mémoire – design d'interaction durable
DESCRIPTION
En 2006, la société Xerox annonce avoir créé un papier réutilisable. L’encre s’effaçant d’elle-même, il est possible d’imprimer plusieurs fois sur le même document. Xerox émet l’idée qu’il est préférable d’utiliser moins de papier. La numérisation pourrait-elle être plus polluante que le recyclage ? Cela amène aussi à se demander s’il est plus intéressant de créer une technologie permettant de réutiliser du papier ou bien de générer le réflexe d’utiliser moins de papier. Ces interrogations sur les comportements humains, sur les usages et sur la consommation posent la problématique suivante: «Le designer d’interaction peut-il inspirer des pratiques de consommation durables dans les pays développés» ?TRANSCRIPT
MÉMOIRE DANS LE CHAMP DU DESIGN D’INTERACTION DURABLE
Charles Bail
Sous la direction de Jonathan Munn et le tutorat de Christophe Clouzeau.
Département du Design d’Interaction dirigé par Nicolas Baumgartner.
Professeurs : Félicie d’Estienne d’Orves, Jonathan Munn, Tanguy Bizien & Alexandre Rivaux.
2014-2015
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MÉMOIRE DANS LE CHAMP DU DESIGN D’INTERACTION DURABLE
Le designer d’interaction peut-il inspirer
des pratiques de consommation durables
dans les pays développés ?
Charles Bail
V
Introduction ................................................................................. 1
i. Le design durable environnemental ........................................... 51.1 Du design environnemental à l’éco-design
1.2 Des mutations cruciales
1.3 Aujourd’hui : les nouveaux problèmes environnementaux représentent
des défis pour les designers
ii. Le rôle du designer d’interaction ............................................. 352.1 Un design d’usage
2.2 Un design centré sur l’utilisateur
2.3 Des conséquences contrastées
iii. Vers un design d’interaction durable ...................................... 633.1 Pratiquer le design de façon durable
3.2 Le green it : réduire l’impact énergétique des technologies
3.3 Le green it : comment réduire l’impact énergétique de l’humanité ?
3.4 Des limites
3.5 Conclusion générale
Annexes .................................................................................... 105Éléments graphiques
Interviews
Références
Iconographie
Remerciements
1
1 Xerox Invents Self-Erasing, Reusable Paper, TechWeb, 2006
2 « Of course, we’d all like to use less paper, but we know from talking with customers that many people still prefer to work with information on paper. Self-erasing documents for short-term use offers the best of both worlds », [traduction de l’auteur], Xerox Invents Erasable Paper for Paper Reuse, xerox.com
INTRODUCTIONEn 2006, la société Xerox annonce avoir créé un papier réutilisable1 ; l’encre s’efface
d’elle-même. Il est ainsi possible d’imprimer plusieurs fois sur le même document.
De tels procédés pourraient être mis au service d’entreprises et de particuliers.
Beaucoup de questions se posent. Paul Smith, responsable du laboratoire de Xerox
Corporation s’exprime en ces termes2 : « Bien sûr, nous aimerions tous utiliser moins de
papier, mais les discussions avec nos clients nous font comprendre que nombreux sont
ceux préférant travailler avec des informations inscrites sur du papier. Les documents
qui s’effacent automatiquement offrent le meilleur des compromis ». L’utilisation
du papier pourrait être un problème lié à de mauvaises habitudes. Xerox émet l’idée
qu’il est préférable d’utiliser moins de papier. La numérisation pourrait-elle être plus
polluante que le recyclage ? Cela amène aussi à se demander s’il est plus intéressant
de créer une technologie permettant de réutiliser du papier ou bien de générer
le réflexe d’utiliser moins de papier.
Alors que les recherches préliminaires étaient axées sur l’éco-design – plus dans un
contexte de recherche de l’esthétisme et de la sensibilité plutôt que l’étude du ‘comment’
et du ‘pourquoi’ de l’éco-design – elles ont été réorientées sur la façon dont les designers
pouvaient trouver des solutions à des problématiques comme celles qu’induisent un
projet comme celui de Xerox. Compte tenu du fait que cette technologie avait été
annoncée en 2006, il est apparu que l’être humain répondait souvent à ses besoins
grâce à des machines, des produits, ou des technologies. Cette recherche devait donc
s’intéresser aux usages et aux comportements des consommateurs. De fait, « le designer
d’interaction peut-il inspirer des pratiques de consommation durables dans les pays
développés ? » du point de vue de ses compétences mais aussi du point de vue de la
3
3 People | Bill Moggridge, ideo.org
4 John Maeda, mit.edu, 2003
faisabilité d’une telle action. En discutant avec des designers d’interaction suivis
sur le site web communautaire de designers ixda.org dont You Le Chong – une designer
d’interaction en Suède qui a commencé à s’intéresser au design d’interaction durable
en 2007 pour son sujet de mémoire – il a été plus simple de comprendre les tenants
et les aboutissants d’une telle étude.
C’est pourquoi ce mémoire s’intéresse à des sujets très vastes et n’a pas la prétention
d’accorder la même attention à tous les axes de recherche. Certaines parties sont
plus proches d’un tour d’horizon qui permet d’évoquer des principes clefs qui
mériteraient d’être tous traités individuellement. En revanche, ils témoignent
de la complexité des problèmes abordés qui, prenant place dans un contexte
contemporain, n’ont toujours pas de réponse.
Aussi, certains termes sont difficiles à définir car leur explication évolue
en fonction de l’ouverture des champs de recherche qui sont faits. Leur définition varie
selon la vision des différents acteurs du design comme Bill Moggridge3 et John Maeda4.
Cette recherche s’appuie sur la lecture d’articles universitaires et d’articles en ligne,
l’étude de données statistiques, la discussion avec des designers en France
ou à l’étranger et enfin à la conduite d’interviews de professionnels
liés au domaine de l’environnement et du design.
Dans un premier temps, il sera question de l’analyse historique et l’évolution
du discours écologique. Grâce à cela il sera possible de voir quels sont les facteurs
décisifs du xxe siècle qui ont marqué le monde. La deuxième partie, quant à elle,
portera sur la définition du design d’interaction et les outils dont dispose un designer
d’interaction pour inspirer des pratiques plus écologiques auprès de la population.
À travers les discours de différentes personnalités, la recherche tentera de montrer quels
sont les grands axes de réflexion autour du rôle de leur vis-à-vis de l’environnement et
soulèvera la question de la nécessité de la technologie. Enfin, une troisième partie
expliquera à travers des études de cas comment le designer peut concrètement
intervenir auprès de la population, ou si certaines pratiques ne vont pas
à l’encontre de sa déontologie.
LE DESIGN ENVIRONNEMENTAL
Chapitre
5
5 Georges-Louis Leclerc Buffon & Richard, Œuvres complètes, Pourrat frères, 1835
INTRODUCTION
L’Histoire nous donne maints exemples de constructions liées à la
nature. Cette première partie a pour but de faire un tour d’horizon
historique afin de mieux comprendre l’évolution du discours
écologique et économique. Des fractures technologiques ont lieu
grâce aux découvertes des scientifiques et des ingénieurs qui n’ont
pas anticipé leurs conséquences. En voulant résoudre des problèmes
humains, certains se spécialisent dans le design. Les problématiques
d’autrefois ne sont plus les mêmes qu’aujourd’hui, certains facteurs
sont intemporels et d’autres se créent chaque jour.
« Le plus grand ouvrier de la nature est le temps. »
– Georges-Louis Leclerc de Buffon5
7
*Les mots et concepts de couleur verte seront détaillés dans le lexique p. 108
6 Serge Chermayeff, Design and the Public Good : Selected Writings, mit Press, 1982
7 What Is Environmental Design ?, wiseGEEK
8 Définitions : Nature, Larousse en ligne
9 Définitions : Environnement - Dictionnaire de Français Larousse, Larousse en ligne
1.1 DU DESIGN
ENVIRONNEMENTAL À L’ÉCO-DESIGN
a. LE DESIGN ENVIRONNEMENTaL EST UNE SYNERGIE aVEC La NaTURE
UNE NOTION LARGELe célèbre chercheur du mit, Sergei Cherm,
définit6 le design environnemental* comme
la méthode par laquelle les humains prennent
en compte les paramètres environnementaux
lorsqu’ils ont l’intention de construire un bâtiment
ou de créer un produit7. Le but est d’analyser
l’environnement dans lequel la création évoluera
afin d’imaginer comment il est possible de tirer
profit des paramètres naturels.
Il faut faire la distinction entre les termes
de ‘nature’ et ‘d’environnement’. Dans cette
recherche la nature désigne le monde physique8
qui n’a pas – ou très peu – été transformé par
l’action humaine. Cela peut être une forêt vierge,
par exemple, qui est un lieu non urbanisé.
Un environnement est un ensemble d’éléments
qui entourent un sujet9. On peut parler
de l’environnement ‘naturel’ c’est-à-dire le lieu,
illu. 1. Paradoxes et complexité
8
10 « Now in houses with a south aspect, the sun’s rays penetrate into the porticos in winter, but in the summer the path of the sun is right over our heads and above the roof, so that there is shade. If, then, this is the best arrangement, we should build the south side loftier to get the winter sun and the north side lower to keep out the winter winds. », [traduction de l’auteur], Xenophon, The Memorabilia, liv. 3 chap. 8
11 ecodesign - What Is ecodesign ?, ecodesign.at
12 RIBA, In Brief : A History of Sustainable Architecture
13 Richard Waite, Kengo Kuma : We Should Respect Nature and History, Architects Journal, 2013
le cadre de vie spatialisé dans lequel un humain
évolue : niveau de bruit, paysage, faune, flore, par
exemple. Mais il peut aussi s’agir, par analogie, de
l’environnement économique ou l’environnement
social eux aussi déterminés par certains facteurs.
UNE NOTION ANCIENNESocrate se demandait si lorsque quelqu’un
souhaitait construire une maison il devait tout
faire de sorte que la maison soit agréable à vivre
et si elle pouvait s’adapter à ses besoins pour être
confortable. « Avec les maisons au sud, les rayons
du soleil passent par le porche de la maison
en hiver, mais pendant l’été les rayons sont juste
au-dessus de nos têtes et au-dessus du toit, de sorte
qu’il y ait de l’ombrage. Si c’est le meilleur des
systèmes, nous devrions construire les maisons
du sud plus en hauteur pour profiter du soleil
d’hiver, et les maisons du nord plus bas
pour les protéger des vents d’hiver »10.
Les architectes grecs ont étudié les plans
de la ville afin d’orienter l’ouverture des maisons
vers le Sud et d’obtenir le résultat désiré. Les Grecs
ont pris avantage d’un paramètre naturel et s’en
sont accommodés. C’est une construction pour
un besoin humain Il est possible de parler d’une
discipline centrée sur l’humain, qui est considéré
comme un utilisateur, avec un espace dans lequel
il interagit.
B. L’ÉCO-DESIGN C’EST CRÉER TOUT EN PRÉSERVaNT La NaTURE
POURQUOI PARLER D’ÉCO-DESIGN ?Tout comme le design environnemental,
l’éco-design est un processus qui intègre
l’environnement lors d’une phase de création11.
La différence est que l’éco-design vise à préserver
les ressources naturelles qui sont utilisées pour
une construction quelconque. Cette pratique
respectueuse de l’environnement est née suite
à la réflexion sur l’épuisement des ressources
qu’il a fallu commencer à économiser12. L’apparence
d’un bâtiment peut aussi défigurer le paysage13.
Les designers et architectes doivent anticiper
l’aspect final d’une construction pour le rendre
le plus cohérent possible avec le paysage originel
s’ils veulent pratiquer correctement l’éco-design.
Ils ne doivent pas négliger les futurs habitants ni
l’économie. Ainsi, ils doivent trouver un équilibre
pour satisfaire les besoins économiques, le confort
des usagers tout en préservant l’environnement
dont ils profitent.
9
14 TED Conference, Cradle to Cradle Design, 2005
HUANGBAIYU : EXEMPLE D’UNE VILLE VERTELors de la conception de la ville de Huangbaiyu
en Chine, William McDonough – designer
américain distingué – s’est d’abord intéressé
à la façon dont la ville s’intègre visuellement
dans le paysage, puis à son fonctionnement
avec la nature14 sans la polluer et enfin la place
des habitants dans ce système. Ses partenaires
et lui-même ont appliqué des principes d’éco-
design en se concentrant sur l’environnement,
sans oublier tous les systèmes qui lui sont
rattachés l’industrie, les commerces, l’agriculture.
Pour McDonough la réutilisation du modèle
d’autres villes chinoises était à proscrire. Il
commence par étudier l’environnement où devait
être installée la ville. Il étudie ensuite l’hydrologie
pour favoriser l’accès à l’eau fraîche ; il étudie
l’exposition au soleil pour optimiser les panneaux
solaires. Le juste équilibre entre les parcs, les
habitations, et les zones commerciales, permet
de créer de nombreux points de ralliements,
favorisant les contacts sociaux. En gérant les
déplacements de la population,
il rend l’accès aux transports publics, réduisant
l’utilisation de la voiture au maximum. Enfin,
la gestion des déchets – de consommation
ou bien déchets humains – induit un traitement
dans des centrales à l’extérieur de la ville, puis
ces déchets sont réutilisés commecombustible
ou convertis en énergie grâce à des plantes.
Pour ne pas défigurer le paysage originel,
les toits des bâtiments sont recouverts de gazon
pour servir de jardin ou de champ. McDonough
a vraiment le souci de lier la nature, ses habitants
et la nécessité d’un rendement économique15.
Il commence par intégrer son projet au paysage
naturel. Ensuite, l’architecte l’intègre de manière
technique et durable en employant des techniques
de réutilisation des déchets industriels et humain
ainsi que des méthodes de récupération de l’eau.
10
15 Jared Flanery, From Shanghai to Huangbaiyu : Eco-Cities as an Alternative Modernity, 2013
16 Jason F. McLennan, The Philosophy of Sustainable Design : The Future of Architecture, Ecotone Publishing, 2004
17 William McDonough, Michael Braungart and Teresa Heinz Kerry, The Hannover Principles : Design for Sustainability, W. McDonough Architects, 2003
18 Jean-Francois Lejeune and Michelangelo Sabatino, Modern Architecture and the Mediterranean : Vernacular Dialogues and Contested Identities, Routledge, 2009
LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L’ÉCO-DESIGNCet élan d’éco-design comprend des principes
à appliquer lors de la phase de conception. Jason
F. McLennan – un des architectes principaux du
mouvement d’architecture écologique –
en a dressé une liste16 :
• S’inspirer du fonctionnement de la nature
– aussi appelé bio-mimétisme. Par exemple,
le velcro a été inspiré de la plante Bardane.
• Respecter les ressources naturelles :
en utilisant des éoliennes et en se servant
de la force du vent. Respecter l’être humain
en anticipant les conséquences d’une
construction et en se souciant de son confort.
• Respecter l’environnement en s’y adaptant :
l’eco-village Huangbaiyu en Chine, ou bien
la construction d’igloos utilisant un matériau
local qui peut reprendre sa forme initiale
par la suite.
• Respecter les générations futures :
ne pas priver la population future
des ressources acquises.
Penser de façon large, ou tout comme abordé
plus tard dans le mémoire, penser en terme
de ‘systèmes’. C’est bien ce qui apparaît dans le
projetde McDonough et son souci de synergie
et d’interdépendance. Ce sont des principes
qui vont apparaître tout au long de cette recherche,
applicables dans bon nombre de domaines.
McDonough et son collaborateur le chimiste
Michael Braungart ont d’ailleurs repris ces principes
pour les appliquer au design en général. Ils sont
regroupés sous le nomdes principes d’Hannover17,
commandités par la ville dans le cadre de
l’exposition universelle expo2000 qui se tenait
en Allemagne.
Mais s’il n’est plus seulement question de design
d’environnement mais de design écologique,
qu’est-ce qui est à l’origine de cette notion ?
Y a-t-il eu une rupture à l’origine de tous ces
questionnements ? L’être humain a-t-il abusé
de ce que la nature pouvait offrir ? Comment
sommes-nous passés de l’architecture unique
des Grecs anciens à une architecture moderne
avec moins de personnalité et l’introduction
de plastique ainsi que de matériaux étrangers18 ?
11
19 Industrial Revolution, 2013
20 10 000 ans d’économie - Cité de l’économie et de la Monnaie, citedeleconomie.fr
1.2 DES MUTATIONS
CRUCIALES
a. L’ÊTRE HUMaIN INNOVE PENDaNT La RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
QU’EST-CE QUI A DÉCLENCHÉ LA PREMIÈRE RÉVOLUTION INDUSTRIELLE ?Un survol historique est nécessaire afin
de comprendre comment l’être humain
est capable d’innover et de répondre
à ses besoins. Notonsque nombre des notions
abordées dans cette partie sont valables
de nos jours. Plusieurs facteursont favorisé
des innovations, et ce en plusieurs étapes.
Une révolution agricole19 a eu lieu
au Royaume-Uni à la fin du xviiie siècle.
À l’époque, les fermiers ont commencé
à s’intéresser à l’augmentation de la productivité
et de leurs rendements20. C’est le passage à
l’ère industrielle. Ceci est dû à deux inventions
majeures : l’utilisation du charbon dans la
métallurgie et la modernisation de la machine
à vapeur par James Watt. Le Royaume-Uni voit sa
population augmenter tout comme son niveau de
vie ; l’être humain avait un besoin et y a répondu
illu. 2. Des notions inséparables
12
21 Révolution Industrielle, Encyclopédie Larousse en ligne
22 T. J. Garrett, No Way out ? The Double-Bind in Seeking Global Prosperity alongside Mitigated Climate Change, Earth System Dynamics, 2012
23 Extrait d’un article de blog intitulé The Jevons Paradox, rédigé par le bloggeur Aaronjlin, écologiste, [voir annexe]
dans son propre intérêt. Cette pratique s’est
progressivement répandue dans plusieurs pays
d’Europe, s’imposant comme un nouveau modèle.
Cette première révolution industrielle a mené
à une deuxième.
UNE DEUXIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE AVEC DE NOUVELLES MÉTHODES DE PRODUCTIONL’industrie a conduit à de nouvelles avancées
technologiques21. Si à la fin du xviiie siècle
la population a compté sur la machine à vapeur,
la deuxième se repose sur les nouvelles techniques
de forage du pétrole, l’utilisation de l’électricité
et surtout les nouveaux moyens de transport
à grande échelle qui ont créé des interfaces entre
les différents pays et une ouverture à l’international.
LE PARADOXE DE JEVONSL’augmentation des besoins en énergie a un
impact direct sur la société et l’environnement.
Il est intéressant de mettre en exergue le fait
qu’il existe un paradoxe au sein de toute cette
innovation. Pour l’économiste anglais Stanley
Jevons22, l’augmentation des capacités techniques
et technologiques produit une augmentation
de la consommation en ressources. Dans
son ouvrage The Coal Question il montre qu’au
contraire, ces améliorations devraient permettre
de consommer de façon plus durable en instaurant
une meilleure gestion de l’énergie mais que
c’est l’inverse qui se produit. Plus un service est
facilité, plus il incite à la consommation (fig. 1.1).
Ainsi, une voiture hybride consomme moins
d’essence. Elle donnera l’impressionau conducteur
qu’il peut se déplacer plus loin23. Ne serait-ce
pas un problème de comportement vis-à-vis
de l’environnement ? Et si la société avait été
transformée par ces révolutions industrielles ?
Et si elle s’était mis en tête que la nature possédait
des ressources illimitées ?
13
(fig. 1.1.) Schéma d’explication de l’économie linéaire [D’après Walter Stahel],
The Product-Life Factor, 1982, chap. 4
+150 miles
Coût pour 25 miles parcourus
Nombre de milesparcourus par semaine
4$ pour une voiturenormale
2$ pour une voiturehybride
250 mileshabituels
400 milesgrâce à l’amélioration
technologique
14
24 David Flacher, Industrial Revolutions and Consumption : A Common Model to the Various Periods of Industrialization, 2005, p. 8
25 André Berger, Le climat de la terre : un passé pour quel avenir ?, De Boeck Supérieur, 1992
26 Sjur Kasa, Industrial Revolutions and Environmental Problems, Transport, 1941
27 Jeremy Rifkin, La troisième révolution industrielle : Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Éditions Les Liens qui libèrent, 2012
28 Ibid. 25
B. LES aCTIONS HUMaINES TRaNSFORMENT L’ENVIRONNEMENT
& ET La SOCIÉTÉ
LE COÛT ENVIRONNEMENTAL DES RÉVOLUTIONS INDUSTRIELLESCes révolutions industrielles ont permis
des avancées considérables24 dans la science,
la santé, l’industrie et le confort de la société.
Mais derrière tout cela se cache un important
coût environnemental25. Il y a une réelle
surexploitation des ressources naturelles26. C’était
déjà le cas avec le charbon en Angleterre, mais
d’autres besoins sont apparus avec une très forte
demande : eau, bois, pierre. Jamais auparavant il
n’aurait été question de raréfaction des matériaux.
Pour Jeremy Rifkin, économiste, « nous avons
atteint les dernières limites des possibilités
de poursuivre la croissance mondiale dans
le cadre d’un système économique profondément
dépendant du pétrole et des autres énergies
fossiles27 ». Ainsi le monde connaît des problèmes
comme la déforestation, le manque d’eau potable,
les rejets de gaz à effet de serre et de fait
le réchauffement climatique28 déjà mesurable
au début des années 60.
Si l’environnement a été à ce point affaibli,
c’est qu’à l’époque tout semblait être une question
de performance et de confort. Compte tenu
de ces conséquences, préserver l’environnement
ne semblait pas être un sujet crucial
dans la réflexion des décideurs.
L’HOMO FABER EST DEVENU HOMO ŒCONOMICUSIl y a des transformations environnementales,
mais aussi des transformations sociales.
L’apparition de la société de consommation
semble entraîner un changement de rapport entre
l’individu et l’objet, mais aussi entre l’individu
et son environnement. La croissance industrielle
a permis à la population d’obtenir un certain
confort et de subvenir aux besoins principaux :
nourriture, habits et mobilier. Puis les pièces
des habitations ont été petit à petit décorées
avec des miroirs pour leur côté pratique,
15
29 David Flacher, Industrial Revolutions and Consumption : A Common Model to the Various Periods of Industrialization, 2005, p. 6
30 « Consumption evolves from a stocking durable goods mentality to a flow of purchase of less durable goods, which is very favorable to the industrial mass production », [traduction de l’auteur], Ibid. 29
31 Rodrigues Botelho, La société de consommation - de Jean Baudrillard, HEC, avril 2008, p. 8
32 Ibid., p. 9
mais aussi pour leur aspect purement
esthétique29. La population a préféré avoir plus
d’objets, privilégiant du matériel fragile mais
moins cher, aux autres plus résistants mais avec
un prix forcément plus élevé. Patrick Verley,
historien français, va même jusqu’à dire30 que
l’industrie dirige la consommation en ce sens :
« La consommation évolue d’une mentalité
de stockage de biens durables à un flux de
biens moins durables ce qui est très favorable
à la production industrielle de masse. »
La population ne cherche plus seulement à avoir
le minimum vital, mais à acquérir un confort
de vie. Pour le sociologue et psychologue Jean
Baudrillard, les conséquences sur le rapport
à l’objet dès les années 70 sont terrifiantes ;
le consommateur est submergé par les objets31.
L’abondance matérielle donne à ce dernier
le sentiment d’avoir un contrôle physique sur
ce qui l’entoure. Comme si un culte était voué
à ce qui était produit, le fait mêmede posséder
tel ou tel objet permet de façonner une identité
afin de se distinguer des autres. Même de nos
jours il est possible d’observer une fracture sociale
dans le comportement entre les différentes
classes : logement, voiture, vêtements, écoles
et lieux fréquentés. Et pour pouvoir toujours
être différent des autres, il faut consommer
différemment, consommer autre chose.
Baudrillard se demande même si le « possesseur
n’est pas devenu le possédé32 ». L’homo œconomicus
recherche bonheur et confort dans une optique
individualiste. Détruire, reconstruire et ainsi
de suite, pour que chaque habitant ait un nouvel
objet. Cela va tout à fait dans le sens de Verley,
puisqu’il y a toujours une production.
16
33 Walter Stahel, The Product-Life Factor, 1982, chap. 4
34 Thomas Edison, Biography.com
35 Prêt à jeter ou l’obsolescence programmée, Arté, 2012
36 L’obsolescence programmée ou les dérives de la société de consommation, Centre Européen de la Consommation, p. 8
37 Steve Jobs, iPhone Introduction, 2007
38 John Paczkowski, Apple ceo : Don’t Fear Cannibalization, Embrace It, AllThingsD, 2013
39 Denis Collin, Comprendre Marx et le capital, Max Milo, 2011
40 Julian Simon, Demographic Caused and Consequences of the Industrial Revolution, 1994
41 Joseph H. Hulse, Science, agriculture et sécurité alimentaire, NRC Research Press, 1995, p. 20
LA FINITUDE DE L’OBJETLa société de consommation pose la question du
cycle de vie du produit. Auparavant l’objet était
sensé durer le plus longtemps possible, il semble
que dorénavant il ait une durée de vie imposée33,
c’est ce qui est appelé l’obsolescence programmée.
Il y a une obsolescence industrielle qui permet le
contrôle de la production, de la consommation et
donc du consommateur. Thomas Edison34 avait
réussi à créer des ampoules de longue durée
– 1 500 heures – améliorées par la suite au début
des années 30 avec une durée de vie de 2 500
heures. Les grands constructeurs, organisés
commedes cartels, ont finalement décidé
de réduire leur longévité35 en la limitant à 1 000
heures pour éviter un préjudice économique.
Grâce à des procédés techniques, utilisant du
temps et de l’énergie, ils se sont assurés que les
ampoules ne dépasseraient pas les 1 000 heures.
Si cela représente une obsolescence technique,
il existe aussi une obsolescence marketing
dite ‘esthétique’36.
Si l’iPod, d’Apple, représentait bien le processus
d’obsolescence programmé par l’emploi d’un coque
lisse sans vis ni rainure, laissant les premiers
acheteurs sans choix en cas d’usure ou défaillance
de la batterie : il fallait en acheter une autre.
Par la suite, Apple a exemplifier cette obsolescence
par le marketing et les générations successives
de produits chacun rendant le précédent démodé
et ringard. Presque chaque année, Apple propose
l’évolution d’un nouveau produit. Après avoir
dit « c’est une révolution37 », Steve Jobs et son
successeur auraient pu se contenter de « ce n’est
qu’une évolution ». À chaque fois, l’appareil
présente un nouvel argument marketing :
l’iPhone 5 avec ses choix de couleur, l’iPhone 6
avec un écran plus grand – que la marque souligne
avec son slogan « plus grand que grand ».
Plus grand que la version précédente. Le but
semble être de ringardiser les autres marques,
ou bien de démoder ouvertement ses propres
produits38, incitant alors à l’achat pour ne pas
être en retard sur la mode. Bien évidemment cela
entraîne un changement de regard sur la nature.
Les humains, tout puissants, ont la sensation
d’avoir le droit de tout posséder et de tout
contrôler, satisfaisant leur intérêt personnel.
Il y a une approche anthropocentrique. Marx39
parlait d’ailleurs des animaux et de la nature
comme « moyens de production ».
Il ne faut pas non plus tomber dans le rejet
de l’industrie qui a été bénéfique pour
l’humanité40 : amélioration des conditions
sanitaires, nourriture, croissance démographique
et croissance économique41. En pensant innover
pour le bien de tous, l’être humain a parfois œuvré
17
42 Ibid. 24
43 Erik Gandini, Surplus : Terrorized Into Being Consumers, 2003
44 « The human-nature relationship The emergence of environmental ethics ». p. 1 « Market capitalism has increased wealth beyond the imagination of previous generations, but cannot, in and of itself, distribute it equally or even equitably. These are problems that cannot be solved within the terms set by modernity, for the simple reason that they are not procedural, but rather valuational or, to use the simple word, moral », [traduction de l’auteur], Gicu - Gabriel Arsene, The Human-Nature Relationship The Emergence of Environmental Ethics, p. 1
45 Ibid., p. 22
46 Gro Harlem Brundtland, Rapport Brundtland, Ministère des Affaires étrangères et du Développement international. L’Odyssée du développement durable, 1987
pour le bien de certains, creusant chaque fois un
peu plus les inégalités. Tous les apports ont amené
leur lot de problèmes. Puis, afin de les solutionner,
d’autres innovations ont vu le jour, causant elles-
mêmes de nouveaux problèmes ou bien contre
toute attente, augmentant la consommation
d’énergie plutôt que sa réduction42.
C. UNE PRISE DE CONSCIENCE ÉCOLOGIQUE DÉPaSSaNT L’ÉCONOMIE
LA CRÉATION DE GROUPES DE RÉFLEXIONConditionné par le marketing et les grandes
entreprises, le consommateur est perdu mais
semble se complaire dans cette surconsommation.
Toute son éducation pourrait être à refaire,
ou à faire. De cette constatation sont nés
les mouvements tels que l’éco-design.
Les partisans de ce mouvement ont cherché
à repenser le rapport entre les humains
et la nature, sans négliger la place des humains.
Cette réflexion est illustrée43 dans le film
Surplus : Terrorized Into Being Consumers de Erik
Gandini. Mais à qui revient le rôle de solutionner
ces nouveaux problèmes dans un contexte
environnemental ? « Le capitalisme de marché
a accru la richesse au-delà de l’imagination des
générations précédentes mais ne peut pas, en
soi, la répartir de manière égale et équitable. Ce
sont des problèmes qui ne peuvent être résolus
dans les conditions fixées par la modernité, pour
la simple raison que cela n’est pas un problème
de procédure, mais un problème moral44 ». Une
éthique environnementale apparaît en réponse
à ces observations. Il faut réfléchir à concilier les
besoins humains et sa croissance avec le respect
de l’environnement. Des groupes de réflexion
se créent comme le Club de Rome45 fondé en
1968 qui se concentre sur des problématiques
comme les grands problèmes contemporains et la
problématique de limites de la croissance ainsi que
les nouvelles voies de développement durable.
UNE DÉFINITION DU DÉVELOPPEMENT DURABLEEn 1987 le Rapport Brundtland46 pose les bases
de la notion de développement durable et donne
une définition officielle : « un développement qui
répond aux besoins du présent sans compromettre
la capacité des générations futures à répondre
à leurs propres besoins ».
18
47 Ibid. 33
48 Jad Adams, From the Cradle to the Grave, 1995
49 Ibid. 35
50 « Reuse, Repair, Recondition, Recycle », [traduction de l’auteur]
Cela induit plusieurs notions importantes.
L’emploi du terme de « besoin » fait référence
aux inégalités matérielles entre les humains qui
devraient pourtant jouir du même confort. La
référence aux « générations futures » indique qu’il
faut faire preuve d’anticipation et d’une capacité
à gérerles ressources naturelles dans l’intérêt de
la population future. Il faut donc réfléchir avec
un principe de trois termes interdépendants
qui vont revenir tout au long de la recherche :
l’économie, l’écologie, la société. Chaque sphère
a une incidence sur les autres. Il semble
impossible aujourd’hui d’omettre la nature lors
de la conception d’un projet. Comme expliqué
dans la partie précédente, il est clair que les
bouleversements industriels ont engendré
des modifications économiques ayant transformé
l’humanité et la nature. Mais vouloir s’attaquer
à ces questions semble une mission titanesque.
Et si un des angles d’attaque était de repenser
la conception d’objets asservissant parfois
les usagers ? Et s’il était possible d’insuffler
des réflexes plus durables à la population.
1.3 LES NOUVEAUX PROBLÈMES
ENVIRONNEMENTAUX REPRÉSENTENT DES DÉFIS
POUR LES DESIGNERS
a. EST-CE UNE PROBLÉMaTIQUE DE DESIGN ?
CRADLE TO CRADLE OU L’ÉCONOMIE CIRCULAIREWalter Stahel47, McDonough et Braungart
ont proposé – à des époques différentes –
de nouveaux modèles de conception.
Ils se sont surtout intéressés au concept
de Cradle to Cradle. Cette notion fait référence
à la philosophie d’assurance santé Cradle to
Grave48 du gouvernement anglais qui promettait
d’accompagner chaque habitant littéralement
du berceau, jusqu’au tombeau. Finalement,
c’est un peu ce qui arrive à l’objet. Que se
passerait-il si l’objet était accompagné du berceau
au berceau ? Stahel dresse un rapide état des
19
lieux en indiquant que le système économique
actuel est linéaire. Cela a déjà été décrit plus
tôt dans la recherche : la production pousse à la
consommation – en boucle – ce qui induit une
augmentation continuelle de consommation
énergétique et de production de déchets lors de
la conception ou lors de la fin de vie de l’objet
(fig. 1.2). La première solution serait de prolonger
la durée de vie de l’objet ; il faudrait produire
deux fois moins et donc utiliser deux fois moins
d’énergie pour deux fois moins de déchets.
Mais cela poserait toujours un problème de déficit
économique. Sa solution : créer une économie
qui repose sur un système circulaire49. C’est ici
que se retrouve l’analogie avec le berceau : au lieu
de jeter l’objet dès la fin de son utilisation – une
ligne droite en somme – il passe dans l’ordre par
quatre cycles différents : « Réutiliser, réparer,
reconditionner, recycler50 » qui le ramènent à
chaque fois à son état et son utilisation d’origine.
McDonough et Braungart reprennent cette idée
vingt ans plus tard avec quatre autres principes.
DÉCOMPOSITION RECYCLAGE
(fig. 1.2.) Schéma d’explication du concept « Cradle to Cradle »
20
51 « recyclage », [traduction de l’auteur], Ibid.
52 Hans Fleischer, Waste = Food
53 « recyclé avec dégradation », [traduction de l’auteur], Ibid. 50
54 Hans Fleischer, Waste = Food, 12 :20
55 William McDonough and Michael Braungart, The NEXT Industrial Revolution, TheAtlantic.com, 1998
56 Ibid.
Ils estiment qu’il faut supprimer l’émission de
déchets toxiques pendant la phase de production,
utiliser l’énergie solaire, reconsidérer ce qu’est
un déchet et ne pas parler de recycling51 mais de
upcycling. Reconsidérer la notion de déchet, c’est
se dire que certains déchets sont biodégradables ;
ils vont se retrouver dans la nature pour nourrir
plus tard des insectes qui vont nous servir aussi
indirectement de nourriture. Le film Waste=food
s’intéresse à cette pratique52 et c’est aussi visible
dans la première partie de cette recherche avec
la ville de Huangbaiyu convertissant les déchets
humains et industriels en énergie via des plantes.
L’upcycling, c’est lutter contre le fait qu’un objet
recyclé perde de sa valeur. Selon McDonough, le
papier recyclé est souvent moins lisse et moins
blanc que le papier de base : il a été down-cycled53.
Au contraire McDonough pense qu’il faudrait
bien choisir les matériaux nécessaires en amont
– c’est-à-dire dire anticiper une conception – pour
n’avoir que des matériaux qui puissent être
réutilisés et retrouver leur valeur originelle. Le
verre, une fois fondu, reste du verre. D’ailleurs,
le livre intitulé Cradle to Cradle en est une
métaphore54 : les pages sont en plastique, il est
donc résistant à l’eau et ses pages ont la capacité
de blanchir lorsqu’il est soumis à une chaleur
intense. Il est tout à fait réutilisable et revient à
son état d’origine sans être recyclé.
Si ce procédé est applicable à une ville,
il peut l’être à une entreprise. Henry Ford55
avait bien compris que la standardisation de la
production permettait plus d’anticipation quant
à la sélection des matériaux, qu’il était alors plus
facile de désassembler et de remplacer seulement
une partie du véhicule pour l’utiliser sur un autre.
Ce n’est donc pas une méthode qui vise à réduire
la production mais à produire de façon efficace.
Efficace dans les rendements – car si Henry Ford
a travaillé la standardisation de ses usines ce
n’est pas seulement pour la nature – mais aussi
efficace vis-à-vis de la planète : ‘l’eco-efficiency’56.
Cela ne rentrerait-il pas dans une problématique
de design ? Le rôle des trois protagonistes a été de
repenser la façon même dont le produit est conçu,
allant du système de production à sa forme,
à sa composition et à son usage dans l’instant
et dans le futur. L’eco-efficiency consiste à créer
le meilleur produit en sacrifiant le moins la nature.
21
57 Dieter Rams, Ten Principles for Good Design, Vitsoe.com, [traduction de l’auteur]
58 Écologique, [traduction de l’auteur], Ibid.
QU’EST-CE QU’UN BON DESIGN ?C’est ce qui se retrouve dans les principes
de designers minimalistes comme Dieter Rams57 :
« Un bon bon design :
• Est innovant : c’est-à-dire que l’objet
doit apporter de nouvelles opportunités
en parallèle avec les technologies actuelles.
• Rend l’objet utile : l’objet produit n’est pas
décoratif, il doit répondre à des attentes,
être utilisé dans un but bien précis. L’accent
doit être mis sur la fonction, pas l’apparence.
• Est esthétique : ce n’est pas sa fonction
première, mais il doit inciter le consommateur
à l’utiliser et doit donc éviter d’être repoussant.
• Rend le produit facilement compréhensible :
son enveloppe physique doit être la métaphore
de son utilisation – cela rejoint la notion
d’affordance, abordée plus tard dans
le mémoire.
• Est discret : l’objet est au service
de l’utilisateur, il doit se faire discret pour
ne pas empiéter sur l’expression personnelle
de celui qui le manipule.
• Est honnête : il ne doit pas décevoir
ou surprendre, ou bien dissimuler des
pratiques négatives.
• Dure dans le temps : il dépasse la mode
et les tendances pour se rendre intemporel,
et peut être utilisé des années plus tard.
• Est réalisé minutieusement : le soin
apporté à la réalisation témoigne du respect
du créateur vis-à-vis du consommateur.
• Est ‘eco-friendly’58 : il doit être pensé pour
respecter l’environnement. Conçu avec
beaucoup d’anticipation, il ne doit pas être
une pollution physique et visuelle, du début
à la fin de son utilisation.
• Est un design efficace : moins il y en a,
mieux c’est. C’est un design minimaliste
laissant place à la fonction : purement
et simplement. »
22
59 Gary Hustwit, Objectified, 2009, 25 :25
60 Définitions : Design - Dictionnaire de Français Larousse
Dieter Rams confirme, avec ses principes,
que le designer est à la base de cette réflexion sur
l’objet et tout ce qui l’entoure. Il tient compte
des sphères indissociables que sont la demande
du consommateur, la demande du marketing
et celle de l’environnement. Mais d’où vient
ce pouvoir du designer ? Comment se fait-il que
son champ d’action semble si vaste et qu’il puisse
atteindre ces différentes sphères ? Comment
peut-il « comprendre mieux que quiconque ce
dont les gens ont besoin59 » ? La société et les
entreprises semblent parfois avoir du mal à
déterminer le rôle d’un designer dans un
processus de création.
B. LE DESIGN RÉPOND À DES PROBLÉMaTIQUES
UNE DÉFINITION SIMPLE DU DESIGN« To design » signifie « concevoir60 ». Parallèlement
avec les principes de Dieter Rams, il est clair qu’il
faut concevoir des objets, des services, voire des
expériences qui sont les réponses à des problèmes,
de vrais besoins, des usages. Les précédents
exemples de la recherche ont montré que l’être
humain s’est créé de nouveaux obstacles. Quels
sont les terrains principaux sur lesquels évolue
le designer ?
LE DESIGN GRAPHIQUELe design graphique, par exemple, répond
à un problème de compréhension d’une idée
ou d’un message : c’est une problématique
de communication. Le logo est l’identité
d’une marque ou d’une entreprise. Le logo
est une interface entre le destinataire – qui est
le plus souvent le consommateur – et l’entreprise.
Selon Paul Rand : « Le principal rôle d’un logo
est de permettre d’identifier, et la simplicité
en est un moyen… Son efficacité dépend
de sa capacité à se distinguer, la visibilité,
23
61 « The principal role of a logo is to identify, and simplicity is its means… Its effectiveness depends on distinctiveness, visibility, adaptability, memorability, universality, and timelessness », [traduction de l’auteur], Paul Rand, Design Form and Chaos, Yale University Press, 1993
62 Jahanzeb Tahir Aziz, The Evolution of the Apple Logo, The Express Tribune Blog, 2013
l’adaptabilité, la mémorisation, l’universalité,
et l’intemporalité61 ». À travers l’évolutiondu
logo d’Apple62 il est possible de comprendreles
différentes phases de la marque (fig. 1.3). Sans
rentrer dans les détails, les changements entre
les différentes versions sont assez explicites. La
première version était plus illustrative et montrait
Isaac Newton sous son pommier, sûrement pour
évoquer la révolution technologique qui allait
arriver. Ensuite, l’accent fut mis sur la pomme.
Beaucoup plus simple, le logo va à l’essentiel,
la pomme croquée évoque le verbe « to bite »
– pour « mordre » en anglais – et se rapproche
de « byte » – un octet. La pomme croquée fait
aussi référence référence à l’arbre divin. Mais
c’est aussi dans un souci de distinction du fruit
pour préciser que c’est une pomme et pas une
pêche ou une cerise. L’utilisateur peut ressentir
que la marque se modernise et se concentre sur
l’essentiel de son secteur d’activité. Par la suite,
le logo en relief fut surtout utilisé sur les produits
Apple pour souligner la changement de matériaux
qui composent la nouvelle gamme. Grâce à
des codes graphiques universels, le designer
a exprimé les valeurs de la marque à la pomme
au fil des années. Ce procédé peut s’appliquer
à n’importe quel autre logo. La firme pétrolière
bp, pour British Petroleum, par exemple (fig. 1.4),
est passée d’un logo métallique ressemblant à un
bouclier – incarnant donc la résistance, la force,
faisant penser qu’elle a le pouvoir envers et contre
tout – à une fleur jaune et verte pour se rapprocher
de la nature et du Soleil.
1976 1977-1998 1998 1998-2000 2001-2007 2007+
1921-1922 1922-1930 1930-1947 1947-1958 1958-1989 1989-2000 2000+
fig. 1.3. Évolution du logo d’Apple de 1976 à 2007
fig. 1.4. Évolution du logo de British Petrolum depuis 1921
24
63 T3 Transistor Radio, dhub.org
64 Kevin Smith, Where Does Apple’s Inspiration Come From ?, Business Insider, 2012
65 Plumen : Designer Low Energy Lighting, Plumen.com
LE DESIGN INDUSTRIELLe design industriel répond à des problématiques
d’usage autour d’un objet ou d’un lieu. Lorsque
Dieter Rams créé63 la radio portable t3, il conçoit
un objet qui remplit sa fonction en permettant
tout simplement à l’utilisateur d’écouter
la radio même lorsqu’il se déplace (fig. 1.5).
La problématique de base étant de prendre
en compte la mobilité de l’utilisateur, le choix d’un
appareil de petite taille qui tient dans la main
comparé à un poste radio traditionnel se justifie
assez simplement. Cet objet inspirera plus tard
un certain iPod64. Les ampoules Plumen65 quant
à elles répondent à la problématique de l’aspect
esthétique des ampoules (fig. 1.6). Pourquoi
couvrir une ampoule d’artifices quand l’objet
même qui permet d’éclairer peut rester agréable
à voir ? Voire même donner envie d’être regardé ?
fig. 1.5. La radio T3 de Dieter Rams
fig. 1.6. Les ampoules Plumen
25
66 The History of the Origins of the Jewish Museum Berlin, jmberlin.de
67 Schneider Ulrich, Shalechet, Kadishman.com
68 Madeleine Stix, Teen to Government : Change Your Typeface, Save Millions, CNN.com, 2014
69 John Borwnlee, Why Garamond Won’t Save The Government $467 Million A Year, CO.Design, 2014
L’ARCHITECTURE ET LE DESIGN D’ESPACEL’architecte répond aussi à des problématiques
d’espace et d’usage, peut-être plus avec la notion
de mobilité. Par sa forme, le Musée Juif de Berlin
est la métaphore66 d’une partie de l’Histoire. Un
éclair, un choc, strié par des segments rejoignant
les adresses des logements des personnalités
juives importantes dans l’ancien Berlin. Lorsque
le visiteur se déplace en son sein, il passe
inévitablement par trois axes : l’axe de l’exil
retraçant les migrations, l’axe de l’holocauste
qui mène à la tour de l’holocauste, symbole
de la mort et enfin l’axe de la continuité faisant
le lien avec le présent et la vie. Dans une des
salles, le visiteur foule du pied l’installation
Shalechet - feuilles mortes67, des morceaux de
métal à l’apparence de visages jonchent le sol,
représentant les victimes des horreurs de la
guerre. Le musée par sa forme et son parcours
– et bien sûr, par sa scénographie – rend compte
de l’Histoire sans aucune forme de gratuité.
LE DESIGNER A UN CERTAIN CONTRÔLE DANS LA CONCEPTION ET LA RÉALISATIONTous les types de designs ne sont pas détaillés.
Mais cet aperçu démontre encore une fois que
le designer répond à un problème né d’un besoin.
Lors de sa réflexion il fait des choix pour répondre
à la demande avec pour objectif de satisfaire son
client c’est-à-dire en satisfaisant le destinataire.
Il a le pouvoir de privilégier l’utilisation d’une
typographie plutôt qu’une autre, de préférer
un matériau, mais il le justifie dans tous les cas.
Il sera plus tard question de l’éthique du designer
et de la capacité qu’il a à formuler des choix
pouvait avoir un impact direct sur l’utilisateur
et sur l’environnement. Par exemple, un designer
doit-il s’intéresser aux arbres qui permettront
l’impression de son affiche ? Doit-il s’intéresser
à l’empreinte écologique de l’encre68 ? Parfois,
comme dans le cas de l’encre, la solution apportée
peut ne pas fonctionner69. Mais l’intérêt réside ici
dans la volonté de vouloir changer les choses
et de réfléchir de cette manière.
26
70 Cory Janssen, What Is the Digital Revolution ? - Techopedia.com
71 Téléphonie Mobile : Histoire et développement des téléphones portables, Prixtel.com, 2014
72 Urban Wallace Associates, Turning Products into Services, 2005, p. 4
73 Transmaterialization, SustainableMinds.com, 2008
74 Apple - iTunes, Apple.com
C. La TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE EST NUMÉRIQUE & DIGITaLE
LA RÉVOLUTION DIGITALE ET NUMÉRIQUELes innovations technologiques ont favorisé
le développement des moyens de communication70.
Les recherches sur les communications à distance
et sur la radio ont entraîné la création d’internet.
À partir des années 90, internet devient un outil
important dans le monde des affaires et de plus
en plus utilisé dans les foyers américains71.
En 2000, une grande partie de la population
des pays développés bénéficie de ce moyen
de communication. En parallèle, le téléphone
mobile lui aussi se développe notamment grâce
aux recherches de Motorola. Le Motorola
dynatac 8 000x voit le jour en 1983 mais
il faudra de nombreuses optimisations pour
qu’il soit utilisable à cause de son poids et de
sa taille. Tout comme internet, l’utilisation est
d’abord réservée aux professionnels ou aux
plus aisés. Internet et la téléphonie mobile ont
favorisé le phénomène de mondialisation. Tout
être humain sur la planète disposant d’internet
ou d’un téléphone peut communiquer avec
quelqu’un à l’autre bout du monde. Tout comme
les deux premières révolutions industrielles, ce
bouleversement des moyens de communication
a eu un impact sur notre façon de consommer
mais aussi sur nos comportements dans la société.
UN NOUVEAU RAPPORT OBJET/SERVICEAujourd’hui le consommateur achète des
services72. Il n’achète plus l’objet en tant que tel
mais la matérialisation physique d’un service.
L’impression de contrôle d’un service permet
au consommateur de se créer une expérience
sur mesure en fonction de ses goûts. C’est un
phénomène de transmatérialisation73. Prenons
un service comme iTunes74 ; Apple définit son
service comme étant « [N]otre terrain de jeu
personnel. iTunes, c’est l’endroit où satisfaire
et entretenir [n]otre amour de la musique.
27
75 Ibid.
76 Apple Continues Music Download Dominance, npd.com
C’est là que [n]ous écout[ons] les morceaux,
les artistes et les albums qui composent [n]otre
collection75 ». La marque s’exprime en parlant
des goûts de l’utilisateur qui sont stockés dans
‘ses collections’, quelque chose que la personne
crée au fil du temps, qu’elle écoute puis qu’elle
supprime comme bon lui semble. Auparavant,
la tendance était à l’achat d’albums de musique
complets ; toutes les pistes audio étaient contenues
sur un cd. Il semblait difficile de dissocier le
contenu de son support. Maintenant, iTunes
permet l’achat de musiques à l’unité. Pourtant
tout ce contenu musical parait intangible, il
n’existe que sur les serveurs de iTunes ou bien
en tantque fichier audio stocké sur un ordinateur.
Les vinyles ont laissé la place aux cassettes, cédant
leur place aux cds qui à leur tour ont presque
disparu au profit de fichiers dématérialisés.
Ce qui permet d’accéder au contenu et à toute
cette personnalisation, la clef de toute cette
expérience est l’iPod – ou de nos jours, un
ordinateur ou un smartphone. Avec l’iPhone
et un accès à internet, il est possible d’écouter
un extrait musical gratuitement puis de l’acheter.
L’usager peut l’écouter directement de façon
instantanée qu’il soit au travail ou en train
de cuisiner. L’exemple d’iTunes montre que
les services se sont développés et que les
consommateurs étaient d’abord à la recherche
de l’expérience qu’offrait Apple. D’ailleurs,
c’est la mise en avant de la musique en tant que
service qui a amené Itunes à dominer76 le marché
de l’achat de musique en ligne. En 2013, le service
représentait 63 % de ce marché. Le rapport entre
l’objet et le service a changé et notre rapport
avec l’objet semble lui aussi avoir été transformé
puisque nous sommes habitués à consommer
des biens intangibles.
illu. 3. Transition du vinyle à l’ iPod
28
Espa
ce public - 7.6m
77 Mark Weiser, Ubiquitous Computing, 1996
78 Louise Ridley, People Swap Devices 21 Times an Hour, Says omd, CampaignLive.co.uk, 2014
79 Infobésité : Le mal du siècle, Grand Soir 3, 2013
80 Harris interactive, Objets Connectés : The next Big Thing ?, 2014
81 « The speed of the web sets our expectations to now », [traduction de l’auteur], John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, p. 33
82 Le blues de Neville Brody, 2003
L’OMNI-CONNEXION ET LA SURCONSOMMATION D’INFORMATIONSLa technologie prend une place omniprésente
dans la vie humaine77. N’importe quel contenu
numérique peut être consulté sur différents
supports. Quelqu’un peut commencer à regarder
une émission télé sur son smartphone dans
le métro, sur sa tablette pendant qu’il cuisine
puis sur la télévision du salon pendant le repas.
Une étude78 révèle qu’une personne passe d’un
écran à un autre en moyenne 21 fois par heure.
Qu’importe les distances ou les horaires,
la technologie agit en arrière-plan et permet à ses
utilisateurs de se réinsérer dans cette gigantesque
‘boucle’ de communication à n’importe quel
moment, lorsqu’ils le désirent. L’accès permanent
favorise malheureusement la surconsommation
d’informations. De nouvelles pathologies
apparaissent. De plus en plus de personnes
sont en proie à l’infobésité lorsque l’information
est subie et qu’un individu n’est pas en mesure
de trier toutes les informations. Lors d’une
émission télévisée79, Caroline Sauvajol-Rialland
explique que pour pallier l’infobésité il faut
mieux paramétrer son client de messagerie et
créer des redirections d’e-mails lors d’un départ
en vacances. Elle démontre que c’est grâce à la
technologie que les problèmes – créés par les
humains eux-mêmes – peuvent être réglés. Cette
tendance est très visible avec les attentes du grand
public envers les objets connectés. Une étude80
de la firme d’étude de marché Harris Interactive
réaliséeen France montre que beaucoup ne les
considèrent pas comme de simples gadgets. Pour
une partie de la population, ces objets connectés
peuvent révolutionner leur vie de tous les jours.
Cela entraîne une surconnectivité permanente
et une nouvelle relation avec le temps. Les
consommateurs veulent tout et tout de suite :
c’est l’instantanéité des services et de l’accès
à l’information. Comme le dit John Maeda,
designer graphique et enseignant-chercheur
au mit :
« la vitesse du web nous donne envie
d’instantanéité81 ».
L’être humain a de plus en plus de mal à dissocier
l’utile de l’inutile. Il semble parfois passer à côté
d’informations essentielles au détriment de celles
relatives au monde et à la planète82.
29
83 Miles Crawford, I Forgot My Phone, 2013
LES RÉSEAUX SOCIAUX ONT TRANSFORMÉ NOS RELATIONSChacun peut observer que les relations humaines
ont changé avec les réseaux sociaux. Dans son très
court métrage83 de deux minutes intitulé I forgot
my phone– en français, « j’ai oublié mon téléphone »,
Miles Crawford met en scène des moments de la
vie quotidienne. À la plage, lors d’une sortie entre
amis, ou même au moment de se coucher, chacun
se sent obligé de prendre une photo, au grand
désarroi du personnage principal. Les photos sont
mises en ligne sur des réseaux sociaux tels que
Facebook, Instagram, Twitter et cela semble être
une nécessité. Comme lors de l’apparition de la
société de consommation, émerge un besoin de se
mettre en avant, de montrer aux autres ce que l’on
possède ou ce que l’on est capable d’accomplir.
Le terme même d’amis n’est plus le même.
Edward Twitchell Hall, anthropologue américain,
avait fait des recherches sur l’espace personnel
des individus et comment les distances entre
différentes personnes pouvaient modifier leur
comportement (fig. 1.7). Il distinguait quatre
types d’espaces : l’espace public, l’espace social,
l’espace personnel et, enfin, l’espace intime.
Or ces différents cercles sont quantifiables
en mètres. Ce sont des distances physiques qui
– dans le monde occidental – s’appliquent lorsque
qu’un individu partage son espace avec quelqu’un
Espa
ce public - 7.6m
Espace social - 1.2
mEspa
ce personnel - 45cm
fig. 1.7. Edward T. Hall’s personal reaction bubbles
30
84 Maria Konnikova, The Limits of Friendship, The New Yorker, 2014
85 « On the internet, you can pull the plug and walk away. There’s no forcing mechanism that makes us have to learn », [traduction de l’auteur], ibid. 84
86 Lara Schibelsky Godoy Piccolo, Arno Scharl and Cecilia Baranauskas, Design of Eco-Feedback Technology to Motivate Sustainable Behavior : Cultural Aspects in a Brazilian Context, in Proc. of Conf - IRM, 2012, p. 5
87 « Interaction describes how people interact with the environment, with each other and with technology. Leav (2008) observed that young people in the United States spend more time with electronic devices such as computers, mobile phones and television sets than in direct contact with natural environments. Consequently, nature has become an abstract concept for many of them, especially in urban areas », [traduction de l’auteur], ibid.
d’autre. Qu’est-ce qu’un cercle de connaissances
sur Google+ où il n’y a pas de distance et de
proximité physique ? Et qu’en est-il avec des
relations à distances ? Le terme ‘d’amis’ semble
désormais remplacer le mot ‘contact’. Ainsi il n’est
pas rare d’entendre quelqu’un dire qu’il ou elle
a 856 amis, de façon très précise, puisque c’est
le nombre qui apparaît sur son profil Facebook.
Robin Dunbar est anthropologue et psychologue
à l’université d’Oxford. Dans un article84, il confie
avoir estimé à 150 le nombre moyen de relations
sociales par personne. Tout comme les cercles de
Hall, ce nombre perd de son sens avec les réseaux
sociaux. Selon lui, ce n’est pas le nombre d’amis,
mais la qualité des relations qui compte. Il voit
plus une relation en terme qualitatif et non
quantitatif. Cependant, toutesles interactions via
internet peuvent transformer ces expériences. Par
exemple, partager le lien d’un concert et échanger
sous forme de commentaires avec des personnes
qui y ont assisté n’est pas la même chose que d’en
discuter avec quelqu’un qui nous y a accompagné.
Si un débat est créé il ne sera pas tenu de la même
façon de vive voix que dans des commentaires.
La distance change la façon dont les personnes
s’expriment ; dans un monde virtuel il est possible
de couper court à tout échange ou d’ignorer
quelque chose rien qu’en débranchant une prise.
Dunbar insiste pour dire qu’internet et les
nouvelles technologies facilitent la fuite des
responsabilités de l’être humain : « Sur internet,
vous pouvez débrancher la prise et partir. Il n’y a
aucun mécanisme nous forçant à apprendre85 ».
UN CHANGEMENT DE COMPORTEMENT VIS-À-VIS DE NOTRE ENVIRONNEMENTLes relations ont changé entre êtres humains.
Les nouveaux moyens de communication ont aussi
transformé la manière dont nous interagissons
avec notre environnement. Des chercheurs
expliquent86 qu’il y a une certaine rupture entre
les humains et leur environnement. « L’interaction
décrit comment les personnes interagissent avec
l’environnement, entre elles et avec la technologie.
Leav (2008) a observé que les jeunes américains
passaient plus de temps avec des dispositifs
électroniques comme des ordinateurs, des
téléphones portables, des télévisions qu’en contact
direct avec la nature. En conséquence, la nature
est devenue un concept abstrait pour beaucoup
d’entre eux, surtout dans les zones urbaines87 ».
Avec l’infobésité, le système de transmatérialisation
ou bien encore les modifications des relations
sociales, il est clair que les interactions sont de plus
en plus intangibles. Cela a de graves répercutions
sur l’environnement. À cause de cette intangibilité,
la population a encore plus de mal à réaliser que
leur consommation quotidienne a un impact sur
31
88 « If a task ever required the combination of analytic and synthetic practices, divergent and convergent thought, the designer’s mastery of technology and insight into human behavior, preserving the health of our planet would be it. Holding the economic sustainability of society and the biological sustainability of the planet in balance requires the most “opposable” of minds », note de l’auteur, Tim Brown, Change by Design : How Design Thinking Transforms Organizations and Inspires Innovation, New York : HarperBusiness, 2009, chap. 8
89 Ibid.
90 « what excites the best thinkers today is the challenge of applying their skills to problems that matter », [traduction de l’auteur], ibid. 88, New York : HarperBusiness, 2009, chap. 9
la planète. La technologie et l’industrie dépendent
de matériaux qui se raréfient (fig. 1.8, voir annexe
p. 106). Pourtant, ce phénomène semble presque
imperceptible en raison de notre changement
de comportement.
VERS UN DESIGN QUI COMPTEDans son livre Design by Change, Tim Brown,
président et ceo du célèbre studio ideo a une vision
intéressante88 sur le rôle du designer aujourd’hui :
« S’il y avait une tâche qui devait à la fois combiner
des pratiques analytiques et synthétiques,
la pensée divergente et convergente, la maîtrise
de la technologie par le designer et son intuition
sur le fonctionnement du comportement humain,
ce serait la sauvegarde de la planète. Stabiliser
l’équilibre entre l’économie et l’environnement
de façon durable requiert les esprits les plus
contradictoires ». Selon lui, le métier du designer
est d’une grande complexité. Les compétences
qu’il liste témoignent de la pluralité des domaines
dans lesquels il peut intervenir afin de préserver
l’environnement. Encore une fois, l’économie,
l’humanité et la nature apparaissent comme
indissociables ; les modifications sur l’un
des domaines entraînent irrémédiablement
des changements dans les deux autres.
La manière de designer elle aussi a évolué.
Pour Brown, des projets tels que la refonte
graphique d’un packaging ne sont plus les
projets qui font vibrer89 les designers. Ce sont
des tâches nécessaires, mais il les oppose à des
projets innovants tournés vers la protection de
l’environnement et le souci
de l’être humain :
« [C]e qui motive le plus les designers
aujourd’hui c’est d’utiliser leurs compétences
pour un problème qui a de l’importance90. »
Toutefois, l’auteur nuance ses propos en disant
que tout ce travail n’est pas sans conséquences
susceptibles d’affecter à la fois l’économie,
l’humanité et la nature. Ainsi, les choix que fait
un designer engagent sa responsabilité.
33
CONCLUSIONL’être humain a cherché à adapter la nature à ses besoins, à son
confort. Il a changé de façon spectaculaire grâce aux innovations
technologiques et scientifiques. Différentes fractures ont participé à
l’évolution du discours écologique jusqu’à ce que la notion de ‘design
durable’ soit évoquée, liant obligatoirement la culture, l’économie
et l’environnement avec une vision du présent mais aussi du
futur. S’il existe des problématiques de design concernant
la communication ou l’architecture qui peuvent affecter
l’environnement, quels sont les exemples de problèmes que
le designer d’interaction peut poser ? A-t-il les capacités d’anticiper
ses actions ? Quels sont les outils qui lui permettent de satisfaire
la demande économique tout en respectant
la nature et les êtres humains ?
2Chapitre
LE RÔLEDU DESIGNERD’INTERACTION
35
91 Christian Bobin, Une petite robe de fête, Gallimard, 2014
INTRODUCTIONIl est difficile de concevoir le design d’interaction comme
une discipline à part entière. Sa définition se construit en la
comparant à d’autre branches du design pour ainsi montrer la force
et les compétences d’un professionnel de ce métier qui semblerait
être capable d’agir sur le comportement humain et les émotions.
Mais comment opère-t-il ? Par un travail de l’image et de
l’apparence ? Par l’étude de données humaines comme un
sociologue ? Comment pourrait-il redonner de la valeur
à ce lien si mince entre l’humanité et son environnement ?
Cette partie comporte des citations qui expriment la vision
de designers et de scientifiques parfois si forte
qu’elle représente un courant de pensée.
« On ne peut bien voir que dans l’absence.
On ne peut bien dire que dans le manque. »
– Christian Bobin91
37
92 John M. Carroll, Human-Computer Interaction - Brief Intro, The Encyclopedia of Human-Computer Interaction, 2nd Ed., 2014
93 Richard Harper, Being Human : Human-Computer Interaction in the Year 2020, Cambridge, England : Microsoft Research, 2008, p. 14
94 Starmford, Gartner Says Worldwide Traditional PC, Tablet, Ultramobile and Mobile Phone Shipments On Pace to Grow 7.6 Percent in 2014, Gartner.com, 2014
95 Cory Janssen, What Is the Digital Revolution ?, Techopedia.com
2.1 UN DESIGN D’USAGE
a. HUMaN-COMPUTER DESIGN & INTERaCTION DESIGN
LA DÉFINITION DE HCIhci est l’acronyme de Human-Computer
Interaction signifiant « Interactions Homme-
Machine ». L’étude de l’hci92 porte sur l’étude
des usages, des interactions ainsi que des
comportements entre un humain et un ordinateur
dans le cadre des sciences informatiques. C’est
devenu un sujet primordial93 dans les sciences
informatiques ; la troisième révolution industrielle
ayant changé la place des ordinateurs dans notre
quotidien. Autrefois, les ordinateurs étaient
réservés au monde professionnel, puis ont été
rendus disponibles au grand public. Dans la vie
quotidienne, un ordinateur était utilisé par
plusieurs personnes. Dans les années 80,
à l’ère de l’ordinateur personnel, il était de
moins en moins partagé. Aujourd’hui, une
personne ne possède plus seulement des
ordinateurs mais plusieurs périphériques
différents94 avec un nombre de téléphones mobiles
supérieur à celui des ordinateurs95. La raison est
qu’aujourd’hui, une personne possède, sans s’en
rendre compte, plusieurs ordinateurs ; ainsi son
téléphone est intelligent, sa télévision lui permet
de regarder des films mais aussi de jouer,
illu. 4. Le concept d’affordance
38
96 Ibid. 92
97 Ibid. 3
98 Bill Moggridge, Designing Interactions, Cambridge, Massachusetts, mit Press, 2007, p. 6
même la voiture embarque les fonctionnalités des
ordinateurs. Nous pouvons constater que notre
rapport avec les technologies informatiques
évolue très vite. Son étude semble indispensable
pour s’intéresser au design interactif.
DU DESIGN INTERACTIF AU DESIGN D’INTERACTIONL’hci n’est plus seulement une discipline
des sciences informatiques96. Elle est enseignée
aussi bien dans des domaines de recherche
scientifiques que dans la communication,
les sciences humaines, l’industrie, l’artisanat
et bien sûr, le design. La branche du design
‘interactif’ se concentre sur l’utilisationde la
machine par un humain. Par exemple, la manière
dont une personne utilisera un outil de traitement
de texte. Ainsi, le travail concerne surtout l’usage
de la machine et des logiciels. C’est une approche
plus technique.
En 1980, Bill Moggridge97, co-fondateur d’ideo,
propose qu’il ne soit plus seulement question
de ‘design interactif’ mais aussi de ‘design
d’interaction’. Selon lui, le travail du designer
doit se faire sur le dialogue entre un être humain
et une machine, voire entre deux personnes
à travers la machine. Il l’oppose à la conception
des logiciels dans un but purement technique ;
c’est donc beaucoup plus proche des sciences
humaines (fig. 2.1). « Afin de créer des produits
attrayants, satisfaisants à utiliser, et esthétiquement
agréables autant à l’emploi que par leur forme,
les designers vont devoir apprendre à concevoir
le matériel électronique et les logiciels parallèlement
à la conception de l’objet physique. Pour moi,
le début du design d’interaction est le début
de la conception des relations entre les personnes
et les produits électroniques98 ». En parlant de ce
que l’utilisateur pourrait ressentir, Moggridge
nous fait comprendre que le travail du designer
a un impact sur les émotions et le comportement
de l’utilisateur. Ce dernier a une ‘relation’ avec
la machine lors de son utilisation. Dan Saffer,
actuellement designer d’interaction pour Jawbone,
dans son livre Designing for Interaction, utilise
ce schéma (fig. 2.2, annexe p. 107) pour montrer
que cette branche du design n’est pas isolée mais
qu’elle est à la croisée entre différents domaines.
Aujourd’hui, le design d’interaction c’est surtout
des domaines d’applications comme :
• Les interfaces numériques : par exemple,
sur un ordinateur, l’ergonomie et les éléments
graphiques qui permettent à un utilisateur
d’employer un logiciel de traitement de texte
ou un client de messagerie, ou bien
un distributeur de billets.
39
• Les communications : des outils permettant
de revisiter la façon dont un individu peut
communiquer, comme Snapchat.
• Les services : iTunes, par exemple,
où le consommateur achète une expérience
à laquelle il accède via une représentation
tangible avec l’iPod ou l’iPhone.
La suite de la recherche se concentrera surtout
sur le design de l’expérience utilisateur ainsi
que l’architecture d’interfaces.
fig. 2.1 Diagramme des secteurs du design digital
IndustrialDesign
GraphicDesign
PhysicalEconomics
H.C.I
ProductionEngineering
HardwareEngineering
ComputerSciences
SoftwareEngineering
PhysicalSciences
MechanicalEngineering
WebDesign
InteractionDesign
40
99 Symposium : The Stuff Between Us, master.design.zhdk.ch, 2013
100 Ibid. 59, 48 :10
101 Kara Miller and Genevieve Gilson, John Maeda Designs the Future, WGBH.org Blogs, 2014
102 John Maeda quitte la direction de la Rhode Island School of Design, AMA.com
103 Vincent Abry, Scandale Snapchat : finalement les photos ne sont pas si éphémères…, Blog Social 2.0, Art et Technologies, 2014
104 Définitions : Expérience, Larousse.fr
L’USAGE COMME FINALITÉComme nous venons de le voir, la technologie
est ici considérée comme un medium utilisé pour
satisfaire les besoins d’un humain.
« Le design d’une technologie est toujours
le design d’une interaction99. »
S’il veut conduire l’utilisateur à son objectif,
le designer doit identifier ses besoins100.
En analysant sa manière de fonctionner et
en évaluant ses capacités à réaliser une tâche,
il réfléchit à la façon dont il peut créer une
expérience appropriée. Lors d’une interview101,
Maeda salue le concept de l’application Snapchat.
Ayant quitté102 la direction de l’école de design de
Rhodes Island en 2013 pour rejoindre une société
de capital-risque, prenons en compte le fait qu’il
donne son avis plutôt en tant qu’investisseur qu’en
tant que designer. Dans un monde où il y a de plus
en plus de scandales liés au piratage, il est normal
les gens aient peur de voir leur vie privée dévoilée.
Snapchat promet à ses utilisateurs de s’échanger
des photos avec un texte très court. Le message
est protégé car il s’autodétruit au bout de quelques
secondes après consultation parson destinataire.
Même si la startup américaine a déjà trahi la
confiance de ses utilisateurs103, Maeda qualifie
ses créateurs « d’hybrides ». Ils ont en effet réussi
à repérer le besoin de confidentialité des
utilisateurs. À première vue, ils ont ancré ce
besoin dans la technologie. Mais ils n’ont pas
répondu correctement à la demande ; les donnés
personnelles restant accessibles par des personnes
mal intentionnées, et les logiciels tiers permettant
d’outrepasser la sécurité de Snapchat pullulent.
Même s’ils étaient tous bloqués, il suffirait à un
utilisateur de photographier son écran avec un
appareil photo ou un autre smartphone. Cela
montre que la conception de nouveaux usages
justifie l’utilisation des machines et nécessite
la création d’une expérience cohérente.
B. LE DESIGNER D’INTERaCTION EST CRÉaTEUR D’EXPÉRIENCE
COMMENT DÉFINIR UNE EXPÉRIENCE ?Le mot ‘expérience’ a plusieurs définitions.
Dans un premier temps, il est intéressant de voir
les synonymes proposés par le Larousse104 :
• apprentissage.
• fréquentation et habitude.
• pratique.
• usage.
41
105 Nathan Shedroff, Experience Design, First Edition edition Indianapolis, Waite Group Press, 2001
106 Thomas Hobbes, Leviathan, 1651
Il est possible de distinguer trois phases :
dans un premier temps la phase de la
connaissance – ou « d’apprentissage ».
Vient ensuite la mise en œuvre – la « pratique ».
Enfin, celle de l’intégration des nouvelles aptitudes
qui deviendront des « habitudes ».
Pour Nathan Shredoff105, expert en marketing
et expérience utilisateur, l’expérience fonctionne
quand l’utilisateur a été transformé. C’est un
parcours d’un point a – avant l’expérience –
à un point b – après l’expérience. Au milieu nous
retrouvons toutes les péripéties qui l’amènent
à son objectif final. Deux définitions du Larousse
corroborent ces propos et donnent deux angles
d’attaque pour la suite de la recherche :
• « Pratique de quelque chose, de quelqu’un,
épreuve de quelque chose, dont découlent
un savoir, une connaissance, une habitude ;
connaissance tirée de cette pratique ».
• « Fait de faire quelque chose une fois,
de vivre un événement, considéré du point
de vue de son aspect formateur ».
Dans la première définition, le dictionnaire cite
l’exemple d’un « conducteur sans expérience »
manquant d’apprentissage et de mise en pratique.
C’est un premier axe plus didactique et technique,
en lien avec la conception de l’architecture des
interfaces. En suivant un parcours précis anticipé
par ses créateurs, la personne participant
à l’expérience peut acquérir un savoir pour
atteindre ses objectifs. La deuxième définition,
quant à elle, utilise la métaphore de la « relation
amoureuse ». La précision « une fois » insiste
sur le caractère étonnant voire bouleversant
de l’événement. L’être qui fait l’expérience subit
un choc qui est ici de l’ordre d’une émotion
marquante. Si une citation pouvait mettre
en lumière cette dernière notion, ce serait
celle du philosophe Thomas Hobbes :
« Beaucoup de souvenirs ou le souvenir
de nombreuses choses, c’est ce qu’on nomme
expérience106 ».
Cette définition plurielle du mot ‘expérience’
est capitale car elle distingue les deux axes
étudiés dans la suite de cette recherche. L’un,
plus didactique et technique, le second, lié aux
émotions. C’est un aperçu des différents outils
dont dispose le designer d’interaction pour
influencer sur le comportement d’une personne.
42
fig. 2.3. New Austria, art+com, 2005
43
107 The New Austria, ART+COM Studios, 2005
108 Jakon Nielsen and Don Norman, The Definition of User Experience
109 Julie Celia, What Is User Experience Design ?, Cooper Journal, 2012
LE BUT D’UNE EXPÉRIENCEIl peut y avoir des objectifs différents pour chaque
expérience. Prenons l’exemple de l’exposition
The New Austria107 réalisée par le studio Art+Com.
Le but est ici de faire revivre l’Histoire de
l’Autriche aux visiteurs ; il ne s’agit pas seulement
de transmettre une information mais de la faire
vivre aux visiteurs. Le fil conducteur est un
drapeau de 250 mètres aux couleurs du pays (fig.
2.3). Grâce à des dispositifs interactifs, l’utilisateur
reste actif. Il manipule l’information et il acquiert
de nouvelles connaissances tout en participant
à une expérience sensorielle.
Sur un site e-commerce, le designer doit créer
une expérience pour inciter le visiteur à acheter.
Il crée un système où il donne à l’utilisateur
les moyens d’accomplir une tâche. Selon Don
Norman108, expert en expérience utilisateur,
un individu qui achète un produit prouve
que le designer a réussi à combiner le besoin
du consommateur et les besoins marketings
de son commanditaire. Si l’expérience est réussie,
l’utilisateur aura plus de chance à devenir fidèle
à la marque109, voilà pourquoi certains acheteurs
de produits Apple semblent si loyaux. Comme
nous l’avons vu avec iTunes dans la première
partie, la ‘marque à la pomme’ s’efforce de créer
une expérience sur mesure. Encore une fois,
nous constatons que certains aspects relèvent
de la manière dont les outils sont présentés
à l’utilisateur et que d’autres dépendent
des effets produits sur lui.
44
110 Danny Bradbury, What Does People-Centric it Mean, Anyway ?, TheRegister.co.uk, 2014
111 John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, chap. 11
112 Julien Jordan, Cognition & The Intrinsic User Experience, UXmag.com, 2012
113 Elizabeth Cosgriff, An Interview on “The Paradox of Choice” with Barry Schwartz
L’EXPÉRIENCE DOIT ÊTRE CHOISIE ET NON SUBIEDurant l’exposition The New Austria, le visiteur était
actif et il pouvait utiliser les différents dispositifs
ou se contenter de regarder ; il avait le choix.
Clive Longbottom110, le fondateur de la société de
consulting et de recherche Quocirca, rappelle que
« 10 000 utilisateurs ce sont 10 000 consommateurs
qui sont habitués à faire leur vie de leur côté
[et qu’ils] doivent agir comme bon leur semble ».
Proposer des choix aux utilisateurs c’est montrer
qu’à travers la masse hétérogène, le service essaie
de satisfaire les besoins de chacun.
AVOIR CONFIANCEL’expérience choisie c’est aussi assumer ses
choix. Il faut être confiant vis-à-vis des options
sélectionnées. Dans son livre111 The Laws of Simplicity,
Maeda considère que la confiance règne lorsque
l’utilisateur peut se relaxer. Il compare cela à
quelqu’un qui ne sait pas nager et qui doit faire
la planche. Toutes les conditions doivent être
réunies pour que l’utilisateur baisse sa garde
et se livre à l’expérience.
BIEN DOSER LES CHOIXCette confiance peut être ruinée si l’utilisateur
panique à l’idée de faire des choix. Pour faire
la planche il faut généralement se mettre sur le
dos, pencher sa tête et ne penser qu’à la maintenir
hors de l’eau. Une personne distraite qui ressent
une pression a plus de chance de boire la tasse.
Elle subit une surcharge cognitive112. Il arrive
la même chose à un utilisateur paralysé par
les choix qu’il a devant lui. Dans une interview,
Barry Schwartz113, psychologue auteur du livre
The Paradox of Choice, explique que ce n’est pas
en multipliant les options que l’utilisateur
se décidera plus facilement. Au contraire,
dit Schwartz ; face à un choix compliqué,
une personne limitera le nombre de critères
45
114 John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, p. 69
de comparaisons. Difficile pour elle de se reconnaître
pleinement dans son choix ; car en supprimant
ces options, elle sacrifie potentiellement certaines
valeurs qui lui sont chères. Elle a plus de chances
de regretter son choix par la suite et de ne pas
assumer sa décision. Il y a une frustration qui créé
une tension chez la personne. Le site e-commerce
Amazon l’a bien compris ; dans l’encart des produits
récemment consultés, l’utilisateur est conditionné
pour choisir un produit parmi un échantillon de
six produits (fig. 2.4). Après un clic sur la flèche
de défilement à droite, il en propose encore six
(fig. 2.5). L’utilisateur peut avoir autant de critères
de sélection qu’il le désire, il les appliquera toujours
aux six produits qu’il a sous les yeux.
LA VALEUR D’UN CHOIXLe choix est donc très important pendant une
expérience. Très souvent, lorsqu’un utilisateur
prend une décision, l’interface lui propose
d’annuler et de revenir sur son choix s’il n’est
pas satisfait. Dans un sens, le choix a perdu
de la valeur car il ne devient pas crucial114. Nous
avons vu l’importance pour une personne
de se reconnaître dans ses choix. Donner sans
cesse la possibilité d’annuler quelque chose,
c’est aussi créer une sortie de secours, un peu
comme le fait de simplement débrancher la prise
de l’ordinateur lorsque quelque chose devient
trop compliqué. Nous avons vu qu’internet nous
déconnectait de notre environnement. Le designer
d’interaction a donc les moyens de re-créer un lien
plus concret en responsabilisant une personne.
Il ne s’agit pas de culpabiliser mais de faire
prendre conscience que des choix, même
sur internet, peuvent avoir des conséquences
sur l’environnement.
fig. 2.4. Premier bandeau d’articles
recommandés du site Amazon
fig. 2.5. Deuxième bandeau d’articles
recommandés du site Amazon
46
115 « Man, a being in search of meaning », [traduction de l’auteur]
116 Stonehenge : la découverte qui bouleverse toutes les hypothèses sur le mystère de l’origine du monument mythique, Atlantico.fr, 2014
117 Simon Norris, The Meaning Dimension, Humanising Technology Blog, 2011
C. LE DESIGNER D’INTERaCTION DOIT aPPORTER DU SENS ET CRÉER DES ÉMOTIONS
C’EST UN COMPORTEMENT HUMAIN DE CHERCHER LA VÉRITÉUn enfant se demandera très souvent pourquoi
le ciel est bleu. « L’Homme, un être en quête
de sens115 » nous dit Platon. Les années passent
mais certains mystères n’ont pas été résolus
comme les statues de l’Île de Pâques ou bien
encore Stonehenge116. Les parents donneront
une explication scientifique au ‘comment’
de la couleur du ciel, mais ils ne répondent
pas au ‘pourquoi’. Cela montre que les humains
y mettent du cœur, qu’il y a un vrai besoin
de compréhension des choses les entourant.
De la même manière, s’ils prennent une décision,
ils ont besoin de comprendre les motivations
et les enjeux. L’utilisateur peut avoir confiance
mais il ne le fait pas aveuglément. S’il ne veut pas
le décevoir, le designer doit s’appliquer à lui faire
vivre des expériences authentiques
et pleines de sens.
L’AUTHENTICITÉ : QUAND UNE EXPÉRIENCE A DE LA VALEURPour Simon Norris de l’agence Nomensa117,
un internaute qui parcourt les pages d’un site dont
les mécanismes techniques ont été cachés aura
plus l’impression d’évoluer dans un climat
de confiance ; les éléments techniques ne viennent
pas troubler son expérience. Dans ce cas précis,
il est question d’une interface dite ‘invisible’.
Un site qui donne une réponse humaine aux
actions de l’utilisateur est plus crédible qu’un site
qui se comporte comme une machine. Il dresse
un schéma (fig. 2.6) permettant de comprendre
sa vision des choses et de préciser la méthode.
Le point de départ de l’expérience est le code et
la technologie du site web. Sans ces composants,
il est techniquement impossible de générer
un contenu en ligne. Ce contenu est ce que
l’internaute va regarder en premier. Cela peut
être sous la forme de texte ou d’images. Le style
quant à lui est la mise en forme de ces éléments ;
47
118 « I’ll say that Meaning is the most significant and powerful element of whatever people create for others. Just like how our faces show emotion universally, core meanings are universal throughout all of humanity. This means that every person, in every culture, knows what these core meanings are and why they are significant », [traduction de l’auteur], Nathan Shedroff, Design is the Problem : An Interview with Nathan Shedroff, Core77, 2009
ils doivent être plaisants à regarder et mettre
le contenu en valeur. Si l’apparence du site
apparait cohérente avec son contenu, permettant
à l’utilisateur d’interagir de façon tout à fait
naturelle, l’expérience a du sens. L’internaute
ne se pose pas de questions sur les mécanismes.
S’il le fait, il rencontre des frictions inutiles qui
ont plus de chance de le placer dans un climat
d’insécurité. Si l’expérience d’un site est assez
forte pour se démarquer des autres, elle a
des chances de devenir mémorable et de créer
une fidélité. Les mécanismes technologiques ont
été gommés. « [J]e dirai que le sens est l’élément
le plus important et puissant qui puisse être créé
pour les autres. De la même façon que nos visages
ont des expressions qui délivrent des émotions
universelles, il y a des valeurs universelles.
Cela signifie que chaque personne, dans toute
culture, sait quelles sont ces valeurs et en quoi
elles sont importantes » confirme Shedroff118.
SENS
STYLE
CONTENU
TECHNOLOGIE
Meaning First : user-experience design hierarchy,
Simon Norris, 2012
48
119 Entretien avec Raphaël Yharrassarry, [voir annexe]
120 John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, p. 62
121 Sandra Tanneveau, clm bbdo crée un site web inédit qui reste en ligne grâce à vos souvenirs, Piwee, 2014
DES EXPÉRIENCES MÉMORABLESRaphaël Yharrassarry119 pense que « l’utilisateur
est à la recherche d’expériences mémorables ».
Ce n’est plus considéré comme une faiblesse
de montrer de l’émotion120, bien au contraire.
Les études de cas qui vont suivre reprennent
toutes les codes de simplicité et d’authenticité
évoqués dans la partie précédente.
Le site I-Remember121 est une métaphore
de la maladie d’Alzheimer (fig. 2.7). Il est composé
de grains de sable symbolisant les souvenirs
des visiteurs et se désagrège au fur et à mesure
que le temps passe. Les souvenirs laissés par les
visiteurs sont visibles part tous. Ils alimentent
le site et ralentissent sa disparition. S’il n’est
pas alimenté en souvenirs, il disparaîtra, tout
comme la mémoire d’une personne atteinte de la
maladie. Depuis sa sortie en avril 2014, 14 % du site
a disparu. Sans rentrer dans les détails, le site ne
propose que très peu d’actions : il est possible de
se balader dans les souvenirs ou de faire un don à
l’association. La musique envoûtante et l’esthétique
des grains de sable animés rendent l’exploration
très plaisante. La métaphore du sable qui s’écoule
fait prendre tout son sens à l’expérience ; il n’y a
aucune forme de gratuité car le rapprochement
entre la mémoire et le sable est cohérent.
Partage de souvenir sur le site I-Remember
49
L’expérience digitale Sortie en Mer122, elle aussi
publiée en avril 2014, a été créée dans le but de
sensibiliser le public au port du gilet de sauvetage
(fig. 2.8). La seule action du visiteur pendant
l’expérience est de faire défiler la page grâce à la
molette de la souris. Cela a pour conséquence de
jouer une vidéo interactive filmée à la première
personne, maximisant l’immersion. L’internaute
incarne un jeune homme qui tombe d’un bateau et
se noie. L’action de l’utilisateur pour maintenir le
jeune homme est vaine car il décède dans tous les
cas. Sa mort n’est que retardée ; souffre pendant
au moins cinq longues minutes. Des éléments
d’interface montrent sa température corporelle,
son rythme cardiaque. La vidéo révèle la perte de
ses ongles et ses muscles qui se contractent. Même
si le défilement de la page avec la souris est inutile,
il représente la fatalité du destin de quelqu’un
ne mettant pas de gilet de sauvetage. La personne
a beau lutter de toutes ses forces elle ne peut
survivre. Cette vidéo interactive a bien marqué
les esprits. Un article de Ouest-France rapporte
qu’au 20 juin l’expérience avait intéressé près
de 5 millions de personnes réparties dans 220
pays123. L’expérience est qualifiée « d’éprouvante »
et de « terrifiante124 ». Un autre article compte sur
« [c]ette éprouvante campagne de sensibilisation
[pour] générer une prise de conscience massive »
grâce au choc émotionnel qui est produit125.
122 Dennis Lynch, Sortie En Mer: This Drowning Simulator Will Make You Put On A Life Jacket Next Time You’re Out On The Water, ibtimes.com, 2014
123 Catherine Gentric, Concarneau. La société Guy Cotten cartonne en ligne, entreprises.ouest-france.fr, 2012
124 Ibid. 122
125 Alexis Ferenczi, Une campagne interactive choc contre la noyade, HuffingtonPost.fr, 2014
Site interactif Sortie en Mer, capture d’écran, décembre 2014
50
126 Freeman, Game Case Study : Ico - Creating Emotion in Games : The Craft and Art of Emotioneering
Dans un jeu comme Ico, développé par Sony,
le joueur contrôle un personnage qui aide une
jeune fille à s’échapper (fig. 2.9). Il la tient par
la main tout au long du jeu car elle est effrayée.
Les vibrations de la manette126 font ressentir
au joueur le rythme cardiaque de la jeune fille
s’accélèrant lorsqu’elle est attaquée ou prise au
piège. L’utilisation de cette technologie est cohérente
et permet d’établir un lien fort entre le joueur et
des personnages numériques. Ces trois exemples
forment une piste montrant que les expériences
paraissent plus efficaces et riches lorsque l’utilisateur
est au cœur de l’interaction. Mais cela n’est possible
qu’en analysant en amont les attentes d’une
personne pour ensuite déterminer
quelle réponse apporter.
Capture d’écran d’une partie sur le jeu Ico
51
127 Horace Dediu, Innoveracy : Misunderstanding Innovation, Asymco, 2014
2.2 UN DESIGN CENTRÉ SUR L’UTILISATEUR
a. LE DESIGN THINKING : UNE MÉTHODE TOURNÉE VERS L’INNOVaTION
UNE INTRODUCTION AU DESIGN THINKINGL’attention semble être portée sur l’utilisateur.
C’est lui qui participe à une expérience et c’est
lui qui éprouve des sensations. Des méthodes
comme le Design Thinking permettent de trouver
des solutions à des problèmes que rencontre
l’utilisateur. Cette sous-partie ne s’attardera pas
sur les détails historiques qui ont mené au Design
Thinking ; en revanche elle en évoquera
les grands principes. Pour Brown,
« Design Thinking is a human-centered approach
to innovation that draws from the designer’s toolkit
to integrate the needs of people, the possibilities of
technology, and the requirements for business success ».
Les ‘penseurs’ recherchent des moyens de
répondre à des problèmes humains de manière
innovante127. Selon eux, l’innovation est le fruit
d’un travail qui réunissant les besoins marketing,
ceux de l’utilisateur et qui reste du domaine du
illu. 5. Une myriade d’utilisateurs
52
VALEURS HUMAINES
TECHNOLOGIE
INNOVATION
BUSINESS
fig. 2.10. Schémas des composants de l’ innovation, 2011
53
128 The Design Thinking Process, stanford.edu
129 Ibid. 88, chap. 1 p. 27
130 Ibid. 88, chap. 9 p. 26
possible128 (fig. 2.10). Afin de concilier ces trois
sphères, ils ont développé un processus divisé
en cinq étapes. ‘L’empathie’ est la phase où les
designers essayent de se mettre à la place de
l’utilisateur pour comprendre les problèmes
qu’il rencontre et comment il réagit. La phase de
‘définition’ permet d’établir un constat suite aux
observations sur le comportement de l’utilisateur.
La phase ‘d’ideation’, quant à elle, est une partie
du travail où les penseurs génèrent un maximum
d’idées. De cette manière ils sont plus à même
de trouver des solutions originales. La quatrième
phase est celle du ‘prototype’. Là où les idées
retenues sont formalisées ; l’utilisateur final
peut tester le service avant qu’il ne soit finalisé.
La phase de ‘test’ se déroule de la même manière
que la phase précédente sauf que le produit est
presque finalisé. En remettant en question son
travail à chaque étape et en faisant une recherche
permanente sur les besoins de l’utilisateur,
le designer a plus de chances de créer un produit
efficace, rentable, et réalisable. La suite de cette
recherche abordera plus en détail la design centré
sur l’utilisateur.
TRAVAILLER AVEC DES CONTRAINTESLe terme ‘contrainte’ peut être interprété comme
étant négatif. En écrivant « Sans contraintes,
le design ne peut pas exister[…]129 » Brown prend
l’exemple d’un kit médical important devant
être utilisable même pendant une tempête ;
les conditions sont particulièrement difficiles
mais tout doit être mis en œuvre pour qu’il arrive
à destination dans les délais impartis et en bon
état. Il apparaît clairement que sans contraintes
il est plus difficile de designer efficacement.
Les contraintes sont les problématiques prioritaires
d’un projet. L’exemple précédent montrait
une contrainte liée aux délais.
Il existe aussi des contraintes liées au contexte.
Plus loin dans son livre, l’auteur explique que
souvent, les contraintes les plus difficiles suscitent
les innovations les plus spectaculaires130. Il raconte
l’histoire du Dr David Green qui opérait les yeux
de patients en Inde dans des bidonvilles. Il devait
travailler en prenant en compte les problèmes
sanitaires, la pauvreté et la fatigue. Chaque année,
250 000 opérations étaient effectuées. Pourtant,
il a réussi à créer un système pour fabriquer
des lentilles à moindre coût dans la cave de son
hôpital. Cela a permis aux plus pauvres d’en
bénéficier. Les lentilles sont mêmes devenues
les premières lentilles exportées au monde.
Le Dr Green avait pour but de venir en aide aux
aveugles en se focalisant sur les yeux et en a fait
sa priorité. Il ne s’est pas attardé sur le confort
des patients étant habitués à vivre dans
des conditions difficiles.
54
131 Chadia Abras, Diane Maloney-Krichmar and Jenny Preece, User-Centered Design, Bainbridge, W. Encyclopedia of Human-Computer Interaction. Thousand Oaks : Sage Publications, 2004, p. 1
132 Jason Mick, Windows 8 Designer : “Metro Is the Antithesis of a Power User”, DailyTech.com, 2014
133 « [...] we knew full well casual users wouldn’t like it initially. Hopefully in 5 years we’ll look back and see we made the right decision », [traduction de l’auteur], Ibid. 132
134 Ibid. 132
135 Tom Warren, Windows 8 Start Menu Set to Return in August, TheVerge.com, 2014
136 Kara Pecknold, TEDxVancouver : Design Is the Centre of Change, Vancouver, 2012
B. La MÉTHODE DU USER-CENTERED DESIGN
OUBLIER L’UTILISATEUR C’EST COMMETTRE UNE ERREURLe design centré utilisateur131 – abrégé ucd
en anglais pour User-Centered Design – a d’abord
été utilisé par Norman en 1980. « Le défaut
de méthode le plus répandu est de tenir compte
en premier des contraintes de l’entreprise »
nous dit Brown. Précédemment, il a été
question d’un des axes de l’ucd où tout était
mis en œuvre pour que l’utilisateur profite au
maximum de l’expérience et pour qu’il fasse
des choix. Dans certains cas, cette façon de
penser n’est pas appliquée. Cela peut créer une
frustration chez l’utilisateur au point qu’il se
dresse contre l’interface132. En créant l’interface
graphique Modern ui – anciennement nommée
‘Metro’ – Microsoft a créé de la confusion auprès
de ses utilisateurs. Bon nombre d’entre eux
étaient déboussolés car ils ne trouvaient pas le
bouton ‘démarrer’ en bas à gauche de l’écran,
inexistant dans cette version. Jacob Millier133,
un des designers de l’interface de Windows 8,
explique que les designers étaient au courant
qu’un utilisateur occasionnel n’aimerait pas cette
interface au premier abord. « [N]ous savions bien
que les utilisateurs occasionnels ne l’aimeraient
pas au début. Mais j’espère que dans 5 ans nous
regarderons en arrière et nous verrons que nous
avions pris la bonne décision134 ». Les utilisateurs
sont contraints de subir le nouveau choix des
designers de Microsoft ; Miller ajoute que cela va
prendre du temps avec qu’ils ne s’y habituent :
« L’interface Metro va demander un petit temps
d’adaptation ». Quatre mois plus tard, Microsoft
annonce le retour du bouton ‘démarrer’ suite à
de nombreuses plaintes135. Un guide des ‘anti-
Windows 8’ avait même été rédigée pour expliquer
comment modifier les propriétés de la nouvelle
interface afin de se rapprocher de l’ancienne.
Toutefois, il y a parfois des cas où la mission
peut échouer même si elle est axée sur un
utilisateur, car les designers ont mal identifié
l’attente des personnes. La designer Kara
Pecknold136 raconte son plus grand échec de
design. À la finde ses études, elle a été envoyée au
Rwanda afin de créer un site web dans le cadre
donc d’un projet de développement durable. Ce
site avait pour but de rassembler les femmes des
communautés rurales autour de la jacinthe d’eau.
Cette plante se propage à grande vitesse dans
les rivières perturbant la faune et empêchant
l’accès aux sources d’eau. Après l’avoir arrachée,
55
les femmes des différents villages l’utilisent pour
des biens d’artisanat. Bien que louable, la création
d’un site web était totalement inutile du fait que
les villages de cette région n’avaient peu ou pas
d’accès à l’électricité et encore moins à internet.
PARTICIPATORY DESIGN Intégrer l’utilisateur dans la boucle de conception
a plusieurs avantages (fig. 2.11). Premièrement
cela peut lui donner envie de s’engager dans
le projet. Deuxièmement, cela peut le préparer
à l’utilisation du produit final. Pour le designer,
observer la façon dont il interagit avec le futur
produit est une mine d’or d’informations.
C’est ce que Pecknold a fait après avoir refusé
d’annuler sa mission. Elle a repris le processus de
design de son projet à zéro. Rassembler les femmes
autour de la confection d’objets pourrait leur
permettre de pratiquer une activité commune tout
en augmentant leurs revenus. Ce sont les femmes
du village qui ont créé le logo à l’image d’une
jacinthe, en faisant des croquis grâce aux carnets
et au stylos confiés par la designer. Au lieu d’être
affiché sur un site web, il a été utilisé sur les
étiquettes des objets d’artisanat. Pecknold
a même crééune boîte à outils, de l’anglais toolkit,
comprenant un bloc note, un stylo et un appareil
photo ainsi que des images permettant aux
fig. 2.11. Séance de co-design
56
137 Participatory Design, TecEd : User Experience Research and Design
138 Ibid. 131, p. 11
139 Marie-Magali Sarry, Les consommateurs ne savent pas ce qu’ils veulent, Vanksen Blog, 2012
140 Ibid. 59, Citation de Dan Formosa, 2009
141 Susana Gonzalez Ruiz, Designing for the Extremes (or Why Your Average User Doesn’t Exist), Sugoru, 2014
habitantes des villages de communiquer sur leurs
problèmes quotidiens. Tout le monde était au
même niveau hiérarchique et travaillait dans un
but commun en contournant la barrière de la
langue grâce à des dessins et des photos. D’autres
méthodes participatives existent137 comme
la scénarisation d’utilisation d’un service
ou en jouant le rôle d’un utilisateur.
IL EST PARFOIS DIFFICILE DE DESIGNER POUR TOUT LE MONDECette méthode de design participatif a des
avantages mais comporte des difficultés138 :
• Cela prend du temps et demande beaucoup
d’organisation pour consulter des utilisateurs
et émettre des conclusions.
• Ce designer peu se laisser influencer par
les désirs des consommateurs. « Si j’avais
demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils
m’auraient répondu des chevaux plus
rapides139 » disait Ford.
• Les concepteurs recherchent un produit pour
une cible spécifique mais il ne faut pas
restreindre l’utilisation à d’autres.
Cela voudrait dire qu’il n’y a pas d’utilisateur
parfait. Tout le monde peut être un utilisateur
potentiel. Des personnes ne doivent pas se voir
limiter l’accès à un service ; tout comme un bâtiment
se doit de donner accès aux personnes handicapées.
« [S]i nous réalisons ce que sont les extrêmes,
le milieu suivra140 ». La sociologue Susana
Gonzalez Ruiz141 prend l’exemple du design
d’un smartphone. En se basant sur des études
statistiques, les designers pourraient remarquer
que l’utilisateur principal est un homme. Pourtant,
une fois le produit est lancé sur le marché,
les concepteurs s’aperçoivent que le produit est
trop gros pour tenir dans la main des femmes
et des enfants. En prenant compte de plus de
profils d’utilisateurs, le produit aurait pu être
commercialisé à une plus grande échelle,
s’adressant à un plus grand nombre
de consommateurs.
57
142 Ibid. 88, p. 40
143 Ibid. 88, chap. 9 p. 24
144 Nathan Waterhouse, The Future of Human Centered Design, Firm Follows Form, 2013
145 Kenneth Einar Himma and Herman T. Tavani, The Handbook of Information and Computer Ethics, Hoboken, N.J : Wiley, 2008
146 « [W]e have finally abdicated to technology the very duty to formulate questions... Where a simple man might ask : “Do we need these things ?”, technology asks “what electronic wizardry will make them safe ?” Where a simple man will ask “is it good ?”, technology asks “will it work ?” », [traduction de l’auteur], Batya Friedman, Alan Borning and Peter Kahn, Value Sensitive Design and Information Systems, chap. 4 p. 71
2.3 DES CONSÉQUENCES
CONTRASTÉES
a. USER-CENTERED DESIGN OU aNTHROPOCENTRISME ?
L’HUMAIN AU CENTRE DE TOUS LES QUESTIONNEMENTSBien que Brown ait étudié la place de la nature
à la fin de son livre, sa vision du design pour
les humains tend vers l’anthropocentrisme :
« Les humains ne sont plus les héros de l’Histoire.
Il faudrait leur redonner le rôle principal142 »,
ou bien encore « Améliorer le niveau de vie de
5 milliards de personnes143 ». Comme le souligne
sur son blog Nathan Waterhouse, travaillant au
studio ideo, cette pensée est à la fois un avantage
et à la fois un inconvénient144. Après avoir nuit à
son propre environnement, il ne peut s’en prendre
qu’à lui-même. Les humains sont responsables
de ce désastre écologique et doivent se remettre
en question mais ils ne rejettent pas la faute sur
quelqu’un ou quelque chose d’autre. Dans ce cas
précis, c’est une sorte d’avantage de penser
de manière anthropocentrique.
AU FINAL CELA PEUT-IL ASSERVIR L’ÊTRE HUMAIN ? Lors de l’explication du sens et de la valeur
d’une expérience le schéma pyramidal montrait
la technologie comme la base de la création d’une
expérience. Le designer n’impose-t-il pas parfois
la technologie à l’utilisateur au point de le rendre
quelque fois dépendant ? La technologie devrait
être maîtrisée par l’humanité et non l’inverse
Joseph Weizenbaum145, figure émérite du mit,
écrivit146 en 1972 : « [n]ous avons laissé le soin
à la technologie de répondre aux questions…
Là où un homme se demande : “a-t-on besoin
de toutes ces choses”, la technologie se demande :
“quel tour de magie électronique les mettra
en sécurité”? Là où un homme se demandera :
“est-ce bien?”, la technologie se demandera :
“est-ce que ça marchera ?” ». Nous avons vu que
la technologie répondait aux problèmes humains,
mais aussi qu’elle lui créait une échappatoire
en cas de difficulté, ‘en débranchant la prise’.
Aussi, le designer créé pour un utilisateur qu’il
58
147 Donald A. Norman, Words Matter. Talk about People : Not Customers, Not Consumers, Not Users, interactions, 2006
148 Jim Taylor, Will There Be a Backlash Against Technology ?, HuffingtonPost.com, 2013
149 Edwards Lin, Study Suggests Reliance on GPS May Reduce Hippocampus Function as We Age, Phys.org, 2010
150 Cynthia Blank, New Israeli Technology Helps Treat Parkinson’s Disease, Arutz Sheva, 2014
151 Connecting, 2012, 13 :40
semble oublier d’appeler ‘être humain’. Norman
pense que c’est une appellation réductrice.
De la même manière que le marketing cherche
à vendre au ‘consommateur’, les technologies et le
design d’interaction s’adressent aux ‘utilisateurs’.
Pour Norman, réduire le statut d’une personne
c’est omettre sa complexité et ce qui fait la richesse
d’un être humain147. Dans un monde ou l’économie,
l’environnement et l’être humain sont liés,
négliger l’être humain pourrait conduire
a négliger son environnement.
B. La TECHNOLOGIE PEUT SERVIR L’HUMaNITÉ TOUT EN FaISaNT
La PROMOTION DE L’ENVIRONNEMENT
IL NE FAUT PAS REJETER TOUTES LES TECHNOLOGIESIl y a un certain rejet de la technologie. Le Dr
Jim Taylor – de l’Université de San Francisco en
Californie – dresse un constat148 alarmant de ce
« tsunami de technologie ». Il invite à prendre
part à un mouvement de masse pour le stopper.
Même si ce discours engagé peut paraître utopique,
il n’est pas étonnant d’imaginer que l’excès de
technologie – ou sa mauvaise gestion – puisse
avoir des conséquences sur les humains et sur
leur environnement. L’écrivain américain Alvin
Toffler prévoyait déjà ce ‘rejet’ en 1970, comme
une réaction normale à l’infobésité. Nous avons
vu que la révolution industrielle a permis de
faire de nombreux progrès. Il ne pas rejeter
toutes les technologies. Certaines peuvent aider
l’être humain à se dépasser, notamment dans le
domaine de la santé. Ainsi, des objets connectés
permettent à des patients qui souffrent de
diabète149 de transmettre en temps réel leur
niveau de sucre dans le sang à leur médecin
sans avoir besoin de se rendre dans un cabinet
d’analyse. Certaines machines repoussent les
capacités d’observation humaines, pouvant
rendre observables les symptômes de la maladie
de Parkinson plus de 300 fois par seconde150.
LA TECHNOLOGIE COMME AUXILIAIRE DE LA NATUREDans le court métrage Connecting, Anthony Dunne,
professeur et directeur du département de design
d’interaction du Royal College of Art de Londres,
dit : « Le réseau prélève des données mondiales151 ».
Le monde devient plus intelligent car il profite
des du flux de données recueillis par tous les
terminaux connectés. Les designers utilisent ces
données statistiques pour repérer des problèmes
59
152 « [S]o we can learn as a society, […] adapt, and evolve », [traduction de l’auteur], Ibid.
153 Stanford, Solving Big Questions Requires Big Computation, Stanford.edu
154 Jennifer Mankoff, Robin Kravets and Eli Blevis, Some Computer Science Issues in Creating a Sustainable World, ieee Computer, 2008, p. 3-4
155 « Computers’ interactive nature provides an additional opportunity for energy reduction – by educating people, creating new ways of being, and changing behavior. For example, today’s personal computers can run older climate models and contribute to both education and research.[In] 2006, Chicago’s Center for Neighborhood Technology helped local households reduce summer electricity usage by 3 to 4 percent by providing an ambient orb [...] that displays the real-time cost of energy », [traduction de l’auteur], ibid. 154
et imaginer des solutions appropriées.
La technologie facilite le travail de recherche
et accélère le processus d’un design orienté
utilisateur. Dunne approfondit son explication
en disant « [A]fin que nous apprenions, en tant
que société, que nous nous adaptions et que nous
puissions évoluer152 ». La notion de société s’oppose
à l’individualisme. Sans ces informations cruciales,
il est plus difficile d’agir pour la planète et pour
ses habitants. Dans un article récent de l’Université
de Stanford153, l’auteur rappelle que l’informatique
permet de réaliser beaucoup d’analyses mais aussi
de simuler et de prototyper des systèmes pour
répondre aux problèmes climatiques.
Des problèmes en partie anticipés
grâce aux analyses (fig. 2.12).
COMMENT UTILISER LES TECHNOLOGIES AUTREMENTPour Eli Blevis, professeur d’informatique dans
le département d’hci et Design d’interaction
de l’Université d’Indiana, il faudrait utiliser
les technologies d’une autre manière ; au profit
de l’environnement, par exemple. Son idée rejoint
celle de Dunne. D’après lui, les technologies
permettant d’analyser le monde ne devraient pas
être réservées aux scientifiques et aux chercheurs.
Au contraire, pourquoi ne pas les rendre
disponibles au grand public – qu’il appelle les
« citoyens scientifiques » – sous une forme plus
simple ? « Le caractère interactif des ordinateurs
propose une alternative supplémentaire pour
la réduction d’énergie en éduquant la population,
créant de nouveaux modes de vie et en changeant
les comportements. Par exemple, les ordinateurs
personnels d’aujourd’hui peuvent permettre
de visualiser d’ancien modèles climatiques,
contribuant ainsi à la fois à l’éducation et à la
recherche. [E]n 2006, le Centre de la Technologie
de Quartier de Chicago a aidé les habitants à
réduire leur consommation d’électricité durant
l’été par 3 voir 4 % en installant un orbe […] qui
affiche le coût de l’énergie en temps réel155 ».
fig. 2.12. Capture d’écran du film Connecting
61
CONCLUSIONCette partie permet de situer la discipline du design d’interaction
par rapport à d’autres branches du design en montrant leur
complémentarité. Le designer peut agir aussi bien sur l’architecture
des interfaces que sur leur valeur, c’est-à-dire le sens qu’elles
apportent pendant l’expérience de l’utilisateur qui se voittransformé.
Le Design Thinking montre à quel point rien n’est laissé au hasard
et que tout est une question de méthode. L’heure est à l’innovation
et au dépassement de soi-même – en équipe – et des problèmes à
grande échelle avec toujours une tension entre la nécessité d’utiliser
la technologie – pour créer des expériences – et le respect
de l’environnement. Comme le recommande Blevis,
utilisons la technologie autrement.
3Chapitre
VERS UN DESIGN D’INTERACTION DURABLE
63
156 Jennifer C. Mankoff and others, Environmental Sustainability and Interaction, CHI’07 extended abstracts on Human factors in computing systems, ACM, 2007, pp. 2121–24
157 Charles Baudelaire, Baudelaire - Œuvres Complètes, Éditions la Bibliothèque Digitale, 2013
INTRODUCTIONLes designers font partie d’un système, et comme les autres membres
de ce système, ils ont un impact sur l’environnement ; leurs actions
ne sont pas isolées. Étant par sa nature dans une situation de
collaboration et de partage, le designer pourrait pousser son sens
éthique et inciter ces collègues et collaborateurs à intégrer les
notions de comportement durable. Jennifer Mankoff, professeur à
l’Université de Carnegie Mellon aux États-Unis, explique
qu’il y aurait deux catégories de design d’interaction durable :
« sustainability in design and sustainability through design156 ». En français
il faut traduire par « la durabilité dans le design » et « la durabilité
à travers le design ». Le premier axe se concentre sur la manière
de réduire les effets de l’utilisation de logiciels et de matériel
technologique, le second s’oriente vers la modification
des modes de vie et des choix.
« Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière. »
– Charles Baudelaire157
65
158 Ibid. 59, 1 :00 :12
159 « We can’t ignore the system », [traduction de l’auteur], Tim Brown, Change by Design : How Design Thinking Transforms Organizations and Inspires Innovation, New York : HarperBusiness, 2009, chap. 8 p. 28
3.1 PRATIQUER LE DESIGN DE FAÇON DURABLE
a. PENSER aU-DELÀ DU DESIGN GRÂCE aU SYSTEM THINKING
LA PRISE DE CONSCIENCE DU SYSTÈMELorsque le studio ideo a cherché à repenser la
brosse à dents158 – et même l’activité du brossage
de dents – ce n’était pas sur un coup de tête.
En se baladant sur les Îles Fidji, un des designers
a trouvé au bord d’une plage l’une des brosses
à dents qu’il avait conçue. Il a alors réalisé que
le produit, développé à des milliers de kilomètres
de son lieu de vacances, terminait son cycle
de vie abandonné sur une plage :
« Nous ne pouvons ignorer le système159 ».
Tous les comportements de l’utilisateur ainsi
que toutes les hypothétiques fins de vie d’un
produit ne peuvent être anticipés. Or, ceci n’excuse
pas les designers de penser aux conséquences de
leurs actes lorsqu’ils conçoivent un produit.
Quelques mois plus tard, ideo repensait une
nouvelle fois la brosse à dents, en proposant
un objet dont seul la tête est jetable. C’est
en effet la partie qui s’use le plus vite. Tel le
designer industriel, le designer d’interaction
66
160 Ibid. 59
161 « designers must retool the process », [traduction de l’auteur], Ibid. 154
162 Eli Blevis, Sustainable Interaction Design : Invention & Disposal, Renewal & Reuse, Proceedings of the SIGCHI conference on Human factors in computing systems, ACM, 2007, pp. 503–12
se doit d’anticiper les conséquences de l’acte même
de concevoir : « [Q]ui va l’utiliser, dans quelles
circonstances160 ? » Il semble intégré à une boucle,
à un système à proprement parler ; depuis la
réflexion sur le besoin d’un produit, en passant
par sa conception, sa réalisation, sa mise en vente
sur le marché et sa fin de vie. Autrement dit,
c’est une tâche qu’il ne peut entreprendre tout
seul. Cette notion de système modifie encore
un peu plus la façon dont il faudrait travailler
en équipe. D’après Blevis : « les designers doivent
repenser le processus [de conception] »161.
LA TRANSMATÉRIALISATION PROMEUT LE RENOUVELLEMENT & LA RÉUTILISATIONUne des hypothèses pour repenser le processus
de conception des biens et des services serait
de se concentrer sur la finitude des objets
électroniques et la façon dont nous les utilisons.
Nous avons vu au début de cette recherche
que de plus en plus de services étaient accessibles
grâce à un objet : c’est la transmatérialisation.
Blevis propose de s’intéresser à la ‘vie’ des systèmes
de navigation par gps162 – couramment appelé par
métonymie, représentant à la fois des avantages
et des inconvénients concernant l’environnement.
C’est un objet utile aux effets durables. En effet,
il optimise la direction du conducteur en lui
proposant par défaut la route la plus courte.
Ce dernier polluera moins longtemps. Le gps
peut être mis à jour via son logiciel interne pour
avoir toujours des cartes actualisées. Le prix des
mises à jour des cartes varie selon le constructeur
et parfois, il est plus avantageux d’acheter un
nouveau gps plutôt que de payer le prix de leur
mise à jour. L’ancien modèle a de grandes chances
d’être jeté aux ordures. Le modèle économique
et la non anticipation d’une telle évolution du
produit ont conduit l’utilisateur à se séparer
de l’objet. Pourtant, l’usager consulte toujours
des cartes, il ne s’est pas séparé de son service.
67
163 Jessica Leber, Garmin’s Market for GPS Taken by Smartphones, 2013
164 Robert Dickau, Internet of Things – Opportunities Ahead for Intelligent Device Makers ?, Embedded, 2012
165 Robert Hardy, The $1,000 App That Allows iPhones to Shoot 4K Video Just Got a Whole Lot Cheaper, nofilmschool.com, 2014
Aujourd’hui, les smartphones embarquent
tous cette technologie163. Fonctionnant avec
des données en temps réel, ils semblent avoir
remplacé les gps.
L’évolution d’un produit ne consiste pas
seulement en sa mise à jour logicielle. Cela peut
aussi être l’amélioration de l’utilisation du produit
ou bien la création d’un service plus évolutif164.
Prenons le cas d’une gamme de trois appareils
photos de la même marque :
• Le premier est le bas de gamme à 400 €.
• Le deuxième moyen de gamme à 900 €.
• Le troisième, haut de gamme à 1 500 €.
Dans ce cas précis, trois objets ont été produits
impliquant chacun des coûts de fabrication,
de transport et d’emballage. Un néophyte choisira
sûrement le modèle à 400 €. Après avoir utilisé
l’appareil pendant un an, il décide d’acheter le modèle
supérieur. 1 300 € ont déjà été dépensés pour deux
appareils. À la vue des 1 200 € investis, pourquoi
ne pas avoir tout de suite acheté le modèle à 1 500 € ?
Dans cet exemple le néophyte le considérait
comme trop cher pour l’utilisation qu’il pouvait
en faire au début. Pourquoi ne pas imaginer
un seul produit contenant toutes les caractéristiques
techniques du modèle le plus abouti ? L’appareil est
bridé ; pour avoir accès aux fonctionnalités
supérieures, le consommateur doit souscrire
à une offre supérieure. Il ne paie pas un produit
différent à chaque fois qu’il se découvre une
nouvelle nécessité de monter en gamme, mais
il complète sa formule. En reprenant l’exemple
précédent, pour passer de la fonctionnalité bas
de gamme à milieu de gamme, il ne paye pas 400 €
plus 900 € mais 400 € plus 500 €. Si un tel système
paraît utopique, il est intéressant de souligner que
cela relève du possible grâce aux technologies
connectées. Au lieu de produire plusieurs objets,
un seul voit le jour et il peut être mis à jour de
façon permanente. Cela représente un système
d’achat avantageux pour le consommateur
et pour la planète. Les smartphones ont la capacité
de s’actualiser de cette manière. Les développeurs
cherchent à créer des applications dépassant
les résultats traditionnels165.
68
166 Dave Hakkens, Phonebloks, 2013
167 Benjamin Ferran, iPhone 6 : 10 millions de ventes le premier week-end, Le Figaro, 2014
Des ingénieurs et des designers ont imaginé
un téléphone composé de plusieurs pièces. À la fin
de l’année 2013, le designer Dave Hakkends met
en ligne une vidéo (fig. 3.1) montrant le prototype
du projet Phonebloks166. Ce projet, renommé Projet
Ara, offre la possibilité de monter son téléphone
en kit. Le consommateur reçoit un modèle de base
qu’il complète avec de nouveaux ‘bloks’ : objectif
photo, espace de stockage supplémentaire. Le
téléphone permet à tout utilisateur de choisir
les pièces, et donc, les fonctionnalités, dont
il a besoin. Il peut les améliorer avec des bloks
de qualité supérieure. L’appareil modulaire
est plus facilement réparable car toutes les pièces
sont interdépendantes. Ce téléphone modulaire
apparaît comme une solution à l’obsolescence
programmée des smartphones ; si une pièce
est défectueuse, il suffit de la changer,
indépendamment des autres. Mais il faut
tout de même émettre des réserves vis-à-vis
de ce projet. L’obsolescence reste présente ;
la base du téléphone peut s’user à force de
brancher et débrancher des bloks. Ensuite,
la production à grande échelle d’appareils comme
l’iPhone167 permet de standardiser la production.
La création de bloks engendre la production de
beaucoup plus de petits objets séparés. Cela peut
aussi poser un problème du point de vue du
recyclage où il suffit de se rendre en boutique pour
échanger ou recycler un téléphone, qu’importe
la pièce défectueuse. Sur un Phoneblok,
le consommateur pourrait être tenté de jeter
la pièce défectueuse et d’en commander
directement une autre.
fig. 3.1. Phoneblok, Dave Hakkends, 2013
69
168 Entretien avec Christophe Clouzeau, [voir annexe]
169 Lubna Le Bail, 3 écogestes simples au bureau, Web Développement Durable
B. LE DESIGNER DROIT TRaVaILLER DE MaNIÈRE DURaBLE
AVOIR UN COMPORTEMENT DURABLE AU TRAVAILTout employer peut s’investir pour la protection
de l’environnement sur son lieu de travail.
Les petits gestes comme l’extinction un écran
au lieu de le laisser en veille ont un impact et sont
des réflexes qu’il faut recommencer à apprendre168
car ils sont trop vite oubliés169. Sans être réservé
au strict cadre du bureau, cela peut devenir un
style de vie. Ne serait-ce pas un peu dérangeant
d’arriver sur une moto pétaradante crachant
de la fumée noire pour présenter
un projet à Greenpeace ?
70
170 Impact, Verynice.co
171 Mule Design Studio, Yelp.com
172 Mike Monteiro, Design Is a Job, New York : A Book Apart, 2012
173 « A designer must be professionally, culturally, and socially responsible for the impact his or her design has on the citizenry », [traduction de l’auteur], Jon Kolko, Thoughts on Interaction Design, Elsevier, 2011
174 Geoffrey A. Fowler, When the Most Personal Secrets Get Outed on Facebook, Wall Street Journal, 13 octobre 2012
175 Dominic Rushe, Twitter’s Diversity Report : White, Male and Just like the Rest of Silicon Valley, TheGuardian.com, 2014
176 « we are the gatekeepers », [traduction de l’auteur], Ibid. 172
177 Mike Monteiro, Design Is a Job, New York : A Book Apart, 2012, p. 27
178 Alan F., 400,000 Apps in the App Store Have Never Been Downloaded Says Report, PhoneArena.com, 2012
Être durable, c’est parfois le credo de certains
studios. Verynice.co170 est un studio basé au Texas,
à New York et à Los Angeles. Plusieurs fois dans
l’année, ils allouent 50 % de leur temps de travail
gratuitement pour soutenir des entreprises
porteuses de projets durables. Ils ont souvent
besoin de volontaires pour certaines missions.
Avec les années, le nombre de projets par années
a augmenté et ce sont même des employés du
studio qui se portent volontaires dans certains
évènements. Ce mode de fonctionnement
favorise l’entraide et le soutien des grandes
causes. Le studio incarne des valeurs d’entraide
et de partage. C’est une question d’éthique.
UNE APPROCHE DE L’ÉTHIQUE DU DESIGNERMike Monteiro, le co-fondateur du studio
américain Mule Design171 s’est beaucoup intéressé
à l’éthique dans son livre Design is a Job172. Selon lui,
il est possible – voire légitime – de refuser un projet
qui va à l’encontre de l’environnement ou du bien
de la société. Il explique que c’est ce qui l’a motivé
à quitter l’entreprise dans laquelle il travaillait
à l’époque pour fonder la sienne. C’est à partir
de ce moment là qu’il a pu faire des choix et que sa
vision du design a changé. Avant il pensait que le
design était « un acte de création » alors qu’en fait,
c’est plutôt « un acte de choisir ce que l’on créé ».
Cela implique une prise de conscience de la
part du designer qui ne peut négliger sa
responsabilité sous peine de contribuer à un
certain niveau de destruction de l’environnement
et des êtres humains. « Un designer se doit d’être
professionnellement, culturellement et socialement
responsable de l’impact de son design sur la société »
dit le designer Jon Kolko173. Alors, faire un mauvais
design serait un choix ; il prend l’exemple du
réseau Facebook qui a changé la vie de certains
de ses utilisateurs en modifiant le fonctionnement
de la confidentialité. Des contenus secrets et très
personnels ont été rendus publics, provoquant une
‘onde de choc’ dans la vie de leur propriétaire174.
Peut-être que les designers en charge se sont dit
71
que ce n’était pas important, peut-être qu’ils ont
eu peur de se faire renvoyer, peut-être qu’ils ont
dit que c’était un mauvais design mais leurs
supérieurs n’ont pas agi. Ou peut-être qu’ils
ne se sont pas assez intéressés à la diversité des
profils des utilisateurs, passant à côté de la phase
‘d’empathie’175. Mike Monteiro insiste en citant
le célèbre designer Victor Papanek qui s’était lui
aussi intéressé au développement durable et à
l’éthique du designer : « nous [en] sommes les
défenseurs176 ». Il faut être capable de dire « non ».
Il faut être capable de conseiller un client pour
l’inciter à faire des choix plus durables177. Il faut
être capable de critiquer le design pour être
capable de comprendre ce qui va et ce qui ne va
pas. Les ressources sont limitées, de nombreux
exemples de mauvais design existent ; comme
la confidentialité de Facebook. Pourtant, chaque
jour, de nouveaux services viennent inonder
le champ des applications : applications caméra
pour smartphone, jeux de simulation de fermes
virtuelles. Des divertissements qui parfois ne
sont même pas utilisés178. Ne serait-ce pas là un
gaspillage de temps aurait pu être mis au profit
de causes qui en valent la peine ? Et si c’était aussi
un gaspillage d’énergie ?
3.2 LE GREEN IT : RÉDUIRE
L’IMPACT ÉNERGÉTIQUE DES TECHNOLOGIES
a. LE WEB VERSION DURaBLE
LE VIRTUEL A UNE EMPREINTE ÉCOLOGIQUELa fin de la première partie de cette recherche
portait sur le lien entre l’humanité et son
environnement, dont le caractère intangible
était favorisé par les réseaux sociaux. L’une des
première hypothèse est que la population pourrait
imaginer qu’internet n’est pas physique et n’a pas
d’impact sur l’environnement.
72
179 Efficience énergétique de l’it, Conférence Innov’ Eco, Paris, 5 février 2015
180 Timo Arnall, Internet Machine, Elasticspace.com, 2014
181 Entretien avec Christophe Clouzeau, [voir annexe]
C’est pourtant une technologie utilisée tous
les jours. Frédéric Bordage, spécialiste en
technologies vertes et directeur de GreenIt.fr,
explique dans une conférence179 qu’il existe trois
‘tiers’ constituant la consommation électrique
liée au web :
• Les terminaux : ce sont nos smartphones,
nos ordinateurs, qui envoient des données.
• Les réseaux : ils transfèrent les données.
• Les data centers : ce sont les infrastructures
de stockage des données.
L’artiste Timo Arnall met en image180 cette
consommation que nous soupçonnons moins
dans une projection intitulée The Internet Machine
(fig. 3.2). Si le web nécessite toutes ces machines
pour fonctionner, pourrait-il s’avérer que dans
certains cas des contenus numériques soient
moins écologiques181 que des contenus physiques ?
C’est l’hypothèse suggérée par Christophe Clouzeau,
directeur de l’agence Neoma et directeur du site
d’information webdeveloppementdurable.com.
fig. 3.2. The Internet Machine, Timo Arnall
73
182 Alma Media Determines the Environmental Impacts of Print and Online Media, almamedia.fi
183 Save the Planet through Sustainable Web Design, CreativeBloq.com, 2012
Ce schéma (fig. 3.3) compare l’empreinte
écologique produite en lisant un article182 d’un
journal finlandais en version en ligne ou papier.
Le rejet de Co2 est identique quelque soit le
support de lecture183. Pourtant, au début
des années 2000, il était courant de voir
des signatures de mail invitant à n’imprimer
ledit mail seulement s’il était très important.
Cela avait pour but d’inciter à économiser
le papier et à limiter la déforestation.
Une des limites d’un contenu virtuel
est que contrairement à un livre qui est fini, qui
est achevé, le virtuel peut être mis à jour de façon
continuelle ; nous l’avons vu avec l’exemple des
objets connectés ou du gps. Alors qu’un article de
journal est produit de manière limitée – ou gérée
tout du moins – un article en ligne peut être
potentiellement consulté, au moins une fois,
par plus de 7 milliards de personnes. Il semble
y avoir un manque de contrôle de la consommation
des contenu en ligne.
Production de papier journal
Transport des matières premières
Ressources des forêts8% d’émission
en moinsRecyclage
& gestion des déchets
Livraison & transport
Énergie du centre d’impression
Production du contenu
Encre et plaques
-8%2%
2%1%
13%
8%
5%
4%
57%
fig. 3.3. Empreinte écologique du journal finlandais Aamulehti
74
184 Green Mountain Data Centres, greenmountain.co
CHOISIR LES BONS OUTILSUne des hypothèses est qu’en travaillant avec des
développeurs et des ingénieurs, le designer peut
anticiper les outils technologiques utilisés. En
procédant de cette manière, il a plus de chance
d’optimiser la consommation énergétique de son
futur produit. Dans le paragraphe précédent, nous
nous étions attardés sur la consommation d’un
terminal. Pour rappel, il y a aussi la consommation
des deux autres tiers qui sont les réseaux et les
data centers. Ces derniers permettent le stockage
des données. Certaines entreprises ont un
réflexe durable et choisissent de mettre en
ligne leur service via un hébergeur écologique.
L’hébergeur greenmountain184 est un service de
‘green hosting’. Situé sur une île en Norvège, cet
ancien complexe militaire de l’otan est utilisé
comme infrastructure d’hébergement de sites
web et de données sensibles. La maintenance
et le refroidissement des machines demandent
de grandes ressources énergétiques. L’eau est
utilisée dans un système hydro-électrique (fig.
3.4) qui alimente l’infrastructure. La température
extérieure permet un refroidissement naturel
de l’eau et donc, des serveurs. C’est un système de
free-cooling ne nécessitant pas de refroidissement
assisté. La sécurité des données est renforcée grâce
à la topologie de l’île rendant l’infrastructure
difficile d’accès. Grâce à la pression exercée par
fig. 3.4. Solution de refroidissement de GreenMountain
75
185 Nombre de recherches sur Google, Planetoscope
186 Frédéric Bordage, Pourquoi seulement 10 résultats sur Google ?, GreenIt.fr, 2014
187 Heapmedia, Blackle - Energy Saving Search, blackle.com
188 « That turns into a global savings of 8.3 Megawatt-hours per day, or about 3000 Megawatt-hours a year. Now take into account that about 25 percent of the monitors in the world are CRTs, and at 10 cents a kilowatt-hour, that’s $75,000, a goodly amount of energy and dollars for changing a few color codes », Black Google Would Save 750 Megawatt-Hours a Year, Ecoirong.blogspot.fr, 2007
189 Larry Greenemeier, Fact or Fiction ? : Black Is Better than White for Energy-Efficient Screens, scientificamerican.com, 2007
l’eau, l’oxygène y est plus rare. Le niveau d’oxygène
peut aussi être volontairement baissé, rendant tout
déclenchement de feu impossible. Il est difficile
de courir sans être rapidement essoufflé ;
cela peut s’avérer utile en cas d’attaque.
DES PETITES ACTIONS AUX CONSÉQUENCES IMPORTANTESTout comme nos gestes simples au bureau,
l’optimisation du code, des images et du
fonctionnement d’un site peut faire varier
le poids des données transférées. Cela favorise
l’optimisation des ressources énergétiques.
Google compte185 approximativement 100 000
recherches effectuées chaque seconde
Graphiquement, les designers ont opté pour
le minimalisme. Ils ont aussi réfléchi à la façon
dont ils pouvaient effectuer des économies grâce au
fonctionnement des recherches. Lors d’une
recherche, seulement dix résultats sont affichés186.
La limitation de l’affichage des résultats évite
une surcharge de données car elles arrivent
au compte-gouttes ; elles sont réparties sur
plusieurs page. L’utilisateur sait que les résultats
les plus pertinents seront affichés sur la première
page, il ne chargera pas les données des pages
suivantes. Il y a donc une économie d’énergie,
une économie de temps, et un gain d’argent.
Selon le trafic d’un site, une simple modification
d’une ligne de code peut générer une économie
considérable. Nous prendrons encore une fois
l’exemple de Google. Le groupe australien
HeapMedia a poussé l’optimisation de cette page
à son paroxysme187 en créant Blackle. En 2007,
le bloggeur Mark Ontkush fait un rapide calcul
de l’économie qui pourrait être réalisée :
« Cela permet une économie de 8,3 Megawatts par
heure par jour, soit environ 3 000 Megawatts par
heure par an. En prenant en compte le fait que
25 % des écrans dans le monde sont des écrans
cathodiques, à 10 cents un kilowatt à l’heure,
c’est un total de 75 000 €, ça représente une bonne
économie d’argent et d’énergie rien qu’en changeant
des couleurs et quelques lignes de code188 ». Cette
page est presque identique à celle de Google à la
différence près que l’arrière-plan du site est noir et
non blanc. Cette économie ne tient qu’à la simple
ligne de code : « background-colo :#000 ». Il faut
tout de même émettre des réserves quant à cette
méthode ; les écrans lcd consomment en effet plus
d’énergie pour afficher du noir. Le calcul avait
été fait en 2007 où les écrans crt étaient encore
utilisés. Tony Heap189, le créateur de Blackle en
est bien conscient mais rappel que c’est la façon
de penser qui importe : « Je ne pense pas que les
économies d’énergie réalisées grâce à Blackle vont
76
190 « I do not expect the energy savings from Blackle to change the world on their own, but the point of Blackle is that every little bit counts », Ibid. 188
191 Steve Souders, The Performance Golden Rule, Stevesouders.com, 2012
192 Paul Adams, The Dribbblisation of Design, Intercom.io
193 Antoine Crochet-Danais, Le poids des pages web a explosé de 150 % en trois ans, journaldunet.com, 2013
194 The Average Web Page Has Grown 151 % in Just Three Years, Web Performance Today
195 Average Web Page Breaks 1600K, WebsiteOptimization.com, 2014
196 UPtv la WebTV de l’Université de Poitiers, Le Responsive Web Design : phénomène de mode ou méthode de conception durable ?, univ-poitiers.fr, 2013
197 Kelly Waters, What Is Agile ? (10 Key Principles of Agile), AllAboutAgile.com, 2007
à elles seules changer le monde, mais
ce que montre Blakle c’est que chaque
petite action compte190 ».
UNE ÉPREUVE DE DESIGN GRAPHIQUELes exemples de Google mettent l’accent sur
l’optimisation du code justifiée par le design.
Des sites peu esthétiques ou mal pensés
consommeraient-ils plus d’énergie ? Pour Steve
Souders, qui a travaillé à l’optimisation de Yahoo
et Google, l’utilisateur ne voit pas toutes les petites
optimisations qui sont faites dans le code. Il ne voit
que la partie front end, c’est-à-dire la partie visible
de l’iceberg. Toujours d’après Souders, « environ
85 % des gains en énergie se font grâce au retravail
de l’interface d’un site191 ». Tout porte à croire
qu’un bon design graphique va durer dans
le temps. C’est exactement le même principe
que le logo d’Apple abordé dans la première partie :
l’évolution du logo est en lien avec l’évolution
de la marque, le changement d’image est justifié
et cohérent. Malheureusement beaucoup trop
de sites et d’applications se précipitent à embrasser
les dernières fioritures tendances192. Comme elles
changent très souvent, certains sites subissent
une refonte graphique. L’utilisateur recharge
à chaque fois le nouveau contenu, entraînant
à nouveau un transfert de données. Le web
a un poids qui augmente considérablement193.
Le poids moyen d’une page web aurait augmenté
de 150 % en trois ans194. L’augmentation
du nombre d’objets par page et l’utilisation
de la vidéo en seraient les causes principales.
La course à l’interface la plus ‘cool’
accentue ce phénomène195.
Il ne faut tout de même pas renier toutes les
tendances qui, utilisées à bon escient, permettent
de réaliser des économies. Le ‘responsive design’
a été parfois considéré comme un effet de mode.
Il permet à un même contenu de s’adapter à
différents supports, répondant à la problématique
de la multiplication des terminaux et des tailles
d’écrans. La déclinaison sur les différents
périphériques de lecture rendent le contenu
facilement transposable196. L’utilisation du
responsive design est l’un des aspects de
la conception de sites modulaires,
avec une forte capacité d’évolution.
TRAVAILLER DE FAÇON AGILELes administrateurs d’un site auront sûrement
plus de facilité à faire une refonte de son interface
s’il a été pensé pour évoluer ; s’il n’est pas figé dans
le temps. Au lieu de créer un site en une seule fois,
ils pourraient créer le site étape par étape.
Il existe plusieurs197 méthodes198 ‘agiles’ ; cette
partie se concentre surtout sur celles permettant
au designer et à ses collaborateurs développeurs
77
198 Mightybytes.com, The Sustainable Product Development Manifesto, p. 5
199 Minimum Viable Product, mvp, [traduit de l’anglais]
200 Luke Clum, Understanding Agile Design and Why It’s Important, DesignShack.net, 2013
201 Hoa Loranger, Radical Redesign or Incremental Change ?, nngroup.com, 2015
202 « People love what can make their life easier », [traduction de l’auteur], John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, p. 8
203 Apple’s Macintosh Commercial, Apple, 1984
204 Desktop Metaphor, UsuabilityFirst.com
de créer un site étape par étape. Ainsi, un premier
site est mis en ligne avec ses fonctionnalités
essentielles. C’est ce qui est appelé le produit
minimum viable199. La construction du site
facilite son évolution et ne l’enclave pas dans un
état dont la moindre modification engendrerai
une grande refonte. Les collaborateurs procèdent
à des tests fréquents permettant d’identifier
plus facilement les erreurs200. La méthode est
optimisée, elle permet un compromis entre des
plateformes statiques et des sites qui nécessitent
une actualisation fréquente. Toutefois, la création
ou la refonte d’un site par incrémentation doit être
justifiée. Les retours des utilisateurs et la bonne
utilisation des statistiques récoltées donnent des
pistes sur les méthodes à adopter. Dans certains
cas, la refonte totale à partir de zéro peut être
beaucoup plus intéressante201.
B. RENDRE L’UTILISaTEUR PLUS EFFICaCE DaNS L’aRCHITECTURE DE L’INTERFaCE
LES GENS AIMENT LA SIMPLICITÉ« Les gens aiment qu’on leur facilite la vie202 ».
Lorsque les premiers ordinateurs ont été
disponibles auprès grand public à la fin des années
70, les consommateurs ont du apprendre à utiliser
l’outil informatique. Le Mac, créé par Apple203
en 1984, utilisait une interface graphique basée
sur la métaphore204 du bureau ; les constructeurs
souhaitaient en faciliter l’apprentissage (fig. 3.5).
Les usagers utilisaient le Mac avec sa corbeille,
ses dossiers et ses fichiers ; un réel espace
de travail.
fig. 3.5. Bureau de Mac OS, 1984
78
205 Macworld 2007, keynote, allaboutstevejobs.com, 2007
206 UX Implications of the Apple Watch, UXbeginner.com, 2014
207 Justin Kahn, Apple Watch Is Here : All-New UI, Tons of Customization, Two Sizes, Meet the Digital Crown, techspot.com, 2014
208 Jasonrr, Efficiency, Affordance, & Skeuomorphism, jasonrr.com, 2012
L’utilisateur pouvait donc plus facilement
comprendre qu’il disposait d’un vrai bureau :
écrire, trier ses écrits, les jeter ou les effacer.
Un des arguments de vente de l’ordinateur est
plutôt de simplifier les tâches des humains
et non l’inverse.
LES INDIVIDUS SE SENTENT MOINS PERDUS DANS UN ENVIRONNEMENT FAMILIERL’expérience s’est renouvelée en 2007 lors de la
sortie de l’iPhone qui introduisait les premiers
périphériques mobiles multitouch205. Les designers
ont utilisé l’hyper-réalisme ; les utilisateurs du
nouvel environnement d’Apple ont pu s’approprier
plus facilement l’interface. Dans les premières
versions d’iOs – le système d’exploitation
des appareils mobiles d’Apple – la calculatrice
ressemblait à une vraie calculatrice, avec des
boutons en relief, signifiant que l’utilisateur peut
réellement appuyer dessus (fig. 3.6). La police
d’écriture donne l’impression que les notes ont été
prises à la main sur un papier un peu jaune qui
traînait dans le portefeuille. Certains éléments
d’interface de l’agenda sont en cuir, comme le vrai
qui est sur le bureau ou dans la poche d’une veste
(fig. 3.7). Plus récemment, Apple a créé l’Apple
Watch206. Les designers semblent avoir pris
le parti d’utiliser la traditionnelle couronne207
fig. 3.6. Calculatrice iPhone, 2010
fig. 3.7. Application Find my Friends sortie sur iOs5, 2011
79
pour naviguer dans l’interface (fig. 3.8). Cette
décision a du sens car les utilisateurs de montres
classiques ont de grandes chances d’avoir déjà réglé
l’heure d’une montre avec la couronne. L’aspect
graphique et la forme de l’interface déterminent
sa fonction. Toutefois, il arrive que l’interface
numérique soit trop réaliste ou bien qu’elle omette
certains détails208. Elle gêne l’utilisation.
Une personne peut éprouver de la frustration
en utilisant une interface de ce type ; par exemple,
si elle a l’habitude de manipuler les boutons d’une
console de mixage et qu’elle n’éprouve pas le
même retour de force sur l’interface numérique,
ou bien qu’elle n’arrive pas a obtenir la précision
d’un vrai bouton cranté. La mission du designer
est de faciliter l’utilisation d’un usager. Dans le cas
d’une application qui doit convaincre l’utilisateur
à réduire sa consommation d’énergie, le designer
doit à la fois rendre l’application facile d’utilisation
et en même temps inciter une personne à changer
son comportement pour préserver l’environnement ;
c’est déjà très abstrait. Si le concept est trop
compliqué il y a de grandes chances pour
que l’utilisateur abandonne.
fig. 3.8. Navigation avec l’AppleWatch, 2014
80
209 Eli Blevis, Human-Computer Interaction Design Project 2.B Comfortable Spaces & Comfort Control Systems, 2009
CONTRAINDRE LES UTILISATEURS À AGIR DE MANIÈRE PLUS ÉCOLOGIQUELa métaphore du bureau est un moyen de rendre
l’utilisateur efficace dans le sens où il éprouve
moins de difficultés à utiliser quelque chose.
Le designer, dans la création d’une interaction,
peut, à l’opposé, contraindre l’utilisateur à opérer
d’une manière spécifique. Ici, ce ne sont pas des
méthodes où il y a des choix cruciaux comme
nous l’avons abordé dans la deuxième partie
de la recherche. Dans le domaine de la domotique,
des étudiants – de Blevis – ont imaginé un système
de chauffage intelligent209. Le but de cet appareil
est d’empêcher le gaspillage d’énergie à la maison,
au travail ou dans les transports en commun.
Un capteur situé sur le bras de l’utilisateur
– comme une montre ou un bracelet connectés –
communique en temps réel la température
corporelle de son porteur.
Le thermostat est réglé en fonction des données
recueillies. C’est le lieu qui adapte la température
aux besoins réels de la personne. Si plusieurs
personnes sont présentes au même endroit,
le chauffage calcule et détermine la température
optimale. Il n’y a pas de gaspillage ; si la personne
décide qu’il fait toujours trop froid, elle est contrainte
de se couvrir plus chaudement. L’expérience aurait
pu aller plus loin si le chauffage avait été quantifié
de manière limitée. Par exemple, s’il y avait eu une
jauge d’utilisation maximale du chauffage dans la
journée. L’utilisateur aurait dû gérer sa ‘jauge de
chauffage’ et choisir quand utiliser le chauffage.
81
210 Ann Bostrom, Baruch Fischhoff and Daniel Read, What Do People Know about Global Climate Change ?, 1994
211 « Eco-feedback technology provides feedback on individual or group behaviors with a goal of reducing environmental impact. [...] Eco-feedback technology is based on the working hypothesis that most people lack awareness and understanding about how their everyday behaviors such as driving to work or showering affect the environment ; technology may bridge this “environmental literacy gap” by automatically sensing these activities and feeding related information back through computerized means », [traduction de l’auteur], Jon Froehlich, Leah Findlater and James Landay, The Design of Eco-Feedback Technology, Proceedings of the SIGCHI Conference on Human Factors in Computing Systems, ACM, 2010, pp. 1999–2008
3.3 LE GREEN IT
a. RENDRE L’ÊTRE HUMaIN CONSCIENT DE SES aCTES PaR L’ÉCO-FEEDBaCK
LE GRAND PUBLIC MANQUE D’INFORMATIONUne étude210 révèle qu’il y a un manque
d’information et qu’existent de incompréhensions
sur des sujets environnementaux. Ces personnes
ne sont généralement pas conscientes que leurs
gestes de tous les jours consomment de l’énergie.
Comment une personne qui ne comprend pas
les problèmes et les enjeux à l’échelle planétaire
pourrait-elle adopter un comportement plus
durable ? Comment pourrait-elle recycler son
téléphone si elle ne sait pas comment procéder ?
Et comment la faire sortir de son confort
si un point de recyclage est trop éloigné ?
Comment le designer d’interaction peut-il traiter
l’information afin de la transmettre efficacement
et de manière compréhensible même à des
personnes ayant des conceptions erronées ?
Les designers ont repéré le manque
d’information dont il est question. Aussi, ils ont
réfléchi à la manière de leur transmettre des
informations sur leur consommation personnelle.
Ce sont des technologies d’eco-feedback.
Jon Froehlich211, professeur en sciences
82
212 Eli Blevis, Design d’interaction et développement durable, 2013
213 Wif 2012 : Programme des conférences et ateliers, présentation
214 InformationIsBeautiful.net
informatiques à l’université de Maryland
en donne une définition : « Les technologies
d’eco-feedback permettent un retour sur le
comportement de groupes ou d’individus dans
l’optique de réduire l’impact environnemental.
[L]’eco-feedback est basé sur l’hypothèse que
beaucoup de monde manque de connaissances
sur l’impact de leur comportement comme
prendre la voiture jusqu’au travail ou prendre
une douche ; la technologie pourrait permettre
de combler ces lacunes environnementales en
donnant automatiquement des informations
sur la consommation de ces activités
grâce à l’informatique ».
UNE MANIÈRE DE COMMUNIQUER L’INFORMATIONBlevis212 s’est rendu en France au festival du design
interactif213 à Limoges en 2012. Il est intervenu
dans le cadre d’une conférence. Il a expliqué que
nous avons tout le temps accès à l’information.
Quand nous nous levons, par exemple, nous
avons le réflexe de consulter la météo pour savoir
comment nous habiller. Selon lui, il faut donner
des informations beaucoup plus utiles et les rendre
accessibles. En poussant le propos à l’extrême,
Blevis propose de faire passer la question
« comment je m’habille ce matin » à « est-ce que
je pourrais encore vivre sur cette planète demain
matin ? » Il y a des étapes transitionnelles à
franchir avant d’arriver à ce stade. En apportant
du détail, l’information pourrait déjà faire passer
un individu du raisonnement « ma facture
est élevée car les prix sont élevés » à « ma facture
est élevée car j’ai mal consommé ». En recevant
une facture avec les données brutes de sa
consommation électrique, une personne peut
se perdre dans l’information. Elle peutpasser à côté
d’une information capitale sur sa consommation
qui pourrait être corrigée. Mais elle est noyée dans
l’information. Une infographie214, par exemple,
est un moyen de voir synthétiser l’information
et de la rendre plus accessible. Les technologies
d’eco-feedback peuvent se présenter sous la forme
d’infographie ou de data visualization. Mais
ce qui peut manquer, c’est l’aspect interactif
de ces systèmes.
EXPRIMER L’INFORMATION GRÂCE AUX TECHNOLOGIES D’AMBIENT DISPLAYL’intérêt du design d’interaction est que
l’information communiquée à l’utilisateur
est travaillée afin de faire sens. La personne
ne doit pas être passive vis-à-vis de ce qu’elle
a en face d’elle. Au contraire, comme il a été dit
précédemment, c’est le ressenti et les émotions
qui vont lui faire comprendre qu’elle agit d’une
83
215 Johnny Rodgers & Lyn Bartram, Ambient and Artistic Visualization of Residential Resource Use, Proceedings of the Graphics Interface, Citeseer, 2010, pp. 17–19
manière non adaptée. Pourquoi ne pas modifier
le cadre de vie de l’utilisateur ? Dans l’exemple
illustré215, les designers ont choisi de jouer sur
l’émotion et le ressenti de la personne. C’est
une visualisation intégrée au plan de travail
de la cuisine (fig. 3.9). Plus de l’eau est utilisée,
plus la visualisation se complexifie et s’accélère.
Une personne présente dans la pièce peut
se rendre compte de manière instantanée
si son utilisation d’eau est inadaptée.
Il y a pourtant deux remarques à faire sur
ce système. La première est que l’information
est peut-être transcrite de manière trop abstraite.
Effectivement, elle est synthétisée car c’est le visuel
qui traduit l’information, et ce de façon plaisante.
Mais elle manque peut-être de données chiffrées.
Enfin, comme le soulignent les créateurs eux-
mêmes dans l’article, l’animation devrait être
inversée. Ils ont remarqué que, parfois, les
utilisateurs consommaient volontairement pour
voir les nouveaux effets générés par l’installation.
Dans ce cas-là, le projet inciterait à consommer
plus alors que c’est l’effet inverse qui est bien
évidement attendu.
fig. 3.9. The West House kitchen backplash display
84
216 STATIC!, Interactive Institute, tii.se
CRÉER UN LIEN PLUS CONCRETDans l’exemple précédent, l’expérience serait
sûrement plus efficace si le retour d’information
était plus rapide et plus précis. Comme nous
l’avons vu dans la première partie, nous sommes
friands d’instantanéité. Cela pourrait rendre plus
concret le lien de cause à effet. Le projet Static!
va en ce sens216. Plus l’électricité transite via la
multiprises, plus le câble s’illumine (fig. 3.10).
Cela ne dépend pas de toute la consommation
d’électricité dans la maison mais d’un endroit
localisé. Ainsi, si une personne branche un
appareil gourmand ou défectueux, elle peut se
rendre compte instantanément de la consommation
d’énergie. Elle comprend que c’est l’action qu’elle
vient de faire avec cet appareil précis, dans cet
endroit précis, qui en est responsable. Aussi,
la multiprises permet de comparer différents
appareils électriques. Peut-être que le chargeur
de l’ordinateur d’un ami consomme moins que
celui qui est branché d’habitude.
fig. 3.10. Projet STATIC!
85
217 Jon Froehlich et al., UbiGreen : Investigating a Mobile Tool for Tracking and Supporting Green Transportation Habits, Proceedings of the SIGCHI Conference on Human Factors in Computing Systems, ACM, 2009, pp. 1043–52
UN LIEN AVEC LES ÉCOSYSTÈMESPlus tôt dans la recherche il était question
de métaphores. Par exemple, la métaphore
du bureau pour l’interface d’un ordinateur.
Les écosystèmes sont une extension de l’ambient
display. Le projet UbiGreen Transportation Display217
est une application installée au noyau de l’interface
d’un téléphone mobile (fig. 3.11). Lorsque
l’utilisateur démarre son smartphone pour la
première fois il a le choix entre deux fonds d’écran :
la représentation d’un arbre ou bien celle d’un
l’ours polaire sur sa banquise. En tirant profit
des outils de tracking des smartphones comme
l’accéléromètre ou le cardiomètre, l’application
récupère des informations pour déterminer
si son propriétaire a un comportement durable.
Les ‘ecosystèmes’ réagissent à ces données. S’il ne
laisse pas charger son téléphone inutilement et qu’il
emprunte des transports en commun, des phoques
peuvent apparaître dans l’eau glaciale et l’arbre
bourgeonnera. Au contraire, un mauvais
comportement entraînera la fonte des glaces
ou la mort de l’arbre. Comme dans la vraie vie.
Froehlich a contribué à ce projet. Son étude
a révélé que les enfants étaient plutôt enclins
à utiliser des appareils équipés de ce système.
Ils sont captivés par la possibilité de faire
évoluer un monde en temps réel. L’usage de ces
écosystèmes n’est pas réservé aux smartphones
et il peut se décliner sur d’autres appareils comme
les compteurs électriques ou les compteurs d’eau.
fig. 3.11. UbiGreen, évolution d’un environnement au fil des jours
86
218 Harri Oinas, Kukkonen et Marja Harjumaa, Persuasive Systems Design : Key Issues, Process Model, and System Features, Communications of the Association for Information Systems, 2009, p. 24
219 Becca Scollan, Teaching Complex Behaviors : Persuasive Technology and Sustainability
220 Caroline Lawson, Tamagotchi : Love It, Feed It, Mourn It, New York Times, 22 mars 1997
221 John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, chap. 9 p. 12
222 Hayao Miyazaki, Mon voisin Totoro, 1988
B. FaIRE aDOPTER UN COMPORTEMENT DURaBLE
LE PERSUASIVE DESIGN & LA PERSUASIVE TECHNOLOGYNous avons vu dans les paragraphes
précédents que des méthodes facilitent
les actions de l’utilisateur et le rendent plus
efficace. Même s’il est capable de réaliser une
action, rien ne garantit qu’il va véritablement le
faire. Le persuasive design est un processus qui tente
d’influencer le comportement218 d’une personne.
En l’appliquant, le designer cherche à répondre
à la question : « Comment motiver ma cible à faire
quelque chose ». Il peut s’appuyer sur différents
leviers comme les sentiments et les émotions
des utilisateurs qu’il vise. Il peut aussi miser sur
des stratégies faisant collaborer des groupes de
personnes en créant des interactions sociales.
C’est une façon de créer des espaces
de discussion ouverts au débat219.
LA CRÉATION D’UN LIEN SENTIMENTALLes Tamagotchis ont prouvé qu’un humain
pouvait avoir un comportement attentionné pour
un objet électronique220 et la ‘vie’ à l’intérieur
de cet objet. Cela semble encore plus fort lorsqu’il
s’agit d’un animal. D’ailleurs, lorsque Maeda fait
référence à ces animaux virtuels venus du Japon,
il parle de ‘digital animism’221. Comme si cela était
un archétype humain, quelque chose en nous.
Il est possible de retrouver cette animisme dans
l’idée du ‘dæmon’ Philip Pullman, ou les esprits
domestiques japonais222. S’il arrivait malheur
à la petite chose dont l’utilisateur s’occupe,
il y a de grandes chances pour qu’il éprouve
de la culpabilité. Si des utilisateurs sont capables
de faire le deuil d’un animal virtuel, pourquoi
n’éprouveraient-ils pas de la culpabilité lorsque
leur consommation est inappropriée ? Nous avons
vu qu’une des premières étapes à franchir était
la transmission de l’information. Mais, peut-
être que les usagers ont besoin d’un élément
déclencheur marquant pour prendre
pleinement conscience de leurs actes.
87
223 Corinna Fischer, Feedback on Household Electricity Consumption : A Tool for Saving Energy ?, Energy Efficiency, 2008, p. 3
224 Jon Froehlich et al., The Design and Evaluation of Prototype Eco-Feedback Displays for Fixture-Level Water Usage Data, Proceedings of the SIGCHI conference on human factors in computing systems, ACM, 2012, p. 7
225 Ibid., p. 9
226 Ibid., p. 8
227 Jérôme Lichtlé, Vos photos de vacances dépriment-elles vos amis Facebook ?, FranceTV.info, 2013
228 Social Super Ego, bbdo & Proximity Worldwide, 2011
SORTIR DU CONFORTL’une des barrières qui pourrait empêcher ou
ralentir une personne d’adopter de nouveaux bon
réflexes peut être la routine223. Les gens laissent
couler l’eau pendant qu’ils se brossent les dents.
Ils négligent de prêter attention à l’extinction des
lumières. Lorsqu’il était question des expériences
marquantes, nous avions vu le site interactif Sortie
en Mer pour inciter au port du gilet. Toutefois,
un tel système est difficilement applicable aux
technologies d’eco-feedback ; le retour d’information
doit se faire instantanément. Certains chercheurs
se sont intéressés à des systèmes de comparaison
de la consommation.
LES SYSTÈMES DE COMPARAISONIl y a tout d’abord une comparaison avec soi-
même. Quand une personne reçoit le détail
de sa facture, elle calcule calcule l’évolution
de sa consommation en fonction des années
précédentes224. La comparaison est cyclique.
Le retour d’information la rend comme seule
responsable. Ces recherches donnent des pistes
au design d’interaction pour agir. Si les usagers
fonctionnent de cette manière, les designers
pourraient imaginer créer des systèmes proches
du jeu où les utilisateurs se fixent eux-mêmes
des buts pour réduire leur consommation.
Des variantes pourraient exister.
Dans une famille, par exemple, les parents
pourraient utiliser une interface pour fixer
des seuils à ne pas dépasser, toujours dans un
esprit de jeu225. Le caractère ludique d’une telle
expérience est plus en proie à faciliter l’expérience.
Cette recherche ne rentrera pas dans les détails de
la comparaison sociale. Toutefois il est possible de
dire que, souvent, le facteur d’incitation à adopter
un comportement plus durable est la comparaison
avec autrui226. Les réseaux sociaux tels que
Facebook et Instagram favorisent ce genre
de comportements. Certains utilisateurs
de ces services postent constamment leurs photos
de nourriture ou de leurs lieux de vacances, pour
montrer le genre d’expériences qu’ils peuvent se
permettre de vivre227. Leur identité numérique et
le contenu qu’ils postent se veulent être le reflet228
de leur vie réelle ; tout comme les consommateurs
français des années 60 qui définissaient leur
identité en fonction des biens qu’ils achetaient.
Nous avions vu qu’une des principales difficultés
à créer un lien plus concret entre la consommation
énergétique personnelle et son impact sur
la planète était justement l’échelle planétaire.
Les différents exemples étudiés se sont attardés
sur des échelles plus petites comme une pièce
de la maison, la maison tout entière et un quartier.
Certains systèmes utilisent la sphère relationnelle
et sociale afin de motiver des comportements
plus durables.
88
229 Yassine A., Répartition par âge des utilisateurs de Facebook en France, Ya-graphic.com, 2012
230 « The use of Facebook for social browsing, for instance, to meet someone via the site with the intention of a later offline meeting, or to attend an event organized online, scored relatively low amongst their sample », [traduction de l’auteur], Adam N. Joinson, Looking At, Looking up or Keeping up with People ? Motives and Use of Facebook, Proceedings of the SIGCHI conference on Human Factors in Computing Systems, ACM, 2008, p. 2
231 Pete Cashmore, MySpace, America’s Number One, Mashable.com, 2006
232 Jennifer Mankoff and others, Leveraging Social Networks to Motivate Individuals to Reduce Their Ecological Footprints, in System Sciences, 2007. HICSS 2007, pp. 87–87
233 Nordic Conference on Human-Computer Interaction, NordiCHI 2010 : Extending Boundaries : Proceedings of the 6th Nordic Conference on Human-Computer Interaction, Reykjavik, Iceland, 16 octobre 2010, p. 4
UTILISER LE LEVIER SOCIALFacebook peut toucher un large panel229
d’utilisateurs. Les applications et mécanismes
intégrés à Facebook : ‘like’, partage, jeux, photos
permettent de diffuser de l’information à un
réseau privé ou public. Certains chercheurs ont
voulu tirer profit de ces services. En menant des
expériences liant réseaux sociaux et préservation
de l’environnement, des chercheurs se sont aperçus
que les étudiants étaient plus enclins à en discuter
sur Facebook plutôt que de planifier des séances
de discussion en vrai : « L’utilisation de Facebook
pour la navigation sociale – comme rencontrer
quelqu’un via le site – avec l’intention d’une
rencontre hors ligne ou pour participer à un
évènement en ligne ne représente pas un grand
pourcentage d’utilisateurs dans leur analyse
statistique230 ». En 2007, à l’époque où Myspace
était encore le réseau social231 le plus populaire,
Mankoff232 a proposé d’intégrer un système
de badge au profil de chaque utilisateur. Ainsi,
chaque utilisateur affichait en ligne son empreinte
écologique. L’idée est justifiée mais elle présente
un défaut majeur dans sa conception. En effet, elle
repose uniquement sur la volonté de l’utilisateur
à mettre à jour ses informations.
C’est une action qu’il doit accomplir manuellement
en remplissant quotidiennement un formulaire
avec ses relevés de consommation. Plus tôt dans
la recherche nous avions vu à quel point il fallait
encourager la simplicité sous peine de générer un
abandon. Trois ans après ce constat, les chercheurs
ont mis au point un système automatique233.
Grâce à un capteur installé dans le foyer, les
informations de consommation sont récoltées puis
transférées sur une base de données. Récupérées
via l’application développée pour Facebook, les
profils des utilisateurs sont actualisés. En plus
derendre la mise à jour automatique, les profils
énergétiques sont visibles par tous (fig. 3.12).
Un sentiment de culpabilité peut se développer
chez une personne qui consomme deux fois plus
qu’un de ses amis. Un classement permet à une
personne de voir le classement général de tous ses
amis comparer à eux. L’esprit de compétitivité
amical est renforcé. En revanche, l’interface,
réalisée par les chercheurs, ne paraît pas aboutie
ce qui peut être un frein à l’utilisation. Cela peut
justifier la nécessité d’intégrer un designer
dans ce type de projet.
89
234 Shwopping by Marks and Spencer, Go-green.ae
Toutefois, le but ne doit pas être de condamner
un ami mais plutôt de l’aider à comprendre.
De base, le système lui fait remarquer sa
consommation puisque l’utilisateur peut consulter
ses statistiques directement sur son profil. De plus,
des échanges humains se créent en utilisant
l’espace de commentaire, un mécanisme déjà
intégré à Facebook. Ces profils écologiques
représentent un espace de compétition mais
aussi de collaboration dans un but commun.
Plus récemment, en 2012, les magasins Marks
& Spencer ont lancé une campagne d’échange de
vêtements en partenariat avec avec l’organisme
charitable britannique Oxfam234. Chaque
personne voulant acheter des vêtements doit
d’abord se débarrasser d’un élément de sa garde
robe qui sera ensuite donné aux plus pauvres
ou bien recyclés. Les utilisateurs de Facebook
peuvent parcourir la collection de vêtements
de la marque et les acheter en ligne. Le système
de badge est encore employé et même amélioré
avec des paliers qui permettent de débloquer
de nouveaux badges et statuts (fig. 3.13).
fig. 3.12. L’application WattsUp
pour Facebook, 2009
fig. 3.13. Le système de badge
de l’application de Oxfam et Marks
& Spencer
90
235 The Telegarden Website, Berkeley.edu
236 « For its engaging use of the Web, bringing together an international group of strangers to explore and nourish nature in sharing a common garden, the First Prize goes to the Telegarden as a powerful metaphor for virtual communities », [traduction de l’auteur], ibid.
237 Les débuts d’internet en France, Ina.fr, 1995
IMPLIQUER LA POPULATIONDes systèmes similaires ont été pensés hors des
réseaux sociaux. En 1995, l’installation Telegarden
(fig. 3.14) a rendu possible l’entretien d’un jardin
télépilotable235 par quiconque se connectait
au site de l’installation. C’était un jardin bien
réel. Les utilisateurs pouvaient contrôler un
bras robotique et commander où déposer des
graines et où arroser. Présentée au début au
Festival des Arts Virtuels Indépendants en 1995,
l’installation a reçu le premier prix avec comme
commentaire du jury : « Pour son utilisation
engagée du web, conviant des inconnus de partout
dans le monde afin d’explorer et nourrir la
nature en partageant un jardin, le premier prix
revient à Telegarden, une puissante métaphore des
communautés virtuelles236 ». Telegarden était
un ovni dans l’univers du web à cette époque
où internet n’en était qu’à ses balbutiements237.
Depuis, l’expérience a rassemblé environ 10 000
utilisateurs au cours des neuf années de sa mise
en ligne. Les créateurs ont remarqué la formation
d’une vraie communauté autour de ce jardin.
Des utilisateurs se sentaient responsables de
la croissance de leur plante. Ils ont adopté un
comportement protecteur vis-à-vis de leur
création, demandant parfois aux personnes
rencontrées sur le chat de s’occuper de leur
plante pendant qu’ils partaient en vacances par
exemple238. En effet, un chat en ligne permettait
aux utilisateur de discuter du dispositif mais aussi
de sujets différents. En 2005, sur une période de
trois mois, il était possible d’observer un échange
d’un peu plus de 20 000 messages entre 347
participants. Le travail du designer d’interaction
serait peut-être aussi de réfléchir à des expériences
sociales et collaboratives qui facilitent l’adoption
d’un comportement écologique. Au-delà de donner
une bonne image de soi, quelles sont les autres
raisons qui pourraient motiver quelqu’un
à agir de façon plus écologique ?
fig. 3.14. L’installation Telegarden, 1995
91
238 Peter H. Kahn Jr and others, The Distant Gardener : What Conversation in the Telegarden Reveal about the User Experience of Telepresence, Proceedings of the 14th international workshop on robot and human interactive communication, 2005, pp. 13–18
239 Recyclebank.com
240 Sarah Perez, Recyclebank Turns “Green” Actions Into Discounts At New Shop For Sustainable Goods, One Twine, TechCrunch.com, 2014
241 Charity Miles | Indiegogo, IndieGoGo.com
SERVIR L’ENVIRONNEMENT DANS UN INTÉRÊT PERSONNELLa population peut servir son propre intérêt
tout en apprenant à avoir un comportement plus
durable. Des services existent afin de stimuler
la motivation des individus. Ils reposent sur
le persuasive design. Il peut se traduire par la
création d’un intérêt pécunier par exemple.
Depuis 2004, Recyclebank239 présélectionne
des articles qui sont tous respectueux de
l’environnement. Le consommateur utilise
des filtres pour sélectionner les articles
avec les avantages qui lui importent le plus.
En achetant un produit écologique, les acheteurs
sontrécompensés en coupons de réduction à faire
valoir sur le site ou bien chez des partenaires240 ;
c’est un retour sur investissement.
Gene Gurkoff est le créateur de Charity Miles241.
Son service convertit l’effort physique d’une
personne en dons. Pendant que l’utilisateur
de l’application court pour se maintenir en forme,
il matérialise son temps et son énergie en argent
(fig. 3.15). Les cyclistes gagnent 10 centimes
par mile et les coureurs gagnent 25 centimes
par mile. Cette somme est directement reversée
à des associations dont le choix est réservé aux
utilisateurs. La simplicité et l’efficacité du système
incitent à utiliser l’application. Le don ne se fait
pas directement par l’utilisateur : il n’a jamais
eu l’argent entre les mains et se pose moins la
question de le débourser. L’action de l’utilisateur
est automatisée, tout comme nous l’avions vu avec
le système des profils Facebook automatiquement
mis à jours.
fig. 3.15. Capture d’écran de l’application Charity Miles
92
242 Ibid.
En juin 2013, Gurkoff dresse le bilan en s’adressant
directement à ses utilisateurs :
« Vous avez permis de gagner 354 570,47 $
pour la bonne cause ! En plus de cela vous avez :
• récolté plus de 127 000 $ pour l’autisme,
• 50 000 $ pour les vétérans de guerre blessés
et la recherche sur le cancer et la maladie
de Parkinson,
• permis l’éducation de 554 filles pour un an,
• 23 584 doses de pilules antirétrovirales,
aux personnes atteintes du vih,
• Nourri 407 540 personnes.242 »
Ici la récompense est physique, grâce au sport,
et morale – grâce au don. Il y a une réelle
implication de l’individu, ‘corps et âme’.
93
243 Introducing Lantern : One Device = Free Data Forever, 2014
244 Ibid. 23
3.4 DES LIMITES
a. La TECHNOLOGIE N’EST PaS FORCÉMENT La SOLUTION
LE PARADOXE DE JEVONS SEMBLE TOUJOURS D’ACTUALITÉLe designer est amené à utiliser de nouvelles
technologies pour créer des solutions. Ce qui
est observable c’est que dans certains cas cela
contribue à des effets qui peuvent être considérés
comme néfastes. La sur-consommation
d’informations, la connexion permanente sont
considérés comme des problèmes contemporains.
Pourtant des projets aux intentions louables
sont critiquables dans leur procédé. Lantern
est un périphérique243 qui permet d’accéder
à une connexion n’importe où sur la planète ;
la connexion s’opérant grâce à des ordinateurs
situés dans l’espace. Alors que la fibre optique
se développe de plus en plus, que les smartphones
peuvent se connecter via la 4g et que les réseaux
wifi gratuits pullulent, ce projet donne la capacité
à un particulier de bénéficier presque tout
le temps d’une connexion perpétuelle.
Tout comme l’exemple du conducteur découvrant
une voiture hybride244, Lantern rend accessible
ce type de connexion à tout le monde, partout.
Et si certains endroits de la planète étaient préservés,
la population ayant du mal à s’y installer faute d’accès
à internet et à l’électricité ? Et si Lantern facilitait
94
245 Frédéric Bordage, Logiciel : la clé de l’obsolescence programmée du matériel informatique, GreenIt.fr, 2010
246 Intel croit toujours en la loi de Moore, mac4ever.com, 2014
247 Ibid. 59, 01 :31
248 Henry Winchester, How Google Now Can Help You Be More Efficient, Techradar.com, 2012
249 « Technology is a human disabler », [traduction de l’auteur]
250 Edwards Lin, Study Suggests Reliance on GPS May Reduce Hippocampus Function as We Age, Phys.org, 2010
le déplacement de touristes qui pollueraient alors
des lieux qui n’ont pas encore été dégradés ?
Si ce projet est pris en exemple c’est qu’il met en
exergue le fait que l’être humain est limité. Ceci
n’est pas forcément une mauvaise chose. Ici il est
limité de façon naturelle par les longues distances
et le climat. Les technologies lui permettent
de dépasser ces obstacles, mais alors quelles
conséquences pour l’environnement ?
Le paradoxe de Jevons se retrouve aussi dans
l’innovation logicielle. C’est encore une fois
une incitation à la consommation ; les logiciels
sont plus performants et demandent plus de
ressources matérielles. En 2010, il avait été
constaté qu’un simple outil de traitement de texte
voit sa puissance requise pour l’écriture doubler
tous les deux ou trois ans245. Aujourd’hui, c’est
un effet de plateau qui est observé246. En effet,
les constructeurs ont plus de mal à créer des
processeurs plus puissants, un des principaux
arguments de vente d’ordinateur. Une part
du parc informatique ne se renouvelle pas
ce qui incite les constructeurs à changer leur
approche. Ainsi, l’accent est mis sur la création de
processeurs moins gourmands en énergie mais
aussi sur la création de logiciels et d’applications
qui demandent moins de ressources car elles
se concentrent sur l’essentiel. Le matériel
informatique a une influence sur le logiciel.
LA TECHNOLOGIE PEUT RENDRE LES HUMAINS MOINS EFFICACESOui, la technologie permet aux humains de
se surpasser247. Dans l’organisation d’une
semaine de travail par exemple ; là où les
agendas traditionnels ne suffisent plus, des
centaines d’applications et de logiciels viennent
pallier ce problème. Avec Google Now, Google
réalise plus qu’un logiciel : c’est un auxiliaire248
accompagnant son utilisateur parfois même sans
que ce dernier ne le sollicite. Google Now génèrera
automatiquement votre carte d’embarquement
personnalisée rien qu’en détectant que vous avez
acheté des billets d’avion. Et si la technologie
remplaçait l’être humain ? Loin des films
de science-fiction, Maeda dit tout de même :
« La technologie est un désactivateur
d’humains249 ». Si les conducteurs des taxis
londoniens sont capables de retenir par cœur la
carte de la ville250 – indispensable pour obtenir
leur licence de taxi – pourquoi une personne
irait-elle jusqu’à s’encombrer d’une pléthore
de logiciels ? C’est comme s’il se laissait guider
par la technologie l’entourant au lieu de faire
devrais choix, rationnels et conscients. Il semble
s’abandonner dans le confort de la technologie.
95
251 Jon Froehlich et al., The Design and Evaluation of Prototype Eco-Feedback Displays for Fixture-Level Water Usage Data, Proceedings of the SIGCHI conference on human factors in computing systems, ACM, 2012, p. 3
252 Rakesh Sharma, Google’s Acquisition of Nest and your Privacy, Forbes.com, 2014
L’ECO-FEEDBACK OUI, MAIS À QUEL PRIX ?Les systèmes d’eco-feedback pris en exemple
présentent certaines limites. Ils peuvent
se révéler plutôt intrusifs dans leur mode
de fonctionnement. S’agissant de compétition,
par exemple, au sein d’un même quartier,
il est légitime de se poser des questions
d’éthique. Il est intéressant d’établir des
études comparatives251 entre les modes de
consommations de différents foyers ou de faire
une expérience ponctuelle pour réfléchir à ces
dispositifs. Mais la consommation d’énergie d’un
particulier, bien qu’elle ait des conséquences à
l’échelle planétaire, reste dans le domaine privé.
L’étude révèle d’ailleurs que les utilisateurs,
lorsque la question leur est posée, s’insurgent et
disent que leur consommation ne les concerne
qu’eux. En revanche, ils ne sont pas forcément
au courant de certaines pratiques qui peuvent
venir perturber leur quotidien ou profiter des
informations qu’ils émettent. C’est ce qui peut
être observé dans le cas du dispositif Nest (fig.
3.16). Début 2014, Google a racheté la startup
Nest252 pour 3,2 milliards de dollars. La startup
californienne de Matt Rogers et Tony Fadell a
développé des périphériques permettant un eco-
feedback. La firme est notamment connue pour
fig. 3.16. Image promotionnelle
du thermostat Nest
96
253 Deacon Webster, Google Bought Nest. What Could Possibly Go Wrong ?, Adage.com, 2014
254 « Ne soyez pas mauvais », [traduit de l’anglais]
255 Adam Hudson, Using Its Wealth, Google has become a DC lobbying juggernaut, and they still know everything about us, Alternet.org, 2014
256 Jennifer Mankoff and others, Leveraging Social Networks to Motivate Individuals to Reduce Their Ecological Footprints, in System Sciences, 2007. HICSS 2007. 40th Annual Hawaii International Conference on (IEEE, 2007), pp. 87–87
257 Entretien avec Raphaël Yharrassarry, [voir annexe]
258 Samir Chatterjee and ACM Digital Library, Proceedings of the 4th International Conference on Persuasive Technology, New York ACM, 2009
son thermostat connecté qui apprend a connaître
de façon autonome les besoins énergétiques des
habitants de la maison, recommandant des modes
de fonctionnement adaptés à l’utilisateur. Lorsque
l’utilisateur fait des économies d’énergie, une
feuille verte apparaît Tout comme Google Now,
ce système pose des questions concernant la
confidentialité et la nature des données captées
par la machine253. Le périphérique est contrôlable
distance, il est même possible de le régler en
partant du travail pour retrouver un salon à une
température agréable. Tout ceci est accessible
depuis le smartphone de chacun. Ainsi, un
habitat peut lui-même être piraté ; les individus
mal intentionnées arrivant à outrepasser les
sécurités logicielles. Ils n’ont plus qu’à vérifier
si les habitants d’une maison utilisent bien leur
chauffage pendant l’hiver, sinon, c’est qu’ils
ont dû probablement s’absenter. De plus, le
thermostat étant couvert de minuscules capteurs,
rien ne garantit que Google ne revendra pas
des informations sur la consommation à des
fournisseurs. Un article ironise en disant
que si l’usager passe la journée au lit au lieu
d’aller au travail et qu’il met le chauffage au
maximum, il ne devra pas s’étonner de voir des
recommandations de produits pharmaceutiques
ou des bons de réduction pour des tisanes lorsqu’il
consultera sa boîte mail.
Face aux critiques, Google – dont l’une des lignes
directrice est « Don’t be evil254 » – n’a montré
pourtant que très peu de transparence quant
à la destination finale des données récupérées255.
Enfin, ce type de dispositif semble réservé à une
cible aisée. Même si le but de ce thermostat est
louable, il faut tout de même dépenser plus de
200 € afin de l’acquérir256. Mais alors le design
marketing ne serait-il pas une menace pour
les équipements qui cherchent pourtant à limiter
le gaspillage d’énergie ? Certaines entreprises
n’en tireraient-elles pas profit ? Existe-t-il
des dérives concernant le marché « green » ?
B. DES DÉRIVES ET CRITIQUES
LE BAD PERSUASIVE DESIGNLe persuasive design permet d’inciter les individus
à modifier leur comportement. Ce type de pratique
remonte au début du xxe siècle257. Il existe une
vraie science des comportements. Dans un article
universitaire, Fogg258, de l’université de Stanford,
met à disposition des schémas qui expliquent
comment maximiser les chances de changer un
comportement en déclenchant certaines actions
97
259 Christophe Carrière, 99 Francs : Extension du domaine de la pub, 2007
260 Jan Kounen, 99 Francs, 2007
261 John Robinson, Squaring the Circle ? Some Thoughts on the Idea of Sustainable Development, Ecological Economics, 2004, p. 6
262 Green Design vs. Greenwashing, ElectronicsTakeBack.com
à un certain stade émotionnel du sujet. Ce sont
les déclencheurs que nous avons vu plus tôt ; des
méthodes touchant au domaine de la psychologie.
Rien n’empêche un designer de les utiliser à bon
escient pour favoriser des comportements positifs.
Toutefois, Fogg insiste sur le fait que le but du
design marketing est de vendre. C’est ainsi que
marche l’économie. Il faut garder à l’esprit que
parfois, le design persuasif peut inciter
quelqu’un à mal agir.
LE GREENWASHING ET L’OBSOLESCENCE POLITIQUE DÉTOURNENT LE GREENLes publicitaires font preuve de plus de
transparence. Ils ne sont plus décrits259 comme les
fervents défenseurs du système capitalise piégeant
le consommateur260 comme dans le film 99 Francs.
Pourtant, des techniques marketing mettant
l’accent sur le côté écologique d’un produit
peuvent induire le consommateur en erreur.
La tendance écologique qui s’est développée a
permis de créer des produits ou des services
qui respectent l’environnement261. Néanmoins
certaines firmes mal intentionnées recherchent
le bénéfice et déguisent un produit polluant sous
une enveloppe écologique, c’est ce qui est appelé
le greenwashing. Le consommateur pense bien
agir en consommant un produit mais il n’est pas
conscient qu’il participe à la pollution ou à une
mauvaise pratique. Par exemple, un fournisseur
de téléviseur qui dit ne pas utiliser de plomb et
s’en sert comme argument de vente principal,
mais omet de préciser que son téléviseur contient
du mercure en grande quantité262. Ce phénomène
est favorisé par le design marketing. Puisque le
consommateur se réfère à des codes universels,
s’il veut un service durable il va dès lors se diriger
vers quelque chose de vert, avec une fleur ou des
feuilles qui évoquent la nature. Mais ceci n’est
qu’une enveloppe, qu’est-ce qui prouve que son
utilisation est bien durable ? Il faut se rappeler du
changement de logo de bp évoqué dans la première
partie de ce document, où la firme pétrolière
est passée d’un logo de bouclier à une fleur qui
s’épanouit, proche du soleil. Ce genre de pratique
rend l’utilisateur encore moins sûr de ses choix
qui, rapellons-le, sont cruciaux. La méfiance du
consommateur peut le faire passer à côté de produits
réellement durables. Cette méfiance pourrait
même s’étendre à la conception même de l’écologie,
rendant les individus réfractaires à un changement
de comportement.
Certaines décisions politiques viennent
alimenter une ‘obsolescence écologique’. C’est
en grande partie dû au fait que le mouvement du
développement durable est devenu très dépendant
des décisions politiques. C’est ce que Christophe
98
263 Christophe Degreyse, Politique, revue de débats : du “Greenwashing” à la décroissance, eu.org, 2009
264 Guideline for procurement of efficient lighting, Energiesparverband, mai 2012
265 Béatrice Héraud, Lobby, greenwashing et charbon au menu du sommet de Varsovie, 2013
266 Laetitia Van Eeckout, L’Europe abandonne ses projets visant à lutter contre la pollution, LeMonde.fr, 2014
Degryse, journaliste spécialiste de la politique
sociale européenne, précise dans un article263.
D’après lui ; « [s]i le greenwashing n’est jamais
qu’une démarche volontaire des entreprises,
le développement durable se fonde sur tout un
arsenal législatif dans lequel, dès lors, le rôle
du politique est prépondérant ». D’ailleurs, en
2009, l’Union Européenne adopte des mesures
environnementales plus sévères264 en décidant de
remplacer les ampoules à incandescence par des
ampoules à plus faible consommation d’énergie.
27 pays se voient imposer une nouvelle norme.
Une telle action à première vue entraîne du gâchis
et force le consommateur à acheter un nouveau
produit alors qu’il peut potentiellement déjà en
posséder un autre modèle. Cela ressemble à une
tentative de greenwashing. Ce n’est pas surprenant,
compte tenu de la pression exercée par les lobbys et
les entreprises privées dans le secteur écologique265.
Plus récemment, la Commission Européenne
a annoncé266 qu’elle devrait abandonner les
mesures qu’elle avait appliquées vis-à-vis de la
qualité de l’air et de l’économie circulaire au profit
de la création d’emplois, sous la pression
du patronat.
DES DISCOURS PARFOIS TROP SIMPLISTESLes valeurs du design et la notion d’éthique sur
lesquelles Monteiro met l’accent sont tout à fait
justifiées. Mais son analyse peut paraître un peu
trop directe. Premièrement, Monteiro explique qu’il
a quitté son ancien studio car il refusait de réaliser
certains projets qui allaient à l’encontre de ses
principes et qu’il a ensuite créé Mule Design. Mais
ce type de changement est-il à la portée de tous ?
Tout le monde n’a pas forcément les ressources
mentales – du cran en quelque sorte – ni les
mêmes ressources budgétaires pour décider de
tout quitter pour créer une nouvelle structure.
Deuxièmement, il est plutôt utopique d’espérer
voir partout un design exceptionnel : tout le
monde n’a pas le même niveau, tout le monde n’a
pas eu de formation dans les meilleures écoles qui
ont un coût élevé, surtout aux États-Unis. Dès lors,
certains ont choisi de faire ce métier non pas parce
qu’ils sont animés par cette vocation de rendre de
le monde meilleur mais parce qu’ils ont d’abord
besoin d’argent. Peut-être que leur situation
s’améliorera et qu’ils pourront refuser certains
projets tout comme Monteiro.
99
CONCLUSIONLes réseaux sociaux, critiqués au début de l’étude, peuvent finalement
servir de leviers pour faire réagir la société. Encore une fois,
il y a un paradoxe : d’un côté la technologie peut aider à réduire
la consommation d’énergie grâce aux technologies d’ambient display
mais en utilisant des machines nous consommons de l’énergie.
Le designer n’a pas une liberté totale et doit faire face à des limites
qui sont mises en place par des institutions ou plus simplement
parce que, en tant qu’humain, il a lui aussi des besoins.
100
3.5 CONCLUSION
Toute action de la part d’un designer sur une des sphères sociale, économique,
culturelle ou environnementale induit forcément des répercussions sur les autres
sphères. Il participe à la création de nombreux dilemmes et paradoxes et ce depuis le
début de la révolution industrielle. Le paradoxe de Jevons, la nécessité de la technologie
ainsi que son rejet en sont des exemples. Chaque problème à une solution entraînant
des conséquences qui ne peuvent pas toujours être anticipées. Parfois, tout simplement,
aucune mesure n’est adoptée car le problème n’est pas pris au sérieux ; c’est le cas du
réchauffement climatique qui a été officiellement décrété comme un problème majeur
de grande envergure en 1984. Comment la société de consommation et la révolution
numérique ont rendu intangible le lien entre l’être humain et la nature ? Des études
montrent qu’une grande part de la population mondiale manque d’informations
sur l’écologie et les problèmes environnementaux. Dès lors, il est difficile
de concevoir comment les usagers pourraient remettre en question
leur mode de vie à l’échelle planétaire.
Le designer d’interaction affiche des compétences qui lui permettent de proposer
des solutions. Il est capable de créer des expériences, de jouer sur les sens et d’influencer
les usages des utilisateurs. Il a la capacité de délivrer une information et de lui donner
de la valeur. Appliquer des méthodes de design axées sur l’innovation l’aide à intégrer
l’utilisateur dans son processus de design et à le mettre au centre de l’interaction.
Il semble être tout à fait apte à répondre à des problématiques environnementales
et à modifier les comportements. Le designer peut donc inspirer des pratiques
de consommation durables.
Comme nous l’avons déjà vu, puisque la production du designer a des conséquences
sur les autres sphères, il doit penser en termes de système et penser depuis la phase
101
même de concept jusqu’à la production et la vente d’un produit. Il est encouragé
à travailler en équipe et c’est grâce aux échanges qu’il provoque qu’il peut inspirer
des pratiques durables auprès des professionnels et du grand public. Tiraillé entre
la demande marketing, le besoin de l’utilisateur, ses propres besoins et ceux de
l’environnement, il doit se remettre constamment en question et doit songer à
l’éthique. Il peut alors être green au quotidien ou bien utiliser ses compétences pour
rendre les autres plus green. Sa réflexion autour de l’utilisateur, et même autour de
l’être humain, lui donne la capacité d’imaginer des dispositifs utilisant des leviers
sociaux pour stimuler des comportements et des modes de consommation durables.
Comportements pouvant même créer un sentiment de culpabilité – plus que de remise
en question – auprès des utilisateurs.
Mais le designer reste un être humain, soumis aux pressions du marketing ; il est
parfois difficile de refuser des tâches contraires à son éthique. Ensuite, la canalisation
du comportement d’un être humain peut être détournée à des fins peu glorieuses. Ces
pratiques se retrouvent au côté d’autres pratiques marketing qui usent du greenwashing
afin de vanter les mérites de certains produits se targuant d’être écologiques alors qu’il
n’en est rien. Le designer doit donc adapter ses choix de design et remettre son travail
en question s’il veut s’efforcer de répondre à toutes les problématiques. Toutefois, la
technologie est-elle toujours la solution ? L’une des hypothèses de ce mémoire était déjà
évoquée dans l’introduction de la recherche en prenant l’exemple des imprimantes
Xerox qui permettent de réimprimer plusieurs fois sur une même feuille. Est-ce plus
intéressant de créer des technologies répondant directement à un problème que
l’humanité a provoqué, ou bien faut-il opter pour des solutions portées sur l’éducation
de la population ? Ce mémoire a tenté de démontrer qu’il était plus intéressant de
privilégier l’éducation de la population en créant des outils facilitant l’apprentissage
ou qui mettant en lumière les méfaits des mauvaises pratiques de consommation trop
souvent cachées ou tout simplement oubliées. L’appel à la technologie peut-être justifié
102
267 « Typical interaction designers are not climate scientists, but interaction designers can make well-informed use of climate sciences and closely related sciences. Interaction design can make scientific information, interpretations, and perspectives available in an accessible and widely distributed form so that people’s consciousness is raised. [...] Interaction design can help bridge the gap between scientific predictions and notions of certainty and uncertainty on the one hand and public conventional wisdoms that, however well intentioned, may lead to an unsustainable future or inadequate responses to climate change on the other hand », [traduction de l’auteur], Eli Blevis, Hope for the Best and Prepare for the Worst : Interaction Design and the Tipping Point, Interactions, 2010, p. 1
268 Be Green Umeå
269 « In 2008 and 2009, I tried a few attempts to introduce the same platform outside Sweden but it never took off. One of the biggest obstacle when I presented the platform to potential investors was the revenue stream », [traduction de l’auteur]
si son impact écologique est minimisé. Blevis résume cela en disant : « Les designers
d’interactions ne sont pas des climatologues, mais ils peuvent faire bon usage des
sciences du climat et des autres domaines de recherche qui y sont rattachés. Le design
d’interaction peut rendre accessibles l’information scientifique, des interprétations et
certaines visions à une grande part de la population afin de soulever les consciences.
[...] Le design d’interaction peut aider à créer un lien plus fort entre les prédictions
scientifiques et les différentes certitudes et incertitudes du grand public qui reposent
sur des conventions infondées et qui, même si elles sont parfois louables,
peuvent favoriser un futur non durable ou une réponse inadéquate
au problème du changement climatique.267 »
Ce type de question semble toutefois être étudié dans certaines régions du globe
plus que d’autres. La plupart de mes sources sont extraites d’articles universitaires
d’enseignants chercheurs aux États-Unis ou de conférences internationales. Je pense
que même si c’est un autre sujet, l’étude des différentes cultures est primordiale à
long terme dans le domaine de l’environnement. Les politiques environnementales
semblent varier selon les pays. Ainsi des solutions comme le projet Green Umea268
mis en place par la designer You Le Chong dans la ville de Umea en Suède semble
difficilement applicables dans d’autres pays. Lors d’un échange elle m’a confié ceci :
« En 2008 et 2009, j’ai essayé plusieurs fois d’introduire la même plateforme en dehors
de la Suède mais ça n’a jamais marché. Le plus grand obstacle quand je l’ai présentée
à des investisseurs était le manque de revenus générés269 ». Grâce à cette recherche j’ai
développé un autre regard sur les technologies que j’utilise au quotidien. Je suis plus
critique envers les nouveaux objets qui voient le jour. Il y a six mois j’étais enthousiaste
à l’idée de la création du projet Phonebloks. Maintenant j’essaye de réfléchir à toutes les
conséquences qu’un tel concept peut entraîner.
Le mémoire m’a aussi permis de discuter avec des designers ou des professionnels
dans d’autres domaines en France, en Allemagne, en Malaisie et aux États-Unis,
contribuant au développement d’un esprit et d’un discours critique. Je me suis étonné
de découvrir le lien si grand existant entre le design et la recherche scientifique.
103
270 « People are creative by nature, and always not quite satisfied with the design of something that they have, that they bought, that they adapted.[...]The tools with which we do design today are our tools. We make the shapes, they buy and use the shapes. Tomorrow, the tools to make things and define your world will be available to everybody », [traduction de l’auteur], Gary Hustwit, Objectified, 2009, 1 :11 :30
271 Un Togolais crée une imprimante 3D grâce à des déchets électroniques, Les Observateurs
272 Human-Centered Design Toolkit, ideo.com
Je pense être enthousiaste à l’idée de travailler dans le domaine de la recherche en
lien avec l’environnement plus tard. Pour conclure sur les apports de cette étude, je
pense avoir développé un sentiment de confiance. Dans un premier temps vis-à-vis de
mon avenir car je réalise à quel point le design est vaste et à quel point il est possible
d’intervenir sur des problématiques contemporaines. Mais je suis aussi confiant quant
à l’avenir de l’humanité en la capacité des humains à trouver des solutions en utilisant
son potentiel créatif qui l’anime pour permettre à la fois aux humains de croître dans
l’égalité et de préserver l’environnement. Je rejoins l’optimisme du designer automobile
Chris Bangle : « Les humains sont créatifs par nature et ne sont jamais vraiment
satisfaits du design de quelque chose qu’ils ont, qu’ils ont acheté, qu’ils ont adapté. [...]
Aujourd’hui les outils que nous utilisons dans le design sont ‘nos’ outils. Nous créons les
formes, ils achètent et utilisent ces formes. Demain, les outils de création qui peuvent
transformer le monde seront à la portée de tous270 » dit-il en 2009. Aujourd’hui il n’est
plus étonnant de voir qu’il est possible de créer à partir de rien, comme le Togolais Afaté
Gnikou271 qui a réalisé une imprimante 3d à partir de déchets et sans connaissances
en électronique. Il s’est uniquement servi des ressources disponibles sur le web.
Les designers doivent penser à la manière dont ils peuvent transmettre leurs outils
et leurs méthodes pour qu’ils se propagent partout dans le monde. Par exemple le
Human Centered Design Toolkit272 d’ideo est un document gratuit d’une centaine de pages
qui explique les tenants et les aboutissants du Design Thinking, du design centré sur
l’humain, des méthodes et des pratiques et les concrétise en développant des études de
cas. Tout le monde peut s’approprier ce document et tenter de solutionner des problèmes
avec ce qu’il y apprend. Ces dernières réflexions montrent que le design d’interaction
durable ne doit pas se limiter aux pays développés. Ce qui se produit dans ces pays peut
avoir des conséquences néfastes dans d’autres régions du monde. Il est important de
continuer à réfléchir à des dispositifs sur mobile et à des objets connectés. Mais certains
problèmes méritant d’être résolus apparaissent dans des zones géographiques où la
population ne possède pas de smartphone et et a encore moins accès à l’électricité.
105
ANNEXES
106
fig. 1.8. Infographie des futures ressources rares, Armin Reller, 2009
107
fig. 2.2. Infographie des futures ressources rares, Armin Reller, 2009
108
Éco-design
Processus qui intègre l’environnement lors une phase de création.
Bio-mimétisme
Le terme de biomimétisme désigne l’imitation de propriétés
remarquables du vivant dans les activités humaines.
Obsolescence programmée
L’obsolescence programmée est une stratégie visant
à réduire la durée de vie d’un produit pour augmenter son taux
de remplacement et provoquer un nouvel achat prématurément.
Développement durable
Un développement qui répond aux besoins du présent
sans compromettre la capacité des générations futures
à répondre à leurs propres besoins.
Cradle to Cradle
Système d’économie circulaire.
Upcycling
Recycler avec une valeur ajoutée au produit ou lui trouver
une nouvelle utilisation.
Downcycling
Résultat d’un recyclage faisant perdre à un objet sa qualité
et/ou ses fonctionnalités.
Affordance
La capacité d’un produit ou d’un système à suggérer sa propre
utilisation. C’est un concept imaginé par James J. Gibson
dans les années 70.
Technologie
Étude des outils, des machines, des procédés et des méthodes
employés dans les diverses branches de l’industrie. Ensemble
cohérent de savoirs et de pratiques dans un certain domaine
technique, fondé sur des principes scientifiques.
[Définition du Larousse en ligne]
Transmatérialisation
Le passage d’un produit en un service.
Smartphones
Nouvelle génération de téléphones mobiles à ordinateur embarqué.
LEXIQUE
109
Infobésité
C’est la sur-consommation d’informations.
Objets connectés
Les objets connectés ont pour objectif de simplifier votre vie
quotidienne, à l’aide d’une multitude d’applications possibles.
Leur point commun est qu’ils sont contrôlés par un smartphone
ou un ordinateur, et partagent des informations avec ces derniers.
Architecture d’interface
La structure, la disposition des éléments qui permettent une
navigation au sein d’une application, d’un logiciel ou d’un site
web. Une architecture d’interface bien pensée permet de créer une
navigation intuitive et ergonomique.
E-commerce
Commerce en ligne. Un site web e-commerce permet
de vendre et d’acheter des biens ou des services en ligne.
Toolkit
Traduit par « boîte à outils » en français. Des designers et des
chercheurs mettent à disposition des documents et des outils
permettant à quiconque d’entreprendre une tâche conception.
Data centers
Ce sont des infrastructures abritant des baies de serveurs,
utilisés pour stocker les données.
Free-cooling
Technique de refroidissement à faible coût énergétique utilisant
le froid ambiant.
Front-end
La partie visible d’un site ; autrement dit son contenu et son interface
graphique.
Responsive design
Technique de conception modulaire de sites webs et applications
permettant à un contenu de s’adapter aux différents périphériques
de sortie.
Multitouch
Surface tactile supportant plusieurs zones d’interactions.
110
COMPTE RENDU D’UN ENTRETIEN AVEC PHILIPP AARON BECKER, ÉTUDIANT À L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE DARMSTADT Le 23 novembre 2014 via Skype
J’ai rencontré Philipp à Lyon lorsqu’il a fait une année d’étude en France. Il est revenu
vers moi après avoir consulté mon blog. Il a pour projet de créer, avec des collègues
de l’université, un supermarché sans emballages. Son collectif existe depuis quatre ans.
Par le passé, le groupe avait déjà réalisé Zwanzig Grad, un garage à vélo avec plusieurs
objectifs : inciter les étudiants à utiliser le vélo plutôt que le bus ou le tramway,
leur apprendre à réparer leur vélo plutôt que de le jeter et d’en racheter un autre,
participer à une activité écologique. Ce projet a vu le jour au bout d’un an et demi
de travail, supporté par un budget alloué par l’université et l’État. Aussi, en lien
avec un organisme de l’État, ils ont obtenu la permission de récupérer tous les vélos
abandonnés dans la ville plus d’un mois. Ils ont un système de badge pour s’en assurer.
Débarrassant ainsi la ville de ces engins devenant des déchets urbains, ils répondent à
une problématique de pollution. Même s’ils semblent avoir influencé le comportement
des étudiants il reste encore quelques problèmes liés au climat. Par exemple,
en hiver, personne ou presque ne les utilise, c’est le tramway qui est privilégié
car la route est glissante. Philipp aimerait proposer une route couverte
qui reviendrait moins cher à construire soit deux millions d’euros.
Le magasin sans emballages a pour but de remplacer le supermarché du campus
déjà existant. Les problèmes soulevés sont que ce petit magasin ne génère que peu
de revenus et les consommateurs se plaignent de la qualité des produits. Même
les étudiants qui habitent juste à côté préfèrent faire des trajets plus longs afin
de faire leurs courses ailleurs. Tout comme le garage, ce magasin serait créateur
d’emplois car il faudrait des personnes s’occupant de l’entretien, du rayonnage
et de la caisse. Ils sont en contacts avec presque tous les autres magasins sans
emballages de la région afin de s’inspirer de leur modèle. Ils ont donc une liste de
fournisseurs qu’ils peuvent contacter, mais cela serait fait une fois les études utilisateurs
111
seront terminées. L’Université fait confiance à l’équipe de Philipp puisque leur projet
Zwanzig Grad avait été une réussite.
J’ai évoqué mon sujet de mémoire avec Philipp et le fait que je doive réaliser un projet
de diplôme pour la fin de l’année. Nous avons discuté de la place que je pourrais avoir
au sein de ce projet. Je pourrais en effet intervenir pour réaliser l’identité du projet
mais aussi pour concevoir l’expérience au sein du magasin en me basant sur
des données réelles récoltées auprès des étudiants. Je vois un campus comme un
microcosme, une ville à plus petite échelle, un vrai écosystème sur lequel
il est possible de prendre du recul et de répondre à une demande.
Et pourquoi pas, plus tard, l’imaginer à l’échelle d’une ville ?
112
RÉSUMÉ D’UN ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE CLOUZEAU,UX DESIGNER & CRÉATEUR DE WEBDEVELOPPEMENTDURABLE.COMJeudi 27 novembre 2014, à l’agence Neoma, Levallois-Perret
« Nous sommes bel et bien dans la troisième révolution industrielle. Je la qualifie
de révolution ‘numérique’. Pour moi, tous les secteurs sont révolutionnés. Concernant
l’information et la communication on peut parler ‘d’infobésité’. L’information va partout
à une vitesse inimaginable et on en ingère constamment. En réaction à cette rapidité,
il y a tout de même des systèmes comme le slow food ou le slow information. Les gens
ajoutent d’eux-mêmes une latence à quelque chose que l’on a instantanément de nos
jours. C’est aussi le résultat du marketing dans un sens ; il pousse à la consommation
en trouvant l’argument qui va faire vendre. Mais d’un côté si ça existe toujours, c’est
qu’il y a une réponse positive de la part de la société. Tout cela est le résultat de la société
de consommation qui a modifié les comportements. Maintenant, c’est un univers de
services, de plus en plus dématérialisés. Aujourd’hui on teste tout. On teste un produit,
on profite de la période d’essai d’un jeu, on teste la conduite d’une voiture ; tout ça pour
être sûr de ne pas être déçu. Maintenant on teste son/sa conjoint/conjointe avant
de se marier et de s’engager.
L’idée de créer Webdeveloppementdurable.com est venue lorsque je travaillais encore
dans le print. Avant, il y avait un document que l’on imprimait chaque année pour un
client. Lorsque l’on a réellement pris conscience du phénomène de déforestation, on
me demandait de ne plus l’imprimer mais plutôt de le mettre en ligne afin de ne pas
utiliser de papier et donc de ne pas encourager la déforestation. Tu pouvais aussi voir
ça dans les mails où on te demandait de « n’imprimer que si c’était important ». Mais au
final, alors que la version papier est finie, achevée, la version numérique est dynamique
et génère sans cesse des nouveaux transferts de données à chaque consultation. Par
sécurité, tout comme pour le papier, on s’est aussi mis à faire des copies et à démultiplier
nos fichiers numériques, et donc à multiplier notre consommation. C’est une réaction
malheureusement énergivore.
113
Concernant le c2c – cradle to cradle – il s’est avéré que cela partait d’une très bonne
intention, et c’est dans ce sens là qu’il faut penser ! En revanche, de plus en plus
d’experts tendent à démontrer que cette vision est complètement utopiste ! Selon le
c2c il faut penser la vie du produit de façon circulaire : une boucle sans fin. On choisit
des matériaux pour créer un produit, une fois que le produit ne fonctionne plus, il est
démonté, on reprend les matériaux de base, et on recréé le même objet. Seulement
voilà, il est impossible, dans de nombreux cas, de retrouver les matériaux de base.
Prenons l’exemple d’une voiture ; il y a beaucoup trop de combinaisons de matériaux
pour pouvoir les séparer facilement. Ou bien il faudrait utiliser de l’énergie et du temps
supplémentaires. Est-ce que c’est le rôle du designer ? Je ne crois pas. C’est un des rôles
peut-être, mais pour moi il ne peut pas le faire sans collaborer. Après, il est forcément
impliqué dans la boucle, c’est un des maillons de la chaîne. Puis, ça dépend aussi du
type de design. Pour le design d’objet : oui à 100 % ; après pour le reste j’imagine que c’est
plus le rôle d’un journaliste qui va transmettre une information. S’il en a les moyens ?
Oui car il est créateur d’expérience. On peut imaginer des systèmes qui ont de l’impact
sur les comportements et l’environnement. Je pense à Charity Miles, une application où
l’effort sportif de l’utilisateur est converti en dons à différentes associations.
D’un côté, l’utilisateur y gagne car il travaille pour lui-même ; le sport bon pour sa
santé, pour son aspect physique et son identité vis-à-vis de la société. Mais il s’engage
aussi vis-à-vis de l’environnement. Je pense aussi au CarrotMob. Il faut que l’utilisateur
y gagne quelque chose, il reste quand même un grand lien avec l’argent. Au Japon,
par exemple, il existe un système de recyclage où l’on peut apporter ses canettes
et recevoir des tickets de métro en échange. On incite la population à recycler et à
utiliser des moyens de transports qui polluent moins. Il y a plusieurs façons de faire
changer le comportement de l’utilisateur. Il est possible de jouer sur ‘l’engagement’
d’une personne. Un exemple pour mieux comprendre : arriver à la plage près d’une
personne, poser son poste radio et aller se baigner. Si quelqu’un vient le voler, il y a
de grandes chances pour que la personne qui est à côté ne bouge pas. En revanche,
si vous vous installez à côté de la personne, que vous lui demandez de veiller sur votre
114
poste de radio et que vous allez vous baigner, si quelqu’un tente de voler l’appareil,
la personne va essayer de l’en empêcher, ou de rattraper le voleur. Car vous avez créé
de l’engagement ; la personne vous a dit « oui » et elle s’est engagée vis-à-vis de vous.
On retrouve ça dans tout ce qui relève du jeu vidéo ou de la gamification. On retrouve
ça aussi dans le marketing émotionnel ; l’expérience interactive Sortie en Mer est un bon
exemple. En vue à la première personne, on tombe d’un bateau et on se noie pendant
cinq minutes avec des scènes plutôt difficiles à supporter. Bien sûr, les comportements
peuvent être détournés. Ce serait inspecter le cerveau et jouer avec les neurosciences. Il
y a des pratiques négatives qui ont été utilisées bien avant la Seconde Guerre Mondiale.
Aussi, il arrive que les passions entravent ces changements. Il y a tout un blocus sociétal
qui peut vous empêcher d’agir comme vous le souhaitez car vous allez modifier la façon
dont vous êtes perçu par la société. Il faudrait un gros électrochoc qui inspire une
grande prise de conscience. Par exemple, si vous adorez une marque : généralement
même si elle commet des erreurs vous allez la défendre car vous avez choisi cette
marque, elle vous inspire des valeurs. En revanche, vous serez sûrement capable de
la rejeter après un très grand scandale. On peut travailler de façon durable. Je pense à
GreenMountain.no qui se proclame numéro 1 du green hosting. C’est un complex que
j’ai visité lors d’un voyage en Norvège. C’est un ancien bunker de l’otan au cœur d’une
montagne qui utilise l’énergie hydraulique pour fonctionner ; l’électricité mais aussi le
refroidissement de baies de serveurs sont générés grâce à l’eau. Question sécurité, il est
aisé de baisser le niveau d’oxygène pour empêcher tout objet de prendre feu. Il y a une
synergie avec la nature et un fonctionnement presque complètement naturel. C’est ça le
green it. Après, je pense que l’on pourrait plutôt parler de ‘grey it’ car toutes les notions se
mélangent ; cela dépasse l’environnement, on parle du social, de l’économie. »
115
EXTRAIT D’UN ARTICLE DE BLOG INTITULÉ THE JEVONS PARADOX, RÉDIGÉ PAR LE BLOGGEUR AARONJLIN, ÉCOLOGISTE. CET EXTRAIT ILLUSTRE LE PARADOXE DE JEVONS.
En partant du principe qu’une voiture consomme un litre tous les 10 km et que le prix
du litre est de 2 €. Avec une voiture hybride il serait possible d’avoir des voitures
parcourant 20 km avec une consommation de seulement un quart de litre.
C’est-à-dire qu’une voiture hybride pourrait parcourir le double de la distance avec
presque quatre fois moins de carburant. Pour le consommateur cela reviendrait à une
réduction du prix de l’essence puisque pour parcourir 50 km cela coûte seulement 0,5 €.
Mais les économistes ont une autre vision ; maintenant que l’essence coûte moins cher,
le consommateur peut se déplacer plus loin pour le même prix qu’auparavant. Comme
le pensait Jevons, l’amélioration technologique pousse à la consommation.
116
RETRANSCRIPTION DES RÉPONSES DE RAPHAËL YHARRASSARRY, UX DESIGNER & PSYCHOLOGUEEntre le 20 et le 26 novembre, par mail
Pensez-vous qu’il y aura une troisième Révolution industrielle ?
Si oui, comment l’imagineriez-vous ?
Oui, c’est en cours ! La question est large, mais je vais essayer d’y répondre. Je pense
que l’évolution est en cours ; on passe progressivement d’une production de produit, à
une production de service vers une production d’expérience. Prenons l’exemple d’un
gâteau d’anniversaire. Auparavant il fallait acheter des œufs, du beurre, de la farine
au fermier, sans doute du chocolat à l’épicerie. Puis, après, il était possible de trouver
la même chose sous forme de kit prêt à l’emploi. Ensuite vous commandiez un gâteau
chez un pâtissier qui livré le jour J à votre domicile. Maintenant vous pouvez aller
chez macdo pour avoir un anniversaire mémorable avec clown et animations. On
évolue de la matière première, un produit, en passant vers le service puis l’expérience
mémorable. Donc, l’important ne serait plus de posséder mais d’avoir une vie riche
d’expériences mémorables.
Est-ce le rôle du designer d’interaction
de répondre à des problématiques environnementales ?
Pour moi la question est plus large. Quelle est la responsabilité sociétale du designer ?
Est ce que tu acceptes de faire un truc que tu juges contraire à ton éthique ou plus
simplement médiocre ? Est ce quand le marketing/chef/client veut quelque chose qui
tend vers le bad persuasive design – qui est l’utilisation de mécanismes tendant à tromper
l’utilisateur – tu acceptes malgré tout de le faire ? Ça me rappelle deux interventions que
j’ai vues à ParisWeb l’année dernière et cette année. Ce sont les interventions de Mike
Monteiro de Mule Design sur l’éthique du designer, et celle de Jean-Phillipe Simonet sur
Le Serment du beffroi de Montrouge. Après « est-ce le rôle », il ne faut pas attendre qu’on vous
117
donne une rôle, il faut le prendre ! Il est plus simple de faire, puis de s’excuser après que
d’attendre l’autorisation !
A-t-il des moyens pour faire adopter de nouveaux comportements à des utilisateurs ?
Oui, vous pouvez lire à ce sujet La soumission librement consentie de Beauvois. Ce livre
est facile à lire et présente les mécanismes à l’œuvre pour changer les comportements
de manière durable.
Est-ce que cela peut engendrer des dérives comme le bad persuasive design
par exemple ?
Oui, c’est déjà le cas ! Il faut savoir que les études de bases sur l’engagement et les
comportements sociaux sont issus de recherches faites après guerre par des chercheurs
juifs-allemands qui cherchaient à comprendre comment des personnes bien sous tous
rapports avaient pu collaborer librement avec les nazis. Ce sont les même mécanismes
qui sont utilisés par les sectes. En dehors de ces cas extrêmes, ces sont des mécanismes
similaires qui jouent dans les addictions au jeu, que ce soit du jeu en ligne ou des jeux
d’argent.
Comment définiriez-vous une bonne expérience utilisateur ?
Mémorable. Oui. Simplement mémorable. Mais c’est bien l’expérience vécue
qui doit être mémorable, pas l’interface ou d’autres aspects secondaires.
118
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28. Ibid. 25
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49. Ibid. 35
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225. Ibid., p. 9
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new-shop-for-sustainable-goods-one-twine/>
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244. Ibid. 23
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and-they-still-know-everything-about-us>
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abandonner-les-paquets-air-et-economie-circulaire_4541368_1652666.html>
267. Eli Blevis, Hope for the Best and Prepare for the Worst : Interaction Design
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268. Be Green Umeå
<http://begreenumea.se/>
269. « In 2008 and 2009, I tried a few attempts to introduce the same platform outside Sweden but
it never took off. One of the biggest obstacle when I presented the platform to potential investors was
the revenue stream », [traduction de l’auteur]
270. Gary Hustwit, Objectified, 2009, 1 :11 :30
271. Un Togolais crée une imprimante 3D grâce à des déchets électroniques, Les Observateurs
<http://observers.france24.com/fr/content/20131219-togo-lome-imprimante-3d-dechets-
electroniques-e-waste-wafate>
272. Human-Centered Design Toolkit, Ideo.com
<http://www.ideo.com/work/human-centered-design-toolkit/>
133
ICONOGRAPHIE
fig. 1.1. Schéma d’explication du paradoxe de Jevons [D’après Aaron Lin]
<http://greenimalist.com/2011/04/the-jevons-paradox/>
fig. 1.2. Schéma d’explication du concept « Cradle to Cradle » [Inspiré de David Güiza Caicedo],
A simple model of the Cradle to Cradle philosophy depicting the biosphere and the technosphere, 2009
<http://www.bluehair.co/2009/12/cradle-to-cradle-hype-or-hope/>
fig. 1.3. Évolution du logo d’Apple de 1976 à 2007
<http://www.raqwe.com/wp-content/uploads/2013/10/evolution-logo-apple-raqwe.com-01.
jpg>
fig. 1.4. Évolution du logo de British Petrolum depuis 1921
<http://www.history.co.uk/sites/default/files/bp-logo-1.jpg>
fig. 1.5. La radio T3 de Dieter Rams
<http://thinkjarcollective.com/articles/dieter-rams-10-principles-of-good-design/>
fig. 1.6. Les ampoules Plumen
<http://plumen.com/>
fig. 1.7. Edward T. Hall’s personal reaction bubbles [Inspiré de Hall]
<http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/35/Personal_Space.
svg/800px-Personal_Space.svg.png>
fig. 1.8. Infographie des futures ressources rares, Armin Reller, 2009
<http://static.cdn-seekingalpha.com/uploads/2013/2/6/6176431-13601799483729095-
Braden-Maccke_origin.jpg>
fig. 2.1 Diagramme des secteurs du design digital, [Inspiré de Bill Moggridge]
fig. 2.2 Diagramme des composants de l’expérience utilisteur, [posté sur le blog de Dan Saffer],
2008
<http://www.classes.jamiecavanaugh.com/id01fall/wp-content/uploads/2009/04/
dan_saffer_diagramfinal.jpg>
fig. 2.3. New Austria, art+com, 2005
<https://artcom.de/de/project/das-neue-oesterreich/>
fig. 2.4. Premier bandeau d’articles recommandés du site Amazon, capture d’écran
fig. 2.5. Deuxième bandeau d’articles recommandés du site Amazon, capture d’écran
fig. 2.6. Meaning First : user-experience design hierarchy, Simon Norris, 2012
<http://www.nomensa.com/blog/2012/meaning-first-a-manifesto-for-user-experience-
design/>
fig. 2.7. Partage de souvenir sur le site I-Remember, capture d’écran
fig. 2.8. Site interactif Sortie en Mer, capture d’écran, décembre 2014
fig. 2.9. Capture d’écran d’une partie sur le jeu Ico
fig. 2.10. Schémas des composants de l’ innovation, 2011
<http://www.slideshare.net/AndreasHauser/sap-ux-strategyanddesignserviceswebinar>
fig. 2.11. Séance de co-design
<http://fredvanamstel.com/blog/when-participatory-design-makes-sense>
134
fig. 2.12. Capture d’écran du film Connecting
fig. 3.1. Phoneblok, Dave Hakkends, 2013
fig. 3.2. The Internet Machine, Timo Arnall
fig. 3.3. Empreinte écologique du journal finlandais Aamulehti
<http://vuosikatsaus2011.almamedia.fi/front-page/alma-media-determines-the-
environmental->
fig. 3.4. Solution de refroidissement de GreenMountain
<http://www.greenmountain.no/datacentres/dc1-stavanger/>
fig. 3.5. Bureau de Mac OS, 1984
<http://en.wikipedia.org/wiki/History_of_Mac_OS#mediaviewer/File:Apple_Macintosh_
Desktop.png>
fig. 3.6. Calculatrice iPhone, 2010
<http://www.maclife.com/files/u62/calc.png>
fig. 3.7. Application Find my Friends sortie sur iOs5, 2011
<http://oyster.ignimgs.com/wordpress/stg.ign.com/2012/11/12.09.11-Skeuo-5.jpeg>
fig. 3.8. Navigation avec l’AppleWatch, 2014
<http://www.techspot.com/news/58006-apple-watch-is-here-all-new-ui-tons-of-
customization-two-sizes-meet-the-digital-crown.html>
fig. 3.9. The West House kitchen backplash display
<http://hcssl.iat.sfu.ca/projects/>
fig. 3.10. Projet STATIC!
<https://www.tii.se/projects/static>
fig. 3.11. UbiGreen, évolution d’un environnement au fil des jours
<http://www.cs.cmu.edu/~assist/publications/09FroehlichCHI.pdf>
fig. 3.12. L’application WattsUp pour Facebook, 2009
<http://uxpamagazine.org/persuasion_invasion/>
fig. 3.13. Le système de badge de l’application de Oxfam et Marks & Spencer
<http://www.socialshopping.com/Marks-and-Spencer/news/M-S-Shwop-Recycling-
Fashion-Show-from-Marks-Spencer-2012-201208270402/>
fig. 3.14. L’installation Telegarden, 1995
<http://goldberg.berkeley.edu/garden/Ars/>
fig. 3.15. Capture d’écran de l’application Charity Miles
fig. 3.16. Image promotionnelle du thermostat Nest
illu. 1. Paradoxes et complexité
illu. 2. Des notions inséparables
illu. 3. Transition du vinyle à l’ iPod
illu. 4. Le concept d’affordance
illu. 5. Une myriade d’utilisateurs
137
REMERCIEMENTS
Un très grand merci à Christophe Clouzeau, directeur de l’agence interactive Neoma
et directeur du site Webdeveloppementdurable.com, pour avoir répondu à mes
questions et pour m’avoir accompagné tout au long de cette recherche.
Merci à Raphaël Yharrassarry pour avoir répondu à mes questions lors d’un entretien
et à Frédéric Bordage, expert en green it et directeur du site GreenIt.fr,
pour ses réponses et son invitation à la conférence Innov’eco.
Merci Philipp, pour les nombreux débats que nous avons eu sur l’environnement
et à Antoine pour ses conseils professionnels et humains.
Je remercie aussi mes interlocuteurs étrangers ; You Le Chong, designer en Suède,
Ian Adamson, architecte à Boston et Matt Belge, designer à Boston.
Je remercie également mes professeurs Félicie d’Estienne d’Orves
et Nicolas Baumgartner ainsi que mon directeur de mémoire Jonathan Munn qui,
en plus de m’aider à la rédaction de ce document, ont favorisé un cadre de réflexion,
d’échange, et de débat.
Merci à mes colocataires Florent et Maxime.
Merci à Papa, Maman, Mamie, Adrien et Marie pour m’avoir fait grandir dans un cadre
familial ouvert. Merci de m’avoir permis de voyager de Lyon à Sarajevo, de New-York
jusqu’en Californie. Et tout simplement merci de m’avoir emmené à la mer où j’ai pu,
enfant, dire, en regardant l’horizon de la mer Méditerranée qui se courbait
et ses vagues qui se fracassaient sur les rochers : « Papa, tu sais, c’est un peu
comme si les vagues avaient une vie ».
Dans ce mémoire, les fontes utilisées
sont les suivantes :
Titres : Frutiger lt Std 45 Light corps 16
Titres de niveau ii : Frutiger lt Std 45 Roman corps 14
Intertitres : Frutiger lt Std 75 Black corps 10
Titres de paragraphes : Frutiger lt Std 75 Black corps 10
Texte courant : Mrs Eaves XL Serif corps 10
Notes : Mr Eaves Mod OT corps 8
Dossier de recherche
imprimé au mois de Mars 2015 à Paris.
Le format choisi est celui d’un iPad : 240 x 185 mm,
comme pour le premier mémoire que j’ai réalisé en
2014 sur les interfaces tangibles dans l’éducation.
Ce format évoque le paradoxe de la consommation
d’énergie d’un contenu pouvant être consulté sur
un support physique ou via un dispositif numérique.