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S 10 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 10-24, cahier 2 Neurologie de l’action et de la motivation : de l’athymhormie à l’hyperactivité M. HABIB (1) (1) Service de Neurologie Pédiatrique, CHU Timone, 13385 Marseille cedex 5. INTRODUCTION La neurologie du comportement a connu, ces dernières années, une croissance considérable, passant par là même du statut de branche mineure de la neuropsycho- logie, à celui de discipline médico-scientifique à part entière. Dans cette évolution récente, deux figures mar- quantes de la neurologie du XX e siècle ont indubitable- ment joué un rôle majeur : Norman Geschwind (32), qui a en quelque sorte établi les fondements de la discipline en montrant que des perturbations psychiques profondes pouvaient être expliquées par une séparation physique, une déconnexion, entre deux zones cérébrales distinctes, et Antonio Damasio (18), qui a définitivement fait admettre le modèle de l’humain cérébro-lésé comme un vecteur pri- vilégié de notre compréhension de l’un des grands mys- tères du fonctionnement mental de l’Homme : les liens entre l’intelligence et l’émotion. Mais alors que Damasio et son école ont ainsi largement contribué à nos connais- sances actuelles de la fonction émotionnelle des lobes frontaux en particulier, nous savons encore relativement peu de chose sur le rôle des ganglions de la base, si ce n’est que leur intervention se fait essentiellement en tant qu’interface entre émotions et action, ce qu’on qualifiera volontiers de motivation (37). C’est donc à ce sujet que sera consacrée la première partie de cet article, en rap- pelant les principales étapes qui ont permis à la neurologie comportementale de contribuer de manière déterminante à la problématique du substrat cérébral de la motivation humaine. C’est également à Geschwind que l’on doit d’avoir initié un développement encore plus récent de la discipline, celui qui concerne la mise en place des systèmes neuro- cognitifs au cours de la maturation du cerveau, ce que l’on dénomme volontiers aujourd’hui la neuropsychologie du développement. Geschwind, par sa grande intuition clini- que, avait remarqué que les enfants en difficulté d’appren- tissage avaient souvent quelques caractéristiques qui laissaient penser que le développement du cerveau pou- vait se faire chez eux de façon atypique, et a imaginé plu- sieurs scénarios par lesquels l’évolution avait pu continuer à sélectionner des individus exceptionnels, soit du fait de déficits sectorisés de leurs fonctions cognitives, soit au contraire du fait de talents particuliers les plaçant au-des- sus de la moyenne de leurs pairs dans d’autres domaines du fonctionnement intellectuel. Un représentant exem- plaire de ces cerveaux atypiques est certainement l’enfant hyperactif, qui a par la suite fait l’objet de nombreuses étu- des largement influencées par le fait qu’il s’agit pratique- ment de la seule pathologie en neurologie du développe- ment qui soit sensible à l’effet d’une famille de médicaments, les amphétamines. C’est donc surtout à tra- vers cette approche pharmacologique que la neurologie s’est jusqu’ici seulement intéressée à la question. La deuxième partie de cet article nous démontrera qu’une approche inspirée de la neurologie du comportement, par analogie avec les connaissances obtenues chez l’adulte cérébro-lésé, peut s’avérer, ici également, très fruc- tueuse. ATHYMHORMIE ET GANGLIONS DE LA BASE Vers la fin des années 80, nous avions été frappés, mon collègue Michel Poncet et moi-même (38), par les modi- fications comportementales que nous avions observées chez deux patients, porteurs de lésions similaires confi- nées dans la partie antérieure des noyaux gris centraux. La principale caractéristique de ces lésions, outre leur nature vasculaire particulière (lacunes cérébrales) que nous ne discuterons pas ici, était précisément de concer- ner exclusivement, mais de façon bilatérale, la tête du noyau caudé et la substance blanche avoisinante, et ce de façon étonnamment discrète par rapport à l’intensité des modifications comportementales.

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S 10

L’Encéphale, 2006 ;

32 :

10-24, cahier 2

Neurologie de l’action et de la motivation : de l’athymhormie à l’hyperactivité

M. HABIB

(1)

(1) Service de Neurologie Pédiatrique, CHU Timone, 13385 Marseille cedex 5.

INTRODUCTION

La neurologie du comportement a connu, ces dernièresannées, une croissance considérable, passant par làmême du statut de branche mineure de la neuropsycho-logie, à celui de discipline médico-scientifique à partentière. Dans cette évolution récente, deux figures mar-quantes de la neurologie du

XXe

siècle ont indubitable-ment joué un rôle majeur : Norman Geschwind (32), quia en quelque sorte établi les fondements de la disciplineen montrant que des perturbations psychiques profondespouvaient être expliquées par une séparation physique,une déconnexion, entre deux zones cérébrales distinctes,et Antonio Damasio (18), qui a définitivement fait admettrele modèle de l’humain cérébro-lésé comme un vecteur pri-vilégié de notre compréhension de l’un des grands mys-tères du fonctionnement mental de l’Homme : les liensentre l’intelligence et l’émotion. Mais alors que Damasioet son école ont ainsi largement contribué à nos connais-sances actuelles de la fonction émotionnelle des lobesfrontaux en particulier, nous savons encore relativementpeu de chose sur le rôle des ganglions de la base, si cen’est que leur intervention se fait essentiellement en tantqu’interface entre émotions et action, ce qu’on qualifieravolontiers de motivation (37). C’est donc à ce sujet quesera consacrée la première partie de cet article, en rap-pelant les principales étapes qui ont permis à la neurologiecomportementale de contribuer de manière déterminanteà la problématique du substrat cérébral de la motivationhumaine.

C’est également à Geschwind que l’on doit d’avoir initiéun développement encore plus récent de la discipline,celui qui concerne la mise en place des systèmes neuro-cognitifs au cours de la maturation du cerveau, ce que l’ondénomme volontiers aujourd’hui la neuropsychologie dudéveloppement. Geschwind, par sa grande intuition clini-que, avait remarqué que les enfants en difficulté d’appren-tissage avaient souvent quelques caractéristiques qui

laissaient penser que le développement du cerveau pou-vait se faire chez eux de façon atypique, et a imaginé plu-sieurs scénarios par lesquels l’évolution avait pu continuerà sélectionner des individus exceptionnels, soit du fait dedéficits sectorisés de leurs fonctions cognitives, soit aucontraire du fait de talents particuliers les plaçant au-des-sus de la moyenne de leurs pairs dans d’autres domainesdu fonctionnement intellectuel. Un représentant exem-plaire de ces cerveaux atypiques est certainement l’enfanthyperactif, qui a par la suite fait l’objet de nombreuses étu-des largement influencées par le fait qu’il s’agit pratique-ment de la seule pathologie en neurologie du développe-ment qui soit sensible à l’effet d’une famille demédicaments, les amphétamines. C’est donc surtout à tra-vers cette approche pharmacologique que la neurologies’est jusqu’ici seulement intéressée à la question. Ladeuxième partie de cet article nous démontrera qu’uneapproche inspirée de la neurologie du comportement, paranalogie avec les connaissances obtenues chez l’adultecérébro-lésé, peut s’avérer, ici également, très fruc-tueuse.

ATHYMHORMIE ET GANGLIONS DE LA BASE

Vers la fin des années 80, nous avions été frappés, moncollègue Michel Poncet et moi-même (38), par les modi-fications comportementales que nous avions observéeschez deux patients, porteurs de lésions similaires confi-nées dans la partie antérieure des noyaux gris centraux.La principale caractéristique de ces lésions, outre leurnature vasculaire particulière (lacunes cérébrales) quenous ne discuterons pas ici, était précisément de concer-ner exclusivement, mais de façon bilatérale, la tête dunoyau caudé et la substance blanche avoisinante, et cede façon étonnamment discrète par rapport à l’intensitédes modifications comportementales.

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Un « nouveau » syndrome neurologique

En effet, les deux patients, deux hommes dans leur sep-tième décennie, avaient, selon leur entourage, et selonleurs propres dires, radicalement changés de personna-lité, après ce qui s’est avéré être une succession de petiteslacunes, probablement liées à une hypertension ancienneméconnue. Alors qu’ils étaient tous deux des personnestrès actives, très impliquées dans leur profession commedans leur vie familiale, ils étaient devenus, à la suite deces lésions, totalement inertes, apathiques, inactifs etsans plus aucun indice apparent de ce que Dide et Guiraud(22) dénommaient l’élan vital, sans doute par analogieavec le concept bergsonnien du début du siècle. Cetteapathie, cette absence d’activité spontanée, se doublaitégalement de deux aspects qui se sont ensuite imposéscomme des éléments fondamentaux du syndrome : uneapparente indifférence affective, ou du moins une incapa-cité de l’environnement usuel à provoquer les actionshabituelles soit de recherche du plaisir soit d’évitementdes désagréments, et une absence de pensées sponta-nées, véritable vide mental, parfois impressionnant parson intensité. Ainsi un des deux patients, professeur d’uni-versité en activité avait pu rester près d’une heure immo-bile face à son examinateur, lui-même occupé à compul-ser ses dossiers, sans poser aucune question, sans lamoindre marque d’impatience ni de curiosité face àl’incongruité de la situation. Au contraire, lorsque après celong moment l’examinateur lui demanda comment il sesentait, il répond « parfaitement bien » et à quoi il avaitpensé pendant toutes ces minutes, « à rien, absolumentà rien ». L’autre patient était resté 24 heures sans s’ali-menter, attendant patiemment que son épouse le lui pro-pose, mais mangea ensuite d’un appétit normal le plateauqu’elle lui amena. D’autres cas similaires de lésions bicau-dées ont également été ensuite publiés qui portaient lesmêmes caractères cliniques (48, 75). Kumral

et al.

(48)ont ainsi collecté 25 cas de lésions caudées, dont 15 pré-sentaient ce qu’ils appellent une « aboulie », qu’ils défi-nissent comme «

decreased spontaneous activity, prolon-ged latency in responding to questions, fatigue, and anaversion to any activity

». On voit bien là la nature très spé-ciale de ce tableau, surtout lorsqu’on réalise que les capa-cités sous-jacentes sont intactes : les patients ne bougentpas spontanément, restent des heures dans la mêmeposition, mais si on les incite à se déplacer, ils le font trèsfacilement, souvent même de manière anormalementdocile. De même si on les interroge sur leurs connaissan-ces, leur mémoire et si on mesure leurs aptitudes intellec-tuelles, on s’aperçoit que celles-ci sont étonnamment res-pectées, parfois supérieures, et qu’en tout cas l’on n’a pasaffaire à des personnes souffrant de troubles cognitifs ausens habituel du terme. Certes, les capacités attention-nelles, l’empan numérique et certaines épreuves exécu-tives comme le test de Wisconsin peuvent être altérés,mais globalement, on ne retrouve pas les déficits habi-tuellement retrouvés lors de lésions frontales, surtout cel-les accompagnées de tels états d’apathie, comme lors dedémence avancée, ou de dégâts traumatiques sévèresdes lobes frontaux. Ici, du reste, le cortex frontal est intact

et même la substance blanche des lobes frontaux est danssa majeure partie préservée. Ce tableau nous amenamême à reconsidérer un concept qui était à l’époque trèscouru, celui de démence sous-corticale ; certes les lésionsétaient sous-corticales, mais on ne retrouvait pas la dis-tinction alors classique entre fonctions instrumentalesintactes et fonctions basiques ou exécutives altérées : ici,ni l’attention, ni la mémoire, ni même les apprentissagesprocéduraux n’étaient significativement atteints, et dureste, on ne pouvait pas parler de démence puisque lestests neuropsychologiques n’étaient pas significativementdéficitaires. Et pourtant le handicap était majeur, faisantde ces personnes intellectuellement et physiquement« normales » de grands handicapés dans leur vie quoti-dienne, totalement dépendants d’autrui pour survivre.

Résurrection d’un ancien concept : l’athymhormie

En fait, la nature du déficit rappelait plutôt celui de cer-tains patients schizophrènes, volontiers qualifiés de défi-citaires aujourd’hui, jadis appelés hébéphrènes, et à pro-pos desquels Dide et Guraud (22) avaient créé le termed’

athymhormie

, des deux racines grecques

!"µ#

(hormé),qui signifie élan, impulsion, et

$%µ!&

(thumos), qui signifiesentiment, humeur [pour une revue exhaustive de l’histo-rique du concept, voir l’excellent papier de Luauté et Sala-dini (52)]. De fait la ressemblance est troublante entre lesdeux types de pathologie, l’une psychiatrique, l’autre neu-rologique, au point que si l’on n’avait la certitude deslésions cérébrales, et surtout de la survenue

de novo

dutrouble à la suite de ces lésions, on pourrait aisément envi-sager certains diagnostics psychiatriques, la schizophré-nie, mais aussi et peut-être surtout la dépression, aveclaquelle l’athymhormie partage beaucoup de pointscommuns : l’apathie comportementale, un certain degréd’aboulie, qui caractérise souvent le déprimé, le désinté-rêt, parfois total et profond ; mais c’est surtout au niveaudes émotions et de la vie psychique en général que sesitue précisément la différence, entre l’athymhormique quin’a aucune pensée spontanée, et s’en trouve plutôt bien,et le déprimé qui ressasse ses pensées négatives, voiremorbides, et qui souffre proportionnellement à l’intensitéde son activité mentale. Du reste, dans une de nos obser-vations publiées par la suite (37), nous rapportions le cas,illustrant bien cette différence, d’un homme de 35 ans quià la suite d’une affection cardiocirculatoire, avait présentédeux accidents ischémiques, le premier ayant détruit latête du noyau caudé gauche, et dont les conséquencesneuropsychologiques avaient été pratiquement inexistan-tes, hormis une dépression sévère ayant nécessité plu-sieurs hospitalisations, avant que ne survienne unedeuxième lésion, dans la profondeur de l’hémisphèredroit, dont les conséquences ont été l’apparition d’untableau athymhormique typique et sévère et la totale dis-parition de tout symptôme dépressif, en particulier auniveau de son vécu douloureux dont sa femme nous rap-portait « qu’il avait disparu, comme par enchantement ».Enfin l’athymhormique rapporte souvent ressentir lesémotions normalement, ce sont ses envies, ses désirs qui

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ont disparu, un élément qui, joint à la notion de vide mental,apporte un argument décisif au diagnostic (35). C’estpourquoi le terme d’apathie, parfois employé pour dési-gner des perturbations proches, surtout rencontrées lorsde syndromes démentiels (53-55) paraît moins appropriécar il insiste seulement sur la composante d’insensibilitéémotionnelle, qui n’est ici qu’apparente, au contraire desujets souffrant de lésions bi-amygdaliennes (2).

En définitive, un tableau clinique marqué par deuxcontrastes : celui d’un handicap majeur provoqué par deslésions cérébrales de volume somme toute minime, etcelui d’une altération majeure de la vie mentale, sansmodification notable des fonctions intellectuelles classi-ques, contrairement à ce que l’on rencontre dans à peuprès toutes les autres localisations lésionnelles en neuro-logie.

Les nécroses pallidales et le « PAAP »

Pourtant, ce tableau nous a d’emblée évoqué d’autresobservations, publiées quelques années auparavant parDominique Laplane

et al.

(49, 50), à Paris, puis par AndréAli-Chérif

et al.

(4) à Marseille. Dans cinq observationssimilaires, ces auteurs avaient rapporté un syndrome qu’ilsavaient qualifié de « perte de l’autoactivation psychique »(PAAP), pour souligner le contraste entre l’apparente inca-pacité à agir spontanément, et une capacité intacte à agirsur incitation extérieure, comme si un système intact nepouvait plus se mettre en action spontanément, et avaitbesoin, en quelque sorte, d’une « activation » extérieure.Cette notion d’activation sera du reste, nous le verrons, aucreux d’un débat particulièrement animé.

Pour le reste, le tableau était très proche de nos obser-vations de lésions caudées, sauf que la lésion était ici leplus souvent de nature anoxique ou par intoxication àl’oxyde de carbone et dans une localisation plus ventraleet postérieure : le pallidum. Chez la plus jeune patiented’Ali-Chérif

et al.

, qui avait été revue 7 ans plus tard, uneIRM avait pu être réalisée, montrant clairement quel’intoxication avait détruit bilatéralement l’extrémitémédiane de ce noyau, le pallidum interne, offrant ici encoreun contraste flagrant entre la petitesse des lésions etl’intensité du tableau clinique. Cette jeune femme de19 ans qui, après quelques semaines de convalescencede son intoxication initiale, avait frappé son entourage parson intense apathie et sa totale absence d’initiative, mêmela plus élémentaire : laissée un matin sur la plage à l’ombred’un parasol, elle était restée une journée entière au soleil,parfaitement éveillée, mais totalement immobile, incapa-ble même de se retourner pour suivre l’ombre du parasol,de telle sorte qu’elle dut être hospitalisée, le soir venu,pour des brûlures au second degré. Sept ans plus tard,l’inertie et l’apathie étaient identiques, mais alors que lescapacités intellectuelles étaient jugées intactes en débutd’évolution, elles s’étaient significativement altérées demanière globale au bout de 7 ans, avec un effondrementdu QI et des capacités d’apprentissage, sans doute parabsence prolongée de toute activité mentale. En effet, le

vide mental était, dès le début, total et profond, de sortequ’à moins d’être stimulée, elle ne rapportait aucune pen-sée spontanée, une condition bien singulière dont on peutpenser qu’elle ne favorise pas l’exercice des fonctionscognitives !

Un débat neurophilosophique

Ces observations posent au neurologue, et au scienti-fique en général, deux questions cruciales, dont la portéedépasse certainement la science même, pour atteindre lesconfins de la philosophie. La première est celle des liensentre l’activité motrice, l’action volontaire en général, etl’activité mentale, cette dernière étant conçue, non commela cognition au sens habituel – l’ensemble des mécanis-mes permettant de traiter une information à un niveau éla-boré d’abstraction –, mais, en amont de la cognition, unmécanisme capable de produire, avant tout traitementcognitif, une pensée non encore différenciée. À cet égard,ces observations nous délivrent deux enseignementsmajeurs : 1) il existe effectivement un mécanisme enamont de la cognition, puisque celui-ci peut être spécifi-quement altéré à la suite d’une lésion cérébrale, un méca-nisme autonome et spontané, ayant pour rôle de produireune

activité

mentale indifférenciée, avant même que celle-ci ne devienne un

état

mental ou encore une fonction men-tale spécifique ; 2) ce mécanisme partage largement sesorigines avec celui qui permet la production d’

actions

spontanées, suggérant une nature commune entre la pro-duction de pensées spontanées et d’actions spontanées,et, par là même, obligeant à explorer encore plus en amontquelle pourrait être cette nature commune, probablement,proposions-nous, une fonction basique appelée

motiva-tion

.La deuxième question, sans doute moins profonde et

plus anecdotique, a toutefois animé les colonnes deRevue Neurologique pendant plusieurs années, car elletouche à un point sensible en neurophilosophie, celui dela spécificité humaine de la pensée. Schématiquement,le débat peut se résumer en ces termes : le patientathymhormique a-t-il une pensée propre, intacte, qui nepeut seulement pas se mettre spontanément en route caril lui manque un système activateur, probablement sous-cortical, qui allumerait en quelque sorte un fonctionnementcortical intact mais inactif ? La pensée humaine gardealors toute sa spécificité, elle a seulement besoin d’un« moteur » voire même d’un « démarreur » pour se mettreen route, un peu comme on conçoit le système réticulaireactivateur ascendant dans son rôle dans la vigilance, res-ponsable de l’éveil quand il est action, et laissant placeau sommeil, lorsque son action cesse. Ou bien n’y a-t-ilpas dans le cerveau, sans doute abrité au sein de cesstructures sous-corticales, un mécanisme spécifique, trèsprobablement alors commun à tous les vertébrés, large-ment sous-tendu par la notion archaïque de satisfactiondes besoins élémentaires, qui ramènerait l’homme aumême rang que les autres espèces douées non pasnécessairement de volonté mais de la simple capacité àinitier spontanément une action ? Cette éventualité ne va

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pas sans rappeler le système hormothymique postulé parDide et Guiraud, « représentant le dynamisme d’une ten-dance à satisfaire les besoins primordiaux » (22, 33). Onconçoit que cette simplification, sans doute excessive, del’esprit humain puisse choquer dans la mesure où elleramène la spécificité de la pensée humaine et le libre-arbi-tre à un simple sous-produit évolutif d’une fonction moti-vationnelle basique et universelle.

Nous n’entrerons pas plus ici dans ce débat, si ce n’estpour signaler que la suite des événements, en particulierl’apport des travaux récents d’imagerie fonctionnelle, ontlargement donné raison à ce dernier point de vue endémontrant l’existence et le rôle décisif de structures sous-corticales organisées en circuits spécifiques à la fonctionde motivation.

L’anatomie de la motivation

Le point le plus intéressant pour notre présent propos,est la mise en évidence d’une entité anatomo-fonction-nelle individualisable chez l’homme dans une fonctionjusqu’ici probablement sous-explorée, voire sous-esti-mée, la motivation.

Chez l’animal déjà, une littérature spécifique avait dèscette époque commencé à explorer les bases neurales dela motivation, avec comme toile de fond les expériencesd’auto-activation comportementale chez le rongeur.

En plaçant des électrodes à des sites cérébraux stra-tégiques, les expérimentalistes des années 60 avaient pumettre en évidence un circuit sur le trajet duquel des élec-trodes reliées à une pédale accessible à l’animal don-naient lieu à une tendance de l’animal à s’autostimuler(63). Ce circuit de l’autostimulation a pu être décrit avecprécision grâce à la découverte de l’importance fonda-mentale pour son fonctionnement d’un neuromédiateur,la dopamine, et tout particulièrement le système méso-lim-bique qui prend son origine dans les neurones dopami-nergiques de l’aire tegmentale ventrale, dans la partiehaute du tronc cérébral, traverse l’hypothalamus latéralavant de se terminer dans les régions pré-optiques et dansle noyau accumbens. Ce dernier noyau a pris ces derniè-res années une importance considérable de sorte qu’il estactuellement considéré comme la plaque tournante des« systèmes cérébraux de la récompense » (15).

Noyau accumbens et systèmes cérébraux de la récompense

Le noyau accumbens est une structure sous-corticalefaisant partie du striatum, et plus particulièrement du stria-tum limbique. Il forme le lit du striatum, d’où son nom, etse situe chez l’homme à la partie ventrale de la tête dunoyau caudé, qu’il continue par la partie la plus antérieuredu putamen. Il projette ensuite sur une partie ventrale dupallidum, formant ce qu’on appelle parfois le pallido-stria-tum ventral ou limbique. Le terme de limbique provient dufait qu’il reçoit des afférences de toutes les principales por-

tions du système limbique : le cortex frontal médial et orbi-taire, l’amygdale, et l’hippocampe. Il apparaît ainsi commela partie du striatum appartenant au système limbique. Ilest divisé en deux sous-régions distinctes (21) : une partieancienne, la coque, liée aux structures limbiques primai-res, et le cœur, plus récent, relié à des structures plutôtimpliquées dans la cognition et le contrôle moteur. Lacoque joue un rôle important dans la motivation et l’affect,servant de substrat au conditionnement pavlovien, à laréaction à la nouveauté, au contrôle de l’alimentation (dela mère envers sa progéniture), et au plaisir gustatif. Enoutre, la coque semble être l’impact principal de l’actionrenforçatrice de l’abus de drogues (80). C’est le lieu pri-vilégié (56) dans les expériences d’auto-injection decocaïne (de même que dans les expériences d’auto-sti-mulation, il s’agit ici de mettre en place, en lieu et placedes microélectrodes de stimulation, des micropipettesdélivrant de la cocaïne). À l’inverse, le cœur du noyau n’estpas directement concerné par l’effet des drogues, maissert plutôt à l’apprentissage et à l’expression des compor-tements dirigés par la valeur attractive de récompensesattendues. En particulier, le cœur de l’accumbens estessentiel aux comportements adaptatifs, promouvant laréponse à des récompenses différées (40).

Globalement, on reconnaît au noyau accumbenscomme rôle de réaliser l’interface entre la motivation etl’action, véritable plaque tournante entre les systèmes encharge de la perception et de l’intégration des émotions,et ceux en charge de l’action déclenchée par ces émotions(59), ces mêmes systèmes étant par ailleurs impliqués àla fois dans les mécanismes du conditionnement, tout par-ticulièrement dans ses deux dimensions : le renforcementet l’extinction (40), et dans les mécanismes de l’accoutu-mance aux drogues et de l’addiction (81).

Au-delà du noyau accumbens lui-même, il semble quele système de la récompense fonctionne sous la formed’une boucle cortico-sous-corticale comportant plusieursétapes tout à fait symétriques de celles du reste des gan-glions de la base (3, 17). Dès les années 70, une des prin-cipales révélations concernant les ganglions de la base aété la description de ces boucles parallèles, dont le nom-bre varie selon les descriptions, mais qui fonctionnent tou-tes selon le même modèle anatomique : une origine dansune région fonctionnelle précise du lobe frontal, une pre-mière étape dans le striatum, une seconde dans le palli-dum, une troisième dans le thalamus, puis retour vers lecortex d’origine. Cette organisation a été d’abord décritepour le système moteur, partant du cortex pré-moteur ety retournant après des relais dans le putamen, le pallidumexterne et le thalamus ventro-postéro-latéral. Unedeuxième boucle, volontiers qualifiée de cognitive prendson origine dans le cortex frontal dorso-latéral, celui-làmême auquel on attribue traditionnellement les fonctions« cognitives » du lobe frontal (anticipation, programma-tion, contrôle attentionnel, mémoire de travail…), incluantcelles appelées fonctions exécutives, et enfin la boucledite limbique, originaire des parties limbiques du cortexfrontal, soit le cortex cingulaire et le cortex pré-frontalmédio-orbitaire, et projetant successivement sur le stria-

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tum ventral, le pallidum ventral (ou limbique) les partiesmédianes du thalamus et finalement retournant vers lecortex paralimbique d’origine.

En fait, des développements plus récents dans la des-cription de cette anatomie amènent à distinguer au seindu circuit limbique, en fait deux circuits différents

(figure 1)

: le circuit cingulaire, qui projette sur le noyaucaudé médian, mais aussi sur le noyau accumbens, et quiserait plutôt impliqué dans la régulation des actions et deleur initiation, en particulier dans le choix entre plusieursoptions, et le circuit préfrontal orbitaire médian, qui projettesur le noyau accumbens, plus particulièrement impliquédans l’évaluation du résultat des actions, et en particulierdans la possibilité de différer la récompense pour pouvoiren obtenir une plus forte (73).

Contribution de l’imagerie fonctionnelle

Au cours de ces deux dernières années, un nombreimportant de travaux d’imagerie fonctionnelle chezl’homme a été consacré aux mécanismes de la récom-pense et ont globalement largement confirmé le rôle sin-

gulier de l’accumbens. Celui-ci est en effet spécifiquementactivé dans de nombreuses expériences impliquantl’octroi au sujet d’une récompense (ou parfois d’une puni-tion ou d’une non-récompense). En particulier, diversauteurs ont montré que l’accumbens est activé lorsque lesujet est averti de l’octroi d’une récompense et à un moin-dre degré lorsqu’il reçoit la récompense (24, 43, 44, 62).Une première dissociation a été décrite entre l’anticipationd’une récompense, qui active seulement l’accumbens, etl’octroi de la récompense qui active également le cortexmédial frontal (44). Une autre dissociation concerne la pré-dictibilité ou non de la récompense : pour une récompensenon prédictible, l’activation de l’accumbens est significa-tive, alors qu’elle ne l’est pas lorsque la récompense estprédictible [un stimulus sur deux, par exemple (10)]. Cetteconstatation est à l’origine de l’hypothèse selon laquellele rôle du noyau accumbens serait essentiellement d’éva-luer l’erreur d’une prédiction de récompense (46). Lenoyau accumbens serait également particulièrementimpliqué dans les phénomènes de sélection lors de choixentre des actions à haut risque ou à bas risque de perte(28).

FIG. 1. —

Différentes localisations lésionnelles au cours de syndromes athymhormiques : A) lacunes bi-caudées ; B) nécrose bipallidale (intoxication oxycarbonée) ; C) double lésion ischémique, pallidum à droite, tête du caudé à gauche.

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Un certain nombre de travaux ont été consacrés à déter-miner le rôle de différentes parties du striatum dans lesphénomènes de récompense et de punition. Une étude enIRMf lors d’une épreuve de jeu monétaire du type« gambling test » (voir plus bas) a montré que le noyauaccumbens et la partie médiane du noyau caudé sont sen-sibles à l’importance de la récompense (gain d’une certainesomme d’argent), mais non de la punition (perte d’argent)où seule l’activité du caudé médian est proportionnelle àl’importance de la perte (43). Le noyau caudé a égalementété retrouvé activé dans un paradigme dit de « contingencemotrice » comparant une situation où l’appui d’un boutonentraîne la récompense à celle où le sujet ne sait pas lequelde deux appuis entraîne la récompense (74). Finalement,le noyau caudé serait plus particulièrement impliqué, en plusde l’accumbens, lors de la phase d’apprentissage d’un com-portement récompensé (39). Enfin, O’Doherty

et al.

(61) ontréalisé deux tâches l’une appelée de conditionnement ins-trumental, l’autre de conditionnement Pavlovien. Dans latâche de conditionnement instrumental, il s’agissait pour lesujet d’apprendre à choisir entre deux stimuli celui qui avaitla plus forte probabilité (60 %) de se voir délivrer une récom-pense (quantité de jus de fruit ; contre 30 % seulement pourl’autre stimulus). Dans la tâche de conditionnement pavlo-vien, les cibles étaient présentes de la même manière, maisc’était l’ordinateur qui choisissait à la place du sujet. La sous-traction entre les deux conditions mit en évidence une acti-vation d’une partie antérieure du noyau caudé gauche, alorsque le striatum ventral était activé dans les deux conditions.Le conclusion des auteurs est que le striatum dorsal (caudé)agit comme un « acteur instrumental » qui module les asso-ciations entre stimulus-réponse-récompense. Enfin, dansune tâche d’apprentissage d’une association entre le degréde prédictibilité d’une récompense et la nature de l’indicepréalable, il a été décrit (19) une décroissance de l’activitédu noyau caudé droit au cours des essais, et un pic précoced’autant plus important que l’incertitude est grande. Lesauteurs en concluent que le noyau caudé joue un rôle majeurdans l’apprentissage de la contingence entre une action etsa récompense, tout particulièrement dans les premierstemps de cet apprentissage, le cortex préfrontal prenant pro-bablement le relais par la suite.

Ce rôle du noyau caudé dans la motivation n’a pasencore été exploré de façon aussi extensive que celui dunoyau accumbens. Pourtant, la majorité de casd’athymhormie après lésions du striatum concerne deslésions du noyau caudé, plutôt que de l’accumbens (dumoins pour autant que l’imagerie cérébrale permet de lesdifférencier). Une explication possible est que les proto-coles d’imagerie fonctionnelle utilisés jusqu’à présent nemettent pas à l’épreuve le véritable rôle du noyau caudédans la motivation. Delgado

et al.

(20) ont réalisé l’étudesans doute la plus proche de ce rôle réel du caudé. Unecarte représentant un point d’interrogation précède l’appa-rition d’une carte comportant un chiffre de 1 à 9. Les sujetsdevaient répondre par un appui sur l’une de deux touchesselon qu’ils pensent que le chiffre sera supérieur ou infé-rieur à 5. Le résultat numérique apparaît sur une troisièmecarte suivie d’une flèche verte signifiant qu’ils reçoivent 4 $ou rouge signifiant qu’ils perdent 2 $. Cette procédure est

réalisée dans une partie de l’épreuve, représentant la moi-tié des essais, dite « high-incentive » c’est-à-dire à hautevaleur motivationnelle. Dans l’autre moitié des essais, dite« low-incentive », la récompense n’est pas monétaire,mais seulement informative (le sujet est informé s’il a ounon trouvé la bonne réponse). Cette procédure a entraînéune activation spécifique du striatum dorsal (noyaucaudé), et non du striatum ventral (noyau accumbens), defaçon proportionnelle à la qualité motivationnelle du con-texte de la tâche. Les auteurs s’interrogent alors sur lesraisons de cette différence fondamentale par rapport auxautres travaux d’imagerie fonctionnelle ayant utiliséd’autres protocoles de renforcement monétaire. L’une desexplications envisagées est que la tâche ici comporte unélément étroitement lié à la réponse motrice, ce qui n’étaitpas le cas dans d’autres études. Une autre explicationpossible est que dans de nombreux travaux qui retrou-vaient une activation seulement de l’accumbens, laréponse demandée était de nature réactive et non déci-sionnelle. Il est possible que le rôle propre du striatum dor-sal dans ces expériences de renforcement monétaire soitl’intégration à l’apprentissage d’un choix entre plusieursoptions, véritable acte de décision où le noyau caudéserait indispensable de par ses connexions avec le cortexpréfrontal dorsolatéral.

Un ensemble de faits convergents

Considérant à la fois ces données anatomo-fonction-nelles chez l’animal et chez l’humain, et les tableaux réa-lisés par des lésions sous-corticales chez l’homme, nousavons proposé que le syndrome athymhormique, patho-logie spécifique de la motivation chez l’homme, résulted’une atteinte bilatérale du circuit limbique, avec commeconséquence une déconnexion entre le système limbiqueet les fonctions cognitives et motrices (37).

À cela, deux arguments principaux : si un même tableaupeut être réalisé par des lésions dans deux régions dis-tinctes du cerveau, il paraît logique de rechercher com-ment ces deux régions sont connectées entre elles, d’oùl’idée que le substrat supposé soit un réseau de structuresplutôt qu’une structure isolée. Par ailleurs, la notion deboucle fronto-striato-pallido-thalamique se prête particu-lièrement bien à ce raisonnement, dans la mesure où onpeut aisément concevoir qu’une interruption de la boucleà quelque niveau que ce soit puisse provoquer un dys-fonctionnement du système dans son ensemble.

Un argument supplémentaire a été ensuite apporté pardiverses publications faisant état de syndrome athymhor-mique par atteinte de la boucle au-delà du complexestriato-pallidal. Des atteintes de la substance blancheintra-hémisphérique interrompant les fibres originaires dugyrus cingulaire et se dirigeant vers le noyau caudé pro-voquent classiquement des troubles de la motivationvolontiers considérés comme des formes légères demutisme akinétique (comme lors de cingulotomies théra-peutiques, une opération qui se pratique encore parfoisdans certaines indications de psychochirurgie). Dans ces

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cas, cependant, il est difficile de faire la part dans le tableauneurocomportemental, de ce qui revient à la pathologiepsychiatrique préalable à l’intervention. Des observationsd’atteintes de la région médiane du thalamus, cible de sor-tie du pallidum ventral, ont été publiées, dans lesquelleshormis les signes neuropsychologiques habituellementrencontrés dans cette topographie (troubles attentionnelset surtout troubles mnésiques pouvant réaliser un vérita-ble syndrome amnésique), il existait également un troublede l’action et de la pensée tout à fait superposable à celuides lésions striatales ou pallidales (14, 25). Dans l’un deces cas, les auteurs apportent en outre un argument inté-ressant venant valider la thèse du « circuit de la moti-vation » : un examen du débit sanguin par SPECT mon-trant non seulement l’hypodébit dans la zone thalamiquemédiane ischémiée, mais aussi deux zones d’hypodébità distance : l’une dans la tête du noyau caudé, l’autre auniveau du cortex frontal inféro-médian, tout comme si lapetite lésion thalamique avait « suspendu » l’activité dansles autres étapes du circuit (25).

Malgré cet ensemble convaincant d’arguments, lathèse d’un circuit spécifique bilatéral de la motivationnécessitait pour être complètement plausible, la confirma-tion clinique que la même résultante comportementalepouvait procéder de lésions bilatérales, mais touchant lecircuit

à deux niveaux différents

dans l’hémisphère droitet dans le gauche. Cette confirmation a été apportée defaçon éclatante par une observation de Bellmann et Assal(9), d’un syndrome athymhormique très typique résultantd’une double lésion ischémique, de la tête du noyau côtéd’un côté, et du pallidum interne de l’autre.

Si l’on se réfère à présent au rôle présumé de chacunedes boucles, il apparaît évident que le meilleur candidatest la boucle limbique, mais il est difficile de trancher entreles deux boucles limbiques, celle prenant son origine dansle cingulaire antérieur et celle provenant du cortex orbitaire

(figure 2)

. Anatomiquement, les aires orbitaires médiales(13a et 14) projettent sur le mur médial du caudé et sur lenoyau accumbens. Quant au cortex cingulaire antérieur,

ses projections sont doubles, d’une part sur le striatummédio-basal, pour les aires 32, 25 et 24b, et à l’opposésur le striatum dorso-latéral pour l’aire 24c (29). En fait,les descriptions anatomiques les plus récentes conçoiventle striatum ventral chez le primate comme l’ensemble dunoyau accumbens, de la partie interne du noyau caudé etmême de la partie la plus ventrale et médiale du putamen.Il est probable que les lésions bicaudées de nos observa-tions touchent à la fois les deux afférences limbiques,peut-être de manière variable selon les cas, sans que l’onpuisse encore distinguer l’effet propre de chacune.

Vers une modélisation de la motivation humaine

Dans le modèle représenté sur la

figure 3

, la boucle lim-bique est au centre du système car c’est elle qui entraîneles deux autres, tel un système d’engrenage où le moteurcentral est représenté par le striato-pallidum limbique etqui grâce à cette anatomie très particulière comportant unmême nombre de relais pour chaque boucle, va assurerune interconnexion étroite, multi-niveaux, entre ces diffé-rents systèmes. La boucle motrice, en premier lieu, celleprécisément qui est déficitaire dans la maladie de Parkin-son, pourrait être impliquée dans les symptômes moteursdu syndrome athymhormique, l’absence d’actions spon-tanées. Le tableau est bien différent de celui réalisé dansla maladie de Parkinson ou dans les autres troublesmoteurs liés à un défaut de la voie dopaminergique nigro-striée. Ici, l’action, lorsqu’elle se réalise, est tout à fait nor-male, sans akinésie, ni tremblement, ni autre manifesta-tion classique d’altération extra-pyramidale. Mais letableau ne peut non plus être assimilé comme le faisaitMiller Fisher (31), à un mutisme akinétique, plutôt actuel-lement considéré comme une incapacité à initier uneaction en relation avec une destruction de l’aire motricesupplémentaire. En fait, la boucle motrice est ici non pasdysfonctionnelle comme elle pourrait l’être lors de lésionsdu cortex prémoteur ou encore de défaillance du systèmenigro-strié, mais plutôt déconnectée des afférences pro-

FIG. 2. —

Les deux principales boucles limbiques

(66, 73).

Cortex orbito-frontal médian

N. accumbens

Globus pallidus

Thalamus(DM)= Glutamate

= GABA

Cortex cingulaireantérieur

N. caudé &N. accumbens

Substance noire

Thalamus(VA)

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venant de la boucle limbique, elles-mêmes indispensa-bles à son fonctionnement. La nature exacte du lien entreboucle limbique et boucle motrice ne peut être encore pré-cisée, mais il est probable qu’à chaque étape du circuit, ilexiste des interconnexions entre les deux systèmes quipermettent au contexte motivationnel de fournir une impul-sion cruciale permettant l’initiation de l’action puis sonentretien. À cet égard, le modèle sous-entend une vérita-ble dysconnexion entre deux systèmes intacts, dans lesens où l’entendait Geschwind. Le même raisonnementpeut également s’appliquer à la « boucle cognitive »,représentée à gauche de la boucle limbique sur la

figure 3

.Selon un mécanisme similaire, la déconnexion d’un sys-tème fronto-caudé intact de l’impulsion que lui donne nor-malement le circuit limbique empêche le cortex frontaldorso-latéral d’assumer son rôle de « planificationcognitive », vidant en quelque sorte la pensée de son acti-vité spontanée habituelle. L’efficience intellectuelle elle-même, au sens psychométrique du terme, peut n’être pasaltérée, ce sont les mécanismes de sa mise en jeu qui sontdéficients, aboutissant au vide mental décrit par cespatients. Cette interprétation des faits est compatible avecles quelques rares études d’états de conscience volontai-rement altérés (méditation), montrant une hyperactivitédes systèmes dopaminergiques dans la partie ventraledes ganglions de la base (42, 51). À cet égard, il est inté-ressant de noter que ces états de vide mental volontairesont indissociables de la notion de contrôle volontaire des

désirs, le but de ces pratiques étant d’atteindre un étatidéal d’absence de désirs. Enfin, l’interruption de la bouclelimbique elle-même est peut-être responsable des mani-festations affectives proprement dites du syndromeathymhormique, l’apparent abrasement émotionnel et lagrande « patience » de ces sujets, comme si plus rien nepouvait les agacer… Ce dernier caractère est très différentde l’indifférence affective que présentent par exemple despatients frontaux ou des patients souffrant de lésionsamygdaliennes, où la signification affective des stimulisemble abolie. Ici, au contraire, les sujets sont capablesde ressentir des affects, mais ceux-ci restent déconnectésde toute possibilité d’expression motrice ou comporte-mentale. Le tableau est également très différent deslésions orbito-frontales où la signification affective des sti-muli est également bien perçue, mais donne lieu à desdéviances comportementales que Damasio attribue à uneperte des marqueurs somatiques associés aux consé-quences affectivo-sociales de nos actes. Lors du fameuxtest de gambling de Bechara

et al.

(8), par exemple, lepatient sait que le tirage de la pile à risque lui sera finale-ment désavantageux, et pourtant, à l’inverse du témoinnon cérébro-lésé, ou souffrant de lésions dans d’autresrégions du lobe frontal, il continue à tirer dans les pilesdésavantageuses. Bien que cet aspect n’ait pas étéexploré chez nos athymhormiques, il est à prévoir queceux-ci se comporteraient de manière plus proche destémoins.

FIG. 3. —

Modèle de fonctionnement des 3 principales boucles cortico-striato-corticales et les conséquences de leur dysfonctionnement, réalisant les différents éléments du syndrome athymhormique

(37).

Dopaminergiques

Amygdala

Apprentissagedel’associationstimulus-renforcement

Attributiond’une valence

affective(marqueurs

somatiques)

Récompense/punition

ATHYMHORMIE

Hypothalamus/syst. nerv. autonome

Bouclecognitive

Perte d’activitémentale

spontanée

Boucleimbique

Abrasementémotionnel

ApathieAbsence

d’activité motrice

Afférences

Bouclemotrice

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TROUBLE DE LA MOTIVATION ET L’HYPERACTIVITÉ DE L’ENFANT

Bien que cela ne paraisse pas couler de source, lemodèle neuroanatomique de la motivation tel que pré-senté ci-dessus peut également servir de base à une expli-cation nouvelle d’un syndrome fréquent mais encoreimparfaitement compris, le Trouble Déficitaire de l’Atten-tion avec hyperactivité (TDAH), une condition qui touche6 à 12 % des enfants d’âge scolaire, surtout les garçons,dont le diagnostic peut se faire avant l’âge de 7 ans et quicause un handicap certain, pouvant éventuellement seprolonger jusqu’à l’âge adulte. Selon la descriptionaujourd’hui classique, le TDAH se manifeste essentielle-ment par trois symptômes variablement associés :l’hyperkinésie, tendance à une agitation motrice exces-sive et incessante, source d’importante difficulté d’inté-gration de l’enfant dans son milieu, l’impulsivité, qui semanifeste par exemple par une tendance à réagir demanière incontrôlée et immédiate dans des situations quidemandent pourtant de différer l’action, et enfin le troublede l’attention, au sens cognitif du terme, c’est-à-dire la dis-tractibilité, l’incapacité à éviter de tenir compte de stimulinon pertinents lors de l’exécution d’une tâche. Alors quel’impulsivité est un élément comportemental existant peuou prou dans la quasi-totalité des cas, l’inconstance desdeux autres symptômes fait qu’on distingue volontiersaujourd’hui trois formes du syndrome : une forme atten-tionnelle pure, sans la composante motrice, où l’élémentdominant est du domaine de l’attention et de la concen-tration, et où la prédominance masculine est moins nette ;une forme purement hyperactive, sans déficit attentionnelsignificatif aux tests neuropsychologiques, où le troublecomportemental est au premier plan, et une forme mixte,en fait la plus souvent diagnostiquée, où ces deux élé-ments sont présents à égalité. Un élément important àprendre en considération pour la compréhension desmécanismes est la fréquence de comorbidités, c’est-à-dire d’autres diagnostics qui sont posés de façon conco-mitante plus fréquemment que ne le voudrait le seulhasard. Deux syndromes surviennent isolément ou asso-ciés entre eux chez environ 40 % des hyperactifs, unecoïncidence digne d’intérêt et que certains considèrentmême comme un élément constitutif du syndrome deTDAH :

– le trouble oppositionnel avec provocations, définicomme un ensemble de comportements répétitifs et per-sistants de désobéissance, d’opposition, de provocations,d’hostilité envers les autres ;

– le trouble des conduites, qui

se caractérise par unensemble de conduites répétitives et persistantes danslesquelles les droits fondamentaux d’autrui et les règlessociales sont bafoués pouvant concerner 1) des agres-sions physiques envers les personnes et les animaux ;2) des destructions de biens matériels, en particulier parle feu, un vandalisme ; 3) des mensonges, vols, escro-queries, racket ; 4) des violations des règles établies :fugues, école buissonnière, déambulation nocturne.

Ces enfants ne ressentent souvent ni culpabilité, niremords. Ils ont fréquemment une faible tolérance à la

frustration, une irascibilité, des accès de colère et uneprise de risque excessive les mettant en danger demanière répétée. Ces troubles comportementaux dits« extériorisants » seraient plus fréquents dans les formeshyperactives ou mixtes de TDAH, alors que les formesdysattentionnelles seraient plutôt associées à des mani-festations « intériorisantes » à type d’anxiété et de man-que de confiance.

Les modèles explicatifs classiques du TDAH

L’explication la plus largement admise pour rendrecompte des différents éléments du syndrome TDAH faitappel à un défaut d’inhibition : tel est par exemple lemodèle proposé par Barkley sous l’appellation de « unifiedtheory of ADHD » (7) dans laquelle les symptômes sontconsidérés comme la conséquence d’une perturbationdes systèmes de contrôle neurocognitifs, largement sous-tendus par un ensemble de fonctions regroupées sous leterme de « fonctions exécutives ». La notion de fonctionsexécutives réfère ici à des processus cognitifs de hautniveau, qui permettent le maintien d’un état attentionnelconstant et le passage (« shift ») d’un niveau attentionnelà un autre si le décours de la tâche l’exige, assurant laflexibilité indispensable à la poursuite et la réalisation dedivers objectifs (60). Les tâches connues pour explorerces fonctions sont souvent déficitaires chez les enfantshyperactifs, ce qui a pour principales conséquences undéfaut d’attention sélective, avec, en particulier dans lestâches incluant un conflit comportemental (comme le testde Stroop), une difficulté à inhiber la réponse prévalente(ici le mot écrit qui vient parasiter la dénomination de lacouleur), un défaut de flexibilité avec une tendance à lapersévération sur la tâche ou la consigne précédente(comme par exemple dans le test de Wisconsin) et enfinun déficit de la mémoire de travail, qui se manifeste typi-quement par un affaiblissement de l’empan de chiffresrépétés à l’envers (57).

Ainsi, pour Barkley, l’ensemble des déficits cognitifs etcomportementaux du TDAH, incluant les difficultés d’auto-contrôle et d’auto-régulation, qui sont pour lui des élé-ments primordiaux du déficit, sont attribuables à un défautélémentaire d’inhibition de la réponse « prépotente », auxdépens d’une réponse qui serait plus appropriée. L’un deséléments clés de ce modèle est évidemment l’impulsivité,si caractéristique de ces patients, et qui a fait l’objet d’étu-des spécifiques cherchant à en approcher les mécanis-mes neurobiologiques (80). À cet égard, le paradigme dechoix qui a été largement utilisé dans la littérature récenteen imagerie fonctionnelle dans l’hyperactivité, est repré-senté par les expériences dites « go-no go », où l’on vamesurer le rapport des erreurs entre les essais où le sujetdoit réaliser la tâche (appuyer sur un bouton lors de l’appa-rition d’une cible X par exemple) avec les essais où il doitne pas appuyer (lors de l’apparition d’une autre cible, oula non-apparition de la cible X). La mesure des temps deréaction fournit également un indice de défaut d’inhibition.Globalement les épreuves de type go-no-go activent dansle cerveau un réseau assez large incluant le striatum, le

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10-24, cahier 2 Neurologie de l’action et de la motivation : de l’athymhormie à l’hyperactivité

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gyrus cingulaire et une partie du cortex frontal dorso-laté-ral.

Plus récemment est né un nouveau courant théoriquequi met l’accent non plus sur l’inhibition de la réponse,mais sur l’intolérance au délai

(delay aversion)

qui carac-térise beaucoup des enfants hyperactifs. C’est ainsi queSonuga-Barke

et al.

(70, 71) proposent que les compor-tements de l’hyperactif soient non pas la conséquenced’un défaut d’inhibition comportementale mais « l’expres-sion fonctionnelle d’un style motivationnel sous-jacent »qui les amènent à chercher à « fuir le délai » ce qui estcapable de provoquer chez eux tant l’hyperactivité, l’inat-tention que l’impulsivité. Le modèle prédit que lorsqu’ilssont face à un choix entre une récompense faible maisimmédiate et une forte mais plus lointaine dans le temps,les hyperactifs vont choisir l’immédiateté et quand il n’y apas de choix disponible, ils vont agir sur leur environne-ment pour réduire la perception du temps pendant le délaien créant ou en se focalisant sur des aspects de l’envi-ronnement qui soient indépendants du temps. Dans cemodèle, les troubles cognitifs dysexécutifs, en particulierceux de la mémoire de travail et de la planification à courtet long terme, apparaissent comme la conséquence d’uneattitude générale particulière par rapport au déroulementtemporel que l’auteur appelle « protection du temps ».

C’est ainsi que face à tout questionnement sur le subs-trat biologique du problème, les orientations données auxrecherches différeront radicalement selon qu’on suitl’hypothèse maintenant classique du défaut d’inhibition,se focalisant principalement sur des structures frontalescorticales, ou si l’on explore l’hypothèse de l’aversion pourle délai, où les structures clés sont les éléments sous-cor-ticaux impliqués dans l’association entre l’action présenteet l’apparition future d’une récompense.

Selon une ligne théorique peu différente de celle deSonuga-Barke

et al.

, une équipe norvégienne menée parT. Sagvolden (66) a proposé que l’intolérance au délaichez l’hyperactif soit le témoin de la dysfonction d’un sys-tème, probablement sous le contrôle de mécanismesdopaminergiques, impliqué dans le phénomène de ren-forcement et d’extinction. Pour ces auteurs, l’enfant hype-ractif a besoin de renforcements plus immédiats et plusrépétés pour mener à terme son action, ce qui se maté-rialise par une courbe dite de gradient de délai : chez tousles individus, plus le délai entre le stimulus et la récom-pense s’allonge, plus la réponse sera faible, définissantun « gradient de délai de renforcement ». Chez l’hyperac-tif, ce gradient est plus rapide, déterminant une courbeplus abrupte (6) : une même réponse sera obtenue pourdes délais plus brefs, ce qui définit typiquement l’impulsi-vité, élément central du modèle. Du reste, c’est en sebasant sur ce modèle que les auteurs proposent le prin-cipe de base de la thérapie chez ces enfants, consistantà fournir des renforcements répétés, survenant à chaquefois avant que la courbe du gradient n’ait atteint sonplancher.

Neurobiologie du TDAH : un bref état des lieux

Ces dernières années ont vu une accumulation impres-sionnante de travaux cherchant à définir un profil neuro-fonctionnel de l’hyperactivité. Ces travaux ont d’embléeété influencés par l’effet remarquable, actuellement bienétabli, sur ces enfants de certaines molécules dont lemode action, bien qu’encore imparfaitement élucidé, peutêtre rapporté à une altération fonctionnelle du systèmedopaminergique. Que ce soit en effet le méthylphénidate,ou la d-amphétamine, les deux molécules les plus utili-sées, leur effet sur certains cas est tel qu’on peut parlerde guérison dès la première prise du médicament ! C’estpourquoi, parmi les premières études sur le sujet, ontrouve plusieurs travaux consacrés à l’effet de ces subs-tances sur le cerveau des enfants hyperactifs, avec deuxprincipaux résultats : une diminution d’activité dans lesganglions de la base chez les hyperactifs, et une norma-lisation de l’activité après traitement spécifique (41, 76,78). Une donnée quelque peu surprenante, mais robuste,à cet égard, est que l’administration de ces molécules ausujet sain est aussi efficace tant sur le plan comportemen-tal que du point de vue des modifications neurofonction-nelles mises en évidence en imagerie fonctionnelle. Tou-tefois (76), il semblerait que l’effet sur les ganglions de labase soit inverse (désactivation) chez les témoins quechez les hyperactifs (réactivation des zones sous-acti-vées).

Après ces premières études, les travaux ont divergé endeux principaux groupes, des études d’imagerie morpho-logique, utilisant diverses techniques morphométriques,et les travaux utilisant l’imagerie fonctionnelle dans desprotocoles d’activation neuropsychologiques. Les travauxneuromorphologiques ont essentiellement apporté deuxrésultats significatifs (30, 64, 72) : 1) une tendance chezl’enfant et l’adulte hyperactif à un certain degré d’atrophiecorticale et sous-corticale, surtout frontale, apparemmentindépendante de l’ancienneté de la maladie et de la pré-sence ou non d’un traitement au long cours ; 2) une atro-phie de structures sous-corticales dont la cible principalesemble être le noyau caudé et à un moindre degré du cer-velet. C’est ainsi que Castellanos

et al.

(15), lors d’uneétude souvent citée en raison du nombre considérable desujets analysés (152 enfants et adolescents hyperactifs et139 témoins) ont suivi longitudinalement l’évolution ana-tomique de sujets hyperactifs et ont observé une réductionsignificative du volume cérébral et du volume cérébelleux,constante avec l’âge, et une réduction significative duvolume caudé, se normalisant autour de l’adolescence,normalisation que les auteurs rapprochent de l’améliora-tion observée à cet âge des symptômes comportemen-taux du TDAH.

L’avènement de l’IRM fonctionnelle a donné lieu à diver-ses publications cherchant à mettre en évidence les modi-fications d’activité cérébrale lors de tâches, essentielle-ment de type go-no go, chez des enfants ou adulteshyperactifs par rapport à des témoins (23, 65, 69). Lesrésultats, généralement en faveur d’une sous-activationde régions corticales et striatales, n’apportent pas vrai-ment d’éléments déterminants à la problématique.

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Plus intéressants sans doute pour notre propos sont lesrésultats d’une étude utilisant encore une tâche de typego-no go, mais chez des adolescents (67, 68) et où lesfaits observés ont été assez diamétralement opposés àceux des études chez les enfants plus jeunes : les auteursretrouvèrent en effet une augmentation d’activité lors decette tâche dans des régions corticales toutes apparen-tées au système limbique : le cortex cingulaire antérieur,le cortex frontal médian et le cortex fronto-orbitaire. L’inter-prétation des auteurs est que cette hyperactivation témoi-gnerait peut-être de la mise en jeu compensatoire, avecl’âge, de mécanismes faisant intervenir les zones cortica-les associées, par l’entremise des boucles limbiquesdécrites plus haut, à des structures sous-corticales défi-cientes, sans doute le striatum ventral et le caudé.

Une autre étude digne d’intérêt est celle de Ernst

et al.

(27) qui ont proposé à des adultes hyperactifs et à destémoins une tâche très similaire à l’épreuve de gamblingde Bechara, durant l’enregistrement de l’activité céré-brale en IRMf. Les hyperactifs, contrairement au travailprécédent, ont présenté une hypo-activation lors de latâche de gambling par rapport aux témoins dans diversesaires paralimbiques (cingulaire antérieur et région orbi-taire).

Finalement, on se trouve devant le paradoxe suivant :dans une tâche de type go-no go, donc reposant spécifi-quement sur les structures en charge des fonctions exé-cutives, les hyperactifs suractivent des régions limbiquesnon

a priori

impliquées dans ce type de tâche, comme pourcompenser un déficit d’inhibition lié au dysfonctionnementdu couple cingulaire antérieur/cortex dorso-latéral. Àl’inverse, lors d’un paradigme de type gambling, où l’acti-vation est attendue au niveau du cortex orbitaire et de sesconnexions sous-corticales, on décrit une sous-activationde ces mêmes zones chez l’hyperactif (adulte). Il faut noterque dans ce dernier travail, les auteurs ne retrouvent pasde différence de performance entre leurs patients et leurstémoins, alors qu’ils signalent que dans une autre popu-lation plus vaste, il existe un déficit significatif à l’épreuvedu gambling (26). Par ailleurs, cette dernière épreuve estréputée, d’après les données lésionnelles chez l’adulte,sensible à la dysfonction fronto-orbitaire et amygdalienne,à l’exclusion de toute autre topographie lésionnelle. Desadultes ayant un profil psychopathique ont également undéficit significatif et spécifique à cette épreuve (58, 77).L’épreuve de gambling diffère en fait d’autres épreuvesimpliquant un raisonnement et une prédiction (tel le testde Wisconsin, par exemple) par le fait que contrairementà ces dernières, elle implique une composante de choixdécisionnel donnant lieu à une sanction soit positive(récompense, en l’occurrence gain d’argent) soit négative(punition, perte d’argent). L’épreuve est ainsi faite que l’onpuisse mesurer exactement l’évolution dans le temps desréponses et donc l’adaptation progressive du sujet à larègle du jeu. Selon ses auteurs, cette adaptation se feraitde manière non consciente et implicite, par l’entremise desmarqueurs somatiques (voir plus haut). Cette épreuve estconsidérée, parmi la panoplie des tests neuropsychologi-ques, la plus à même de tester les mécanismes selon les-

quels la récompense et son anticipation influencent laprise de décision et l’orientation des comportements.

Mise à l’épreuve du système de récompense chez l’enfant hyperactif

Nous avons nous-mêmes réalisé une étude utilisant latâche de gambling chez 23 enfants hyperactifs de 9 à12 ans par comparaison à un groupe témoin, en incluantune dimension complémentaire : la présence ou non detraits répondant aux critères DSM IV (5) de troubles desconduites. Les résultats sont éloquents

(figure 4)

: alorsque les jeunes témoins, comme cela est décrit dans la lit-térature, ont tendance à apprendre le comportement leplus avantageux et à éviter les piles désavantageuses,pour les hyperactifs, il n’en est rien, ils continuent, mêmeen fin d’épreuve, à piocher dans les deux piles désavan-tageuses, tout en sachant pertinemment qu’ils courent àleur perte, exactement comme Bechara et Damasio ledécrivent chez leurs patients avec lésion orbito-frontale ouamygdalienne. Un élément supplémentaire apporté parcette étude est l’absence totale de corrélation entre la per-formance au gambling et celle obtenue, tant par lespatients que les témoins, à deux épreuves comportant unecondition d’interférence de type Stroop. Pour chacune deces deux épreuves, les hyperactifs sont significativementdéficitaires, mais les plus déficitaires ne sont pas ceux quisont les plus en difficulté au gambling. Enfin, le degréd’hyperactivité comportementale, tel qu’évalué par lescore de Conners, est proportionnel au défaut de résis-tance à l’interférence au Stroop, mais pas au degré decomportement désavantageux au gambling. Ainsi, il appa-raît une dissociation, du moins dans cette populationd’hyperactifs, entre d’une part une épreuve réputée éva-luer les systèmes de la récompense, et d’autre part lesperformances exécutives et le degré d’hyperactivitémesuré par une échelle comportementale. Cela suggèreévidemment des mécanismes sous-jacents au moins enpartie distincts.

Enfin, la présence de traits de troubles des conduitesdans cette population (12 patients) est largement plus fré-quente que dans la population générale, confirmant doncla fréquence de la comorbidité de ce trouble avec le TDAH,mais n’est pas corrélée à la performance au gambling.Ainsi, le diagnostic d’hyperactivité et non celui de troublesdes conduites est associé à une tendance à faire les mau-vais choix à l’épreuve du gambling. Le fait que des psy-chopathes adultes, population proche des troubles desconduites, soient, eux, déficitaires à cette tâche s’expliquepeut-être par l’insuffisance des critères DSM IV que nousavons utilisés, ou encore par le développement ultérieur,probablement au cours de l’adolescence, de tendancespsychopathiques chez une partie des enfants hyperactifs.En tout état de cause, ces résultats incitent à chercher àapprofondir les liens complexes existant entre TDAH,troubles des conduites de l’enfant et psychopathie del’adulte.

L’Encéphale, 2006 ;

32 :

10-24, cahier 2 Neurologie de l’action et de la motivation : de l’athymhormie à l’hyperactivité

S 21

Proposition d’un modèle anatomo-fonctionnel de trouble déficitaire d’attention avec hyperactivité

Il existe à notre avis une convergence d’arguments per-mettant de penser que les deux grands mécanismesjusqu’ici proposés sont insuffisants, pris séparément, pourrendre compte de la totalité des faits. L’analyse de la lit-térature en imagerie fonctionnelle, telle que résumée ci-dessus, apporte essentiellement des éléments en faveurd’une dysfonction de systèmes moteurs et cognitifs, impli-qués dans l’inhibition de l’action. Quelques données, bienplus éparses, attirent au contraire l’attention sur des struc-tures limbiques, à mettre plutôt en lien avec la thèse d’undéficit de la motivation, tel que postulé dans les modèles

d’aversion pour le délai. Notre proposition est que lemodèle neuro-anatomique de la motivation, schématisésur la

figure 3

, peut parfaitement servir de base à uneréflexion concernant le TDAH, et fournir un cadre plausiblepour intégrer l’ensemble des données. Le déficit principal,à l’instar de ce que nous avons décrit pour l’athymhormie,résiderait dans les mécanismes d’anticipation et de cor-rection de la récompense sous-tendus par la partie limbi-que du système (boucle limbique) et centrée sur le fonc-tionnement du noyau accumbens, de ses extensions dansle noyau caudé et de ses connexions avec le reste du sys-tème limbique. Mais à l’inverse de l’athymhormie où cesystème est anatomiquement détruit, ici il serait intactmais dysfonctionnel, non sans analogie avec la différencequi existe entre une aphasie survenant sur un cerveauadulte, et une dysphasie liée à une aire du langage ana-tomiquement intacte mais génétiquement dysplasique(36). La nature exacte de cette dysfonction ne peut encoreêtre affirmée, mais il est probable qu’elle implique un jeucomplexe de dysrégulation entre les composantes toni-que et phasique de la sécrétion de dopamine au niveaudes terminaisons du système méso-limbique (66). À l'ins-tar du modèle lésionnel, la dysfonction primaire de la bou-cle limbique retentit à la fois sur les deux autres circuits :le circuit cognitif, originaire du cortex frontal dorso-latéral,responsable des déficits neuropsychologiques constatésdans le domaine des fonctions exécutives, et le circuitmoteur, avec comme conséquence principale l’incapacitéà inhiber l’activité motrice spontanée, celle-là même quifait si typiquement défaut chez le patient athymhormique.La

figure 5

résume ainsi la situation telle que postulée parle modèle. Elle permet de comprendre, entre autres, pour-quoi, selon les cas, on pourra rencontrer divers sous-typesde TDAH, en particulier quant à la prédominance du trou-ble attentionnel ou de l’hyperactivité comportementale,selon la manière dont la dysfonction de la boucle limbiqueva retentir sur les autres systèmes, peut-être sousl’influence de divers facteurs anatomiques, neurochimi-ques, ou liés à l’interaction de l’individu, à divers momentde son développement, avec son environnement, paren-tal, éducatif et social. En outre, nous proposons de com-pléter le modèle par une troisième dimension, correspon-dant à la dysfonction de la boucle limbique elle-même, setraduisant par un ensemble de symptômes se situant surun continuum depuis la simple impulsivité jusqu’aux for-mes complètes de troubles des conduites. Cela nousamène à concevoir le trouble des conduites, non commeune forme associée ou une comorbidité du TDAH, maisbel et bien comme une autre forme symptomatique, aumême titre que la forme dysattentive et les formes hype-ractive ou mixte. L’incapacité à différer la récompense, lebesoin de satisfaction immédiate des désirs, sont des élé-ments constants du tableau de trouble des conduites, éga-lement retrouvés chez les adolescents aux tendancespsychopathiques (1). À un degré de plus, ce trouble del’immédiateté, commun à l’hyperactif et au psychopathe,va se doubler d’un défaut d’empathie, véritable trouble dela détection d’émotions chez autrui (12), qui va en quelquesorte justifier, « autoriser » le sujet à passer à l’acte.D’après les modèles neuropsychologiques actuels des

FIG. 4. —

Gambling test ou test du jeu de Poker. Performance de 23 enfants TDAH (en haut) et de 15 témoins indemnes

(en bas) lors de deux passations successives des 5 blocs de 20 cartes. Chaque point représente, à un moment du test, la soustraction nombre de tirages de piles avantageuses moins

nombre de tirages de piles désavantageuses. Lors de la première passation, les témoins ont une performance

relativement homogène au cours des blocs, alors que les hyperactifs continuent à tirer préférentiellement des piles

désavantageuses. Lors de la deuxième passation, les témoins améliorent notablement leur performance alors que les

hyperactifs restent dans le négatif. La différence entre les deux groupes est très significative (p = 0,0001).

– 25

–1

0

1

2

3

4

5

Bloc 1 Bloc 2 Bloc 3 Bloc 4 Bloc 5

Bloc 1 Bloc 2 Bloc 3 Bloc 4 Bloc 5– 4

– 3,5

– 3

– 2,5

– 2

– 1,5

– 1

– 0,5

0

Moyenne 1Moyenne 2

Moyenne 1Moyenne 2

M. Habib L’Encéphale, 2006 ;

32 :

10-24, cahier 2

S 22

troubles des conduites chez l’enfant (47) et de la psycho-pathie de l’adulte (11, 13), il apparaît plausible que le seuldéfaut du système de récompense soit insuffisant pourprovoquer un tableau complet de psychopathie, expli-quant la possibilité de TDAH même sévère sans évolutioncomportementale péjorative, mais que la survenue d’unepsychopathie proprement dite nécessite une dysfonctionamygdalienne associée, responsable de la composanteémotionnelle. Ainsi, si l’on se réfère à nouveau àl’athymhormie de l’adulte cérébro-lésé, la nature du res-senti émotionnel, dont on a vu qu’il est probablement intactchez l’athymhormique, l’est probablement aussi chezl’hyperactif, voire même à l’inverse exagéré. Mais contrai-rement à l’adulte athymhormique dont le système est fixé,l’enfant hyperactif continue à modifier les interactionsentre les différents circuits impliqués dans cette construc-tion complexe, et entre ces circuits et les multiples facteursd’environnement pouvant influer sur leur développement.C’est dire l’importance dans tous les cas d’une évaluationprécise des facteurs de risque et d’une prise en chargeprécoce des différentes facettes d’une pathologie qui n’a,à l’évidence, pas encore dévoilé tous ses mystères.

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FIG. 5. —

Le modèle des trois boucles appliqué au trouble déficitaire d’attention avec hyperactivité. Comme sur la figure 3, le rôle central est ici donné à la boucle limbique qui, grâce à un mécanisme au mieux symbolisés par une succession d’engrenages, est capable d’« entraîner » les circuits moteur et cognitif qui lui sont solidaires. En cas de TDAH, la dysfonction de la boucle limbique détermine une perturbation de la globalité du système, selon des modalités variables cependant, expliquant les différentes formes

cliniques de l’affection (inattentive, hyperactive, mixte, ou avec trouble des conduites).

Dopaminergiques

Amygdala

Apprentissagedel’associationstimulus-renforcement

Attributiond’une valence

affective(marqueurs

somatiques)

Récompense/punition

TDAH

Hypothalamus/syst. nerv. autonome

Bouclecognitive

Syndromedysexécutif

défautd’inhibition

Boucleimbique

Aversion pourdélai, impulsivité,

trouble desconduites

Hyperactivité

Afférences

Bouclemotrice

L’Encéphale, 2006 ;

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