l’économie d’un retraitement de l’expert lorsqu’il fait face à des évolutions erratiques et contrastées de certains agrégats du compte du résultat du commerce analysé.

Parfois ces barèmes ne sont pas utilisables ou ne sont plus utilisées car la valeur vénale d’un fonds est fondée sur la capitalisation des bénéfices escomptés sur une période déterminée.

Dans ce contexte, les tribunaux utilisent alors un certain multiple du cash-flow, c'est-à-dire la marge brute d'investissement constituée par le bénéfice net après impôt, auquel sont ajoutés les amortissements et les réserves n'ayant pas le caractère de dette (ce qui représente la capacité d'autofinancement de l'entreprise) ; en d’autres termes ce cash-flow, qui représente la totalité des disponibilités de l’entreprise dans le cadre de son exploitation, sera utilisé par l’entreprise soit pour procéder à des investissements, soit pour rémunérer le chef d’entreprise (ou les actionnaires) soit pour se désendetter.

Ces méthodes permettent aux tribunaux de s’appuyer sur un travail plus élaboré des experts pour calculer la valeur du fonds de commerce dès lors que manquent des transactions comparables en termes de surface de vente et de facteurs de commercialité ou de l’inadéquation des barèmes professionnels.

Ces méthodes dites financières prennent en compte la rentabilité future et le risque attaché à cette rentabilité (méthodes fondées sur les comparables et méthodes globales).

Elles se résument en deux familles :

- La méthode fondée sur les comparables va consister à déterminer la valeur des immobilisations incorporelles, dont fait partie le fonds de commerce, par assimilation au goodwill de l’entreprise.

Le goodwill est donné comme la différence entre la valeur de l’entreprise (VE) et l’actif net comptable corrigé (ANCC).

La valeur de l’entreprise (VE) est donnée par le constat à une période donnée de la valeur cotée d’entreprises d’un secteur comparable ou de la valeur de transaction récente de sociétés comparables.

L’actif net comptable représente la valeur des capitaux propres corrigée de la valeur des immobilisations incorporelles (fonds de commerce) et des plus-values latentes sur éléments d’actifs corporels.

Page 167: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Le goodwill ainsi déterminé est rapproché d’agrégats financiers de référence (Chiffre d’affaires, EBE, Résultat net) pour déterminer des multiples utilisés pour estimer la valeur du fonds de commerce sous étude.

Par exemple :

- estimation du fonds de commerce de chaque société de l’échantillon ;

- calcul des multiples de ces fonds de commerce en les comparant avec l’EBE par exemple ;

- estimation du fonds de commerce sous étude en partant de la moyenne de ces multiples de l’échantillon.

Les coefficients retenus par les experts peuvent varier entre 5 à 12 fois l’EBE.

Cette méthode destinée à parvenir à fixer un résultat normatif comprend des difficultés de mise en œuvre et des limites :

. Détermination de l’échantillon de sociétés cotées représentatives du fonds de commerce étudié (taille, méthode de gestion, notoriété) ;

. Appréciation des plus-values latentes sur éléments d’actifs corporels ;

. Élimination de charges exceptionnelles ;

. Répartition du goodwill par immobilisation incorporelle séparable (par exemple marque et fonds de commerce)

- La méthode globale sera notamment fondée sur les « Discounted Cash-Flow » (DCF). Il convient alors pour une application juste de cette méthode de disposer des états prévisionnels d’activité de la société et de procéder au choix d’un taux d’actualisation de ces flux prévisionnels et/ou d’une valeur terminale qui pourra être capitalisée sur une période infinie. Cette méthode est bien prisée par les investisseurs institutionnels qui fondent leur acte d’achat sur les « cash flows » prévisionnels (c'est-à-dire les flux de trésorerie nets disponibles pour l’entreprise) de la société basés sur les ambitions de l’acquéreur et sa stratégie propre.

Rappelons que l’élément indemnisable au terme de la loi comprend divers éléments tels que l’emplacement, les perspectives de développement le matériel et la clientèle et que cette méthode financière a le mérite d’appréhender tous ces éléments de manière dynamique dans le temps.

Cette méthode comprend néanmoins certaines difficultés dans sa mise en œuvre et des limites :

- Contrainte liée aux paramètres  : la bonne application de cette méthode dépend en grande partie du bien-fondé du choix du taux d’actualisation (sa décomposition est-elle suffisamment explicitée ?), du type de flux retenu (qualité des informations prévisionnelles), de l’horizon prévisionnel (permettant de fixer une tendance sur la base de prévisions fiables) et de la valeur terminale définitive

- Contrainte   liée à l’emplacement  : le choix de l’éviction par le bailleur peut aussi résulter du choix par ce dernier d’obtenir un loyer supérieur à celui qui résulterait d’un simple renouvellement avec le locataire évincé. En effet, le bailleur peut préalablement négocier avec une enseigne, prête à payer un loyer supérieur le

Page 168: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

pas de porte qui viendra compenser le coût de l’éviction. En d’autres termes ce n’est pas tant le profit qui est recherché par les enseignes que la volonté de valoriser une image de marque par la présence sur un lieu reconnu internationalement; cette part de marché générera des profits que souvent seule l’enseigne est en mesure de déterminer. Dans cette configuration limitée aux emplacements de premier choix, l’expert ne doit pas valoriser cette part de marché voulue par l’enseigne. Par contre, il sera prudent pour un expert d’effectuer une moyenne entre la méthode financière qui ne peut valoriser que les bénéfices futurs du commerce évincé avec d’autres méthodes telles que la méthode par comparaison tirée de mutations réalisées dans le même secteur.

Que se passe-t-il si l’expert constate que la valeur du droit au bail est supérieure à la valeur du fonds de commerce ?

La Cour de Cassation a admis de considérer que, lorsque la valeur du droit au bail était supérieure à la valeur du fonds de commerce estimée selon les usages, c'est cette dernière valeur qui devait être retenue pour le calcul de l'indemnité d'éviction. (Cass. 3e civ., 11 juin 1992, no 90-17.109: Bull. civ. III, n o 195, Loyers et copr. 1992, no 390, Administrer 1993, n o 241, p. 23, note J.-D. Barbier). Voir également  : Cass. 3e civ., 13 oct. 1993, n o 91-16.942, Rev. loyers 1994, p. 23.

Cette solution a suscité quelques critiques. En effet, lorsque le bail comporte une clause interdisant la cession du droit au bail indépendamment de la cession du fonds de commerce, la valeur du droit au bail ne constitue pas un élément patrimonial pour le locataire puisque ce droit au bail n'est pas susceptible d'une cession séparée.

En conséquence, retenir cette valeur pour le calcul de l'indemnité d'éviction ne serait pas conforme au principe posé par l'article L. 145-14 du Code de commerce, le préjudice lié à la perte d'un droit non cessible ne pouvant être équivalent à la valeur de ce droit.

Cette réserve n'a pas prévalu et il est couramment admis que, même si une entreprise est en déficit, le fonds de commerce garde cependant une valeur marchande et cette valeur peut être appréciée en fonction de la valeur du droit au bail.

« Une cour d'appel a légalement justifié sa décision de condamner le propriétaire à payer au locataire et au représentant des créanciers une indemnité d'éviction, en retenant que la valeur du droit au bail ne saurait dépendre des résultats de l'exploitation ni de la gestion » (Cass. 3e civ., 31 mars 1992, no 90-14.111, Rev. loyers 1992, p. 283).

La méthode dite du « différentiel de loyer » repose sur la différence entre la valeur locative du marché (loyer que le preneur serait tenu de payer à la suite du refus de renouvellement) et le loyer effectivement payé par le locataire évincé (qui était susceptible d'en bénéficier en cas de renouvellement ou de poursuite du bail). La cour d'appel de Paris l'a appliquée, après avoir constaté que le chiffre d'affaires réalisé dans un fonds de commerce étant inexistant, l'indemnité d'éviction doit être égale à la valeur du droit au bail, augmentée des indemnités diverses ; en outre, la loi n'impose pour le calcul de cette indemnité aucune méthode particulière, d'où la possibilité d'adopter la méthode du différentiel de loyer (CA Paris, 16e ch. A, 2 juill. 1991, SARL Yougo Delicatess c/ SA Groupe Kosser et a., D. 1991, I.R., p. 203).

Cette adoption de la méthode a été confirmée à plusieurs reprises par la même Cour.

Le résultat déficitaire d'une exploitation n'est pas de nature à priver le locataire évincé de l'indemnité d'éviction mais celle-ci doit être réduite à la valeur du droit au bail qui est un des éléments du fonds de commerce, cette valeur économique existant indépendamment du fait que le bail comporte une clause interdisant la cession du droit au bail sans celle du

Page 169: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

fonds de commerce ; le droit au bail est alors calculé sur « l'économie de loyer » ou « différentiel de loyer » fondé sur la différence entre le loyer qui aurait été effectivement payé si le bail avait été renouvelé et le loyer qu'il faudrait débourser au prix du marché pour un local équivalent (CA Paris, 16e ch. A, 19 oct. 1995, Sté européenne de création et de diffusion des articles de mode c/ Bouachrine, D. 1995, I. R., p. 248).

C’est configuration illustre le paradoxe du potentiel que peuvent dégager certains emplacements qui permettent à des commerçants d’y trouver un avantage exceptionnel.

Dans le cas d’une gérance libre, La question s'est posée de savoir quel pouvait être le montant de l'indemnité d'éviction en cas de gérance libre.

La jurisprudence qui s'était établie sous l'empire de la loi du 30 juin 1926 était fixée en ce sens que l'indemnité devait être calculée sur la base des redevances payées par le gérant au propriétaire du fonds et non sur la base des bénéfices réalisés dans l'exploitation.

La loi no 57-6 du 5 janvier 1957 (JO 6 janv.) ayant précisé que l'indemnité devait être égale à la valeur « marchande » du fonds, il semble que le calcul fondé sur les résultats de l'exploitation soit plus conforme à l'esprit de la loi que celui fondé sur le montant des redevances.

Bien entendu, le propriétaire du fonds ne peut pas cumuler l'indemnité d'éviction calculée d'après la valeur du fonds et une indemnité, compensatrice de la perte des redevances que lui procurait la gérance libre :

Les indemnités accessoires à l’indemnité principale

a) Frais normaux de déménagement et de réinstallation

L'article L. 145-14 du Code de commerce vise les frais normaux de déménagement et de réinstallation ; si le locataire a déjà quitté les lieux pour se réinstaller, il suffira d'ajouter à la valeur du fonds de commerce les frais de déménagement et de réinstallation déboursés par lui sur justification. « Par frais de réinstallation, on doit entendre ceux que supporte le locataire pour mettre en place, dans son nouveau fonds, des aménagements semblables à ceux qu'il perd »(Cass. 3e civ., 6 nov. 1969, no 68-10.325, D. 1970, som., p. 105).

En revanche, une indemnité peut être allouée, au titre du déménagement des meubles et effets mobiliers garnissant la partie des locaux utilisés à usage d'habitation (CA Paris, 5 févr. 1981, D. 1981, I.R., p. 377).

Récemment des précisions ont été apportées à la notion de « frais de réinstallation » : une cour d’appel avait rejeté la demande au titre des frais de réinstallation, au motif qu'à défaut pour le locataire de démontrer quels frais de ce type il pourrait avoir à exposer, sa demande n'est pas fondée par la seule production d'un devis de transformation. C’est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler le principe : le bailleur est tenu d'indemniser des frais de réinstallation le preneur évincé d'un fonds non transférable, sauf s'il établit que le preneur ne se réinstallera pas dans un autre fonds. En l’espèce, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et sa décision doit être censurée (Cass. 3 e

civ., 12 janv. 2017, n° 15-25.939 : Gaz. Pal. 14 mars 2017, p.72, note J.-D. Barbier).

Page 170: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

b) Les frais de remploi

Les frais de remploi, comme les frais de réaménagement, ne sont pas dus, lorsque, à la suite de renouvellement, le locataire évincé ne se réinstalle pas et cesse son activité commerciale (Cass. 3e civ., 9 oct. 1991, n o 90-11.819, Loyers et copr. 1991, no 474, note Ph.-H. Brault – CA Paris, 1er févr. 2016 : Administrer mai 2016, p.421).

c) Trouble commercial

Cet élément n'est point précisé par les textes, mais il est pris en considération par les experts et les tribunaux. La Cour de cassation a rappelé ce principe : « le cessionnaire d'un fonds de commerce a droit à la réparation du trouble commercial que lui cause l'éviction » (Cass. 3e civ., 7 déc. 2017, n°15-12452 : Gaz. Pal. 20 mars 2018, p.62, note C.-E. Brault et p.77 obs. R. Conseil).

En effet, lorsque le commerçant est obligé de faire des recherches pour trouver un autre fonds de commerce, il est amené à visiter de nombreuses affaires et, son choix arrêté, il passe avec son vendeur un compromis. L'acte précise notamment la date d'entrée en possession.

Pour un commerce de détail, par exemple, il est d'usage d'estimer à trois mois le délai nécessaire à l'acheteur éventuel pour ses recherches et tractations, ainsi que pour permettre au vendeur de rendre le fonds disponible.

L'indemnité destinée à réparer le trouble commercial est généralement calculée, sauf cas particulier, sur la base de trois mois de bénéfice net.

Il s'agit, bien entendu, des derniers profits passés en comptabilité par le locataire, ce qui se justifie par le fait que le trouble commercial intervient au moment qui précède immédiatement l'éviction.

Il peut être prévu une indemnité de double loyer, car la période de déménagement et de réinstallation peut ne pas coïncider exactement (TGI Paris, 18e ch., 2e sect., 30 mai 2002, Graphi Chromy c/ Le Rat, Gaz. Pal. 31 janv. et 1 er févr. 2003, p. 31).

d) Indemnité de licenciement

Si, en règle générale, en cas de transfert de fonds, le locataire ne saurait réclamer le paiement par le bailleur d'éventuelles indemnités de licenciement du personnel, en revanche, en cas de perte du fonds, le locataire peut prétendre au paiement de telles indemnités, celles-ci faisant partie du préjudice défini par l'article L. 145-14 du Code de commerce (Cass. 3e civ., 2 févr. 1982, no  80-13.342, Rev. loyers 1982, p. 248 ; CA Rouen, 1re et 2e ch. civ., 8 nov. 1994, SARL Richard Maraut c/ Sté immobilière du 57, rue Pierre Charron, JCP G 1995, IV, p. 298).

Il faut cependant noter que la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 12e ch., 1re sect., 23 oct. 1997, Sté Tremonnier invest BV c/ Sté Seiti, RJDA 1998, no  152) exclut, comme correspondant à l'exécution du contrat de travail, l'indemnité de préavis, ainsi que celles relatives aux congés payés et aux frais de déplacements ; la cour de Paris estime que les demandes doivent être assorties de justificatifs (CA Paris, 16 e ch. B, 5 sept. 1997, Lorrain c/ SCI du 3, rue d'Alger, Loyers et copr. 1998, no 13, obs. Ph.-H. Brault, Gaz. Pal. 1998, 1, som., p. 237, obs. A. Jacquin).

Page 171: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

e) Plus-value Le locataire est redevable de la plus-value sur le fonds de commerce. Le bailleur n’a pas à rembourser cette somme au locataire dans la mesure où le fait générateur est postérieur au règlement de l’indemnité d’éviction.

f) Prise en compte de la TVA

La Cour de cassation considère qu’il n’y a pas de règle universelle. La TVA est ou non incluse dans le calcul de l'indemnité d'éviction selon les usages de la profession (Cass. 3e civ., 15 juin 1994, no  92-14.172, Bull. civ. III, no 122, Loyers et copr. 1994, no 198, note Ph.-H. Brault).

Cette interprétation s'appuyait sur l'article L. 145-14 du Code de commerce (ancien article 8 du décret du 30 septembre 1953), aux termes duquel : « l'indemnité d'éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée selon les usages de la profession ». 

Un arrêt récent de la troisième chambre civile a jugé en sens inverse, en s'appuyant sur le fait que le chiffre d'affaires toutes taxes comprises était retenu pour les transactions amiables, car l'indemnité n'était pas exonérée de l'imposition, mais que tel n'était pas le cas lorsque l'indemnité représentait la stricte réparation du préjudice (la TVA étant avancée au fisc par le commerçant, mais récupérée par celui-ci sur son client) :

« L'indemnité d'éviction due au locataire doit être évaluée en excluant la taxe sur la valeur ajoutée du chiffre d'affaires qui a servi de base à son calcul » (Cass. 3e civ., 17 déc. 2003, no 02-12.236, D. 2004, A. J., p. 639, Loyers et copr. 2004, no 34, note Ph.-H. Brault).

Un arrêt plus récent reprend la jurisprudence traditionnelle en précisant la charge probatoire. Une cour d’appel avait limité à une certaine somme l'indemnité d'éviction, au motif que l'évaluation doit s'effectuer sur la base du chiffre d'affaires et que la société locataire n'établit pas qu'il serait d'usage dans son secteur d'activité de prendre en compte les chiffres d'affaires toutes taxes comprises. Les experts amiable et judiciaire avaient retenu des chiffres d'affaires hors taxes dans leurs évaluations respectives. La troisième chambre civile considère qu’il appartient au juge du fond de choisir entre un montant HT ou un montant TTC, sans mettre à la charge de la partie demanderesse la preuve de l’usage : « en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher elle-même si l'usage de la profession n'était pas d'inclure la taxe à la valeur ajoutée dans le montant du chiffre d'affaires servant de base au calcul de l'indemnité d'éviction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » (Cass. 3e civ., 27 avr. 2017, n°16-11.307).

3. METHODE D’EVALUATION EN CAS DE TRANSFERT DU FONDS

En cas d’une activité transférable, l'indemnité principale correspond à la valeur du droit au bail.

Le droit au bail se distingue du pas de porte qui est le montant demandé par le bailleur au locataire entrant.

3.1. Valeur du droit au bail

- Notons que sans un marché de droit au bail, il s’agira d’estimer non pas un droit au bail mais la perte d’un loyer modéré. Il conviendra alors de capitaliser cette perte

Page 172: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

correspondante à la différence entre le loyer de marché et la valeur locative sur une durée de 9 ans.

- Pour un emplacement à forte commercialité, Les méthodes d'estimation de la valeur du droit au bail, suivies par les administrations, les professionnels, les experts et les juridictions, ont évolué dans le temps.

On a vu successivement :

l'application d'un coefficient multiplicateur de 7 à 10 au loyer annuel ; La méthode à partir de la valeur des murs (elle consiste à soustraire la différence

entre la valeur vénale des murs libres de location et loués) ; l'évaluation du droit au bail au mètre carré de surface par référence à des prix de

cession pratiqués (Blatter J.-P., Droit des baux commerciaux, Le Moniteur, 3e éd.) ; la méthode financière capitalisant la différence entre la valeur locative et la valeur

constatée du loyer dans l’hypothèse d’un renouvellement sur une période déterminée ; le coefficient habituellement retenu variait, selon les cas d'espèce, de 3 à 7, pouvant aller parfois dans des cas particuliers jusqu'à dix fois le montant du loyer pour des emplacements exceptionnels.

Les méthodes traditionnelles reprises dans ce tableau, souvent utilisées par les Tribunaux, ont cédé le pas à la méthode dite du « différentiel » de loyer consistant à rechercher quel serait le montant du loyer que le locataire devrait payer pour prendre en location des locaux libres équivalents et à capitaliser la différence existant entre ce loyer et celui que le locataire aurait payé en cas de renouvellement de son bail.

Reste que la nature du taux retenu divise la doctrine et les praticiens depuis fort longtemps.

S’agit-il d’un taux financier ou d’un taux lié à la commercialité ? S’il s’agit d’un taux de commercialité, ce taux ne peut être fixe et il va varier de 3 à 10 selon les emplacements.

Cette division historique entre professionnels est-elle si justifiée que cela ? Rappelons-nous l’article de M. Mignot publié en 1989 sur « l’indemnité d’éviction la dérive » où il fustigeait le fait que selon lui « l’indemnité d’éviction n’est plus établie en fonction du préjudice subi par l’évincé mais en fonction d’une spéculation financière théorique ».

Admettre la position de cet auteur reviendrait à considérer à tort selon nous que la différence entre le loyer payé par le preneur et le loyer de marché serait un avantage superfétatoire voir indu pour le locataire.

Finalement cette querelle est selon nous dépassée par la prise de conscience que toute fixation d’une valeur répond à une logique financière et que toute méthode doit être appliquée dans un souci d’équité et d’équilibre et que cette méthode fondée sur la différence entre deux loyers est d’abord celle entre la valeur de marché des anciens locaux et le loyer des anciens locaux.

Page 173: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Cette différence correspond bien au prix que devra supporter le locataire évincé. Quant au coefficient de capitalisation est-il d’une nature financière ou liée à des seules considérations immobilières ?

Pour répondre à cette dernière question, il convient de rappeler quelques principes financiers:

Le différentiel de loyer multiplié par durée du bail restant à courir actualisé revient à la formule suivante : (1-(1+i) -n )/ i

Pour une durée de 9 ans, le coefficient varie ainsi selon les taux d’actualisation retenus :

5,0 % 5,5% 6,0% 6,5% 7,0% 7,5% 8,0%9 ans 7,11 6,95 6,80 6,66 6,25

- Plus le taux d’actualisation est élevé, plus faible est le coefficient.

Pour une durée plus réduite, les coefficients varient ainsi :

8 ans 6,46 6,33 5,757 ans 5,79 5,21

- Plus la durée de perception de la rente est courte, plus le coefficient est faible.

Les coefficients retenus de façon professionnelle par les experts immobiliers (entre 3 et 10) selon la qualité du bien, l’emplacement, la zone de chalandise, la rareté intègrent implicitement des notions de rendement, de risque et de durée. On a bien une coïncidence entre les coefficients dits de commercialité et les coefficients financiers.

Reste que ces méthodes financières n’appréhendent pas toujours parfaitement les valeurs de droit au bail acquises par les enseignes sur des lieux de premier ordre. En effet le modèle économique d’un certain nombre d’enseignes leur permet de prendre pied sur une artère commerçante en acceptant le coût d’un loyer élevé. Compte principalement pour ces enseignes la captation de parts de marché et la présence sur des sites touristiques et de luxe. Aussi les experts se doivent de vérifier la cohérence de cette méthode avec des méthodes plus traditionnelles fondées sur les prix de cession.

L'adoption de cette méthode de comparaison a conduit à s'interroger sur l'existence même d'une valeur de droit au bail dans certains domaines, notamment en matière de bureaux, alors que, parallèlement, les loyers renouvelés échappant aux règles du plafonnement, en application des dispositions de l'article 23-9 du décret no 53-960 du 30 septembre 1953 (JO 1er oct.), sont désormais fixés à la valeur locative.

Certaines décisions retiennent néanmoins dans cette hypothèse une valeur du droit au bail :

D'autres décisions ont refusé de prendre en considération une quelconque valeur de droit au bail, pour ne retenir que des indemnités accessoires :

Page 174: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Dans une hypothèse où le principe du droit à indemnité d'éviction n'était pas contestable, mais où le préjudice subi par le preneur a été considéré comme purement symbolique, il lui a été alloué une somme de 1 franc en réparation du préjudice découlant du congé avec refus de renouvellement.

3.2. Les indemnités accessoires : frais de déménagement et de réinstallation et autres frais

Si le locataire a déjà quitté les lieux au moment où le tribunal statue, il suffira d'ajouter à l'indemnité principale le montant des frais de déménagement et de réinstallation déboursés par le locataire évincé sur justification.

Néanmoins, le texte ne vise que les frais normaux, ce qui exclut les dépenses somptuaires.

Dans le cas contraire, c'est-à-dire si le locataire est encore dans les lieux, le tribunal évalue forfaitairement les frais d'après les devis d'entrepreneurs produits par le locataire.

Les frais de réinstallation, dès lors qu'ils ont un caractère indispensable pour l'exercice de l'activité du preneur, doivent être pris en considération même s'ils apportent une plus-value à l'immeuble acquis par celui-ci.

Le locataire évincé qui a acquis des locaux en vue d'y transférer son activité doit très normalement adapter la distribution desdits locaux à son activité future. Les dépenses que cette adaptation implique (y compris le renforcement de la structure de l'immeuble pour accueillir dans de bonnes conditions, d'une part, la clientèle et le personnel, d'autre part, l'équipement de distribution de monnaie) sont totalement induites par la nécessité par le locataire de transférer ses équipements et doivent donc être prises en compte pour le calcul de l'indemnité d'éviction. Peu importe que ces dépenses correspondent à des travaux de gros œuvre apportant une plus-value à l'immeuble. Le locataire n'a pas à supporter les frais d'une réinstallation coûteuse à proportion du degré d'amortissement des investissements qu'il abandonne par la contrainte et ne doit conserver à sa charge que les seuls travaux qui auraient dû être refaits à brève échéance dans le local abandonné qui ne relèvent pas en leur valeur à neuf des frais normaux de réinstallation mais correspondent à court terme à une économie d'investissement que le bailleur n'est pas tenu de supporter.

En conséquence, si les nouveaux locaux acquis par le preneur pour transférer son fonds de commerce lui ont été livrés sans aucun aménagement et qu'il est indispensable qu'il les adapte à son activité, le bailleur devra supporter une partie de ces travaux d'aménagement.

Les divers chefs d'indemnisation, habituellement retenus, sont essentiellement :

1. la totalité des frais de déménagement ou d'emménagement (sur justification par des factures ; certaines machines, comme celles employées dans une imprimerie, nécessitent un déménagement très onéreux) ;

2. les débours nécessités par la remise en état des lieux abandonnés (la plupart des baux prévoient que le locataire doit remettre en état les lieux loués avant de les restituer au propriétaire) ;

3. la perte résultant de l'impossibilité de transférer certaines installations et aménagements, réalisés dans les locaux loués ;

4. les frais accessoires occasionnés par le déplacement du fonds : téléphone, avis à donner aux fournisseurs et aux clients, notamment la publicité du changement d'adresse destinée à informer la clientèle ;

5. la perte éventuelle de clientèle, imputable à la situation du nouveau magasin ;

Page 175: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

6. les aménagements et accès à la voie publique imposés par le nouveau site de l'entreprise ;

7. les gains manqués, en cas de fermeture du fonds pendant la durée du transfert ; 8. le paiement d'un double loyer pendant cette même durée ;9. le trouble commercial ; les juges du fond appréciant souverainement la réalité du

préjudice ;10. droits de mutation et frais de réemploi. Ces droits peuvent être calculés de la

même façon que dans l'hypothèse où le fonds ne peut être transféré ou selon des modalités différentes : frais de recherche et de prise à bail de nouveaux locaux ; en cas de réinstallation du preneur dans des locaux lui appartenant, l'indemnité de remploi ne serait pas due.

11. les indemnités de licenciement.

4. Cas particuliers

a) Bureau

Les locaux « à usage exclusif de bureau » sont régis par un statut particulier, défini par l'article 23-9 du décret no 72-561 du 3 juillet 1972, lequel n'a pas été abrogé lors de la codification du Code de commerce réalisée par l'ordonnance no 2000-912 du 18 septembre 2000.

Il s'agit de locaux servant à l'administration de l'entreprise, ce qui n'exclut pas que les clients y aient accès et y soient reçus. Sont soumis à ce régime, par exemple, les activités bancaires, comptables, juridiques, les établissements d'enseignement, les auto-écoles, les agences (d'assurance, d'affaires, immobilières, d'assurances, etc.).

Le loyer est fixé « par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents ».

Le refus de renouvellement entraîne donc le paiement de l'indemnité d'éviction.

b) Théâtre, cinéma et spectacles

Il existe une confusion totale dans tout théâtre privé entre la valeur du droit au bail et celle du fonds. En effet, si chaque théâtre est unique et non reconstituable ailleurs à l'identique, force est d'admettre que la notion économique traditionnelle de « clientèle » est absente dans ce type d'exploitation tant il est vrai que la grande majorité des spectateurs est attirée par la qualité de la pièce à l'affiche, le renom de l'auteur et la notoriété des acteurs.

En matière de théâtre, la méthode d'estimation la plus usuelle consiste à retenir une valeur à la rentabilité ou jauge traduisant les possibilités de l'exploitation. Cette méthode, encore appelée « du prix du fauteuil », a été retenue par la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 4 octobre 1994 (CA Paris, 16e ch. A, 4 oct. 1994, Sté des nouvelles résidences de France c/ Théâtre de la Gaîté Montparnasse, D. 1995, I.R., p. 14). Concernant le théâtre La Potinière, la cour d'appel de Paris a encore appliqué la méthode du « prix du fauteuil » augmentée des « immobilisations corporelles non amorties », des indemnités de licenciement » et des « investissements commerciaux » (CA Paris, 16 e ch. B, 4 févr. 2000, Gaz. Pal. 31 janv. et 1er  févr. 2003, no

Page 176: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

PARTIE 3. LE CALCUL DE LA VALEUR D’UN TERRAIN (BILAN PROMOTEUR)

TITRE 1. LE POINT DE DEPART : LE COUT D’ACQUISITION

Chapitre 1. Déterminer le cout d’acquisition netLe prix d’acquisition brut est assez facile à déterminer de manière précise : il suffit de se reporter à l’acte notarié.

De ce coût, doivent être déduits :-les honoraires du notaire,- les impôts, - les frais d’acte notarié, - les frais liés à un financement, - les frais de dossier, - la commission de l’agent immobilier, -les biens meubles listés à l’acte Et tout ce qui est susceptible d’un amortissement particulier.

Chapitre 2. Relativisation par l’intégration de données factuellesAfin de pouvoir utiliser la méthode comparative, il convient de décrire :

- La situation de l’immeuble- La présentation de la façade - La toiture- La structure- L’étanchéité- Les menuiseries extérieures- Les installations générales et les agencements- L’état général d’entretien et de conservation des deux immeubles

TITRE 2. LA VENTILATION ENTRE LE TERRAIN D’ASSIETTE ET LES CONSTRUCTIONSCette ventilation a lieu pour des raisons fiscales et pour des raisons d’assurance.

En réalité, il s’agit de déterminer soit la valeur du terrain d’assiette, soit le cout de la construction.

Chapitre 1. Les pistes du droit fiscalLe Conseil d’État s’est prononcé sur les critères à retenir pour ventiler le prix d’acquisition d’un ensemble immobilier entre le terrain d’assiette et les constructions. Deux affaires concernant des immeubles situés à Paris lui ont fourni cette occasion, dans des décisions rendues le 15 février 2016, n° 367467 et n° 380400.

Page 177: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

La Haute Assemblée énumère une liste de méthodes que l’administration est fondée à mettre en oeuvre pour contester la ventilation opérée par le contribuable, et fixe une hiérarchie entre elles.

Elle doit s’appuyer successivement sur les éléments suivants, lorsque les données concernées sont disponibles :

1 – les transactions réalisées sur des terrains nus à des dates proches de celle effectuée par l’entreprise, dans la même zone géographique ;

2 – à défaut, l’évaluation du coût de reconstruction de l’immeuble à la date de son entrée au bilan de l’entreprise, en tenant compte de sa vétusté et de son état d’entretien ;

3 – et, en cas d’impossibilité de retenir les méthodes précédentes, elle peut s’appuyer sur les données comptables issues du bilan d’autres entreprises ayant acquis à des dates proches des immeubles comparables en termes de localisation et de type de construction.

Cette grille méthodologique s’impose à l’administration lorsqu’elle entend contester l’évaluation du contribuable. Celui-ci peut mettre en cause la méthode retenue ou sa mise en oeuvre. Sans pouvoir retenir lui-même une méthode autre que celles préconisées par la Haute Assemblée il peut fournir d’autres données afin de critiquer la position de l’administration.

Chapitre 2. La méthode par comparaison pour les terrains nusSection 1 - La méthode au mètre carré

La valeur du foncier non bâti est égale au prix de vente du foncier au mètre carré multiplié par la superficie du terrain constructible multiplié par le coefficient local du PLU.

Exemple :

Surface 1000 m2

Surface constructible : 500 m2

Coefficient du PLU : 3

Surface à prendre en compte : 1500 m2

Valeur par m2 : 10.000 euros

Valeur du terrain : 1.500.000 euros

Le principe de la méthode comparative est simple. Ayant à estimer un bien quelconque, l’évaluateur recherchera des exemples de ventes récentes de biens comparables. Pour mener à bien la comparaison, on réduira l’ensemble des biens à une dénomination commune, appelée réduction. Les biens immobiliers se caractérisant essentiellement par leurs dimensions, les réductions les plus courantes sont des unités de surface (mètre carré pour les terrains à bâtir, hectare pour les terrains d’agrément ou de culture, mètre carré utile pour les appartements, etc.).

Page 178: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

La valeur unitaire ainsi définie sera multipliée par le nombre de m2 du bien expertisé pour en obtenir sa valeur. Cette méthode se résume à̀ une règle de trois. Elle repose sur le critère de substitution : un acheteur informé n’accepte pas de payer un bien à̀ un prix supérieur au prix du bien qui pourrait lui procurer les mêmes avantages.

Les principales sources de données sur les ventes sont les suivantes : les notaires et agents immobiliers, les conservations des hypothèques (toute personne qui a connaissance, soit des noms, prénoms et date de naissance du vendeur ou de l’acquéreur, soit des références cadastrales du bien cédé, peut obtenir la copie d’un acte de vente auprès de la conservation des hypothèques). On ne doit pas retenir les informations recueillies dans les journaux, les petites annonces et les répertoires des maisons à vendre. En effet, l’écart entre les prix annoncés et les prix obtenus entraîneraient une valeur non pertinente.

De façon générale, l’expert doit, à partir de ces sources d’information, sélectionner toutes les ventes qui ont eu lieu dans un périmètre immédiat de l’objet d’évaluation. L’objectif de cette sélection est d’obtenir un échantillon homogène. La méthode par comparaison consiste à transposer au bien à évaluer une valeur déterminée par des biens comparables. La comparabilité étant une notion relative il s’agit de retenir des mutations récentes (unité de temps), présentant des similitudes de localisation (unité de lieux), et des caractéristiques physiques comparables.

C’est ce dernier point (caractéristiques physiques comparables) qui est, en réalité, le plus complexe. La description du bien réalisée dans les actes notariés ne suffit pas à juger des « caractéristiques physiques » d’un bien.

Section 2- La méthode dite au pourcentage du prix de vente

Dans cette méthode, il faut appliquer au prix de vente un taux compris entre 20 et 70%, selon les quartiers.

Par exemple, dans le quartier des Champs Élysées, un taux de 60% est la norme.

Section 3- Les facteurs qui influencent la comparaison

L’unité de lieu : Pour l’évaluation d’immeuble de rapport, la comparaison doit s’effectuer dans des secteurs du marché où sont offerts des services comparables à des loyers comparables. Il est d’usage de considérer une aire géographique plus vaste que pour les unités résidentielles, ou l’unité de lieu est le quartier. S’il est impossible de trouver des ventes dans le même quartier, on devra étendre la prospection à des quartiers qui ont les mêmes caractéristiques (accessibilité, type de construction, taxe).

L’unité de temps : Son amplitude est fonction du dynamisme du marché sous-jacent au bien expertisé. Les éléments de référence présentent par définition une antériorité à la date d’expertise. Si le marché étudié présente une forte volatilité, les éléments de référence seront très vite en décalage avec le marché.

L’unicité ́ du bien : Dans l’absolu l’unicité de chaque bien oblige l’expert à faire des ajustements. L’analyse du marché exige ainsi une observation par caractéristique à ajuster. De ce fait, le nombre de propriétés comparables à retenir est directement déterminé par le nombre de caractéristiques différentes de l’objet expertisé. L’expert devrait définir la contribution marginale de chaque caractéristique pour homogénéiser les comparables à l’objet expertisé, soit par une régression linéaire simple, de façon

Page 179: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

séquentielle pour des biens présentant plusieurs caractéristiques distinctes, soit par une régression linéaire multiple, c’est le principe de la méthode hédoniste.

La fiabilité de cette méthode est liée aux possibilités de lecture du marché. Ainsi, dans le cadre de marché étroit, caractérisé ́ par une pénurie relative d’objets comparables en raison de la forte identité du bien à expertiser, l’expert aura des difficultés à la mettre en oeuvre. Dans les cas extrêmes, l’importance des ajustements pénalisera cette méthode. Un second reproche concerne l’intégration du facteur temps : la méthode par comparaison est focalisée sur le passé. Ainsi, elle ne fait que reproduire la tendance passée (à la hausse comme à la baisse). Ce qui peut aboutir à une amplification des mouvements du marché. En fait, cette méthode fait trop souvent référence au prix du dernier objet vendu qui constitue alors abusivement « le marché ».

La valeur dite vénale est fondée sur des transactions passées ; elle est naturellement en contradiction avec une logique acheteuse qui doit essayer d’anticiper les évènements futurs.

Le prix du terrain résulte d’une évaluation par la méthode de comparaison avec les avantages et les inconvénients de cette méthode, mais appliquée à un élément restreint de l’ensemble (de 10% à 20% suivant la localisation). En particulier, la topographie du terrain, sa configuration géométrique, son orientation et sa localisation sont des éléments qu’il faut pouvoir correctement ajuster dans la comparaison.

Chapitre 3. La méthode pour l’évaluation du bâti

Section 1. La méthode par le coût de reconstruction

Reconstruire, c’est : « Produire une réplique exacte du bâtiment. Cette réplique doit incorporer les mêmes matériaux, les mêmes procédés de construction et les mêmes particularités de design et de décoration que le bâtiment initial. Cette réplique incorpore donc les éléments de désuétude et de suréquipement qui peuvent affecter le bâtiment ».

Remplacer, c’est : « Produire un bâtiment substituable : un bâtiment qui, sans nécessairement reprendre le même modèle ni les mêmes matériaux, pourra procurer la même utilité à son utilisateur».

La première possibilité coûte plus cher et la seconde est souvent plus utile. En effet, le recours à des matériaux de substitution et des procédés de construction novateurs ainsi que l’élimination des désuétudes physiques et fonctionnelles dans le cas du remplacement aboutit à des économies meilleure utilisation du bâtiment. Plutôt que reconstruire on préfère donc généralement remplacer.

Deux techniques sont généralement utilisées pour déterminer le prix du neuf.

- Soit la comparaison directe entre bâtiment de même nature ramené au mètre carré de surface (chambres pour un hôtel, magasins dans un centre commercial,),

- soit le total des prix de revient actuels des différentes composantes de la construction. Dans ce dernier cas, on peut soit simplifier en décomposant le moins possible (par exemple en fonction de différents lots : fondations, maçonnerie, charpente couverture, second œuvres) ou au contraire détailler les quantités de matériaux utilises et les temps requis pour leur mise en place.

Page 180: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Une variante est de re neuf à partir, lorsqu’elle est connue, de la décomposition des prix de la construction à l’époque de sa réalisation, puis d’appliquer à ces divers éléments un indice de revalorisation comme l’indice INSEE du bâtiment (BT 01) ou celui de la société centrale des architectes. Le prix du neuf est alors déduit du coût originel de la construction en actualisant ses composantes à partir d’index appropriés.

On distingue généralement la dépréciation physique résultant de la détérioration d’un bâtiment ou de la vétusté de ses équipements la dépréciation fonctionnelle ou obsolescence liée à la diminution de l’utilité du bâtiment, et la dépréciation économique provenant d’une modification de son environnement ou de son cadre juridique. Ce dernier facteur peut d’ailleurs être dans certains cas une source d’amélioration compensant pour tout ou partie les dépréciations.

L’estimation de ces dépréciations est fondée sur un ensemble de pratiques adaptées à partir de la multiplicité des causes de dépréciations. La méthode la plus simple et probablement la plus convaincante, lorsque le marché présente de nombreuses transactions sur des biens analogues, consiste à observer la dépréciation dans des immeubles comparables. Le montant de la dépréciation, en prix au mètre carré, correspondra à l’écart entre une construction neuve et un bâtiment ancien de même type.

Section 2. La méthode par les composantes

La durée de vie des composants du bien immobilier est très différente. Il est possible de partir d’une estimation du prix du bâtiment à son origine puis de sa revalorisation, puis de déterminer des coefficients d’abattements en fonction de la longévité́ des différentes parties du bâtiment. Par exemple, si la couverture doit être changée tous les 25 ans et que 15 années sont passées depuis la dernière réfection, un coefficient d’abattement de 60% sera appliqué par rapport à̀ la valeur réactualisée de la toiture.

Pour les immeubles (hors terrain), les principaux types de composants susceptibles d'être couramment identifiés sont le gros oeuvre, la façade, la toiture, les installations électriques, la climatisation, le chauffage, les ascenseurs, la plomberie, les agencements, le composant « gros oeuvre » correspondant à l'élément « structure » de l'immobilisation.

La répartition par composant est relativement facile à déterminer lorsque l'immeuble a été construit : il suffira de procéder à la ventilation du coût de production par composant. L'opération est, en revanche, plus délicate, lorsque l'immeuble a fait l'objet d'une acquisition.

Dans ce cas, les entreprises peuvent s'inspirer de l'avis n° 2004-11 du Conseil national de la comptabilité qui fournit à titre indicatif une ventilation par composant (tableau ci-dessus). Il est bien entendu nécessaire de les adapter au cas particulier. 

Composants Durée d'utilisation

Répartition des composants (%)

Amortissement

Individuel CollectifStructure et ouvrages assimilés

50 ans +/- 20 % 88,7 % 90,3 % 50 ans

Menuiseries extérieures

25 ans +/- 20 % 5,4 % 3,3 % 20 ans

Chauffage 25 ans +/- 20 % 3,2 % 3,2 % 20 ansÉtanchéité 15 ans +/- 20 % - 1,1 % 20 ans

Page 181: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Ravalement avec amélioration

15 ans +/- 20 % 2,7 % 2,1 %

Le terrain n’est pas amortissable.

Les installations générales sont amorties en 15 ans, les agencements en 10 ans.

Selon la situation, l'avis propose de retenir trois composants supplémentaires, dont les pourcentages devront être déduits du composant « structure et ouvrages assimilés » ci-dessous.

Composants Durée d'utilisation

Répartition des composants (%)Individuel Collectif

Électricité 25 ans +/- 20 % 4,2 % 5,2 %Plomberie/Sanitaire

25 ans +/- 20 % 3,7 % 4,6 %

Ascenseurs 15 ans +/- 20 % - 2,8 %

Section 3. Pratique de ces méthodes en matière fiscale

Selon le Conseil d’Etat, les méthodes fondées sur la comparaison et sur la reconstruction doivent être privilégiées, mais sont d’une application très difficile à Paris. La densité immobilière rend les transactions sur les terrains nus fort rares, l’ancienneté et les particularités architecturales des immeubles rendent délicate l’évaluation de leur coût de reconstruction.

Il considère en conséquence que la méthode retenue par l’administration consistant à s’appuyer sur les pratiques des entreprises constatées dans les comptes peut être acceptée. En droit, sa justification peut être rattachée à l’article 39, 1-2o du CGI qui fait référence aux usages professionnels pour la détermination des amortissements déductibles, puisque l’enjeu de la ventilation entre la valeur du terrain et celle des constructions est bien le montant des amortissements à déduire du résultat imposable.

Une étude de l’Association française des sociétés d’expertise immobilière (Afrexim), consacrée à l’appréciation de la valeur des terrains et charges foncières, dresse le constat que le terrain constitue la part la plus variable dans la valorisation d’un ensemble immobilier. Sa valeur relative est plus volatile que celle des constructions. Elle évolue plus que proportionnellement avec les prix moyens au m² de l’immeuble. Cette situation justifie selon lui que l’échantillon servant de base à l’évaluation de la valeur d’un terrain soit constitué de transactions suffisamment nombreuses, répondant à des critères précis de pertinence.

S’appuyant sur les préconisations de l’étude, il considère que la représentativité de l’échantillon doit être appréciée au regard de quatre dimensions, classiques :

- Les dates des transactions retenues, - La localisation précise des immeubles, - La similarité des constructions (coût, qualité ...), - Et la possibilité d’agrandir les surfaces existantes.

Page 182: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Dans un arrêt du 15 février 2016 (n°367467), le Conseil d’Etat reproche à l’administration d’appliquer la méthode par comparaison sans justifier qu’elle n’aurait pas pu utiliser l’une ou l’autre des méthodes jugées préférables. La Haute Assemblée estime en outre que la pertinence des comparables retenus n’est pas suffisamment justifiée.

L’échantillon portait certes sur un nombre de transactions non négligeable (dix-neuf) relatives à des immeubles situés dans des quartiers comparables à celui où était situé l’immeuble de la requérante. Toutefois la Cour administrative d’appel n’avait pas vérifié la proximité dans le temps des transactions mises en avant par l’administration par rapport à l’acquisition effectuée par l’entreprise vérifiée. En outre, la Cour avait entériné la position de l’administration sans s’assurer que ces termes de comparaison portaient sur des immeubles présentant des caractéristiques semblables en ce qui concerne le type de construction, l’état d’entretien, ou encore les possibilités d’agrandissement.

La seconde affaire rendue le même jour présentait une particularité supplémentaire dans la mesure où l’entreprise acheteuse avait procédé à la démolition partielle suivie de la reconstruction de l’immeuble acquis. La valeur des travaux était proche de la valeur pour laquelle elle avait acquis l’ensemble immobilier. L’administration avait porté de 30 à 49 % la fraction de la valeur de l’ensemble immobilier se rapportant au terrain. Au surplus, elle avait considéré que ce taux devait s’appliquer à la fois au prix d’acquisition d’origine de l’immeuble et aux travaux de reconstruction. Sa position revenait à considérer qu’une fraction du coût des travaux était non amortissable, en tant qu’elle devait être affectée au terrain.

Le Conseil d’État censure cette position qui pourtant avait été validée par la Cour administrative d’appel de Paris. Il pose le principe suivant lequel la ventilation du coût de revient d’un ensemble immobilier entre le terrain et les constructions doit être réalisée de façon définitive à la date de son entrée à l’actif du bilan de l’entreprise acheteuse. Il en résulte que toute dépense ultérieure ayant la nature de construction doit être intégralement affectée à son coût de revient en vue d’être amortie.

Page 183: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

PARTIE 4. LE CALCUL DE LA VALEUR VÉNALE D’UN BIEN IMMOBILIER

Plan Valeur et prix

La valeur en théorie De la théorie à la pratique

Méthodes d’évaluation traditionnelles Définition de la valeur vénale Les méthodes d’expertise o La méthode par comparaisono Méthode d’évaluation par capitalisation o Méthode d’évaluation par les coûts Phase dite de conciliation

L’approche moderne de l’expertise • Méthode financière des cash-flows o Les principes o Intérêt et simplification • L’amélioration de la lecture du marché : la méthode hédoniste o Les bases

théoriques o Exemple chiffré Conclusion

Traditionnellement les biens immobiliers sont évalués à partir d’expertises réalisées par des professionnels lors d’une mutation à titre onéreux. Mais deux possibilités sont à envisager : soit il s’agit d’un bien devant faire l’objet d’une transaction immédiate, soit il s’agit de la valorisation d’un immeuble faisant partie d’un patrimoine qui sera conservé en l’état. Dans le premier cas, la valeur de marché sera considérée comme la référence. Dans le second cas, il peut sembler naturel que l’appréciation se fasse sur d’autres critères sachant que le détenteur n’a pas d’obligation au niveau de la vente et qu’aucun acquéreur potentiel ne s’est présenté spontanément. Cette dernière situation concerne notamment les gérants des SCPI et les compagnies d’assurances qui ont l’obligation légale de procéder régulièrement à l’évaluation des actifs inscrits au bilan. Mais s’interroger sur l’incidence de la situation du détenteur d’un bien immobilier sur la valeur de ce bien, c’est supposer à priori qu’il n’existe pas un seul prix mais plusieurs pour un immeuble déterminé. Cette question de la valeur plurale des actifs a déjà fait l’objet de nombreux débats. Certains économistes distinguent prix et valeur d’un bien, tandis que d’autres soulignent que le prix obtenu sur un marché est le seul indicateur fiable de la valeur. Une présentation des thèses en présence fera l’objet d’une première partie. Elle annonce un autre débat, celui entre les tenants des méthodes d’expertise classique présentées en deuxième partie et ceux qui leur préfèrent les méthodes modernes exposées en dernière partie.

Titre 1. Valeur et prix

Chapitre 1. La valeur en théorie Le terme valeur appartient d’abord à la philosophie et la valeur dans son sens le plus général « consiste dans l’accord des jugements collectifs que nous portons sur l’aptitude des objets à être plus ou moins, et par un plus ou moins grand nombre de personnes, crus désirés ou goûtés1 ». Déjà les Grecs au IVe siècle avant J.C., considérant que l’échange résulte du fait que les individus recherchent des biens pour vivre bien mais ne produisent pas tout ce dont ils ont besoin, distinguaient une valeur d’usage et une valeur d’échange des biens. La première est celle qui venait satisfaire un besoin déterminé chez un individu, la seconde celle qui lui permettait d’obtenir un autre bien par l’échange

Page 184: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

(Aristote). Les chinois à la même époque avaient une conception plus étatique de l’équilibre des échanges et estimaient que : « s’il y a peu ou insuffisance, ce sera lourd; s’il y a beaucoup ou en abondance, ce sera léger... le grand profit de l’économie légère-lourde provient du fait d’employer une politique lourde contre une situation légère et de mettre en vente à bon marché des produits pour assurer l’équilibre du marché contre une situation lourde » (Kouang-Tchong, Le Kouan-Tseu; IVe siècle av. J.C.)2. C’est à partir de la fin du XVIIIe siècle avec Adam Smith, puis David Ricardo que se constitue une véritable théorie de la valeur dont le but est, comme il s’agit d’économie, de parvenir à construire une explication des prix. La difficulté de l’entreprise, comme le rappelle Mouchot [1994], est double. D’une part, il s’agit d’expliquer la distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange et, d’autre part de répondre à la question : quelle est la source de la valeur, la rareté, le travail, ou les deux à la fois ? Adam Smith émet une double hypothèse sur cette origine. La première s’applique à un état primitif. À ce stade, où il n’y a pas accumulation des capitaux et appropriation du sol, c’est uniquement la quantité de travail incorporée dans la production d’un bien qui détermine sa valeur. La seconde concerne un état avancé de la société. Dans ce contexte, où certains individus ont accumulé des capitaux et sont devenus propriétaires terriens, la valeur doit tenir compte de la rémunération de l’ensemble des facteurs de production. En d’autres termes, la valeur d’un bien équivaut à la somme des salaires (prix du travail), des profits (rémunération du capital) et de la rente (loyer de la terre). Parallèlement, il différencie le « prix naturel » qui est le point central vers lequel gravitent continuellement les prix de toutes les marchandises et le « prix de marché », prix actuel auquel une marchandise se vend communément. Il peut être ou au-dessus ou en dessous ou précisément au niveau du prix naturel. Comme tous les économistes qui le suivent, A. Smith reconnaît que le bien économique peut être appréhendé de manière subjective par la satisfaction qu’il procure, et c’est la notion de valeur d’usage, ou de manière objective à partir de la quantité de bien échangé qui détermine la notion de valeur d’échange. Mais du fait de son caractère subjectif « donc non-communicable en un langage intelligible4 », la valeur d’usage ne peut faire l’objet d’un discours scientifique et n’est donc pas prise en compte dans la théorie de la valeur. De ce fait, les théories de la valeur apparaissent comme des explications partielles des prix et alimentent les discussions entre prix « réel » et prix « théorique ». Ces théories se répartissent d’ailleurs en deux familles : celles qui se fondent sur le travail (Ricardo, Marx) et celles qui se fondent sur la rareté (Walras, Pareto) qui seront évoquées successivement. C’est pour pouvoir mesurer la valeur du Produit National Brut anglais que David Ricardo élabore sa théorie de la valeur5. Il oppose les biens rares et les biens non rares. S’agissant des premiers leur valeur dépend surtout de leur rareté. Or, on ne peut pas s’attacher à étudier des biens dont la valeur dépend « de la fortune, du goût et du caprice » ou qui sont fabriqués à partir de situations de monopoles. Pour les seconds dont la quantité peut s’accroître par « l’industrie de l’homme et dont la production est encouragée par une concurrence libre de toute entrave », la valeur ne dépend pas d’un échange particulier, mais surtout de la quantité de travail nécessaire à la production de ce bien. Tout en reconnaissant l’importance du marché, il estime que le profit et la rente sont des connaissances de la valeur et non pas des causes de celle-ci et que par conséquent il ne faut pas en tenir compte pour son calcul. Enfin, pour Léon Walras et les théoriciens de la rareté, la valeur d’échange se détermine sur le lieu d’échange, c’est-à-dire sur le marché. Pour eux, c’est la demande qui est essentielle car elle « doit être considérée comme le fait principal, et l’offre comme un fait accessoire. On n’offre pas pour offrir, on offre que parce qu’on ne peut pas demander sans offrir; l’offre n’est qu’une conséquence de la demande6 ». Le prix résulte d’un état d’équilibre général, c’est-à-dire au moment où le profit pur est nul, où l’entrepreneur disparaît. « Ils subsistent alors non comme entrepreneurs mais comme propriétaires fonciers, travailleurs ou capitalistes dans leurs propres entreprises ou dans d’autres ». Il se dégage de ces théories - qualifiées de classiques et néo-classiques - que le prix d’un bien ne résulte pas simplement du libre jeu de la concurrence et de la confrontation naturelle de l’offre et de la demande mais s’établit, pour les uns en fonction de la valorisation des facteurs de production, pour les autres en fonction de la demande liée à un phénomène de rareté. On retrouve ainsi les bases de discussions fréquentes sur l’origine des augmentations des prix immobiliers. Certains les attribuent essentiellement

Page 185: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

au foncier, qui devient alors un élément majeur du coût de la production immobilière et d’autres à la demande issue de la rareté d’une catégorie d’immeubles. Ces discussions apparaissent aussi, certes de manière un peu différente, au niveau des valeurs mobilières. Il s’agit alors de savoir s’il faut apprécier la valeur d’une société sur la base du prix des dernières transactions réalisées sur ses actions - transactions qui portent généralement sur une faible partie des titres disponibles sur le marché (phénomène de rareté) - ou à partir de l’analyse des données fondamentales de la société ayant émise ces titres (rémunération des facteurs de production). Or, à partir du milieu des années cinquante la représentation de l’économie globale en termes de prix et de marché où le rôle principal est tenu par le taux d’intérêt commence à devenir prépondérante. En se basant sur le résultat d’analyses empiriques ou des raisonnements purement déductifs ou théoriques la réponse actuelle des économistes sur le point de savoir s’il faut différencier le prix de la valeur d’un actif est négative. Pour expliquer cette position, Paul Samuelson a inventé le concept de « prix fantôme » car, précise-il, « on a jamais vu sur terre ou sur mer, la vraie valeur, le vrai prix. On l’a vu uniquement dans les bibliothèques des économistes » et il ajoute qu’aucune estimation de la valeur intrinsèque n’est plus précise que le prix de marché sur lequel acheteur et vendeur se mettent d’accord. Paul Samuelson est le premier économiste américain a avoir reçu en 1970 le prix Nobel de sciences économiques. Il est à l’origine d’une des plus importantes innovations théoriques connue sous le nom d’Hypothèse des anticipations rationnelles, selon laquelle la plupart des êtres humains ont des préférences stables et bien définies, et font des choix rationnels cohérents avec ces préférences. Il a étudié comment le comportement humain détermine les anticipations et comment les anticipations déterminent les prix spéculatifs sur les marchés financiers. Les théories économiques classiques, développées notamment par A. Smith, reposaient sur l’existence d’une main invisible qui guidait le système de la libre entreprise, des marchés concurrentiels et de la propriété privée, les individus s’efforçant de suivre uniquement leur propre intérêt. Samuelson développe l’idée selon laquelle le comportement des investisseurs produit des prix qui fluctuent de manière aléatoire mais reflètent au mieux les valeurs intrinsèques. « On pourrait s’attendre à ce que les gens sur les marchés qui poursuivent de manière avide et intelligente leur intérêt personnel, tiennent compte des évènements futurs dont il est possible de voir, en un sens probabiliste, qu’ils projettent leur ombre devant eux». Comme le précise P. Berstein7, Samuelson insiste beaucoup sur l’importance de l’information car aucun investisseur en action, aucun acheteur de marchandises livrables à une date future, et aucun prêteur ou emprunteur ne peut arriver à une décision sans disposer d’une quelconque information, ou suivant la formule de J. Treynor, rédacteur en chef du Financial Analyst Journal : « si vous n’êtes pas assuré de devenir riche en utilisant toutes les informations disponibles, par contre, vous pouvez être certain que vous deviendrez pauvre si vous ne le faites pas ». En définitive, quatre principes généraux peuvent être énumérés concernant la double notion de valeur et de prix : Les prix ont tendance à tourner autour de la « vraie valeur ».En théorie, la concurrence rétablit toujours l’égalité entre le prix d’un bien et sa valeur. Aucune autre estimation de la valeur intrinsèque n’est plus précise que le prix de marché. Encore faut-il que ceux qui achètent ou qui vendent disposent de la même information.

Chapitre 2. De la théorie à la pratique Le message important qui résulte de ces réflexions - dans un contexte de relative abondance des biens immobiliers - est donc, finalement, qu’aucune autre valeur n’apparaisse plus proche de la valeur intrinsèque que celle donnée par le prix de marché. Cela signifie que lorsqu’on recherche la valeur réelle d’un bien, il faut essentiellement se fier à sa valeur de marché. Lorsque le marché n’est pas systématiquement efficient, ce qui est assez fréquent en matière d’immobilier notamment quand la concurrence faute d’être parfaite est à peine réelle et que l’information existante est partiale, il faut pouvoir cependant être en mesure d’estimer les biais provoqués par cet état particulier. C’est ce qui se produit souvent pour les actions des sociétés foncières lorsqu’on observe une décote importante de leur cours sur le marché boursier. Cette différence, qui peut

Page 186: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

atteindre trente à quarante pour cent, entre la valeur d’expertise des biens immobiliers détenus par la société et celle résultant de la valorisation des cours des titres de la société traduit, pour l’essentiel, le manque de confiance des acheteurs dans les informations diffusées par la société, en particulier pour la valorisation des immeubles inscrits au bilan. Aussi, lorsque le marché n’est pas efficient, ne serait-ce que par manque d’organisation, le problème est alors d’établir un prix qui soit le plus proche du marché, c’est- à-dire qui tienne compte du maximum d’informations disponibles. Or, fondamentalement, le prix résulte de deux facteurs : - le premier tient compte des informations du moment, ou des informations exploitables sur les données observées dans le passé; - le second, tout aussi important, correspond à des estimations sur l’avenir des biens ou des actifs étudiés. Le prix de marché sera le prix d’équilibre résultant des observations sur les transactions passées et sur les estimations futures de la rentabilité du bien. Le vendeur a tendance à se baser sur des informations passées ou actuelles pour définir son prix. Il connaît les conditions dans lesquelles il s’est procuré le bien, son prix d’acquisition et les rendements qu’il a pu en obtenir. Par contre, l’acheteur doit nécessairement anticiper les conditions d’exploitation, le rendement locatif et le prix de revente du bien dans les années futures. Il y a donc deux approches assez différentes, l’approche « passée » et l’approche « future », qui transparaissent dans toute négociation immobilière. Cette dualité se retrouve aussi dans les techniques utilisées pour la mise en vente des biens immobiliers. Ainsi, en Ecosse, le vendeur fait un appel d’offre sans préciser le prix qu’il souhaite obtenir de la cession de son bien. Au vu des résultats de sa consultation, si la meilleure offre lui paraît acceptable, il décide de le céder. Sinon il retire son bien de la vente. Les acheteurs sont dans une position assez difficile car ils font une offre sans connaître exactement ni le nombre d’acheteurs potentiels ni le prix qu’ils vont proposer. Cela les oblige à faire une étude de marché assez exhaustive. En France et généralement dans les pays latins, c’est le vendeur qui fixe le prix et les acheteurs potentiels se présentent ou non en fonction des prétentions du vendeur. Ce n’est que lorsqu’il y a plusieurs acheteurs en lice qu’une procédure d’appel d’offre est parfois mise en place. Dans le premier cas on est dans une logique de marché et d’anticipations sur le futur puisque les acheteurs projettent nécessairement les conséquences de leur décision sur les années à venir. Dans le second cas, c’est la référence aux facteurs de production qui prédomine, les vendeurs étant surtout sensibles à la marge qu’ils vont dégager sur la cession par rapport aux éléments de son coût d’acquisition. De ces modalités de mise en vente résultent aussi deux méthodologies d’évaluation. La première tient lieu de fondement de l’expertise traditionnelle. La seconde, surtout pratiquée par les anglo-saxons, tend à épouser les méthodes financières d’évaluation. Le prix doit résulter de la confrontation entre les résultats de ces deux méthodologies, qui traduisent en définitive la confrontation entre l’offre du vendeur et la demande de l’acheteur.

Titre 2. Méthodes d’évaluations traditionnelles L’expertise n’est pas une science exacte. On peut également dire qu’elle n’est pas une science rigide. L’expertise est un acte de lecture des marchés à partir de normes qui sont parfois contestables mais qui ont l’avantage de définir un cadre unique pour toutes les évaluations. L’analyse des méthodes consacrées par l’usage répond à un double objectif : -définir un principe commun à l’expertise : un acte de lecture du marché -définir une limite commune à l’expertise : un manque de lisibilité du marché. De façon schématique, le processus général d’évaluation repose sur une définition de la valeur, des méthodes de détermination de la valeur, une phase de conciliation.

Chapitre 1 Définition de la valeur vénale La valeur que cherche à déterminer l’expert est la valeur dite vénale, également intitulée valeur marchande, prix de marché, valeur de réalisation. Dans le guide méthodologique

Page 187: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

relatif à l’évaluation des actifs immobiliers, le concept de valeur vénale est défini de la façon suivante par les professionnels de l’expertise : La valeur vénale correspond au prix auquel un bien ou un droit de propriété peut être raisonnablement cédé en cas de mise en vente amiable au moment de l’expertise les conditions suivantes étant supposées réunies : a- libre volonté du vendeur b- l’existence d’au moins deux acquéreurs potentiels. c- la disposition d’un délai raisonnable pour la négociation, compte tenu de la nature du bien et de la situation du marché. d- le maintien de la valeur à un niveau sensiblement stable pendant ce délai. e- des conditions de mise en vente et de publicité normale. f- que les parties en présence n’ont pas été influencées par des raisons de convenance personnelles. Il est en outre précisé par ce guide, que la valeur vénale d’un bien peut être défini sous deux hypothèses : - la valeur libre d’un bien ou supposé tel, partant du principe que le bien est vacant et libre de toute occupation, - la valeur du bien occupé qui tient compte de la présence dans les lieux d’occupants titrés ou non. A noter que ces différentes conditions concernent le fonctionnement du marché et non la notion même de valeur et que, logiquement, la prise en compte des anticipations de l’acquéreur sur le rendement locatif lié à la présence ou non d’occupants, devrait faire l’objet d’une méthodologie unique. En effet, pour qu’il y ait prix de marché, il faut nécessairement l’existence d’un marché concurrentiel. D’où la définition retenue par la Cour de cassation : « la valeur vénale d’un bien est constituée par le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel au jour de la mutation. » (Cass.com. 6 mai 1986, Chancel, Bull. IV, p. 70 ).

Chapitre 2. Les méthodes d’expertise Traditionnellement, la valeur vénale est déterminée : soit par une approche par comparaison directe, soit par capitalisation d’un revenu effectif ou théorique. La méthode par le coût de remplacement n’est utilisée que de façon marginale, à titre consultatif ou par défaillance des autres méthodes.

Section 1. La méthode par comparaison L’évaluation par comparaison a les faveurs de l’administration et de l’expertise traditionnelle. «L’administration des impôts préconise généralement l’utilisation de la méthode d’évaluation par comparaison et considère qu’en aucun cas, la moyenne arithmétique des résultats obtenus en appliquant différentes méthodes, aussi nombreuses soient-elles, ne saurait traduire la valeur vénale réelle d’un immeuble. Pour l ’administration, seule une analyse rigoureuse des prix constatés sur le marché permet d’éliminer les valeurs extrêmes et de dégager des tendances dominantes d’un marché apparemment discordant. La méthode d’évaluation par comparaison procède directement de l’application de ces principes. Par ailleurs, c’est la principale méthode utilisée non seulement par l’administration, mais aussi par les experts privés et les juridictions qui ont à connaître des litiges portant sur les valeurs immobilières. Les autres méthodes ne sont utilisées que lorsque les résultats obtenus par la méthode d’évaluation par comparaison ont besoin d’être confortés en raison notamment de la faiblesse de l’activité du marché local. (Rép. Peyrou, Sén. 25 mars 1982, p. 835) »8. C’est donc, en France, une méthode fondamentale d’application générale.

A- Présentation de la méthode Le principe de la méthode comparative est simple. Ayant à estimer un bien quelconque, l’évaluateur recherchera des exemples de ventes récentes de biens comparables. Pour

Page 188: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

mener à bien la comparaison, on réduira l’ensemble des biens à une dénomination commune, appelée réduction. Les biens immobiliers se caractérisant essentiellement par leurs dimensions, les réductions les plus courantes sont des unités de surface (mètre carré pour les terrains à bâtir, hectare pour les terrains d’agrément ou de culture, mètre carré utile pour les appartements, etc.). Il existe toutefois d’autres types de réductions comme la chambre pour les hôtels, les lits pour les cliniques, la place spectateur pour les établissements de spectacle.

La valeur unitaire ainsi définie sera multipliée par le nombre de m2 du bien expertisé pour en obtenir sa valeur. Cette méthode se résume à une règle de trois. Elle repose sur le critère de substitution : un acheteur informé n’accepte pas de payer un bien à un prix supérieur au prix du bien qui pourrait lui procurer les mêmes avantages. Si cette méthode est simple dans son principe, elle est plus difficile à mettre en oeuvre. Elle nécessite la recherche de transaction d’unité comparable par une étude exhaustive, objective et critique du marché. Cette lecture du marché conditionne le résultat et la fiabilité de cette méthode. Les principales sources de données sur les ventes sont les suivantes : les notaires et agents immobiliers, les conservations des hypothèques (toute personne qui a connaissance, soit des noms, prénoms et date de naissance du vendeur ou de l’acquéreur, soit des références cadastrales du bien cédé, peut obtenir la copie d’un acte de vente auprès de la conservation des hypothèques). On doit, par contre, ne pas retenir les informations recueillies dans les journaux et les répertoires des maisons à vendre. En effet, l’écart entre les prix annoncés et les prix obtenus entraîneraient un biais statistique. De façon générale, l’expert doit, à partir de ces sources d’information, sélectionner toutes les ventes qui ont eu lieu dans le sous marché immédiat de l’objet d’évaluation. L’objectif de cette sélection est d’obtenir un échantillon homogène, la méthode par comparaison consistant à transposer au bien à évaluer une valeur que l’on souhaite représentative. La comparabilité étant une notion relative il s’agit de retenir des mutations récentes (unité de temps), présentant des similitudes de localisation (unité de lieux), et des caractéristiques physiques comparables.

B- Les facteurs qui influencent la comparaison L’unité de lieu : Pour l’évaluation d’immeuble de rapport, la comparaison doit s’effectuer dans des secteurs du marché où sont offerts des services comparables à des loyers comparables. Il est d’usage de considérer une aire géographique plus vaste que pour les unités résidentielles, ou l’unité de lieu est le quartier. S’il est impossible de trouver des ventes dans le même quartier, on devra étendre la prospection à des quartiers qui ont les mêmes caractéristiques (accessibilité, type de construction, taxe, type de ménage)

L’unité de temps : Son amplitude est fonction du dynamisme du marché sous-jacent au bien expertisé. Les éléments de référence présentent par définition une antériorité à la date d’expertise. Si le marché étudié présente une forte volatilité, les éléments de référence seront très vite en décalage avec le marché. Il est dans ce cas nécessaire de réduire l’unité de temps.

L’unicité du bien : Dans l’absolu l’unicité de chaque bien oblige l’expert à faire des ajustements. L’analyse du marché exige ainsi une observation par caractéristique à ajuster. De ce fait, le nombre de propriétés comparables à retenir est directement déterminé par le nombre de caractéristiques différentes de l’objet expertisé. L’expert devrait définir la contribution marginale de chaque caractéristique pour homogénéiser les comparables à l’objet expertisé, soit par une régression linéaire simple, de façon séquentielle pour des biens présentant plusieurs caractéristiques distinctes, soit par une régression linéaire multiple, c’est le principe de la méthode hédoniste.

Page 189: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

C- Les limites de la méthode par comparaison : La fiabilité de cette méthode est liée aux possibilités de lecture du marché. Ainsi, dans le cadre de marché étroit, caractérisé par une pénurie relative d’objets comparables en raison de la forte identité du bien à expertiser, l’expert aura des difficultés à la mettre en oeuvre. Dans les cas extrêmes, l’importance des ajustements pénalisera cette méthode. Un second reproche concerne l’intégration du facteur temps : la méthode par comparaison est focalisée sur le passé. Ainsi, elle ne fait que reproduire la tendance passée à la hausse comme à la baisse. Ce qui peut aboutir à une amplification des mouvements du marché. Par exemple, si des hausses de 10% ont été observées deux années de suite, les prix seront augmentés d’un pourcentage équivalent l’année suivante, même si entre-temps le marché s’est stabilisé ou retourné. En fait, cette méthode fait trop souvent référence au prix du dernier objet vendu qui constitue alors abusivement le marché. La valeur dite vénale, fondée sur des transactions passées est naturellement en contradiction avec une logique acheteuse qui doit essayer d’anticiper les évènements futurs. Il en résulte nécessairement des blocages et parfois une multiplication des panneaux « à vendre » dans nos cités.

Section 2. Méthode d’évaluation par capitalisation Il apparaît évident que la valeur d'un bien ne peut être indépendante des revenus qu'il procure. Aussi est-il naturel de calculer le rapport entre le montant du loyer annuel et la valeur d'un immeuble. Le professionnel connaissant ce rapport peut l'appliquer au loyer d'un immeuble afin d'en déterminer la valeur. Le rendement locatif jugé approprié par l'évaluateur est donc utilisé comme taux de capitalisation du loyer. Bien évidemment, l'inverse de ce taux, c'est-à-dire le rapport entre la valeur de l'immeuble et le montant annuel des loyers permet de déterminer le nombre d'années nécessaires pour que les revenus locatifs égalisent le montant de l'investissement. Ainsi la méthode d’évaluation par capitalisation du revenu permet d’obtenir la valeur vénale d’un immeuble en appliquant au revenu de cet immeuble un coefficient de capitalisation. Elle repose alors sur l’existence d’une corrélation entre le revenu d’un immeuble et sa valeur marchande. Sa mise en oeuvre nécessite la détermination du revenu généré par l’immeuble et du taux de capitalisation.

A- Présentation de la méthode Sur le plan théorique, si l’on désigne par R le taux de capitalisation, et par L(t) et V(t) le loyer et la valeur du bien à un instant (t), on peut écrire V(t)=L(t)/R. Cette relation exprime sur le plan purement mathématique que la valeur du bien serait équivalente, dans l’hypothèse d’un loyer fixe égal à L, à la valeur d’une rente perpétuelle dont la rente serait le loyer. R, est également appelé taux de rendement. Nous verrons par la suite qu’il est possible de lever l’hypothèse de constance des loyers et de substituer à la notion de rendement le concept de rentabilité utilisée dans la méthode financière. L’estimation par capitalisation peut être également considérée comme un cas particulier de la méthode comparative, la détermination du taux de capitalisation se faisant à partir de la lecture du marché immobilier, par comparaison. La mise en oeuvre de cette méthode nécessite de déterminer le revenu généré par le bien et le taux de capitalisation applicable à ce revenu. Cette méthode peut être déclinée de différentes façons selon l’assiette de revenu considéré auxquelles correspond des taux de rendements distincts.

Pour la détermination du revenu, il est préférable de se baser sur le revenu brut et non sur le revenu net. Le revenu net est trop fluctuant pour constituer une base d’évaluation. En raison de la sensibilité de la valeur vénale au taux de capitalisation, la détermination de ce taux constitue une étape importante. Le choix du taux de capitalisation se fait par référence au marché immobilier. L’expert va rechercher parmi les données du marché, un certain nombre de ventes pour lesquelles il connaît les revenus et les prix de vente. Si les biens retenus constituent un échantillon homogène représentatif du bien expertisé, les

Page 190: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

taux de capitalisations sont proches et permettent d’en déduire un taux de capitalisation normal. Reste à appliquer ce taux au revenu de l’objet expertisé. Plusieurs critères doivent être considérés pour obtenir un échantillon homogène. La méthode par capitalisation traite des flux de revenu sans distinguer leur origine. Il faut donc s’assurer que la répartition entre la valeur du terrain et du bâtiment soit approximativement la même. Le taux de capitalisation est un taux de rendement et non une rentabilité. Il faut donc s’assurer que les biens utilisés dans les comparaisons subissent approximativement la même appréciation ou dépréciation que le bien étudié. Ils doivent donc être d’âge similaire et situés dans des marchés similaires. Le taux de rendement doit récompenser le risque assuré par le propriétaire. L’échantillon doit être constitué de biens présentant un niveau de risque similaire. Dans la pratique, la difficulté de trouver des termes comparables conduit l’expert à ajuster le taux de capitalisation issu du marché.

B- Le choix du taux de capitalisation Pour mener à bien cette opération, il est nécessaire de connaître les facteurs qui influencent ce taux. Le taux de capitalisation varie en sens inverse de la classe de l’immeuble. Plus celui-ci est de haut de gamme, plus le taux de capitalisation est faible. Lorsque le bien étudié comporte des cours ou des terrains importants, le taux de capitalisation retenu est largement inférieur aux taux habituellement constatés pour des constructions identiques, car la valeur vénale du terrain représente une part importante de la valeur totale du bien. Pour un bien vétuste, le taux de capitalisation est élevé car ces immeubles exigent de grosses réparations et sa valeur vénale s’en trouve réduite. Le taux va également varier avec le régime d’occupation. L’étude des facteurs qui influencent le taux de capitalisation permet de comprendre l’adoption d’un taux majoré ou minoré par rapport au taux observé. Toutefois la quantification de l’impact de ces facteurs reste à l’appréciation de l’expert dans une large mesure. En raison de la forte sensibilité de la valeur vénale au taux de capitalisation, la détermination du taux de capitalisation n’est pas neutre. En la jugeant arbitraire, elle alimente le discours des détracteurs de cette méthode. L’étude de l’impact du taux de capitalisation sur la valeur vénale permet de mieux comprendre l’enjeu du débat.

En inversant la causalité, on peut également chercher à déterminer un intervalle de confiance d’un taux de capitalisation pivot, représentant un écart identique de valeur de +/- 5% pouvant correspondre à la marge d’évaluation propre à l’expert. Ce tableau met en évidence que l’amplitude de l’intervalle de confiance est fonction du niveau du taux. Elle augmente au fur à mesure que le taux augmente. En partant de l’idée que l’expertise n’est pas une science exacte, et qu’il existe une imprécision de l’ordre de 5% dans la fixation de la valeur vénale, juger de l’arbitraire de cette méthode revient à se demander lorsque les taux sont très faibles, si une lecture rigoureuse du marché, fondé sur des critères objectifs permet de définir un taux de capitalisation appartenant à l’intervalle de confiance. Dans ce cas, rejeter cette méthode revient à dire que l’analyse du marché n’est pas suffisamment discriminante. Pour des taux très élevés, on peut aussi se demander, si la lecture du marché n’est pas discréditée par la faible sensibilité de la valeur vénale à ce type de taux qui se manifeste par une forte amplitude de l’intervalle de confiance. Il reste enfin à étudier l’attitude de l’expert face à un loyer hors marché. La première question posée est de savoir si cette situation est susceptible de perdurer. Les dispositions légales étant en faveur du locataire et non du propriétaire, deux cas sont à distinguer : Logement loué trop cher : Cette situation défavorable au locataire est limitée dans le temps compte tenu des facilités du locataire à quitter les lieux. Pour déterminer la valeur du bien, on capitalisera le loyer jugé normal et non l’effectif au taux de capitalisation du marché. Logement mal loué : Cette situation défavorable au propriétaire s’inscrivant dans le temps, on devra pratiquer une décote par actualisation de la perte du loyer, considérée comme la différence entre le loyer normal et le loyer constaté. Pour déterminer la décote, il est nécessaire d’estimer la durée pendant laquelle le loyer ne pourra pas être ajusté. Cette durée est fonction du type de bail et des conditions de financement. Pour un

Page 191: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

logement en loi de 48, avec un droit au maintien dans les lieux, on ne peut retenir que l’espérance de vie du locataire. Pour les autres cas de location, le renouvellement de bail permet la remise à niveau du loyer. Parfois, ce sont les conditions de financement qui plafonnent les loyers pour une certaine durée. Les dispositions légales induisent un rapport de force en faveur du locataire. La rente de situation du propriétaire a une durée de vie plus courte que celle du locataire. Au niveau de l’expertise, cela se traduit par l’enregistrement d’une décote, et la non prise en compte d’une surcote.

C- Limites de la méthode de capitalisation L’utilisation de cette méthode suppose que le taux de capitalisation retenu traduise la valeur de marché du bien immobilier correspondant, c’est-à-dire qu’à des revenus locatifs identiques correspondent des prix de marché identiques. Comme c’est rarement le cas, l’expert est obligé d’ajuster à la fois les taux et les revenus en fonction de règles plus ou moins arbitraires qui limitent d’autant les possibilités d’application. En outre les ajustements de taux, même minime, déterminent souvent des variations de valeur très importantes qu’il y a lieu de contrôler en se référant aux prix pratiqués sur le marché. En définitive, ces ajustements aboutissent à recalculer le taux de capitalisation en partant de la valeur de marché - obtenue par comparaison - et, donc, en quelque sorte, de rendre inutile cette méthode d’évaluation par capitalisation.

Section 3. Méthode de l’évaluation par les coûts Cette méthode est surtout utilisée pour les expertises demandées à la suite de la survenance d’un sinistre. La question posée est alors de connaître le montant de l’indemnisation à verser au propriétaire du bien immobilier pour qu’il retrouve son immeuble en l’état. Si, par exemple, un incendie a ravagé l’ensemble, le montant de l’indemnité sera équivalent à la valeur de l’immeuble au moment du sinistre excepté le prix du terrain. Pour déterminer cette valeur on procède à une évaluation du prix de reconstruction à neuf, duquel on déduit un certain nombre d’abattements permettant d’ajuster cette valeur à l’état du bien au moment du sinistre. En y ajoutant le prix du terrain on obtient la valeur de l’immeuble. Mais ces abattements étant plus ou moins bien justifié, il en résulte des critiques assez virulentes pour l’application de cette méthode à la détermination de la valeur vénale des biens immobiliers. Pour autant, alors qu’en France cette méthode n’est pas reconnue par les tribunaux, en Suisse elle sert de base à l’évaluation des fonds immobiliers.

A- Exposé de la méthode Le principe se résume à la relation suivante : V = Prix du terrain + (Prix construction neuve - Dépréciations) 1°) Le prix du terrain résulte d’une évaluation par la méthode de comparaison avec les avantages et les inconvénients de cette méthode, mais appliquée à un élément restreint de l’ensemble (de 10% à 20% suivant la localisation). En particulier, la topographie du terrain, sa configuration géométrique, son orientation et sa localisation sont des éléments qu’il faut pouvoir correctement ajuster dans la comparaison. 2°) Détermination du coût de reconstruction à neuf Théoriquement, on peut soit reconstruire, soit remplacer. NB :Reconstruire, c’est : « Produire une réplique exacte du bâtiment. Cette réplique doit incorporer les mêmes matériaux, les mêmes procédés de construction et les mêmes particularités de design et de décoration que le bâtiment initial. Cette réplique incorpore donc les éléments de désuétude et de suréquipement qui peuvent affecter le bâtiment ». Remplacer, c’est : « Produire un bâtiment substituable : un bâtiment qui, sans nécessairement reprendre le même modèle ni les mêmes matériaux, pourra procurer la même utilité à son utilisateur ».

Page 192: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

La première possibilité coûte plus chère et la seconde est souvent plus utile. En effet, le recours à des matériaux de substitution et des procédés de construction novateurs ainsi que l’élimination des désuétudes physiques et fonctionnelles dans le cas du remplacement aboutit à des économies et une meilleure utilisation du bâtiment. Plutôt que reconstruire on préfère donc généralement remplacer.

Deux techniques sont généralement utilisées pour déterminer le prix du neuf. Soit la comparaison directe entre bâtiment de même nature ramené au mètre carré de surface (chambres pour un hôtel, magasins dans un centre commercial,...), soit la sommation des prix de revient actuels des différentes composantes de la construction. Dans ce dernier cas, on peut soit simplifier en décomposant le moins possible (par exemple en fonction de différents lots : fondations, maçonnerie, charpente couverture, second œuvres) ou au contraire détailler les quantités de matériaux utilisés et les temps requis pour leur mise en place. Une variante est de reprendre le prix de construction à neuf à partir, lorsqu’elle est connue, de la décomposition des prix de la construction à l’époque de sa réalisation, puis d’appliquer à ces divers éléments un indice de revalorisation comme celui du bâtiment (BT 01) ou celui de la société centrale des architectes. Le prix du neuf est alors déduit du coût originel de la construction en actualisant ses composantes à partir d’index appropriés.

Dépréciations On distingue généralement la dépréciation physique résultant de la détérioration d’un bâtiment ou de la vétusté de ses équipements, la dépréciation fonctionnelle ou obsolescence liée à la diminution de l’utilité du bâtiment, et la dépréciation économique provenant d’une modification de son environnement ou de son cadre juridique. Ce dernier facteur peut d’ailleurs être dans certains cas une source d’amélioration compensant pour tout ou partie les dépréciations précédemment citées. L’estimation de ces dépréciations ne repose pas sur une méthodologie très rigoureuse mais sur un ensemble de pratiques adaptées de la multiplicité des causes de dépréciations. La méthode la plus simple et probablement la plus convaincante, lorsque le marché présente de nombreuses transactions sur des biens analogues, consiste à observer la dépréciation dans des immeubles comparables. Le montant de la dépréciation, en prix au mètre carré, correspondra à l’écart entre une construction neuve et un bâtiment ancien de même type. La plus critiquée, notamment par les tribunaux, est celle qui, partant d’une estimation du prix du bâtiment à son origine puis de sa revalorisation, détermine des coefficients d’abattements en fonction de la longévité des différentes parties du bâtiment. Par exemple, si la couverture doit être changée tous les 25 ans et que 15 années sont passées depuis la dernière réfection, un coefficient d’abattement de 60% sera appliqué par rapport à la valeur réactualisée de la toiture.

B- Critique des méthodes basées sur le prix de revient de la construction Les nombreuses opérations, le choix de coefficients ou d’abattements sont une source d’erreur et d’arbitraire dans la mise en oeuvre de ces méthodes basées sur le prix de revient théorique de l’opération, celui-ci étant déterminé par une estimation de la valeur du terrain et du prix de la construction après en avoir valorisé les éléments et ajusté leur valeur en fonction de taux de dépréciation. La validation des différentes informations sur les coûts ou sur les ajustements se fait par une comparaison continue avec les données du marché. Cette comparaison avec le marché est le seul soutien des informations sur les prix des terrains, sur les prix des composantes, sur les profits des entrepreneurs et des promoteurs, sur la mesure des dépréciations et enfin sur la mesure des ajustements des effets extérieurs. Le paradoxe de cette méthode, c’est que lorsque les données du marché existent, mieux vaut utiliser la méthode par comparaison et lorsque ces données n’existent pas, la technique des coûts est peu probante.

Page 193: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

C- Amélioration: la méthode des promoteurs Ce ne sont donc pas les fondements de la méthode qui doivent être remis en cause, mais leur mise en application. Aussi, peut-on préférer la variante suivante : plutôt que d'essayer de déterminer quelle sont les sources de dépréciation d'un immeuble ancien pour en mesurer l’importance, on estime les coûts de remise en état nécessaires pour assurer à l'immeuble une durée de vie et une utilité comparable à celle d'un immeuble neuf. Les coûts de remise à neuf sont alors déduits du coût de reconstruction à neuf pour obtenir la valeur de l'objet en l'état.

Cette méthode améliorée de la méthode des coûts s'effectue en cinq étapes: 1) Estimation de la charge foncière qui ne peut se faire que par comparaison. 2) Estimation du coût de reconstruction à neuf d'un immeuble identique. Cette estimation est à rapprocher de la valeur d'assurances. 3) Estimation des frais liés à la commercialisation de l'immeuble et de la marge rétribuant le vendeur. 4) Estimation de la valeur des travaux pour remise à neuf. Les entrepreneurs sont capables d'évaluer ceux-ci avec une grande précision. 5) La valeur de l'immeuble à évaluer correspond donc à la somme de la valeur du terrain, du coût de construction d'un immeuble identique et des frais de commercialisation et de promotion (c’est-à-dire les points 1, 2, et 3 ci-dessus), moins le coût de remise à neuf (point 4).

En ce qui concerne l'obsolescence, il faut noter que c'est une notion très relative, qu'il s'agisse de locaux d'habitation ou de bureaux. Ce qui convient aux uns en matière d'utilisation ne convient pas forcément aux autres. En fait, il faut se référer principalement au confort d'utilisation qui, pour l'essentiel, se résume aux volumes et à leurs possibilités d'utilisation, à l'insonorisation, aux accès et aux distributions. Or, en la matière et lorsque l'immeuble n'est pas trop spécialisé, il est relativement aisé de déterminer un coût de transformation et de remise à neuf qui tienne compte des normes actuelles.

L'avantage de cette méthode est de pouvoir cantonner l'appréciation de l'expert à une partie restreinte de l'évaluation de l'immeuble. En effet, le prix d'un immeuble neuf peut être décomposé en ces différents éléments dont les prix sont pour les uns établis sur devis avec une grande précision et pour les autres varient suivant l'état du marché. Les premiers sont relatifs à la construction et les seconds aux frais annexes à la promotion. Des prix de vente élevés ont pour conséquence d'allonger les délais de commercialisation et donc les frais financiers, ce qui relativise leur incidence bénéfique sur la marge.

A titre d’exemple, on peut prendre la décomposition du prix de vente du bilan d’un promoteur : Décomposition du prix de vente d’un immeuble

POSTES €/m2 en %Charge foncièreConstruction-Gros oeuvre-Second oeuvre-Étude-contrôlesFrais annexes

450840840120750

152828425

Prix de vente (t.t.c.) 3.000 100

Par rapport à la méthode d'évaluation par comparaison, cette adaptation de la méthode d'évaluation par les coûts présente alors deux avantages immédiats :

Page 194: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

- le premier est la possibilité d'un arbitrage permanent entre le neuf et l'ancien puisque, pour l'ancien, le prix est calculé à partir d'une construction neuve dont sont déduits les frais de remise en état; - le second est de mettre en évidence les conséquences d'une évolution des prix sur la valeur du terrain, seul facteur réellement spéculatif.

Chapitre 2. Phase dite de conciliation L’utilisation de plusieurs méthodes permet à l’expert d’appréhender le bien sous différents angles. Dans la phase de conciliation, l’expert décide de la confiance relative qui doit être accordée au résultat obtenu par chacune des méthodes pour définir un résultat synthétique. Cette approche bien qu’arbitraire est plus satisfaisante qu’un rapport mono méthode. Tout en représentant des angles de vue différents, les méthodes par capitalisation et par comparaison repose sur un principe commun : la lecture du marché immobilier. Elles ont donc une limite commune: la nécessité d’un marché immobilier sous-jacent au bien expertisé suffisamment lisible pour permettre leur utilisation.

Titre 3. - L’approche moderne de l’expertise Les différentes méthodes présentées ci-dessus ont l’inconvénient de faire systématiquement référence à des données passées et à des comparaisons avec des biens, par nature, hétérogènes. Les méthodes modernes s’efforcent d’utiliser des valeurs anticipées sur le future ou d’homogénéiser des éléments hétérogènes. Ainsi, la méthode d’actualisation des cash-flows qui fera l’objet d’un premier point est représentative du comportement d’achat des investisseurs alors que la méthode hédoniste présentée dans un second point s’efforce à la fois d’améliorer les termes de la comparaison et d’en déduire des modèles reproductibles sur le futur.

Chapitre 1 Méthode financière des cash-flows Cette méthode permet de lever l’hypothèse de constance de loyers utilisée dans le cadre de la méthode par capitalisation, tout en élargissant la lecture du marché immobilier au marché financier notamment pour la fixation du taux d’actualisation. Comme elle est prospective, elle correspond plus à une logique investisseur. On renonce à une satisfaction immédiate et certaine contre une espérance de revenus permettant un enrichissement plus important.

A. Exposé des principes Elle repose sur le principe que la valeur d’un bien est égale à la somme actualisée de ses revenus futurs. L’actualisation porte sur les flux périodiques d’exploitation et la valeur finale de l’objet.

a- Revenu périodique Il s’agit d’un revenu net, c’est-à-dire du revenu locatif après déduction de tout ce que paye normalement le propriétaire au titre des loyers qu’il encaisse, notamment les travaux d’entretiens qui lui incombent, mais indépendamment de l’impôt sur le revenu et du remboursement des emprunts. Les grosses réparations peuvent être déduit soit des revenus soit de la valeur de l’investissement. Les immeubles faisant normalement l’objet

Page 195: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

d’un bail, le montant des loyers à venir s’en déduit naturellement, du moins jusqu’à l’échéance du bail. Pour la suite, il faut prévoir les conditions de renouvellement du bail.

b- Valeur finale de l’objet Tout en étant dans une logique acheteuse, il ne faut pas tenir compte des caractéristiques spécifiques de l’acheteur. En effet on ne cherche pas une valeur de convenance, mais une valeur vénale déterminée par les caractéristiques physiques, juridiques, économiques du bien uniquement. Libre à l’acheteur potentiel de juger de la pertinence de l’achat en fonction des caractéristiques qui lui sont propres. La valeur du bien à la fin de l’horizon temps dépend des conditions du marché prévalant à cet instant futur. On peut faire l’hypothèse, suivant l’évolution prévisible de l’environnement économique, qu’elle va demeurer stable ou qu’elle va augmenter ou diminuer. Elle est ensuite actualisée. Dans la méthode par capitalisation, la valeur finale du bien est absente.

c- Le taux d’actualisation C’est le taux de rentabilité exigé par le marché pour ce type d’investissement. Sa fixation se fait par référence au marché financier. Au taux de rémunération des obligations à long terme, on rajoute une prime de risque pour tenir compte du fait que le marché immobilier est à la fois plus risqué et moins liquide. La construction additive du taux d’actualisation pose le problème d’une prime de risque qui croit avec le temps pour des raisons purement mathématiques. Cela nous conduit à considérer l’horizon temps à retenir. Le choix de l’horizon temps n’est pas neutre car le cycle de vie économique et juridique de l’objet n’est pas linéaire. Il est toutefois possible de lisser l’impact ponctuel des rénovations en constituant une provision annuelle. De même, en choisissant un horizon de temps supérieur à cinq ans, on évite le biais lié aux droits de mutation. De plus, le risque d’erreur d’appréciation des loyers et de la valeur finale augmentant avec le temps, il est nécessaire de s’imposer une limite supérieure. Ceci afin de conserver le caractère probable des anticipations. La formation des anticipations ne doit pas subir l’emprise du présent. Dans la pratique, on utilise un horizon de temps de 6 à 12 ans. Cette méthode par le choix de l’horizon temps est également arbitraire. Elle présente toutefois un intérêt majeur : sa mise en application nécessite la possibilité d’avoir une connaissance approfondie de l’immeuble.

Chapitre 2. Intérêt et simplification

Section 1- Les différences avec la méthode par capitalisation Dans l’une on utilise un revenu net, dans l’autre un loyer brut. C’est un taux de rentabilité qui est retenu pour la première et un taux de rendement qui caractérise la seconde. Dans la méthode par capitalisation, le choix du taux de capitalisation fait souvent référence au taux d’amortissement (plus la longévité du bien est importante, plus le taux est faible). Cette vision comptable s’oppose à l’approche financière. C’est ainsi, qu’en l’absence de comparaison similaire, l’expert va ajuster le taux de capitalisation en fonction de la durée de vie économique du bien. Dans le cas de l’approche actuarielle, on se base sur des anticipations et non sur des données observées comparables. De ce fait, cette méthode nécessite une analyse approfondie des possibilités de l’immeuble en termes de gain. Plus complète, elle est aussi plus lourde à mettre en oeuvre. En outre, déduire la valeur présente du bien en fixant sa valeur future est un défi au temps.

Section 2 - Simplification de la méthode L’adoption de deux hypothèses concernant l’évolution des flux de trésorerie permet de faciliter l’usage de cette méthode. La première est de prévoir une évolution moyenne du taux de croissance «g» des loyers à très long terme. La seconde est d’estimer la

Page 196: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

revalorisation annuelle du bien à partir de ce même taux. Cela signifie qu’au bout de « n » années, la valeur V du bien deviendra : Vn = V0 (1+g)n (I)Sous ces deux hypothèses, la valeur actuelle du bien est donnée par la relation : V0= L1 (II) k−g L1 : loyer net annuel de la première année qui suit l’acquisition,k : taux de rentabilité espéré par le marché pour ce type d’investissement, g : taux de croissance anticipé des loyers nets. La détermination du taux de rentabilité espéré est fonction de la nature de l’investissement et de son niveau de risque. Selon l’investisseur, k peut être plus ou moins élevé. Toutefois sa limite inférieure doit être celle du coût des financements de l’opération dont une partie correspond au coût des crédits immobiliers. Ce taux minimal permet de connaître le prix d’achat que ne doit pas dépasser le bien immobilier pour que, compte tenu de leur croissance espérée g, les revenus locatifs couvrent le coût du financement. Si l’on désigne par i ce coût la relation (II) devient alors : V ≤ L1

Comme, d’une part, le rapport L1/V0 correspond au rendement locatif immédiat, et d’autre part g - suivant la relation (I) - définit l’espoir de plus-value réalisée sur la revente du bien, on peut dire que le choix du taux k résulte d’un arbitrage entre le rendement et la plus- value.

Ainsi la rentabilité espérée d’un appartement à Neuilly proviendra plus de l’espérance de plus-value que de son rendement locatif, ce dernier étant généralement assez faible. Pour g, s’agissant d’un taux de croissance sur longue période, il est nécessaire de tenir compte du taux de rotation des locataires et de vacance de l’immeuble mais aussi du taux d’inflation sur lequel sont généralement indexés les loyers.

A titre d’exemple, on peut prendre le cas d’un petit appartement qui se louera 30.000 F par an, net de charge, avec une progression des loyers ne dépassant pas 2% par an sur le long terme. Si le financement est uniquement réalisé par emprunt à un taux moyen voisin de 6%, pour que l’acquisition soit intéressante, il faudra que son prix soit inférieur au rapport entre 30.000 F et l’écart de taux (6% - 2%) ce qui donne : 750.000 F. A noter que dans ce cas, le rendement locatif net atteint 4% (30.000 divisé par 750.000). Si la rentabilité espérée par l’acquéreur est plus élevée que le coût de financement de ce logement, par exemple 7% au lieu de 6%, il faudra soit que la progression des loyers et l’espérance de plus-value atteigne 3%, soit que le prix d’acquisition ne dépasse pas 600.000 F au lieu des 750.000 F calculés précédemment.

Cet exemple met aussi en évidence la grande sensibilité du prix de l’immobilier à la fois à la croissance des revenus locatifs et au coût des crédits à long terme. On observera d’ailleurs que la relation (II) est aussi utilisée dans le modèle FDW présenté au chapitre précédent qui décrit les facteurs d’évolution de ce marché.

Section 3- Limites de la méthode De manière plus générale le taux de rentabilité espéré par les investisseurs tient compte de deux paramètres. Le premier, le taux « sans risque » correspond, dans une logique de placement sur longue période, au taux des emprunts à long terme garantis par l’Etat. Si la rentabilité espérée pour un investissement immobilier est inférieure ou égale à ce taux sans risque, il est clair qu’il vaut mieux investir dans des obligations émises par l’Etat plutôt que dans le projet immobilier. Le second est une prime de risque qui tient compte à la fois de la moindre liquidité du placement immobilier par rapport à un placement en valeur mobilière et d’une rentabilité plus incertaine que les placements obligataires. En toute logique, cette prime de risque de l’ordre de 2% ne doit pas incorporer l’aléa sur les revenus locatifs dans la mesure où celui-ci est déjà incorporé dans l’estimation du taux de croissance à long terme des loyers, c’est-à-dire le g de l’équation (II). La difficulté d’apprécier correctement les différents paramètres influant sur la détermination du prix, c’est-à-dire les cash flows correspondants aux revenus locatifs des années futures, la plus ou moins-value de cession et le taux de rentabilité espéré par l’investisseur, fait que les praticiens ont tendance à moduler la prime de risque en

Page 197: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

fonction du résultat qu’ils veulent atteindre, c’est-à-dire celui qui leur paraît le plus réaliste. Ce résultat peut devenir alors une agrégation de la méthode par comparaison et de la méthode par capitalisation avec les biais qui découlent nécessairement de leur application. C’est ainsi que les indices anglo-saxons fondés sur les évaluations d’expert utilisant la méthode actuarielle apparaissent parfois comme présentant des phénomènes d’autocorrélation. Cependant, la nécessité d’expliquer un prix de marché par l’évolution dans le futur de ces composantes principales, demeure un facteur essentiel de la validation de cette méthode. Ainsi au carrefour de l’immobilier et de la finance, cette méthode apporte à l’expertise traditionnelle, quelques éléments de la théorie financière et représente un développement externe de cette technique. Mais l’expertise a également un mode de croissance interne : l’amélioration de la lecture du marché immobilier.

Chapitre 3. L’amélioration de la lecture du marché : la méthode hédonisteQue ce soit au niveau de l'achat ou de la location, qu'il s'agisse du propriétaire ou du locataire, chacun cherche à connaître le juste prix du logement qui, à un moment donné, se trouve disponible sur le marché. Traditionnellement, cette valeur est déterminée par comparaison avec les transactions plus ou moins récentes dont on a connaissance. Mais comme les biens immobiliers sont par essence hétérogènes, c’est-à-dire différents tant au point de vue de la localisation que de leurs caractéristiques propres (taille, construction, ...), cet exercice se révèle souvent assez ardu et les fourchettes d'évaluation peuvent atteindre aisément les 15 à 20%. Une méthode permet cependant de donner une estimation beaucoup plus précise de la valeur d'un bien immobilier. Elle consiste à étudier statistiquement les caractéristiques essentielles des logements qui, dans une localité donnée, influencent significativement leur prix, puis de donner une valeur à chacune d'entre elles. En additionnant la valeur des différentes caractéristiques composant le bien immobilier, on obtient avec une marge d'erreur assez faible le prix de marché du bien considéré. Cette méthode dite "hédoniste" connaît depuis quelques années un développement important en Amérique du Nord et dans les pays anglo-saxons.

Section 1. Les bases théoriques

A- Origine La détermination d’un prix à partir de l’offre et de la demande d’un bien suppose qu’il existe des quantités homogènes de ce bien. Lorsqu’on est en présence de biens par nature hétérogènes, comme les logements, la question se pose de savoir si toute la théorie micro-économique traditionnelle peut s’appliquer. Le problème réside dans la prise en compte de la différenciation des biens dans l’analyse du comportement du consommateur et le débat porte notamment sur la permanence ou la transformation dans le temps de ses préférences12.

B- Théorie traditionnelle de la consommation La littérature économique utilise plutôt le mot « Hédonique » qui apparaît comme une francisation du terme anglo-saxon « Hedonic ». Nous lui préférons celui d’«Hédoniste », quelque peu moins rugueux, mais nous continuerons à utiliser le premier dans les développements issus des travaux de recherches américains.

Définition des biens : « Sont des biens les ‘objets’ que le consommateur considère comme tels, c’est-à-dire ceux dont il souhaite posséder davantage ». Le bien économique ainsi conçu n’a d’existence qu’en tant qu’équivalent d’une certaine quantité d’autres biens, deux quantités quelconques étant équivalentes ou échangeables si elles ont la même valeur13. La pauvreté du concept, notamment l’incapacité à prendre naturellement en compte l’apparition de biens nouveaux ou les variations de qualité des biens existants aboutit à l’impossibilité de construire une théorie de la demande tant qu’on ne précise pas de quelle manière les biens participent à la satisfaction de ces besoins.

Page 198: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

C- Théorie de Lancaster (1966) L’hypothèse d’homogénéité des biens est particulièrement réductrice, notamment lorsqu’on s’intéresse aux biens durables. Aussi, la reformulation de la théorie de la consommation dite «Nouvelle Théorie du Consommateur» a ouvert de nouvelles perspectives. C’est à Kelvin Lancaster que revient le mérite de cette reformulation à partir de la synthèse d’un certain nombre de questions posées par la prise en compte de l’hétérogénéité des biens dans l ’analyse du comportement du consommateur. Cette nouvelle théorie repose sur la prise en considération des attributs, ou caractéristiques des biens déterminant leur qualité. Lancaster propose de renouveler la notion de bien, en posant que les consommateurs tirent leur utilité des caractéristiques des biens, et non pas des biens eux-mêmes, ce qui signifie aussi que les biens ne sont pas désirés pour eux-mêmes, mais pour les services qu’ils rendent. Dès lors, ce n’est plus l’offre et la demande d’un bien qui déterminent son prix, mais l’offre et la demande pour les caractéristiques qu’il contient. L’analyse hédoniste ou hédonique15 des prix, dont l’objet est d’étudier la formation du prix des biens complexes, exploite cette hypothèse, et explique le prix des biens par leurs caractéristiques.

D- Modèle de S. Rosen sur la demande de caractéristique (1974) Sherwin Rosen a permis le développement des analyses hédonistes en définissant les hypothèses et en proposant un modèle d’équilibre sur un marché de biens hétérogènes explicitant les fonctions d’offre et de demande pour les caractéristiques de ces biens.

Les hypothèses sont les suivantes : • les caractéristiques sont objectivement mesurables et les biens en nombre suffisant pour que les transactions portent sur l’ensemble de ces caractéristiques, le bien étant un ensemble « non dénouable » de caractéristiques. En effet, si les caractéristiques sont définies de façon « objective », elles se présentent de façon identique pour tous les consommateurs, ce qui permet de les définir comme des biens. • la structure des prix est un paramètre, c’est-à-dire une grandeur mesurable, pour les acheteurs comme pour les vendeurs. L’équilibre de marché est atteint lorsque le prix permet de faire correspondre pour l’ensemble des caractéristiques les quantités demandées aux quantités offertes. Mais le modèle de Rosen permet aussi d’établir que la fonction hédonique des prix ne peut être assimilée à une fonction de demande et indique la voie à suivre pour parvenir à déduire les fonctions de demande recherchées des informations fournies par le marché. Cela signifie que dans la composition du modèle n’entrent que des caractéristiques du bien et non celles qui correspondent à la demande tels : le revenu, la taille du ménage ou les préférences des acquéreurs. Pour identifier les fonctions de demande de caractéristiques deux étapes sont nécessaires. La première consiste à estimer la fonction hédonique des prix, d’où l’on déduit, pour chaque observation de l’échantillon, les prix marginaux des caractéristiques. La seconde conduit à l’identification des fonctions de demande en introduisant les prix marginaux comme variables dépendantes dans les fonctions d’enchère pour les différentes caractéristiques. Suivant Alonso, une courbe d’enchères sur deux caractéristiques du logement comme la quantité de sol et la distance au centre, correspondra à « l’ensemble des prix du sol que l’individu accepte de payer à différentes distances du centre, en laissant son niveau de satisfaction constant »17. En définitive, comme le souligne Maleyre [1994], avec le modèle de Rosen, « on obtient pour chacune des caractéristiques, une fonction de demande implicite reliant les caractéristiques du ménage, les caractéristiques du logement et le prix de demande ».

E- Relation fonctionnelle Le modèle mathématique le plus utilisé est celui de la régression linéaire qui se présente sous la forme :

Page 199: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

V=b0 +b1X1 +b2X2 +...+biXi +bnXn +eavec :V = la valeur du bien ou variable dépendante, appelée encore variable expliquée Xi = les variables explicatives (i = 1, ..., n)b0 = la constantebi = le coefficient estimé pour la variable ie = le terme de l’erreur ou résidu La technique de la régression linéaire permet d’obtenir des valeurs de b0 et de bi qui réduisent les écarts e au minimum. La constante b0 est la valeur dépendante lorsque toutes les variables explicatives ont une valeur de zéro. Les coefficients bi mesurent les variations du prix V qui correspondent à une variation de chaque Xi. Les coefficients représentent donc la contribution marginale à la variable dépendante de chaque variable explicative. Le terme d’erreur e est la portion résiduelle du prix V d’une observation qui n’est pas représentée ni expliquée par le modèle de régression calculé.

Dans les modèles hédonistes, on connaît les différentes valeurs de V correspondant à un échantillon ainsi que les variables explicatives Xi (surface, présence d’un garage, etc.) et l’on cherche à déterminer le poids de chaque caractéristique bi. Celui-ci indique l’augmentation ou la diminution de la valeur marchande expliquée par un changement de la valeur d’une caractéristique particulière, en supposant que toutes les autres variables sont maintenues constantes. Par exemple, l’augmentation de la surface d’un appartement amènera une augmentation de sa valeur indépendamment de sa situation ou de son confort proportionnellement au coefficient bi déterminé par la régression. Autre exemple, en introduisant la date de l’observation dans les variables explicatives on pourra construire un indice de l’évolution des prix pour les immeubles d’un ou plusieurs quartiers ou en comparant les prix des maisons et des appartements.

F- Applications Ces modèles furent tout d’abord utilisés pour l’industrie automobile. Il s’agissait alors de déterminer l’effet sur le prix de la voiture d’une variation de différents attributs telle la puissance du moteur ou la transmission automatique. Très rapidement, c’est au niveau de l’immobilier que se multiplièrent les applications, au point que de nouveaux modèles spécifiques furent mis en oeuvre comme le modèle du centre de gravité qui traite du coût des transports en fonction de la localisation18 ou l’estimation des fonctions de prix hédonistes appliquées aux nuisances comme le bruit. « Le silence constitue un bien public qui est atteint par le bruit. Comme il s’agit d’une ressource limitée, il devrait posséder un prix19 ». Les travaux de Lancaster et de Rosen ont suscité de nombreuses applications, un peu partout dans le monde, y compris en Afrique, mais particulièrement aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne.

Exemple chiffré (cf. tableau 3.4 et 3.5) Pour expliquer les principes de cette méthode, supposons que trois logements A, B, C, situés dans le même immeuble, n'offrant pas de particularités au niveau de l'étage ou de l'exposition et ne différant que par leur surface soient loués en province aux prix suivants: appartement A : 600 € pour 50 m2, soit 12 € le m2 appartement B : 1.100 € pour 100 m2, soit 11 € le m2 appartement C : 1.500 € pour 140 m2, soit 10,7 € le m2

Supposons en outre que, toujours dans ce même immeuble, un appartement de 125 m2 peu différent des autres soit mis en location. Quel doit en être le prix ?

A partir des méthodes traditionnelles, les experts interrogés répondront probablement sur la base les loyers des appartements B et C, très comparables par la taille à celui que l’on cherche à estimer, que le prix moyen au m2 doit être de (11+10,7)/2 = 10,9 €/m2, ce qui appliqué à 125 m2 donne un loyer mensuel de 1.357 €. Tout aussi logiquement, en prenant la moyenne des trois premiers logements proposés, soit 11,2 €/m2, on aurait obtenu un loyer de 1.404 € par mois. Cet exemple simplifié met en évidence les limites de la méthode par comparaison d’utilisation pourtant très courante.

Page 200: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Méthode traditionnelle

Loyer mensuel Surface Loyer / m2

Appartement AAppartement BAppartement C

6001.1001.500

50100140

1211 10,7

Appartement D ? = 1.357 125 (11+10,7)/2 = 10,9

La méthode hédoniste considère, quant à elle, que la valeur d’un bien résulte de la somme des prix que l’on peut attribuer à ses différentes caractéristiques. Pour un bien immobilier ce sera essentiellement la surface, la localisation, l’état du bâtiment et les éléments de son confort. Dans le cas présenté, le facteur qui différencie fondamentalement ces trois logements est la surface. Mais, le prix de l’unité de surface doit être identique pour les quatre appartements puisqu’il s’agit d’une unité de mesure appliquée au même ensemble. C’est, en fait, le prix qu’il faut payer pour avoir un m2 supplémentaire indépendamment de toute autre considération.

Pour les appartements A et B, l'écart de 50 m2 correspond à une augmentation de prix de 500 €. Le prix du m2 supplémentaire vaut donc 10 €. Il se justifie également dans la comparaison des appartements B et C et, par conséquent, détermine le prix recherché. Le prix d'un appartement de 125 m2 pourra ainsi être évalué en partant de celui de 100 m2 soit 1.100 € et en rajoutant 25 m2 x 10 € = 250 €. On obtient ainsi 1.350 € au lieu de 1.357 € trouvé initialement. On notera par la même occasion que l'appartement hypothétique ayant une surface nulle vaudrait : 1.100 € - 100m2 x 10 = 100 €. Ce montant de 100 € résulte de caractéristiques indépendantes de la surface, comme l'emplacement ou la qualité de l'immeuble. Si par exemple dans l'immeuble voisin, qui est plus ancien et mal entretenu, on observe que les loyers pour une surface équivalente sont inférieurs de 40 € à ceux de notre immeuble de référence, on pourra logiquement en déduire que la bonne qualité de l'immeuble vaut par appartement 40 € de plus que la mauvaise. Enfin, si ces immeubles ne présentent pas d'autres caractères particuliers on en déduira que les 60 € restants proviennent à la fois de la qualité du quartier, de la localisation des immeubles dans ce quartier et pour une part, de l’ajustement des observations collectées. A partir d’un échantillon suffisamment représentatif, il sera possible de déterminer le prix à attribuer aux différences de situation de ces appartements et même à la présence d’autres éléments comme un ascenseur ou un parking.

Principes de la méthode hédoniste

Écart de loyer Écart de superficie Loyer / m2 sup.

B-A C-B 500 400 50 40 10 10

Loyer D = Loyer B + 25m2x10 = 1.100+250= 1.350€

Surface nulle --> 1.100 € - 100m2 x 10 = 100 €

Page 201: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

Caractéristiques ValeurSurface : 10 € x 125 m2 1.250État du bâtiment 40Localisation 50Confort + ajustement 10

Total 1.350

La mise en oeuvre de la méthode hédoniste, comme le suggère cet exemple, suppose la possibilité d'observer un nombre d'autant plus élevé de logements (ou de bureaux) que l'on souhaite valoriser un nombre important de caractéristiques et connaître parmi celles- ci, celles qui ont une incidence systématique soit sur le prix du logement quand on étudie le prix des transactions, soit sur sa valeur locative quand on étudie le prix des loyers.

Chapitre 3. Une application en grandeur nature : les loyers de Bordeaux Une équipe de recherche s’est attaché à déterminer sur la ville de Bordeaux la valeur locative des appartements de cette agglomération à partir d’un modèle hédoniste. Le tableau 3.6 en donne les principaux résultats pour l’année 2005.

Valeur des caractéristiques du loyer d’un appartement

Caractéristiques Base Très bonConstante d’ajustement 7,50Surface : prix/m2 8,50Ascenseur 2,402 salles de bains 1,40Parking 2,80Quartier 0 + 39Localisation dans quartier 0 + 22

État du bâtiment 0+ 56

Sur le plan statistique, le modèle présente les particularités suivantes : - Les loyers sont des loyers charges incluses. - La régression linéaire des loyers sur les différentes variables retenues donne pour ce modèle un R2 ajusté de 84,4 %. Cela signifie que plus des 5/6ème de la variance du loyer peut être expliqué par ces variables. - L’ensemble des variables est significatif au seuil de 95% sauf la variable quartier qui l’est à 90%. - La variable quartier a été définie sur une échelle de 1 à 3, par la distance en temps à partir du centre de Bordeaux (place des Grands Hommes, au centre du Triangle d’Or):(très bon) correspond à une distance inférieure ou égale à 10 minutes à pied;(bon) correspond à une distance comprise entre 10 minutes à pied et dix minutes en autobus;(très moyen) correspond à un trajet supérieur à 10 minutes en autobus. - Les variables qualité de la localisation et état du bâtiment ont aussi été mesurées sur une échelle de 1 à 3, mais à partir de l’appréciation faite par les enquêteurs.

Page 202: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

A partir de ce tableau, pour connaître la valeur théorique d’un appartement, il suffit d’appliquer les chiffres donnés. Ainsi un appartement de 100 m2, de standing moyen, sans ascenseur ni parking, avec une situation et une localisation communes doit se louer :prixde100m2x8,50€ = 850€valeur de la constante d’ajustement = 75 €Total = 925 € S’il possède un ascenseur, il faut rajouter 24 €. Si en plus il est situé dans un très bon quartier (+39 €), très bien localisé dans ce quartier (+22 €) et qu’il a été restauré (+56 €) son loyer passera à 1.066 €.

Ces résultats confirment en partie l'opinion des professionnels et donnent des indications précieuses sur la valeur qu'il faut attribuer à leurs estimations. Ainsi, le quartier et la localisation dans le quartier, apparaissent comme des éléments déterminants dans l'élaboration du prix. Il en va de même de l'état du bâtiment, du nombre de salle de bains, de la présence d'un ascenseur ou d’un parking.

Dans l'échelonnement des prix, l’importance de ces caractéristiques est très secondaire comparativement à celle de la superficie de l'appartement. Au vu des résultats obtenus on pourrait écrire, en plagiant la formule consacrée par les professionnels, que les trois critères essentiels pour déterminer le loyer d'un appartement sont: (1) la surface, (2) la surface et (3) la surface. La valeur explicative de l'ensemble des variables retenues - c’est-à- dire les caractéristiques des appartements - résulte en effet, pour plus des trois-quarts de la composante surface. Ce qui signifie que pour le même prix entre un appartement de 80 m2 dans un très bon quartier avec une très bonne localisation et un appartement de 100 m2 dans un mauvais quartier mal desservi et peu commerçant, c'est ce dernier qui emportera malgré tout la préférence. En conclusion, le gros avantage de la méthode hédoniste, qui repose sur le principe fondamental que "ce n'est pas un bien en lui-même qui procure de la satisfaction aux individus mais plutôt les caractéristiques de ce bien ", est de permettre de déterminer le prix d'un bien immobilier en partant des quelques caractéristiques qui, statistiquement, influencent le plus sa valeur, avec une forte probabilité pour que ce prix corresponde à celui du marché. L’hédonisme en économie, c’est suivant le Petit Robert, une « conception de l’économie selon laquelle toute activité économique repose sur la poursuite du maximum de satisfactions avec le moindre effort ». Appliquée à l’immobilier, la méthode hédoniste permet, notamment, de valoriser ces satisfactions afin de sélectionner celles qui demande un effort minimum pour leur obtention. Par contre, il est inutile de vouloir appliquer cette méthode d'évaluation à des appartements dont l'emplacement et la qualité architecturale font que la rareté les apparente plus à une œuvre d'art qu'à un simple immeuble d'habitation et que, ce faisant, ils échappent à toute étude statistique.

Conclusion L’étude de l’approche traditionnelle a démontré que la fiabilité des méthodes d’évaluation immobilière est intimement liée à l’information dont on dispose. L’expertise ne se heurte pas à des obstacles conceptuels mais à des difficultés d’information. L’expert n’est pas neutre vis-à-vis de la diffusion de l’information. En effet, la pénurie d’information handicape l’exercice de sa profession tout en justifiant son existence : rente de situation et rente d’information vont de pair. On comprend alors que la diffusion de l’information, dans une large mesure, reste cantonnée à la sphère professionnelle. Toutefois, le client est l’usufruitier de cette démarche. L’amélioration de la lecture du marché immobilier passe par l’élaboration d’outil d’information. Dans le cadre de l’approche traditionnelle, on a déjà signalé l’importance de la constitution d’une base de données. Cette base sera d’autant plus significative qu’elle s’inscrira dans le temps. Cette vision dynamique est résumée dans la notion d’indice.

L’approche moderne, qui utilise les techniques actuarielles, bénéficie quant à elle des outils développés à partir de l’étude des marchés financiers pour cerner l’évolution prévisible des taux de croissance et des taux d’intérêts. Mais pour compléter son analyse l’expert peut aussi raisonner en sens inverse. Parallèlement à l’évaluation d’un bien en fonction d’anticipations sur le futur, il peut, connaissant le prix proposé à la vente ou celui

Page 203: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

estimé par l’acheteur, déterminer le taux de croissance des loyers et le taux de rentabilité espéré qu’implique chacun de ces prix. Il lui sera alors plus aisé de concilier des intérêts à priori divergents.

La méthode hédoniste, quant à elle, introduit un nouveau système d’appréciation puisqu’elle considère que la valeur d’un bien est fonction de ses différentes caractéristiques ou attributs qui se valorisent de manière indépendante. Il s’agit d’une idée particulièrement novatrice dans la mesure où le bien immobilier n’est pas considéré comme une entité mais comme un ensemble de services qui sont valorisés individuellement par le marché et dont la somme détermine le meilleur prix d’échange. L’intérêt de cette approche est de mettre en évidence qu’une modification d’une caractéristique du bien, emplacement, surface, qualités de la construction, ou tout autre élément, va se répercuter sur le prix.

Avec le développement des techniques de localisation par GPS et d’imagerie satellite via le système GoogleEarth, avec l’utilisation des adresses cadastrales grâce à leur numérisation progressive et le développement des bases de données immobilières, notamment notariales, dans lesquelles les transactions sont indexées par leur adresse, il est devenu possible de comparer avec précision dans un secteur donné, les prix de plusieurs biens dont on a identifié les caractéristiques principales. Il en est résulté, comme c’est déjà le cas sur Paris, mais aussi à plus grande échelle comme pour l’ensemble du territoire helvétique depuis le début des années 2000, la création de cartes valorisant l’ensemble des biens d’une cité, à un moment donné, à partir de l’application de la méthode hédoniste. La généralisation de cette nouvelle technologie qui permet, par régression, de déterminer le prix d’un bien à partir de toutes les dernières transactions connues, qu’il s’agisse de contrats de vente ou de compromis, puis de le positionner sur une carte, devrait progressivement remplacer toutes les méthodes d’évaluation précédemment décrites. Les seuls freins à sa diffusion demeurent, encore pour le moment, les restrictions imposées pour la diffusion du prix des transactions ayant fait l’objet d’un contrat de vente.

Chapitre 4. PORTÉE DE L’IFI

Chapitre 5. INFLUENCE DE LA JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE SUR LA VALEUR VÉNALE

Page 204: DE... · Web view– Les facteurs locaux de commercialité sont l'un des éléments visés par les articles L. 145-33 et R. 145-6 du Code de commerce comme critère d'appréciation

5. LE CALCUL DE LA VALEUR DES PARTS DE SCI