droit institutionnel de l'ue complet

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  • 8/7/2019 Droit institutionnel de l'UE complet

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    Bibliographie : Institutions europennes chez Flammarion de Michel Clapi.

    Jean-Luc Sauron, Cours dinstitutions europennes : le puzzle europen.

    Guy Isaac et Marc Blanqu, Droit communautaire gnral

    INTRODUCTION :

    Union europenne = 27 Etats, sous le coup dune crise majeure dclenche en 2005 par les referenda franaiset nerlandais qui ont refuss que soit ratifi par leurs pays respectifs lun des grands traits de lhistoire europenne,le trait tablissant une constitution pour lUnion europenne. Il avait pour vocation de remplacer un systme peu clair

    par un systme unique et transparent, dinspiration constitutionnelle. A la suite de lchec de ladoption de ce trait,les Etats membres de lUE ont fait un constat : les traits en vigueur devaient malgr tout tre modifis pour que lUE

    puisse fonctionner correctement 27 Etats membres. En effet, ces 27 Etats ce sont mis daccord pour faire en sorteque soit ouvert un processus de modification des traits existants. Ils staient mis daccord pour que ce processus demodification prenne pour cadre les travaux qui avaient aboutis ltablissement dune constitution pour lEurope. Langociation tait donc trs encadre. Ce processus a abouti le 13 dcembre 2007 ladoption dun nouveau traitmodificatif : le Trait de Lisbonne. Il a lui-mme chou sur lcueil du referendum irlandais de juin 2008. Desgaranties pour lIrlande ont alors t promises afin de rassurer le peuple irlandais et lamener voter en faveur duTrait de Lisbonne lors dune seconde consultation rfrendaire (prvue le 2 octobre prochain). Ni lAllemagne ni laRpublique Tchque nont encore ratifi le Trait de Lisbonne. Raisons : prescriptions des droits constitutionnels deces deux pays. En Allemagne, la loi autorisant la ratification du Trait de Lisbonne a t autorise par le Parlement,mais la Cour constitutionnelle a t saisie et a rendu sa dcision en disant quil y avait compatibilit, sauf pour les lois

    qui permettent au Parlement allemand de contrler son gouvernement dans les affaires communautaires. Lesallemands sont en train de modifier ces lois, et le Prsident allemand ne pourra ratifier le Trait de Lisbonne quunefois cette modification acquise. En Rpublique Tchque, il existe une distorsion de majorit politique entre leParlement et le Prsident de la Rpublique. Le Parlement a vot en faveur de la ratification du Trait de Lisbonne,mais le Prsident de la Rpublique a indiqu que lui-mme tait trs attentif au rsultat du referendum nerlandais etne dposerait que la ratification en cas de rsultat positif du referendum irlandais.

    Du point de vue institutionnel, ltude de lUE ouvre un champ juridique relativement complexe, tendu et soustension. Structure, fondements de lUE ? Il existe galement un champ de fonctions de lUE. Reproches lUE dans lechamp de ses comptences. Enfin, cette UE nest pas seule sur les scnes internationale et europenne. Il existe

    plusieurs organisations intertatiques regroupant des Etats europens (Conseil de lEurope, qui a donn naissance un

    systme trs particulier : le systme de la Convention EDH).

    Nanmoins, deux orientations majeures se dgagent galement de cela, elles mettent tout le systme de lUE soustension lheure actuelle : lorientation de llargissement de lUE et lorientation de lapprofondissement de lUE.

    Lorientation dlargissement : elle dsigne la capacit qua lUE stendre, absorber de plus en plus deterritoires au fil du temps grce un processus dtermin par les traits qui constituent cette UE, cest le processusdadhsion. Llargissement est une orientation de lUE depuis les origines. Cette UE a t prcde par laconstruction des communauts europennes (la 1re est la CECA de 1951). Cest une communaut europenne quirpondrait toute demande dadhsion avec ses conditions. Les Communauts, puis lUE ont connu 6 processus

    dadhsion successifs. Depuis lachvement du sixime processus, lUE comporte 27 Etats membres. Elargissement =lensemble du processus, ce processus a des implications en droit institutionnel. Toute nouvelle adhsion suppose desmodifications de lUE elle-mme et de ses institutions. Tout nouvel Etat membre doit disposer de reprsentants danscette UE. Il existe dans les diffrentes institutions des rgles qui prvoient que chaque Etat membre dsigne tel ou tel

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    type de personnalit, cest le cas au sein de la Commission europenne. Llargissement a des consquencesextrmement prcises qui psent sur lUE. Plusieurs observateurs estiment que depuis 51, il ny a pas eu suffisammentdavances significatives en droit institutionnel de lUE pour permettre son bon fonctionnement. Cette orientationdlargissement nest pas acheve puisque tous les pays europens ne font pas partie de lUE (47 Etats membres auConseil de lEurope).

    Lorientation de lapprofondissement : lUE a t cre parle Trait de Maastricht, sign le 7 fvrier 1992,

    entr en vigueur le 1er

    novembre 1993. Ce trait sur lUE (TUE) indique dans son prambule ntre quune nouvelletape dans le processus dintgration europenne engage par la cration des Communauts europennes (alina 2).Alina 13 du prambule : les Etats se disent rsolus poursuivre le processus en crant une union sans cesse plus

    troite entre les peuples de lEurope. Ce processus, cest le processus engag en 1951. Le phnomnedapprofondissement est marqu par une succession de traits, qui au fur et mesure vont permettre de

    progresser vers lunion la plus troite possible entre les peuples de lEurope.La mthode des solidarits defaits ou la mthode des petits pas :R. Schuman lEurope ne se fera pas dans une construction densemble, elle doitcommencer par crer des solidarits sectorielles, et cest laccumulation de ces solidarits sectorielles quidbouchera sur lexistence dune Europe des peuples. . Pour la constitution europenne : certains disent que sonchec est du au fait que lon sest trop loign de la mthode des petits pas. Ltude du droit institutionnel de lUE doit

    prendre en compte les modifications, ce droit nest pas fix. Cest un droit qui doit tre conu pour accompagner unprocessus, une volution. Cest un droit dans lequel on va retrouver des compromis.

    Ces deux orientations ont toujours t conduites de front au fil de lhistoire de lUE, c'est--dire quil y a toujours desinteractions entre ces deux orientations. Cest parce quelle sapprofondit en permanence que lUE connait desdemandes dadhsion. A linverse, il est impossible de concevoir un quelconque largissement sans que ne soit conude manire quasi concomitante un approfondissement de lUE. Ces deux phnomnes place lUE sous tension.

    Site europa pour accder au texte du Trait de Lisbonne. Voir les versions consolides du trait sur lUE et sur lefonctionnement de lUE (= prambules + examiner, comprendre, tudier la structure des sommaires).

    Prsentation rapide des sources du droit institutionnel de lUE :Le coup denvoi de lUE telle quon la connait aujourdhui est le 9 mai 1950, lors dun discours prononc par leministre des affaires trangres franaises (R. Schuman) au Quai dOrsay. Ce discours est un discours bref, cest une

    proposition du gouvernement franais fait au gouvernement allemand, mais galement tous les gouvernements desEtats europens, de crer une haute autorit , cest--dire une autorit intertatique qui va prendre en charge lagestion, le dveloppement dun march conomique sectoriel : le march du charbon et de lacier. Ds ce discours deR. Schuman, il est question de crer une nouvelle entit, qui devra fonctionner conformment des rgles contenuesdans un trait international conclu entre ces Etats. Ce projet est sign le 18 avril 1951 Paris et il va entrer en vigueurle 1er janvier 1952. Il sintitule Trait instituant la Communaut europenne du charbon et de lacier . Ensuite,

    signature Rome le 25 mars 1957 de deux autres traits crant deux nouvelles communauts : la Communautconomique europenne (CEE) et lEuratom (la Communaut europenne de lnergie atomique). Lorsque ces deuxtraits entrent en vigueur le 1er janvier 1958, on est en face de trois communauts distinctes, qui fonctionnent selontrois traits diffrents. Par soucis de rationalisation et parce que les Etats membres de la CECA, de la CEE et delEuratom sont les mmes (la France, lAllemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et lItalie), lesgouvernements de ces six Etats membres ont dcid ds lorigine que ces trois communauts partageront desinstitutions ncessaires leur bon fonctionnement. Les trois traits prvoient lexistence dune cour de justice. Dslorigine, la cour de justice sappelle Cour de justice des communauts europennes (CJCE). Cette cour de justicetravaille avec les trois textes constitutifs des trois communauts. Lassemble parlementaire (instaure par la CECA)est galement commune aux trois communauts. Cette assemble parlementaire est compose dlus nationaux. LaCEE et lEuratom dsignent lassemble parlementaire instaure par la CECA comme comptente pour ces traitsaussi. Mais elle va avoir des fonctionnements (des pouvoirs) qui varient dun trait lautre. Pour que ces trois

    communauts disposent des mmes institutions, il faut attendre 1965 et un autre Trait, dit de fusion des excutifs(entr en vigueur en 1966). On ne peut parler dinstitutions communes qu partir de 1966 (Conseil des ministres et la

    commission).En 1966, on a trois communauts distinctes, nanmoins animes par des organes communs. Au

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    fur et mesure du temps et diffrentes priodes, un certain nombre de rvisions des trois traits vont tre entreprises.A chaque fois, la technique est la mme : en suivant une procdure inscrite dans les trois traits originaires, les Etatsmembres adoptent un nouveau trait (qui est donc un texte unique). Ce texte unique est divis en plusieurs parties, ilconcerne les modifications de trois traits diffrents. Les traits originaires ne disparaissent donc pas, le nouveau trait(modificatif) ne se substitue pas aux autres traits. Cest lActe unique europen. La difficult, cest qu partir delActe unique, les traits modificatifs ont ajout aux communauts, et en dehors delles, des dispositions qui

    permettent aux Etats membres des communauts de dvelopper des politiques et des formes de coopration qui sont

    complmentaires des relations quils ont dans le cadre des communauts. Ce sont des dispositions propres lActeunique. Elles concernent des champs dapplication qui ne sont pas compris dans les communauts (par exemple unepolitique extrieure commune).Il y a donc quatre traits distincts . Cest avec lActe unique quon commence parlerde systme europen. Une tendance saffirme alors de parler de LA communaut europenne (non plus descommunauts europennes). Le trait de Maastricht est la mme chose que lActe unique europen : il modifie lestrois communauts et contient aussi des dispositions qui lui sont propres (cration de lUE). Lavantage, cest que letrait sur lUE se substitue lActe unique dans ce quil avait de particulier. Aprs Maastricht, on est toujours en facede quatre traits : les trois traits communautaires + le Trait de Maastricht. Difficult : le Trait de Maastricht amodifi le nom de lun des traits originaire. La CEE devient la Communaut europenne. Le 1 er novembre 1993,lorsque le Trait de Maastricht entre en vigueur, il existe quatre traits : le trait CECA, le trait Euratom, le trait CE(ancien CEE) et le trait sur lUE (= Maastricht). Article 1er 3 du TUE dispose : lUnion est fonde sur lescommunauts europennes, complte par les politiques et formes de coopration instaures par le prsent trait. Ellea pour mission dorganiser de manire cohrente et solidaire les relations entre les Etats membres et entre les

    peuples. . Cette union, en vertu de larticle 3 du TUE, dispose dun cadre institutionnel unique, qui est dcrit

    larticle 7 du TCE.Le 1er novembre 1993, il y a cration dune UE qui repose sur un pilier central, constitupar les trois communauts, et sur deux autres piliers (la politique trangre et de scurit commune ET lacoopration en matire de justice et daffaire intrieure), qui sont des piliers o se dveloppent des

    politiques et des formes de coopration entre les Etats membres qui viennent complter les communauts.Ces trois piliers de lUE, savoir les trois communauts (= le pilier communautaire), la politique trangre et descurit commune (= la PESC) ET la coopration en matire de justice et daffaire intrieure. Cest une union dun

    point de vue juridique sur 4 traits. Le fonctionnement le plus intgrer de ces institutions concide avec le premierpilier (les trois communauts). Ce sont notamment les relations entre la Commission europenne, le Conseil et leparlement europens qui sont affects pas ses diffrences de fonctionnement.

    A lissue des referenda nerlandais et franais de 2005, lUE est aujourdhui en passe dtre soumise de nouvellesmodifications. Ces referenda ont en effet ouvert une priode chaotique dans le processus de lUE, tant et si bien que

    pendant deux ans, des dbats nombreux et houleux ont anim les Etats membres et les institutions de lunion elles

    mmes. Ces dbats ont pris fin le 23 juillet 2007, lors de louverture dune confrence intergouvernementalecharge dlaborer un projet de trait modificatif. Cette confrence tait contrainte par un calendrier trs prcis,dont lobjectif tait de faire en sorte de modifier les traits avant le dbut de 2009 et les lections du Parlementeuropen prvues en juin 2009. Le 13 dcembre 2007 est ainsi sign par les Etats un trait modificatif (le Trait de

    Lisbonne). Ce Trait a pour vocation de clore la priode de crise ouverte en mai 2005, mais il va chouer sur lereferendum irlandais du 12 juin, et la sortie de crise apparait donc plus longue que prvu. Par rapport laConstitution pour lEurope, le Trait de Lisbonne prsente un avantage : il ne constitue quun nouveautrait modifiant les traits originaires. En juillet 2007, le mandat donn la confrence intergouvernementale esttrs clair, puisque les Etats membres indiquent une limite aux ngociations qui doivent avoir lieu. Ils affirment que leconcept constitutionnel qui consistait abroger tous les traits pour les remplacer par un texte unique appelConstitution est abandonn. Le Trait de Lisbonne ne peut donc que modifier les traits, il ne peut pas les abroger. Lereferendum irlandais ngatif ne constitue donc plus un cueil insurmontable. Il existe des prcdents dans le processusde lUE, puisque le Trait de Maastricht avait lui-mme tait bloqu par un referendum ngatif au Danemark, puisdbloqu. En 2001, le Trait de Nice, qui venait modifier le Trait de Maastricht avait t bloqu par lIrlande, puis

    dbloqu. Le Trait de Lisbonne devrait entrer en vigueur le 1 er janvier 2010 sil est ratifi par lIrlande. Cependant,des incertitudes substituent toujours puisque le Prsident de la Rpublique Tchque a mis des rserves.

    Du point de vu des sources du droit institutionnel de lUE, le Trait de Lisbonne laissera deux traits : le TUE (quil

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    modifie quand mme) et le Trait sur le fonctionnement de lUE, qui est en fait lancien TCE, telquil seramodifi par le Trait de Lisbonne. Il existe tout de mme une diffrence de taille entre lancien ensemble de traitset le nouveau : la modification du 3 de larticle 1er du TUE. La nouvelle formulation prvoit que lunion sesubstitue et succde la communaut europenne. Dans ces conditions, il en sera fini de la Communauteuropenne. Il ny aura plus quune entit : lUE, do la modification du titre du TCE. Le Trait de Lisbonnene se prsente toujours pas comme un aboutissement dans la qute de lunion sans cesse plus troite des peuples. CeTrait de Lisbonne est prsent comme un nouvel approfondissement du processus entam avec le Trait CECA. Pour

    preuve, le prambule du TUE a peine t modifi. Donc, il va sans dire que le principe dapprofondissement napas disparu parmi les contraintes qui psent sur le droit institutionnel de lUE. Donc, il existe une perceptiondu droit tout fait particulire : une place extrmement importante est rserve linterprtation du droit.Cest donc un droit susceptible de sadapter en permanence au dveloppement des objectifs de lunion elle-mme. Malgr les referenda ngatifs franais et hollandais, si les symboles de la Constitution ont disparu dans leTrait de Lisbonne, il ne fait aucun doute que les modifications de fond ont t prserves par le Trait de Lisbonne.Le mandat donn la confrence intergouvernementale de 2007 est bien celui dinscrire dans le Trait de Lisbonnetoutes les innovations, les modifications sur lesquelles les Etats membres taient tombs daccord au moment de lasignature du trait portant dification de la Constitution pour lEurope. Le Trait de Lisbonne reprend donc toute unesrie de modifications prvues en 2005. Du point de vu institutionnel, le champ dtude apparait donc comme

    relativement complexe et plac dans une situation de tension importante. On est en face dun processus multiforme,qui oscille entre deux ples : lapprofondissement et llargissement et que se posent alors des questions que le droitinstitutionnel cristallise lui tout seul. On peut se demander par exemple pourquoi construire et continuer construirelUE. Egalement de quelles institutions et organes, et de quelles comptences cette institution europenne a t dote.On peut se demander comment est-ce quelle fonctionne, de quels moyens disposent-elles et quels types de rapportsont t tablis entre lUE et les Etats membres. Surtout dans quelle mesure cette entit est unique et originale encomparaison dautres entits regroupant des Etats, notamment les Etats europens.

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    CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS DU DROITINSTITUTIONNEL DE LUNION EUROPEENNE.

    Ces fondements sinscrivent dans un mouvement trs vaste dides et de ralisations concrtes qui dmarre lissue de la seconde guerre mondiale et qui prend le nom global de construction europenne.Construction europenne : lorsquelle est utilise, elle est relativement utilise dans un senstroit et ne renvoie donc qu lanalyse de lvolution des communauts europennes. Du coup,on ne parle que de lvolution qui dmarre avec la CECA en 1951 et on insiste surtout sur le phnomne particulier delintgration europenne. Mais lexpression construction europenne renvoie plus gnralement une ralit plus vaste, elle est utilise (ICI) pour dsigner un mouvement dides, et donc dedbats politiques, mais aussi dassociations relles entre les Etats europens. Ltude de laconstruction europenne sattache alors lanalyse de toutes les institutions europennes.

    Cest une dmarche qui prsente lavantage de mettre laccent sur les lments de continuit ou de ruptureinstitutionnels qui marquent le processus propre de construction de lUE. Ces lments sont essentiels puisque cetteUE, partir de 1992, repose sur 3 piliers.

    Lexpression institutions europennes : au sens juridique le plus troit, une institution est une entitconstruite par des sujets de droit, qui sont ses membres, mais cette institution est distinctede ces membres puisquelle a t dote de la personnalit juridique, c'est--dire duneexistence propre. Les institutions europennes sont donc des organisations intertatiques, savoir des groupements organiss dEtats crs sur la base de traits internationaux. Leterme institutions europennes dsigne donc au sens large un sous groupe des institutionsinternationales. Cest une expression rcente qui renvoie au phnomne rcent

    dinstitutionnalisation des relations intertatiques. Les premires grandes organisations internationalessont apparues rellement aprs la WWI et le mouvement a surtout pris de lamplitude aprs la WWII. Or, le continenteuropen peut tre considr, dans ce mouvement dinstitutionnalisation internationale comme le laboratoire de cetteinstitutionnalisation. Le doyen Colliard constate que le phnomne politique qui a domin le continent europendepuis la fin du XVme sicle est celui de lEtat. Mais le XXme sicle semble marquer pour lEurope unrenversement de la tendance antrieure, et de multiples organisations internationales ont t constitues partir de1946 surtout, les ralisations sont multiples.

    Le phnomne dinstitutionnalisation a pris naissance en Europe, alors que cest un continent trs morcel. Malgrcela, cest aussi un continent sur lequel vont se dvelopper de multiples organisations intertatiques.

    Section 1 : Le caractre international des institutions europennes.

    La cration en masse des institutions europennes aprs la WWII nest pas dtachable dune rorganisationplus globale de rorganisation mondiale qui a commence ds 1940. Leur cration concrte se fera aprs la WWII,mais pour rpondre une situation qui aura bien change par rapport celle analyse pendant la guerre, une situationde bipolarit du monde entre les USA et lURSS. Lvolution de ces organisations la disparition du mur de Berlin vamarquer galement en profondeur le phnomne dinstitutionnalisation de lEurope.

    1. Organisation universelle et organisation europenne.

    Ce dbat est un dbat qui va se dvelopper pendant la Seconde Guerre mondiale. La premire ide est quelorganisation internationale est un outil efficace des relations entre les Etats. Une organisationinternationale est un tre cr par un trait entre plusieurs Etats pour grer leur cooprationdans un ou plusieurs domaines et dot dorganes propres chargs de mener une action

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    autonome.

    Lorganisation internationale est par essence une technique du fdralisme international, puisquelle permet de crer

    des liens entre les Etats.Le mot fdralisme sapplique toutes les formes de relation qui comportent un lienentre les sujets de droit. En ce qui concerne les liens entre Etats, il convient de prciser que sopposent un

    fdralisme interne et un fdralisme international: Dans le fdralisme interne, le lien qui unit les Etats est si tnu que les Etats perdent leur souverainet

    et se fondent dans une nouvelle entit unique, qui elle est dote de la souverainet . Le fdralismeaboutit donc la cration de lEtat fdral. Dans le fdralisme international, au contraire, les Etats gardent leurs qualits en dpit de leur

    regroupement. Le fdralisme international soppose donc lEtat fdral par un trait majeur.Le fdralismeinternational suppose une pluralit dEtats souverains regroups selon des rgles et des institutionsquils ont dtermines entre eux.

    Ceci dit, le fdralisme interne peut recouvrir des formes extrmement diffrentes . La plupart du temps, onoppose la forme confdration la forme organisation internationale : lorganisation internationale serait une formule la fois plus primitive et plus labore que la confdration. Lorganisation internationale est plus primitive parce que

    les confdrations ont gnralement des comptences larges, elles sont cres pour grerdes intrts tatiques majeurs (monnaie, scurit, po trangre), alors que lorganisationinternationale serait cre pour prendre en charge un domaine daction beaucoup plusrestreint (navigation fluviale, la sant, le march du charbon et de lacier, le sort des rfugis,). Mais lorganisation internationale serait aussi plus labore quune confdration, parce quelle se caractrise,contrairement une confdration, par des organes propres, dvelopps, hirarchiss, dots demoyens propres, bref dune administration distincte de celle des Etats membres.

    Ces diffrences rsistent peu un examen minutieux de la ralit. Dabord quant lampleur des comptences :les organisations internationales se rpartissent sur une chelle trs vaste de comptences . Dautre part, si

    lon examine le caractre organique, on ne parvient pas dnicher un critre diriment. Certaines organisationsinternationales sont en effet dotes dappareil institutionnel trs dvelopps (UE), mais dautresorganisations (OTAN, AELE) ne sont en ralit dotes que de trs peu dorganes propres et ne dispose quedune minuscule administration indpendante, celle des Etats. Il nexiste donc pas de diffrence de natureentre confdration et organisation internationale. Le dbat serait donc du un dbat terminologique. Confdrationet organisation internationale sont nes diffrentes poques. Il nexiste ainsi pas de diffrence de nature au sens

    juridique. On parle dune confdration lorsquon veut dire que le regroupement dEtatsconstitu est une tape vers le fdralisme interne. On parle dorganisation internationalelorsquon veut sattacher mettre laccent sur la souverainet des Etats.

    La technique de lorganisation internationale est une technique rcente et trs adaptable, mise au servicedobjectifs varis, et susceptible dune multitude de variantes institutionnelles. Le phnomnedinstitutionnalisation internationale aprs la Seconde Guerre mondiale est troitement li aux stratgies des Etatsvainqueurs, notamment pour sortir de la guerre et pour transformer lconomie de guerre en conomie de paix. Lesorganisations internationales sont donc titre essentiel linstrument choisi par les Etats vainqueurs de la WWII

    pour promouvoir un ordre mondial prcis, celui des Etats les plus puissants militairement et conomiquement. Ce

    constat est un constat qui ne suppose pas que cette position des Etats vainqueurs soit une position nouvelle. En fait,cette position des Etats vainqueurs sinscrit dans la continuit de la position prise par les Etats vainqueursaprs la Premire Guerre mondiale.Michel Virally : le Pacte constitutif de la SDN a figur sous forme de

    prambule dans tous les traits de paix lissue de la Premire Guerre mondiale, et en particulier enprambule du Trait de Versailles. Ce Pacte tait donc bien un pilier du rglement de paix en 1919. Du coup, pourtous les acteurs de ce rglement de paix en 1919, la WWI navait pas lvidence dmontr la faillite du systme des

    Etats nationaux.Le modle de lEtat-nation reste le modle primordial.La WWI constituait seulement pour eux le

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    constat que, si les Etats ne soumettent pas des rges lmentaires dans leurs relations, si les Etats nedisposent pas dinstruments adquats pour maitriser les crises, alors la socit internationale encourt desrisques mortels. En 1919 donc, lorganisation internationale (la SDN en particulier) est vue comme un outil

    pour ordonner leurs relations, mais en aucun cas cet outil na vocation se substituer aux Etats. Le Pacte dela SDN na pas t le seul voir le jour cette poque, et cela prouve bien que les vainqueurs de la WWI avaient undessin trs ambitieux dorganisation du monde. Il ne sagissait pas pour eux de se contenter de trouver des rponses au

    problme de scurit. Ce dessin ambitieux est de rapprocher le fonctionnement des Etats pour assurer la paix

    sociale . Il faut se souvenir quependant la WWI, un problme sest pos, celui de lorganisation du monde dutravail (les revendications de la classe ouvrire ). Limportance des problmes du travail en gnral va treressentie pendant la guerre elle-mme en raison de la conclusion de la paix spare par lURSS, issue de la Rvolution

    doctobre 1917. Cet vnement, pour les Etats vainqueurs de la WWI a montr quil existe une relation trstroite entre les problmes sociaux et les problmes politiques, qui se dveloppent lchelle nationale ouinternationale. Mais la cration de lURSS en 1917, cest aussi le constat de la puissance acquise par lemouvement ouvrier international cette poque. Du coup, pour les gouvernements des Etats vainqueurs, la paixsociale doit dsormais tre considre comme une des conditions de la paix internationale. Dans le mme sens, lertablissement dune conomie de march stable exige une harmonisation des conditions de travail entre les

    diffrents pays. De manire pragmatique, on peut considrer ds la fin de la WWI que les organisationsinternationales procdent dune volont dendiguer la Rvolution doctobre 1917 ! Les Etats vainqueurs crent en1919 cot de la SDN une autre organisation internationale : lorganisation internationale du travail, qui fait lobjet

    de la 13me partie du Trait de Versailles. Ce phnomne dinstitutionnalisation se fonde donc sur une volontde rorganiser la socit internationale de telle manire endiguer encore une fois une propositionidologique nouvelle, qui est ne pendant cette Premire Guerre mondiale et dont on veut faire en sortequelle ne stende pas au reste du monde.

    La Seconde Guerre mondiale ne change pas radicalement cette vision des choses. Virali dcrit la situation : Lchecde la SDN na semble-t-il t interprt aucun moment par les hommes qui gouvernrent les Etats

    engags dans la guerre, y compris par Staline, comme un chec de lorganisation internationale en tant quetelle, qui aurait du conduire rechercher dans une autre direction les moyens dtablir et de garantir unepaix durable aprs la victoire . Limmdiate aprs Seconde Guerre mondiale va au contraire voir stoffer lenombre dorganisations internationales. On va adjoindre une nouvelle orientation, c'est--dire que lon va faire ensorte de crer cot dorganisations universelles, gnrales ou sectorielles, des organisations rgionales, ellesaussi sectorielles ou gnrales. Tout va se drouler pendant la WWII. A Washington, tout un monde se proccupe, linstar de ce qui se passe Londres, et de la guerre et de lavenir de la plante, et de lEurope aprs le conflit. Ds1940, va tre lance au sein du Dpartement dEtat amricain une large discussion officielle, qui doit nourrir la pensedu Prsident des USA, sur le point de savoir quel ordre international sera mme de garantir aprs guerre la place

    politique des USA qui corresponde sa puissance conomique. Roosevelt utilise comme argument essentiel de fournir

    au Congrs un plan de paix au profit des Amricains. Au sein du Dpartement dEtat : Les tenants dun ordre de construction universelle avec la cration des NU, au sein duquel les USA

    affirmeraient leur leadership,

    Les hommes dinfluence qui souhaitent constituer un ordre international rgional, avec des zonesdtermines o ils pourraient exercer leur influence. Les tenants de lordre rgionalis, en particularit des

    personnalits europennes exiles aux USA ou des personnalits restes Londres ou des personnalits sur leschamps de bataille, vont souhaiter des institutions proprement europennes.

    Ds 1943, la question de lorganisation de lEurope face aux prtentions de Staline et aux choix de Roosevelt va sereposer.

    Dans le dbat au Dpartement dEtat : On retrouve dabord et avant tout Winston Churchill. Il a trs tt formul des propositions, notamment au

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    Dpartement dEtat, qui visaient faire en sorte que les intrts de son propre gouvernement soient

    particulirement bien dfendus. Sa vision daprs guerre est trs marque par leszones dinfluence et donctrs favorable un rapprochement continental, c'est--dire sans le RU, ce qui permettrait au RU se

    simposer comme un interlocuteur oblig entre les USA et cette Europe continentale. Il est ainsi lorigine de la cration dune organisation Washington : Union now, qui visait promouvoir unrapprochement entre les USA et le GB.

    Jean Monnet : Franais, qui au dpart est un homme daffaire (cognacs). Puis il est entr en politique en

    France et en 1939, la demande du gouvernement franais, il part en GB pour tenter de mettre en place laconfdration franco-britannique, de telle manire pouvoir organiser leffort de guerre entre la France et leGB contre Hitler. Il est Londres au moment o la guerre se dclenche et ds que le Gnral de Gaulle arrive Londres, il le contacte pour laider former la rsistance. Monnet refuse mais accepte une place au sein delorganisme qui prend en charge leffort de guerre britannique. Cest lorganisme qui va mettre en placetoutes les relations entre les USA et la GB. Il part ensuite aux USA et devient lun des animateurs trs

    dynamique du Victory Program. Il devient lun des hommes cl du Dpartement dEtat tel quen 1943,Roosevelt le choisit pour tre son missaire et aller rencontrer de Gaulle Alger, pour dfendrelide dun plan daide amricaine la reconstruction de lEurope et la vision amricaine dunouvel ordre international. Accueil trs froid de de Gaulle. Jean Monnet est lartisan majeur des positions

    que le gouvernement franais adoptera partir de 1947 sur la question de la construction de lEurope. Monnetforgea son ide de lUE quand il tait aux USA.

    Richard Coudenhove-Kalergi : personnage n Tokyo la fin du XIXme sicle, parents diplomates.Double nationalit franco-autrichienne. Il a t trs marqu par le chaos qui a suivi leffondrement austro-hongrois. Il dfend lide de la grande Europe et publie en 1926 un trait dans lequel il affirme que

    lEurope ne serait se concevoir que comme une confdration et non une fdration intgre. Cestsur la base de cet ouvrage quil va tre associ la discussion au Dpartement dEtat. Il sinstalle NY dsaout 1940. Jusqu la mort du Gnral de Gaulle, il entretiendra une correspondance suivie, qui influencera le

    Gnral de Gaulle dans ses dcisions.Il est face Jean Monnet.

    Les dirigeants des grandes entreprises dans des secteurs cls (lectricit ou nergie).

    Cette discussion se droule en parallle une discussion Londres. Londres abrite pendant la guerre tous ceux quicomptent :

    Le belge Paul-Henri Spaak: n la fin du XIXme sicle Bruxelles. Il est avocat, va sengagerpolitiquement. En 1938 il devient le chef dun gouvernement socialiste en Belgique. En 1939, il est ministredes affaires trangres. Cest lui qui va dfendre lide que seule la neutralit pourra sortir son pays du conflit.

    Echec, il sexile donc Londres et modifie ses positions. Ses positions vont devenir le dcalque presqueexact des conceptions de Roosevelt. Il mise sur les NU, il ne conoit une Europe unie que si elle esttroitement lie aux USA.Il devient en 1946 le 1er Prsident de lassemble gnrale des NU. De 1949 1951, il sera la tte de lassemble consultative du Conseil de lEurope, puis partir de 1952 il prsideralassemble consultative de la CECA. De 1957 1961 : OTAN.

    + des personnalits qui nont pas pu sexiler, mais qui pseront sur lide europenne ds la fin de la WWII car ellessont arrives construire leur propre vision de lEurope : Robert Schuman, Alcide de Gasparri et ConradAdenauer. A lpoque de laccession dHitler au pouvoir, toutes ces personnes sont des lus dans leur pays. Du coup

    ils vont tre soit arrts soit inquits du rgime nazi. Ils vont tous les trois schapper et trouver refuge auprsde lEglise catholique (Vatican ou monastres). Tous les trois aprs la guerre vont tre lorigine du renouveaude parti politique et vont occuper immdiatement des postes gouvernementaux importants. Cest pour cela quon

    parle dune Europe des dmocrates chrtiens.Selon Michel Clapi, on peut dire de Schuman qu la vision

    technocratique de Jean Monnet, il ajoute une dimension mystique propre provoquer la sympathie delEglise catholique.

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    Au-del de ces personnalits isoles, il se trouve aussi que plusieurs mouvements de rsistance ont trs ttrflchi sur lEurope daprs guerre :

    o Le groupe Combat (Henri Frnet) qui a publi en juillet 1942 un texte intitul Manifeste pour lEurope.

    o Le mouvement des italiens (Altieros Pinelli) en 1941, Manifeste pour une Europe libre et unie, le Manifeste

    de Ventotene.

    Les projets de construction europenne ne manquent pas aprs guerre. Nanmoins, les institutions europennesdont il est question, aussi bien que les organisations universelles, ne sont pas conues comme desalternatives aux Etats. Il sagit au contraire de prolonger les intrts des Etats travers la cration de nouvellesentits leur service.Le principe est celui du fdralisme au sens gnral du terme, celui de lassociationvolontaire. En particulier pour les projets des institutions europennes, il y a quand mme une volont sous-jacentede limiter le morcellement du continent, et la volont terme de crer en Europe une entit qui soitcomparable celle des Etats-Unis. Cette volont est situe dans le champ de la reconstruction conomique delEurope, puisquen ralit dans toutes les rflexions que lon peut analyser, on saperoit que ce nest pas tant le

    modle de lEtat qui est remise en cause que sa taille en particulier sa taille conomique. Les Etats europens ne

    seraient ainsi plus de taille affronter les ncessits des relations conomiques internationales qui sedessinent dans limmdiate aprs guerre. Dpendance extrme de lEurope vis--vis en particulier des Amriques.Deux grandes tendances se font jour :

    Une tendance qualifie de tendance unioniste, avec Churchill en tte de fil. Dans un premier temps, les Etatssouverains doivent se reconstruire, puis ils se lacent dans des cooprations renforces par rapport lentredeux guerre. La technique est alors de constituer un cadre, c'est--dire une organisation intertatique lchelle europenne.

    Une tendance qui va dfendre un fdralisme beaucoup plus pouss, la tendance fdraliste. Dans cettetendance, la reconstruction des souverainets des Etats telles quon les a connues entre deux guerre ne pourra

    pas tre ralise aprs la Seconde Guerre mondiale. En mme temps que lon reconstruira lconomie desanciens pays europens, il apparait la ncessit de construire une organisation europenne qui prenne encharge un certain nombre de capacits de ces Etats. Certains acteurs (notamment les dmocrates chrtiens)estiment qu terme, ces organisations vont parvenir longue chance se substituer aux Etats.

    En ralit, il est assez difficile de classer les diffrents projets dfinitivement dans lune ou lautres de ces deuxcatgories, car chaque projet est le fruit dinfluences multiples, et quils vont voluer dans le temps sous la pressiondes vnements trs nombreux et brutaux et qui vont agiter la scne internationale comme la scne europennes dansles 5-6 annes qui suivront la fin de la guerre. Lorganisation internationale rgionale, au sens dun outil, dunetechnique, dun instrument sous-tend tous ces projets. La technique utiliser pour les raliser est donc toujours la

    mme : il faut crer une organisation intertatique europenne.

    2. Limprieuse ncessit dorganiser lEurope.

    Lide europenne sest renforce pendant la WWII, donc immdiatement aprs la guerre on a une multitude deprojets qui ont vus le jour, mais il faut souligner que la construction europenne concrtement mise en uvre est

    largement le fruit de contraintes externes lEurope. Dabord, elle est le fruit de lantagoniste Est/Ouest, quivoit le jour avant mme la fin de la Seconde Guerre mondiale (Confrence de Yalta), mais aussi duncertain nombre de ractions prcises, tant des USA que de lURSS.

    Du ct des USA :Doctrine du containment (Truman) ds 1946-1947.LURSS de son ct va dployer toute une srie de moyens, en particulier de moyens de conqutes poursimplanterdans la majeure partie du continent europen pour construire une Europe sous sa domination.

    Du 4 au 11 fvrier 1945 se tient donc la Confrence de Yalta . Pendant une semaine, Churchill, Roosevelt et Staline

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    se runissent et abordent toutes les questions relatives la sortie de guerre. Concrtement deux questions se posent :la fin de la guerre avec le Japon et le sort de la future Allemagne. Le monde nest alors pas encore partag endeux blocs dinfluence mais les occidentaux vont accepter le rle de Staline dans les territoires librs par lArme

    rouge. Cest donc la Confrence de Yalta que lon prend acte que lEurope centrale et orientale estdsormais sous linfluence exclusive du rgime sovitique. Toutes les interventions de Staline consistent poseren principe que chaque puissance (lURSS et les USA) finira par imposer son systme politique l o elle exerce lecontrle militaire. De fait, de 1947 la fin de la GF, lEurope sera divise en deux blocs et va se retrouver au centre

    dun affrontement indirect entre les deux superpuissances. Cette GF se dclenche trs rapidement, elle atteint sonpremier moment fort ds 1948, lors du Coup de Prague (prise de contrle de la Tchcoslovaquie par lURSS) et dublocus de Berlin. Par ailleurs, lt 1949, les sovitiques font exploser leur premire bombe atomique, ce qui vientconsolider la puissance de lURSS. Cette situation nest pas du tout imprvue, Churchill lavait prvu et ds le 5 mars1946, dans son discours de Fulton, il sera le premier parler publiquement de linstauration dun rideau de fercoupant dsormais lEurope en deux.

    Ainsi, les fondements politiques de lUE aujourdhui doivent tre recherchs dans la construction europennequi marque lEurope de lOuest. La construction europenne telle quelle avait t conue pendant la guerre vasenrichir de nouveaux objectifs dans limmdiate aprs-guerre (viter une guerre Est/Ouest). Jean Monnet (retourn

    aux USA en 1948) fait rfrence leffort amricain dans une lettre quil a crite R. Schuman.La constructioneuropenne est marque dans un premier temps par un engagement des USA trs important, il souhaite alors

    un regain dindpendance pour lEurope. Plus exactement, sil ne faut pas nier la ncessit de construire une Europede lOuest, c'est--dire arrime aux USA, il faut nanmoins rflchir un type dorganisation, une fdration delOuest , qui concide avec un effort proprement europen . Monnet prend acte que des difficults importantesseront surmonter (difficults politiques). Il est difficile de considrer que du jour au lendemain puisse tre construiteune fdration de lOuest, il envisage donc une construction europenne tale dans le temps. La dclaration deSchuman intervient un an seulement aprs la convention qui porte statut du Conseil de lEurope (en octobre 1949), cesont donc les rseaux de Churchill qui avaient gagns, puis les rseaux de Schuman qui reprennent lavantage.

    Cette imprieuse ncessit de reconstruire lEurope va donc tre dcline sur la base de trois principes :

    Faire triompher lalliance atlantique Faire triompher lconomie de march

    Faire triompher la dmocratie librale.

    Ces trois principes vont alors tre dclins concrtement.

    1. Faire triompher lalliance atlantique.

    Dans limmdiate aprs guerre, contrle direct (Etats baltes) ou indirect (dveloppement de partiscommunistes trs puissants- Bulgarie, Roumanie, Pologne) de lURSS en Europe de lEst.

    Dans lEurope de lOuest, les partis communistes ont gagn en puissance (ministres communistes enFrance). En 1947, la Grce et la Turquie, pourtant sous contrle de la GB vont se retrouver dans dessituations extrmement dlicate de gurilla, alimentes par les partis communistes de ces pays. La GB, enfvrier 1947, se dclare officiellement hors dtat de sopposer efficacement ces rebellions internes. Les USAragissent immdiatement en laborant la fameuse politique du containment (= doctrine Truman du 12 mars 1947).

    Cette politique rpond aux positions adoptes par Staline depuis Yalta. Elle va consister reconnaitre lexistencedu rideau de fer et engager les USA dans lorganisation dune aide massive lEurope de lOuest. Le

    Congrs amricain entrine la doctrine Truman en mai 1947 et une aide (y compris militaire) est envoye auxmouvements anticommunistes en Grce et en Turquie. Les USA sont par ailleurs davis quil faut cote quecote arrimer lAllemagne dans son ensemble lEurope de lOuest, que cest le seul moyen de faire piceaux prtentions sovitiques. A cette poque l cependant, la GB et la France ne vont pas demble accepter les

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    positions amricaines sur la question allemande. Du coup, la France et la GB dcident de signer un trait bilatraldalliance : lUnion occidentale. Ce trait sera sign Dunkerque en mars 1947. Ce trait prvoit une assistancemilitaire en cas de menace dagression ou dagression de la part de lAllemagne. Du coup, est organise en novembre

    et dcembre 1947 une confrence Londres qui va runir les quatre puissances qui occupent lAllemagne pourrgler en particulier la question allemande et la question autrichienne. Les accords vont se multiplier au coursde cette confrence, notamment sur la question des rparations de guerre dues par lAllemagne, de la dmilitarisation

    de lAllemagne et de lAutriche, des frontires orientales de lAllemagne et de lAutriche. Les dsaccords avec

    lURSS vont tre tels que le gnral Marshall va dcider de mettre en place une aide militaire amricaine globale contre le danger sovitique. Cette confrence de Londres va dboucher sur une modification desconditions franaises et britanniques et sur le fait que leurs politiques de dfense, dorganisation de la situationdaprs-guerre, doivent se dtacher de la menace allemande pour se concentrer sur la menace sovitique. Constructionrapide dune organisation de dfense occidentale, c'est--dire transatlantique. La politique de containment anotamment t cre pour contraindre les franais et les britanniques largir le trait occidental, pour organiserlEurope au plan militaire.

    Ce mouvement dinfluence est en particulier relay et soutenu par trois pays qui sur la scne europenne ont toujourst considr comme petits pays : la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. En 1944, ce sont les premiers

    conclure un trait instituant le Benelux, union vocation conomique, mais qui prfigure en quelque sorte lapossibilit pour les Etats europens de constituer une entit spcifique sur la scne internationale, aprs avoirdtermin prcisment des intrts communs. Ce trait du Benelux a t sign le 5 septembre 1944 et prvoyaitdentrer en vigueur que le 1er janvier 1948. Leurs gouvernements taient Londres, donc priode transitoirencessaire pour reconstruire chacun des trois Etats. Les pays du Benelux vont trs largement soutenir les pressionsamricaines sur la France et la GB. Ils pensent que le Trait de Dunkerque est obsolte car la WWII a dmontr quilfaut des traits multilatraux. De plus, ils pensent que lEurope ne peut pas se construire sans eux. Cest donc sous cescontraintes et pressions diverses que la GB et la France vont accepter de passer une tape supplmentaire parrapport au Trait de Dunkerque et dlaborer puis conclure le Trait de Bruxelles portant cration de lUnionoccidentale.Ce Trait sera sign le 17 mars 1948 entre la France, le RU, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-

    Bas. Cest un trait spcifique dans lhistoire de la construction europenne car, bien que toutes ses racines soient puiser dans les volonts de dfense commune de lEurope, ce trait est un trait global, gnraliste, pas seulementun trait de dfense. Son intitul est rvlateur : Trait de collaboration en matire conomique, sociale etculturelle, et de lgitime dfense collective . Collaboration renforce entre les 5 Etats europens considrs, dans desdomaines divers, bien plus largie que la simple question de lalliance dfensive.Dans ce trait, les Etats signatairesse disent rsolus confirmer et dfendre les principes dmocratiques, liberts civiques et individuelles, lestraditions constitutionnelles et le respect de la loi, qui forment leur patrimoine commun . Les Etats indiquentgalement quils entendent faire obstacle toute politique dagression, en particulier prendre les mesuresncessaires en cas de reprise dune politique dagression de la part de lAllemagne . Ce trait a galement unecaractristique : il est ouvert. Les Etats signataires se disent rsolus associer progressivement leurs efforts dautresEtats europens sinspirant des mmes principes et anims des mmes rsolutions. LUnion occidentale a donc

    vocation progresser, accueillir de nouveau Etats, mais des Etats adhrant aux principes qui fondent lUnionoccidentale. Cest le premier trait vritablement multilatral, premier trait de la construction de lEurope delOuest dans limmdiate aprs-guerre. On peroit dailleurs trs bien la volont de combattre toute politiquedagression, ce qui vise lURSS. Ce trait porte cration galement dune entit intergouvernementale : lUnionoccidentale. Elle dispose lorigine dune structure institutionnelle trs sommaire, constitu par un seul organe : leConseil consultatif permanent. Ce conseil regroupe les ministres des affaires trangres des pays membres, ses

    runions ont lieu quand il y a besoin. Le caractre permanent de ce Conseil est assur par un comit install Londres, comit qui runit une fois par mois au moins un reprsentant du Foreign office, ainsi que lesquatre ambassadeurs des autres pays membres auprs de la GB. Ce Comit est dot lieu mme dun secrtariatassez lger mais compos de fonctionnaires internationaux, c'est--dire que ce secrtariat nest pas fourni par des

    membres de ses Etats membres. La structure institutionnelle ne suppose donc pas de la part des Etats membres degrands investissements , il sagit de structure de coopration intertatique (ministres des affaires trangres,autorits politiques). Mme dans le comit, ce sont des diplomates qui interviennent, donc des reprsentants de

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    lautorit politique. Trs vite cependant, cette Union occidentale va devoir se concentrer sur les questions de dfense,du coup sera adjoint au Conseil consultatif un Comit militaire charg dassurer la coordination des armes, et dslt 1948, lUnion occidentale va installer Fontainebleau un Etat major commun aux 5 membres de lUnion, tatmajor complt par un comit conomique et financier. Ce comit conomique et financier est charg dtudier toutesles questions relatives la mise en place dune production intgre entre les 5 Etat membres dquipement militaire.

    Dans le mme temps, deux vnements majeurs : Coup de Prague (25 fvrier 1948) et blocus de Berlin (mais-juin1948). Ces vnements vont changer toutes les perceptions que les Etats europens et les USA se faisaient de lareconstruction de lEurope daprs-guerre. La politique des USA va tre inflchie significativement : le 11 juin 1948,le Snat amricain autorise le gouvernement amricain en temps de paix conclure des alliances militaires en

    dehors du continent amricain.Les trois zones dopration occidentales Berlin vont alors tre unifies. Lestrois occupants dcident dorganiser dans cette zone occidentale des lections pour une assemble constituanteallemande et doter cette Allemagne de lOuest dune monnaie commune : le Deutschemark. Le 23 juin 1948, lessovitiques proclament Berlin partie intgrante de lURSS et organisent le blocus de la partie occidentale de la ville.Les Amricains dclenchent lorganisation dun plan de ravitaillement arien. Ce blocus ne sera lev quen mai 1949.Du coup, les perspectives de la question allemande ont t modifies, y compris pour la GB et la France, parlagression de lURSS. A lissue du blocus de Berlin, lAllemagne est dj coupe en deux. On prend conscience queles forces de lUnion occidentale sont parfaitement insuffisantes pour apporter une quelconque stabilit militaire face

    lURSS. La division de lEurope est consomme, on a la sensation que lEurope occidentale va se dissoudre dansune vaste rgion de lAtlantique nord.Le 4 avril 1949, cest dailleurs Washington quest sign le trait dallianceatlantique qui regroupe les 5 pays membre de lUnion occidentale, les USA, le Canada, lItalie, la Norvge,lIslande, le Danemark et le Portugal. Il sagit dun pacte classique dautodfense et de coopration en matire de

    dfense. Le Trait de Washington marque la dcision amricaine de prendre en charge la dfense delEurope dans le contexte particulier de sa division. Ce Trait va tre soumis rude preuve relativement vite : le25 juin 1950 sera dclenche la guerre de Core qui va conduire les allis rviser ce Trait. Il sest en effet fait

    jour dune ncessit criante : une organisation intergouvernementale qui puisse peser sur cette situation de conflitatypique. La guerre de Core, cest le dbut de la GF, mais cest aussi le conflit qui va permettre que soit adopt leTrait dOttawa en septembre 1951, qui vient rviser le Trait de Washington pour doter lAlliance atlantique

    dune organisation de lAtlantique nord : cest lacte de naissance de lOTAN.Ce trait dOttawa superpose,dans le cadre de lOTAN, une organisation militaire intgre une organisation civile sommaire (leConseil de lOTAN).

    Les premires organisations de la construction europenne sont donc essentiellement suscites pour organiser ladfense de lEurope occidentale. Larticle 3 du Trait de Bruxelles dispose par exemple que les hautes partiescontractantes associeront leurs efforts pour amener leurs peuples une comprhension plus approfondie des

    principes qui sont la base de leur situation commune . Larticle 1er du mme trait est consacr la cooprationconomique des pays signataires, coopration conomique conue comme une coordination des activits conomiquesen vue d en porter au plus haut point le rendement par llimination de toute divergence dans leur politique et par

    le dveloppement de leurs changes commerciaux . Preuve directe que la construction na jamais lorigine tconue comme une construction sectorielle. Ds le dpart, on est dans une rencontre de volonts diplomatiques decrer une organisation globale. Nanmoins, cette Union occidentale porte en elle-mme les signes de la vanit de son

    existence (= son existence est vaine). Cest un Trait paradoxal car il est ambitieux, il donne une perspectivedunion globale, et qui pourtant contient en lui-mme ds lorigine toute une srie dlments qui font

    penser que cest un trait qui ne va servir rien.Ce Trait de lunion occidentale fait allgeance souvent auConseil de Scurit de lONU. Aux plans conomique, social et culturel, cest pareil : impression de grandesambitions, mais on saperoit que ds larticle 1er (relatif la coopration conomique), il est prvu que cettecoopration conomique de lUnion occidentale ne fera pas double emploi avec lactivit des autres organisationsconomiques, nentravera en rien leurs travaux, mais apportera au contraire laide la plus efficace lactivit de ces

    organisations.LUnion occidentale se prsente donc comme une organisation subsidiaire ds lorigine. Elle nestpas pense comme devant constituer le socle de la construction europenne, mme si cest le premier trait. Cestparce que, en effet, dans la mme priode, un autre objectif de la construction europenne va se dvelopper etmobiliser toutes les nergies, cest un objectif trs pragmatique, qui surgit trs rapidement dans le contexte de

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    limmdiate aprs-guerre : faire triompher lconomie de march en Europe. Cest donc la deuxime orientation quiva venir sajouter et se dvelopper avec la ncessit de construire lEurope de la dfense.

    2. Le principe visant faire triompher lconomie de march.

    En 1945, lissue de la WWII, les Etats europens sont presque compltement dtruits du point de vu conomique :les productions industrielles et agricoles sont quasi inexistantes. Il faut tout importer : la nourriture, les produitsnergtiques, les machines. Il ny a pas beaucoup exporter : les USA doivent eux-mmes prendre en charge leur

    passage dune conomie de guerre une conomie de paix. UN avantage : ncessit pour les USA et lEurope elle-mme de se reconstruire conomiquement dans les dlais les plus brefs pour reconstruire lordre conomique

    mondial.Du coup, remettre en place lchelon mondial lconomie de march est lun des objectifs qui vavenir alimenter la politique du containment cot des objectifs militaires. La reconstruction conomique estconue comme un lment du containment, comme un moyen de sopposer lextension de la zone dinfluencesovitique. Dailleurs, le Gnral Marshall (ministre des affaires trangres amricain) propose ds le 5 juin 1947, lorsdun discours lUniversit dHarvard, un plan daide conomique lEurope. Ce plan daide lEurope consiste enun plan daide globale, qui suppose justement que les pays europens se rassemblent au sein dune institution, laquellesera charge de la gestion collective de cette aide amricaine. Concrtement, la proposition de Marshall (plan

    Marshall) est un plan daide conditionnelle, soumise la cration dune organisation intergouvernementale,

    laquelle devra valuer les besoins en Europe, indpendamment des valuations nationales, et cest elle quilappartiendra de dterminer les actions mener avec laide amricaine.En mme temps, cette proposition delaide conditionnelle est paradoxale : elle est conditionnelle, les USA posent la ncessit de construire uneorganisation europenne, et en mme temps elle dit aux pays europens de se dbrouiller eux-mmes. Le

    plan Marshall a t propos lensemble des Etats europens en 1947. Coup diplomatique gnial : oblige lURSS prendre la responsabilit du refus de cette proposition, ce que les Amricains ont parfaitement anticip. Le refus delURSS intervient le 2 juillet 1947, les motifs avancs tournant essentiellement autour de la question allemande, endisant que cette aide remet en cause le principe de rparation des dommages de guerre pour lAllemagne. Le PlanMarshall devient alors une opration proprement occidentale, seuls les pays de lOuest vont sorganiser entre eux pour

    pouvoir en bnficier.

    Pour rpondre la proposition amricaine, les gouvernements franais et britannique vont organiser Paris uneconfrence sur la coopration conomique europenne. Tous les pays de lEurope occidentale vont y participersauf lEspagne, du 12 juillet au 22 septembre 1947. Rsultats : inventaire des ressources et des besoins, ainsi quuncalendrier. Les europens se sont ainsi engags ne plus avoir besoin daide en 1952 , et faire en sorte de

    progresser dans la voie de lunit conomique. Dans le mme temps, le Congrs amricain, qui vote les crdits accorder au plan Marshall se prononce en particulier le 3 avril 1948, pour prvoir un grand march intrieur, sansfrontire douanire, lexemple des USA. Du coup, situation tonnante : des Etats souverains europens,conscients de leurs intrts, organisent une confrence, sengagent sur la voie dune future cooprationconomique, tout a sous le contrle politique amricain. Les europens sont trs diviss sur les moyens mettre enuvre pour rpondre aux demandes amricaines :

    Pour les britanniques, il fallait mettre en place une organisation temporaire (car ils ne doivent plusavoir besoin de laide en 1952).

    La France et lItalie, linverse (car Monnet, De Gaspari), dfendent lide dune intgration conomiqueforte et durable, mettant en uvre les principes du libre change. Les Franais et les Italiens dfendent mme lidede la mise en place dune union douanire.

    En 1947, on dcide donc de faire entrer en vigueur une partie seulement dun trait labor pour mettre en placelorganisation internationale de commerce, donc signer le GATT.Il existe un article dans le GATT qui autorise les

    Etats organiser entre eux des unions douanires. Lide est de crer une union douanire, c'est--dire quen

    signant un trait, substituer un territoire douanier unique aux diffrents territoires douaniers des Etats membresde cette union douanire. Donc entre eux, les diffrents membres de lunion douanire font tomber toutes les

    barrires douanires, entre les diffrents Etats membres, les marchandises circulent librement (=zone de librechange). Mais EN PLUS (pour que ce soit une union douanire), les Etats de cette union dcident dlaborer en

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    commun un tarif douanier qui sapplique aux frontires extrieures de lunion. Les britanniques sopposent cetteproposition italienne et franaise. Ils sy opposent politiquement pour pouvoir conserver un rapport particulier avecles USA, et pour une raison plus commerciale, qui est lexistence dun systme dchange qui leur est propre, leCommonwealth. Ils estiment que la GB pratique une srie de prfrences commerciales, et ne peuvent donc pasrentrer dans une union douanire europenne.

    Les pays du Benelux eux sontfavorables lunion douanire, mais ils refusent de se retrouver avec uneunion douanire avec seulement la France comme grande puissance, ils veulent la GB.

    Les pays scandinaves souhaitent sorganiser entre eux sur le modle du Benelux.

    Le rapport final du 22 septembre de la Confrence de Paris ne peut aboutir qu formuler des dclarations dintentionvues les divergences. Il propose un pole dtude dunion douanire europenne. Ce rapport confirme la mise en

    place du Benelux. Il contient galement un projet de coopration des trois pays scandinaves, et une dclarationfranaise proposant de former une union douanire avec tous les pays qui le dsirent, en sachant que lItalie et laFrance dcident de renforcer leur coopration conomique.

    Problme : la diplomatie amricaine est furieuse de constater que leur exigence majeure (= crer une organisation pour grer le plan Marshall), navait pas t particulirement prise en compte. Les Amricains exigent donclaffirmation quune organisation sera cre, ce que le rapport final du 22 septembre confirme. Le principe de lacration dune organisation est act par la Confrence de Paris. Un groupe de travail est mis en place.

    Ce groupe de travail amne llaboration dune convention, signe Paris le 16 avril 1948 qui instituelorganisation europenne de coopration conomique (OECE). LOECE regroupe lAutriche, la Belgique, leDanemark, la France, la Grce, lIrlande, lIslande, lItalie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvge, lePortugal, le RU, la Sude, la Suisse, la Turquie et les trois commandements militaires des zones doccupation enAllemagne. Le Trait de Paris portant cration de lOECE est un trait de compromis, certains gouvernementsauraient voulu que lorganisation soit plus autonome envers les Etats (France : quel sera le degr dindpendance duSecrtaire gnral de lOECE ?). Le RU a exig que lorganisation soit contrle et anime par un organe strictement

    intergouvernemental, le Conseil des ministres, qui reprsente tous les Etats membres et qui dcide lunanimit. Tousles petits pays dEurope taient particulirement soucieux de dfendre leur souverainet, donc il na pas t trsdifficile pour le RU de les convaincre. Finalement, cest donc la vision britannique qui lemporte : lOECE reoit unestructure institutionnelle de simple coopration intergouvernementale, nayant que trs peu dautonomie par rapport ses Etats membres. Lorgane central est le Conseil des ministres, les dcisions du Conseil sont adoptes lunanimit, ce sont nanmoins des dcisions, elles engagent donc les Etats membres. Du coup, un systmerelativement nouveau est mis en place pour essayer de contrebalancer cette exigence dunanimit :

    En gnral, lunanimit offre a contrario un droit de veto nimporte quel Etat qui dciderait de se mettreen rupture de cette unanimit. Quand on lance une organisation regroupant autant dEtats que lOECE, fixer une rgledunanimit est dangereux, surtout quand il existe des divergences entre les membres. Systme mis en place :

    lorsquun gouvernement nest pas daccord, il est possible que la dcision soit applique par les pays qui eux sontdaccord. Le Trait empche quun gouvernement qui ne serait pas daccord oppose son veto, il propose lEtat desabstenir. Du coup, du point de vu juridique, la dcision nengage que les gouvernements qui se sont prononcs enfaveur de la dcision. Cette technique est inscrite dans le Trait. Au moment o lon cre lOECE, on veut que

    lorganisation puisse fonctionner malgr la rgle de lunanimit. Le Conseil des ministres est assist par unComit excutif restreintet par des trs nombreux comits techniques thmatiques : un Comit fiscalit,un comit commerce extrieur, un comit spcialis dans la balance des paiements, un comit mainduvre, et toute une srie de comits plus sectoriels, chargs dexplorer les possibilits de mettre en placedes politiques communes aux Etats (comit nergie, comit sidrurgie, comit chimie). Ces diffrents comits

    sont composs defonctionnaires nationaux dtachs des Etats

    . Ces comits peuventinviter des experts

    pour lesassocier leurs travaux. Lorganisation comprend aussi un secrtariat qui organise la permanence de lorganisation.A lorigine, il est compos de fonctionnaires nationaux fournis par les Etats, nanmoins le Trait de Paris prvoit queces fonctionnaires, une fois dtachs ne peuvent recevoir dinstructions que de lorganisation. Lune des missions

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    premires de ce secrtariat est de mettre en place un statut de fonctionnaire international et des procdures de

    recrutement adquates. On est en face dune nouvelle organisation europenne, dote dune structureintergouvernementale, structure institutionnelle plus labore que celles mises en place dans le cadre desorganisations militaire. Cette OECE a jou un rle important dans la gestion et la rpartition du planMarshall, mais ce rle doit nanmoins tre qualifi de limit du point de vu de lobjectif dintgrationconomique expose par certains Etats lors de la Confrence de Paris. LOECE a essentiellement permis auxdiplomates et fonctionnaires des pays membres de se rencontrer. Elle a fourni un cadre la discussion permanente,

    un cadre relativement nouveau car ce ne sont pas seulement les diplomates qui se rencontrent, mais galement desfonctionnaires nationaux. Ces fonctionnaires sont particulirement qualifis. En ralit du coup, ce sont des

    habitudes qui sont enclenches dans le cadre de lOECE, des habitudes de consultation tous les niveaux desautorits publiques dans les diffrents Etats membres. L o lOECE ne va jouer quun rle excessivementlimit, cest dans la construction de ce que le Snat a appel plusieurs reprises : un march conomique europenintrieur sans frontire douanire. Il na pas t possible lOECE de mettre sur pied une quelconque uniondouanire, ni mme une vritable zone dchanges europenne. La France et lItalie cependant, ont continu

    progresser dans leur coopration, notamment prise dans la Confrence de Paris, et ces ngociations poursuivies aprsla cration de lOECE ont dbouch le 26 mars 49 sur un Trait de lunion douanire sign par les ministres desaffaires trangres des deux pays (Schuman pour la France) . Du coup entre ces deux pays, tous les obstacles au

    commerce ont t progressivement supprims selon un calendrier et il tait prvu galement quune union conomiquese ralise lchance de 6 ans, union conomique supervise par un Conseil de lunion douanire mis en place entreces deux pays. Mais ce trait dunion douanire na en ralit jamais t mis en uvre puisque les dbats deratification de ce trait en France ont t bloqus par la commission des affaires trangre franaise. Cette expriencefranco-italienne explique pour quelles raisons lItalie se joindra ds lorigine dans le cadre la prparation du projetde CECA.

    Laide amricaine est rpartie avec lOECE, elle accueillera lAllemagne puis lEspagne (1959), elle entrine enquelque sorte le droit de regard amricain sur ces travaux en confrant aux USA et au Canada un statut

    dobservateurs.Elle sera transforme dans les annes 60 en OCDE (organisation de coopration et de

    dveloppement conomique).De fait, elle perd son caractre dorganisation europenne stricto sensu. Onconstate que se superposent dans limmdiate aprs-guerre deux objectifs majeurs, qui rpondent descontraintes extrieures et internes lEurope. On saperoit galement que diffrents projets de constructioneuropenne se confrontent en permanence et que par contre coup, des traits trs diffrents sont ngocis etque de multiples techniques de la coopration intertatique sont mises en place grce ces premireorganisations. Se dveloppe alors, de manire superpose ces deux premires orientations, une troisimeorientation, qui est moins officielle, pas du tout tatique ou diplomatique. Elle va se dvelopper dans le cadre derelations internationales prives, qui va regrouper des personnalits, qui sont des personnalits qui restent trsattaches lide dune construction europenne propre lEurope, trs attaches aux ides dveloppes pendantla guerre. Ces personnalits parses souhaitent orienter la construction europenne dans une nouvelle voie : letriomphe de la dmocratie librale.

    3. Faire triompher la dmocratie librale.

    Du 7 au 10 mai 1948 : le Congrs de lEurope, qui est une vaste confrence qui va rassembler ~800 dlgus enprovenance de la plupart des pays dEurope occidentale la Haye, aux Pays-Bas. Cest laboutissement dunregroupement de personnalits qui souhaitent faire triompher leur vision de lEurope, qui affirment le faire en dehorsde linfluence des vnements qui se passent en Europe.

    En ralit, les choses commencent sorganiser partir de 1945-46. Cest une poque o de nombreuses initiatives semettent en place pour donner corps la plupart des projets qui se sont dvelopps pendant la guerre.

    Le premier, cest Winston Churchill : il est dgag des contingences lectorales ds 1946. Le 19 septembre1946, il est invit lUniversit de Zurich, cest au cours de cette dclaration quil met en avant la ncessit duneconstruction politique de lEurope. Il faut un remde qui, comme par miracle, transformerait entirement la

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    situation et, en lespace de quelques annes, rendrait toute lEurope aussi libre et heureuse que lest aujourdhui laSuisse. Nous devons difier une sorte lEtats-Unis dEurope, le premier pas sera de constituer un Conseil delEurope . Ide que toute construction de lEurope occidentale ne peut se faire que dans la perspective derunifier terme lEurope toute entire. Limpulsion que donne Churchill dans ce discours, cest lide que mme silon doit constater en 1946 que lEurope ne pourra pas chapper une division durable, il ne faut pas selon lui penserque lEurope de lOuest va se dissoudre dans la zone atlantique. Il faut au contraire construire cette Europe de lOuest

    pour lui permettre de constituer dans lavenir le socle dune runification de lEurope. Churchill renverse ainsi la

    tendance,pour lui, si lon doit construire lEurope cest parce quil faudra de toute faon runifier lEurope dansle cadre dorganisations occidentales, c'est--dire dorganisations qui fondent et dfendent la dmocratie librale.Ce qui est essentiel pour lui cest de dfendre les rgimes politiques encore en place en Europe occidentale. Cediscours nest pas prch dans le dsert pour autant, parce qu lpoque, mme sil sagit de mouvements trs peuimportants en nombre, il faut bien constater quun peu partout dans les Etats europens, on voit se constituer desgroupes qui couvrent peu prs tous le spectre des opinions politiques, sauf le communisme, et qui tous vont tenterdorganiser une partie de lopinion sur la question de lunit europenne. Diffrentes organisations vont finir par

    sunir en 1947 pour constituer le Comit international de coordination des mouvements pour luniteuropenne.Ce Comit ne regroupe pas des organisations qui ont beaucoup dadhrents. Ces groupes ne sont quetrs rarement associs des partis politiques. Ces individus sont plutt des chefs dentreprise, des hauts

    fonctionnaires, des lus, des responsables politiques importants avec portefeuilles ministriels. Ce nest pas unmouvement de masse. Il ne sagit en aucun cas dorganisations structures. Ce sont trs souvent desassociations de fait, elles nont pas de statut au plan juridique. La premire action de ce Comit cest dorganiser un

    congrs (confrence internationale) La Haye, qui prendra le nom de Congrs de lEurope. Lobjectif de ce projetde congrs est triple :

    Le premier est de prouver lexistence dans tous les pays libres dEurope des mouvements dopinion en faveurde lunit europenne (objectif paradoxal parce que les membres de ce Comit sont des mouvements trs

    petits).

    Le deuxime objectif est de discuter les enjeux de lunit europenne, discuter concrtement, c'est--direproposer des solutions concrtes pour raliser lunit europenne.

    Le troisime objectif du congrs est de proposer une organisation pour que lunit europenne soit promuedans tous les pays europens, et quune influence puisse sexercer sur les gouvernements pour dboucher surla cration dune organisation europenne concrte.

    8000 personnes La Haye, plusieurs anciens Prsident du Conseil franais, presque 70 ministres en exercice ouanciens ministres, de trs nombreux lus parlementaires (plus du quart des personnes prsentes). Majorit de franaiset anglais, mais aussi allemands, belges, italiens, quelques rpublicains espagnols, personnalits de lEurope de lEsten exil. Malgr la volont de faire un congrs europen, de trs nombreux observateurs amricains. NotammentKonrad Adenauer, Spinelli, Churchill, Franois Mitterrand. Aucune de ces personnalits ne dispose dun mandat,c'est--dire quaucun dentre eux ne reprsente une organisation (syndicale, politique) dite de masse. Ils sont

    nanmoins des dlgus : ils reprsentent une multitude dassociations, plus ou moins importantes, engages dans unmouvement de construction europenne.

    La plus importante de ces associations est Union now (Churchill), 1500 membres. Finalement, les dlgus, surtoutparce quil sagit de personnalits publiques, ne reprsentent queux-mmes et sont trs attachs au cours desdiscussions dterminer linfluence quils pourront avoir une fois rentrs chez eux dans les diffrentes enceintes

    politiques auxquelles ils participent. Les questions se sont concentres sur le point de savoir sil y a possibilitdobtenir la ratification de certains traits ou avoir une orientation de la politique gnrale dont ils font partidans la construction europenne. En ralit, ce Congrs nchappe pas la tension Est/Ouest qui se dclare

    prcisment la mme poque.

    Il nest plus question de parler de lunit de lEurope abstraitement, se fera jour dans ce Congrs la peur de lautrepartie de lEurope. Ce qui va peser dans les discussions, ce sont toutes les avances des liens avec les USA. La date duCongrs, cest aussi une date qui permet de faire un certain bilan des mises en uvre du Plan Marshall et ce premier

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    bilan va jouer un rle majeur dans la teneur des discussions. En France, la vague de nationalisations de 46-47, dans lecadre du Plan Marshall (tablissements bancaires) a rvl de nombreux clivages politiques. Du coup, cest comme silide europenne avait chang de camp. Notamment Jean-Marie Domenac a crit en novembre 1948 dans Esprit Lefdralisme europen tel quil sexprime par ses mouvements et ses leaders ne postule pas la transformationconomique de lEurope. Les mesures conomiques du Congrs de La Haye visent donner davantage daise aucapitalisme europen. On poursuit la revanche des nationalisations sur le plan europen, pas national. .

    Jusquau Congrs de La Haye, les mouvements de la construction europenne sinspiraient de lhumanisme en tantque thorie, qui traversait la plupart des courants politiques engags dans la reconstruction, et cet humanisme staittraduit sur la scne internationale par des textes fondateurs (DUDH, Charte des NU). Cet humanisme est abandonnau cours du Congrs de la Haye, o lon voit se dvelopper au fur et mesure des 3 jours de discussion, des positionsqui entendent faire barrage un certain nombre de positions des Etats et de mesures prises par les Etats au plannational. Les Etats qui par exemple dans limmdiate aprs guerre ont tent de mettre en place des mesures

    protectionnistes vont se voir opposer la ncessit dune construction dune Europe du libre change. Ceux qui ontnationaliss des entreprises se voient oppos le droit la proprit lchelon europen. Dans tous les cas, laconstruction de lEurope, qui du point de vu des politiques, avait t dlaisse par la catgorie des oprateursconomiques, la construction europenne redevient un cheval de bataille pour toutes ces personnalits. Du coup,lorigine mme du Congrs de La Haye, cest faire triompher la dmocratie librale. Alors quau dpart, sous

    linfluence de Ren Cassin, Churchill, la dfense des valeurs politiques et donc constitutionnelles des Etats libres delEurope tait centrale. Aufur et mesure des discussions, cest la question conomique qui est centrale. Troisrsolutions seront alors adoptes lissue du Congrs :

    Cration dune union conomique et politique pour assurer la scurit, lindpendance conomique et leprogrs social,

    Convocation dune assemble parlementaire consultative dsigne par les gouvernements nationaux.

    Elaboration dune Charte europenne des DH et la cration dun Cour EDH pour faire respecter la Charte.

    Ces trois rsolutions expliquent en partie la multiplicit des organisations europennes qui vont voir le jour. Chacune

    dentre elles tant charge de mettre en uvre une partie seulement de ces trois rsolutions. Le rsultat majeur duCongrs a t de constater lclatement des orientations qui peuvent prsider la construction de lEurope . Cenest pas un Congrs consensuel, il narrive pas dgager une rponse centrale : proposer des solutions concrtes pourla ralisation dune construction europenne.

    Ces rsolutions contiennent cependant des ides nouvelles (assemble parlementaire consultative). Lide de la miseen place dun Cour EDH est galement perue comme une ide novatrice et dclenche des questions quant lamanire de contraindre les Etats, de permettre laccs des citoyens cette Cour. Le procs de Nuremberg a mis enexergue la prdominance des souverainets des Etats au sein de la Cour (do cette volont de crer une Cour EDH).Ces solutions ne sont pas mises en perspective de manire cohrente, elles ne dbouchent pas la proposition dune

    organisation unique.Suite au Congrs de La Haye, (2 mois aprs), Georges Bidos (ministre des affaires trangres franais) va inviter sescollgues du Trait de Bruxelles pour donner suite aux propositions du Congrs de La Haye. Lide est de crer la

    proposition dune assemble parlementaire europenne. Ceci car il y a la possibilit de charger cette assembleparlementaire de fixer les choix europens. Bidos est remplac par Schuman. La Belgique, par Paul Henri Spaak,va reprendre la proposition de Bidos.

    Spaak va se confronter au RU, qui va prconiser une coopration intergouvernementale stricte, ne laissant lassemble parlementaire quun rle consultatif, refusant que la construction europenne dmarre par la runion

    dune assemble parlementaire europenne. Cration dun Comit dtudes pour lUnion europenne, constitue

    de reprsentants des Etats membres du Trait de Bruxelles. Son objectif est dexaminer les mesures prendre envue de raliser une union plus troite entre les peuples dEurope. Dans ce Comit vont siger par exemple Blum,Paul Rnaux, Guy Mollet (supplant), pour les autres pays ce sont souvent diplomates, donc les positions de principesont acquises pour les pays autres que la France.

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    Les 27 et 28 janvier 1949, les 5 Etats engags dans ce Comit parviennent un compromis : construire un Conseilde lEurope, compos dun Comit ministriel qui se runira en priv et dun corps consultatif dont les runions seront

    publiques. Compromis : mettre en avant une organisation anime par un Comit ministriel, donc anime par unorgane intergouvernemental, qui se runira en priv, donc ses runions relvent de la diplomatie au senstraditionnel. Cest ce Comit ministriel (= Comit des ministres) dailleurs que devront tre donns tous les

    pouvoirs dcisionnels. Mais certaines concessions ont t faites pour les plus fdralistes (les petits pays du Benelux etcertains dlgus franais) : on leur accorde lexistence dun corps consultatif qui pourra tenir des runions publiques,

    et il est sous-entendu quil pourrait tre compos dlus (pas en accord avec le RU), il est dit quil sera compos dlusindpendants, libres de leur vote.

    Cest sur cette base que vont tre labors ensuite les statuts du Conseil de lEurope. Le Chapitre 1 er des statutsindique dans ce grand esprit de compromis que le but premier du Conseil de lEurope est de raliser une union plustroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idaux et les principes qui sont leur patrimoinecommun et de favoriser le progrs conomique et social. Le Trait sera sign Londres le 5 mai 1949, au SaintJames Palais. Sign par dix pays.

    Lun des autres objectifs est defavoriser leprogrs conomique et social. Ce statut, par ailleurs, est rellement untrait constitutif dorganisation international car il nvoque aucun moment lide de fusion des souverainets des

    Etats. Il sagit de crer une organisation intergouvernementale, internationale. Ce statut cest une mise en uvredun certain nombre de solutions institutionnelles dbattues lors du Congrs de La Haye. Au cours de la crmonie de

    signature du trait, il ne fait aucun doute que lorganisation qui vient de voir le jour est vraiment une organisationoriginale, susceptible de prendre en charge, terme, lunion du continent europen tout entier. Le Conseil delEurope est une organisation qui est rellement perue comme un effort proprement europen pour construirelEurope. Lord Bevin : Ce Trait trouve aujourdhui sa forme dfinitive : nous assistons pour la premire fois surnotre vieux continent la naissance dune institution dmocratique commune .

    Le camp franais a obtenu des points, puisque ds lorigine, le Conseil de lEurope est dot dune institution

    spcifique : une assemble parlementaire, compose dlus des diffrents parlements nationaux. Ce statut

    sign le 5 mai 1949 est entr en vigueur le 3 aout 1949, aprs que 7 pays ont ratifi le trait. Parmi les pays qui ontratifi le plus rapidement le trait ne figure pas la France, qui ne ratifiera le trait que le 4 aout 1949. Ce Conseil delEurope va commencer ses travaux ds la fin-aout 1949. Sur une proposition de Lord Bevin, il fixe son sige Strasbourg, alors la ville symbole de la rconciliation franco-allemande. Le Conseil de lEurope labore en particulier

    une premire convention, qui est la Convention EDH. Elle est signe Rome le 4 novembre 1950, peine un anaprs la constitution du Conseil de lEurope et entrera en vigueur le 3 septembre 1953. Cette Convention EDH estremarquable : Elle est la premire uvre commune des Etats membres du Conseil de lEurope. Elabore au sein du

    conseil des ministres du Conseil de lEurope. Examen attentif de lassemble parlementaire, qui a donne desrecommandations au conseil des ministres, ceci en toute rapidit (moins dun an).

    Sur le fond, cette Convention est peu originale : elle se prsente elle-mme comme une transposition lchelle europenne de la DUDH, que lassemble gnrale des NU a adopt en 1948 + transposition desdiffrentes constitutions des Etats membres.

    Elle est particulire dans le champ des traits internationaux : elle met en place un mcanisme de contrlede lapplication de la Convention qui est tout fait original. Cette Convention donne naissance deuxinstitutions, qui vont tre charges de vrifier que les Etats membres respectent bien concrtement, dans leurordre juridique interne, les diffrents droits et liberts nonces par la Convention. Ces deux institutions ce sont

    la Commission europenne des DH et la Cour EDH. Ces institutions sont des institutions de laConvention EDH, pas du Conseil de lEurope. La Convention EDH a t labore dans le cadre du Conseil

    de lEurope, prvu par le trait constitutif du Conseil de lEurope. Mais cest cette Convention qui cre la Couret la Commission europennes des DH. Donc, le Conseil de lEurope est une organisation europennecre par les Etats, et dont lune des premires missions est de favoriser la conclusion de traits

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    europens entre les Etats europens. Les Etats europens qui font parti du Conseil de lEurope ont dcidde mettre en place des procdures pour laborer des traits entre eux en matire conomique. Le Conseil delEurope est donc considr comme une machine fabriquer des traits . Plus de 100 traits europens(conventions) ont t labores par le Conseil de lEurope. Mais ces conventions labores dans la cadre du

    Conseil de lEurope doivent tre ratifies par les Etats pour quils soient obligs par elles. Les Etats membrespeuvent donc parfaitement participer llaboration dune convention, mme la signer, mais tantque la convention naura pas t ratifie par un Etat, elle nest pas obligatoire pour cet Etat.

    Dailleurs, la France par exemple na ratifie la Convention EDH quen 1974, alors quelle a participactivement son laboration en 1949-50 (car toujours peine de mort en France, et refus que les individusvictimes de violation de leurs droits puissent saisir la Cour EDH). Le texte du trait contient toujours unedisposition qui indique les conditions pour quil entre en vigueur. Les traits multilatraux prvoient souventque le trait multilatral ne peut entrer en vigueur que si un certain nombre de conditions sont remplies. Pour letrait du Conseil de lEurope, il tait indiqu que 7 ratifications taient ncessaires pour que le trait entre envigueur.

    Le Conseil de lEurope sest mis au travail rapidement. Le 9 mai 1950, Robert Schuman prononce, dans le salon delhorloge du Quai dOrsay Paris un discours, qui vient complter cette construction europenne dj entame, demanire tout fait originale. Schuman propose de crer une Communaut europenne sectorielle (CECA). Ce qui estremarquable est que ce terme de communaut va tre immdiatement rattach une nouvelle forme dorganisationinternationale, que lon va appeler lorganisation supranationale. Mais que surtout, ce terme de communaut varenvoyer dans tous les esprits une mthode institutionnelle tout fait spcifique, qui doit structurer cettecommunaut et la rendre irrversible. Schuman propose donc de crer une nouvelle organisation, qui renvoie quelque chose de trs diffrent de ce qui a t fait depuis la fin de la guerre. Cette organisation doit tre qualifie desupranationale, et en plus repose sur une mthode institutionnelle particulire, qui doit aboutir au caractre irrversiblede cette organisation = la mthode de lengrenage (ou de Monnet).

    3. Institutions europennes et droit institutionnel du processus de lUE.

    Jean Monnet, Mmoires : Pendant que jtais Washington en 1948, fut tabli la Convention appele OECE, il vitla faiblesse congnitale dun systme qui ne dpassait pas le stade de la simple coopration intergouvernementale.Article 14 ruinait toutes les chances dune organisation internationale pour lEurope. Lide que 16 pays souverainscoopreront effectivement est une illusion. Seule la cration dune Europe de lOuest permettra dempcher laguerre. . On voit que les rflexions qui vont amener la conception dune autre Europe sont trs anciennes chezMonnet. Ds quune organisation est cre, Monnet sattache dtailler les mcanismes institutionnels, les critiqueret en faire part aux responsables politiques, en particulier de la France. On peroit trs bien plusieurs choses. Dune

    part, que Monnet est compltement dans la volont de se servir de la technique dorganisation internationale pour

    construire lEurope. Mais, selon lui, il doit sagir dune organisation internationale particulire. Ce quil critique cestle fait que lOECE ne va permettre que la coopration entre Etats. Il ajoute que ce serait une coopration entre 16 Etatssouverains, ce qui est trop. Donc, il faut opposer la coopration un autre mcanisme, qui doit viser plus que la

    coopration, les institutions dintgration. Les solutions institutionnelles sont au centre dune rflexion intense eton va finir par distinguer les organisations de coopration et dintgration.

    A. Coopration sectorielle et coopration vocation gnrale.

    Difficult concilier la coopration sectorielle et la coopration vocation gnrale.

    Les organisations de coopration sont des superstructures, des entits institutionnelles qui

    regroupent les Etats. Elles sont cres pour favoriser la coopration, c'est--dire la coordination descomportements et des politiques de leurs Etats membres sur la scne internationale. De manire trs exceptionnelle,ces organisations de coopration parviennent promouvoir des actions collectives de ses Etats membres. Elles yarrivent parfois par leurs moyens propres, mais de toute faon, le consentement des Etats est toujours requis dans

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    ce type dorganisation.

    Exemple : le Conseil de lEurope, qui est un moyen pour les Etats de discuter de sujets prdtermins par le traitconstitutif de lorganisation, moyen pour les Etats de coordonner leurs positions, et dlaborer ensemble du droitinternational, des traits. Mais le consentement des Etats est toujours requis.

    Tout repose sur un accord de volont entre les Etats. Les organisations de coopration ne portent donc pasatteinte la structure classique des relations entre Etats souverains. Elles permettent seulement aux Etats de mieux

    remplir leur rle face des problmes dont ils ont dcid pralablement quil sagit de problmes communs. Cest surce type dorganisation internationale que ce sont ports les premiers choix oprs pendant et juste aprs la SecondeGuerre mondiale. Ces choix ont t dclenchs au point de vu international (ONU), comme au plan rgional,notamment en Europe (OTAN, OECE, ). Ce qui frappe nanmoins en Europe cest que les Etats ont eu beaucoup dedifficults trancher entre crer des organisations sectorielles ou crer des organisations vocation gnrale.

    Une organisation internationale de coopration est un outil dont les Etats dterminent la comptence. Du coup,puisque ce sont les Etats qui dcident de ce que vont pouvoir faire ces organisations, le champ de ces organisationspeut tre plus ou moins spcifique. Certaines organisations de coopration vont permettre une coopration trs large,dans tous les domaines. Dautres au contraire vont tre limites un seul secteur dactivit ou plusieurs secte