j’ai horreur du printemps - le grand t · référence le petit cirque, fred (edition dargaud) –...

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© CHRISTOPHE RAYNAUD - LICENCES SPECTACLES 1-1075853 1-1075850 2-1075851 3-1075852 © CHRISTOPHE RAYNAUD - LICENCES SPECTACLES 1-1075853 1-1075850 2-1075851 3-1075852 J’AI HORREUR DU PRINTEMPS HOMMAGE AU PETIT CIRQUE DE FRED CONCEPTION MÉLISSA VON VÉPY ET STÉPHAN OLIVA HAPPÉS | THÉÂTRE VERTICAL 19 > 23 JAN - LE GRAND T 02 51 88 25 25 / leGrandT.fr 2015/16

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J’AI HORREUR DU PRINTEMPSHOMMAGE AU PETIT CIRQUE DE FREDCONCEPTION MÉLISSA VON VÉPY ET STÉPHAN OLIVA HAPPÉS | THÉÂTRE VERTICAL

19 > 23 JAN - LE GRAND T

02 51 88 25 25 / leGrandT.fr

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JAN MA 19 20:00

ME 20 20:00

JE 21 20:00

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SA 23 19:00

INFORMATIONS PRATIQUES

ÉCOLIERS, COLLÉGIENS : 7€

LYCÉENS : 9€ OU UN PASS SPECTACLE

À PARTIR DE 8 ANS / 1H10

BORD DE SCÈNE

À l’issue de la représentation

JE 21 JAN

J’AI HORREUR DU PRINTEMPS

SOMMAIRE

Présentation 3

La pièce 4

Note d’intention 5

La compagnie Happés théâtre vertical 6

En images 7

Pour aller plus loin 8

Cirque et histoire 9

Les évolutions du cirque 11

Quelques pistes de travail en classe 12

3

PRÉSENTATION

Conception Mélissa Von Vépy et Stéphan Oliva

Composition musicale, piano Stéphan Oliva

Contrebasse Claude Tchamitchian

Batterie, percussions Ramon Lopez

Saxophones Christophe Monniot

Performance et scénographie Mélissa Von Vépy

Assistant mise en scène Gaël Santisteva

Collaboration chorégraphie Sumako Koseki

Traitement image et vidéo Maxime François

Lumière Xavier Lazarini

Constructeur scénographie Neil Price

Costumes Catherine Sardi

Régie générale, vidéo et lumière Sabine Charreire

Régie son et plateau Olivier Pot ou Julien Chérault

Production - Diffusion Anne-Lorraine Vigouroux

Administration Laurent Pla-Tarruella et David Cherpin

Référence Le Petit Cirque, Fred (Edition Dargaud) – Première publication dans les pages de la revue Hara-Kiri, puis repris

en album en 1973 - réédition le 27 janvier 2012

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LA PIÈCE

Bohème Dessinée : J’ai horreur du printemps est un

hommage entre cirque et jazz du Petit Cirque du dessinateur

de bandes dessinées Fred.

Elle porte cheveux longs et longue robe noire. La femme

taciturne tire la roulotte, le bourru Léopold à ses côtés et

leur enfant pas causant dedans. La vignette où se déployait

le lavis devient écran, portique et toile où se projette l’artiste

aérienne.

Incarnation de Carmen, suspendue aux contours d’une

case, Mélissa bascule entre les deux mondes, réel et

surréaliste. Derrière l’écran, elle est une ombre prise

dans un filet ; devant, elle est sirène d’un monde flottant,

aquatique. Elle se contorsionne et fusionne avec l’image.

Un pommier décharné, des ballons et des bulles de savon

dérivent sur un chemin, sans fin, sur lequel circule, sans

cesse, le cortège funèbre. Ici, plus de gravité, la dame

macabre s’envole, légère et fragile.

Née dans les années 60 sous le crayon de Fred (co-

fondateur de Hara-Kiri et père de Philémon), la famille

bohème du Petit Cirque parcourt les contrées absurdes

d’une poésie cynique. L’acrobate et le pianiste se retrouvent

dans le rêve originel du saltimbanque et l’hommage à

l’œuvre dessinée qui les accompagne depuis longtemps.

Stephan Oliva et ses acolytes de pointe - Claude

Tchamitchian à la contrebasse, Ramon Lopez à la batterie

et percussions, et Christophe Monniot aux saxophones

- traversent le paysage dénudé à coup d’éclats sonores

et de silences solitaires. Leur musique jazz aux accents

forains est un voyage en lui-même qui nous emporte sur

les routes de La Strada de Fellini. Ce manège triangulaire

entre musique, spectacle et bande-dessinée est une

rêverie dans l’univers de Fred, un saut vertigineux dans une

fantasmagorie rude et belle.

UN MOT DES CONCEPTEURS

« Sur scène, des poteaux électriques tendent une toile sur

laquelle sont diffusés cycliquement de courts extraits de

la bande dessinée Le Petit Cirque de Fred, relatant les

aventures d’un forain bourru : Léopold, sa femme taciturne

tirant la roulotte : Carmen, l’enfant, des corbeaux…

Mis en musique par quatre musiciens d’un orchestre

insolite, ils traversent le paysage. Entre éclats sonores, et

silences de solitude, ils ne font que passer, passer, repasser.

Un personnage bien réel, incarnation de Carmen,

crée la bascule dans un monde fantasmagorique ; à la

manière des planches de la bande dessinée, des tableaux

surréalistes se forment, révélant la rudesse mais aussi la

poésie du parcours.

Manège triangulaire entre musique, spectacle et bande

dessinée, J’ai horreur du printemps est un hommage au

chef d’œuvre intemporel de Fred. »

Stéphan Oliva et Mélissa Von Vépy, concepteurs

EN VIDÉO

J’ai horreur du printemps – teaser (Cie Happés) :

https://www.youtube.com/watch?v=Odt1HuYh09E

5

NOTE D’INTENTION

« Il s’agit là d’une rêverie à partir de l’univers de Fred, et

plus spécifiquement de sa BD intitulée Le Petit Cirque. Sans

reproduire ou calquer ces planches, le projet consiste à

saisir l’essence de ces courtes histoires, pour créer à notre

tour un monde sonore et visuel, faisant exister sur scène

l’univers singulier de cette bande dessinée.

En 2009, j’avais proposé à Stéphan Oliva de me rejoindre sur

la création de Miroir, Miroir dans le cadre des Sujets à vifs

de la SACD - Festival d’Avignon. Depuis nous avons joué

cette pièce plus d’une centaine de fois en France et à

l’étranger, remettant toujours en jeu cet espace qui tient

de l’écoute de l’un à l’autre, densifiant ainsi le présent de

la représentation. C’est maintenant Stéphan qui initie cette

nouvelle collaboration autour de ce petit cirque-là. Nous

connaissions tous deux cette bande-dessinée dès sa

première édition : c’est une source qui nous accompagne

de longue date. Cette proposition, qui consiste pour ma

part à imaginer la mise en scène « physique » des

protagonistes, nourrie des compositions de Stéphan, me

touche de près. Mon cheminement artistique est né au

cirque, ainsi ce projet me parvient comme l’occasion de

retrouver cette fascination première que j’éprouve toujours

pour l’univers du cirque : la puissance de ce mélange brutal

de poésie et de cruauté. Les planches de Fred sont à cet

endroit : incisives, absurdes, explosant toutes limitations

imaginaires et temporelles. C’est un hommage à Fred et

ses personnages que nous souhaitons réaliser, sa matière

à lui comme un plongeoir pour nous permettre d’aller sonder

là où ça nous parle, là où son monde si singulier nous rejoint,

nous bouscule.

On veut vraiment faire un hommage à cette BD et rester

fidèle à sa chronologie, à son imaginaire hallucinant. On va

montrer quelques-unes des 30 histoires qui la composent.

La BD est tellement géniale qu’il faut qu’on aille sur un autre

terrain en s’autorisant à se placer dans le sensible plus que

dans le narratif. Au niveau de la partition musicale, cela

devrait se traduire par la composition de marches, référence

à Fellini, mais il pourrait aussi y avoir des choses un peu

moins fournies, moins mélodiques qui laisseraient place à

l’improvisation. Du point de vue de ma partition, j’interviendrai

sous forme d’intermède pour proposer des plongées

oniriques en rebondissement à une histoire et en partant

du point de vue du personnage féminin, Carmen. J’évoluerai

sur différents éléments scénographiques : une toile tendue

entre deux poteaux électriques, un arbre… »

Mélissa Von Vépy, conceptrice et interprète

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LA COMPAGNIE HAPPÉS THÉÂTRE VERTICAL

La compagnie Happés, basée en Région Languedoc-

Roussillon, à Aigues-Vives, existe depuis l’année 2000,

diffusant ses spectacles en France et sur les scènes

internationales. Sous le nom de Cie Moglice - Von Verx,

co-direction d’alors par Chloé Moglia et Mélissa Von Vépy

qui reçoivent le prix Arts du cirque de la SACD en 2007,

la compagnie a été en compagnonnage avec la Scène

Nationale de Sète et du Bassin de Thau de 2004 à 2009,

et conventionnée par la DRAC Languedoc-Roussillon en

2009 et 2010. Fin 2010, Mélissa Von Vépy poursuit sa

démarche de création en tant que directrice artistique de

la compagnie dont le nom devient Happés, et met en place

un lieu de recherche en fonction depuis 2011.

Créations

Un certain endroit du ventre (2001)

Temps Troubles (2003)

I look up, I look down… (2005)

En suspens (2007)

Croc (2007)

Dans la gueule du ciel (2009)

Miroir, Miroir (2009)

VieLLeicht (2013)

J’ai horreur du printemps (2015)

Mélissa Von Vépy – conception, interprétation

Née à Genève en 1979, Mélissa Von Vépy, après une

formation au Centre National des Arts du Cirque (1994-

1999), développe sa recherche autour de l’aérien lié

au théâtre et à la danse. Conceptrice et interprète de

ses pièces, elle poursuit une exploration singulière des

dimensions physiques et intérieures de la gravité. En dehors

de ses créations dans le cadre de Happés, elle travaille

auprès de metteurs en scène et chorégraphes comme

Guy Alloucherie : Les Sublimes, Carlotta Ikéda : UCHUU

- Cabaret, Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot : Hans

wasHeiri, Pascale Henry : Ce qui n’a pas de nom.

Stéphan Oliva - composition, piano

« De la voie de Bill Evans (dont un concert entendu en

public l’amena au jazz) aux voix de Susanne Abbuehl, de

Linda Sharrock ou d’Hannah Schygulla (qu’il accompagne),

de l’ascèse (LennieTristano, revisité avec son compère

François Raulin) au trapèze (son duo avec la “danseuse

aérienne” Mélissa Von Vépy), de Paul Motian (qu’il révère

et invita) aux musiques de films (qu’il compose), Stéphan

Oliva est décidément un pianiste et un musicien atypique

et pluriel.

Apparu sur la scène du jazz au début des années 90, après

de solides études classiques, Stéphan Oliva s’intègre

d’emblée à un groupe informel d’instrumentistes de sa

génération (Claude Tchamitchian, Jean-Pierre Jullian,

Bruno Chevillon, François Merville…) qu’animent les mêmes

aspirations esthétiques. Ils deviendront vite les espoirs du

jazz hexagonal et restent aujourd’hui des références au

niveau européen. Mais Stéphan Oliva n’est pas un musicien

de clan ni de caste : il suit une voie singulière, marquée par

ses fidélités, ses émois et ses rencontres.

Evans, Tristano, Windsor McCay, Paul Auster, Brahms,

Berg, Bernard Hermann, Giacinto Scelsi, G.W. Pabst…

constituent pour lui un panthéon vivace, source d’inspiration

plutôt qu’objet de dévotion compassée.

Quant à son jeu de piano subtil et raffiné, il trouve avec

tous ses partenaires le contrepoint poétique qui lecomplète

et qu’il accompagne. Les Visions fugitives qu’il propose

avec le clarinettiste J.M. Foltz, son complice de longue

date, sonnent dans ce contexte avec l’évidence d’un

enchantement renouvelé. »

Thierry Quénum, journaliste-critique jazz

7

EN IMAGES

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POUR ALLER PLUS LOIN

Le Petit Cirque, bande dessinée majeure de Fred, est

réédité dans une version entièrement remastérisée à

partir des originaux ! Le Petit Cirque fut d’abord publié

dans les pages de la revue Hara-Kiri, puis repris en album

en 1973. Ce titre résume tout l’art de Fred : poétique,

surréaliste, mélancolique, cruel et tendre tout à la fois.

Cette nouvelle version du Petit Cirque est sortie en janvier

2012, à l’occasion de l’exposition qui était consacrée à

Fred pendant le Festival international de la bande dessinée

d’Angoulême.

9

CIRQUE ET HISTOIRE LE CIRQUE, UNE CRISTALLISATION D’INFLUENCES

Auteur et historien du cirque, enseignant – dans des écoles

de cirque et à l’université –, collectionneur passionné (envi-

ron 5000 documents ont été déposés auprès de la Biblio-

thèque de l’école nationale de cirque de Montréal), Pascal

Jacob retrace l’Histoire du cirque, depuis les sociétés ar-

chaïques jusqu’à l’effervescence contemporaine.

Quelles sont les racines du cirque dans l’histoire des sociétés humaines – ou des arts ?Pascal Jacob : Un foyer cerclé de pierres, une communauté

rassemblée autour des flammes et des ombres qui dansent

sur les parois de la caverne : le premier cirque est peut-être

né là, entre curiosité et fascination, attroupement et émer-

veillement… Le cirque est avant tout le résultat d’une cristal-

lisation d’influences : hantées par la mémoire des acrobates

sumériens et égyptiens, la virtuosité et la souplesse des

contorsionnistes chinois ou l’agilité des équilibristes africains,

ses coulisses résonnent bientôt d’une multitude de langages

et l’ancrent aux rives de l’universalité. Seconde Tour de Ba-

bel, le cirque ne connaît pas les frontières et l’exploit phy-

sique lui tient lieu à la fois de syntaxe et de sauf-conduit. Le

geste acrobatique est imprégné des rites d’imitation des so-

ciétés archaïques, de ces danses offertes aux dieux pour les

convaincre de placer sur le chemin des chasseurs les proies

convoitées. Au fil des saisons, ces chorégraphies rituelles se

complexifient et se codifient : plumes, cornes et fourrures

contribuent à orner les corps des danseurs, pour s’appro-

cher encore un peu plus de l’animal représenté. Le principe

de sélection naturelle s’épanouit rapidement en stigmatisant

aux yeux du groupe les plus doués des officiants : les plus

doués, c’est-à-dire les plus forts, les plus agiles, les plus

souples et les plus rapides… Autant de qualificatifs com-

muns aux créatures de la forêt et à ceux qui peu à peu se

transforment en… acrobates. Lorsque les communautés de

chasseurs cueilleurs deviennent des sociétés sédentaires

d’agriculteurs éleveurs, elles conservent la mémoire de ces

rites de chasse et en font progressivement un vocabulaire

artistique et profane. L’acrobatie spectaculaire, genèse du

cirque, est née.

Quand et selon quelles modalités le cirque a-t-il com-mencé à être codifié ?P. J. : Tout commence en 1768, le 4 avril, lorsqu’un militaire

démobilisé exécute quelques figures acrobatiques debout

sur un cheval au galop, dans un espace circulaire sobre-

ment délimité dans l’herbe et la poussière, pas très loin de

la Tamise, sur le territoire de la commune de Lambeth. Éty-

mologiquement, le mot cirque, circusen anglais depuis le

xive siècle, est issu du grec ancien Krikos, anneau, et plus

prosaïquement, du latin circus, cercle. Il désigne à la fois un

lieu et un spectacle. Le cirque moderne, en écho au cirque

antique, est né à Londres en 1768 à l’initiative d’un mili-

taire démobilisé, le sergent major Philip Astley. Soumis aux

lois sur les privilèges accordés à de rares salles anglaises

et françaises qui régissent le droit à la parole sur scène, le

cirque n’a d’autre choix que d’être muet. Il se fonde donc sur

les jeux du corps, équestre et acrobatique, pour s’incarner.

Pour répondre à un désir de transparence visuelle et organi-

ser son public autrement, le cirque s’opère en rond. Il tourne.

C’est-à-dire qu’il s’accomplit dans une aire de jeu circulaire

– la piste –, autour de laquelle s’agrègent les spectateurs.

Enfin, pour qu’il n’y ait pas de confusion avec ses rivaux,

pendant ses premières années d’existence, le cirque oublie

la narration appliquée à l’ensemble de la représentation et

compose ses programmes à partir d’attractions, les numéros,

ainsi nommés parce qu’ils régissent en creux l’organisation,

l’ordre et le déroulement du spectacle, mais surtout parce

qu’ils exercent, lorsqu’ils sont forts, un pouvoir… d’attraction.

Séquences, segments, saynètes, entrées, numéros : le voca-

bulaire de la fragmentation est explicite. Le cirque s’articule

à partir de l’hétérogénéité de ses assemblages et ce qu’il

perd en logique, il le gagne en dynamisme. En liberté aussi

puisque les fameuses attractions sont interchangeables et

que le spectateur puise là une bonne partie de son plaisir :

le passage incessant d’une émotion à une autre est l’un des

atouts majeurs du cirque pour attirer son public. Et le renou-

veler aussi : c’est une autre intuition d’Astley, soucieux de

modifier régulièrement la composition de ses programmes

pour démultiplier une fréquentation toujours aléatoire. De

cette volonté de mélanger les plaisirs va naître la compé-

tition. De cette compétition va émerger la surenchère. De

cette surenchère va se poser la question des limites…

Quand est né le premier spectacle de cirque traditionnel ?P. J. : La notion de cirque traditionnel est récente, essen-

tiellement attachée aux formes développées depuis les an-

nées 1960 et considérée arbitrairement comme un genre

à part entière en réaction au phénomène d’apparition et de

développement du Nouveau cirque. Le terme met surtout

en évidence un phénomène de stratification des formes qui

s’articule à partir du cirque moderne, initié en 1768 par Philip

Astley, du cirque classique qui s’en inspire pour se dévelop-

10

per au XIXe siècle, du cirque traditionnel qui en incarne une

évolution tardive dans la seconde moitié du XXe siècle et qui

se juxtapose au Nouveau cirque et au Cirque contemporain

dans les années 1980 et 1990. Et le principe de tradition

accolé au cirque est ambigu. Il faudrait sans doute lui préfé-

rer celui de convention tant les modes de fonctionnement de

ce type de spectacle sont codés, considérés comme intan-

gibles et surtout admis comme marqueurs spécifiques d’une

forme singulière.

Le cirque a-t-il été historiquement considéré comme un art ou comme un divertissement ?P. J. : Les premiers à associer art et cirque sont les sovié-

tiques lorsqu’ils inscrivent au fronton de la première école

fondée à Moscou en 1927 les termes sans équivoque

d’Ecole de l’Art du Cirque. En revanche, aux XVIIIeet XIXe

siècles, le cirque est clairement considéré comme un diver-

tissement. Élitiste, largement dédié à l’aristocratie et à la

bourgeoisie, le spectacle équestre puise son premier public

dans les cercles d’une population spécifique qui apprécie

l’art équestre, l’élégance des écuyères et la virtuosité des

cavaliers, mais surtout qui possède elle-même des chevaux.

À la fin du XIXe siècle, le cirque entame une mutation déci-

sive en annexant les animaux exotiques et en abandonnant

les cirques stables au profit des chapiteaux, une innovation

venue des États-Unis. Il devient populaire et déploie de nou-

velles stratégies de communication et de développement.

La mort et le risque deviennent des arguments constitu-

tifs de ses spectacles et il acquiert une hyper mobilité en

créant notamment la « ville d’un jour ». Le cirque devient un

divertissement de masse et s’engage sur la voie du gigan-

tisme à l’Américaine. Il s’empare des fastes du music-hall et

joue la carte du sensationnel pour attirer toujours plus de

spectateurs sous des chapiteaux toujours plus vastes. En

France, c’est au cours de la seconde moitié du xxe siècle,

alors que le cirque soviétique décline, qu’il renoue justement

avec l’idée d’un art total, métissé et prescripteur de formes,

soutenu par une succession de gestes forts en matière de

politique culturelle.

Que s’est-il passé dans les années 70 ? Comment et pourquoi est advenu un renouvellement du cirque ?P. J. : C’est au cours de la décennie 1968-1978 que

s’ancrent les bases d’un cirque différent, inspiré dans un pre-

mier temps par une tradition déclinante, mais qui va très vite

imposer ses propres codes de représentation et s’affranchir

d’un quelconque modèle pour formuler son vocabulaire et

ses exigences. En 1978, l’Etat français transfère la tutelle

du cirque du ministère de l’Agriculture à celui de la Culture.

Des lignes budgétaires sont ouvertes et le cirque entame

un processus de reconnaissance institutionnelle balisé par

la création de plusieurs associations et structures publiques

destinées à accompagner l’émergence d’un nouveau cou-

rant artistique. En 1974 ouvrent à Paris les deux premières

écoles de cirque en Occident (ndlr par Annie Fratellini et

Pierre Etaix, Silvia Monfort et Alexis Gruss). C’est le début

d’une nouvelle accessibilité des techniques de cirque et le

point de départ du renouveau. Phénomène international,

les écoles de cirque se multiplient, favorisent la création de

compagnies et contribuent in fine à dynamiser le secteur

tout entier. A partir de la fin des années 1970, le faisceau

de disciplines qui composent une représentation, acceptées

depuis deux siècles comme des « techniques de cirque »,

redeviennent indépendantes, sont à l’origine de spectacles

monodisciplinaires et incarnent désormais, comme autant

de formes singulières et autonomes, les arts du cirque. Le

jonglage, le jeu clownesque ou l’acrobatie identifient à la fois

des pratiques et des compagnies et suggèrent un nouveau

langage créatif, une manière de revitaliser en se les réap-

propriant les racines les plus profondes d’un ensemble de

gestes et de figures initiés et codés quelques milliers d’an-

nées plus tôt.

Le cirque d’aujourd’hui a-t-il acquis ses lettres de no-blesse et a-t-il la place qu’il mérite sur les plans artis-tique et institutionnel ?P. J. : Il y a toujours un soupçon de facilité, voire de super-

ficialité, qui plane sur le cirque en tant que forme artistique

envisagée de manière globale, mais depuis les années

1980, avec le développement du nouveau cirque et du

cirque contemporain, accompagnés et soutenus par l’Etat,

les arts du cirque sont aujourd’hui symboles de créativité,

d’innovation et sont intégrés dans les dispositifs de rayonne-

ment de la culture française à l’étranger. Des lignes budgé-

taires de l’Institut Français sont dédiées aux arts du cirque et

de nombreuses compagnies voyagent à travers le monde au

même titre que la Comédie-Française ou l’Opéra de Paris il

y a quelques années, porteuses du message d’excellence et

de créativité de la culture hexagonale.

À LIRE

Les Métiers du cirque, histoire et patrimoine, Nouvelles Éditions Loubatières, 2013, photographies de Christophe Raynaud de Lage ; La fabuleuse Histoire du cirque,Éd. du Chêne, 2002.

La Terrasse, Le Cirque contemporain en France, hors-série n°225, octobre 2014

11

LES ÉVOLUTIONS DU CIRQUE REGARD SUR SES CARACTÉRISTIQUES FORMELLES ET ARTISTIQUES

Croisement et singularitésDirecteur de HorsLesMurs, centre national de ressources

des arts de la rue et des arts du cirque, à la fois chercheur

et homme de terrain, Julien Rosemberg analyse les spé-

cificités du cirque contemporain. Un art du métissage des

registres émotionnels.

Quelles sont les évolutions formelles qui caracté-risent le cirque contemporain ?

Julien Rosemberg : Dans le cirque traditionnel, le pro-

gramme subdivisé en numéros se construit autour de la

notion de crescendo, où la pierre angulaire est évidemment

la notion du risque, et où les esthétiques cardinales sont le

rire, l’émerveillement et la peur, en passant par des formes

instituées, qui se sont cristallisées dans ce qu’on a appe-

lé les disciplines de cirque. Ce qu’on peut observer, au-

jourd’hui, en termes de tournant artistique, c’est que d’abord

les propos du cirque se sont démultipliés, le cirque est en

capacité de parler de tout et pas avant tout de lui-même.

Ensuite, il est assez étrangement globalement monodisci-

plinaire, c’est-à-dire que dans les spectacles de cirque, on

retrouve une majorité de spectacles mettant en scène une

ou deux spécialités dites de cirque. Mais le cirque est aussi

extrêmement pluridisciplinaire par sa perméabilité avec les

autres arts. Cela génère des combinaisons formelles iné-

dites, jusqu’à créer des croisements où on oublie presque

ce qui fait cirque, théâtre, danse, etc.

Ces formes sont tellement hybrides qu’on ne sait plus les

nommer, dans un festival de danse on les appellera « danse

», ou « cirque » dans un festival de cirque. Peu nous importe,

peut-être que ce qui compte, c’est que ce soit de l’art ou

pas. L’autre particularité est que les formats aussi ont écla-

té, le programme de 2 h 30 ou 3 h avec entracte, qui tradi-

tionnellement permettait d’installer la cage aux fauves, est

révolu. On ne compte plus le nombre de programmes de

vingt minutes qui se combinent et composent les soirées

cirque. Globalement les programmes semblent se stabili-

ser autour d’un format oscillant entre 55 minutes et 1h15,

semblable à celui de la danse contemporaine. Les lieux

du cirque aussi ont éclaté. 20 % des compagnies jouent

sous chapiteau, et la salle est désormais le lieu principal

du cirque. Cela permet un certain nombre de formes que

le chapiteau ne permettait pas, telle la magie nouvelle par

exemple, et cela empêche aussi d’autres formes, comme

un travail en grande hauteur avec ses problématiques d’ac-

croche. On assiste à une plus grande rareté des grandes

formes aériennes, en particulier le trapèze volant. Et fina-

lement cette diversité des propos et cet éclatement des

formats, des disciplines, du rapport avec les autres arts,

des lieux et des esthétiques peuvent générer une hyper

singularisation des œuvres produites.

Pensez-vous qu’aujourd’hui le geste circassien se défi-nisse davantage comme un élément de langage ? Est-on encore dans l’idée de la prouesse pour la prouesse ?

J. R. : Je pense que le formalisme n’empêche pas le sens,

on n’est pas en présence d’une alternative. Il existe une

grammaire corporelle, mais on ne peut pas dire qu’on est

dans un registre artistique où tel geste signifie quelque

chose de précis, ni que le geste de cirque a, quel que soit

son interprète, ou quel que soit le contexte dans lequel il est

donné, la même signification. Dès lors, le geste de cirque

est un des éléments de la grammaire du cirque et ne peut

en aucun cas être un élément exclusif, et peut-être même

pas une pierre angulaire. Je ne fais pas partie de ceux qui

définiraient le cirque au regard des spécificités d’un corpus

de gestes techniques qui lui serait propres. Pour moi, la

notion de cirque ne se situe pas à cet endroit, mais c’est

très discutable et c’est légitimement discuté. Je pense que

la clé de voûte de ce qui fait cirque ou pas cirque, c’est le

rapport à la question de l’anormalité, que le cirque travaille

avec un corpus de gestes et de mouvements. Aujourd’hui,

on peut s’exclamer devant la beauté d’une jonglerie à une

balle, on peut faire cirque par la manière d’utiliser cette

balle – au service de quoi, et au nom de quoi on l’utilise.

Le geste a donc toujours du sens…

J. R. : Je pense que dans le cirque canonique, le geste a du

sens. Quand le funambule avance, c’est une course contre

la mort, c’est une étape de plus pour sauver sa peau, cela

a du sens. Dès qu’on est en représentation, tout geste a

du sens. Et je fais une distinction entre ce qui relève de la

cuisine de l’auteur et la réception du geste. Je pense qu’il

est faux de dire que contrairement au cirque traditionnel,

dans le cirque contemporain, le geste a un sens. Ce qui a

changé, c’est la multiplicité des ressorts de ce geste, le fait

de s’autoriser à pouvoir lire ce geste de différentes ma-

nières. Il existe différentes manières de faire mouvement

12

ou de faire geste qui sont appréciées artistiquement aussi,

donc la forme en elle-même a son propre intérêt, cumu-

lativement. Certains considèrent que le propos naît de la

représentation du travail sur la matière. Dans la première

moitié du XIXe siècle, le cirque était un des vecteurs de la

légende dorée napoléonienne : il délivrait un propos. Ce qui

aujourd’hui est frappant, c’est qu’on ne s’est jamais autant

autorisé à utiliser une multitude de signes pour une multi-

tude de propos et à les agencer de manière complètement

singulière : parce qu’on est passé du côté de l’art, il y a une

recherche de la singularité.

Qu’est-ce qui fait la singularité du cirque aujourd’hui ?

J. R. : Ce sont ces croisements infinis qui créent le « Ah

ben j’ai jamais vu ça de ma vie ! ». De ce point de vue-là,

le cirque contemporain est un laboratoire d’interculturalité

assez génial : on voit très régulièrement des croisements

hallucinants et beaucoup sont encore à inventer. Ce qui

définit le cirque contemporain, c’est évidemment la ques-

tion de l’auteur – un individu ou un collectif. Depuis une

vingtaine d’années, les étudiants des écoles de cirque

bénéficient d’ailleurs d’une ouverture culturelle, sont for-

més à d’autres disciplines que les disciplines strictement

circassiennes, et sont appelés à côtoyer le vaste monde. Je

trouve qu’il y a deux choses belles dans l’art. La première,

c’est quand l’art crée une forme qui se fait médiation vis-à-

vis d’une réalité qu’on pensait connaître, et finalement on

se rend compte qu’on ne la connaissait pas. L’émotion que

l’on ressent me conduit alors à la considérer d’une manière

différente, y ajoutant comme une couche d’existence. La

deuxième, c’est ce travail sur la forme. Dans cette remise

en question perpétuelle de la manière de faire forme et de

véhiculer de l’affect, la question des esthétiques est très

importante, c’est aussi un des brios du cirque contempo-

rain de métisser des registres émotionnels que je vois très

peu métissés ailleurs.

Propos recueillis par Agnès Santi - La Terrasse, Le

Cirque contemporain en France, hors-série n°225, octobre

2014

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QUELQUES PISTES DE TRAVAIL EN CLASSE

Lire la bande dessinée rééditée et l’étudier, étudier son histoire.

Le Petit Cirque, Fred (Edition Dargaud) – Réédition 2012 :

Quid de l’histoire, s’il y en a une ? Une famille de bohémiens

circassiens trace sa route. C’est la femme qui tire la rou-

lette, tandis que l’homme rêve de découvrir de nouveaux

talents dans la nature. Le petit, lui, a souvent faim. Tant pis,

il n’a qu’à être moins gourmand, il mangera la semaine pro-

chaine. Régulièrement, de drôles de personnes surgissent

sur leur chemin : des chevaux clowns sauvages, un Père

Noël qui n’a plus dans sa hotte qu’un fauteuil roulant, un

homme qui cherche à voir un cirque depuis 40 ans en vain,

et des bourreaux qui doivent rampailler une chaise… La

route s’efface, parfois, et laisse place à un fl ipper géant, à

des traînes de mariées, ou à un labyrinthe. Raisonnables

s’abstenir !

Le Petit Cirque prit vie dans les années soixante, dans les

pages du magazine Hara-Kiri. Il poursuivit sa route dans

Pilote, avant de paraître en tant qu’album chez Dargaud en

1973. Presque quarante ans plus tard, feuilleter les pages

de cette réédition provoque un réel plaisir, une jubilation

toute neuve. On avait eu le temps d’oublier le talent de Fred

concentré ici en un album. On le retrouve intact, sans une

ride. Le dessin est beau, empreint de mélancolie, on touche

en image à la poésie. Le texte, lui, est à contre-courant du

dessin : le propos est incisif, insolite, cruel, drôle. Pas de

message, mais un parcours ubuesque et plutôt heureux.

C’est sans doute ce mélange unique qui fait la force de cet

album, et du genre « Fred ». [Source : Culturebox – France

TV Info]

« Il y a bien sûr l’univers du cirque, qui m’a toujours fasciné. Il y

a aussi une évocation de gens déracinés, comme l’a été ma

famille venue de Grèce […] » Fred, Après-propos de l’album.

Biographie de Fred

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2013/04/03/

fred-le-pere-de-philemon-est-mort_3152756_3382.html

Se questionner autour du travail de réécriture, notam-ment de l’adaptation théâtrale d’une bande dessinée (du 9e au 6e art).

Les BD ayant été adaptées pour la scène sont plus rares

que le concept inverse mais souvent très intéressantes.

C’est le cas du Démon de midi, bande-dessinée de Flo-

rence Cestac, devenue one-woman show au théâtre en

2003 grâce à Michèle Bernier. De même, Le Chat du rab-

bin de Joann Sfar, a été adapté au théâtre par la compa-

gnie de productions Donc. Citons aussi The building, de

Will Eisner, adapté au théâtre par la compagnie dijonnaise

Le Sablier, ou bien encore l’adaptation de la BD-western

Lincoln, des frères Jouvray, par le Collectif TIF de Marseille.

Source : http://www.pointsdactu.org/article.php3?id_ar-

ticle=1027

À écouter et lire en ligne, une émission de Radio Praha

(http://www.radio.cz/fr/rubrique/literature/deux-visages-

de-la-jeune-bande-dessinee-belge) avec deux dessina-

teurs belges sur le thème de l’adaptation d’une BD pour

le théâtre, et vice-versa ! « À mon avis, il y a beaucoup de

points communs entre la BD et le théâtre. J’imagine le

dessinateur et le créateur de la bande dessinée un peu

comme un metteur en scène. J’imagine la case comme une

scène de théâtre et le dessinateur comme un metteur en

scène mais aussi un peu comme un dieu. Il invente ses

personnages, il peut les dessiner lui-même, et après il les

fait jouer une pièce. Le théâtre, on le trouve partout, même

dans la vie. Si on observe une situation, on est observateur

et les gens qu’on observe sont des acteurs. Donc je pense

que tous les arts sont en rapport à ce niveau-là et il n’y a

pas forcément de différences. Pour moi la bande dessinée

est vraiment du théâtre dessiné. » Marie Richter.

• Travailler en classe autour des concepts suivants : imaginaire, voyages, découvertes, humour, absurde, fantaisie.

• Travailler autour de la musique dans la mise en scène de spectacle vivant.