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L'ÉVALUATION DES STRATÉGIES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION CÉSAR GARZON et Taïeb Hafsi Lavoisier | Revue française de gestion 2007/6 - n° 175 pages 61 à 80 ISSN 0338-4551 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-6-page-61.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- GARZON CÉSAR et Hafsi Taïeb, « L'évaluation des stratégies de lutte contre la corruption », Revue française de gestion, 2007/6 n° 175, p. 61-80. DOI : 10.3166/rfg.175.61-81 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 132.221.36.36 - 30/01/2015 21h22. © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 132.221.36.36 - 30/01/2015 21h22. © Lavoisier

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L'ÉVALUATION DES STRATÉGIES DE LUTTE CONTRE LACORRUPTION CÉSAR GARZON et Taïeb Hafsi Lavoisier | Revue française de gestion 2007/6 - n° 175pages 61 à 80

ISSN 0338-4551

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-6-page-61.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------GARZON CÉSAR et Hafsi Taïeb, « L'évaluation des stratégies de lutte contre la corruption »,

Revue française de gestion, 2007/6 n° 175, p. 61-80. DOI : 10.3166/rfg.175.61-81

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Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier.

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La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Depuis quelques années

nous assistons à

l'émergence d'une

campagne internationale

contre la corruption. Cette

évolution amène à réfléchir

sur nos capacités à évaluer

la qualité des stratégies

mises sur pied. Dans cet

article, les auteurs

montrent qu'évaluer

l'efficacité des initiatives

anticorruption constitue un

défi de taille en raison de la

complexité de ces

pratiques. Ils décrivent une

méthodologie d'évaluation

basée sur la littérature

empirique, pour confronter

ensuite le cadre

d'évaluation qui en résulte

à la stratégie anticorruption

de Hong Kong, l’un des

rares programmes publics

ayant réussi. Enfin, ils

terminent avec quelques

recommandations destinées

à améliorer l’efficacité des

stratégies anticorruption.

1. L’émergence de la corruption en tant qu’enjeumondial

Depuis quelques années, on assiste à l’émergence de cequ’on pourrait appeler une campagne internationale delutte contre la corruption (Sandholtz et Gray, 2003).Pour Glynn et al. (1997), cet effort, coordonné àl’échelle internationale, est un indice de plus de la glo-balisation1 de la corruption, une pratique aussi vieilleque l’utilisation de l’argent dans le monde. Le mouve-ment international anticorruption prend forme au débutdes années 1990, lorsqu’un nombre considérable degouvernements appuyés par des organisations interna-tionales (OI) et des organisations non gouvernementales(ONG) décident d’intervenir pour combattre ce fléau(Sandholtz et Gray, 2003). Il s’agit, pour plusieursd’entre eux, d’un changement d’attitude majeur. Eneffet, traditionnellement, on considérait la corruptioncomme un mal nécessaire (Elliott, 1997), étroitementliée à la bonne marche des affaires. Mais, au début des

P O L I T I Q U E A N T I C O R R U P T I O N

PAR CÉSAR GARZON, TAÏEB HAFSI

L’évaluation des stratégiesde lutte contrela corruption

DOI:10.3166/RFG.175.61-80© 2007 Lavoisier, Paris.

1. Nous utilisons ici le terme « global » dans ses deux sens possibles.D’abord, pour qualifier un phénomène qui s’applique à tout le globe,donc pour indiquer qu’aucun pays ou qu’aucune société n’échappent àce fléau. Ensuite, pour faire valoir une nouvelle vision de la corruptionqui englobe autant les pays d’origine des firmes multinationales que lespays récipiendaires, autant la sphère publique que le monde des affairesprivées.

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années 1990, plusieurs facteurs amènerontla communauté internationale à une prisede conscience sur ses dangers et sur lanécessité de la combattre.En premier lieu, les gouvernements et lacommunauté internationale commencent àréaliser que depuis la fin des années 1980,la progression des échanges économiquesinternationaux est associée à de nouveauxmécanismes internationaux de corruption2

et à une multiplication des réseaux illégauxinternationaux liés à la corruption (Glynn et al., 1997 ; Naim, 2003). Le résultat decette évolution est double : d’abord, l’appa-rition de structures nouvelles et plus sophis-tiquées favorables à la corruption. Cesstructures viennent notamment de l’intégra-tion spectaculaire des marchés financiers,de la disponibilité d’outils de communica-tion plus puissants, de la prolifération desparadis fiscaux et du développement depuissants réseaux économiques dont lanébulosité défie l’analyse (Mény, 1996).Ensuite, on note partout une inflation de cespratiques, particulièrement au sein desgrandes organisations (entreprises, admi-nistrations, partis). Ce phénomène toucheaussi beaucoup de pays riches, où les pra-tiques de corruption fleurissent, en particu-lier grâce à la porosité grandissante desfrontières nationales (Lascoumes, 1996).En deuxième lieu, la plus grande ouvertureéconomique de la Chine, mais égalementd’autres grands pays émergents tels quel’Inde, le Mexique et le Brésil, a faitprendre conscience aux Occidentaux, par-fois d’une façon brutale, de l’omniprésencede la corruption dans de vastes régions dumonde. On savait depuis longtemps qu’en

Chine et en Asie du Sud-Est, la corruptionétait un phénomène répandu (Wertheim,1978 ; Myrdal, 1978a ; Ravenholt, 1978).Ainsi, déjà en 1976, en Chine, le nombre dedossiers de corruption bureaucratique tra-duits en justice, pour cette seule année,s’élevait à 61000 (Backman et Guirchoun,1998). Cependant, après la libéralisationéconomique décrétée par le parti commu-niste les industriels étrangers nouvellementinstallés dans ce pays ont appris, parfois àleurs dépens, que, dans les faits, aucuneopération économique n’échappe aujour-d’hui à « la règle de la commission ».Enfin, les cas des pays en transition vers dessystèmes privilégiant l’économie de mar-ché ont attiré l’attention de la communautéinternationale sur les dangers de la corrup-tion pour les institutions politiques et pourla stabilité des règles de jeu. Plus spécifi-quement, les crises répétées de la Russiependant les années 1990 ont révélé un paysoù la corruption continuait à gangrener lavie sociale, politique et économique (Mendras, 1995) en s’insérant dans unestructure particulièrement propice à sonextension3.La prise de conscience de la problématiquede la corruption débouche sur une mobilisa-tion des acteurs autant sur les plansnationaux qu’internationaux. Elle se tra-duira, comme nous le décrivons plus loindans ce texte, par un grand nombre d’ini-tiatives qui verront le jour principalement àpartir de 1996, année charnière dans lemouvement international anticorruption.Le consensus international sur le danger etl’étendue de la corruption a eu égalementun effet important sur la recherche. Les

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2. Yves Mény, directeur du centre Robert-Schuman à l’Institut universitaire européen, cité par Marti (1997).3. Y. Mény, op cit.

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recherches théoriques se sont multipliées,au point qu’aujourd’hui il existe un corpsthéorique solide sur cette problématique etsurtout un meilleur balisage théorique descauses et des conséquences de la corrup-tion. Cependant, les initiatives empiriquesn’ont pas avancé à la même vitesse. Seulesquelques études empiriques commencent àtester les relations de cause à effet propo-sées dans la littérature4.Si sur le plan pratique, l’urgence d’agir sefait sentir, la rareté des études empiriquesnous force à constater que les actions anti-corruption ne peuvent être soutenues par devéritables outils d’analyse, de diagnostic etde suivi. En particulier, dans un domaineaussi complexe que la corruption, où toutetentative de qualification est difficile àcause de la nature même de l’activité, ondevrait disposer d’outils pour apprécierl’efficacité des politiques et des pro-grammes de lutte développés autant par lespays que par les OI concernées.Les stratèges ont besoin de mieux com-prendre si leurs efforts sont appliqués dansla direction appropriée (faire les bonneschoses) et déployés correctement (fairebien les choses). Comment peut-on évaluerl’efficacité d’une stratégie de lutte contre lacorruption ? est une question essentiellepour les personnes chargées directement dela formulation et de la mise en place des-dites stratégies. Définir les paramètres et lescritères qui doivent valider les stratégiesanticorruption ainsi que les résultas aux-quels il faut s’attendre, est un défi de taille,pour lequel cet article propose quelquespistes de réflexion et quelques recomman-dations.

2. Comment évaluer la qualité d’unestratégie anticorruption?

Traditionnellement, les effets d’une straté-gie, donc les résultats a posteriori, ont été etsont encore considérés comme le test acideen matière d’évaluation (Andrews, 1987).Dans le cas d’une stratégie de lutte contre lacorruption, il s’agit donc d’apprécier leseffets concrets de celle-ci sur l’ampleur, lafréquence ou même l’intensité de ces pra-tiques (Elliott, 1997). Plusieurs facteurscontribuent cependant à rendre très difficileune évaluation a posteriori, et à limiter sonutilité. En effet, premièrement, il y a unequestion délicate des effets dans le temps.Ainsi, une stratégie anticorruption peuts’attaquer à certains facteurs conjoncturelsqui agissent sur la dynamique de la corrup-tion, comme les opportunités d’appropria-tion des rentes offertes par les processus deprivatisations des organisations écono-miques du secteur public5. Ce faisant, ellepeut laisser intact de nombreux facteurssocioculturels et politiques dont l’influencesur la dynamique de la corruption est plusdurable (Myrdal, 1978a ; Huntington, 1968)et dont les manifestations ne se présententque lentement et subtilement. Il est déjàarrivé que l’on assiste à une diminution desmanifestations de la corruption à courtterme, alors que les structures qui la favori-sent à long terme se renforcent.L’effet inverse peut aussi se présenter. L’undes éléments principaux d’une stratégieanticorruption est précisément de dévoilerles mécanismes et de démasquer lesacteurs, donc de soulever le voile sur cespratiques pour les exposer au jugementpublic et aux sanctions prévues (Dommel,

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4. Voir, par exemple, Mauro (1996) ; Lambsdorff (1998) ; Sandholtz et Gray (2003).5. Jeremy Pope, directeur de Transparency International, dans Ragot (1997).

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1999). De ce fait, une stratégie efficace delutte contre la corruption va paradoxale-ment à court terme entraîner une augmenta-tion du nombre de cas de corruption réper-toriés officiellement et provoquer unefausse perception que la corruption est encroissance.Une autre alternative serait d’évaluer la qua-lité de la stratégie anticorruption par seseffets sur la croissance économique d’unenation. Bien sûr, il s’agit d’une approcheindirecte, mais après tout il y a parmi leschercheurs un certain consensus sur leniveau élevé de corrélation entre la corrup-tion et le développement économique. Surune longue période, plus il y a de corruption,plus lente est la croissance économiqued’une nation et vice versa, plus le pays estéconomiquement faible, plus il semble yavoir de la corruption (Mauro, 1998). Laconclusion est donc évidente : une stratégieanticorruption réussie devrait, au moins àlong terme, procurer des retombées écono-miques nationales certaines. À partir de don-nées empiriques comparant des pratiques deplusieurs pays, Mauro (1996) montre entreautres, qu’un pays qui réussit à diminuer leniveau de corruption, d’un IPC6 de 6 à 8 (0 étant le plus corrompu et 10 le moins),verra croître de quatre points son taux d’in-vestissement et le taux de croissance de sonPIB sera bonifié d’un demi pourcent. Lesanalyses de Mauro montrent également quela corruption modifie la composition desdépenses gouvernementales (Mauro, 1998).Les gouvernements au sein desquels la cor-ruption est plus élevée, auraient tendance àdépenser moins en santé et en éducation etplus en investissements publics, où la

concurrence est moins importante et les tran-sactions plus difficiles à surveiller. Les ana-lyses de régression montrent par exemplequ’un pays qui diminue le niveau de corrup-tion IPC de 6 à 8 augmentera ses dépenses enéducation d’un demi pourcent du PIB(Mauro, 1998).Malgré son côté séduisant, l’approche aposteriori et indirecte d’évaluation de laqualité d’une stratégique anticorruptionrévèle aussi des limites importantes. Leniveau élevé de corrélation entre corruptionet faible croissance économique ne signifiepourtant pas que la corruption est la seuleou même la principale cause de la stagna-tion économique d’un pays. Des étudesrécentes montrent que des facteurs d’ineffi-cience institutionnelle – plusieurs d’entreeux aggravés par la corruption, comme parexemple l’instabilité politique, la faiblessedes systèmes législatif et judiciaire et larigidité excessive de la bureaucratie –,contribuent de manière importante à unefaible performance économique. Quellepart de la faible croissance économiquerevient à la corruption et quelle part à l’in-efficience institutionnelle ? Pour Mauro(1998), il est impossible de faire la part deschoses car les deux faiblesses, corruption etinefficience institutionnelle, sont étroite-ment liées puisqu’elles se nourrissent l’unede l’autre, se renforçant mutuellement.Grâce à cela d’ailleurs, une stratégie delutte contre la corruption aiderait un pays àsurmonter ses faiblesses institutionnelles,tandis que des politiques de bonne gouver-nance visant à développer de meilleurescapacités institutionnelles contribueraient àvaincre la corruption.

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6. Indice de perception de la corruption utilisé par Transparency International.

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Les incertitudes sur les changements susci-tés à court terme ainsi que les difficultésd’interprétation qu’on risque de rencontrerlors d’une évaluation des effets plus à longterme d’une stratégie anticorruption, qu’ilssoient directs (l’ampleur, la fréquence oumême l’intensité des pratiques) ou indirects(sur le taux de croissance économique et surle profil des dépenses publiques, etc.), fonten sorte que l’évaluation des résultats a posteriori représente un travail particuliè-rement ardu et d’une valeur fort limitée.Dans une telle situation, une évaluation a priori est non seulement souhaitable maisnécessaire. Celle-ci devrait notamment per-mettre d’apprécier la qualité de la stratégieformulée avant que les résultats ne se mani-festent. Ceci permettrait de compléterl’évaluation des effets avec des critères per-mettant d’effectuer une évaluation avant oupendant la mise en œuvre. Pour l’essentiel,ces critères devraient faciliter l’expressiond’un jugement sur la formulation de la stra-tégie, sur la façon dont les choix ont été réa-lisés et sur les processus utilisés pour lesmettre en application (Hafsi et al., 2001).Dans la partie suivante, nous proposons unensemble de critères a priori qui porterontun jugement sur les choix réalisés et sur lesprocessus de leur réalisation, auxquelss’ajoutent des critères a posteriori. Notreapproche s’inspire des démarches tradition-nelles d’évaluation de la qualité d’une stra-tégie d’affaires (Andrews, 1987).

3. Les critères d’évaluation a priorid’une stratégie anticorruption

Toute stratégie porte sur des objectifs et desmoyens de les atteindre. Cela est l’essencemême de la stratégie. La formulation et lamise en œuvre stratégiques sont les proces-sus par lesquels on définit les objectifs et

les moyens de les atteindre. Dans l’analysed’une stratégie, on s’intéresse autant auxchoix d’objectifs et de mécanismes de réalisation (contenu stratégique) qu’auxprocessus grâce auxquels ces choix sontagencés et mis ensemble (processus straté-gique). La qualité d’une stratégie est fonc-tion autant de la pertinence des objectifs etde moyens de réalisation que de la façondont ces objectifs et ces moyens ont étéchoisis.

Les critères d’évaluation a priori ducontenu des politiques anticorruption

Pour qu’une stratégie aboutisse aux résul-tats escomptés, il faut que tous ces élémentsse renforcent et convergent vers les objec-tifs fixés. Les critères d’évaluation a prioriutilisent donc abondamment l’idée de cohé-rence (Hafsi et al., 2001). Plus précisément,il faut qu’on puisse apprécier la correspon-dance des choix (objectifs et moyens) quisont faits avec les résultats des analysesthéoriques ou empiriques dont le but est deprévenir ou de réduire la corruption.Comme nous l’avons mentionné, il existeun corpus théorique déjà bien établi sur lescauses de la corruption. Il est donc logique,pour commencer, de postuler qu’une bonnestratégie anticorruption doit contenir despolitiques et des structures qui s’attaquentdirectement aux causes reconnues dans lalittérature sur la corruption (Mauro, 1998).Pour comprendre les causes de la corrup-tion, Klitgaard (1998) propose de concep-tualiser la corruption comme un systèmereprésenté par la formule : C =M +D– A(corruption égale monopole plus pouvoir dediscrétion (discretion en anglais) moinsimputabilité (accountability)). Ainsi, seloncet auteur, on trouvera de la corruption lors-qu’une organisation ou un individu ont un

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pouvoir de monopole sur un bien ou un ser-vice, qu’elle ou qu’il possède un grand pou-voir discrétionnaire pour décider à qui et enquelle quantité ira le bien ou le service,enfin, qu’il ou qu’elle n’est pas tenu(e) res-ponsable de ses décisions. Ainsi, lorsque lespots-de-vin peuvent être importants, que ledegré de subjectivité dans la décision estélevé, que les possibilités d’être accusé etcondamné sont faibles et les pénalités sontdérisoires voire inexistantes, même les plushonnêtes risquent de céder à la tentation.À partir de cette conceptualisation simpledes causes de la corruption, on peut propo-ser quelques critères d’évaluation de l’effi-cacité d’une stratégie anticorruption. Demanière générale, on peut avancer qu’unestratégie anticorruption doit contenir despolitiques et des moyens qui visent le ren-forcement, l’amélioration ou la réparationdes systèmes vulnérables à la corruption.Quoique chaque élément de la formule C = M+D-C représente en soi un vaste axed’action, il existe des mesures relativementsimples permettant d’agir directement surle système pour « désamorcer » un grandnombre d’incitatives à la corruption. Unpremier pas dans la bonne direction serait,par exemple, une politique gouvernemen-tale qui réduirait les monopoles et/ou vise-rait à mieux les contrôler. Sandholtz et Gray(2003) montrent qu’une politique commer-ciale qui cherche à réduire les restrictionsau commerce par l’élimination des quotas àl’importation, a un effet positif significatifsur le niveau de corruption. Pour sa part,Mauro (1998) suggère que la corruptiondiminue lorsque la politique industrielle dugouvernement réduit les subventions etautres mesures discriminatoires d’incitationà l’investissement.

Premier critère. Une stratégie anticor-ruption doit réduire ou mieux éliminer lesoccasions propices à la corruption et enparticulier mettre sur pied des politiquesqui simplifient et clarifient le cadre de ges-tion des situations de monopole sur lesbiens et les services.L’amélioration des salaires, des incitationsmonétaires et des autres formes de rémuné-ration des agents publics représente undeuxième axe d’action important pour laréduction de la corruption. Depuis long-temps, les chercheurs ont reconnu que desagents publics mal rémunérés sont uneproie facile pour la corruption (McMullan,1978 ; Myrdal, 1978b ; Rose-Ackerman,1978 ; Wraith et Simpkins, 1978). Desrecherches plus récentes basées sur desétudes empiriques ont montré qu’il y amoins de corruption lorsque la rémunéra-tion des agents publics est comparable àcelle offerte aux travailleurs du secteurprivé détenant les mêmes qualifications(Van Rijckeghem et Weder, 1997). Dans laplupart des pays en développement, on estloin de cette situation. Dans ces régions dumonde, une politique d’amélioration desmesures incitatives devra commencer parl’implantation d’un système d’évaluationliant la rémunération à la performance dechacun (Klitgaard, 1998).Deuxième critère. Une stratégie anticor-ruption doit réformer le système de rému-nération et d’évaluation des agents publics,pour modifier leurs comportements et ceuxdes agents payeurs, de manière à diminuerles attraits de la corruption pour les pre-miers et à en augmenter les coûts pour lesderniers.Enfin, le troisième axe d’action d’une stra-tégie de lutte contre la corruption doit viser

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la mise en place de règles de jeu claires etstables quant à l’imputabilité des agentspublics et privés7. La clarté des règles dejeu doit aider la promotion des change-ments de comportement sur le plan éthique,la mise en place de meilleurs systèmesd’encadrement et de suivi ainsi que de sys-tèmes d’information plus transparents(Klitgaard, 1998). Quant à la stabilité desrègles, elle est nécessaire pour éviter queles campagnes anticorruption ne deviennentdes armes politiques contre les opposants(Rocca, 1993).Troisième critère. Une stratégie anticor-ruption doit inclure des politiques visantune plus grande imputabilité des décideurspublics et privés de manière à ce que lesrisques de sanction légale soient suffisam-ment grands pour dissuader les personnestentées par la corruption.Bref, diminuer les bénéfices, augmenter lescoûts et les risques potentiels pour ceux quis’adonnent à la corruption constituent lesgrands principes pour la conception demeilleures stratégies anticorruption.Afin de pouvoir évaluer favorablement laqualité d’une stratégie anticorruption, ilfaudra aussi évaluer le processus par lequella stratégie anticorruption est mise en appli-cation. Il faudra notamment répondre auxquestions suivantes : les objectifs et lesmoyens sont-ils en adéquation avec les troisaxes d’action mentionnés ? Contribuent-ilsà un système moins vulnérable à la corrup-tion, en diminuant les bénéfices qu’on peuten retirer et/ou en augmentant les coûts etles risques pour ceux qui s’y adonnent ?

Les critères d’évaluation a prioridu processus stratégique

La façon dont les choix des objectifs et desmoyens ont été réalisés est aussi importanteque le contenu d’une stratégie (Hafsi et al.,2001). Deux volets importants doivent êtreconsidérés ici : d’abord, la participation à laformulation et à la mise en œuvre de la stra-tégie et ensuite, la capacité du leadershipdans la mise en œuvre de la stratégie.Un grand nombre d’études montrent que lacorruption se manifeste sous de multiplesformes et touche tous les paliers d’unesociété8. Ce qui rend particulièrement com-plexe ce phénomène est, d’une part soncaractère secret, et, d’autre part le fait qu’il n’y a pas vraiment de victime spécifique,même si la société dans son ensemble enpaye le prix (Rocca, 1993). Les témoins deces pratiques secrètes sont donc souventtrès peu portés à les dénoncer. Pour ces rai-sons. il est peu probable qu’une stratégieanticorruption soit réellement efficace sansla participation décidée des individus et desorganisations qui sont directement touchéspar cette réalité, et sans la volonté de lapopulation de collaborer avec les autoritésconcernées.Quatrième critère. Dans une stratégieanticorruption, le processus qui mène auxchoix des objectifs et des moyens doit sus-citer la collaboration des citoyens et desorganisations publiques et privéesconcernées, et pour cela doit être ouvertet faire participer le plus grand nombrepossible.

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7. Nous comprenons par niveau d’imputabilité la probabilité qu’un individu, ou une organisation, soit tenu respon-sable sur le plan administratif et criminel de ses décisions.8. Pour une recension de ces études voir Garzon (2002).

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La participation des citoyens lors du dia-gnostic de l’état de vulnérabilité des sys-tèmes face à la corruption est, selon Klitgaard (1998) une condition importanteau succès de toute campagne contre cefléau. Les gens sont une source précieused’information lorsqu’il s’agit d’identifierles centres de corruption. Cette parti-cipation peut s’effectuer de plusieursmanières : par consultation directe (e.g. implication des citoyens dans descomités de surveillance des organisationspubliques) ou indirecte (e.g. sondages). Ellepeut aussi être encouragée par la publicisa-tion et la mise à disposition de moyens dedénonciation faciles (e.g. lignes télépho-niques ouvertes au public ou campagnes desensibilisation aux dommages causés par lacorruption).La corruption est un échange et elleimplique donc la participation de deux par-ties. Très souvent le secteur privé y estimpliqué, soit par choix (corrupteur), soitpar force (victime d’extorsion). Les entre-prises sont par conséquent des partenairesprivilégiés dans la compréhension du fonc-tionnement des systèmes corrompus d’ap-provisionnement et de sous-traitance desprojets publics (Klitgaard, 1998). En cesens, une stratégie anticorruption doit pro-mouvoir la participation active des groupesprivés dans le diagnostic et la formulationdes politiques de lutte contre la corruption.C’est pour cette raison que TransparencyInternational (TI), l’ONG créée au débutdes années 1990 pour combattre la corrup-tion, privilégie dans ces programmes d’in-tervention la formation de groupes d’opi-nion, des chapitres nationaux, où siègentdes membres de la société civile et desreprésentants des secteurs publics et privés.Pour Eigen, fondateur de TI, il s’agit de

construire les plus vastes coalitions contrela corruption (Sandholtz et Gray, 2003). Enparticulier, en tant que partie impliquéedans l’échange, les entreprises doivent fairepartie de la solution. Afin de pouvoir comp-ter sur leur engagement et leur collabora-tion réels, les stratèges de la lutte contre lacorruption doivent rallier à leur cause lesacteurs du privé dès le départ du processus.En bref, la qualité du processus stratégiqueanticorruption doit s’apprécier par le niveaude participation des groupes concernés dansle diagnostic, la formulation et la mise enœuvre des politiques, et particulièrementpar l’apport du secteur privé à la compré-hension du fonctionnement des systèmescorrompus et à l’élaboration des solutionsconsidérées.Il a été souvent rapporté qu’il est très diffi-cile de se débarrasser de la corruptionlorsque celle-ci est devenue une pratiquecourante affectant les relations interperson-nelles et interorganisationnelles. Une foisacceptée personnellement et collectivementdans l’organisation, la corruption s’incrustedans les esprits pour y rester (Mauro, 1998).Elle fait alors partie du répertoire des solu-tions organisationnelles, des vérités prisespour acquises, des activités dont le bénéficepour la collectivité n’est plus à démontrer(Garzon, 2002). Cette caractéristique de lacorruption à s’« institutionnaliser » (Scott,2001), à devenir la norme, a une consé-quence importante sur les possibilités deréussite d’une stratégique de lutte contre lacorruption. Le changement impliqué peutêtre considéré comme radical. De ce fait ilest souvent suggéré que les réformes anti-corruption soient menées d’une manièremusclée, rapide et soutenue (Mauro, 1998).Les observations empiriques montrent éga-lement que la résistance principale au chan-

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gement se situe souvent au sommet de lahiérarchie sociale. D’une part, les hautsfonctionnaires corrompus jouissent d’unpouvoir de monopole qui leur assure desrentes auxquelles ils ne renonceraient quedifficilement. D’autre part, la prédomi-nance de la logique du court terme pousseles entreprises nationales et étrangères àprivilégier la stratégie la plus expéditive,c’est-à-dire le paiement de commissionspour accéder rapidement aux marchés. Lesystème de la corruption peut atteindre unstade auquel les décideurs publics et lesentreprises gagnent tandis que la sociétéperd (Klitgaard, 1998). Afin de rompre aveccette logique, il est essentiel de compter surun leadership au plus haut niveau et sur unsoutien au niveau de toutes les instancesdécisionnelles.Cinquième critère. Dans une stratégieanticorruption, un leadership au plus hautniveau et un soutien des acteurs-clésconcernés sont essentiels pour impulser lesréformes nécessaires et infuser l’énergierequise pour les mener à leur terme.Il est en effet souvent rapporté que les stra-tégies anticorruption commencent souventpar quelques « mesures chocs », dont le butessentiel est d’envoyer un message clair etfort sur l’engagement total des promoteursde la stratégie et sur leur véritable volontéde changer les choses. Cette sortie muscléechercherait aussi à susciter « un ralliemententhousiaste de la population contre l’en-nemi commun ». Klitgaard (1998) aobservé, entre autres, que les stratégies quiont du succès commencent par la dénoncia-tion et la punition de quelques « gros pois-sons », comme quelques-uns des grandsfraudeurs fiscaux, de grands payeurs depots-de-vin et de grands récipiendaires depots-de-vin. Lorsque la stratégie est effi-

cace, les premières cibles font souvent par-tie du gouvernement au pouvoir, ce qui aideà écarter l’idée que la stratégie anticor-ruption est simplement une autre campagnecontre l’opposition.Il faut noter que sur le plan du leadershipcontre la corruption, les progrès sontimpressionnants. Ainsi, l’absence devolonté politique ne peut plus être invoquéecomme un obstacle majeur à la lutte contrela corruption (Hors, 2000). Depuis unedécennie, rares sont les leaders des gouver-nements dans les pays en développementou dans les pays développés à ne pas recon-naître les effets dommageables de la cor-ruption sur le développement économiqueet social. Les politiques anticorruption fontmaintenant partie des principes de bonnegouvernance et des efforts de modernisa-tion des États.Le leadership dans les stratégies anticor-ruption va cependant bien au-delà de lasimple volonté politique de changer leschoses. Les bons leaders n’ont pas seule-ment une vision claire de ce qu’on veut fairemais doivent aussi favoriser une approchepragmatique dans la solution des probléma-tiques. Comment les dirigeants des pays oùla corruption est pratique courante peuvent-ils exercer leur leadership pour formuler etimplanter des stratégies à long terme contrece fléau? Pour Klitgaard (1998), il fautprendre des initiatives simples mais qui peu-vent faire la différence : premièrement, lesleaders doivent savoir qu’il est possible deréaliser des améliorations dans tout le sys-tème sans nécessairement aller vers le sui-cide politique. Apprendre de ce qui se faitailleurs et analyser en détail les différentescatégories de bénéfices et de coûts poli-tiques font partie de cette approche. Deuxiè-mement, il faut accepter que changer les

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choses prend du temps et qu’il faut établirdes priorités dans les changements à réali-ser. Les formes de corruption les plus coû-teuses pour la société ainsi que les domainesoù il est plus facile de marquer des pointsdoivent être prioritaires. Par exemple, lespremières initiatives doivent viser lesendroits perçus par le public comme étantles plus problématiques. Cette philosophied’intervention a été privilégiée notammentpar TI dans son programme de créationd’espaces d’intégrité9. Dans son programmed’intervention, l’ONG, par l’intermédiairedu chapitre national concerné, assiste legouvernement pour identifier les secteurs del’industrie et du commerce où les problèmesde corruption sont les plus graves. Par lasuite, un travail de persuasion commencepour que tous, d’un commun accord, s’en-gagent à éliminer certaines des pratiques decorruption les plus dommageables, la fina-lité étant l’émergence d’un consensus secto-riel sur de nouvelles règles de conduite.Troisièmement, les leaders reconnaissentqu’il leur faut chercher un appui externe.Les alliés internationaux sont des appuisprécieux quand il s’agit de justifier le grandeffort que représente une stratégie anticor-ruption. L’appui externe permet aussid’identifier les problèmes qui sont communsavec d’autres pays et de favoriser des parte-nariats pour réaliser la stratégie10. En bref,le leadership dans les stratégies anticor-ruption doit être guidé par un effort systé-mique, pragmatique et partagé avec des par-tenaires externes.

Afin de pouvoir évaluer favorablement laqualité d’une stratégie anticorruption, ilfaudra alors répondre positivement auxquestions suivantes : Y a-t-il une véritablevolonté politique de changer les choses ?Dans la réalisation des choix (objectifs etmoyens) a-t-on impliqué le plus grandnombre de participants, en particulier a-t-onassocié les acteurs privés concernés ? Leleadership des dirigeants est-il animé parune approche systémique, pragmatique etouverte au contexte international ?Aux critères d’évaluation a priori que nousvenons de décrire, il faut en ajouter un der-nier de type général qui est au cœur duconcept même de stratégie. Comme nousl’avons mentionné plus haut, la force d’unestratégie se mesure par sa capacité à faireconverger les efforts vers la réalisation desobjectifs fixés. Ce principe de la stratégie aune application immédiate sur tout proces-sus stratégique. Ceci veut dire que la qualitéd’une stratégie est fonction du niveau decohérence entre ses différentes compo-santes (Hafsi et al., 2001).Sixième critère. La force d’une stratégieanticorruption réside dans le niveau decohérence de ses composantes. Plus l’adé-quation entre les mécanismes de mise enœuvre utilisés et entre ces mécanismes et lesobjectifs fixés est grande, plus grande estl’efficacité de la stratégie.Le critère de cohérence interne conditionnele renforcement mutuel des éléments de lastratégie. Ainsi, par exemple, il est impor-tant que la structure mise en place permette

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9. « Preventing Corruption in Public Procurement Process Word Wide: Integrity Pact Appraisal and Capacity Buil-ding Project », dans http://www.transparency.org/integrity_pact/dnld/project_summary_3ca.pdf, consulté le13 juillet 2004.10. L’appui externe à la lutte contre la corruption est aujourd’hui une composante centrale de toute stratégie natio-nale. Pour un compte rendu des initiatives multilatérales d’aide aux pays en développement dans la lutte contre lacorruption voir Sandholtz et Gray (2003) et Elliott (1997).

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de coordonner de manière convenable lesactions spécialisées des acteurs concernés.Sur le plan du dirigeant, il faut que celui-ciait une vision claire de ce qui doit être faitet un style qui favorise le ralliement desforces autour des objectifs. Peut-être plusimportant encore, il faut que les politiqueset les mesures proposées ne soient pas encontradiction avec les valeurs profondes dela société, et il faut que la stratégie prévoiede changer à long terme les attitudes et lescomportements sociaux qui encouragent lacorruption. Enfin, il faut que tous les méca-nismes de mise en œuvre, notamment lastructure, le style de leadership et lesvaleurs, puissent être facilement liés auxobjectifs fixés par la stratégie anticor-ruption. Le critère de cohérence interne estessentiel dans l’appréciation globale de laqualité d’une stratégie anticorruption. Malheureusement, il est peu présent dansles études théoriques sur les stratégies anticorruption.

4. Les critères d’évaluation a posteriorid’une stratégie anticorruption

Malgré les difficultés que cela impose11, ilest important de compléter les critèresd’évaluation a priori avec des critères quisont disponibles seulement a posteriori,c’est-à-dire lorsqu’on vit déjà les effets dela stratégie, autant à court terme qu’à longterme.Un premier critère d’évaluation a posterioris’interroge sur les conséquences à courtterme de la stratégie anticorruption.Comme nous l’avons mentionné plus haut,les informations par rapport au nombre, à lafréquence et à l’ampleur des cas de corrup-

tion, ne sont pas des indicateurs appropriéspour mesurer l’efficacité à court termed’une stratégie anticorruption. Par contre,une façon d’apprécier la validité de la stra-tégie serait l’identification de cas concretsoù les nouvelles règles de jeu appliquéesont fait la différence.Septième critère. La validité d’une straté-gie anticorruption doit être confirmée pardes résultats concrets, facilement obser-vables et mesurables.Ainsi, par exemple, suite à l’implantation denouvelles règles de jeu dans le secteur destravaux publics, on peut choisir un échan-tillon de projets en réalisation et les compa-rer aux projets déjà réalisés en considérantdes facteurs tels la transparence dans le pro-cessus d’assignation de contrats, le respectdu budget et des délais initiaux, le niveau desatisfaction des utilisateurs avec le produitfinal, la diminution des cas de litige contrac-tuels, etc. Ces indicateurs concrets et spéci-fiques fournissent un indice de la validité dela stratégie anticorruption beaucoup plusfiable que des mesures globales sur lenombre de cas déclarés de corruption ou surl’ampleur de ceux-ci.L’efficacité d’une stratégie doit égalementpouvoir être mesurée par des indicateurs àlong terme. La croissance économique n’estpeut pas être le seul indicateur d’une straté-gie réussie car elle dépend également,comme nous l’avons déjà mentionné, del’amélioration des capacités institution-nelles et de la mise en place d’autres prin-cipes de bonne gouvernance. Par contre, onpeut être plus certain de l’efficacité d’unestratégie anticorruption quand elle réussit àchanger les comportements et les attitudes

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11. Nous avons décrit ces difficultés dans la partie 2.

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des acteurs-clés et de la population en géné-ral envers la corruption.Huitième critère. Une stratégie anticor-ruption doit constituer un guide d’actionautant pour les acteurs concernés que pourla population en général.En définitive, la finalité d’une stratégie anti-corruption doit être de modifier les compor-tements et les attitudes de façon à créer unclimat collectif hostile à la corruption. Pourles pays où la corruption est fortementrépandue, il s’agit d’un véritable change-ment de culture qui demande des effortscollectifs soutenus dans le temps. Il existedes façons de vérifier ces changements : lessondages d’opinion publique sur le niveaud’acceptation des pratiques de corruption etd’appui aux politiques anticorruption (cette

méthode a été développée depuis plusieursannées par TI12) ; l’implication de la popu-lation dans les campagnes de dénonciationet de surveillance collective ; enfin,« l’auto-réglementation » de la part desacteurs publics et privés concernés parl’adoption volontaire de nouvelles règles deconduite dont l’acceptation et le respectsont vérifiables, est aussi un autre indica-teur de l’efficacité de la stratégie à longterme. Dans le cadre des programmesd’aide de TI aux gouvernements, l’élabora-tion des ententes contractuelles de trans-parence et de saine gestion entre les par-ticipants, appelées aussi les pactes d’inté-grité13, est un exemple de cette sorte d’ini-tiative qui cherche à vérifier les change-

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12. « TI Corruption Perceptions Index, Framework Document », disponible dans http://www.transparency.org/cpi/1999/cpi_framework.html, consulté le 13 juillet 2004.13. « Preventing Corruption in …», op cit.

Tableau 1CADRE D’ÉVALUATION D’UNE STRATÉGIE DE LUTTE

CONTRE LA CORRUPTION

1. Réduction des structuresd’opportunités pour la corruption(premier critère)2. Diminution des bénéfices tirés de lacorruption et augmentation des coûtspour ceux qui s’y adonnent (deuxièmecritère)3. Augmentation des risques globauxde la corruption (troisième critère)

Cas concrets de validation des choixstratégiques (septième critère)

1. Implication des acteurs concernés etsoutien de la population (quatrièmecritère)2. Leadership et engagement desautorités et des hauts fonctionnaires(cinquième critère)3. Niveau de cohérence entre lesmécanismes de mise en œuvre eux-mêmes et puis entre eux et les objectifs(sixième critère)

Évidence des changements dans lescomportements et les attitudes de lacollectivité (huitième critère)

Évaluation du contenu Évaluation du processusÉléments évalués : objectifs et mécanismes de mise en œuvre

Évaluationa prioriDimensionciblée : la qualité

Évaluationa posterioriDimensionciblée :l’efficacité

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ments de comportements des acteursconcernés.La matrice du tableau 1 résume les critèresd’évaluation d’une stratégie de lutte contrela corruption.Pour illustrer la force de cette démarche,nous décrivons les principales composantesdu programme de lutte contre la corruptionde Hong Kong, un cas reconnu de réussite,et nous en analysons les résultats.

5. La stratégie de lutte contre lacorruption de Hong Kong

Les pays, qu’ils soient développés ou endéveloppement, sont de plus en plus nom-breux à exprimer leur volonté de luttercontre ce que beaucoup considèrent commeun vrai « cancer » de la société14. Des ini-tiatives anticorruption de toute sorte se sontmultipliées depuis le début des années 1990(Elliott, 1997). Ces initiatives peuvent êtreclassées en deux catégories : celles à carac-tère multilatéral qui cherchent à établir àl’échelle internationale un cadre générallégal et normatif de lutte contre la corrup-tion, et celles, nationales ou internationales,qui débouchent sur des actions de luttecontre la corruption sur un territoire donné,notamment un pays. Parmi les premières,on trouve principalement la Convention del’OCDE contre la corruption de personnelsétrangers dans des transactions de com-merce international15 et les principes debonne gouvernance du Fond monétaireinternational (FMI)16. En ce qui concerne

les dernières, elles peuvent prendre laforme de campagnes nationales de luttecontre la corruption sous la direction dugouvernement, d’interventions qui combi-nent une politique nationale avec desactions internationales chapeautées par desorganisations telles que TI17.Le succès des efforts de l’OCDE, du FMIet de TI dépend de la volonté et de la capa-cité des pays à mettre en exécution lesdirectives et les conseils de ces OI dans lecadre de leurs programmes gouvernemen-taux. C’est pour cette raison qu’il est par-ticulièrement intéressant de regarder deprès les cas des programmes gouverne-mentaux anticorruption qui ont été couron-nés de succès.Dans les régions où la corruption est endé-mique, quelques États sont parvenus à lafaire reculer de façon spectaculaire. On citesouvent comme cas étudiés Singapour, leChili et Hong Kong (Dommel, 1999).L’analyse de ces cas à succès confirme l’ob-servation faite à plusieurs reprises, que lavolonté politique de lutter contre la corrup-tion seule ne suffit pas. Les autorités despays qui ont réussi avaient développé éga-lement des capacités réelles à changer. Enfait, en plus d’afficher une grande détermi-nation pour changer, ces pays ont mobilisétoutes les ressources et ont pris tout letemps nécessaire pour accroître les chancesde réussite de leurs stratégies de lutte contrela corruption. Ainsi, le cas de Hong Kongconstitue l’un des meilleurs exemples de

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14. Stuart Gilman, président de Ethics Resource Center de Washington, cité par la revue Semana, 12 mai 2004.15. « Convention contre la corruption», disponible sur le site www.ocde.org/daf/noncorruption/,consulté le13 juillet 2004.16. « IMF Adopts Guidelines Regarding Governance », disponible sur le site www.imf.org/external/np/sec/nb/1997/nb9715.htm consulté le 13 juillet 2004.17. « National Integrity System Country Studies», disponible sur le sitewww.transparency.org/activities/nat_integ_systems/country_studies.html, consulté le13 juillet 2004.

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programme public de lutte contre la corrup-tion mené à grande échelle sur une longuepériode. Aujourd’hui, 20 ans après le débutdu programme, la corruption semble y avoirconsidérablement diminué (Hors, 2000).Une analyse plus détaillée des éléments dela stratégie appliquée à la lutte contre lacorruption aidera à comprendre ce succès.Premièrement, les objectifs du programmeont été formulés de façon claire et ils ont étéamplement communiqués par le gouverne-ment à tous les acteurs intéressés. Ils sontau nombre de trois : d’abord, imposer le res-pect de la loi moyennant l’ouverture d’en-quêtes et l’engagement de poursuites à pro-pos de cas récents de corruption ; ensuite,assurer la prévention, en agissant sur l’or-ganisation et la culture de l’appareil bureau-cratique et en dispensant des conseils et del’aide aux entreprises sur les moyens de lut-ter contre la corruption ; et enfin, informerla population des méfaits de la corruption(de Speville, 1997).Conformément aux critères d’évaluationénoncés auparavant, le premier objectif viseà augmenter le niveau d’imputabilité desdécideurs par l’imposition du respect de laloi et l’instauration d’enquêtes. Également,la recherche d’une plus grande implicationdu système judiciaire aide le gouvernementà bâtir sa crédibilité quant à son engage-ment contre la corruption, tout en augmen-tant les risques de ces activités (troisièmecritère).En appliquant le deuxième objectif, le gou-vernement introduit des mesures afin demodifier le fonctionnement des systèmesqui sont susceptibles d’accroître leschances de corruption. Ces mesures com-prennent une incitation à rejeter la corrup-tion s’adressant aux fonctionnaires(deuxième critère) et des modifications à

l’environnement de prise de décision de lagestion publique comprenant des change-ments organisationnels, de la formation(pour modifier les acquis culturels), ainsique la création de cellules de conseil auxacteurs du secteur privé (premier critère).Dans leur ensemble, ces mesures cherchentà mettre sur pied des systèmes moins vul-nérables à la corruption.Le troisième objectif vise à sensibiliser lapopulation sur les méfaits de la corruption.En informant la population sur les coûtscollectifs de ces pratiques et sur les méca-nismes et les formes qu’elles prennent habi-tuellement, le gouvernement s’attend à ceque les citoyens jouent un rôle central desurveillance et de dénonciation dans la stra-tégie et contribuent ainsi à la mise sur piedde systèmes moins vulnérables à la corrup-tion.Deuxièmement, le gouvernement a mis enplace des moyens des plus importants pourla réalisation des objectifs. Ainsi, la Com-mission indépendante de lutte contre la cor-ruption (ICAC), un organe spécialisé nerelevant ni de l’administration publique nide la police, mais directement du gouver-neur, a été créée pour coordonner le pro-gramme national de lutte contre la corrup-tion. La Commission s’est attachée à luttercontre toutes les formes de corruption,celles touchant le secteur public ou le sec-teur privé, les petits cas ou ceux impliquantdes hauts fonctionnaires et des cadres d’en-treprises (de Speville, 1997).Les liens de la structure mise en place avecles objectifs ne sont pas difficiles à faire.Afin d’assurer la crédibilité du processus etd’éloigner la tentation d’en faire une armepolitique contre les opposants, on a créeune commission indépendante et spéciali-sée. Étant donné le grand nombre d’ins-

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tances publiques et privées qui doivent col-laborer pour atteindre les objectifs fixés, ons’assure que toutes ces interventions se fas-sent de manière ordonnée en donnant unrôle de coordination à l’ICAC. Enfin, on adonné à l’ICAC un mandat clair et ample,des ressources et l’autorité nécessaires etcompatibles avec la réalisation du mandat.Troisièmement, la manière dont le proces-sus stratégique a été géré par le gouverne-ment de Hong Kong est également cohé-rente avec nos critères d’évaluation.L’ICAC relève directement du gouverneur,sans aucun intermédiaire, ce qui montrel’engagement au plus haut niveau du gou-vernement envers la stratégie anticor-ruption (cinquième critère).Le gouvernement a réussi à faire de la luttecontre la corruption l’affaire de tout lemonde. Tant dans la formulation des objec-tifs que dans la mise en œuvre, la stratégieadoptée a été menée avec le concours desautorités et des milieux des affaires, et legouvernement a fait constamment appel ausoutien de la population. En impliquant dèsle départ les acteurs concernés, le gouver-nement a encouragé la participationd’amples segments de la population dans lastratégie (quatrième critère).Le programme anticorruption de HongKong montre une démarche stratégiqueanticorruption dans laquelle les objectifs etles mécanismes de mise en œuvre sont enadéquation avec les critères d’évaluation ducontenu et du processus énoncés aupara-vant. Il est aussi remarquable au niveau dela cohérence entre les éléments de la straté-gie eux-mêmes. La capacité de leadershipdu gouvernement, la clarté dans les choix etla communication des objectifs formulés

ainsi que la structure mise sur place pourcoordonner les efforts et susciter la collabo-ration des acteurs concernés, se sont renfor-cées mutuellement de façon exemplaire(sixième critère).Après une vingtaine d’années d’efforts, il ya maintenant des indices concrets qui per-mettent de valider les orientations de lastratégie. Ainsi, on peut vérifier que la fixa-tion des règles au sommet s’est traduite parl’adoption de mesures concrètes d’assainis-sement des pratiques commerciales. Laconstruction et l’aménagement de l’aéro-port de Hong Kong, un vaste projet de20 milliards de dollars18, ont été utiliséscomme exemple pour montrer aux citoyenset aux milieux d’affaires qu’il est possibled’arriver à un consensus sur les nouvellesrègles de jeu. Ce projet, dont la réalisations’est étalée entre 1991 et 1998, a été réalisésans retard et sans dépassement de budget,un changement important par rapport à laplupart des projets comparables réalisésdans le passé (Rooke et Wiehen, 1999). Lesrésultats impressionnants affichés par ceprojet illustrent une façon de valider lesconséquences de la stratégie anticorruption(septième critère).Enfin, peut-être le résultat le plus importantde la stratégie réside dans les changementsculturels qu’elle a suscités. Par exemple, lesattitudes ont commencé à changer, signi-fiant une évolution dans les valeurs aux-quelles la société de Hong Kong a accordéla priorité. En effet, les sondages montrentque l’opinion publique est dans sa grandemajorité d’accord avec les initiatives enfaveur de la lutte contre la corruption (de Speville, 1997). Les facteurs sociocul-turels qui jadis contribuaient aux indices de

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18. Il s’agit de dollars de HK. Un dollar US vaut approximativement 7,7 dollars de HK.

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corruption élevés, ont sérieusement dimi-nués après vingt ans du programme. Main-tenant, Hong Kong est considérée commeune société qui ne tolère plus la corruption.En fait, l’opinion publique et le monde desaffaires ne semblent plus voir la corruptioncomme un phénomène inévitable de la viequotidienne19. Il s’agit ici peut-être de lapreuve la plus convaincante de l’efficacité àlong terme de la stratégie anticorruption deHong Kong (huitième critère).

6. Leçons pour les stratèges de la luttecontre la corruption

Le programme de lutte contre la corruptionde Hong Kong est malheureusement un casd’exception. La vérité est que, dans la plu-part des pays, mais surtout dans les pays endéveloppement, la grande majorité des casde corruption restent dans l’ombre et impu-nie20. Parfois, la volonté politique n’y estpas ou elle vise plutôt à en cacher les pra-tiques et rendre encore plus difficile le tra-vail d’enquête (Klitgaard, 1998). Toutefois,la plupart du temps, ce sont les capacités dechanger qui manquent. Il arrive très souventque la lenteur des procédures, les difficultésauxquelles se heurtent les enquêteurs pourremonter les filières nationales et interna-tionales, la rareté et la légèreté des sanc-tions, contribuent à nourrir le scepticismede la population et des acteurs concernéssur l’efficacité des initiatives avancées parles gouvernements.Heureusement, dans beaucoup de pays, il ya des dirigeants déterminés qui font preuved’une volonté réelle de combattre la corrup-

tion. Pour eux, le cas de Hong Kong permetde tirer des leçons précieuses, dont les plusimportantes peuvent être résumées commesuit :La clarté des objectifs. Les autorités del’île ont accordé la priorité à un nombre res-treint d’objectifs visant le renforcement,l’amélioration ou la correction des sys-tèmes vulnérables à la corruption.La communication des objectifs. Aucunmoyen n’a été négligé pour informer lapopulation, et chacun des groupes d’acteurs-clés, des éléments de la campagne anticor-ruption et de l’intention du gouvernementde s’attaquer à toutes les formes de corrup-tion.L’horizon du long terme. La stratégie anti-corruption a été conçue pour changer fon-damentalement et durablement les pra-tiques de la population locale. Vingt ansaprès le début du programme public, lesefforts pour combattre la corruption conti-nuent.La mobilisation de ressources impor-tantes. La lutte contre la corruption àgrande échelle et sur une longue période anécessité la mobilisation constanted’énormes ressources nationales. La dispo-nibilité de ces ressources n’a jamais étéremise en question malgré les difficultéséconomiques et les luttes politiques causéespar la conjoncture nationale.Le rôle de l’Agence indépendante anti-corruption. L’ICAC a joué un rôle primor-dial dans la coordination des efforts néces-saires au cours des différentes étapes de laformulation et de la mise en place straté-

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19. Sur le changement de la perception de l’opinion publique face à la corruption à Hong Kong, voir l’évolutiondes IPC de TI depuis 1996, disponibles sur le site www.transparency.org/, consulté le 13 juillet 2004.20. Neuf pays en développement sur dix ont un besoin urgent de soutien pratique pour lutter contre la corruption,souligne le nouvel indice, disponible sur le site www.transparency.org/cpi/2003, consulté le 13 juillet 2004.

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giques. Son caractère indépendant par rap-port aux instances politiques, policières etbureaucratiques a été essentiel pour légiti-mer le processus. Enfin, la spécialisation etle professionnalisme des agents ont beau-coup contribué à la crédibilité du pro-gramme.Le rôle du leadership. La formulation et lamise en place des mesures énergiques etinnovatrices du programme de lutte contrela corruption ont été possibles grâce au lea-dership assumé par les autorités du terri-toire de Hong Kong. Ces dernières ont eu lecourage de s’attaquer à toutes les formes decorruption, y compris à celles impliquantdes hauts fonctionnaires, dans un pays oùces pratiques étaient la norme. En assurantl’indépendance de l’ICAC et en lui donnantun statut de premier plan, elles ont accordétoute la crédibilité au processus.L’implication de la population et desacteurs concernés. Le processus de formu-lation et de mise en œuvre des politiques aété mené avec le concours des autorités etdes milieux des affaires, avec le souciconstant de solliciter le soutien de la popu-lation. Les acteurs concernés, publics et pri-vés, ont été consultés et conseillés quantaux moyens de lutter contre les pratiques decorruption dans leurs milieux respectifs.L’éducation et la sensibilisation de lapopulation. Informer la population desméfaits de la corruption faisait partie dès ledépart des objectifs du programme publiccontre la corruption. Les autorités de l’îlede Hong Kong étaient conscientes du rôleessentiel de l’éducation dans les change-ments importants qu’elles voulaient provo-quer au sein de la population. Les sondagesmontrant que la population est aujourd’huitrès peu tolérante face à la corruption etqu’elle est, dans sa grande majorité, favo-

rable aux initiatives de lutte contre la cor-ruption, semblent leur donner raison.

CONCLUSION

Les grandes transformations économiqueset technologiques qui ont accéléré le pro-cessus de mondialisation économiquedepuis le début des années 1980 ont égale-ment eu pour effet de globaliser la problé-matique de la corruption. La communautéinternationale a été saisie par un doublesentiment : d’abord, de vulnérabilité, neplus être à l’abri d’un fléau contre lequelcertains pays développés se croyaientdepuis longtemps immunisés ; et puis, dedanger potentiel que ces pratiques représen-taient pour le fonctionnement du systèmemondial. Cette prise de conscience de laproblématique globale de la corruption et lamobilisation qui a marqué la dernièredécennie ont généré un grand nombre d’ini-tiatives anticorruption.La globalisation de la problématique de lacorruption a également suscité un importantregain d’intérêt de la part des chercheurspour ce sujet. Plusieurs travaux récents ontcontribué à la formation d’un corpus théo-rique de plus en plus fourni sur les causes etles conséquences de la corruption. Cepen-dant, les études empiriques sont encore peunombreuses. Si les besoins d’agir sonturgents, les praticiens ne peuvent s’inspirerque de modèles théoriques.Le contexte international étant propice, laplupart des gouvernements ont manifestéleur volonté de s’attaquer aux formes decorruption les plus pernicieuses. En effet, laglobalisation de la problématique de la cor-ruption a eu un effet libérateur pour les payslourdement affectés par ces pratiques. Lacorruption n’y est plus un sujet tabou. Les

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campagnes pour la combattre font partiedes programmes affichés par la plupart despartis politiques et les programmes anticor-ruption deviennent un enjeu politiqueimportant. Si la volonté politique est au ren-dez-vous, il n’est cependant pas certain queles capacités et les connaissances pourchanger les choses soient disponibles par-tout.Dans les années à venir, le défi consistera àdévelopper un savoir-faire pour soutenir lespraticiens qui combattent la corruption.Certes, les stratégies anticorruption desgouvernements sont de plus en plus nom-breuses ; le déploiement des efforts de lapart des autorités, souvent avec l’aide desOI, se multiplie partout et les ressources quiy sont consacrées ne cessent de s’accroître.Toutefois, les gouvernements, les OIconcernées et les populations ont besoin desavoir si ces ressources sont bien utilisées,si les stratégies anticorruption sont effi-caces.Les difficultés pratiques que pose la problé-matique de la corruption, à savoir soncaractère secret, les relations « symbio-tiques » qu’elle entretient avec d’autres pro-blématiques telles les faiblesses institution-nelles et le potentiel de manipulationpolitique que revêt toute campagne anticor-

ruption, représentent des défis de taille pourles stratèges anticorruption. Le peu d’aideque peut fournir, en ce sens, la théorie, rendtrès difficile une appréciation juste deseffets des stratégies anticorruption une foiscelles-ci mises sur pied. D’où la nécessitéde toute urgence de disposer de plusieurscritères d’évaluation des stratégies anticor-ruption a priori qui puissent compléter lesvalidations a posteriori.L’idée selon laquelle la corruption était unmal nécessaire est loin derrière nous. Lacorruption n’est plus perçue comme l’héri-tage inéluctable d’une société manquant demodernisation. Aujourd’hui, aucun gou-vernement ou autorité ne peuvent prétendreà l’inaction sous prétexte d’une telle pré-destination. La corruption n’est plus nonplus considérée comme le simple produitde quelques « cols blancs délinquants ».Les gouvernements ont appris qu’il fautchanger le fonctionnement des systèmespour les rendre moins vulnérables à la cor-ruption. Tout cela représente des progrèsmajeurs dans la quête de sociétés plusjustes et plus prospères. Il faudra plusd’outils, plus de modèles pratiques pouraider les dirigeants à ne pas rater cetteoccasion. Cet article se veut un apport danscette direction.

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