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JAA9 15M

1)1 i,FEI"YfOt1F1)1.L.

VIJLGATE EN FRANCE

I EÇON D 'OU VElU CRE

F\11'E A LA F,(CïI'Ê [)E i'IIÉUL()GJI I IIO'I'ESi'.\N'IJ: TE P..\RIS

LI 4 OVII UflE 188—j

ME

S1ILJ 1 L B EItG-EItI j.1IlI 1U- Là F I I

P À R I SLI131IAIBIE F1SCTIBACIIER

Q Société anonyme

4nVE lIE SEINE, 33

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0000005779758

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DU MIME AUTEUR :

La Bible au seizième siècle. Etude sur les origines de la critiquebiblique. - Paris, 1879.

De glossariis et compendiis exegeticis quibusdain medii aevi. - Paris, 1879.

La Bible française au Moyen Age. Etude sur les versions de la Bibleen prose de langue d'oïl. - Paris, 1881.

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DE L'HISTOIRE DE LA VULGATE

EN FRANCE,

MESSIEURS,

C'est une élude de manuscrits à laquelle je me permets devous convier, il est vrai que ces manuscrits sont COUX (le laBible. La Bible de saint Jérôme a été pendant le moyen ôge lepain quotidien de l'É glise dans l'occident tout entier, et nousressentons encore l'influence qu'elle a exercée sur notre civi-lisation. Et pourtant la Vul gate n'a pas encore d'histoire, et sesdestinées comme ses variations sont encore en grande partieinconnues. S'il plait à Dieu, cette histoire sera écrite; en diverspays, on y travaille avec ardeur, mais sans rivalité et dans unvéritable esprit de concorde, car l'étude de la Bible est toujoursbienfaisanLe pour ceux qui s'y consacrent. 11 faudra longtempssans doute avant que nous puissions regarder celte oeuvre commefaite, mais nous n'avons nul besoin de garder le silence jusque-là. La France a été au moyen fige le centre des études relativesà la l')il)le 5 et des Français ne sauraient être indifférents à l'his-toire de la Sainte icriture dans leur pays. Je voudrais donc medemander avec vous ce que nous savons et ce que nous igno-rons encore dans l'histoire de la Bible latine en France, ettracer ici l'esquisse d'une oeuvre à faire plutôt (lue d'un travailachevé.

Il n'est pas une étude, Messieurs, qui soit plus attrayanteque l'histoire de la Bible. Môme dans ses parties les plus mo-u

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(lestes, dans Il isloire hi texte et dans celle des traductionselle (101111e fi l'esprit des satisfactions toutes particulières , etpeut-être (louche le charme qu'elle I 1i (entc à ce que le C(PUI

Y est mêlé Sa.flS cesse, sans jamais pouvoir égarer le jugement.L'objet (le notre étude est le livre le plus l)ealL qui ait jamaisété écrit; le travail quotidien, parfois si pénilile , de la collationdes manuscrits, raniène sans cesse fi notre oreille des parolesque nous aimons depuis notre enfance, et que l'on petit etilen-dre toujours sans se lasser. Les manuscrits que nous avons fiétudier sont les plus beaux (le ceux qui se conservent (Tans lesbibliothèques. La piété de nombreuses générations s'est plu âles orner (le toutes les richesses iloiit disposait le moyen âge.Quai-id nous étudions la Ihilile en langue vulgaire, ce sont lesorigines de notre langue qui nous occupent, et flOUS flOuS iii-téressons aux efforts, hélas infructueux, (le beaucoup de gensPieux pour faite connaître au peuple la Bible dans sa langue.Quand la Vulgate retient notre attention, le magnifique langage(le saint Jérôme charme nos oreilles, et ce monument. sécu-laire nous inspire un respect vraiment religieux. Mais ce quifait particulièrement l'attrait de cette étude, c'est que les con-troverses ne peuvent s'y mêler et que nous y trouvons le calme(les études historiques en mème temps que l'intérêt qui s'atta-clic aux sciences religieuses. Notre travail nous mène, de bililio-tliè1ue en bibliothèque, fi la poursuite (les anciens manuscritsdans toute l'Europe nous rencontrons des confrères en étudeet souvent de véritables amis, ilont, nous devons la connais-sance fi un commun amour pour la. Bible, et c'est un beau pèle.village que celui qui uious mène en tous lieux fi la. recherche (lela Bible et nous niel, en relation f. la fois avec les loinïnes dupassé et avec les savants du présent. Ne croyons pas que notretravail soit inutile fi, la théologie, la théologie ite peut se passer(le nous. Sans cesse elle invoque notre aide pour déterminerle texte authentique (le la Bible, et plus notre science devien-dra une science exacte, par les progrès de notre méthode etpar l'étendue de nos recherches, plus nous pourrons rendre(le services â la science religieuse cl à la piété. Nous avonsenfin, permettez-moi de le dire, ce bonheur (le pouvoir servirla critique et contribuer à la recherche de la vérité sans blesser

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aucune conscience et sans froisser la piété de personne. Notrescience est modeste dans ses méthodes et pacifique (Tans sesrésultais. N'y a-t-il pas là de quoi nous la iirc aimer?

Puisque ]'objet (le cet entretien doit être l'histoire tic laVulgate en France, vous nie pernici Irez d'en indiquer briève-nient les grandes époques, salis craindre de vous lasserpar tics discussions tic textes qui sont indispcnsa]iles, maisen m'efforçant de me borner aux traits I)ri1CiI)a11x de cettehistoire, qui commence avec le règne de Charlema gne pourIjuir avec le siècle de saint Louis.

I

L'autorité de la Vulgate a été longue â s'établir dans notre]tavs, et l'on ne sait guère quand et comment la nouvelle tra-duclioii a pris la place des oeuvres imparfaites qui l'avaient précé-tée. Nous avons fort peu de manuscrits de la Vulgate écrits enGaule avant le règne (le CInuiernagne, mais tout nous (Tonne

ici' qu'un giand désordre a régné, jusqu'à la fin du vinesiècle, dans la littérature biblique du royaume des Francs. Destextes excellents se rencontrent, dans le nième manuscrit, àcoté tic longs pasaes ou de livres enliers tirés des anciennesversions, et dans un même livre (le la Bible les textes sont Sou-vent tellement mêlés, que l'on ne sait si l'on doit les regardercomme une Vulgate interpolée ou comme une ancienne ver-sion corrigée. Une réforme était nécessaire, il était réservé àClraremagne de l'accomplir.r

C'est de 1 tome que les princes francs ont fait venir les livresd'étlise (10111, ils ont or(lonnd l'adoption dans leurs Itats. Iln'en fut pas ainsi de la Bible. Ce n'est pas d'Italie que sontvenus dans notre pays les bons textes de la Vulgate ; la réformede la iihle dans l'empire franc est l'oeuvre personnelle de Char-lemagne, et la papauté n'a eu sur elle qu'une influence indi-recte et lointaine. Cette influence n'est pas â nier, niais c'estpar l'intermédiaire de l'Angleterre qu'elle s'est exercée- En el1't,s'il n'était las imprudent de résumer en un mot tout un léve-lopiiement historique, flOUS P0'1'10tIS (lire (jUs l'histoire de laVulgate sous les Carloviirgiens est l'histoire de la lutte des bons

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manuscrits venusvenus d'Angleterre contre les mauvais textes espa-gnols.

Cent ans avant Charlemagne, la Vulgate avait conquis l'An-gieterre : ce fut là une des plus brillantes victoires de lapapauté sur le particularisme breton. La soumission (le l'An-(I' à l'autorité du pape cl aux coutumes romaines estbeaucoup moins l'oeuvre de saint Augustin de Canterbury, à(jUl la légende en fait honneur, que (les hommes prudents ethabiles qui, quatre-vingts ans après lui, ont entrepris de sous-traire les royaumes anglo-saxons à l'inlluence irlandaise. Parmices apôtres de 1'Ig1ise romaine nous remarquerons au premierrang les deux plus anciens abbés de Jarrow en Northumberland,Benoit Biscop et Ceolfrid. Leur vie, ([Ont nous avons plusieursrécits pleins (le naturel et précieux pour l'histoire (les moeurs,est remplie de voyages à Rome, et à chaque fois ils rapportentdes manuscrits de la Bible, bientôt reproduits avec luxe par lesmoines de leurs couvents. Les manuscrits que les abbés deJarrow rapportaient de leurs pèlerinages n'étaient pas des textes saris valeur ; de bons auteurs pensent que l'un d'entre euxn'était autre chose qu'une des trois superbes bibles que Cas-siodore avait fait écrire dans son couvent (le Vivarium. QuandCeolfrid mourut à Langres en 716, sur le chemin de la Villeéternelle, il apportait au pape, comme prémices (le l'Angleterrecatholique, un admirable exemplaire (le la Bible, copié presqueentièrement, on a tout lieu (le le penser, sur la bible de Cassio-dore. Ce manuscrit nous est conservé, c'est le rolex Amiatinns,l'ornement de la bibliothèque Laurentieniw.

L'identilication du codex Amiatinu8 avec la bible de Ceolfiidest une des plus belles découvertes de la critique; elle est (lueCi l'illustre M. (le Rossi, et la vérification en a été donnée par unsavant professeur de Cambridge, M. JÏort, avec la sûreté d'uneopération mathématique (J). Ceolfrid ne savait pas quel service

(I) J.-B. de Rossi, La Bhliotcca della Sede apotoiica, Rome, 1884,in-40, p. 29 ; BibUotheca apostolica VatiCafla, Codices Palalini lalini, t. I,Rome. 1886, iii-4°, p. LXXVII F'.-J.-A. Ilort, Tue Acaderny, n° 773, 1 fé-Vrier 1887, et n° 788, 11 juin 1886. Comparez P. Corssen, Jahrb. far prot.Theo., LIX, 1883, p. 619.

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il rendait à l"Eglise tout entière en conservant fi. la science tinexcellent texte (le la Bible latine. C'est do la province il'Yorkdu Northumberland, que les bons textes de la Vulgate se sontrépandus non seulement sur l'Italie, à laquelle l'An gleterre pa-

yait ainsi sa dette, mais bien plus encore sur la France, carAlcuin était d'York et c'est lui que Charlemagne choisit pourcorrige' le texte de la Bible.

Nous possédons un capitulaire, daté au plus tard de l'an 800,dans lequel le roi des Francs annonce avec solennité à ses sujets(lue, « désireux de réparer par son soin vigilant le trésor (les let-tres presque anéanti par la négligence des siècles passés, etsoucieux tic montrer à lotis l'exemple de l'étude dès arts libéraux,il a corrigé exactement, avec l'aide (le Dieu, les livres de l'An-cien et du Nouveau Testament, corrompus par l'ignorance des

copistes (1).J'ai à peine besoin de dire que Charlemagne n'a pas fait lui-

même ce travail. Ce serait peine inutile de discuter les asser-tions d'un chroniqueur qui prétend que le grand empereur, âla fin de sa vie, s'occupait à corriger la Bible avec l'aide (le grecset d'orientaux, ou de rechercher silo manuscrit de la bibliothè-que impériale de Vienne où l'on prétend montrer des correc-tions de sa main, et qui du reste n'est pas une bible, n'a pasété corrigé quarante ans après sa mort. L'oeuvre do correctionordonnée par Charlemagne porte, dans tous les manuscrits, Le

110m d'Alcuin ; au reste, dans une lettre adressée â la soeur et àla fille de Charlemagne, et sans doute de peu antérieure aumois d'avril (le l'an 800, Alcuin annonce que son travail vient(l'être achevé ('2).

D'où le savant moine avait-il tiré ses manuscrits'! Nous lesavons, ils provenaient, au moins en partie, d'York. Dans unelettre de l'an 706, Alcuin demande à Charlemagne l'autorisa-tion (le faire venir d'York la bibliothèque que lui a léguée sonmaître., l'archevêque Achihert, et parmi les livres qu'il areçus

() Jalté, Monuinenta Cai'olina, p. 373: Jarr& pride» unh'ersos Veteriscic Non jas nmenti libros, librariorunl iinpei'itia depravatos, Deo nos inonnibus adjuvante, eciilZu8Sifl correximtts. »

('ï) J;iÉ5, Monumenta Alcuiniafla, P. 529.

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ainsi, nous trouvons la Iiih]e mentionnée ail premier rang (1).- Il y ; t (lune tout lieu (le SUO5PF que les manuscrits û l'aile

(lesquels il a c(;1iigé la Bil le étaient, de la même famille que lesmanuscrits l ': CM1111. et par conséquent parents du eoclexAniiatirtus.

Cette remarque nous ai d r iaIieut-ê tre à résoudre une -rieuse difficulté. Nous avons conservé un grand noini ne de ma-nuscrits du ix' siècle, (les plus beaux que l'on puisse voir, quisont tous accompagnés des préfaces en vers (l'\lcujn. Or le textede ces manuscrits varie à l'infini. Plusieurs (les plus riches(l'entre ces volumes ont été évidemment écrits à Tours ou au-près (le cette ville, sous les yeux des successeurs dAlcnin (2),mais ces manuscrits tourangeaux sont tous plus ou moins interpo-lés. Au contraire, le manuscrit alcuinien dont le texte est le pluspur n'a aucun des traits (le la paléographie des couvents Je laTouraine; il est con servé à Itonie et il a appartenu jusqu'à cesderniers temps à la bibliothèque Valliccliane. Quel est donc letexte d'Aleuin Y est-ce le texte du Vallicelliairns, qui (,s i. lel)1U5 pur, ou celui (les iflaiiuscrits de l'ours, qui sort des cou-vents (l'Alcuin ? La réponse iious parait indiquée par ce quiprécède. Non seulement Alcuin était homme à choisir le meil-leur texte, mais le Vai1:ei1ianos est à tous égards le tnanus-ciit qui se.rapproche le plus de l'A»uiatnus et (les manuscritsnoithurnbrieims; il est donc probable qu'il représente, dans unelarge mesure, Te texte (les manuscrits 'i'Yoik, qu'Alcuin u dùPrendre pour modèle.

Presque en même temps qu'Alcuimi corrigeait la Bible, lestextes espagnols s'introduisaient en France et leui inllueumeedevait fi peu près anéantir la réforme biblique de Charlemagne.

TlméoduUe, évêque d'Orléans et rival dAlcuin , était wisigoth,né en Espagne. Nous lui (levons une famille (le manuscrits (l'unerichesse admirable et en particulier bien dignes d'attirer notreattention par leur di sposition; ils ont en eflet conservé, presque

(I) 3fonumenta Alcuinia,zct, p. 331 et 3'1ii et p. 128, vers 1538.t) L. Delisle, Mémoire sur l'École calligraphique de Tours au ix , siècle,

188, in*, extrait des Mémoires de l'Académie des Inscriptions, t. XXXII,partie.

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sans chai 'ement. 1)1111e primitif (les livres (le l'Ancien Testa-ment que saint Jérôme a fixé dans son eélèhre Prologue (lesquatre livres des Bois: « ordre de la loi, ordre (les prophètes, or-dre (les hagiographes et ordre (les apocry})lI es( 1)», en un mot, ladivision traditionnelle de la Iliblo hébraïque appliquée â la Vu!-

gale. En vo y ant ces belles bibles, disposées dans un ordre sa-vant, enrichies d'un véritable trésor d'appendices où le nom (lel'hérétique espagnol Priscillien se rencontre avec celui de saintIsidore de Séville, eldontles marges sontchargées de variantes,ou croit d'abord avoir sous les veux une véritable recensionscientifique. Il n'en est pourtant rien, le texte de T!todulfe estun des 1)111s mêlés qu'on trouver, les interpolations sein-ljlents'v être accumulées â plaisir, et les variantes de la margene représentent pas un texte meilleur (lue celui (le la premièremain. Il y a tout lieu (te penser que Théodulfe a fait copier unmanuscrit espagnol, plein (le leçons étrangères t la Vulgate

conune étaieiit géiiéi'aleinenl les manuscrits de ce pays. Lesvariantes qu'il y a ajoutées semblent également empruntées,(lu moins en grande partie, 1 des manuscrits wisigoths, et l'or-(ire si remarquable des livres (le l'Ancien Testament que Théo-dulfe nous a conservé n'est pas autre chose que l'héritage de latradition espagnole, qui peut-être remontait elle-même â l'un(les fameux exemplaires de Cassiodore. Aussi, loin de faire deThéodulfe un critique, nous verrons plutôt en lui, mal gré toutson mérite, le défenseur de la tradition espagnole et l'adversaireinconscient de la pureté du texte biblique, défendue par Alcuin.

Les effets du conliit entre les cieux textes (le la Bible ne tar-dèrent pas â se faire sentir. Les manuscrits du 1XC siècle repré-sentent presque tous un mélange des deux recensions, (lailSlequel l'oeuvre d'Alcuin n'a souvent conservé que sa forme ex-térieure. D'ici àpeu, sans doute, nous connaîtrons les rapports (leces textes si importants et l'histoire de ces célèbres manus-crits, quand M. L. l)elisie aura achevé l'étude (les bibles carlo-vingienneS, dans laquelle tant de beaux travaux trouveront leurcouronnement.

Le Xc siècle, âge d'ignorance, et 1e3 siècles suivants n'ont fait

(1) L. lïelisle, Les Bibles de Théodulfe, 1879, extrait de la Bibliothèquede l'École des Chartes, t. LX.

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qu'augmenter la confusion que le ix° siècle avait fait naître.Cette confusion fut si grande, que vous trouverez rarement unmanuscrit (le la Bible, antérieur ait siècle, qui soit à peuprès semblable à un autre, et qu'en dehors des Evangiles eten dehors de certains textes sans valeur, destinés à l'usagedes offices, ou de ceux qu'accompagnait ce qu'on appelle« la Glose ordinaire » (c'est le commentaire universeflementusité au moyen âge), on peut à peine parler, dans ces temps,d'une recension ou (l'une famille de textes. Voilà ce qu'étaitdevenue l'oeuvre d'Alcuin, l'une des plus nobles et des mieuxentendues dont l'histoire littéraire de notre pays ait conservéle souvenir.

Une exception brillante, dans cette indifférence généralepour la pureté du texte, nous est fournie par l'ordre de Citeaux.En l'aii 1109, saint Étienne Liarding, deuxième abbé (le Citeaux,entreprit, avec un zèle digne de tout éloge, de dégager le textebiblique des interpolations étrangères à l'oeuvre de saint Jérûme;seul en France dans son siècle, il eut l'excellente pensée deconsulter des Juifs, et il retrancha nettement, de l'exemplairesur lequel devaient être corrigées toutes les bibles de l'ordre,tout ce qui ne se trouvait, ni dans les meilleurs manuscrits,ni dans l'hébreu (I). Les quatre beaux volumes corrigés de samain se voient encore à la bibliothèque de Dijon, et c'est surleur modèle qu'ont été établis les manuscrits cisterciens, siremarquables par leur ornement, également simple e distingué,en initiales monochromes, le seul qu'autorisât la règle de cetordre illustre qui fut l'ordre (le saint Bernard.

Quelque saine que fût la pensée d'Étienne Tiarding, il n'avaitpas la science nécessaire pour une véritable réforme (lu textede la Bible. Le grand règne de Saint Louis pouvait seul donneraux études une impulsion suffisante et, pour parler ainsi, unecentralisation assez puissante pour que cette œvre pût êtrereprise avec ensemble on aimerait pouvoir dire, avec succès.

Cependant le sud de la Franco, indépendant par toute sa ci-

(1) Voir le tome I c, des oeuvres (le saint Bernard, Publiées par Mabillon,Notes, p. xii et P. Martin, Saint Étienne Harding, TinJodulfe et Alcuin,Amiens, 1887, extrait de la Revue des sciences ecclrisiastiques.

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vilisatio (le l'influence du nord, se formait son texte ïï lui et cetexte ne pouvait être que des plus mauvais. Le midi n'a pasbeaucoup brillé, au mo yen àge, par la culture théologique, etceux qui dirigeaient l'Église (Tans ces pars avaientd'autres soucisque dc corriger la Vulgate. Au reste les affinités de (otite es-pèce rapprochaient davantage Montpellier, Narbonne et Béziersde l'Espagne que (le ]a Fiance; il est donc naturel (IUC les ma-nuscrits de la Bible copiés (Tans le Languedoc aient été avanttout (les textes espagnols : c'est dire qu'ils étaient pleins detoute espèce d'interpolations et d'erreurs et parfois presque aussirapprochés tics versions anciennes que de laVulgate. Ce texte tué-ri(ilonal a ceci de particulièrement intéressant pour nous, ((UC

c'est sur lui qu'a été traduit le Nouveau Testament provençalqui va paraitre en une édition photographique, et qui est undes plus beaux monuments de la vie littéraire de notre midicomme un des plus curieux souvenirs que nous ait laissé la sectedes Albigeois (l'.

'T

C'est de l'Université (le Paris que devait sortir la lubie, tellepeu près qu'elle est encore entre nos mains aujourd'hui (e).

Je ne veux pas dire que les représentants officiels de l'Universitéaient pris part eux-mêmes â l'établissement du texte parisien ouen aient décrété l'adoption. L'llnivorsité comprenait, avec lesprofesseurs et les élèves, un grand nombre de « suppèts » detoute espèce, parmi lesquels les « stationnaires » ou librairesn'occupaient pas la dernière place. Roger Bacon nous dit for-mellement que ce sont ces personnages inférieurs, auxquelsl'intérêt de ]a science était assurément étranger, et les nom-breux étudiants qui vivaient à la solde des libraires, qui onteu la haute main dans l'établissement de l'édition parisienne

(I) Voir la Revue historique, t. XXXII, 1886, p. 186. Le meilleur Is'pe dutexte méridional est, pour le Nouveau Testament, le manuscrit latin 342 ticla Bibliothèque nationale.

(2) Voir la Revue de théologie et de philosophie de Lausanne, t. XVI,1883, p. 41 Des essais qui ont été faits à Paris au XIIIO siècle pourcorriger le texte de la Vulgate. J'évite de répéter ici, sinon pour le cor-riger, ce qui a été dit dans ce premier travail.

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de la Uible (1). .Te (lis: l'édition; en effet, il s'agit hiosi réelle-ment ici d'une oeuvre (le librairie, d'une recension faite pourl'usage (les écoles et pour le commerce, et qui a su en très peu(le temps chasser de l'usage ls anciennes l)il)les ou les trans-former â son modèle.

Le texte do la Bible parisienne ( n'était sans doute ni meil-leur ni pire que celui des exemplaires usités t Paris entre lex li e et le xn i e siècle; il était rempli (le fragments de l'ancienneversion latine, égalemeiit étrangers aux textes originaux de laBible et à lœuvre de saint Jérôme. J'ai compté, dans unexemplaire ordinaire de la Bible, que je n'ai pourtant pas puétudier ]igne par ligne, û peu près exactement la valeur (le cent.versets étrangers aux originaux et à la version de saint Jérnte,et ou en trouverait probablement davantage. Dans ce compteje ne lais pas entrer de nombreux milliers de mots isolésou de mauvaises leçons, ni surtout le Psautier tic la Vulgatequi, comme on sait, n'est pas l'oeure définitive de saint Jérôme,rn ais je dois ajouter que, (les cent versets inauthentiques de laVulgate du xiir siècle, S, c'est-à-dire plus des quatre cinquiè-mes, se voient encore dans la bible de Sixte-Quint, impriméepar ordre du concile de Trente, et 74, ou près des trois quarts,(huis la Vulgate officielle d'aujourd'hui. On voit par là (luCheinfluence dplotable l'édition parisienne de la bible a exercéesur toLite la littérature biblique jusqu'à nos temps.

[1 est donc établi que l'édition parisienne du XIIle siècle n'aété en rien une oeuvre de science, mais uniquement un pro-(luit de librairie. S'il en est ainsi, à quoi a-t- elle dû SOfl pro-digieux succès? Uniquement à la division nouvelle cii chapitresà peu près égaux qu'elle u introduite dans l'usage. La divisionen chapitres des bibles antérieures au xiii t siècle était un vé-

(t) Nain ci rca quadrauinta annos multi theologi infiniti e! stotionarii11 cri'iius parun vidcntcs hoc proposueruut exeinplar. Qui cuin illiteratifuerint cl uxorati. non curant es neC scicnleS cogitare de veritatc textussacri, proposuerunt cxemplaria vitiosissiina, et scriplores infiniti acidide-runt ad coruptionem multas in ta ocs (Compendium Studii, éditionBrewer, p. 333).

(2) J'en prends pour type, parmi des centaines d'exemplaires qui, (lu reste,diili'reut à l'infini dans le détail, le manuscrit latin 15.407 de la Bibliothèqueflati)nale, provenant du collège de Sorbonne et duh le 1270.

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ritable chaos. Ces chapitres, les uns énormes, les autres quel-quefois longs (l'un verset seulement, héritage (les versions an-lérieiii'es à saint .léiônie, variaient à l'infini dans les manuscritset 'étaient en réalité presque (l'aUCnn usage; ils étaient ac-coiripagués (le sommaires en latin barbare qui très souvent noconcordaient pas avec les chapitres du texte lui-même et quecertainement presque personne nolisait. Depuis le moment où laconstitution (le l'Université sous 1'1iilipe-Am'uste avait donnéune impulsion nouvelle aux éludes scolastiques, il fallait auxprolèsseurs et aux élèves aussi bien qu'aux prédicateurs unebible d'usage, la même pour tout le monde, disposée de même,partagée de même, et pouvant être citée, en chaire commedans les écoles, d'après une numérotation universellementadmise. Oit sur l'auteur (le la division des chapitresqui est encore la nôtre. Ce n'est pas Hu gues (le Saint-Cher,à qui oit longtemps attribuée, car la division moderne est,suivant toute vraisemblance, antérieure à l'époque du savantcardinal. Une ancienne tradition établie en Atigleterre l'attri-bue au célèbre archevêque (le Canterbur y , Etienne Langtoii,qui fut une des gloires de notre IJriiversité (1), et elle trouvesa confirmation dans un manuscrit du xiri° siècle conservé à[,voit oit nous lisons en tête (les livres sapientiaux, diviséscomme dans nos bibles actuelles « incipiunt ParaboleSalomonis distincte per capitula secundum. maqistrum Ste-plianuni archiepiscopum. a Cette division nouvelle de la Bibleen chapitres égaux, aussi commode pour l'usage que défec-tueuse poum l'intelligence du texte, a-t-elle été frite à Paris,comme un auteur anglais du xiiie siècle l'affirme ? Ence cas elle ne serait pas postérieure à l'année I2l3, oitLangton quitta notre ville pour Canterbury, mais elle ne sein-hie guère avoir été connue avant que l'Université l'ait adoptée,et c'est aux environs de l'an I2O ou 1227 qu'a vu le jour, si]'oit croit R. flacon, l'édition de l'Université (3). C'est avec

(1) C.- R. Gregory, Prolégomènes du Nouveau Testament de Tischendorl,édit. VIII cit. major, P. 164 et suiv.

() N° 310 de la Bibliothèque municipale.(:1) Le premier manuscrit daté, avec la division nouvelle des chapitres,

dont nous ayons connaissance, est conservé à la Bibliothèque Mazarine, sous

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cette division, et d'apr le texte de que la I lihle nété pour la première lois traduite en entier en français, vers lemilieu du xu l e siècle. Depuis ce moment, nous avons eu une« vulgate, » c'est-à-dire un texte reçu: ce ne fut pas pour le biende la science.

Je ne développerai pas devant vous l'histoire (les nombreuxtravaux dont le texte de la Bible n été l'objet ou xIiIe siècle eten particulier dans l'ordre (le saint Dominique. Cette histoireest pourtant également honorable pour notre Université et pourl'ordre des frères prêcheurs. Vous y verriez (lue l'Universitén'était pas tout entière dans les rangs ries docteurs sans autoritéet de ceux pour lesquels la science n'était qu'un gagne-pain,qu'à côté (le COS hommes il y avait sur la rive gauche de la Seinedes savants qui honoraient leur époque, et qu'il se rencontrait,surtout parmi les moines mendiants, des hommes décidés à nepas se laisser imposer de mauvais textes et des bibles falsifiéespar la coalition (les bonnes volontés ignorantes et des intérèls.Mais en attendant que l'écheveau de ces corrections multiplesait été débrouillé par un savant dolninie3in, le P. Denifie, je n'enveux toucher qu'un mot.mot. Il semble que le premier texte usitéclans l'ordre des frères prêcheurs, après l'établissement de l'édi-tion parisienne, ait peu différé de celui de ]'Université; c'estprobablement la s bible de Sens, qui porte cc nom on ne saitpourquoi et qui a été mise au rebut par le chapitre général del'ordre en 1256 ('I). Mais bientôt un homme comme le moyenâge en a eu peu, l'auteur des concordances de la Bible dont nousfaisons encore usage aujourd'hui, Ilugues de Saint-Cher, qui futprovincial de France avant d'être cardinal, entrepritia correctionde la Bible dans un tout autre esprit et avec de bien autres

le no 29. C'est une Bible écrite è C:tnterbury et qui porte la date de 1231.Les premiers livres de la Bible montrent., de la première main s sine divisionancienne des chapitres, mais depuis le milieu du III livre des Rois, la flou-'elle division remplace l'ancienne ; c'est donc, semblet-il, vers l'an 1231 quole nouveau- système (les chapitres s'est introduit en Angleterre.

() Il me semble reconnaître ce texte dans le seul manuscrit latin 1 7 de laBibliothèque nationale, curieux manuscrit (le la fin du xtiO siècle qui provientd'un évêque de Strashourg, Jean de Dflrbheim, et dont le texte répond exac-ternent à presque toutes les citations que le Correetoiiuns Sorbonicum15.504) a tirées de la bible de Sens.

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ressources. Il cite l'hébreu comme nu homme qui connaîtcette langue par lui-même, et toute 50fl oeuvre (1) n'est qu'unretour consciencieux aux oriinaux. Le résultat (les savantstravaux du célèbre cardinal ne parut pas suffisant à l'esprit exi-geant des dominicains, chez lesquels la pratique de l'Inquisitionet les controverses avec les Juifs avaient développé une certaineconnaissance de l'hébreu. Après lui, semble-t-il, l'ordre desfrères prêcheurs reprend sou oeuvre. Nous avons conservél'autographe même de la dernière grande correction faite parl'ordre de saint Dominique; il compose les quatre volumes de lagrande bible des Jacobins-Saint-Jacques, encore conservée àParis (). Ce livre est si bien un original que je pourrais vousmontrer encore à certains endroits, sui les marges, des notes àl'encre rouge ou i. l'encre noire, d'une petite écriture indivi-duelle, que l'on a oublié de gratter après qu'on les avaitrecopiées dans la belle écriture traditionnelle du xnic siècle.Le dominicain qui a dirigé ce beau travail savait certainementl'hébreu et un peu (le grec.

Tant d'efforts, mis au service (l'une remarquable érudition,ont-ils, au moins en quelque mesure, rendu meilleur le texte (lela Bible? Roger Bacon, passionné mais clairvoyant dans sescritiques, pensait au contraire qu'ils en avaient rendu lacorruption incurable. De correction en correction, le lecteur nesavait plus à qui entendre. Les correcteurs dominicains avaientaccumulé, sur les marges ou dans le texte de leurs bibles, lesvariantes et les mauvaises leçons, dans l'intention de lessignaler i la défiance des lecteurs. Ils les avaient, pour cela,« cancellées, » c'est à dire raturées avec soin ou souli gnées d'untrait rouge, mais ces finesses ne devaient guère être comprises

( l ) le pense la retrouver, plus ou moins bien conservée, dans le manus-crit 1217 de la bibliothèque impériale de Vienne, copié en Bohème en 1434.Au reste, les corrections apportées par Il. de Saint-Cher au texte (le la Bibleont été recueillies) avec la préface de son édition aujourd'hui presque dis-parue, dans un petit manuel appelé Correcforinn parisiense, dont un desmi11eur manusrits est le manuscrit latin 3218 de la Bibliothèque nationale,écrit au xiii e siècle.( Latin 'lG.719-'16.72l. Les principales leçons de ce leste, ainsi que les

noies (lui l'accompagnent, se lisent aussi dans la première partie du Co,'rec-torium Sorbonicu yn, indiqué plus haut, y compris la correction du Psautier,({Ui ne s'est pas conservée dans la bible des Jacobins.

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du public ni des copistes, et les leçons exilées à la margeeurent bientôt fait de reprendre leur ancienne place dans letexte. il manquait surtout aux grands érudits du règne desai lit Louis une chose que tout l'enseignement (le l'Universitéde Paris ne pouvait donner, l'esprit scientifique. C'est beaucoup(l'avoir su, en plein xjIlc siècle, appliquer l'hébreu et le grec àla correction (le la Vulgate, mais il faut con s idérer que ce n'estpas dc l'hébreu qu'il s ' agit ici, mais du texte de saint Jérùme etque, pOUI établir le texte dune version, l'étude de l'oiiginalest dangereuse quand clic n'est pas maniée avec prudence etsobriété. Itugues (le Saint-Cher et ses disciples rie pouvaientguère, avec leur méthode, que rendre le texte (le la Biblepire encore, et Ro ger Bacon ne se fit pas faute (le le leurprouver. C'est do lui et des siens qu'il nous reste

On u conservé, (Jans (juelques bibliothèques, un petit ma-miel tout plein d'abréviations et assez pénible à déChi hIrer (1)ruais qu'on ne tient pas dans ses mains sans respect ci qu'on nelit pas sans admiration. Ce traité, qu'on appelle CorrecloriuniVatieanum à cause (lu inanuscriL qui eu a été le premier connu,est l'ouvrage (l'un homme qui dépassait son temps (le toute ladistance qui sépare la critique (le l'érudition et la science vérita-ble de la scolastique. L'auteur a recherché partout les anciensriianusci'its; il cite une très ancienne bible de l'abbaye (le Sainte-Geneviève, il a été à Metz voir une célèbre bible carloviugienne,la nième que nous appelons la première bible (le Charles leChauve, et il semble être allé consulter en Italie le codex Amia-!inus, dans lequel on croyait de sou temps voir l'a tif ographe desaint Gréga le Grand. IL alu le largum et il cite des commen-taires juifs qu'il appelle « perus » : cc sont probablement CeUX

(le l'illustre rabbin de Troyes, Salomon Isaride ou Rasc,bi. Al'Espagne il u demandé des manuscrits hébreux et il sait fortbien distinguer (lit texte « hébreu moderne » les « anciens ma-nuscrits hébreux (le France » et les exemplaires espagnols. »Mais ce n'estson éru(hitiOui cjuii nous intéresse, c 'est sa cri Li -que. Le principe qui le guide est celui (le saint Jémènne « Quand

(I) Manuscrits du \aIicaji, 34136, de Venise, cl I, cocl. 51, d l ,' 'fouloue,40, etc., tous du xui° ièdc ou du commencement du xlvc.

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il y a désaccord cuire les manuscrits, nous recourons t la 'd-rib de l'hébreu (ad hebraicain confwjimus veritalem) j) ! « ilfaut chercher la vérité it la SOUFCC pluVt qu'au ruisseau u ; maisaussitôt (et c'est lià ce qui le distingue (le ses cn(emporains) ilajoute : « N'allez pourtant pas étre infilCde au texte latin sur la loidu seul texte hébreu ou grec. u Aussi tout son effort se porte-t-il contre les correcteurs irn prudents qui corri gent le latin sansmanuscrits, sur la seule autorité de l'hébreu, c'est-à-dire avanttout contre Ilugues de Saint-Clici, dont l'édition sert de point (jedépart à son travail et (le point de mire à ses critiques. « Prenezgarde, dit-il à ses lecteurs, de trop vous attacher aux juifs.Surtout il s'irrite sans cesse contre ceux qui veulent retrancher(le la Vulgate tout ce qui n'est j)S dans l'hébreu. « 11 faudraitalors eflacerdix mi!lemots(f noies traducteurs ontintroduits pourl'amour (le la clarté (t) », Comment dirions-nous mieux au-

jourd'hui ? Ce sont là les véritables principes de la Critique, etc'est la première fois, je pense, que ces principes ont été eXpri-niés. Sans doute notre correcteur est bien loin (l'être au faite(le la science, il lui échappe plus d'une erreur lorsqu'il parledu grec, et il se montre beaucoup plus faible dans l'étude tinNouveau Testament que de l'Ancien. On ne lui liendra certesPas ligueur pour ces erreurs ou ces insuffisances , si l'on sesouvient qu'il écrivait il y n six cents ans. Peut-i,tre ret.iou-vera-t-on un jour la grande bible corrigée par la mai n de cetexcellent critique, à laquelle ses noies fout souvent allusion.1:11e peut tout aussi bien exister encore que les trois recensionsprécédentes, qui ne se sont conservées chacune qu'en un seulmanuscrit.

Quel est donc le savant qui a deviné les principes de la cri-tique, deux cent cinquante ans avant Erasme:' Nous sauronssans doute d'ici à peu (le temps son nom, car le P. Denifle,qui l'a trouvé dans un manuscrit, nous promet (le le faire bien-tôt connaitre, niais son nom n 'a POUF IJOUS qu'ut! intérêt SOCOfl-

(I) ?'o1i e;'yo propte,' externe lingue idioïua cano;iem deserere iotino-ram (Pi-face). . Si vis ergo litteram scrcore incorruptam, non nimisudhcrcas Judeis (In Ex., V).. Si cni,n tuflium de tertn sunt que sauf inhebreo, decem nnliu vcrbcc que inlerprctes tut cvidcraju,i posuerunt des-ti'uen(ur (In Jos., XV, J.

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daire, car nous connaissons son école ci nous savons quelmaure l'a inspiré. li est certain qu'il faut chercher ce savantvenu avant l'heure parmi les disciples du précurseur de lascience moderne, de itoger Bacon. Ou bien il a eu l'Opus

jus soussous les yeux, ou il a reçu les conseils (le son auteur; l'espritest le même, le style seulement est moins virulent et moinspersonnel. Ainsi nous nous trouvons ramenés t l'école (lu

doctor inirabilis,> de ce savant mystérieux qui a eu des lu'mières étonnantes sur toutes les sciences, mais auquel aucuneétude n'a été plus chère que la correction du texte bil)liqUe. Ily apportait une véritable passion; nous avons de lui une lettreau pape Clément IV, dans laquelle il le suppliait de prendre enmain la causcde la Bible « Jc crie i Dieu et à vous,» disait-ilà son protecteur. Le pape éclairé et libéral auquel B. Bacon

adressait sa plainte ne vécut pas assez pour exaucer le voeu deson illustre ami; l'aurait-il tenté, il u'y aurait sans doute pasréussi plus que ses devanciers, tant est grande la force de laroutine. La tradition des erreurs cl des mauvaises leçons avait

triomphé au Ix c siècle de la généreuse initiative de Charlema-

gne; au xvi0 siècle elle (levait avoir raison de l'humanisme etde la renaissance des lettre-,; Il. Bacon ne pouvait l'emporter surelle. Les mauvais textes, qui se perpétuaient depuis l'origine endépit de tous les réveils de l'esprit scientifique, et dont le règne(le saint Louis avait malheureusement établi l'autorité au lieudela détruire, devaient, avec trop peu de corrections, devenir letexte officiel et unique de la Vulgate. Depuis 159 jusqu'à nosjouis, on a à peine tenté de faire revivre le véritable texte dela bible latine, et la Vulgate est encore aujourd'hui le livre leplus mal publié comme le moins connu de la littérature latine.If n'en sera plus longtemps ainsi, je l'espère, et la science fran-çaise aura sa part dans ce travail. Elle ne pouvait pas resterétrangère à une élude qui nous occupe à la fois de la Bible et del'histoire littéraire de notre pays, et dans laquelle nous rencon-trons sans cesse, à la place (['honneur qui lui appartient, le

nom de l'Univers ité de Paris.

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