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Bouquet Maëlle– «La défense et l’insertion sociale et professionnelle des jeunes » - Juillet 2012 1 Observatoire du Management Alternatif Alternative Management Observatory __ Cahier de recherche La Défense et l’insertion sociale et professionnelle des jeunes « Si la jeunesse a froid, le monde claque des dents » Georges Bernanos Bouquet Maëlle Juillet 2012 Majeure Alternative Management – HEC Paris 2011-2012

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Bouquet Maëlle– «La défense et l’insertion sociale et professionnelle des jeunes » - Juillet 2012

1

Observatoire du Management Alternatif Alternative Management Observatory

__

Cahier de recherche

La Défense et l’insertion sociale et professionnelle des jeunes

« Si la jeunesse a froid, le monde claque des dents »

Georges Bernanos

Bouquet Maëlle Juillet 2012

Majeure Alternative Management – HEC Paris 2011-2012

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La Défense et l’insertion sociale et professionnelle des jeunes

Ce cahier de recherche a été réalisé sous la forme initiale d’un mémoire de recherche dans le cadre de la Majeure Alternative Management, spécialité de troisième année du programme Grande Ecole d’HEC Paris. Il a été dirigé par Denis Bourgeois, Professeur à HEC Paris, co-Responsable de la Majeure Alternative Management et soutenu en présence de Denis Bourgeois et Xavier Boute.

Résumé : Ce mémoire tente d’étudier et de mettre en lumière le rôle de la Défense dans l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Si ce n’est pas son rôle premier, la Défense insère néanmoins des jeunes en difficulté par l’Armée de Terre et par des dispositifs particuliers : l’EPIDE (établissement public d’insertion de défense) et le SMA (service militaire adapté). En quoi les savoir-faire militaires permettent aux armées de se préoccuper de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes déscolarisés, sans formation et en voie de désocialisation ? Comment répondent-ils aux attentes de ces jeunes ? Quels sont les facteurs qui font la réussite de ces dispositifs ?

Mots-clés : Cadre militaire, Défense, Insertion, Jeunesse The Army and the social and professional insertion of young

people This research was originally presented as a research essay within the framework of the “Alternative Management” specialization of the third-year HEC Paris business school program. The essay has been supervised by Denis Bourgeois (Professor in HEC Paris) and delivered on in the presence of Xavier Boute Abstract : This essay focuses on the contribution of the French Army to the social and professional insertion of young people. Although it is not its primary function, the Army nevertheless recruits and trains young people who would otherwise have trouble finding jobs and inserts others via special organisations (the EPIDE-Military Insertion schools- and the SMA-adapted military service). How does the Army’s special competencies enable it to take care of young left-outs and guide them to social and professional success? How does it answer these young people’s expectations? What are the key factors that make these organizations succeed? Key words : Army, Insertion, Military, Youth

Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/ pour promouvoir l'égalité de partage des ressources intellectuelles et le libre accès aux connaissances. L'exactitude, la fiabilité et la validité des renseignements ou opinions diffusés par l'Observatoire du Management Alternatif relèvent de la responsabilité exclusive de leurs auteurs.

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Remerciements

Je remercie tout d’abord mon tuteur, Denis Bourgeois pour m’avoir accompagnée et

guidée tout au long de ce mémoire. Un grand merci à Xavier Boute, pour le temps accordé à

discuter du sujet, pour sa disponibilité et sa présence dans le jury de soutenance.

Tous mes remerciements à Jean-François Arnaud grâce à qui j’ai pu rencontrer le Général

Philippe Levé, à qui j’adresse toute ma gratitude car il m’a permis de rencontrer toutes les

personnes interviewées lors de l’étude terrain. Je tiens également à remercier toutes ces

personnes qui m’ont reçue et apporté leurs précieux témoignages.

Je remercie vivement Damien dont l’expérience m’a inspirée ce sujet de mémoire. Enfin,

un immense merci à mes parents, Damien, Camille et Marion pour leur présence et leur

soutien tout au long de ce travail.

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Table des matières

Introduction.............................................................................................................................. 5

Partie 1. Cadrage de l’étude : populations, institutions et dispositifs étudiés ................ 7 1.1. L’insertion sociale et professionnelle des jeunes : tentative de définition ............ 7

1.1.1. Définition de l’insertion sociale d’après la théorie................................................ 8 1.1.2. Définition de l’insertion professionnelle d’après les apports de la théorie. .......... 9 1.1.3. Les facteurs qui influent sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes .... 12

1.2. La situation de la jeunesse en France..................................................................... 14 1.2.1. Les défis auxquels doivent faire face les jeunes aujourd’hui en France.............. 14 1.2.2. Le profil des jeunes en insertion.......................................................................... 19 1.2.3. Une multitude d’acteurs mobilisés pour répondre à la question de l’insertion socio-professionnelle des jeunes...................................................................................... 21 1.2.4. Les attentes de ces jeunes .................................................................................... 22

1.3. L’Armée de Terre et les dispositifs du Plan Egalité des Chances dans le paysage de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en France........................................ 23

1.3.1. L’Armée de Terre comme seconde chance ......................................................... 23 1.3.2. Les modalités du recrutement des militaires du rang .......................................... 27

Partie 2. Résultats, analyses et limites observées ............................................................ 34 2.1. Méthodologie ............................................................................................................... 34 2.2 Le Plan Egalité des Chances, l’EPIDE et le SMA mettent en exergue le rôle social des armées. .......................................................................................................................... 38

2.2.1 La vocation sociale des armées............................................................................... 38 2.2.2. Le Plan Egalité des Chances .................................................................................. 44 2.2.3. L’EPIDE (Etablissement Public d’Insertion de la Défense) .................................. 47 2.2.4 Le SMA (Service Militaire Adapté)........................................................................ 54

2.3. Des spécificités et une pédagogie militaire qui permettent une insertion sociale et professionnelle réussie ....................................................................................................... 59

2.3.1 Des spécificités communes à tous les dispositifs : Armée de Terre, SMA, EPIDE 59 2.3.2 L’EPIDE et le SMA : une insertion réussie grâce à l’association permanente de la formation comportementale et de la formation professionnelle ...................................... 69

2.4. Les limites observées de ce modèle d’insertion sociale et professionnelle ............. 74 2.4.1. Un modèle qui agit à faible échelle........................................................................ 74 2.4.2 La politique de restructuration des armées : un frein à ce modèle d’insertion ?..... 76 2.4.3. Un modèle transposable ? ...................................................................................... 77 2.4.4. La baisse de la qualité des recrutements : un impact négatif sur les reconversions.......................................................................................................................................... 77 2.4.5. Des jeunes pris en charge tardivement................................................................... 78

Conclusion............................................................................................................................... 79

Bibliographie .......................................................................................................................... 82

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Introduction

Aujourd’hui, la vision que nous avons du rôle de l’Armée, et qui est essentiellement

transmise par les médias, est celle de son rôle à l’extérieur du territoire, de ses actions en

Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Libye. Son rôle semble limité à celui des Opérations

Extérieures de maintien de la Paix. Nous pouvons donc avoir le sentiment que les soldats

n’ont pour vocation que de combattre des forces ennemies au-delà de nos frontières, et que

leur temps dans les bataillons n’a pour visée que de les former physiquement et

techniquement au combat. D’autre part, avec la baisse des effectifs et la fermeture de

nombreux régiments, le lien entre les armées et le monde civil a eu tendance à se déliter.

Avant d’intégrer HEC, un séminaire de rentrée de deux semaines est proposé à Saint-Cyr,

l’école des officiers. Lors de la période des projets opérationnels de la Majeure Alternative

Management, nous avons eu l’occasion d’assister à une séance de « gestion de groupe » à

l’Ecole militaire, animée par le commandant Xavier Boute. Il y a donc des liens qui se tissent

entre les milieux militaires et civils ce qui montre que l’une des plus vieilles institutions du

monde a des enseignements à apporter au monde privé. Cependant, les liens et savoir-faire

transmis sont plus souvent sur des questions de leadership, de management, de gestion

d’équipe et de groupe. Sur les questions sociales, les liens entre le monde militaire et le

monde civil semblent moins forts.

Autant le rôle de l’Armée ne s’est pas invité dans la récente campagne présidentielle (outre

la question du retrait des troupes en Afghanistan), autant les questions de chômage, de

société, de crise, de formation des jeunes, d’insertion dans la vie professionnelle, de perte de

repères, de cadre, etc. ont été des sujets largement abordés par les candidats dans la période de

« crise généralisée », tant économique que sociale que nous vivons actuellement.

« En ce temps et en ce pays divisés, n'y a-t-il pas là, du moins, un vaste terrain où

peuvent s'efforcer en commun, sans acception de confessions religieuses, d'écoles

philosophiques, ni de partis politiques, tous ceux qui ont le même souci de ses destinées,

la même lassitude des formules, le même sentiment des devoirs sociaux imposés par une

culture privilégiée ? »

Cette question semble très actuelle, pourtant elle a été posée en 1891 par le Maréchal

Lyautey dans son ouvrage intitulé Le rôle social de l’officier. En effet, même si les sujets de

management, d’information, de soutien à l’économie et à la technologie par le développement

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de techniques et d’armes sont largement abordés, celui de la formation, de l’insertion

professionnelle et de la réinsertion semblent être des thèmes plus méconnus et pourtant faisant

partie pleinement des missions de l’Armée.

C’est ce que nous montre dans son introduction le rapport du Sénat intitulé La Défense et

l'insertion des jeunes : le Service militaire adapté et le dispositif « Défense deuxième chance »

« Apprendre à réussir » - 2007-2008

« Si l'insertion des jeunes en difficulté n'est pas la vocation première des armées,

force est de constater que pendant des années le service national a eu un rôle important

permettant de repérer les difficultés des appelés, leur offrant la possibilité d'une remise

à niveau, voire de l'acquisition d'une formation professionnelle, « agrémentée » de

l'obtention d'un permis de conduire. En outre, un fort brassage social des jeunes gens

de même génération existait même s'il est vrai qu'il s'érodait au fil des années. Pendant

de nombreuses années, les armées ont donc été un instrument unique d'observation et

d'évaluation sociale. Lorsque la suspension de la conscription a été décidée, de

nombreuses voix ont alerté les autorités pour rappeler que le signalement des jeunes en

difficulté et la lutte contre l'illettrisme en souffriraient.

La fonction sociale d'insertion des armées ne s'est finalement pas démentie avec la

suspension du service militaire. Il convient de rappeler d'ailleurs qu'elle existait déjà et

que de nombreux protocoles d'accord interministériels avec le ministère du Travail se

sont succédés, reconnaissant cette compétence particulière des militaires. Citons ainsi

en 1986 un protocole d'accord concernant l'illettrisme et en 1988 un protocole d'accord

pour la coopération avec les missions locales d'insertion. »

Si l’Armée participe à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, nous pouvons nous

demander comment et pourquoi. Quels sont les profils des jeunes qu’elle insère ? Quelles sont

les spécificités et les compétences des armées permettant d’aider et de participer à l’insertion

sociale et professionnelle des jeunes ? Quelle est la place de la Défense au sein du paysage

social français et des autres organismes d’insertion et de formation professionnelle ?

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Partie 1. Cadrage de l’étude : populations,

institutions et dispositifs étudiés

Nous nous intéressons dans cette étude à la façon dont certains dispositifs de la Défense

permettent l’insertion sociale et professionnelle d’une partie de la jeunesse française et

d’Outre-Mer. Avant d’étudier plus précisément comment la Défense et l’institution militaire,

de part leurs spécificités participent à un certain modèle d’insertion socio-professionnelle de

ces jeunes, il semble important de s’intéresser à ce qu’on entend par « insertion sociale et

professionnelle », de définir les jeunes auxquels nous nous intéressons, et de dresser un

portrait de l’Armée de Terre, du Service Militaire Adapté et du Plan Egalité des Chances,

dispositifs répondant à l’enjeux étudié.

1.1. L’insertion sociale et professionnelle des jeunes :

tentative de définition

L’insertion est devenue un sujet sociétal, économique et politique, qui a émergé à la suite

des transformations actuelles du monde du travail et de l’éducation. En effet, c’est un concept

récent qui s’oppose à une forme d’action beaucoup plus ancienne : « l’aide sociale », qui s’est

développée avec le monde salarié (dès le milieu du XIVème siècle) et qui repose sur les

principes de l’assistance publique et de l’assistance sociale. Dans cette étude, nous nous

intéressons aux jeunes « valides », physiquement et mentalement. Historiquement, les

individus valides et ne travaillant pas étaient perçus comme déviants et indésirables. C’est

avec la forte hausse du taux de chômage dans les années 1970, la difficulté grandissante des

jeunes à s’intégrer rapidement au marché du travail, que le mot « insertion » est devenu de

plus en plus utilisé dans les politiques sociales et par les praticiens qui oeuvrent dans ce

domaine. Le terme insertion est alors utilisé et compris comme un processus, mais aussi

comme un droit à la personne.

Il semble donc important de parvenir à clarifier la définition de l’insertion, pas toujours

évidente et qui fait souvent allusion à un ensemble disparate de processus visant aussi bien la

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socialisation, la formation en vue du marché du travail, que le travail lui-même ou une activité

pour faciliter l’accès à l’emploi (insertion par l’activité économique).

1.1.1. Définition de l’insertion sociale d’après la théorie.

Commençons par définir l’insertion sociale. Etymologiquement « insertion » vient du latin

inserere, qui signifie insérer, introduire, mêler, intercaler. L’insertion se référerait donc à

l’action d’insérer ou l’état de ce qui est inséré.

L'insertion sociale couvre l'ensemble des rapports de la personne avec son environnement

social. Elle nécessite l’appropriation des valeurs, règles et normes du système et de

l’environnement au sein desquels l’individu évolue. Être inséré c’est aussi avoir une place,

une position sociale, être assuré du statut ou du rôle joué au sein de la société. Le concept

d'insertion est donc indissociable du concept de socialisation. Durkheim distingue deux types

de socialisation : la socialisation primaire au sein du cercle familial et la socialisation

secondaire (dans les échanges avec autrui, au sein de l’espace scolaire, de l’entreprise,

d’associations, de partis politiques, de syndicats, etc.). C’est par ces processus de socialisation

que l’individu parvient à trouver sa place dans la société, à adopter les règles, normes et

valeurs de l’espace dans lequel il évolue.

L’insertion sociale serait ainsi l’action visant à faire évoluer un individu isolé ou marginal

vers un état où les échanges avec son environnement sont considérés comme satisfaisants.

Mais elle est aussi le résultat de cette action, qui s'évalue par la nature et la densité des

échanges entre un individu et son environnement.

La notion d’insertion se rapproche également de celle d’intégration, plus ancienne, mais il

faut distinguer ces deux concepts voisins. La définition que donne E. Durkheim de

l’intégration est la suivante : « Un groupe, ou une société, est intégré lorsque leurs membres

se sentent liés les uns aux autres par des croyances, des valeurs, des objectifs communs, le

sentiment de participer à un même ensemble sans cesse renforcé par des interactions

régulières ». L’intégration sociale serait donc collective, et l’insertion se réfère à la

participation au niveau individuel à un système social intégré. Loriol le résume bien en disant

que « l'insertion est donc une catégorie d'action publique visant à pallier les défaillances des

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mécanismes d'intégration à un niveau essentiellement individuel » (Loriol, 1999)1

Le terme d’insertion définit finalement un but et un moyen. C’est le résultat de

mécanismes d’intégration, tels la socialisation, par lesquels chaque individu assimile tout au

long de sa vie les éléments lui permettant d’occuper une place dans les échanges sociaux. Ces

éléments sont multidimensionnels : il s’agit de dimensions tant scolaires que professionnelles,

économiques, ou culturelles. Dans notre société, l’axe le plus intégrateur autour duquel se

cristallise l’insertion est le travail. D’autre part, l’insertion désigne également les

interventions menées au moyen de dispositifs publiques (ex : aides sociales, RSA en France,

etc.) ou privés (associations, entreprises, etc.) auprès de populations dont la situation

d’exclusion est révélatrice de défaillances des mécanismes d’intégration.

Pour conclure, l’insertion sociale est indissociable de la socialisation, mais également du

facteur travail, c’est pourquoi insertion sociale et professionnelle sont si souvent mises

conjointement sous la même expression d’« insertion socioprofessionnelle ». Pourtant

l’insertion professionnelle semble plus complexe à définir.

1.1.2. Définition de l’insertion professionnelle d’après les

apports de la théorie.

B. Fourcade, J.-J Paul et M. Vernières2 nous apportent un premier éclairage sur cette

définition complexe. Les auteurs proposent la définition suivante de l’insertion : « processus

qui conduit une personne sans expérience professionnelle à occuper une position stabilisée

dans le système d’emploi ». Dans ce processus, formation initiale et expérience

professionnelle sont combinées dans le but d’occuper efficacement un poste dans le système

productif. Le terme de processus souligne la complexité de l’insertion d’une part et la durée,

le caractère dynamique de celle-ci, d’autre part. Cette durée commence généralement par la

sortie de la formation initiale. La fin du processus d’insertion est plus difficile à identifier.

Dans la définition proposée elle correspond à « une position stabilisée dans le système

d’emploi ». Employer le terme position montre que la simple obtention de l’emploi ne marque

1 S. Gilbert (2007), « Insertion professionnelle et migration des jeunes de la région de Charlevoix ». Mémoire pour l’obtention du grade de maître ès arts, Université Laval Quèbec 2 B. Fourcade, J.-J Paul et M. Vernières (1994), L’insertion professionnelle dans les pays en développement : concepts, résultats, problèmes méthodiques

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pas la fin de la période d’insertion : après l’embauche, le travailleur doit dans un temps plus

ou moins long acquérir une expérience professionnelle et éventuellement un complément de

formation. Le terme « stabilisé » signifie que le jeune concerné peut occuper durablement des

positions instables (intérim, contrat à durée déterminée ou CDD, etc.), tout en ayant acquis

une expérience suffisante et donc terminé sa période d’insertion. La durée est une notion

importante, ne serait-ce que d’un point de vue économique car plus elle est courte, plus faible

est son coût social. Cet état final d’insertion semble également dépendre du jugement

subjectif de l’individu par rapport à sa propre situation. Chaque jeune peut avoir sa propre

conception de son insertion : il y aura toujours des individus qui se déclareront non insérés

alors qu’ils se trouvent dans la même situation que d’autres individus qui, eux, se considèrent

comme insérés. La stabilité d’une situation peut être laissée à la libre appréciation de chacun.

Finalement, ce processus temporel qu’est l’insertion professionnelle semble s’effectuer en

trois phases (Laflamme, 1993 : 93)3 : la formation professionnelle, qui englobe tous les types

de savoirs que l’individu va acquérir dans le milieu scolaire ; la phase de transition

professionnelle qui dépend du contexte économique et du marché de l’emploi, de la valeur du

diplôme et du capital social de l’individu (ses réseaux, amis, connaissances, etc.) ; enfin la

dernière phase est celle de l’intégration professionnelle englobant les conditions sociales de

vie au moment de l’insertion (contexte économique, rémunération promise, etc.).

Le dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation (1994) définit l’insertion

professionnelle comme le « processus d’accès à l’emploi, qui renvoie donc à la capacité

d’effectuer avec succès la transition entre l’école et le marché du travail ». Après avoir

balayé la question du processus, de la durée de la période d’insertion et de ses acteurs, il est

important également de prendre en compte la question de l’éducation et de la forte

imbrication entre formation et emploi dans le processus d’insertion. Néanmoins, il faut

relativiser le passage entre formation (scolaire) et emploi, qui n’est plus instantané. La

conception de l’insertion uniquement comme le passage réussi de la formation scolaire à la

vie active est obsolète. L’insertion apparaît aujourd’hui plutôt comme un processus complexe

et difficile d’alternance de périodes de chômage, d’emplois précaires, de formation et

d’acquisition de compétences aboutissant ou non à la stabilité professionnelle.

3 S. Gilbert (2007), « Insertion professionnelle et migration des jeunes de la région de Charlevoix ». Mémoire pour l’obtention du grade de maître ès arts, Université Laval Quèbec

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Enfin, Vicens4 nous apporte un éclairage complémentaire sur la notion d’insertion. En

effet, il juxtapose la notion d’insertion à celle de « projet de vie ». Le projet de vie commence

par le choix de la formation au sein du système éducatif. Mais l’abandon scolaire ou la

poursuite des études, le moment où le projet de formation se transforme en projet

professionnel sont autant d’éléments à prendre en considération pour comprendre le véritable

début du processus d’insertion. Quant à la fin de la période d’insertion, elle pourrait être

définie comme la période où le projet de vie du jeune n’évolue plus car ses attentes par

rapport à son projet professionnel sont satisfaites. Cette définition, bien qu’elle apporte

l’éclairage intéressant du projet de vie et par la même de l’identité de l’individu, semble

incomplète. En effet, il est difficile de définir le moment où le jeune ne souhaite pas modifier

son projet de vie. D’autre part, le projet de vie ne se limiterait pas uniquement à l’insertion

professionnelle, mais serait une trajectoire individuelle tout au long de la vie.

Il apparaît que le processus de l’insertion ne revêt plus seulement une relation entre la

formation et l’emploi, mais qu’elle implique également les notions d’insertion sociale et de

lien social. L’insertion professionnelle ne semble plus pouvoir être étudiée sans prendre en

compte l’insertion sociale. Il est important de souligner que les changements structurels au

sein du monde du travail (mondialisation, restructurations d’entreprises, innovations

technologiques) et la hausse du chômage ont fortement affecté les travailleurs et provoqué

une précarité de la vie professionnelle. Cette précarité a affecté les autres sphères de la vie : la

famille, la vie de couple, l’accès au logement, etc. Ce qui montre une nouvelle fois la très

forte imbrication de l’insertion sociale, de l’intégration au sein d’un groupe, et de l’insertion

professionnelle. Sans être insérés socialement, un individu aura de grandes difficultés à

s’insérer professionnellement, mais la précarité de la vie professionnelle entraine aussi une

désintégration du lien social et donc de l’insertion sociale d’un individu.

4 Vincens, J. (1981), « Problématique générale de l’insertion dans la vie active, » Colloque sur l’insertion professionnelle à la sortie des études postsecondaires, Louvain, Institut des sciences du travail, Université catholique de Louvain.

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1.1.3. Les facteurs qui influent sur l’insertion sociale et

professionnelle des jeunes

Allard et Ouellette 5 ont regroupé les facteurs susceptibles d’influencer l’insertion

socioprofessionnelle en trois dimensions :

-­‐ « sociologique : les facteurs économiques, politiques, culturels, géographiques et

démographiques

-­‐ socio psychologique : les milieux familial, scolaire et de travail, les amis, les médias

-­‐ psycho professionnelle : les facteurs liés à la construction de l’identité personnelle et

professionnelle »

Dans la dimension sociologique, le principal facteur influençant l’insertion

socioprofessionnelle est la santé économique de la région dans laquelle vit le jeune, associée à

la présence d’institutions offrant des formations et d’entreprises pourvoyant l’expérience

professionnelle. La conjoncture économique et le marché du travail sont évidemment les

principaux facteurs qui influencent la possibilité d’insertion. Sur le plan politique, on pense

plutôt aux règles et lois sur l’emploi, le salaire, etc. Les facteurs culturels relèvent de

l’éducation, des croyances, de l’égalité des sexes dans le travail, etc. Enfin, le facteur

démographique relève du taux de natalité, de l’immigration ou l’émigration, de l’espérance de

vie, etc.

La dimension socio psychologique se réfère à l’entourage de l’individu. En effet, le

premier facteur socio psychologique susceptible d’influencer l’insertion est la famille, qui est

par ailleurs le premier agent de socialisation. Après la famille viennent les amis, consultés

pour la prise de décision, mais dont la situation sociale peut influencer l’individu dans le

processus d’insertion. Le milieu scolaire exerce également une forte influence. D’une part il

peut donner des aspirations positives ou négatives envers les études et le travail, d’autre part

véhiculer des valeurs et des attitudes sur le travail. Si le jeune a déjà eu une expérience

professionnelle, cela peut développer des sentiments positifs sur sa capacité à bien travailler,

son efficacité, etc. ou au contraire une mauvaise expérience peut amener une dévalorisation

5 Allard et Ouellette (1990), «Vers un modèle macroscopique de l’insertion socioprofessionnelle par le biais du développement de l’identité personnelle et professionnelle», dans J.-G. Ouellette, R. Allard, R. Baudouin, P. Belliveau, L. H. Doucet, M. Goguen, D. Haché et O. Robichaud, Insertion socioprofessionnelle des jeunes à risque par l’acquisition d’une identité personnelle et professionnelle positive. Document de notions, Moncton, Université de Moncton, p. 45-58 (Document présenté à la Fondation canadienne d’orientation et de consultation).

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du jeune, un sentiment d’incapacité. Enfin les médias jouent également un rôle en véhiculant

des images, souvent stéréotypées de travailleurs.

La dimension psycho professionnelle se réfère d’abord à l’état psychologique de

l’individu. Une insertion aura plus de chance de réussir si l’individu a confiance en lui-même

et envers les autres, s’il est autonome, à savoir qu’il est capable de faire des choix en pleine

assurance et indépendance, s’il a une certaine capacité d’initiative, c’est-à-dire le désir de

réaliser des projets, d’accepter des défis, de surmonter des difficultés. Le goût d’apprendre, de

réussir, le sens des responsabilités, sont tout autant de facteurs de succès. Un autre aspect de

cette dimension psycho professionnelle est la préparation à l’insertion par l’apprentissage de

connaissances, d’attitudes, la préparation du curriculum vitae et d’entretiens.

Certains facteurs influencent négativement l’insertion socioprofessionnelle. Certains jeunes

ont recours à l’économie informelle (travail au noir, activités illégales) pour s’en sortir. Même

si l’argent gagné permet un accès à la consommation et empêche temporairement un

sentiment de frustration, ces activités informelles et illégales ne remplaceront pas une

intégration normale sur le marché du travail et ne procureront des satisfactions et bienfaits

qu’illusoires, temporaires et limités. Elles ne contribuent pas non plus à ce que ces jeunes

aient des projets d’avenir (comment emprunter sans déclaration officielle de revenu ?) et ne se

construisent une identité positive. Les bénéfices de cette économie parallèle ne sont que

temporaires et sont un réel frein à la réelle insertion professionnelle de l’individu concerné.

Un autre frein peut aussi être les aides sociales. En effet, le système de services sociaux est

évidemment un outil d’insertion à la base, mais certains jeunes précaires utilisent toutes les

aides sociales à disposition pour subvenir à leurs besoins, ce qui suffit amplement à les

couvrir et ne nécessite pas la recherche d’un emploi. Mais avec le temps, vivre uniquement

d’aides dégrade l’image personnelle et la difficulté à se mettre à la tâche pour devenir actif

dans la recherche d’emploi se fait plus difficile. Ces deux éléments, économie informelle et

aides sociales favorisent une intégration à la société qui est temporaire : en disposant d’argent,

les jeunes peuvent participer à la vie communautaire ; mais ils fragilisent l’individu qui

devient dépendant et dont l’estime personnelle est mise à mal. Et plus le temps passe, plus

l’insertion normale dans la société et dans la vie professionnelle devient difficile.

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1.2. La situation de la jeunesse en France

La jeunesse se trouve de plus en plus au cœur des débats et de la vie politique. La prise en

considération de l’importance de la formation, de la qualification et de l’insertion sociale et

professionnelle de cette tranche d’âge de la population se fait de plus en plus vive. En effet, la

jeunesse commence à être vue comme une priorité politique : elle ne doit pas être perçue

comme une charge, mais comme un investissement dans le présent et l’avenir de la société. Si

la définition de la jeunesse n’est pas toujours très claire, de nombreux acteurs s’accordent

pour dire qu’elle est « une phase de transition marquée par la recherche de l’accès à

l’autonomie »6 et la tranche d’âge de 16 à 25 est celle la plus communément retenue. Les

chiffres montrent que malgré une prise en charge et en considération plus grande de ces

jeunes, leur situation s’est détériorée.

1.2.1. Les défis auxquels doivent faire face les jeunes

aujourd’hui en France

Afin de mieux aborder la question de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes par le

prisme des actions des armées, il est nécessaire de préciser qui sont ces jeunes, la situation de

la jeunesse en France, les difficultés rencontrées, les dispositifs déjà existant d’aide à

l’insertion sociale et professionnelle.

Dans cette étude, nous nous intéressons essentiellement aux jeunes de 16 à 25 ans qui

représentent 8 028 671 personnes sur les 65 350 181 formant la totalité de la population

française (Chiffres INSEE7), soit 12% de la population totale. Or, cette jeunesse connaît des

inégalités et une précarité de plus en plus élevées. D’autre part, comme nous l’avons vu

précédemment, il y a une diversité de facteurs qui peuvent agir sur l’insertion sociale et

professionnelle. Les jeunes en voie d’exclusion ou en situation d’insertion sur le marché du

travail ne forment pas un groupe homogène. Si le manque de qualification, le décrochage

6 Demuynck Christian, 2008, Rapport d’information n° 436 fait au nom de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, Tome 1, disponible sur http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_senat_2009.pdf p16 7 INSEE, Mesurer pour comprendre, « Pyramide des âges au 1er janvier 2012 », http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=ccc

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scolaire sont des facteurs qui peuvent les identifier, il faut également prendre en considération

des facteurs culturels, familiaux, identitaires, leur rapport au travail, etc.

Pauvreté

Les jeunes sont particulièrement touchés par la pauvreté. 20,2%, soit un cinquième des

jeunes de 16-25 ans vit en dessous du seuil de pauvreté (880 euros en 2009), contre 13% pour

l’ensemble de la population. Les femmes sont plus touchées que les hommes, le taux de

pauvreté chez les femmes est de 23,2% contre 18,9% chez les hommes. Plus de 15% sont en

situation de pauvreté en termes de condition de vie8 contre 12,2% pour l’ensemble de la

population.

Les jeunes qui ne vivent pas chez leurs parents sont aussi plus touchés. Ils sont 17% (soit

environ 850 000) à être pauvres en termes de conditions de vie contre 13% pour l’ensemble

de la population. La principale difficulté rencontrée est celle du logement.

57% des jeunes âgés de 16 à 25 ans vivent encore chez leurs parents, l’âge moyen du

départ du domicile familial est de 22 ans, ce qui est expliqué par l’allongement de la durée des

études mais aussi par la précarité de la situation économique des jeunes, y compris ceux ayant

un emploi. Dans ces conditions, le problème du logement est une des premières barrières

d’accès à l’autonomie.

Un trop fort décrochage scolaire

Le décrochage scolaire est significatif. En effet, 20% des jeunes qui sortent chaque année

du système scolaire sont sans diplôme du secondaire, soit 150 000 jeunes, et 10% (soit 75 000

jeunes) ne détiennent aucun diplôme. En outre, d’après les enquêtes PISA (programme

international de suivi des acquis), ce décrochage s’accompagne d’un niveau d’acquis scolaires

assez faible pour ces jeunes décrocheurs.

8 La pauvreté en termes de conditions de vie s’apparente à une mesure absolue : elle évalue le manque global d’éléments de bien-être matériel, mesuré à l’échelle du ménage. Source : Demuynck Christian, 2008, Rapport d’information n° 436 fait au nom de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, Tome 1, disponible sur http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_senat_2009.pdf p 119

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Ce problème semble révéler que le système méritocratique à la française, fondé sur la

sélection des meilleurs en fonction de leurs talents et de leurs efforts, pose question dans une

école de masse qui brasse des publics très divers. En effet, il y a un mécanisme d’exclusion et

d’élimination à chaque palier clé d’orientation. En plus de ces phénomènes d’exclusion, cela

engendre une dévalorisation du jeune, du découragement et une atteinte à l’estime

personnelle. En outre, c’est la voie générale qui constitue un idéal d’étude et de réussite

scolaire, les filières techniques et professionnelles ne sont pas très valorisées alors qu’elles

pourraient offrir de bons débouchés professionnels. A cela s’ajoute qu’une mauvaise

orientation est difficile à rattraper car il y a une certaine rigidité dans la structure de l’offre

éducative en France. Elle accentue le nombre d’abandons en cours de scolarité.

On constate également que l’origine sociale est déterminante dans l’orientation des jeunes.

Près de 91 % des enfants d’enseignants et près de 88 % des enfants de cadres obtiennent le

Baccalauréat, contre moins de 50 % des enfants d’ouvriers ; a contrario, 29 % des enfants

d’ouvriers ont comme diplôme un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou un brevet

d’études professionnelles (BEP), contre 5 % seulement des enfants d’enseignants et de cadres.

Cette corrélation se vérifie dans les zones urbaines sensibles (ZUS) où plus de la moitié de la

population ne possèdent aucun diplôme (contre 36% ailleurs).

Chômage9

Les jeunes français rencontrent des difficultés à s’insérer dans l’emploi durable, et les

chiffres suivant nous le montrent. Le taux de chômage des jeunes actifs en 2009 était de

21,4% chez les 15-24 ans quand il n’était que 7,4% pour la tranche d’âge 25-54 ans, soit près

de 550 000 jeunes demandeurs d’emploi dont 450 000 sont inscrits au Pôle Emploi. Cette

précarité est accentuée par le fait que moins de 50% des jeunes au chômage perçoivent une

indemnisation (contre 60% des demandeurs d’emploi). Ce taux de chômage double dans les

zones urbaines sensibles (ZUS) pour atteindre 42%, ce qui est expliqué par la concentration

des problèmes sociaux, la discrimination à l’embauche, le niveau faible de diplômes, etc.

Le taux de chômage est élevé, mais la précarité de l’emploi l’est aussi. Ils sont 5,3% à être

intérimaires chez les 15-29 ans contre 2,4% pour l’ensemble de la population active, et 17% à

9 Source : Demuynck Christian, 2008, Rapport d’information n° 436 fait au nom de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, Tome 1, disponible sur http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_senat_2009.pdf

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être en CDD contre 8% en moyenne sur l’ensemble de la population active. Au total, 35% des

emplois salariés occupés par les jeunes de 15 à 29 ans sont des emplois temporaires ou des

emplois aidés contre 14% pour l’ensemble des salariés.

Ci-après le tableau résumant le statut d’emploi des salariés (en %)

Jeunes de 15 à 29 ans Ensemble des salariés

Emploi précaires dont : 34,6 13,8

Intérim 5,6 2,5

CDD + contrats aidés privés 22,4 8,1

Temporaires + aidés publics 6,6 3,2

Emplois stables dont : 65,4 86,3

CDI privé 55,8 65,7

Stable public 9,6 20,6

Total 100,0 100,0

Source : enquête emploi 2005, INSEE

De plus, le chômage chez les jeunes est corrélé à la détention ou non d’un diplôme. En

effet, le taux de chômage des non-diplômés est près de trois fois plus élevé à celui des

diplômés. Le diplôme reste un atout essentiel pour l’employabilité, d’autant plus dans un

système où le diplôme est survalorisé par rapport à l’expérience professionnelle.

Ci-après un tableau résumant le taux de chômage en fonction du diplôme et en fonction de

du lieu d’habitation10

Habitant en ZUS Quartiers hors Zus des

agglomérations ayant une

Zus

Aucun diplôme 22,0% 15,7%

BEPC 21,7% 10,2%

CAP, BEP 16,5% 8,4%

Baccalauréat 15,9% 8,1%

10 Source : Observatoire des inégalités, « Niveau de diplôme et chômage dans les quartiers sensibles », 17 juillet 2009, http://www.inegalites.fr/spip.php?article314&id_mot=87

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Baccalauréat + 2 ans 13,2% 5,6%

Diplôme supérieur 11,0% 5,8%

Total 17,9% 8,6%

Source : Insee – Enquête emploi. Année des données : 2007, actifs de tous âges

Finalement, nous pouvons constater que les jeunes sont confrontés à des problèmes de

pauvreté, de chômage, et de décrochage scolaire. En outre, les individus les plus touchés par

le chômage et par le décrochage sont essentiellement issus de Zones Urbaines sensibles et

chômage et décrochage ou non-diplomation sont fortement corrélés.

Une situation aggravée dans les territoires d’Outre-Mer

Etant donné que nous allons être amenés par la suite à étudier le SMA (Service militaire

Adapté) qui opère dans les territoires d’Outre-Mer, il semble nécessaire de nous arrêter sur la

situation des jeunes dans ces territoires, qui est encore plus préoccupante qu’en métropole.

La population en Outre-Mer est beaucoup plus jeune qu’en métropole. En effet, 35% des

habitants de la Réunion ont moins de 20 ans, 31% en Guadeloupe, 29% en Martinique et 45%

en Guyane alors que ce taux est de 25% en métropole. En outre, l’Outre-Mer détient le plus

fort taux de chômage avec un taux de 24,1% pour la Martinique, 26,9% pour la Guadeloupe,

28,3% pour la Réunion et 28,5% pour la Guyane. Ce taux de chômage explose chez les jeunes

en dépassant les 50%, il atteint même 60% en Guadeloupe. La situation y est donc

extrêmement préoccupante.

La jeunesse confrontée à des problèmes de santé

Si les jeunes sont globalement en bonne santé, ils sont également sujet à des situations de

mal-être, de détresse psychique et d’addictions (alcool, tabac, cannabis). La souffrance

psychique est souvent liée à l’échec scolaire, à un manque de confiance en soi, à la solitude et

à des difficultés financières. Le mal-être et la vulnérabilité se développent avec les difficultés

à trouver un emploi et à s’insérer, ainsi qu’avec l’accroissement des échecs. Ces problèmes de

santé sont d’autant plus aggravés chez les jeunes en insertion. D’une part, ils sont presque

deux tiers à ne pas avoir de couverture sociale complémentaire de santé ; d’autre part, s’ils en

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possèdent une, ils ont souvent des difficultés à faire l’avance des frais nécessaires à certains

soins médicaux, ce qui ne fait qu’aggraver la situation.

1.2.2. Le profil des jeunes en insertion

Les jeunes en situation d’insertion socioprofessionnelle sont souvent identifiés comme des

jeunes sans emploi stable, sans qualification et/ou sans formation. Ils font donc partie des

20% de jeunes qui sortent du système scolaire tous les ans. La plupart sont en situation

d’inactivité depuis une très longue période (en moyenne 1 à 2 ans). La majeure partie sont en

situation de pauvreté et font partie des 15% de jeunes en situation de pauvreté en terme de

condition de vie. Ils sont représentés en grande majorité dans les zones urbaines sensibles

(ZUS) et dans les zones rurales éloignées.

Beaucoup sont tombés dans la spirale de l’échec en commençant par l’échec scolaire, ils

manquent de confiance en eux, d’autonomie, d’estime d’eux-mêmes et présentent une certaine

vulnérabilité.

Le manque de repères et de cadre les distingue également. Certains sont confrontés à la

solitude et à l’isolement.

Beaucoup sont confrontés à des problèmes de santé et notamment à une grande souffrance

psychologique. Cette souffrance, issue de tous les facteurs cités précédemment, représente un

des principaux freins à l’insertion. Une étude11, menée par un groupe de travail créé par le

CETAF (centre technique d’appui et de formation des Centres d’examens de santé) et le

CNML (Conseil national des missions locale), auprès de 992 jeunes en insertion, 90 en

activité professionnelle, 196 jeunes scolaires/étudiants et 25 en apprentissage, montre

plusieurs écarts entre les jeunes en insertion et les autres, sur plusieurs paramètres qui ont trait

à la santé psychique et physique. Les jeunes en insertion ont plus souvent vécu des

événements graves dans l’enfance (séparation des parents, rupture avec les parents, maladie

grave d’un parent) que les autres. Ils sont aussi en situation de vulnérabilité sociale quatre fois

plus élevée, sont deux fois plus en souffrance psychologique et ont deux fois plus souvent des

enfants à charge. Ils ont deux à trois fois plus de risque de subir des violences psychologique

11 Source : Demuynck Christian, 2008, Rapport d’information n° 436 fait au nom de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, Tome 1, disponible sur http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_senat_2009.pdf

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ou sexuelles, de même en ce qui concerne les tentatives de suicide. L’instabilité

professionnelle est un déterminant majeur entraînant des problèmes de santé mentale. Les

jeunes en insertion subissent aussi deux fois plus de discrimination. En revanche pour tout ce

qui concerne les addictions (alcool, médicaments, cannabis, autres drogues), il n’y a pas de

différence significative entre les deux groupes. Sur ce point, une autre étude du CETAF

menée dans les Centres d’examens de Santé de l’Assurance Maladie montre que les jeunes

sortis du système scolaire et sans emploi sont plus sujets à la consommation de tabac et

d’alcool que les autres. Les vacances et les activités culturelles sont également moins

fréquentes.

Ces résultats nous montrent que les jeunes en insertion sont vulnérables d’un point de vue

social et psychique et qu’il existe de grandes inégalités en terme de santé et d’accès aux soins.

Les observations faites sur le terrain confirment ce profil des jeunes en insertion. Les

jeunes en insertion décrits par les différents interlocuteurs les côtoyant au quotidien

correspondent à cette description théorique. Ils présentent les mêmes problèmes de manque de

confiance en eux, de repères, de cadre et d’autonomie, ils sont sujets à l’isolement, à

l’inactivité et à une mauvaise estime d’eux-mêmes due à la spirale de l’échec dans laquelle ils

sont tombés. En outre, j’ai été surprise par les nombreux problèmes de cannabis et d’alcool

touchant ces jeunes. Ces problèmes de santé sont de véritables freins à l’emploi, difficile à

surmonter pour les jeunes et aussi pour le personnel encadrant, qui se retrouve impuissant

face à la consommation de drogue.

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1.2.3. Une multitude d’acteurs mobilisés pour répondre à la

question de l’insertion socio-professionnelle des

jeunes

Jusqu’à la crise des années 1975 et aux mutations structurelles engendrées, seuls les

personnes en insertion et l’Etat représentaient les acteurs principaux du processus d’insertion.

A partir de la fin des années soixante dix, d’autres acteurs sont apparus : missions locales,

PAIO (permanence d’accueil, d’information et d’orientation), associations, groupements

professionnels, entreprises d’insertions par l’activité économique, établissements tels que les

Ecoles de la Deuxième Chance (E2C), etc. Et l’Etat a multiplié les aides sociales à destination

des jeunes en situation de précarité.

On compte parmi ces aides le revenu de solidarité activé (RSA), la prime pour l’emploi,

l’aide au logement. En 2005 est apparu le CIVIS (contrat d’insertion dans la vie sociale)

s’adressant à des jeunes de 16 à 25 ans qui rencontrent des difficultés d’insertion

professionnelle. Les titulaires du CIVIS, s’ils sont majeurs, peuvent bénéficier d’une

allocation (entre 5 et 10 euros par jour) versée pendant les périodes pendant lesquelles ils ne

reçoivent aucune autre rémunération (emploi, stage ou autre allocation). Ce dispositif cible les

jeunes ayant un niveau de qualification inférieur ou équivalent au Baccalauréat (général,

technologique ou professionnel) ou qui ont été inscrits comme demandeurs d’emploi au

minimum douze mois au cours des dix huit derniers mois 12 . Le but du CIVIS est

d’accompagner les jeunes dans leur projet d’insertion dans un emploi durable et de leur

proposer un accompagnement personnalisé afin de lever les obstacles à l’embauche et de

restaurer l’autonomie du jeune. C’est un contrat d’une durée d’un an renouvelable une fois

entre l’Etat, la mission locale ou PAIO (permanence d’accueil, d’information et d’orientation)

et le jeune.

Le public des jeunes peut également compter sur les contrats aidés type contrat initiative-

emploi (CIE) et contrat d’insertion-revenu minimum d’activité (CI-RMA) dans le secteur

marchand ; contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE) et contrat d’avenir dans le

secteur non marchand.

12 Source : Ministère du Travail, de l’Emploi et du Dialogue Social, « Le contrat d’insertion dans la vie sociale », 26 mars 2010, http://www.travail-emploi-sante.gouv.fr/informations-pratiques,89/fiches-pratiques,91/acces-et-accompagnement-vers-l,651/le-contrat-d-insertion-dans-la-vie,999.html

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Le secteur de l’insertion par l’activité économique est représenté par les chantiers et

atieliers d’insertion, les associations intermédiaires et les entreprises d’insertion. Ces

structures participent également à amener les jeunes éloignés de l’emploi sur le marché du

travail et à faciliter leur insertion socioprofessionnelle.

Quant aux missions locales et PAIO, ce sont les principales structures par lesquelles sont

suivis les jeunes de 16 à 25 ans en mal d’insertion sociale et professionnelle. Des conseillers

les accompagnent individuellement afin de leurs apporter des réponses sur les questions de

l’emploi, de la formation et même du logement et de la santé.

On peut également compter sur les Ecoles de la Deuxième Chance, créées en 1997, qui

accompagnent les jeunes de 18 à 25 ans sortis du système scolaire depuis plus de deux ans,

sans qualification professionnelle et sans diplôme. Elles offrent une nouvelle chance par

l’éducation et la formation. Le parcours au sein de l’école dure huit mois en moyenne et est

construit sur le schéma de l’alternance : remise à niveau des connaissances fondamenttales,

constrcution d’un projet professionnel et expérience en entreprise. En classes à effectifs

restreints, les jeunes bénéficient d’un suivi individualisé fondé sur une approche pédagogique

ciblée sur les besoins, les capacités et les aspirations des jeunes. Ces écoles ne disposent pas

d’internat, mais s’attachent à ce que les stagiaires fassent preuve de motivation et respectent

les règles strictes de l’école (horaires, absence, ponctualité, etc.). Les E2C accueillent environ

5 000 jeunes par an en France dont plus de 90% ont un niveau inférieur ou égal au brevet

d’études professionnelles ou à un certificat d’aptitude professionnelle.

1.2.4. Les attentes de ces jeunes

Les jeunes ont une perception négative de leur avenir et manquent de confiance en eux,

plus de deux tiers n’ont pas confiance, se sentent inquiets pour leur avenir et ne se sentent pas

maîtres de leur destinée. Par ailleurs, ils ont le sentiment de vivre moins bien que leurs

parents. Parallèlement, plus de la moitié des Français ont une perception négative des jeunes

et les jugent individualistes. Pourtant ces jeunes sont en attente de liens intergénérationnels,

d’écoute et de dialogue. En effet, selon une étude auprès des représentants de radios très

écoutées les jeunes, « ils ont besoin de sincérité, de proximité, de respect mais aussi de

repères et d’autorité leur donnant un cadre. Ils ont une forte envie d’explications les aidant à

comprendre le monde dans lequel ils évoluent et celui qui les attend. Ils ont envie de

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dialoguer, mais il faut absolument éviter l’écueil du jeunisme ! »13

Les jeunes font preuve de nombreuses attentes. Si les pouvoirs publics, les aides de l’Etat,

les entreprises d’insertion et les dispositifs « civiles » tels le CIVIS, les missions locales ou

les Ecoles de la Deuxième Chance permettent d’apporter des réponses, quel rôle peut jouer et

joue la Défense, premier employeur français, pour pallier les problèmes d’insertion sociale et

professionnelle des jeunes ?

1.3. L’Armée de Terre et les dispositifs du Plan Egalité des

Chances dans le paysage de l’insertion sociale et

professionnelle des jeunes en France.

La Défense représente un « bassin d’emploi conséquent ». En effet, pour donner une idée

chiffrée, la Défense en 2010 c’est un effectif total de 305 220 (en ETP, équivalent temps

plein) dont 235 230 militaires et 69 990 civils. On pense plus rarement au rôle et à l’impact de

la Défense pour l’insertion de la jeunesse désoeuvrée en France, pourtant, que ce soit par la

voie classique (recrutement de soldats sous contrat) ou par des dispositifs spécifiques (EPIDE

(établissement publique d’insertion de défense), SMA (Service militaire adapté)), de

nombreux jeunes bénéficient de vraies opportunités d’une insertion réussie. D’autre part, nous

oublions souvent que les armées ont une réelle vocation sociale.

1.3.1. L’Armée de Terre comme seconde chance

Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons uniquement à l’Armée de Terre, et non

à l’Armée de l’Air ou à la Marine. En effet, ces deux dernières armées ont besoin et donc

recrutent essentiellement des techniciens disposant au préalable d’un diplôme dans leur

spécialité. Elles touchent donc beaucoup moins les jeunes de 16 à 25 ans sans formation, sans

qualification ou sans emploi depuis une longue période, que nous ciblons dans cette étude.

13 D’après le rapport du Sénat (op.cit.): message transmis par les représentants des radios très écoutées par les jeunes entendus par la mission. Réponse aux questions « Quels sont les attentes et les besoins des jeunes d’après vous et comment les pouvoirs publics pourraient-ils s’adresser plus efficacement à eux ? »

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Alors que, comme nous allons le voir, l’Armée de Terre leurs ouvre ses portes pour plusieurs

raisons : un immense besoin de recruter des jeunes de moins de 28 ans et le métier de soldat

ne requiert pas nécessairement des diplômes et des qualifications professionnelles.

Brève présentation de l’Armée de Terre

Effectifs :

L’Armée de Terre est la plus grosse armée en volume avec un effectif total de 125 141

militaires.

Officiers, sous-officiers, militaires du rang :

Chaque armée fonctionne selon une hiérarchie avec des officiers, des sous-officiers et des

militaires du rang. Chaque catégorie ne cible pas les mêmes personnes en matière de

recrutement. Les officiers sont recrutés sur concours (Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr,

Ecole d’Administration militaire) et doivent avoir au minimum Bac + 3 ; les sous-officiers

doivent au moins avoir le Baccalauréat, sont sélectionnés sur dossier et suivent ensuite une

formation à L’Ecole nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) à Saint-Maixent ;

cependant, pour devenir militaire du rang, aucun niveau professionnel ou scolaire n’est exigé.

Voici la répartition de ces trois catégories de militaires au sein de l’Armée de Terre :

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Les militaires du rang représentent plus de la moitié de l’effectif total de l’Armée de Terre,

soit environ 66 000 soldats14. C’est aussi la catégorie qui nécessite les plus gros efforts de

recrutement, puisque c’est celle qui a les besoins les plus forts, et celle aussi où le turnover est

le plus élevé car les engagés sont sous contrat (de 5 ans ou plus, voire 3 ans) alors que pour

les autres catégories (sous-officiers et officiers), la plupart sont militaires de carrière, donc à

vie.

400 métiers :

La diversité des métiers proposés en rentrant dans l’Armée est très importante. Avec ou

sans qualification, chacun peut y trouver son compte parmi les 400 métiers proposés (en plus

du métier de soldat). Les secteurs d’activités représentés sont très variés : administratif,

secrétariat, santé, secours, BTP, formation enseignement, restauration, informatique,

logistique, transport, ressources humaines, musique, sport, comptabilité, etc.

Formation

La formation est un élément très important au sein de l’Armée, tant au moment de

l’intégration que tout au long de la durée du contrat ou de la carrière. En effet, toute personne

s’engageant commence par un parcours d’un an composé de quatre mois de formation initiale

puis quatre à six mois de formation militaire spécialisée en fonction de la spécialité choisie.

Au bout d’un an, on considère que la personne engagée est formée pour partir en mission. La

formation est un élément clé, l’Armée propose des formations qualifiantes permettant

14 Chiffres tirés du bilan social des armées 2010

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d’acquérir des qualifications et fait parallèlement un travail de certification pour permettre

l’obtention de VAE (Validation des Acquis de l’Expérience). Un militaire du rang, arrivé

dans formation et sans qualification, peut espérer à la fin de ses cinq ans de contrat sortir avec

une équivalence Bac Pro ou BTS.

Escalier social

Cette formation fait partie des raisons pour lesquelles l’Armée est considérée comme une

institution où l’ascenseur social fonctionne bien. D’ailleurs, la plupart des militaires ne parlent

pas d’ascenseur social mais « d’escalier » social, pour y intégrer la notion d’effort et de

travail. En effet, cet escalier social fonctionne très bien : 70% des sous-officiers viennent des

militaires du rang et 70% des officiers viennent d’autre chose que du recrutement direct, c’est-

à-dire d’une autre voie que l’Ecole des Officiers de Saint-Cyr. Parmi ces officiers, un officier

sur deux vient des sous-officiers. Pour un militaire du rang, on détecte dès sa deuxième année

d’engagement son potentiel à devenir sous-officier. Il bénéficie alors d’une formation

élémentaire (formation militaire d’encadrement et formation technique) pour être encadrant

de trois à cinq personnes. Ceux qui n’ont pas le potentiel d’être sous-officier entre deux et six

ans de service passent au grade de caporal. Pour ceux là, il est possible, après le

renouvellement de contrat, de passer une certification élémentaire (équivalent Bac Pro) qui

leur permet de tenir des postes de sous-officiers sans être sous-officiers.

Organisation et encadrement

L’Armée de Terre a une organisation très stricte et hiérarchisée. Elle est organisée en 6/7

divisions ou brigades auxquelles s’ajoutent des états-majors. Voici comment s’organise

l’Armée de Terre de bas en haut:

- Deux soldats forment une équipe dont le chef est un caporal ;

- Deux équipes forment un groupe dont le chef est un sergent ou un « vieux » caporal-

chef » ;

- Trois groupes forment une section dont le chef est un lieutenant ou un sous-officier

expérimenté ;

- Trois sections forment une compagnie dont le chef est un capitaine ;

- Trois ou quatre compagnies forment un régiment ou un bataillon qui est commandé

par un colonel ;

- Plusieurs régiments font une division ou une brigade commandée par un général.

Cette organisation très verticale de l’Armée de Terre (et des armées en général) nous

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montre également que le taux d’encadrement y est très élevé, puisque tout en bas de la

pyramide, il y a un chef pour deux soldats. Ce taux d’encadrement est une des composantes

du cadre que peut apporter l’Armée.

La mission première des armées

Les armées n’ont pas pour mission première de créer de l’emploi et d’insérer les jeunes en

difficulté. Leur mission première est d’être sur les théâtres d’opération pour la défense du

territoire et des concitoyens. Les armées sont là pour combattre en cas de guerre, mais aussi

pour maintenir la paix, comme c’est le cas lors de missions de maintien de la paix. Dans un

monde devenu mondialisé et avec la mutation des types de conflits (par exemple, l’explosion

du terrorisme qui a aboli les frontières), les armées françaises évoluent partout dans le monde

et leurs missions concernent de moins en moins la protection directe du territoire français. En

outre, la mission des militaires est aussi de venir en aide aux populations victimes de

catastrophes naturelles (inondations, séismes, etc.).

1.3.2. Les modalités du recrutement des militaires du rang

Les armés sont le plus gros recruteur en France : 22 000 postes en 2011. L’Armée de Terre

recrute 12 000 militaires par an, ce qui en fait également un des plus gros recruteurs en

France. Parmi ces 12 000 militaires 10 000 sont recrutés comme militaires du rang. Les

militaires du rang représentent donc 83% du volume de recrutement. Sur ces 10 000, on en

compte 10% (soit 1 000) qui sont sans formation et sans qualification. Certains ont déjà eu

une activité professionnelle (CDD, stage, contrat à durée indéterminée ou CDI), d’autres non.

Pour pouvoir rentrer dans l’Armée, il y a tout d’abord un critère d’âge : avoir minimum 18

ans (au moment de la signature du contrat) et maximum 29 ans.

Du fait de ses gros besoins en recrutement, il faut commencer par aller chercher les

candidats. Plusieurs moyens sont utilisés. Le plus gros point d’entrée est le site internet du

recrutement de l’Armée de Terre. Mais les conseillers en recrutement des CIRFA (centre

d’Information et de Recrutement des Forces Armées) se déplacent dans les lycées, facultés,

voire collèges afin de présenter l’Armée de Terre et ses métiers aux étudiants potentiellement

intéressés. Les forums jeunesse et emploi des municipalités, les foires de région sont aussi des

points d’entrée. De la documentation est également laissée dans les missions locales, à Pôle

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Emploi et dans les mairies. Comme le dit le Colonel C. lors d’un entretien, « recruter c’est

différent d’embaucher. Embaucher : on met une place et on attend que des candidats

viennent. Recruter : il faut aller chercher les candidats, donner un sens et des valeurs »,

« L’Armée doit attirer mais pas séduire ». Il y a donc une réelle démarche d’aller chercher les

jeunes et de leur montrer ce que peut leur proposer l’Armée.

Les jeunes intéressés prennent un premier rendez-vous d’information dans un CIRFA. Ils

sont reçus par un conseiller en recrutement, qui sera leur interlocuteur pendant toute la durée

du processus (quatre à six mois). Il n’y a aucune restriction à l’ouverture d’un dossier, toute

personne venant se présenter et voulant commencer le processus de recrutement suite au

premier rendez-vous d’information a un dossier qui est ouvert. L’étape suivante est une phase

d’évaluation médicale, sportive, comportementale, psychotechnique et psychologique. Les

candidats sont convoqués pour quatre demi-journées de recrutement. Si la personne est jugée

inapte médicalement, le dossier est immédiatement fermé. L’évaluation comportementale se

fait sur la totalité des deux jours de recrutement : le comportement en collectivité et le

comportement général sont observés. Les tests psychotechniques (verbal, spatial, numérique,

logique) ont pour objectif d’évaluer les aptitudes cognitives du candidat et s’il sera apte à

suivre la formation. Les tests psychologiques sont faits pour déterminer la gestion du temps

libre, l’émotivité, l’agressivité, l’introversion/extraversion, l’agréabilité (sociabilité, capacité à

vivre en collectivité), la gestion du stress, etc. A la suite de cette phase d’évaluation vient la

phase d’orientation avec le conseiller en recrutement. Ce dernier essaie d’orienter le candidat

vers une spécialité en fonction des motivations de ce dernier et des résultats des évaluations.

Le candidat effectue trois choix. Les dossiers des candidats sont étudiés au niveau national

par une commission (il y a trois commissions par mois). Le choix est retenu en fonction de la

motivation du candidat, de ses résultats et du plan de recrutement. Si le candidat n’est pas

retenu, il peut postuler à nouveau. Avoir un casier judiciaire n’est pas rédhibitoire pour rentrer

dans l’Armée : tout dépend des faits et types de délits commis, c’est étudié au cas par cas. Si

le candidat est pris, il signe son contrat. Les contrats sont en général d’une durée de cinq ans

pour les militaires du rang. Il est possible de signer pour trois ans, mais la norme est plutôt de

cinq ans, contrat qui est renouvelable. Il est important de signaler que le recrutement est un

recrutement sur dossier : c’est le meilleur dossier qui est choisi. Or, c’est le candidat qui

choisit ce qu’il y a dans le dossier : ce qu’il dit, ses motivations, ses résultats d’évaluation,

etc. Il n’y a aucune politique de discrimination positive. D’autre part, l’expérience est souvent

privilégiée par rapport aux diplômes. Et si les capacités physiques sont requises pour un

militaire, ce n’est pas non plus nécessaire d’être un très grand sportif : l’Armée de Terre c’est

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plus de 400 métiers, elle a besoin de tout le monde et ne se met aucun frein en terme de

recrutement, elle a besoin de tous les profils (le domaine dans lequel elle n’est pas présente

est celui de la vente et du commerce !).

Dans ce processus de recrutement, le conseiller en recrutement est un militaire qui joue un

rôle très important. En effet, il est là pour accompagner le jeune tout au long du processus et

de l’informer au mieux sur la réalité du métier et sur toutes ses mauvaises facettes comme

avoir un chef, la promiscuité et la vie en collectivité, se lever tôt, respecter des règles strictes,

etc. Certains ont une vision utopique de l’Armée, surtout par les jeux vidéo, d’autres ne voient

pas la finalité et les difficultés du métier. Le conseiller a donc un réel rôle d’information sur la

réalité du métier de militaire et d’amener le jeune vers un projet professionnel réaliste.

D’ailleurs certains engagés ne l’avaient pas bien pris en considération et « dénoncent », c’est-

à-dire abandonnent pendant la période probatoire (six mois). Passé ces six mois, il faut aller

au bout du contrat ; sinon, cela s’appelle de la désertion et c’est condamnable de six mois de

prison. Le taux de dénonciation est de 18-20%. Les motifs de dénonciation sont divers, mais

souvent les militaires qui dénoncent n’avaient pas bien compris ce qu’était réellement

l’Armée et le métier de soldat, ils n’avaient pas bien intégré les codes. D’autres partent par

peur de l’échec quand ils se rendent compte des difficultés du métier. Si la dénonciation est

encore assez élevée, l’Armée fidélise de plus en plus. La moitié des contrats sont renouvelés.

Pour conclure, l’Armée peut être considérée comme une véritable « deuxième chance »

pour les jeunes sans formation, sans qualification, en recherche d’un emploi et d’un avenir. Le

recrutement sur dossier et la diversité des métiers proposés donnent l’opportunité à tous

d’intégrer l’Armée. Seule la contrindication médicale est rédhibitoire.

Les raisons d’engagement et motivations

Tout d’abord, malgré certains a priori que l’on pourrait avoir, les jeunes ont une très bonne

perception de l’institution militaire : l’antimilitarisme a laissé place à une vision consensuelle

et positive de l’Armée. Selon un article du journal Le Monde daté du 8 novembre 2011

intitulé « Les jeunes français ont une image consensuelle et positive de l’Armée », l’Armée

est l’institution qui inspire le plus confiance, devant (dans l’ordre) l’école, les entreprises, la

justice, les maires, les syndicats, la police l’administration, les députés, l’Eglise, la télévision

et les partis politiques. Il faut nuancer cette image positive, car elle s’accompagne d’une

certaine indifférence des jeunes à l’égard des armées, qui n’ont qu’une vision floue des

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opérations militaires. Pour eux, la mission principale de l’Armée doit être de « protéger » et

de « défendre », viennent ensuite « maintenir la paix » et en dernier « faire la guerre ». En

outre, la vision positive s’appuie sur le partage de valeurs comme le sens du devoir, la

discipline, le courage et l’esprit d’équipe.

Outre la vision plutôt positive de l’Armée, qui a une incidence positive sur le recrutement

et sur les raisons d’intégration de l’Armée, d’autres facteurs sont à prendre en compte. En

effet, pour les jeunes auxquels nous nous intéressons, à savoir les jeunes sans formation et

sans qualification qui intègrent l’Armée en tant que militaires du rang, intégrer l’Armée c’est

d’abord avoir un emploi. Souvent, devant le conseiller en recrutement, ils évoquent des

raisons telles que « je ne veux pas rester dans un bureau, je veux de l’aventure, bouger, etc. ».

Si ces raisons ne sont pas fausses, elles sont généralement secondaires. En réalité, les jeunes

candidats voient dans l’Armée le moyen de s’en sortir à court terme, de prendre de la

maturité, d’avoir des qualifications pour ensuite se reconvertir dans le civil. Leur réelle

motivation est de s’en sortir, d’avoir un emploi, un salaire, une certaine sécurité, des

perspectives d’évolution. La recherche de sens est une motivation importante, ils veulent

donner un sens à leur métier, à leur vie. S’engager, partir en mission sur les théâtres

d’opérations, défendre des citoyens, sont porteurs de sens. Il y a aussi la reconnaissance

sociale. En effet, être soldat c’est avoir un statut, une place dans la société. Il y a une

reconnaissance sociale du militaire. Porter l’uniforme est porteur de valeurs et donne une

place immédiate au sein de la société.

Un dispositif de reconversion unique : Défense Mobilité

Comme nous l’avons vu précédemment, la plupart des militaires sont sous contrat. Ils

passent donc un temps limité dans l’Armée et doivent poursuivre leur vie professionnelle dans

le civil. Le métier de soldat n’est pas forcément transposable. Deux questions se posent : que

fait la Défense pour les accompagner dans cette reconversion ? Quelles sont les reconversions

possibles lorsqu’on a été militaire ?

La Défense dispose de sa propre agence pour l’emploi à travers le dispositif « Défense

Mobilité » qui accompagne les militaires et civils de la Défense dans leur démarche de

mobilité et de transition professionnelle. Tout militaire a le droit de disposer de ce dispositif à

partir de quatre ans de service. Le dispositif Défense Mobilité est un dispositif récent, il a été

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mis en place en 2009. Pendant longtemps, la Défense ne se préoccupait pas vraiment de ce

que devenaient les militaires à la fin de leur contrat. Or, la Défense paie jusqu’à vingt quatre

mois de chômage. Lorsqu’il n’y avait que 1 000 à 2 000 personnes au chômage, ce n’était pas

problématique en terme de coût, mais en passant à 10 000 personnes au chômage le coût pour

la Défense est devenu trop élevé, d’autant plus dans un contexte de baisse drastique des

budgets. L’objectif de cette Agence emploi de la Défense est de contribuer à la baisse du

chômage. C’est d’autant plus difficile pour les militaires du rang qui sont les militaires les

moins qualifiés, surtout en temps de crise où les métiers les moins qualifiés sont les premiers

à être touchés.

A travers ce dispositif, chaque militaire peut bénéficier d’un accompagnement individuel et

personnalisé à partir de dix huit mois avant la fin du contrat. C’est le temps qu’il faut pour

réussir une reconversion, pour étudier les points forts, les points faibles, la situation familiale,

professionnelle, le projet professionnel, etc. Cependant, le dispositif est rarement lancé dix-

huit mois avant le départ, mais plutôt six à huit mois avant, car les militaires du rang sont les

moins disponibles étant souvent sur le terrain ; or, ce sont ceux qui ont le plus besoin d’aide

pour la reconversion. Le but n’est pas d’imposer aux militaires une reconversion mais de les

amener à un projet professionnel réaliste (en fonction de la situation personnelle) et réalisable

(en fonction des besoins du marché).

Voici comment se présente l’organisation du processus pendant ces dix-huit mois 15:

24 mois 18 mois 12 mois 6 mois Vie civile

Information Orientation Elaboration du

projet

professionnel

Accompagnement

à l’emploi

Placement

Présentation de

l’offre de service

de Défense

Mobilité

Réalisation du

bilan des

compétences et

identification des

centres d’intérêts

personnels

Définition du

projet

professionnel du

candidat et

validation

Formation

professionnelle, si

nécessaire à la

réalisation du projet

professionnel

Le candidat est

suivi par un

chargé de relations

entreprises jusqu’à

l’obtention d’un

emploi

15 Schéma pris sur le modèle de la brochure de Défense Mobilité à destination des militaires

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Chaque militaire est accompagné par un conseiller en emploi qui l’aide à élaborer son

projet professionnel, à trouver une formation si nécessaire, à réaliser un curriculum vitae, à

préparer des entretiens d’embauche, etc. L’accompagnement personnel est très important, il

faut que les militaires en reconversion puissent bien appréhender le retour à la vie civile. Les

militaires du rang parviennent à gagner plutôt bien leur vie, notamment parce qu’ils sont

logés, nourris, blanchis, et lorsqu’ils partent en opération extérieure (Opex), ils gagnent 1,5 à

2 fois le SMIC. C’est parfois difficile d’accepter des métiers moins bien payés. Parallèlement

à l’accompagnement personnel par le conseiller en emploi, un chargé de relation entreprise

prospecte des entreprises et place le candidat en emploi une fois le projet défini. Défense

Mobilité travaille avec beaucoup d’organismes de formation afin de permettre aux militaires

de bénéficier d’une formation professionnelle en adéquation avec leur projet de reconversion.

Parmi ces organismes, on compte l’AFPA (Association National pour la Formation

Professionnelle des Adultes), le CMFP (centre militaire de formation professionnelle : ce sont

des formateurs de l’AFPA qui exercent en caserne), pour les militaires voulant se reconvertir

dans les métiers du transport et de la logistique, il est possible de disposer d’une formation

dans des organismes spécifiques tels AFT-IFTIM.

Le militaire peut disposer d’un congé de six mois renouvelable une fois pour sa

reconversion. Durant cette période, il est possible qu’il effectue une période d’adaptation en

entreprise d’une durée de six mois : l’Armée continue de payer le militaire qui travaille

pendant six mois dans un contexte entreprise, c’est une opportunité pour l’entreprise qui ne

débourse pas un euro et pour le jeune qui bénéficie d’une réelle opportunité de recrutement à

la fin de cette période en entreprise. En outre, avec l’apparition de la VAE (Validation des

Acquis de l’Expérience), les conseillers accompagnent les militaires ayant acquis une réelle

expérience dans cette démarche de VAE pouvant déboucher sur l’obtention d’un diplôme,

élément valorisé par l’entreprise. Certains militaires ont acquis des compétences techniques

(dans l’informatique, les transmissions, etc.) et réussissent facilement à se reconvertir dans le

même domaine.

Les militaires ont plutôt une bonne image auprès des entreprises. En effet, l’Armée a un

réel savoir-faire en formation « comportementale » qui rassure les entreprises sur certaines

qualités et compétences que le militaire a pu acquérir lors de son engagement : valeurs,

rapport au travail positif, disponibilité, capacité d’adaptation, sens de l’initiative, sens des

responsabilités, travail en équipe, ponctualité, autonomie, etc. Il y a même certaines

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entreprises qui recrutent à 80% des militaires. Tous les projets professionnels sont

envisageables, certains militaires montent leur entreprise, beaucoup se reconvertissent dans le

transport (conducteur de poids lourds) car souhaitent continuer à « voyager », d’autres dans la

logistique (caristes, etc.). Enfin, grâce aux formations proposées, des métiers plus techniques

sont aussi envisageables.

Si la Défense met autant d’énergie dans la reconversion c’est aussi qu’une bonne

reconversion fait partie de la propagation d’une bonne image de l’Armée et inversement. Ce

dispositif est plutôt efficace, puisque 80% à 85% des militaires qui passent par Défense

Mobilité ont un emploi à la sortie.

A travers le recrutement, la formation et le dispositif de reconversion, apparaît déjà le

« rôle social » des armées que nous allons étudier plus en profondeur dans la partie suivante.

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Partie 2. Résultats, analyses et limites

observées

2.1. Méthodologie

Les lectures sur l’insertion sociale et professionnelle ainsi que sur le rôle social des armées

et le fonctionnement de l’Armée de Terre et du Plan Egalité des Chances nous ont amenée à

formuler plusieurs hypothèses sur la façon dont l’Armée et, de manière plus large la Défense,

apportent des réponses à la question de l’insertion des jeunes les plus en difficulté sociale et

professionnelle.

Hypothèse 1 : L’Armée possède un rôle social, peu connu, mais présent depuis plus d’un

siècle et dont le rôle a été étendu en dehors des rangs de l’Armée.

Hypothèse 2 : L’Armée de Terre, l’EPIDE et le SMA permettent une réelle insertion

sociale, en apportant un cadre, des repères, le sens de la vie en collectivité, des valeurs

humaines et citoyennes, la reconnaissance de l’individu et en amenant les jeunes à

l’autonomie. L’Armée possède un réel savoir-faire sur la formation comportementale des

individus.

Hypothèse 3 : La formation dispensée dans ces dispositifs, associée à une éducation et une

instruction si nécessaire, sont des éléments clés de l’insertion professionnelle.

Hypothèse 4 : Un tel modèle, de part ses spécificités ne semble pas transposable et possède

des limites.

La méthodologie employée pour confirmer ou infirmer ces hypothèses a été de lire de

nombreux documents sur ces sujets, mais aussi d’interviewer des acteurs des différents

dispositifs étudiés, dans la mesure où cela a été possible. Voici un tableau récapitulant les

différents entretiens effectués.

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Bouquet Maëlle– «La défense et l’insertion sociale et professionnelle des jeunes » - Juillet 2012

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Date Lieu Dispositif d’accueil Poste de la personne interviewée

25/04/2012 Paris Plan Egalité des Chances Général

29/05/2012 Paris RLJC Colonel

30/05/2012 Malakoff EPIDE - siège Adjoint au directeur- Chef de service des

Formations des Volontaires

30/05/2012 Malakoff EPIDE - siège Directeur – chef de service des Formations

des Volontaires

07/06/2012 Val de Rueil Centre EPIDE de Val de

Rueil

Directeur

1 référent

1 Tuteur accompagnateur

1 stagiaire

1 professeur

1 Chargé d’insertion professionnelle

1 chargé de formation professionnelle du

personnel

(+ participation à un cours de formation

générale et une séance d’ADVP avec 2

sections différentes)

11/06/2012 Paris SMA Général

11/06/2012 Paris SMA Chef du pôle recrutement formation

insertion

12/06/2012 Vincennes Direction du recrutement

de l’Armée de Terre

Colonel et lieutenant Colonel

15/06/2012 Paris RLJC (PEC) Un bénévole RLJC

19/06/2012 Rennes Pôle Défense Mobilité Chef de Pôle

20/06/2012 Evry CIRFA 2 conseillers en recrutement

TOTAL 19 entretiens

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Les entretiens effectués étaient des entretiens semi-directifs, dans le but de collecter un

maximum d’informations sur le dispositif étudié, sur la façon dont chacun contribue à

l’insertion sociale et professionnelle des jeunes ciblés. En exemple, voici le guide d’entretien

à destination des personnes interviewées au siège de l’EPIDE, les autres guides étaient sur le

même modèle.

Guide d’entretien – siège de l’EPIDE

1) Renseignements sur l’interlocuteur :

- Quel est votre parcours professionnel, ce qui vous a conduit à ce poste aujourd’hui ? En

quoi consiste votre poste ?

- Pourriez-vous expliquer le rôle de votre direction au sein de l’EPIDE, les actions

menées ?

2) L’EPIDE :

Création

- Comment est venue l’idée de créer un tel centre ? quelles sont les motivations ? pourquoi

cette forme spécifique de centre ?

- Pourquoi s’être inspiré du SMA pour créer l’EPIDE ?

- Quels étaient les objectifs de départ ? Ont-ils été atteints depuis 2005 ?

Profil des jeunes :

- Quel est le profil des candidats à l’EPIDE ? (sexe, âge, nationalité, antécédents scolaires,

professionnels, etc.)

- Comment connaissent-ils l’EPIDE et sont-ils amenés à y postuler ?

Description

- Quelles sont les particularités/spécificités de l’EPIDE ?

- Quels sont les avantages/inconvénients ? Forces/faiblesses ?

- Quelles ont été les difficultés majeures rencontrées ?

- En quoi l’univers militaire intervient-il dans ces établissements ? Est-ce uniquement sur

des questions de « formes » (uniformes, marche au pas, salut du drapeau, etc.) ou est-ce

que ça se manifeste autrement ?

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- Comment les jeunes reçoivent cet aspect militaire ?

- Quel est d’après vous le réel impact de cette pédagogie inspirée en partie de la pédagogie

militaire et d’un encadrement en partie militaire ?

- Quel est l’investissement financier nécessaire par jeune ?

L’insertion sociale et professionnelle

- Comment les jeunes sont-ils concrètement accompagnés vers l’insertion

professionnelle ?

- La vie en communauté/collectivité (internat 7j/7) est-elle nécessaire à la réinsertion

sociale ?

- Quel est concrètement le suivi (psychologique, personnel, professionnel) proposé aux

jeunes volontaires ?

- De quelle façon sont-ils accompagnés vers une insertion sociale et professionnelle

réussie ?

La question des mineurs :

- Vous avez récemment permis à des jeunes mineurs délinquants (de 16 ans à 18 ans)

d’intégrer les centres EPIDE, quels sont les résultats ? bénéficient-ils d’un encadrement

adapté ?

Comparaison avec un modèle 100% civil

- En quoi le modèle de l’EPIDE se distingue-t-il de celui des « Ecoles de la 2ème chance » ?

Pourquoi diriez-vous qu’il est plus efficace ou inversement ?

- En quoi se distingue l’EPIDE du CIVIS ?

Futur :

- Quelles vont être les actions futures de l’EPIDE ? Le modèle est-il amené à évoluer ? Va-

t-il y avoir de nouvelles ouvertures de centres ?

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2.2 Le Plan Egalité des Chances, l’EPIDE et le SMA mettent

en exergue le rôle social des armées.

Nous allons tout d’abord nous intéresser aux raisons pour lesquelles les armées ont une

vocation sociale, bien que la mission première des armées ne soit pas une mission d’ordre

sociale, mais comme déjà évoqué, une mission de défense de la Nation et de participation au

maintien de la paix dans le monde, telle que les militaires ont avant tout comme mission

d’être aptes à combattre et à défendre.

2.2.1 La vocation sociale des armées

Le rôle social de l’officier

Le Maréchal Lyautey a écrit en 1891 un texte paru dans la Revue des deux Mondes intitulé,

« Du rôle social de l’officier dans le service universel ». Ce texte est devenu une véritable

référence, connu de tous, ou du moins des officiers. Presque chaque personne que j’ai eue

l’occasion de rencontrer au cours de ce mémoire me parlait de ce texte, base de la réflexion

sur le rôle social des armées. Le Maréchal Lyautey se pose la question de savoir comment, en

cette période de révolution industrielle et économique, il est possible aux jeunes personnes

« privilégiées de l’intelligence, de l’éducation et de la fortune » d’accomplir leur devoir social

après des « humbles et déshérités ». Il remarque que ces protagonistes du devoir social ne

peuvent l’exercer que sur un nombre restreint d’individus. Le seul « « cadre », dans

l’acception militaire du terme, capable par nature d’exercer une action plus étendue » est le

« corps des vingt mille officiers français ». En effet, nous sommes à ce moment au début de la

conscription et du service militaire obligatoire, qui concerne tous les jeunes français de 20 à

23 ans. Le Maréchal Lyautey voit dans le service national une véritable opportunité pour les

officiers d’exercer leur devoir social, et parle alors « d’officier nouveau », qui « s’éloignera

peut être du type un peu rude et exclusivement batailleur que ce nom, à tort ou à raison, avait

le don d’évoquer ». Le rôle de l’officier est un rôle tout à fait particulier. En effet, « Nul n’est

mieux placé que l’officier pour exercer sur ses subordonnés une action efficace. En contact

avec eux, il partage entièrement leurs travaux, leurs fatigues, et n’en tire néanmoins aucun

profit. (…) Leurs intérêts sont non plus opposés, mais semblables.». Ces intérêts semblables

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renvoient au fait de gagner une bataille, un combat, de se battre pour la patrie, etc. Pour

Lyautey, l’officier est un « merveilleux agent social », il a même un rôle « d’éducateur » ;

pourtant, personne ne pense à lui dans le champ de l’action sociale. Nous pouvons d’ailleurs

remarquer qu’en plus d’un siècle, cela n’a pas changé. Le Maréchal insiste sur la nécessité

pour un officier de connaître ses hommes et de s’intéresser à eux, de créer une véritable

solidarité, malgré les contraintes imposées par la courte durée du service militaire : « Une

troupe bien en main, moins instruite, vaut mieux qu’une troupe plus instruite, moins en

main ». De plus, les officiers lors de leur enseignement ont appris à développer leur

intelligence, mais jamais on ne leur a enseigné une quelconque mission morale. C’est

totalement nouveau de parler à cette époque d’un rôle social et de l’importance de connaître

ses soldats alors que dans la cavalerie, certains officiers connaissaient mieux leurs chevaux

que leurs hommes. Or, gagner la confiance et conquérir le cœur de ces hommes est nécessaire

pour les mener au combat. Les sous-officiers doivent aussi être investis de cette mission

sociale, car ce sont les premiers contacts du soldat. Le rôle d’agent social ne s’arrête à pas à

celui de connaître ses hommes, il implique de les considérer et les respecter, de former leurs

esprits, leurs âmes et leurs cœurs. Pour que les officiers puissent s’adonner à ce nouveau rôle,

il est nécessaire d’agir dès l’école, le collège, le lycée et les écoles préparatoires. « Notre vœu,

c’est que, dans toute éducation, vous introduisiez le facteur de cette idée nouvelle qu’à

l’obligation légale du service militaire correspond l’obligation morale de lui faire produire

les conséquences les plus salutaires au point du vue social. ». Pour le Maréchal Lyautey, « le

rôle moderne de l’officier » est celui « d’éducateur de la Nation entière ». L’Armée se prête

le mieux à ce rôle, puisque c’est la seule école où il est possible d’apprendre les valeurs de la

discipline, du respect, de l’abnégation, de la solidarité. Finalement, le Maréchal souhaite faire

comprendre à tous que le service militaire, au lieu d’être « un arrêt déplorable dans le

développement commencé », « doit devenir le complément salutaire de toute éducation », et

une véritable opportunité pour les officiers et plus largement tous les éducateurs (professeurs,

etc.) d’accomplir leur mission sociale auprès de la jeunesse.

Cet écrit du Maréchal Lyautey, datant de plus d’un siècle, paraît encore d’actualité, même

si aujourd’hui le service militaire a été suspendu. Aujourd’hui, les officiers, et tous ceux qui

ont un statut de chef militaire sont empreints de ce rôle d’éducateur de leurs subordonnés. La

connaissance des hommes est primordiale, elle ne s’arrête pas à la connaissance de leurs

noms, âges ou anciennetés ; un chef connaît aussi des éléments de la vie personnelle, ses

aspirations professionnelles, etc. Le Maréchal Lyautey semble avoir réussi sa mission de

transformer les officiers et sous-officiers en éducateurs, et la reconversion de ceux-ci en

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atteste : en effet, certains se retrouvent professeurs, d’autres éducateurs.

La cohésion sociale et le lien Armée-Nation

La cohésion militaire est une notion qui apparaît partout, elle peut être considérée comme

une véritable valeur-phare au sein des armées. La brochure Armée de Terre 2002 décrit

l’Armée de Terre suivant trois axes : opérationnel, structurel et social, en tant que

« communauté humaine en symbiose avec la Nation ». Elle est décrite comme « une

communauté humaine vivante, unie dans la discipline et la fraternité d’armée » : « l’esprit de

corps est la ciment de l’Armée de Terre (…) ; sa force, sa chaleur et son intensité sont

indispensables au soldat ». 16 A cela s’ajoute que cette communauté formée par l’Armée de

Terre entretien une « nécessaire symbiose avec la communauté nationale, (…) qui seule,

donne légitimité à son action ». A travers ces quelques lignes, nous pouvons voir se dessiner

d’une part la cohésion, l’esprit de corps et la fraternité primordiales au sein de l’Armée de

Terre, et d’autre part son lien très fort avec la Nation.

La cohésion opère à plusieurs niveaux. En premier lieu, elle est représentée par les liens de

solidarité et de fraternité au sein d’une même unité, d’un régiment jusqu’à une même armée.

Ce sont l’esprit de corps, la solidarité et l’expérience commune qui sont au cœur de cette

cohésion. Dans la brochure Armée de Terre 2002, cette fraternité transcende les liens

hiérarchiques et « s’obtient à la fois par le professionnalisme rigoureux et par des liens

affectifs puissants nourris par une identité collective forte, l’esprit de camaraderie, l’attention

aux autres et … la bonne humeur ». D’autres liens forgeant la cohésion sont à prendre en

considération en second lieu. Il s’agit des traditions, du « devoir de mémoire ». Les traditions

« portent une forte charge symbolique, des valeurs, qui éclairent et soutiennent des

comportements. Phénomène identitaire, elles ne se décrètent pas et sont adoptées par une

communauté pour à la fois la souder et signifier sa spécificité ». Enfin, la cohésion opère à

travers le lien Armée-Nation où l’Armée vient puiser sa légitimité politique et sa signification

symbolique pour laquelle les soldats sont prêts à combattre, à tuer et à mourir. Au sein de

l’Armée, on observe une idéologie du groupe, le groupe devient la vraie patrie. Or, c’est la

Nation qui légitime le groupe, d’où l’importance de ce lien fort entre l’Armée et la Nation.

16 Oger Claire, « De l'esprit de corps au corps du texte : cohésion militaire et dissolution journalistique », Langage et société, 2000/4 n° 94, p. 9-43. DOI : 10.3917/ls.094.0009

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En outre, la cohésion, en plus d’être une valeur-phare, opère comme véritable principe

organisateur du discours militaire : il y a unité et unicité dans le discours et dans la méthode,

ce qui donne une impression d’homogénéité.

La question du lien Armée-Nation est fréquemment soulevée depuis la décision de la

suspension de la conscription en 199617. Le vocabulaire a aussi évolué, puisqu’on parle

maintenant plutôt de « relation Armée–société ». Ce glissement de vocabulaire n’est pas

neutre. En effet, tout d’abord on est passé de l’utilisation du mot « lien » qui a une

connotation affective (rappelant « l’union » qui existait entre l’Armée de masse ayant défendu

la Nation) au mot « relation » qui est plus neutre symboliquement. Malgré ce glissement et ce

changement des relations entre l’Armée et les citoyens, les militaires français sont soucieux

de ne pas se couper de leurs concitoyens. Ce lien ou cette relation est d’autant plus difficile à

préserver avec la fermeture de régiments entiers sur le territoire français. D’autre part, même

si actuellement les militaires ne se battent plus pour défendre le territoire français, peu menacé

par les pays voisins, il est important, pour conserver le lien entre l’Armée et la société, que les

valeurs des militaires et celles des Français convergent, ce qui est le cas d’après un sondage

réalisé auprès d’officiers et de Français. En effet, les valeurs jugées fondamentales pour les

officiers sont le sens de la justice et la démocratie, quand elles sont le sens de la justice, les

droits de l’homme et les libertés individuelles pour les Français. Quant aux valeurs les moins

importantes, elles sont, pour les officiers comme pour les Français, l’idéal européen, l’esprit

de sacrifice, les valeurs religieuses, l’esprit de sacrifice. Cette priorisation des valeurs nous

montre que les militaires ne sont finalement pas un monde à part avec ses valeurs propres : les

militaires et l’ensemble de la société sont animés par les mêmes valeurs. Il est important de

conserver ce lien et cette communion de valeurs puisque c’est au nom de ses concitoyens que

le militaire agit et a la volonté de combattre, même en opérations internationales.

Comme le rappelle Pierre Biclet, commandant dans l’armée blindée cavalerie, dans un

article du journal Le Monde, datant du 1er mars 2012, intitulé «Mettons la défense dans le

débat. L’Armée a aussi un rôle social », l’Armée est en pleine érosion du fait des coupes

budgétaires, et il est important de ne pas voir en elle seulement les coûts engendrés pour aller

combattre Kadhafi et le terrorisme en Afghanistan, mais aussi un puissant véhicule de

cohésion sociale au sein de notre société. L’Armée éduque, recrute et matérialise l’existence

d’un corps social, car elle émane d’une expression de volonté collective.

17 Jankowski Barbara, « Les relations armées-société en France », Pouvoirs, 2008/2 n° 125, p. 93-107. DOI : 10.3917/pouv.125.0093

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Le service militaire et l’impact de la suspension de la conscription

Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises les changements opérés par la suspension de

la conscription et la professionnalisation des armées, notamment ses conséquences sur la

baisse de l’intensité du lien entre l’Armée et la société. Le temps passé sous les drapeaux

obligeait les jeunes à suspendre pendant cette durée leur activité ou leurs études, le temps

consacré au service national pouvait donc être considéré comme une perte, principalement en

terme d’expérience professionnelle pouvant pénaliser les jeunes hommes pour leur avenir

professionnel et leur premier salaire. Une étude de Pierre Granier, Olivier Joseph et Xavier

Joutard s’intéresse à l’influence du service militaire sur l’insertion professionnelle des jeunes

suivant leur niveau d’étude18. En exploitant les résultats des enquêtes « Génération 1992 et

1998 » du CEREQ (Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualifications), ils s’intéressent

à quatre variables : le salaire mensuel trois ans après la sortie du système éducatif, le salaire

mensuel sur le dernier emploi occupé, la part du temps potentiel passé en emploi à la date de

l’enquête, et la probabilité d’être en CDI à la date de l’enquête. Il ressort de cette étude une

forte hétérogénéité des rendements de la conscription sur l’insertion professionnelle en

fonction du niveau d’étude du jeune concerné. En effet, ils sont positifs pour les jeunes sortis

du système scolaire sans diplôme ou niveau Baccalauréat, alors que pour les autres (c’est-à-

dire les jeunes diplômés avec un niveau supérieur au Baccalauréat) ces rendements sont non

significatifs, c’est-à-dire que le service militaire n’a pas eu de conséquences sur leur premier

salaire et le temps passé en emploi. Pour la première catégorie de jeunes, c’est-à-dire ceux peu

ou pas diplômés, on remarque qu’ils bénéficient de salaires plus élevés et ont une plus forte

probabilité d’être en CDI cinq ans après leur sortie d’étude. L’impact sur le chômage de ces

jeunes est également positif, puisqu’ils connaissent des périodes de chômage moins longues et

moins fréquentes que ceux ayant échappé au service militaire. En revanche, il est plus difficile

d’expliciter les réelles raisons de ces rendements positifs, même s’il est sous-entendu que les

formations techniques, civiques et comportementales dispensées durant la période de

conscription, ainsi que les valeurs diffusées (sens du bien commun, goût de l’effort, solidarité,

etc.) semblent être les raisons principales. En outre, les illettrés y apprenaient à lire et écrire et 18 Granier Pierreet al., « Le service militaire et l'insertion professionnelle des jeunes suivant leur niveau d'étude» Les leçons de la suspension de la conscription, Revue économique, 2011/4 Vol. 62, p. 651-686. DOI : 10.3917/reco.624.0651

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il était possible d’y passer le permis de conduire, véritables atouts dans la recherche d’un

emploi. Ainsi, le temps passé au sein des régiments de l’Armée a eu une influence positive sur

l’insertion professionnelle des jeunes les moins diplômés, quant aux autres, elle n’a eu aucune

influence et ne les a donc pas pénalisés pour leur premier emploi.

Cette étude et ses résultats nous permettent d’affirmer que le cadre militaire peut être une

opportunité pour réussir l’insertion sociale et professionnelle des jeunes les plus éloignés de

l’emploi et des diplômes. Cela va dans le sens d’un certain rôle social joué par les armées.

La suspension de la conscription a suscité beaucoup de débats, autour de la question du

lien armées-Nation mais aussi sur le rôle social des armées. Un rapport d’un groupe de travail

de la Commission Armées-Jeunesse (session 2009-2010) s’est interrogé sur cette question du

rôle social actuel des armées, depuis que la suspension du service national a modifié la place

des armées dans la société. Cela prouve que la conscription donnait aux armées un réel rôle

social auprès de la société et à travers les jeunes passés sous les drapeaux. Mais maintenant

que la conscription a disparu, le rôle social de l’officier prodigué par le Marchal Lyautey a un

impact très restreint, et les armées se posent la question de ce rôle depuis la

professionnalisation des armées.

En 2007, le Ministère de la Défense a mis en Place le « Plan Egalité des Chances » ou

PEC, qui regroupe des actions au profit des jeunes défavorisés, sortis du système scolaire, en

voie de marginalisation, etc. C’est la première fois qu’il est demandé à des militaires

d’étendre explicitement leur action sociale en dehors de leur cadre, en s’investissant dans des

actions d’intégration sociale au profit de personnes en dehors de leurs rangs. C’est aussi la

reconnaissance de l’expérience et de savoir-faire militaires pouvant répondre aux questions

d’insertion sociale et professionnelle des jeunes.

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2.2.2. Le Plan Egalité des Chances

Le Ministère de la Défense s’est engagé dans la politique d’égalité des chances, affichée

comme une priorité par le gouvernement, en créant en 2007 le Plan Egalité des Chances,

fondé sur les idées d’éducation et de promotion sociale. Il se propose de tenter de répondre à

la question de ce que l’on peut faire pour les 150 000 jeunes sortis chaque année du système

scolaire sans diplôme, ainsi que pour les jeunes de milieu modeste confrontés à

« l’autocensure ». C’est pourquoi le PEC regroupe huit actions qui n’ont aucun lien entre

elles, si ce n’est l’intention d’apporter une contribution, certes limitée, mais concrète, à la

question posée précédemment. Ces huit actions peuvent être regroupées en trois catégories :

- Les actions « cœur de cible » : tutorat, lycée de la Défense, RLJC (Réservistes locaux

à la jeunesse et à la citoyenneté) et l’EPIDE (Etablissement Public d’Insertion et de

Défense) ;

- Les actions « en mutation » : la substitution en cours des classes de défense et de

sécurité globales (CDSG) aux cadets de la défense ;

- Les actions périphériques : stages, périodes militaires (PM), partenariats, etc.

Certaines actions comme le tutorat, les CDSG, l’ouverture des lycées militaires et les

RLJC sont communes avec la Dynamique « Espoir banlieue », lancée en 2008 sous l’autorité

du Secrétariat général du comité Interministériel à la Ville.

Présentons brièvement les huit actions de ce PEC :

- Le tutorat de lycéens : il s’agit de l’accompagnement de lycéens méritants issus de

milieu modeste par des élèves officiers ou ingénieurs des huit grandes écoles de la

Défense, pour accroître la confiance en soi et leur donner l’ambition de poursuivre

leurs études dans l’enseignement supérieur ;

- L’accueil au sein des six lycées de la Défense (Lycées militaires d’Aix-en-Provence,

Autun et St-Cyr-l ‘Ecole ; Prytanée national militaire de La Flèche ; École des Pupilles

de l’air de Grenoble ; Lycée naval de Brest) de jeunes de milieu modeste provenant

notamment des zones urbaines sensibles :

o En classes du second cycle, des lycéens méritants issus de milieu modeste (le

« groupe III » des éligibles aux bourses de l’Education Nationale) afin de

trouver un cadre et des conditions privilégiés pour poursuivre avec les

meilleures chances de succès leur parcours scolaire ;

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o En classe préparatoire à l’enseignement supérieur (CPES), classe passerelle entre

la terminale et les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), des étudiants

éligibles aux bourses du Supérieur désireux d’accéder aux grandes écoles de la

défense mais n’ayant pas tous les atouts pour y réussir d’emblée ;

- Les classes de défense et de sécurité globales (CDSG) : partenariat entre une unité

militaire et une classe de collège ou de lycée (principalement professionnel) qui

favorise les apprentissages du socle à partir des contacts avec l’unité, tout en

contribuant au maintien du lien armées-Nation et au développement de l’esprit de

défense, notamment dans les « déserts militaires » et les zones urbaines sensibles.

Les CDSG ont pris le relais des cadets de la défense dont le développement a été

arrêté ;

- Le recrutement de réservistes locaux à la jeunesse et la citoyenneté (RLJC) :

bénévoles du service public, avec le statut de réservistes citoyens, travaillant dans les

quartiers sensibles et crédibles auprès des jeunes, en mesure d’être des relais

d’information entre eux et le ministère de la Défense ;

- Les Périodes Militaires d’Initiation ou de Perfectionnement à la Défense Nationale

(PMIP- DN), ont pour but de faire bénéficier les jeunes (16 à 30 ans) d’une expérience

militaire et d’une formation en valorisant la mixité sociale, l’effort collectif, la solidarité

et le dépassement de soi ;

- La formation qualifiante regroupe en fait trois sous actions dans le but de faire

bénéficier aux jeunes d’une expérience professionnelle :

o Les stages, du niveau troisième (stage découverte) à BAC +7, sous convention ou

non, éventuellement gratifiés (stages post Bac supérieurs à deux mois) ou

rémunérés (stages commission armée jeunesse) ;

o L’apprentissage (encore peu développé, seulement 240 nouveaux contrats en

2011) ;

o Le Parcours d’Accès aux Carrières de la fonction publique Territoriale,

hospitalière & de l’État (PACTE) qui permet l’accès à des emplois de

catégorie C sans concours ;

- Le dispositif Défense 2ème chance, placé sous la triple tutelle des Ministères de

l’Emploi, de la Ville et de la Défense, qui offre une « seconde chance » à des jeunes

en difficulté (18 à 25 ans) pour favoriser leur insertion sociale et professionnelle, en

les accueillant dans l’un des vingt centres de l’Établissement Public d’Insertion de

la Défense » (EPIDE), lequel s’est récemment ouvert aux « volontaires juniors »

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(primo-délinquants, dans le cadre de la loi Ciotti) de 16 à 18 ans. Nous

développerons dans la prochaine partie ce dispositif ;

- Les partenariats, qui ont pour objectif de dynamiser l’action du Ministère de la Défense

vers les jeunes – plus plus particulièrement ceux issus des ZUS (Zones urbaines

sensible). Ces partenariats sont très diversifiés, souvent locaux, tantôt ponctuels (comme

par exemple l’armada de l’Espoir, qui rassemble 140 jeunes de milieu défavorisés

pendant cinq jours sur sept grands voiliers traditionnels), tantôt pérennes (comme la

convention avec des lycées professionnels pour effectuer les « stages

professionnalisants » dans des unités militaires sous le statut « période militaire »). Un

partenariat avec les entreprises est en développement : le « Permis-Sport-Emploi » , dont

l’objectif est d’amener en six mois jusqu’à 100 jeunes à l’emploi durable, grâce à un

parcours de mobilisation dédié qui s’appuie sur le levier sportif, celui de l’engagement

au profit de la collectivité et la préparation au permis de conduire. En contrepartie de

l’engagement pris par chacun et de l’effort exigé, les entreprises, qui ont défini au

préalable leurs besoins et compétences recherchés, accompagnent les jeunes tout au long

du parcours. L’objectif est que ces jeunes acquièrent les fondamentaux d’accès à

l’entreprise, notamment en ce qui concerne le savoir-être : rigueur, comportement,

ponctualité, esprit d’équipe, respect des autres, honnêteté, confiance, hygiène de vie, etc.

Parmi toutes ces actions, nous allons nous intéresser de plus près au dispositif Défense 2ème

Chance et à un autre dispositif qui n’est pas sous la tutelle du ministère de la Défense mais

sous celle du ministère de l’Outre-Mer : Le SMA (Service Militaire Adapté) à destination des

jeunes ultra-marins.

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2.2.3. L’EPIDE (Etablissement Public d’Insertion de la Défense)

Présentation du dispositif dans son ensemble

L’EPIDE, ou dispositif 2ème Chance, a été créé par l’ordonnance du 2 août 2005 et placé

sous la triple tutelle des ministères chargés de la Défense, de l’Emploi et de la Ville. C’est un

établissement public administratif dont la mission est la suivante : « Assurer l’insertion

sociale et professionnelle de jeunes en difficulté scolaire, sans qualification professionnelle ni

emploi, en risque de marginalisation et volontaires au terme d’un projet éducatif global, la

formation dispensée contribuant à une insertion durable ». La description de la mission de

l’EPIDE montre pourquoi c’est sur ce dispositif du Plan Egalité des Chances que nous avons

mis l’accent. En effet, le public accueilli d’une part, et les objectifs d’insertion sociale et

professionnelle de ce public d’autre part, rentrent pleinement dans le sujet de notre étude.

Afin de réaliser cette mission, l’EPIDE créé et gère des centres de formation civils, qui sont

des internats accueillant et hébergeant les jeunes dans le cadre de parcours d’une durée

moyenne de huit mois, mais pouvant aller jusqu’à deux ans. Les centres dispensent des

programmes pédagogiques qui leur sont propres. On compte aujourd’hui vingt centres en

France, répartis sur tout le territoire, comme le montre la carte suivante :

La spécificité de l’EPIDE par rapport des établissements du même genre comme les Ecoles

de la Deuxième Chance (E2C) réside dans le cadre d’inspiration militaire. En effet, si

l’EPIDE n’est pas un établissement militaire, il est en partie sous la tutelle du ministère de la

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Défense et environ 50% des cadres de l’EPIDE sont des anciens militaires. C’est à ce cadre

d’inspiration militaire que nous nous intéresserons de plus près ultérieurement.

Les jeunes au sein de l’EPIDE sont tous volontaires. Le volontariat est un des éléments

clés et scelle le début du parcours d’insertion. Les jeunes sont d’ailleurs appelés des VI , pour

volontaires en insertion, au sein des centres EPIDE. Les critères pour pouvoir être volontaire à

l’EPIDE sont les suivants :

- Être volontaire ;

- Avoir entre 19 et 25 ans révolus ;

- Être sans qualification ni emploi ;

- Être en situation de retard ou de difficulté sur le plan scolaire ;

- Être en règle ou prêt à se mettre en règle avec la Journée Défense et Citoyenneté

(JDC : ex-JAPD) ;

- Être apte médicalement ;

- Les jeunes de nationalité étrangère peuvent être admis dans les centres EPIDE, sous

réserve que leur situation leur permette d’accéder à l’emploi.

Les jeunes ayant le profil sont dirigés vers l’EPIDE par les missions locales où ils sont

inscrits ou par la JDC. Certains viennent car ils en ont entendu par bouche à oreille, d’autres

sont envoyés à l’EPIDE par un CIRFA, car ils n’étaient pas encore aptes à pouvoir s’engager

dans l’Armée. Ceux intéressés pour intégrer le dispositif viennent se présenter dans le centre

le plus proche pour une journée de recrutement. Les seuls refus d’admission sont les suivants :

- Si le jeune perçoit des indemnités ASSEDIC ;

- S’il est Travailleur Handicapé (l’EPIDE n’a pas la compétence pour l’accueillir et de

le prendre en charge en vue d’une insertion professionnelle) ;

- S’il est trop qualifié (car il pourrait s’en sortir tout seul) ;

- Si une procédure judiciaire est en cours.

En dehors de ces cas, l’EPIDE accueille tous les jeunes les plus en difficultés.

L’EPIDE est complètement gratuit pour les jeunes, qui reçoivent par ailleurs une allocation

de 300 euros par mois, dont une partie est capitalisée et versée en fin de parcours.

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L’organisation d’un centre EPIDE

L’organisation d’un centre EPIDE est aussi inspirée de l’univers militaire. Les volontaires

sont regroupés en sections, dirigées par un référent chef de section secondé par deux

moniteurs tuteurs (un le matin, l’autre de l’après-midi) et des moniteurs accompagnateurs en

soutien. Le directeur de centre est toujours un ancien militaire (souvent un ancien colonel).

Les autres membres du personnel encadrant sont les professeurs de l’Education Nationale en

charge de la remise à niveau scolaire. Des chargés d’insertion accompagnent les volontaires

dans la définition et la validation de leur projet professionnel et participent à l’établissement

de partenariat entre des entreprises et le centre. Le taux d’encadrement dans un centre EPIDE

est très élevé puisqu’on compte 1 encadrant pour 2,5 volontaires.

Ci-après un schéma récapitulant l’organisation de départ très similaire à l’organisation de

l’Armée y compris dans la dénomination des postes, et un schéma montrant l’organisation

actuelle d’un centre EPIDE qui a glissé vers une organisation moins militaire.

Au départ :

Volontaires en Insertion (VI) = soldats

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Maintenant

Le parcours à l’EPIDE

Le parcours à l’EPIDE agit sur quatre composantes principales, permettant l’insertion

sociale et professionnelle : la socialisation, la formation, l’insertion professionnelle et

l’orientation. Le projet pédagogique de l’EPIDE est double, il vient en partie du modèle

militaire, pour le cadre structurant et la construction de compétences sociales, et du modèle

des travailleurs sociaux, pour l’accompagnement personnalisé et individualisé. L’objectif est

de transposer une personne en situation d’échec dans un environnement systémique, lui

permettant de se construire des compétences sociales et professionnelles.

Le régime de l’internat permet au volontaire de s’approprier les contraintes de la vie en

collectivité, de rompre avec son environnement habituel, d’être dans un cadre rassurant.

Le cadre militaire apparaît sous plusieurs formes : l’ordre serré, la cérémonie des couleurs,

la rigueur du comportement, le vouvoiement, l’uniforme, les revues de trousseau et des

chambres, etc. Le but n’est pas d’imposer ces pratiques aux jeunes, mais qu’ils y trouvent un

Volontaires en Insertion (VI)

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sens et de la cohérence, de façon à ce qu’ils se les approprient. Ce cadre est là pour les

rassurer, les mettre en confiance autour de règles et de codes, leur permettre de se construire

une image revalorisée d’eux-mêmes. Il sert de facilitateur. Ce n’est pas de l’autoritarisme ; à

l’EPIDE on ne prépare pas des militaires au combat mais des jeunes aptes à travailler dans

une entreprise et à vivre au sein de la collectivité que celle-ci représente.

Une large place est donnée aux activités physiques et sportives, des espaces de convivialité

(loisirs, détente, culture) sont créés permettant de contribuer à la socialisation du jeune. Au

bout de trois à cinq mois à l’EPIDE, la section part en stage de cohésion à dominante sportive

et culturelle. Une place est donnée à la réappropriation des notions de civisme et de

citoyenneté à travers des cours d’instruction civique, une formation aux gestes de premiers

secours et une éducation à la citoyenneté.

Parallèlement à cette éducation comportementale, une formation générale est dispensée

pour que chaque volontaire parvienne à une remise à niveau scolaire lui permettant au moins

l’obtention du CFG (Certificat de Formation Générale), souvent le premier diplôme obtenu

par le jeune. Des cours de codes de la route sont dispensés afin de les préparer à cet examen

puis au permis de conduire. Les cours sont dispensés par section, en petit effectif (maximum

15) et chacun progresse à son rythme, chaque volontaire est suivi de façon individualisée. Les

chargés d’insertion professionnelle ont pour rôle d’orienter professionnellement le volontaire

le positionnant comme acteur responsable de son choix professionnel. Dans ce but, la

méthode de l’ADVP (activation du développement vocationnel et personnel) est utilisée : il

s’agit d’un travail collectif qui permet à chacun une réflexion individuelle. Au fur et à mesure

des ateliers, le volontaire arrive à un projet professionnel personnel et choisi. Une fois le

projet défini, un travail est réalisé pour les entraîner à l’entretien d’embauche, au

comportement à adopter face à un recruteur, etc. De plus, les volontaires peuvent bénéficier

d’une formation professionnelle à travers des stages et des formations en adéquation avec le

projet professionnel.

Les jeunes bénéficient tous d’un accompagnement social afin de les aider à régler les

problèmes périphériques et tous les freins psychologiques, sociaux et environnementaux, à la

démarche d’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi. On les accompagne sur les

questions de santé, de logement et de mobilité.

Tout ce parcours pédagogique a pour objectif de casser la spirale de l’échec dans laquelle

se sont engouffrés beaucoup de ces jeunes et de leur permettre d’acquérir confiance,

autonomie, compétences sociales et professionnelle pour parvenir à une insertion réussie. La

pédagogie en place est de travailler sur l’ensemble de la personne et de lever tous les freins à

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l’emploi, quels qu’ils soient. C’est pourquoi la démarche de L’EPIDE est une démarche

individualisée pour chaque pensionnaire.

Focus sur le cadre d’inspiration militaire

Ce fameux cadre se retrouve dans différents éléments19 :

- « La tenue et la présentation : la tenue est uniforme par type d’activité et conforme

au trousseau distribué à l’arrivée du volontaire. La manière de se présenter du

volontaire doit s’approcher de celle qu’il devra adopter vis à vis de son futur

employeur : « Bonjour Monsieur, Madame, Mademoiselle, je suis

Monsieur/Mademoiselle/Madame untel du centre EPIDE de xxx » ;

- L’ordre serré : c’est l’art de former un groupe homogène prêt à être commandé et à

se déplacer collectivement. Il est pratiqué pour organiser les regroupements et les

déplacements. Il permet aux individus d’adhérer à un groupe. Le rassemblement

place le volontaire en situation d’existence et d’appartenance à un groupe. Ce qui lui

permet d’y trouver sa place, de mieux se repérer, de retrouver ses cadres et

d’identifier les individus qui l’entourent. Le rassemblement peut aussi être un

moment pour diffuser des informations et des rappels à l’ordre collectif devant

susciter l’intérêt et l’adhésion. La marche au pas permet au groupe d’avancer d’un

même pas, chaque individu contribue au déplacement de sa section ;

- Le chant : le chant est réservé à l’hymne national chanté par tous au moment du

levé hebdomadaire de drapeau (drapeau français et drapeau européen) ;

- Les revues de trousseau et des chambres : elles doivent contribuer à la mise en

situation de responsabilisation du volontaire quant au matériel mis à sa disposition à

travers l’acquisition de compétences sociales propres à ce domaine pour l’inciter à

s’approprier son lieu de vie et à l’entretenir ;

- Le vouvoiement : est de rigueur pour tous : les cadres vouvoient les volontaires et

vice-versa. Cela permet de leur montrer une forme de distinction, de respect, de

distance aussi. »

19 EPIDE (2011). Directives pédagogiques, document interne

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Profil des jeunes de l’EPIDE

L’EPIDE prend en charge les jeunes les plus en difficultés, qui ont en moyenne 21-22 ans

et sont soumis à des problèmes de sociabilité. Pour ceux venant de la campagne, ces jeunes

connaissent un isolement très fort. Certains n’ont plus de contact avec leurs familles. Des

jeunes arrivent en étant illettrés, d’autres sont Français Langue Etrangère (FLE). Beaucoup de

jeunes étrangers sont déracinés et désorientés. Les filles sont pour beaucoup confrontées à des

violences conjugales et familiales, à des mariages forcés, des divorces, etc. Certains

volontaires ont de gros problèmes de logement, il arrive (c’est une minorité) qu’ils soient sans

domicile fixe (SDF). La plupart sont inactifs depuis une longue durée (1 à 5 ans), c’est-à-dire

qu’ils n’ont absolument rien fait pendant cette période, ni étude, ni formation, ni travail.

Une réussite prouvée par un taux d’insertion élevé.

La méthode EPIDE fonctionne puisque le taux d’insertion est élevé. En effet, le taux de

sortie positive est de 80% pour les jeunes ayant été au bout de leur contrat avec le centre. Par

sortie positive, on entend un contrat à durée déterminé ou indéterminée, un contrat

d’apprentissage, une formation, etc. Ce taux d’insertion est ramené à 49% en prenant en

compte tous les jeunes entrés à l’EPIDE, y compris ceux sortis prématurément ou

démissionnaires. L’EPIDE a des objectifs élevés : 60 à 65% de sorties positives et dépasse ses

objectifs si on prend en compte le taux de 80% de sorties positives pour ceux allant au bout du

parcours. 93% des volontaires réussissent le CFG (Certificat de Formation Générale), 97% le

PSC1 (attestation de formation aux premiers secours), 95% l’attestation de Sécurité Routière

et 76% le permis de conduire. L’EPIDE.

80% des jeunes sont prêts à recommander l’EPIDE même s’ils sont sortis en cours de

route. C’est la preuve que les jeunes reconnaissent en l’EPIDE un moyen de s’en sortir.

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2.2.4 Le SMA (Service Militaire Adapté)

L’EPIDE que nous venons de décrire s’est clairement inspiré du SMA (Service Militaire

Adapté), qui est un dispositif beaucoup plus ancien. Le SMA a été créé en 1961 dans les

Antilles et en Guyane, à l’initiative du Premier Ministre de l’époque Michel Debré, dans le

cadre du plan Debré pour l’Outre-Mer. Le SMA avait pour objectif de permettre aux jeunes

ultramarins français de satisfaire leurs obligations militaires, en acquérant une formation

professionnelle et en participant au développement de l’infrastructure de leur département. Il

s’est étendu aux autres territoires d’Outre-Mer et en 1996. Avec la suspension de la

conscription, il a été question de suspendre également le SMA ; mais ce denier a été

maintenu, car le rôle joué sur la jeunesse en difficulté et l’emploi a été reconnu et démontré. Il

n’est plus devenu obligatoire comme le service militaire : depuis 1996 les jeunes viennent au

SMA sur la base du volontariat.

Le SMA est sous la tutelle du ministère de l’Outre-Mer, mais a conservé son statut

militaire. En effet, les jeunes volontaires ont un contrat de militaire, de même que tous les

cadres, qui sont soit des militaires d’activité, soit des civils sous contrat militaire. La

formation est fondée sur la pédagogie militaire et la délivrance de compétences

professionnelles, dans l’objectif d’une insertion durable dans une vie citoyenne responsable et

active, soit par le biais d’un contrat d’embauche, soit par l’entrée en formation

professionnelle.

Le SMA accueille en internat des jeunes ultra-marins volontaires, âgés de 17 à 26 ans. Le

cœur cible du SMA est celui des jeunes les plus éloignés de l’emploi et en voie de

marginalisation. Ce sont les plus défavorisés qui sont sélectionnés. En 2011, 35% de ces

jeunes étaient illettrés et 65% non détenteurs du brevet des collèges. Le SMA se veut une

réponse globale à l’exclusion, au chômage, à la désocialisation et à l’illettrisme des jeunes

ultramarins, en leur proposant un parcours comprenant une formation militaire, citoyenne et

professionnelle. Les unités SMA sont des unités militaires.

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Spécificité de l’Outre-Mer

Les Départements et territoires d’Outre-Mer sont des espaces économiquement clos, qui

ont des niveaux de vie supérieurs à leurs sous-régions. Tout ce qui vient sur le territoire vient

de la métropole. La rémunération est élevée, l’assistance est élevée et les produits de première

nécessité sont chers. La démographie y est très élevée, ce qui fait doubler l’impact social sur

ces territoires. Le taux de chômage des jeunes employables entre 16 et 25 ans est de 60%, et

peut atteindre 75% dans les quartiers les plus défavorisés. Le SMA de Mayotte formera cette

année plus de jeunes qu’il n’y a d’offres d’embauche proposées localement, par le Pôle

Emploi, ce qui montre les énormes problèmes d’emploi au sein de ces territoires. En outre, il

y a parfois un problème de langue : en Guyane il existe 18 langues, à Mayotte, beaucoup ne

parlent pas français.

Profil des volontaires

Plusieurs types de volontaires sont présents au SMA :

- Le volontaire stagiaire cursus long (VSL) : ce volontaire est recruté parmi la

jeunesse la plus en difficulté. Il ne détient ni diplôme ni qualification, est inactif

depuis longtemps, souvent illettré et sujet à des problèmes sociaux lourds. Il est la

cible privilégiée du SMA ;

- Le volontaire stagiaire cursus court (VSC) : ce volontaire, recruté parmi les jeunes

faiblement diplômés en situation de chômage, vient chercher au SMA un

accompagnement vers l’emploi par une valorisation de ses acquis professionnels et

une remobilisation humaine générale. Il possède un diplôme (CAP, BEP,

éventuellement BAC PRO.) mais a perdu ses acquis par manque de pratique et est

sujet à un environnement social difficile ;

- Le volontaire technicien (VT) est diplômé d’un niveau minimum du CAP, est

autonome et motivé. Il est employé au SMA comme aide moniteur auprès d’un

formateur. S’il est en difficulté d’insertion professionnelle, il vient chercher au sein

du SMA une première expérience professionnelle ;

- L’engagé volontaire du SMA (EVSMA) Titulaire d’un diplôme professionnel (CAP-

BAC Pro – BTS), il est recruté pour remplir les fonctions de gradé formateur et

d’éducateur.

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En 2011 on dénombrait 3 200 volontaires effectuant 12 mois de formation : 2 200

volontaires stagiaires non diplômés, 710 volontaires techniciens et 100 volontaires stagiaires

diplômés « réorientés ». Le Président Nicolas Sarkozy a décidé en 2009 de doubler les

effectifs du SMA. L’objectif est de parvenir à 6 000 volontaires en 2014 : 3 400 volontaires

stagiaires non-diplômés, 1 100 volontaires techniciens et 1 500 stagiaires diplômés.

Le parcours au sein du SMA

Contrairement à l’EPIDE, le jeune définit son projet professionnel dès son arrivée au SMA

et la formation professionnelle tient une grande place. Plus que l’emploi, c’est l’employabilité

du jeune qui est recherchée, en adéquation avec les métiers en tension. En associant formation

citoyenne, militaire et professionnelle, ainsi que la remise à niveau scolaire, on travaille sur le

savoir, le savoir-faire et le savoir-être du jeune. La devise du SMA est « La réussite par

l’effort et le travail ». Parvenir à l’insertion professionnelle nécessite que le jeune prenne en

considération ces deux paramètres. La démarche du SMA est à mi-chemin entre une école de

formation professionnelle et une école de développement de la personnalité,

comportementale, humaine et citoyenne fondée sur une pédagogie militaire, un suivi

permanent individualisé et de grande proximité. En volume horaire sur l’ensemble du

parcours, 70% du temps est consacré à la formation professionnelle et 30% à la formation

militaire et citoyenne.

La formation militaire

L’environnement militaire constitue l’originalité et la plus value du système de formation

professionnelle du SMA. Différente en volume horaire de la formation en vigueur dans

l’Armée de Terre, la formation militaire du SMA est spécifique et adaptée compte tenu du

niveau des volontaires. Cette formation dure quatre semaines et vise à :

Apprécier la motivation du stagiaire pendant la période probatoire (goût de l’effort,

capacité d’adaptation, moralité) ;

- Donner aux volontaires les rudiments de la vie en communauté (respect, discipline,

esprit d’équipe) et les rudiments du savoir-être nécessaire à leur réussite

future (présentation, tenue, ardeur au travail) ;

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- Faire découvrir au volontaire le milieu dans lequel il va vivre pendant plusieurs

mois et lui inculquer les bases de la vie sociale (éducation citoyenne et cohésion).

Cette formation crée un cadre visant à conférer un savoir-être aux jeunes en perte de

repère. Enfin, elle a comme but de donner aux jeunes volontaires le sens de leur appartenance

à une communauté nationale dont ils doivent être solidaires.

Le CAPI

Le SMA délivre un Certificat d’Aptitude Personnelle à l’Insertion : le CAPI qui se découpe

en 4 UV correspondant à 4 savoirs différents devant acquérir le volontaire à sa sortie :

- Savoir- être : AFC – attestation de formation citoyenne (le chef de section atteste de

cette UV) ;

- Savoir faire : AFP – attestation de formation professionnelle, qui atteste de 800

heures de formation professionnelle et est reconnue par le ministère du Travail. On

réfléchit à transformer l’AFP en CQP (certificat de qualification professionnelle) qui

reconnaît une compétence plus qu’un volume horaire. Le SMA forme à 47 métiers au

sein de 9 pôles : Transport routier, tourisme, tertiaire, restauration, sécurité, mécanique

automobile, métiers terre et mer, travaux publics, métiers du bâtiment. De nombreux

partenariats sont développés avec les entreprises locales afin d’augmenter les

débouchés et les stages pour les volontaires ;

- Savoir lire, écrire, compter : CFG – certificat de formation générale : examen de

l’éducation nationale ;

- Savoir secourir : AFPS – attestation de formation premiers secours.

A cela s’ajoute que tous les jeunes passent le permis de conduire.

Tous les volontaires du SMA étant des militaires, ils participent aux plans d’urgence et de

secours aux populations. Par exemple, lors du séisme en Haïti, des jeunes du SMA sont

intervenus sur place pour aider les populations. Ces missions participent à la formation

citoyenne des volontaires.

Etre militaire signifie que ces jeunes portent le treillis, qu’ils marchent au pas, qu’ils se

mettent au garde à vous, etc. Cela leur donne aussi un véritable statut social et leur redonne

une image positive.

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Tout comme l’EPIDE, un très fort taux de réussite

La performance du SMA est mesurée par le taux d’insertion des volontaires en fin de

contrat. Il reste très élevé, puisqu’il est de 75,2%. Cette insertion est traduite soit par un

contrat de travail pour les deux tiers des volontaires sortants, soit par la poursuite d’un cursus

de formation qualifiante Outre-Mer ou en métropole (au détachement du SMA à Périgueux)

pour le tiers restant. 81,4% d’entre eux réussissent le CAPI (certificat d’aptitude personnelle à

l’insertion), qui est devenu un véritable passeport pour l’emploi et 72% le permis de conduire.

Ce taux de réussite tient à plusieurs raisons. Tout d’abord, le SMA bénéficie d’une

excellente réputation Outre-Mer, que ce soit auprès des entreprises comme de la population.

Cette bonne réputation auprès des entreprises, facilite l’embauche de jeunes du SMA. D’autre

part, les militaires du SMA travaillent sans cesse au développement de partenariats, de

complémentarité et de synergie avec les acteurs locaux de la formation professionnelle et de

l’insertion, qu’ils soient privés ou publics.

Ensuite, qui dit cadre militaire, dit fort taux d’encadrement. En effet, il est de 1 encadrant

pour 3,54 volontaires, mais il va passer de 1 cadre pour 5 volontaires en 2014 à cause de

l’augmentation du nombre de volontaires accueillis.

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2.3. Des spécificités et une pédagogie militaire qui permettent

une insertion sociale et professionnelle réussie

Nos observations ont montré que les trois dispositifs étudiés en profondeur, Armée de

Terre, EPIDE et SMA, présentent des similarités dans les éléments qui contribuent à

l’insertion sociale et professionnelle des jeunes et qui marquent les spécificités militaires de

ces dispositifs. Nous regarderons également les facteurs clés de succès de ces dispositifs.

2.3.1 Des spécificités communes à tous les dispositifs : Armée

de Terre, SMA, EPIDE

La pédagogie militaire

L’institution militaire a développé sa propre pédagogie, dont certains aspects sont repris

dans les dispositifs étudiés. Cette pédagogie est mise développée dans le « Manuel de

Pédagogie Militaire »20.

Dans le milieu militaire, instruction, formation et éducation sont trois notions phares et

indissociables, qui font partie du vocabulaire militaire courant. L’instruction permet aux

individus d’acquérir des connaissances nouvelles, l’instruction militaire est tournée vers

l’action collective. Quant à la formation, elle consiste d’une manière générale à « adapter un

individu et à le préparer à la vie sociale ou à un emploi particulier ». Le but de la formation

est donc de faire en sorte que le militaire soit apte à tenir l’emploi qui lui est destiné, mais

aussi à ce qu’il réussisse son intégration au sein du milieu militaire. La formation ne serait pas

complète sans l’éducation. Si la formation permet d’acquérir des connaissances et des savoir-

faire, l’éducation est plus à même de fournir les compétences physiques, intellectuelles et

morales nécessaires. Les notions de volontariat et d’effort sont également nécessaires pour

une instruction réussie. En effet, comme il est stipulé dans le Manuel de Pédagogie militaire

« Nul n’apprend s’il n’en a le désir » et « Nul n’apprend sans effort ».

Une autre spécificité de l’instruction, et donc de la pédagogie militaire, est qu’elle est

20 Ministère de la Défense, Etat-Major de l’Armée de Terre Bureau d’instruction, 1985, Manuel de Pédagogie Militaire, Approuvé le 20 mai 1985, sous le n° 2512/DEF/EMAT/INS/FG/68 – Annule et remplace l’édition 1964

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tournée vers l’action collective. L’instruction se fait à un groupe d’élèves qui ont chacun leurs

individualités. C’est pourquoi, il est encore plus important de bien connaître les ressources de

chaque élève, ses capacités, ses talents, ses faiblesses, etc. « Apprendre le métier de militaire

c’est apprendre à sentir une fonction individuelle au sein d’un groupe, en vue de contribuer

efficacement, à sa place, à une mission collective ; c’est agir sur les réalités du combat et

celles de la vie courante ».

Il faut amener les élèves à adhérer aux responsabilités qu’ils auront à assumer, mais pour

cela, il faut que chaque homme comprenne ce qu’on attend de lui, ses objectifs, ait envie

d’apprendre et se situe dans le milieu dans lequel il évolue. « Besoin de s’accomplir, besoin

d’accomplir sont certainement les deux ressorts fondamentaux de l’élève ». L’instructeur doit

faire ressentir ces besoins à l’élève pour que celui-ci puisse pleinement atteindre les objectifs

qui lui sont fixés.

Tous les élèves doivent avoir acquis les connaissances et savoir-faire nécessaires, pas

uniquement les meilleurs. C’est le rôle de l’instructeur que tous les élèves d’un même groupe

aient appris et retenu tous les éléments nécessaires à la réalisation de l’objectif fixé.

En outre, l’instructeur doit avoir un rôle humain et éducatif afin d’encourager la cohésion

du groupe, l’adhésion et la volonté d’agir de tous. Une attitude trop directive empêcherait cela

et bloquerait l’esprit d’initiative et le sens des responsabilités nécessaires à tous pour prendre

de petites ou de grandes décisions. C’est pourquoi, il faut que les élèves soient dans une

attitude active, ils doivent comprendre pourquoi on leur demande d’atteindre tel objectif et

comment ils peuvent l’atteindre. Il ne faut pas qu’ils soient dans une attitude uniquement

passive vis-à-vis de l’instructeur. Cette attitude active se retrouve dans le mode de

communication préconisé pour l’instruction, en effet, pour que l’élève assimile le mieux

possible ce qu’on lui demande, il doit être dans une attitude active, et pas seulement dans une

position d’écoute seule. « Ecouter, voir, dire et faire », sont les quatre composantes qui

permettent à l’élève de retenir 90% de ce qu’il apprend. Or, dire et faire sont bel et bien des

attitudes actives, pendant que voir et écouter sont des postures plus passives. Cette position

active à pour but que l’élève découvre aussi par lui-même ce qu’il doit savoir. Et ce n’est pas

un militaire qui le dit mais Galilée « On ne peut rien enseigner à autrui. On ne peut que

l’aider à le découvrir lui-même ».

Ces éléments de pédagogie militaire sont repris évidemment dans l’Armée de Terre et au

SMA, qui sont tous les deux emprunts de cette pédagogie, où l’instructeur a un rôle très

important. En revanche, il est intéressant de s’intéresser à la pédagogie développée à l’EPIDE

et de voir les similitudes avec la pédagogie militaire.

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L’EPIDE a développé son parcours pédagogique pour amener les volontaires vers

l’employabilité et vers la construction d’un projet de vie au sein de la société ; ces éléments

rejoignent la théorie développée par Vicens sur l’insertion sociale et professionnelle que nous

avons vus en première partie. Ce parcours s’articule autour des objectifs suivants 21:

-­‐ Capacité à vivre dans un groupe social en acceptant les règles ;

-­‐ Culture générale et savoir-faire professionnels suffisants ;

-­‐ Connaissance des contextes de travail ;

-­‐ Sens des responsabilités et des initiatives.

Ces quatre éléments rejoignent en partie ce que prône la pédagogie militaire sur les

capacités à vivre au sein d’un groupe, à s’adapter au milieu dans lequel on évolue, à acquérir

des connaissances nécessaires à l’emploi visé, à être capable de prendre des initiatives et à

avoir le sens des responsabilités. D’ailleurs, nous pouvons citer Jean-Paul Sartre à ce sujet

« N’est un vrai homme que lorsqu’il s’engage et qu’il se sent responsable », se sentir un vrai

homme, c’est aussi se sentir exister, connaître sa place et c’est ce que recherchent ces jeunes.

En outre, c’est la méthode active qui est privilégiée dans le cadre de la transmission de

savoir. Le professeur et l’élève doivent chacun s’apporter quelque chose, ça ne doit pas être

une transmission de savoir uniquement du professeur vers l’élève. Cette méthode active de

transmission de savoirs rejoint la participation active prônée par la pédagogie militaire dans

l’apprentissage. Comme l’a dit lors d’un entretien un membre de l’Etat-Major du SMA, le

lieutenant Colonel C. « l’objectif est d’avoir autant à apporter qu’à recevoir ».

Vers l’autonomie

Les jeunes doivent retrouver l’autonomie ; le SMA et l’EPIDE sont tournés vers cet

objectif d’autonomisation du jeune au travers du parcours pédagogique mis en place. La

théorie a montré que l’autonomie est un point clé sur le chemin de l’insertion professionnelle.

Que ce soit le Général A. du SMA, selon lequel « l’objectif est de rendre les jeunes

autonomes, de les aider à reprendre cette autonomie qu’ils doivent avoir pour devenir des

citoyens actifs et responsables. », ou les personnes rencontrées à l’EPIDE, tous parlent de cet

objectif d’autonomie du jeune afin que celui-ci soit « employable ». Un référent (chef de

section) du centre EPIDE de Val de Rueil pense qu’« on peut rentrer dans le monde du

21 Directives pédagogiques : Directive n°24/EPIDE/DG/DFP – 16 juin 2011

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travail que quand on est autonome » ; pour cela il faut parfois commencer par « casser des

rêves » et « travailler sur la résilience, c’est à dire la capacité des individus à résister à des

situations traumatisantes, la possibilité pour eux de transformer un traumatisme pour en faire

un nouveau départ ». Etant donné le profil des jeunes intégrant ces centres EPIDE et ceux du

SMA, le travail premier consiste à « casser la spirale de l’échec » et à « casser des rêves », en

permettant à ces jeunes de retrouver confiance en eux, mais aussi estime de soi, clés pour

retrouver la motivation et la volonté de réussite (« par l’effort et le travail » pour le SMA).

Les jeunes qui arrivent dans ces centres ont souvent subi de nombreux échecs successifs

qui les ont amenés à se déprécier eux-mêmes ; un des rôles du personnel encadrant est que le

jeune réapprenne à se connaître, à accomplir des choses pour retrouver l’estime de lui-même,

pour réapprendre à se connaître, être reconnu des siens et s’aimer. C’est pourquoi les projets

pédagogiques de l’EPIDE et du SMA insistent sur l’empathie et la communication

empathique que doivent avoir les cadres vis-à-vis des volontaires. Les jeunes sont en

recherche de reconnaissance et j’ai pu l’observer lors du cours de mathématiques auquel j’ai

assisté au centre EPIDE de Val de Rueil. Casser la spirale de l’échec passe par valoriser le

jeune à chacune de ses réussites. Les jeunes sont en demande. Au début des cours, ils se

plaignaient de ne pas avoir été corrigés. Ils avaient été corrigés, mais le professeur n’avait pas

écrit des « Bravo, très Bien, etc. », à chaque bonne réponse. C’est le début du retour de la

confiance en soi, base de l’autonomie. L’EPIDE tente de mettre en avant, lors des

rassemblements du vendredi pour la levée des drapeaux, tous les jeunes ayant accompli une

réussite (par exemple ceux qui ont gagné au cross, etc.). Le directeur fait un discours devant

tous pour féliciter la réussite du jeune en ce moment un peu solennel qu’est la levée des

drapeaux et la Marseillaise. Redonner confiance, féliciter, encourager, comprendre le jeune,

sont autant d’éléments qui permettent à ce dernier de retrouver un regard positif sur lui –

même, à prendre conscience de son potentiel, de ses capacités et à formuler à un projet

professionnel, un projet de vie. C’est le premier pas vers la prise d’initiative, le sens des

responsabilités, qui sont au cœur du processus d’autonomisation du jeune, car une personne

autonome sera capable de discerner avant de décider pour ensuite agir.

Mais pour rendre un jeune autonome il faut travailler sur toute sa personne : son cœur, sa

tête et son corps.

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Tête, cœur et corps

Que ce soit au SMA ou à l’EPIDE, c’est la personne dans tout son ensemble qui est prise

en considération : sa tête (la raison, l’intelligence, la connaissance, la logique), son cœur

(l’émotion, la sensibilité, la passion, la peine, la tristesse) et son corps (le bien-être, le

physique). Il faut trouver un équilibre entre la tête, le corps et le cœur pour chaque jeune. Il ne

faut pas par exemple que le corps et le cœur prennent trop de place par rapport à la tête.

Toutes les souffrances subies par chacune de ces parties doivent être prises en compte et

soignées au mieux. C’est pourquoi chaque jeune bénéficie d’un accompagnement

personnalisé lui permettant d’agir sur ces trois composantes.

C’est la même chose qui est appliquée dans les armées d’après le Général A. du SMA,

pour lequel « on applique au SMA les mêmes règles qu’aux armées : physique, intellectuel,

cœur. Tout est intégré ».

Afin de travailler sur ces trois composantes, plusieurs choses sont mises en place. Tout

d’abord en ce qui concerne la tête ou l’intellectuel, ce sont les professeurs de l’Education

Nationale chargés des cours d’enseignement général qui en ont essentiellement la charge. En

effet, ces jeunes doivent acquérir les connaissances minimales pour obtenir un premier

diplôme le CFG (certificat d’enseignement général), un premier pas vers la spirale de la

réussite. En outre, ces connaissances sont nécessaires non seulement pour leur emploi futur,

mais aussi pour retrouver l’estime de soi et la démarche d’apprentissage. Ensuite pour le

cœur, à l’EPIDE, ce sont les assistantes sociales et les référents qui tentent de comprendre les

souffrances des jeunes et de leurs amener des solutions. En revanche à l’armée et au SMA, il

n’y a pas de professionnels du social, seulement des militaires, mais qui ont à cœur de

comprendre les jeunes à leur charge et de les aider à surmonter leurs souffrances liées à leur

famille, leur passé, etc. Pour cela, l’empathie et l’écoute sont des qualités nécessaires aux

cadres. Enfin, la dernière composante est le physique. Ce sont les médecins qui en ont la

responsabilité lorsque le corps souffre, mais le sport est un atout essentiel pour trouver

l’équilibre du corps. Que ce soit à l’armée, au SMA ou à l’EPIDE, le sport est un atout

primordial dans la formation. En effet, le sport contribue à l’équilibre psychique et demande

autant savoir-être que savoir-faire. Il permet non seulement de mieux connaître son corps, ses

limites, ses capacités mais aussi de surmonter des difficultés, de se dépasser, de surpasser ses

craintes, etc. En outre, le sport se pratique beaucoup en équipe ou du moins collectivement.

La pratique collective est un premier pas vers la réappropriation de la vie en collectivité.

Chaque sport à ses règles, il faut les respecter, se les approprier, les accepter. Enfin, le sport se

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pratique dans le respect, respect des autres, de son équipe, de ses adversaires et de soi. Toutes

ses raisons expliquent pourquoi le sport, véhicule des valeurs de fraternité, de respect et de

solidarité, tient un rôle important dans les armées, à l’EPIDE et au SMA. Il est un véritable

atout pour parvenir à l’objectif d’insertion sociale et professionnelle des jeunes les plus en

difficulté et les plus désœuvrés.

Unicité, collectif et personnalisation

Ces dispositifs en travaillant sur le corps, la tête et le cœur travaillent sur l’intégralité de la

personne, afin de parvenir à lui apporter savoir-faire et savoir-être en vue d’une intégration

sociale et professionnelle réussie. Mais chaque jeune arrive avec une association

tête/corps/cœur différente : malgré des similitudes dans le profil des jeunes, chacun est

différent, arrive avec des freins psychologiques, sociaux et physiques différents, avec des

projets, des capacités, des faiblesses différentes. C’est pourquoi l’EPIDE et le SMA proposent

chacun un vrai suivi individuel et individualisé du jeune, nécessaire à sa réussite.

A l’EPIDE, les sections sont petites et chacun peut avancer à son rythme. J’ai pu l’observer

lors du cours de mathématiques. Tous les volontaires de la section étaient arrivés au même

moment à l’EPIDE et pourtant ils avaient un niveau en mathématiques très différent. Certains

étaient déjà très avancés et étudiaient déjà les pourcentages pendant que d’autres se

débattaient encore avec les additions et les soustractions. Néanmoins le professeur suivait

chaque élève individuellement. Ce n’était pas un cours magistral. Chaque volontaire disposait

de sa propre pochette, avec ses exercices effectués et à effectuer et pouvait avancer à son

rythme. Le faible effectif des classes permet au professeur un vrai suivi individualisé. Il en va

de même pour la définition du projet professionnel qui se fait de façon individuelle pour

chacun. Chaque volontaire est suivi individuellement. C’est identique au SMA où chaque

jeune volontaire est suivi individuellement par son chef de section. Dans l’Armée de Terre on

observe la même chose, même si les effectifs sont plus importants. En effet les chefs de

section connaissent chacun de leurs hommes et ont pour mission de les accompagner dans la

réussite de leur parcours et de leurs objectifs. Le chef de section reçoit individuellement

chacun de ses soldats pour un suivi individualisé.

Le SMA et l’EPIDE, grâce à l’internat, peuvent travailler sur l’unicité de la personne :

unicité de lieu (le centre, l’internat), unicité de temps, l’ensemble de l’encadrement est

toujours présent à 100% sur le centre à tout moment du jour et de la nuit. Le jeune est pris en

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charge de A à Z.

Mais si la clé de la réussite est l’individualisation de l’accompagnement du jeune, elle

réside aussi dans l’aspect collectif de l’EPIDE, du SMA et de l’Armée de Terre. En effet, les

jeunes sont en groupe, ils appartiennent à une certaine communauté : leur bataillon, leur

section dans l’Armée de Terre, leur section et leur centre dans le cas de l’EPIDE et du SMA.

A l’EPIDE, les jeunes partagent leur chambre avec une à trois personnes, au SMA avec 11 à

17 autres volontaires. L’internat est une des premières sources de vie collective. Or,

l’insertion sociale passe d’abord par réapprendre à « vivre ensemble », par un processus de

« resocialisation ». L’internat représente un espace de vie commun qui permet aux jeunes de

mettre à l’épreuve leurs capacités à vivre et à travailler ensemble. C’est une première étape

dans l’apprentissage des règles de vie et dans leur appropriation. Les volontaires, que ce soit à

l’EPIDE ou au SMA, doivent veiller à l’hygiène de leur chambre et des espaces communs,

mais aussi prendre soin de leur matériel, prendre part aux tâches communautaires, etc.

Participer à ces contraintes de la vie en collectivité permet aussi au jeune de se

responsabiliser, de se rendre utile pour lui-même et pour les autres et de gagner en autonomie,

but ultime de ces dispositifs. En outre, par le fait d’appartenir à une section, à un groupe, à un

centre, les volontaires se sentent appartenir à une même communauté, au SMA on parle même

de « communauté de destin ». Ce sentiment d’appartenance est un premier pas vers la création

de lien social. Il permet aussi de partager des valeurs de solidarité, de cohésion, d’être

reconnu et aimé « des siens », d’acquérir ses propres repères au sein d’un groupe. Ce sont les

notions de base pour devenir un citoyen responsable, engagé et actif au sein de la société. Au

SMA, le parcours commence par une période militaire, qui pose d’emblée les bases de la vie

du groupe et de la vie en collectivité. Cette période joue aussi un rôle d’intégration nécessaire

au jeune pour trouver ses repères, se sentir en sécurité et épanoui au sein du centre dans lequel

il va évoluer pendant plusieurs mois. A l’EPIDE, ce n’est pas une période militaire mais un

stage de cohésion qui est proposé à chaque section, dans le but de la souder, de mettre en

exergue solidarité, respect des autres, du groupe, de créer des liens, etc. Au sein de l’Armée

de Terre, nous retrouvons les mêmes valeurs recherchées dans la vie en collectivité et dans

l’importance du groupe et du collectif. Dans l’armée, c’est particulièrement exacerbé puisque

c’est le gage de la réussite d’une opération. Affronter le risque létal ensemble crée des valeurs

de fraternité et de solidarité très fortes. En effet, « affronter l’adversaire nécessite

obligatoirement ce lien de respect mutuel et de confiance qui est indispensable pour pouvoir

réussir la mission », selon le Général A. du SMA.

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Finalement, un des facteurs clé de succès du SMA comme de l’EPIDE, et qui est inspiré en

partie des armées, est l’individualisation dans le collectif. Les jeunes se sentent appartenir à

un collectif identifié tout en ayant leur individualité propre qui est prise en compte ce qui leur

permet de prendre confiance, mais aussi d’apprendre un certain « savoir-être », clé de la

réussite de l’insertion tant sociale que professionnelle.

L’importance du cadre

Au cours des différents entretiens effectués et de la journée d’observation au sein du centre

EPIDE de Val de Rueil, il est ressorti que les jeunes en voie de désocialisation et de

marginalisation, sans formation et sans qualification, vivent dans un univers sans repère, sans

cadre et sont demandeurs de cadre pour s’en sortir, même si ce n’est pas toujours facile de

l’accepter. C’est pourquoi, l’EPIDE s’est inspiré du cadre militaire avec l’ordre serré, la

cérémonie des couleurs, la rigueur du comportement, le vouvoiement, etc. La pédagogie de

l’EPIDE souhaite transposer un jeune en situation d’échec dans un environnement

systémique : le jeune doit adhérer au système, à ses codes, sans pour autant remettre en cause

qui il est et d’où il vient. Le cadre est posé et construit l’espace de transition dont les jeunes

ont besoin pour se préparer à la vie active et à devenir employables. Il se traduit par

l’obligation de vivre en communauté, de respecter des règles, de respecter les autres, etc. Le

cadre permet également de rassurer les jeunes ; il sert de facilitateur et à l’EPIDE, il n’est pas

un moyen d’autoritarisme destiné à soumettre le jeune à l’obéissance, mais un moyen pour le

jeune de réapprendre des règles de vie et de trouver des repères. Le volontaire doit trouver du

sens à ce cadre pour s’approprier les pratiques et règles qui en découlent. Un référent de

l’EPIDE fait part de ces aspects du cadre militaire en confiant que « ce cadre d’inspiration

militaire est structurant. Il y a des rituels tels le rassemblement qui sont sécurisants, leurs

donnant les repères qu’ils n’ont pas », ou encore que « ce cadre militaire est associé à des

objectifs progressistes : aller vers la réussite et casser la spirale de l’échec ».

Au SMA et dans l’Armée de Terre, le cadre est évidemment très présent. Le taux

d’encadrement est très fort et les jeunes sont encadrés par des cadres militaires. Si

l’autoritarisme est plus marqué au SMA qu’à l’EPIDE, le but n’est pas de former des

militaires ou des « Rambo pour l’Afghanistan » mais de redonner à des jeunes des

compétences sociales et professionnelles. Le cadre militaire, l’uniforme, le respect de règles et

de la hiérarchie sont autant de facteurs qui redonnent à ces jeunes sans repère des repères

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sociaux et le cadre dont ils avaient besoin pour se remettre sur la voie de l’employabilité.

Le volontariat

Dans l’Armée de Terre, au SMA et à l’EPIDE, les jeunes ont tous un point commun : ils

sont volontaires. Un jeune « s’engage » dans l’armée. Le terme s’engager est très fort, il

exprime pleinement une action volontaire. S’engager c’est prendre position, choisir une voie,

entreprendre une action. L’engagé est le seul responsable de son engagement, il s’engage en

pleine liberté et de son plein gré, en ayant pris conscience de tout ce que requiert son

engagement. Etre autonome c’est faire ses propres choix, prendre des initiatives. Etre

volontaire c’est être acteur de sa décision, de son engagement, c’est faire un choix. Le statut

de volontaire va totalement dans le sens de la nécessité de retour à l’autonomie de ces jeunes.

Au SMA et à l’EPIDE, les jeunes sont volontaires et contractent un contrat avec leur centre

d’accueil. Ils ne sont pas forcés à intégrer ces dispositifs, ils y entrent de leur plein gré. Au

SMA, la notion d’engagement est encore plus forte puisque les jeunes volontaires ont un

statut de militaire. Ce qui signifie qu’ils peuvent être amenés à intervenir auprès de la

population, comme cela a déjà été le cas lors du séisme à Haïti. Participer à secourir des

populations ou à des entreprises de travaux sur les territoires sont des actions bénévoles, qui

permettent aux volontaires de prendre conscience de leur rôle civique au sein de la société,

mais aussi de revaloriser eux-mêmes en aidant bénévolement leurs pairs. Le volontariat est le

début de la réussite de l’insertion. Si le jeune est volontaire, c’est qu’il est motivé, qu’il a

engagé la démarche de vouloir s’en sortir et de s’insérer professionnellement. S’il est

volontaire dans l’un de ces dispositifs, c’est qu’il a accepté les conditions de vie, le parcours

pédagogique et les contraintes du cadre imposé par l’EPIDE ou le SMA. En acceptant le

contrat et ces conditions, le jeune est prêt à s’adapter aux règles, à les accepter et prendre part

aux activités et cours proposés pour retrouver le chemin de l’emploi.

Le volontariat est un véritable facteur clé de succès de ces dispositifs.

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L’uniforme

Le pouvoir intégrateur de l’uniforme jour un rôle prépondérant. Au SMA et dans l’Armée

de Terre, tous portent l’uniforme de l’armée et le treillis. Au SMA, porter le treillis montre

aux yeux de tous le statut de militaire du volontaire. Or, en Outre-Mer, l’uniforme joue encore

un rôle social important. Par l’uniforme, le volontaire incarne aux yeux de tous (sa famille, la

société) les valeurs portées par le soldat : honneur, sens de l’engagement, courage, etc. Pour

les volontaires du SMA, porter l’uniforme nourrit leur fierté d’être militaire et renforce leur

envie de réussir. Le prestige d’être soldat contribue à ce que chacun trouve au SMA une

pleine reconnaissance sociale. Pour reprendre les mots du Général A. du SMA, « dans

l’Outre-Mer, l’uniforme a encore une vraie dimension, une vraie reconnaissance sociale. Le

regard des autres peut changer sur le jeune parce qu’il porte l’uniforme. Une partie du

chemin du succès de la formation, de ce qu’on leur propose, vient du fait qu’ils soient en

uniforme », et, « il y a aussi cette possibilité qu’offre l’uniforme d’une forme d’anonymat, qui

n’empêche pas chacun de penser à ce qu’il est, de voir le regard des autres changer sur lui et

de voir son propre regard changer sur lui-même. ». L’uniforme est aussi un facteur

d’intégration, de solidarité et d’égalité. A l’EPIDE et au SMA, l’uniforme joue un réel rôle

d’intégration et d’égalité entre les volontaires. Quelque soit leur passé, leurs origines, au SMA

et à l’EPIDE, tous sont égaux, ils sont volontaires du SMA ou de l’EPIDE. Ils portent le

même uniforme, dans la journée, pour faire du sport, etc. L’uniforme gomme les différences

mais est source aussi de cohésion : les jeunes prennent conscience qu’ils appartiennent à un

groupe.

Enfin, chacun est responsable de la bonne tenue de son uniforme, de sa propreté, etc. Une

volontaire du SMA parle de ce que ça lui a apporté en disant : « Avoir l’uniforme ça nous

apprend beaucoup de choses dans le savoir-faire, il faut le repasser, que ce soit propre ».

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2.3.2 L’EPIDE et le SMA : une insertion réussie grâce à

l’association permanente de la formation

comportementale et de la formation professionnelle

Les similitudes de ces deux dispositifs uniques

Comme nous l’avons déjà étudié plus haut, EPIDE et SMA présentent de grandes

similarités. Tout d’abord, les deux dispositifs sont tendus vers le même objectif : l’insertion

sociale et professionnelle des jeunes les plus en difficultés. Ils accueillent volontairement les

jeunes qui sont le plus loin de l’insertion, et qui sont sur une voie de marginalisation, ce qui

ne rend pas la tâche facile, mais c’est la vocation de ces deux centres. La preuve, le Président

de la République a décidé de renforcer le dispositif SMA en doublant les effectifs à la suite

des émeutes en Guyane mettant en exergue le désœuvrement de la jeunesse. Quant à l’EPIDE,

Michèle Alliot-Marie décida de s’inspirer du SMA pour créer des centres EPIDE en France

suite à la « crise des banlieues » de 2005.

Les deux dispositifs présentent des aspects militaires que l’on retrouve dans l’Armée de

Terre : uniforme, vie en collectivité/internat, marche au pas, levée de drapeaux, revue de

trousseau, rigueur, garde à vous, volontariat des jeunes, fort taux d’encadrement, etc. Les

parcours pédagogiques ont beaucoup de points communs : remise à niveau scolaire, formation

professionnelle, stage. Ils travaillent sur l’ensemble de la personne et sur le développement

physique, intellectuel et moral. Ils sont tendus vers l’objectif de redonner confiance au jeune

et de le rendre autonome. EPIDE et SMA ont également une volonté forte de développer des

partenariats, avec un maximum d’acteurs pouvant aider à la réalisation de l’objectif

d’insertion. C’est pourquoi, en plus d’être en lien avec les missions locales et PAIO, un réseau

de partenariat avec les entreprises locales est développé avec chaque centre, le SMA est en

passe de signer une convention avec le MEDEF et les deux dispositifs travaillent avec des

centres AFPA, etc.

En revanche, leur nature et leurs histoires sont différentes, c’est pourquoi ils présentent

également des divergences sur certains points.

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Des différences structurelles

EPIDE et SMA présentent les mêmes objectifs, mais n’ont ni la même ancienneté, ni la

même histoire, si la même implantation géographique, ni la même nature. Tout d’abord, le

SMA est implanté sur des territoires particuliers, l’Outre-Mer, qui présente des contraintes

économiques, météorologiques et territoriales différentes de celles de la métropole. La

différence essentielle réside dans le fait que le SMA est à 100% militaire, quand l’EPIDE ne

l’est que dans la forme, dans le cadre militaire et par les cadres qui sont des anciens militaires.

L’EPIDE mixe professionnels du monde du social (assistantes sociales, professionnels

chargés d’insertion professionnelle, psychologues professionnels, éducateurs, etc.) et anciens

militaires, alors qu’au SMA, personne ne vient du monde des travailleurs sociaux

professionnels. Pour reprendre les paroles du Général A. en charge du SMA, « on n’a pas de

psy pro, on a des médecins militaires bien sûr, mais on a pas de psy pro, d’orientateurs pro,

d’éducateurs pro, d’animateurs pro. Ca marche pourquoi ? Parce qu’on a des jeunes gens

plus ou moins jeunes qui se convertissent à la mission d’accompagner chacun des jeunes qui

nous font confiance. Ca on le tire des armes et plutôt de l’Armée de Terre voire des troupes

de marine. Il y a une fraternité forte. Cet atavisme culturel d’entreprise des armées, on

l’acquiert car on est en aptitude d’affronter ensemble le risque létal. L’affrontement de

l’adversaire qui nécessite obligatoirement ce lien de respect mutuel et de confiance qui est

indispensable pour pouvoir réussir la mission. Et bien là tous les cadres militaires qui

arrivent d’Afghanistan, pour certains, qui viennent servir au SMA, ils sont dans ce schéma

d’accompagnement du jeune qu’ils vont considérer comme étant l’un des leurs. En opération

militaire en Côté d’Ivoire, en Afghanistan, ils ont acquis des compétences dans la difficulté,

l’humilité, un regard bienveillant sur le jeune qui lui permet de lui redonner confiance.

Puisque de toutes façons les jeunes sont sous statut militaire, qui est un statut militaire entier,

certes ils n’ont pas vocation à devenir des Rambo pour aller en Afghanistan mais ils ont un

vrai statut militaire, de volontaire SMA. (…) Les qualifications que nous apportons, nous,

sont liées à ce que savent faire les armées, avant tout du savoir-être ». Nous comprenons

donc que les cadres du SMA ont reçu une formation différente de ceux de l’EPIDE, et qu’ils

appliquent beaucoup plus les savoir-faire professionnels et pédagogiques appris dans l’armée

et lors de leurs expériences sur les théâtres d’opérations. Mais cela ne les empêche pas de

sentir réellement investis de leur nouvelle mission, atypique pour un militaire, comme le

montre un chef de section GSMA Polynésie française : « Ma mission principale consiste à

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redonner confiance aux jeunes issus pour la plupart de milieux difficiles et en échec

scolaire. »

La position des cadres vis-à-vis des volontaires est également différente. Dans les centres

EPIDE, le vouvoiement est de rigueur pour tous. Les cadres vouvoient les volontaires en les

appelant « monsieur, mademoiselle ou madame xxx ». Le vouvoiement crée une distance

volontaire. Il instaure également une forme de respect, de distinction du cadre envers le

volontaire. Pour le référent M. du centre EPIDE de Val de Rueil, « le tu tue car le tu peux

passer à la relation fusionnelle ». L’autorité et son but sont expliqués aux volontaires, afin

que celle-ci soit acceptée. Il y a un grand travail d’explication pour ne pas être dans une

logique d’imposition et d’autoritarisme. On explique aux jeunes le but de la marche au pas :

être capable de se coordonner avec les autres, le travail de cohésion, c’est structurant, etc.

En revanche au SMA, c’est une relation « d’Autorité et d’Amitié » qui est recherchée. Le

SMA ressemble beaucoup plus à l’armée puisque tous sont militaires. La dimension affective

entre les volontaires et les cadres est très importante contrairement à l’EPIDE. Pour un chef

de section au GSMA de Mayotte « la prise en compte de la dimension affective est capitale

car on ne commande bien qu’avec le cœur ». Pour le Général A. ce lien d’autorité et d’amitié

c’est aussi « être en vérité : le seul moyen pour le jeune que ça marche ». Il ajoute que

« l’amitié s’avère essentielle, dans une vie collective dense, pour accompagner, c’est-à-dire

« marcher au rythme de », tel ou tel jeune que l’on n’aurait surtout pas sélectionné pour sa

compagnie de combat si on avait été dans un régiment « ops ». Et c’est bien parce qu’on ne le

prendrait pas dans sa compagnie de combat que l’on goute une grande satisfaction de

l’accompagner au SMA. Dans la relation d’amitié, le cadre doit rester authentique et savoir

se donner pour l’autre ». Cette relation d’autorité et d’amitié fait la spécificité du SMA dans

son mode d’encadrement des jeunes et se distingue particulièrement du style de l’EPIDE.

Cette recherche de sincérité, de vérité, de « parler vrai » en fait le succès d’après le Général A.

Enfin, le statut militaire des volontaires du SMA leur confère un véritable statut social au

sein de la société. Ils sont militaires, ils se considèrent à l’armée, ils portent le treillis. Dans

les territoires d’Outre-Mer, être militaire et porter le treillis procure un réel statut. Pour ces

jeunes, c’est déjà un grand pas vers le retour au respect de soi-même, des autres, à retrouver

confiance en eux. A l’EPIDE, si les jeunes portent l’uniforme, c’est l’uniforme uniquement de

l’EPIDE, un uniforme bleu qu’ils ne portent pas à l’extérieur, qui n’a d’utilité et de sens que

dans l’enceinte du centre EPIDE. Le statut social que peut donner l’uniforme à l’extérieur

n’est pas exercé dans le cadre de l’EPIDE.

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Des résultats probants

Tout d’abord, ces dispositifs disposent d’une très bonne réputation, auprès de leurs

partenaires et des entreprises qui leurs permettent d’aller dans le sens d’un taux d’insertion

professionnel plutôt élevé. Nous avons vu que les militaires du rang de l’Armée de Terre

peuvent bénéficier du dispositif « Défense Mobilité » qui leur permet une reconversion civile

réussie pour plus de 80% d’entre eux passant par ce dispositif. Certaines entreprises recrutent

très volontiers d’anciens militaires, car elles estiment que ceux-ci ont acquis une formation

comportementale et un savoir-être lors de leur passage dans les rangs. S’il peut leur manquer

la formation professionnelle nécessaire, soit elle est effectuée lors du congé dont peuvent

disposer les militaires pour leur reconversion, soit l’entreprise prend sur elle la formation

nécessaire.

A l’EPIDE, les centres ont chacun noué localement des partenariats avec des entreprises

locales. Certaines entreprises étaient au départ réticentes à l’idée d’embaucher des jeunes en

difficulté, mais ont été rassurées par le fait que les jeunes de l’EPIDE sont encadrés et

« restructurés » lors de leur parcours. Les entreprises partenaires sont des entreprises des trois

secteurs suivants : bâtiments et travaux publics (BTP), restauration et services, secteurs plutôt

en tension et proposant des postes peu qualifiés pouvant correspondre au profil des jeunes

volontaires.

De même, tous les groupements SMA en Outre-Mer ont noué des partenariats locaux

stratégiques avec des entreprises locales. Le SMA ayant assis sa réputation depuis longue

date, les entreprises ne sont que peu réticentes à recruter des jeunes volontaires. Avec le

développement du SMA et le doublement du nombre de volontaires, l’objectif est de trouver

des débouchés en métropole dorénavant, en ciblant prioritairement les métiers et secteurs en

tension, ainsi que les postes non-occupés (souvent des postes avec des contraintes horaires,

géographiques, etc.), pour ne pas concurrencer les demandeurs d’emploi métropolitains, dans

le but de ne pas créer de conflit. C’est la mission actuelle du SMA, dont nous n’avons pas

encore de vision sur les résultats. Néanmoins, des partenariats en métropole sont en train

d’être scellés : avec la SNCF, avec le MEDEF, etc. Autant de signes de la confiance du travail

accompli au SMA. En outre, la volonté de l’ancien Président de la République de développer

le SMA et doubler ses effectifs montre l’utilité de ce dispositif pour la jeunesse d’Outre-Mer

et que ce dernier a fait ses preuves. Enfin, le SMA est en train de labelliser sa formation (et

son certificat CAPI) pour en faire un label d’excellence qui serait soutenu par l’Ecole des

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Officiers de Saint Cyr, pour la partie formation citoyenne et militaire, et par les compagnons

du devoir, pour la partie formation professionnelle.

Les taux d’insertion du SMA et de l’EPIDE sont parmi les plus élevés dans le secteur de

l’insertion, avoisinant les 80% comme nous l’avons vu en première partie de cette étude.

Mais ce sont les témoignages d’anciens volontaires qui montrent peut-être le mieux

l’efficacité de ces dispositifs :

-­‐ Un ancien volontaire : « Le SMA m’a inculqué le savoir-vivre, la vie en communauté,

mais aussi la rigueur. Autant de qualités qui m’aident d’un point de vue

professionnel. Je vois les choses d’une autre manière maintenant. »

-­‐ Une ancienne volontaire du SMA : « J’ai pris confiance en moi. J’ai réalisé un CV,

des lettres de motivation et découvert ce qu’était un entretien. J’ai appris à vivre, à

travailler et à partager avec d’autres personnes. Ce mode d’apprentissage unique et

adapté m’a permis de gagner en maturité. Je suis fière de servir au SMA, et fière de

mon parcours. Pour la première fois tout me réussit »

-­‐ Une ancienne volontaire du SMA : « Au début c’était difficile pour moi, je croyais que

j’allais jamais réussir, mais avec le temps ça a été. Ce que j’avais jamais appris, je

l’ai appris au SMA : le respect, faire mes affaires tout seule, savoir m’habiller,

savoir avoir un bon comportement »

-­‐ Un ancien volontaire de l’EPIDE : « Aujourd’hui ma famille est fière de moi car

j’apprends un métier, agent de sécurité, et mon comportement a changé. Je dirai aux

jeunes qui s’interrogent sur le centre de tenter leur chance et de tenir le coup, même

si c’est dur au départ. En fait, tout est dans la tête. Moi j’ai voulu m’en sortir et cette

expérience m’est vraiment bénéfique. C’est vraiment une deuxième chance que l’on

me donne. »

-­‐ Une ancienne volontaire de l’EPIDE : « Cela m’a permis de me recentrer sur mon

avenir professionnel, de remonter la pente, de reprendre confiance en moi et de

repartir avec des bases plus saines. L’EPIDE a représenté pour moi une grande

expérience humaine qui m’a permis de découvrir des valeurs essentielles comme

l’entraide, la patience, la ponctualité, l’autonomie, ou encore la vie en collectivité.

Durant mon parcours, j’ai fait connaissance avec une équipe d’encadrement ferme,

mais juste qui a toujours été à l’écoute quand il le fallait ».

Tous ces jeunes semblent avoir appris non seulement savoir-faire mais savoir-être au sein

du SMA ou de l’EPIDE ; ils font tous fait part du fait que ça n’a pas été simple, que ça leur a

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demandé de l’effort, mais cet effort a été payant puisqu’ils ont saisi cette deuxième chance

pour apprendre un métier et apprendre sur eux.

Finalement, nous pouvons donner raison à Beaudelaire qui disait avec humour : « Il faut

travailler sinon par goût au moins par désespoir, puisque, tout bien vérifié, travailler est

moins ennuyeux que s’amuser ». Si s’amuser est ennuyeux, c’est peu constructif, et un

individu inactif apporte peu de choses à lui-même et à la société. Les auteurs étudiés en

première partie ont montré une forte imbrication entre insertion sociale et insertion

professionnelle, une personne bien insérée dans la société, sachant vivre en société, en

collectivité aura beaucoup plus de facilités à s’insérer professionnellement. De même, un

individu qui travaille, qui exerce un métier, qui possède une occupation professionnelle

(rémunérée ou non) est en général bien inséré socialement au sein de la société, et

inversement. La Défense par son action à travers l’EPIDE et le SMA ainsi que l’Armée de

Terre, travaille sur l’insertion sociale et professionnelle. Elle travaille d’abord sur

l’intégration de la personne au sein d’un groupe, sur tous les freins psychologiques et sociaux

de chaque jeune, par un travail d’écoute et d’accompagnement, et enfin remet l’individu en

activité par le sport, par les cours (par un emploi du temps très chargé) et enfin par la

formation et l’orientation professionnelle.

2.4. Les limites observées de ce modèle d’insertion

sociale et professionnelle

2.4.1. Un modèle qui agit à faible échelle

Tout d’abord, si l’Armée de Terre agit en faveur de l’insertion sociale et professionnelle en

prenant dans ses rangs des soldats sans formation, sans qualification et pouvant correspondre

au profil des jeunes les plus en difficultés, ce n’est pas un organisme d’insertion à proprement

parler. La structure sociale et pédagogique y est moins exacerbée que dans des organisations

spécialisées. Ce n’est pas son objectif d’insérer des jeunes, mais de fait, elle insère tous les

ans de nombreux jeunes, qui n’auraient pas forcément trouvé une porte ouverte ailleurs que

dans un CIRFA, ou plus difficilement, au vu de leur absence de diplôme. Elle ne propose en

outre qu’une solution temporaire, puisque les contrats ne sont que de cinq ans ; la question

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d’une bonne reconversion dans le monde civil reste entière malgré la mise à disposition de

Défense Mobilité (Agence emploi de la Défense). Ensuite, son but est de former des soldats ;

même si l’Armée de Terre compte plus de 400 métiers, certains métiers ne sont pas

transposables dans le monde civil. Si le comportement, le savoir être, le sens des

responsabilités, le respect de la hiérarchie et d’un ordre sont des qualités que peut revendre un

soldat, il peut manquer aux volontaires les compétences techniques pour parfaire une bonne

reconversion. De plus, passer cinq ans dans un régiment, c’est aussi vivre cinq ans dans un

monde un peu à part, au sein d’une même grande famille de militaires, dans un univers avec

ses propres codes, ses propres repères, qui ne se retrouvent pas forcément ailleurs. Le retour à

la vie civile peut s’en retrouver d’autant plus difficile. Trouver de nouveaux repères, avoir un

autre rythme, ne plus être en permanence en collectivité, ne plus être autant encadré peut être

déstabilisant. Nous n’avons pas vraiment de visibilité sur ce que deviennent les soldats à la fin

de leur contrat, mais est-ce qu’on peut considérer que l’armée agit comme organisme

d’insertion sociale et professionnelle si, à la sortie, les anciens soldats sont déboussolés et

sans emploi ? Le retour à la réalité peut être d’autant plus difficile et les savoir-faire et savoir-

être appris dans les rangs anéantis par la difficulté du retour à la vie civile et l’absence

d’emploi.

L’EPIDE et le SMA accueillent des milliers de jeunes en voie de marginalisation tous les

ans mais, si nous prenons en compte les 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire tous

les ans, ils agissent sur un nombre restreint de jeunes en difficulté. Si leur action est

nécessaire et efficace, est-elle assez étendue pour avoir un impact réel sur cette jeunesse en

manque de repères et en recherche d’un projet personnel et professionnel ? De plus, la

situation économique actuelle ne laisse pas présager que le nombre de jeunes en difficulté va

diminuer. Quel va être le rôle futur de tels organismes auprès de la jeunesse ?

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2.4.2 La politique de restructuration des armées : un frein à ce

modèle d’insertion ?

L’armée est en pleine restructuration et ses effectifs baissent à vive allure. Lors de ma

visite à Rennes au Pôle Défense Mobilité, j’ai entendu certains militaires dire : « Dans

quelques années, toute l’Armée de Terre pourra tenir dans le Stade de France ». Cette image

montre bien que l’Armée de Terre sera en effectifs très réduits tout comme les autres armées.

La professionnalisation des armées avait déjà fait fondre les effectifs militaires, mais la

politique de restructuration et les coupes budgétaires accentuent encore plus cette fonte. La

fermeture de régiments fait se déliter encore plus le lien « Armée-Nation » évoqué plus haut.

Le rôle futur des armées est en question, et son rôle social avec. On peut donc se poser la

question du futur de ce modèle d’insertion sociale et professionnelle proposé par l’Armée de

Terre comme nous l’avons vu, et également des dispositifs sous tutelle du ministère de la

Défense comme l’EPIDE et le SMA.

Les coupes budgétaires pourraient aussi s’appliquer à ces dispositifs tels l’EPIDE. Dans ce

cas, étant donné le coût d’un volontaire accueilli et les objectifs d’insertion élevés à atteindre,

la conséquence négative d’une baisse du budget alloué au centre pourrait être d’avoir une

pression sur le recrutement. Actuellement l’EPIDE a les moyens de recruter et de prendre en

charge uniquement les jeunes les plus en difficultés, mais s’ils n’ont plus les moyens

financiers d’atteindre leurs objectifs d’insertion, il est probable qu’une sélection soit opérée

en faveur des jeunes moins en difficulté afin de parvenir à atteindre ces objectifs. La mission

de l’EPIDE serait alors altérée puisque les centres ont pour mission de prendre en charge les

jeunes en voie de marginalisation et de justement ne pas intégrer ceux pouvant s’en sortir car

possédant déjà un diplôme ou une formation. Une sélection vers le haut aurait pour

conséquence de laisser livrés à eux-mêmes ceux qui en ont le plus besoin. Dans ce cas, un

taux d’encadrement aussi élevé et un coût par volontaire si important serait-il justifiable ?

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2.4.3. Un modèle transposable ?

Le modèle d’insertion de l’armée, ou inspiré de l’armée, tel que nous venons de l’étudier

semble difficilement transposable. En effet, tout d’abord, il a un coût. Au SMA et à l’EPIDE,

un jeune coûte en moyenne entre 30 000 et 40 000 euros par an. Si le coût d’un jeune n’est

que de 7 000-8 000 euros par an dans une Ecole de la Deuxième Chance, il est de 230 000

euros par an pour un jeune délinquant en centre fermé, ce qui permet de relativiser le coût

financier important d’un volontaire du SMA ou de l’EPIDE. Le coût est partie du au fort taux

d’encadrement mais aussi à l’internat et à la prise en charge intégrale des volontaires. Ces

coûts importants sont difficiles à assumer sans une aide importante de l’Etat. Cependant, ils

sont justifiés par le coût social évité, même si ce dernier est difficilement mesurable et suscite

des débats.

Outre le coût, la méthode du cadre militaire serait-elle tolérée, si elle était de rigueur dans

tous les établissements d’insertion ? Si cette dernière prouve son efficacité dans les dispositifs

étudiés, d’autres structures d’insertion sans ce cadre et sans aucune inspiration militaire

prouvent également leur efficacité. Ce qui transparaît comme essentiel est de donner aux

jeunes un cadre, des repères, des moyens de se resocialiser, de reprendre confiance en eux et

d’arriver à devenir autonomes. Si les savoir-faire militaire ont prouvé leur réussite en matière

comportementale, il n’est pas forcément nécessaire de s’inspirer de l’univers militaire pour

donner un cadre, des repères, etc. à ces jeunes.

2.4.4. La baisse de la qualité des recrutements : un impact négatif

sur les reconversions

Nous avons vu que l’Armée de Terre pouvait être considérée comme insérant socialement

et professionnellement des jeunes sans formation et sans qualification. Ma visite au Pôle

Défense Mobilité de Rennes m’a fait prendre conscience d’une conséquence pouvant être

négative. En effet, si l’Armée de Terre fait de si grandes campagnes de communication, c’est

qu’elle a un fort besoin en recrutement, et notamment besoin de recruter des militaires du

rang. Mais ce ne sont pas toujours les profils les plus qualifiés qui viennent se présenter dans

un CIRFA. Par conséquent, on constate une certaine baisse dans la qualité des recrutements. Il

y a de moins en moins de militaires du rang qui sont qualifiés et/ou formés. La conséquence

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négative constatée est un impact négatif sur les reconversions. En effet, ceux qui ont le plus

de mal à se reconvertir sont en toute logique les profils les moins qualifiés et avec le moins de

diplôme. Donc s’ils sont majoritaires, les difficultés de reconversion se font plus grandes.

L’impact est ainsi aussi négatif pour le chômage. Si l’armée aura réussi à fournir un emploi à

ces jeunes pendant cinq ans au plus, que deviennent-ils s’ils ne parviennent pas à se

reconvertir dans le civil ? En outre, si une reconversion réussie contribue à véhiculer une

bonne image de l’armée ; a contrario un échec de reconversion ou une mauvaise reconversion

peut véhiculer une mauvaise image de l’armée et impacter non seulement le recrutement mais

aussi les reconversions futures.

2.4.5. Des jeunes pris en charge tardivement

L’armée, le SMA et l’EPIDE prennent les jeunes en charge à partir de 18 ans (petite

exception pour l’EPIDE qui intègre désormais des mineurs délinquants dès 16 ans). Que faire

de tous les autres, des plus jeunes ? N’est-ce pas déjà tard et d’autant plus difficile lorsqu’un

jeune est sorti du système scolaire depuis plusieurs années, en inactivité depuis longtemps et

sans aucune expérience professionnelle ? On peut se demander s’il ne faudrait pas agir avant,

tant en terme d’insertion sociale afin de ne pas laisser les jeunes se désocialiser, s’isoler,

s’enfermer qu’en terme d’insertion professionnelle en les redirigeant vers une formation ou un

organisme dès le décrochage scolaire. Derrière tout cela réside peut être une question sociale

et sociétale plus importante, celle de l’environnement du jeune, du rôle de sa famille, de son

quartier, de sa communauté. Tous les jeunes dont on m’a décrit le profil lors des entretiens

étaient dans une situation familiale compliquée, qui ne leur permettait pas de trouver un cadre

et des repères au sein de leur propre famille. La société s’est individualisée, la famille s’est

balkanisée et l’école a de plus en plus de mal à pallier les conséquences induites sur les

jeunes, sur leur éducation et leur formation et à apporter le cadre leur manquant. Si l’effort

devra être accentué auprès de toutes les organisations qui œuvrent pour l’insertion sociale et

professionnelle des jeunes, n’y aurait-il pas aussi un travail à effectuer en amont afin de

prévenir au mieux les risques de décrochage scolaire, ses conséquences, les risques de

désocialisation ?

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Conclusion

Nous avons montré que la Défense joue un véritable rôle auprès des jeunes les plus en mal

d’insertion. Que ce soit en interne, en recrutant dans les rangs des militaires peu ou pas

qualifiés et sans diplômes, et en externe par le SMA, le Plan Egalité des Chances et l’EPIDE.

Elle possède un rôle social, qui n’est pas sa mission première mais qui est réel. Si ce rôle

social en interne s’est amenuisé avec la suspension de la conscription et la

professionnalisation des armées, il reste présent et s’est déporté vers l’extérieur, à travers les

actions du Plan Egalité des Chances, en se préoccupant des jeunes en difficulté et ayant quitté

les bancs de l’école. Si l’armée se soucie de la jeunesse, c’est parce qu’elle a besoin de

recruter ces jeunes, mais aussi parce que cette vieille institution a conscience que ses savoir-

faire et savoir-être, ayant prouvé leur efficacité depuis des années, peuvent être d’excellents

moyens de remettre sur les rails les jeunes en difficulté et en mal d’insertion sociale et

professionnelle. Si le port de l’uniforme peut paraître archaïque, il possède un véritable

pouvoir intégrateur, la marche au pas peut sembler ridicule et inappropriée mais elle

représente un moyen de retrouver la cohésion et des repères. La vie en collectivité est le

premier pas vers la resocialisation, le respect de l’autorité et d’autrui permet de retrouver des

repères en société, le sport de réapprendre à respecter des règles, à travailler en équipe, à se

surpasser, etc. Tous ces éléments sont des moyens pour le jeune de retrouver le chemin de

l’insertion sociale en reprenant confiance, en réapprenant à vivre en collectivité et à être

autonome. Ces facteurs clés d’insertion sociale sont essentiels en vue d’une insertion

professionnelle réussie. Néanmoins une insertion professionnelle nécessite l’apprentissage

d’un métier et de trouver un emploi, une formation ou une alternance. Si l’armée apprend

avant tout le métier de soldat, elle permet aussi à un individu d’être formé dans l’un des 400

métiers qu’elle comprend. En outre, SMA et EPIDE sont de véritables organismes d’insertion

professionnelle en travaillant sur le projet professionnel, en apportant la possibilité de

formation, de stages, en développant des partenariats avec des entreprises et des centres de

formation. Ils allient remise à niveau scolaire, formation professionnelle ou pré-

professionnelle, reconstruction comportementale et citoyenne. Ces deux derniers éléments

font la plus-value de ces organisations inspirées de la pédagogie militaire.

La Défense peut avoir une place controversée et/ou inattendue au sein du paysage social

pourtant elle mériterait une vraie place au vu de ses actions. L’EPIDE parvient à mixer

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l’univers militaire et l’univers des travailleurs sociaux, mais d’une manière générale, ce qui

touche à la Défense trouve difficilement sa place au sein du paysage social en France. Le

SMA est entrain de la trouver en participant notamment à des forums sociaux. Si au départ

tout le monde est intrigué de voir des hommes en uniforme sur ces forums ou salons, le SMA

est parvenu à se faire une place, à se faire connaître et à échanger avec les autres

organisations. SMA, EPIDE et Armée de Terre ne se positionnent pas en remplacement ou en

concurrence de ce qui se fait déjà en faveur de l’insertion et de la formation professionnelle,

ils viennent plutôt les compléter. SMA et EPIDE agissent en amont des organismes de

formation professionnelle en délivrant les prérequis indispensables d’éducation et de

formation, pour que le jeune en difficulté se retrouve sur la voie de la réussite et de l’emploi.

Ils sont des passerelles d’insertion entre formation initiale inaboutie et emploi ou formation

continue inaccessibles.

Nous avons évoqué la portée limitée de ces dispositifs, qui ont un impact sur les jeunes qui

passent dans leurs murs, mais qui ne sont pas encore déployés à une échelle suffisamment

importante pour toucher tous ceux qui en auraient besoin. Néanmoins, ils sont nécessaires et

efficaces. Nous entendons plus souvent parler des jeunes en difficulté que de ceux qui s’en

sont sortis, comme le montre le Général A. en citant un proverbe africain : « un arbre qui

craque fait plus de bruit que 100 arbres qui poussent » ; pourtant, l’action de l’EPIDE et du

SMA est nécessaire voire indispensable et efficace. Grâce à leur offre singulière et unique de

parcours de formation proposé au volontaire, ils représentent des atouts et une véritable

deuxième chance pour la jeunesse en errance et aux portes de la désocialisation.

Enfin, nous avons souligné la nécessité de pouvoir pallier plus tôt les problèmes de

décrochage scolaire, d’orientation et de désocialisation. La Défense a également pris

conscience de cet enjeu en mettant en place deux actions. Les Réservistes Locaux à la

Jeunesse et à la citoyenneté, des bénévoles, intégrés et vivant dans les Zones Urbaines

Sensibles ou des zones rurales. Ce ne sont pas des militaires, mais ils sont en quelque sorte la

clé de voûte du Plan Egalité des Chances. Ils sont quotidiennement au contact des jeunes,

tentent de connaître leur situation, leurs aspirations et, en fonction de leur profil, les

informent, voire les dirigent, vers un des dispositif du Plan Egalité des Chances qui pourrait

les aider. Ce travail d’information et de terrain n’a pas encore les résultat escomptés, pourtant

il semble nécessaire d’informer au mieux les jeunes, de les connaître, et de pouvoir les diriger

au plus vite vers une solution adaptée à leur situation. D’autre part, la mise en place des

Classes de défense et de Sécurité Globales dans les classes de collège (partenariat entre un

établissement de l’Education Nationale et une unité militaire) participe au renforcement du

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lien Armée-Nation et des valeurs de la République, mais surtout permet aux collégiens de

découvrir des métiers (ceux des militaires avec lesquels ils sont en contact), de donner un sens

et un cadre. Cette démarche part du principe que la mise en relation avec une unité (militaire)

structurante a un effet structurant. Elle concerne les collégiens, et peut avoir un impact très

positif en complément de l’école sur ces derniers.

Pour conclure, la jeunesse représente l’avenir et la société de demain. Comme nous l’avons

vu, les défis concernant l’insertion des jeunes vont probablement se renforcer. La Défense

tente de répondre en partie à ces défis, mais parallèlement, elle essaie de surmonter le défi de

sa restructuration. Son avenir est en question, tant d’un point structurel que concernant ses

missions, du fait de la mutation des conflits dans le monde. Comment la Défense va-t-elle

réussir à concilier dans le futur une attention particulière pour la jeunesse et l’insertion avec

nouveaux défis et nouvelles armées ?

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