new ormation des interphasescsidoc.insa-lyon.fr/these/1999/zinck/chap3.pdf · 2004. 10. 25. ·...

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VERRE Si------- Si------- O MATRICE EPOXYDE I/O 73 CHAPITRE III - LES INTERPHASES MATRICE POLYEPOXYDE - FIBRE DE VERRE I. FORMATION DES INTERPHASES I.1. Analogie avec la chimie des matériaux hybrides élaborés par voie sol-gel La chimie du procédé sol-gel met en jeu des réactions d’hydrolyse et de condensation des espèces inorganiques ainsi que les réactions des fonctions portées par le ligand organique si celui-ci possède des groupements réactifs . Les précurseurs sont des composés métallo-organiques du type alcoxyde M(OR) n (où M= Si, Ti, Zr, Al… et OR = OC n H 2n+1 ). La réaction d’hydrolyse au cours de laquelle une molécule d’eau donne naissance à un groupe réactif M-OH en libérant une molécule d’alcool ROH, correspond à la première étape du procédé (Equation 1). Equation 1 Hydrolyse : M-OR + H 2 O M-OH + ROH La formation du réseau minéral (oxo- ou hydroxopolymères) peut avoir lieu par des réactions de polycondensation (oxolation, Equation 2a) et/ou de polyaddition (olation, Equation 2b). Au cours de ces réactions, le groupement hydroxo réactif forme un pont oxo ou hydroxo en éliminant une molécule d’alcool ou d’eau. Equation 2 (a) Oxolation : M-OH + M-OX M-O-M + XOH (X=H ou C n H 2n+1 ) M M O O H H (b) Olation : M-OH + HO-M Il est donc possible, par ce type de procédé, de générer un réseau minéral en présence de composantes organiques, et d’aboutir ainsi à des véritables matériaux hybrides ou nanocomposites organominéraux. Ce type de chimie est proche de celle d’un ensimage complet, qui fait intervenir un organosilane, pouvant conduire lui-même à un composé O/I. De plus, les réactions d’hydrolyse et de condensation se font en présence d’un polymère ou d’un oligomère fonctionnel, l’agent filmogène collant. Il est ainsi possible de reconsidérer les microstructures et morphologies des interphases formées par la présence d’un ensimage pour

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CHAPITRE III - LES INTERPHASES MATRICEPOLYEPOXYDE - FIBRE DE VERRE

I. FORMATION DES INTERPHASES

I.1. Analogie avec la chimie des matériaux hybrides élaborés par voie sol-gelLa chimie du procédé sol-gel met en jeu des réactions d’hydrolyse et de condensation

des espèces inorganiques ainsi que les réactions des fonctions portées par le ligand organique

si celui-ci possède des groupements réactifs �6$1&+(= %$%211($8 �����. Les précurseurs

sont des composés métallo-organiques du type alcoxyde M(OR)n (où M= Si, Ti, Zr, Al… et

OR = OCnH2n+1). La réaction d’hydrolyse au cours de laquelle une molécule d’eau donne

naissance à un groupe réactif M-OH en libérant une molécule d’alcool ROH, correspond à la

première étape du procédé (Equation 1).

Equation 1 Hydrolyse : M-OR + H2O → M-OH + ROH

La formation du réseau minéral (oxo- ou hydroxopolymères) peut avoir lieu par des

réactions de polycondensation (oxolation, Equation 2a) et/ou de polyaddition (olation,

Equation 2b). Au cours de ces réactions, le groupement hydroxo réactif forme un pont oxo ou

hydroxo en éliminant une molécule d’alcool ou d’eau.

Equation 2 (a) Oxolation : M-OH + M-OX → M-O-M + XOH

(X=H ou CnH2n+1)

M M

O

O

H

H

(b) Olation : M-OH + HO-M→

Il est donc possible, par ce type de procédé, de générer un réseau minéral en présence

de composantes organiques, et d’aboutir ainsi à des véritables matériaux hybrides ou

nanocomposites organominéraux. Ce type de chimie est proche de celle d’un ensimage

complet, qui fait intervenir un organosilane, pouvant conduire lui-même à un composé O/I.

De plus, les réactions d’hydrolyse et de condensation se font en présence d’un polymère ou

d’un oligomère fonctionnel, l’agent filmogène collant. Il est ainsi possible de reconsidérer les

microstructures et morphologies des interphases formées par la présence d’un ensimage pour

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des matériaux composites à base de fibres de verre au regard du procédé sol-gel et des

matériaux hybrides qui en sont issus.

I.2. Les interphases polyépoxyde – fibre de verre, un hybride I/O mixteLa structure des interphases dépend essentiellement de la nature chimique de chacun

des constituants, fibre et son traitement de surface et matrice polymère, mais également du

mode de mise en œuvre. Les fibres vierges conduiront ainsi à des interactions physiques à

l'interphase, et seront abordées ultérieurement. Les fibres γ-APS et P122 conduisent à la

formation d'une interphase qui peut, comme nous l’avons souligné, s’apparenter à une phase

hybride inorganique/organique I/O. La classification des matériaux hybrides peut se faire de

trois manières différentes:

(1) en considérant la nature des interactions entre les phases I et O �6$1&+(= �����. On

distingue ainsi les hybrides de classe I dans lesquels les interactions I/O sont des

forces entre atomes non liés (interactions de Van der Waals, liaisons hydrogène…)

et la classe II qui regroupe les systèmes dans lesquels les composantes O et I sont

liées par des liaisons chimiques fortes, covalentes ou ionocovalentes

(2) en considérant les méthodes de synthèse �3$6&$8/7 ����� �

(i) Mise en solution d'un polymère linéaire ou d'un oligomère avec les

monomères alcoxydes. Les réactions d'hydrolyse et de condensation se font

en même temps que l'évaporation du solvant et des produits de réaction

(ii) Polymérisation simultanée des monomères organiques et

inorganiques

(iii) Gonflement d'un réseau polymère par les monomères inorganiques

qui sont ensuite hydrolysés et condensés au sein de la structure organique

préformée

(iv) Préparation au préalable d'un verre inorganique de faible densité par

procédé sol-gel, qui est ensuite imprégné par les comonomères organiques

que l'on polymérise à l'intérieur ou autour de la préforme minérale

(3) En considérant la proportion de chacune des phases �0$, (7 *(5$5' �����. On

distingue ainsi :

(i) les hybrides O/I à concentration majoritaire en composé organique

(ii) les hybrides I/O à concentration majoritaire en composé inorganique

(iii) les hybrides mixtes pour lesquels les concentrations molaires de chaque

phase sont proches

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Si la présence de groupements fonctionnels organiques sur l'agent de couplage conduit

à un hybride de classe II, la classification des interphases d'après les méthodes de synthèse est

beaucoup plus délicate. Le réseau minéral de densité de réticulation variable en surface des

fibres peut en effet conduire à deux types de phénomènes �,6+,'$ ����� :

- la dissolution des couches d'agent de couplage physisorbées dans le mélange

réactif, suivi de la polymérisation des comonomères organiques et de la post-

condensation de la phase inorganique. Cette configuration conduit à un hybride de

la catégorie 2(ii)

- la diffusion des comonomères organiques au sein du réseau organominéral

préformé en surface de la fibre et leur polymérisation. On obtient ici un hybride de

la catégorie 2(iv)

Dans les deux cas, la réaction entre la fonction organique de l'agent de pontage et l'un

des comonomères a également lieu. On obtient ainsi un hybride de composition globale mixte,

présentant un gradient de concentration O/I décroissant de la matrice vers la fibre. L'intensité

de ce gradient dépendra de l'importance des deux phénomènes décrits ci-dessus.

La situation est encore plus complexe dans le cas des fibres ensimées. Le traitement de

surface présente lui-même un caractère hybride, de la catégorie 2(i) ou 2(ii) suivant les

composants de l'ensimage et leur réactivité. On peut supposer que les phénomènes de

dissolution/diffusion se produiront de manière similaire, mais la formation de l'interphase

dépendra également de l'interaction des autres composants de l'ensimage avec le mélange

réactif. /$&5$03( ������ a ainsi montré que la miscibilité de l'agent filmogène collant avec les

comonomères de la matrice joue un rôle prépondérant quant à la structure des zones

interfaciales générées (Figure 1).

FibreMatrice ••••

•••

••

••

•FibreMatrice ••

••

•••

••

••

+

+++

+ +

+

+

+

+

+

+

+ •••

••

•• •

Figure 1 – Types d'interphases pouvant être générées dans les composites polyépoxyde – fibrede verre en fonction de la miscibilité de l'agent filmogène collant avec la matrice époxyde /anhydride – à gauche : interphase continue (agent collant polyuréthane – miscible) ; àdroite : interphase distincte (agent collant polyvinylacétate – non miscible) d’après/$&5$03( ������

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I.3. Diffusion et miscibilitéDiffusion et miscibilité jouent un rôle prépondérant dans la formation des interphases

�,6+,'$ �����. Nous nous limiterons ici à l'agent de pontage γ-APS, puisque (i) la composition

exacte de l'ensimage P122 ne nous a pas été fournie et (ii) la littérature est très pauvre sur ce

sujet. Les paramètres gouvernant la diffusion des monomères dans le réseau organosilane

d'une part, et la miscibilité du silane dans les comonomères d'autre part (dissolution des

couches physisorbées) sont la viscosité du mélange réactif et le degré de condensation du

réseau organosilane �&8//(5 ����� +2+ ���������� 6$/021 �����.

Ces études ont été réalisées sur des composés modèles. Toute tentative de

reproductibilité à la configuration in-situ est rendue délicate par le degré de condensation du

réseau organominéral modèle généralement différent de celui en surface de la fibre, qui

présente un gradient de densité de réticulation. :$1* -21(6 ������ ont néanmoins mis en

évidence par spectroscopie d'ions de masse secondaire (SIMS) sur composé modèle verre

traité γ-APS – prépolymère époxyde deux zones, l'une riche en silane, la seconde riche en

composé organique, confirmant ainsi l'existence des phénomènes de dissolution/diffusion.

L'absence de durcisseur ne permet pas encore une fois de reproduire la situation réelle.

I.4. Réactions à l'interphaseLes études des différentes réactions pouvant avoir lieu à l'interphase fibre/matrice ont

également été réalisées sur composés modèles et la majorité d’entre elles ne considèrent que

des mélanges prépolymère époxyde – agent de couplage, en l'absence de durcisseur. Il est

possible de distinguer les travaux dans lesquels le monomère γ-APS est mélangé avec le

prépolymère époxyde de ceux qui étudient la diffusion du prépolymère / monomère organique

au sein du réseau organominéral préformé et les réactions consécutives. Dans cette dernière

configuration, qui est la plus représentative de la zone de l'interphase proche de la fibre, les

résultats dépendent essentiellement du degré de réticulation du réseau organominéral et donc

des conditions de mise en œuvre de celui-ci. 6$/021 ������ démontre ainsi qu'il n'y a pas de

diffusion du prépolymère époxyde au sein du dépôt γ-APS, donc pas de réaction, alors que

&8//(5 ������ observe par infrarouge une diminution de la bande oxirane à 915 cm-1 variant

de 40 à 90% selon les conditions de mise en œuvre du réseau organosilane.

La seconde démarche, qui consiste mélanger les deux monomères, peut être considérée

comme représentative dans une certaine mesure des réactions des oligomères silane dissous

dans le mélange réactif. Bien que la représentativité de l'approche soit remise en question de

part l'absence de durcisseur, mais également par le degré de condensation des oligomères

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dissous probablement différent de celui du monomère silane modèle, ce type d'étude conduit à

des résultats intéressants quant à la compétition entre les différentes réactions possibles:

- condensation des silanes

- polymérisation des comonomères

- réaction d’un ou plusieurs groupements fonctionnels du silane avec les

comonomères ou les produits de réaction

6(5,(5 ������ a ainsi montré sur un système DGEBA et phényl diglycidyl éther (PGE)

/ γ-APS à basse température que les réactions groupement organique fonctionnel du silane –

monomère époxyde ne sont pas influencées par les réactions de condensation du silane. Les

fonctions amine primaire du γ-APS sont plus réactives que celles d'une amine aliphatique

similaire, l'hexylamine. L'oxydation de la fonction amine primaire du γ-APS en imine

(présentée au cours du chapitre 2) est beaucoup plus rapide que la réaction amine – DGEBA à

une température de 120°C �&8//(5 �����, conduisant à une diminution des liaisons entre les

phases I et O.

Dans le cas des systèmes époxyde-anhydride, la littérature propose des études incluant

l'effet du durcisseur, et de la modification de la cinétique de réaction au voisinage de

l'interphase. 21'586 (7 $/� ������ observent ainsi la présence de groupements fonctionnels

amide et imide, ainsi des fonctions anhydride résiduelles. La formation d'imide est néanmoins

limitée lorsque l’accélérateur est de type amine tertiaire. L'amide résulterait de la réaction

anhydride - γ-APS. Ces phénomènes modifient le déroulement de la réaction au voisinage de

l'interphase, où la stœchiométrie n'est plus respectée. /$&5$03( ������ a ainsi montré que les

ensimages à base de prépolymère DGEBA modifient le rapport molaire du système réactif

DGEBA/MTHPA/méthylimidazole au voisinage de l’interface, et par conséquent l'apparition

de la vitrification.

I.5. Les fibres non ensiméesDans ce cas de figure, les interactions sont de type physiques à l'interphase et les

couches d'eau physisorbées en surface de la fibre vont jouer un rôle important. 9$1 0(/(

������ a ainsi montré que la température de transition vitreuse et le degré de réticulation final

d'un système époxyde – anhydride sont plus faibles au voisinage de l'interphase. Par contre,

les couches d'eau physisorbées n'influent pas de manière notable la polycondensation époxyde

– amine. L'eau joue en effet le rôle de catalyseur lors de cette polycondensation, alors qu'il

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s'agit d'un poison de la polymérisation époxyde – anhydride. D’autre part, des phénomènes de

ségrégation ont été mis en évidence sur un système modèle époxyde/amine - wafer de silicium

(et donc SiO2) par 7$1 (7 $/� ������. Un enrichissement en fonctions époxyde est observé au

voisinage de la surface qui peut conduire à une zone de propriétés différentes de celle de la

matrice en masse.

I.6. ConclusionLa structure exacte des interphases générées entre les fibres de verre et une matrice

polyépoxyde reste mal connue. Les analyses in-situ sont en effet délicates à réaliser, en raison

des faibles dimensions inhérentes à cette phase, et il convient de rester prudent quant à la

reproductibilité des approches sur composés modèles. La modification du rapport

stœchiométrique de la matrice au voisinage de la fibre résultant des interactions spécifiques

entre la surface et l’un des comonomères conduit néanmoins à des propriétés différentes de

celle du réseau en masse. Les couches d’eau physisorbées en surface des fibres peuvent en

effet influencer la chimie de polymérisation. Le traitement de surface appliqué aux fibres de

verre utilisées pour la mise en œuvre des matériaux composites conduit à la formation d'un

composé hybride à gradient de proportion I/O, mais il est difficile de conclure quant à la

structure exacte de ce type d’interphase, en raison de la grande sensibilité aux conditions de

mise en œuvre, mais également l’intervention simultanée de nombreuses réactions possibles.

La planche 1 propose une représentation schématique des différents types

d’interphases considérées dans cette étude, à la lumière des considérations de la littérature.

II. PROPRIETES DES INTERPHASES FORMEESLes propriétés mécaniques et/ou physiques des interphases sont difficilement

accessibles expérimentalement et la plupart des données sont obtenues à partir de composés

modèles ou issues de la modélisation de la réponse mécanique de composites unidirectionnels.

02866$:, ������ a ainsi montré qu'une quantité croissante de silane ou d'ensimage compatible

époxyde dans un mélange ensimage/époxyde diminue la température de transition vitreuse et

la ténacité et en augmente le module. De nombreux auteurs ont essayé de caractériser

l'interphase par viscoélasticimétrie. Malheureusement, s’il est possible de distinguer la

relaxation de l'interphase dans le cas d'agents filmogènes collants différents de la matrice

polyépoxyde (polyuréthannes ou polyvinyl acétate, /$&5$03( ����), les composites

polyépoxydes à base de fibres présentant un ensimage commercial compatible polyépoxyde

ne présentent pas de relaxation additionnelle �7+20$621 �����.

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L'application de la microscopie à force atomique (AFM) à l'étude des interphases

présente un champ d'investigation prometteur. 0$, ������ a ainsi montré en mode de

modulation de force que la variation des propriétés de la fibre vers la matrice diffère selon que

la fibre est ensimée ou non. Il est ainsi possible de distinguer un gradient linéaire dans le cas

d'une fibre ensimée, alors qu'une interphase à propriétés constantes est observée pour des

fibres non traitées (Figure 2).

Figure 2 – Représentation schématique des propriétés des interphases polyépoxyde – fibre deverre non traitée (en haut) et ensimée (en bas) obtenue par AFM en modulation de forced’après 0$, ������

Traitement thermique Tα (°C) à 11 Hz Module caoutchoutique (MPa)72h à 40°C 33 10

1h à 100°C et 2h à 120°C 35 6,31h à 100°C, 2h à 120°C et 72h à 160°C 240 130

Tableau 1 – Température de transition mécanique principale et module au plateaucaoutchoutique à 11 Hz d’un système DGEBA/γ-APS ayant subi différents traitementsthermiques

Nous avons également choisi de présenter les résultats de 6(5,(5 ������ sur un système

DGEBA/γ-APS modélisant une interphase afin d’insister sur l’influence des conditions de

mise en œuvre sur les propriétés finales. La température de transition vitreuse du même

composé modèle peut varier de 30 à 240°C en fonction du traitement thermique appliqué.

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III. DEGRADATION HYDROLYTIQUE DES INTERPHASESSi beaucoup d’auteurs se sont penchés sur la stabilité hydrolytique du réseau

organominéral en surface des fibres, l’étude de la dégradation hydrolytique des interphases

n’a fait l’objet que de peu d’études systématiques. Il est possible de distinguer trois types

d’approches :

- l’approche globale, qui consiste à étudier le composite dans toute sa complexité, et

à utiliser les ressources de la modélisation mécanique pour extraire la contribution

de l’interphase in-situ à la réponse du matériau et l’évolution de cette contribution

au cours du vieillissement hydrothermique. Cette approche a l’avantage du

réalisme, puisqu’elle est réalisée directement sur le matériau composite.

Cependant, l’interaction de l’environnement avec les zones interfaciales sera

appréhendée de manière grossière, et les mécanismes de dégradation ne pourront

être clairement identifiés.

- L'approche micromécanique, qui permet d'étudier la dégradation des interphases en

s'affranchissant des paramètres structuraux des composites multifilamentaires.

- L’utilisation de composés macroscopiques modèles, représentatifs de l’interphase.

Cette approche permet de mettre en évidence de manière directe les interactions

entre environnement et les zones interfaciales, mais pose le problème de la

représentativité du modèle

III.1. Etudes in-situ

Les premiers travaux portant sur la caractérisation mécanique du vieillissement

hydrothermique de matériaux composites mettent l’accent sur la chute globale des propriétés

mécaniques : module et grandeurs à rupture en traction, compression et cisaillement

�.$(/%/( ����� 6+(1 ����$�%� -21(6 ������ -21(6 (7 $/� ������ montrent ainsi que la résistance

en cisaillement interlaminaire ainsi que la traction à ± 45° sont plus sensibles à l’évolution des

propriétés en environnement hydrothermique que la caractérisation du composite dans l’axe

des fibres. Ces auteurs parviennent ainsi à distinguer différents comportements suivant la

nature de la fibre de renfort (verre, carbone ou aramide), mais également en fonction de la

sévérité des conditions de vieillissement (humidité et température).

L’influence de nature des interphases sur l’évolution des propriétés mécaniques a été

abordée par 7+20$621 ������ et 3$:621 ������ en utilisant différents types de fibres de verre

et/ou traitements de surface (Tableau 2). La dégradation des propriétés interfaciales pour les

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composites polyépoxyde/fibres de verre est de l’ordre de 10% en moyenne après

vieillissement. Il est possible de distinguer l’influence de certains traitements de surface sur

les valeurs absolues du cisaillement interlaminaire. La nature de l’agent de couplage utilisé (γ-

APS / γ-GPS) a des conséquences à la fois sur les propriétés à l’état initial et sur la

dégradation hydrothermique. Les composites testés présentent une fraction volumique de

porosité du même ordre de grandeur, alors que cette donnée n’est pas précisée dans l’étude de

3$:621 ������. Il est important de connaître, voire de contrôler les paramètres structuraux des

matériaux composites, puisque la valeur du cisaillement interlaminaire peut varier de 10 MPa

par pourcent de porosité suivant les systèmes �7+20$621 �����, ce qui peut conduire à des

interprétations erronées quant à l’influence de la nature des interphases.

Fibres Vp (%) CIL in.(MPa)

CIL v.(MPa)

Ref.

Verre E 2009 Tex Comp. Epoxy 1,0 96 83Verre E 2400 Tex Comp. UP/Epoxy (*) 0,9 92 85

Verre E 2400 Tex Comp. multi 1,2 84 75Verre ECR 2400 Tex Comp. UP/Epoxy 0,8 75 69

Verre E 2400 Tex Comp. Epoxy 0,7 79 70Verre E 2400 Tex Comp. Epoxy

avec γ-APS0,8 79 70 7+20$621

Verre E 2400 Tex Comp. Epoxyavec γ-GPS

0,8 62 34

(*) extraction acétone 0,5 88 79(*) traitement thermique 200°C 0,9 90 73(*) traitement thermique 500°C 0,7 56 13

Verre AR – Sans agent de pontage - 38 26Verre AR - γ-APS - 41 32 3$:621

Verre AR – Vinyltriéthoxysilane - 51 29Verre E – Compatible epoxy/UP - 51 32

Tableau 2 – Influence de la nature des interphases sur l’évolution des propriétés mécaniquesaprès vieillissement hydrothermique – Vp fraction volumique de porosité, Cisaillementinterlaminaire (CIL) à l’état initial (in.) et vieilli (v.) de composites époxyde/fibres de verre -Vf 65%, exposition 48h dans l’eau à 100°C �7+20$621 ����� et vinylester/fibres de verre - Vf

non précisé – exposition dans l’eau à 50°C jusqu’à l’équilibre �3$:621 ����� – Essais deflexion trois-points pour un rapport distance entre appuis sur épaisseur de 5 �7+20$621� et3,75 �3$:621�

Si l’influence du traitement de surface des fibres sur le cisaillement interlaminaire des

composites vinylester/fibres de verre peut être caractérisé à l’état initial, la valeur après

vieillissement est du même ordre de grandeur pour tous les systèmes. La dégradation des

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propriétés interfaciales est plus importante pour ces systèmes, mais la comparaison est rendue

délicate par la différence entre les conditions de vieillissement. Une durée de 48h même à

100°C �7+20$621 ����� ne conduit probablement pas à l’équilibre de sorption, si équilibre il

y a, et pourrait expliquer la faible chute des propriétés interfaciales des composites époxyde /

fibres de verre. 0$520 ������ souligne ainsi la complexité de l’effet de l’eau sur la résistance

au délaminage des composites. Les processus de dégradation sont nombreux et dépendent de

la cinétique de sorption. Les essais présentés ne permettent de mettre en évidence que l’effet

global de l’absorption d’eau. La libération des contraintes résiduelles, et la plastification du

système sont caractéristiques des mécanismes survenant à court terme, alors que les

dégradations de type chimique n’interviennent qu’à long terme. Il est donc essentiel de bien

caractériser l’état hydrothermique du matériau avant caractérisation.

'$9,(6 (7 $/� ������ ont étudié l’évolution du cisaillement interlaminaire et du taux de

restitution d’énergie élastique en mode II de composites époxyde/fibre de verre en fonction du

temps de vieillissement, mais également selon la sévérité des conditions d’exposition. Les

résultats de cette étude sont présentés sur la Figure 3. La chute initiale du cisaillement

interlaminaire est suivie d’un plateau. Ces résultats sont en accord avec les travaux de

.$(/%/( ������. Les prises de masse inférieures à 1% ont peu d’influence sur la valeur du

cisaillement interlaminaire, et la dégradation finale est de l’ordre de 25%. Le taux de

restitution d’énergie élastique en mode II présente une évolution différente, puisque la prise

de masse ne suffit plus à expliquer les variations observées. 0$520 ������ montre également

que l’effet de l’eau à court terme est d’augmenter la résistance au délaminage, alors qu’à long

terme, la dégradation est prépondérante. L’évolution à court terme est attribuée

essentiellement à la plastification de la matrice.

Les principales difficultés rencontrées sont ainsi les paramètres structuraux des

composites, qui rendent l’interprétation délicate, ainsi que l’effet complexe de l’eau qui

dépend des conditions de vieillissement. Comment, dans ces conditions, extraire la

contribution des interphases ?

Les analyses fractographiques post-mortem apportent des informations pertinentes

(0$520 ����� '$9,(6 ����) et permettent aux auteurs d’attribuer certaines évolutions à la

dégradation des zones interfaciales. D’autre part, la caractérisation des modules élastiques n’a

fait l’objet que de peu de travaux, et son interprétation peut être facilitée dans notre cas

puisque l’effet de plastification sur la valeur des modules des matrices est négligeable.

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Figure 3 – Evolution du cisaillement interlaminaire de composites époxyde / fibres de verreen fonction du temps d’exposition (en haut, à gauche) et de la prise de masse (en haut, àdroite) – Evolution du taux de restitution d’énergie élastique en mode II en fonction de laprise de masse (en bas) - Vieillissement à température ambiante (RT), 50 et 70°C en eaudistillée (DW) et en eau de mer (SW)

III.2. Approche micromécanique

L’approche micromécanique (Figure 4) est généralement utilisée comme guide au

développement de traitements de surface des fibres visant à améliorer l'adhésion interfaciale.

Son application à l’étude de la dégradation hydrothermique des interphases est moins

répandue.

Nous nous limiterons ici au cas des microcomposites (fragmentation – déchaussement)

pour lesquels il est possible de distinguer deux types d’approches :

- la caractérisation de l’influence du traitement de surface de la fibre sur la

résistance de l’interphase au vieillissement hydrothermique

- l’évolution des propriétés interfaciales d’un même système au cours du temps de

vieillissement

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Figure 4 – Différents types de sollicitation micromécanique : déchaussement (configurationde la microgoutte), fragmentation et indentation

0& '2128*+ ������ parvient ainsi à caractériser l’influence de l’agent de pontage sur

la résistance hydrolytique de l’interphase de système triéthylène glycol diméthacrylate – 2,2-

bis[p-(2’-hydroxy-3’-méthacryloxypropoxyphenyl)]propane / fibre de verre (Tableau 3).

L’évolution des propriétés interfaciales au cours du temps de vieillissement sur un même

système époxyde/fibre de verre a été abordée par déchaussement classique �(0$',3285 �����

.2(1,* ����� et microgoutte �*$85 ����������. La dégradation initiale importante des

propriétés, de l’ordre de 50 à 70% selon les systèmes, est généralement suivie par un plateau

ou pseudo-plateau. L’interprétation des mécanismes de dégradation selon le temps de

vieillissement est similaire à celle évoquée au paragraphe précédent : diminution des

contraintes résiduelles et plastification du système sont caractéristiques des mécanismes

survenant à court terme, alors que les dégradations de type chimique n’interviennent qu’à

long terme.

Agent depontage

Contrainte de cisaillementmoyenne (MPa) – Etat initial

Contrainte de cisaillementmoyenne (MPa) - Etat vieilli

- 15 19MPTMS 34 18MDTMS 35 30

Tableau 3 – Influence du vieillissement hydrothermique sur la contrainte de cisaillementmoyenne d’un système méthacrylate / fibres de verre non traitées, traitées par le 3-méthacryloxypropyltriméthoxysilane (MPTMS) et par le 10-méthacryloxydecyltriméthoxy-silane – Traitement hydrothermique : 24h à 60°C en eau distillée et 21h à 60°C sous vided’après 0&'2128*+ ������

VERRE

Si-------

Si-------

O MATRICEEPOXYDE

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De la même manière, :$*1(5 ������ (7 6&+877( ������ étudient la dégradation d’un

même système polyépoxyde/fibre de verre au cours du temps de vieillissement par

fragmentation� 6&+877( ������ a montré en comparant des systèmes vieillis d’une part en

atmosphère humide et en température, et uniquement en température d’autre part, que la

dégradation de l’interphase est principalement due à l’effet de l’humidité. *$85 ������

parvient aux mêmes conclusions pour la configuration de la microgoutte. ',%(1('(772 (7

$/� ������ ont étudié l’influence de l’agent de pontage sur la résistance des interphases

époxyde/fibre de verre (Tableau 3). L’étude du caractère irréversible de la dégradation par

séchage avant sollicitation, qui permet de s’affranchir de la plastification de la matrice,

montre que les propriétés ne sont que partiellement recouvrées lorsque la fibre est traitée par

un agent de pontage, alors que la dégradation est totalement réversible dans le cas de fibres

non traitées.

Agent de pontageTraitement hydrothermique- γ-APS AAPS PAPS

τ initial (MPa) 58 66 63 69τ après 2h dans l’eau à 100°C (MPa)37 45 49 44τ après 24h dans l’eau à 100°C et 24h

à 100°C sous vide (MPa)59 61 56 55

Tableau 4 – Influence de l’agent de pontage sur la résistance hydrolytique de l’interphasefibre de verre / matrice polyépoxyde mesurée par fragmentation – AAPS γ-(-aminoéthylamino) propyltriméthoxysilane, PAPS γ-(phénylamino) propyl triméthoxysilaned’après ',%(1('(772 ������

On trouve dans l’ensemble peu d’études systématiques. L’approche micromécanique

permet cependant une mise en évidence directe de l’influence du traitement de surface sur la

résistance des interphases polyépoxyde/fibre de verre au vieillissement hydrothermique.

L’influence du type de matrice sur la résistance de l’interphase n’a à notre connaissance pas

été étudiée, et la reproductibilité des résultats obtenus à l’échelle macroscopique n’a été

abordée que dans le cas de systèmes époxyde/fibre de carbone par éléments finis ($0(5 ����).

Ces auteurs ont montré que les microcomposites peuvent être utilisés pour décrire la

dégradation de composites macroscopiques lorsque celle-ci est de type mécanique.

III.3. Etudes sur composés modèles des zones interfaciales

6$/021 ������ a étudié la stabilité hydrothermique des interphases en les modélisant

par une couche de γ-APS pure et une couche de copolymère γ-APS/DGEBA. Après avoir mis

VERRE

Si-------

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O MATRICEEPOXYDE

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en lumière la grande stabilité de la couche d'agent de couplage liée au verre, 6$/021 a relié la

stabilité hydrothermique des condensats à la quantité w0 d'eau absorbée à l'équilibre par

diffusion. Suivant la valeur de cette grandeur, l'interphase pourra s'hydrolyser (w0 grand) ou

se condenser (w0 petit). La couche DGEBA/γ-APS présente une valeur de w0

considérablement plus faible que celle de γ-APS pure, si bien que l'évolution due à

l'exposition en environnement humide des deux couches doit être opposée au sein du

composite. La couche DGEBA/γ-APS évoluera dans le sens de la condensation alors que celle

d'agent de couplage pure évoluera dans le sens de l'hydrolyse. Ainsi, la stabilité

hydrothermique de l'interphase au sein du composite dépendra de la présence ou non d'une

couche d'agent de pontage seule au sein de l'interphase. La condensation du système

époxyde/agent de pontage après vieillissement hydrothermique a également été observée par

6(5,(5������ et +2+ (7 $/� �����������. Ces derniers ont montré que l'absorption d'eau de ces

composés modèles était dépendante de la proportion de silane, rejoignant ainsi les

observations de 6$/021 ������, mais également de son degré d'hydrolyse.

IV. JUSTIFICATION DE L 'APPROCHE RETENUESi les études sur des réseaux macroscopiques modèles de la chimie de l’interphase

parviennent à des résultats intéressants quant aux propriétés et mécanismes de dégradation

possibles des interphases, le problème de la représentativité des composés d’une couche

confinée à l’interphase fibre/matrice reste posé. 6$/021 ������ rencontre ainsi des difficultés

à reproduire les résultats obtenus sur composés modèles des interphases à l’échelle du

composite unidirectionnel et souligne que la structure exacte des interphases fibre de verre -

matrice polyépoxyde est toujours méconnue et dépend de manière importante des conditions

de mise en œuvre et de la nature des différents composants. Le gradient de structure et de

proportion I/O caractéristique des interphases n'est pas pris en compte par les études sur

composés modèles.

Les études réalisées directement sur matériaux composites ont le mérite d'être

réalistes. Elles nécessitent cependant des moyens de mise en œuvre lourds et l’influence de la

nature des composants sur la résistance hydrothermique des interphases est souvent déduite

d'une interprétation de tests mécaniques englobant les paramètres structuraux des composites.

L'approche micromécanique semble être un bon compromis entre ces deux types de

démarches, et présente un intérêt industriel considérable pour des études de choix de

matériaux. Les dimensions des microcomposites, de l’ordre de 100 µm pour une microgoutte

VERRE

Si-------

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par exemple, permettent en effet d’envisager des études de vieillissement sur une échelle de

temps très courte par rapport au vieillissement hydrothermique de matériaux composites. La

durée de l’exposition peut ainsi être réduite de quelques mois pour les composites

unidirectionnels à quelques heures sur microcomposite, et pourrait permettre une accélération

des phénomènes de dégradation et ainsi une réaction beaucoup plus rapide pour le choix de

nouvelles fournitures pour les tuyauteries composites. Cette utilisation de l’approche

micromécanique est envisageable dès lors que les tendances dégagées sur microcomposites

sont représentatives de l’échelle macroscopique. La sollicitation mécanique n’est en effet pas

la même et les conditions de vieillissement sont sévères sur microcomposite où l’interphase

est plus directement exposée. De plus, l’application de cette démarche à l’étude du

vieillissement hydrothermique des interphases n’a jamais été réalisée de manière

systématique, et notamment sur différents types de matrices.

La démarche que nous exposerons tout au long de cet ouvrage se situe à l’interface

entre les approches sur composites unidirectionnels et microcomposites. Nous proposons dans

un premier temps de caractériser la résistance hydrothermique des interphases in-situ.

L’aptitude de cette approche sur composites unidirectionnels à dégager l’influence de la

nature des composants pourra ainsi être appréciée. Les résultats obtenus à l’échelle

mésoscopique serviront de base pour la suite de l’étude où les phénomènes de dégradation des

interphases seront abordés de manière plus fine par le biais de microcomposites. La

pertinence de cette démarche et son aptitude à la caractérisation des phénomènes de

dégradation des interphases sera ensuite discutée au travers d'une tentative de corrélation

micro-macro qui aboutira aux potentialités industrielles d’une telle approche. La Figure 5

permet de situer la démarche proposée. Le terme macroscopique se rapportera à l'échelle du

composite unidirectionnel dans la suite de l'étude.

Meso10 cm

Micro100 µm

Macro1m

Composémodèle

Figure 5 – Différentes échelles pour la caractérisation du vieillissement hydrothermique desinterphases fibre/matrice