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87 e année - Hebdomadaire 3260 - 20 mai 2011 3 france-catholique.fr france-catholique.fr FRANCE Catholique Nouvelle tournée avec l’Alliance pour les Droits de la Vie : Maîtriser la mort ? pages 6 à 9 ISSN 0015-9506 Congrégations : L e réseau Jeunes Sacré-Cœur pages 22-23 Politique : C oup de tonnerre pour la gauche élitiste pages 3 et 4

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Page 1: FRANCE Catholique · dans l’arbitrage favorable à Bernard Tapie dans son litige avec l’ex-Crédit Lyonnais. L’avocat général a deman-dé le 13 mai à la cour de Cassation

87e année - Hebdomadaire n° 3260 - 20 mai 2011 3 €franc

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Nouvelle tournée avecl’Alliance pour les Droits de la Vie :

Maîtriserla mort ? pages 6 à 9

ISSN

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06

Congrégations :

Le réseau Jeunes Sacré-Cœur

pages 22-23

Politique :

Coup de tonnerrepour la gauche élitistepages 3 et 4

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BRÈVES

2 FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011

FRANCEPOLITIQUE  : Divers mouve-ments centristes ont créé le 8 mai une confédération sans la participation du Modem de Fr. Bayrou ; le parti radical a voté le 14 mai sa sortie de l’UMP.ÉCONOmIE : Avec 1% de hausse, la croissance a sur-passé au 1er trimestre 2011 les prévisions des experts.SOCIAL : Le ministre des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, a annoncé le 8 mai une proposition de loi pour contraindre les bénéficiaires du RSA à assurer un service social, dénonçant ainsi les dérives de l’assistance.ÉdUCATION : Le ministère de l’Éducation nationale a recen-sé sur la période de juin 2010 à mars 2011, 293 000 « décro-cheurs », des élèves qui sor-tent du système scolaire sans aucun diplôme.CINÉmA : Le 64e Festival de Cannes s’est ouvert le 11 mai sous la présidence de l’acteur américain Robert de Niro, avec la projection du dernier film de Woody Allen, Minuit à Paris.JUSTICE : Le procureur géné-ral près la Cour de cassation, J.-L. Nadal, a demandé le 10 mai à la Cour de justice de la République d’ouvrir une enquête visant la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, pour abus d’autorité dans l’arbitrage favorable à Bernard Tapie dans son litige avec l’ex-Crédit Lyonnais.L’avocat général a deman-dé le 13 mai à la cour de Cassation de rejeter la ques-tion de constitutionnalité qui a entraîné une suspension du procès Chirac dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris.Un syndicat de médecins a

annoncé le 13 mai la sai-sie du tribunal administra-tif estimant que l’Agence de sécurité sanitaire avait man-qué à ses obligations en lais-sant des médecins prescrire le Mediator, engageant ainsi leur responsabilité.Les héritiers Renault ont déposé une assignation de vant le tribunal de grande ins tance de Paris pour contes-ter la légalité de la natio-nalisation de l’entreprise en 1945.FISCALITÉ : Le président Sar kozy a donné le 9 mai son accord au président de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée pour instaurer une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et les bonus.TERRORISmE : Six membres présumés des milieux isla-mistes ont été interpellés le 9 mai en région parisienne. Selon Europol, le nombre d’attaques terroristes dans l’Union européenne aurait baissé en 2010.ENVIRONNEmENT : Les dépu-tés ont approuvé le 11 mai l’interdiction de la technique de fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploi-tation des gaz et huiles de schiste.ROUTE : Le gouvernement a arrêté le 11 mai une série de mesures destinées à renforcer la sécurité routière et concer-nant notamment le délit de grande vitesse, la conduite en état d’ivresse et le téléphone au volant. Par ailleurs, les radars ne seront plus signalés.ÉLECTIONS : Les deux tours de l’élection présidentielle ont été fixés aux 22 avril et 6 mai 2012 ; les législatives auront lieu les 10 et 17 juin et les sénatoriales le 25 septembre 2012.RAdIOACTIVITÉ : La Commis-

sion de recherche et d’infor-mation sur la radioactivité a annoncé le 13 mai que celle-ci était négligeable en France, deux mois après l’accident de Fukushima au Japon.CyCLISmE : L’Équipe a révélé le 13 mai les indices confiden-tiels de suspicion de dopage concernant les coureurs du dernier Tour de France ; éta-blis par l’Union cycliste inter-nationale, ces indices sont destinés à mieux cibler les contrôles ; les coureurs fran-çais sont dans l’ensemble peu visés.FOOTBALL : La finale de la Coupe de France 2011 a vu la victoire de l’équipe de Lille sur celle du Paris St-Germain (1-0) le 14 mai au Stade de France ; Lille n’avait pas triomphé depuis 56 ans.HANdBALL : Montpellier a assuré le 14 mai son 13e titre de Champion de France grâce à sa victoire sur Chambéry (34-26).

mONdEEUROPE : Les ministres de l’Intérieur de l’Union se sont retrouvés le 12 mai à Bruxelles pour étudier le rétablissement temporaire des contrôles aux frontières des pays membres.SyRIE : Les arrestations arbi-traires se sont multipliées malgré la levée de l’état d’ur-gence. Des sanctions contre treize responsables syriens — embargo sur les armes, inter dictions de visas et gel d’avoirs financiers — sont entrées en vigueur le 10 mai dans l’Union européenne. La secrétaire d’État des États-Unis a estimé le 12 mai que la répression n’était pas un signe de puissance mais de « faiblesse remarquable ».Une fosse commune a été

découverte le 16 mai par les habitants de Deraa dans laquelle seraient les corps de dizaines d'habitants tués par l'armée la semaine dernière.LIByE : Des avions ont mené dans la nuit du 9 au 10 mai une série de frappes sur le complexe présidentiel de Kadhafi à Tripoli. Les rebelles ont pris le 11 mai le contrôle de l’aéroport de Misrata.Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a requis le 16 mai des mandats d'arrêt contre Mouammar Kadhafi, son fils Saïf al Islam et le chef des renseignements libyens, Abdoullah al Senoussi, pour crimes contre l'humanité.Un Français, dirigeant d'une société de sécurité, a été tué le 12 mai à Benghazi, fief de la rébellion libyenne, et quatre autres ont été arrêtés.AFgHANISTAN : Un soldat du 13e régiment de génie de Valhadon a été tué le 10 mai par l’explosion d’une bombe artisanale ; c’est le 57e mili-taire français tué dans ce pays.BELgIQUE : La justice belge s’est prononcée le 10 mai en faveur d’une libération antici-pée de Michelle Martin, l’ex-épouse du pédophile Marc Dutroux, condamnée à 30 ans de prison ; elle devait rejoindre un couvent en France, mais le ministre français de la Justice n’a pas donné son accord.ESPAgNE : Un séisme de magnitude 5,1 a fait 8 morts et 167 blessés le 11 mai dans le Sud-Est du pays, semant la panique à Lorca où de nombreux bâtiments se sont écroulés ; 10 000 personnes ont été évacuées ; c’est le séisme le plus meurtrier en Espagne depuis 1956.

J.L.

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Dominique StrauSS-Kahn a été arrêté — le 14 mai à bord de l'avion qui devait le ramener en France — par la police de New York et présenté à un juge. Une femme de chambre de l'hôtel où il était quelques heures auparavant, l'accuse de tentative de viol… Martine Aubry a aussitôt défini cette

effroyable affaire comme « un véritable coup de tonnerre », l'expres-sion qu'avait employée Lionel Jospin au soir de sa défaite du 21 avril 2002. Mais la dimension de l'événement ne concerne pas seulement la situation du Parti socialiste, elle atteint la réputation de la France dans le monde à cause des responsabilités de l'intéressé au Fonds monétaire international. Enfin l'aspect sexuel du scandale souligne — notam- ment d'un point de vue anglo-saxon où le tabou du sexe reste très présent — la fragilité des symboles les plus forts de notre modernité. Il y a quelques jours seulement, Dominique Strauss-Kahn apparaissait comme le présidentiable le plus fiable de la prochaine échéance électorale française. Sa réputation de politique avisé, de gestionnaire compétent, voire de réformateur génial lui conférait la prééminence dans les sondages. N'était-il pas le symbole même de la réussite totale, avec les aspects très concrets d'une aisance matérielle qui placent au sommet de la jet-société, mais qui contreviennent au tabou — bien latin cette fois-ci — de l'argent ?

Toute cette puissance se trouve fracassée par un fait divers pitoyable et atroce ? Bien sûr, les garanties de la justice doivent être assurées pour la défense d'un homme qui proclame son innocence. Mais la plaignante, qui crie qu'elle a été agressée, doit être elle aussi respec-tée. La thèse d'un coup monté par la jeune femme [la presse américaine nous la présente comme une employée sans histoire, d'origine sénéga-laise et mère-célibataire d'une fille de 10 ans, mais les avocats de DSK cherchent à prouver qu'elle aurait eu un intérêt matériel à porter plainte et affirment que DSK a un alibi] traverse l'esprit, et pas seulement celui des amis de l'accusé, mais elle est aussi susceptible d'être contredite comme diffamatoire. Il convient donc de laisser la procédure judiciaire se dérouler, selon les normes américaines, afin de parvenir à des conclu-sions équitables. Mais nous n'échapperons pas au climat pesant qui cor-respond à un pareil drame et qui accompagnera fortement la politique française dans les prochains mois.

Cette événement judiciaire intervient dans un contexte européen et international particulièrement tendu. DSK devait à nouveau intervenir auprès des autorités d'Athènes pour régler le dossier d'une dette abys-sale, tandis que l'Europe et les États-Unis vivent dans l'incertitude de leur avenir économique le plus proche. DSK était le rouage d'un système qui se grippe et sa chute n'en est que plus inquiétante. n

SOMMAIRE

ACTUALITÉ4 SOCIALISTES Unegaucheélitiste

5 TERRORISMELajusticeimpossible

6 SOCIÉTÉ«Maîtriserlamort?»

IDÉES10 GérardLeclerctémoinpassionné

ESPRIT17 ECCLÉSIA Lescoptesetlarévolution

18LECTURES Lapierred'angle

20 LECTURES Lechemin

21 LIvRES SélectionSpirituel

22 COnGRÉGATIOnS jeunesSacré-Cœur

MAGAZInE24 vOyAGES LaPolognedejean-PaulII

26 LIvRES versunconcileorthodoxe?

28 LIvRES SélectionHumour-jeux

29 CInÉMA «Legaminauvélo»,«Intoeternity», «Unefolleenvie»,«MinuitàParis»

30 ExPOSITIOnS RembrandtetlafigureduChrist

34 THÉÂTRE «LaPorte»

35TÉLÉvISIOn «MysticRiver», «Persépolis»,«L'Égypte», «Lejapon,l'empereuretl'armée»

36 TÉLÉvISIOn votredébutdesoirée

38 BLOC-nOTES vieassociativeetd’Église

Couverture : © ADv/ArteA

CoupdetonnerreÉDITORIAL

FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011 3

par Gérard LECLERC

Écoutez la chronique de Gérard Leclerc,

chaque semaine sur :

Connaissez-vous les 5 webradios de radio espérance : enseignement, Grégorien, 

Musique sacrée, Louange, Parole de Dieu ?

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ACTUALITÉ

4 FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011

par Alice TULLE

Afin de rester dans l’esprit métho-dique qui carac-térise les notes publiées par les

clubs de réflexion, on distin-guera ici l’origine du malaise, sa nature et sa portée.

à l’origine du fait qui a indisposé la gauche dans la deuxième semaine de mai, il y a Terra Nova, qui se défi-nit comme « la fondation progres-siste » de la gauche moderniste. Dirigée par le très actif Ol ivier Ferrand, qui fut conseiller de Lionel Jospin à Matignon et de Romano Prodi à la présidence de l a Commis s i on européenne , l a fondation est la boîte à idées de f eu Domin ique Strauss-Kahn et ses groupes de travail mobilisent la fine fleur de l’intelligentsia socia-liste acquise à l’économie de marché et à un réformisme adaptable à la mondialisa-tion. C’est Terra Nova qui a publié une note sobrement intitulée « Gauche : quelle majorité électorale pour

2012 ? », mais qui contenait des formulations explosives.

La nature du malaise ? C’est de souligner « la fin de la coalition ouvrière » sur laquelle le Parti socia-liste était censé s’appuyer. Cette disparition annoncée tient à deux faits avérés : il y a moins d’ouvriers et « les

ouvriers ne votent plus à gauche ». Cette désaffec-tion des ouvriers tient prin-cipalement au fait que la gauche socialiste adhéra en 1968 aux mots d’ordre de libération des mœurs alors que la classe ouvrière restait attachée aux valeurs tradi-tionnelles (Voilà qui résonne

singulièrement à l'heure où Dominique Strauss-Kahn connaît les ennuis que l'on sait…) Dans les années quatre-vingt et surtout sous le gouvernement Jospin, on voit les socialistes se rallier à l’économie de marché, lais-ser faire les délocalisations et se concentrer sur la réforme

des mœurs (par exemple le Pacs) alors que les ouvriers sont surtout préoccupés par le chômage, par les questions de salaires et subissent la concurrence de la main-d’œuvre immi-grée.

Ces constats condui-sent la fondat ion à annoncer l ’émergence d’une nouvelle coalition, fondée sur la nouvelle identité socio logique de la gauche qui est formée par les jeunes, par les habitants des quartiers populaires, surtout s’ils sont d’origine africaine ou

maghrébine, par les femmes, qui votent plus à gauche que la moyenne nationale, par les « urbains des grandes villes », par les plus diplômés, et par… les non-catholiques. La note de Terra Nova précise que « plus on est catholique pratiquant, plus on est enclin à voter à droite, plus on est

areligieux, plus on est enclin à voter à gauche ». Ces évolu-tions devraient favoriser les socialistes s’ils parviennent à séduire les « seniors ». Mais il est probable que la classe ouvrière sera bientôt « défi-nitivement perdue ».

Les analyses de Terra Nova ne sont pas originales mais l’événement tient au fait qu’elles sont exprimées et assumées par le club de gauche qui théorise les posi-tions du candidat le mieux placé dans les sondages. Des dirigeants socialistes ont protesté faiblement tandis que le Parti communiste dénonçait vertement un « sabordage idéologique » et une « formidable offrande faite à l’extrême-droite ». La « fondation progressiste » reconnaît, il est vrai, que le Front national de Marine Le Pen est en mesure d’accueillir cette classe ouvrière qui ne se retrouve plus dans les thématiques de la gauche.

Affecté par la violence de la polémique, Olivier Ferrand s’est plaint que son rapport ait été « instrumentalisé à des fins politiciennes » — ce qui est exagéré — et assure maintenant qu’il ne veut pas abandonner les milieux populaires. Mais en l’occur-rence, la volonté du patron de la « fondation progres-siste » et celle de Dominique Strauss-Kahn ne changent rien au fond du problème : selon la note précitée, ce sont les milieux populaires qui ont abandonné les socialistes. n

SOCIALISTES

Une nouvelle coalition fondée sur la nouvelle identité sociologique de la gauche(

La chute de DSK n'invalide pas l'analyse de « Terra Nova » qui a osé constater le divorce entre le peuple et la gauche, créant un certain malaise chez les socialistes….

Une gauche élitiste

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ACTUALITÉbEn LAdEn par Yves LA MARCK

La justice impossible

FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011 5

Il y a exactement cin quante ans Israël jugeait Adolf Eichmann à Jérusalem (son juge israélien, Moshe Landau, vient

d'ailleurs de mourir ce 1er

mai à 99 ans). Capturé par les services israéliens le 11 mai 1960 dans les faubourgs de Buenos Aires en Argentine, transporté clandestinement en Israël, il était présenté devant un tribunal le 11 avril 1961. Condamné à mort le 15 décembre 1961, il fut pendu le 31 mai 1962, son corps inci-néré et ses cendres disper-sées en mer Méditerranée. Ce procès, dont rendit compte la philosophe Hannah Arendt, fut fort controversé. Mais il libéra la parole des survi-vants et fut à l’origine du travail de mémoire sur l’Ho-locauste jusqu’alors plus ou moins occulté, notamment par les procès de Nuremberg. Ce n’est qu’à partir du procès Eichmann que progressa l’idée de crime contre l’humanité. Il n’y avait jusque là que crimes d’agression ou crimes de guerre.

Les services israéliens au raient pu tout aussi bien liquider le chef S.S. en Ar gentine. Arendt qualifie cette option d’ « acte déses-péré qui aurait été rendu nécessaire par les lacunes du droit international dans sa forme actuelle ». Depuis,

la justice internationale n’a cessé de se structurer : le tribunal pénal international sur la Yougoslavie en 1993, les tribunaux spéciaux sur le Rwanda et la Sierra Leone, jusqu’à la Cour pénale inter-nationale entrée en fonction en 2002 et qui n’a encore jugé personne. Pour autant

les Américains n’ont jamais accepté le principe d’un pouvoir judiciaire supé-rieur au leur et ne sont pas membres de cette Cour. En même temps, par une jurisprudence tout à fait spécieuse, ils refusent le droit à un procès aux combattants ennemis faits prisonniers en Afghanistan et parqués sur la

base de Guantanamo (après avoir imaginé l’Alaska ou un navire-prison). Pour eux, les terroristes relèvent du même statut que les pirates : hors-la-loi, ne relevant pas d’une communauté organi-sée, donc sans droits, hostis humani generis (ennemi du genre humain), pour lesquels

la règle absolue de territoria-lité n’existe pas.

L’analogie entre Adolf Eichmann et Osama Ben Laden est frappante à plus d’un titre. Sauf qu’il n’y aura pas de procès Ben Laden. On peut certes en mesurer les risques potentiels mais aussi la perte de mémoire et de références. Les crimes terro-

ristes ne sont pas comparables avec le génocide délibéré du peuple juif. Il est important qu’on en démonte néanmoins les tenants et aboutissants.

Le bilan actuel des procès de cette nature n’est toutefois pas édifiant. Leur longueur, leur éloignement du lieu du crime, l’absence de publicité, la technique judiciaire, le juridisme, font que la portée éducative est faible. Le procès Milosevic a été interrompu par le décès de l’intéressé. Les procédures intentées à l’encontre des services libyens pour les attentats de Lockerbie et d’UTA n’ont pas fait chance ler le guide de la révolution pas plus que l’enquête internationale sur l’attentat qui a coûté la vie au premier ministre liba-nais Hariri n’a impressionné le clan Assad en Syrie. Les manifestants dans les rues de Benghazi et de Deraa ont fait plus que les juges. Le procès de Saddam Hussein que l’on a laissé à une justice irakienne inexpérimentée a été raté.

Quelque part on se dit quand même que Ben Laden s’en sort bien. Le combat-tant ennemi l’emporte sur l’ennemi du genre humain. Cela accrédite l’idée d’une « guerre », tellement valorisée par la rhétorique de Bush, au lieu de simples mesures de police, comme celles contre les pirates, des criminels et non des combattants. n

L'analogie entre Adolf Eichmannet Osama Ben Laden est frappante )

« Justice est faite. » Certains en doutent avec des arguments valables. Mais un procès d’Osama Ben Laden en bonne et due forme aurait-il été plus juste ?

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à la une

6 FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011

n Pourquoi avoir choisi ce mot difficile de « mort » alors que votre nom et votre objet social sont orientés vers la vie ?

Tugdual Derville : Pour regarder les choses en face. La mort est une réa-lité étrange : d’un côté, elle est com-mune, puisqu’avec la conception, elle est le second élément certain d’une vie humaine. Mais, d’un autre côté, elle n’a rien d’anodin, car c’est une expérience unique, intime, éprouvante et, surtout, sans retour. L’attitude face à la mort est emblématique d’une civilisation. L’homme se définit même largement par les rites de deuil, qui manifestent son questionnement sur l’au-delà. C’est pourquoi édulcorer la mort, la confiner dans la main de spécialistes, l’arracher à la vie quotidienne, escamoter les rites de deuils, etc. tout cela contribue parado-xalement à déshumaniser nos sociétés, jusqu’à perdre le sens de la vie. Nous le constatons régulièrement en répondant aux questions et témoignages confiés à notre service SOS fin de vie. Avoir la mort comme ligne d’horizon est l’un des éléments qui nous pousse à chercher et donner un sens à la vie.

n Est-ce la raison de votre récente parti-cipation au Salon de la mort ?

Derrière le titre un peu provocateur ou racoleur de ce salon commercial, nous avons découvert que ses organi-sateurs (ainsi que la plupart des expo-sants) partageaient ce souci de donner à la mort sa juste place, au cœur de la vie sociale. Mais l’approche de l’Al-liance, au-delà de la dimension huma-nitaire de nos services d’aide, est plus globale : elle s’inscrit dans un projet de société. La « culture de la vulnérabilité » que nous prônons est particulièrement nécessaire pour affronter les défis du vieillissement, de la dépendance et de la fin de vie, et ne pas sombrer dans une violence utilitariste.

n Comment cette culture de la vulnéra-bilité peut-elle aider à approcher une personne en fin de vie ?

Contrairement à une culture de toute-puissance (ou de maîtrise) la culture de la vulnérabilité reconnaît en tout être humain, quels que soient son

âge et son état de santé, une personne précieuse, digne d’être aimée et soignée. Ce regard est aussi une exigence : il appelle une présence, une écoute, un engagement… La grande dépendance et la vulnérabilité extrême en fin de vie nécessitent la mobilisation de multiples compétences, et du temps de qualité. C’est ainsi qu’on rend hommage à l’hu-manité de celui qui va mourir. Cette humanité rayonne tout autant dans l’in-digence que dans la performance. En réalité, chacun est concerné par cette culture. Car, au plus profond de son for intérieur, chacun se sait fragile, vulné-rable, mortel. Voir que la société prend soin des personnes les plus fragiles est pour chacun de nous consolateur. Quand je serai devenu incontinent, gra-bataire, dépendant, il restera donc des visages pour me sourire et prendre soin de moi !

n Pourtant l’euthanasie est présentée comme un geste de compassion, res-pectueux de la dignité, et même comme l’ultime liberté.

« Ultime injustice » souligne à juste titre Robert Holcman dans son récent

enTReTIen aVeC Tugdual deRVIlle

L'attitude face à la mort est emblématique d'une civilisation(

Cinq mois après que le Sénat français a failli voter une loi légalisant l'euthanasie, l'Alliance pour les Droits de la Vie organise, entre le 23 mai et le 9 juin 2011, une tournée de sept grandes conférences-débats, sous le titre « Maîtriser la mort ? », dans six villes de France et à Bruxelles. Objectif : sensibiliser les personnes sur un sujet de société à la fois médical et social, personnel et familial, mais aussi, à l’approche des élections présidentielles françaises, de plus en plus politique.

la tournée « Maîtriser la mort ? »

Tugdual Derville.

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propos recueillis parBrigitte PONDAVEN

FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011 7

la tournée « Maîtriser la mort ? »livre. L’euthanasie est l’exemple type de l’aboutissement cruel de la culture de la maîtrise absolue. Cette mort qui me fait peur, voilà que je suis tenté de la faire advenir comme si c’était une façon de la déjouer. C’est se jeter dans la gueule du loup. C’est ignorer que rien ni personne ne peut m’enlever ma digni-té. Mais beaucoup de bien-portants qui redoutent (à juste titre) le temps de la dépendance, s’imaginent à tort incapables de la vivre, de la traverser. Ils ignorent surtout — c’est encore un paradoxe — qu’il y a souvent à cueillir des instants précieux, des expériences incomparables au cœur de la vulnéra-bilité. Comme si seule la vulnérabilité pouvait les autoriser…

n De quoi voulez-vous parler ?

Je ne suis pas en train de nier la souffrance. Et, avec notre président, Xavier Mirabel, qui est aussi cancéro-logue, nous nous battons pour que la lutte antidouleur et l’accompagnement des personnes en fin de vie se déve-loppent. Mais faire advenir la mort au prétexte de la souffrance morale ou physique, c’est tout bonnement du vol (pour ne pas parler de meurtre…) : c’est le vol de possibilités extraordinaires, en terme relationnel. Celui qui s’en va « à son heure » — bien des soignants vous le diront — meurt rarement par hasard. Il a souvent « lâché prise » après avoir attendu. Il a réglé un contentieux, dans le sens du pardon. Il a revu un proche. Il a célébré une fête de sa religion à une date jusqu’à laquelle il a « tenu ». Quelque chose du « tout est accompli » s’est joué… Même dans certaines morts accidentelles, les proches savent parfois lire ce type de « signe » consolateur. Car, même si la peine reste entière, c’est une source de paix de découvrir que

la mort est l’aboutissement d’un che-min, qui gardera son mystère, mais peut révéler, dans le même temps, sa cohé-rence. Au contraire, l’administration délibérée de la mort est d’une grande violence, et laisse souvent aux proches un sentiment de culpabilité, d’inachevé.

n La culture des soins palliatifs n’est-elle pas finalement la réponse absolue à celle de l’euthanasie ?

Oui est non . Oui , c 'est une « culture » c'est-à-dire, bien au-delà des services d'hospitalisation ou des services « mobiles », un état d'es-prit qui doit se répandre dans toute la médecine. Nous y tra-vaillons. C’est d’ailleurs la technicisation de la pratique médicale qui a fait émerger le concept de « soins pallia-tifs » alors qu’il y a quelques dizaines d’années, l’essen-tiel de la médecine était palliative. Les magnifiques progrès médicaux ont en effet provoqué des dégâts collatéraux : une certaine déshumanisation des pra-tiques et aussi une culture du protocole et de la per-formance, jusqu’à « l’achar-nement thérapeutique » (on fait tout et n’importe quoi comme si le corps était une machine) puis l’euthanasie (on jette la machine à la casse quand on pense ne plus pouvoir réparer). Le docteur Mirabel le souligne souvent : contrairement aux idées reçues, achar-nement thérapeutique et euthanasie ne sont pas alternatifs mais cumulatifs.

Ce sont deux faces d’une culture de toute-puissance. À ce titre, effective-ment, les soins palliatifs apparaissent en recours pour humaniser la fin de vie selon l’adage : Il y a tant à faire quand il n’y a plus rien à faire… Cela concerne les soignants mais aussi les proches de la personne et les bénévoles qui sont indispensables si nous voulons que cette culture se répande concrètement.

n Mais vous avez dit « Oui et non » !

J’ai dit aussi non car nous consta-tons qu’il ne faut pas ériger les soins palliatifs en idéologie. Il y aurait à nos yeux une façon toute-puissante de pro-

poser la « bonne mort » comme si on garantissait un résultat. L’homme reste libre de se révolter, de refuser de l’aide, et les soignants peuvent se retrouver en échec. Nous avons noté que quelques praticiens de soins palliatifs avaient émis l’hypothèse que, finalement, on pouvait intégrer l’euthanasie comme issue des accompagnements ayant

Acharnement thérapeutique et euthanasie ne sont pas alternatifs )

Xavier Mirabel.

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8 FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011

échoué. C’est à nos yeux gravissime, car c’est exactement par cette brèche que tentent de s’engouffrer ceux qui pro-meuvent la légalisation de l’euthanasie, notamment l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, dont le nom est à lui seul un syllogisme.

n Que leur répondez-vous ?

Ce que dit la Société française d’ac-compagnement et de soins palliatifs (SFAP) : euthanasie et soins palliatifs sont incompatibles. On le voit dans les pays qui ont légalisé l’administration de la mort. « La mauvaise monnaie chasse la bonne » : il est plus facile de pres-

crire un cocktail létal que de réaliser une consultation poussée antidouleur. Il est plus facile de former à l’eutha-nasie qu’aux soins palliatifs. Donner la mort est rapide et peu coûteux (si on excepte son terrible impact sur les consciences). Et l’on a même vu qu’il était plus facile dans les pays où l’eu-thanasie est légalisée de réaliser des euthanasies clandestines que de remplir les dossiers administratifs prévus pour les euthanasies légales. Alors qu’on pré-tendait que la loi « assainirait » la situa-tion, ce sont les transgressions clandes-tines qu’elle semble avoir encouragées en parallèle ! Comme si l’abandon d’un

interdit symbolique autorisait tout… Et on parle d’euthanasier des enfants, des personnes désorientées, etc. Du droit au devoir de mourir, il n’y a qu’un pas… En fait d’ultime liberté, c’est le totalita-risme qui pointe.

n Pensez-vous que c’est un risque pour la France, après 2012 ?

Plus encore qu’en 2007, l’euthanasie va s’inviter dans la campagne présiden-tielle. Ce sera peut-être un point « clivant ». Les contraintes économiques poussent à l’euthanasie (Jacques Attali l’appelait à ce titre de ses vœux). Les sondages d’opinion poussent aussi les responsables

politiques à la surenchère sur cette ques-tion… Mais quand on regarde les choses de plus près, on se rend compte que ce n’est pas ce qui préoccupe d’abord les Français. Ils considèrent même comme prioritaire le développement des soins palliatifs. Et ils ont déjà peur de la rup-ture de confiance entre soignants et soi-gnés qu’entraînerait l’octroi aux premiers d’un « permis de tuer ». Nous comptons le rappeler aux candidats.

n Comment va se passer votre Tournée 2011, en comparaison des deux der-nières, qui ont été un grand succès ?

Comme nous l’avons vu, le thème de la mort nous concerne plus universelle-ment encore que celui de la bioéthique, abordé les deux années précédentes et qui peut paraître spécialisé. Cette année, nous avons choisi d’intervenir à deux voix, Xavier Mirabel et moi-même, chacun avec sa fibre : lui comme méde-cin, et moi avec mon expérience de SOS fin de vie. Et c’est donc Ségolène du Closel qui animera, de façon originale, et non plus moi. Il y aura aussi des séquences vidéo très fortes.

En abordant notre thème sous des angles complémentaires, nous voulons que les personnes repartent avec des réponses à leurs questions tant per-

sonnelles que sur les perspectives législatives. Nous leur laisserons aussi des documents de qualité, utiles pour leur propre vie, notam-ment la carte Vigilance fin de vie, et les 10 idées solidaires pour accom-pagner les personnes en fin de vie.

En venant nombreuses, les per-sonnes montreront aussi qu’il y a une solide mobilisation en faveur d’une autre solution que celle que promeut de plus en plus le lobby de l’euthanasie.

Dans la vaste salle du Casino de Paris, la soirée parisienne sera sans aucun point commun avec les soirées 2009 porte Maillot ou 2010 à la Mutualité. Nous prévoyons le 8 juin une « surprise », en plus

des cinq personnalités qui vont nous rejoindre : le docteur Chantal Habert qui dirige une équipe mobile de soins pallia-tifs, Anne-Marie Trébulle, directrice des soins de la maison médicale Jeanne-Garnier, Christian de Cacqueray, du ser-vice diocésain des funérailles, Marie-Thérèse Hermange, sénateur et membre du Comité consultatif national d’éthique et le philosophe Fabrice Hadjadj. Ce devrait être un véritable événement qui lancera l’action de l’Alliance sur ce sujet pendant l’année « présidentielle ».

Le lendemain nous serons à Bru-xelles, avec notre partenaire l’Institut européen de bioéthique. Achever la tournée dans un pays voisin et ami où l’euthanasie se pratique légalement, ce n’est pas neutre. n

Plus encore qu'en 2007, l'euthanasie va s'inviter dans la campagne présidentielle(

La tournée "Maîtriser La Mort ?" :téMoignages – expériences – Débat – écLairages…n Quelles réponses apporter aux souffrances de la fin de vie ?n peut-on préparer, accompagner ceux qui vont mourir ?n Que peut-on maîtriser… ? et que doit-on laisser advenir ?n Quels rites de deuils vivre ou réinventer pour que les derniers moments aient un sens ?n entre acharnement thérapeutique et euthanasie, quelle issue ?

Deux grands témoins, qui sont également deux experts, ayant produit de nombreuses contributions écrites sur ce sujet, dialogueront en profondeur au long de la soirée-débat :Le Docteur xavier MirabeL est médecin cancérologue. président de l’alliance pour les Droits de la vie et coordonateur médical du site sos fin de vie, il a été auditionné à trois reprises à l’assemblée nationale et au sénat, dans le cadre du débat sur la fin de vie. il a participé à l’ouvrage collectif euthanasie, les enjeux du débat (Dir. etienne Montero).tugDuaL DerviLLe a travaillé dans une association humanitaire d’aide aux personnes âgées, avant de deve-nir délégué général de l‘alliance pour les Droits de la vie. il est à l’origine du site sos fin de vie qu’il anime. sos fin de vie écoute des personnes confrontées à des fins de vie ou à des deuils difficiles et leur vient en aide. il est l’auteur de Le Bonheur blessé, avortement, eugénisme et euthanasie en question. (cLD éditions).témoignages vidéo et analyses viendront enrichir les échanges animés par ségoLène Du cLoseL.

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n Quandes-tunéàlavieintellectuelleetquelétaitleclimatintellectueldecetteépoque? Qu'est-ce qui te passionnedanslaviedesidées?

Pour répondre à pareilles questions je suis obligé de faire un effort d'anam-nèse, de revenir à mes vingt ans, à ma classe de philosophie… J'ai le senti-ment que les choses sont assez simples à ce moment-là. La vie intellectuelle est commandée par la guerre froide. Le monde de l'Est est dominé par une idéologie conquérante qui impressionne grandement les intellectuels de l'Ouest. On se définit comme marxiste ou anti-marxiste et le monde catholique auquel j'appartiens est très marqué par ce rap-port au marxisme. Une partie de l'intel-ligentsia catholique a poussé assez loin les liens avec le monde communiste.

Ça, c'est une première chose. La deuxième c'est que la vie politique est

marquée par la décolonisation. En 1954 — j'ai douze ans — commence la guerre d'Algérie qui se terminera en 1962 lorsque j'aurai vingt ans. Mon adoles-cence et mes premières années de jeu-nesse ont été marquées par ce conflit qui divise la France en deux. Le monde intellectuel est massivement du côté de l'indépendance algérienne, et un nom émerge dans cette intelligentsia, celui de Jean-Paul Sartre. Sartre qui, déjà, juste après la Seconde Guerre mon-diale, est apparu comme une sorte de figure de proue, avec l'existentialisme qu'on définira comme un existentia-lisme athée. Dans ma classe de philo on avait sans cesse afaire à Sartre, L'Être et le Néant, etc. On avait à se battre, en quelque sorte, avec une conception de la liberté qui était liée à l'athéisme.

Le milieu dans lequel je me trouvais m'a amené à m'intéresser au courant de la philosophie thomiste de l'époque,

qu'on appelait encore néo-thomiste. Particulièrement Jacques Maritain et Étienne Gilson. Je leur dois énormé-ment, même si par la suite je me suis intéressé à d'autres courants de la pen-sée chrétienne et philosophique. J'ai commencé à faire de la théologie. J'ai lu très tôt le père de Lubac, notam-ment deux livres qui m'ont marqué, Catholicisme et Le drame de l'huma-nisme athée. Je retrouverai le père de Lubac par la suite, mais je pense que son influence dès mes 21-22 ans a été déterminante.

Et puis, après l'affaire algérienne, une autre phase va se manifester sur le terrain intellectuel. Moi-même je ne l'ai pas découverte tout de suite. Pour me faire découvrir ce qui s'était passé dans le monde intellectuel, il faudra mon arrivée à Paris en 67-68. Je suis des cours en Sorbonne et quand j'écoute ce qu'on raconte autour de moi, je me rends compte que Sartre est en train de s'effacer au profit d'un courant intel-lectuel qui semble, à ce moment-là, en phase ascendante : le structuralisme, avec Levi-Strauss, Roland Barthes, Michel Foucault… C'est ce dernier qui me retiendra le plus, et que je rencon-trerai par la suite.

Mais ce qui a le plus compté pour moi intellectuellement, c'est le tour-nant de 68. Je suis en Sorbonne. Je vois monter le mouvement de contestation, ne serait-ce qu'à travers la mobilisation des étudiants en philo, à la Sorbonne, à Nanterre, etc. Je ne suis pas tellement surpris par l'explosion qui a lieu en mai parce que j'ai senti la montée en puissance d'un mouvement qui s'était manifesté sans cesse par des appels, ne serait-ce que les annonces incessantes

IDÉESENTRETIEN AVEC GÉRARD LECLERC

10 FRANCECatholique n°326020 mai 2011

Propos recueillis par Grégoire CousteNobLe

Notre éditorialiste publie un nouveau petit livre intitulé « Abécédaire du temps présent ». Il s'agit d'un recueil de chroniques lues sur Radio Notre-Dame ou Radio-Espérance. Elles sont d'un style limpide et ne manquent jamais de faire réfléchir sur une question de société, politique ou intellectuelle. Elles raviront ses auditeurs réguliers comme ceux qui n'ont pu toutes les entendre. On découvrira combien elles dépassent l'actualité au jour le jour et forment un crible pour décoder notre monde. à nos abonnés nous offrons aujourd'hui un grand entretien qui permettra de resituer cet agréable exercice littéraire dans la trame profonde d'une histoire intellectuelle qui est aussi, chacun selon son échelle, celle de beaucoup, ne serait-ce que par fidélité à la lecture de « France Catholique ».

Témoin passionné de son époque

D.R.

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entre les cours. Dans le grand amphi de la Sorbonne, la mobilisation était sans cesse à l'ordre du jour. Je serai à ma manière au cœur de l'événement de 68 qui va complètement bousculer les choses et me bousculer moi-même.

J'ai raconté ça à de multiples reprises. La question qui se pose est une question politique. à quoi va abou-tir ce soulèvement de la jeunesse ? Est-ce que ça va être une révolution poli-tique ? Le Parti communiste, faut-il le rappeler, à ce moment-là est une réalité massive. Il représente un cinquième de l'électorat. C'est une puissance sociale, culturelle, intellectuelle et on n'ima-gine pas qu'un changement politique de fond, de caractère révolutionnaire se fasse en dehors de lui. Certes le Parti a été marqué dans les années 60 par de

multiples ruptures chez les jeunes qui ont adhéré à des formations trotskistes, puis maoïstes. Mais ces formations sont extraordinairement minoritaires. Elles peuvent jouer un rôle dans la rue, mais le bénéficiaire d'un mouvement de fond, ça ne peut être que l'appareil du Parti.

Or les communistes résistent des quatre fers à une logique de prise du pouvoir. Pourquoi ? On évoque un veto de Moscou. Mais, surtout, la période d'expansion économique continue des « Trente glorieuses » a transformé la condition ouvrière. Les ouvriers accè-dent à la société de consommation, avec la bagnole, le frigo, la télé… Il y

a un embourgeoisement de la classe ouvrière et le Parti, qui est son porte-parole, défend en priorité les avantages acquis. Il n'est plus dans une logique de chamboulement révolutionnaire. Il est là pour engranger les bénéfices de l'ex-pansion économique.

La CGT, le grand syndicat de l'époque, qui est dirigé par les com-munistes, va certes s'engouffrer dans le mouvement social de 68. Il ne faut tout de même pas oublier que ça a été une grève générale qu'on n'avait pas connue depuis le Front Populaire en 1936, et même d'une ampleur encore supérieure. Mais lorsque Georges Séguy va à Grenelle pour négocier avec le

Témoin passionné de son époque

On avait à se battre avec une conception de la liberté qui était liée à l'athéisme )

Grégoire Coustenoble interrogeant Gérard Leclerc.

D.R.

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Premier ministre Georges Pompidou il veut engranger des augmentations de salaires. Il ne veut pas conquérir l'Ély-sée. Il y a tout de même un problème avec les jeunes ouvriers qui sont entrés dans une logique gauchiste de déborde-ment, mais le réformisme l'emportera. Et quand de Gaulle arrête le mouve-ment de 68, c'est de fait, un grand sou-lagement pour le PC.

Ça c'est l'aspect politique de 68, il y a aussi un aspect intellectuel. On ne cesse de parler marxiste ou marxien. Dans la rue les étudiants ne cessent de débiter le catéchisme du Capital, la plus-value, les contradictions internes du capitalisme qui vont amener son explosion… Mais on s'aperçoit qu'il y a quelque chose qui ne colle pas. L'idéologie marxiste donne une expli-cation de l'histoire, mais elle ne donne pas toute l'explication. On verra vite qu'il s'agit plus d'un mouvement de civilisation que d'un mouvement social classique. Les léninistes qui espéraient une révolution semblable à celle de 1917 seront déçus. Si révolution il y a, elle est plutôt culturelle, elle renvoie à ce que Freud appelait « un malaise dans la civilisation ». Le mouvement se trou-vera des références intellectuelles qui sont plus en phase avec ses aspirations. On se tournera vers des auteurs qui, certes, ne sont pas tout à fait étrangers au marxisme, mais qui se réclament plus souvent de Freud et même d'un dépassement du freudisme.

Deux nouveaux noms émergent, Marcuse et Reich. Il faut dire qu'à l'époque très peu de monde avait lu Marcuse. Et pourtant Mai 68 va se révéler marcusien à cause d'une cri-tique très ciblée de la société de consommation et de l'importance don-née à la sexualité. Il convient de parler d'un véritable basculement intellec-tuel. Le gauchisme soixante-huitard n'avait plus rien à voir avec le gau-chisme dénoncé par Lénine comme une maladie infantile. Il signifie précisé-ment la fin du marxisme-léninisme et l'avènement d'une nouvelle thématique

sociale. Une thématique d'ailleurs pro-fondément ambiguë dans la mesure où elle peut conforter de nouvelles radica-lités critiques tout autant qu'un aligne-ment sur un capitalisme de consomma-tion. La radicalité critique se retrouvera du côté d'un Deleuze et d'un Guattari dont le livre phare, L'anti-Œdipe, sera le manifeste de toute une postérité

soixante-huitarde. Le freudisme lui-même se retrouve mis en cause, car Freud est considéré comme un conser-vateur arc-bouté sur la structure fami-liale. Or, la révolution du désir déter-mine une subversion généralisée des mœurs.

Je vais suivre tout cela avec énor-mément d'intérêt. Mais c'est Maurice Clavel qui va m'éclairer sur le sens général de l'évolution en cours. Il a toute une histoire derrière lui. à la veille de la guerre, il a été sauvé de la tentation fasciste par le royaliste Pierre Boutang qui est son camarade de la rue d'Ulm. Résistant, il accueillera le général de Gaulle devant la cathédrale de Chartres à la Libération et plutôt que de suivre la carrière de philosophe à laquelle il semblait voué, il s'associera à Jean Villar dans l'aventure du festi-

val d'Avignon. Il sera connu comme un auteur de théâtre, adaptant aussi des grandes pièces du répertoire. Il sera aussi journaliste, frôlant un moment le Parti communiste. Mais c'est sur-tout dans les années soixante que sa réputation grandit, grâce à Jean Daniel qui l'a accueilli au Nouvel observateur. Sa chronique de télévision lui permet d'aborder tous les sujets possibles. Et ceux-ci débordent largement la poli-tique. à peu près au moment où il arrive au Nouvel observateur, Clavel s'est converti au christianisme, à la suite d'une épreuve personnelle qu'il racontera plus tard dans son Ce que je crois. Ce qui va me passionner sur le moment, c'est la façon dont Clavel rapporte la crise de civilisation à la crise personnelle qu'il a vécue. En deux mots : c'est tout un monde qui s'ef-fondre parce qu'il ne croit plus à ce qu'il est censé croire.

La question est donc spirituelle. C'est à une conversion totale que le monde moderne est appelé à l'image de la conversion qu'il a lui-même vécue quelques années plus tôt. Les articles que le journaliste a publiés dans Combat et au Nouvel observateur ont surpris par leur côté absolu. Clavel semble rallier la frange la plus extré-miste de la contestation. Il est l'ami des dirigeants maoïstes, ceux qui ont songé sérieusement à déborder le Parti communiste pour l'obliger à faire la révolution. Qu'est-ce que le catholique Clavel vient faire là-dedans ? Certains en perdent leur latin et le prennent pour un fou. Mais l'intéressé sait très bien où il veut mener son monde et il s'en expliquera durant la décennie qui lui reste à vivre dans une série d'essais retentissants. Le caractère absolu de la contestation n'a de sens que dans sa relation avec l'absolu. L'absolu c'est Dieu tout simplement, ce Dieu qu'il a vu ressusciter en 68. On conçoit que la radicalité évangélique de Clavel est d'une autre essence que la radicalité d'un Deleuze. C'est pourquoi il médite, depuis sa colline de Vézelay où il s'est installé, toute une stratégie ambitieuse de retournement de l'intelligence occi-dentale. Il ne pourra aller au terme de

12 FRANCECatholique n°326020 mai 2011

Il s'agit plus d'un mouvement de civilisation que d'un mouvement social(

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son entreprise disparaissant à la veille de ses 60 ans…

Clavel était persuadé que 68 pou-vait aboutir à une révolution spirituelle. Était-il trop optimiste ? Ce qu'il atten-dait dépassait de toute façon les limites d'un projet politique. Il est probable qu'il aurait adhéré d'enthousiasme au pontificat de Jean-Paul II dont il n'a vécu que les premiers mois. Il s'était reconnu dans le mouvement charismatique, notamment lorsque la communauté de l'Em-manuel était venue, durant deux étés, à Vézelay inaugurer les grandes sessions qui se déve-lopperont par la suite à Paray-le-Monial. Avec le recul du temps, on constate que le mou-vement qu'il avait impulsé n'est pas parvenu à son terme. La situation intellectuelle a beau-coup évolué après sa mort, dans les années 1980. Le retourne-ment de l'intelligentsia contre le marxisme, va se conf ir-mer. Après la publication de L'archipel du goulag d'Alexandre Soljénitsyne, la monstruosité du communisme est patente. Cependant, une autre voie radi-cale semble s'ouvrir avec le gauchisme et les penseurs de la radicalité critique, comme Deleuze, Guattari et Foucault. Paradoxalement, avec la victoire de François Mitterrand en 1981, cette radicalité va s'effacer de la scène publique, pour renaître, sous d'autres formes, dans les universités américaines. Il faut dire que l'expérience de gauche tourne rapidement court : en 1983 c'est l'ali-gnement sur les thèses du libéralisme économique.

Plus fondamentalement c'est un tournant idéologique qui va se pro-duire, avec le retour en force du libé-ralisme tocquevillien. Il faut rappeler l'importance de la remise en cause de l'historiographie classique de la Révolution française. En 1978 (l'an-née de l'avènement de Jean-Paul II) François Furet a publié un essai intitulé Penser la Révolution française. C'est un

déni absolu des thèses enseignées à l'université, avec cette croyance que le grand projet révolutionnaire consti-tue toujours l'espoir à venir. Quelques années plus tard un autre livre cosigné par Furet, Julliard et Rosenvallon achè-vera la démonstration : La Révolution française est terminée. La probléma-tique démocratique, proche de celle des américains, se substitue à la rhétorique

jacobine et même républicaine. Cela va se traduire par l'essor de quelques philosophes majeurs qui vont fournir les cadres nouveaux de la réflexion poli-tique. Je pense notamment à Claude Lefort, à Marcel Gauchet et à Pierre Manent et, dans un registre un peu dif-férent, à Régis Debray.

Le libéralisme économique n'est pas forcément lié au libéralisme politique. Cependant on conçoit difficilement une

société libérale en dehors des règles du marché, d'autant que l'époque se signale par un retour à une pensée pré-keneysienne de l'économie. Ronald Reagan aux États-Unis, Margaret Thatcher en Angleterre veulent libérer le dynamisme économique d'une régu-lation étatique, et c'est l'ensemble du monde qui se trouvera engagé dans cette évolution qui correspond à la glo-

balisation. Un théoricien comme Hayek qui avait toujours été difficilement reçu en France, finira par y trouver des disciples très convaincus.

n Tudécrisuneespècedeprisedepouvoird'unepenséelibéraleetdedroite.Commentexpliques-tu que cer tainsintellectuels de gauche aientsi facilementbasculédans celibéralisme.Est-cequecelatechoque?

Un bon nombre de jeunes normaliens formés au marxisme vont le répu-dier complètement. Ce sera le destin des maoïstes de l'époque qui ont été des révolutionnaires incandes-cents dans les années 60 et qui ont essayé de pro-longer Mai 68 dans une espèce de mouvement insurrectionnel qui ne s'est pas produit.

En 1974, c'est la mort de Pierre Over ney, mili-

tant maoïste tué aux portes de Renault à Boulogne-Billan court. Cette simple mention évoque un univers disparu. On parlait à propos de Renault et de son usine de l'île Seguin de la forteresse ouvrière. Tout cela a disparu. Mais à l'époque le symbole était encore extrê-mement fort. Les obsèques d'Overney rassembleront une foule considérable dans les rues de Paris. Paradoxalement, cette manifestation marque la fin du

La remise en cause de l'historio graphie classique de la Révolution française

)

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gauchisme post-soixante-huitard. Le mouvement maoïste va se dis-soudre et ses dirigeants vont suivre des itinéraires inattendus. Le Pierre Victor, dirigeant charismatique de la Gauche Prolétarienne, abandonnera le marxisme et terminera sa vie dans une yeshiva à Jérusalem. Entre-temps il a accompli cet exploit de conver-tir Jean-Paul Sartre à la pensée d'Em-manuel Lévinas, ce qui constitue un démenti complet à toutes les thèses de l'existentialisme. Mais il est d'autres exemples, tels celui de Lardreau et Jambet qui vont explorer un moment l'aventure des origines chrétiennes, où ils pensent avoir découvert la véritable conversion révolutionnaire. Personnellement, avec mes amis proches, j'ai suivi tout cela au plus près, notamment à travers le cas de ce qu'on a appelé les nouveaux philosophes à la fin des années 70 (André Glucksmann, Bernard-Henry Lévy, Jean-Paul Dollé, Philippe Némo, etc.).

n On te dépeint souvent comme théolo-gienetphilosophe,ettut'intéressesdetrèsprèsà lapolitique.Parmicestroisdisciplines, quelle est pour toi la plusimportante et, comme j'ai un peu uneidée de la réponse, comment ordonne-rais-tulestrois?

Les trois dimensions m'intéressent. Je n'ai jamais eu l'idée d'en délaisser aucune. La politique, je m'y suis tou-jours intéressé par la force des choses, parce que dès mon enfance j'ai décou-vert son importance, ne serait-ce que par les souvenirs de la guerre avec la génération de mes parents, les guerres coloniales et post-coloniales qui déter-minaient les clivages de mon adoles-cence. Et puis j'ai vécu, j'avais seize ans en 58, l'avènement de la Cinquième République et j'ai assisté à une vraie révolution. Je n'ai jamais délaissé le souci politique, qui a toujours été chez moi en relation proche avec la pensée philosophique. Ma formation initiale a

été marquée par la philosophie et la théologie. Je n'ai jamais abandonné ces disciplines, bien au contraire. Au travers d'une carrière journalistique poursuivie depuis 68, je n'ai cessé de me confron-ter aux grands penseurs, suivant atten-tivement l'ensemble de la production intellectuelle en ajoutant à la philo-sophie et à la théologie l'espace des sciences humaines.

Je dois préciser que parallèlement aux événements politiques et aux évo-lutions intellectuelles, j'ai vécu tout ce qui s'est passé dans l'Église avec inten-sité. L'événement majeur de ce point de vue demeure le concile Vatican II et ses

suites. J'ai toujours adhéré à l'enseigne-ment du Concile, à l'encontre du cou-rant traditionaliste qui l'a répudié dès le départ. Ce n'est pas pour autant que je suis resté indifférent à certaines objec-tions, mais cela ne pesait pas eu égard aux grandes orientations des consti-tutions conciliaires. J'ai toujours eu le sentiment que l'inspiration profonde du concile se situait dans la ligne du cardinal Newman et à ce qu'il appelait le développement organique du dogme.

Je dois dire la dette que j'ai

contrac tée à l'égard d'un certain nombre de maîtres que j'avais com-mencé à lire autour de mes vingt ans. Je songe au cardinal Jean Daniélou, avec qui j'eus une longue rencontre, quelques semaines avant sa mort. Je n'ai jamais fait mon deuil de sa dis-parition, parce qu'il jouait alors un rôle d'éclaireur que facilitait son aisance dans l'expression publique. Mais le théologien que j'ai le mieux connu demeure le cardinal Henri de Lubac, dont j'avais lu les œuvres très tôt, et que j'aurai la chance de côtoyer pendant une dizaine d'années, ayant de longues conversations avec lui. J'ajoute que la parution de la trilogie de Hans Urs von Balthasar dans les années 70-80 a été pour moi un véri-table éblouissement. Le père de Lubac qui avait été son professeur, disait que c'était l'homme le plus cultivé de son temps. Il avait une maîtrise de la culture européenne à commencer par les langues. Il avait traduit une par-tie essentielle du patrimoine littéraire européen en allemand. Et il opérait une liaison entre la littérature et la théolo-gie, qui conférait à cette dernière une nouvelle dimension. Je pourrais égale-ment parler de Louis Bouyer mais aussi de Joseph Ratzinger sans oublier Yves Congar et bien d'autres.

Je mets la théologie au-dessus des autres savoirs, non seulement par conviction personnelle mais parce que l'éclairage anthropologique qui vient de la Bible et de la Tradition est incompa-rable.

n Depuis des années, tu t'intéresses auxdébats d'idées. Tu t'es aussi beaucoupengagé, politiquement et auprès del'Église. Est-ce qu'on peut changer lemonde avec des idées et des échangesd'idées, ou bien est-ce juste un outilpourcomprendrelemondeetsesévolu-tions?

Les deux. On ne peut pas com-prendre le monde sans cet extraordi-naire outil qu'est la pensée, dans tous ses domaines. J'ai parlé de philosophie, mais j'aurais pu élargir aux sciences

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Une grande incertitude s'est répandue sur une société déstabilisée(

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humaines, la sociologie, la psychana-lyse, l'histoire, voire l'économie où je suis certes moins à l'aise. Le monde dans lequel nous vivons n'est intelligible qu'à travers la pensée, les courants de pensée qui nous permettent de le com-prendre de l'intérieur.

n Mais est-ce que cette pensée permetvéritablementd'agirsurlemonde?

Oui. Mais elle montre d'abord les limites de l'action. Marx disait que les philosophes jusqu'ici avaient interprété le monde et que maintenant il s'agis-sait de le transformer. Mais le promé-théisme, le rêve d'une transformation absolue du monde par l'homme, est dangereux. C'est le mythe révolution-naire qui a amené aux grandes catas-trophes du vingtième siècle. Ceci dit, comprendre le monde c'est aussi vouloir agir, ne serait-ce que pour nous pro-téger des catastrophes et aussi pour peser dans le sens de plus de justice. Mais les choses sont subtiles : com-ment agit-on vraiment sur le monde ? Comment fait-on un monde plus habi-table ? Un monde plus habitable, c'est aussi un monde qui est ordonné à la beauté, à un certain art de vivre et ça, c'est autre chose que la transformation proprement politique voire « révolution-naire » pour changer les choses.

n RevenonsàMai68quiaétéunepériodeimportante dans ta formation intellec-tuelle. Est-ce que ça a été une périodededémolitionouest-cequecelaamal-grétoutpermisuneutilelibérationdelaparoleque l'onn'auraitpaspu imagineravant?

Il y a eu incontestablement les deux. Comme disait le père Michel de Certeau, en 68 on a pris la parole comme on avait pris la Bastille en 89. Il est certain qu'il y a une œuvre d'ac-couchement intellectuel. On essaye de réfléchir plus profondément à notre condition, à ce qui se passe. Une période de démolition aussi, oui. Il y a des gens qui ont vécu durement les

conséquences de 68, ne serait-ce que par l'éclatement de la cellule familiale. Cela n'a pas été sans conséquences graves et à longue portée. Sans comp-ter des mouvements culturels qui ont amené à des catastrophes humaines, les phénomènes de drogue, etc. Il y a aussi un nihilisme rampant. Les anciennes idéologies ont été contes-tées, mais du coup, une grande incer-titude s'est répandue sur une société déstabilisée. L'Église catholique a été très touchée par la crise des années 60 avec une rupture qui a amené la fin des grandes congrégations religieuses, le déclin du clergé. Mais ce serait un autre chapitre considérable à écrire. Je l'ai esquissé dans quelques-uns de mes livres. Je m'en sortirais provisoire-ment par une formule célèbre : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve » (Hölderlin) . J'ai assisté depuis les années 60 à un véritable effondrement de civilisation, et en même temps à la naissance d'une espérance qui prend parfois un visage. Je pense à celui de Jean-Paul II.

n Que retiendrais-tu dans les dialoguespositifsqueçaapuouvrir?

Au-delà de ce que j'ai déjà dit, je pense, aux frontières de la philosophie et de la théologie, à un renouveau qui est encore appelé à se développer. J'ai découvert René Girard à la publication de ses livres fondateurs comme La vio-lence et le sacré. Il a révolutionné la pensée, avec des implications au-delà de la littérature, de l'ethnologie. On s'aperçoit que la théologie en est mar-quée, la politique évidemment aussi.

Je pense également à un auteur considérable qui s'inscrit dans le mou-vement de la phénoménologie et qui a développé une pensée puissante et originale. Significativement, elle est de même à la frontière de la théologie. Il s'agit de Michel Henry dont les derniers livres ont été écrits dans l'intimité de l'évangile de Saint Jean. Pour moi, il

s'agit là d'événements qui dépassent leur temps.

n La rencontre avec un intellectuel est-elle le prolongement nécessaire de lalecturedeseslivres?

Ça a été un grand bonheur et une grande chance de faire la connaissance d'un certain nombre de gens qui m'ont marqué. Clavel je l'ai lu, mais je l'ai rencontré, j'ai eu des conversations avec lui qui m'ont permis de le mieux connaître et de le mieux comprendre. J'ai dans la tête des souvenirs inou-bliables, notamment une montée de la colline de Vézelay jusqu'à la basilique. Je le revois encore face à face avec Pierre Boutang, son complice de tou-jours. Des rencontres de cette nature font le charme d'une existence. Et puis on ne saurait passer tout son temps dans les livres. Ceux-ci s'inscrivent dans l'histoire qui se fait, et à laquelle on tente, même modestement, de s'as-socier. Je ne pourrais faire la liste de tous les livres que j'ai avalés depuis mon adolescence ni même établir le cata logue des quelques milliers d'ar-ticles que j'ai pu écrire. Mais tout cela perdrait beaucoup de son sel et de sa densité, si l'on perdait de vue l'histoire vécue. En deux mots, j'appartiens à cette génération qui a vu la chute du marxisme. J'ai donc été mêlé aux mises au point, aux redéfinitions radicales qui nous ont fait changer d'époque.

J'ai déjà évoqué l'importance de François Furet. Je ne l'ai pas souvent rencontré, mais sa conversation a eu sur moi des effets dont je me suis rendu compte par la suite. Lorsqu'il m'a expliqué ses relations très singulières avec le Nouvel observateur et l'intelli-gentsia, j'ai encore mieux compris son travail critique non seulement dans le domaine historiographique, mais aussi dans celui de l'analyse politique. J'aurais beaucoup à dire à ce propos qui concerne la part de l'histoire des idées associée à la chose publique. Qu'on me

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L'Église catholique a été très touchée par la crise des années 60

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permette encore un souvenir, celui d'une rencontre à l'archevêché de Paris, lors d'une réunion pour préparer le bicente-naire de la Révolution française. Furet était en face du cardinal Lustiger parmi d'autres historiens. J'ai eu le sentiment de vivre un moment clé, où tout se remettait en perspective : l'Histoire au sens général du terme, les idées, l'Église et toutes les interconnexions possibles. Vingt ans avant, c'était impensable. Remettre en cause l'historiographie jacobine ou marxisante, c'était s'exposer aux pires invectives.

n Quelsontétélesauteurs,outreceuxquetu asdéjà cités, qui ont le plusmarquétaviedelecteur?

J'ai analysé des centaines et des centaines de livres dans des domaines très divers. Je songe à l'histoire qui ne

se résume pas au nom de François Furet. Je pourrais parler de Pierre Chaunu qui m'a beaucoup impressionné autant par ses capacités de travail décapant que par ses qualités de cœur, d'Emmanuel Le Roy Ladurie, de Georges Duby, et de tant d'autres. Au moment du bicen-tenaire de la Révolution déjà évoqué, j'avais mis le nez dans l'immense litté-rature des deux siècles écoulés. J'ai lu ainsi Michelet et fait la découverte de Taine, proprement inoubliable. J'avais même commencé sur le moment un livre dont les deux premiers chapitres sont perdus dans mes archives. Mais ce travail n'a pas été vain. Il n'a cessé de nourrir mes réflexions sur les sujets les plus divers, notamment sur l'amour et la famille. Et je m'aperçois qu'il me faut saluer impérativement au passage le grand souvenir de l'extraordinaire Philippe Ariès et la présence stimulante de Michel Rouche.

J'ai parlé de la théologie, comment ne pas dire ma proximité avec l'équipe de la revue Communio. Jean-Luc Ma rion, Rémi Brague, Jean Duchêne et beaucoup d'autres me renvoient à toute une galaxie intellectuelle à laquelle je dois énormément. Je suis forcément ingrat dans ce retour sur mon passé. Les visages se bousculent. Par chance il y a tous ceux que je puis rencontrer dans Paris. Il y a aussi tous les dispa-rus : un Jean-Marie Domenach et son entourage d'esprit. Le grand économiste François Perroux, rencontré dans ses dernières années, a laissé aussi sur moi une trace indélébile. Je reste très igno-rant dans cette discipline, mais il m'ar-rive de rouvrir ses œuvres majeures.

Et puis , parce qu'il faut bien conclure, j'évoquerais cette autre figure aimée et inoubliable : le cardinal Jean-Marie Lustiger. Ce fut une chance assez prodigieuse pour moi de pouvoir l'ap-procher souvent. Il s'est identifié à un moment de l'Église, bien au-delà de Paris. Peut-être aurai-je aussi l'occasion d'exprimer un jour tout ce dont je lui suis redevable et tout ce dont il est le symbole pour hier et pour demain.

n Quels sont les auteurs que tu auraisaimérencontreretquetuasmanqués?

Il y a un homme que je n'ai pas ren-contré et avec qui j'aurais bien aimé parler, c'est Philippe Muray ! Lorsque j'ai lu Le XIXe siècle à travers les âges, j'ai été littéralement ébloui. Je ne crois pas avoir manqué grand-chose par la suite de toutes ses publications, sauf le domaine des romans que j'ai lais-sé de côté. Je me suis retrouvé pour ses obsèques en l'église Notre-Dame-des-Champs avec l'impression curieuse d'une rencontre manquée. Mais une vie entière ne suffit pas pour épuiser les possibilités de contacts avec les gens que l'on a estimés. Je n'ai rencontré ni Jacques Ellul, que de proches amis interrogeaient pourtant fréquemment, ni Paul Ricœur et c'est de ma faute… En revanche, j'ai eu la grâce de côtoyer René Girard, le père Bernard Bro et tant d'autres dont je demeure tributaire ! n

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PAKISTANUne infirmière chrétienne de 24 ans, Farah Hatim, a été séquestrée, rouée de coups et convertie de force à l'islam en vue d'un mariage, forcé lui aussi, avec l'homme musulman qui l'a enlevée. Farah réside dans la ville de Rahim Yar Khan (entre Lahore et Multan) dans le sud du Punjab. Elle est élève infirmière au « Cheikh Zaid Medical College ». Le 8 mai dernier, elle a été enlevée par Zeehan Iliyas, employé de banque musulman. La famille de Farah a immédiatement porté plainte mais certains agents de police l'ont invitée à ne pas le faire car « dans des cas comme celui-ci, on ne peut rien faire ».Rizwan Paul, militant des droits de l'homme et président d'une ONG d'inspi ration chrétienne « Life for All » s'est adressé au Chef du district de po -lice afin d'obtenir justice et a obtenu des promesses en ce sens.

(P.A.) Agence Fides 13/05/2011

ADVENTISTESQuatre personnes se réclamant de l'Église adventiste du septième jour ont été mises en examen, le 14 mai à Évry, pour avoir séquestré une autre adepte de 19 ans, durant une semaine, afin de « l'exorciser ». Les faits se se raient pas sés dans un appartement de Grigny (Essonne). L'Église adventiste du septième jour revendique 12 660 membres en France métropolitaine et 33 998 dans l'Outre-Mer français et déclare n'avoir aucun rapport avec « ce type d'exorcisme délirant ».

ITALIEUn prêtre de 51 ans a été arrêté par la police le 14 mai à Gênes. Il est soup-çonné d'avoir fourni de la drogue à un garçon mineur contre des « compor te-ments immoraux » et serait inculpé de violence sexuelle. Le cardinal Angelo Bagnasco, président de la Conférence épiscopale italienne et archevêque de Gênes, a publié une lettre aux fidèles à propos de cette affaire.

à Naples, le cardinal Crescenzio Sepe a publié le 13 mai des instructions à son clergé pour refuser les sacrements de l'Église aux mafieux qui ne se seraient pas repentis, leur interdisant notamment les obsèques religieuses, d'être parrains de baptême ou témoins de mariage.

ÉGYPTEPlusieurs mausolées renfermant des restes de saints musulmans ont été récemment vandalisés, notamment un à Cheik Zweid, dans le nord de l'Égypte, par des salafistes qui considèrent cette pratique comme hérétique.

PORTUGALPlus de 200 000 fidèles ont participé le 13 mai, à l’occasion de la fête de Notre-Dame de Fatima, à une messe en hommage au pape Jean-Paul II béatifié le 1er mai à Rome.

CHINELes pasteurs de 17 Églises non enregis-trées ont publié le 12 mai une adresse au président de l'Assemblée nationale populaire pour que cessent les atteintes à la liberté de culte, qui est en principe reconnue par la Constitution.

LITURGIEUn document de la Commission pontifi cale Ecclesia Dei, l'instruction Universae Ecclesiae, signée de son président le cardinal William Levada, et de son secrétaire, Mgr Guido Pozzo, a été promulgué, le 13 mai, « en vue de garantir la correcte interprétation et la juste application » du Motu Pro­prio Summorum Pontificum promulgué par le Pape en 2007 pour faciliter la célébration de la messe selon le rite dit extraordinaire (livres liturgiques en vigueur en 1962).

Lescoptesetlarévolution

Au caire, la lune de miel entre chrétiens et musulmans, commencée aux plus beaux jours de la révolution sur la place Tahrir, est-elle compromise ? Le 8 mai, une ma-nifestation de 400 personnes, qui mêlait quelques jeunes musulmans à des chré-

tiens, au nom de l'unité nationale, a été victime de jets de pierres par des « salafistes ». Il y a eu des blessés. Cependant, c'est sans incident notable que plusieurs milliers de manifestants se sont retrouvés place Tahrir le samedi 14 mai après-midi, musulmans et chrétiens main dans la main, pour clamer leur foi dans l'unité de l'Égypte et plus bruyamment encore leur soutien à la cause palestinienne… Le même samedi, des ma-nifestants coptes qui faisaient un sit-in, depuis le 7 mai, sur une petite place devant la télévision publique (pour exiger que ce média démente sérieusement les rumeurs selon lesquelles les chrétiens retiennent prisonnières des converties à l'islam, rumeurs qui sont à l'origine du pogrom antichrétien du 7 mai, où 15 personnes ont été tuées, 200 blessées et deux églises incendiées dans le quartier d'Imbaba) ont été insultés par un jeune auto-mobiliste musulman du quartier de Boulaq qui voulait passer sans être fouillé. Ayant été repoussé par les chrétiens, il est revenu avec des amis de son quartier, armés d'un fusil de chasse et de cocktails molotov, certains lancés depuis un pont qui surplombe cette place. Trois chrétiens ont été blessés et plusieurs de leurs voitures ont été incendiées. Telle est du moins une des premières versions de cette affaire. L'armée est intervenue pour mettre fin à la confrontation qui a pris de l'ampleur et duré de 21 h à 1 heure du matin. Un deuxième bilan faisait état de 78 blessés...Le dimanche après-midi 15 mai, un petit millier de coptes continuaient le sit-in, en-cadrés par un cordon de policiers renforcés par quelques blindés. Mais le Pape Che-nouda III — qui voudrait tenir les chrétiens à l'écart du mouvement actuel de « révolu-tion arabe » — leur avait expressément demandé de se disperser : « Tout cela nuit à la réputation de l'Égypte et aussi à la vôtre, c'est pourquoi il faut immédiatement mettre fin à ce sit-in. » Or le Pape Chenouda ne semble guère écouté par les jeunes coptes… n

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Simon Pierre (dont Jésus a lui-même changé le nom pour y mettre la référence au Rocher d’Israël) nous parle de son Maître comme de la pierre

angulaire, « pierre choisie et de grande valeur ». Mais il ajoute aussitôt qu’elle peut devenir « une pierre sur laquelle on bute, un rocher qui fait tomber ». Comment comprendre ?

Dieu en nous donnant son Fils a accepté qu’il entre dans le domaine des opinions et des jugements humains. à partir du moment où il était sur terre, où il se montrait, prenait des positions, jouait un rôle, les uns et les autres pouvaient à son propos tirer des conclusions variées, lui reconnaître une place ou au contraire la lui dénier. « Au dire des hommes, qui est le Fils de l'homme? » demande-t-il lui-même (Matthieu 16,13), et il n’est pas déçu de la réponse : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres encore, Jérémie ou l'un des prophètes ». C’est terrible de penser que l’Absolu, celui qui est la Vérité même, s’est livré ainsi sur le marché où tant de produits frelatés sont exposés à la curiosité des passants ! Et ça continue : il est toujours l’objet d’évaluations, de discussions, de théories. Certains pensent le connaître mieux que l’Église, tout en empruntant à celles-ci ses sources, d’autres lui ont réglé depuis longtemps son sort en le

classant dans une catégorie : celle des prophètes, ou des illuminés, celle des révolutionnaires, ou des grands initiés.

Mais il faut bien reconnaître que, quand Jésus n’est plus la pierre d’angle, c’est-à-dire celui autour duquel tout s’ordonne, il n’a plus grand-chose à apporter. C’est la difficulté avec lui ! Quand on lui réserve une place à côté d’Allah, du Bouddha, de Socrate ou de Gandhi, il n’est plus très facile de dire ce qui constitue son apport propre. Comme si ce qu’il avait de mieux à nous donner, c’était la remise en cause de tout ce que l’humanité s’est donné comme maîtres et souvent comme idoles. Comme si c’était son insupportable prétention à être le Chemin, la Vérité et la Vie, et pas un chemin parmi d’autres, une vérité et une vie au milieu des autres, qui constituait sa réelle originalité.

En définitive ou bien c’est de la folie pure ou bien c’est vrai, radicalement, et cette exigence nous remet tous dans l’humilité, nous obligeant à accueillir la nouveauté absolue de ce qu’il a à nous dire et à nous montrer. « à vin nouveau, outres neuves ! » Comme s’il nous disait : si vous prétendez partir de vos catégories pour appréhender ce que je suis, vous ne trouverez que ce que vous y avez mis. C'est-à-dire vous-mêmes.

Albert Schweitzer (le fameux docteur de Lambaréné qui saigna les

lépreux) avait remarqué en son temps que les auteurs des « Vies de Jésus » qui avaient cours à l’époque décrivaient bien consciencieusement le personnage qui incarnait le mieux leurs valeurs ou leurs idéaux, d’où les discordances très grandes qu’on pouvait apercevoir entre elles. La seule manière de prendre Jésus, c’est de le prendre comme il a voulu être pris, c’est-à-dire comme la référence unique, la pierre d’angle, le point de départ absolu. Et redécouvrir tout le reste à partir de lui.

Le rôle de l’Église n’est pas de rajouter une opinion de plus sur le sujet, mais de nous garder l’audace de cette présentation. Seule son apparente intolérance nous empêche de mettre Jésus au musée des grands hommes, où son buste côtoierait celui de Napoléon et de Pasteur. n

Dimanche 22 maiPremière Lecture : Actes 6.1-7Psaume 33.1-2, 4-5, 18-19Deuxième Lecture : 1·Pierre 2.4-9Évangile : Jean 14.1-12.

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5e Semaine de pâqueS

14. 1 « Que votre cœur ne se trouble pas : croyez en Dieu et croyez aussi en moi. 2 Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures. Sinon, je ne vous aurais pas dit que je m’en vais pour vous préparer une place. 3 Quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai près de moi, de sorte que vous soyez aussi là où je suis. 4 Et vous savez le chemin pour aller où je vais. » [...]

5e dimanche de pâqueS (année a)

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la pierre d’angle qui peut devenir une pierre

de scandalepar le Père Michel Gitton

par le Père Michel GittonNous avançons dans les merveilleux discours après la Cène. Jésus commence à nous laisser entrevoir le mystère du Saint Esprit.

5e Dimanche de Pâques1. Jésus qui connaît les faiblesses de ses disciples, leurs divisions, leurs jalousies, mais qui construit patiemment son Église à travers toutes les contradictions (lecture des Actes des Apôtres).➤ Adorons le Maître qui ne se laisse pas détourner de son objectif.Point spi : Acceptons notre place, en la trouvant déjà merveilleuse.2. Jésus, pierre éliminée par les bâtisseurs, mais que Dieu a choisie pour édifier son Église (lecture de la première lettre de saint Pierre).➤ Adorons le Fondement solide de notre foi.Point spi : Portons avec fierté le signe de notre appartenance.3. Jésus notre Vie et notre Vérité, qui s’est fait notre Chemin, la Voie vivante qui nous ramène à la Patrie (Évangile selon saint Jean).

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➤ Adorons le Compagnon de nos routes qui chemine à nos côtés.Point spi : ne rêvons d’autres chemins que ceux que Jésus met concrètement à notre disposition.

Lundi : Discours après la Cène (Jean 14, 21-26)1. « Celui qui m’aime sera aimé de mon Père, et moi je l’aimerai », Jésus qui passe par l’amour du Père pour nous, qui ne se place jamais dans un simple face-à-face avec nous ses disciples.➤ Adorons le Fils éperdu d’amour pour le Père, reconnaissons-y la source de son amour pour nous.Point spi : Mettons toujours Dieu en tiers dans nos relations avec les autres.2. « Nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure », Jésus qui nous parle de sa venue mystérieuse, mais là encore il n’est pas seul.➤ Adorons notre divin visiteur, l’hôte merveilleux de nos âmes.Point spi : Respectons en nous et dans les autres cette demeure de Dieu.3. « L’Esprit Saint, le Paraclet, Lui, vous enseignera tout », Jésus qui fait la passe en direction de l’Esprit Saint, qui pour la première fois en parle comme d’une personne (Lui !).➤ Adorons le Fils, qui s’efface devant l’Esprit pour lui laisser prendre toute la place dans l’Église.Point spi : Mettons-nous sérieusement à l’écoute de l’Esprit, pour qu’il nous enseigne Jésus.

Mardi : Discours après la Cène(Jean 14, 27-31)1. « Je vous laisse la paix », Jésus si attaché à notre paix, à sa paix en nous. Jésus qui refuse que nous nous laissions effrayer.➤ Contemplons le Prince de la Paix, dont la Paix parvient même au cœur des conflits de ce monde, soyons sensibles à cette paix divine, sans défense, sans frontière.Point spi : ne laissons pas polluer notre paix quand nous sortons des rencontres avec lui.2. «Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez », Jésus qui nous apprend à aimer, à préférer le bonheur de l’autre à notre intérêt égoïste, Jésus qui nous aime, mais qui a hâte de rejoindre son Père.➤ Contemplons le Fils tout tourné vers le Père, attendant dans l’impatience l’heure de son Ascension.Point spi : ne retenons pas égoïstement ceux qui ont d’abord à répondre d’eux-mêmes à Jésus et à son amour.

3. « Il faut que le monde sache : j’aime le Père », Jésus qui sait que sa mission principale est d’affirmer la priorité de Dieu, dont toute la vie est un poème au Dieu unique.➤ Contemplons le « Religieux de Dieu », laissons-nous emporter par le mouvement de sa prière.Point spi : Sachons que Dieu seul suffit.

Mercredi : Discours après la Cène (Jean 15, 1-8)1. « Demeurez en moi, comme moi en vous », Jésus qui demeure en nous autant que nous demeurons en Lui, Jésus qui a fait chez nous sa demeure.➤ Admirons le Dieu « Emmanuel », au milieu de nous, pour de bon et pour toujours.Point spi : Revenons souvent à ce cœur de notre cœur : le sanctuaire caché où il nous rejoint.2. « Celui en qui je demeure donne beaucoup de fruits », Jésus qui ne nous capte pas pour lui sans nous faire porter du fruit.➤ Admirons cette Vigne féconde, source d’une frondaison sans cesse nouvelle.Point spi : Branchons-nous sur la prière pour avoir des résultats qui ne sont pas toujours à remettre en cause.3. « Demandez tout ce que vous voudrez », Jésus si large, si généreux, qui ne nous partage pas sa vie avec parcimonie.➤ Admirons cette source surabondante et inépuisable, plongeons-y notre cœur et notre tête.Point spi : ne désespérons pas de la prière de demande.

Jeudi : Discours après la Cène (Jean 15, 9-11)1. « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés » Jésus qui n’a pas peur de rapprocher son lien éternel avec le Père avec cet amour qu’il a pour nous, avec tous.➤ Vénérons ce double amour qui en Lui n’en fait qu’un, apprenons à nous loger avec Jésus au cœur de la Trinité.Point spi : Aimons nos frères avec le cœur de Jésus.2. « Comme moi j’ai gardé fidèlement les commandements de mon Père », Jésus qui n’a pas peur de rapprocher son obéissance de Fils avec notre fidélité en tant que disciples.➤ Vénérons le Disciple du Père, celui qui accepte de se laisser instruire.Point spi : Faisons-nous une âme de disciple, laissons-nous pétrir, repétrir.3. « Je vous ai dit cela », Jésus qui pense à ce que sera notre « relecture » dans la lumière de la Résurrection.

➤ Vénérons le Maître qui nous devance déjà dans le Royaume, suivons celui qui sait déjà où tend toute l’aventure.Point spi : Faisons mémoire de ses paroles entendues au fond de notre cœur.

Vendredi : Discours après la Cène (Jean 15, 12-17)1. «Mon commandement, le voici», Jésus qui demande quelque chose, qui ne se désintéresse pas de notre comportement.➤ Considérons la Sagesse qui nous dit ce pour quoi nous avons été créés, écoutons sa voix.Point spi : ne nous habituons pas à ce commandement d’amour fraternel, prenons- le au sérieux une bonne fois.2. « Maintenant, je vous appelle mes amis », Jésus qui nous partage ses pensées, qui nous associe à ce qui fait sa vie.➤ Considérons notre grand Ami du Ciel, celui qui, incomparablement plus grand, plus saint, a voulu se mettre à notre niveau.Point spi : à notre tour, sachons partager avec les autres nos raisons de vivre.3. « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi », Oh non ! C’est lui qui nous a choisis, un à un et avec quel amour !➤ Considérons l’Époux, qui s’est choisi celle qu’il aime, regardons-le épris de son Église et la voyant en chaque âme fidèle.Point spi : Reconnaissons que nous n’avons aucun droit et faisons ce qu’il nous demande.

Samedi : Discours après la Cène (Jean 15, 18-21)1. « Vous n’appartenez pas au monde, c’est pourquoi le monde vous déteste », Jésus qui prévient notre douloureux étonnement devant la résistance du monde, qui cherche à nous expliquer pourquoi.➤ Adorons celui qui a tant aimé le monde et en est si peu aimé.Point spi : Acceptons d’être marginalisés pour le Christ.2. « Je vous ai choisis en vous tirant du monde », Jésus qui nous a arrachés à la corruption, qui nous a fait connaître une vie plus digne, plus belle.➤ Adorons le divin Pêcheur qui nous a recueillis dans ses filets.Point spi : ne regrettons pas les « oignons d’Égypte », ni les fausses jouissances de ce monde.3. « On a gardé fidèlement ma parole, on gardera aussi la vôtre », Jésus qui sait la fécondité de son disciple, malgré les persécutions (ou à cause d’elles).➤ Adorons celui qui nous élève très haut, le Berger qui nous confie ses brebis.Point spi : ne désespérons pas de l’accueil de ceux qui sont devant nous. n

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5e DIMANchE DE pâquEs

Cette fraction du long discours après la Cène ne nous ramène pas en arrière, au cours du dernier repas. En effet, les verbes employés passent incessamment du présent au futur : « Je m’en vais… je reviendrai…là où je suis, vous serez… » Cette remarque grammaticale n’a pas d’autre but que de

souligner que Jésus s’adresse à nous à travers ses Apôtres. Notre vie de baptisés se joue en effet sur deux tableaux : la présence actuelle du Christ et sa rencontre future dans la gloire.

Les deux apôtres soulignent, chacun à sa façon, cette double dimension.

Lorsque Thomas se fait répondre : « Je suis le Chemin », il a certainement compris le poids de ce mot qui tout au long de l’Ancien Testament est porteur de l’expérience d’Israël. Depuis la sortie d’Égypte, le peuple de Dieu est invité à marcher avec son Dieu, comme le rappelle Michée 6.8. La Loi donnée par Dieu étant le guide de cette marche, la présence de Dieu dans le Temple, vers lequel on marchait dans la joie (Psaume 121.1), étant le signe de cette rencontre définitive, toujours en espérance. Avec le Christ, survient une nouvelle manière de marcher avec son Dieu, de marcher selon Dieu, de marcher vers Dieu. Le Christ nous propose de marcher à sa suite (Marc 8.34). L’ancienne manière, suivre les commandements, n’est pas abolie. Le Christ y ajoute, non seulement la joie d’être avec lui, mais aussi celle de partager sa route vers la Pâque, ce qu’il précise par la métaphore de porter sa croix. Celle-ci a dû être difficile à comprendre sur le moment mais s’est éclairée à la lumière de Pâques. Ceci explique pourquoi les premiers chrétiens sont plusieurs fois nommés dans les Actes des Apôtres « les adeptes de la Voie » (Cf. 9.2). Le baptisé est joyeux de marcher avec le Christ, quel qu’en soit le prix, pour certains jusqu’au martyre.

La réponse à Philippe va donner encore une autre dimension à ce chemin. Jésus est non seulement le chemin, parce qu’il nous guide et nous accompagne, mais aussi parce qu’il nous permet d’atteindre le but, rencontrer le Père. Là encore nous sommes dans le présent et le futur. Le baptisé voit le Christ, dans son corps ecclésial, dans son corps eucharistique, dans la prière contemplative, dans les petits qui sont les frères du Christ et, à ce titre, il voit déjà le Père, rendu visible par son Fils incarné. Mais surtout, il est en marche vers le Père. C’est le paradoxe si important : le visage du Père nous est déjà révélé dans le Christ, lui qui est la Vérité reçue du Père, la Vie qu’il nous transmet de la part du Père. Il nous introduit, dès notre baptême, dans cette communion avec le Père (1e lettre de Jean 1,1-4) en quoi consiste la plénitude de la vie véritable (Jean1,4), mais dans l’attente du face-à-face éternel. Père François de VORGES

Le cheminprésent et futur

Avec Thomas et philippeVers le père

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LIVRES■ Jean-Paul II, la Pâque de Jésus,

textes présentés par Claude Sarrasin, éd. Lethielleux, 110 pages, 10 €.

Du Dimanche des Rameaux à Pâques, Jean-Paul II a donné de nombreux enseignements très suivis par les chrétiens. Claude Sarrasin, prêtre de Notre-Dame de Vie, en a sélectionné quelques-uns du début de son pontificat – début des années 80. Ces textes assez courts s’adapte-ront même aux chrétiens pressés. L’idée de passer un Triduum et un Temps Pascal — et l’Assomption — avec le bienheureux Jean-Paul II devrait tenter tous ceux qui sont désireux de vivre le mystère du Salut avec un Bon Berger !

■ le Roman des PaPesde Bernard Lecomte, éd. du Rocher, 250 pages, 20,90 €.

Bernard Lecomte nous fait visiter l’histoire des papes de la Révolution à nos jours. Très précis, il n’omet pas les descriptions liturgiques, les détails de l’histoire. Cet ouvrage n’en demeure pas pour autant un manuel d’histoire. L’auteur n’hésite pas à aborder le spirituel. Son propos est toujours équilibré. Il allie à la fois l’objectivité de l’histo-rien et le respect de l’homme de foi. Ce qui fait que cet ouvrage n’est aucunement gênant, qu’il ne soulève pas de débats récriminatoires. L’auteur, peut-être par tentation journalistique, privilégie parfois des anecdotes « croustillantes » qui ne sont pas de premier intérêt – par exemple Pie XII fut soigné par un charlatan avec injection de cellules d’hippopotame – au détriment d’autres qui auraient pu être plus développées car plus profondes. Les récits d’élection sont particu-lièrement émouvants.

Bernard Lecomte a une analyse fine, délicate. On dirait qu’il aime tous ces papes et pareille-ment le lecteur s’attache à eux.

■ VoIcI ta mèRe, Itinéraire théologiqueet spirituel avec Jean-Paul II,

de Marie-Van Meurice, éd. Ad Solem, 207 pages, 37 €.

Pour les lecteurs qui ont envie d’aller plus loin, voici un ouvrage que le Père Marie-Van Meurice, du Carmel de la Vierge Missionnaire, a travaillé dans le cadre d’une thèse de théologie. Il commente les catéchèses sur Marie dans le mystère de l’église, que

Jean-Paul II a données lors des audiences générales du mercredi, du 6 septembre 1995 au 12 novembre 1997. Ces deux ans d’enseignements du « Pape de Marie » suivent la chronologie de l’histoire du Salut. Ces méditations sont autant d’invitations à prendre Marie chez soi : « L’itinéraire de la coopération à notre rédemption à laquelle nous convie ce livre, à l’école de Marie et avec Jean-Paul II, est à coup sûr un parcours de foi où de chercheur on se découvre cherché. »

■ la maIn tendue, Jean-Paul II en terre sainte de Pierre-Yves Fux, éd. de l’Œuvre, 346 pages, 20 €.

Jean-Paul II c’est le Pape des jeunes, c’est le Pape de Marie, mais c’est aussi le Pape qui a beaucoup travaillé aux relations avec les juifs et au dialogue interreligieux. L’auteur, diplomate, était en poste au Moyen-Orient lorsque Jean-Paul II est venu en Terre sainte. Il donne au lecteur un récit qui entremêle description des lieux, méditations de Jean-Paul II, histoire des lieux, et passages bibliques correspon-dants. En somme, le lecteur (re) visitera la Terre sainte. Il existe de nombreux guides de Terre sainte qui donneront les mêmes détails. L’originalité de ce livre tient dans la mise en résonnance des lieux avec les paroles de Jean-Paul II, ainsi que dans les quatre derniers chapitres, qui sont particulièrement intéressants. Le lecteur y retrouvera les gestes que Jean-Paul II a faits auprès des trois religions mono-théistes : chrétiens divisés, juifs et musulmans. Trois religions qui cohabitent en Terre Sainte dans une atmosphère de conflits, voire de haine. On ne peut pas aller en Terre sainte sans souffrir de ces divisions. Jean-Paul II ouvre des chemins de réconciliation.

■ Jean-Paul II la bIogRaPhIe, d’Andrea Riccardi, éd. Parole et Silence, 507 pages, 25 €.

Une grosse biographie très fournie, écrite sur la base de recherches historiques vient de paraître. Andrea Riccardi, fondateur de la communauté Sant’Egidio, a bien connu Jean-Paul II mais il n’avance pas son expérience personnelle dans cet ouvrage. Il prend du recul, cite les détracteurs du Pape, situe Jean-Paul II dans son histoire person-nelle, et dans l’histoire du monde. Il analyse au détail ses grandes lignes d’action, son influence politique, ses décisions diplomatiques. Un livre qui révèle encore davantage un très grand Pape. ■

sélectIon

Bienheureux Jean-Paul II

Anne KuriAn

Marie-Van Meurice

Voici ta mèreitinéraire théologiqueet spirituelavec Jean-Paul ii

éditionsad solem

FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011 21

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n SœurSophie,vousêteslacoordinatricede l'événement. Pourquoi ce festival«Atout-Cœur»?

Sophie Maille, Rscj : Nous sou-haitions proposer une rencontre avec et pour les jeunes. Pour ceux qui sont dans nos écoles, ceux qui viennent prier dans nos communautés, ceux qui par-ticipent à nos camps d'été ou d'hiver, à nos sessions et retraites, ceux que nous accompagnons individuellement, etc. Nous souhaitions que tout ce monde se croise et que chacun se rende compte qu'il vit quelque chose d'une même famille spirituelle.

Nous avons eu envie de proposer non pas un temps de forum avec des exposés, mais un temps qui fasse expé-rimenter la spiritualité du Sacré-Cœur. Le festival Atout-Cœur : pour un monde où la vie pétille s'adresse à tous les jeunes de 6 à 40 ans qui connaissent de près ou de loin des Religieuses du Sacré-Cœur de Jésus.

n Quels sont les temps forts de la ren-contre?

La journée est placée sous le signe des Noces de Cana. Le premier temps de l'accueil et de rassemblement sera

important. Puis de nombreux ateliers seront proposés. Il y aura aussi des ateliers d'expressions avec de la terre glaise ou de l'aquarelle. Ces proposi-tions ne sont pas réservées aux spé-cialistes ! Il s'agit plutôt d'utiliser une technique pour que la Parole prenne chair et fasse écho dans notre quoti-dien. Ces ateliers réveillent les sens, impliquent toute la personne, comme celui intitulé « Clown et prière », ou celui autour du chant pour que nos voix deviennent prière. L'atelier « Demandez la Une » invitera les participants à se transformer en journalistes et à aller à la rencontre des autres dans de courtes interviews qui rendent compte de l'am-biance. Nous proposerons aussi des ateliers qui sensibilisent à la justice et à la solidarité. Des jeunes partis en volontariat international partageront leurs expériences. Il sera également possible de rencontrer ceux qui ani-ment des célébrations dans un centre de détention. L'eucharistie sera le point d'orgue de la journée.

n Quels sont les enjeux de ce festival,quellessontvosattentes?

La préparation de ce rendez-vous répond déjà en elle-même aux enjeux

du festival. Elle fait vivre des collabo-rations. Notre spiritualité se vit entre autre dans des établissements scolaires dont nous avons la responsabilité, mais aussi en d'autres lieux et nous aime-rions faire davantage de ponts entre ces réalités. Par exemple, les jeunes de ces établissements pourront décou-vrir que d'autres propositions existent, plus larges, en dehors du cadre scolaire. L'enjeu d'Atout-Cœur est la constitution d'un réseau où l'on vit une spiritua-lité qui unifie, qui favorise la croissance intégrale de la personne, ce dont nous portons particulièrement le souci. Un enjeu est tout simplement de partager aussi la joie de ce qui nous fait vivre. Notre charisme n'est pas une propriété privée, nous souhaitons le partager ! Je voudrais que chacun puisse profi-ter de cette journée, comme un temps de ressourcement. Qu'elle donne une impulsion pour créer du neuf et inven-ter la suite.

n Commentsedéroulentlespréparatifs?

Depuis plus d'un an et demi, une équipe franco-belge, intergénération-nelle, prépare le festival. Les membres de l'équipe appartiennent à différents réseaux : chef d'établissement, jeunes professionnels, anciennes élèves, laïque associée et Religieuses du Sacré-Cœur. À chaque rencontre, nous nous disons que oui, ça pétille ! Chaque membre de

CONGRÉGATIONSENTRETIEN AVEC SOPHIE MAILLE

22 FRANCECatholique n°326020 mai 2011

L'enjeu est la constitution d'un réseau où l'on vit une spiritualité qui unifie(

Le réseau Jeunes Sacré-Cœurpropos recueillis par Florence de MAISTRE

Pour la première fois en France, les Religieuses du Sacré-Cœur de Jésus (Rscj) organisent un rassemblement — 300 participants de 6 à 40 ans — pour tisser le réseau Jeunes Sacré-Cœur. Ce sera le samedi 28 mai 2011, au Groupe scolaire Sophie-Barat à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine).

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l'équipe a été appelé et nous appelons encore des personnes pour l'organisa-tion. Trois cents jeunes sont attendus. Ils viennent en particulier de Marseille, Tours, Lille, Bruxelles et Mons… En réa-lité, les jeunes professionnels se met-tent au service de l'événement. Il y a aussi des plus jeunes en responsabilité : par exemple, des lycéens en classe de seconde qui montent un atelier pour des écoliers du primaire. Et des col-légiens préparent un jeu sur sainte Madeleine-Sophie Barat, notre fonda-trice. Ils sont vraiment engagés ! Nous leur avons proposé de se rendre une journée à Joigny où se trouve la maison natale de la fondatrice et l'un d'eux a déjà composé une chanson.

n Que dit cette dynamique de la vie duréseau Sacré-Cœur et de la façon d'yvivreenÉglise?

Je crois que la dynamique qui est en train de se créer s'inscrit dans la continuité de l'événement qu'a constitué pour, en 2009, l'arrivée de la châsse de sainte Madeleine-Sophie Barat en l'église Saint-François-Xavier à Paris, le 19 juin 2009, plus de trois cents enfants étaient présents avec des per-sonnes de tout le réseau. Les laïcs et les Religieuses du Sacré-Cœur réfléchissent à la façon de partager le charisme et la mission… Nous sentons des jeunes prêts à s'engager au service d'autres. Je crois que cela dit leurs soifs. C'est intéres-sant de voir des jeunes, qui au sein des établissements, forment des groupes de partage nommés "Madeleine-Sophie". Ils s'approprient un saint. Ils s'inscrivent dans une histoire, dans une Église où ils pourront trouver leur propre place à l'aide de ceux qui nous ont précédés. n

FRANCECatholique n°326020mai 201123

D.R.

D.R.

Le réseau Jeunes Sacré-CœurSophie Maille.

Entre le cœur de Dieu et le cœur du mondeEnseignantes, ingénieurs, éducatrices spécialisées, infirmières, juges pour enfants, ou encore animatrices en pastorale, les Religieuses du Sacré-Cœur de Jésus ont reçu de l'Église la mission de découvrir et de manifester l'amour du Cœur de Jésus, selon l'inspiration de leur fondatrice sainte Madeleine-Sophie Barat (1779 - 1865). Elles sont environ 2 500 à travers les cinq continents. Elles portent tout particulièrement le souci de la croissance intégrale de la personne et sont engagées dans les domaines de l'éducation et la formation, la promotion de la justice et de la paix, l'annonce de l'Évangile et l'accompagnement de la foi.En France et en Belgique, elles ouvrent tout au long de l'année les portes de leurs communautés pour des temps de prière, d'accompagnement personnel, de convivialité. Elles organisent des activités de sensibilisation auprès des jeunes, afin de découvrir des mondes différents du leur, par exemple avec « Passeurs d'humanité » en animant des célébrations en prison ou encore en partant en volontariat international. Elles participent au Réseau jeunesse ignatien (RJI) et organisent avec ce réseau des retraites spirituelles, des camps à la montagne ou à la mer. Ce qui caractérise le charisme des Religieuses du Sacré-Cœur de Jésus ? Sœur Sophie Maille précise : « Nous nous situons dans un mouvement de va-et-vient entre le cœur de Dieu et le cœur du monde. Nous découvrons l'amour de Dieu, nous essayons d'en vivre. Cet amour nous donne d'aimer ce monde et de nous y engager. Tout ce que nous vivons au quotidien revient au Père en nourrissant notre prière ».

En savoir plus :Le site de la Province Belgique, France, Nederland : www.rscj.comLe site des activités Rscj pour les jeunes : http://jeunes.rscj.comLe site international des Rscj : www.rscjinternational.org

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n Enquoi l’électionausiègedeRomeen1978d’unPapepolonaisa-t-elleétéunerévolutionpourl’Église?

Arnaud Babin: D’abord, l’élection d’un pape issu du bloc communiste, en plus de créer la surprise, apparaît très vite comme un signe de change-ment. Il n’y avait jamais eu de pape slave, jamais eu de pape non italien depuis le XVIe siècle… On s’attendait encore moins à ce que le nouveau pape arrive de derrière le rideau de fer ! Il y avait là quelque chose de rédempteur pour le monde, alors divisé en deux, un message d’espérance pour toutes les personnes qui avaient été — et étaient encore — sous le joug des totalitarismes, qu’il s’agisse d’ailleurs du nazisme ou du communisme, que le futur pape avait combattus l’un comme l’autre. Jean-Paul II est devenu la voix des sans-voix.

Il a reconnu cette action de l’Es-prit-Saint dans sa propre élection au trône de Pierre. Une action efficace et inattendue avec laquelle il a su colla-borer immédiatement. Il n’a pas atten-du pour « profiter » de sa position :

« N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ. À sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des États, des systèmes poli-tiques et économiques… », dira-t-il lors de la messe inaugurale de son pon-tificat. Les mots sont clairs, fermes et en même temps adroits, comme sa volonté de prendre pour nom Jean-Paul II et non celui du saint patron de son pays, comme le souhaitait le cardi-nal primat de Pologne. Jean-Paul II est polonais : il va servir l’Église avec toute sa personnalité. Sa nationalité sera au service de l’Église et non l’inverse.

L’élection d’un pape polonais est une révolution aussi pour les catho-liques de l’autre Europe, celle qui jouit de la liberté. Car, paradoxalement, c’est elle la grande déchristianisée. À la première visite de Jean-Paul II au Bourget, on était loin des foules enthousiastes des JMJ… En 1978, les catholiques du monde libre ont donc besoin de quelqu’un qui revigore leur foi. Or, la Pologne, toute communiste qu’elle est à ce moment-là, est le pays où la religion a le mieux résisté à l’idéologie. C’est la patrie fervente, aux traditions bien ancrées, où la flamme de la religion vacille mais ne s’éteint pas. Pour les fidèles de « l’Ouest », c’est un signe de renouveau, un encoura-gement à vivre sa foi dans tous les

milieux et dans toutes les conditions. Au Saint-Siège, Jean-Paul II apporte sa longue expérience de résistance aux idéologies et cela contribuera à réno-ver l’Ostpolitik du Vatican, à laquelle il apportera plus de fermeté.

n Quelssontlestraitsmarquantsdel’en-fance et de la jeunesse polonaises deJean-PaulII?

Il y a d’abord la formation de sa piété et notamment de sa dévotion mariale à Wadowice, sa ville natale. C’est là qu’il est baptisé et fait sa première communion. À 12 ans, il y fonde une confrérie vouée à la Sainte Vierge. Plus tard, il entretiendra aussi une vraie dévotion à la Vierge Noire de Czestochowa. Il y a la découverte de la Shoah, à 25 ans : à la fin de la guerre, le futur pape s’est recueilli à Auschwitz, où est mort en août 1941 le père Maximilien Kolbe.

Ses années d’études puis d’en-seignement à l’Université Jagellon à Cracovie sont également un point clé dans la jeunesse et la formation de Jean-Paul II. C’est à ses étudiants qu’il parlera pour la première fois de l’amour humain et des grandes questions de la vie qu’il a développées dans ses écrits pontificaux. À cette époque, des couples se forment dans les groupes qu’il emmène en excursion. Des familles naissent, avec lesquelles le Saint-Père gardera toujours contact puisqu’il leur écrit de Rome pour les grandes occa-sions. Il signe « Wujek » (« l’oncle »), le surnom que ses jeunes lui donnaient en Pologne. Après son élection, il a invité un certain nombre d’entre eux à Castel Gandolfo – un vrai privilège !

On peut parler enfin de son tra-vail dans les carrières, en 1940, puis à

ENTRETIEN AVEC LE PÈRE BABIN

VOYAGES

24 FRANCECatholique n°326020mai 2011

( Le signe le plus fort de la présence de Jean-Paul II reste la vitalité des églises

Arnaud Babin est aumônier militaire. Bon connaisseur de la Pologne, où il voyage régulièrement depuis sa participation aux JMJ de Czestochowa en 1991, il a été choisi par l’agence Routes des hommes pour accompagner un voyage sur les pas de Jean-Paul II.

La Pologne de Jean-Paul II

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l’usine chimique Solvay, où il apprend la réalité du travail manuel. Comme il le dira lui-même, cette expérience de la vie ouvrière « avec tous ses aspects positifs et ses misères » ont « profon-dément marqué (son) existence ». Tout cela, ajouté à ses talents artistiques, a contribué à la formation d’un « pro-fil » très complet qui a su séduire, dès l’élection, tous les milieux sociaux.

n VudePologne,quelleestl’empreintedecefutursaintdanslesdifférentslieuxoùilavécu?

En dehors de ces liens très person-nels tissés avec les étudiants de l’uni-versité devenus ses amis, sa « famille », même, comme il le dit, son souvenir est très présent à Cracovie. C’est la ville où il a donc enseigné, mais aussi celle où il est devenu évêque et enfin arche-vêque. Entre 1953 et 1978, il y a célé-bré une foule de mariages, baptêmes, donné la confirmation... Lorsqu’il est mort, deux millions de personnes s’y sont rassemblées spontanément dans les rues et aujourd’hui encore, il suf-fit de parler avec les habitants pour se rendre compte de son empreinte. Les plus âgés vous parlent du premier voyage pontifical de Jean-Paul II en Pologne, en 1979, les plus jeunes de son apparition aux fenêtres de l’ar-chevêché en 2002… À cet endroit, rue Franciszkanska, les gens avaient posé des lumignons sur le sol lorsque Jean-Paul II est mort : des fervents continuent d’en allumer, au pied d’une grande photo. Sa statue dans la cour de l’archevêché est constamment fleu-rie par ceux qui viennent y prier.

Plus généralement, Jean-Paul II est le symbole de la Pologne et de son Église, de la victoire contre le

communisme. C’est en Pologne qu’il a commencé à parler de sexualité aux jeunes, qu’il a travaillé avec l’in-telligentsia catholique à l’avenir du pays, ou encore soutenu la montée en puissance de Solidarnosc… Il y a un attachement très affectif du peuple polonais à « son » pape, qu’il avait déjà béatifié, voire canonisé, depuis longtemps ! La Pologne est envahie de statues du bienheureux. Aujourd’hui, j’observe en outre le souci, au-delà de cet attachement un peu patriotique ou sentimental, de diffuser son ensei-gnement aux jeunes générations et de l’actualiser.

À Wadowice comme à Cracovie, le signe le plus fort de la présence de Jean-Paul II reste la vitalité des églises. Je suis frappé lorsque j’y vais par le nombre de jeunes qui fréquen-tent les confessionnaux et vont à la messe. À Cracovie, on parle aussi beaucoup du futur centre Jean-Paul II. Même les tramways sont peints aux couleurs de ce futur centre. Pour res-ter dans les transports, imaginez que cette année, pour ne pas perturber les festivités de la béatification, la cen-trale syndicale polonaise a renoncé à organiser sa traditionnelle marche du 1er Mai. ça parle tout seul ! n

propos recueillis par Isabelle PETIOT

La Pologne de Jean-Paul II

FRANCECatholique n°326020 mai 201125

Du 14 au 20 septembre, parcours spirituel et culturel sur les pas de Jean-Paul II accompagné par le père Arnaud Babin. 7 jours, 6 nuits, 1 260 €Au ProgrAmme :Wadowice : Maison familiale et de l’église où a été baptisé Jean-Paul II.Kalwaria Zebrzydowska : Monastère des Bernardins et de l’église Notre-Dame des Anges.Auschwitz : Visite du camp de concentration et du bloc n°11. où se trouvait Maximilien Kolbe.Czestochowa : Sanctuaire de la Vierge Noire, la salle des Chevaliers et du Trésor de l’Arsenal.Cracovie : Université Jagellon, sanctuaire de la Divine Miséricorde créé après la canoni-sation de sœur Faustine en 2000, église de la Réconciliation avec son célèbre Christ en Croix, ancienne ville fortifiée, place du Marché, Halle aux draps…Agence routes des Hommes, 17, rue de Babylone, tél. 01.45.49.07.77.

Cracovie.

D.R.

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Une nouvelle génération de théologiens a œuvré dès la fin des années 50, autour des métropolites Nicodème, représentant du Patriarcat de

Moscou, et Philarète de Minsk. Dans l’intelligentsia russe, Serge Averintsev et le Père Alexandre Men ont travaillé avec eux, mais aussi Staniloae et l’ac-tuel Patriarche Daniel en Roumanie, Paul Evdokimov à Paris, Mgr Georges Khodr au Liban, Florovsky, Schmemann et Meyendorff aux États-Unis, Yannaras en Grèce.

à la même époque, l’espoir de réunir rapidement un grand concile panor-thodoxe est né, lors des rencontres à Rhodes au début des années 60 avec le Patriarche Athénagoras, l’homme du baiser de paix avec le Pape Paul VI. En 1970, une crise éclate entre Moscou et Constantinople pour des raisons hié-rarchiques. Mais les rencontres vont recommencer en Suisse dès 1976. Cependant, des théologiens orthodoxes éminents parlent d’une « crise structu-relle ».

« En l’absence d’un concile œcu-ménique qui reconnaisse ce fait que les frontières de l’Église mystique sont plus larges que les frontières de l’Église orthodoxe, au sens historique, la posi-tion œcuménique des orthodoxes est

nécessairement fragilisée par tous les courants fondamentalistes », constate Antoine Arjakovsky. Le Père Serge Boul gakov rappelait pourtant que « les limites de l’humanité en communion avec le Christ dépassent même l’en-semble de toutes les confessions chré-tiennes ».

Malgré tout, après 1989, une « période de reconfiguration » a com-mencé : renouveau intellectuel, progrès œcuméniques et liberté retrouvée l’ont

permise. à l’institut orthodoxe libanais de Balamand dès 1993, un accord va être signé entre catholiques et ortho-doxes sur la question du « prosély-tisme » dans les territoires des Églises-sœurs encore séparées. L’encyclique de Jean-Paul II Ut Unum sint de 1995 pro-pose un réexamen du mode d’exercice de l’autorité du Pape : elle ne recevra une réponse favorable de la commission mixte internationale catholiques-ortho-doxes créée en 1992 qu’en… 2007, à Ravenne, deux ans après la mort de ce Pape. Mais dès 1961, les orthodoxes Nicolas Afanas siev, Meyendorff et Schmemann exprimaient la nostalgie de la « présidence à l’amour » de l’Église de Rome. Aujourd’hui, catholiques et orthodoxes réfléchissent ensemble à cette référence au christianisme du premier millénaire, la « gouvernance de l’Église primitive ».

La question de l’autorité ecclésiale reste discutée… Mais en février 2006 à Porto Alegre, le Conseil œcuménique des Églises a adopté la notion ortho-doxe de « consensus », soit par accord général ou majoritaire, soit par publi-cation de toutes les opinions, soit par report de la discussion… Toutefois, l’histoire de l’Église a manifesté une autre forme d’autorité, « la capacité de donner sa propre vie pour ceux qu’on aime ».

L’identité spirituelle, européenne, de l’Orthodoxie « ne représente pas le Corps du Christ comme une voie de chemin de fer avec ses bifurcations », déclare Antoine Arjakovsky, contes-tant le concept de territoire canonique, insuffisamment attaché à « la pratique pastorale de la tradition ecclésiale pri-mitive ». Le Père de Lubac et Boulgakov ont rappelé que ni le catholicisme ni l’orthodoxie « ne sont des réalités ins-titutionnelles à proprement parler », car

œcUménisme

éGLise

26 FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011

( Des théologiens orthodoxes éminents parlent d’une « crise structurelle »

Le Patriarche œcuménique Bartholomée de l’Église orthodoxe de Constantinople a annoncé son intention de convoquer un grand concile pour 2012. Antoine Arjakovsky, historien des religions et acteur important des études œcuméniques en Ukraine, a établi le dossier passionnant des enjeux en cause.

Vers un concile orthodoxe ?

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l’Église du Christ « est avant tout un corps divino-humain ».

Considérant l’Ukraine, pays-carre-four, on évoque ici « la discrète pré-sence à Kyiv du pape Clément de Rome », mort martyr à Chersonèse, en Crimée, au IIe siècle. Après le transport de ses reliques à Rome par saint Cyrille en 860, son crâne a été donné par le Pape Jean XV au Prince Volodymir (Vladimir) de Kiev (Kyiv) en 989, un an après le baptême de son peuple dans le Dniepr. La présence symbolique du crâne de ce pape martyr permettra une tentative ultérieure d’indépendance de Kiev en signe de fidélité à ce bap-tême de 988 et à la communion entre Églises : « L’Église de Kyiv ne divisait pas l’Église entre l’Orient et l’Occident, mais s’est toujours pensée de façon unitaire comme fille à la fois de Rome et de Constantinople. » Aujourd’hui encore, cette relique d’un pape du Ier millénaire est conservée dans le monastère des Grottes de Kiev. Un centre œcumé-nique Saint-Clément a été créé dans la capitale ukrainienne en 2007, avec une double bénédiction orthodoxe et catholique.

En septembre 2008, un colloque historique sur l’Église de Kiev a ras-semblé des représentants des Églises implantées en Ukraine, trois com-munautés orthodoxes et deux com-munautés catholiques , la latine et la byzantine : tous ont admis que le modèle ecclésiologique kiévien « pourrait représenter un chemin de réconciliation entre les chrétiens en Ukraine et au-delà ». Ce modèle peut être trouvé dans la « formation histo-rique entre le Xe et le XVIe siècle d’une Église locale maintenant sa commu-nion » avec d’autres Églises », du fait de « la primauté accordée à sa vie sacramentelle ». C’est l’Église de Kiev-

Halytch qui, sous l’influence polonaise, souhaite la double communion avec Constantinople et Rome en s’appuyant sur le concile de réunification de 1439 à Florence. Au XVIIe siècle, le métropo-lite orthodoxe de Kiev Pierre Mohyla rédige une confession de foi si proche de la doctrine catholique qu’elle sert de base à un accord local avec un évêque gréco-catholique… Il envoie à Rome un mémorandum proposant une réunion des Églises : pas de réponse !

L’Église gréco-catholique « uniate » d’Ukraine occidentale née du rallie-ment de 1596 de diocèses orthodoxes à Rome a ouvert des portes avec la délatinisation et le « ressourcement orthodoxe » voulus par le métropo-lite Andréi Scheptytsky au XXe siècle. Rattachée de force à l’Église orthodoxe russe en 1946 par Staline, elle retrouve la liberté en 1990 sous Gorbatchev : ses 5 millions de fidèles récupèrent une partie de leurs lieux de culte, parfois de force… Après des affrontements, des rapprochements s’opèrent : des gréco-catholiques tendent à s’identifier comme orthodoxes, et, tant du fait de leur évolution théologique et liturgique que de leur courage dans la persécu-tion, on voit des intellectuels ortho-doxes fraterniser avec eux.

Fin 2004, estime Antoine Arjakov-sky, la Révolution orange « a mon-tré que la majorité des chrétiens en Ukraine souhaitait se réunir au sein d’une même Église de Kiev qui soit en communion avec les trois Rome », Rome, Constantinople et Moscou. « Une réalité très prometteuse » du point de vue œcuménique, conclut ce livre plein d’espérance. n

FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011 27

par Denis LENSELVers un concile orthodoxe ?

Antoine Arjakovsky, En atten-dant le Concile de l’Église ortho-doxe, Cerf, 682 pages, 44 e.

Guérison de la mémoiredans une société post-communiste

Tables rondes organisées par le département de recherche Société, Liberté, Paix du Collège des Bernardins.

le mardi 24 mai 2011 de 18 h à 22 h,

avec

Antoine Arjakovsky, fondateur et directeur de l’Institut d’Étude Œcuménique à Lviv ;Mgr Dominik Guka, o.p., archevêque de Prague ;Père Tomasz Dostatni, o.p., président de Ponad Granicami ;Mgr Éric de Moulins-Beaufort, codirecteur du département de recherche, Société, Liberté, Paix du Collège des Bernardins ;Père Albert-Peter Rethmann, directeur de l’Institut pour l’Église mondiale et les missions (Francfort-sur-le-Main) ;Henry Rousseau, historien spécialiste de la période de Vichy.

Cette soirée propose deux tables rondes animées par Antoine Arjakovsky pour réfléchir sur la guérison de la mémoire historique et sur la transmission responsable, toujours menacée par la tentation des manipulations politiques, philosophiques ou religieuses. Ces questions universelles sont aujourd’hui particulièrement vives dans des pays qui ont subi une rupture violente comme les pays de l’ancien bloc communiste européen. Un exemple concret, brûlant, complexe sera traité : la collaboration de certains prêtres catholiques avec les services secrets des régimes communistes.

Une traduction simultanée français-tchèque sera assurée.

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LIVRES■ JE COLORIE LA NATURE DelphineGravier-Badreddine, Gallimard,12pages,2€.

Un petit livret de coloriages pour les plus petits : fruits, légumes, fleurs et plantes. Il est complété par des autocollants de fleurs à coller partout. Ce livret fait partie d'une série de 6 (Jecolorie les animaux, Je dessine la nature,Labyrinthes,Jejoueavecleschiffres,Jejoueavecles lettres et les sons). Des activités manuelles pour tous les goûts... Àpartirde4ans

■ À TOI dE dEssINER ! spéCIAL vACANCEs NiklasCatlow, Flammarion,64pages,6,50€.

Un carnet de dessins original à compléter seul pour se souvenir de ses vacances. Les idées de départ sont variées, à chacun de compléter pour que le carnet soit personnalisé. Dans la même collection, on trouve aussi un cahier spécial soleil, présentant non seulement les joies de la plage mais aussi du ski : on skie mieux et avec plus de plaisir au soleil... A mettre dans la valise pour les moments de creux ! Àpartirde5ans

■ LEs gRANds CLAssIqUEs dU pèRE CAsTOR À dEssINER LouisAlloing, Flammarion,18pages,12€.

Qui n'a jamais été fasciné par les belles histoires du Père Castor ? Pour célébrer leur 80e anniversaire, les éditions Flammarion nous offrent un bel album cartonné pour apprendre, à partir de formes simples à dessiner les plus connus de nos héros : Michka, la vache orange ou le petit Rataton. Un bonheur !

Àpartirde6ans

■ BOULE ET BILL, ChIENs ET ChATs SylvieAllouche, Mango,44pages,5€.

Dans ce roman illustré avec des planches de la célèbre bande dessinée, l'auteur raconte une nouvelle histoire de Boule et Bill, ici la profonde aversion de Boule pour les chats. Un livre plein d'humour qui se termine avec brio. Àpartirde7ans

■ LE ChAT pITRE FlorenceHinckel, Nathan,80pages,4,80€.

Il ne manque pas d'humour ce petit chat. Le jour où l'on découvre que Jérôme, le maître de la maison est allergique aux poils de chat, il décrète que c'est l'animal qui devrait déménager. Heureusement que

sa fille, Sidonie, est vraiment gentille : elle va bien trouver une façon de garder Pitre... Un petit roman sans prétention pour les plus jeunes lecteurs.

Àpartirde8ans

■ LE pETIT NICOLAs s'AmUsE Sempé/Goscinny, Gallimard,133pages,6€.

Indémodable, toujours aussi drôle et plein d'idées, voici notre petit Nicolas à la vie familiale et amicale riche en anecdotes. Comiques de situation, incohérences des adultes, tout est exploité pour parvenir à un résultat juste, jamais méprisant et toujours tellement drôle.

Àpartirde9ans

■ mysTèRE, mysTèRE EN INdE CécileMarais, Flammarion,35pages,8,50€.

Dans ce livre de jeux, Alex et le petit Kaki sont appelés pour résoudre une énigme : ils doivent retrouver le précieux bijou nommé œil du Tigre. Au fil des pages, ils vont pouvoir découvrir des studios de cinéma, visiter le palais d'un maharadjah... et éliminer les suspects jusqu'à identifier le coupable et retrouver le bijou. Un documentaire intéressant par l'enquête que mènent les enfants et aussi par une plongée dans la vie quotidienne de l'Inde. Dans la même collection un autre titre, Mystère,mystèreauBrésil. Pour les petits Sherlock Holmes en herbe

Àpartirde9ans

■ LA vAChE TOmBéE dU CIEL ET AUTREs fAITs dIvERs MichelPiquemal, AlbinMichel,64pages,7,50€.

Entre l'enfant qui boude... depuis 22 ans, le pilote qui fait semblant de ne pas savoir piloter, la femme qui meurt de rire, les faits divers sont par-fois tristes, souvent incroyables ou drôles. Présentés comme des articles de journaux et illus-trés en noir et blanc, c'est une lecture détendante et originale. On regrettera quelques fautes de goût.

Àpartirde9ans

■ ORIgAmI, 60 mOdèLEs À RéALIsER DanielPicon, Mango,151pages,17€.

Avec de simples morceaux de papier, en sui-vant les explications toutes simples de ce livre, on peut faire prendre forme à des animaux de toutes sortes, des bateaux, des avions... Les papiers four-nis avec le livre permettent de commencer à créer. Une mention spéciale à l'éditeur qui a parti-culièrement soigné la fabrication de ce manuel.

Àpartirde12ans

séLECTION

Humour-JeuxChristèle Hubert

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Le téléphone collé à l’oreille, Cyril, bientôt 12 ans, ne peut accepter ce qu’il entend : « Le numéro que vous

avez demandé n’est plus attribué ». Cela signifie que son père est parti après l'avoir placé dans un foyer. Mais l’enfant va tout faire pour le retrouver. C’est ainsi qu’il demande à Samantha, une femme qu'il vient juste de rencon-trer, si elle peut le prendre chez elle les week-ends. Une curieuse relation, faite de méfiance d’un côté et de générosité de l’autre. On retrouve toute l’humanité et la simplicité des frères Dardenne dans cette œuvre lumineuse (c’est la première fois qu'ils filment en plein été) et bouleversante. Sans jamais appuyer, ils projettent cette relation

étonnante entre un enfant, pétri de colère et de rage, et une femme à l’écoute et qui ne sait pas encore qu’elle est en train de devenir mère. Et quelle mère ! Cécile de France (c’est la première fois que les frères Dardenne dirigent une actrice célèbre) campe cette femme étonnante, qui semble ne jamais se poser de questions, mais accueille cet enfant blessé avec une profonde bienveillance. Et l’on se laisse porter par cette belle histoire qui parle des blessures, mais aussi des merveilles de la relation à l’autre.

] On regarde le cœur serré ce malheureux enfant, abandonné par son père, prêt à verser dans la délinquance, mais sauvé par l’amour simple et spon-tané d’une inconnue. Un amour toujours exprimé avec discrétion et modestie. ■

Le gamin au vélo. Comédie dramatique franco-belge (2011) de Jean-Pierre et Luc Dardenne, avec Cécile de France (Samantha), Thomas Doret (Cyril), Jérémie Renier (Guy Catoul), Fabrizio Rongione (le libraire), Egon Di Mateo (Wes), Olivier Gourmet (1h27).(Adolescents.) Sortie le 18 mai 2011.

Into eternityEn Finlande, à Onkalo, un gigantesque chantier est en cours. Il s'agit de construire une sorte de sanctuaire qui abritera les déchets nucléaires pendant... 100 000 ans. Le réalisateur filme les travaux de ce projet pharaonique (il y a plusieurs niveaux, de nombreux tunnels, etc.) et interroge différentes personnes sur la destination et la fiabilité de l'ensemble. C'est un docu-mentaire, mais on a parfois l'impression qu'il s'agit d'un film de science-fiction, tant les thèmes abordés, ainsi que les projections vers le futur relèvent de ce genre. Mais non ! Il s'agit bien d'une réali-té que l'on a du mal à intégrer. À l'heure où le drame de Fukushima frappe les esprits, ce film, réalisé en 2010, résonne sinistrement dans l'esprit des spectateurs. Mais qui a la solution ?

Documentaire italo-dano-finlan-do-suédois (2010) de Michael Madsen (1h15). (Adolescents.) Sortie le 18 mai 2011.

Une folle envieYann et Rose ont une folle envie d’avoir un enfant. ] Cette folle envie verse rapidement dans le trivial, voire le graveleux. C’est dire si la comédie est lourde, rarement drôle et souvent écœurante, n’épargnant aucun détail au malheureux spectateur. Pourtant, Olivia Bonamy parvient à conserver toute sa fraîcheur et son charme. Un exploit !]] Entre scènes très suggestives ou triviales, le film montre bien à quel point la recherche de l’enfant à tout prix est mons-trueuse et risque de briser le plus solide des ménages. Fort heureusement, le couple du film semble faire partie de ceux qui peuvent survivre à tout.

Comédie française (2011) de Bernard Jeanjean, avec Clovis Cornillac (Yann), Olivia Bonamy (Rose), Marianne Denicourt (Lili), François Vincentelli (Franck), Pierre-François Martin-Laval, Martin Lamotte, Jean-François Stévenin (1h20). (Adultes avec des éléments nocifs.) Sortie le 18 mai 2011.

CINÉMA

La belle histoire d'amour entre un enfant blessé par la vie et une femme généreuse.

Une œuvre lumineusepar Marie-Christine RENAUD d’ANDRÉ

On retrouve toutel’humanité et la simplicité des frères Dardenne(

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Le gAMIN AU vÉLo

Minuit à ParisEn vacances à Paris avec sa fiancée, Gil, un écrivain américain, se retrouve propulsé dans le Paris des années trente. ] Entre cartes postales de Paris et bavar-dages oiseux, le film peine à démarrer. Mais dès que le film bascule dans une autre époque, il prend sa vitesse de croisière, et l’on retrouve tout ce qui fait le charme du cinéma de Woody Allen. Certes, celui-ci

n’évite aucun cliché sur Paris capitale des arts, mais c’est pour mieux les transfigurer et offrir aux spectateurs amusés un festival de dialogues savoureux et de répliques assassines. Owen Wilson campe un clone du cinéaste plus vrai que nature. En brodant sur le thème cher à René Clair (Les belles de nuit) de la nostalgie du passé, Woody Allen montre qu’il faut s’accepter pour accepter le monde qui nous a été donné.Comédie américaine (2011) de Woody Allen, avec Owen Wilson (Gil), Rachel McAdams (Inez), Marion Cotillard (Adriana), Katy Bates (Gertrud Stein), Michael Sheen (Paul), Léa Seydoux, Adrian Brody (1h34). (Adolescents.) Sortie le 11 mai 2011.

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Blaise Ducos, jeune conservateur spé-cialiste de la peinture hollandaise du XVIIe s iècle, commissaire de cette exposition, a pu prouver que Rembrandt a

bien employé, comme on le supposait depuis longtemps, des mo- dèles juifs pour ses r e p r é s e n t a t i o n s du Chr ist , peintes « d ’ap rès nature » se lon l ’ express ion de l ’ inventaire des biens de Rembrandt après sa faillite de 1656. Et il est écrit sur l’exemplaire de la Bibliothèque natio-nale de sa plus célèbre gravure, La Pièce aux cent florins, « gravé par Rembrandt d’après nature ».

La communauté juive d’Amsterdam était la plus importante d’Europe : plusieurs dizaines de milliers, Sépharades venus d’Espagne au XVIe siècle, Ashkénazes ayant fui l’Europe cen-trale. Rembrandt vivait dans le quartier juif. C’est la première fois dans l’Histoire de l’art qu’un artiste a donné des traits juifs au Christ.

Rembrandt van Rijn (1606-1669), le plus grand peintre hollandais, bien que protestant, officiellement membre de l’Église calviniste nationale (qui refusait l’iconographie chré- tienne), mais esprit libre et indépendant, fré-quentant aussi bien la secte mennonite que les Juifs et les catholiques, est un des artistes qui ont le plus été fascinés par la représentation du Christ, et qui ont réussi à montrer Jésus à la fois vrai Dieu et vrai homme. Il rompit dès sa

expositionsMusée du Louvre

par Marie-Gabrielle LebLanc

rembrandtet la figure du Christ

Autour des dix tête du Christ peintes « d’après nature », et de deux chefs-d’œuvre de Rembrandt, Le Christ se révélant aux pèlerins d’emmaüs et Les pèlerins d’emmaüs, le Louvre a construitune exposition inédite et dehaut niveau sur le Christ chezRembrandt, qui devrait faire date.

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Jésus et ses disciples,1634, craie noire,sanguine, plume,

encre brune et plusieurslavis sur papier. H

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Rembrandt a montré Jésus à la fois vrai Dieu et vrai homme

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jeunesse avec les représentations traditionnelles et glorieuses du Christ au moyen Âge et à la Renaissance. Ce réalisme est en rupture à la fois avec la tradition catholique, et avec ses prédé-cesseurs immédiats réformés : Dürer, Altdorfer, qui montraient un Christ encore majestueux. Le christ en croix du mas d’Agenais de Rembrandt est un homme chétif et souffrant, pas un Christ puissant à la Rubens.

85 œuvres ont été réunies. Les murs de teinte rouge Hermès — la couleur de la Rédemp-tion - les mettent admirablement en valeur.

Dans l’entrée, on est saisi par la gravure immensément agrandie du christ apparaissant aux apôtres, une onde de choc. Et par Les pèle-rins d’emmaüs du musée Jacquemart-André, une œuvre de sa prime jeunesse (en 1629, il est un tout jeune homme de 23 ans). Extraordinaire composition asymétrique en diagonale. À l’instant de la fraction du pain, le disciple de gauche, plus prompt, a renversé sa chaise et se prosterne devant son Seigneur reconnu, à peine visible dans l’ombre de la table (on n’aperçoit que la courbe de son dos). Très difficile à repro-duire en photo (imprimeurs, surpassez-vous !). L’autre, en pleine lumière, en est encore à pous-ser un cri de surprise. Idée géniale de cette clar-té éblouissante qui auréole le profil du Christ, ombre chinoise se détachant sur l’humble cloi-son de planches. Au fond, la servante vaque à ses occupations, passant à côté de la Foi et de l’essentiel, comme les changeurs de La Vocation de saint Matthieu du Caravage.

Puis vient une salle avec une abside en bois, écrin pour trois Crucifixions, et la grande Résurrection de Lazare gravée, encore si baroque et mystérieuse.

rembrandtet la figure du Christ

Les Pèlerins d’emmaüs ou Le Souper à emmaüs,1648, huile sur panneau d’acajou.

Attribué à Rembrandt,Tête du christ,vers 1648-54,huile sur bois.

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La troisième salle est une première approche des portraits de Juifs par Rembrandt, avec notamment ce tableau quasi-inconnu de Provo (utah), un christ juif presque rêveur.

La grande abside est le cœur de l’exposition avec Le christ se révélant aux pèlerins d’emmaüs du Louvre, fruit de sa maturité en 1648 (à 42 ans). Rembrandt revient à une composition classique, inspirée de La cène de Léonard de Vinci. mais le décalage de quelques secondes entre les deux disciples est toujours là. Jésus porte les stigmates de la Passion, ses lèvres sont violettes, Il est exsangue. C’est un des tableaux qui montre le mieux à la fois sa divinité et son humanité. Ses traits sont à la fois dans la tradition du moyen Âge et de la Renaissance (la Sainte Face), et juifs de manière réaliste. Le disciple de droite, plus âgé, en est encore à se demander si ce visage ne lui dit pas quelque chose, tandis que celui de gauche étouffe un cri de surprise dans sa serviette. La grande niche solennelle rappelle Titien.

Rembrandt et son cercleL’Institut néerlandais de Paris présentera bientôt un florilège de dessins excep-tionnels provenant de la collection Lugt : Rembrandt et son entourage (Flinck, Maes, Bol, Fabritius, Koninck…). Rembrandt était au moins aussi grand graveur et dessinateur que peintre. Ces œuvres miniatures touchent au génie, comme Saskia au lit, avec leur bébé dans les bras (on est dans la chambre matrimoniale de Rembrandt, on en sent l’atmosphère), ou le minimaliste Moulin à vent sur le bastion : il n’y a rien que quelques traits de plume, et il y a tout. n

Rembrandt et son cercle. Institut néerlandais, 121 rue de Lille, Paris VIIe. Du 30 juinau 2 octobre. Tél. : 01.53.59.12.40, www.institutneerlandais.com. Catalogue : 75 e.

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Le christ prêchant (La Pièce aux cent florins), vers 1649, eau-forte, burin et pointe sèche sur papier.

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Claude Lorrain,le dessinateur devant la natureDans l’autre moitié du hall Napoléon a lieu aux mêmes dates une belle exposition sur l’art français de la même époque : Claude Lorrain, le dessi-nateur devant la nature.On sait que les deux plus grands paysagistes du XVIIe siècle, Poussin et son ami Claude Gellée, dit le Lorrain (1600-1682) passaient des heures à des-siner dans la campagne romaine (le matériel de l’époque ne permettait pas de peindre dehors, avant l’invention des tubes de peinture à l’époque des Impressionnistes). Ces dessins de paysages ont été rassemblés de tous les musées étrangers. À la plume, à la pierre noire, craie blanche et sanguine, au lavis ou à la gouache, étonnamment modernes, ils montrent le génie de Claude, qui sait évoquer un sous-bois éclaboussé de soleil rien qu’avec une plume et de l’encre. Il est émouvant de voir des paysages ou monuments romains qui existent toujours, croqués par Claude au XVIIe siècle, comme si on se mettait dans la peau de l’artiste de 1660. À part Henri Guérin et ses dessins d’arbres à la plume, à notre époque, nul artiste français n’a atteint cette maîtrise et cette inspiration.Quelques sublimes tableaux sont venus de Grenoble (Paysage pastoral), d’Amsterdam (Port au lever du soleil), d’Edimbourg et de Boston (Le Parnasse), de Norfolk (Persée et l’origine du corail), de Toledo (Paysage avec nymphe et satyre dansant), et un étonnant Parc à moutons de l’Akademie de Vienne, que l’on croirait du XIXe siècle. C’est à chaque fois le même enchantement, avec le soleil levant ou couchant vu de face dans ses infinies nuances, véritable sujet du tableau. n

Et les sept têtes et bustes du Christ retrou-vées y sont réunies pour la première fois : Berlin, Philadelphie, Amsterdam, Detroit, La Haye, c’est à chaque fois une expression différente de ce beau jeune homme que fut aussi le Christ.

Comme Dürer, Rembrandt est au moins aussi grand graveur que peintre. Il a réalisé des milliers de gravures — la plupart à l’eau-forte — dont beaucoup sur des thèmes d’Ancien et nouveau Testament. Son intérêt pour la Bible était immense et sa recherche sur ce thème constante. Il atteint le génie pur dans la Mise au tombeau et la Descente de croix aux flambeaux.

La galerie, enfin, après un florilège de repré-sentations du Christ flamandes et allemandes des XVe et XVIe siècles, aboutit à un chef-d’œuvre jamais vu, appartenant à la reine d’Angleterre, Le christ apparaissant à Marie-Madeleine

sous l’aspect d’un jardinier. La lumière dorée de la Résurrection irradie la scène. Le visage du Christ, lui, est encore dans l’ombre, mais commence à se dévoiler par le rayon de ce fabu-leux soleil levant qui touche la moitié du visage de marie. n

« Rembrandt et la figure du Christ », au Musée du Louvre, hall Napoléon, Place des Pyramides, 75001 Paris, jusqu'au 18 juillet, tous les jours (9h-18h) sauf le mardi, les mercredi et vendredi jusqu’à 22h. Tél. : 01.40.20.53.17, www.louvre.fr. Tarifs pour "Rembrandt" et "Claude Le Lorrain" : 11 e. Collections permanentes + "Rembrandt" et "Claude Le Lorrain" : 14 e. Catalogue : 39 e. L’exposition sera présentée aux USA, du 3 août au 30 octobre au Philadelphia Museum of Art, et du 20 novembre au 12 février au Detroit Institute of Arts.

arbres, vers 1655-1660.Pierre noire, lavis gris.

Vue de l’abside et de la coupolede la basilique Saint-Pierre,

Rome, vers 1630-1635.Plume et encre brune, lavis brun,

sur traces de graphite.

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L'intérêt de Rembrandt pour la Bible était immense et sa recherche sur ce thème constante

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« La Porte »

«La Porte » est la nouvelle pièce du théâtre La Bruyère. Et elle est très drôle. Sur une scène vide (Ah ! l'amour des comédiens pour dépeindre leur milieu de vie !), une

comédienne au génie fatalement méconnu vient retrouver un metteur en scène qui a autant de penchant pour elle que pour la bouteille, afin de donner la réplique à un comédien remplaçant dont le curriculum vitae se résume à avoir une sœur employée à Pôle emploi…

À partir de ces éléments, et de quelques autres tout aussi loufoques, il nous est donné d'assister à un spectacle spécialement réjouis-

sant. On note au passage que « La Porte » [Die Tür], ici traduite et adaptée, est l’œuvre d'un immense écrivain allemand qui « intégra l'équipe de basket du Reich aux jeux olympiques de Berlin en 1916 », fit preuve dans cette pièce d'« une liberté de ton et de style qu'il aura beaucoup de mal à égaler après sa mort » et qu'il « est l'un des rares écrivains de sa région natale ». L'humour n'est jamais vulgaire, fré-quemment fondé sur un comique de situation, une rupture logique par rapport à ce qui est attendu (le cordon de sonnerie pour le valet qui est… une poignée de chasse d'eau et qui, actionné, fait entendre… un klaxon italien).

C'est ainsi durant toute la pièce, au point que la dernière pirouette arrivant, on n'imagine pas que ce puisse être fini. Et si c'est le milieu du théâtre qui est dépeint, il n'est finalement qu'un prétexte à un humour débridé qui ne sombre jamais dans le comique pour initié (les effets font référence à des réalités connues de tout spectateur, même occasionnel).

Les personnages sont interprétés avec viva-cité et talent. La pseudo-diva est parfaitement pseudo, le metteur en scène en fin de carrière alcoolique juste comme il faut, parfaitement borné et tout à fait dépassé par les événements. Quant à l'idiot de service, on ne peut pas mieux jouer le crétin vaniteux ! Bref, une pièce déli-rante, à mettre sur ordonnance pour tous les mélancoliques. n

théâtre

« La Porte »,d'Antoine Séguin,

d'après l’œuvre posthume de Klaus von Krups.

Avec Antoine Séguin, Sophie Gourdinet Elrik Thomas.

Du mardi au samedi (21h),et en matinée

le samedi (15h30)au théâtre La Bruyère,

5 rue La Bruyère,75009 Paris,

tél. : 01.40.74.76.99.

« La Porte » fait partie de ces pièces très bien troussées qui, si elles n'ont que la prétention de faire rire, le font avec un talent particulièrement affûté.

par Pierre Françoisrire,et encore rire

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En vrac !Revue d'un monde en vrac est un patchwork qui veut évoquer notre temps à travers des personnages allégoriques, tels que le temps ou la rumeur (« il ne faut pas croire tout ce qu'on ne vous dit pas »), l'argent ou la pauvreté, les consommateurs ou un terroriste… Mais le rythme est irrégulier et le texte, agréable par les innombrables jeux de mots qu'il contient, bavard. Ceci étant dit, les deux seuls personnages cré-dibles – le clochard philosophe et une simili-starlette – s'en sortent bien. Mais le fardeau est lourd, car on est dans la contradiction qu'il y a à transformer certains personnages en idées, à en conserver d'autres qui sont faits de chair et de contradic-tions, tout en les mêlant ensemble. n

« Revue d'un monde en vrac (qu'est-ce qui va se passer ?) », de et mis en scène par Stéphanie Tesson. Avec Brock, Julie Debazac, Fabienne Fiette… Les mardi, mercredi et vendredi (20h30), jeudi et samedi (19h30), dimanche (15h30) jusqu'au 5 juin au théâtre 13, 103 A, bd Auguste Blanqui, 75013 Paris, tél. : 01.45.88.62.22. Audiodescription lors de certaines représentations.

Reprises, prolongations, succèsCertaines pièces récoltent les fruits d'un travail de qualité. Ainsi en est-il de Le mec de la tombe d'à côté (qui a récolté deux nominations aux Molières), repris aux Bouffes parisiens. Dis leur que la vérité est belle, création 2009, continue au Lucernaire (jusqu'au 19 juillet), de même que Dieu, qu'ils étaient lourds (jusqu'au 23 juillet) et Entre ciel et chair (jusqu'au 19 juin). Quant au Gorille de Jodorowsky d'après Kafka, il passe au Petit Montparnasse (jusqu'au 26 juin). Et Effroyables jar-dins est repris au théâtre du Petit Saint-Martin (jusqu'au 28 mai). n

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Il y a plusieurs manières de réaliser des films policiers. Celle, classique, qui consiste à filmer une enquête,

en ne révélant qu’à la fin le nom de l’assassin. Celle, plus risquée, mais plus belle, qui consiste à transformer une banale histoire policière en une tragé-die noire. C’est cette seconde voie qu’a choisie Clint Eastwood.

Ils étaient trois copains, Dave, Sean et Jimmy, à jouer dans les rues de Boston. Pourtant c’est Dave qui a été choisi par deux hommes déguisés en policiers. Pen dant quatre jours, le malheureux enfant va être abusé par ces pédophiles (les images, qui suggè-rent tout, mais ne mon trent rien, ont un impact terrible). Ce dra me a séparé les amis, qui demeurent tous profondément marqués, au point que Jimmy et Sean se

demandent ce qui se serait passé s’ils avaient été choisis à la place de Dave. 25 ans plus tard, un drame les réunit : la fille de Jimmy a été assassinée. Pendant plus de deux heures, Clint Eastwood capte l’attention du spectateur, sans ja mais la lâcher, avec cette histoire bouleversante, filmée avec élégance, mais ri gueur, et magistrale-ment interprétée. Trois comédiens excep-tionnels donnent corps à des person-nages tourmentés, dont la psychologie est fouillée au scalpel.

] Traumatisés par ce drame passé, les héros se débattent dans leurs pro –blèmes, conscients de leurs fautes. La mise en scène met bien en relief la présence de l’au-delà (Clint Eastwood filme souvent le ciel), faisant comprendre que tous les actes des hommes se dérou-lent sous le regard compatissant du Seigneur. Si la violence d’une scène est pénible, celle du début (avec les pédo-philes) est un modèle de suggestion. ■

Mystic river. Drame américain (2003) de Clint Eastwood, avec Sean Penn (Jimmy Markum), Tim Robbins (Dave Boyle), Kevin Bacon (Sean Devine), Laurence Fishburne, Marcia Gay Harden, Laura Linney, K. Chapman (2h17). Diffusion le dimanche 21 mai, sur France 2, à 20h35.

Persépolis

En 1978, Marjane n’a que huit ans et vit à Téhéran chez ses parents. Sa famille, de sensibilité communiste, accueille avec soulagement la chute du Chah et de son régime autoritaire. Cette adaptation cinématographi que de l’œuvre de Marjane Satrapi a obtenu de nombreuses récompenses. Méritées, tant le résultat visuel est séduisant. Marjane Satrapi et le dessinateur Vincent Paronnaud ont utilisé un noir et blanc très stylisé. Le graphisme se caractérise à la fois par un souci de réalisme et de belles envolées lyriques. Cette œuvre témoigne aussi d’un vrai sens de la narration, avec des scènes poignantes et de nombreuses notes d’hu-mour qui viennent alléger la gravité du sujet. ] Marjane a grandi dans une famille communiste qui a une approche très libé-rale des mœurs. L’ensemble est, cependant, souvent très émouvant et prône de belles vertus. Un langage cru.Animation française (2007) de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, avec les voix de Chiara Mastroianni (Marjane ado-lescente et adulte), Catherine Deneuve (Tadji, la mère de Marjane), Danielle Darrieux (la grand-mère), Simon Abkarian (1h32). Diffusion le dimanche 22 mai, sur France 3, à 22h55.

Des racines et des ailes« L’Égypte,une passion française » On ne se débarrasse jamais de certaines passions, telle celle des Français pour l’Égypte. Sur les traces des archéo-logues de L’Institut français d’archéologie orientale (l’IFAO), fondé en 1880 par Gaston Maspero, ce passionnant et superbe documentaire dévoile le travail extraordi-naire accompli par les Français, ainsi que quelques-unes de leurs magnifiques décou-vertes. Impressionnant !Documentaire français (2011) de Frédéric Wilner (1h40). Diffusion le mercredi 25 mai, sur France 3, à 20h35.

TÉLÉVISION

Les mercredis de l’histoire« Le Japon, l’empereur et l’armée »

En théorie, le Japon, par l’article 9 de sa constitution, a « renoncé à jamais à la guerre en tant que droit souverainde la Nation ». Néanmoins, la réalité est plus complexe. Officiellement, le pays du Soleil-Levant n’a pas d’armée. Il n’a que des forces d’autodéfense... qui en font la cinquième puissance militaire mondiale. Fort de cette armée, une partie

des Japonais ne souhaitent plus être soumis aux États-Unis. Comment en est-on arrivé là ?] Ce documentaire, bien qu’insuffisamment structuré, est intéressant, non seule-ment par ce qu’on apprend sur le sujet, mais également sur la manière dont les États-Unis ont démocratisé le Japon. S’ils avaient pratiqué la même politique avec l’Irak, peut-être auraient-ils évité le chaos qu’a engendré leur intervention. On peut aussi regretter certains passages dont l’utilité reste à démontrer pour la bonne compréhension du sujet.Documentaire français (2009) de Kenichi Watanabe (1h30). Diffusion le mercredi 25 mai, sur Arte, à 20h40.

Trois amis, liés par un dramelorsqu’ils étaient enfants,en subissent encoreles conséquences.

Mystic River par Marie-Christine RENAUD d’ANDRÉ

Tous les actes des hommes se déroulent sous le regard compatissant du Seigneur

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TF120.45 Les enfants de la télé. Divertissement présenté par Arthur, avec Michèle Laroque, Kad Merad, Elsa Zylberstein, Vincent Perez, Dominique Besnehard, Hélène Ségara, Patrick Bosso.23.15 New York section crimi-nelle. Série avec Vincent D’Onofrio 2.France 220.35 Les années bonheur. Divertissement présenté par Patrick Sébastien, avec DJ Bobo, Michèle Torr, Plastic Ber-trand, Zucchero, Worlds Appart, Hervé Vilard, Paradisio, Alice Dona, Bananarama, Catherine Lara, Voca People, Marlène, Yves Duteil, etc.22.55 On n’est pas couché. Magazine présenté par Laurent Ruquier.France 3

20.35 Commissaire Magellan «Pur sang» GA. Téléfilm avec Jacques Spiesser, Moon Dailly, Nathalie Besançon. __ Cet épi-sode, qui met en scène une nou-velle adjointe du héros, interprétée par Moon Dailly, est sympathique et prenant, avec une fin très émou-vante.22.10 C’est mon tour GA. Téléfilm avec Valérie Kaprisky, Hélène Seu-zaret. __] Cette histoire de vengeance et de manipulation entre sœurs est bien menée, mais il y a des longueurs et c’est parfois pénible.Arte20.40 L’aventure humaine «La fabuleuse histoire de la science (3 et 4/6)». Documentaire.22.20 Xanadu (7 et 8/8) Ø. Série avec Jean-Baptiste Malartre, Julien Boiselier 4. _]] Ainsi se ter-mine cette série très crue et peu palpitante.23.55 Metropolis.M620.45 Hawaii 5-0 : «Palekaiko», «Hana’a’a Makehewa». Série avec Alex O’Loughlin 2.22.25 The unit «Commando d’éli–te». Série avec Dennis Haysbert 2.Canal +21.00 Football «Multiplex».KTO20.50 VIP «Frédérique Bedos».21.45 Concert «Prix Nobel 2008».

TF120.45 Die hard 4 «Retour en enfer» GA. Aventures (2007) de Len Wise-man, avec Bruce Willis (2h04) 2. __] Spectaculaire et plein d’humour, mais violent.23.05 Les experts. Série 3.France 2

20.35 Mystic river GA. Drame (2002) de Clint Eastwood, avec Sean Penn, Tim Robbins (2h17) 3. (Voir notre analyse page 35.)22.50 Faites entrer l’accusé «Roland Moog, meurtre au ciné-ma». Magazine 2.00.25 Retour à Roland-Garros.France 320.35 Inspecteur Barnaby «La mort en chantant» GA. Série avec John Nettles 2. __ Un excellent suspense.22.55 Persépolis J. Animation (2007) de Marjane Satrapi et Vin-cent Paronnaud (1h32). (Voir notre analyse page 35.)00.30 Cannes à l’envers. 01.25 Un amour à Rome. Drame en NB (1956) de Dino Risi (1h40). ArteMax Frisch, un écrivain dans son temps20.40 Homo faber GA. Drame (1991) de Volker Schlöndorff, d’après Max Frisch, avec Sam She-pard, Julie Delpy (1h57). __] Cette moderne tragédie grecque est d’une belle fature. Mais la fin, malgré la discrétion des images, laisse un malaise.22.30 Max Frisch, citoyen J. __ Un portrait intéressant d’un intel-lectuel engagé.M620.45 Zone interdite «Acquittés d’Outreau : Dix ans après, le cauchemar continue». Magazine.22.45 Enquête exclusive «Boot camp, prison à vie : Quand l’Amé–rique mate ses ados violents» 3.Canal +19.15 Cannes 2011 «Cérémonie de clôture».20.50 Les trophées du foot.KTO18.30 Messe rue. Messe à Notre-Dame pour les gens de la rue. 20.40 La foi prise au mot «Le retour des reliques». 21.45 Le Concile Vatican II.22.45 Les mardis des Bernardins «L’homme et la femme dans les reli-gions (2) : Sacerdoce et célibat».

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20.45 Vieilles canailles J. Téléfilm avec Claude Brasseur, François Berléand, Patrick Chesnais, Cyrielle Clair. __] Une interprétation savoureuse sert une comédie inégale.

22.20 New York, unité spéciale. Série avec C. Meloni 3.00.45 Au Field de la nuit, avec M. Le Forestier, Thierry Cohen, Zoé Valdés, T. de Rosnay, Bastien Vivès.France 220.35 The closer : «Tueur en herbe», «Rédemption». Série avec Kyra Sedgwick, J. K. Simmons.22.15 Complément d’enquête «Caïds, les nouvelles règles du milieu». Magazine présenté par Benoît Duquesne.00.25 Retour à Roland-Garros.France 320.35 Incroyables expériences «Spéciale animateurs». Divertisse-ment présenté par T. Young et J. Gourmaud, avec Vincent Ferniot, Nathalie Simon, Henry-Jean Ser-vat, Cyril Féraud, I. Morizet, etc.23.10 Ce soir (ou jamais). Maga-zine présenté par Frédéric Taddéï.Arte20.40 Un long dimanche de fian-çailles A/Ø. Drame (2004) de Jean-Pierre Jeunet, avec Audrey Tautou, Gaspard Ulliel (2h17) 3. ___]] Somptueux et émou-vant, mais antimilitariste et illustré de scènes très complaisantes.22.55 La Symphonie n°5 de Mahler «D’un pas mesuré».23.55 Big Alma. Documentaire.M620.45 L’incroyable Hulk J. Fantas-tique (2008) de L. Leterrier, avec Edward Norton (1h47) 2. __] Spectaculaire, mais un peu lassant.22.45 Boat trip. Comédie (2002) de Mort Nathan, avec Cuba Gooding Jr., H. Sanz, Roger Moore (1h27).Canal +20.55 XIII (11, 12 et 13/13) 2.KTO20.40 Le chaînon manquant. Documentaire sur le père Émile Bombiri, au Burkina Faso.21.45 La vie des diocèses «Mgr R. Le Gall : Diocèse de Toulouse».22.15 Églises de France «Saint-Joseph-des-Carmes».22.25 Hors les murs «Scoutisme : 40 ans de style SUF».

TF120.45 Dr House : «Heureux les ignorants», «L’ami de Wilson», «Le divin enfant» 2» GA. Série avec Hugh Laurie. __ Excellent.23.15 Enquêtes et révélations «Rencontre, mariage, infidélité : Enquête sur les nouveaux pièges de l’amour». Magazine.02.15 Un grand cri d’amour GA. Comédie 1997) de et avec Josiane Balasko, et avec Richard Berry (1h30) 2. __] Amusant, mais outrancier.France 220.35 Spéciale Toute une histoire «Couples mixtes : Le combat de l’amour». Magazine présenté par Sophie Davant.22.40 La grande traque «Pablo Escobar : Le roi de la cocaïne». Documentaire 2.00.35 Retour à Roland-Garros.France 320.35 La résidence GA. Téléfilm avec Michel Jonasz, Guy Marchand, Hélène Vincent, N. Calfan. _ Cette réflexion sur la peur est inégale et longue, avec une fin décevante et une interprétation peu convaincante.22.40 Ce soir (ou jamais).ArteLa Somalie, d’un chaos à l’autre(Voir notre analyse ci-contre.)

20.40 Toxic Somalia «L’autre pira-terie» J. Documentaire.21.35 Mogadiscio, capitale fan-tôme J. 22.30 Twin Peaks (5, 6 et 7/22) GA. Série. __ Très bien fait.M620.45 X Factor. Divertissement avec Jenifer et Julien Doré.Canal +20.50 Crazy heart GA. Comédie dramatique (2009) de Scott Coo-per, avec Jeff Bridges, Maggie Gyl-lenhaal (1h47). __] Jeff Bridges est magistral dans ce film atta-chant, mais bien long.KTO20.40 Les mardis des Bernardins «Pourquoi croire malgré les blessu–res ?», avec Michael Lonsdale, Tim Guénard, Pascale Senk.21.45 1000 questions à la foi «Pourquoi la profession de foi n’est pas un sacrement ?». 22.15 Églises de France «Saint-Eustache».22.25 VIP «Frédérique Bedos».

Samedi 21 mai Dimanche 22 mai Lundi 23 mai Mardi 24 mai

Émissions religieuses : 08h30 Émissions religieuses : «Sagesses bouddhistes», «Islam», «Judaïca», «Orthodoxie», «Présence protes-tante» - 10h30 Le jour du Seigneur - 10h45 Messe.

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sur ArteMardi 24 mai à partir de 20h40La Somalie, d’un chaos à l’autre JAutrefois «perle blanche de l’océan Indien», la Somalie est aujourd’hui une terre sans loi, ravagée par la famine, la guerre civile et la piraterie.___ «Toxic Somalia» est une enquête rigoureuse sur les déchets toxiques déversés au large de la Somalie. C’est à la fois terrible et ignoble.__ « Mogadiscio, capitale fan-tôme » retrace l’histoire de ce malheureux pays depuis trente ans. Affreux !

TF120.45 Esprits criminels : «Liberté sous condition», «La troisième étape», «Un petit coin de paradis». Série avec Joe Mantegna 3.23.10 Flashforward (5, 6 et 7/24) GA. Série avec Joseph Fiennes, Sonya Walger 2. __] Palpitant, mais banalisant l’homosexualité.France 220.35 Bas les cœurs ! GA. Téléfilm avec Jérémie Duvall, Urbain Cance-lier, Bruno Lochet, Popeck, Chloé Stéfani, Jean-Noel Brouté. __] Cette satire de la bourgeoisie pen-dant la guerre de 1870 et la Com-mune est cocasse et tragique, mais inégale.22.10 Face aux Français… «Conversations inédites». Magazine présenté par Guillaume Durand.00.35 Retour à Roland-Garros.France 3

20.35 Des racines et des ailes «L’Égypte, une passion française» J. (Voir notre analyse page 35)22.55 Ce soir (ou jamais). Maga-zine présenté par Frédéric Taddéï.Arte20.40 Les mercredis de l’histoire «Le Japon, l’empereur et l’armée» J. (Voir notre analyse page 35)22.10 Le dessous des cartes «Des îles de déchets ?». Magazine.22.25 La femme sans tête J. Drame en VO (2008) de Lucrecia Martel, avec Maria Onetto, Claudia Cantero, César Bordon (1h25). __] Envoûtant, mais très lent.M620.45 Pékin Express, la route des grands fauves «Les Massaï du Kilimandjaro». Divertissement.22.50 Enquête exclusive «Quartier du Sentier : La grand bagarre des nouveaux rois de la fringue». Canal +20.55 Imogène McCarthery J. Comédie (2010) de A. Charlot et F. Magnier, avec Catherine Frot (1h20). _ Charmant, mais poussif.KTO20.40 Comme un grain de sénevé (3/6) «Jusqu’aux extrémités de la Terre». 21.45 Un cœur qui écoute «Action de grâce, le père M. Wackenheim». 22.10 Églises de France «Saint-Étienne-du-Mont». 22.20 La foi prise au mot «Le retour des reliques».

TF120.45 Le grand concours des ani-mateurs. Divertissement présenté par C. Rousseau, avec Jean-Pierre Pernaut, Jean-Pierre Foucault, Sandrine Quétier, Benjamin Castal-di, Catherine Laborde, Vincent Cerutti, Gérard Holtz, Cyril Hanou-na, Isabelle Morini-Bosc, Sophie Favier, M.-A. Nardi, Thierry Bec-caro, Elsa Fayer, P. Carmouze, etc.23.30 Pascal, le grand frère. France 2

20.35 Longue peine GA. Téléfilm avec Romane Bohringer, Bruno Todeschini, Francis Renaud, Micky Sebastian 2. __] Ce suspense classique, mais prenant, n’évite ni les longueurs ni les violences ni les invraisemblances.22.00 Avocats et associés «La chute» A. Série avec Muriel Com-beau. __] Assez prenant, mais illustré d’une scène suggestive.22.55 Semaine critique ! Maga-zine de Franz-Olivier Giesbert.00.35 Retour à Roland-Garros.France 320.35 Thalassa. Magazine présen-té par Georges Pernoud.22.55 Vie privée, vie publique. Magazine de Mireille Dumas.00.15 Toute la musique qu’ils aiment «L’heure de… Vienne».Arte20.40 La vallée tranquille J. Télé-film avec Wolfgang Stumph, Robert Atzorn, Ulrike Krumbiegel (1h28). __] Prenant, malgré des longueurs et des outrances.22.10 En finir avec la peur «Com-ment la science peut agir sur nos souvenirs» J. __ Intéressant, mais un peu inquiétant.23.05 Grand format «Marathon boy». Documentaire.M620.45 Bones : «Redresseur de tort», «Apparences trompeuses», «Les cor-nes du diable», «Mon père, le crimi-nel». Série avec Emily Deschanel 2.Canal +20.50 Rugby «Top 14».KTO20.40 Caritas «Alliance pour les Droits de la Vie».21.45 La famille en questions «Paternité : un nouvel élan !».22.15 Églises de France «Saint-Esprit». 22.30 Le chaînon manquant.

TF120.45 RIS police scientifique : «Fou d’amour», «Temps morts», «Tirs croisés», «À la vie à la mort». Série avec Michel Voïta 2.France 220.35 Envoyé spécial : «Les nou-velles armes des escrocs du télé-phone et d’Internet», «Promotion télé», «Robert Badinter, l’épris de justice». Magazine.22.50 Infrarouge : «Voyage au coeur de l’alcool(isme)», «Dans le secret de... L’accès aux soins en danger». Documentaires.01.30 Retour à Roland-Garros.France 320.35 Line Renaud à l’Olympia. Spectacle.22.55 Ce soir (ou jamais). Maga-zine présenté par Frédéric Taddéï.Arte

20.40 La visite de la fanfare GA. Comédie dramatique en VO (2007) de Eran Kolirin, avec Sasson Gabai, Ronit Elkabetz (1h23). ___ Cette œuvre très attachante est un plaidoyer en faveur de la paix au Proche-Orient, et distille une atmosphère teintée de nostalgie et d’espoir.22.05 Il était une fois… «Orange mécanique» GA. ___] Une excellente analyse et un portrait intéressant du créateur. Mais les auteurs auraient pu aller plus loin.23.00 Orange mécanique A/Ø. Drame en VO (1971) de Stanley Kubrick, avec Malcom McDowell, Patrick Magee, Michael Bates (2h11) 4. ___]] Ce fiilm brillant et passionnant est aussi racoleur et très pénible.M620.45 La catin. Téléfilm avec Alexandra Neldel, Bert Tischendorf, Michael Brandner (1h30) 3.23.00 Hommes et femmes à vendre «Enquête sur les nouveaux visages de la prostitution» 3.Canal +20.50 Desperate housewives (13 et 14/24) GA. Série avec Teri Hat-cher. __ Excellent.KTO20.30 Veillée de prière pour la vie, en direct de Notre-Dame.22.15 L’esprit des lettres. Maga-zine littéraire avec le père Michel-Marie Zanotti-Sorkine, Enguerrand Guépy, Christophe Carichon.

Mercredi 25 mai Jeudi 26 mai vendredi 27 mai

T : ToutpublicJ : AdolescentsGA: GrandsadolescentsA : AdultesØ : Œuvre(ouscène)nocive_: Elémentpositif]: Elémentnégatif

Repères

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FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011 37

RaDioSRadio Notre-DameSamedi 21 mai7h49 Le billet de Tugdual Derville.Lundi 23 au vendredi 27 mai7h06, 8h15, 11h06 La chronique de Gérard Leclerc.

RCFMercredi 25 mai13h30 Histoire du Christianisme «L’histoire de la messe - Les pre-miè re s communau té s ch ré -tiennes », avec Bruno Martin (histo-rien de l’église) (1/5).Jeudi 26 mai16h Contre courant «15 ans après. Retour à Tibhirine», un reportage en Algérie (1ère partie). 15 ans après l’assassinat des moines de Tibhirine, Ingrid Lebrasseur nous emmène à la rencontre des habi-tants de Tibhirine qui ont bien connu les moines. Elle nous pro-pose aussi de rencontrer les membres du groupe Ribât es-Salâm (Le lien de paix), un groupe de dialogue inter-religieux créé par Christian de Chergé et ses amis musulmans. Des rencontres exceptionnelles qui témoignent de la force de l’héritage des moines...(Rediffusion à 22h.)

France CultureDimanche 22 mai10h Messe. «Cinquième Dimanche de Pâques», depuis la collégiale Notre-Dame, 7 place Notre-Dame, 91150 étampes. Prédicateur : Père Gilles Drouin. Marie BIZIEN

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Paris✔ La Communauté Spiritaine, Missionnaires de la Congrégation du Saint-Esprit, 30 rue Lhomond, 75005 Pa r i s p ropose des "Journées d'amitié" du 27 au 29 mai. Trois temps forts rythme-ront ces journées : le 27 (20h30) à la chapelle «Hommage aux semeurs d'humanité» (concert et témoignages, avec notamment Lucien Heitz, spiritain) ; les 28 et 29 mai (14h30-19h) brocante et stands de produits régionaux, livres, pâtisseries, grillades, expo-sitions… ; le 29 mai (10h30) eucharistie présidée par le Père Emmanuel Meaudre, (12h) déjeuner, (18h) tirage des lots de la souscription (carnets de 10 billets à 1 e l'un). Rens. ✆ 01. 47.07.49.09, [email protected] www.spiritains.org✔ à la chapelle Notre-Dame des Anges, 102 bis rue de Vaugirard,

75006 Paris, les 26

et 27 mai (20h) "Malkhout" (le Royaume), chants sacrés d'Orient (textes bibliques) par Poumi Lescaut (voyageuse passionnée par l’exploration de chemins inconnus, a dédié toute sa vie à la création), accompagné par Stéphane Gallet [Ney (flûte turque) et Tanbur à archet], et Mathias Labbé [per-cussions : Tablas et Zarb]. Réservations : ✆ 01.47.06.56.44. Places à 15 € et 12 €.Eure✔ 7e édition de la Fête de la peinture dans plus de 150 communes du département, le 5 juin, sur le thème « élucubra-tions autour du chiffre 7 », avec expositions, ateliers, concours…

L’expression artis-t i q u e , i n v i t é e d ’honneur, se ra « les collages ». La manifestation est ouverte à tous, par-ticipations et visites

sont libres et gratuites. Rens. : ✆ 02 32 31 95 35 / www.eure-en-ligne.fr

Finistère✔ En hommage à Pierre Cariou, Kim En Joong exposera ses œuvres, jusqu'au 31 octobre, en la cathé-drale Pol-Aurélien, 29250 Saint-Pol-de Léon. Rens. ✆ 02.98.15.85.55.Hauts-de-Seine✔ Le Séminaire St-Sulpice, 33 rue du Général Leclerc, 92130 Issy-les-Moulineaux, prévoit une jour-née "portes ouvertes" le 28 mai : (14h) visites du séminaire, expo-sitions, projections, activités pour les jeunes et les enfants, prière, (15h) conférence "Jean-Paul II et les prêtres", (16h30) concert de la Schola, (17h) table ronde "Famille et vocation", (18h30) vêpres, (19h) repas par-tagé, (20h30) veillée de prière. Louange et adoration avec le père Daniel-ange. ✆ 01.46.62. 13.96, www.sulpissy.infoLoire-Atlantique✔ à la paroisse Ste-Madeleine, 14 bd Gustave Roch, 44200 Nantes, le dimanche 22 mai

(14h30), conférence pour adultes et adoles-cents : Des raisons de croire par Brunor, sur ses al bums de b a n d e s d e s s i n é e s Les indices pensables. Rens. ✆ 09.81.05.35.35, ou ✆ 02.40. 47.88.52.Val-de-Marne✔ à l'invitation de l'Association familiale catholique de Saint-Maur-des-Fossés, 69 rue du Pont de Créteil, 94100 Saint-Maur-des-Fossés, ✆ 01.55.96.29.40, une conférence sur les Chrétiens d’Orient « Les chrétiens persécu-tés dans un Moyen-Orient à la croisée des chemins », par le Père Pascal Gollnisch (Directeur Général de l’Œuvre d’Orient), aura lieu le mardi 31 mai (20h30), à la Mairie de Saint-Maur-des-Fossés, Place Charles de Gaulle.Aïn karem - Résurrection✔ Le 20e pèlerinage de la com-munauté Aïn Karem et du mou-vement Résurrection à Vézelay aura pour thème « Guérir les

BLOC-NOTES

(*) France métropolitaine et DOM uniquement - (**) Pour les personnes n’ayant jamais été abonnées. (***) Dans la limite des stocks disponibles. (****) Le pré-ciser dans un courrier séparé. (*****) France métropolitaine uniquement. CNIL N° 678405 - Loi informatique & liberté du 6/01/78 : vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux informations vous concernant. Par notre intermédiaire, vous pouvez être amenés à recevoir des propositions d’autres entrepri-ses. Si vous ne le souhaitez pas, il suffit de nous écrire ou de nous téléphoner et il en sera tenu compte immédiatement.

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blessures de l’âme ». Départ le 28 mai (8h30) de Paris, place du Général-Leclerc (Porte d’Or-léans). Autre départ (13h) pour ceux qui ont cours le matin. Transport par cars. Messe pon-tificale le 29 mai à Vézelay. Retour (vers 20h). Les tarifs s’échelonnent de 39 e à 66 e, selon les différentes routes (en fonction de l'âge et du niveau de marche). Rens. : Route Rouge Jeunes, Adelaïde de Montpellier, ✆ 06 13 79 36 26. Route Verte Adul tes , Sy lv ie Dul l in , ✆ 06.88.30.55.13. Route Orange 11-18 ans, Laurent Faussadier, ✆ 06 86 68 73 46. Route Pistache 8-10 ans, Hélène Legrand, ✆ 09 53 40 66 85. Route Jaune Familles, Mariame Héduy, ✆ 06 72 96 23 82. Route Bleue Aînés, Catherine Brion, ✆ 06.08.14.30.95.www.mouvement-resurrection.orgLes Prêtres✔ Après le grand succès de leur premier cd "Spiritus Dei", Les Prêtres ont sorti leur deuxième album "Gloria", également une très belle réussite, et seront sur scène : le 12 juin à Notre-Dame-du-Laus [05] (plein air), le 22

juin à Nîmes [30] (Arènes /plein air), le 23 juin à Vienne [38 ] ( t héâ t r e Ant ique /p le in air), le 4 juillet à Saint-Pol-de-Léon [29], le 7 juillet à Sistéron [ 0 4 ] ( Th é â t r e de la Citadelle/plein air), 8 juillet à Carcassonne [11] (Théâtre Jean Deschamps/plein air), 9 juillet à Lourdes [65] (salle Padre Pio), 10 juillet à Saint-Martin-de-Fenouillet [66] (Théâtre de Verdure/plein air), 11 juillet à Trets [13] (stade de la Gardi), 12 juillet à Aix-les-Bains [73] (théâtre de Verdure/plein air), 13 juillet à Châtel [74] (Gymnase intercommunal), 29 octobre à Lille [59] (Zénith), 30 octobre à Caen [14] (Zénith), 11 novembre à Orléans [45] (Zénith), 12 novembre à Nantes [44], (Zénith), 13 novembre à Paris [75] (Palais des Congrès).

Pour passer un communiqué,contactez : [email protected]

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aBonneMenTS à FRaNCE CathOLIquEFrance, 6 mois : 58 / 1 an (47 numéros) : 110 / Étranger, 1 an : 122 . Abon nement sou tien : 250 . Pour la Bel gique, virements à l'ordre de E. Ker khove, chaus sée de Dottignies 50 7730 Es taimpuis, tél. 056. 330585, compte ban caire : 275.0512. 029.11.Pour les autres pays, procédez par virements postaux internationaux sur notre compte chèques postal [IBAN / FR46 2004 1010 1243 5535 5X03 353 | BIC : PSSTFRPPSCE], ou bien par mandats in ternationaux à l'ordre de la SPFC ou par chèques bancaires libellés en euros et pa yables en France ou par chèques ban caires domiciliés à l'étranger mo yen nant une surtaxe de 18 , ou par carte bancaire via le site internet www.france-catholique.fr ou par téléphone : 01 46 30 37 38. Le journal ne rem bourse pas les abonnements interrompus du fait de l'abonné / Ne paraît pas en août.

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➥ électricien, Bruno Cia, 2, rue des Beauluisants 78730 St-Arnoult-en-Yvelines. Tél. : 06 60 76 49 02.

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FRANCECatholique n°3260 20 mai 2011 39

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