et si le gaz israelien changeait la face du moyen-orient

ET SI LE GAZ ISRAÉLIEN CHANGEAIT LA FACE DU MOYEN-ORIENT ?

Roland Lombardiin Frédéric Encel, Gaz naturel, la nouvelle donne ?

Presses Universitaires de France | « Hors collection »

2016 | pages 71 à 86 ISBN 9782130732587

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SECONDE PARTIE

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Et si le gaz israélien changeaitla face du Moyen‑Orient ?

Roland Lombardi

Jusqu’aux années 2000 et la découverte d’impor‑tantes poches de gaz au large de ses côtes, Israël étaitl’un des pays les plus dépourvus en ressources natu‑relles commercialisables. En effet, les sous‑sols del’État hébreu ne recèlent pas de minéraux précieuxet encore moins d’hydrocarbures. Seuls de la potasseet des phosphates étaient exploités, les hydrocarburesétant intégralement importés, principalement par voiemaritime, à des coûts très élevés en raison des prixcroissants du transport (obligation de contourner leblocus arabe)1. Ainsi, depuis le début des années 1950et après des décennies de prospections infructueusesd’hydrocarbures sur son territoire, l’État hébreu a

1. Frédéric Encel, Atlas géopolitique d’Israël, Paris, Autrement, 2008,p. 42.

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vécu en état de stress énergétique permanent du faitd’une consommation importante et toujours crois‑sante1. C’est la raison pour laquelle, lorsque au débutde l’année 2000 un consortium israélo‑américain,dirigé par la société texane Noble Energy, découvre aularge d’Ashkelon un premier gisement gazier (Mari‑B, 28 milliards de mètres cubes), la « malédictionisraélienne » en matière énergétique semble prendrefin. En 2004, l’État hébreu devient officiellement unproducteur de gaz naturel.

Après de nouvelles découvertes importantes en 2009(Tamar), 2010 (Léviathan), puis 2011 (Sarah, Myra,Gabriella, Yitzhak, Tanin, Dolphin), les réserves israé‑liennes de gaz atteindraient aujourd’hui 1 200 mil‑liards de mètres cubes, et l’État hébreu serait en passede devenir une puissance gazière de premier plan.

Ces découvertes peuvent alors très bien paraîtrecomme une véritable aubaine, mais elles peuventaussi être de nouvelles sources de tensions et de dis‑cordes dans une Méditerranée orientale si convoitée.Toutefois, selon les choix des responsables israéliensmais aussi des dirigeants arabes, elles pourraient aussi,davantage que le « mirage du printemps arabe », modi‑fier positivement et en profondeur toute la physiono‑mie du Moyen‑Orient.

1. David Amsellem, « Découvertes gazières en Méditerranée orientale :enjeux et perspectives d’Israël », in Frédéric Encel (dir.), Perspectivesénergétiques, Paris, Ellipses, 2013, p. 27‑35.

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Quels changements pour Israëldans les domaines socio-économiqueset sécuritaires ?

Au printemps 2013, après donc plus de quatre ansde forage, les premiers litres de gaz naturel liquéfiéproduits par Israël, provenant du champ de Tamarsitué à environ 90 km à l’ouest de Haïfa, ont com‑mencé à couler.

Pour l’économie et la société israélienne, c’est untournant majeur puisque l’exploitation de ce gisementfournira une indépendance énergétique à l’État hébreupendant au moins vingt ans. Ainsi, le gaz israélien sou‑tiendra la production d’électricité, permettant alors defaire baisser progressivement les prix en se substituant àun diesel et un mazout coûteux, polluants et importés.

Cette petite révolution permettra aussi d’augmen‑ter la compétitivité d’Israël par rapport aux industriesétrangères et d’améliorer les recettes de l’État au fur età mesure que les redevances sur le gaz commencerontà être perçues. Par conséquent, si la tradition de baissedes impôts quand l’économie va bien est respectée, lescitoyens israéliens risquent fort de bénéficier aussi decette nouvelle manne financière.

Néanmoins, le champ gazier de Tamar (280 mil‑liards de mètres cubes de gaz et dont l’exploitationrevient à trois sociétés israéliennes et une américaine,Noble Energy) ne commencera à remplir les caisses del’État que fébrilement. Ce n’est qu’avec le gisement de

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gaz de Léviathan, beaucoup plus important (450 mil‑liards de mètres cubes) et qui sera, lui, activé en 2017,que l’opération deviendra alors fort intéressante. À luiseul, ce dernier pourrait, en effet, satisfaire la demandeisraélienne (toujours en hausse) jusqu’en 2030, tout enconservant une réserve correspondant à vingt années.

Cependant, cette aubaine énergétique sur le planintérieur, et qui laisse entrevoir une indépendanceénergétique prochaine de l’État hébreu, va aussi néces‑siter de nouvelles missions pour la marine israélienne,considérée jusqu’ici comme le parent pauvre de Tsahal.Outre ses traditionnelles missions de défense des côtesisraéliennes, du blocus des littoraux palestinien et liba‑nais (interception des navires ravitaillant en armes leHamas et le Hezbollah, mais aussi des « flottilles dela paix » tentant de se rendre à Gaza), du déploie‑ment de sous‑marins chargés du renseignement et dutransport des nageurs de combat, la marine va devoird’ores et déjà développer sa stratégie pour protéger lesnouvelles plates‑formes offshore à la valeur hautementstratégique1.

Israël exportateur de gazRécemment, une étude prévoyait que 47 % du gaz

découvert pouvait être consacré à la consommationintérieure et les 53 % restants, revendus à l’export.

1. Pierre Razoux, « Tsahal sur tous les fronts. L’armée israélienne dansl’incertitude stratégique », Focus stratégique, juillet 2013, n° 45.


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Deux marchés peuvent alors s’ouvrir au gaz israé‑lien : l’Europe et l’Extrême‑Orient. La voie vers l’Eu‑rope transiterait peut‑être via la Grèce et Chypre, quia elle‑même fait une découverte majeure à l’automne2011 (Aphrodite, 200 milliards de mètres cubes). Lesdeux pays se sont d’ailleurs rapprochés de l’État hébreuces dernières années. Les découvertes israéliennes ayantfait naître un partenariat énergétique entre les troispays qui a très vite évolué vers une véritable et nou‑velle alliance stratégique (accord de coopération mili‑taire israélo‑grec signé en septembre 2011, exercices etentraînements en commun et signature entre Jérusa‑lem et Nicosie d’accords de défense pour la protectionde leurs plates‑formes de forage en janvier 2012).

En outre, ces projets d’exportation du gaz israélienvers l’Europe ne peuvent qu’interpeller la Russie, prin‑cipal fournisseur des pays européens. Parallèlement àson grand retour au Moyen‑Orient et à ses très bonnesrelations avec l’État hébreu1, Moscou souhaite bienévidemment « s’imposer dans une région à l’importantpotentiel gazier et faire prévaloir ses intérêts dans lesprojets d’exportation du gaz israélien vers l’Europe2 ».Ainsi, le géant russe Gazprom a tenté, et tente encore,d’intégrer le marché israélien de l’énergie, mais lesdirigeants américains de Noble Energy y sont plutôt

1. Roland Lombardi, « La politique russe en Méditerranée et au Moyen‑Orient : impasse ou pragmatisme ? », 17 février 2013. En ligne : http://www.jfcconseilmed.fr/files/13‑02‑17‑‑‑Lombardi‑La‑politique‑russe‑en‑Mediterranee‑et‑au‑Moyen‑Orient.pdf2. David Amsellem, op. cit., p. 33.


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réticents… Les dirigeants russes peuvent toutefoiscompter sur leurs très bons rapports avec Chypre pourintégrer la zone économique exclusive chypriote enespérant acquérir les droits d’explorer les concessions.

L’autre voie pour le gaz israélien vers l’Europe pour‑rait aussi passer par la Turquie, qui a l’avantage d’êtreplus proche que la Grèce, d’autant plus que les relationsavec l’État hébreu se sont apaisées, sous la pressiondes États‑Unis (dernière visite du président Obama enIsraël en mars 2013). Cependant, malgré la crise éco‑nomique qui touche la Grèce et Chypre et qui pourraitentraver la mise en place des infrastructures d’éventuelsgazoducs, les responsables israéliens souhaiteraient pri‑vilégier l’option grecque et chypriote1 car ils n’ont plusconfiance en la Turquie depuis l’épisode de la flottilleen mai 2010, qui avait fortement refroidi l’« alliance »israélo‑turque. Enfin, le rôle trouble et les positionsambiguës d’Ankara envers les groupes djihadistes dansles guerres en Syrie (nombreuses accusations sur un« soutien » turc du Front Al‑Nosra lié à Al‑Qaida) eten Irak (achat de pétrole à l’État islamique) ont ausside quoi rendre méfiants les responsables israéliens…

Quant à l’exportation vers l’Extrême‑Orient et lespays asiatiques, où la demande ne cesse de croître, ilest impossible pour Israël de faire passer un pipelineà travers le Moyen‑Orient. Ce serait alors par tankers

1. Ce qui coïnciderait d’ailleurs avec la politique israélienne de rappro‑chement et de coopération militaire avec la Bulgarie, la Roumanie, laSerbie et l’Albanie, mais aussi avec ses très bonnes relations avec l’Azer‑baïdjan, l’Arménie et la Géorgie.


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que le gaz devrait être exporté, après avoir été liquéfié(en Égypte, par exemple). Les deux débouchés mari‑times envisageables sont le canal de Suez et Eilat, lacélèbre station balnéaire israélienne sur la mer Rouge.La voie égyptienne pourrait sembler plus pratique pourl’État hébreu, mais même si l’arrivée au pouvoir dumaréchal al‑Sissi a mis fin aux instabilités politiques etaux tensions en Égypte, les dirigeants israéliens préfére‑raient finalement contourner cette voie pour privilégierle port d’Eilat, qui vit essentiellement du tourisme etqui pourrait alors également devenir une plate‑formed’exportation pour le gaz.

Israël, acteur économique régionalincontournable

Cependant, d’autres débouchés commerciaux pour‑raient peut‑être se trouver pour Israël chez ses plusproches voisins. Si le projet peut sembler pour l’instantsurréaliste et osé, le défi n’en est pas moins intéressantet tout compte fait envisageable.

Ainsi, alors qu’en 2011 les livraisons de gaz d’Égypteà Israël avaient été brusquement interrompues aprèsun certain nombre d’attaques qui avaient endommagéles gazoducs du Sinaï, l’État hébreu pourrait supplan‑ter demain son ancien fournisseur et devenir aussi unexportateur de premier ordre dans la région.

Un surprenant renversement des rôles est en traind’avoir lieu : Israël pourrait très bien devenir l’un desfournisseurs en gaz de l’Égypte, qui est pourtant un


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important exportateur de gaz régional, mais dont lesréserves et les infrastructures sont en déclin constant.De plus, l’Égypte est dans l’impossibilité d’accéder àcertains champs gaziers en raison de l’instabilité quifrappe la péninsule du Sinaï où sévit le groupe terroristeAnsar Al‑Maqdis. Cette perspective semble d’autantplus probable avec l’éviction des Frères musulmans,le retour des militaires et l’élection du président Sissi,l’allié arabe le plus sûr qu’Israël ait connu, à la tête dupays. D’ailleurs, un premier accord historique entre lesdeux États a été signé en mars 2015 : Israël exporterajusqu’à 5 milliards de mètres cubes de gaz à hauteur de2,5 milliards de dollars sur trois ans et les opérateursdu champ Tamar envisageraient de construire un pipe‑line vers l’Égypte, en collaboration avec des entreprisesespagnoles et italiennes. Le gaz israélien pourrait alorscirculer en Égypte dès 2017.

Autre exemple avec la Jordanie qui, pauvre enressources énergétiques et souhaitant rester indé‑pendante vis‑à‑vis du Qatar, est un client potentiel,d’autant plus que les attaques visant les gazoducségyptiens ont déjà fait perdre plus de 2 milliardsde dollars à Amman entre 2011 et 2012. De plus,depuis le traité de paix signé le 26 octobre 1994 parle roi Hussein et Itzhak Rabin, les relations entreles deux pays ont toujours été bonnes. Les échangesisraélo‑jordaniens sont importants et le niveau de lacoopération hydraulique, touristique, industrielle etparfois même militaire reste très élevé. Il n’est alorspas étonnant que la Jordanie se tourne vers Israël


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pour se fournir en gaz. Ainsi, le Premier ministre,Benyamin Netanyahou, et le ministre de l’Énergie,Silvan Shalom, ont signé en avril 2015 un accordpour exporter du gaz naturel vers des clients privésen Jordanie. Le marché inclut la vente d’1,8 millionde mètres cubes de gaz pendant quinze ans et devraitrapporter à Israël près d’1,5 milliard de dollars. Cetaccord sur le gaz suit le projet de canal de la merMorte et les accords sur l’eau signés en février 2015entre Jérusalem et Amman.

D’autre part, un pays comme le Liban serait bieninspiré lui aussi d’opter pour le gaz israélien puisquela Syrie est plongée dans le chaos et que l’Irak, l’un deses premiers fournisseurs, connaît des problèmes liésà ses propres besoins en gaz et est confronté surtout àl’État islamique. Dans cette zone géopolitique méditer‑ranéenne très mal délimitée et en l’absence d’accordsconcernant les frontières maritimes entre Israël et lepays du Cèdre, des tensions sont nées entre les deuxpays dès le début des découvertes, Beyrouth ne recon‑naissant pas la propriété israélienne des gisements. LeHezbollah, qui joue un rôle de plus en plus impor‑tant dans la vie politique libanaise, s’était montré trèsvirulent concernant l’exploitation des gisements parIsraël dans cet espace contesté, mais il semblerait,depuis quelques mois, que la milice chiite libanaisesoit devenue depuis plus prudente et plus pragma‑tique concernant ce dossier – comme toutes les autrescomposantes du monde politique libanais. D’ailleurs,la situation en Syrie risque fort de faire évoluer les


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relations israélo‑libanaises d’une manière inattendue.Des milliers de combattants du Hezbollah luttent enSyrie et à la frontière libano‑syrienne. La géostratégiede la milice a changé et elle n’a plus besoin de lacause anti‑israélienne pour être reconnue et respectée.Elle est devenue incontournable et n’a jamais été aussipuissante politiquement et surtout militairement surla scène libanaise. Beaucoup de Libanais de toutesles communautés sont à présent convaincus que leHezbollah est un rempart face aux milices islamistesvenues de Syrie et qui attaquent les localités libanaisesà la frontière ou sur le Golan. Pour les Israéliens aussila perception de l’ennemi du Nord est en train dechanger : le Hezbollah est peut‑être en train de deve‑nir un « allié objectif » face au djihadisme et un futurélément de stabilité1, d’autant plus après l’accord surle nucléaire entre l’Iran et les 5+1.

En cas d’éclatement de la Syrie, il en serait de mêmepour un éventuel État alaouite dans la région de Lat‑taquié (proche des côtes méditerranéennes et profitantdes excellents rapports israélo‑russes). Ou même avecune Syrie exsangue, mais toujours aux mains de Bacharel‑Assad et où la question du gaz reste une des clés de

1. Signe des temps : en janvier 2015, après le raid attribué à Israël(mais qui n’a ni revendiqué ni démenti officiellement), dans lequel sixmembres du Hezbollah et un général iranien avaient été tués, dans laprovince de Qouneitra en Syrie, le mouvement chiite libanais a lancéune attaque de représailles à la frontière, tuant deux soldats israéliens.Malgré un bombardement de riposte israélien, des déclarations belli‑queuses de part et d’autre de la frontière, grâce à des pourparlers secrets,il n’y a pas eu d’escalade…


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la guerre civile actuelle, comme le souligne le cher‑cheur David Rigoulet‑Roze1.

Enfin, comme le note le spécialiste des enjeux éner‑gétiques en Méditerranée, David Amsellem, même si« la découverte de gisements de gaz en Méditerranéeorientale n’a jamais constitué un élément déterminantdans la résolution du conflit israélo‑palestinien, à l’in‑verse du statut de Jérusalem, des réfugiés palestiniensou encore des frontières2 », la question du gaz entrePalestiniens et Israéliens peut redevenir d’actualité.Déjà, une tentative d’accord énergétique entre Israé‑liens et Palestiniens au sujet d’un gisement de gazdécouvert en 2000 par la compagnie British Gas (GazaMarine) avait eu lieu, mais, malgré de longues négo‑ciations, « les partis n’ont jamais réussi à s’entendre,autant pour des raisons politiques (crainte que lesrevenus de la vente financent les groupes terroristespalestiniens) qu’économiques (selon British Gas, Israëlproposait un prix d’achat trop bas)3 ».

Depuis la réconciliation palestinienne (Fatah/Hamas) du printemps 2014, les négociations israélo‑palestiniennes sont au point mort, mais, en dépit decette rupture, les dirigeants israéliens ont intégré le

1. David Rigoulet‑Roze, « La situation en Syrie. IV. La problématiquedu gaz interfère‑t‑elle dans la situation syrienne ? », 3 mai 2013. Enligne : http://www.lesclesdumoyenorient.com/La‑situation‑en‑Syrie‑Quatrieme.html2. David Amsellem, La Guerre de l’énergie. La face cachée du conflitisraélo-palestinien, Paris, Vendémiaire, 2011.3. En ligne : http://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien‑avec‑David‑Amsellem‑L.html (31 juillet 2013).


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principe de deux États pour deux peuples et, comptetenu du contexte régional, le gaz israélien pourraitalors devenir un nouveau chapitre dans une futurerelance des négociations entre l’État hébreu et l’Auto‑rité palestinienne. Le président Mahmoud Abbas etle Fatah souhaitent en effet rester, comme les Jor‑daniens, indépendants économiquement vis‑à‑vis duQatar, principal soutien de son ancien rival, le Hamasà Gaza. Et qui peut prédire, à long terme, si le Hamaslui‑même, aujourd’hui très affaibli et isolé, n’entamerapas un jour des négociations avec l’État hébreu ? Pourl’instant, les dirigeants israéliens s’y refusent catégori‑quement (même si officieusement et indirectement,ils le font depuis l’affaire Shalit), quoique certainespersonnalités sérieuses et respectées, comme l’anciendirecteur du Mossad, Ephraim Halevy, ne l’excluentabsolument pas…

Vers une pax economica ?En son temps, Shimon Peres avait émis l’idée d’un

grand projet pour le Moyen‑Orient : construire une« paix des cœurs » fondée sur un grand marché com‑mun entre Israël et les États arabes. Pendant long‑temps, si le projet semblait séduisant, il n’en restait pasmoins irréalisable et même utopiste en raison notam‑ment du contexte géopolitique passé (guerre froide,Front du refus arabe…).

À présent, la situation a grandement évolué dans larégion depuis le Printemps arabe. Certes, celui‑ci n’a


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pas abouti aux attentes et aux espoirs démocratiquestant espérés et n’a fait qu’aggraver finalement le quo‑tidien des peuples concernés, mais il aura au moinsrévélé trois choses importantes : d’abord qu’Israël n’estpas le problème exclusif du Moyen‑Orient ; puis, quela démocratie a encore un long chemin à parcourirdans la région ; et enfin qu’il n’aura été, en définitive,moins une aspiration à la démocratie et au libéralismequ’une revendication, désespérée et violente, d’unesociété plus juste et par‑dessus tout d’un pouvoir plus« redistributeur »…

Certains autocrates arabes ne connaissaient appa‑remment pas la fameuse phrase de Napoléon : « Lepeuple est le même partout. Quand on dore ses fers, ilne hait pas la servitude »… et ils en ont fait les frais !D’autres, en revanche, l’ont très vite compris commeles rois Mohamed VI au Maroc et Abdallah de Jor‑danie ou encore dernièrement les généraux égyptiens,qui ont senti passer le vent du boulet…

Aujourd’hui, l’État hébreu a tiré les leçons de seséchecs passés. Son armée reste la plus puissante de larégion et demeure à la pointe du progrès technolo‑gique. Les seuls dangers stratégiques réels qui pèsentsur lui seraient un Iran « nucléarisé » et surtout unetroisième Intifada, mais son existence n’est sérieuse‑ment plus menacée. Certains Arabes et surtout certainsPalestiniens commencent même à prendre consciencequ’il leur faut abandonner leurs dogmes, leurs rêves dereconquête ou de revanche, pour appréhender l’ave‑nir avec sérénité et à rejoindre l’orbite économique


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de l’État d’Israël. Quitte à préférer être, pour certains,tributaires économiquement d’Israël que du Qatar oude l’Arabie Saoudite.

Si le gaz israélien peut encore réveiller de la ferveurcontre l’État hébreu, il pourrait tout aussi bien, commeon l’a vu, aider l’homo economicus à supplanter l’homobellicus dans une région trop longtemps meurtrie et,ainsi, devenir l’élément moteur et inattendu d’un règle‑ment régional du conflit israélo‑arabe. Tout dépendraalors du choix des responsables israéliens comme desdirigeants arabes. Vont‑ils saisir cette chance ?

Dans un contexte régional où plane encore l’ombremacabre de l’État islamique, les accords sur l’eau etle gaz signés entre Israël et la Jordanie, comme celuisur le gaz signé entre Jérusalem et Le Caire en 2015semblent être les seules lueurs d’espoir du moment…Finalement, retenons juste de l’Histoire que l’impen‑sable peut, un beau jour, devenir réalité…


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et si le gaz israelien changeait la face du moyen-orient

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