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1 EVALUATION RAPIDE DE LA SITUATION DES VIOLENCES BASEES SUR LE GENRE/ DANS LES SITES DE L’EST ONU Femmes, Mars 2014 Site de transit de Garoua-Boulai : Février 2014 – Mission Inter-agence UN Photo : Ekambi/ONU Femmes

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EVALUATION RAPIDE DE LA SITUATION DES

VIOLENCES BASEES SUR LE GENRE/ DANS LES

SITES DE L’EST

ONU Femmes, Mars 2014

Site de transit de Garoua-Boulai : Février 2014 – Mission Inter-agence UN Photo : Ekambi/ONU Femmes

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TABLE DES MATIERES

I- CONTEXTE ET METHODOLOGIE DE L’EVALUATION ......................................... 3

1.1 Contexte et justification ..................................................................................................... 3 1.2 Objectifs .............................................................................................................................. 3

1.3 Approches méthodologiques .............................................................................................. 3

II - PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ............................................................................ 4 2.1 Profil démographique de la population des réfugiés et des demandeurs d’asile des

régions de l’Est et de l’Adamaoua .......................................................................................... 4 2.2 Types de VGB vécus par les réfugiées ............................................................................. 4

2.3 Situation des femmes dans les zones de l’évaluation ....................................................... 6

III- RECOMMANDATIONS .................................................................................................. 7

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I - CONTEXTE ET METHODOLOGIE DE L’EVALUATION

1.1 Contexte et justification

La République Centrafricaine traverse depuis quelques années une crise sans précédent.

Depuis Janvier 2014, on assiste à un afflux de réfugiés au Cameroun dans les régions de l’Est,

dans les villes de Garoua-Boulai, Bertoua et Kentzou principalement, et de l’Adamaoua. Pour

apporter une réponse humanitaire appropriée, les Nations Unies ont organisé une évaluation

rapide des besoins sur le terrain du 18 au 22 Février 2014. Dans le souci d’apporter une

réponse en lien avec la situation des femmes, ONU Femmes a commandité une étude

spécifique pour identifier leurs besoins pratiques, leurs besoins en protection et évaluer

l’ampleur du phénomène des Violences Basées sur le Genre (VGB) dans les zones à forte

concentration de réfugiés dans la Région de l’Est du Cameroun , afin d’y apporter une

réponse idoine.

1.2 Objectifs

Cette évaluation a pour objectif général d’élaborer une la réponse spécifique d’ONU Femmes

en lien avec les initiatives des agences du Système des Nations Unies en matière d’assistance

humanitaire, dans le domaine des violences sexuelles et sexistes et de la participation des

femmes réfugiées pour les problèmes les concernant, dans les zones à forte concentration des

réfugiés.

De manière spécifique, elle devrait permettre de :

Faire le profilage démographique des personnes vivant dans les zones cibles ;

Recueillir sur un échantillon de 250 personnes le phénomène de VGB ;

Recueillir sur un échantillon de 250 personnes la situation des femmes ;

Comprendre le problème des VBG et des Violences sexuelles dans les zones à forte

concentrations de réfugiés, leur typologie, leurs manifestations et leur récurrence ;

Recueillir les informations et les témoignages à travers entretiens et Focus Group

Discussions ;

Assurer la prise en charge psychologique des victimes et survivantes identifiées ;

Recenser les bonnes pratiques en matière de protection des femmes ;

Identifier les domaines d’assistance spécifiques aux femmes et filles victimes de

VBG/VS.

1.3 Approches méthodologiques

Au vu des objectifs de cette évaluation, une triangulation des méthodes de recherche mêlant la

recherche quantitative à celle dite qualitative a été adoptée. Ces deux volets de recherche ont

couvert les sites de recasement que sont Mborguéné, Garoua-Boulai et Kentzou, celui de Lolo

n’ayant pas encore enregistré l’arrivée de réfugiés.

L’enquête quantitative a couvert un échantillon aléatoire de 50 chefs de ménage de

réfugiés par site , soit un total de 150 chefs de ménage de réfugiés interrogés pour

l’ensemble des trois sites ;

Le volet qualitatif a consisté à mener des entretiens semi-directifs auprès des victimes

de VGB identifiées dans les camps d’étude. Ainsi, des entretiens semi-directifs ont été

réalisés dans les sites visités.

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II - PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

2.1 Profil démographique de la population des réfugié(e)s et des

demandeurs d’asile des régions de l’Est et de l’Adamaoua

Ce profil démographique est réalisé à partir des données (Tableau 1) mises à disposition de

l’UNHCR à la date du 21 Février 2014. Ainsi, la Région de l’Est compte 16695 réfugiés

centrafricains et demandeurs d’asile parmi lesquels 8897 femmes (46,7%) et 7798 hommes

(53,3%). Cette population est constituée principalement des personnes âgées de 18-59 ans

(39%) et de celles comprises entre 5-11 ans (25%). S’agissant de la Région de l’Adamaoua,

également les hommes (57,6%) sont les plus représentés dans la population de réfugiés

centrafricains et demandeurs d’asile contre 42,4% pour les femmes. Egalement, les personnes

de la tranche d’âge 18-59 ans (31%) sont celles qui constituent majoritairement la plus

nombreuse catégorie de cette population de réfugiés centrafricains et demandeurs d’asile.

Tableau 1 : Répartition par sexe et par âge des réfugié(e)s et des demandeurs d’asile dans la

région de l’Est et de l’Adamaoua

Est Sexe Age

0-4 ans 5-11 ans 12-17 ans 18-59 ans 60ans et + Total

Masculin 1637 2031 1009 2850 271 7798

Féminin 1571 2109 1203 3117 297 8897

Total 3208 4140 2212 6567 568 16695

Adamaoua Sexe Age

0-4 ans 5-11 ans 12-17 ans 18-59 ans 60ans et + Total

Masculin 1321 1546 538 1056 222 4683

Féminin 1271 1592 834 2388 273 6358

Total 2592 3138 1372 3444 495 11041

2.2 Types de VGB vécus par les réfugiées

Parmi les réfugiés venus de la RCA, plusieurs femmes et filles ont été victimes de viols et

d’autres formes de VBG dont la prostitution forcée. Une forme assez originale est « la

prostitution pour payer les frais de transport dans les cars de transbordement » pour fuir les

atrocités de la guerre. Les chefs de ménages interrogés lors de cette évaluation, ont été

exprimé 3 types de violences vécues dans leur pays de provenance : les violences physiques,

les violences sexuelles et celles d’ordre psychologique.

Les cas déclarés de VBG et de violences sexuelles se sont déroulées en RCA et non en terre

camerounaise. Cependant, beaucoup de réfugiées ont été accueillies dans des familles et il

n’est pas exclu qu’elles y vivre des abus sexuels à cause de la promiscuité, abus qui seront

forcément tues. . Ainsi, lorsque l'on considère les types de violences subies en RCA avant le

déplacement de ces populations réfugiées au Cameroun, on note qu'il existe une différence

dans la pratique. En effet, les formes les plus répandues sont les violences physiques (10,7%),

les violences psychologiques (6%) et les violences sexuelles (2%) (Graphique 1). Comparée

aux autres formes de violences, on note de la retenue dans la déclaration des violences

sexuelles. Une situation pouvant s’expliquer par le fait que ce type de violences est entretenu

par une tradition de silence renforcée par le contexte de leur survenance.

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Graphique 1 : Type des violences intervenues en RCA déclarées par les réfugiés

Pour ce qui est des violences sexuelles, 8 cas ont été répertoriés lors des entretiens

individuels, rejoignant ceux avec les chefs de ménage (6 cas). Ces données statistiques sont

corroborées par les récits douloureux obtenus lors des entretiens semi-structurés. Il ressort de

ceux-ci que les victimes ont vécus des cauchemars qu’elles voudraient laisser derrière elles.

Pour chacune des victimes, le contexte et les circonstances de leur viol sont différents :

Pour l’un des victimes (45 ans) on pourrait parler de « prostitution » ou de sexe

transactionnel, puisqu’elle s’est offerte, mais c’était sous une forte contrainte malgré

elle pour sa survie: « pouvoir être embarquée dans le camion pour fuir les Anti Balaka

ou mourir », elle n’avait pas la somme requise, on lui demandait 15 000 F CFA pour

entrer dans le camion qui allait les amener à la frontière et elle n’en avait que la

moitié. Rester là, c’était signer son arrêt de mort. Le chauffeur lui a demandé de le

suivre dans un bosquet à côté, puis il l’a sodomisé. Depuis elle se sent toute couverte

de honte et ne sait comment enlever cela de son corps. Cette femme atteste que

d’autres femmes ont subi le même sort étant donné l’état de dénuement financier dans

lequel elles se sont retrouvées et l’urgence qui les poussait à partir.

La seconde (20 ans), les Anti Balaka sont entrés chez elle et ont demandé de l’argent

et son portable, elle leur a donné ce qu’elle avait mais ils ont estimé que c’était peu et

ont demandé qu’elle complète ce qu’elle aurait du leur donner par son corps. Ils l’ont

violé à 05. Quand le dernier s’est levé il lui a dit « tu as de la chance » et a craché sur

elle. Elle complète son récit ainsi : « J’ai dit à ma mère qui a demandé de n’en parler à

personne et elle a organisé notre fuite grâce à notre grand frère qui est resté à

Bangui ».

La plus jeune des victimes (20 ans) a été violée chez ses parents devant ces derniers

qui étaient tenus en respect par plusieurs gaillards dont elle ne se souvient pas du

nombre. Un homme qui avait un couteau lui a demandé de s’exécuter sinon elle serait

égorgée. Elle ne sait pas s’il l’a violé seul ou avec les autres car elle s’est évanouie.

Elle a vu par la suite le corps de ses parents étalés par terre. C’est une voisine qui l’a

aidé à se relever, se nettoyer et fuir avec elle.

Bien que les femmes et les filles aient subies des violences importantes, notamment des viols,

on note qu’il n’existe ni centre d’écoute psychosociale, ni aucune organisation spécifique de

prise en charge des victimes de VBG aussi bien dans les camps que dans les sites de transit et

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dans les structures sanitaires des localités concernées. Même les fiches d’identification ne

comportent pas de rubrique permettant de déceler de tels cas. En l’état actuel des choses il est

difficile d’évaluer l’ampleur du phénomène en raison de l’absence d’un dispositif approprié

pouvant amener les victimes à s’exprimer, ce d’autant qu’il s’agit des bororo qui ont une

culture du silence plus poussée encore que chez les autres et qui par ailleurs pour la plupart,

banalisent les violences faites aux femmes. Ainsi, dans le site de transit de Kentzou, le HCR

par AHA dispose de kits de prise en charge des victimes de viol mais faute d’un système

d’identification des bénéficiaires, les kits restent inutilisés.

Depuis leur installation dans les sites d’accueil, aucune séance de sensibilisation sur les VGB

n’a été faite auprès des réfugiés quel que soit le site. Une sensibilisation qui s’avère urgente et

nécessaire suite à la décision de faire vivre ces populations dans des abris communautaires

pour les protéger du vent et de la pluie comme mesure d’urgence.

Focus groupe discussion avec les femmes refugiées à Ngaoui, Février 2014 – Mission Inter-agence UN Photo : Ekambi/ ONU Femmes

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2.3 Situation des femmes dans les zones d’évaluation

La prise en compte du genre dans les zones ou l’évaluation a été conduite consiste

uniquement a meetre en place de latrines séparées exclusivement réservées aux hommes ou

aux femmes.Aucune femme n’a reçu des kits de dignité et aucune femme n’est présente s au

sein des organes de représentation des intérêts des réfugiés . Nous avons cependant relevé une

bonne pratique dans les deux camps de Mborguéné et Lolo : Les hangars communautaires

construits pour les réfugiés sont divisés en deux compartiments : les femmes et les enfants

d’un côté et les hommes de l’autre, avec un souci de rapprocher au maximum les familles. La

même division est faite concernant les blocs toilettes et WC où d’un côté on a les deux blocs

pour les hommes et de l’autre les deux blocs pour les femmes et les enfants, même s’ils

restent encore trop proche pour assurer l’intimité des femmes.

Les jeunes filles réfugiées sont nombreuses : elles ont abandonné l’école et les centres de

formation. Et maintenant, elles passent les journées à ressasser les atrocités vécues. Le Centre

de Promotion de la Femme se trouve dans le Chef-lieu de département (pour l’Est a

Bertoua)et non dans les arrondissements et il n’y a pas d’autres structures d’encadrement

socio-professionnel dans ses localités. Cette oisiveté expose davantage ces adolescentes aux

VBG de tous genres.

La ration accordée aux familles est insuffisante (un repas par jour) et monotone. Les mamans

vendent les ustensiles qu’elles ont pu emporter et d’autres font la manche pour augmenter la

quantité de nourriture, la varier ou acheter des condiments. Cette situation est très précaire et

les prédispose à des formes de prostitution forcée.

Les kits d’hygiène disponibles dans les magasins n’ont pas encore été distribués et les femmes

dans le besoin se débrouillent comme elles peuvent avec des vieux pagnes très souvent

souillés, avec ce que cela peut comporter comme risques d’infections vaginales.

III- RECOMMANDATIONS

A la lumière des résultats obtenus par cette évaluation, ONU Femmes, en partenariat étroit

avec le HCR, devrait rapidement accentuer les actions de prise en charge des VBG/viols et de

prévention dans les zones de réfugiés et aussi, renforcer les capacités des acteurs

humanitaires. Ainsi, il est nécessaire de :

Dans l’urgence :

Envisager de mettre sur pied des Unités mobile d’écoute et de

prévention/sensibilisation dans les points d’entée et les sites de transit (Garoua Boulaï

et Kentzou) pour les nouveaux cas qui ne cessent d’arriver, ainsi que dans les camps

de Mborguéné et Lolo pour celles qui ont été enregistrées et non pas bénéficié de cette

prestation ; et à Borgop, dès que le camp sera opérationnel ;

Renforcer les capacités des forces de défense et de sécurité et mettre en place des

Unités Genre/VBG en leur sein ou Gender Desks, surtout ceux qui sont en contact

direct avec les réfugiées ;

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Former des relais (femmes et jeunes filles ) pour la sensibilisation de proximité au sein

des communautés, ce qui va réduire le handicap de la langue qui est réel et ce travail

de proximité et les pousser à aller vers les unités d’intervention qui seront mis sur

place ;

Mettre en place un système de collecte et d’analyse périodique des données sur les

VGB afin de garantir l’efficacité et le suivi des interventions envisagées ;

Renforcer les capacités des acteurs humanitaires sur une meilleure intégration de la

dimension genre dans leur réponse sectorielle ;

A Moyen terme :

Mettre en place un programme VBG/viols dans la région de l’Est. Il est souhaitable

d’étendre le programme au-delà des sites car une partie importante de réfugiés sont

dans les familles dans les divers villages et villes de l’Est.Les femmes et les filles sont

exposées aux VBG et aux viols dans ces divers lieux étant donné l’état de fragilité que

leur confèrent leur statut et les horreurs qu’elles viennent de vivre ;

Commanditer une étude qui permettrait d’identifier les filières de formation porteuses

qui pourraient servir aux adolescentes et aux jeunes filles qui désirent être formées, de

même que les Activités Génératrices de Revenues (AGR) qui pourraient être

développées par les femmes dans les zones de transfert et leur permettre de faire face

aux besoins quotidiens et de mieux assurer leur autonomie financière.

Abris communautaires à Garoua-Boulai – Mission Inter agence UN Photo : Ekambi/ ONU Femmes