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Juin 2012 - N°38 5 ¢ Addictions Magazine de l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie SOIN LES LIGNES BOUGENT EN DIRECT Addictions déclinées au féminin ENTRETIEN Dr Michel Craplet Calculer son alcoolémie ENTRETIEN Dr Michel Craplet Calculer son alcoolémie ACTION Prévenir les addictions liées au travail

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Page 1: Juin 2012 - N°38 AddictionsPéché capital Au Kerala, petit Etat du sud de l’Inde, la consommation d’alcool est trois fois plus élevée que la moyenne nationale. Avec toutes

Juin 2012 - N°38 5 ¢

AddictionsAddictionsAddictionsM a g a z i n e d e l ’ A s s o c i a t i o n N a t i o n a l e d e P r é v e n t i o n e n A l c o o l o g i e e t A d d i c t o l o g i e

SOIN

LES LIGNES BOUGENTEN DIRECTAddictions déclinées au féminin

ENTRETIENDr Michel CrapletCalculer son alcoolémie

ENTRETIENDr Michel CrapletCalculer son alcoolémie

ACTION Prévenir les addictions liées au travail

Page 2: Juin 2012 - N°38 AddictionsPéché capital Au Kerala, petit Etat du sud de l’Inde, la consommation d’alcool est trois fois plus élevée que la moyenne nationale. Avec toutes

N°38 - Juin 2012

Magazine trimestriel de l’Association Nationale dePrévention en Alcoologie etAddictologie

20 rue Saint-Fiacre 75002 ParisTél : 01 42 33 51 04www.anpaa.asso.fr

Directeur de la publication Patrick Elineau

Rédactrice en chefElisabeth François

Comité de rédactionDr Michel CrapletLuc DurouchouxPatrick ElineauFrançoise FacyElisabeth FrançoisDr Alain RigaudChristian RossignolFaye Wright

AbonnementsNathalie Rigaud

Directeur artistiqueWilliam Silva

ImprimerieXL Imprimerie42004 Saint-Etienne Cedex 1

ISSN 1762-1097Dépot légal : Juin 2012

Consultez aussi votre numérod’Addictions en ligne surwww.anpaa.asso.fr

La revue de la l’A.N.P.A.A. bénéficie d’unfinancement de la CNAMTS

Editorial .....................................................Page 3Un éthylotest dans chaque voiture

Décryptages.............................................Page 4

Entretien ....................................................Page 8 avec le Dr Michel CrapletBoire moins c’est mieux

Le travail de prévention doit respecter les donnéesscientifiques, mais en restant pragmatique.

Dossier.....................................................Page 10Les lignes bougent dans le monde du soin

Dictés par les technologies numériques, mais aussipar les évolutions sociétales, de nouveaux usages sedessinent dans le monde du soin.

Action........................................................Page 16Prévenir les addictions liées au travailpar Bertrand Fauquenot

La consommation de produits psychotropes sur le lieudu travail semble en augmentation. Aucun secteurd’activité n’échappe au phénomène.

En direct ..................................................Page 18Addictions au fémininpar Ariane Langlois

Les femmes aussi sont concernées par lesdépendances. A la différence des hommes, leurcomportement est moins bien toléré par l’entourage.

Pratiques thérapeutiques ...............Page 20Clinique de la demande par Eric Taillandier

Au travers de ce qui se répète dans le parcours dupatient se dégage une certaine logique de sa positiondans l’existence, dans son rapport à lui-même et auxautres.

Livres ........................................................Page 22l Les enfants et l’alcoolisme parental l L’Eté 79 l Les Addictions l Les raisons de mon crime l Clés pour sortir de l’alcool l Les groupes de paroleen alcoologie

Sommaire

Action : page 16

Crédits photos :Stocklib (Couverture, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 10-11, 12, 14, 16,17, 18, 19)

Dossier : page 10

En direct : page 18

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partir du 1er juillet 2012, chaque conducteur devra être en possession d’au moins unéthylotest dans son véhicule. En première analyse, cette décision apparaît positive, puisqu’elle prolonge et renforce lesmesures précédemment adoptées pour combattre le risque alcool au volant. Toutefois, à l’examen, on ne peut manquer d’émettre des doutes sur l’efficacité de lamesure, moins liés à la technologie (la qualité du test, son homologation, les conditions deconservation…) qu’aux conditions d’utilisation proprement dites : les conducteurs ont-ils

bien compris qu’il leur faudrait attendre au moins une heure après leur dernier verre pour pratiquer letest ? Faute de quoi le résultat risque de s’afficher négatif, créant une illusion de sécurité, avant de virerpositif une demi-heure plus tard, avec toutes les conséquences que cela implique. Soulignons aussi lesrisques d’erreur de lecture sur une route mal éclairée, la nuit, après avoir consommé…

Nous ne pouvons par ailleurs qu’être dubitatifs sur la portée réelle d’un autocontrôle pratiqué aprèsconsommation d’une substance psychoactive, l’alcool, dont le propre est de provoquer une désinhibition,une diminution de la lucidité et une perte de contrôle. Le risque est grand de voir l’auto-utilisation del’éthylotest se limiter aux conducteurs les plus prudents, qui n’auront consommé que de faibles quantitésd’alcool, les autres préférant garder intact sous son emballage le test à montrer à la police.

De plus, c’est malheureusement l’aspect répressif de la mesure (l’amende appliquée aux éventuelscontrevenants) qui risque d’être retenu par l’opinion. Nous aurions préféré, quant à nous, que soit prévuun accompagnement éducatif, favorisant la prise de conscience et la responsabilisation de chaqueconducteur, véritables enjeux de toutes les actions menées en la matière. Et dont l’essentiel pourrait serésumer ainsi : «Pas d’alcool quand on conduit, c’est mieux !».

A quand l’alcootest anti-démarrage cofinancé par lesproducteurs et les assurances ?

En dépit des limites évoquées, nous retiendrons donc sansambiguïté les aspects positifs d’une mesure qui, à condition d’êtreassortie d’un accompagnement éducatif et préventif, peut devenirun outil efficace de réduction des risques.

Patrick DaiméSecrétaire général de l’A.N.P.A.A.

Editor ial

3 - Juin 2012 - N°38

AUn éthylotest dans chaque voiture (1)

(1) décret 2012-284 du 28 février 2012

Addictions N°38-Edito:Addic N°14/Edito P.3 16/06/12 18:11 Page3

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D é c r y p t a g e s

Au feu ! La «combustion humainespontanée» (des resteshumains partiellementcalcinés sont retrouvés dansune pièce, en l’absence detoute trace d’incendie),phénomène rare maisrégulièrement observé depuisdes siècles, a longtempsenflammé les imaginations.Sorcellerie ou châtimentdivin ? Une étude finnoisevient de réétudier la question.Les victimes sontgénéralement des alcooliques.Il est probable que le décès(par crise cardiaque parexemple) survient avant lacombustion, les vêtements dela victime prenant feu aucontact d’une cigarette ouautre source de chaleur.

JO : marketingresponsablePas de sponsoring alcoolierpour le sport. Ca, c’est enFrance. Nos voisins anglaissouhaitent élargir le concept àMc Do et Coca, promoteursreconnus d’obésité dans lapopulation.

Péché capitalAu Kerala, petit Etat du sud del’Inde, la consommationd’alcool est trois fois plusélevée que la moyennenationale. Avec toutes lesconséquences, sanitaires etsociales, que l’on imagine.D’où la proposition de l’Eglisecatholique de décréter l’abusd’alcool «péché capital».

Echos

4 - Juin 2012 - N°38

Loisirs

Dans les magasins dejeux, ils ont le venten poupe. Les jeuxd’apéro, ou jeux de

cocktail, sont des jeux desociété faisant appel à l’obser-vation et la réactivité des parti-cipants. Leur particularité : lesparties sont brèves, dépassantrarement 5 minutes, maisintenses. Degré d’adrénalineélevé…

Jeux d’apéro

Février 2012. La scène sepasse à Londres, dans unquartier connu pour sesboîtes de nuit. Ce soir-là,

110 personnes, repérées par leflair éduqué de chiens policiers,ont été interpellées, la plupart enpossession de drogue (héroïne,cocaïne, LSD). Lancée par lenouveau patron de ScotlandYard, l’opération, appelée à êtrerenouvelée, vise à l’efficacité,mais aussi à l’exemplarité. Pourla «police totale», un délit estrarement isolé, sa présence estrévélatrice d’un problème plusgénéral. Une théorie proche dela «tolérance zéro», mise en pra-tique à New York dans lesannées 80 et plus connue sousle nom de «vitre brisée» (unevitre brisée non remplacéeimmédiatement signale à l’exté-rieur que le bâtiment est laissésans surveillance, d’où une pos-sible escalade d’infractions à

Grande-Bretagne

aujourd’hui dans la plupart despays européens. Le premierministre britannique a parailleurs annoncé une série demesures, essentiellement axéessur le prix des boissonsalcooliques, pour lutter contre le«binge drinking», responsable àlui seul de la moitié de laconsommation d’alcool dans lepays.

(Londres passe à l’heure de la « police totale ». Le Monde, 29 fév 2012)

Méthodes muscléesvenir). Vérification de la théoriesur le terrain : les dealers sonteffectivement impliqués la plu-part du temps dans d’autresdélits (vols, agressions, recels,trafics en tous genres).

CommentaireLa théorie de la tolérance zéron’a pas que des admirateurs.Fortement critiquée en raison deses visées essentiellementsécuritaires, elle aboutit de fait àla marginalisation de groupessuspectés, tels que lestoxicomanes, laissant de côté lesraisons profondes : pauvreté,problèmes psychologiques oufamiliaux, manque d’éducation,insuffisance des dispositifssociaux… qui poussentcertaines populations à descomportements extrêmes. Lanouvelle politique mise en œuvreen Angleterre se démarque en cesens de la ligne adoptée

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Sur toute la ligne Gros consommateursd’internet, jeunes,masculins, ils sont plusque d’autres groupestentés par les jeuxd’argent en ligne. Etcertains basculeront dansla dépendance. Le PrLejoyeux, qui a mené uneétude de cohorte, observechez eux une tendance àl’isolement social etaffectif et une fréquentedépendance au tabac ou àl’alcool.

Bronzer sansnuagesLa Ciotat avait inauguré lapremière plage nonfumeurs en 2011. C’estmaintenant au tour deNice, après signature d’uneconvention avec la Liguecontre le cancer, d’offriraux baigneurs une plagelabellisée sans tabac. Surla célèbre Promenade desAnglais.

Bientôt sur votreiPhoneUne applicationgéolocalisée pour iPhone,proposée par DNF (Droitsdes Non Fumeurs) etalimentée par lesutilisateurs, devrait permettre derecenser les terrasses decafé couvertes respectantl’interdiction de fumer dans les lieux à usagecollectif.

D é c r y p t a g e s

Echos

5 - Juin 2012 - N°38

Canada

Les Etats-Unis ont étéles premiers à dégai-ner, en initiant, dès lesannées 90, le principe

de procès géants à l ’en-contre des cigarettiers. C’estmaintenant au tour du Cana-da de s’insurger contre l’in-dustrie du tabac. Le procès,qui vient d’ouvrir à Montréal,

devrait durer deux ans. Deuxparticuliers, représentantprès de deux millions d’ac-cros au tabac, demandent leremboursement des soinsnécessités du fait de leurdépendance. Revendicationégalement brandie par plu-sieurs provinces (Colombiebritannique, Ontario), au titre

Les fumeurs se rebiffentdes prises en charge suppor-tées par les systèmes desanté publique.

Notre analyseDes enfumés osant seretourner contre leur enfumeur,assistons-nous enfin à unrenversement de tendance ?Qu’il s’agisse de tabac,d’alimentation ou demédicaments, les particulierssont de plus en plus conscientsde leurs droits et n’hésitentplus à passer au rang desaccusateurs, dénonçant laresponsabilité des industrielset réclamant réparation desdommages subis. Nousn’obligeons personne à fumer(ou à boire, ou à manger sucréou gras), rétorquenthabituellement les industrielspour se défausser. Un argumentqui perd toute sa validité dèslors qu’il est prouvé que lesfabricants connaissaient lesrisques inhérents à leurproduit.

Cannabis

On n’a pas fini d’enparler. Depuis le 1er

mai, certains coffee-shops, établisse-

ments néerlandais délivrant ducannabis, sont interdits auxétrangers, essentiellement desBelges, des Allemands et desFrançais. La mesure sera éten-due à l’ensemble du pays en2013.

En raison des nui-sances (tapage noc-turne, excès de vites-se, bagarres…)créées par ces tou-ristes pas toujours déli-cats, affirme-t-on officielle-ment. Les patrons de coffee-shops, eux, qui subodorent unemesure plus politique que sani-taire, déplorent déjà le manque

Fumer néerlandais

Des procès géants à l’encontre des cigarettiers.

à gagner et affirment que lesdealers et le trafic illiciteseront les grands vainqueursde la manœuvre.

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D é c r y p t a g e s

L’acide tartriquenouveau est arrivéCa ressemble à une blague depotaches…bien arrosée.L’expérience a pourtant étémenée par des scientifiquesjaponais, qui ont plongé desgranulés dans des breuvagestels que saké, whisky oubeaujolais. Puis testé lasupraconductivité (aptitude àpasser le courant électriquesans résistance) desditsmatériaux. Eh oui, elle avaitaugmenté ! A ce petit jeu, lepremier prix est revenu sansconteste au beaujolais, enraison de sa forte concentrationen acide tartrique.

MécaniqueInauguré en 1785 au Palais-Royal, rendez-vous très courude la capitale, le «Cafémechanique» faisait la joie descurieux. Grâce à un systèmemécanique sophistiqué reliant lasalle au sous-sol, les boissons,préparées sur un monte-plat,arrivaient directement sur latable des consommateurs. LeCafé ne survécut pas à laRévolution.

Mourir en musiqueIpod, MP3…Les piétons qui sedéplacent écouteurs vissés auxoreilles prennent le risque d’êtrevictimes d’un accident grave.Sourds aux coups de klaxon, ilssont aussi aveugles à ce qui sepasse autour d’eux, absorbésqu’ils sont par la musique qui sedéverse en continu et les isole dumonde extérieur.

Echos

6 - Juin 2012 - N°38

Dossier pharmaceutique

ignorances des usagers, et deleur offrir une visionglobalisée sur leurstraitements. Toutefois la tenuede ce dossier demande unedémarche active de la part del’intéressé. Actuellement,seuls 10% des Françaisdéclarent avoir ouvert undossier.

Pascale Santi. L’utilitéméconnue du dossierpharmaceutique. Le Monde, 11 avril 2012

La juste dose

Attention, un médi-cament peut encacher un autre…Ortous les médicaments

ne font pas bon ménage. Maiscomment le savoir ? En ouvrant,auprès de l’officine de votrechoix, un dossier pharmaceutiqueconsultable ensuite dans toutesles pharmacies de France. Yseront recensés les médicamentsqui vous ont été délivrés, avec ousans ordonnance. Le but recher-ché ? Eviter les interactions entreproduits (un message d’alerte

s’affiche alors à l’écran), mieuxrespecter les doses, éviter lesredondances. Et ça marche, selonle Conseil national de l’ordre despharmaciens (CNOP), qui estimeque 800 000 modifications de trai-tement ont été réalisées en 2011.

Notre analyseOutre le fait qu’il signale lesrisques d’interaction ou desurdosage, cet outil peut avoirune réelle portée pédagogique,dans la mesure où il permet desuppléer aux oublis ou

Une étude américaine(1) menée pendantdeux ans auprès de6500 préadolescents

(10-14 ans) s’est intéressée àl’influence exercée par lessalles obscures sur la tendanceà s’alcooliser, à partir d’un cor-pus des films totalisant le plusd’entrées et présentant desscènes d’alcoolisation explicite.Les ados les plus exposés auxscènes d’alcoolisation, compa-rés à ceux qui l’étaient le moins,ont été deux fois plus nombreux

à s’initier à l’alcool. Pour leschercheurs, le visionnage descènes d’alcoolisation joueraitun rôle à la fois dans le démar-rage des consommations(28%) et l’encouragement aubinge drinking (plus de cinqverres en une occasion)(20%).

Notre analyseCette étude ne fait que confir-mer une relation déjà montréemaintes fois, auprès de

publics de tous âges. Et véri-fiable naturellement avec lesfilms ou séries du petit écran.La projection répétée descènes d’alcoolisation contri-bue largement à leur normali-sation. Leur impact est encorerenforcé en cas de placementde produit (procédé marketingconsistant à la mise en valeurd’un produit commercial dansune œuvre culturelle).

(1) Stoolmiller et al - Comparingmedia and family protectors ofalcohol use. BMJ Open

Cinéma

Grand écran et petites soifs

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Comportement

Les publicitaires lesavent d’instinct, lesneurosciences peuventle démontrer : pour

créer un nouveau comporte-ment, commençons par…larécompense ! Qu’il s’agisse dese brosser les dents (un joli sou-rire), de perdre du poids (rentrerdans son bikini), ou d’apprendreses leçons (une bonne note). Lacarotte est bien plus efficaceque le bâton. Le chien de Pavlov nous avaitdéjà prévenus : par la répétition,

le sujet soumis à un apprentis-sage anticipe la récompensepromise, créant ainsi l’attented’une satisfaction qui elle-même va déclencher une habi-tude. Et le tour est joué…

CommentaireUn mécanisme simple quenous pouvons tous mettre àprofit pour changer noshabitudes, ou créer denouveaux comportements :moins boire, arrêter de fumer,manger sain, faire du sport etc.

Toute l’astuce consiste à biendéfinir son objectif et choisirjudicieusement sa récompense(évidemment différente d’unepersonne à l’autre). En somme,décider de son comportement,et se prêter à l’expérience. Ou,pour le dire autrement, être à lafois Pavlov et son chien !

D é c r y p t a g e s

7 - Juin 2012 - N°38

Infertilité ? Cherchezla causeLes couples demandeurs deprocréation médicalementassistée consommeraientdavantage d’alcool, de tabac etde cannabis que la moyenne.Telles sont les observationsd’une gynécologue parisienne, àparaître dans une prochaineétude. Ces couples seraient plusque d’autres soumis au stress,professionnel notamment.Diminuer le niveau du stress…etdes consommations, c’est sedonner des chances de voirapparaître une grossessespontanée.

RéglementairePine Ridge est une réserveindienne (Sioux) du Dakota duSud (US), dans laquelle la vented’alcool est interdite depuis lesannées 70. Mais…il suffit auxhabitants de se rendre dans lalocalité voisine pour faire leursemplettes. Ce dont ils ne seprivent pas. Sous le regardimpuissant des autoritéslocales.

Le joueur de pokerne perd pas le NordAccro, il l’est et il le sait. Cejoueur de poker, qui avaitdemandé à figurer sur la listedes interdits de jeu, n’a pas eude chance : une erreur de saisiea rendu sa demande caduque. Ila donc rejoué, et n’a pas hésité àréclamer 100 000 euros à l’Etat,au motif que sa protectionn’avait pas été assurée. Il a étédébouté. Fin de la partie.

Echos

A lire et à relire

Psychologue clini-cienne au servicede psychiatrie duDr Van Ameron-

gen de l’Hôpital de Saint-Germain-en Laye (78),docteur en psychologie deformation psychanaly-tique, Michèle Monjauze,qui vient de disparaître, aécrit plusieurs ouvragesaujourd’hui incontour-nables en alcoologie, quece soit La problématiquealcoolique, La part alcoo-lique du soi ou Com-prendre et accompagnerle patient alcoolique. Destextes marqués par unegrande subtilité, mais éga-lement un sens aigu de lapédagogie, explicitant, à partirde sa pratique clinique, lesconditions nécessaires àl’établissement d’une relation

p l e i n e m e n tthérapeutique.Pour l’auteur, ladépendance àl’alcool corres-pond à la réac-tivation detraumatismesanciens surve-nus précoce-

ment dans le développement,dévastateurs de l’appareil psy-chique et obligeant le malade àse réfugier dans un systèmedéfensif. Guidée par ses nom-

breuses observations cli-niques, notamment dansles ateliers qu’elle animait,Michèle Monjauze accor-dait une immense confian-ce aux capacités créa-trices de ces patients «quidoivent être rassurésconstamment par la pré-sence effective des êtres

et des choses : pour eux plus quepour tout autre, l’absence faitredouter la non existence, la soli-tude est synonyme de vide».

La Problématique alcoolique –Paris, Dunod, 1991, 256 p.La Part alcoolique du soi – Paris, Dunod, 1999, 303 p.Comprendre et accompagner le patient alcoolique – Paris, In Press, 2001, 208 p.La vie psychique. Origine, fonc-tionnement et évolution – Paris, InPresse, 2009, 206 p.

La part alcoolique du soi

Pour changer nos habitudes : la carotte ou le bâton ?

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consommation globaled’alcool. Ce qui expliquequ’elles soient diffusées parles alcooliers eux-mêmes…

l Quels sont alors lescritères à retenir ?L’A.N.P.A.A. a toujourspréféré l’approchequalitative à celle des chiffresbruts. D’abord parce quel’alcoolisme est une maladiebio-psycho-sociale, et que laprévention ne peut se limiterà faire jouer quelquescurseurs. Dans les années 80,le Dr Jacques Godard, alorssecrétaire général de notreassociation, avait populariséla notion de «risque alcool»

l Boire ou conduire, il fautchoisir… Existe-t-il pour leparticulier un moyen desavoir si sa consommationd’alcool lui fait courir unrisque, au volant parexemple ?Il existe depuis longtempsdes outils, type réglettesd’alcoolémie, censés donnerdes repères aux individus. Parailleurs, depuis les années 90,circule une formule dite«norme de l’OMS» (en faitune extrapolation desconclusions d’un simplegroupe de travail…), à savoir :pas plus de 3 verres d’alcoolpar jour pour un homme, 2pour une femme. Dans lesdeux cas, nous avons affaire àune approche quantitativequi, malgré des apparencesrigoureuses, est extrêmementfloue. Les données avancéessont vérifiables pour unepopulation moyenne, mais nepeuvent en aucun cass’appliquer à un individu (onsait que les réactions àl’alcool non seulementdiffèrent d’une personne àl’autre, mais varient enfonction descirconstances (alimentation,prise de médicaments…).Ces repères chiffrés sontpurement ponctuels,concernant uneconsommation à un momentdonné, alors que le risques’inscrit aussi dans une

durée, par la répétition plusou moins régulière desconsommations.Par ailleurs, les notions de«verre» (de quelle taille ?), ouencore d’ «unité» (entre 8 et12 g selon les barèmes) sontelles aussi sujettes à caution.Ajoutons enfin que, au seinmême de l’Europe, chaque

E n t r e t i e navec le Dr Michel Craplet

}Un seuil

n’implique pasune absence de

risque }Calculer son alcoolémie… un vrai casse-tête ! D’autant plus que la définitiond’un seuil n’implique pas une absence de risque. Comment s’y retrouver ?

Boire moins c’est mieux

pays possède ses «normes»,ce qui montre bien leurrelativité.

l Des repères sont pourtantutiles…Oui, à condition de biencomprendre qu’un seuiln’implique pas une absencede risque. Prenons parexemple le taux légal de 0,5g/litre du code de la route : àce taux, le risque d’accidentroutier est déjà multiplié pardeux. Par ailleurs, les pseudo-normes de l’OMS, si ellesétaient appliquées à la lettrepar tous les adultes,aboutiraient à uneaugmentation de la

8 - Juin 2012 - N°38

Médecin délégué de l’A.N.P.A.A.

Addictions N°38-Entretien:Adic N°14/P.8,9 Entretien 16/06/12 18:26 Page8

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et préconisait uneconsommation d’alcool«facultative, modérée etcirconstancielle». Cetteformule, toujoursd’actualité, visait avant toutà débanaliser uneconsommation tropsystématiquement imposéepar les usages sociaux. Dans notre travail deprévention, nous avons lanécessité de respecter lesdonnées scientifiques, maisen restant pragmatiques :les outils mis à dispositiondoivent être simples à lire,faciles à utiliser. Des repèresde consommation, parexemple «jusqu’à 3 unitéspar jour pour les hommes et2 pour les femmes»,peuvent être proposés, àcondition de rappeler :. qu’il ne s’agit pas de seuilsde dangerosité, et encoremoins de recommandations. qu’il existe de grossesvariations d’un individu àl’autre. que certainescirconstances (conduited’une voiture ou d’unemachine dangereuse,grossesse…) commandentl’abstinence.. que toute consommation

d’alcool comporte unrisque : principe deprécaution que chacunpourra prendre à soncompte s’il le souhaite.Insistons enfin sur le faitque la prévention doit resterglobale, c’est-à-dires’adresser à tous. Viserexclusivement les jeunes, oules femmes, ou lesconducteurs aboutit àocculter le risque qui pèseaussi sur les autrescatégories de population.

l L’Angleterre vientd’adopter une nouvelleformule : conseiller à lapopulation de s’abstenird’alcool deux jours parsemaine.Cette formule n’est pasmauvaise en soi, mais doitcomporter les mêmesbémols : un seuil dedangerosité, ou unerecommandation, nepermettent pas d’éliminertous les risques. Il y aquelques années, une

9 - Juin 2012 - N°38

Un paradoxe paradoxal…La fréquence des accidents coronariensserait moins élevée en France que dansd’autres pays au mode de viecomparable. C’est ce qu’on appelle le«paradoxe français». Explicationavancée : la consommation d’alcool, àdes doses comprises entre 5 et 30 g parjour, aurait un effet protecteur.L’A.N.P.A.A. s’est souvent exprimée à cesujet : si l’on en croit les études

publiées, cet effet protecteur existeeffectivement, lorsque certainesconditions sont réunies. Doit-il alorsêtre mis en avant ? Non, car il ne joueque faiblement, à partir d’un certainâge, et dans certaines conditions. Cequi veut dire que, pour la majorité de lapopulation, non seulement le bénéficeest inexistant, mais les risques, eux,sont réels.

Causalité ou association ?La mise en évidenced’une causalité entreun comportement et undommage n’est passimple. Deuxphénomènes peuventêtre associés sans qu’ily ait un lien decausalité (avoir unparapluie n’entraînepas la tombée de lapluie, même si lesdeux sont souventassociés).Lorsqu’elle existe etqu’elle est quantifiable,

la relation peut prendredifférentes formes.l relation linéaire : lerisque augmente dès quele paramètre(comportement) estprésent (ou à partird’une dose seuil bienrepérée)l relation exponentielle :même chose, mais lerisque augmentebrutalement à partird’une certaine valeurl courbe en J : le risquecommence par diminuer,

puis augmente : toutefoisil faut souvent regarderles choses de plus près.Ainsi on a parfoisconstaté que le risqued’accident routier baissepour des tauxd’alcoolémie faibles,avant de remonterrapidement. Cette bizarreries’explique par le fait quecertains conducteurs,conscients d’avoir unpeu bu, conduisent avecplus de prudence…

communication maladroiteen cancérologie avaitmontré une toxicité del’alcool dès le premier verre.Or, même si ce risque estscientifiquement validé, ilreste, pour des dosesmodérées, extrêmementfaible : il est donc inutiled’affoler les populations. Iln’est pas «rentable» d’édicterune règle dure si le bénéficeescompté est minime.Le raisonnement vaut dansles deux sens : il ne sert àrien de faire croire à un effetbénéfique de l’alcool s’il neconcerne qu’une frange dela population (voir encadréParadoxe paradoxal). Laprévention, et l’alcoologie engénéral, s’accommodentmal du seul esprit degéométrie. Il faut y ajouterl’esprit de finesse del’approche qualitative. Cellequ’on retrouve par exempledans une autre formule del’OMS : «Boire moins, c’estmieux».

Addictions N°38-Entretien:Adic N°14/P.8,9 Entretien 04/07/12 00:56 Page9

Page 10: Juin 2012 - N°38 AddictionsPéché capital Au Kerala, petit Etat du sud de l’Inde, la consommation d’alcool est trois fois plus élevée que la moyenne nationale. Avec toutes

D o s s i e r

l faut que j’en parleà mon docteur… ».Derrière cettephrase banale secache en fait toute

une conception de la santé,mettant en scène deux pro-tagonistes : d’un côté unpatient qui souffre, et ignoreles causes de son mal, del’autre un soignant, qui saitet prescrit, le tout dans unclimat de confidentialitégénéralement respecté. Uneconception traditionnelleaujourd’hui remise encause, si l’on tient comptedes évolutions intervenuesdepuis une dizaine d’an-nées, et qui semblent s’ins-taller durablement dans lemonde du soin. l L’innovation la plus specta-culaire est liée aux progrèsde l’information. Le succèsdes sites de santé -on en

compte plus de 3000- ne sedément pas. Désormais, oncommence par consulter…son écran. Le conseil médi-cal en ligne semble lui aussipromis à un bel avenir, pré-cédant peut-être l’avène-ment de la télé-consulta-tion. l Les évolutions viennentaussi des textes : avec la loide 2002, l’usager s’est vudoté de droits nouveaux,tels que l’accès à son dossiermédical, ou l’invitation àporter un regard critique surle système de soin qui l’ac-cueille. l Les notions mêmes de soinet de santé connaissent desbouleversements, avec unemédecine qui s’affiche deplus en plus comme préven-tive et participative, et unchamp de santé élargi, danslequel s’invitent désormais

des secteurs tels que l’ali-mentation, le mode de vie,le sport ou le travail. Infir-miers, psychologues, nutri-tionnistes, secrétaires…ontinvesti les équipes de soin,contestant un système danslequel l’expertise viendraitdu seul médecin.l D’abord ciblée sur la

toxicomanie et le mondefestif, la réduction desrisques a imposé un élar-gissement des concep-tions aux problèmessociaux générés par laconsommation de pro-duits. L’usager se voir cré-dité d’un certain contrôlesur son comportement,

«I

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T h é r a p i e

Droits des patients, e-santé,évaluation… Dictés par les

technologies numériques, mais aussipar les évolutions sociétales, de

nouveaux usages se dessinent dans lemonde du soin, entraînant des

modifications sensibles dans lespratiques et les attentes. La nature

de la relation entre patient etsoignant pourrait s’en trouver

modifiée. L’addictologie n’échappepas à ce bouleversement.

Les lignes bougent d a

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même s’il n’arrête pas saconsommation.l Interventions brèves,approche motivationnelle,équipes de liaison deshôpitaux…, la panoplie dessoins s’est étoffée, facilitantl’accès à de nouveauxpublics, précaires ou mar-ginalisés.

l Enfin les impératifs éco-nomiques exigent toujoursplus d’évaluation, et appel-lent à découvrir de nou-velles formules, qu’ellesvisent à désengorger lesurgences, limiter les hospi-talisations, ou plus généra-lement réduire les coûts. Conséquence de toutes ces

transformations : lepatient change de rôle. Dumoins apparemment. Desimple récepteur de soin,il se découvre de plus enplus acteur, ou co-acteur,que ce soit dans lesforums santé où il échan-ge désormais ouvertementsur son expérience et sonressenti -la confidentialitésemble moins revendi-quée-, dans les séances

d’évaluation où il est invi-té, ou même dans le cadredes consultations privées,sur la base d’un savoirdont jusqu’à présent il sesentait exclu. D’où une approche dusoin qui demande à êtrerepensée en amont, amé-nagée selon de nouvellesperspectives. Quelquespistes de réflexion.

ll ll ll

C’était avant Doctissimo, avant la loi de 2002… Devançantla tendance, l’A.N.P.A.A. avait ouvert le dialogue et donnéla parole aux patients alcooliques, sur le soin notamment.Extraits :Feeling «C’est vrai qu’on peut avoir l’impression d’être undéchet face à certaines équipes soignantes. Or justementce qui est important, c’est d’avoir un certain feeling, desdeux côtés. Sans cela, on n’a pas de résultat». (M.-A.)Non-dit «Il y a tout un problème de non-dit. C’est ce quimarque le parcours du combattant de l’alcool. Pour moi, çaa duré trois ans. [… Jusqu’à ce que je sois] orienté sur unestructure adaptée. C’est là que j’ai ressenti que je pouvaisposer mes valises. C’est-à-dire que j’étais apte à aborderle problème». (N.)Déni du corps médical «Je me suis présentée en disant «jesuis alcoolique». Et, curieusement, j’ai trouvé un déni de lapart du corps médical. J’ai frappé à des portes, et on merépondait non». (C.)Méconnaissance «Il y a encore une méconnaissance totalesur l’existence des lieux de soin, et même de prévention.Je trouve que la liste des centres de soin devrait êtreaffichée dans toutes les pharmacies». (D.)

(1) Séminaire de l’A.N.P.A.A. organisé le 25 juin 1999, inspiré de la démarchealors innovante de la Ligue contre le cancer consistant à donner la parole auxmalades cancéreux.

Journée d’échangesMalades alcooliques,qu’attendez-vous de nous ? (1)

d ans le monde du soin

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Avez-vous observédes changementschez les patientsconsultant enalcoologie ? Des modificationstrès nettes sonteffectivementintervenues cesdernières années, àla fois dans le profildes nouveauxconsultants et leursattentes. Nousvoyons arriver despatients qui se sontrenseignés surinternet, ont trouvéune adresse et seprésentent sansêtre passés par les réseauxqui, normalement,accueillent et informent lenouveau venu, l’aidant àamorcer sa démarche desoin. Ce qui, a priori, est

une ouverture sur unnouveau public, crée enfait une situation difficileà gérer. Commentaccueillir ces personnesdans les consultationssans qu’elles prennent la place de patientsinscrits pour certainsdepuis longtemps dans lesystème, qui ont entaméun véritable parcours desoin et sont en attented’un accompagnementspécifique ? Il existe sûrement dessolutions, nous yréfléchissons…

Peut-on parlerd’un «effetinternet» ?Internet, et lesmédia engénéral, ontmodifié leshabitudes denombreuxpatients et crééde nouveauxcomportements.Avant deconsulter, on serenseigne sur lemédecin, seshoraires, saréputation, on

cherche desadresses sur des

forums santé, oncompare… Un peucomme on le ferait pourun achat en ligne. Certainsont même des idées trèsprécises sur le traitementqui leur convient. Le baclofène par exemple.Ils nous font leurspropositions, persuadésqu’il existe une réponsemonolithique à leurproblème, et que nousallons la valider. Mais, il faut être clair là-dessus, en aucun cas, lesoignant n’est l’exécutantdu désir du patient.

Par exemple ? On pourrait imaginer un siteinteractif destiné à cespatients non encoreengagés, pour répondre àleurs questionnements, lesorienter, leur proposerquelques réponses-type. Enmodifiant toutefois lescritères véhiculés parinternet. Un dispositifparallèle qui éviteraitd’engorger le système desoin où les places sont troprares…Mais cela supposenaturellement qu’il y aitune équipe derrièrel’écran…

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}Un site

interactif pour

orienter,

proposer

des réponses-

type. }D o s s i e r

T h é r a p i e

Le Dr Eric Hispard est médecin alcoologue coordonnateur à Cap 14, l’un des Csapa del’A.N.P.A.A. 75. Il est également praticien hospitalier au service de médecineaddictologique de l’Hôpital Fernand Widal (Paris). Il fait partie du Conseil scientifiquede l’A.N.P.A.A., et est membre du Conseil d’administration de la Société Françaised’Alcoologie.

Nouveaux profils, nouvelles attentesConsultants en alcoologie

Un temps d’attente bien géré, des explications…

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Autre modification : lespatients sont de plus enplus invités à donner leuravis sur le système desoins…Que le patient soitpartenaire dans sonparcours de soin est uneexcellente chose, mais,encore une fois, on ne peutpas inverser les rôles.Imagine-t-on un chirurgiendemander à son patientquelles sont ses préférences ?Il faut prendre la mesure dela complexité inhérente àchaque cas particulier. Et nejamais oublier que laproblématique desaddictions est médico-psycho-sociale. Etre acteurde son soin ne veut pas direrester figé sur ses positions.Les priorités formulées parle consultant lors d’unpremier entretien seréduisent souvent à desimpératifs de vie immédiats(retrouver un emploi, êtreprêt pour la rentrée, payersa maison, se réconcilieravec son voisin, faire plaisirà sa femme…). Mais la

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maladie proprement diteest réduite au silence. Lethérapeute naturellementva ajuster le discours tenupour le convertir enpropositionsthérapeutiques. Despropositions qui, biensouvent, vont au-delà dessouhaits exprimés par lapersonne.

Conséquence inévitable dela multiplication desconsultations demandéesen urgence : dans lescentres, les temps d’attentes’allongent. ..Il n’est pas rare qu’unpatient attende deux heuresdans la salle d’attente. Deuxheures de trop, dira-t-on.Fallait-il alors refuser del’accueillir, et différer sonrendez-vous de plusieursmois ? Toutes les équipesthérapeutiques n’ont pas lemême point de vue sur laquestion. Le tempsd’attente est d’ailleurs vécudifféremment d’unepersonne à l’autre. Je penseà ce patient que j’avais reçu

à l’heure fixée et qui,décontenancé, m’aannoncé qu’il n’avait pas

eu le temps de sepréparer… J’ai tendance àconsidérer que le Csapadétient, aussi, une fonctiontransférentielle, qu’il avocation à établir un liensocial : durant l’attente, lespatients parlent, échangentleurs impressions,découvrent un nouveauregard sur ce qu’ils ontvécu. A condition toutefoisqu’ait été prévu unencadrement adéquat, quele temps d’attente soit géréeffectivement, et pas laisséà l’abandon ou au hasard.C’est tout le rôle del’accueil, et de la secrétaireen particulier, qui donne letempo, fournit lesexplications nécessaires.

ll ll ll

TélésantéPour les particuliers…Diabétiques, cardiaques…Leur santé nécessite une surveillance permanente. Desboîtiers d’automesure permettront au particulier de relever lui-même, depuis sondomicile, les données nécessaires et de les transférer en direct à une interfacemédicale susceptible d’intervenir en cas de problème. Des expérimentations sonten cours, en vue d’une probable généralisation.

…et les entreprisesL’évaluation des expositions professionnelles est l’un des objectifs du Plan Santéau travail 2010-2014. Toutefois, la reconstitution des expositions individuelles poseparfois des problèmes, même aux professionnels de la prévention. Des outilsd’aide à l’évaluation sont désormais mis à disposition sur un portail spécifique,Exp-Pro (www.exppro.fr).

Drogue info serviceAdalis, mission de servicepublic, placée sous l’autoritéde l’Inpes, assure information,prévention, orientation, conseilà distance en matièred’addictions (avec et sanssubstance). A noter uneAdosphère (espace dédié aux plus jeunes). www.drogues-info-service.fr

Priorité santé mutualistePriorité santé mutualiste est un service proposé à ses adhérents par la Mutualité Française. Un service(dont l’A.N.P.A.A. est partenaire) qui apporte desréponses concrètes aux questions que chacun peut seposer sur sa santé et son bien-être : maladie,prévention, facteurs de risque, thérapie. Accessibledepuis 2009 par téléphone (composez le 39 35), PSM est désormais en ligne. Avec pour objectifd’informer, soutenir, accompagner les internautes dansleurs diverses démarches de santé. Possibilité de participer à des chats et forums santé.

La Mutualité Française fédère laquasi-totalité des mutuelles santé enFrance.

S’informer, échanger, être aidé

www.prioritesantemutualiste.fr

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a prise encompte de laparole des usa-gers dans l’éva-luation du pro-

tocole de soins en struc-tures spécialisées estaujourd’hui recommandéedans le cadre légal et régle-mentaire. A l’origine decette recommandation, unehypothèse : l’usager détientdes savoirs, certes différentsde ceux des professionnels,mais conjointement exploi-tables dans une perspectived’amélioration des prisesen charge. Même lorsqu’ilest fragilisé (SDF, après unAVC…), l’usager détient uneforce d’observation critiquesur les aspects techniquesdes actes professionnels. À ce titre, ses perceptions,ses ressentis peuvent êtreriches d’enseignements. À condition d’êtres décryp-tés : pour passer du témoi-gnage d’expérience à laconstruction d’un projetcollectif d’amélioration des

contrainte une opportuni-té pour organiser la conti-nuité de la chaîne qui relieles espaces d’expressiondes usagers et les espacesde prise de décision dansles organisations. Ils'adresse en priorité auxdécideurs, institutionnelset professionnels et à tousles espaces de formationconcernés par lesdémarches participatives.Même si elles ne visent pas

spécifiquement l’addicto-logie, les réflexions déve-loppées avec beaucoup de nuances et de finesseseront d’un grand intérêtdans les centres spéciali-sés.

DONNET-DESCARTES(Elisabeth), DUJARDIN(Danielle) – Evaluer avecles usagers – Rennes,Presses de l’EHSP, 2012 –143 p.

pratiques, il convient dedistinguer «ce qui peut êtredéfendu collectivement dece qui ne peut l’être, ce quiest d’ordre général…de cequi est plus singulier».Dans cet ouvrage, lesauteures, psychologuesbénéficiant d’une expé-rience dans les milieux desoin spécialisés, exposenten détail une méthode ori-ginale conférant à l’usagerune place d’expert, et l’ap-pelant à co-construire unparcours de soins adapté àses attentes et ses besoins. «Si, pour l’usager, être un«bon patient», c’est «ne pasdéranger», pour les profes-sionnels, c’est «signalersystématiquement unedouleur». Parce qu’il n’estpas suffisamment pris encompte, le décalage exis-tant entre les discours etpoints de vue du profes-sionnel et de l’usagerexplique bon nombre demalentendus portantatteinte au déroulementdes soins. Penser et orga-niser la coopération avecles usagers s’inscrit dansune « (r)évolution culturel-le, au sens où il s’agit d’unbouleversement profonddes systèmes de pensée,dans la contrainte désor-mais d’intégrer pour tousqu’il y a bien un savoir ducôté de l’usager». Conçucomme un guide de miseen oeuvre, cet ouvrage àvisée pédagogique propo-se de faire de cette

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D o s s i e rT h é r a p i e

Médecine sociale

«Aux côtés de la médecine libéraleexistent des réseaux de médecine sociale(centres de santé,…centres de soins,d’accompagnement et de prévention enaddictologie), qui ont un rôle primordial àjouer et qui sont actuellement en grandedifficulté du fait de la remise en causepermanente de leurs financements.»(Conférence nationale de santé. Rapport2011 sur le droit des usagers)

L

Evaluer avec les usagers

Un décalage entre les discours des professionnels et des usagers.

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l Quelle est la différenceentre savoir et savoird’expérience ? Ces deux savoirs ne sontpas opposés, ils sont mêmecomplémentaires ; ils ontvocation à s’enrichirmutuellement. Le savoir duspécialiste est fondé sur desconnaissances acquises aucours des études ou del’apprentissage, c’est unsavoir institutionnellementvalidé. Il fait référence dansdes champs disciplinairesou professionnels définis,dans des domainesthéoriques ou techniquesprécis. Ce savoiracadémique mûrit à traversles expériencesindividuelles et collectives.Il va fonder lepositionnementprofessionnel. Le savoir del’usager, lui, est nourri deson expériencepersonnelle. Construit surde l’éprouvé, du sensible,du tangible, ce savoir estfondé sur l’observation et laperception des situationsvécues au sein d’undispositif. Il s’agit en fait dedeux positionnements, dedeux niveaux d’expertise. Dans le contexte actuel,c’est le savoir duprofessionnel qui prévaut.Mais cette posturecommence à changer, etcette évolution devrait sepoursuivre. Il est vrai quecertains professionnelss’inquiètent de la mise enplace de l’évaluation,craignant une mise encause de leur pratique.

Je pense à cette personnefrappée par le deuil d’unproche, qui s’est vuprescrire un calmant parson médecin. Elle a refuséle médicament, enexpliquant simplement :«S’il vous plaît Docteur, nem’endormez pas, laissez-moivivre ma douleur, laissez-lamoi encore un peu» (1)Cette réaction estrévélatrice de l’écartpouvant exister entre lebesoin de l’usager, tel qu’ille perçoit, et la réponse duprofessionnel, dictée pard’autres considérations.Dans certains cas, plutôtque de poser un couverclesur des affects, il estpréférable de laisser leschoses se mettre en place.On comprendra au traversde ce témoignage combienle type de programme quenous préconisons peutaider à franchir desétapes…

C’est la raison pour laquellenous insistons sur lanécessité d’unaccompagnement afin quel’espace de chacun,professionnel ou usager,soit sécurisé et respecté,avec une vigilanceparticulière aux risques demanipulation ou dedétournement de ladémarche pour les uns oules autres.

l En alcoologie, la paroledes malades esttraditionnellementsollicitée, que ce soit enface-à-face ou en groupe…Il existe effectivement, dansles pratiques, une prise encompte d’éléments venantdu patient. Toutefois ceséléments sont recueillis àpartir une grille de lecture etd’écoute construite par lesprofessionnels, à partir deleurs logiques et de leursdomaines d’expertise. Noussommes donc dans unelogique professionnelle,différente de celle dupatient, de l’usager dudispositif. L’usager, «celuiqui connaît les usages»,peut produire desindicateurs nouveaux, dontle recueil va enrichir lespratiques desprofessionnels.

lAu-delà du protocole de soins proprement dit,quel est le savoir du patientsur le problème dont ilsouffre ? L’usager va réagir au plusprès de ses besoins intimes.

ScienSAs’Association de malades cherchechercheur…Illustration du décloisonnement entre monde scientifique etreprésentants d’usagers : les associations de malades ontdésormais la possibilité de s’adresser directement auxspécialistes, et de les solliciter. Qu’il s’agisse d’organiser uncolloque, d’assurer une veille scientifique, ou d’exploiter desdonnées recueillies en interne. A l’initiative de l’Inserm, unsite spécialisé, ScienSAs’, permet la mise en relation dedeux annuaires : associations de malades et chercheursseniors volontaires, dans un champ de compétences donné.Pour échanges et partage…sciensas.inserm.fr

Danielle Dujardin, co-auteur de Evaluer avec les usagers,répond à quelques questions :

Savoir du spécialiste, savoir de l’usager

En associant les usagers àl’évaluation, l’objectif estbien d’introduire de lavariabilité et du subjectif làoù l’on pourrait ne plusvoir que de la norme et dela standardisation. Maisquand les usagers sontacteurs dans l’évaluation,quand les choix politiqueset institutionnelssoutiennent et organisentla possibilité de confrontersavoirs professionnels etsavoirs d’expérience desusagers, quand tous lespoints de vue sont pris enconsidération, alors leseffets apparaissentvalorisants pour tous…

(l) cité par I. Garate Martinez(«Guérir ou désirer») quicommente : Ce médecin «croitqu’il la soigne en la rendantmuette. Ce faisant, il participe àla répétition du symptôme decette femme qui s’est tue tout aulong de sa vie et qui, pour unefois, se laisse à dire».

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Action

du personnel (DP, CHSCT) etles services de santé au travailsont associés au projet. Un«contrat» précise alors lesmoyens à mettre en œuvre, lerôle de chaque acteur de lasanté au travail et de la pré-vention des risques profes-sionnels, des objectifs asso-ciés à un agenda. Après une phase de diagnos-tic court (selon les termesemployés par l’ANACT), leComité de pilotage élabore unplan de prévention enconcertation avec les repré-sentants du personnel et leservice de santé au travail. Ceplan peut proposer ladémarche et les échéancesadoptées avec les outils deprévention et de santé au tra-vail comme l’actualisationnécessaire des règles de santéet sécurité au travail (chartes,protocoles, règlements inté-rieurs d’établissement, procé-dures de retrait du poste, oude dépistage, en cas de dan-ger potentiel). Sur ces termes,les employeurs et acteurs dela sécurité et la santé au tra-vail doivent connaître les dif-férences entre : l leur obligation de sécurité,l l’obligation de protéger lasanté au travail et l les modalités d’exercice deleur pouvoir disciplinaire.Distinguer ces notions déter-mine la réussite des choix etdu plan de prévention.

de responsabilité et de santéau travail.

Démarche de préventiondes risques professionnelsLa gestion des risques et ladémarche de prévention desrisques professionnels s’avè-rent complexes à mettre enoeuvre, dans la mesure où

elles s’appuient sur des fac-teurs à la fois individuels etcollectifs. Des repères doiventêtre mis à la disposition desemployeurs. C’est l’objet duGuide pratique de la MILDT,destiné aux acteurs de la pré-vention des risques profes-sionnels et de la santé au tra-vail (3).La question des conduitesaddictives devrait être posée àl’occasion de l’évaluation desrisques professionnels, sur labase d’un diagnostic partagéautour de certainsindicateurs : diminution de laqualité du travail, incidents,accidents ou presque acci-dents (selon les termes despréventeurs), absentéismerépété, retards fréquents.La démarche de préventiondes risques professionnels estd’autant mieux acceptée quela direction, les représentants

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oper ses perfor-mances, suppor-ter des condi-tions de travail

trop contraignantes : le recoursà l’alcool, au cannabis ou à lacocaïne sur le lieu de travail estsouvent invoqué par les salariéspour des motifs professionnels.Il peut s’agir aussi d’un usagepersonnel et récréatif initié àdomicile et prolongé durant lesheures actives. Dans tous lescas, cette consommation parti-cipe à la généralisation deconduites plus ou moins nou-velles. Aucun secteur d’activitén’échappe au phénomène,mais certaines professions sontplus touchées que d’autres :BTP, hôtellerie, restauration,transports, secteur financier. (1)La question des produits,quand elle se conjugue avecd’autres risques profession-nels, pose de nouveaux pro-blèmes en termes de sécuri-té, d’organisation mais aussi

D

Longtemps restée sujet tabou, la «souffrance au travail» fait aujourd’hui l’objet denombreux colloques ou émissions. Emblématique de cette souffrance, la consommationde produits psychotropes semble en augmentation. (1)

Rappel législatifL’employeur peut voir sa responsabilité (civile oupénale) mise en cause en cas d’accident survenusous l’emprise de drogue ou d’alcool, en cas demanquement aux deux obligations de sécurité et desanté au travail.La loi du 20.07.2011 sur l’organisation des servicesde santé au travail rend désormais visible le rôle desmédecins de santé au travail et de leurs équipes dansla prévention des conduites addictives grâce à soninscription dans le Code du travail (article L 4622-2).

Prévenir les addictions

Aucun secteur d’activité n’échappe au phénomène.

par Bertrand Fauquenot, chargé de mission Formation, A.N.P.A.A.

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nomiques, la tendance àfixer des objectifs difficile-ment atteignables, à frag-menter les tâches, voire àmiser sur la concurrenceinterne, peut aboutir à unemontée du stress chez lessalariés ou à une perte desens de leur travail. Les sen-timents de pression, demenace ou d’isolementpoussent à chercher dansles produits un substitut ouun effet dopant. C’est doncle fonctionnement globaldes équipes de travail quipeut être interrogé à l’occa-sion d’une démarche deprévention.

d’entre eux estime que l’usa-ge du cannabis est en exten-sion depuis cinq ans (1 ; 2). Au cours des deux dernièresannées, près de 9 médecinsdu travail sur 10 déclarentavoir participé à une ou plu-sieurs actions collectives deprévention. La moitié décla-re travailler avec une structu-re spécialisée, CSAPA ouunité hospitalière (2). Cesont surtout les DRH qui sol-licitent le médecin du travail.Alors que les représentantsdu personnel restent enretrait, probablement en rai-

son du caractère tabou decertaines consommations.Les CHSCT auront proba-blement un rôle important àjouer dans ce domaine.

L’entreprise dans sa globalité

Mal adaptées, les organisa-tions de travail choisies peu-vent entraîner des facteursaggravant ou favorisant lesconduites à risques (addic-tions, violences physiquesou verbales, mises en dangerd’autrui, isolement/épuise-ment à la tâche). Même jus-tifiée par des impératifs éco-

Les médecins de prévention et desanté au travail

Premiers consultés en cas deproblème et témoins desconséquences domma-geables de cette consomma-tion : les médecins du travailsont des observateurs privi-légiés des phénomènesd’addictions et de conduitesdopantes liés au travail.Interrogés sur les produits,ils situent l’alcool au premierrang des problématiquesrencontrées. Un quart

InaptitudeL’avis d’inaptitude, ou d’aptitude avec réserves,s’impose à l’employeur sans qu’il ait besoin d’enconnaître les raisons, couvertes par le secretmédical (code du travail, articles R. 4624-25 à R.4624-31). L’employeur comme le salarié peuventcependant contester cet avis devant l’inspection dutravail (code du travail, art. R4624-7) (2 ; 5).

Examens biologiquesL’employeur ne peut imposer d’examens biologiquesà un salarié. Il peut rappeler au médecin du travailque le salarié est affecté à l’un des postes à risquespour lesquels le règlement intérieur prévoirait lapossibilité d’un dépistage de la consommation dedrogues illicites (2 ; 5

s liées au travail

Objectifs inatteignables, tâches fragmentées, concurrence interne.

1) Peu de données pour étayer cesquestions. Lire INPES, BaromètreSanté 2009-2010, publié en 2012 ;in www.inpes.fr 2) INPES – Enquêtes citées dans :Médecins du travail/médecinsgénéralistes : regards croisés.INPES, 2012 www.inpes.fr Lireles pages 81 à 94.3) Repères pour une politique deprévention des risques liés à laconsommation de drogues enmilieu professionnel. Guidepratique MILDT-DGT, 65 p.-Paris, La Documentationfrançaise, 2012www.drogues.gouv.fr etwww.travailler-mieux.gouv.fr 4) Les médecins du travail,investis de la nouvelle mission de

prévenir les consommations dedrogue et d’alcool (code dutravail, article L.4622-2), vontbénéficier en 2012 desRecommandations de PratiqueClinique en santé au travail surles addictions. La Haute Autoritéde Santé, la Société Françaised’Alcoologie et la SociétéNationale de médecine duTravail ont préparé depuis 2009des recommandations que la SFAavait proposées au colloque des22 & 23 octobre 2009 (Paris).http://www.sfalcoologie.asso.fr/page php?choix=A10 ; siteswww.sfa.fr & www.has.fr 5) Comité Consultatif Nationald’Ethique, avis n°119, 19 mai2011 www.ccne.fr

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E n d i r e c t

es femmes sont-elles plus concer-nées aujourd’huipar les addictionsqu’autrefois ? Dif-

ficile de se prononcer. Seulfait avéré : elles consultentdavantage, ce qui rend leursdépendances plus mani-festes. Elles restent toutefoisminoritaires par rapport auxhommes dans les centres desoins (les centres spécialisésen alcoologie ou en toxico-manie reçoivent environ 3/4 d’hommes et 1/4 defemmes).Il existe assurément des spé-cificités liées au fait d’être uneconsommatrice. A commen-cer par une plus grande vul-nérabilité physiologique : àconsommation égale, lesrisques encourus sont supé-

lièrement présent. Au coursde l’année 2011, dans latranche d’âge 15-16 ans, lesfilles étaient plus nombreuses(68%) que les garçons (58%) àavoir expérimenté le tabac . Siles garçons reconnaissaientplus souvent une ivressealcoolique au cours du moisprécédent, l’écart observé àcet égard entre filles et garçonsse resserre. Enfin 40% desados ont expérimenté le can-nabis (1). Une quasi-égalitéque Samira, 20 ans, confirme.«Tous mes amis fumaient,même les filles : j’avais l’im-pression que ça leur donnaitun côté plus mature mais aussiplus « cool ». Forcément, j’ai euenvie d’entrer dans le cerclemoi aussi.»

Un tabou social

Les addictions au féminin secaractérisent aussi par des dif-férences dans la vie sociale. Làoù les hommes bénéficientd’une certaine indulgence dela société, les femmes, elles,sont davantage mises à l’écart.«La dépendance est moinsbien tolérée dans l’environne-ment d’une femme, confirmeFrançoise Facy. Les femmessont victimes d’une certaineexigence : elles doivent être à lahauteur à tous niveaux, et cettepression les fragilise encore

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recherche honoraire à l’In-serm et vice-présidente del’A.N.P.A.A.. Plus les femmesavancent en âge, plus ellessont en surconsommation depsychotropes par rapport auxhommes.» Les dépendancesalimentaires (boulimienotamment) et la probléma-tique des achats compulsifsconcerneraient égalementdavantage les femmes. Enfin,celles-ci seraient de plus enplus touchées par l’addictionaux jeux d’argent (en parti-culier les jeux de grattage). Ces comportements se des-sinent dès l’adolescence,avec un tabagisme particu-

rieurs. Les produits d’addic-tion aussi : «Le tabac, l’alcool,mais surtout les médicamentspsychotropes arrivent en têtedes addictions féminines, noteFrançoise Facy, directeur de

L

Fumeuses invétéréesA chaque génération son comportement. Les années70 ont introduit des bouleversements dans lesreprésentations, et notamment une certainedésinhibition des jeunes femmes par rapport autabac. Au fil du temps, cette génération de fumeusesa globalement persisté dans ses habitudes. A ladifférence de leurs homologues masculins qui, plussouvent, ont réussi à s’éloigner de la cigarette. F.F

par Ariane Langlois

Addictions au féminin : qSi les addictions, en particulier l’alcool et le tabac, ont longtemps été l’apanage des hommes, il n’en est plus de même aujourd’hui. Les femmes sont elles aussi très touchées par les dépendances. Et, à la différence des hommes, leur comportementest alors moins bien toléré par l’entourage. Enquête.

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pourraient accéder facile-ment, à leur rythme, tout encontinuant de travailler ou des’occuper de leurs enfants. Cesactions permettraient de trai-ter les abus avant d’en arriverà la grande dépendance.» Lamédecine du travail, maisaussi la PMI, le planningfamilial, les PAEJ ou les mai-sons des adolescents ont éga-lement un grand rôle à joueren matière de prévention desaddictions féminines.D’autant plus qu’avec l’évo-lution des usages sociaux, lephénomène risque deconnaître une ampleur crois-sante. Les adolescentes d’au-jourd’hui, décomplexées parrapport aux produits ou àl’ivresse, risquent d’êtredemain plus vulnérablesencore que leur aînées.

• Depuis 1995, l’enquête ESPAD mesure les consommations desadolescents de 15-16 ansscolarisés dans 36 payseuropéens.

plus. Lorsqu’elles adoptent desconduites addictives, en parti-culier avec l’alcool ou ladrogue, la gravité des effets estdonc plus importante. Que cesoit au niveau sanitaire, psy-chologique ou social. La diffé-rence de statut entraîne des dif-ficultés spécifiques, notam-ment sur le plan relationnel.»Conséquence : les risquesd’exclusion et de marginalisa-tion sont bien plus grands.Lorsqu’elles sont mères, leurcomportement rejaillit plusgravement sur leurs enfantsdu fait de leur proximité etde leur rôle prépondérant. Quant à leurs qualificationsprofessionnelles, elles se trou-vent rapidement mises à mal.Du fait de ce tabou social, lerecours aux soins est moinsfréquent, et aussi plus tardif.Anne, 51 ans, a connu l’alcoo-lisme durant de longuesannées. Oser consulter fut unpas difficile à franchir. «Je mesentais incomprise par mafamille qui me faisait beau-coup de reproches : j’avais telle-ment honte que je me renfer-mais sur moi-même. Il m’afallu du temps pour me direque j’étais malade et quej’avais besoin d’être soutenuepar des professionnels.» Uneréalité que Françoise Facyconfirme. «Si, d’une manièregénérale, les femmes se mon-trent plus attentives que leshommes aux questions desanté, hélas ce n’est pas vrai ence qui concerne les addictions.Leur comportement addictifétant moins bien admis par lasociété, y compris par les pro-

Une vie jalonnée de temps particuliers«Le moment des études supérieures est souvent critique et peut être propice à laprise de psychotropes, explique Françoise Facy. Ce temps chargé d’enjeuxentraîne parfois à gommer les différences homme/femme, et favorise lesconsommations excessives.Autre temps particulier, la période 45-55 ans, durant laquelle des éléments tels

que la pression sociale, les charges familiales et professionnelles ou laménopause contribuent à rendre les femmes vulnérables. La dépression et lerisque de suicide sont d’ailleurs plus fréquents à cet âge. Enfin vient le temps de la retraite : à un âge avancé, les femmes sont trèsconcernées par la dépendance aux psychotropes mais aussi à l’alcool. En conséquence, des actions de prévention spécifiques, adaptées, doivent êtremenées tout au long de la vie.»

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fessionnels de santé, elles onttendance à se cacher, et reculerle moment de se faire soigner.»

Une offre de soinslimitéeEnfin, l’offre de soins en Fran-ce n’est pas adaptée auxfemmes et à leurs motiva-tions. Certes, il existe descentres spécialisés grossesseet dépendance, des réseauxde santé en périnatalité qui

accompagnent les jeunesmamans en grande difficulté,et aussi des groupes de paroleproposés par différentes asso-ciations. Mais cette offre estloin d’être suffisante. «Il fau-drait mettre en place des pro-grammes dédiés aux pro-blèmes féminins, adaptés auxconditions de vie des femmes,martèle Françoise Facy. Ilmanque des programmes enambulatoire, avec des horairesadaptés, auxquels les femmes

: quelles spécificités ?

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pour le soignant de cher-cher avec le sujet d’autrespoints d’appui, plus solides,pour faire barrage face à cequi le déborde.

Distinguer la demande de la cause«Notre travail ne se réduitpas à la question de lademande du sujet ; ilconvient d’opérer une dis-tinction entre ce pour quoi lesujet vient et la cause de savenue». Ainsi s’exprimaitJean-Marc Josson, psycha-nalyste et responsable del’unité d’hébergement decrise d’Enaden, centre desoins pour toxicomanes àBruxelles. C’est générale-ment à la suite d’un nou-veau décrochage (ruptu-re, accident, menace desanction), ou pour leprévenir, que le sujetfranchit les portes denos institutions. Il glis-se alors souvent surune pente qui leconduit à s’isoler deplus en plus, voire à

ous les profes-s i o n n e l sconnaissentce paradoxe :

au-delà de la demanded’arrêt, de modération oude substitution de sapratique addictive,quelque chose revientsans cesse, malgré lepatient, s’opposant à lasatisfaction de sa volontéinitiale. Ce point debutée, nous le rencon-trons aussi bien chez lepatient qui vient a priorisans demande, incité àconsulter par un tiers, quechez celui qui, malgré laprise de conscience des dif-ficultés relatives à sonaddiction, ne parvient pas àprogresser dans la voie desa demande, sans oublier lepatient qui satisfait si bienaux exigences du sevragequ’il sombre de façon plusdramatique encore. L’addic-tion se manifeste ainsi surson versant fonctionnel,

symptomatique, tout à lafois impossible à supporteret néanmoins nécessaire aumaintien d’un certain équi-libre. Toutefois, si elle

apparaît effectivementcomme un mode de traite-ment du sujet face à ses dif-ficultés, on connaît la pré-carité de cette solution etses ravages. Il s’agit doncT

Loin des tentations actuelles visant à réduire des problématiques complexes à de simplestroubles qu’une méthode-type suffirait à éliminer, l’approche clinique dans le champdes addictions permet de situer chacun, patient comme professionnel, au plus près de sesénoncés et de ses actes, pour mieux en saisir les causes et conséquences logiques.Réflexions et propositions autour de la demande de soin et des modalités d’accueil qu’ilconvient de lui réserver.

CSAPA : clinique de la demande

Prat iques thérapeut iques

par Er ic Tai l landier*

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s’éjecter radicalement de lascène. Au-delà de l’addic-tion, toute demande peuts’entendre comme un sou-hait de mise à l’abri par rap-port aux risques qu’ilencourt pour lui-même dansson lien social. «La fonctionpremière de l’institutionconsiste davantage à parerau passage à l’acte, éviter leclash, mettre une limite à lapulsion de mort qui envahitle sujet». C’est à l’équipe querevient la responsabilité dedécrypter le réel de cettecause. Au travers de ce qui serépète dans le parcours dupatient, se dégage une cer-taine logique de sa positiondans l’existence, c’est-à-diredans son rapport à lui-même, à son corps et auxautres». Il s’agit alors de«supporter cette demande oùreparaissent les signifiantsqui fondent le sujet», pourl’aider à s’en dégager.Abus, laisser-tomber : cesdimensions sont très carac-téristiques de notre clinique.Entre les deux, toute unegradation de ressentis, danslesquels la malveillance desautres à l’endroit de nospatients tient souvent unegrande place. Ainsi Mme L,marquée du double sceau del’abandon maternel et del’inceste paternel, qui neparvient pas à se déprendrede son statut d’objet malme-né par autrui. Sa stratégie dedéfense privilégiée consiste àmettre une distance entreelle et l’autre, pour ne pas sesentir happée par desdemandes auxquelles elle nepeut répondre. Dès lors, letraitement va consister à«manœuvrer» avec L, mêmelorsqu’elle se fait représenter

par des amis, et l’accueillirlors de ses visites inatten-dues, faute de quoi ellerompt tout lien avec le soin.Un autre patient, M. A, à lasuite de la perte de son tra-vail qui constituait pour luiun étayage important,décroche progressivementtoutes ses amarres, fami-liales notamment, jusqu’àincarner physiquement ledéchet dont personne neveut plus. Dans ce cas, ils’agit de faire les démarchesà sa place, discrètement, parune «présence qui s’efface»,le patient ne demandantplus rien pour lui-même. LeCSAPA prend alors le relaisd’un désir fondamentale-ment en berne.

Infléchir la demandedes soignants«La demande se déploie parexcellence dans le registre dela parole», énonçait le DrPierre Sidon, psychanalys-te, directeur du pôle d’ad-dictologie de l’hôpital deChampigny-sur-Marne(94). Or «tout le monde nerentre pas dans la parole»au sens où, derrière desdemandes souvent stan-dard (arrêter la drogue,renouer avec ses enfants,refaire sa vie, trouver dutravail), la question desembarras subjectifs et rela-tionnels du patient reste ensuspens. En rappelant que«certains sujets n’ont pas lapréoccupation de savoir cequ’ils sont vraiment, maiscelle d’être déjà quelqu’un»,le Dr Sidon touchait unautre point essentiel denotre clinique : il n’est pasutile d’attendre que le

patient motive sa demandepour commencer l’accom-pagnement ; le fait qu’il ne

demande rien est déjà lesigne qu’il a besoin d’êtresoutenu.Respecter les inventionsque trouve le sujet pour res-ter à distance de ce qui leravage dans son lien àl’autre implique d’être «suf-fisamment docile», de «lais-ser du jeu» dans notre façonde les accueillir. Pourquoi ?«Parce que nous avons affai-re la plupart du temps à dessujets qui n’ont pas trouvéleur place dans l’existence».Ils sont plus l’objet d’unrejet fondamental que véri-tablement acteurs de leurdésir. Dans cette perspecti-ve, le traitement est appli-qué non seulement au sujetlui-même, mais aussi à sesinterlocuteurs, dont lesintervenants du CSAPA.«C’est quand on modèrenotre propre demande, nospropres idéaux thérapeu-tiques, que ça a des effets de

pacification sur le sujet».Sortir le sujet de l’addiction,certes, mais pas sans luiaménager une place accep-table dans un lien socialsupportable. Cela constitueun abord radicalement dif-férent du soin.

Tous addicts ?

L’exposé du Dr Sidon nousa sensibilisés enfin à lanécessité de bien distinguerles particularités du rapportà l’autre chez les patientsque nous recevons.«Les sujets qui s’adressent ànous sont d’abord sujets àun en-trop, une jouissanceillimitée qui se localise dansle corps ou dans l’autresocial». Ainsi, à trop se foca-liser sur l’addiction elle-même, on prend le risquede passer à côté de l’essen-tiel en termes de diagnosticet d’accompagnement.L’extension sociale actuelledu concept d’addictiontend à occulter des problé-matiques psychiques sous-jacentes parfois trèssévères. «Le risque est alorsde substituer progressive-ment l’addictologie à desformes très diverses de toxi-comanies et d’aboutir à cequi s’est déjà passé avec ladépression : un abrasementdes différences».

*Psychologue clinicien au CSAPAd’Avranches (A.N.P.A.A. 50)

ColloquePrendre soin de la demandeTel était le thème de la journée organisée endécembre dernier par le CSAPA d’Avranches (50) àl’occasion de ses 30 ans d’existence.Une journée suivie par de nombreux professionnels,en majorité extérieurs à l’A.N.P.A.A., qui, au traversde situations cliniques, a contribué à préciser lesquestionnements et enrichir un débat toujoursouvert.CSAPA 24 Place du Marché 50300 Avranches

}Des sujets

qui n’ont pas

trouvé leur

place dans

l’existence.}

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Nous avons aimé beaucoup™™™, assez ™™, moyen™

22 - Juin 2012 - N°38

Quoi de plusi n t e r p e l l a n tpour un théra-peute que d’ap-

prendre que son patient estissu d’une famille danslaquelle l’alcool exerce sesravages depuis des généra-tions ? Refusant le déterminis-me absolu de la génétique, lesauteurs, qu’ils se réfèrent auxthéories systémiques ou psycha-nalytiques, s’interrogent sur latransmission, psychique etinconsciente, à l’œuvre dans ceshistoires familiales. Quand l’alcoolenvahit le quotidien au point que toutes lespréoccupations tournent autour de sarecherche, ou de son évitement, c’est l’en-semble des relations qui s’en trouve perturbé.Aliénante, insupportable, la honte s’installe,

Où commence l’addiction ? Boireou conduire, faut-il encore choi-sir ? L’addiction au travail, unedépendance «positive» ? En

répondant à 25 questions, Gérard Feld-mann, professeur émérite à la faculté demédecine Xavier-Bichat (Paris), fait lepoint, avec pédagogie, sur un phénomènemultiforme et déconcertant. Clair sans êtrejamais simpliste, le texte aborde dans lesdernières pages des questionsessentielles : le droit à consommer est-ilabsolu ? peut-on soigner quelqu’un contreson gré ? quelles sont les responsabilitésrespectives de l’Etat, des associations etdu monde soignant ? Ethique et addictionne sont pas nécessairement antino-miques…

contraignant les membres dela famille à s’isoler ou setaire. Blessés jusque dansl’estime qu’ils ont d’eux-mêmes, les enfants n’ontguère d’autre choix que larépétition du traumatisme,une réparation idéalisée,le déni ou l’évitement.Malmenée dans sonfonctionnement, la fra-trie peine à remplir sesfonctions habituellede consolidation, desolidarité ou d’expéri-

mentation : l’alcool a survalorisé l’axe verti-cal (parents-enfants) au détriment de l’hori-zontal (entre frères et sœurs). La fratrie estpourtant aux yeux de l’enfant la seule qui soitautorisée à dévoiler ce qui se passe au seinde la famille. S’appuyer, grâce à la thérapie,

L’été 79

LivresLivres

Cet été-là, l’annéede ses 14 ans,l’auteur découvreà la fois son talent-je me suis mis àdessiner de façonfrénétique- et l’al-coolisme de sonpère. Défilé de mornessouvenirs parta-gés entre l’ennui

du quotidien dans son petit village, lesmenaces de la vie familiale et l’indiffé-rence des siens… Un ouvrage autobio-graphique et auto-illustré par l’auteur(1er tome).

BARTHE (Hugues) – L’Eté 79. Paris, Nil, 2011 140 p.

sur ses frères et sœurs, différents certesmais aussi semblables, permet de sortir del’écueil et d’approcher l’indicible. L’enfantpourra alors se réapproprier son histoire,trouver de nouvelles réponses, découvrir desressources dont il n’avait pas conscience.Psychologue et psychanalyste, BlandineFaoro-Kreit bénéficie d’une longue expérien-ce dans la thérapie des addictions (un cha-pitre est d’ailleurs consacré à la descriptionde son dispositif thérapeutique). On trouveradans cet ouvrage des développements extrê-mement fouillés, nourris de références etd’histoire, sur des concepts tels que l’identifi-cation, la transmission, la culpabilité ou la fra-trie, éclairés par l’analyse de nombreux cascliniques.

FAORO-KREIT (Blandine), sous la dir. de – Lesenfants et l’alcoolisme parental – Toulouse, Ed.Erès, 2011 – 296 p. ™™™

Les enfants et l’alcoolisme parental

Les addictions

FELDMANN (Gérard), avec la collab. de MarcHORWITZ - Les addictions – Paris, Armand Colin,2011- 160 p.™

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magazine trimestriel de l'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie

Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom :. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

CP : . . . . . . . . . . . . . . . Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse e-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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VOICI MES COORDONNÉES PERSONNELLES

Les histoires de famille tor-dues ont la cote auprèsdes éditeurs. Marianne, lanarratrice, idolâtrait jadis

Martine sa belle cousine. Elle laredécouvre des années plus tard,semi-marginale au verbe haut,imbibée d’alcool. Mimétisme ouatavisme ? Bientôt la première va,à son tour, s’«enfiler des paquetsde vin… à ta santé, à celle de tamère, de la mienne et celle denotre grand-mère cinglée». Une

saga de femmes rudes, plus guer-rières que mères, noyant dans leslitrons leur violence et leur démen-ce. Désordonné, le récit s’enliseavec complaisance dans les des-criptions faciles, et sombre enmême temps que ses héroïnesdans une débâcle dont on ne voitpas la fin. EF

KUPERMAN (Nathalie) – Les raisonsde mon crime. Roman. – Paris,Gallimard, 2011 – 234 p.

Les raisons de mon crime

Le malade alcooliquedéconcerte. Les défisqu’il lance aux soi-gnants sont multiples

et imprévisibles. Partant de sonexpérience de clinicien alcoo-logue, Henri Gomez, qui reven-dique une approche non aca-démique, mêle, dans un styletrès personnel, observationsvécues et réflexions théo-riques. Les sept clés qu’il pro-pose sont autant de sésamestendus au soignant autantqu’au patient. La clef du temps

par exemple, qu’il faut savoirdécrypter. «Le patient prendrendez-vous et ne vient pas. Ilreprend rendez-vous. Il se trom-pe de jour ou d’heure». Tempsvide et distendu, ennui de l’al-coolique. Temps mort, dont lesoignant peut exploiter lespotentialités : «Les ascenseurs,les couloirs, offrent des opportu-nités de rencontre». Autres clésau trousseau : l’activité, le dis-cernement (mis à mal par l’al-cool), les émotions (les senti-ments d’infériorité, d’abandon

sont particulièrement répandus),le corps (l’indifférence pour sonpropre corps de l’alcooliqueconfine à l’ignorance), la créati-

vité («pour un alcoolique, lavraie créativité consiste à ces-ser d’être dans la répétition,…s’ouvrir à autre chose»), lesens enfin (la vie vaut ce quenous voulons et pouvons enfaire). A chacun, dans cettelibre présentation, de glanerles éléments qui convien-

nent le mieux à sa personnalitéou son quotidien.

GOMEZ (Henri) – Clés pour sortirde l’alcool. Toulouse, Erès, 2012 –160 p. ™™

Les groupesde parole enalcoologie Composante-clé de l’accompagne-ment du patient alcoolique, lesgroupes de parole reposent sur l’im-plication du soignant. Sont présen-tées ici les modalités de la relationd’aide et la pédagogie spécifique àmettre en œuvre. Les proches (fami-liers) peuvent aussi tirer parti de laformidable force intégrative du grou-pe. Nombreux extraits de séance.

GOMEZ (Henri) – Les groupes de paroleen alcoologie. Toulouse, Erès, 2012 –215 p.

Clés pour sortir de l’alcool

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