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LES ARRÊTS CLÉS EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DE L’ANNÉE 2010 Par M e Christopher Richter 1 et Olivier Archambault-Lafond 2 Woods s.e.n.c.r.l. www.boutiquelitige.com Décisions en droit international privé publiées entre le 1 er janvier 2010 et le 31 décembre 2010 par la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel du Québec et la Cour supérieure du Québec. LA COUR SUPRÊME DU CANADA 1) Yugraneft Corp. c. Rexx Management Corp., 2010 CSC 19 Arbitrage – Sentence arbitrale étrangère – Reconnaissance et exécution – Convention de New York – Prescription Yugraneft Corporation demande à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta de reconnaître et d’exécuter une sentence arbitrale rendue par le tribunal international d’arbitrage commercial de la Chambre de commerce et d’industrie de la Fédération de Russie. Rexx Management Corporation s’y oppose en soutenant que la demande est prescrite en vertu de la Limitations Act de l’Alberta. L’article III de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (ci-après « Convention de New-York) permet aux États d’assujettir la reconnaissance des sentences arbitrales étrangères à un délai de prescription. Dans le cadre du droit de l’arbitrage international, la prescription relève du droit procédural du ressort où il y a demande de reconnaissance et d’exécution. En vertu de l’article III de la Convention de New York, une province doit accorder aux sentences étrangères un traitement aussi généreux que celui accordé aux sentences arbitrales prononcées dans cette même province, en termes de délai de prescription. Une sentence arbitrale n’est pas un jugement ou une ordonnance judiciaire et en l’absence d’une indication du législateur qu’elle devrait être traitée comme telle, elle ne doit pas l’être. Une demande de reconnaissance d’une sentence arbitrale étrangère doit plutôt être qualifiée, aux yeux de la Limitations Act de l’Alberta, de demande d’ordonnance de réparation. C’est donc le délai de deux ans indiqué par la Limitation Act pour ce type de demande qui s’applique. Le délai de prescription doit commencer à courir lorsqu’il n’y a plus de possibilité que la sentence soit annulée par les tribunaux du pays où elle a été prononcé. Dans le cadre de la loi type prévue par la Convention de New York, la prescription commence donc à courir trois mois après la réception de la communication de la sentence par la partie concernée. 1 Associe chez Woods s.e.n.c.r.l. 2 Étudiant en droit ‘a l’Université McGill

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Page 1: LES ARRÊTS CLÉS EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ · 2013. 7. 5. · Décisions en droit international privé publiées entre le 1. er janvier 2010et le 31 décembre 20 10 par la Cour

LES ARRÊTS CLÉS EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DE L’ANNÉE 2010

Par Me Christopher Richter1

et Olivier Archambault-Lafond2

Woods s.e.n.c.r.l. www.boutiquelitige.com

Décisions en droit international privé publiées entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2010 par la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel du Québec et la Cour supérieure du Québec.

LA COUR SUPRÊME DU CANADA

1) Yugraneft Corp. c. Rexx Management Corp., 2010 CSC 19

Arbitrage – Sentence arbitrale étrangère – Reconnaissance et exécution – Convention de New York –Prescription

Yugraneft Corporation demande à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta de reconnaître et d’exécuter une sentence arbitrale rendue par le tribunal international d’arbitrage commercial de la Chambre de commerce et d’industrie de la Fédération de Russie. Rexx Management Corporation s’y oppose en soutenant que la demande est prescrite en vertu de la Limitations Act de l’Alberta.

L’article III de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (ci-après « Convention de New-York) permet aux États d’assujettir la reconnaissance des sentences arbitrales étrangères à un délai de prescription. Dans le cadre du droit de l’arbitrage international, la prescription relève du droit procédural du ressort où il y a demande de reconnaissance et d’exécution. En vertu de l’article III de la Convention de New York, une province doit accorder aux sentences étrangères un traitement aussi généreux que celui accordé aux sentences arbitrales prononcées dans cette même province, en termes de délai de prescription. Une sentence arbitrale n’est pas un jugement ou une ordonnance judiciaire et en l’absence d’une indication du législateur qu’elle devrait être traitée comme telle, elle ne doit pas l’être. Une demande de reconnaissance d’une sentence arbitrale étrangère doit plutôt être qualifiée, aux yeux de la Limitations Act de l’Alberta, de demande d’ordonnance de réparation. C’est donc le délai de deux ans indiqué par la Limitation Act pour ce type de demande qui s’applique. Le délai de prescription doit commencer à courir lorsqu’il n’y a plus de possibilité que la sentence soit annulée par les tribunaux du pays où elle a été prononcé. Dans le cadre de la loi type prévue par la Convention de New York, la prescription commence donc à courir trois mois après la réception de la communication de la sentence par la partie concernée.

1 Associe chez Woods s.e.n.c.r.l. 2 Étudiant en droit ‘a l’Université McGill

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2) Kuwait Airways Corp. c. Irak, 2010 CSC 40

Immunité d'État – Loi sur l’immunité des États art. 5 – Exception commerciale – Reconnaissance de jugement étranger

Lors de l’invasion du Koweït en 1990, le gouvernement irakien avait ordonné à la Iraqi Airways Company (IAC) de saisir les avions et de l’équipement appartenant à la société aérienne Kuwait Airways Corporation (KAC). La KAC avait par la suite entamé des procédures judiciaires au Royaume-Uni afin de se faire indemniser. Après avoir eu gain de cause, la KAC avait également obtenu un jugement de la High Court of Justice britannique qui condamnait l’Irak a payé des dépens de 84 millions dollars en raison du fait que l’Irak avait contrôlé, financé et surveillé la défense d’IAC tout le long des procédures en justice. Dans l’affaire québécoise, KAC demande la reconnaissance du jugement britannique contre l’Irak. La Cour supérieure et la Cour d’appel ont conclu que les actes accomplis par l’Irak sont des actes de souveraineté tel qu’entendu par la Loi sur l’immunité des États (LIÉ) et que l’exception commerciale ne s’applique pas.

En vertu de l’article 170 de la Loi sur l’application de la réforme du Code civil, c’est le C.c.Q. qui s’applique à la reconnaissance du jugement étranger puisque le jugement britannique en question a été rendu en 2008. La date du début du litige entre les deux parties n’est pas pertinente. En ce qui a trait à l’application de la LIÉ, la Cour note qu’en vertu de l’article 3076 C.c.Q., les dispositions relatives au droit international privé « s’appliquent sous réserve des règles de droit en vigueur au Québec et dont l’application s’impose en raison de leur but particulier. Ces règles comprennent en l’espèce la législation fédérale sur l’immunité de juridiction des États étrangers. » (para. 12). La Cour suprême retient donc la conclusion de la Cour d’appel sur cet aspect et affirme que puisqu’une demande de reconnaissance d’un jugement constitue un « instance » ou un « proceeding » au sens de l’art. 3 de la LIÉ, la LIÉ doit s’y appliquer. Le fait que l’art. 3158 C.c.Q. interdise au tribunal québécois de réviser le fond de la décision étrangère ne change rien à cette qualification (para. 20). La Cour se penche par la suite sur l’exception de commercialité. Puisque l’article 3 établit une présomption d’immunité, il appartient à KAC d’établir la possibilité d’invoquer une exception. La question de l’exception doit se décider sous le régime de droit canadien et la décision du tribunal anglais sur ce point n’a pas la force de chose jugée puisque c’est la LIÉ qui s’applique. Le tribunal saisi de la demande de reconnaissance doit cependant respecter les conclusions de fait établies dans le jugement étranger. Pour qualifier les actes à la base du litige, il faut « revoir d’abord la nature des actes visés par l’action de KAC contre l’Irak devant les tribunaux anglais, dans l’ensemble de leur contexte, qui comprend l’objet des actes accomplis. Il ne suffit pas de rechercher s’ils ont été autorisés ou voulus par l’Irak, ou s’ils l’ont été pour préserver certains intérêts publics de cet État. Il faut examiner la nature de ces actes avec attention pour les qualifier correctement sur le plan juridique. » (para. 33). À cet effet, il est nécessaire de se tourner vers le conclusions de fait du juge britannique. En l’espèce, l’acte pertinent est la rétention et la mise en service des avions par IAC, un acte de nature commercial. La saisie initiale des avions, un acte souverain, n’est pas liée au litige ici en cause. L’exception de commercialité s’applique donc et l’Irak ne peut bénéficier de l’immunité de juridiction reconnue par l’article 3 de la LIÉ.

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LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

3) Droit de la famille - 10322, 2010 QCCS 328

Droit de la famille – Annulation de pension alimentaire – Forum non conveniens – Intérêt des enfants

La Cour supérieur a, à bon droit, appliqué les critères jurisprudentiels d’application de l’article 3135 C.c.Q. en prenant notamment en compte l’intérêt primordial des enfants. Elle n’a donc pas commis d’erreur en déclinant compétence au profit des tribunaux français dans le cadre d’une requête d’annulation rétroactive d’une pension alimentaire.

4) Samson c. Banque Canadienne Impériale de Commerce, 2010 QCCA 604

Litispendance internationale – Jugement par défaut – Article 3137 C.c.Q. – Reconnaissance de jugement étranger – Article 3155 C.c.Q.

La Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC) a obtenu un jugement par défaut d’un tribunal de l’Illinois qui condamne Samson à des dommages-intérêts. Alors que les procédures de reconnaissance du jugement étranger devant les tribunaux québécois sont encore pendantes, la CIBC poursuit également Samson au Québec. Samson avance que le recours intenté contre lui au Québec devrait être mis de côté car la reconnaissance du jugement de l’Illinois conduit à une double condamnation à l’égard de certains dommages. Il invoque litispendance.

La Cour retient que la litispendance internationale, basée sur l’article 3137 C.c.Q., n’a pas le même caractère contraignant qu’en droit interne. Ainsi, « l’article 3137 C.c.Q. confère aux tribunaux québécois une certaine discrétion. Celle-ci est largement tributaire des circonstances. » (para. 21). En l’espèce, puisque le jugement de l’Illinois n’a pas encore été reconnu au Québec, les appelants pourront invoquer les moyens de défense prévus à l’article 3155 C.c.Q. pour s’y opposer. Le juge de première instance n’était donc pas dans l’erreur en refusant de surseoir.

5) St-Paul Fire & Marine Insurance Company c. Markel Insurance Company of Canada, 2010 QCCA 1014

Compétence en vertu de l’article 3150 C.c.Q. – Assurances – Article 3148 C.c.Q.

La demanderesse, subrogée dans les droits de son assuré, poursuit la défenderesse en sa qualité d’assureur d’un transporteur. En première instance, la Cour du Québec avait décliné compétence puisque en concluant que les articles 3148 et 3150 C.c.Q. ne trouvaient pas application.

En l’espèce, l’article 3150 C.c.Q. ne peut trouver application puisque la demanderesse-appelante n’a pas démontré que son assuré était également l’assuré de l’intimé. Le simple fait que l’appelante ait un siège au Québec ne peut donner compétence aux autorités québécoises.

6) Notiplex Sécurité incendie inc. c. Honeywell International Inc., 2010 QCCA 1028

Élection de for – Reconnaissance de jugement étranger – Litispendance - transaction – avocat agissant sans mandat – opposabilité de la décision – caractère final et définitif

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Notiplex Sécurité Incendie inc. (ci-après « Notiplex) et Les Entreprises Bo-Roy (ci-après Bo-Roy) entament des procédures contre Vipond Fire Protection (ci-après « Vipond ») et Honeywell International Inc. (ci-après « Honeywell ») alléguant concurrence déloyale. Par ailleurs, Honeywell intente une action au Connecticut contre Notiplex seulement. Une entente est signée au nom de Notiplex, Bo-Roy, ainsi que les deux actionnaires des entreprises, Damien Langlois et Lisette Langlois. L’entente prévoit le règlement de tous les litiges et l’élection des tribunaux du Connecticut comme seul for compétent en cas de litige au sujet de l’entente. Les avocats québécois s’opposent à l’entente en affirmant que leurs clients n’ont jamais autorisé la signature de l’entente. L’entente est entérinée et rendu exécutoire au Connecticut. Elle ne nomme que Notiplex. Dans un arrêt rendu en 2007 (2007 QCCA 163), la Cour d’appel refuse d’annuler l’entente pour vice de consentement en donnant plein effet à la clause d’élection de for. La question en cause ici est la reconnaissance du jugement du Connecticut afin de le rendre exécutoire au Québec.

La juge de première instance a commis une erreur de droit en concluant que, sur la base de la théorie de la représentation, le jugement américain était exécutoire contre non seulement Notiplex, mais également Bo-Roy et Damien et Lisette Langlois. En vertu de l’article 3158 C.c.Q., la juge ne pouvait que reconnaître ou non la décision du tribunal étranger et ne pouvait y ajouter des parties non nommées. En ce qui a trait à Notiplex, le choix d’une partie de ne pas plaider ne signifie pas qu’un jugement a été obtenu par défaut sous l’article 3156 C.c.Q. L’article 3156 C.c.Q. ne trouve application que s’il y a absence de preuve de signification de l’acte introductif d’instance. Par ailleurs, le fait que les avocats québécois n’aient pas signé une entente étrangère qui avait pour effet de mettre fin à une instance devant le tribunal québécois n’empêche pas la Cour supérieure de reconnaître l’entente en vertu de l’article 3155(5) C.c.Q.

Notiplex allègue qu’il y a litispendance entre la « la demande de rendre exécutoire le jugement étranger prévoyant la production d’un désistement d’action » et « la défense de l’intimée demandant à la Cour supérieure de rendre exécutoire le désistement de l’action en dommages » (para. 60). La Cour rejette cet argument puisque l’article 3155(4) requiert que le tribunal québécois soit le premier saisi d’une affaire, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. De plus, il n’y a pas équivalence entre l’objet de chaque litige. L’objet du litige devant le tribunal du Connecticut était de rendre l’entente exécutoire alors que dans l’action québécoise en dommages-intérêts, l’entente n’est qu’invoquée en tant que défense par Honeywell.

Par ailleurs, le fait que le « jugement étranger homologue une transaction qui comprend certaines obligations futures à être exécutées par les parties, ainsi que certaines clauses de défaut », n’efface pas le caractère final et définitif de la décision du tribunal étranger. L’exception à la reconnaissance du jugement prévue à l’alinéa 3155(2) C.c.Q. ne trouve donc pas application. La décision étrangère respecte tous les critères de reconnaissance établis par le C.c.Q.

7) British Airways, p.l.c. c. Option Consommateurs, 2010 QCCA 1134 à lire avec Option Consommateurs c. British Airways, p.l.c., 2010 QCCS 140

Compétence des tribunaux – articles 3148(2) et (3) C.c.Q. – recours collectif – responsabilité extracontractuelle – chose jugée

En ce qui a trait à British Airways, le juge de première instance a, à bon droit, conclu que la Cour supérieure était compétente à l’égard de la réclamation individuelle de la personne désignée puisque

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British Airways possède un établissement au Québec et que la réclamation est fondée sur ses activités au Québec. La compétence est établie en vertu de l’article 3148(2) C.c.Q. Par rapport à Virgin Atlantic Airways (ci-après « Virgin »), la Cour supérieure pouvait également conclure qu’elle était compétente à entendre la réclamation. La participation à un complot constitue une faute extracontractuelle qui, en l’espèce, aurait causé un préjudice au Québec à des résidents de la province. L’article 3148(3) C.c.Q. trouve donc application. Le jugement attaqué ne constitue pas chose jugée définitive sur le moyen déclinatoire soulevé par les appelants. De nouveaux faits peuvent amener le Tribunal à reconsidérer la question.

8) Yassin c. Green Park International Inc., 2010 QCCA 1455

Forum non conveniens – article 3135 C.c.Q. – compétence du tribunal étranger

Green Park International Inc. (ci-après «Green Park») et Green Mount International Inc. (ci-après «Green Mount») sont deux corporations ayant leur bureaux principaux à Montréal. Yassin poursuit, en son nom et celui du village de Bil’In, Green Park et Green Mount, qui construisent des résidences en Cisjordanie. Il allègue que ces constructions sont effectuées en violation de la Quatrième Convention de Genève de 1949. Le juge de première instance a rejeté l’action sur la base du forum non conveniens, concluant que la High Court of Justice of Israël (ci-après « HCJ ») serait mieux à même de trancher le litige.

Un juge ne peut décliner d’exercer sa compétence en faveur d’un tribunal étranger si ce tribunal n’a pas lui-même compétence. L’article 3135 C.c.Q. ne requiert cependant pas d’un juge qu’il désigne une cour spécifique. Il est suffisant pour le juge de se référer à « the authorities of another country » (para. 62). Même si la HCJ n’est pas compétente, le litige pourrait être entendu par une autre cour israélienne. De plus les appelants ne peuvent affirmer que la HCJ n’aurait pas compétence en raison du fait que cette cour n’entend pas les litiges entre deux parties privées. En effet, il est possible de conclure que le défendeur réel est l’état d’Israël puisque les demandeurs invoquent une convention internationale et affirment que Green Park et Green Mount sont des agents de l’état d’Israël. La Cour rejette également l’argument voulant que la HCJ refuse d’appliquer la Quatrième Convention et retient plutôt les conclusions du juge de première instance à cet effet.

Les facteurs qui doivent être évalués dans le cadre de la doctrine de forum non conveniens ont été bien appliqués en première instance. Il est exact d’affirmer que le fait que les deux corporations sont enregistrées au Québec crée des obligations et un certain attachement à la province. Il n’en demeure pas moins que le litige oppose des citoyens de la Cisjordanie à des corporations qui effectuent des travaux en Cisjordanie et qui sont réglementés par le droit applicable en Cisjordanie. Il est donc difficile d’affirmer qu’il y a un lien sérieux avec le Québec.

9) Sony Computer Entertainment America Inc. c. Divineo inc., 2010 QCCA 1815

Articles 3155(3) et (5) C.c.Q. – rapport d’expert – reconnaissance de jugement étranger – ordre public

Divineo inc. conteste la reconnaissance d’un jugement rendu en Californie en alléguant que la décision a été rendue en violation des principes essentiels de la procédure et que le résultat est manifestement incompatible avec l’ordre public, tel qu’entendu dans les relations internationales. Elle invoque donc les articles 3155(3) et (5) C.c.Q.. En première instance, la Cour supérieure a refusé la production d’un

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rapport d’expert soumis par Sony Computer Entertainment America. Ce rapport cherche à expliquer la procédure ayant mené au jugement californien ainsi que le contexte ayant mené à l’adoption de la loi sur laquelle se fonde ce jugement. La Cour d’appel juge cette preuve pertinente, puisqu’elle permettra de mieux juger si la décision étrangère est « compatible avec l’ordre public tel qu’il est entendu dans les relations internationales. » (para. 5).

10) Maroc (Gouvernement du Royaume du) c. El Ansari, 2010 QCCA 2256

Loi sur l’immunité des États art. 5 – exception de commercialité – travail – emploi – congédiement

La dispute porte sur l’application de l’immunité de juridiction dans le cadre de la relation d’emploi entre le Gouvernement du Maroc et Mme El Ansari. Mme Ansari travaillait aux services consulaires du Maroc au Canada. Le jugement de première instance a accueilli sa demande de réclamation qui alléguait un congédiement injustifié.

La question porte sur l’exception de commercialité prévue à l’article 5 de la Loi sur l’immunité des États (LIÉ). La Cour se base sur l’arrêt Re Code canadien du travail ([1992] 2 R.C.S. 50) dans lequel le juge La Forest adoptait la méthode contextuelle pour déterminer le caractère commercial d’une activité. La Cour note par ailleurs que « l’application de la Loi sur l’immunité des États à un contrat de travail conclu entre un État et un fonctionnaire étranger ou encore celui avec un fonctionnaire local travaillant dans une ambassade soulève des problèmes, non seulement au Canada, mais ailleurs. » (para. 71). Les cours américaines ont adopté une approche similaire à celle de l’analyse contextuelle préconisée par la Cour suprême du Canada.

En l’espèce, l’application de cette approche ne pouvait mener qu’à une seule conclusion, soit que Mme El Ansari n’a pas rempli son fardeau d’établir l’exception de commercialité. Plusieurs facteurs sont en ce sens pertinents. Mme El Ansari bénéficiait d’avantages réservés aux fonctionnaires. Elle n’a pas commencé à travailler à Montréal et y a plutôt été mutée, elle qui travaillait à la fonction publique marocaine depuis plus de 30 ans. La situation de Mme Ansari relevait de l’administration centrale marocaine. Elle n’a pas prouvé avoir payé d’impôts au Canada. Elle a intenté deux recours au Maroc concernant sa rémunération avant d’instituer la procédure en cause ici. Les tribunaux ne doivent donc pas intervenir car il y aurait atteinte à la souveraineté du gouvernement du Maroc. La Cour note par ailleurs que l’arrêt Kuwait Airways Corp. c. Irak (2010 CSC 40) n’a pas changé l’approche établie dans Re Code canadien du travail.

LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO

11) Banro Corporation v. Les Éditions Écosociété Inc., 2010 ONCA 416

Compétence des tribunaux – lien réel et substantiel – forum non conveniens

Le test qui permet d’établir la compétence des tribunaux demeure toujours celui du « real and substantial connection between the Ontario court and the claim » (para. 1). En l’espèce, la Cour supérieure de l’Ontario était justifiée de conclure que les activités de la demanderesse en Ontario étaient suffisantes pour établir le lien réel et substantiel. De façon similaire, le Tribunal de première instance a usé de sa discrétion à bon droit en refusant de décliner compétence en vertu du forum non conveniens.

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Requête pour permission d’appel à la Cour suprême du Canada accueillie. L’appel sera entendu le 25 mars 2011 (cause no. 33819).

LA COUR SUPÉRIEURE DU QUÉBEC

12) Reader’s Digest Magazines Ltd. c. Speers, 2010 QCCS 49

Litispendance – compétence des tribunaux – nature distincte de la procédure – forum non conveniens

En 2008, Speers a entamé un recours collectif en Ontario contre Reader’s Digest Association et al. en alléguant des représentations frauduleuses de ces derniers. Au Québec, Reader’s Digest Association Ltd. (ci-après « Reader’s Digest ») a poursuivi Speers en diffamation sur la base des allégations contenues dans la procédure ontarienne. Speers demande le rejet de l’action en diffamation sur la base de l’abus de procédure (article 54.1 C.p.c.) ou, subsidiairement, sa suspension jusqu’à ce que la cause en Ontario soit entendue.

Il est impossible de déclarer la suspension des procédures puisque le litige en Ontario est d’une nature distincte. Il s’agit d’un recours collectif alors que l’affaire québécoise est basée sur la diffamation. La seule question en l’espèce consiste donc à déterminer si les tribunaux québécois sont compétents en vertu de l’article 3148 C.c.Q. Le critère du préjudice subi au Québec exprimé à l’article 3148(3) C.c.Q. suffit pour établir la compétence puisque, en prenant les allégations de la requête comme étant avérées, un préjudice a été subi par des personnes morales et physiques résidant au Québec. Il n’est pas nécessaire de s’attarder à la doctrine du forum non conveniens puisque l’article 3148 C.c.Q. suffit pour décider de l’affaire en cause.

13) Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, 2010 QCCS 53 à lire avec Kuwait Airways Corp. c. Irak, 2010 CSC 40

Saisie avant jugement – article 5 de la Loi sur l’immunité des États – exception de commercialité

Cette décision a été rendue suite à la décision de la Cour d’appel dans Kuwait Airways Corporation c. Irak (République de l’), 2009 QCCA 728, mais avant la décision de la Cour suprême décrite dans le présent document (Kuwait Airways Corp. c. Irak, 2010 CSC 40). À ce moment, la décision de la Cour d’appel qui avait retenu que l’Irak bénéficiait de l’immunité de juridiction par rapport à son implication dans le litige entre Kuwait Airways (KAC) et la Iraqi Airways Company (IAC) n’avait pas été renversée.

KAC avait obtenu des saisies avant jugement concernant des avions produits par Bombardier Inc. et devant être livrés à la République d’Irak ou à IAC. Une saisie avant jugement avait été pratiquée dans le dossier contre l’Irak et une autre dans le dossier contre IAC, puisque KAC ignorait laquelle des deux défenderesses prendrait possession des avions. Suite à la saisie pratiquée dans le dossier contre IAC, la tierce-saisie Bombardier Inc. avait produit une déclaration « alléguant essentiellement que les biens saisies avaient été commandés et achetés par la République d’Irak et qu’elle ne détenait aucun bien appartenant (ou pouvant appartenir dans le futur) à IAC » (para. 87). KAC avait par la suite contesté cette déclaration de Bombardier en alléguant que l’Irak agissait comme prête-nom agissant pour IAC, afin que s’applique l’immunité de juridiction. Pour pouvoir déterminer qui est le véritable propriétaire des biens saisis, KAC demande l’intervention forcée de l’Irak. L’Irak conteste sa mise-en-cause forcée sur la base de l’immunité qui lui a été reconnue par la Cour supérieure et la Cour d’appel.

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Les actions de l’Irak qui font l’objet de l’immunité de juridiction reconnue par les deux jugements québécois doivent être distinguées des actions en cause ici. Dans le premier cas, la Cour supérieure et la Cour d’appel ont conclut que la participation de l’Irak à la défense des intérêts de IAC lors du litige ayant eu lieu au Royaume-Uni constituait un acte de souveraineté. Ici, l’Irak est plutôt interpellé dans le cadre d’une transaction d’acquisition d’avions à des fins commerciales. L’exception à l’immunité de juridiction prévue à l’article 5 de la Loi sur l’immunité des États (LIÉ) s’applique. La Cour retient que « la République d’Irak est engagée dans une activité commerciale et […] l’objet même de l’activité en question est de nature commerciale. De plus, rien dans la globalité de cette transaction ne touche à quoique ce soit qui relève de la souveraineté de la République d’Irak et, en conséquence, l’Irak ne peut réclamer une quelconque immunité en l’instance. » (para. 119).

14) Option Consommateurs c. British Airways, p.l.c., 2010 QCCS 140 à lire avec British Airways, p.l.c. c. Option Consommateurs, 2010 QCCA 1134

Compétence des tribunaux – articles 3148(2) et (3) C.c.Q. – recours collectif – responsabilité extracontractuelle – chose jugée

British Airways et Virgin Atlantic Airways (ci-après « Virgin ») soulèvent un moyen déclinatoire avant l’audition d’une requête en autorisation de recours collectif. Le recours allègue un complot visant à restreindre la concurrence et fixer les prix de certains vols. British Airways et Virgin affirment que les tribunaux québécois n’ont pas compétence en vertu des articles 3148 et 3149 C.c.Q.

Avant l’audition de la requête en autorisation, les faits allégués dans la Requête doivent être tenus pour avérés. Ces faits doivent permettre de conclure que, prima facie, le Tribunal québécois a compétence. Puisqu’avant le jugement d’autorisation, le recours n’existe pas sur une base collective, le recours de la personne désignée doit, à lui seul, respecter les critères énoncés à l’article 1003 C.p.c., dont celui de l’apparence de droit. Avant l’autorisation, le niveau de preuve nécessaire pour établir la compétence est cependant moins onéreux. Les requérants « n’ont pas à démontrer que les faits allégués justifient les conclusions recherchées, mais bien qu’ils paraissent les justifier. Le fardeau en est un de démonstration et non de preuve. » (para. 23). Puisqu’il y a plus d’une intimée, la situation de chacune d’entre elles doit être examinée indépendamment. En l’espèce, le dommage économique a été subi au Québec. La personne désignée y était domiciliée au moment de l’achat et British Airways y possède un établissement. Prima facie, le contrat semble donc avoir été conclu au Québec. Le fait que l’exécution du paiement et le préjudice subi ont eu lieu au Québec permet d’établir la compétence des autorités québécoises. En ce qui a trait à Virgin, le fait qu’il n’y ait pas eu de contrat avec la personne désignée ne constitue pas une barrière à la compétence des tribunaux québécois. « La mise en œuvre, l’incarnation du complot en ce qui concerne les consommateurs, se produisait au moment et au lieu de l’achat et du paiement des Billet. » (para. 72). Le préjudice extracontractuel a donc été subi au Québec.

15) Droit de la famille - 10179, 2010 QCCS 358

Garde d’enfant – compétence des tribunaux – résidence habituelle – article 3142 C.c.Q. – forum non conveniens

Afin de déterminer la compétence du tribunal par rapport à la garde d’un enfant qui n’est pas domicilié au Québec, les articles 70 et 70.1 C.p.c. ne sont pas applicables. Il s’agit plutôt d’une question de droit international privé et l’article 3142 C.c.Q. trouve application. Afin de déterminer le domicile de l’enfant, il y a lieu de se référer à l’article 80 C.c.Q. La notion de résidence habituelle exprimée à

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l’article 80 C.c.Q. ne dépend aucunement de l’intention de l’un ou l’autre des parents. Tel qu’exprimé par le juge Chamberland dans l’arrêt Droit de la famille - 3451 ([1999] R.D.F. 641 (C.A.)), il s’agit plutôt d’examiner les éléments objectifs qui démontrent les points d’attache de l’enfant. En l’espèce, l’enfant a vécu pendant onze ans et demi en Ontario et n’a habité au Québec que pendant cinq mois. C’est donc la Cour supérieure de l’Ontario qui est compétente. Même si le Tribunal avait conclu que la Cour supérieure du Québec était compétente, il aurait été approprié d’appliquer la doctrine du forum non conveniens puisque l’enfant est de retour en Ontario et qu’il serait inapproprié qu’il ait à se déplacer de nouveau.

16) Buck (Succession de), 2010 QCCS 370

Vérification de testament – article 3098 C.c.Q. – succession – article 3109 C.c.Q.

Il s’agit d’une demande de vérification d’un testament fait aux États-Unis en vertu d’une loi étrangère. Les questions relatives aux successions sont, en droit international privé, régies par l’article 3098 C.c.Q.. Puisque l’ouverture de la succession s’est faite au Québec, que le défunt est décédé au Québec, qu’il résidait au Québec, que les biens qui composent la succession sont situés au Québec et que le testament ne contient aucune disposition relative à la loi applicable, le tribunal conclut que la requête en vérification relève du droit des successions contenu au Livre III du C.c.Q. Au moment de la vérification, le tribunal doit simplement se pencher sur les conditions essentielles de forme du testament. Puisque le testament a été fait à l’étranger, l’article 3109 C.c.Q. trouve application et les conditions de forme sont établies par la loi étrangère. Au stade de la vérification, le Tribunal n’a cependant pas à « se questionner sur le respect ou non des conditions de fond qui relèvent d’un autre type de recours. » (para. 14).

17) National Bank of Canada c. Weir, 2010 QCCS 402

Compétence des tribunaux – article 3148(3) C.c.Q. – injonction

La Banque Nationale tente d’obtenir une mesure de redressement par voie d’injonction suite à la publication sur un site internet de propos diffamatoires par un comptable résidant en Nouvelle-Ecosse. Lors d’une première audience, le défendeur avait contesté la compétence de la Cour. L’audience a par la suite été reportée afin de permettre au défendeur d’obtenir des conseils légaux au Québec et de déposer une défense par rapport à la compétence de la Cour. Le défendeur a omis de déposer une telle défense et lorsque la Cour a soulevé la question de compétence, seules les prétentions de la demanderesse ont été entendues. La Cour retient qu’en vertu de l’article 3148(3) C.c.Q., seule une des quatre conditions énoncées doit être respectée pour qu’un tribunal québécois soit compétent. En l’espèce, le critère du dommage subi au Québec est respecté parce que les propos diffuses sur internet ont cause un préjudice au Québec. L’octroi de l’injonction est accorde malgré les difficultés qui pourraient survenir dans l’application d’une injonction a l’encontre d’une personne non résidante (Impulsora Turistico de Occidente, S.A. de C.V. c. Transat Tours Canada Inc., 2007 CSC 20).

18) McKinnon c. Canadian Oil Recovery & Remediation Enterprises Ltd., 2010 QCCS 445

Forum non conveniens – reconnaissance de compétence

La présence d’une clause qui reconnaît la compétence des tribunaux de l’Ontario en cas de litige découlant d’un « stock purchase agreement » n’est pas suffisante pour que la Cour supérieure décline

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compétence sur la base du forum non conveniens. Pour ces mêmes raisons, la Cour refuse de surseoir l’action en application de l’article 3137 C.c.Q..

19) Droit de la famille - 10417, QCCS 813

Reconnaissance de jugement étranger – saisie-exécution – obligation alimentaire – fraude – jugement rendu par défaut

Le requérant demande l’annulation d’une saisie-exécution pratiquée au Québec par le ministère du Revenu du Québec (MRQ) en vertu d’une ordonnance émise en 1987 par la Cour supérieure de Californie qui enjoint le requérant à verser une pension alimentaire. Il affirme que cette ordonnance a été rendue hors sa connaissance et sans son consentement.

Le moyen de défense invoqué par le requérant, soit celui basé sur la fraude, doit recevoir une interprétation restrictive et il appartient à celui qui l’invoque d’en faire la preuve. Le requérant doit donc prouver « qu’il n’a pas été en mesure, en faisant preuve de diligence raisonnable, de découvrir les faits maintenant invoqués avant le prononcé du jugement étranger. » (para. 53). En l’espèce, les documents du dossier californien sont des actes semi-authentiques en vertu de l’article 2822 C.c.Q. De plus, le requérant ne conteste pas le rapport de signification personnelle des procédures californienne et l’article 2825 C.c.Q. ne trouve donc pas application. Le requérant n’a pas agit de façon raisonnable, que le test applicable en soit un purement subjectif ou celui plus objectif d’une personne raisonnable placée dans la même situation que le requérant.

Le requérant affirme également que l’ordonnance de la Californie ne peut avoir été enregistrée en vertu de la Loi sur l’exécution réciproque d’ordonnances alimentaires3 (ci-après « la Loi ») puisque le décret concernant la Californie a été adopté suite à l’émission de l’ordonnance. Le Tribunal retient que le décret indique que la Loi s’applique aux jugements déjà rendus.

Finalement, le Tribunal note qu’en vertu de l’article 3131 C.c.Q., c’est le droit californien qui devrait normalement déterminer quel est le délai de prescription applicable. Lorsque la preuve du droit étranger n’est pas faite, c’est cependant le délai de prescription en vigueur au Québec qui s’applique, tel qu’indiqué par l’article 2809, al. 2 C.c.Q.

20) J2 Global Communications Inc. c. Protus IP Solutions Inc., 2010 QCCS 1052

Exécution de commission rogatoire – gestion de l’instance – proportionnalité

Le requérant vise à faire exécuter des commissions rogatoires délivrées par un tribunal californien afin de faire témoigner les mis-en-cause, deux résidents québécois. Une requête similaire visant neuf témoins avait auparavant été refusée en Ontario. Le requérant a, en tout, tenté d’obtenir des commissions rogatoires visant au moins 41 témoins auprès du tribunal californien.

Le requérant affirme que le test applicable au Québec n’est pas le même qu’en Ontario. L’arrêt ontarien Presbyterian Church of Sudan ([2005] O.J. No. 3212 (S.C.)) ne serait donc pas applicable. Le test québécois serait plutôt exposé dans l’arrêt Abenhaim c. American Home Products Corp. (J.E. 2000-1714 (C.A.)). La Cour retient que quoique puisse être le test, la requête ne peut qu’être

3 L.R.Q., c. E-19.

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rejetée. Il s’agit ici d’une requête qui « a pour but principal de servir d’occasion de faire des recherches à l’aveuglette. » (para. 37). De plus, l’arrêt Ludmer c. Ludmer (EYB 2009-161845 (C.A.)) semble indiquer que le test ontarien trouve application au Québec (para. 43). Bien que les conclusions du juge ontarien quant à la requête d’exécution des commissions rogatoires ne lient pas les tribunaux québécois, la Cour considère qu’elles sont persuasives. Finalement, la Cour note qu’au Québec, « the examination of third parties is not the rule », tel qu’exprimé à l’article 398 C.p.c. De plus, les articles 4.1 et 4.2 C.p.c. commandent à la Cour d’intervenir pour s’assurer que la gestion de l’instance respecte la règle de proportionnalité. La requête est donc rejetée.

21) Gyro-Trac (USA) Inc. et Raymond Chabot inc., 2010 QCCS 1311

Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies – faillite – instance principale ou secondaire – instances étrangères – lieu d’affaire principal

Il s’agit d’une requête en reconnaissance d’instances étrangères en vertu de la partie IV de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (ci-après « LACC »). La Banque de Montréal (ci-après « BMO ») conteste la requête.

Le Tribunal saisi d’une demande de reconnaissance d’instances étrangères en vertu de la LACC doit procéder en deux étapes. Premièrement, il doit déterminer si la compagnie visée « est partie à une procédure judiciaire ou administrative régie par une loi étrangère relative à la faillite et l’insolvabilité. » (para. 48). Si cette première étape est respectée, il reconnaît alors l’instance étrangère. En second lieu, le Tribunal doit déterminer si l’instance étrangère est principale ou secondaire. L’instance étrangère est qualifiée de principale lorsque la compagnie « a ses principales affaires dans la juridiction où les procédures étrangères ont été entreprises. » (para. 53). Le siège social est présumé être le lieu des principales affaires. Si l’instance étrangère est qualifiée de principale, le Tribunal doit suspendre les procédures intentées contre la compagnie débitrice.

En l’espèce, les débitrices pouvaient à bon droit invoquer les dispositions de la LACC puisqu’elles ont un endettement supérieur à 5 000 000$, tel que prévu à l’article 3 de la LACC. Le choix entre l’usage des dispositions de la LACC ou de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité revient alors à la compagnie. Les procédures entreprises par les débitrices en Caroline du Sud sont des instances étrangères au sens de la LACC. La Cour de faillite de Caroline du Sud a rendu une ordonnance permettant aux débitrices de se représenter dans les instances étrangères. La question du lieu d’affaire principal s’agit principalement d’une question de fait. Le Tribunal conclut « qu’il devrait accorder une plus grande importance au lieu réel de l’activité commerciale qu’à celui du lieu de contrôle dit "effectif" » (para. 100). En l’espèce, les intérêts des débitrices se situent en Caroline du Sud et les instances étrangères sont donc qualifiées de principales. À partir du moment où les instances étrangères sont reconnues, il n’est pas pertinent que les débitrices n’aient pas de plan de redressement effectif. Cette question relève de la compétence exclusive de la Cour des faillites américaine.

22) Droit de la famille - 10858, 2010 QCCS 1573

Droit de la famille – Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants – exceptions à l’ordre de retour – résidence habituelle

Le père, P.P., a introduit une requête ayant pour objectif le retour immédiat de ses deux enfants aux États-Unis, en vertu de la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial

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d’enfants4 (ci-après « la Loi »). La mère des enfants les a amenés au Québec sans le consentement du père.

La Cour se doit d’ordonner le retour des enfants au Texas si quatre conditions sont respectées. En l’espèce, trois des quatre conditions sont remplies. Premièrement, les États-Unis sont un état désigné en vertu de la Loi. Deuxièmement, le déplacement des enfants du Texas vers le Québec s’est effectué en violation d’un droit de garde. En effet, puisque les deux parents sont toujours mariés, les deux possèdent des droits de garde en vertu des lois québécoises et texanes. Troisièmement, les deux enfants ont moins de 16 ans. La seule condition faisant l’objet du litige est donc le lieu de résidence habituelle des enfants. La Cour conclut qu’en janvier 2010, la résidence habituelle des enfants est située au Texas, bien qu’ils n’aient déménagé avec leur mère qu’en août 2009. Les faits démontrent que le déménagement vers le Texas ne devait pas être temporaire. En l’absence d’une exception prévue par la Loi, la Cour se doit donc d’ordonner le retour immédiat des enfants au Texas. L’exception prévue à l’article 21 de la Loi ne trouve pas application puisque le père n’a pas acquiescé au déplacement des enfants vers le Québec et le renvoi des enfants au Texas ne constituerait pas pour eux un risque. De plus, la Cour conclut également que la volonté des enfants de demeurer au Québec ne peut se voir accordée une portée significative, puisque les enfants n’ont pas la maturité requise pour comprendre la situation dans laquelle ils se trouvent. Le déménagement au Texas n’a également pas été effectué sur la base de fausses représentations. Les exceptions prévues à l’article 22 ne sont donc pas applicables. Bien que la Cour soit préoccupée par l’impact de sa décision sur l’année scolaire des enfants, elle note que la Loi ne lui accorde pas de discrétion lui permettant de refuser la requête de retour immédiat.

23) Hochner c. Girouard inc., 2010 QCCS 1712

Compétence des tribunaux – clause d’élection de for – saisie avant jugement – injonction – effet miroir

Hochner a prêté 1,2 million de dollars à la société Le Girouard Inc. (ci-après « Girouard »). Philippe Stenger, le dirigeant de Girouard, a souscrit un cautionnement garantissant le montant total de la dette. Le contrat de prêt, ainsi que le contrat de cautionnement, contiennent des clauses d’élection de for et de droit applicable en faveur des tribunaux et du droit québécois. Après avoir introduit au Québec une réclamation pour des dommages intérêts, Hochner institue une requête pour saisie avant jugement conservatoire devant le Tribunal de Strasbourg. Ces saisies sont autorisées. Stenger dépose une requête en injonction permanente afin d’enjoindre Hochner à respecter les clauses d’élection de for et, par le fait même, d’annuler les saisies pratiquées en France.

En l’espèce, le régime contractuel est clair. Les parties ont choisi de se soumettre à la compétence exclusive des tribunaux québécois pour toute question relative aux contrats. Même en l’absence d’une ambiguïté, il faudrait conclure à la compétence des tribunaux québécois. En effet, « l’effet miroir des articles 3138 et 3164 C.c.Q. ne suffit pas à donner compétence aux tribunaux français car le litige ne se rattache pas d’une façon importante à la France. Ce n’est qu’à cette condition expresse édictée à l’article 3164 C.c.Q. que le tribunal québécois déclinera compétence au profit d’une cour d’autre juridiction. » (para. 21). Le lien réel et substantiel doit être présent avec le fond du litige et non pas simplement avec les saisies. La requête en injonction est donc accueillie.

4 L.R.Q., c. A-23.01.

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24) Droit de la famille - 10998, 2010 QCCS 1853

Reconnaissance de jugement étranger – divorce

La Cour accueille la requête en reconnaissance et exécution d’un jugement de divorce prononcé en Espagne.

25) Thundernet Enterprises Inc. c. Rogers, 2010 QCCS 1869

Compétence des tribunaux – article 3148(3) C.c.Q. – exécution d’obligations contractuelles au Québec

Thundernet Enterprises Inc. (ci-après « Thundernet ») a intenté une action contre Sandy Rogers dans laquelle elle réclame des commissions qui lui seraient dues. Thundernet se spécialise dans le développement et l’exploitation de sites Web. Rogers est résidente de la Californie et elle invoque l’absence de compétence des tribunaux québécois pour entendre le litige.

Un seul des critères énumérés à l’article 3148 C.c.Q. suffit pour établir la compétence des tribunaux québécois. En l’espèce, Rogers n’a pas domicile ou résidence au Québec. Le contrat ne prévoit pas que les litiges seront soumis à la compétence des tribunaux du Québec. Le tribunal doit donc se tourner vers le paragraphe 3 de l’article 3148 C.c.Q. Le fait que les bannières promotionnelles aient été produites par Thundernet et mises en ligne depuis son bureau de Montréal ne suffit pas à accorder la compétence aux autorités québécoises. Rien dans le contrat n’obligeait Thundernet à effectuer ces opérations depuis le Québec. Dans l’arrêt Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Conseils taxes inc. (2005 QCCA 888), la Cour d’appel affirmait qu’il « faut que l’entente prévoie expressément que l’obligation doit être exécutée au Québec » (para. 49). Le lieu d’exécution du contrat peut plutôt servir à déterminer quelle juridiction est la mieux à même de trancher le litige. De façon similaire, le fait qu’une perte pécuniaire soit comptabilisée à Montréal n’est pas suffisant. Si c’était le cas, le simple fait que le demandeur réside au Québec serait suffisant et les autres chefs de compétence de l’article 3148 C.c.Q. seraient inutiles. Aux termes du contrat, Rogers n’était pas obligé de payer Thundernet à Montréal. Le moyen déclinatoire est donc bien fondé.

26) Groupe Mount Real Vest (Syndic de), 2010 QCCS 1881 à lire avec Groupe Mount Real Vest (Syndic de), 2010 QCCS 4985

Compétence du tribunal – Loi sur la faillite et l’insolvabilité – rupture de contrat – clause d’élection de for

Le Syndic de faillite réclame de Thomas Weisel Partenaires inc. (ci-après « Weisel ») le bien du failli donc il a la saisine. Weisel est une société de courtage de plein exercice en valeurs mobilières. La réclamation du Syndic est basée sur les paragraphes 30(d) et 30(e) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité5 (ci-après la « LFI »). Le Syndic allègue que Weisel retient illégalement une somme appartenant au failli découlant de la vente d’actions détenu dans le capital de Bourse de Montréal inc. Weisel conteste la compétence de la Cour de faillite en invoquant une clause d’élection de for comprise dans une convention conclue avec plusieurs bénéficiaires, dont Capitaux Mount Real, et Weisel.

5 L.R., 1985, ch. B-3.

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La Cour suprême a « reconnu que le tribunal du lieu de l’ouverture de la faillite a compétence pour tous les litiges reliés au dossier de faillite et que les clause d’élection de for qui peuvent exister dans les contrats signés par le failli ne sont pas opposables au syndic. » (para. 24). Cette règle est cependant limitée par le fait que le tribunal de faillite n’a pas compétence pour entendre les recours en dommages pour rupture de contrat. Il convient cependant de garder en tête que l’intérêt public favorise le contrôle unique en matière de faillite. La Cour doit examiner la finalité du recours du Syndic. Si ce dernier tente de bonifier l’actif du failli et assume son rôle attribué par la LFI, le Tribunal est compétent pour entendre le litige. En l’espèce, il ne s’agit pas ici d’un recours en dommages pour rupture de contrat. La Cour qualifie plutôt le recours de « mise en œuvre d’une convention privée entre les parties ou leurs ayants droit. » (para. 36). Il faut également garder à l’esprit que le fond du litige tourne autour de question fiscales et que le Tribunal québécois est bien placé pour appliquer les lois fiscales canadiennes et québécoises. Le fait que la clause d’élection de for est opposable à d’autres bénéficiaires n’est pas pertinent et « l’intérêt public de faciliter la résolution rapide et sommaire des procédures en matière de faillite l’emporte » (para. 39). Le moyen déclinatoire est donc rejeté.

27) Droit de la famille - 101061, 2010 QCCS 2001

Compétence des tribunaux – article 5 de la Loi sur le divorce – forum non conveniens

Le fait qu’un parent soit déménagé avec les enfants aux Îles Turquoises suite au divorce n’est pas suffisant pour que la Cour décline compétence en application de l’article 3135 C.c.Q.. L’article 5 de la Loi sur le divorce indique que « le tribunal de la province où l’un des ex-époux réside habituellement à la date d’introduction de l’instance » a compétence dans le cas d’une action en modification des mesures accessoires. Cet article « s’arrime tout naturellement aux articles 3143, 3141 et 3135 C.c.Q. » (para. 19). En l’espèce, la Cour rappelle que les mesures accessoires ont été initialement établies dans une convention basée sur la législation canadienne. De plus, aucun motif exceptionnel ne permet à la Cour de décliner juridiction puisque la Cour supérieure est en une position à tout le moins aussi avantageuse que le tribunal étranger pour pouvoir débattre des questions en litige.

28) Canada (Procureur général) c. St-Julien, 2010 QCCS 2723

Compétence des tribunaux – responsabilité professionnelle – domicile professionnel – article 3148(3) C.c.Q. – exécution d’une obligation au Québec

Le Procureur Général du Canada, agissant en lieu et place d’un syndic de faillite, poursuit Me St-Julien pour obtenir des dommages et intérêts et la reddition de certains comptes. St-Julien se serait placé en conflit d’intérêt en investissant des montants lui ayant été confié dans une compagnie dont il est actionnaire. St-Julien conteste la compétence des tribunaux québécois en soulevant le fait qu’il est domicilié au Costa Rica.

Puisque qu’il s’agit d’une action personnelle à caractère patrimonial, la question de la compétence est régie par l’article 3148 C.c.Q. Il incombe au demandeur, soit le Procureur Général, de faire la preuve requise pour établir la compétence des tribunaux québécois sous cet article. Au stade de l’exception déclinatoire, le fardeau de preuve est celui d’une preuve prima facie puisqu’il serait « injustifié et déraisonnable d’exiger d’un demandeur qu’il fasse la preuve prépondérante des éléments factuels contestés qui constituent le fondement de son recours. » (para. 14). En ce qui a trait au domicile, il est à noter que Me St-Julien est poursuivi en sa qualité de membre du Barreau du Québec. Pour cette raison, « la notion de domicile prévue à l’article 3148 C.c.Q. applicable au présent recours doit comprendre

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celle du domicile professionnel. » (para. 29). Le domicile doit être distingué de la résidence. La détermination de la résidence constitue une question de fait alors que celle du domicile est plutôt une question de droit. (para. 30). Le fait que Me St-Julien soit toujours membre du Barreau et qu’il continue de percevoir des honoraires au Québec indique que son domicile professionnel, tel que définit par le Règlement sur la norme de tenue des dossiers et de domicile professionnel des avocats6, est situé au Québec. Une personne et présumée conserver son domicile d’origine en l’absence d’une preuve contraire et St-Julien n’a pas fait une telle preuve. Une preuve prima facie a également établi que plusieurs des obligations découlant du mandat accordé à Me St-Julien devaient ou ont été exécutées au Québec. La nouvelle facture de l’article 3148 C.c.Q. a élargi la compétence des tribunaux québécois puisque contrairement à auparavant, « la compétence est maintenant acquise dès que l’une des obligations découlant d’un contrat doit y être exécutée » (para. 37). Finalement, le défendeur a également tacitement reconnu la compétence des tribunaux du Québec en mettant en demeure le Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau.

29) Droit de la famille - 101456, 2010 QCCS 2786

Compétence des tribunaux – soulevée d’office – mesures accessoires d’un jugement de divorce – Loi sur le divorce – forum non conveniens

La décision fait suite à deux requêtes en modification des mesures accessoires d’un jugement de divorce. La Cour soulève d’office le problème de compétence en raison du fait qu’aucun des deux parents ne réside au Canada. Le père réside au Texas depuis 2005 et la mère réside en Californie depuis 2008.

Les articles 3141, 3142 et 3143 dictent les règles relatives à la compétence de la Cour dans les affaires personnelles à caractère familial. Sur la base de ces articles, il appert que la Cour n’a pas compétence pour entendre la motion au sujet de la garde de l’enfant ou des droits d’accès, puisque aucun des parents ne réside au Québec. L’article 5(1) de la Loi sur le divorce7 indique la même règle. L’article 5(1)(b) n’est pas applicable puisque la mère a reconnu l’absence de compétence de la Cour lors de l’audience. Le juge retient également que même si les deux parties reconnaissaient la compétence des tribunaux québécois, la Cour se devrait de décliner compétence en vertu de l’article 3135 C.c.Q.. Les intérêts d’un enfant peuvent généralement être mieux servis par le tribunal compétent de son domicile. Le fait qu’une mesure de sauvegarde ait été émise par la Cour en 2009 n’entraîne pas une conclusion de compétence puisqu’une telle mesure peut avoir été émise sur la base de l’article 3138 C.c.Q. La Cour conclut à l’absence de compétence mais elle accepte tout de même de commenter sur le fond du litige : « In the interest of the child and his parents, the Court will exceptionally oblige, with the understanding that the views that follow are nothing more than non-binding comments under the circumstances. » (para. 48).

30) Droit de la famille - 101591, 2010 QCCS 3075

Compétence des tribunaux – requête en divorce et mesures accessoires – forum non conveniens – article 3135 C.c.Q. – article 3093 C.c.Q. – garde d’enfant

6 L.R.Q., c.C-26, art. 1. 7 L.R.C. 1985, c. 3 (2e Supp.).

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Il s’agit d’une requête qui demande à l’autorité judiciaire du Québec de décliner compétence en faveur de l’autorité judiciaire du Texas pour entendre une requête en divorce et mesures accessoires. Les deux parties reconnaissent la compétence des tribunaux québécois mais la mère demande à la Cour de décliner cette compétence en vertu de l’article 3135 C.c.Q.

Ce n’est qu’exceptionnellement que la Cour privilégie le forum étranger et il doit apparaître clairement que ce dernier est mieux placé pour entendre la requête. L’application des facteurs établis par la jurisprudence ne permet pas de conclure que la Cour devrait décliner compétence. En l’espèce, les membres des familles qui devront témoigner sont domiciliés au Québec. De plus, l’enfant n’aura pas à témoigner en raison de son jeune âge et il n’aura donc pas à se déplacer. Le divorce est régi par les dispositions du C.c.Q. applicables au patrimoine familial et à la société d’acquêts puisque les parties étaient domiciliées au Québec lors du mariage. En ce qui a trait à la garde de l’enfant, la Cour note que la loi applicable en vertu de l’article 3093 C.c.Q. est celle du Texas puisque l’enfant y est domicilié. Cependant, en l’absence d’allégations qui permettent de déterminer le droit américain en matière de garde, la Cour présume qu’il est identique au droit applicable au Québec. La demanderesse n’a donc pas démontré que l’autorité judiciaire du Texas est clairement mieux placée pour entendre la cause.

31) O’Neil c. Poirier, 2010 QCCS 3224

Reconnaissance de jugement étranger - jugement par défaut - article 3156 C.c.Q.

Une décision étrangère rendue par défaut, qui n’est plus susceptible de recours ordinaire, est reconnue et déclarée exécutoire par la Cour. La demanderesse a prouvé que l’acte introductif d’instance a été régulièrement signifié à la partie défaillante, tel que requis par l’article 3156 C.c.Q..

32) Dell’Aniello c. Vivendi Canada inc., 2010 QCCS 3416

Autorisation de recours collectif – compétence en vertu de l’article 3148(3) C.c.Q. – moyens préliminaires – rationae materiae – rationae personae –recours collectif national – lien réel et substantiel – forum non conveniens

Il s’agit d’une demande d’autorisation de recours collectif à portée nationale. M. Dell’Aniello veut se faire attribuer le statut de représentant au nom des retraités et personnes à charge qui bénéficient du Régime des soins médicaux de Vivendi Canada Inc. (ci-après « Vivendi »). Vivendi conteste la compétence des tribunaux québécois puisque près de la moitié des membres visés ne résident pas au Québec. Aucune des conditions énoncées à l’article 3148 C.c.Q. ne seraient donc respectées par rapport à ces membres. Le requérant allègue que le moyen préliminaire invoqué par Vivendi est irrecevable au stade de l’autorisation.

Les moyens préliminaires ne sont plus irrecevables au stade de l’autorisation, bien qu’ils l’aient été dans le passé. Une distinction doit être faite entre les catégories de moyens préliminaires. La compétence ratione materiae peut et devrait être soulevée au moment de l’autorisation ou avant. Les questions de compétence territoriale (rationae personae) devraient être soulevées au moment de l’autorisation. Les Tribunaux québécois se sont reconnu le pouvoir d’autoriser des recours qui dépassent les frontières du Québec. Les critères de l’article 3148 C.c.Q. doivent être également appliqués aux membres hors Québec. La première étape consiste à évaluer s’il existe un lien réel et substantiel entre la cause d’action et le tribunal saisi du litige. Par la suite, un lien réel et substantiel doit être établi entre la cause d’action, le tribunal saisi et chacun des membres du groupe

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individuellement. En l’espèce, les tribunaux québécois ont compétence en vertu de l’article 3148(3) C.c.Q. puisque la requête est fondée sur un contrat de travail entre les membres et une compagnie dont le siège social de l’époque était situé à Montréal. La Cour affirme par ailleurs qu’en vertu de la doctrine du forum non conveniens, il est peu probable qu’on en arrive à la conclusion que la Cour supérieure n’est pas le tribunal le mieux placé pour entendre le litige. Finalement, la Cour note que « la facilité, la commodité et l’efficacité du recours collectif national sont des recours importants qui militent en faveur de son autorisation et tempèrent les considérations qui pourraient tendre à la freiner tels que les principes constitutionnels, d’ordre et d’équité. » (para. 53). Le fait que les membres qui résident hors du Québec ou de l’Ontario n’auraient probablement pas la capacité d’entreprendre un recours au niveau provincial est donc noté par la Cour.

33) Droit de la famille - 102027, 2010 QCCS 3793

Reconnaissance de jugement étranger – Loi sur le divorce – modification d’ordonnance – jugement rendu par défaut

Il s’agit d’une procédure de reconnaissance d’un jugement de modification d’ordonnance alimentaire rendu par la Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard. En vertu des articles 18 et 19 de la Loi sur le divorce8, un tribunal d’une province peut rendre un jugement par défaut sur une requête en modification d’ordonnance présenté par la partie demanderesse qui réside dans cette même province. Un tel jugement devient exécutoire dans la province de résidence du défendeur lorsque le tribunal de cette province « procède à l’instruction en l’absence de la partie demanderesse en tenant compte de la preuve recueillie et du jugement rendu dans l’autre province et s’il confirme ce jugement sans le modifier ou le confirme en le modifiant. » (para. 3). Le paragraphe 19(6) de la Loi sur le divorce permet également au Tribunal de suspendre la procédure devant lui et de renvoyer la question au tribunal qui a rendu l’ordonnance, si les allégations de la partie défenderesse démontrent qu’une preuve additionnelle est nécessaire. En l’espèce, la défenderesse a introduit des éléments de preuve qui n’étaient pas disponible devant la Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard et qui démontrent que le demandeur aurait pu facilement se trouver un emploi. La Cour refuse donc de confirmer l’ordonnance qui réduisait l’obligation alimentaire du demandeur.

34) Adriana Resources inc. c. Bedford Resources Partners Inc., 2010 QCCS 3975

Jugement déclaratoire – clause d’élection de for – forum non conveniens – compétence – article 3148(3) C.c.Q. – obligations de la convention – attorn to jurisdiction – droit applicable

Adriana Resources inc. (ci-après « Adriana ») a signé une convention avec Bedford Resources Partners Inc. (ci-après « Bedford ») pour l’acquisition de la totalité de ses droits miniers sur un territoire situé dans la partie québécoise du Labrador. Adriana a son siège social en Ontario et est incorporée en Colombie-Britannique, province où elle a également un établissement. Bedford est incorporée aux Îles Turquoises et son siège social est en Ontario. Suite à un litige au sujet de l’interprétation de la convention, Adriana dépose une requête en jugement déclaratoire devant la Cour supérieure. Bedford s’y oppose par moyen déclinatoire, invoquant une clause d’élection de for ainsi que la doctrine du forum non conveniens.

8 L.R.C. 1985, c. 3 (2e Supp.).

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Les tribunaux québécois sont compétents en vertu de l’article 3148(3) C.c.Q. puisque plusieurs des obligations de la convention doivent être exécutées au Québec. En ce qui a trait à la clause d’élection de for, la Cour suprême et la Cour d’appel indiquent que pour qu’une telle clause soit valide, « elle doit obliger impérativement et irrévocablement les parties à intenter un recours exclusivement devant l’autorité désignée dans la clause. » (para. 12). L’expression attorn to the jurisdiction ne constitue qu’une simple clause de reconnaissance de juridiction et non une clause d’élection de for. Une partie ne pourrait donc pas contester un recours intenté en Colombie-Britannique, mais la clause n’empêche pas un recours intenté ailleurs. En vertu de la clause, le droit applicable est celui de la Colombie-Britannique, qui peut très bien être appliqué par l’autorité québécoise chargée de l’affaire. Par rapport à la doctrine du forum non conveniens, la Cour rappelle que l’article 3135 C.c.Q. ne trouve application qu’exceptionnellement et qu’en l’espèce, aucun autre forum ne s’impose comme étant plus approprié. La Cour ne peut donc écarter la règle fondamentale qu’est celle du choix du forum par le demandeur.

35) Bombardier inc. Air Liquide Canada inc., 2010 QCCS 4051

Contrat de vente – recours contre le fabriquant – arbitrage – effet relatif du contrat – garantie du fabriquant – article 3128 C.c.Q.

Bombardier poursuit Air Liquide Canada Inc. (ci-après « ALC ») et Air Liquide Welding France (ci-après « ALWF ») pour des dommages et intérêts, alléguant l’acquisition de matériel atteint de vices de fabrication. En l’espèce, ALC est le vendeur et ALWF est le fabriquant. Les bons de commandes et les factures découlant des transactions entre ALC et ALWF indiquent que tout litige devra être soumis à l’arbitrage régi par le règlement de Conciliation et d’Arbitrage de la Chambre de Commerce internationale. De plus, ces mêmes factures contiennent également une disposition affirmant que les conditions générales de vente seront régies par le droit français. ALWF dépose une requête en exception déclinatoire affirmant que ces clauses s’appliquent à Bombardier en raison du fait que la garantie du fabricant suit à titre d’accessoire. Selon ALWF, la Cour devrait donc renvoyer la cause devant un arbitre en vertu de l’article 940.1 C.p.c.

La Cour rappelle que le recours de Bombardier est une action directe en responsabilité en vertu du C.c.Q., et non pas une requête en garantie. La jurisprudence invoquée par ALWF par rapport au droit français et à la compétence du tribunal d’arbitrage est donc peu pertinente. En matière de droit international privé, la qualification des contrats doit être faite en vertu des lois du Québec. Par ailleurs, l’article 1730 C.c.Q. crée une fiction juridique selon laquelle le fabriquant est perçu comme le codébiteur des obligations envers l’acquéreur. Cette fiction permet ainsi à l’acquéreur de poursuivre le fabriquant sur la base de la garantie légale à laquelle est également tenu le vendeur. L’ajout d’un codéfendeur tire donc sa source dans le C.c.Q., et non pas dans le contrat qui lie le fabriquant au vendeur. Bombardier est donc étranger aux factures et bons de commande qui régissent la relation entre ALC et ALWF. Lorsque l’acquéreur intente un recours direct contre le fabriquant, les dispositions du droit international privé lui accordent le choix du forum, en vertu de l’article 3128 C.c.Q. L’article 940.1 C.p.c. ne trouve pas application puisque les clauses d’arbitrage sont inopposables à Bombardier. (Woods s.e.n.c.r.l.)

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36) Droit de la famille - 102375. 2010 QCCS 4390

Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfants – exceptions – intégration – droits et libertés de la personne – Charte – intérêt de l’enfant - risque grave de danger – discrimination

Le père, domicilié au Mexique, demande le retour immédiat de l’enfant en vertu de la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial d’enfants9 (ci-après « la Loi »). La mère, également citoyenne du Mexique, a demandé le statut de réfugié à son arrivée au Canada avec sa fille, en 2008. La demande de refuge, basée sur la persécution subie en raison de l’orientation sexuelle, est toujours pendante. La décision se penche sur l’applicabilité des exceptions prévues aux articles 20 à 22 de la Loi.

Les exceptions prévues par la Loi doivent être interprétées de façon restrictive afin de ne pas dénuer la Convention de la Haye de tout son sens. Au Québec, le fardeau relatif aux exceptions est celui de la prépondérance de la preuve. En ce qui a trait à l’intégration de l’enfant, la Cour doit s’assurer de ne pas accorder une telle exception dès que l’enfant est au Québec depuis plus d’un an, puisqu’il serait alors trop aisé de contourner les dispositions de la Convention. La jurisprudence indique que l’exception d’intégration requiert la preuve de deux éléments : « "a physical element of relating to, or being established in a community and an environment", and "an emotional constituent denoting security and stability". » (para. 102). On ne peut affirmer qu’une enfant de cinq ans qui habite au Québec depuis 23 mois démontre un tel niveau d’interdépendance ou d’intégration. L’exception prévue à l’alinéa 22(2) de la Loi est exceptionnelle et requiert la preuve que le retour de l’enfant irait à l’encontre des droits et libertés de la personne reconnus au Québec. La Cour ne peut arriver à la conclusion que la discrimination et la persécution à l’encontre des homosexuels au Mexique est suffisante pour dire de façon générale que les droits et libertés de la personne reconnus au Québec ne le sont pas au Mexique. La discrimination et la persécution constituent ici également la base de l’argument fondé sur l’article 21(2) de la Loi. Les deux dispositions doivent donc être traitées conjointement. En l’espèce, la Cour accepte l’idée que les jugements obtenus au Mexique par le père contre la mère sont de nature homophobe et discriminatoire. En cas de retour, l’enfant se verrait privée de la présence de sa mère, en violation de l’article 39 de la Charte droits et libertés de la personne10. Il y a donc un risque grave que le retour de l’enfant l’expose à un danger physique ou psychique. En raison de la persécution subie par la mère, un retour forcé constituerait également de la discrimination basée sur l’orientation sexuelle, telle définie à la lumière des chartes canadienne et québécoise. La Cour rappelle cependant que l’exception prévue à l’alinéa 22(2) appartient à l’enfant et non à la mère. La Cour rejette donc plutôt la motion sur la base de l’article 21(2) sans conclure définitivement par rapport à l’alinéa 22(2).

37) Prévost (Succession de), 2010 QCCS 4408

Reconnaissance de jugement étranger – article 3155 C.c.Q. – testament – vérification

Un testament qui a été vérifié par un tribunal américain et qui prévoit disposer d’un bien immobilier situé au Québec doit être reconnu en vertu de l’article 3155 C.c.Q. pour donner effets aux volontés du défunt.

9 L.R.Q., c. A-23.01. 10 L.R.Q., c. C-12.

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38) Huneault c. Fonds AGF inc., 2010 QCCS 4413

Autorisation de recours collectif – compétence des tribunaux – article 3148(3) C.c.Q. – forum non conveniens – article 3135 C.c.Q.

Il s’agit d’une requête en autorisation d’exercer un recours collectif contre des entreprises gestionnaires de fonds communs de placement qui œuvrent au Canada. Deux des entreprises allèguent que les autorités québécoises ne sont pas compétentes pour entendre la demande. Subsidiairement, elles demandent à la Cour de décliner compétence puisque les tribunaux ontariens seraient mieux placés pour trancher le litige.

L’existence de l’article 3135 C.c.Q. ne signifie pas que l’article 3148 C.c.Q. devrait être interprété de façon large. Lorsque l’un seul élément de l’article 3148 C.c.Q. s’applique, la compétence internationale du tribunal québécois est établie. En l’espèce, le fait que les sociétés en question aient un établissement à Montréal et que le préjudice des résidents québécois ait eu lieu dans la province est suffisant pour établir la compétence des autorités québécoises. En ce qui a trait à la doctrine du forum non conveniens, la Cour rappelle qu’elle doit refuser de décliner compétence hormis dans des situations exceptionnelles. En l’espèce, l’application des dix facteurs établis par la jurisprudence ne permet pas d’établir des facteurs de rattachement clairs aux tribunaux ontariens. La requête en exception de forum non conveniens est donc rejetée. (Woods s.e.n.c.r.l.)

39) Facebook inc. Guerbuez, 2010 QCCS 4649

Reconnaissance de jugement étranger – ordre public – article 3155(5) C.c.Q. – montant des dommages

Facebook demande la reconnaissance d’un jugement rendu par un tribunal de la Californie qui condamnait par défaut M. Guerbuez à lui payer une somme de 873 277 200 $ USD en raison de violations répétées d’une loi portant sur le commerce électronique. Ces violations résultent de l’envoi de pourriels. Guerbuez affirme que la décision étrangère est contraire à l’ordre public et invoque donc l’exception prévue à l’article 3155(5) C.c.Q.

Bien que la demande introductive d’instance indique que les dommages causés à Facebook n’était que d’une valeur de 5 000$ USD, le nombre exorbitant de contraventions et de lois invoqués par Facebook dans sa demande aurait dû inciter le défendeur à s’informer sur le risque réel qu’il encourait. Le défendeur ne peut donc pas se plaindre du fait qu’il ignorait l’ampleur des conséquences possibles. Le moyen de défense basé sur l’ordre public doit être appliqué de façon restrictive et la somme des dommages ne constitue pas un motif suffisant pour refuser la reconnaissance d’un jugement étranger. Le fait que la loi canadienne ne prévoie pas de tels montants en cas de condamnation n’a aucun impact. La loi américaine vise à dissuader les comportements tels que celui qui a mené à la condamnation du défendeur et il serait plutôt contraire à l’ordre public de lui permettre de se soustraire aux droits de Facebook, reconnus par le tribunal californien.

40) Groupe Mount Real Vest (Syndic de), 2010 QCCS 4985 à lire avec Groupe Mount Real Vest (Syndic de), 2010 QCCS 1881

Compétence en vertu de l’article 3148(3) C.c.Q. – faillite – clause d’élection de for – intention des parties – renonciation

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Suite au jugement rendu dans Groupe Mount Real Vest (Syndic de) (2010 QCCS 1881), les bénéficiaires non-faillis interviennent pour pouvoir également obtenir leurs quote-part de la vente des actions en capital de Bourse de Montréal inc. qui seraient retenues illicitement par Thomas Weisel Partenaires Canada inc. (ci-après « Weisel »). Weisel invoque de nouveau la clause d’élection de for pour contester la compétence des autorités québécoises.

La Cour commence par souligner que les cocontractants ne peuvent pas contourner la clause d’élection de for en raison du fait que le dossier d’un des contractants est traité par le Tribunal de la faillite. Le jugement précédent dans cette affaire ne s’applique donc pas à eux. Il est donc possible qu’un même litige soit traité devant deux instances distinctes, c’est à dire un tribunal de faillite ainsi que l’instance identifiée par la clause d’élection de for. La compétence des autorités québécoises doit donc être établie ici de façon indépendante de celle du dossier de faillite.

L’autonomie de la volonté des parties, exprimée à l’article 3148 C.c.Q., doit avoir préséance sur la disposition édictée à l’article 3136 C.c.Q. En l’espèce, il ne s’avère par ailleurs pas impossible d’exercer une action à l’étranger et l’article 3136 C.c.Q. ne trouve pas application. La compétence des autorités québécoises est ici établie par l’alinéa 3148(3) C.c.Q. et le troisième paragraphe de l’article 68 C.p.c. Il incombe donc à Weisel de démontrer que les parties ont voulu confier la compétence exclusive au Tribunal ontarien. En l’espèce, la Cour conclut plutôt que les conventions les plus récentes expriment un changement dans l’intention des parties et qu’elles semblent avoir renoncé à la clause d’élection de for contenue dans la convention invoquée par Weisel. Le Tribunal rejette donc le moyen d’exception déclinatoire.

41) Aliments Breton inc. c. Samson (Ferme Richard et Louise Samson), 2010 QCCS 5266

Litispendance – dépens – reconnaissance de jugement étranger – article 3155 C.c.Q.

Les demandeurs ne peuvent invoquer la litispendance puisque, bien qu’il ait rejeté la demande, le tribunal de l’Ontario a reconnu l’absence de juridiction. La condamnation aux dépens par le Tribunal ontarien est par ailleurs du ressort exclusif des tribunaux de cette province. Pour donner un effet exécutoire à cette condamnation aux dépens, les défendeurs doivent invoquer l’article 3155 C.c.Q..

42) R.R. c. An.G., 2010 QCCS 5314

Droit des personnes – tutorat – reddition de compte – reconnaissance de jugement étranger

En 1994, An.G. a été nommée « Trustee of the Estate of A.R. » par la Surrogate Court of Alberta. Le requérant R.R., a été nommé tuteur de A.R. en raison de la séparation de An.G. et de A.R.. L’ordonnance de la Surrogate Court of Alberta n’a jamais fait l’objet d’une demande de reconnaissance et d’exécution au Québec. R.R. demande maintenant une reddition de compte à A.R.

Les décisions étrangères qui traitent de l’état ou de la capacité d’une personne physique peuvent généralement produire leur effet au Québec même en l’absence de l’exequatur des tribunaux québécois. Cette règle ne s’applique cependant pas aux décisions étrangères qui donnent lieu à des « actes d’exécution sur des biens ou de coercition sur des personnes. » (para. 17, 21), décisions qui nécessitent une action en exemplification. La reddition de compte ne peut être caractérisée comme étant un tel acte d’exécution en raison de son caractère volontaire. Puisque An.G. a accepté la charge

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de « Trustee », la décision albertaine produit ses effets au Québec sans que l’exequatur soit nécessaire. La reddition de compte étant un accessoire de cette décision, elle peut être ordonnée par le Tribunal.

43) Droit de la famille - 103077, 2010 QCCS 5634

Garde d’enfant – article 3142 C.c.Q. – domicile de l’enfant – compétence des tribunaux - déplacement

Sur la base de l’article 3142 C.c.Q., les tribunaux québécois sont compétents pour statuer sur la garde de l’enfant si ce dernier est domicilié au Québec. La détermination du domicile de l’enfant en vertu de l’article 80 C.c.Q. doit se faire à la lumière des faits qui précèdent le litige. Le fait qu’un parent ait décidé unilatéralement de déplacer un enfant suite à la signification de la requête ne peut donner ouverture à un moyen déclinatoire qui n’existait pas auparavant. En l’espèce, le domicile des enfants était situé au Québec au moment de la signification. La défenderesse ne s’est donc pas acquitté de son fardeau de démontrer l’absence de compétence des autorités québécoises.

44) Droit de la famille - 103292, 2010 QCCS 6007

Droit de la famille – régime matrimonial – article 3123 C.c.Q. – domicile – résidence commune – jugement déclaratoire

Des époux demandent le prononcé d’un jugement déclaratoire pour établir quelle législation s’applique pour déterminer le régime matrimonial applicable à leur mariage. Dans le cadre du droit international privé, c’est l’article 3123 C.c.Q. qui régit la détermination du régime matrimonial. En vertu de cet article, c’est la loi du domicile des époux au moment de leur union qui s’applique. Lorsque les époux sont domiciliés dans des états distincts au moment de leur union, le premier facteur de rattachement est celui de la première résidence commune. La première étape consiste donc à déterminer le domicile des époux au moment de l’union. Les articles 75 et 78 C.c.Q. établissent les critères de détermination du domicile. La notion de domicile est composée de deux volets, « soit l’élément matériel et l’intention de demeurer dans ce lieu ou d’en faire son principal établissement. » (para. 21). En l’espèce, Madame était domiciliée au Québec avant de commencer à voyager. En raison de l’absence d’intention de Madame de faire de la Californie son principal établissement, elle demeure domiciliée au Québec. En effet, « tant qu’une personne n’a pas établi un nouveau domicile, elle conserve l’ancien par défaut. » (para. 29). Les époux étaient donc domiciliés dans des états différents au moment de l’union. La Cour se tourne donc vers la notion de résidence commune, définie à l’article 77 C.c.Q.. Plusieurs éléments factuels doivent être pris en compte pour identifier la résidence. En l’espèce, bien que les époux se déplaçaient fréquemment, leur port d’attache se situait en Californie puisque c’est l’endroit où ils revenaient à la fin de leurs périples. La résidence commune au moment du mariage et immédiatement après se situait donc en Californie.

45) Dégust-Mer inc. c. Mazette Company, l.l.c., 2010 QCCS 6100

Contrat de vente – Compétence en vertu de 3148(3) C.c.Q.

Dans un contrat de vente et de livraison de chair de homard congelée, le fait que la transformation et la congélation du produit soient des obligations qui doivent être effectuées au Québec est suffisant pour établir la compétence des tribunaux québécois.

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46) DaimlerChrysler Financial Services Canada Inc. (Chrysler Financial) c. Better Beverages of North America inc. (Meilleures boissons), 2010 QCCS 6279

Reconnaissance de jugement étranger – article 3156 C.c.Q. - jugement par défaut

Une décision de la Cour supérieure de l’Ontario rendue par défaut et qui n’est plus susceptible de recours ordinaire est reconnue et déclarée exécutoire par la Cour. L’acte introductif d’instance a été régulièrement signifié à la partie défaillante, tel que requis par l’article 3156 C.c.Q.

47) Bombardier inc. c. Fastwing Investment Holdings Ltd., 2010 QCCS 6665

Litispendance internationale – article 3137 C.c.Q. – objet de l’action – forum non conveniens

L’article 3137 C.c.Q. requiert trois éléments distincts pour que le Tribunal québécois exerce sa discrétion et sursoit le recours intenté devant lui. Premièrement, une action doit être déjà pendante devant une autorité étrangère. Deuxièmement, il doit exister une identité de parties, de faits et d’objet entre l’action étrangère et le recours devant le tribunal québécois. Finalement, la décision du tribunal étranger doit pouvoir être reconnue par les tribunaux québécois. En l’espèce, Fastwing a intenté son premier recours au Texas suite au dépôt des procédures dans le dossier devant le tribunal québécois. La première condition n’est donc pas respectée puisque aucune action n’était pendante à l’étranger au moment du dépôt des procédures. La seconde condition n’est pas respectée non plus puisque le recours intenté par Fastwing cherche à obtenir une condamnation pécuniaire alors que l’action de Bombardier recherche plutôt un jugement déclaratoire. Ces deux types d’action ont des objets distincts au regard de l’article 3137 C.c.Q. En cas de doute sur l’identité des objets, le tribunal doit s’abstenir de surseoir le recours devant lui. Les facteurs reconnues par la jurisprudence par rapport au forum non conveniens indiquent également que le tribunal devrait s’abstenir de surseoir, d’autant plus que le tribunal du Texas a lui-même accepté la requête de Bombardier en exception de forum non conveniens. Même si Fastwing à l’intention de porter cette décision du tribunal texan en appel, elle a actuellement tous ses effets.