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1 Option : Droit des conflits armés. Sujet du mémoire : Le statut de combattant : pertinence et avenir. Rédacteur : Sous-lieutenant VERNIER Thomas. Directeur de séminaire : Lieutenant-colonel FRIN. Directeur de mémoire : Lieutenant-colonel FRIN. Jury : Lieutenant-colonel FRIN, Colonel de NORBECOURT, Lieutenant-colonel FRUSTIÉ. Date de soutenance : le 8 janvier 2009. Résumé du mémoire . Le droit des conflits armés a pour objet de protéger toutes les personnes en distinguant les combattants des civils. Les conflits actuels et notamment la « guerre contre le terrorisme », de par leurs natures et leurs acteurs, brouillent cette distinction. Dès lors, l’essence même du droit des conflits armés est en danger. Il est donc nécessaire de se demander si la définition du combattant est toujours pertinente et s’il ne faut pas en proposer une nouvelle. La définition du combattant, s’est construite progressivement de 1874 à 1977. D’abord défini implicitement à l’article 4 de la III e Convention de Genève, dans une logique étatique, le combattant s’est affirmé comme individu ayant le droit de participer directement aux hostilités dans le cadre d’un conflit armé international. Les conflits armés actuels révèlent le manque de pertinence de la définition du combattant en soulignant l’absence de définition de la notion de participation directe aux hostilités et en présentant des caractéristiques nouvelles rendant leur qualification juridique difficile. Les interprétations pratiques et théoriques, de la définition du combattant, proposées par les États-Unis et le CICR se révèlent inadéquates car étant, soit nuisibles au droit des conflits armés (création d’une troisième catégorie de personne non-prévue par les Conventions de Genève), soit difficilement applicables. Deux solutions complémentaires peuvent alors être proposées. La première, séduisante pour un jeune chef de section, car pragmatique et concrète, consiste à faire prendre conscience aux parties d’un conflit, d’un intérêt mutuel les incitant à considérer les personnes capturées comme des combattants. La notion d’intérêt mutuel, permet alors d’inviter les différentes parties des conflits actuels à redéfinir le combattant. Cette redéfinition est la seconde solution. À la lumière de la Coutume, le statut de combattant doit s’appliquer dans tous les conflits armés et se baser sur une logique fonctionnelle : la participation directe aux hostilités. Redéfinir le combattant comme individu ayant le droit de participer directement à un conflit armé, présente des avantages majeurs pour l’application du droit des conflits armés. N’est-il pas selon Max Huber « le point explosif de tout le système des Conventions de Genève » ? Mots Clefs : belligérant, CAI, CANI, CICR, Conventions de Genève, civil, combattant, conflit armé, conflit asymétrique, intérêt mutuel, lois et coutumes de la guerre, mercenaire, participation directe aux hostilités, réciprocité, SMP, souveraineté terrorisme, terroriste.

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Option : Droit des conflits armés.

Sujet du mémoire : Le statut de combattant : pertinence et avenir.

Rédacteur : Sous-lieutenant VERNIER Thomas.

Directeur de séminaire : Lieutenant-colonel FRIN.

Directeur de mémoire : Lieutenant-colonel FRIN.

Jury : Lieutenant-colonel FRIN, Colonel de NORBECOURT, Lieutenant-colonel FRUSTIÉ.

Date de soutenance : le 8 janvier 2009.

Résumé du mémoire.

Le droit des conflits armés a pour objet de protéger toutes les personnes en

distinguant les combattants des civils. Les conflits actuels et notamment la « guerre contre le terrorisme », de par leurs natures et leurs acteurs, brouillent cette distinction. Dès lors, l’essence même du droit des conflits armés est en danger. Il est donc nécessaire de se demander si la définition du combattant est toujours pertinente et s’il ne faut pas en proposer une nouvelle.

La définition du combattant, s’est construite progressivement de 1874 à 1977. D’abord défini implicitement à l’article 4 de la IIIe Convention de Genève, dans une logique étatique, le combattant s’est affirmé comme individu ayant le droit de participer directement aux hostilités dans le cadre d’un conflit armé international.

Les conflits armés actuels révèlent le manque de pertinence de la définition du combattant en soulignant l’absence de définition de la notion de participation directe aux hostilités et en présentant des caractéristiques nouvelles rendant leur qualification juridique difficile.

Les interprétations pratiques et théoriques, de la définition du combattant, proposées par les États-Unis et le CICR se révèlent inadéquates car étant, soit nuisibles au droit des conflits armés (création d’une troisième catégorie de personne non-prévue par les Conventions de Genève), soit difficilement applicables.

Deux solutions complémentaires peuvent alors être proposées. La première, séduisante pour un jeune chef de section, car pragmatique et concrète, consiste à faire prendre conscience aux parties d’un conflit, d’un intérêt mutuel les incitant à considérer les personnes capturées comme des combattants. La notion d’intérêt mutuel, permet alors d’inviter les différentes parties des conflits actuels à redéfinir le combattant. Cette redéfinition est la seconde solution. À la lumière de la Coutume, le statut de combattant doit s’appliquer dans tous les conflits armés et se baser sur une logique fonctionnelle : la participation directe aux hostilités.

Redéfinir le combattant comme individu ayant le droit de participer directement à un conflit armé, présente des avantages majeurs pour l’application du droit des conflits armés. N’est-il pas selon Max Huber « le point explosif de tout le système des Conventions de Genève » ?

Mots Clefs : belligérant, CAI, CANI, CICR, Conventions de Genève, civil, combattant, conflit armé, conflit asymétrique, intérêt mutuel, lois et coutumes de la guerre, mercenaire, participation directe aux hostilités, réciprocité, SMP, souveraineté terrorisme, terroriste.

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Option : Law of armed conflict.

Dissertation : The status of combatant: relevance and future prospect.

Author: Second lieutenant VERNIER Thomas.

Head of seminar : Lieutenant-colonel FRIN.

Dissertation director : Lieutenant-colonel FRIN.

Jury : Lieutenant-colonel FRIN, Colonel de NORBECOURT, Lieutenant-colonel FRUSTIÉ.

Date of presentation : the 8th of January.

Summary of dissertation.

The goal of the law of armed conflict is to protect every person by establishing

a distinction between the combatants and civilians. Current conflicts especially the “war against terrorism” (by their nature and their actors) make this distinction unclear. This undermines the law of armed conflicts. In this context, it is necessary to question the relevance of the definition and to see if a new definition is necessary.

The definition of combatant has evolved from 1874 to 1977. At first, as defined, implicitly by the article 4 of the third Geneva Convention, in an interstate logic, a combatant is now, an individual entitled to the right to participate in hostilities in an international armed conflict.

Modern conflicts show the irrelevance of this definition of combatant, by underlining the absence of the definition of “direct participation in hostilities”. Moreover, the new characteristics make juridical qualification difficult. Thus, the traditional I.C.R.C definition faces irrelevance because it is difficult to apply. On the other hand, the definition of combatant created by the US is dangerous to the law of armed conflict by creating a third category of persons not planned by the Conventions.

Two complementary solutions can be proposed. The first one, which is pragmatic and realistic, hence interesting for a young platoon leader, consists in making the parties aware of a mutual interest, leading them to consider the captured persons as combatants. The notion of mutual interest is helpful in making the parties to current conflicts redefine the combatant. In the light of Custom, the status of combatant shall be applied to any armed conflicts and be based on a functional logic: the direct participation in hostilities.

Redefining the combatant as the person, who is entitled to participate directly in an armed conflict, has many advantages in the application of the laws of armed conflicts. Is it not, according to Max Huber, the explosive point of all the Geneva Conventions system?

Key Words: armed conflict, asymmetrical conflict, belligerent, Geneva Conventions, international armed conflict, ICRC, civilian, combatant, direct participation to the hostilities, Laws and Customs of War, mercenary, mutual interest, non international armed conflict, Private Military Society (PMS), reciprocity, sovereignty, terrorism, terrorist.

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Remerciements.

Qu’il me soit permis ici de remercier vivement toutes les personnes qui ont

apporté leurs concours à mes recherches et plus particulièrement encore :

Le Lieutenant-colonel Frin, directeur de ce mémoire ; Le professeur Michel Veuthey, vice-Président de l’Institut International de Droit Humanitaire (IIDH) de San Remo ; Le Colonel Loikkanen, ancien directeur du département militaire de l’IIDH ; Le Colonel Stythe, actuel directeur du département militaire de l’IIDH ; Shirley Morren, responsable de la bibliothèque de l’IIDH.

Je ne saurais oublier mon épouse, Claire, pour son soutien et ses nombreuses relectures, ainsi que mes parents.

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Avertissement (obligatoire). « Les idées et opinions émises dans ce mémoire n’engagent que la responsabilité de son auteur et ne reflètent en aucun cas celles du directeur de séminaire ou des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, ou du ministère de la défense. »

« Précisions apportées par les Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan : Ce mémoire est le fruit des travaux de recherche de l'élève. Dans le cadre d'un archivage et d'une éventuelle publication, les Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan attirent votre attention sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une version corrigée du mémoire. Ce dernier est donc susceptible de contenir des fautes d'orthographe ou de syntaxe ainsi que certaines imprécisions. »

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Le statut de combattant : pertinence et avenir.

SOMMAIRE

• 1re PARTIE : Construction et pertinence de la définition du combattant.

• Chapitre 1 : Construction de la définition du combattant.

• Chapitre 2 : Le statut de combattant à l’épreuve du temps.

• 2e PARTIE : Revisiter la notion de combattant.

• Chapitre 1 : La dualité d’interprétation de l’article 4.

• Chapitre 2 : Vers une nouvelle définition du combattant.

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Table des abréviations.

AG : Assemblée Générale des Nations Unies. CAI : Conflits Armés Internationaux. CANI : Conflits Armés Non Internationaux. CEDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme. CICR : Comité Internationale de la Croix-Rouge. CG : Conventions de Genève du 12 août 1949.

• CG I : Première Convention de Genève du 12 août 1949 pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne.

• CG II : Seconde Convention de Genève du 12 août 1949 pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer.

• CG III : Troisième Convention de Genève du 12 août 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre.

• CGIV : Quatrième Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.

CIA : Central Intelligence Agency. CIJ : Cours International de Justice. CS : Conseil de Sécurité des Nations Unies. DCA : Droit des Conflits Armés. DIH : Droit International Humanitaire. DIP : Droit International Public. ONU : Organisation des Nations Unies. OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. PA : Protocole Additionnel aux Conventions de Genève de 1977.

• PA I : Premier Protocole Additionnel du 8 juin 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux.

• PA II : Second Protocole Additionnel du 8 Juin 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux.

SMP : Société Militaire Privées. TPY : Tribunal Pénale pour l’ex-Yougoslavie. USA: United States of America.

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« Il faudrait également insister sur le caractère extraordinaire du droit humanitaire, qui ne saurait qualifier ni conflit ni parties, ni même personnes protégées autrement que par leurs qualités d’êtres humains.1 »

Professeur Michel Veuthey, Vice-président de l’Institut International de Droit Humanitaire de San Remo.

1. VEUTHEY Michel, Guérilla et droit humanitaire, Genève, Institut Henry-Dunant, 1976, 431 p., p. 357.

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Introduction.

« On doit donner sa nourriture à l’ennemi »2, ce commandement du droit

naturel du second millénaire avant Jésus-Christ, évoque déjà l’idée d’un combattant capturé, qui doit être traité selon certaines règles.

Ces règles ne proviennent pas d’abord du droit positif, elles sont du domaine de la Morale. Cette Morale3 est inscrite dans l’Homme qui a une raison. La raison étant universelle, les différentes civilisations ont su inscrire dans leur coutume, les mêmes règles, qui visent à assurer, notamment aux personnes capturées dans les combats, un statut particulier.

Dans les premières civilisations, le guerrier ne se rend pas : il se suicide ou, meurt au combat. Cependant chez les peuples sédentaires « on constate des velléités d’atténuer les combats »4 : c’est ainsi que de nombreux squelettes, retrouvés sur les champs de bataille de l’époque néolithique, présentent des réductions de fracture, voire des trépanations, preuve que le combattant ennemi blessé et capturé, bénéficie d’un certain statut.

Très rapidement, dans les civilisations grecques et romaines, le combattant

capturé par l’ennemi, acquiert un statut : celui d’esclave. Les combattants capturés sur les champs de bataille servent donc à développer l’économie de ces civilisations. Cependant ce système est remis en cause par les Stoïciens à l’époque de la Pax romana. Ils affirment l’égalité entre les Hommes : l’esclavage devient donc problématique. Le christianisme met, aussi, en échec cette logique car il proclame que tout Homme est créé à l’image de Dieu : le combattant capturé reste un homme, il doit donc jouir de certains droits et ne pas être esclave. Par conséquent, lors des guerres privées entre seigneurs, les combattants capturés sont rendus contre rançon. Cependant ce principe ne s’applique que dans la civilisation chrétienne. Lorsqu’un conflit oppose des personnes de religion différente ; alors le combattant capturé est tué ou, devient esclave. En effet, à la même époque, la notion de guerre sainte s’affirme : elle justifie l’absence de lois contre l’ennemi dont la religion est différente puisque celui-ci représente le Mal, alors que « je » représente le Bien. Le Mal doit périr, le combattant capturé n’a donc pas de statut. Cette idée n’est pas sans

2. PICTET Jean, Développement et Principes du Droit International Humanitaire, Genève, Institut Henry-Dunant, 1983, 117 p., p. 14. Les aspects historiques de cette introduction sont tirés en grande partie de cet ouvrage. 3. Cette Morale se retrouve dans toutes les civilisations, comme nous retrouvons dans chacune d’elles, le Nombre d’Or. 4. PICTET, op.cit., p. 12.

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rappeler « la guerre contre le terrorisme », définie par le président George Bush5 comme « la Lutte du Bien contre l’Axe du Mal ». L’époque moderne, la détention du monopole de la violence légitime par l’État6 ainsi que la professionnalisation de la guerre au XVIIIe siècle, favorisent l’attribution d’un statut particulier au combattant capturé7.

Parallèlement à la morale occidentale, d’autres civilisations attribuent un statut

au combattant capturé : c’est le cas de la culture indienne. Le Mahabhârata8 et la Loi de Manou9, proclament des lois, pour les guerriers : « il est défendu de tuer l’ennemi désarmé ou qui se rend, on doit renvoyer dans leur foyers les blessés, une fois guéris »10.

Nous pouvons donc constater que dans toute civilisation, le combattant capturé,

a un statut déterminé. La guerre terrible de 1870 fait prendre conscience aux États occidentaux, de la nécessité d’inscrire dans le droit positif cette Morale humaine et par conséquent de fixer des règles pour attribuer le statut de prisonnier de guerre.

Ces règles de droit positif vont peu à peu au gré des événements s’affiner : la définition du combattant est définitivement fixée dans le Protocole additionnel I, de 197711, aux articles 43 et 44, écrits suite aux guerres de décolonisation. Ils font référence à l’article 4, alinéa 1, 2, 3, et 6 du paragraphe A de la IIIe Convention de Genève de 194912, mise en forme suite à la Seconde Guerre Mondiale.

Avant de continuer notre introduction, il est important de s’arrêter sur deux idées : la qualification juridique des conflits armés et le combattant. 5. Dans tout le mémoire, nous écrivons « George Bush » ou « Bush » pour désigner le président des Etats-Unis de 2008 : George. W. Bush. 6. Ce concept de « monopole de la violence légitime » a été développé par Max Weber. Les conséquences du monopole de la violence légitime et de la guerre comme rapport d’État à État sont développées à l’aide du philosophe Jean-Jacques Rousseau, dans le chapitre 1. 7. Le XVIIIe siècle correspond à l’époque de la « guerre en dentelles ». Ces guerres se font entre professionnels, ponctuellement au service d’un pays. Le but n’est plus de tuer l’adversaire, mais d’obtenir une position tactique supérieure à l’ennemi sur un champ de bataille. Cette supériorité permet alors au pays de mener des négociations avec des arguments de poids. L’idée d’attribuer un statut particulier à une personne exerçant la même profession et pouvant se retrouver le lendemain à vos côtés, dans d’autres batailles, semble logique. 8. Le Mahabhârata signifie littéralement « Grande Humanité ». C’est une épopée sanskrite de la mythologie hindoue, dont la taille et l’importance pour la civilisation Hindoue sont analogue à la Bible pour l’Occident. Ce livre sacrée de l’Inde est un poème épique, racontant des faits guerriers d’où sont tirés un certains nombre de préceptes. 9. La Loi de Manou est bien plus qu’un ensemble de lois. D’origine sanskrite, ce livre rassemble des idées métaphysiques, une théorie du système cosmique, ainsi que des préceptes qui régissent tous les aspects de la vie de l’Homme. 10. Pictet, op.cit., p. 15. 11. Deux Protocoles additionnels (PA) aux Conventions de Genève (CG) ont été signés le 08 juin 1977. Le premier Protocole appelé « Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) » est ratifié par 163 États. Le second intitulé « Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) » est ratifié par 167 États. Aucun des deux protocoles n’est ratifié par les États-Unis. Plus de renseignements sur les Protocoles sont disponibles sur : http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/genovaconventions consulté le 21 octobre 2008. 12. Les quatre Conventions de Genève ont été signées par 194 États et « ont ainsi acquis une reconnaissance universelle » d’après le Comité International de la Croix Rouge (CICR), consulté le 21 octobre 2008 sur : http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/additionals-protocols-30-years.

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L’article 4 de la IIIe Convention de Genève, ainsi, que le Protocole additionnel

I, ne s’appliquent qu’en cas de conflit armé international. Un conflit armé international recouvre quatre types de situation :

- « cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes parties contractantes, même si l’état de guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles ; »13

- « cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’une Haute Partie contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire ; »14

- « les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; »15

- « en application d’une règle classique du droit de la responsabilité internationale des États, un conflit entre les forces gouvernementales et des forces dissidentes à l’intérieur du même pays devient international si les forces dissidentes sont de facto d’un État tiers. Dans ce cas les comportements de ce dernier sont attribués à l’État tiers.» 16

Les conflits armés non internationaux ont leurs règles fixées par l’article 3

commun aux quatre Conventions de Genève ainsi que par le Protocole additionnel II. Dans ce Protocole additionnel, les conflit armés non internationaux, selon l’article 1, alinéa 1, sont : « tous les conflits qui ne sont pas couverts par l’article 1 du Protocole additionnel I relatif aux Conventions de Genève du 12 août 1949, et qui se déroulent sur le territoire d’une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d’un commandement responsable, exerce sur une partie de son territoire un contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées».

Comme l’explique l’alinéa 2 de ce même article, les conflits internes, c'est-à-

dire les conflits, où les forces armées interviennent pour assurer un retour au calme, ne sont pas couverts par ce Protocole. Ils ne le sont pas plus par le droit des conflits armés, car ceux-ci ne sont pas des conflits armés.17

Un combattant existe donc, juridiquement, seulement dans les conflits armés

internationaux. Mais, quelle est la définition du combattant ? L’article 4, paragraphe A, alinéa 1, 2, 3 et 6 de la IIIe Convention de Genève ne le définit pas ; mais il attribue un statut de prisonnier de guerre à ces personnes qui selon Michel Veuthey « définissent ainsi, dans le droit positif la notion de combattant »18. Ce n’est que le Protocole additionnel I, aux articles 43 et 44, qui définit le combattant par un renvoi aux alinéas (cités ci-dessus) du paragraphe A, de l’article 4 de la IIIe Convention de Genève. Cette définition du combattant est importante, car elle permet

13. Article 2 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949. 14. Id. 15. PA I, article 1, alinéa 4. 16. SASSOLI Marco, BOUVIER Antoine A., Un droit dans la guerre ? (Volume 1), Genève, Comité Internationale de la Croix Rouge (CICR), 2003, 396 p., pp. 114-115. 17. Une question peut alors être soulevée : quelle est la définition d’un conflit armé ? Cette question trouve sa réponse dans le chapitre 2, Section I, 1er paragraphe, 2. 18. VEUTHEY Michel, Guérilla et droit humanitaire, Genève, Institut Henry-Dunant, 1976, 431 p., p. 184.

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de définir par opposition la population civile et donc de remplir le but premier du droit des conflits armés : la protection de tous.

Le statut de combattant, donne les droits :- de participer directement aux

hostilités, ce qui justifie la possibilité d’être pris pour cible pendant les hostilités ; - de bénéficier du statut de

prisonnier de guerre, ce qui implique un autre droit : ne pas pouvoir être jugé pour avoir participé aux hostilités. Le statut de combattant donne aussi des devoirs dont les plus fondamentaux sont : - le respect du droit des conflits armés applicables au conflit ; - le principe de distinction de la population civile.

Par la négative19, le civil est celui qui a interdiction de participer directement aux hostilités, qui peut-être puni pour le seul fait d’y avoir participé, et qui ne peut être pris pour cible20 .

Aujourd’hui, comme en témoigne l’affaire de Guantánamo, la définition du

combattant et donc celle de la population civile, ne semblent plus être satisfaisantes pour tous. Ainsi, les Américains21 affirment que les détenus de ce camp, tombent dans un vide juridique22, existant entre la définition du combattant et celle de la population civile.

Ce vide semble impensable, compte tenu de l’article 50, alinéa 1, du Protocole

additionnel I définissant le civil comme celui qui n’est pas un combattant. Il semble nécessaire de s’y intéresser d’un peu plus prés. Retraçons d’abord brièvement les événements, pour en tirer les conséquences juridiques.

Suite aux attaques du 11 septembre, et au début de la « guerre contre le

terrorisme » une coalition d’États, commandée par les États-Unis, intervient en Afghanistan, capture des membres d’Al-Qaïda et des Talibans : ils sont internés dans un territoire non-américain, mais de facto, sous contrôle américain: Guantánamo. Au dire des États-Unis, ces personnes capturées ne sont ni des civils ni des combattants ; elles sont donc dans un vide juridique. Elles sont simplement internées, en vertu de l’ordre exécutif de 2001 intitulé : Detention treatement and Trial of certain non citizens in the war against terrorism.

19. Ce raisonnement consistant à définir le civil comme celui n’étant pas combattant est tenu à l’article 50, alinéa 1, PA I (Cf. Annexe 7). 20. Le civil lorsqu’il participe aux hostilités, perd sa protection de civil pendant le temps de sa participation ; il peut alors être pris pour cible. Cette règle est mentionnée à l’article 51, alinéa 3, PA I. 21. Dans le mémoire, par facilité nous utiliserons les termes « Américains », « administration américaine » pour désigner les positions de l’administration Bush et donc des États-Unis de 2008, en matière de droit international humanitaire. Il est en effet, évident que tous les juristes américains et même les candidats à la Maison Blanche ne sont pas d’accords avec ces positions. 22. Ce vide juridique est cependant relatif ; certes les Américains affirment son existence en droit international humanitaire, mais celui-ci est impensable si on prend en compte le respect de La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen du 10 décembre 1948 adoptée par la résolution 217 lors de la IIIe session de l’Assemblée Générale des Nations-Unies.

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En 2004, la Cour Suprême dans l’arrêt Rasul versus Bush23 reconnaît que même si ces prisonniers ne sont pas sur le territoire américain, les tribunaux fédéraux sont compétents pour entendre les demandes des prisonniers concernant les causes de leur détention (en vertu de l’Habeas Corpus24) car les gardiens des prisonniers sont sous juridiction américaine. Le Detainee Act25, du 30 décembre 2005, annule cet arrêt sans pour autant avoir un effet rétroactif. En 2006, la Cour Suprême dans l’arrêt Rumsfeld versus Hamdam26, déclare qu’une commission militaire peut être mise en place, pour juger les détenus qui ont violé les Conventions de Genève. En octobre 2006, le Congrès vote le Military Commission Act27, qui suspend les recours en vertu de l’Habeas Corpus, qui ont été faits avant la publication du Detainee Act . Le 12 juin 2008, la Cour Suprême dans l’arrêt Boumediene versus Bush28, déclare que les personnes étrangères internées, doivent avoir, en vertu de l’Habeas Corpus, un accès aux tribunaux américains.

De ces différents événements deux faits ressortent : les conflits ont évolué,

ainsi, le président Bush parle de « guerre contre le terrorisme », terme qui révèle le changement de la nature des conflits. Les acteurs sont nouveaux et semblent pouvoir être définis ni comme des combattants, ni comme des civils ; ont-il le droit de participer directement aux hostilités ? Que signifie participer directement aux hostilités ?

Si les conflits sont nouveaux et les acteurs aussi, alors l’article 4 de la IIIe Convention de Genève, et les articles 43 et 44 du Protocole additionnel I qui définissent le combattant, ne sont-ils pas dépassés ? De plus, nous avons pu constater au début de l’introduction que l’inscription dans le droit positif du droit des conflits armés, est le fruit d’une heureuse « rencontre » entre des circonstances et la Morale ; les circonstances ont-elles changés ? Si oui, ne faut-il pas revoir ce droit positif ?

23. Arrêt numéro 03-334, Shafiq RASUL, et al. v. George W. BUSH, et al., 28 juin 2004, Cour Suprême des États-Unis (USA), disponible le 12 novembre 2008 sur : http://supreme.lp.findlaw.com/supreme_court/briefs/03-334/03-334.mer.pet.pdf. 24 . Le 27 mai 1679, entre les deux révolutions anglaises du XVIIe siècle, la loi intitulé « Habeas Corpus » est voté par le parlement anglais. Le but de cette loi est d’interdire la détention arbitraire de n’importe qui sur simple ordre du roi. Cette loi est valable dans toutes les colonies anglaises. Elle a acquise une valeur constitutionnelle aux États-Unis. Son application peut-être suspendue en cas de guerre. C’est sur cet argument que l’administration Bush s’est fondée pour ne pas donner aux détenues de Guantánamo de motif de détention. 25. Disponible le 12 novembre 2008 sur : http://jurist.law.pitt.edu/gazette/2005/12/detainee-treatment-act-of-2005-white.php. 26. Arrêt numéro 05-184, Salim Ahmed HAMDAM, Petitioner. v. Donald H. RUMSFELD, secretary of defense, et al., 19 juin 2006, Cour Suprême des USA, disponible sur: http://supreme.lp.findlaw.com/supreme_court/briefs/05-184/05-184.mer.resp.pdf 27. Disponible le 12 novembre 2008 sur : http://www.govtrack.us/congress/bill.xpd?bill=h109-6166. 28. Arrêt numéro 06-1195, BOUMEDIENE. et al. v. BUSH, president of the United States, et al., 12 juin 2008, Cour Suprême des USA disponible le 12 novembre 2008 sur : http://www.law.cornell.edu/supct/html/06-1195.ZS.html.

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Nous pouvons donc nous demander si la définition du combattant,

proposée par l’article 4 de la IIIe Convention de Genève et, précisée par les articles 43 et 44 du Protocole Additionnel I, demeure pertinente.

Quelle interprétation donner à cette définition ? N’est-il pas nécessaire de réviser celle-ci ?

Bien que de nombreuses fois modifiée, afin de pouvoir être en adéquation avec les conflits armés, la définition du combattant n’est plus pertinente, aujourd’hui ; il semble nécessaire de la revisiter à la lumière de l’intérêt mutuel entre les parties, et de la Coutume.

Dans une première partie nous étudierons donc la construction de la définition du combattant de 1874 à 1977 afin d’évaluer la pertinence des critères fixés par celle-ci. Dans une seconde partie, nous dresserons le bilan des interprétations actuelles de la définition du combattant, puis nous proposerons une nouvelle approche du combattant29.

29. Les cinq références suivantes permettent de retrouver tout les textes officiels sur lesquels le mémoire s’appuie : - www.cicr.fr, le site du CICR possède une base de données comprenant tout les textes de droit international humanitaire.

-www.icj-cij.org, le site de la CIJ contient tout les arrêts et décisions pris par cette institution. -www.echr.coe.int, le site de la CEDH répertorie toutes ses décisions et arrêts. -www.un.org, le site de l’ONU possède une base de données où toutes les résolutions prises par le Conseil de Sécurité et l’Assemblée Générale sont disponibles. - SCHINDLER D., TOMAN J., Droit des Conflits Armés, Genève, Institut Henry-Dunant, 1996, 1470 p.

Enfin le site www.ridi.org relatif à l’actualité du droit international public a été utile pour le début des recherches de ce mémoire.

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Partie I : Construction et pertinence de la définition du combattant.

L’objet de cette première partie est de comprendre comment, s’est construite la

définition du combattant (chapitre 1), afin d’apprécier la pertinence de celle-ci face aux conflits armés contemporains (chapitre 2).

Chapitre 1 : Construction de la définition du combattant.

La définition du combattant est issue de la conjoncture lois et les coutumes de la guerre avec des circonstances géopolitiques30. Elle s’est tout d’abord construite dans une logique de rapport interétatique ; en effet de 1870 à 1945, le principe d’État-nation structure le Monde. Puis celle-ci, sans rien changer dans ses principes fondamentaux, s’est adaptée aux évolutions de l’après Seconde Guerre Mondiale où l’État-nation occidental est ébranlé par de nouveaux types de guerre : guerre de décolonisation, guérilla… Le combattant est alors envisagé non plus dans une logique d’État-nation mais de manière quasi-individuelle.

Avant de retracer la construction de la définition du combattant, il est nécessaire de préciser que jusqu’en 1977, les mots «combattant» et «belligérant» ne sont pas définis par les textes de droit des conflits armés. Le mot « belligérant » regroupe les « combattants » et les « non combattants » des forces armées, il fait aussi allusion au pays qui est impliqué dans un conflit, ainsi qu’à ses gouvernants. Le mot « combattant » est quant-à lui, moins employé : il semble être un synonyme plutôt restrictif du mot « belligérant », en faisant référence à celui qui se bat sur le champ de bataille. C’est pourquoi nous utiliserons indifféremment ces deux termes, dans la première section.

30. L’annexe 6 retrace sous forme de tableau la construction de la définition du combattant.

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Section 1 : De l’ébauche à la codification du statut du combattant. 

La codification du statut de combattant est marquée par deux étapes : une ébauche de définition dans un cadre étatique, puis une codification de celui-ci dans ce même cadre. Cependant, dans certains cas, le combattant n’agit déjà plus dans une logique étatique.

Paragraphe 1 : Définir le belligérant dans un cadre étatique (1863-1929).

Certes, il existe une volonté commune des États de définir le belligérant pour lui donner des droits (en particulier celui de prisonnier de guerre) et des devoirs mais, ce n’est qu’au prix d’un compromis que les États réussissent à le définir.

A. Une volonté d’attribuer le statut de prisonnier de guerre aux belligérants respectueux de certaines règles.

Si le XIXe siècle abolit l’esclavage, il en a aboli aussi sa première origine en attribuant au combattant capturé par l’ennemi, le statut de prisonnier de guerre. Nous constatons alors qu’accorder le statut de prisonnier de guerre revient à définir celui qui peut légitimement être considéré comme combattant. Il semble tout d’abord nécessaire de comprendre les motifs qui ont poussé les puissances étatiques à attribuer le statut de prisonnier de guerre au combattant, puis les premières ébauches de la codification du statut de combattant.

1. Pourquoi attribuer un statut de prisonnier de guerre ?

Trois raisons poussent les hommes politiques du XIXe siècle à vouloir attribuer un statut particulier au combattant tombé aux mains de l’ennemi.

Le premier motif est d’ordre sociologique. Le combattant capturé n’est pas n’importe qui, il est celui qui a le droit de porter les armes ; il a donc droit à un statut particulier. En effet, Georges Dumézil31, nous explique, que dans les sociétés indo-européennes, nous pouvons distinguer trois ordres : ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent. Au Moyen-âge, ceux qui combattent sont les chevaliers, qui constituent la noblesse ; les paysans, eux, payent des impôts à leurs seigneurs qui, en retour leur assurent protection. C’est aussi de là que vient l’expression « Jeu de mains, jeu de vilain ». Le vilain, en effet, est celui qui n’a pas le droit de porter les armes, il ne peut donc se battre qu’avec ses mains.

Cette première raison est complétée par une seconde, d’ordre historique ; au fur et à mesure que l’État se constitue, il acquiert le monopole de la violence légitime. La guerre n’est alors plus l’affaire de la noblesse, elle n’est plus d’ordre privé mais devient d’ordre public : le roi déclare la guerre, les seigneurs lèvent les bans et arrières bans, et partent en guerre.

31. DUMÉZIL Georges, Mythes et Épopées I, II, III, Paris, Gallimard, 1995, 1484 p., p. 13.

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De plus, suite aux guerres de religion, la guerre se professionnalise et devient un art : elle est alors codifiée par les chefs d’État. C’est ainsi que « le traité de Munster, conclu en 1648, est le premier acte international qui ait établi les règles modernes sur le traitement des prisonniers de guerre»32. L’idée de protéger les combattants tombés aux mains de l’ennemi, est reprise par la Révolution française qui déclare : « les prisonniers de guerre sont sous la sauvegarde de la nation et la protection des lois »33. À la même époque, la France, attaquée par la moitié de l’Europe, instaure la conscription ; dès lors, les batailles deviennent terribles. L’idée, que seule une catégorie d’hommes, ayant le droit de porter les armes tout en devant être traitée convenablement si elle tombe aux mains de l’ennemi, disparaît.

Cette deuxième raison historique trouve ses fondements dans la philosophie. Pendant longtemps, il est admis que tout combattant tombant en la possession de l’ennemi, devienne un esclave. C’est ainsi que Grotius écrit : « les prisonniers de guerre deviennent esclaves, eux et leur postérité »34. Jean-Jacques Rousseau, dans Du contrat social, révolutionne cette pensée en affirmant : « La fin de la Guerre étant la destruction de l’État ennemi, on a le droit d’en tuer les défenseurs tant qu’ils ont les armes à la main, mais sitôt qu’ils les déposent et se rendent, ils redeviennent simplement hommes et l’on n a plus droit sur leur vie »35. Les autres philosophes des Lumières colportent cette idée nouvelle jusque dans la seconde partie du XIXe siècle. Cette idée trouve d’autant plus de succès à l’époque que, les guerres napoléoniennes, puis les guerres révolutionnaires (qui instaurent le principe d’État-nation dans toute l’Europe), voient se mélanger populations civiles, brigands, militaires professionnels et amélioration considérable des armements. L’idée de définir un combattant et son droit au statut de prisonnier de guerre devient donc primordiale.

Dans les années 1860, il existe donc une convergence de causes sociologiques, historiques et philosophiques, poussant les États à accorder un statut de prisonnier de guerre aux combattants respectueux de certaines règles. On assiste alors à l’ébauche du statut de combattant.

2. Les premières ébauches du statut de combattant.

Les deux premières ébauches de la définition du combattant, sont, le Code de

Lieber de 1863 qui, quelques années plus tard, est repris par le gouvernement russe dans Le projet de Convention Internationale concernant les lois et coutumes de la guerre. Ce projet sera la base des discussions entre les puissances européennes lors de la Conférence de Bruxelles de 1874.

Le Code de Lieber ou plutôt l’Ordre Général numéro 100, est le premier texte législatif d’ordre national où nous trouvons une énumération des belligérants et donc des potentiels prisonniers de guerre. Quels sont alors le contexte de la rédaction de ce Code et son contenu ? Ce Code est la première tentative d’inscription dans le droit positif des lois de la guerre. Il est écrit par Francis Lieber, professeur à l’Université de Columbia à New York, puis revu par des officiers américains. Promulgué par le président Lincoln pendant la guerre de sécession, il ne lie donc que les forces nordistes et sudistes. Bien qu’il n’ait qu’une valeur nationale, il révèle fort bien ce que sont les coutumes de la guerre. En effet,

32. Comité International de la Croix Rouge, Cours de cinq leçons sur les Conventions de Genève, Genève, CICR, 1962, 114 p., p. 65. 33. PICTET Jean, Le pendule de l’Histoire, in extrait de la Revue de Droit Pénal Militaire et de Droit de la Guerre, Bruxelles, société internationale de droit pénal militaire et de droit de la guerre, 1975, p.289. 34. Comité International de la Croix Rouge, op. cit., pp. 64 - 65. 35. ROUSSEAU Jean Jacques, Du contrat social, 1762, livre I.

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Francis Lieber s’est inspiré de nombreux auteurs comme Grotius et Puffendorf qui ont pour point commun d’affirmer l’existence de la Morale humaine, s’imposant chez toutes les parties à un conflit. Il faut ajouter, comme le fait remarquer Baxter dans son article The first modern codification of the Law of War, que ce texte destiné aux militaires, doit remplir deux buts : « être un court texte sur les lois de la guerre, et une série de règles »36. La troisième section du Code de Lieber intitulée « Déserteurs-Prisonniers de Guerres-Otages-Butins de guerre»37 aux articles 49, 50, 51 et 52, détermine les personnes ayant le droit au statut de prisonnier de guerre : « les soldats, les membres des levées en masse, les personnels attachés aux armées qui contribuent à leur fonctionnement (sic), les soldats et officiers blessés, les ennemis se rendant, les citoyens accompagnants les armées, les monarques et les hauts fonctionnaires38. La guerre est envisagée comme un rapport d’État à État ; cela justifie alors, que les monarques et les hauts fonctionnaires soient considérés comme des prisonniers de guerre. Francis Lieber en présentant ce texte à ses étudiants ajoute aussi : « le droit de tuer cesse avec la nécessité de tuer »39. Les combattants étant aux mains de l’ennemi, ils ne peuvent plus nuire. Il n’est donc plus nécessaire de les tuer, il faut leur attribuer un statut de prisonnier de guerre. Nous pouvons aussi noter que Francis Lieber affirme le principe de non discrimination entre les prisonniers : toute personne réduisant certains prisonniers à l’esclavage sera condamnée à mort. Enfin aux articles 63, 64, 65 et 68, il déclare comme ne pouvant pas jouir du statut de prisonnier de guerre, les personnes utilisant des uniformes ou emblèmes ennemis. Ces deux dernières remarques ne montrent-t-elles pas la modernité de ce texte ?

C’est pourquoi le gouvernement russe d’Alexandre II s’inspire de ce texte pour écrire Le projet de Convention Internationale concernant les lois et coutumes de la guerre, projet qui constitue la base de discussion entre les nations lors de la Conférence de Bruxelles de 1874. Ce projet comprend : « -à l’article 9 : une définition de la qualité de belligérant -à l’article 10 : une subdivision des forces armées en combattants et non-combattants -aux articles 45 et 46 : 1) une assimilation aux belligérants de la levée en masse à l’approche de l’ennemi 2) le refus d’une telle assimilation en cas de soulèvement contre une occupation ennemie -à l’article 47 ; le refus d’une telle assimilation dans le cas du combattant isolé et intermittent »40. De plus, il faut constater que dans ce projet, le fait d’être considéré comme belligérant, ou d’être belligérant, permet l’attribution directe du statut de prisonnier de guerre.

36. BAXTER R.R., The first modern codification of the law of war, in International Review of the Red Cross, numéro 26, mai 1963, p. 234. 37. Instructions for the Government of Armies of the United States in the Field (LIEBER Code), 24 avril 1863. Celles-ci sont disponible in SCHINDLER D., TOMAN J., Droit des Conflits Armés, Genève, Institut Henry-Dunant, 1996, 1470 p., p.23. 38. Id. 39. BAXTER, op. cit., p. 237. 40. BREUCKER (de) J, La déclaration de Bruxelles de 1874, in extrait de la Revue de Droit Pénal Militaire et de Droit de la Guerre, Bruxelles, société internationale de droit pénal militaire et de droit de la guerre, 1975, pp. 47- 48 .

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B. De Bruxelles à Genève : la recherche d’un compromis.

Dès la Conférence de Bruxelles, nous voyons que définir les personnes ayant le droit au statut de prisonnier de guerre (c'est-à-dire définir le combattant légitime) est un enjeu politique. Le compromis trouvé à l’époque, est une définition du belligérant sans en donner les limites précises.

1. La Conférence de Bruxelles, révélatrice des difficultés à définir le belligérant

légitime.

La Conférence de Bruxelles41 démontre les enjeux politiques de la définition du combattant, qui sont doubles.

Tout d’abord, la Conférence de Bruxelles révèle les deux théories du nationalisme présent dans l’Europe post 1848 : celle, subjective, héritée de Renan et représentée par les pays européens petits politiquement (Belgique, Suisse, Italie, Espagne et la France) et celle objective, héritée de Fichte (incarnée par la Russie, l’Autriche et l’Allemagne). Nous avons donc un nationalisme libéral et révolutionnaire d’une part, et un nationalisme centralisateur et militaire d’autre part. C’est dans cette logique que s’inscrivent les discussions sur l’article 47 et 45 du projet russe. Les États se mettent rapidement d’accord pour que l’article 45 constitue l’article 10 : les personnes prenant les armes à l’approche de l’ennemi, sont considérées comme des belligérants si elles respectent les coutumes et lois de la guerre. L’article 47, interdisant « les combattants intermittents » (il fait écho au code de Lieber), est finalement annulé car contesté par les petits pays. C’est ainsi que le délégué des Pays-Bas écrit à son sujet : « livrer d’avance à la justice de l’ennemi des hommes qui par patriotisme et à leurs risques et périls s’exposent à tous les dangers qu’entraîne un soulèvement, serait un acte qu’aucun gouvernement n’oserait poser »42.

Cette conférence révèle par les discussions sur l’article 9, et sur l’article 46 la situation géopolitique de l’époque. En droit international public, chaque État est souverain et cette souveraineté permet d’affirmer que tous les États sont égaux. Cependant sur le plan politique, certains sont « moins égaux » que d’autres, car étant moins puissants de par leur population, leur géographie…Ici, nous avons d’une part, des États faibles ou affaiblis comme la France, l’Espagne, la Suisse, la Belgique, l’Italie et d’autre part, des États forts tels que l’Autriche, l’Allemagne, et la Russie. C’est ainsi que le baron de Lambermont, ministre des affaires étrangères belges, écrit dans sa correspondance : « Les Allemands font les congrès comme ils font la guerre ; ils nous envoient un corps d’armée »43. Les États faibles sont très réticents au fait qu’un article fixe de manière déterminée ceux qui en dehors des forces armées peuvent bénéficier du droit des belligérants. En effet, pour eux, toute la nation doit contribuer directement à l’effort de guerre lorsque l’armée

41. SCHINDLER D., TOMAN J., Droit des Conflits Armés, Genève, Institut Henry-Dunant, 1996, 1470 p., p. 23. 42. BREUCKER (de) J, La déclaration de Bruxelles de 1874 concernant les lois et coutumes de la guerre, in Chronique de Politique Etrangère, volume XXVIII, numéro 1, Bruxelles, Institut Royal des Relations Internationales, Janvier 1974, 151 p., p. 53. 43. BREUCKER (de) J, Centenaire- Déclaration de Bruxelles de 1874, in extrait de la Revue de Droit Pénal Militaire et de Droit de la Guerre, Bruxelles, société internationale de droit pénal militaire et de droit de la guerre, 1975, 310 p., p. 283.

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ne peut suffire. Cela explique la proposition italienne adoptée préalablement aux discussions : « l’article 9 ne doit pas être considéré comme excluant, en principe tout cas qui ne rentrerait pas dans les conditions qui sont énumérées dans cet article »44. Ce même article prévoit initialement d’attribuer les droits des belligérants aux membres des forces armées mais aussi aux milices et corps de volontaires dans quatre conditions :

« 1° Si, ayant à leur tête une personne responsable pour ses

subordonnés, s’ils sont en même temps soumis au commandement général ; »45 De cette clause, les pays les plus faibles obtiennent que soit supprimée la notion de « commandement général » car celle-ci est trop contraignante pour un petit pays comme la Belgique au cas où elle serait envahie.

« 2° S’ils ont un certain signe distinctif extérieur reconnaissable à distance ; »46 Le qualificatif « extérieur » est soutenu par l’Allemagne, l’idée étant qu’on ne puisse pas retirer ce « signe » au gré des événements ; à l’issue de la Conférence il n’est pas retenu « 3° S’ils portent les armes ouvertement ; et

4° Si, dans leurs opérations ils se conforment aux lois de la guerre. » 47 Les discussions sur l’article 46 (sanctionnant les personnes prenant les armes en territoire occupé), démontrent les rapports de forces politiques de l’époque. Les pays faibles sont très opposés à cet article qui ne leur permet pas d’assurer une défense face à un ennemi puissant les envahissant et, les occupant rapidement. Il est donc annulé. En contrepartie, l’article 45 (qui permet d’assimiler aux belligérants « les levées en masse à l’approche de l’ennemi ») est accepté par les grandes puissances sous la condition du respect des lois et coutumes de la guerre par les membres des « levées en masse ». L’article 45 devient alors, l’article 10. Cette Conférence montre donc les enjeux de la définition du belligérant ou du combattant ; enjeux tels, que la Russie venue à la conférence de Bruxelles avec l’idée de faire adopter une Convention Internationale concernant les lois et les coutumes de la guerre, repart avec une Déclaration Internationale concernant les lois et les coutumes de la guerre. Initialement les États signataires devaient être liés par une convention ; au final le document n’est qu’une déclaration d’intention.

Cependant, cette déclaration ne sera pas sans suite car la Russie, en 1877 lors de la guerre contre l’empire Ottoman, en fait l’article 12 de l’un de ses Ukazes48. De plus, la doctrine, grâce au Manuel d’Oxford49 de 1880, conserve ce texte. 44 . BREUCKER (de) J, La déclaration de Bruxelles de 1874 concernant les lois et coutumes de la guerre, in Chronique de Politique Etrangère, volume XXVIII, numéro 1, Bruxelles, Institut Royal des Relations Internationales, Janvier 1974, 151 p., p.49. 45. Ibid. p. 47. 46 . Ibid. p. 47. 47 . Ibid. p. 47. 48. BREUCKER (de) J, Centenaire- Déclaration de Bruxelles de 1874, in extrait de la Revue de Droit Pénal Militaire et de Droit de la Guerre, Bruxelles, société internationale de droit pénal militaire et de droit de la guerre, 1975, 310 p., p. 286. 49. SCHINDLER D., TOMAN J., Droit des Conflits Armés, Genève, Institut Henry-Dunant, 1996, 1470 p., p.23.

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2. A la recherche d’un compromis : les Conférences de la Haye (1899-1907) et de Genève (1929).

Comme nous l’avons constaté, la Conférence de Bruxelles échoue car les petites puissances craignent que le combattant soit défini de manière trop précise, réduisant ainsi leur capacité à lutter contre un ennemi fort démographiquement, et géographiquement. C’est pourquoi, Martens délégué russe, à la Conférence de la Haye de 1897, fait adopter la clause suivante, dans le préambule des Conventions de la Haye de 1899 et 1907 relative aux lois et coutumes de la guerre sur terre : « En attendant qu’un code plus complet des lois de la guerre puisse être édicté, les hautes parties contractantes jugent opportun de constater que, dans les cas non compris dans les dispositions réglementaires adoptées par elles, les populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l’empire des principes du droit des gens, tels qu’ils résultent des usages établis entre nations civilisés, des lois de l’humanité et des exigences de la conscience publique. Elles déclarent que c’est dans ce sens que doivent s’entendre notamment les articles Ier et 2 du Règlement adopté »50. Dès lors un Règlement51 devient possible. L’article 1 reprend l’article 9 de la conférence de Bruxelles. L’article 2, quant-à lui, traite de la levée en masse en territoire non-occupé (article 10 de Bruxelles). L’article 3 reprend l’article 11.

Le Règlement de 1907 reprend celui de 1899 ; on observe néanmoins deux différences. Dans l’article 2, est introduite l’exigence du port ouvert des armes, exigence déjà présente dans l’idée du respect des lois et coutumes de la guerre, imposé aux membres des levées en masse dés les négociations de 1874. L’article 1152 de la Déclaration de Bruxelles de 1874 écrit « les forces armées des parties belligérantes »53. L’article 3 du Règlement de la Haye de 1899 reprend la même forme alors que celui de 1907 écrit « Parties belligérantes ». Dès lors les Règlements ne s’appliquent pas à des entités non définies mais à des États constitués. Le statut de combattant et donc de prisonnier de guerre ne peut être attribué que lors de conflits armés internationaux.

Suite à la première guerre mondiale, une Convention relative au traitement des prisonniers de guerre est signé à Genève, le 27 juillet 1929. Elle accorde le statut de prisonnier de guerre aux personnes remplissant les conditions fixées dans les articles 1, 2 et 3 des Règlements de la Haye. 50. Cf. Annexe 1. Les références complètes des deux règlements de la Haye de 1899 et 1897 sont :

• le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, signée à la Haye, le 29 juillet 1899 ; • Le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, signée à la Haye, le 18 octobre 1907.

Ces deux règlements sont généralement appelées « les Règlements de la Haye de 1899 et de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre » ou « les Règlements de la Haye de 1899 et 1907 ».

51. Les articles 1, 2 et 3 du Règlement de la Haye de 1899 sont à l’annexe 2. 52 . La proposition russe concernant cet article parle d’ « États belligérants ». C’est suite à la proposition du délégué suisse, le colonel Hammer, que le terme « États belligérants » devient « parties belligérantes ». En effet, les participants à la Conférence de Bruxelles ont en tête la guerre de Sécession où les belligérants ne sont pas des États. Passé inaperçu à l’époque, ce changement n’est pas sans importance. N’est ce pas un argument pour élargir le statut de combattant (cf Partie II, Chapitre 2, 2e Section) aux conflits armés non internationaux ? 53. BREUCKER (de) J, La déclaration de Bruxelles de 1874 concernant les lois et coutumes de la guerre, in Chronique de Politique Etrangère, volume XXVIII, numéro 1, Bruxelles, Institut Royal des Relations Internationales, Janvier 1974, 151 p., p. 47.

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On voit donc que c’est dans un cadre étatique qu’est défini le combattant, ce cadre n’est il pas trop étroit ?

Paragraphe 2 : 1949 ou définir le combattant entre la logique d’État et la logique d’individu.

Suite aux bouleversements de la Seconde Guerre Mondiale (disparition d’états, occupation, camps de concentration…), la mise en place de nouvelles Conventions relatives aux lois et coutumes de la guerre semble nécessaire. L’enjeu de la IIIe Convention de Genève de 1949 est de définir le combattant dans une logique étatique, alors que celui-ci a déjà dépassé cette logique lors de la Seconde Guerre Mondiale.

A. Définir le combattant dans un cadre étatique.

Dès le début des discussions sur la IIIe Convention, une idée majeure ressort : définir chaque participant au conflit afin que tous soient protégés.

1. Protéger chaque personne impliquée dans un conflit armé international.

Dès les travaux préparatoires, les différents États veulent que la future

convention, relative aux belligérants, ne protège plus un ensemble de personnes (comme il est écrit dans les Règlements de la Haye sous l’expression « le droit des belligérants »54), mais, chacune, en créant des catégories. Cette volonté de protéger les personnes individuellement, est déjà visible dans la Convention de Genève de 1929 qui mentionne : « à toutes les personnes »55.

Pour que ces personnes soient protégées, il faut qu’il y ait un conflit armé. Au sens de l’article 2 commun, « un conflit armé est soit une guerre, soit tout conflit armé de fait non reconnu, que l’on a tenté de définir comme suit : un affrontement armé prolongé qui oppose des armées organisées et engage la responsabilité de gouvernements, mais sans présumer qu’il s’agit nécessairement d’État. »56. De plus la notion de guerre est une « question de fait, non d’intention, d’opérations militaires sur le terrain »57. Enfin, il faut que ce conflit armé surgisse entre deux ou plusieurs « des Hautes Parties contractantes »58 pour que l’article 459 soit applicable. Il faut alors un conflit armé entre États car ils sont les seuls « Hautes Parties Contractantes ». Le conflit armé doit donc être international.

54. Id. 55. La Convention de Genève du 27 juillet 1929 relative au traitement des prisonniers de guerre. 56. PREUX (de) Jean, Commentaire des protocoles additionnels du 08 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, CICR, 1986, 1647 p., p. 512. 57. CG III, Titre I, article 2. 58. Id. 59. Cf. Annexe 3.

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2. Le cas des « membres des forces armées régulières qui se réclament d’un gouvernement ou d’une autorité non reconnue par la puissance détentrice »60.

La Seconde Guerre Mondiale montre des exemples de « forces armées régulières se réclamant d’un gouvernement ou d’une autorité non reconnue par la puissance détentrice » : c’est le cas des Forces Françaises Libres se réclamant du gouvernement de De Gaulle alors que l’Allemagne ne reconnaît que le gouvernement de Vichy. L’Allemagne a toujours reconnu à ces ennemis là, le statut de combattant et donc de prisonnier de guerre, bien que les conventions d’armistice déclarent que les Français, continuant à porter les armes contre l’Allemagne, ne jouiront pas des protections des lois de la guerre. En effet, le CICR, pendant toute la guerre, a demandé que ces personnes obtiennent le statut de prisonnier de guerre. Lors de la conférence des experts gouvernementaux de 1947, la proposition du CICR de couvrir ce type de cas, est acceptée. Cependant, les États ne veulent pas que cette proposition devienne trop large, et couvre ainsi les forces armées en territoire occupé. C’est pourquoi, il est proposé de préciser qu’il faut que les forces armées en question, se trouvent « dans la lutte « aux côtés » d’un État reconnu par l’ennemi comme belligérant régulier »61. Finalement, dans la clause adoptée par la conférence des experts de 1949, on oublie toutes notions de lien avec les forces armées d’une partie au conflit. Cependant, il faut que cette « Autorité » se déclare comme une des parties contractantes ou, déclare accepter les règles prévues par les Conventions de Genève, et soit désireuse de les appliquer. Il n’a pas été jugé nécessaire que ces forces remplissent les quatre conditions prévues à l’article 1 des Règlements de la Haye car, de par leur matériel et leur organisation, elles ont toutes les attributs des forces armées (au sens du chiffre I de l’article 1 des Règlements de la Haye). Nous constatons donc qu’il a été facile ici, de faire rentrer ce nouveau type de combattant dans la logique étatique.

B. Un cadre étatique trop étroit pour définir le combattant.

Cependant, très rapidement, la définition du combattant se trouve mise en échec par deux cas : celui de « la résistance organisée » 62et celui du partisan isolé.

1. « La résistance organisée » : un compromis entre la logique d’État et la logique d’individu.

Comme nous l’avons vu dans le Code de Lieber, puis dans les débats de la Conférence de Bruxelles, le fait d’envisager le belligérant comme personne qui, dans un territoire occupé mène des actions de combat en intermittence, est inconcevable car contraire aux lois et coutumes de la guerre. Cependant, c’est ce qui s’est déroulé dans toute l’Europe de la Seconde Guerre Mondiale ; c’est le cas des Forces Françaises de l’Intérieur. C’est donc ce nouveau type de combattant, que les conférences d’experts gouvernementaux vont devoir prendre en compte.

60. CG III, article 4, paragraphe A, alinéa 3. 61. PICTET Jean, Commentaire de la Troisième convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, Genève, Comité International de la Croix Rouge, 1958, 834 p., p. 70. 62. CG III, article 4, paragraphe A, alinéa 2.

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Deux opinions s’affrontent : l’une voulant des clauses précises et contraignantes, telles que le respect des quatre conditions de la levée en masse pour être assimilé à un belligérant et, le contrôle effectif d’un territoire ; l’autre désirant des conditions plus souples. Lors des conférences d’experts gouvernementaux, le débat a tout d’abord porté sur le fait que la résistance doive contrôler de manière effective une région. Les experts sont divisés sur cette notion qui peut vouloir dire que la région doit être totalement administrée et occupée par les partisans ou, que le territoire doit être simplement contrôlé. Ce débat nous montre bien tout l’enjeu de cette nouvelle Convention : protéger le combattant en le replaçant dans un conflit entre États car, le contrôle d’un territoire renvoie à l’idée d’un État de facto . La XVIIe Conférence de Stockholm abandonne cette condition, mais la remplace par l’idée que le chef responsable des partisans, ou une partie au conflit, ou un gouvernement, doit notifier l’entrée en guerre de ses résistants. Bien évidement les 4 quatre conditions pour être assimilé à un belligérant, demeurent. L’idée d’une notification est finalement remplacée par l’idée d’appartenance à une partie au conflit. Cette appartenance peut se manifester soit par une déclaration écrite, (comme c’est le cas pendant la guerre de 1870), soit par une déclaration officielle d’une des parties, soit par un accord tacite, soit par un accord de fait (par exemple, lors de la Seconde Guerre Mondiale, les Anglais livrent par air des stocks d’armes aux résistants). Nous constatons donc bien ici, cette volonté des États de « raccrocher » au tant que possible le combattant à la logique étatique que cependant, il dépasse. C’est ainsi que Max Huber, président du CICR, affirme lors de la Conférence diplomatique de 1949, que la définition du combattant et plus encore du partisan est « le point explosif de tout le système des Conventions de Genève »63.

2. Le partisan isolé : l’échec de la logique étatique.

Si le problème de la résistance dans un cadre organisé est débattu, il ne l’est

pas dans un cadre individuel. Paul de la Pradelle nous rapporte les débats et les enjeux de cette question.64 Etant donné que la guerre d’agression a été déclarée à l’unanimité par les États comme crime international, on peut assimiler à de la légitime défense, le fait qu’une personne dans un territoire occupé décide toute seule de prendre les armes. Dans ce cas la personne doit bénéficier d’un statut de prisonnier de guerre. Si un doute existe au sujet de la nature de la guerre, un tribunal compétent et impartial statue sur celle-ci après la fin des hostilités. Cet amendement danois du futur article 4 de la IIIe Convention, fait lors de la Conférence de Stockholm, suscite de nombreuses réactions. Plusieurs propositions sont faites dont deux : l’une dit que la personne bénéficie de la IIIe Convention, c'est-à-dire du statut de prisonnier de guerre jusqu’à temps qu’un tribunal militaire ou une autorité militaire ayant rang d’officier statue ; la seconde propose que si la personne n’est pas reconnue comme combattant (donc comme prisonnier de guerre), elle est soumise aux principes du droit humanitaire reconnu par les nations civilisées. La première proposition est acceptée, l’idée de tribunal militaire étant remplacé par le terme « tribunal compétent »65. Cette proposition est intéressante, car elle montre les prémices de la fin d’une logique étatique pour définir le combattant en tant qu’individu.

63. VEUTHEY Michel, Guérilla et droit humanitaire, Genève, Institut Henry-Dunant, 1976, 431 p., p.183. 64. PRADELLE (de la) Paul, La Conférence Diplomatique et les Nouvelles Conventions de Genève du 12 août 1949, Paris, Les Éditions Internationales, 1951, 423 p., pp. 57-62. 65. CG III, article 5.

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A l’issue de cette section nous pouvons donc interpréter l’article 4 de la IIIe

Convention de Genève, en affirmant que les personnes ayant le droit de prendre part au combat, car le statut de prisonnier de guerre leur est accordé en cas de capture, sont :

« 1) Les membres des forces armées d’une Partie au conflit, de même que les membres des milices et des corps de volontaires faisant partie de ces forces armées ;

2) les membres des autres milices et les membres des autres corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance organisés, appartenant à une Partie au Conflit et agissant en dehors ou à l’intérieur de leur propre territoire, même si ce territoire est occupé, pourvu que ces milices ou corps de volontaires, y compris ces mouvements de résistance organisés, remplissent les conditions suivantes a) d’avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ; b) d’avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance ; c) de porter ouvertement les armes ; d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre ;

3) les membres des forces armées régulières qui se réclament d’un gouvernement ou d’une autorité non reconnue par la puissance détentrice »66 ainsi que : « 6) la population d’un territoire non occupé qui, à l’approche de l’ennemi, prend spontanément les armes pour combattre les troupes d’invasion sans avoir eu le temps de se constituer en forces armées régulières, si elle porte ouvertement les armes et si elle respecte les lois et coutumes de la guerre ».67

Nous pouvons donc constater, que les débuts de la codification du combattant sont marqués par une logique interétatique, ce qui explique la confusion entre forces armés combattantes et non combattantes, parties belligérantes et belligérants. Cependant, suite à la Seconde Guerre Mondiale, cette logique devient trop étroite.

 

66. GC III, article 4, paragraphe A, alinéa 1, 2 et 3. 67. GC III, article 4, paragraphe A, alinéa 6.

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Section 2 : 1977 : une rupture dans la continuité. 

La signature du Protocole additionnel I relatif aux conflits armés internationaux marque, non seulement une volonté de réaffirmer les principes fondamentaux du droit des conflits armés, (et notamment le principe de la distinction civil/combattant), mais aussi une individualisation du statut du combattant non plus pensé dans un cadre interétatique mais en tant qu’individu devant être protégé68. C’est la première fois que le combattant est défini.

Paragraphe 1 : La réaffirmation du respect des lois et des coutumes de la guerre dans les conflits armés.

Le respect des lois et coutumes de la guerre vise à limiter les effets d’un conflit armé tant, sur les personnes que les biens, en imposant des règles communes aux belligérants, et en épargnant les non combattants.

A. Les lois et coutumes de la guerre s’appliquent à tous.

Ce nécessaire respect des lois et des coutumes de la guerre par tous, est le motif de la révision et de l’adaptation de la IIIe Convention de Genève.

1. Le contexte de l’élaboration des Protocoles additionnels.

La rédaction des Conventions de Genève est marquée par la Seconde Guerre Mondiale et ses conséquences. C’est ainsi, que le statut de combattant est reconnu aux membres d’une résistance organisée, ou encore à des forces armées régulières se revendiquant d’une autorité ou d’un gouvernement non reconnu par l’ennemi. Si les Conventions de Genève de 1949 sont le produit de la conjoncture entre des circonstances géopolitiques et des principes intangibles des lois et coutumes de la guerre, il en est de même pour les Protocoles additionnels devenus nécessaires pour deux raisons.

Entre 1949 et 1977, les guerres de décolonisation se déroulent, donnant lieu à de nouvelles formes de conflits : la guérilla. L’objectif de ces protocoles est de rendre les lois et coutumes de la guerre applicables par les guérilleros, et de forcer ceux-ci à les respecter. Les laisser hors-la loi serait en effet contre-productif.

De plus les nouveaux États issus de ces guerres, n’ont pas participé à l’élaboration des Conventions de Genève. Contrairement à ceux présents en 1949, ils ne respectent pas toujours le principe d’État-nation (c’est le cas des États africains). Il semble donc nécessaire de repenser ou d’écrire une définition du combattant.

68. Les annexes 4 et 5 sont les retranscriptions des articles 43 et 44 du PA I, qui définissent le combattant.

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2. Le respect des lois et coutumes de la guerre par tous.

La nécessité de loyauté dans les combats a toujours existé : c’est le cas par exemple, de la chevalerie au Moyen-âge. Cette loyauté implique que les combattants se soumettent aux mêmes droits et obligations. Il faut donc, que non seulement les combattants aient un commandement responsable veillant au respect des lois et coutumes de la guerre, mais aussi qu’eux même respectent le droit de la guerre.

Tout d’abord nous pouvons remarquer qu’en 1949, il est écrit à l’article 4, paragraphe A, alinéa 2 de la IIIe Convention de Genève que le commandement doit « être une personne responsable pour ses subordonnés »; alors que le Protocole additionnel I, à l’article 43, alinéa 1, parle d’un commandement « responsable de la conduite de ses subordonnés devant cette partie ». Ces modifications ont été proposées par le CICR, car le commandement des mouvements de résistance a souvent un caractère collectif et, celui-ci doit être en mesure de répondre de ses actes à l’égard de la partie au conflit (qui assume les actes commis par les mouvements de résistance sur le plan international). De plus, il est précisé que les forces armées doivent être soumises à un « régime de discipline interne »69. Sans cette condition, il est impossible de s’assurer que le droit de la guerre est respecté. C’est pourquoi la version anglaise de l’article 43, alinéa 1 est : « such armed forces shall be subject to an internal diciplinary system which, inter alia, shall enforce the compliance with the rules of international laws applicable in armed conflict. »70alors que la version française est seulement : « ces forces armées doivent être soumises à un régime interne qui assure, notamment, le respect des règles de droit international applicable dans les conflits armés »71. L’utilisation du mot « shall » montre bien que le but poursuivi par les rédacteurs, en imposant un régime de discipline interne, est de forcer les combattants à respecter les règles du droit international humanitaire applicables dans les conflits armés. Cette obligation existe pour les forces armées, au risque de voir chaque membre de celles-ci perdre le statut de combattant, et donc de prisonnier de guerre. Il faut cependant noter, que dans la pratique des États, ce raisonnement n’est jamais appliqué : c’est ainsi que les membres de l’armée allemande ont bénéficié du statut de prisonnier de guerre pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors que leur armée avait commis des crimes de guerre.

Cette obligation est aussi valable, pour chaque membre des forces armées. Cependant, en cas de non respect des règles applicables au conflit, il ne perd pas le statut de prisonnier de guerre : « Bien que tous les combattants soient tenus de respecter les règles du droit international applicable dans les conflits armés, les violations de ces règles ne privent pas un combattant de son droit d’être considéré comme combattant ou […] comme prisonnier »72. La IIIe Convention de Genève impose aux combattants et aux forces armées, pour être reconnus comme tels, « de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre »73.

Nous pouvons voir un assouplissement de cette règle puisque désormais le respect des lois et coutumes de la guerre ne conditionne plus l’attribution du statut du combattant et de prisonnier de guerre. Cependant, l’article 43 montre la détermination

69. PA I, article 43, alinéa 1. 70. Id. 71. Id. 72. PA I, article 44, alinéa 2. 73. CG III, article 4, paragraphe A, alinéa 2, d).

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des États à ce que celles-ci soient respectées par l’ajout de la notion de « discipline interne ».

B. Le principe de distinction civil/ combattant réaffirmé.

Le principe de distinction civil/combattant est réaffirmé dans ce Protocole. Tout combattant, pour être reconnu, comme tel doit appartenir à des forces armées remplissant certaines conditions, et lui-même en respecter d’autres. Elles visent toutes à pouvoir faire une distinction entre les combattants et les civils.

1. Les conditions que tous mouvements de combattants doivent satisfaire (article 43 du Protocole additionnel I).

Pour être reconnu comme combattant et donc, comme prisonnier de guerre, les personnes doivent appartenir à des forces armées qui, comme nous l’avons vu doivent être soumises à une discipline interne, à un commandement responsable mais aussi être organisées, et appartenir à une partie au conflit. Le terme « organisées » implique « un groupe structuré doté d’organes et donc d’un système de compétence et de responsabilité »74.

Ces quatre conditions, nécessaires pour que tout membre d’une force armée soit reconnu comme combattant, souligne aussi la distinction entre les civils et les combattants, principe intangible réaffirmé de nombreuses fois entre 1949 et 1977. C’est ainsi que la XXe conférence internationale de la Croix-Rouge adopte, en 1965 une résolution « déclarant solennellement, à l’intention de tout gouvernement et de toute autorité ayant la responsabilité de mener les combats lors des conflits armés « qu’une distinction doit être faite en tout temps entre les personnes participant aux hostilités et la population civile, de telle sorte que cette dernière soit épargnée autant que possible »75.

2. Les conditions que tout combattant doit respecter (article 44 du Protocole additionnel I).

Le combattant doit respecter deux conditions : la première mentionnée, est le respect « des règles du droit international applicables au conflit armé »76. Le non-respect de cette première condition n’entraîne pas la non reconnaissance de son statut de combattant, (et donc de prisonnier de guerre) ; mais l’expose, ultérieurement, à être sanctionné pour cela.

Une seule condition est nécessaire pour que les membres des forces armées qui respectent l’article 43 soient reconnus comme combattants (et donc bénéficient du statut de prisonnier de guerre) : se distinguer des civils lorsqu’ils « prennent part à une attaque ou à une opération militaire préparatoire d’une attaque »77. Le non respect de cette condition amène la personne à ne pas être reconnue comme combattant, donc à ne pas bénéficier du statut de prisonnier de guerre. Cependant elle a un traitement équivalent à celui du prisonnier de guerre : « des protections équivalentes à tous les

74. LAPIDOTH Ruth, Qui a le droit au statut de prisonnier de guerre ?, in Revue Générale de Droit International Public, tome LXXXII, Paris, Editions A Pedone, 1978, 400 p., p. 190. 75. PREUX (de) Jean, Commentaire des protocoles additionnels du 08 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, Comité Internationale de la Croix Rouge, 1986, 1647 p., p. 515. 76. PA I, article 44, alinéa 2. 77. PA I, article 44, alinéa 3.

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égards à celles qui sont accordées au prisonnier de guerre par la IIIe convention et par le présent Protocole »78. Cette distinction est limitée rationae temporis et rationae loci. Elle est limitée dans le temps puisque contrairement à l’article 4 de la IIIe Convention de Genève, il n’est plus fait mention d’ « un signe fixe reconnaissable à distance d’une manière constante ». Elle est aussi, limitée dans l’espace car cette distinction doit exister lors de l’attaque ou lors de l’opération militaire préparatoire à l’attaque. Selon Lapidoth, cette distinction doit avoir une « interprétation extensive »79car la première phrase de l’alinéa 3 de l’article 44, rappelle l’idée générale : la protection des civils contre les effets des hostilités, nécessite que le combattant se distingue des civils. De plus, même dans des conditions dues à la nature des hostilités, où la personne ne peut se distinguer des civils, elle a le statut de combattant si elle porte les armes ouvertement :

«a) pendant chaque engagement militaire b) pendant le temps où il est exposé à la vue de l’adversaire alors

qu’il prend part à un déploiement militaire qui précède le lancement d’une attaque à laquelle il doit participer »80. Même si l’idée de « situations dans des conflits armés où en raison de la nature des hostilités, un combattant armé ne peut se distinguer de la population civile »81, divise la doctrine, on peut retenir de cet alinéa que le combattant doit toujours se distinguer des civils, et dans le pire des cas, seulement par le port des armes, lorsque celui-ci participe à des combats. Alors que dans l’article 4 de la IIIe Convention de Genève, le moyen de se distinguer de la population civile est fixé, il est dans le Protocole additionnel I, à la discrétion du combattant.

Le principe de distinction civil/combattant comme celui du respect des lois et des coutumes de la guerre, est donc bien réaffirmé, même si sa mise en œuvre est laissée à la discrétion du commandement.

Paragraphe 2 : Vers une individualisation du statut de combattant.

Si les articles 43 et 44 du Protocole additionnel I montrent la réaffirmation des lois et coutumes de la guerre dans les conflits contemporains, ils démontrent aussi, une volonté d’adapter ces règles aux nouveaux conflits, en dépassant le cadre étatique et en concevant le combattant en tant qu’individu.

A. Dépasser le cadre étatique.

L’article 43 du Protocole additionnel I montre un élargissement de la notion de conflit international qui n’est plus seulement un conflit entre États, mais aussi entre un État et une partie sous réserve de remplir certaines conditions.

78. PA I, article 44, alinéa 4. 79. LAPIDOTH, op.cit., p. 198. 80. PA I, article 44, alinéa 3. 81. Id.

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1. L’extension de la notion de conflit armé international.

L’article 43, alinéa 1, du Protocole additionnel I mentionne « les forces armées d’une partie au conflit », ce qui implique donc, que la notion de conflit armé soit connue.

Comme nous l’avons montré dans la section I, paragraphe 2, A. 1. , intitulé : « Protéger chaque personne impliquée dans un conflit armé international » l’attribution du statut de combattant et (donc de prisonnier de guerre) ne peut se faire que dans le cadre d’un conflit entre États, c'est-à-dire dans des conflits armés internationaux. Le Protocole additionnel I élargit désormais le champ d’application du statut de prisonnier de guerre. En effet, selon l’article 1, paragraphe 4 du Protocole additionnel I, les dispositions s’appliquent à un conflit armé entre État mais aussi dans un conflit où « les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Nous pouvons donc dire que dans certains cas, le Protocole additionnel I élargit la catégorie des conflits armés internationaux, en y faisant rentrer certains conflits armés jusque là considérés comme non-internationaux. C’est par exemple le cas de la guerre d’Algérie considérée lors de son déroulement comme une opération de police, puis comme un conflit armé non international (les forces françaises luttant contre des forces du Front de Libération Nationale sur le territoire national). En 1977, la guerre d’Algérie peut être considérée comme un conflit armé international.

2. L’extension de la notion de partie au conflit.

Le Protocole additionnel I étend la notion de partie au conflit, à des entités qui ne sont pas des États, pourvu qu’elles respectent le paragraphe 3 de l’article 96 qui prévoit une déclaration unilatérale, où cette entité s’engage à respecter les Conventions de Genève et le Protocole additionnel I. Au sens de l’article 1, paragraphe 4 ces entités peuvent être les mouvements de libération nationale, les protagonistes de conflits d’autodétermination.

L’article 43 affirme que ces forces armées doivent appartenir à une partie, même si celle-ci est représentée par un gouvernement ou une autorité non reconnue par la partie adverse. Le risque de cette nouvelle disposition est, de faire disparaître la distinction conflit armé international et, conflit armé non-international. C’est pourquoi, le CICR dans le commentaire du projet de cet article en 1973 affirme que l’autorité non reconnue doit être soit un sujet de droit international reconnu, soit devenir un sujet de droit international par une reconnaissance de belligérance ou par une reconnaissance étatique. Être un mouvement de résistance ou être un gouvernement n’est pas suffisant pour être une partie au conflit ; dans ces cas il faut appartenir à une partie au conflit tel que défini dans l’article 4, lettre A, chiffre 2 de la IIIe Convention.

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B. La définition du combattant.

Pour la première fois, le combattant est défini : il est caractérisé par le droit de participer directement aux hostilités et donc, de bénéficier du statut de prisonnier de guerre en cas de capture par l’ennemi.

1. Le droit de participer directement aux hostilités.

C’est l’article 43, alinéa 2 qui définit le combattant. Le combattant est un membre des forces armées d’une partie au conflit (excepté le personnel médical et religieux) : il a le droit de participer directement aux hostilités. Le combattant, est donc désormais pensé de manière individuelle alors que les Règlements de la Haye de 1899 et 1907, à l’article 3, affirment que les forces armées sont faites de combattants et de non-combattants. L’abolition de ce raisonnement a pour effet de faire disparaître des personnes qui seraient mi-combattantes /mi-civiles. Dès qu’une personne est intégrée dans une organisation militaire respectueuse de certaines règles, elle est jusqu’à la fin du conflit un combattant, si elle se distingue de la population civile. La distinction entre membres des forces armées régulières et membres des forces armées irrégulières, présente dans l’article 4 de la IIIe Convention de Genève de 1949 est, elle aussi, abolie. Le combattant est pensé en tant qu’individu et non en tant qu’appartenant à une catégorie.

2. L’attribution du statut de prisonnier de guerre.

Alors que dans la IIIe Convention de Genève de 1949, est attribué le statut de prisonnier de guerre au combattant et au non-combattant, en 1977 le statut de prisonnier de guerre est défini par renvoi à celui de combattant. C’est ainsi que l’article 45 du protocole additionnel I affirme, que toute personne qui prend part aux hostilités et tombe au pouvoir de la partie adverse, est présumée être prisonnier de guerre. En effet, le fait de prendre part aux hostilités renvoie à l’idée du droit de participer directement aux hostilités donc, au fait d’être un combattant.

Enfin, il est nécessaire de rappeler que si un combattant ne respecte par les règles de droit international applicable aux conflits, il ne perd pas son statut de prisonnier de guerre sauf dans un cas : s’il ne se distingue pas de la population civile pendant les combats. Cette clause est cependant la source de grands débats puisqu’il est néanmoins prévu à l’alinéa 4 de l’article 45 que la personne bénéficie du même traitement qu’un prisonnier de guerre. Alors comment comprendre cette sanction ?

Bien que l’article 4 de la IIIe Convention de Genève reste en vigueur, 1977

s’inscrit comme une rupture dans la continuité. Le combattant est non plus défini dans une logique étatique, mais dans une logique individuelle.

Au terme de ce chapitre, nous pouvons dire que le statut de combattant s’est

construit tout d’abord dans une logique étatique, (les Conférences de la Haye de 1899 et 1907) qui est devenue trop étroite( IIIe Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre de 1949). Le combattant s’affirme enfin, en tant qu’individu ayant le droit de participer directement à un conflit armé international.

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Le droit participer directement aux hostilités et, la qualification du conflit qui doit être international sont les deux critères qui permettent d’attribuer un statut de combattant et donc de prisonnier de guerre aux personnes capturées. Est-ce que ces deux critères, fixés il y a plus de trente ans demeurent aujourd’hui pertinents ?

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Chapitre 2 : Le statut de combattant à l’épreuve du temps.

Afin de vérifier si le statut de combattant est toujours pertinent, il est nécessaire de reprendre les deux critères qui permettent de définir celui-ci : l’existence d’un conflit armé international et la participation directe au conflit. Ces deux critères ne sont plus adaptés aux contraintes d’aujourd’hui.

Section 1 : Pertinence de la notion de conflit armé international. 

Notre époque est marquée par l’existence des conflits ou guerres asymétriques qui remettent en cause la notion de conflit armé international. C’est pourquoi, nous tenterons de définir le conflit asymétrique, pour ensuite en tirer les conséquences sur le plan juridique.

Paragraphe 1 : La guerre asymétrique.

Afin de comprendre la guerre asymétrique, il nous faut tout d’abord la définir pour ensuite analyser les acteurs de celle-ci.

A. Définition

La guerre asymétrique présente des caractéristiques et des logiques nouvelles, lui promettant ainsi, un avenir certain, dans le monde actuel.

1. Logiques et caractéristiques.

Afin de définir au mieux la guerre asymétrique, nous tenterons tout d’abord d’en donner une définition, puis de discerner ses caractéristiques, et ses dimensions.

La guerre asymétrique consiste en une guerre où « les parties sont de forces inégales, et le principe de l’égalité des armes ne s’appliquent pas »82. Cette définition peut sembler étrange ; en effet, dans tous conflits et afin de remporter la victoire, l’une des deux parties essaie de créer une asymétrie face à l’autre, soit en renforçant son armée soit, en améliorant son armement. C’est pourquoi, Pfanner ajoute dans la définition de cette nouvelle guerre : « Poursuivant des objectifs disparates, les belligérants mettent des moyens et des méthodes dissemblables au service de leur tactiques et stratégies »83.Il faut comprendre de cette précision, que l’une des parties respecte les lois et les coutumes de la guerre, tandis que l’autre viole délibérément celles-ci.

82. PFANNER Toni, Les guerres asymétriques vues sous l’angle du droit humanitaire et de l’action humanitaire, in la Revue Internationale de la Croix-Rouge, Volume 87, Sélection française 2005, p. 260. 83. Id.

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Ainsi, suites aux attaques du 11 septembre (et aux différents attentats du second semestre 2004), les attaques terroristes peuvent désormais être considérées comme faisant partie intégrante de la guerre asymétrique. En effet, avant le 11 septembre, le terrorisme existe, mais il relève d’actes commis par des soldats ou des civils, soit, dans un cadre de paix, soit de guerre, où les parties se veulent respectueuses des lois et coutumes de la guerre.

Ce nouveau type de guerre vise à ne pas s’incliner devant un ennemi qui est supérieur sur le plan militaire. Dans cette logique, les objectifs militaires sont remplacés par des objectifs civils : l’idée est de frapper dans le ventre mou de l’ennemi, c'est-à-dire des cibles faciles, des soft targets. Par conséquent, cette guerre présente trois caractéristiques. Les méthodes de combats traditionnels, acceptées sur le plan juridique et militaire sont délibérément rejetées. Les terroristes du 11 septembre utilisent un avion civil pour frapper une cible civile, alors que le principe de distinction civil/combattant, leur impose d’utiliser un avion militaire pour frapper une cible militaire. Désormais, nous pouvons dire que l’objectif est de causer des pertes humaines encore plus lourdes, ainsi que des dommages non militaires (mais d’ordres économiques), grâce à l’utilisation d’armes biologiques et chimiques. Enfin, la guerre asymétrique ne se limite ni à un territoire donné, ni à un intervalle de temps déterminé. Elle semble se dérouler n’importe où et n’importe quand, au gré des participants : Londres-Madrid-New-York-Moscou…Il n’y a pas de déclaration de guerre où d’agression entre États, pas plus qu’il n’y a la signature d’un traité de paix. Cette nouvelle guerre dépasse donc les logiques nationales.

Ces trois caractéristiques s’appliquent au trois niveaux de la guerre asymétrique que Steven Metz84 identifie. L’asymétrie est de niveau opérationnel : utilisation de la ruse, de la perfidie par les belligérants ou encore de la kriegsraison par les Allemands lors de la Seconde guerre Mondiale. L’asymétrie est aussi de niveau militaro-stratégique : utilisation des représailles massives, de la guérilla… L’asymétrie est enfin de niveau politico-militaire : guerre morale et religieuse, utilisation des moyens de communications, de la presse…La mondialisation ne fait qu’amplifier ce dernier niveau, rendant le monde civil encore plus vulnérable aux conflits asymétriques.

2. Un avenir prometteur.

Ce type de guerre connaît dans le contexte de la mondialisation un avenir prometteur.

En effet, les conflits armés internationaux classiques, là où domine la guerre symétrique, semblent disparaître pour différentes raisons. Tout d’abord, les coûts et les menaces de tels conflits sont trop élevés. Les coûts sont trop souvent supérieurs aux avantages et, de plus, ils sont sous-estimés lors du début du conflit. C’est le cas de la guerre des Malouines entre la Grande-Bretagne et l’Argentine. Par ailleurs, les menaces sont trop importantes : c’est ainsi que nous pouvons remarquer que depuis la détention de l’arme nucléaire par le Pakistan et l’Inde, le risque de guerre entre ces deux pays diminue.

En revanche, on observe une recrudescence de conflits armés internationaux de type asymétrique.

84. METZ Steven, La guerre asymétrique et l’avenir de l’Occident, in Politique Etrangère, Volume 1, 2003, 40 p.

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Par exemple, dans la guerre d’Irak ; nous avons d’un côté les États-Unis, utilisant des moyens lourds : bombardements, chars… car recherchant une victoire rapide ; de l’autre côté, les Irakiens se sachant en infériorité, mènent une guerre de retardement et utilisent des méthodes terroristes pour frapper non seulement la psychologie des populations civiles, mais aussi celle des soldats américains. C’est ainsi que le 27 octobre 2004, le siège du CICR est l’objet d’un attentat : nous constatons que l’objectif n’est même pas « d’entraîner » la population, mais de créer un choc psychologique chez les Américains et les civils irakiens, en démontrant qu’il n’existe même pas une logique dans les combats de retardement, si ce n’est celle « d’être prêt à tout faire ». Il en est de même lors des bombardements en Irak en 2003, où les militaires irakiens se mélangent délibérément avec la population civile afin de mettre en échec le principe de distinction civil/combattant.

Lors des conflits armés non internationaux où, dès le départ il existe une asymétrie entre les deux parties puisque l’une est un État alors que l’autre ne l’est pas, l’asymétrie ne cesse de s’accroître recréant même dans certains cas une symétrie entre les belligérants. C’est le cas de la Somalie où, au début des années 1990 s’affrontent un État et des rebelles. Cette asymétrie disparaît rapidement car l’État somalien s’écroule laissant la place à un conflit entre des bandes rebelles, (dont les intérêts sont d’ordres privés) et qui en aucun cas ne respectent les lois de la guerre.

Un nouveau type de conflit semble se développer : la « guerre transnationale », guerre où l’asymétrie domine sous toutes ses formes. Ce terme est employé par différentes personnes dont Pfanner, qui tente d’expliquer ce nouveau type de guerre.85 Le but de cette guerre n’est pas toujours la victoire militaire, mais la défaite de l’ennemi dans une région donnée, par la destruction de ses acteurs économiques et de ses capitaux... Cette guerre ne se traduit jamais par un affrontement direct entre les acteurs car, si tel est le cas, l’acteur non-étatique est sûr de perdre. En conséquence, le théâtre d’opération se déplace et acquiert une dimension mondiale. Le soutien de la population, quant-à lui, ne revêt aucune importance pour l’acteur non étatique qui agit dans une logique de réseau et dans le secret. C’est par exemple la logique d’Al-Qaïda, dont le théâtre d’opération ne correspond ni à l’Afghanistan, ni au Pakistan, ni à l’Irak mais, semble être de manière diffuse celui de la Planète. Ce nouveau type de conflit, ne correspond donc, ni à un conflit armé international (puisqu’il n’existe pas un affrontement armé entre deux États), ni à un conflit non international (car il n’y a pas d’affrontement entre un État et une entité, sur le territoire de ce même État). La notion de conflit transnational, même si elle n’a aucun fondement juridique, semble bien refléter les conflits actuels et est liée à l’idée de guerre asymétrique.

85. PFANNER, op. cit., pp. 265-266.

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B. Les relations entre les acteurs de ce nouveau type de guerre.

La guerre asymétrique est aussi caractérisée par des acteurs qui lui sont propres. Ces nouveaux acteurs soulèvent le problème de la légitimité entre les parties aux conflits et mettent en échec le principe de réciprocité anticipée. Ce principe est lui-même à la base du droit international humanitaire.

1. Le problème de la légitimité entre les parties.

Le problème de la légitimité entre les parties n’existe pas dans les conflits

armés internationaux et non-internationaux « classiques ». Cependant, il devient un argument fallacieux, utilisé par les parties, dans les conflits transnationaux asymétriques, pour violer le jus in bello86.

Le jus in bello et le jus ad bellum87 sont deux droits nettement séparés : le premier régit la conduite du conflit, le second réglemente l’entrée en conflit. Étant donné que le seul fait de recourir à la force armée, en dehors du cas de légitime défense, mentionné à l’article 51 de la Chartre des Nations-Unies, est interdit par le jus ad bellum, les conflits ne doivent pas exister. Cependant, si ceux-ci éclatent, le jus in bello s’applique pour les deux parties. Nous constatons donc, que la séparation entre ces deux droits, est fondamentale dans le droit des conflits armés. Dans un conflit armé international, le respect de cette règle ne pose pas de problèmes puisque les deux sujets de droits internationaux qui s’affrontent, détiennent la souveraineté chacun ; celle-ci est la base de l’égalité entre tous les États dans le droit international public. De plus, comme l’écrit Rousseau dans le Contrat Social, « la guerre n’est pas une relation entre homme mais d’État à État ». Dans un conflit armé non international, certes l’État ne reconnaît pas son adversaire comme son égal, mais la séparation jus ad bellum et jus in bello demeure car, souvent la partie non étatique veut acquérir une respectabilité sur le plan international, et déclare donc, se soumettre aux règles du jus in bello. De plus, l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949, prévoit que dans ce type de conflit, les deux parties doivent se soumettre à un certain nombre de règles, sans pour autant que le respect de celles-ci donnent une légitimité juridique, à la partie non étatique.

Il n’en va pas de même pour les conflits transnationaux asymétriques, qui ne répondent pas à la logique des deux types de conflits cités précédemment. En effet, les deux parties sont encore « moins égales » que dans un conflit armé non international. Contrairement à un conflit armé non international, où la partie non étatique vise les mêmes buts que la partie étatique, les buts et les moyens sont ici différents. Cette inégalité forte ne pousse pas les parties à se reconnaître, et encore moins à respecter le jus in bello, et donc l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949. Le seul fait de respecter cet article est compris comme un début de reconnaissance de la légitimité du belligérant alors qu’il y est écrit : « l’application des dispositions qui précèdent, n’aura pas d’effet sur le statut juridique des Parties au conflit ». C’est pourquoi, la tentation de violer ce principe fondamental de distinction jus ad bellum et jus in bello est forte. C’est ainsi que l’État partie au conflit parle de « criminels », de « terroristes », voulant signifier que le conflit n’étant pas légitime (jus ad bellum), il est hors de question d’appliquer les règles du jus in bello . 86. Le jus in bello se traduit littéralement par le « droit dans la guerre ». 87. Le jus ad bellum se traduit littéralement par le « droit de la guerre ».

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2. L’échec du principe de réciprocité anticipée

En droit international humanitaire, le principe de réciprocité entre les parties n’existe pas ; un tel principe remettrait en cause tout le droit international humanitaire. Cependant il existe l’idée d’une réciprocité anticipée. Pfanner écrit : « l’essentiel du droit international humanitaire repose donc sur l’anticipation d’une réciprocité. […] Il est donc anticipé que l’ennemi (c'est-à-dire que les membres des forces armées ennemies) se comportera de la même manière, ou tout du moins de manière similaire »88.

D’après ce même auteur, « dans les guerres asymétriques, l’anticipation de la réciprocité est fondamentalement trahie »,89 pour différentes raisons. Tout d’abord, il n’y pas de véritables affrontements entre forces armées : la partie non étatique veut volontairement brouiller la distinction entre les civils et les combattants en les assimilant tous deux. Dans sa Lettre à l’Amérique90 de 2002, Ben Laden déclare que le peuple américain est lui aussi coupable, car il continue de payer des impôts qui servent à l’oppression des Palestiniens, par le biais d’Israël ; celui-là devrait par des élections démocratiques, changer de gouvernement afin que les impôts ne servent plus à cela. Le but de la partie non étatique est aussi de placer son adversaire dans une logique défavorable. En effet, le pays est tenu de respecter les lois et coutumes de la guerre, alors que la partie non-étatique nie ces règles. Dès lors, la tentation est grande pour l’État en guerre, de rétablir une symétrie en décidant de ne pas appliquer le jus in bello, et en le justifiant, par l’illégitimité de l’adversaire.

Paragraphe 2 : Les conséquences juridiques de cette nouvelle guerre.

Cette nouvelle guerre pose deux problèmes : est ce un conflit armé ? Et, si oui, à quel type de conflit armé appartient-elle ?

A-.Quelle qualification juridique pour cette nouvelle guerre ?

Dans ces nouvelles guerres, l’existence de parties au conflit est difficile à prouver. Ces nouvelles guerres sont-elles des conflits armés ?

1. Existe-il des parties au conflit ?

Sur les deux parties qui doivent exister pour qu’il y ait un conflit armé, il en existe au moins une, l’État, prenant part au conflit. La seconde, quant-à elle, est nettement plus difficile à déterminer.

En effet, celle-ci fonctionne à la fois de manière hiérarchisée et concentrée, ainsi que de manière déconcentrée et autonome. Pfanner illustre cela avec Al-Qaïda91. Al-Qaïda est une organisation bien structurée avec à sa tête un chef, Ben Laden, allant même selon Pfanner jusqu’à être un groupe « reposant sur le principe hiérarchique et

88. PFANNER, op cit., p. 274. 89. Id. 90. BEN LADEN, Oussama, A letter from Osama bin Laden to the American people, disponible le 4octobre 2008 sur: http://oberver.guardian.co.uk/worldview/story/0,11581,845725,00,html. 91. PFANNER, op. cit., pp. 267- 268.

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ayant des tâches et des salaires définis ».92Cependant, nous pouvons imaginer que ce réseau est passé dans la clandestinité et s’est plus ou moins dissout, suite aux guerres d’Afghanistan d’Irak et, aux mesures de sécurités nationales prises par chaque pays. Cependant, Al-Qaïda existe toujours, car depuis le début de son existence, il encourage les initiatives venant de la base qui sont donc décentralisées. C’est ainsi qu’il prône le Djihad dans le monde entier, encourage la formation de réseaux et d’organisations dans différentes régions de la Planète. C’est aussi par cette logique, que des groupes tels que le « groupe salafiste pour la prédication et le combat algérien» revendiquent leur appartenance à Al-Qaïda93. Peut-on alors dire que ce réseau est une potentielle partie au conflit ? Un exemple de ce problème nous est donné par Pfanner au sujet de la guerre d’Irak94. Ce conflit devient lors de l’installation du nouveau gouvernement irakien, non international, opposant les forces nationales irakiennes et celles de la coalition contre qui ? En effet nombres d’attentats à la voiture piégée, ont leurs cibles choisies par des partisans de Saddam Hussein. Cependant, les opérations sont organisées par des réseaux liés à Al-Qaïda qui ont de l’expérience dans le domaine. Les Baathistes, quant à eux, s’occupent du soutien logistique et financier des opérations. Enfin, un mercenaire ou un djhadi arabe, est chargé, soit de se suicider, soit de commettre l’attentat. On a donc un conflit armé non-international opposant les membres de la coalition et les forces armées irakiennes contre les partisans de Saddam Hussein, contre Al-Qaïda, contre les partisans de la « Guerre Sainte » !

2. Entre conflit armé et crime organisé.

Même en admettant qu’Al-Qaïda soit un groupe organisé, il est difficile de montrer qu’il existe un conflit armé avec celui-ci. Pour qu’il ait conflit armé, il faut certes, qu’il ait des parties au conflit, mais aussi « un recours à la force armée entre États ou un conflit prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes organisés ou entre de tels groupes au sein d’un État ».95 Peut-on dire que les États-Unis ont recouru à la force contre Al-Qaïda, n’est ce pas plutôt contre l’Afghanistan ou contre l’Irak en tant que pays ? Comme l’explique l’article 43, alinéa 1, du Protocole additionnel I, il faut que le groupe armé soit organisé et veuille faire respecter les règles applicables au conflit. Non seulement la partie non étatique ne veut pas faire respecter les règles applicables au conflit, mais aussi le fait de les enfreindre fait partie de sa stratégie : c’est le cas du non-respect de la distinction civil/combattant. Est-ce possible de considérer le 11 septembre comme le début d’une nouvelle guerre ? Certes, sur le plan stratégique, par leurs ampleurs, les attaques contre le Pentagone ou encore le Wall Trade Center peuvent être vues comme des actes de guerre ; cependant sur le plan légal, elles ne sont au aucun cas un acte de guerre. N’avons-nous pas à faire à un nouveau type de conflit que les Conventions de Genève de 1949 ne prévoient pas car, lors de la rédaction de celles-ci, les États n’avaient jamais été confrontés à ce type de violence transnationale ? Les défenseurs de cette thèse vont jusqu’à affirmer que de par le droit international humanitaire coutumier, le droit des 92. Ibid. p. 267. 93. Ibid. p. 269. 94. Ibid. p. 270. 95. Paragraphe 70 in l’arrêt Le procureur c. Dusko Tadic, IT-94-AR 72, 2 octobre 1995, TPY, Chambre d’appel disponible le 13 novembre 2008 sur : http://www.un.org/icity/tadic/appeal/decision-f/51002JN3.htm.

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conflits armés internationaux ne s’appliquent pas dans ce nouveau cadre. Par conséquent, « les personnes soupçonnées d’être impliquées dans des actes de terrorisme constituent des « combattants ennemis » qui peuvent faire l’objet d’attaques directes et, une fois capturés, être détenus jusqu’à la fin des hostilités actives dans la « guerre contre le terrorisme ».96

Avons-nous donc à faire à des actes de crimes organisés ? Dans ce cas, le droit interne des pays, ainsi que les Droits de l’Homme, s’appliquent. En effet, le terrorisme n’est pas un phénomène nouveau, il a toujours existé, et il est sanctionné par le droit international et le droit interne. Les États ont signé de multiples conventions, visant à renforcer la coopération dans la lutte contre ces crimes. De plus, les aspects privés et idéologiques sont des caractéristiques du terrorisme ; le fait que celui-ci constitue une violence transnationale résulte de la mondialisation et, ne constitue en aucun cas un conflit armé. B-Quel type de conflit ?

Supposons que cette nouvelle guerre asymétrique transnationale puisse être qualifiée de conflit armé, dans quelle catégorie de conflit devons nous la classer ? Est ce que les deux catégories de conflits armés sont toujours pertinentes ? Quelles en sont les conséquences juridiques ?

1. Pertinence de la distinction conflit armé international/ conflit armé non international.

Si la guerre asymétrique peut-être considérée comme un conflit armé ; afin de savoir quel droit s’applique, nous devons déterminer si c’est un conflit armé international ou non international. Mais, cette distinction ne semble plus pertinente aujourd’hui.

On remarque une diminution des conflits armés internationaux aux profits de conflits armés non internationaux marqués par l’intervention d’une puissance étatique extérieure, soit pour soutenir le gouvernement en place, soit aider les rebelles à prendre le pouvoir. Swinsarski97 explique cela par le fait que la guerre soit interdite sur le plan international, alors que la lutte armée pour parvenir au pouvoir sur le plan national ne l’est pas. Le manque de stabilité des États du tiers monde donne naissance à des conflits armés internes où les États étrangers interviennent, soit pour tirer profit du conflit soit, pour protéger leurs intérêts. Enfin, la mondialisation crée des interdépendances trop fortes entre États pour que ceux-ci soient tentés de faire une guerre contre un autre État. En revanche, elle développe un besoin de puissance que les États moyens ou grands peuvent combler en intervenant de manière décisive dans des conflits internes.

Nous constatons dans la pratique, que la distinction entre conflit armé international et conflit armé non international perd de sa pertinence.

96. Le droit humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporains, extrait du rapport préparé par le Comité International de la Croix-Rouge pour la 28e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et du Croissant Rouge, Genève, décembre 2003 in la Revue Internationale de la Croix-Rouge, numéro 853, Mars 2004, p. 266. 97. SWINARSKI Christophe, Etudes et essais sur le droit international humanitaire et sur les principes de la Croix-Rouge, Genève, Marinus Nijhoff Pubbishers, 1984, 1143 p., pp. 281 - 282.

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2. Conséquences juridiques.

Comment qualifier juridiquement ce nouveau type de conflit armé asymétrique transnational ?

D’après la décision du 5 octobre 1995, rendu par le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie, dans l’affaire Tadic98, le fait qu’un État intervienne au côté des rebelles ou de la partie non étatiques, internationalise le conflit. Par conséquent, les règles des conflits armés internationaux deviennent applicables à celui-ci. En revanche, si un État intervient au côté du gouvernement en place pour réprimer, ou se placer contre les forces rebelles, le conflit demeure non international au moins entre le gouvernement et entre les forces non gouvernementales99. Cependant, une partie de la doctrine dont le professeur David soutient que toute intervention étrangère internationalise le conflit100. Mais cette position n’est pas soutenue par le CICR « comme le démontre la déclaration adoptée au sujet de la situation au Kosovo : en dépit de l’intervention des Forces armées de l’OTAN, l’institution genevoise considère que le conflit entre les forces gouvernementales yougoslaves et les troupes de l’UCK conserve un caractère non internationale ».101 Nous pouvons constater que l’application de la distinction conflit armé international et non international si claire et pertinente en théorie, l’est beaucoup moins dans la pratique, pour considérer de potentiels conflits asymétriques. En conséquence, si un conflit s’internationalise, les statuts de combattants et de prisonniers de guerre, sont applicables. Si un État étranger intervient au côté de l’État en guerre sans aucune déclaration particulière, seulement l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève et, le Protocole additionnel II sont applicables.

Une question n’est cependant pas résolue. Dans quel type de conflits s’inscrivent les relations entre les forces armées étrangères, agissant pour le gouvernement en place, et les rebelles ? Logiquement, les forces armées étrangères capturant un ennemi doivent le remettre au gouvernement en place. La personne capturée est alors soumise au droit des conflits armés non internationaux. Mais qu’en est-il de la situation inverse ? Il semblerait logique que les soldats des forces étrangères prenant part à des hostilités soient en cas de capture considérés comme combattants et donc prisonniers de guerre. N’existe-il pas alors une inégalité de traitement avec les forces armées gouvernementales qui, elles, sont, dans ce conflit placées seulement sous la protection du droit des conflits non-internationaux, et qui pourtant combattent contre les mêmes personnes ? Les forces armées étrangères ne devraient-elles pas bénéficier seulement du droit des conflits armés non-internationaux ? Pour conclure sur ce problème, fort actuel, puisqu’il concerne les forces de la coalition en Afghanistan et en Irak, Quéguiner écrit : « la question reste ouverte de savoir si les relations entre l’Etat intervenant et les rebelles peuvent être assimilées à un conflit international ».102

Un autre problème demeure : lorsque la partie non étatique grâce à l’appui de la puissance étrangère prend le pouvoir, les rebelles deviennent alors les anciennes

98. Paragraphe 72 et suivants in arrêt Le procureur c. Dusko Tadic, IT-94-AR 72, 2 octobre 1995, TPY, Chambre d’appel disponible le 13 novembre 2008 sur : http://www.un.org/icity/tadic/appeal/decision-f/51002JN3.htm. 99. QUÉGUINER Jean-François, Dix ans après la création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie : évaluation de l’apport de sa jurisprudence au droit international humanitaire, in the International Review of the Red Cross, numéro 850, Juin 2003, p. 288. 100. Id. 101. Id. Il y adonc un CAI entre l’OTAN et la Serbie et un CANI entre la Serbie et l’UCK. 102. Id.

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forces gouvernementales. On passe alors d’un conflit armé internationalisé, à un conflit armé non international. Quand est ce que ce changement de conflit se fait exactement ? Est-il logique qu’un conflit, où les belligérants et les enjeux ne changent pas, ne soit plus soumis au même droit suite à un simple fait politique et militaire ? C’est le problème que soulève Stewart103en prenant l’exemple de l’Afghanistan, où il existe tout d’abord un conflit armé international entre les États-Unis et le gouvernement taliban. L’Alliance du Nord est aussi soumise au droit des conflits armés internationaux puisqu’on estime que l’intervention américaine provoque une internationalisation du conflit, existant déjà entre les Talibans et l’Alliance du Nord. Cependant, cette internationalisation cesse et le conflit armé redevient non-international entre les Talibans et l’Alliance du Nord lorsque celle-ci désobéit à la coalition, et entre dans Kaboul pour prendre le pouvoir. Nous nous apercevons donc, que le droit applicable change seulement en fonction des relations entre l’Alliance du Nord et la coalition. Cet exemple nous montre toute la difficulté et les enjeux de la qualification d’un conflit armé.

La distinction entre conflit armé international et non international semble peu pertinente aujourd’hui ; donner une qualification à un conflit armé transnational asymétrique est donc un véritable défi.

Au terme de cette section, nous avons démontré que la guerre asymétrique

présente des caractéristiques différentes des « guerres classiques », source de difficultés pour la mise en œuvre du jus in bello . Celles-ci sont renforcées par les difficultés pour reconnaître cette nouvelle guerre comme conflit armé, et pour lui donner une qualification, sachant que la distinction conflit armé international et conflit armé non-international est peu pertinente dans la réalité. La définition du combattant et du prisonnier de guerre est mise en échec par ce nouveau type de guerre, car la première condition, « l’existence d’un conflit armé international » n’est pas remplie.

Puisque la deuxième condition, celle de la « participation directe aux hostilités » de manière régulière, doit se cumuler avec la première, nous pouvons dire que la définition du combattant n’est plus adaptée à notre époque. Cependant, admettons que les guerres asymétriques et transnationales soient des conflits armés internationaux, la notion de participation directe aux hostilités, est elle-pertinente ?

 

103. STEWART James G., Towards a single definition of armed conflict in international humanitarian law: A critique of internationalized armed conflict, in the International Review of the Red Cross, numéro 850, Juin 2003, p. 340.

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Section  2 :  Pertinence  de  la  notion  de  « participation  directe  aux hostilités ». 

Dans cette section l’enjeu n’est pas de débattre de la moralité des nouveaux acteurs, et de leurs motivations, qui sont très discutables, mais simplement de mettre à l’épreuve de notre temps, la notion de « participation directe aux hostilités ».

Les conflits armés sont marqués par l’émergence de nouveaux acteurs, mettant en difficulté la définition du concept de « participation directe aux hostilités ».

Paragraphe 1 : De nouveaux acteurs dans les conflits armés.

Les conflits armés contemporains connaissent l’apparition de nouveaux acteurs, du fait de la sous-traitance ou de l’abandon du monopole de la violence légitime par les États occidentaux, ainsi que par la désagrégation de l’État dans des pays non-développés.

A. L’abandon du monopole de la violence légitime par les États occidentaux.

L’objet de ces deux paragraphes n’est pas de savoir si l’État occidental abandonne son monopole de la violence légitime, (ou plutôt s’il le délègue) mais, de comprendre pourquoi et comment apparaissent de nouveaux acteurs dans les conflits armés contemporains.

1. Les nouvelles contraintes des armées occidentales.

La conception de la guerre a changé pour les États occidentaux, provoquant et

aggravant les contraintes pesant sur leurs armées. Pour les nations occidentales, la mondialisation, l’interdépendance croissante,

non seulement entre États mais aussi entre les domaines technologiques, économiques et industriels, changent la conception du champ de bataille. Celui-ci ne se limite plus à un endroit donné, dans un temps donné mais il devient pluridimensionnel. Désormais le soldat, n’est plus seulement le fantassin ou le cavalier de 1870, mais il est celui qui est capable d’être déployé sur des zones sensibles où il faut non pas utiliser son arme, mais faire preuve du sens du contact avec la population et savoir communiquer. Le métier de soldat recouvre un aspect humain et un aspect technique important, allant de l’informaticien spécialisé en guerre électronique, à celui capable de discuter avec des rebelles sur un check point.

Cependant les armées occidentales, connaissent de nombreuses contraintes. Elles sont tout d’abord d’ordre financier. En effet, les matériaux étant de plus en plus sophistiqués, leurs maintenances et leurs prix d’achat sont de plus en plus élevés. En même temps, depuis 1945, les États occidentaux consacrent une part de plus en plus faible de leur budget annuel à la défense, car ceux-ci doivent satisfaire d’autres besoins, notamment d’ordres sociaux. La contrainte est aussi d’ordre psychologique et médiatique. Aujourd’hui les citoyens occidentaux pensent à « la guerre zéro mort » qui, malheureusement n’existe pas. La mort de soldats tués sur un théâtre d’opération connaît un retentissement médiatique

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beaucoup plus fort qu’avant les années 1970. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les débats qu’ont suscités les dix soldats français, morts en Afghanistan, en août 2008. Face à ces contraintes, qui sont encore plus nombreuses et complexes, que celles que nous venons d’évoquer, les États occidentaux veulent recentrer leurs armées sur leur « cœur de métier » et, ont donc recours à l’externalisation.

2. Le recours à l’externalisation.

Afin de comprendre le principe d’externalisation des armées occidentales, nous expliquerons d’abord celui-ci, puis nous en évaluerons les avantages et les inconvénients.

Bearpark, directeur général de l’association britannique des entreprises de sécurité privées, nous explique l’externalisation : « les militaires américains externalisent de vastes activités, en les confiant à des entreprises telles que la société de génie civil et de construction KBR (anciennement KELLOG, BROWN AND ROOT). Pour ne citer que cet exemple, KBR fournit des logements pour les soldats ainsi que divers services de soutien en Irak et en Afghanistan. C’est la direction que prennent les militaires d’Europe occidentale (sans encore, cependant, être allés aussi loin). Par exemple, l’armée britannique sous-traite et privatise des activités telles que le gardiennage statique de ses bases, mais elle s’en tient plus ou moins là pour le moment. Une différence fondamentale existe en fait. Elle touche tant l’ampleur du phénomène que le degré d’utilisation et de développement des entreprises de sécurité privée. Aux Etats-Unis, des pans entiers de l’effort de guerre sont sous traités au secteur privé. Certes, aujourd’hui, les militaires opèrent très différemment selon qu’ils sont américains ou européens ».104 L’externalisation des armées occidentales consiste donc, dans le recours à des acteurs privés, ayant une participation plus ou moins directe aux conflits armés.

Cette externalisation présente de nombreux avantages. Elle permet tout d’abord de recourir ponctuellement à une aide extérieure en ne la payant que pour une mission donnée, tandis qu’une armée coûte en temps de paix, lorsqu’elle est en quelque sorte « inutile » à l’État. Elle permet aussi d’atteindre les deux buts d’une guerre : la victoire sur le terrain, et la reconstruction du pays. L’enjeu de la reconstruction du pays, est pour les États qui sont intervenus dans la guerre, et qui ont donc dépensé de l’argent, de récupérer celui-ci en faisant travailler leurs entreprises privées dans la reconstruction. L’avantage des sociétés de sécurité est de pouvoir faire ce lien, souvent difficile entre la fin de la guerre et la reconstruction. Elles assurent ainsi à l’État dont elles détiennent la nationalité, un retour sur investissement. De plus ces sociétés sont souvent polyvalentes, ce qui permet de couvrir les différents aspects de la guerre : intelligence économique, outil d’aide à la décision, protection des expatriés, communication…

Cependant ce phénomène présente un désavantage majeur : l’apparition d’acteurs privés dont le statut est mal défini, dans les conflits armés. Une sentinelle de sécurité privée surveillant des puits de pétrole en Irak, portant ouvertement une arme, est elle un combattant ou pas ? Un cuisinier d’une société privé, préparant la nourriture pour des soldats de la coalition, en Irak, dans une base militaire, est- il une cible légale pour les belligérants ?

104. PFANNER Toni, Entretien avec Andrew BEARPARK, in la Revue Internationale de la Croix-Rouge, Volume 88 Sélection française 2006, p. 165.

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B. L’échec de l’État-nation dans de nombreuses régions du Monde.

Dans certaines régions du Monde et surtout dans les anciennes colonies occidentales, l’État n’a jamais été assez fort pour détenir le monopole de la violence légitime, provocant ainsi la présence d’acteurs privés dans les conflits armés. A l’heure de la mondialisation, ce phénomène est renforcé.

1. L’État n’a pas le monopole de la violence légitime.

Il existe dans des régions du monde, des « zones grises », c'est-à-dire des zones marquées par un état de violence ou de guerre permanente. Ces guerres ne sont pas résolues car, soit la communauté internationale ne sait comment les résoudre, soit les différents acteurs de celles-ci ne veulent pas les résoudre. Ces zones « grises » sont identifiables, par le fait que l’État n’a pas, voir n’a jamais eu, le monopole de la violence légitime sur celles-ci.

Tessier et Grunewald nous expliquent ce processus de désintégration des États105. Tout d’abord, la croissance démographique, l’urbanisation galopante ainsi que la hausse du niveau d’éducation et le développement des moyens de communications créent des besoins que les États ne sont pas capables de satisfaire. Le fait de pouvoir voir la consommation occidentale par la télévision et internet, crée chez les élites des besoins, ou, nourrit une jalousie proche de la haine envers l’Occident. La conséquence immédiate est au minimum, un mépris de l’État en place, par les élites du pays. Cela est accentué par la mondialisation, la pression des marchés mondiaux sur les ressources premières créant ainsi un déséquilibre mondial entre les « happy few » et les autres. Ces tensions, difficiles à gérer pour les États, car résultant de causes externes à ceux-ci, sont à l’origine de la mise en place d’économie parallèle, permettant à la population de survivre.

La conséquence de ce phénomène est double. Tout d’abord, les courants idéologiques et religieux profitent de la situation, pour canaliser les revendications des populations vers la remise en cause de l’État légitime. Cette remise en cause est d’autant plus facile, que les États ont des frontières héritées des guerres de décolonisation, dont les découpages ne correspondent pas du tout aux logiques ethniques et socioculturelles. Dès lors, l’État n’est plus légitime aux yeux de la population, il perd ainsi le monopole de la violence légitime.

Se met alors en place une dynamique de crises durables, qui s’appuie sur deux doublets : « décentralisation/désintégration »106 et « conflits internes /crises transnationales »107. Le premier doublet est la prolifération d’acteurs non étatiques qui veulent détenir les attributs de l’État et surtout celui de la violence légitime. En aucun cas, ces acteurs ne veulent les responsabilités étatiques. Dans les « zones grises », se développent alors de nouveaux systèmes économiques, des intérêts particuliers… Le second doublet est du à la recherche de ressources par ces entités pour financer leurs guerres. En effet, avant l’effondrement du bloc soviétique, ces entités trouvaient toujours un des deux blocs pour les supporter sur le plan logistique et financier, voir sur le plan militaire ; désormais elles doivent trouver des moyens propres. La quête de ces

105. GRUNEWALD François et TESSIER Laurence, Zones grises, crises durables, conflits oubliés : les défis humanitaires, in the International Review of the Red Cross, numéro 842, juin 2001, p. 327. 106. Ibid. p. 328. 107. Id.

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moyens passe par l’édification de réseaux transnationaux, qui s’établissent sur les zones transfrontalières ; le but est alors de créer un désordre complet, dans celle-ci. La facilité d’implantation de tels réseaux dans ces zones, est forte, car il existe des incohérences majeures et des revendications au sujet des frontières. Dans cette logique, la guerre devient une source de revenus pour les réseaux transfrontaliers, qui vivent de rackets et, qui développent et taxent les trafics illicites de biens. Nous pouvons citer les trafics de drogue en Afghanistan, le trafic de caoutchouc au Libéria, ou encore celui des pierres précieuses en Sierra Léone.

2. La « démilitarisation » des acteurs.

La conséquence de la perte de la violence légitime par les États en voie de développement, est la « démilitarisation » des acteurs des guerres. En effet, ces acteurs ne sont plus des forces armées mais plutôt des membres de réseaux économiques, idéologiques et religieux, aux intérêts et aux logiques diverses.

Bien souvent, dans une « zone grise », on peut observer un acteur étatique corrompu à plus ou moins grande échelle, qui tente de s’assurer le monopole de la violence légitime. Il existe aussi, des grandes firmes multinationales ou, d’autres États qui n’interviennent pas dans cette zone grise, mais à qui la désorganisation de la zone sert, soit pour des raisons politiques, soit pour l’exploitation de matières premières. Ensuite, viennent une quantité d’acteurs non-étatiques, agissant pour des motifs économiques, ou pour d’autres motifs, d’ordre religieux ou idéologiques. Sur cette multiplicité des acteurs et des enjeux vient se rajouter un fait sociologique. Depuis deux ou trois générations, certaines populations n’ont connu que la guerre larvée où, la violence est pour eux le seul moyen de s’assurer un revenu pour vivre. Comment alors mettre fin à l’existence de « zones grises » ?

Il est bien évident que tenter de caractériser les conflits armés dans ces zones ou encore de faire appliquer le droit international humanitaire semble plus que difficile. Si tenter que cela soit possible, comment pouvoir déterminer celui qui participe directement au conflit alors que la guerre est devenue un phénomène de société. Les membres de ces entités seraient-ils dans un conflit armé international, des combattants ? Ne sont-ils pas que des civils n’ayant pas le droit de participer directement à un conflit ? Est ce possible de définir qui sont les membres de ces entités ? Bref, dans ces zones grises, parler de participation directe à de hostilités relève du défi. Cependant, il est nécessaire de le faire car ces problèmes se posent : n’est ce pas le cas des forces armées de la Coalition dans le sud de l’Afghanistan, zone que personne ne semble réellement contrôler ?

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Paragraphe 2 : La notion de « participation directe aux hostilités » à l’épreuve de la réalité.

Ayant vu l’émergence de nouveaux acteurs dans les conflits armés internationaux, il faut maintenant savoir si ceux-ci participent directement aux hostilités, et peuvent, par conséquent bénéficier du statut de combattant (et donc de prisonnier de guerre), en cas de capture. Afin d’apporter une réponse à cette question, nous tenterons d’abord de définir la « participation directe aux hostilités », puis nous appliquerons ce concept aux sociétés militaires privées, à titre de cas pratique.

A. Définir la « participation directe aux hostilités ».

Cette notion est évoquée à l’article 44 du Protocole Additionnel I, mais elle n’est pas plus définie, dans les textes de droit international humanitaire.

1. Une définition fonctionnelle ou d’appartenance ?

Définir la « participation directe aux hostilités » est un enjeu crucial car elle conditionne le statut de la personne capturée dans un conflit armé international. Si, elle a le droit de participer directement aux hostilités (et elle se distingue de la population civile pendant la préparation de ses actes de combats et pendant ceux-ci), elle a le droit au statut de combattant et donc de prisonnier de guerre. Si elle n’a pas le droit de participer directement aux hostilités, elle est civile et peut-être jugée pour le seul fait d’y avoir participé.

« Bien que l’expression « participation active aux hostilités » utilisée à l’article 3 commun aux Conventions de Genève se soit transformée en « participation directe aux hostilités » dans le texte des Protocoles additionnels de 1977, le Commentaire du Protocole Additionnel I (confirmé par la jurisprudence du Tribunal pénal International pour le Rwanda) considère ces deux formulations juridiques comme synonyme.108»

Pour certains experts, cette distinction permet de définir les acteurs des conflits dans une logique d’appartenance ; au sein des civils, le terme « active » renvoie à « ceux qui contribuent de plus en plus aux opérations de soutien militaire »109 et le terme « directe » renvoie aux « civils purs » tels que les enfants qui doivent en tout temps être protégés et dissociés des activités militaires. Ce raisonnement par appartenance pose problème car il crée une sous-catégorie au sein des civils, et à moyen terme, risque de « saper » la protection accordée aux civils.

C’est donc la logique fonctionnelle qui est retenue, avec la notion de participation directe aux hostilités. Comment la personne participe t- elle aux hostilités ? Le rapport de la conférence du CICR du 02 juin 2003, nous explique différents cas où la personne est considérée comme participant directement aux hostilités. Ce sont les cas d’attaques des forces armées, de leurs équipements ou de leurs positions, des lignes de communication militaires, ainsi que des collectes d’informations à des fins

108. La participation directe aux hostilités en droit international humanitaire. Rapport de la conférence du Comité Internationale de la Croix-Rouge du 02 juin 2003, 16 p., p. 3. 109. Id.

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militaires…C’est donc l’acte mené, et non l’appartenance qui permet de dire si la personne participe directement aux hostilités.

2. L’absence de définition.

Aucune définition du terme « participation directe aux hostilités » ne semble

possible car il existe un certain nombre de cas ambigus. Le rapport de la conférence du CICR du 02 juin 2003 donne l’exemple d’un civil conduisant un camion de munitions dans une zone de combats. Certes, le camion est un objectif militaire, mais peut-on attaquer le chauffeur ? Le chauffeur participe t-il directement aux hostilités ? Si oui, il devient alors une cible légitime. Si non, il reste un civil jouissant de ses droits ; il ne peut pas être pris pour cible mais le camion peut l’être et si ce dernier est blessé, le cas doit être considéré en vertu du principe de proportionnalité. D’autres experts avancent qu’en l’absence de tous autres moyens pour empêcher la livraison de munitions, le chauffeur devient une cible légitime car il est un civil perdant sa protection pendant le temps où il participe directement aux hostilités.

Une définition de la participation directe aux hostilités semble donc difficile, cependant elle doit remplir les objectifs suivants :

« (a) veiller au respect des règles fondamentales du droit international humanitaire, en particulier du principe général de distinction, qui ne doit être sapé en aucune circonstance ;

(b) tenir compte des aspects pratiques relatifs à la mise en œuvre de la notion de participation directe, y compris les moyens disponibles pour déterminer si un civil participe directement aux hostilités ;

(c) s’assurer que toute définition éventuelle soit compatible, avec les règles du droit pénal international, afin de garantir son applicabilité à tous les régimes juridiques pertinents ».110

B. Les sociétés militaires privées au prisme de la participation directe aux hostilités.

Bien que la notion de « participation directe aux hostilités » ne soit pas définie, nous allons tenter d’appliquer celle-ci aux sociétés militaires privées (SMP)111.

1. Définition des membres des sociétés militaires privées.

Afin de décider quel statut accorder aux membres des sociétés SMP dans les conflits armés, une première idée peut-être de les assimiler aux mercenaires ; dans ce cas ils n’ont pas le droit au statut de combattant et de prisonnier de guerre112. Pour cela ils doivent remplir les six conditions énumérées à l’article 47, paragraphe 2 du Protocole additionnel I, conditions assez difficiles à toutes satisfaire en même temps et donnant lieu à la « remarque de Geoffrey Best, selon lequel « tout mercenaire qui n’arrive pas lui-même à s’exclure de cette définition mérite d’être abattu et son avocat avec lui ! » ».113

110. Ibid. p. 5. 111. L’annexe 8 rassemble des photos des services divers qu’une SMP peut proposer. Ces photos illustrent toute la difficulté pour définir si les SMP participent directement aux hostilités. 112. PA I, article 43, paragraphe 1. 113. GILLARD Emmanuela-Chiara, Quand l’entreprise s’en va-t-en guerre : les sociétés militaires et société de sécurités privées et le droit international humanitaire, in la Revue Internationale de la Croix-Rouge, Volume 88, Sélection française 2006, p. 221.

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Très rapidement, on se rend compte que les six conditions peuvent difficilement être satisfaites ensemble, par les membres SMP. C’est pourquoi nous allons relever les conditions les plus difficiles à satisfaire pour qu’un membre d’une SMP soit assimilé à un mercenaire.

1-Il faut être « ni ressortissant d’une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une partie au conflit »114. Cette condition n’est jamais satisfaite, puisque le but de l’État qui externalise, est de faire travailler à son profit une société de son économie nationale. Cela est confirmé par les faits ; dans les conflits d’Irak et d’Afghanistan, les SMP sont, soit anglaises, soit américaines et, les deux leaders des deux Coalitions sont, les États-Unis et la Grande-Bretagne.

2-Il faut être « spécialement recruté dans le pays ou à l’étranger pour combattre dans un conflit armé »115. Cette condition pose problème car les SMP emploient des agents dans le cadre d’un contrat de travail ; la participation à un conflit déterminé n’est pas mentionnée particulièrement.

3-Enfin la condition de prendre part directement aux hostilités116 est aujourd’hui discutée. On constate que globalement les membres des SMP ne peuvent pas être assimilés à des mercenaires.

Peut-on alors assimiler les membres des SMP, à des combattants ? Si oui, ils peuvent participer directement au conflit : ils bénéficient du statut de combattant et donc de prisonnier de guerre. Les membres des SMP sont-ils les membres des forces armées d’un État ? Pour la plupart non, car selon Gillard, « quatre vingt pour cent environ des contrats des SMP sont passés avec des clients autres que des États »117. De plus, la simple signature d’un contrat avec un État n’est pas suffisant ; il faut selon Gillard satisfaire un certain nombre de conditions dont celles-ci : « le personnel a-t-il suivi les éventuelles procédures nationales d’enrôlement ou de conscription ? Le personnel est-il employé par le ministère de la défense (étant entendu que ces ministères emploient aussi de nombreux civils) ? Le personnel est-il soumis à la discipline et à la justice militaire ? Le personnel est-il intégré ou assujetti à la chaîne de commandement militaire ? » 118. Nous pouvons répondre d’office, que toutes ces conditions ne sont peu ou pas respectées par les membres des SMP. Peut-on alors les assimiler à des « membres de milices et des autres corps de volontaires appartenant à un État partie à un conflit armé »119 ? Pour cela, il faut que la SMP ait signé directement un contrat avec l’État en question, et non qu’elle ait signé un contrat avec un autre acteur, ce qui arrive souvent comme nous l’avons vu. S’il existe un contrat entre l’État et la société, ses agents doivent alors respecter les quatre conditions prévues à l’article 4 de la IIIe Convention de Genève, paragraphe A, alinéa 2. On constate qu’en Irak comme en Afghanistan, le respect de la 3e condition relative au « port d’un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance » n’est pas rempli. En effet les agents des SMP ont aussi bien des tenues militaires de type camouflage avec des armes portées ouvertement, que des tenues civiles.

Les membres des SMP ne sont pas des combattants tels que définis dans les Conventions de Genève.

114. PA I, article 43, paragraphe 2, alinéa d). 115. Ibid. alinéa a). 116. Ibid. alinéa b). 117. GILLARD, op. cit., p. 181. 118. Id. 119. CG III, article 4, paragraphe A, alinéa 2.

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La majorité d’entre eux sont des civils. Selon l’article 50 du Protocole additionnel I, paragraphe 1 : « est considérée comme civile toute personne n’appartenant pas à l’une des catégories visées à l’article 4 A. 1), 2), 3), et 6) de la IIIème Convention et à l’article 43 du présent protocole. En cas de doute, ladite personne sera considérée comme civile »120.

2. Les conséquences juridiques pour les membres des sociétés militaires privées capturés.

Si les membres des SMP sont capturés, ils doivent dans la majorité des cas être considérés comme des civils. Mais ont-il pris part directement aux hostilités ? Tentons donc de voir si les SMP prennent part directement aux hostilités.

Le premier problème qui se pose à nous, est l’absence de définition précise de la notion de « participation directe aux hostilités ». Comme nous l’avons vu précédemment, la « participation directe aux hostilités » semble recouvrir au minimum les actes qui visent à frapper directement les personnels des forces armées, et leur matériel. Une remarque peut être faite à ce sujet. Les SMP affirment qu’elles ne fournissent que des services défensifs et que de ce fait elles ne participent pas directement aux hostilités : ainsi protègent-t-elles, en Irak des installations militaires, du matériel qui sont des objectifs militaires en soi. Or « il faut relever que le droit international ne fait pas la distinction entre opérations offensives et défensives ».121 Ne peut-on pas dire alors que ces personnels participent directement aux hostilités ?

En cas de capture, ils sont donc considérés comme civils et soumis à la IVe Convention de Genève. S’ils font parties des exceptions à la IVe Convention (ressortissant d’un État neutre, ou d’un État cobelligérant, qui ont « une représentation diplomatique normale 122» auprès de l’État capteur), alors ils sont au moins protégés par l’article 75 du Protocole additionnel I. Celui-ci prévoit que l’État capteur doit assurer à ses prisonniers un certain nombre de garanties fondamentales. S’il est possible de montrer, malgré l’absence d’une véritable définition de la « participation directe aux hostilités », que les personnes capturées ont pris part directement au conflit, elles pourront être jugées pour cela.

Au terme de cette section, nous constatons que l’absence de définition de la

notion de « participation directe aux hostilités » pose problème car seule celle-ci permet de déterminer le statut des nouveaux acteurs des conflits armés contemporains.

Nous pouvons donc dire que les conflits actuels remettent en cause de par leur

nature, la notion de conflit armé international et, de par leurs acteurs, la notion de « participation directe aux hostilités ». La définition du combattant, conditionnant l’attribution du statut de prisonnier de guerre, fondée sur ces deux critères est donc remise en cause.

120. Cf. Annexe 7. 121. GUILLARD, op. cit., p. 189. 122. CG IV, article 4.

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En un siècle, la définition du combattant s’est construite. D’abord défini dans une logique étatique et d’appartenance à une catégorie de personnes, le combattant s’est affirmé en 1977 comme un individu ayant le droit de participer directement aux hostilités dans un conflit armé international et donc de jouir du statut de prisonnier de guerre en cas de capture.

Suite à la chute du Mur de Berlin, les conflits armés ont considérablement évolué tant dans leur nature que par leurs acteurs. En effet, les guerres asymétriques et transnationales, sont difficiles à qualifier juridiquement. De plus, les nouveaux acteurs de ces guerres, mettent en lumière l’absence de définition de « la participation directe aux hostilités »

Face à ces mutations profondes, existe-il des interprétations

pertinentes du droit en vigueur ? Faut-il redéfinir le combattant ?

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Partie 2 : Revisiter la notion de combattant.

Dans la première partie, nous avons constaté que la définition du combattant

n’est plus adaptée aux nouveaux conflits. Le but de cette seconde partie est de rechercher les solutions possibles pour redéfinir le combattant. C’est pourquoi nous analyserons celles déjà existantes (chapitre 1), pour ensuite proposer la notre (chapitre 2).

Chapitre 1 : La dualité d’interprétation de l’article 4.

Les deux solutions apportées au problème de la définition du combattant123 sont : dans la pratique, une interprétation restrictive des Conventions de Genève et du Protocole additionnel I ; dans la théorie, une interprétation large de ces mêmes textes.

Section1 : La pratique américaine : une interprétation restrictive. 

L’interprétation des textes de droit en vigueur faite par les Américains124, vise à restreindre le champ d’application du statut de combattant (et donc celui du prisonnier de guerre). Celle-ci bien que fondée sur un aspect théorique, se veut, avant tout réaliste.

Paragraphe 1 : À nouvelle guerre, nouvelle doctrine.

La nature de la guerre a changé, il est donc nécessaire de repenser le combattant et le prisonnier de guerre.

123. Cf. Annexe 10. 124. Dans cette section, nous suivons pas à pas la logique américaine qui est plus que discutable. C’est pourquoi certains raisonnements peuvent sembler illogiques voir aberrants, aux yeux du lecteur.

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A. Une nouvelle guerre.

Cette guerre est nouvelle car, elle présente de caractéristiques différentes des précédentes, incitant les Américains à élaborer une nouvelle doctrine.

1-Un nouveau contexte.

Cette guerre ne présente pas les caractéristiques des guerres précédentes. En effet, elle n’a pas de frontières et elle dépasse le cadre étatique pour s’inscrire dans un cadre mondial. Elle n’est pas basée sur un rapport d’État à État, mais sur un rapport de réseau à État, où le premier mode d’action employé, est le terrorisme. Ainsi, le gouvernement de Georges Bush déclare à ce sujet « c’est une nouvelle sorte de guerre »125.

Par conséquent, les Conventions de Genève et les Protocoles additionnels fixent des règles qui ne sont plus applicables aujourd’hui : « avec Al-Qaïda et les Talibans, la réalité d’aujourd’hui est une série de faits qui n’étaient pas du tout, ceux considérés lors de l’élaboration des Conventions de Genève »126. Il faut donc reconsidérer la notion de combattant et de prisonnier de guerre. Avant le 11 septembre, des « combattants non traditionnels 127» sont détenus par différents pays. Des pays comme l’Algérie, Israël, décident que les Conventions de Genève ne leur sont pas applicables. Ces pays ne leur accordent ni le statut de prisonnier de guerre, ni celui de civil : ils peuvent donc mener des « interrogatoires plus poussés ». Les États-Unis, quant à eux, sont partisans d’une interprétation large des Conventions de Genève : ils accordent facilement le statut de prisonnier de guerre. Suite aux attaques du 11 septembre, et à l’idée de « guerre contre le terrorisme », les Américains reconsidèrent l’attribution du statut de prisonnier de guerre, dans l’optique de gagner ce nouveau conflit. Ne pas attribuer le statut de prisonnier de guerre, permet de mener des interrogatoires afin d’obtenir du renseignement et d’éviter que l’Occident soit de nouveau attaqué. Cette idée est résumée par la phrase très « pudique » de Cofer Black, responsable du contre-terrorisme à la CIA (Central Intelligence Agency), et auditionné par une commission paritaire mixte de parlementaires américains : « tout ce que vous devez savoir, c’est qu’il y a eu un avant et un après 11 septembre. Après le 11 septembre, nous avons retiré les gants 128».

2. « La guerre des trois blocs ».

Ce changement de guerre, a pour conséquence une redéfinition de la doctrine militaire américaine concernant les opérations menées à l’étranger et les personnes capturées.

Un général Marines, le général Charles C. Krulak, définit cette guerre comme étant la « guerre des trois blocs ».129 Jusqu’à présent, le soldat est engagé, soit dans des opérations de basses intensités (comme les missions de reconstruction de la paix), soit, dans des opérations de hautes intensités (comme les missions d’imposition de la paix).

125. AYRES Thomas, Six Floors of Detainee Operations in the Post-9/11 World, in Parameters, US Army War Colleges Quaterly, automne 2005, 10 p., p.1. 126. Id. 127. Id. 128. Id. 129. Id.

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Désormais, ces notions de basse et haute intensité sont révolues. Le soldat doit, sur un même théâtre, faire face à des missions de combats, à des missions consistant à éradiquer les risques d’insurrections, et à des missions humanitaires.

Afin de réussir de telles missions, il faut reconsidérer les personnes capturées : il ne peut plus exister de « zones grises » entre les combattants capturés et les civils. Une personne peut-être un ennemi déclaré, un ennemi potentiel, ou neutre. Cependant, toutes ces personnes doivent être interrogées car elles évoluent dans un même environnement. Elles peuvent donc toutes, fournir du renseignement stratégique facilitant le succès de la mission. Les personnes capturées sont considérées sous l’angle du renseignement.

B. Les personnes capturées : entre civil et combattant.

Selon la doctrine américaine130, les personnes capturées sont, soit « des combattants légaux » pouvant bénéficier du statut de prisonnier de guerre, soit « des combattants illégaux » ne pouvant ni bénéficier du statut de prisonnier de guerre, ni de celui de civils internés.

1- Les prisonniers de guerre.

Sont déclarés prisonniers de guerre, les membres des forces armées qui remplissent les conditions fixées par l’article 4 de la IIIe Convention de Genève. La détention est alors conçue, non comme une punition, mais, comme un moyen de neutralisation de l’ennemi. Dans cette logique, le combattant n’a plus de raison d’être prisonnier à la fin des hostilités ; il doit donc être relâché comme le prévoit l’article 118 de la IIIe Convention de Genève : « les prisonniers de guerre seront libérés et rapatriés sans délai après la fin des hostilités actives ».

Sont aussi déclarés prisonniers de guerre, les personnes concernées par l’alinéa 2 du paragraphe A de l’article 4 de la IIIe Convention de Genève, sous condition de remplir les quatre conditions fixées à ce même alinéa. D’après ce que nous avons montré dans le premier chapitre de la première partie, cela semble logique car remplissant les quatre conditions, ils sont combattants et donc prisonniers de guerre. Cependant, la logique américaine est tout autre. Tout d’abord, ces personnes ne sont pas des combattants mais des « insurgés légaux », c'est-à-dire des personnes qui ayant fait l’effort de remplir les quatre conditions, se voient en échange accorder le statut de prisonnier de guerre. Les Américains écrivent même à ce sujet : « the Convention then rewards that with the POW’s status »131. Le terme « reward » signifie « récompense », il implique l’idée d’une réciprocité qui n’existe pas dans le droit des conflits armés. Ce terme d’ « insurgé légal » est donc pervers, car il nie l’idée que ces personnes soient en soi des combattants (ayant un droit inaliénable au statut de prisonnier de guerre).

Cette logique s’explique encore mieux par les « insurgés du Protocole I ». Les États-Unis n’ont pas ratifié le Protocole Additionnel I, ils n’accordent donc pas le statut de prisonnier de guerre aux personnes participant directement à un conflit armé international et portant leurs armes ouvertement pendant, le combat. Selon la logique des « insurgés légaux », il serait injuste d’accorder un statut de prisonnier de guerre à une personne qui ne respecte pas les quatre conditions. De plus, adopter cette décision, revient à inciter les « insurgés légaux » à ne plus respecter les quatre conditions.

130. Cf. Annexe 9. 131. AYRES, op. cit., p. 2.

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Néanmoins, étant donné que beaucoup de pays alliés avec les États-Unis ont ratifié le Protocole additionnel I, les Américains accordent de facto le statut de prisonnier de guerre aux « insurgés du Protocole I »

Selon la doctrine américaine, moins la personne capturée ressemble à un membre des forces armées régulières, moins elle a de raisons de jouir du statut de prisonnier de guerre. Ainsi les combattants des forces armées régulières ont un droit au statut de prisonnier de guerre, « les insurgés légaux » bénéficient seulement de ce statut afin de les remercier de leur comportement, tandis que les « insurgés du Protocole I » se voient accorder ce statut du fait du bon vouloir de l’État capteur.

2. Les personnes capturées non couvertes par les Conventions de Genève.

Selon les Américains, les personnes non couvertes par les Conventions de Genève sont des « combattants illégaux » (ou des « combattants non privilégiés »). Ils ne bénéficient ni du statut de prisonnier de guerre, ni du statut de civil interné. Ce terme révèle l’idée suivante : ces personnes capturées ne sont pas des civils car ayant pris les armes cependant, elles ne sont pas des combattants pouvant jouir des droits accordés par l’article 4 de la IIIe convention de Genève. Elles tombent dans une catégorie de personnes détenues, non prévue par les textes de droit international humanitaire. Cette catégorie est présentée comme ancienne par les Américains : ils les assimilent aux espions, aux belligérants sans uniforme, mentionnés dans le Code de Lieber. Ce Code prévoit la peine de mort pour ces personnes capturées. Les États-Unis, dans la logique d’accorder un statut de prisonnier de guerre en fonction du degré de ressemblance de la personne capturée avec un membre des forces armées, leur accorde un « statut de prisonnier de guerre dégradé ». Ce « statut dégradé » consiste dans le fait que la personne (comme tout prisonnier de guerre) est traitée humainement. Cependant elle ne bénéficie pas de tous les droits de celui-ci car elle n’a pas rempli les devoirs du combattant. Il est donc possible d’exiger plus d’informations de la part du « combattant non privilégié » capturé, que du simple combattant capturé qui n’est « tenu de déclarer […] que ses noms, prénoms et grade, sa date de naissance et son numéro matricule ou, à défaut, une indication équivalente »132.

Au sein de ces « combattants non privilégiés », il faut distinguer des terroristes, ceux qui se sont simplement attaqués à des objectifs militaires (que toutes forces armées ennemies auraient pu détruire). Les terroristes sont en effet des « combattants non privilégiés » qui s’attaquent d’abord à des objectifs civils. En conséquence, tout terroriste capturé bénéficie d’un traitement humain et « d’interrogatoires plus poussés » que les « simples combattants non privilégiés ». Pour les « combattants non privilégiés » s’attaquant à des objectifs militaires, les techniques d’interrogation sont les suivantes : « Techniques de catégorie I : - (1) hurler sur le détenu (ni directement dans ses oreilles, ni d’une force telle que cela lui causerait des problèmes d’audition ou des souffrances physiques) -(2) techniques mensongères : (a) interrogateurs multiples

132. CG III, article 17.

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(b) identité de l’interrogateur : l’interrogateur peut se présenter lui-même comme un ressortissant d’un pays étranger ou d’un pays qui a la réputation d’infliger des traitements durs à ses détenus. »133 Les techniques de catégorie 2 sont multiples. On peut retenir, celle de l’isolation du détenu, pouvant aller jusqu’à trente jours, celle de la mise dans des positions de stress pendant 4 heures maximum134…. Il existe des techniques de catégorie 3 qui poussent encore plus loin les modalités des interrogatoires : celles-ci n’ont pas été approuvées par le ministère de la défense américain. Il semblerait logique que celles-ci soient utilisées pour les terroristes car étant un degré en-dessous des « simples combattants non privilégiés », de par les actes qu’ils ont commis.

Concernant ces deux catégories de prisonnier, une remarque est possible. La détention n’est plus un moyen de neutraliser un ennemi, mais elle est la sanction d’actes illégaux. Par conséquent, ces prisonniers ne sont pas relâchés à la fin des hostilités et ils ne bénéficient pas des avantages des prisonniers de guerre. La seule garantie est celle d’un traitement humain que la Morale impose à tous. Ainsi Donald Rumsfeld dans une directive interne, du 19 janvier 2002, affirme que les talibans et les membres d’Al-Qaïda seront traités humainement ; bien que le 28 janvier 2002, le président Bush affirme qu’ils ne seront pas traités comme prisonnier de guerre.135

Paragraphe 2 : La pratique américaine en Afghanistan.

Les théories américaines abordées au cours de la sous-section précédente ont été mises en œuvre en Afghanistan. Notre étude de cette pratique se limitera à la période allant du 6 octobre 2001 au 19 juin 2002136, période pendant laquelle il existe un conflit armé international. Cette pratique américaine se traduit dans deux idées majeures : l’existence d’un nouveau type de conflits armés, ainsi que l’absence de protection légale prévue dans les textes de droit international et coutumier, concernant les Talibans et les membres d’Al-Qaïda capturés.

A-Existence d’un conflit armé commençant le 11 septembre.

Pour les Américains, le 11 septembre marque le début d’un nouveau conflit armé, opposant d’une part les États-Unis et d’autre part des « combattants illégaux ». Ces derniers ne constituent en aucun cas une partie au conflit.

1- Le 11 septembre : début d’un nouveau conflit armé.

Les terroristes ont déjà attaqué l’ambassade de Nairobi en 1998, déclenchant une réponse militaire américaine. Cependant, pour différentes raisons, les attaques du

133. AYRES, op. cit., p. 5.Ces techniques d’interrogatoires ont été révélées à la presse, par le ministère de la défense américaine afin de mettre au fin aux rumeurs circulants au sujet du traitement des détenus de Guantánamo. 134. Id. 135. Ibid. p. 1. 136. Note verbal et Mémorandum du CICR relatif au conflit en Afghanistan, Genève, 21 février 2007.

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11 septembre sont perçues comme le début de la « guerre contre le terrorisme » par le gouvernement américain137.

Tout d’abord, l’ampleur des dégâts et les effets produits par les attentats, sont comparables à ceux d’une attaque par des forces armées. De plus celles-ci, se sont déroulées sur le sol américain. Les membres d’Al-Qaïda, ont utilisé des avions civils pour détruire à une très large échelle, des objectifs civils (le Wall Trade Center en particulier) et militaires (le Pentagone). Cette action peut être comparée à une attaque de l’armée de l’air d’un État étranger, qui viole le droit de la guerre en faisant preuve de perfidie 138(utilisation d’un avion civil), ainsi qu’en commettant un acte terroriste (acte contraire au principe de distinction civil/combattant dont le but est de répandre la terreur au sein de la population).

Un autre moyen de prouver que les attaques du 11 septembre sont le début d’un nouveau conflit armé, est de démontrer que c’est en vertu de l’article 51139 de la Chartre des Nations-Unies que les États-membres de la Coalition interviennent en Afghanistan. Certes, la résolution 1368140 du Conseil de Sécurité de l’ONU (Organisation des Nations-Unies) n’autorise pas les États-Unis à répondre aux attentats en vertu du principe de légitime défense141, mais elle reconnaît « un droit inhérent à la légitime défense collective ou individuelle »142dans son préambule. De plus, le préambule de la résolution 1373143 du Conseil de Sécurité de l’ONU du 28 septembre décide que « les États doivent prendre les mesures nécessaires pour empêcher les actes terroristes ». Elle établit le Comité du Conseil chargé du contre-terrorisme : son rôle est de veiller sur chaque État dans la mise en place de mesures contre le terrorisme. Selon les Américains, la conséquence de ces deux résolutions est une réponse armée au terrorisme. Les attaques du 11 septembre peuvent donc être considérées comme un crime d’agression (permettant en retour l’utilisation de la force armée en vertu de l’article 51). Cette interprétation est confirmée par Tony Blair : il explique à la Chambre des Communes le 8 octobre 2001, que l’intervention armée en Afghanistan se fait « en conformité à l’article 51 de la Chartre des Nations Unies »144. L’intervention en Afghanistan est aussi faite dans une logique de légitime défense par les autres membres de la Coalition. Leurs citoyens vivant aux États-Unis ont aussi été victimes du 11 septembre.

Enfin, nous pouvons constater que les attaques du 11 septembre ont provoquées deux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unis (1368 et 1373) ; l’idée d’une légitime défense contre les attaques terroristes, y est présente.

137. ROWE Peter, Responses to terror: the new“ war”, in Melbourne Journal of International Law, vol.3, 2002, p.3. 138. La perfidie est condamnée par l’article 37 du Protocole additionnel I. 139. COT Jean-Pierre, PELET Alain, La Chartre des Nations Unis, Paris-Bruxelles, Economica Bruylant, 1985, 1553 p., p.769. L’article 51 de la Chartre des Nations Unis, autorise l’utilisation de la force armée en vertu du principe de la légitime défense collective et individuelle. 140. Résolution 1368 portant sur la menace à la paix et la sécurité internationale résultant d’actes terroristes, 12 septembre 2001, Conseil de Sécurité lors de la 4370e séance, disponible sur : http://www.un.org/french/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1368(2001) le 13 novembre 2008. 141. ROWE, op. cit., p. 6. 142. Ibid, pp. 5-6. 143. Résolution 1373 portant sur la menace à la paix et la sécurité internationale résultant d’actes terroristes, 28 septembre 2001, Conseil de Sécurité lors de la 4385e séance disponible le 13 novembre 2008 sur : http://www.un.org/french/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1373(2001) 144. ROWE, op. cit., p. 10.

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L’attentat de 1998 contre une ambassade américaine à Nairobi, est juste la cause de la résolution 1189145, demandant (point 3 de la résolution) aux pays de livrer les terroristes à la justice et d’arrêter d’héberger ceux-ci146. Le contenu des résolutions étant différentes, il semble donc logique d’affirmer que les attaques du 11 septembre ne sont pas de la même nature que celle de 1998. Celle de 1998 est de nature terroriste incitant les Nations-Unies à prendre une résolution ayant des conséquences d’ordres juridiques. Celles de 2001 sont des agressions armées incitant les Nations-Unies à parler de légitime-défense dans les résolutions prises, l’utilisation de la force armée semble alors justifiable.

Nous pouvons donc admettre que les attaques du 11 septembre sont une agression armée, nécessitant une réponse militaire en vertu du principe de légitime défense. Le 11 septembre marque donc bien selon les Américains, le début d’un nouveau conflit armé. Mais quelles sont les parties au conflit ?

2. L’absence de deux parties aux conflits.

La première partie au conflit est facilement identifiable ; elle est reconnue sur le plan international et est composée des États de la Coalition qui fournissent les troupes armées pour intervenir en Afghanistan. La seconde partie est, quant à elle plus difficile à identifier. Selon les Américains, en aucun cas il ne peut s’agir de l’Afghanistan en tant que pays. C’est ainsi que le président Bush déclare mener une guerre contre le terrorisme, et non contre l’Afghanistan .

L’administration Bush considère que l’Afghanistan gouverné par les talibans, n’a aucune légitimité en droit international car elle n’est reconnue que par deux États. Par conséquent, l’Afghanistan n’est pas une partie au conflit. De plus, il n’existe pas un lien assez fort entre les actes terroristes du 11 septembre et l’Afghanistan pour justifier une attaque armée contre ce pays, en vertu du principe de légitime défense. Le gouvernement taliban héberge des membres d’Al-Qaïda, ainsi que des camps d’entraînement. Il ne contrôle pas totalement le réseau terroriste au point d’avoir organisé les attentats avec celui-ci. D’après l’arrêt Nicaragua de 1986147et l’arrêt Tadic148, pour qu’il y ait une agression armée de la part d’un État envers un autre État, par l’intermédiaire d’une organisation, il faut que celle-ci soit équipée, financée et totalement contrôlée par l’État d’où provient l’agression. Selon la résolution 2625149prise par l’Assemblée Générale des Nations-Unies en 1970, les États ont un devoir « d’empêcher, l’organisation et la participation à des actes terroristes dans d’autres États ». Cependant, le non-respect de cette règle n’est pas suffisant, pour justifier une attaque armée envers le pays fautif.

Les États-Unis ne sont donc pas en guerre contre l’Afghanistan qui n’est pas une partie au conflit ; ils sont en guerre contre les Talibans et Al-Qaïda qui ne peuvent constituer une partie au conflit. 145. Résolution 1189 portant sur le terrorisme international, 13 août 1998, Conseil de Sécurité lors de la 3915eséance disponible le 13 novembre 2008 sur : http://www.un.org/french/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1189(1998). 146. ROWE, op. cit., p. 4. 147. Arrêt de la Cour internationale de Justice du 27 juin 1986 : Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique) disponible le 13 novembre 2008 sur http://www.icj-cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&k=66&case=70&code=nus&p3=4. 148. TPY, Le procureur c. Dusko Tadic, IT-94-AR 72, Chambre d’appel, Arrêt du 2 octobre 1995 disponible le 13 novembre 2008sur : http://www.un.org/icity/tadic/appeal/decision-f/51002JN3.htm . 149. Résolution 2625 Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre État conformément à la chartre ONU, le 24 octobre 1970, Assemblée Générale lors de la 25e Session disponible le 13 novembre 2008 sur : http://daccessdds.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/350/22/IMG/NR035022.pdf?OpenElement.

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En effet, Al-Qaïda est un réseau terroriste, non reconnu comme État par les autres États. Il ne bénéficie pas d’une reconnaissance provisoire par les États, pendant ce conflit armé international. Les Talibans, en tant que gouvernement, ne constituent pas eux aussi, une partie au conflit. Seulement deux États ont reconnu ce gouvernement or, selon la doctrine américaine, pour que les règles d’un conflit armé international s’appliquent « il n’est pas nécessaire que les gouvernements des États engagés dans les hostilités se soient reconnus mutuellement, alors que la règle est moins claire lorsque presque aucun pays a reconnu le gouvernement »150. De plus, l’Afghanistan est « un état déficient, qui n’a pas un gouvernement efficient car il n’a pas un véritable contrôle de son territoire et de ses citoyens lui permettant d’avoir une armée»151. Il en résulte donc que les Talibans ne sont pas une partie au conflit.

B. Les Talibans et les membres d’Al-Qaïda ne sont pas couverts par les Conventions de Genève.

Selon la doctrine américaine, les Talibans et les membres d’Al-Qaïda constituent une nouvelle catégorie de personnes, non-protégée par les Conventions de Genève de 1949 : ce sont des « combattants illégaux ». Ils ne peuvent pas bénéficier du statut de prisonnier de guerre.

1. Les membres d’Al-Qaïda et les Talibans : ni civils, ni combattants.

Comme nous l’avons vu, ni le gouvernement Taliban, ni le réseau Al-Qaïda, ne peuvent être une partie d’un conflit armé international. Par conséquent, les membres de ces deux entités ne peuvent ni avoir un statut de combattant, ni de prisonnier de guerre, en vertu de la IIIe Convention de Genève (article 4, paragraphe A alinéa 1 et 2).

Admettons cependant que le gouvernement taliban puisse être une partie au conflit, les Talibans et les membres d’Al-Qaïda deviennent-ils alors des combattants en étant membres des forces armées (article 4, paragraphe A, alinéa 1) ? Deviennent-ils aussi des combattants en étant membres d’un mouvement de résistance ou membres de milices ou de corps de volontaires appartenant à la partie talibane du conflit (article 4, paragraphe A, alinéa 2) ?

La doctrine américaine est divisée sur le fait de savoir si les membres des forces armées doivent, elles aussi, remplir les quatre conditions fixées à l’alinéa 2, du paragraphe A de l’article 4152. Étant donné l’esprit dans lequel ces dispositions ont été fixées (cf Chapitre 1- Partie I), il semble logique que les membres des forces armées, remplissent au minimum ces conditions. C’est pourquoi les États-Unis examinent quand même, si ces quatre conditions sont remplies par les talibans et les membres d’Al-Qaïda. Nous allons donc réexaminer ces quatre clauses à la lumière américaine.

« a) d’avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ».

L’idée est que tout combattant agit pour le compte d’une autorité qui est responsable, c’est à dire capable de rendre des comptes à la justice. Cela suppose donc l’existence d’une chaîne de commandement. Elle n’existe pas chez les Talibans car des membres d’Al-Qaïda, selon Donald Rumsfeld, compose une partie des forces talibanes153. 150. ELSEA Jennifer, Treatment of “Battlefield Detainees” in the war on terrorism in Report for Congress, Washington, the library of Congress, 23 avril 2002, 56 p., p.14. 151. Ibid. p. 9. 152. Ibid. p. 29. 153. Ibid. p.30.

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De plus, selon le ministre de la défense américaine, même si cette première condition est remplie, il faut que les quatre conditions soient remplies de manière cumulées154.

« b) d’avoir un signe distinctif fixe, reconnaissable à distance ».

L’esprit de cette condition est de permettre avant tout la distinction entre les combattants et les civils. Donald Rumsfeld déclare, en parlant des Talibans : « loin de rechercher à se distinguer de la population civile d’Afghanistan, ils cherchent à se mélanger dans la population civile non combattante, dans les mosquées, dans les zones peuplées de civils »155

« c) de porter ouvertement les armes ».

Cette condition vise le même but que la condition précédente ainsi que celui d’assurer une loyauté dans les combats. La ruse est permise mais la perfidie est interdite. Cette clause étant discutable dans son interprétation, Donald Rumsfeld n’en fait pas mention dans ses propos au sujet des Talibans.

« d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre ». Cette condition a pour but d’instaurer une égalité entre les membres des deux parties au conflit afin qu’il existe une loyauté dans les combats. Si dans la théorie cette condition est nécessaire pour l’attribution du statut de combattant et de prisonnier de guerre, elle ne l’est pas dans la pratique. Ainsi, en 1945, le statut de prisonnier de guerre est donné par les États-Unis aux membres de la Wehrmacht, armée qui a cependant commis des crimes de guerre. Cette condition n’est pas respectée par les Talibans et les membres d’Al-Qaïda. Ils ne peuvent donc pas en théorie être considérés comme combattants (et comme prisonniers de guerre) bien que cela soit possible de facto.

Les Talibans et les membres d’Al-Qaïda ne sont pas non plus des civils couverts par la IVe Convention de Genève. « Les ressortissants d’un État neutre se trouvant sur le territoire d’un Etat belligérant et les ressortissants d’un État cobelligérant ne seront pas considérés comme des personnes protégées, aussi longtemps que l’État dont ils sont ressortissants aura une représentation diplomatique normale auprès du pouvoir duquel ils se trouvent »156 ; étant donné que les États-Unis ne sont pas en guerre contre l’Afghanistan ni contre d’autres pays, les membres d’Al-Qaïda et les Talibans ne sont pas des civils protégés par la IVe Convention.

Les Talibans et les membres d’Al-Qaïda sont donc des « combattants non privilégiés » dont le statut n’est pas prévu par les Conventions de Genève de 1949.

2. Appréciation d’une telle situation.

La situation juridique des « combattants non privilégiés » comporte des avantages certains pour les Américains mais soulèvent aussi des inconvénients.

Tout d’abord, dans la « guerre contre le terrorisme », cette situation permet des « interrogatoires poussés » des « combattants non privilégiés » qui ne bénéficient ni de la protection juridique du combattant, ni de celle du civil. Ces interrogatoires sont présentés par l’administration américaine comme le seul moyen d’obtenir du renseignement et d’éviter que de nouveaux civils soient victimes

154. Id. 155. Ibid. p. 32. 156. GC III, article 4.

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d’attentats. Cependant, nous pouvons légitimement poser les questions suivantes : ces interrogatoires sont-ils réellement efficaces ? Ne permettent-ils pas d’obtenir du renseignement que l’on aurait pu avoir en attribuant le statut de prisonnier de guerre à ces personnes ? En effet, l’article 17 de la IIIe Convention de Genève n’interdit pas de poser des questions au prisonnier de guerre. Il affirme seulement que le prisonnier de guerre doit donner son nom, son matricule ou une indication équivalente, son grade et sa date de naissance. Cette question a été de nombreuses fois posée par les journalistes : elle n’a pas obtenu de réponse précise de la part du ministère de la défense : « ils n’ont pas répondu […] si ces renseignements auraient été obtenus dans n’importe quel cas, en respectant l’article 17 »157. Les « combattants non privilégiés » ne sont pas traités comme des prisonniers de guerre, mais ils sont traités humainement « en conformité avec la nécessité militaire et les principes de Genève »158. Des interrogatoires beaucoup plus poussés que ceux des Américains, menés par les Britanniques dans les années 1970 sur les prisonniers irlandais d’Irlande du nord, ont été jugés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme comme inhumains159 mais ne violant pas la Convention Internationale contre la Torture. Etant donné que les interrogatoires ne sont pas aussi durs que ceux faits par les Britanniques sur les Irlandais, nous pouvons penser que ceux-ci sont conformes au traitement humain dont tout prisonnier peut bénéficier. Il faut cependant noter qu’au minimum, les États-Unis, sont à la limite du respect des Droits de l’Homme.

Deux problèmes peuvent être soulevés concernant le statut de ces prisonniers. Le premier est de l’ordre de l’opinion publique. En effet pour gagner une guerre, un État a besoin du soutien de l’opinion publique mondiale. Les prisonniers de Guantánamo, par l’absence de cadre juridique, sont la cause de nombreuses polémiques, créant des doutes dans la population américaine sur l’engagement des forces armées dans la « guerre contre le terrorisme ». Le deuxième est d’ordre juridique. Lorsque nous reprenons la logique américaine pour qualifier les prisonniers de Guantánamo, nous voyons très vite la confusion entre le jus ad bellum et le jus in bello. Interroger sous la contrainte les prisonniers déclarés ni civils, ni combattants, est légitime car la « guerre contre le terrorisme » est une guerre juste, et la Coalition intervient en Afghanistan au nom de la légitime défense. Ces deux droits ne peuvent être mélangés ; la violation du jus ad bellum, n’autorise pas la partie adverse à enfreindre le jus in bello. Lorsque nous suivons le raisonnement pour l’attribution du statut de prisonnier de guerre aux combattants, nous constatons que les États-Unis le font dans une logique de réciprocité ; or, celle-ci n’existe pas en droit international humanitaire comme le rappelle la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. Enfin cette position juridique contraint les États-Unis à de véritables contorsions dont la plus absurde est l’existence d’un conflit armé qui n’a qu’une seule partie.

Au terme de cette section nous constatons donc que les États-Unis confrontés à un nouveau type de guerre, ont développé une nouvelle doctrine. Cette dernière justifie la conception d’une catégorie de personne, non-prévue dans les Conventions de Genève : « les combattants non privilégiés ».

157. AYRES, op cit., p. 5. 158. Ibid. p. 2. 159. Ibid. p. 6.

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Section 2 : La théorie du CICR : le droit des conflits armés s’appliquent aujourd’hui. 

Face au développement d’une nouvelle catégorie de personnes, « les

combattants non privilégiés », le CICR a réagi en réaffirmant l’applicabilité du droit international humanitaire aujourd’hui.

Paragraphe 1 : Les conflits actuels ne remettent pas en cause le droit des conflits armés.

Les conflits actuels ne remettent pas en cause le jus in bello car ils présentent des caractéristiques déjà connues, permettant ainsi une qualification juridique facile de ceux-ci.

A- Le concept de « guerre contre le terrorisme » n’existe pas.

Le concept de « guerre contre le terrorisme » est un non sens, car dans toutes guerres il existe ou il peut exister du terrorisme. De plus, ce terme n’a jamais été défini juridiquement.

1. Approche historique de la relation guerre et terrorisme.

La chute du mur de Berlin, la perte de légitimité et de pouvoir de certains États, laisse place à un déchaînement de violence qui s’exprime sous différents aspects. Ce déchaînement de violence peut difficilement être replacé dans le cadre d’un conflit armé international ou non international. De plus, il ne semble pas avoir connu de précédent. C’est pourquoi des spécialistes accolent les notions de « guerre » et de « terrorisme » qui pourtant sont opposées tant sur le plan de l’intensité, que de la durée. Par conséquent, « le terrorisme perd, grâce à cette association, son caractère particulariste (terrorisme arménien, palestinien, irlandais…) au profit d’une étiquette mondialiste qui longtemps n’avait qualifié que la guerre seule »160.

Cependant, ce phénomène qualifié de « guerre terroriste » a toujours existé ; toutes les guerres nous montrent des actes terroristes qui revêtent cinq aspects, connus, depuis des millénaires. L’idée de guerre terroriste renvoie à l’utilisation de la peur, facteur psychologique permettant d’amplifier la supériorité militaire. Créer la peur chez l’ennemi (combattant et non-combattant confondu) permet de gagner plus vite, en montrant sa détermination à vaincre. Ainsi durant les croisades, les combattants catapultent des têtes de prisonniers chez l’adversaire161 : le dommage matériel résultant de cette action est nulle, mais cela crée un sentiment d’affolement et de peur chez l’adversaire. Le terrorisme fait référence à l’idée de non distinction entre la population civile et combattante. Très tôt, l’arme bactériologique visant à décimer le plus de civils possibles est utilisée. Ainsi, en 1347, lors du siège de Caffa, ville tenue par les Génois, les

160. HERRMANN Irène, PALMIERI Daniel, Les nouveaux conflits : une modernité archaïque ? in la Revue de la Croix-Rouge, Volume 85, numéro 849, Mars 2003, p. 26. 161. Ibid. p. 34.

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Mongols font catapulter par dessus les murailles, les cadavres de leurs soldats frappés par la peste. La peste se répand alors dans la population civile génoise puis, grâce au commerce méditerranéen, en Sicile, à Gênes, à Venise, à Marseille et dans toute l’Europe. Celle-ci décime plus d’un quart de la population occidentale. L’épisode de la Grande Peste a donc des conséquences (politiques, économiques, démographiques…) incomparables, avec les attaques du 11 septembre. Le terrorisme renvoie aussi à l’idée de la perfidie sanctionnée par l’article 37 du Protocole additionnel I, mais utilisée depuis longtemps dans les guerres. C’est ainsi que la secte des Assassins, payée par une puissance étrangère, infiltre la garde rapprochée des souverains pour les tuer. Enfin le terrorisme est une arme de guerre en tant que telle. C’est celle du faible contre le fort, c'est-à-dire l’État. Elle est utilisée dans toute l’Europe de l’avant première guerre mondiale par certains nationalistes ou anarchistes : l’archiduc François Ferdinand est assassiné par un terroriste payé par la Serbie. Cet événement déclenche le premier conflit mondial. Pendant les guerres de décolonisation, le terrorisme en tant que technique de guerre, connaît ses heures de gloire. Par exemple, il est utilisé par le Front de Libération National en Algérie et donne lieu à la Bataille d’Alger en 1958…

Nous pouvons donc constater que le fait terroriste n’est pas nouveau. Parler de nouvelle guerre contre le terrorisme ou de guerre terroriste est donc un non sens historique. Le 11 septembre est, sur le plan historique, non pas un acte d’agression (débutant un nouveau conflit armé), mais simplement un acte de terrorisme moderne, conçu par des personnes ingénieuses utilisant les avantages de la mondialisation.

2-Définition juridique du terrorisme.

Il n’existe pas de définition juridique du terrorisme. En effet, comme nous l’avons vu, le terrorisme est un phénomène qui ne se manifeste jamais de la même manière bien qu’il renvoie à certains aspects. C’est pourquoi les experts en droit international et les gouvernants ne sont pas encore tombés d’accord sur une définition suffisamment large et précise162. La seule définition du terrorisme remonte à 1937 ; la Convention pour la Prévention et la Dissuasion du Terrorisme définit un acte terroriste comme « un acte criminel dirigé contre un Etat ou visant à créer un état de terreur dans l’esprit de personnes en particulier, ou dans un groupe de personnes ou dans l’opinion publique »163.

Si le terrorisme n’est pas défini, il est proscrit. L’article 33 de la IVe Convention de Genève prévoit que « les peines collectives, de même que toute mesure d’intimidation ou de terrorisme sont interdites ». L’article 4 du Protocole additionnel II, alinéa 2, d), interdit les actes de terrorisme contre les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités. A la lumière de ces deux articles, le terrorisme est le fait de créer un état de terreur au sein de la population non combattante : son premier ressort est donc la peur.

Il n’existe pas de définition de l’acte terroriste mais l’article 51, alinéa 2 du Protocole additionnel I proscrit les actes visant à semer la terreur au sein de la population civile : « ni la population civile en tant que telle ne doit être l’objet d’attaques. Sont interdits les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile ». L’article 13, alinéa 2 du Protocole additionnel II, réaffirme à l’identique cette interdiction.

162. GRASSER Hans-Peter Acts of terror, « terrorism » and international humanitarian law in International Review of the Red Cross, vol 84, numéro 834, septembre 2002, p. 550. 163. Id.

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Un acte terroriste consiste donc à prendre pour cible la population civile afin d’instaurer un

Tentons alors de définir ce que peut être « une guerre contre le terrorisme ». Deux solutions s’offrent à nous ; soit nous sommes en tant de paix, soit en tant de conflit armé. Lors d’un conflit armé international ou non international, deux parties s’affrontent et sont soumises aux lois et coutumes de la guerre. Par conséquent, le terrorisme ou l’acte terroriste, s’inscrit dans ce cadre : il constitue une violation du droit international humanitaire par des combattants. En aucun cas, il ne constitue un conflit armé en lui même. En temps de paix, le terrorisme ou l’acte terroriste relève, soit de la responsabilité d’un réseau, soit d’un individu : il est sanctionné par le droit international et le droit interne des États. Par conséquent, la « guerre contre le terrorisme » n’a pas de sens juridiquement parlant. Certaines mesures prises contre le terrorisme, par des États, ont provoqué un conflit armé (guerre d’Afghanistan), mais la plupart sont prises dans un temps de paix. B. La classification conflit armé international/ conflit armé non international, s’applique aux conflits armés contemporains.

Selon le CICR, ce que les Américains appellent la « guerre contre le terrorisme » en Afghanistan est un conflit armé international, jusqu’au 19 juin 2002164.

1. L’existence d’un conflit armé.

Comme nous l’avons démontré au début du chapitre, les liens entre les terroristes d’Al-Qaïda et l’Afghanistan ne sont pas assez forts pour que les attaques du 11 septembre puissent être considérées comme une agression de l’Afghanistan contre les États-Unis. Contrairement à ce que les Américains affirment, dès l’instant où ceux-ci commencent à bombarder l’Afghanistan (le 6 octobre 2001) ; ils rentrent en guerre contre ce pays dont le gouvernement est taliban. Le gouvernement taliban n’est reconnu que par deux États : le Pakistan et les Émirats Arabes-Unis. Il est cependant le gouvernement de facto : il constitue donc une partie au conflit. Même si les autres pays reconnaissent l’Alliance du Nord, les Talibans contrôlent quatre-vingt dix pour cent du territoire ; ils peuvent donc être considérés comme gouvernement de facto : c'est-à-dire « engager la responsabilité de cet État »165.

2. La distinction entre conflit armé international et conflit armé non international.

Un conflit armé international oppose des parties au conflit (au minimum deux) qui sont des États, ou des mouvements de libération nationale à un autre État. Un conflit armé non international se déroule entre un État (ou des groupes armés) et des groupes armés. Par conséquent, du 6 octobre 2001 (début des frappes américaines) au 19 juin 2002, il existe un conflit armé international qui se transforme ensuite en conflit armé non international puisque le nouveau gouvernement afghan demande à la coalition de les aider dans la lutte contre les rebelles.

164. Note verbal et Mémorandum du CICR relatif au conflit en Afghanistan, Genève, 21 février 2007. 165. SASSOLI Marco, La « guerre contre le terrorisme », le droit international humanitaire est le statut de prisonnier de guerre, in The Canadian Yearbook of international Law, vol.39, 2001, 28 p., p. 10.

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Paragraphe 2 : Les Conventions de Genève couvrent les personnes capturées en Afghanistan.

Les personnes capturées en Afghanistan sont couvertes par les Conventions de

Genève : cette réponse adressée par le CICR aux États-Unis, présente de nombreux avantages mais aussi des inconvénients.

A. Statut des personnes capturées.

Concernant les personnes capturées, nous traiterons seulement de la période allant du 7 octobre 2001 au 19 juin 2002. À ce sujet, le CICR dans son communiqué de presse du 24 octobre 2001 déclare : « Les combattants capturés par les forces ennemies dans le conflit international entre les Talibans et la Coalition dirigée par les États-Unis doivent être traités conformément aux dispositions de la IIIème Convention de Genève et les civils détenus par une partie dont ils ne sont pas des ressortissants doivent être traités en conformité avec la IVe Convention de Genève »166. Afin de traiter au mieux le cas des personnes capturées, il semble nécessaire de séparer d’une part, les Talibans et d’autre part, les membres d’Al-Qaïda.

1. Les Talibans : prisonniers de guerre.

À défaut de satisfaire l’alinéa 1 du paragraphe A de l’article 4 de la IIIe Convention de Genève, les Talibans peuvent être considérés comme des combattants au titre de l’alinéa 2, paragraphe A de ce même article. En effet, les quatre conditions fixées, peuvent être considérées comme remplies. Le gouvernement taliban est le gouvernement de facto de l’Afghanistan. Les Talibans sont suffisamment organisés pour contrôler le territoire et mener une lutte efficace contre l’Alliance du Nord. Ils ont une chaîne de commandement responsable : la première condition est donc remplie. La seconde condition relative au port d’un signe distinctif est discutable : ce pays est non-occidental, peut-on reconnaître le turban comme un signe distinctif ? L’Alliance du Nord ne porte pas d’autre signe distinctif que celui-ci. La condition du port ouvert des armes n’a jamais été invoquée par les États-Unis comme raison, pour ne pas accorder le statut de prisonnier de guerre aux Talibans. Enfin, le fait de violer les lois et coutumes de la guerre (quatrième condition) n’est pas suffisant dans la pratique pour refuser le statut de prisonnier de guerre : « la pratique des États, y compris des États-Unis, est d’ailleurs à juste titre réticente à priver les prisonniers de guerre de leur statut pour la seule raison des violations commises par leurs forces ou leur partie »167.

Il faut aussi noter deux idées. La nationalité du détenu n’a pas d’importance pour l’attribution du statut de prisonnier de guerre du moment qu’il appartient à une partie au conflit. La seule exception est le cas où il détient la nationalité du capteur : dans ce cas il ne bénéficie pas du statut de prisonnier de guerre.

166. Ibid. p. 12. 167. Ibid. p. 16.

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Si le Taliban ne se distingue pas des civils pendant une attaque, il perd le bénéfice de son statut de combattant lors de sa capture. Cependant, selon l’article 45 du Protocole additionnel I, alinéa 1, si la personne capturée revendique le statut de prisonnier de guerre, ou si la partie à laquelle elle appartient revendique pour elle ce statut, ou s’il existe un doute sur la personne capturée, elle doit être traitée comme prisonnier de guerre jusqu’à ce qu’un « tribunal compétent » statue conformément à l’article 5 de la IIIe Convention de Genève. Certes, la nature et les modalités de fonctionnement du tribunal ne sont pas précisées. Il semble logique que ce tribunal soit indépendant et non constitué par les forces armées qui ont capturé la personne. L’argument avancé par les États-Unis (le fait que des agents du département de la défense, de la justice et de la CIA, fassent une enquête sur place pour déterminer le statut de la personne capturée avant de l’envoyer à Guantánamo) pour affirmer le respect de l’article 5 de la IIIe Convention de Genève n’est pas suffisant.

L’attribution du statut de prisonnier de guerre, signifie pour les Talibans qu’ils ne peuvent être punis pour avoir participé aux hostilités. En outre, ils ne peuvent subir des interrogatoires comme la doctrine américaine les définit (CG III, article 17). Enfin, ils doivent être libérés dès la fin des hostilités (CGIII, article 118). Ils peuvent être internés pendant les hostilités sur un autre territoire, contrôlé par les États-Unis comme Guantánamo. En vertu de l’article 84 de la IIIe Convention de Genève, les Talibans en tant que prisonniers de guerre, peuvent être jugés pour des crimes commis pendant le présent conflit. Ils peuvent l’être, soit par un tribunal militaire soit, par des tribunaux civils si ceux-ci sont compétents pour poursuivre les membres de leurs forces armées pour ces mêmes crimes.

2. Les membres d’Al-Qaïda : des civils internés ?

Il semble difficile de dire que les membres d’Al-Qaïda appartiennent aux forces armées talibanes car il n’existe pas de liens assez forts entre ces deux entités. De plus, si cela est le cas, le 11 septembre doit être considéré comme le début d’un conflit armé (le CICR refuse ce raisonnement). Enfin, contrairement aux Talibans, Ben Laden déclare violer les lois et coutumes de la guerre. Il va même jusqu’à fonder sa stratégie sur ce principe. Considérer les membres d’Al-Qaïda comme des combattants, ne semble donc pas possible.

Ils sont alors des civils capturés qui ont participé aux hostilités. Le seul fait d’avoir participé aux hostilités, les rend punissables. Ils peuvent être emprisonnés en vertu de l’article 78 de la IVe Convention de Genève : « si la puissance occupante estime nécessaire pour d’impérieuses raisons de sécurité, de prendre des mesures de sûreté à l’égard de personnes protégées, elle pourra tout au plus leur imposer une résidence forcée ou procéder à leur internement » Ces personnes doivent être détenues en Afghanistan en vertu de l’article 76 de la IVe

Convention de Genève : « les personnes protégées inculpées seront détenues dans le pays occupé ». Rapidement, la personne internée doit savoir les motifs d’internement ; elle peut bénéficier d’un procès devant un tribunal militaire des États-Unis ou d’un État membre de la coalition. Ce procès doit en outre être régulier : droit à la défense, droit d’appel… comme le définissent les articles 72 et suivants de la IVe Convention de Genève. Par conséquent la détention de membres d’Al-Qaïda à Guantánamo, est illégale à double titre : Guantánamo n’est pas en Afghanistan, les internés n’ont pas connaissance des raisons de leur internement.

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B-Appréciation d’une telle approche.

L’approche du CICR a de nombreux avantages, mais nous pouvons aussi nous poser quelques questions à son sujet.

1. Les points positifs.

Cette approche rappelle la distinction entre le jus in bello et le jus ad bellum, distinction majeure et nécessaire, pour le droit des conflits armés. Elle évite que la violation du jus ad bellum devienne un argument valable aux yeux de la partie adverse pour violer le jus in bello. Un attentat terroriste, considéré à tort comme une agression armée, ne permet pas de traiter les personnes capturées de manière arbitraire.

Le CICR en statuant sur les personnes capturées en Afghanistan, ainsi que sur l’existence d’une partie talibane au conflit, réaffirme la pertinence du droit international humanitaire. Les principes de celui-ci ne peuvent évoluer au gré des conflits, au risque de trahir sa nature (un ensemble de règles générales et impersonnelles applicables lors des conflits armés) et de devenir ainsi le droit du plus fort.

Le CICR en adoptant cette position réaffirme l’absence du principe de réciprocité en droit international humanitaire car « il ne peut s’appliquer aux garanties fondamentales telles que l’interdiction de la torture sans accepter le risque de bafouer le principe du droit et les valeurs mêmes sur lesquelles ils reposent ».168

En affirmant l’existence de régime différent pour les membres d’Al-Qaïda et pour les Talibans, le CICR réaffirme que les Conventions de Genève protègent tout le monde : aussi bien les combattants que les civils. Il n’existe pas de vide juridique laissant la place à la loi du plus fort ou à l’arbitraire.

2. Les points négatifs.

En théorie, cette approche paraît simple et rassurante. Nous pouvons cependant, nous poser certaines questions.

Alors que les acteurs et les enjeux de ce conflit ne changent pas, est-il logique de faire une distinction entre conflit armé international et conflit armé non international ? Le soldat doit faire cette distinction sur le terrain : la personne capturée a dans un cas le droit au statut de prisonnier de guerre ; dans l’autre cas, elle a seulement le droit à un traitement humain. Certes, tout soldat doit connaître les bases du droit des conflits armés et traiter en cas de doute les personnes capturées comme des prisonniers de guerre. Savoir quand se fait le passage d’une qualification du conflit à une autre relève d’organismes judiciaires internationaux.

Comment est-il possible pour les tribunaux de distinguer les Talibans des membres d’Al-Qaïda? Aucune des deux catégories de personnes n’a de carte d’identité169 révélant son appartenance. N’est-il pas possible d’appartenir aux deux catégories à la fois et de revendiquer une double appartenance ? Comment un Taliban peut il devant un tribunal compétent faire la preuve qu’il n’est pas membre d’Al-Qaïda ? N’est-il pas logique, que des personnes combattantes pour un même but, s’attaquant aux mêmes objectifs, capturées dans un même combat, bénéficient du même statut ? Quand faut-il relâcher les prisonniers de guerre de ce 168. Réactions du Comité Internationale de la Croix-Rouge au rapport d’experts Schelinger relatif aux opérations de détention du Département de la Défense américain, 8 septembre 2003, 5 p. 169. CG III, article 17.

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conflit ? Comment déterminer la fin des hostilités ? L’Afghanistan ne va-t-elle pas s’enfoncer dans un état de guerre permanent, condamnant les Talibans prisonniers, à la détention à perpétuité ?

Au terme de ce chapitre, nous voyons donc que la pratique américaine donnant une interprétation restrictive du combattant et créant un vide juridique n’est pas conforme à la définition et à l’application théorique de la définition du combattant par le CICR. Cependant l’interprétation théorique du CICR au sujet du combattant soulève des problèmes sur le plan pratique. Ne faut-il pas repenser la définition du combattant ?

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Chapitre 2 : Vers une nouvelle définition du combattant.

Face aux défis d’une nouvelle définition du combattant, deux solutions complémentaires sont possibles. Tout d’abord, il est possible de combler les failles de la définition du combattant, en envisageant le traitement des personnes capturées (ayant participé directement aux hostilités) dans tout conflit armé, au prisme de l’intérêt mutuel entre les parties. Cette solution, présente l’avantage d’amener les parties aux conflits armés actuelles à se retrouver pour redéfinir ensemble le combattant (seconde solution) dans un cadre plus large, avec comme concept majeur : la participation directe aux hostilités.

Section 1 : L’apport de la notion d’intérêt mutuel.   

Cette notion d’intérêt mutuel entre les parties présente l’avantage d’être applicable dès maintenant dans les conflits, car étant en rapport direct avec la réalité et non contraire aux lois et coutumes de la guerre. Pour un futur chef de section, cette idée est une réponse efficace et pragmatique aux statuts des personnes qu’il capture en opération. Il convient tout d’abord de définir l’intérêt mutuel pour ensuite mettre celui-ci à l’épreuve de conflits armés.

Paragraphe 1 : L’intérêt mutuel.

Il semble nécessaire de définir l’intérêt mutuel afin d’examiner si celui-ci est pertinent face aux conflits contemporains.

A-Définition.

L’intérêt mutuel est différent de la réciprocité, il présente des avantages nombreux dans les conflits armés.

1. L’intérêt mutuel est différent de la réciprocité.

Le principe de réciprocité n’est pas une condition juridique pour que les

parties à un conflit respectent le droit des conflits armés tant dans le texte, que dans les faits. Ce principe est écarté dans les Conventions de Genève de 1949 (sauf à l’article 2 commun alinéa 3) par l’article 1 commun qui affirme : « Les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances ». Il ne peut y avoir de principe de réciprocité dans les Conventions de Genève car « prévoyant l’inaliénabilité des droits (art. 7 des Ier, IIe, IIIe Conventions ; art.8 de la

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IVe Convention) et […] interdisant les représailles (art. 46, de la Ière Convention, 47 de la IIe Convention, 13 de la IIIe Convention, 33 de la IVe Convention) »170. L’article 60 paragraphe 5, de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités du 23 mai 1969 rappelle l’absence de réciprocité : « Les paragraphes 1 et 3 [qui fixent le principe de réciprocité] ne s’appliquent pas aux dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans les traités de caractère humanitaire, notamment aux dispositions excluant toute forme de représailles à l’égard des personnes protégées par lesdits traités ». L’absence de réciprocité formelle vaut aussi dans l’application des Conventions de Genève comme les travaux préparatoires de la conférence diplomatique le rappellent : « la réciprocité ne signifie pas que le respect des règles aura la même qualité de part et d’autre ; il convient de tenir compte des responsabilités de chacun ; l’important réside dans le fait que cette application soit réalisée dans toute la mesure du possible et en toute bonne foi »171.

Cependant, le CICR parle de réciprocité lorsqu’il faut accorder des droits supplémentaires aux victimes ; il le souligne en 1969 : « la réciprocité […] est un élément de fait à ne pas négliger ; il serait toutefois très dangereux de l’admettre comme principe juridique d’application du droit humanitaire »172. Comment alors comprendre dans les faits, que la réciprocité non nécessaire en théorie, le soit dans la pratique ? La réponse nous est donnée par Max Huber : « Les règles du droit international ne sont en général appliquées que sur la base de la réciprocité. Cependant, pour obtenir un résultat pratique, la réciprocité seule ne suffit pas ; il faut encore qu’il y ait une certaine équivalence en jeu. Il se peut que la réciprocité repose sur des intérêts différents mais simultanés »173. Il faut donc comprendre que la réciprocité n’existe pas en soi en droit humanitaire, mais qu’il est nécessaire que deux parties au conflit aient les mêmes intérêts, ou des intérêts différents mais simultanés qui permettent, au droit des conflits armés de s’appliquer. Il existe alors, une notion d’intérêt mutuel entre les parties à un conflit.

2. La notion d’intérêt mutuel dans les conflits armés d’aujourd’hui.

Ce principe d’intérêt mutuel entre les parties présente un double avantage dans

les conflits armés actuels. Tout d’abord, comme nous l’avons démontré dans la première section du

deuxième chapitre, les conflits armés sont aujourd’hui de type asymétrique, tant par la taille des parties en présence, que par leur mode de fonctionnement. En effet, les parties non étatiques, ne se sentent pas liées par le respect du droit des conflits armés, alors que les États le sont : les Conventions de Genève ratifiées par 188 pays, ont acquis une force coutumière. Faire prendre conscience à la partie non étatique d’un intérêt mutuel ou simultané permet, soit de faire respecter les lois et coutumes de la guerre, soit de s’approcher du respect de ceux-ci. Ainsi, Michel Veuthey en parlant de cette logique appliquée au sujet de la guérilla (avant que les Protocoles additionnels ne soient écrits) affirme : « le

170. VEUTHEY Michel, Guérilla et droit humanitaire, Genève, Institut Henry-Dunant, 1976, 431 p., p. 340. 171. MALLEIN Jean, La situation juridique des combattants dans les conflits armés non internationaux, Th, Droit, Université de Grenoble, 1978, 623 p., p. 332. 172. VEUTHEY, op. cit., p. 341. 173. Ibid. p. 341.

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traitement réservé aux prisonniers d’un côté influe sur le traitement qui leur est accordé par l’autre partie (quelques soient leurs qualifications respectives) ».174

Ce principe de prise de conscience d’intérêt mutuel entre les parties, peut s’appliquer à tout type de conflit armé. Étant donné que la qualification juridique d’un conflit armé est difficile à donner ; on peut imaginer que dans un conflit semblant international, la partie étatique traite ses prisonniers comme des combattants capturés. En faisant prendre conscience à la partie non étatique de cet intérêt, elle incite celle-ci à faire de même. Cette notion permet aussi d’étendre de facto, le concept de prisonnier de guerre et (donc de combattant) propre aux conflits armés internationaux, aux conflits armés non internationaux. L’intérêt mutuel entre les parties permet donc de palier de manière temporaire aux conséquences négatives d’un doute sur la qualification d’un conflit pour les personnes capturées et participant à celui-ci.

La notion d’intérêt mutuel semble donc séduisante pour palier de manière temporaire aux problèmes de la définition du combattant. Comment faire prendre conscience de cet intérêt aux parties d’un conflit armé ?

B- Pertinence de la notion d’intérêt mutuel.

Des facteurs d’ordre humain et matériel font prendre conscience aux parties de l’existence d’un intérêt mutuel ou simultané.

1. Les réalités humaines.

Trois facteurs humains peuvent être identifiés : les représailles, l’éthique et l’opinion publique.

L’éthique comme le fait remarquer Michel Veuthey « est fondamentale pour la légitimité politique, chaque gouvernement, chaque partie à un conflit en a besoin ».175C’est ainsi qu’Albert Camus, prix Nobel de la Paix et écrivain français, écrit pendant la guerre d’Algérie : « se battre pour une vérité en veillant à ne pas la tuer des armes mêmes dont on la défend »176. Ce facteur éthique existe chez tout combattant qui fait un prisonnier, si celui-ci arrive à identifier dans la personne capturée, un être humain crée à l’identique de lui-même. Cependant ce facteur ne fonctionne pas toujours. Nous pouvons penser au nazisme ou au communisme qui, par des idéologies différentes, mènent leurs combattants à ne pas reconnaître dans la personne capturée un être humain. Le nazisme arrive à cette idée en considérant l’existence d’une inégalité entre les races. Le communisme fait de même en considérant tout non communiste comme ne pouvant être un humain car entravant la marche du peuple vers la Liberté. Cependant, il existe d’autres facteurs poussant les parties à prendre conscience d’un intérêt mutuel.

L’opinion publique est essentielle pour gagner une guerre. En effet, les conflits contemporains, nécessitent la mobilisation de pays entiers pour être gagnés. Ce phénomène est dû à la mondialisation qui crée des interdépendances entre les sphères économiques, militaires, politiques et médiatiques. L’armée américaine, pour gagner

174. Ibid. p. 340. 175. VEUTHEY Michel, Remedies to promote the respect of fundamental human values in non international armed conflicts, 49 p., p.23. disponible le 05 octobre 2008 sur: http://veuthey.org/mv/mvpub.html. 176. CAMUS Albert, Actuelles III. Chroniques algériennes (1939-1958), Paris, Gallimard, 1958, 216 p., p. 24.

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« la guerre contre le terrorisme » a besoin de crédits qui sont votés par le Congrès où les députés et sénateurs sont soucieux de leur réélection. Certes, l’opinion publique peut être manipulée mais la mondialisation diversifie les sources d’informations, rendant ainsi les manipulations médiatiques de plus en plus difficiles. Ce facteur est essentiel dans le respect international du droit humanitaire, à tel point que « W. WILSON envisageait ainsi de faire de l’opinion publique mondiale un rouage du mécanisme des sanctions basé sur le sécurité collective et destiné à assurer la répression des actes contraires à l’ordre international »177. Le rôle de ce facteur peut cependant être discuté. Al-Qaïda, en Afghanistan, lutte contre la Coalition, sans chercher à acquérir une quelconque légitimité auprès de l’opinion publique. En revanche, l’opinion publique est un moyen de forcer les États-Unis à traiter les prisonniers de Guantánamo dans un cadre juridique défini. Les rebondissements multiples de cette affaire ne peuvent avoir qu’un impact négatif sur les citoyens américains, déjà dubitatifs au sujet de l’engagement de leur armée en Irak et en Afghanistan.

Enfin, la place des représailles joue un rôle important. Elles sont interdites et désavantageuses pour la partie qui les utilise. En effet, les représailles tant à l’encontre des prisonniers, que des civils, sont interdites à l’article 3, commun aux quatre Conventions de Genève ainsi qu’aux articles 51 à 56 du Protocole additionnel I. Les représailles sont la cause d’une escalade brutale de la violence. C’est par exemple le cas « des pendus de Tulle » en 1944. Les résistants prennent la ville de Tulle, certains éléments incontrôlés lancent du premier étage de l’hôpital des blessés allemands, et font rouler des camions sur les cadavres. La sinistre division Das Reich, reprend la ville et voyant les cadavres, capturent arbitrairement des personnes qu’ils pendent.

Les facteurs d’ordre humain poussent donc à la prise de conscience d’un intérêt mutuel entre les partis. Dans certains cas, ils peuvent se révéler insuffisants ; ils sont alors complétés par des facteurs d’ordre matériel.

2. Les contraintes matérielles.

Les facteurs matériels sont nombreux. Nous pouvons en retenir trois : la nécessité militaire, l’intérêt économique, la reconstruction de la paix.

La nécessité militaire, bien que présentée souvent comme étant à l’opposé du respect des lois et coutumes de la guerre, est au contraire un facteur qui fait prendre conscience aux parties, d’un intérêt mutuel au respect de celles-ci. Michel Veuthey pour démontrer que ces deux notions sont complémentaires prend l’exemple de Sun Tsu qui écrit « construire une relation à son avantage avec l’ennemi signifie :

(I) traiter correctement les prisonniers et faire attention à eux (II) généralement dans une guerre, la meilleure politique est de

prendre un pays intact, le ruiner est moins efficace (III) capturer l’armée ennemie est mieux que de la détruire, capturer

de manière intacte un bataillon, une compagnie, une équipe de cinq hommes est mieux que de les détruire ».178 De plus, la nécessité militaire pousse les parties à respecter certaines règles. En effet, laisser les hommes enfreindre toute les règles, même celles de la Morale (qui sont selon Kant, ancrées en lui), génère l’indiscipline et le désordre au sein de chacune des parties.

177. VEUTHEY Michel, Guérilla et droit humanitaire, Genève, Institut Henry-Dunant, 1976, 431 p., p. 343. 178. VEUTHEY Michel, Remedies to promote the respect of fundamental human values in non international armed conflicts, 49 p., p. 11., disponible le 05 octobre 2008 sur : http://veuthey.org/mv/mvpub.html.

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L’exemple d’Haditha en Irak, tel qu’il nous est présenté dans le film « Battle of Haditha », est frappant. Il révèle que les troupes américaines rentrées dans la spirale de négation de la reconnaissance de l’adversaire comme être humain, ne sont plus capables de contrôler leurs hommes. Enfin, la violation de certaines règles de droit international humanitaire par une partie, n’est jamais efficace car elle peut provoquer l’intervention d’armées étrangères (c’est le cas du Kosovo où les Serbes en ne respectant pas les Albanais provoquent l’intervention de l’OTAN), ou une extension géographique du conflit, ou instaurer un état d’instabilité permanent (cas de certains pays d’Afrique).

La nécessité économique est une cause incitant les parties à prendre conscience d’un intérêt mutuel et ainsi, à respecter des règles de droit international humanitaire. « L’argent est le nerf de la guerre », ce proverbe français se vérifie dans nombres de conflits se déroulant dans le monde actuel. Il est plus intéressant pour une partie au conflit de respecter son adversaire en ne détruisant pas ces biens mais en les taxant. A l’inverse, pour une partie non étatique, il est intéressant de ne pas prendre pour cible des civils, car une fois la guerre gagnée, l’économie du pays sera inexistante. Cet intérêt semble être compris par les Talibans en Afghanistan, où quatre-vingts pour cent des activités depuis 2002, sont tournées vers la culture de la drogue.

La nécessité de reconstruire la paix est un intérêt mutuel de plus en plus important : en effet une guerre moderne est gagnée si la paix est restaurée. Il est facile pour les Talibans d’armer et de fanatiser la population afghane ; il sera cependant beaucoup plus difficile pour eux, s’ils gagnent la guerre, de restaurer une certaine paix afin que le pays puisse travailler à leurs profits. De plus la paix ne sera pas durable, car il existera toujours des personnes qui prendront le non respect de certains droits de la personne humaine, comme motif pour légitimer un état de violence permanent.

Nous pouvons donc constater que des facteurs tant humains que matériels poussent les parties à un conflit à respecter les règles élémentaires du droit des conflits armés. L’attribution d’un statut de prisonnier de guerre est au cœur de ces règles. Essayons donc de voir si ce système d’intérêt mutuel entre parties au conflit, fonctionne dans la pratique.

Paragraphe 2 : Application de l’intérêt mutuel à deux conflits armés.

L’objet de cette section est d’appliquer cette notion d’intérêt mutuel au traitement des prisonniers dans deux conflits : la guerre du Yémen et la guerre du Vietnam. La guerre du Vietnam a démontré que l’intérêt mutuel fonctionne seulement sur les personnes capturées par une partie, alors que celui-ci a fait son office sur les deux parties lors de la guerre du Yémen179.

A. La guerre du Yémen.

Montrer que c’est l’intérêt mutuel qui a poussé les deux parties à accorder aux personnes capturées un traitement se rapprochant de celui du prisonnier de guerre, est d’autant plus intéressant que ce pays ne bénéficie pas, contrairement aux pays

179. La prise de conscience d’un intérêt mutuel par les deux parties en conflit de la guerre du Yémen est aussi due à l’action du CICR et notamment de son délégué André Rochat. Un film documentaire intitulé La Citadelle Humanitaire, relatant ce fait, devrait sortir à la fin de l’année 2008.

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européens, d’une connaissance importante des Conventions de Genève et des principes du droit international humanitaire. Nous présenterons tout d’abord le conflit, pour ensuite, nous intéresser aux personnes capturées par les deux parties.

1. Un cadre juridique mal déterminé.

Le régime monarchique du Yémen est aboli le 27 septembre 1962 par un coup d’état. Le Yémen devient alors la République arabe du Yémen : une guerre civile éclate. Elle oppose d’une part les nationalistes arabes soutenus par l’Égypte et d’autre part les royalistes soutenus par l’Arabie Saoudite et la Jordanie. Le conflit se termine en 1967 avec l’intervention des forces armées égyptiennes.

Sur le plan juridique, il faut noter que le Yémen n’a ratifié aucune des quatre Conventions de Genève (il le fera en 1970) alors que l’Égypte l’a fait en 1952 comme la Jordanie, en 1951. L’Arabie Saoudite est en voie de le faire (la ratification sera faite en 1963). Le conflit entre les royalistes et les républicains est non international pour l’époque, car la notion d’internationalisation d’un conflit n’existe pas encore. Les personnes capturées et ayant participé aux conflits, ne sont donc ni des combattants, ni des prisonniers de guerre. Elles ne sont mêmes pas protégées par l’article 3 commun au quatre Conventions de Genève car le Yémen n’a ratifié aucune Convention de Genève. Le conflit entre les forces armées des différents pays s’opposant, au Yémen est quant à lui international. Les combattants doivent bénéficier du statut de prisonnier de guerre. Dans ce conflit, la qualification juridique est différente (CAI ou, CANI) en fonction de la nationalité des parties. De plus dans la réalité, il semble difficile de connaître les personnes auxquelles doit être attribué le statut de prisonnier de guerre.

2. Le traitement des personnes capturées.

Très vite, les parties au conflit, en prenant conscience d’un intérêt mutuel, vont accorder aux personnes capturées un traitement se rapprochant de celui du prisonnier de guerre.

Les forces royalistes sont tout d’abord réticentes à garder les personnes capturées en vie, car celles-ci sont considérées comme des lâches qui se sont laissées prendre. « Cependant l’Imam ordonna qu’on lui amena vivant et sans délai tous les ennemis capturés. Afin d’encourager la bonne volonté des tribus, il décida de verser une prime pour chaque prisonnier amené en vie à son quartier général. Il décida en outre de communiquer la liste des prisonniers au CICR »180. Par deux fois (en janvier 1964 et mai 1963), des soldats égyptiens capturés par les royalistes et emprisonnés en Arabie Saoudite sont libérés et rapatriés au Caire.181On voit donc que les forces armées royalistes se sont conformées autant que possible à l’article 109 qui affirme : « les parties au conflit […] pourront, en outre conclure des accords en vue du rapatriement direct ou de l’internement en pays neutre des prisonniers valides ayant subi une longue captivité »et à l’article 110 de la IIIe Convention de Genève qui prévoit dans certains cas le rapatriement des prisonniers blessés.

Les républicains et leurs alliés se sont conformés à la IIIe Convention de Genève, en veillant à protéger la vie de leurs prisonniers. À ce sujet, Mallein écrit « ils

180. MALLEIN, op. cit., p. 344. 181. Id.

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acceptèrent de libérer certains d’entre eux, internés dans la capitale Egyptienne et les autorisèrent à se rendre en Arabie Saoudite en mars 61 »182.

Nous constatons donc que les personnes capturées dans le conflit yéménite ont été traitées selon des règles se rapprochant de la IIIe Convention de Genève même si celle-ci n’a pas toujours été respectée à la lettre. En l’absence d’un cadre juridique clair et défini, la notion d’intérêt mutuel a donc permis aux personnes capturées, de bénéficier d’un traitement proche de celui du prisonnier de guerre.

B. La guerre du Vietnam.

Cette guerre du Vietnam montre la prise de conscience par le Vietnam du Sud et ses alliés, d’un intérêt mutuel à accorder le statut de prisonniers de guerre aux personnes capturées, bien que le cadre juridique soit complexe. En revanche, le Vietnam du Nord et les Vietcongs, n’ont pas une telle prise de conscience ; leurs prisonniers ne sont en aucun cas traités sous des formes s’approchant d’un traitement humain ou de prisonnier de guerre.

1. Une situation juridique controversée.

Ce conflit soulève tout d’abord des difficultés pour savoir quel droit peut être appliqué aux personnes capturées. Il est difficile de savoir si nous avons un conflit armé international ou un conflit interne ou un conflit non international.

En effet deux partis s’opposent : le Vietnam du Nord et le Vietcong, contre le Vietnam du Sud et les États-Unis. La situation juridique de chaque entité n’est pas claire. Les États-Unis ont reconnu la souveraineté du Vietnam du Sud comme quatre-vingts six autres États. De plus sans le veto soviétique, le Vietnam du Sud serait membre de l’ONU. Le Vietnam du Nord n’est reconnu que par 27 États, les États-Unis ne le reconnaissent pas. Le Vietnam du Nord ne reconnait pas le Vietnam du Sud car pour lui, il existe un seul pays : le Vietnam. Cependant le Vietnam du Nord a déclaré reconnaître les Conventions de Genève de 1949183. Le Vietnam du Sud reconnaît le Vietnam du Nord comme pays mais refuse de reconnaître les Vietcongs comme agent du Vietnam du Nord ou comme rebelles armés menant des actions militaires sur son territoire.

De plus, les belligérants de ce conflit sont divers : ils sont membres de divisions régulières américaines, ou de celles Sud ou Nord Vietnam. Ce sont des forces régionales et populaires, ce sont des groupes d’autodéfense déclarés ou secrets… Le champ de bataille n’est pas déterminé : les combats se déroulent au Nord et au Sud du Vietnam, voire en mer, dans des zones habitées par des populations civiles… Nous voyons donc que la situation du Vietnam présente des caractéristiques proches de celle de la « guerre contre le terrorisme » : multiplicité des acteurs et absence de champs de bataille.

Définir la qualification juridique d’un conflit armé dans une telle situation relève donc de l’ordre du défi. Dans les faits, on observe qu’aucune guerre contre un pays n’a été déclarée par le Nord ou par le Sud Vietnam. Le Vietnam du Sud a déclaré seulement l’état d’urgence en 1964 et l’état de guerre (sans déclarer contre qui) en 1965. 182. Ibid. p. 345. 183. PRUGH Georges. S, (Major General), Law at War: Vietnam 1964-1973, Washington, D.C., Department of the Army, 1975, 173 p., p. 10.

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Le Vietnam du Nord nie l’existence d’un conflit armé et parle seulement de troubles internes : en effet, il ne reconnaît pas le Sud Vietnam comme État. Enfin, les États-Unis affirment l’existence d’un conflit armé international car, des troupes étrangères interviennent dans un conflit armé. De plus, le Vietnam du Sud est un État à part entière tandis que le Vietnam du Nord est un État de facto (les États-Unis prennent en compte la décision du Vietnam du Nord de respecter les Conventions de Genève et, il existe une force armée nord vietnamienne). C’est à cette position que le Vietnam du Sud se rallie.

Donner le statut de prisonnier de guerre semble difficile dans ce conflit où les parties ne sont pas d’accord sur l’existence de combattants.

2. Les personnes capturées : entre vide juridique et protection de prisonnier de guerre.

Contrairement au Vietnam du Nord, les États-Unis prennent conscience d’un intérêt mutuel : ils décident d’accorder un statut de prisonnier de guerre aux personnes capturées.

Les États-Unis décident de remettre leurs détenus au Vietnam du Sud en vertu de l’article 12 de la IIIe Convention de Genève. Rapidement deux problèmes surviennent. Le Vietnam du Sud considère les prisonniers vietcongs comme des criminels violant la sécurité du Vietnam. Ils sont donc passibles d’un procès et de la peine de mort pour le seul fait d’avoir combattu. En outre, l’article 12 de la IIIe Convention de Genève déclare que si la puissance protectrice ne respecte pas la Convention, « la puissance par laquelle les prisonniers de guerre ont été transférés doit, […] prendre les mesures efficaces pour remédier à la situation ». Les États-Unis doivent donc veiller à ce que les prisonniers de guerre vietcongs, soient traités comme tels. De plus, très vite les États-Unis prennent conscience d’un intérêt mutuel à ce que le Sud Vietnam traite les personnes capturées comme prisonnier de guerre car « ils sont inquiets aux sujets des prisonniers américains se trouvant au Nord Vietnam, qui doivent recevoir un traitement humain et bénéficier de toutes les protections des prisonniers de guerre »184. Cette idée est réaffirmée plusieurs fois par le major Genéral Brugh dans son témoignage en tant que juge-avocat au Vietnam : « Le but était que les efforts faits par les États-Unis pour traiter humainement les prisonniers Vietcong et du Nord Vietnam amènent à un bénéfice réciproque pour les prisonniers américains ».185 Cet effort fait par le Vietnam du Sud et les États-Unis pour considérer les personnes capturées comme prisonniers de guerre se traduit, par le transfert de 2300 prisonniers vietcongs au Vietnam du Nord en octobre 1971, et par la libération de 5960 prisonniers de guerre en mars 1972. Certes, les Américains et le Vietnam du Sud n’ont pas respecté toutes les clauses de la IIIe Convention de Genève, mais l’existence d’un intérêt mutuel, les a incités à donner un traitement se rapprochant à celui du prisonnier de guerre, à des personnes capturées dans un cadre juridique indéterminé.

À l’inverse, ni le Vietcong, ni le Vietnam du Nord ne prennent conscience d’un intérêt mutuel : les personnes capturées ne bénéficient pas d’un traitement se rapprochant de celui du prisonnier de guerre. Le Vietnam du Nord considère les personnes capturées comme des criminels de guerre « qui ne pouvaient se prévaloir de la protection de la Convention de Genève relative au

184. Ibid. pp. 62- 63. 185. Ibid. p. 63.

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traitement des prisonniers de guerre »186. Dans cette logique, le Vietnam du Nord refuse toutes interventions du CICR. Il tolère seulement des entretiens avec celui-ci, à Paris. Il ne cherche ni à libérer des prisonniers, ni à les faire bénéficier de certains droits comme celui de correspondre avec leur famille. Le Vietcong adopte la même attitude en contestant au CICR « le droit de se prévaloir du principe fondamental de la neutralité en de telles circonstances, qui est pourtant à la base de son action humanitaire avec les principes d’impartialité et d’indépendance ».187Il refuse donc de communiquer au CICR des renseignements sur ses prisonniers, et même de rencontrer quelconques de ses représentants. La guerre du Vietnam nous montre donc que le principe d’intérêt mutuel a permis ponctuellement à une partie au conflit de donner un traitement se rapprochant de celui du prisonnier de guerre à tous les personnes capturées. L’intérêt mutuel a donc à petite échelle, adoucit une guerre qui selon le Secrétaire général du CICR, est « effroyablement brutale »188.

Au terme de cette section, nous pouvons constater que la notion d’intérêt mutuel existe chez chaque partie à un conflit. Elle est la solution temporaire pour que toutes les personnes combattantes puissent bénéficier d’un traitement se rapprochant du statut de prisonnier de guerre alors que le cadre juridique du conflit est mal défini. Cette solution permettrait dans les conflits irakiens et afghans, de pallier temporairement au déficit de la définition du combattant, tout en respectant l’esprit des lois et coutumes de la guerre. Cependant cette solution ne peut-être que temporaire. Il faut donc envisager de redéfinir le combattant

186. MALLEIN, op cit., p. 349. 187. Ibid. p. 348. 188. Ibid. p. 352.

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Section 2 : La redéfinition du combattant au prisme de la Coutume. 

Redéfinir le combattant induit deux idées : élargir le champ d’application du statut du combattant, et proposer un principe fondamental dans cette redéfinition.

Paragraphe 1 : L’élargissement du champ d’application.

Aujourd’hui le champ d’application du statut de combattant est limité au conflit armé international. À la lumière de la Coutume, il semble possible d’élargir le cadre juridique. A- Un cadre d’application trop étroit.

Le combattant n’existe que dans les conflits armés internationaux, cependant le droit international humanitaire prévoit des moyens d’étendre l’existence de celui-ci aux conflits armés non internationaux.

1. Au regard des conflits armés internationaux.

Les États ont toujours voulu faire une distinction entre les conflits armés internationaux et non-internationaux. La conséquence de cette distinction est l’existence de règles de droit des conflits armés différentes en fonction de la qualification du conflit. Cette distinction peut sembler choquante. Le droit des conflits armés, vise à la protection de tous dans tout conflit armé qui présente toujours les mêmes dangers. Il doit donc fixer des règles applicables quelque soit la qualification juridique du conflit. L’existence de règles différentes en fonction du conflit, signifie-t-elle que les personnes sont mieux protégées dans les conflits armés internationaux que dans les conflits armés non internationaux ? Le droit des conflits armés ne remplit-il alors que partiellement sa fonction dans les conflits armés non internationaux ?

Cette différence de règles applicables en fonction de la qualification juridique du conflit s’explique par l’existence de l’État moderne et souverain, sujet de droit international public. Un conflit armé international est une relation entre deux sujets de droit international qui détiennent le monopole de la violence légitime. Il semble donc normal que les personnes prenant par aux hostilités bénéficient d’un statut particulier : celui de combattant ayant le droit à être prisonnier de guerre. Un conflit armé non international se déroule à l’intérieur d’un État souverain. Par conséquent pendant très longtemps, l’État n’a pas voulu de règles internationales s’imposant dans ses relations internes : de telles règles peuvent être interprétées comme remettant en cause sa souveraineté. Cela explique que seul l’article 3 commun qualifié de « mini Convention » traite des conflits armés non internationaux. Il faut attendre 1977, pour qu’un Protocole additionnel leur soit consacré. C’est aussi pourquoi, toutes personnes prenant part à un conflit dans un cadre non international n’a pas le statut de combattant : elle peut donc être condamnée pour le seul fait d’avoir participé aux conflits. Le fait de donner à tout citoyen d’un État le droit de participer directement aux hostilités, signifie l’abandon du monopole de la violence légitime par celui-ci.

L’enjeu de la reconnaissance du statut de combattant dans les conflits non internationaux est résumé par cette phrase de Marco Sassoli : « appliquer aux conflits

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non internationaux toute les règles du droit international humanitaire (DIH) serait donc incompatible avec le concept même de société internationale, composée d’Etats-Souverains »189.

2. L’existence de moyens légaux pour dépasser ce cadre.

Il existe trois moyens pour que le droit des conflits armés internationaux, devienne applicable dans les conflits armés non internationaux. Bien évidemment, le fait d’appliquer le droit des conflits armés internationaux, à un conflit armé non international, ne change pas la qualification juridique du conflit. Ces trois moyens permettent de considérer les personnes participant directement aux hostilités dans un conflit armé non international comme combattant.

Le premier moyen est la reconnaissance de belligérance de la partie adverse par l’État en place. En effet, selon l’article 96 du Protocole additionnel I, « l’autorité représentant un peuple engagé contre une Haute Partie contractante […] peut s’engager à appliquer les Conventions et le présent Protocole relativement à ce conflit en adressant une déclaration unilatérale au dépositaire. La conséquence de cette déclaration est de rendre les règles relatives aux conflits armés internationaux applicables ». Dès lors, le statut de combattant existe.

La deuxième solution est la mise en place d’un accord spécial (entre les parties du conflit non international), prévoyant l’application de certaines ou de toutes les règles fixées par les Conventions de Genève et le Protocole additionnel I. L’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève, dans son paragraphe 2 invite les parties à mettre en place cet accord dès que possible : « les parties s’efforceront de mettre en vigueur par voie d’accords spéciaux tout ou partie des autres dispositions de la présente Convention ». Cette disposition incite donc les parties d’un conflit non international à appliquer le statut de combattant aux personnes participant aux hostilités.

La troisième solution est la déclaration d’intention. Elle consiste dans le fait qu’une des parties déclare qu’elle appliquera unilatéralement au conflit armé non-international en cours, tout ou partie des règles du droit des conflits armés internationaux. Ce dispositif est souvent utilisé par la partie non étatique du conflit pour deux raisons. Tout d’abord, par cette déclaration, la partie non étatique pense acquérir une légitimité politique à l’égard de la communauté internationale. Ce gain de légitimité est important car il permet à la partie non étatique de trouver des soutiens sur le plan international. Cette déclaration peut donner un gage de respectabilité à la partie non étatique aux yeux de la communauté internationale, mais elle ne peut en aucun cas lui donner un statut juridique équivalent à celui des États. La seconde raison est l’idée d’une réciprocité anticipée. En déclarant traiter les membres des forces armées étatiques capturées conformément à la IIIe Convention de Genève, la partie non-étatique espère que l’État fera de même. Ainsi les personnes de la partie non étatique ayant participées aux hostilités, ne seront pas punies pour avoir pris les armes. Cette déclaration d’intention est bien un moyen de rendre le statut de combattant applicable aux conflits armés non internationaux.

Il existe donc des moyens pour étendre le champ d’application du statut de combattant au conflit armé non international sans changer la qualification juridique de ce dernier.

189. SASSOLI Marco, BOUVIER Antoine A., Un droit dans la guerre ? (Volume 1), Genève, Comité Internationale de la Croix Rouge, 2003, 396 p., p.248.

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B-L’élargissement à la lumière de la Coutume.

À la lumière de la Coutume, on constate qu’il est possible d’élargir le champ d’application du statut de combattant aux conflits armés non internationaux. En effet, il est possible de démontrer que dans tous conflits armés non internationaux, les personnes prenant part aux hostilités ont des devoirs identiques aux combattants des conflits internationaux. Il semble donc logique que ces personnes aient les mêmes droits que le combattant et notamment le plus élémentaire : ne pas être puni pour avoir participé directement aux hostilités.

1. Tout participant à un conflit a des devoirs propres.

Dans tout conflit armé non international, les personnes prenant part aux hostilités ont des règles à respecter. Celles-ci sont identiques à celles du combattant. Le principe fondamental est celui de la distinction entre personnes participant aux hostilités et le reste de la population. Ce principe est sous-entendu dans le Protocole additionnel II à l’article 13 qui affirme la nécessité de respecter le principe de discrimination dans les conflits non internationaux : « La population civile et les personnes civiles jouissent d’une protection générale contre les dangers résultant d’opération militaire ». Ce principe pour être effectif implique que les personnes prenant part aux hostilités doivent se distinguer de la population civile.

La deuxième règle à respecter dans les conflits armés non-internationaux est d’accorder un traitement humain à toutes personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités conformément à l’article 3 commun et à l’article 4 du Protocole additionnel II.

Les personnes participant donc à un conflit armé non international doivent comme les combattants respecter deux règles fondamentales : se distinguer de la population civile et se conformer aux principes fondamentaux du droit des conflits armés.

2. Tout participant à un conflit a des droits particuliers.

Si les participants à un conflit armé non international ont des devoirs, il semble logique qu’ils aient des droits.

Le premier de ces droits, que toute personne détenue se voient octroyer, est la garantie d’un traitement humain conformément à l’article 3 commun aux quatre Convention de Genève. En effet lorsque les personnes portant les armes sont capturées elles tombent dans la catégorie prévue par cet article : « les personnes mises hors de combat ».

Cependant ce droit est accordé à tous. Etant donné que les personnes participant directement aux conflits armés non internationaux ont des devoirs spécifiques et identiques à celui du combattant, il semble logique qu’il ait le même droit que les combattants capturés. Le droit essentiel du combattant capturé est le statut de prisonnier de guerre. Le statut de prisonnier de guerre, consiste dans le fait d’être détenu, non pas pour avoir participé aux hostilités, mais simplement pour ne pas nuire à l’ennemi. Les personnes participant directement aux hostilités dans un conflit armé non international n’ont pas ce droit : ils peuvent être détenus pour avoir participé aux hostilités. Cependant, l’alinéa 5 de l’article 6 du Protocole additionnel II affirme : « A la cessation des hostilités, les autorités au pouvoir s’efforceront d’accorder la plus large amnistie aux personnes qui auront pris part au conflit armé ou qui auront été privées de liberté

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pour des motifs en relation avec le conflit armé, qu’elles soient internées ou détenues ». Or, « l’amnistie relève de la compétence des autorités, il s’agit d’un acte du pouvoir législatif qui efface un fait punissable, arrête les poursuites, anéantit les condamnations »190 alors que la grâce présidentielle supprime seulement l’exécution de la peine. Le droit en vigueur encourage donc les États dans un conflit non international à considérer a posteriori, les personnes ayant participé aux hostilités (sans avoir enfreint les lois et coutumes de la guerre) comme n’ayant commis aucun fait punissable. A posteriori, leur détention pendant le conflit armé, n’a pas le but de punir la participation aux hostilités, mais de les neutraliser. La détention des personnes ayant participé directement aux hostilités, pendant le conflit, et qui bénéficie d’une amnistie, se fait donc dans le même esprit que celle d’un prisonnier de guerre. A posterioi, l’amnistie, encouragée par le Protocole additionnel II, a pour conséquence de faire bénéficier la personne détenue (ayant participée régulièrement et directement aux hostilités) du même droit que le combattant : participer directement aux hostilités sans pouvoir être puni pour cela. De plus, nous remarquons que la résolution 2676, adoptée le 9 décembre 1970 par l’Assemblée générale de l’ONU parle de « combattants lors de tout conflit armé ». Certes comme nous le fait remarquer Henckaerts, le terme « combattant » est employé pour réaffirmer la nécessité de distinguer les civils des combattants lors des attaques, en vertu du principe de discrimination191. Mais ne doit-on pas aller jusqu’au bout de cette logique ? Si une personne peut être une cible lors d’un combat, sa détention n’est-elle pas alors un moyen de la neutraliser et non de la punir ?

Dans les conflits armés non internationaux, les personnes participant directement aux hostilités ont donc des devoirs identiques à ceux du combattant, et selon le Protocole additionnel II doivent bénéficier a posteriori , du même droit que le combattant : ne pas être puni pour avoir participé directement aux hostilités. Il semble donc possible d’élargir le champ d’application du statut de combattant aux conflits armés non internationaux.

Paragraphe 2 : Contenu et conséquences d’une redéfinition.

Redéfinir le combattant permet de renforcer l’application du droit des conflits armés.

A- L’apport conceptuel.

Cette redéfinition du combattant suppose de poser un principe et de le rendre efficient.

1. Un apport doctrinal attendu.

Comme nous l’avons vu lors de la construction historique du combattant, jusqu’en 1949, le combattant est conçu dans une logique d’appartenance à un groupe défini dans l’article 4 paragraphe A de la IIIe Convention de Genève. Cette conception

190. PREUX (de) Jean, Commentaire des protocoles additionnels du 08 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, Comité International de la Croix Rouge, 1986, 1647 p., p 1426. 191. HENCKAERTS Jean-Marie, DOSWALD-BECK Louise, Droit international humanitaire coutumier, Bruxelles, Bruylant, 2006, Vol 1, 878 p., p. 16.

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s’explique par le fait que la guerre est envisagée comme rapport d’un État à un autre : le combattant est défini dans ce cadre. Le Protocole additionnel I ne remet pas en cause les droits et devoirs du combattant ainsi que sa définition (qui n’est pas explicite dans l’article 4 dans la IIIe Convention de Genève). Il élargit celle-ci en concevant le combattant dans une logique individuelle comme personne ayant le droit de participer directement aux hostilités.

Le cœur d’une nouvelle définition du combattant se situe donc dans la notion de participation aux hostilités, notion malheureusement pas définie192. Une définition de celle-ci est cependant en cours de rédaction. Le CICR doit publier celle-ci à la fin de l’année 2008 ou au début de l’année 2009. Mettre au cœur, de la définition du combattant la notion de participation directe aux hostilités dans un cadre légal, semble être confirmé par le Document de Montreux. Ce document récent n’a aucune valeur juridique. Cependant, il définit un code de bonnes conduites pour les États engageant des SMP. Il est le fruit de la réflexion de dix-sept États sous l’égide du CICR et de la Suisse. Dans ce document, nous constatons que les États ayant des contrats avec les SMP, les États hébergeant des SMP, les États où se déroulent les activités des SMP, doivent par voie contractuelle définir les services fournis ainsi que l’implication de celles-ci dans la participation directe aux hostilités193.

2. Assurer l’efficience de cet apport doctrinal.

Redéfinir le combattant comme personne participant directement aux hostilités dans un cadre légal n’est pas suffisant. En effet, pour être efficiente, une telle redéfinition doit prévoir les moyens pour sanctionner les personnes participant aux hostilités illégalement. Il est donc nécessaire que des tribunaux soient capables de répondre aux deux questions suivantes pour savoir quel statut attribuer à la personne :

- la personne a-t-elle participé directement aux hostilités ? -Si oui, l’a-t-elle fait illégalement ?

La première solution qui semble la plus logique, est de recourir à « un tribunal compétent » fixé par l’article 5 de la IIIe Convention de Genève, pour répondre à ces deux questions. Cette réponse n’est cependant pas suffisante. Comment définir un « tribunal compétent » ? Nulle part, dans les Conventions de Genève et les Protocoles additionnels, celui-ci est défini. Les tribunaux nationaux ont-ils une compétence universelle pour statuer sur ces questions ? Le risque est alors de rendre l’application de la redéfinition du combattant, subjective. En effet, tous les pays n’ont pas un système judicaire transparent et efficient. Pourquoi ne pas alors donner cette compétence à un tribunal international créé spécialement pour répondre à cette double question ? Le risque est de voir ce tribunal encombré sous les demandes et de ne pas pouvoir répondre dans des délais rapides au cas soumis. Dès lors l’application de la redéfinition du combattant perd une efficience certaine. Faut-il alors créer un tribunal ad hoc pour chaque conflit qui se déclenche afin de résoudre les cas de doute sur le statut de personnes capturées ?

Rendre cette redéfinition efficiente, suppose l’existence d’une juridiction capable de punir le non respect de celle-ci. 192. Nous avons pu constater dans le Chapitre 2, Section 2, Paragraphe 1, que la notion de participation directe aux hostilités est difficilement définissable. 193. Document on Pertinent International Legal Obligations and Good Practices for States Related to Operation of Private Military and Security Companies during Armed Conflict, Montreux, 17 Septembre 2008, 24 p., p.10., p.16., p. 21.

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B- La Portée d’une redéfinition.

La redéfinition du combattant présente un double avantage : elle redonne ces lettres de noblesse au combattant et permet un plus grand respect du droit international humanitaire par tous.

1. Réaffirmer la place unique du combattant.

Une telle définition a pour objet de réaffirmer la place unique et particulière

que tient le combattant, c'est-à-dire le droit de participer directement aux hostilités. Cette redéfinition a donc deux conséquences.

Tout d’abord elle réaffirme l’État souverain comme seul détenteur de la violence légitime ; elle contribue donc à assurer un ordre international. En effet, la guerre est une relation d’État à État entre sujets de droit international. Redéfinir le combattant comme celui qui, à le droit de participer directement et légalement aux hostilités, signifie réaffirmer l’État comme seul détenteur du monopole de la violence légitime. Il délègue ce monopole pour un temps donné, dans un cadre précis, à certaines personnes. C’est ainsi que le Document de Montreux, bien que n’ayant aucune valeur juridique insiste sur le fait que l’État qui signe un contrat avec une SMP doit préciser si celle-ci sera engagée dans une participation directe aux hostilités : « en fixant quels services la société militaire privée fournira, l’État contractant doit prendre en compte plusieurs facteurs dont celui de savoir si les personnels des sociétés militaires privées seront impliqués dans la participation directe aux hostilités »194. Une relation contractuelle entre un État et une SMP autorisant la participation directe aux hostilités, est bien la preuve que l’État délègue temporairement et dans des circonstances données, son monopole de la violence légitime.

Une redéfinition du combattant permet également de redonner des lettres de noblesse à celui-ci. Il n’est ni un technicien déresponsabilisé, ni « un criminel » engagé par un État. Le combattant qui participe légalement et directement aux hostilités, est avant tout un être humain respectueux du droit international humanitaire. En effet, le fait de définir précisément la notion de participation directe aux hostilités et d’en faire la pièce maîtresse de la redéfinition du combattant permet de reconsidérer celui-ci avant tout comme un homme d’action au cœur de la réalité humaine. Nous pouvons imaginer que la définition de la participation directe aux hostilités, prendra en compte, la présence humaine sur le théâtre et exclura les personnes fournissant un service technique aux forces armées et n’étant pas présentes. Redéfinir le combattant permet de réaffirmer celui-ci comme un homme respectueux du droit international humanitaire. Le combattant étant redéfini, toute infraction du droit des conflits armés, peut être sanctionnée rapidement : le respect de ce droit est donc renforcé. Cette volonté existe clairement dans le Document de Montreux où la règle numéro 32 prévoit que les États contractants devront s’assurer que les SMP dans tous les cas (participation directe aux hostilités ou pas), n’ont pas commis de crimes et qu’elles conduisent des enquêtes approfondies sur les passés judiciaires de leurs personnels, spécialement pour ceux portant les armes.

194. Ibid. p. 10.

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2. Garantir la protection de tous.

Une redéfinition du combattant facilite l’application concrète des trois concepts (Droit de Genève) et de deux règles de base (Droit de la Haye) qui permettent au droit des conflits armés d’assurer la protection de tous.

Les trois concepts sont : celui de combattant/ non combattant, celui de victime de guerre (prisonnier de guerre, naufragé, blessé et malade) et celui de population civile. Les blessés et les malades sont couverts par la Ière Convention de Genève ; les naufragés, les blessés et les malades à la mer sont couverts par la IIe Convention (appelée « convention maritime ») qui à l’origine, est une extension de la première convention ; les prisonniers de guerre, les combattants sont couverts par la IIIe Convention, la population civile est couverte par la IVe Convention. Une redéfinition du concept de combattant permet de combler un vide juridique, si nous nous plaçons du côté américain, ou au moins d’éclaircir une zone d’ombre existant entre la IVe convention et la IIIe Convention. Cette redéfinition permet donc au combattant de bénéficier pleinement de la IIIe Convention et au civil, de la IVe Convention.

Redéfinir le combattant permet aussi de garantir la protection de tous, car le respect des deux principes du Droit de la Haye devient alors plus aisé. Le premier principe est le principe de discrimination : il implique que les attaques doivent être dirigées seulement contre un ou des combattants, des objectifs ou des installations militaires. En vertu de l’article 48 du Protocole additionnel I, la population civile doit toujours être épargnée. Ce principe suppose donc que l’on puisse rapidement et facilement déterminer le combattant. Une redéfinition du combattant permet de respecter au mieux ce principe. Le second principe est celui de la proportionnalité. Il signifie l’interdiction d’opérations militaires qui sont disproportionnées par rapport à l’objectif militaire visé. Ce principe est motivé par l’idée de protection maximale de la population civile. L’article 57 du Protocole additionnel I intitulé « Précautions d’attaques », nous rappelle cette idée à l’alinéa 2.a) ii) : « prendre toutes les précautions pratiquement possibles quant au choix des moyens et méthodes d’attaque en vue d’éviter et, en tout cas de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles ». Grâce à cette redéfinition du combattant, la population civile est identifiée comme telle, avec certitude : l’application du principe de proportionnalité devient alors plus simple. Une redéfinition du combattant permet d’assurer une protection maximale à tous ; le droit des conflits armés est alors réaffirmé dans son essence.

Nous pouvons affirmer qu’une redéfinition du combattant consisterait, à élargir son champ d’application à tous les conflits armés (ce qui semble possible au regard de la Coutume), à envisager le concept de participation directe aux hostilités comme définition même du combattant, afin de permettre au droit des conflits armés d’assurer la protection de tous dans les conflits armés contemporains.

Au terme de ce chapitre, afin de résoudre les problèmes de définition du combattant dans les conflits contemporains, la première solution à mettre en œuvre dans les plus brefs délais, est de faire prendre conscience aux parties d’un intérêt mutuel afin que ceux-ci puissent accorder un statut de prisonnier de guerre aux personnes capturées dans les conflits. Cette solution certes ponctuelle, est séduisante pour les jeunes chefs de section que nous serons car elle a le mérite d’être concrète, et pragmatique. Cette solution est aussi

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nécessaire car elle est l’unique raison pour que les pays se retrouvent afin de redéfinir le combattant.

Une redéfinition du combattant, ne peut s’inscrire qu’en tant que rupture dans la continuité : il semble donc possible de dire que tout combattant serait une personne ayant le droit de participer directement aux hostilités quelque soit la qualification juridique du conflit. Les dividendes d’une telle définition sont doubles ; d’une part, elle permet de réaffirmer le combattant comme personne soucieuse de respecter le droit des conflits armés, d’autre part, elle réaffirme l’essence de ce droit : la protection de tous.

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Conclusion.

À notre problématique posée dans l’introduction : « la définition du

combattant, proposée par l’article 4 de la IIIe Convention de Genève et, précisée par les articles 43 et 44 du Protocole additionnel I, est elle toujours pertinente ? Quelle interprétation donner à cette définition ? N’est-il pas nécessaire de réviser celle-ci ? », nous répondons que la définition du combattant n’est plus pertinente, aujourd’hui ; il semble nécessaire de la revisiter à la lumière de l’intérêt mutuel entre les parties, et de la Coutume.

Comme l’écrit Max Huber au sujet des conférences préparatoires des

Conventions de Genève de 1949, la définition du combattant est « le point explosif de tout le système des Conventions »195, elle a donc nécessité un siècle de discussions pour se construire.

D’abord, défini implicitement à l’article 4, paragraphe A, alinéa 1, 2, 3 et 6 de la IIIe Convention de Genève, dans une logique étatique et d’appartenance ; le combattant s’est ensuite affirmé comme individu ayant le droit de participer aux hostilités dans le cadre d’un conflit armé international.

L’évolution des conflits tant dans leur nature que dans leur acteur, remet en

cause cette définition du combattant dont le cadre d’application n’est plus valable, et dont le critère majeur « la participation directe aux hostilités » n’est pas défini. Cette absence de pertinence de la définition du combattant est grave car le but du droit des conflits armés est la protection de tous. Cette protection se fonde sur la distinction civil/combattant : le civil étant défini comme celui qui n’est pas combattant196.

Les interprétations de la définition du combattant faites par le CICR et les

États-Unis, n’apportent pas de réponse satisfaisante. Les États-Unis ont une approche pratique de cette définition. Pour eux, la guerre a changé, il faut donc changer les règles de droits applicables. « La guerre contre le terrorisme », met en lumière une nouvelle catégorie de personnes, non prévue par les Conventions de Genève : « les combattants non privilégiés ». La mise en place de cette troisième catégorie est impensable dans le droit des conflits armés qui repose sur la distinction civil et combattant. Créer une troisième catégorie de personnes est

195. VEUTHEY Michel, Guérilla et droit humanitaire, Genève, Institut Henry-Dunant, 1976, 431 p., p.183. 196. PA I, Article 50, alinéa 1.

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dangereux car le risque est alors, de remettre en cause la protection des civils et des combattants. Le CICR a une approche théorique de cette définition. Cette interprétation a le mérite de réaffirmer la distinction civil et combattant permettant la protection de tous par le droit des conflits armés. Cependant, elle a le désavantage de présenter un cadre d’application trop étroit. La distinction conflit armé international et non-international est de plus en plus difficile à faire, et celle-ci se révèle de moins en moins pertinente.

Il semble donc nécessaire de revisiter la définition du combattant à la lumière

de la Coutume et des lois de la guerre. En effet, l’évolution de la définition du combattant, spécialement en 1977, s’inscrit toujours comme une rupture dans la continuité. La première solution est d’envisager à la lumière de l’intérêt mutuel entre les parties, la personne capturée lors d’un conflit armé. La notion d’intérêt mutuel a pour avantage d’être rapidement applicable car reposant sur un principe simple et intemporel : la définition du combattant n’étant pas pertinente, « je » considère la personne capturée comme un combattant dans l’espoir que « mes adversaires » feront de même avec mes soldats. De plus, elle revêt un aspect concret et pragmatique permettant aux jeunes chefs de section que nous serons dans quelques mois, de la mettre en œuvre. Certes, cette solution est une « roue de secours » mais elle permet ponctuellement de résoudre l’absence de définition pertinente du combattant et d’amener les États à redéfinir le combattant. La seconde solution est donc une redéfinition du combattant à la lumière de la Coutume. Cette redéfinition consiste à concevoir le combattant dans une logique fonctionnelle : celui ayant le droit de participer directement aux hostilités (la définition de la participation directe aux hostilités devrait être donnée par le CICR début janvier 2009) dans tout conflit armé. En effet, la Coutume invite les États à ne pas punir les personnes pour avoir participé directement aux hostilités dans un conflit armé non international197. La différence entre un civil et un combattant dans un conflit international est le droit de participer aux hostilités sans être sanctionné pour cela. Il est donc possible de proposer une redéfinition du combattant applicable à tous conflits armés. Une redéfinition du combattant est nécessaire ; celle-ci ne peut avoir qu’un impact positif sur le droit des conflits armés car renforçant sa capacité à assurer la protection de tous.

Le droit des conflits armés est une branche du droit international public, les

problèmes que soulève une définition du combattant, semblent donc s’inscrire dans un cadre double.

Depuis, une cinquantaine d’année alors que la sphère internationale est constituée d’États souverains, des droits propres à la personne humaine sont apparus. Il faut concilier la toute puissance étatique, base du droit international, avec des limites : celles de la personne humaine. La définition du combattant s’inscrit dans cette logique où la guerre comme le dit Rousseau est « un rapport d’État à État »198 mais où le combattant est défini comme personne humaine.

197. PA II, article 6, alinéa 5. 198. ROUSSEAU Jean Jacques, Du contrat social, 1762, livre I.

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Le deuxième facteur est le paradoxe pour les États souverains de devoir s’entendre sur des principes qui leurs sont supérieurs. La définition du combattant ne s’inscrit-elle pas dans cet état d’anarchie perpétuelle entre les Nations dont nous fait part Thomas Hobbes dans le Léviathan ?

Pouvons-nous accepter comme un fait, et de manière fataliste, cette anarchie ? Notre devoir de citoyen d’une démocratie (la France n’est-elle pas la mère des Droits de l’Homme ?) et plus encore d’officier, n’est-il pas de faire respecter dans nos forces armées, aux hommes placés sous notre commandement, un ordre juridique et disciplinaire qui présuppose la défense d’une humanité commune à tous et, qui garantisse ainsi non seulement la légalité, mais aussi la légitimité de nos engagements ?

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Table des Annexes. Annexe 1 : La clause de Martens Annexe 2 : Les articles 1, 2 et 3 du Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, annexé à la IIe Convention de la Haye du 29 juillet 1899. Annexe 3 : L’article 4 de la IIIe Convention de Genève du 12 août 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre. Annexe 4 : L’article 43 du Protocole additionnel I du 8 juin 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux Annexe 5 : L’article 44 du Protocole additionnel I du 8 juin 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux. Annexe 6 : La définition du combattant : de la logique étatique à la logique individuelle. Annexe 7 : L’article 50 du Protocole additionnel I du 8 juin 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux. Annexe 8 : AEGIS, une société militaire privée britannique participant directement aux hostilités ? Annexe 9 : Le statut des personnes capturées au prisme de la doctrine américaine, dans le cadre des conflits armés internationaux. Annexe 10 : L’application des Conventions de Genève aux personnes capturées lors du conflit armé international afghan, par le CICR et les États-Unis.

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Annexe 1.

La clause de Martens Cette clause est présente dans les préambules de la IIe Convention de la Haye du 29 juillet 1899 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, et de la IVe Convention de la Haye du 18 Octobre 1907 concernant les lois et coutume de la guerre sur terre. Celle-ci a acquis une valeur coutumière et se retrouve de manière implicite dans les Conventions de Genève (notamment à l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949) et dans les Protocoles additionnelles I et II (par exemple à l’article 75 du Protocole additionnel I). En attendant qu'un code plus complet des lois de la guerre puisse être édicté, les Hautes Parties Contractantes jugent opportun de constater que, dans les cas non compris dans les dispositions réglementaires adoptées par Elles, les populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des gens, tels qu'ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité et des exigences de la conscience publique. Elles déclarent que c'est dans ce sens que doivent s'entendre notamment les articles un et deux du Règlement adopté.

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Annexe 2

Les articles 1, 2 et 3 du Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, annexé à la IIe Convention de la Haye du 29 juillet 1899.

Les articles 1, 2 et 3 du Règlement concernant les lois et coutumes de la guerreannexé à la IVe Convention de la Haye du 18 octobre 1907, sont presque identiques. La seule différence intéressante est à l’article 3 où le terme « parties belligérantes », s’écrit en 1907 « Parties belligérantes ». SECTION I. - DES BELLIGERANTS. CHAPITRE I. - De la qualité de belligérant. Article 1. Les lois, les droits et les devoirs de la guerre ne s'appliquent pas seulement à l'armée,mais encore aux milices et aux corps de volontaires réunissant les conditions suivantes :1°. d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ; 2°. d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance ; 3°. de porter les armes ouvertement et 4°. de se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre.Dans les pays où les milices ou des corps de volontaires constituent l'armée ou en font partie, ils sont compris sous la dénomination ' d'armée '. Article 2. La population d'un territoire non occupé qui, à l'approche de l'ennemi, prendspontanément les armes pour combattre les troupes d'invasion sans avoir eu le temps de s'organiser conformément à l'article premier, sera considérée comme belligérante si ellerespecte les lois et coutumes de la guerre. Article 3. Les forces armées des parties belligérantes peuvent se composer de combattants et de non-combattants. En cas de capture par l'ennemi, les uns et les autres ont droit autraitement des prisonniers de guerre.

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Annexe 3

L’article 4 de la IIIe Convention de Genève du 12 août 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre.

ARTICLE 4. A. Sont prisonniers de guerre, au sens de la présente Convention, les personnes qui,appartenant à l'une des catégories suivantes, sont tombées au pouvoir de l'ennemi : 1) les membres des forces armées d'une Partie au conflit, de même que les membres desmilices et des corps de volontaires faisant partie de ces forces armées ; 2) les membres des autres milices et les membres des autres corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance organisés, appartenant à une Partie auconflit et agissant en dehors ou à l'intérieur de leur propre territoire, même si ceterritoire est occupé, pourvu que ces milices ou corps de volontaires, y compris ces mouvements de résistance organisés, remplissent les conditions suivantes : a) d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ; b) d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance ; c) de porter ouvertement les armes ; d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre ; 3) les membres des forces armées régulières qui se réclament d'un gouvernement oud'une autorité non reconnus par la Puissance détentrice ; 4) les personnes qui suivent les forces armées sans en faire directement partie, telles queles membres civils d'équipages d'avions militaires, correspondants de guerre,fournisseurs, membres d'unités de travail ou de services chargés du bien-être des forces armées, à condition qu'elles en aient reçu l'autorisation des forces armées qu'ellesaccompagnent, celles-ci étant tenues de leur délivrer à cet effet une carte d'identité semblable au modèle annexé ; 5) les membres des équipages, y compris les commandants, pilotes et apprentis, de la marine marchande et les équipages de l'aviation civile des Parties au conflit qui nebénéficient pas d'un traitement plus favorable en vertu d'autres dispositions du droitinternational ; 6) la population d'un territoire non occupé qui, à l'approche de l'ennemi, prend spontanément les armes pour combattre les troupes d'invasion sans avoir eu le temps dese constituer en forces armées régulières, si elle porte ouvertement les armes et si ellerespecte les lois et coutumes de la guerre.

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B. Bénéficieront également du traitement réservé par la présente Convention aux prisonniers de guerre : 1) les personnes appartenant ou ayant appartenu aux forces armées du pays occupé si, en raison de cette appartenance, la Puissance occupante, même si elle les a initialement libérées pendant que les hostilités se poursuivent en dehors du territoire qu'elle occupe, estime nécessaire de procéder à leur internement, notamment après une tentative de ces personnes non couronnée de succès pour rejoindre les forces armées auxquelles elles appartiennent et qui sont engagées dans le combat, ou lorsqu'elles n'obtempèrent pas à une sommation qui leur est faite aux fins d'internement; 2) les personnes appartenant à l'une des catégories énumérées au présent article que des Puissances neutres ou non belligérantes ont reçues sur leur territoire et qu'elles sont tenues d'interner en vertu du droit international, sous réserve de tout traitement plus favorable que ces Puissances jugeraient bon de leur accorder et exception faite des dispositions des articles 8, 10, 15, 30 cinquième alinéa, 58 à 67 inclus, 92, 126 et, lorsque des relations diplomatiques existent entre les Parties au conflit et la Puissance neutre ou non belligérante intéressée, des dispositions qui concernent la Puissance protectrice. Lorsque de telles relations diplomatiques existent, les Parties au conflit dont dépendent ces personnes seront autorisées à exercer à l'égard de celles-ci les fonctions dévolues aux Puissances protectrices par la présente Convention sans préjudice de celles que ces Parties exercent normalement en vertu des usages et des traités diplomatiques et consulaires. C. Le présent article réserve le statut du personnel médical et religieux tel qu'il est prévu à l'article 33 de la présente Convention.

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Annexe 4.

L’article 43 du Protocole additionnel I du 8 juin 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux.

Article 43 - Forces armées. 1. Les forces armées d'une Partie à un conflit se composent de toutes les forces,tous les groupes et toutes les unités armés et organisés qui sont placés sous uncommandement responsable de la conduite de ses subordonnés devant cettePartie, même si celle-ci est représentée par un gouvernement ou une autorité nonreconnus par une Partie adverse. Ces forces armées doivent être soumises à unrégime de discipline interne qui assure, notamment, le respect des règles du droitinternational applicable dans les conflits armés. 2. Les membres des forces armées d'une Partie à un conflit (autres que le personnel sanitaire et religieux visé à l'article 33 de la IIIe Convention) sont des combattants, c'est-à-dire ont le droit de participer directement aux hostilités. 3. La Partie à un conflit qui incorpore, dans ses forces armées, une organisationparamilitaire ou un service armé chargé de faire respecter l'ordre, doit le notifieraux autres Parties au conflit.

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Annexe 5.

L’article 44 du Protocole additionnel I du 8 juin 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux.

Article 44 - Combattants et prisonniers de guerre 1. Tout combattant, au sens de l'article 43, qui tombe au pouvoir d'une partie adverse est prisonnier de guerre. 2. Bien que tous les combattants soient tenus de respecter les règles du droit international applicable dans les conflits armés, les violations de ces règles ne privent pas un combattant de son droit d'être considéré comme combattant ou, s'il tombe au pouvoir d'une Partie adverse, de son droit d'être considéré comme prisonnier de guerre, sauf dans les cas prévus aux paragraphes 3 et 4. 3. Pour que la protection de la population civile contre les effets des hostilités soit renforcée, les combattants sont tenus de se distinguer de la population civile lorsqu'ils prennent part à une attaque ou à une opération militaire préparatoire d'une attaque. Etant donné, toutefois, qu'il y a des situations dans les conflits armés où, en raison de la nature des hostilités, un combattant armé ne peut se distinguer de la population civile, il conserve son statut de combattant à condition que, dans de telles situations, il porte ses armes ouvertement : a) pendant chaque engagement militaire ; et b) pendant le temps où il est exposé à la vue de l'adversaire alors qu'il prend part à un déploiement militaire qui précède le lancement d'une attaque à laquelle il doit participer. Les actes qui répondent aux conditions prévues par le présent paragraphe ne sont pas considérés comme perfides au sens de l'article 37, paragraphe 1 c. 4. Tout combattant qui tombe au pouvoir d'une Partie adverse, alors qu'il ne remplit pas les conditions prévues à la deuxième phrase du paragraphe 3, perd son droit à être considéré comme prisonnier de guerre, mais bénéficie néanmoins de protections équivalentes à tous égards à celles qui sont accordées aux prisonniers de guerre par la IIIe Convention et par le présent Protocole. Cette protection comprend des protections équivalentes à celles qui sont accordées aux prisonniers de guerre par la IIIe Convention dans le cas où une telle personne est jugée et condamnée pour toutes infractions qu'elle aura commises. 5. Le combattant qui tombe au pouvoir d'une Partie adverse alors qu'il ne participe pas à une attaque ou à une opération militaire préparatoire d'une attaque ne perd pas, en raison de ses activités antérieures, le droit d'être considéré comme combattant et prisonnier de guerre. 6. Le présent article ne prive personne du droit d'être considéré comme prisonnier de guerre aux termes de l'article 4 de la IIIe Convention.

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Annexe 6. La définition du combattant : de la logique étatique à la logique individuelle.

Projet russe de Convention

International concernant les

lois et coutumes de la

Guerre

Art 10. Distinction

combattant non combattant au sein des forces

armées.

Art 9. Sont

belligérants les membres des

forces armées, des milices et

corps de volontaires

sous 4 conditions.

Art 45. Assimilation

aux belligérants des levées en

masse à l’approche de

l’ennemi.

Art46. Refus

d’assimiler aux belligérants les membres des

levées en masse en territoire occupé.

Art 47. Interdit le

combattant intermittent ou

isolé.

Déclaration Internationale concernant les

lois et coutumes de la guerre de 1874.

Art11.

Art 9. -Interprétation non restrictive

de l’article. -Les 4

conditions sont assouplies.

Art 10. Condition du

respect des lois et coutumes de

la guerre.

Annulé. Annulé.

CLAUSE DE MARTENS (écrite dans les deux règlements de la Haye et fait partie de la Coutume)

Règlement de la Haye de 1899.

Art 3.

Art 1. Art 2. Inexistant. Inexistant.

Règlement de la Haye de

1907.

Art 3. Le terme « parties

belligérantes » est écrit avec

un « P».

Art 1. Art 2. Exigence du

port ouvert des armes.

Inexistant. Inexistant.

L O G I Q U E É T A T I Q U E

IIIe CG, art 4. (n’est pas annulé par le PA I, a une reconnaissance

universelle)

N’existe plusLes non

combattants sont les

personnes mentionnées

dans cet article si elles

n’appartiennent pas aux al 1, 2,

3, 6 par A.

Par A, al 1 et 2.

Par A, al 6. Par A, al 3. « Les membres

des forces armées

régulières se réclamant d’un gouvernement

ou d’une autorité non

reconnue par la puissance

détentrice ».

Par A, al 2. La résistance organisée est considérée au

même titre que les milices et

corps de volontaires.

Inexistant. Se rapproche

de la résistance organisée.

Inexistant. Problème résolu

par l’art 5 : mise en place d’un tribunal

compétent.

LOGIQUE INDIVIDUELLE.

PA I, art 43 et 44.

Le combattant est celui qui a le droit de participer aux hostilités dans un CAI. (Il a le devoir de se distinguer des civils au risque de perdre son statut de prisonnier de guerre en cas de capture.)

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Annexe 7.

L’article 50 du Protocole additionnel I du 8 juin 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux.

Article 50 - Définition des personnes civiles et de la population civile. 1. Est considérée comme civile toute personne n'appartenant pas à l'une des catégories visées à l'article 4 A, 1), 2), 3), et 6) de la IIIe Convention et à l'article 43 du présentProtocole. En cas de doute, ladite personne sera considérée comme civile. 2. La population civile comprend toutes les personnes civiles. 3. La présence au sein de la population civile de personnes isolées ne répondant pas à ladéfinition de personne civile ne prive pas cette population de sa qualité.

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Annexe 8.

AEGIS, une société militaire privée britannique participant directement aux

hostilités ?

Les différentes photos proviennent toutes du site officiel d’AEGIS (<http://www.aegisworld.com/> consulté le 28 octobre 2008). Elles illustrent le sceptre de services proposés par les SMP.

(Photo disponible sur la page de recrutement)

Les agents d’AEGIS : civils portant les armes ou combattants ?

(Photo disponible sur la page « aide humanitaire »)

Les agents d’AEGIS : civils contribuant à l’aide humanitaire ?

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(Photo disponible sur la page « protection rapprochée »)

Les agents d’AEGIS : des gardes du corps musclés ?

(Photo disponible sur la page « soutien d’ordre technologique ») AEGIS participe t-elle à la guerre numérique ?

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(Photo disponible à la page « opération de sécurité »)

Un agent d’AEGIS : Combattant ou simple agent de sécurité ?

(Photo disponible à la page « entraînement »)

Un entraînement pour assurer la sécurité ou pour participer directement aux hostilités ?

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Annexe 9.

Le statut des personnes capturées au prisme de la doctrine américaine, dans le cadre des conflits armés internationaux.

Statut de la personne lors de

sa capture. Statut de la personne pendant sa détention.

Combattant (CG III, art 4, par A, al 1).

Droit au statut de prisonnier de guerre (CG III, art 4).

Est interrogée conformément à l’article 17, IIIe CG.

« Insurgé légal » (CG III, art 4, par A, al 2). Est considéré comme un

combattant.

Se voit accorder le statut de prisonnier de guerre (CG III, art 4).

car s’est comportée comme un combattant. Est interrogée conformément

à l’article 17, IIIe CG.

« Insurgé du Protocole additionnel 1 »

N’est pas un combattant. (Le PA I n’est pas ratifié par

les États-Unis)

Attribution du statut de prisonnier de guerre, à la discrétion de la Puissance détentrice.

Dans ce cas, elle est interrogée conformément à l’article 17, IIIe CG.

« Combattant illégal » N’est pas prévu par le droit

de Genève. Participe directement aux hostilités sans en avoir le

droit. S’attaque à des objectifs

militaires.

Garantie d’un traitement humain (directive interne de D. Rumsfeld du 19 janvier 2002).

Soumission à des techniques d’interrogatoires non- contraires à la Convention contre la Torture mais

inhumaines (arrêt de la CEDH concernant les détenus irlandais).

Techniques d’interrogatoires de catégorie 1 et 2.

« Terroriste » Est un combattant illégal.

S’attaque systématiquement aux cibles civiles.

Garantie d’un traitement humain (directive interne de D.Rumsfeld du 19 janvier 2002).

Soumission à toutes les techniques interrogatoires (Water boarding ? techniques de catégorie 3 ?

techniques non révélées à la presse par le ministère de la défense).

« Civil » Se trouve sur le champ de bataille ou sur un territoire

occupé. Défini à l’article 4, IVe CG.

Peut être internée ou emprisonnée (CG IV, art 68 et 78).

Est détenue sur le territoire occupé (GC IV, art 76).

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Annexe 10.

L’application des Conventions de Genève aux personnes capturées lors du conflit armé international afghan, par le CICR et les États-Unis.

La logique américaine est représentée en bleu vif, et celle du CICR en rouge vif.

Personne capturée en Afghanistan avant le 19 juin 2002 (dans le cadre d’un CAI).

Si doute sur le statut de la personne capturée: jugement par « un 

tribunal compétent »  (GC III. Art .5)

Civil, protégé par la CG IV.Punissable pour avoir participer 

aux hostilités

Combattant, protégé par la CG III.  Droit de participer directement 

aux hostilités ( PA I , art 43, al 2). 

Est  jugé par un tribunal compétent pour avoir enfreint les 

règles  applicables au conflit   (CG  III . Art  84)

S’ il fait parti des exceptions citées à l’ article 4, GC IV,

il est couvert par l’article 75, PA I.

Est un « combattant non privilégié » 

(vide juridique).

Garantie d’un traitement humain  (directive interne de D.Rumsfeld du  19  

janvier 2002)Peut être interrogé (théorie de « la 

guerre des trois blocs)

N’est pas un combattant carelle ne constitue pas une partie au 

conflit( art 2 commun)

Elle n’appartient pas à une partie au conflit  ( CG III, art 4)

N’est pas un civil car

elle a participé aux hostilités( PA I, art 51, alinéa 3 ) 

elle tombe dans les exceptions de l’article 4, CG IV

Toutes les personnes sont au minimum 

couvertes par l’article 75, PA I.

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Sources et bibliographie. Ouvrages généraux. - BORCH Frederic L, Judge Advocates in Vietnam: Army lawyers in Southeast Asia 1959-1975, Fort Leavenworth, Kansas, U.S. Army Command and General Staff College Press, 2003, 171 p. - CAMUS Albert, Actuelles III. Chroniques algériennes (1939-1958), Paris, Gallimard, 1958, 216 p. - COT Jean-Pierre, PELET Alain, La Chartre des Nations Unis, Paris-Bruxelles, Economica Bruylant, 1985, 1553 p. - DUMÉZIL Georges, Mythes et Épopées I, II, III, Paris, Gallimard, 1995, 1484 p. - HENCKAERTS Jean-Marie, DOSWALD-BECK Louise, Droit international humanitaire coutumier, Bruxelles, Bruylant, 2006, 2 volumes - 878 et 4411 p. - PICTET Jean, Commentaire de la Troisième convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, Genève, Comité International de la Croix Rouge, 1958, 834 p. - PICTET Jean, Développement et Principes du Droit International Humanitaire, Genève, Institut Henry-DUNANT, 1983, 117 p. - PRADELLE (de la) Paul, La Conférence Diplomatique et les Nouvelles Conventions de Genève du 12 août 1949, Paris, Les Éditions Internationales, 1951, 423 p. - PREUX (de) Jean, Commentaire des protocoles additionnels du 08 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, Comité Internationale de la Croix Rouge, 1986, 1647 p. - PRUGH Georges. S., (Major General), Law at War: Vietnam 1964-1973, Washington, D.C., Department of the Army, 1975, 173 p. - ROUSSEAU Jean Jacques, Du contrat social, 1762. - SASSOLI Marco, BOUVIER Antoine A, Un droit dans la guerre ?, Genève, Comité Internationale de la Croix Rouge, 2003, 2 volumes - 396 et 2084 p. - SCHINDLER D., TOMAN J., Droit des Conflits Armés, Genève, Institut Henry-Dunant, 1996, 1470 p. - SWINARSKI Christophe, Etudes et essais sur le droit international humanitaire et sur les principes de la Croix-Rouge, Genève, Marinus Nijhoff Pubbishers, 1984, 1143 p. - VEUTHEY Michel, Guérilla et droit humanitaire, Genève, Institut Henry-Dunant, 1976, 431 p.

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Articles. • Articles parus dans la Revue Internationale de la Croix-Rouge.

- BAXTER R.R., The first modern codification of the law of war, in the International Review of the Red Cross, numéro 26, mai 1963, p. 234. - GILLARD Emmanuela-Chiara, Quand l’entreprise s’en va-t-en guerre : les sociétés militaires et société de sécurités privées et le droit international humanitaire, in la Revue Internationale de la Croix-Rouge, volume 88, Sélection française 2006, p.173. - GRASSER Hans-Peter Acts of terror, « terrorism » and international humanitarian law in the International Review of the Red Cross, volume 84, numéro 834, septembre 2002, p. 547. - GRUNEWALD François et TESSIER Laurence, Zones grises, crise durables, conflits oubliés : les défis humanitaires, in the International Review of the Red Cross, numéro 842, Juin 2001, p.323. - HERRMANN Irène, PALMIERI Daniel, Les nouveaux conflits : une modernité archaïque ? in la Revue de la Croix-Rouge, Volume 85, numéro 849, Mars 2003, p.23. - PFANNER Toni, Les guerres asymétriques vues sous l’angle du droit humanitaire et de l’action humanitaire, in la Revue Internationale de la Croix-Rouge, Volume 87 Sélection française 2005, 2005, p.259. - PFANNER Toni, Entretien avec Andrew BEARPARK, in la Revue Internationale de la Croix-Rouge, Volume 88 Sélection française 2006, p.163. - QUÉGUINER Jean-François, Dix ans après la création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie : évaluation de l’apport de sa jurisprudence au droit international humanitaire, in the International Review of the Red Cross, numéro 850, Juin 2003, p.271. - STEWART James G, Towards a single definition of armed conflict in international humanitarian law: A critique of internationalized armed conflict, in the International Review of the Red Cross, numéro 850, Juin 2003, p.313. • Autres articles.

- AYRES Thomas, Six Floors of Detainee Operations in the Post-9/11 World, in Parameters US Army War Colleges Quaterly, automne 2005, 10 p. - BREUCKER (de) J, La déclaration de Bruxelles de 1874 concernant les lois et coutumes de la guerre, in Chronique de Politique Etrangère, volume XXVIII, numéro 1, Bruxelles, Institut Royal des Relations Internationales, janvier 1974, 151 p. - BREUCKER (de) J, Centenaire- Déclaration de Bruxelles de 1874, in extrait de la Revue de Droit Pénal Militaire et de Droit de la Guerre, Bruxelles, société internationale de droit pénal militaire et de droit de la guerre, 1975, p.281.

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- ELSEA Jennifer, Treatment of “Battlefield Detainees” in the war on terrorism in Report for Congress, Washington, the library of congress, 23 avril 2002, 56 p. - LAPIDOTH Ruth, Qui a le droit au statut de prisonnier de guerre ?, in Revue Générale de Droit International Public, tome LXXXII, Paris, Editions A Pedone, 1978, p.170. - METZ Steven, La guerre asymétrique et l’avenir de l’Occident, in Politique Etrangère, Volume 1, 2003, 40 p. - PICTET Jean, Le pendule de l’Histoire, in extrait de la Revue de Droit Pénal Militaire et de Droit de la Guerre, Bruxelles, société internationale de droit pénal militaire et de droit de la guerre, 1975, p. 280. - ROWE Peter, Responses to terror: the new “ war”, in Melbourne Journal of International Law, volume 3, 2002, 21 p. - SASSOLI Marco, La « guerre contre le terrorisme », le droit international humanitaire est le statut de prisonnier de guerre, in The Canadian Yearbook of international Law, vol.39, 2001, 28 p. Traités, Conventions et Codes du droit de la guerre. - Instructions for the Government of Armies of the United States in the Field (Lieber Code), 24 avril 1863. - Actes de la Conférence de Bruxelles, Bruxelles, F. Hayez, 1874. - Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, annexé à la IIe Convention de la Haye, 29 juillet 1899. - Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre annexé à la IVe Convention de la Haye, 18 octobre 1907. - La Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, 27 juillet 1929. - Première Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, 12 août 1949. - Seconde Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, 12 août 1949. - Troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949. - Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949. - Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole additionnel I), 8 juin 1977.

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- Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole additionnel II), 8 juin 1977. Résolutions ONU. • Résolutions du Conseil de sécurité.

- Résolution 1189 portant sur le terrorisme international, 13 août 1998, Conseil de Sécurité, 3915e séance, disponible le 13 novembre 2008 sur : http://www.un.org/french/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1189(1998). - Résolution 1368 portant sur la menace à la paix et la sécurité internationale résultant d’actes terroristes, 12 septembre 2001, Conseil de Sécurité, 4370e séance, disponible le 13 novembre 2008 sur : http://www.un.org/french/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1368(2001). - Résolution 1373 portant sur la menace à la paix et la sécurité internationale résultant d’actes terroristes, 28 septembre 2001, Conseil de Sécurité, 4385e séance, disponible le 13 novembre 2008 sur : http://www.un.org/french/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1373(2001). • Résolution de l’Assemblée générale.

- Résolution 2625 Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre État conformément à la chartre ONU, le 24 octobre 1970, Assemblée Générale, 25e Session, disponible le 13 novembre 2008 sur : http://daccessdds.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/350/22/IMG/NR035022.pdf?OpenElement. Jurisprudences. • Jurisprudences internationales.

- Arrêt Le procureur c. Dusko Tadic, IT-94-AR 72, 2 octobre 1995, TPY, Chambre d’appel, disponible le 13 novembre 2008 sur : http://www.un.org/icity/tadic/appeal/decision-f/51002JN3.htm. - Arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), 27 juin 1986, Cour Internationale de Justice disponible le 13 novembre 2008 sur : http://www.icj-cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&k=66&case=70&code=nus&p3=4. • Jurisprudences américaines.

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- Arrêt numéro 05-184, Salim Ahmed HAMDAM, Petitioner. v. Donald H. RUMSFELD, secretary of defense, et al., 19 juin 2006, Cour Suprême des USA, disponible le 12 novembre 2008 sur: http://supreme.lp.findlaw.com/supreme_court/briefs/05-184/05-184.mer.resp.pdf. - Arrêt numéro 06-1195, BOUMEDIENE ET AL. v. BUSH, President of the United States, et al., 12 juin 2008, Cour Suprême des USA disponible le 12 novembre 2008 sur : http://www.law.cornell.edu/supct/html/06-1195.ZS.html. Documents Officiels du Comité International de la Croix-Rouge. - Cours de cinq leçons sur les Conventions de Genève, Genève, Comité International de la Croix Rouge, 1962, 114 p. - Document on Pertinent International Legal Obligations and Good Practices for States Related to Operation of Private Military and Security Companies during Armed Conflict, Montreux, 17 Septembre 2008, 24 p. - La participation directe aux hostilités en droit international humanitaire. Rapport de la Conférence du Comité Internationale de la Croix-Rouge, 2 juin 2003, 16 p. - Le droit humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporains, extrait du rapport préparé par le Comité International de la Croix-Rouge pour la 28e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et du Croissant Rouge, Genève, décembre 2003 in la Revue Internationale de la Croix-Rouge, numéro 853, Mars 2004, p. 245. - Note verbal et Mémorandum du Comité Internationale de la Croix-Rouge relatif au conflit en Afghanistan, Genève, 21 février 2007. -Réactions du Comité Internationale de la Croix-Rouge au rapport d’experts Schelinger relatif aux opérations de détention du Département de la Défense américain, 8 septembre 2003, 5 p. Divers. • Site internet.

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- Le site de la CEDH : www.echr.coe.int

- Le site du CICR : ww.cicr.fr

- Le site de la CIJ : www.icj-cij.org

- Le site de l’ONU : www.un.org

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- Autres sites internet.

- BEN LADEN Oussama, A letter from Osama bin Laden to the American people, disponible le 04 octobre 2008 sur : http://oberver.guardian.co.uk/worldview/story/0,11581,845725,00,html. - Un site sur l’actualité du droit international publique : www.ridi.org - VEUTHEY Michel, Remedies to promote the respect of fundamental human values in non international armed conflicts, 49 p., disponible le 05 octobre 2008 sur : http://veuthey.org/mv/mvpub.html. • Thèse.

- MALLEIN Jean, La situation juridique des combattants dans les conflits armés non internationaux, 623 p., Th, Droit, Université de Grenoble, 1978.

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.Index des noms de lieux et de personnes. Noms de lieux. • Noms de pays et de continents. Afghanistan, 11, 34, 37, 39, 40, 42, 44, 47, 54, 55, 56, 57, 59, 62, 63, 64, 65, 70, 71 Algérie, 29, 51, 61, 69 Allemagne, 18, 19, 22 Arabie Saoudite, 72 Argentine, 33 Autriche, 18 Belgique, 18 Égypte, 72 Emirats Arabes-Unis, 62 Espagne, 18 États-Unis, 11, 34, 37, 40, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 63, 64, 70, 73, 74 Europe, 61 ex-Yougoslavie, 39 France, 18 Grande-Bretagne, 33, 47 Inde, 33 Irak, 34, 37, 39, 42, 47, 70, 71 Israël, 36, 51 Italie, 18 Jordanie, 72 Kosovo, 71 Libéria, 44 Nicaragua, 56 Pakistan, 33, 34, 62 Pays-Bas, 18 Russie, 18, 19 Serbie, 61 Sierra Léone, 44 Somalie, 34 Suisse, 18, 80 Vietnam, 71, 73, 74, 75 Vietnam du Nord, 73, 74 Vietnam du Sud, 73, 74 Yémen, 71, 72 • Noms de villes et autres. Alger, 61 Berlin, 49, 60 Caffa, 60 Gênes, 61

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Genève, 18, 20, 25 Guantánamo, 11, 59, 64, 70 Kaboul, 40 La Haye, 20, 21, 22, 30 Londres, 33 Madrid, 33 Malouines, 33 Marseille, 61 Montreux, 81 Moscou, 33 Munster, 16 Nairobi, 54 New York, 16 New-York, 33 Oxford, 19 Paris, 75 Sicile, 61 Stockholm, 23 Venise, 61 Vichy, 22 Wall Trade Center, 37, 55 Noms de personnes. Alexandre II, 17 Baxter, 17 Bearpark, 42 Ben Laden, 36, 64 Blair, 55 Boumediene, 12 Brugh, 74 Bruxelles, 18, 20 Bush, 9, 12, 54, 56 Camus, 69 Cofer Black, 51 De Gaulle, 22 Dumézil, 15 Fichte, 18 François Ferdinand, 61 Gillard, 47 Grotius, 16, 17 Grunewald, 43 Hamdam, 12 Hobbes, 86 Huber, 23, 68, 84 Krulak, 51 la Pradelle, 23 Lambermont, 18 Lapidoth, 28

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Lieber, 16, 17, 18, 22, 53 Lincoln, 16 Mallein, 72 Martens, 20 Metz, 33 Pfanner, 32, 34, 36, 37 Puffendorf, 17 Rousseau, 16, 35, 85 Rumsfeld, 12, 54, 57, 58 Saddam Hussein, 37 Sassoli, 76 Stewart, 40 Sun Tsu, 70 Swinsarski, 38 Tadic, 39, 56 Tessier, 43 Veuthey, 10, 68, 69, 70 Références juridiques. Ière Convention de Genève, 82 IIIe convention de Genève, 53 IIIe Convention de Genève, 9, 10, 12, 21, 24, 25, 26, 28, 30, 47, 52, 57, 59, 63, 64, 72, 73, 74,

77, 79, 80, 84 IVe Convention de Genève, 48, 58, 61, 64 Protocole additionnel I, 9, 10, 11, 12, 25, 27, 28, 29, 37, 46, 48, 50, 61, 64, 70, 77, 80, 82 Protocole Additionnel I, 52 Protocole additionnel II, 10, 39, 61, 78, 79 jus ad bellum, 35, 59, 65 jus in bello, 35, 36, 40, 59, 65 lois et coutumes de la guerre, 16, 19, 22, 25, 26, 33, 67 Autres. Alliance du Nord, 40, 62, 63 Al-Qaïda, 11, 34, 36, 37, 54, 55, 56, 57, 58, 62, 63, 64, 65, 70 CICR, 22, 23, 26, 29, 34, 39, 45, 46, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 75, 80, 84, 85 Nations-Unies, 35, 55, 56 SMP, 46, 47, 48, 80, 81 Talibans, 40, 54, 56, 57, 58, 62, 63, 64, 65, 71

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Table des matières. Sommaire…………………………………………………………………………………...p. 5 Table des abréviations……………………………………………………………………..p. 6 Introduction………………………………………………………………………………...p. 8 Partie I : Construction et pertinence de la définition du combattant ………………...p. 14 Chapitre 1 : Construction de la définition du combattant……………………………..p. 14 Section 1 : De l’ébauche à la codification du statut du combattant.....................................p. 15 Paragraphe 1 : Définir le belligérant dans un cadre étatique (1863-1929)………………...p. 15 A. Une volonté d’attribuer le statut de prisonnier de guerre aux belligérants respectueux de certaines règles……………………………………………………………………………..p. 15

1. Pourquoi attribuer un statut de prisonnier de guerre ?.............................................p.15 2. Les premières ébauches du statut de combattant………………………………….p. 16

B. De Bruxelles à Genève : la recherche d’un compromis…………………………………p.18 1. La Conférence de Bruxelles, révélatrice des difficultés à définir le belligérant

légitime……………………………………………………………………………………...p.18 2. A la recherche d’un compromis : les Conférences de la Haye (1899-1907) et de

Genève (1929)……………………………………………………………………………...p. 20 Paragraphe 2 : 1949 ou définir le combattant entre la logique d’État et la logique d’individu…………………………………………………………………………………..p. 21 A. Définir le combattant dans un cadre étatique…………………………………………..p. 21.

1. Protéger chaque personne impliquée dans un conflit armé international…………p. 21 2. Le cas des « membres des forces armées régulières qui se réclament d’un

gouvernement ou d’une autorité non reconnue par la puissance détentrice »…………….p. 22 B. Un cadre étatique trop étroit pour définir le combattant………………………………..p. 22

1. « La résistance organisée » : un compromis entre la logique d’État et la logique d’individu…………………………………………………………………………………..p. 22

2. Le partisan isolé : l’échec de la logique étatique………………………………….p. 23 Section 2 : 1977 : une rupture dans la continuité..................................................................p. 25 Paragraphe 1 : La réaffirmation du respect des lois et des coutumes de la guerre dans les conflits armés……………………………………………………………………………....p. 25 A. Les lois et coutumes de la guerre s’appliquent à tous…………………………………..p. 25

1. Le contexte de l’élaboration des Protocoles additionnels………………………...p. 25 2. Le respect des lois et coutumes de la guerre par tous……………………………..p. 26

B. Le principe de distinction civil/ combattant réaffirmé……………………………….....p. 27 1. Les conditions que tous mouvements de combattants doivent satisfaire (article 43 du

Protocole additionnel I)…………………………………………………………………….p. 27 2. Les conditions que tout combattant doit respecter (article 44 du Protocole additionnel

I)……………………………………………………………………………………………p. 27 Paragraphe 2 : Vers une individualisation du statut de combattant………………………..p. 28 A. Dépasser le cadre étatique………………………………………………………………p. 28

1. L’extension de la notion de conflit armé international……………………………p. 29 2. L’extension de la notion de partie au conflit……………………………………...p. 29

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B. La définition du combattant…………………………………………………………….p. 30

1. Le droit de participer directement aux hostilités………………………………….p. 30 2. L’attribution du statut de prisonnier de guerre…………………………………....p. 30

Chapitre 2 : Le statut de combattant à l’épreuve du temps...........................................p. 32 Section 1 : Pertinence de la notion de conflit armé international………………………….p. 32 Paragraphe 1 : La guerre asymétrique……………………………………………………...p. 32 A. Définition……………………………………………………………………………….p. 32

1. Logiques et caractéristiques……………………………………………………….p. 32 2. Un avenir prometteur……………………………………………………………...p. 33

B. Les relations entre les acteurs de ce nouveau type de guerre…………………………...p. 35 1. Le problème de la légitimité entre les parties……………………………………..p. 35 2. L’échec du principe de réciprocité anticipée…………………………………….. p. 36

Paragraphe 2 : Les conséquences juridiques de cette nouvelle guerre……………………..p. 36 A-.Quelle qualification juridique pour cette nouvelle guerre ?.............................................p. 36

1. Existe-il des parties au conflit ?...............................................................................p. 36 2. Entre conflit armé et crime organisé………………………………………………p. 37

B-Quel type de conflit ?........................................................................................................p. 38 1. Pertinence de la distinction conflit armé international/ conflit armé non

international………………………………………………………………………………..p. 38 2. Conséquences juridiques………………………………………………………….p. 39

Section 2 : Pertinence de la notion de « participation directe aux hostilités »…………….p. 41 Paragraphe 1 : De nouveaux acteurs dans les conflits armés……………………………...p. 41 A. L’abandon du monopole de la violence légitime par les États occidentaux…………...p. 41

1. Les nouvelles contraintes des armées occidentales………………………………p. 41 2. Le recours à l’externalisation……………………………………………………..p. 42

B. L’échec de l’État- nation dans de nombreuses régions du Monde……………………..p. 43 1. L’État n’a pas le monopole de la violence légitime………………………………p. 43 2. La « démilitarisation » des acteurs……………………………………………….p. 44

Paragraphe 2 : La notion de « participation directe aux hostilités » à l’épreuve de la réalité……………………………………………………………………………………….p. 45 A. Définir la « participation directe aux hostilités »……………………………………….p. 45

1. Une définition fonctionnelle ou d’appartenance ? ……………………………….p. 45 2. L’absence de définition…………………………………………………………...p. 46

B. Les sociétés militaires privées au prisme de la participation directe aux hostilités…….p. 46 1. Définition des membres des sociétés militaires privées…………………………..p. 46 2. Les conséquences juridiques pour les membres des sociétés militaires privées

capturés…………………………………………………………………………………….p. 48 Partie 2 : Revisiter la notion de combattant……………………………………….……p. 50 Chapitre 1 : La dualité d’interprétation de l’article 4………………………………....p. 50 Section1 : La pratique américaine : une interprétation restrictive........................................p. 50 Paragraphe 1 : À nouvelle guerre, nouvelle doctrine………………………………………p. 50 A. Une nouvelle guerre…………………………………………………………………….p. 51

1-Un nouveau contexte………………………………………………………………p. 51 2. « La guerre des trois blocs »………………………………………………………p. 51

B. Les personnes capturées : entre civil et combattant…………………………………….p. 52 1- Les prisonniers de guerre…………………………………………………………p. 52

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2. Les personnes capturées non couvertes par les Conventions de Genève……………………………………………………………………………………..p. 53 Paragraphe 2: La pratique américaine en Afghanistan…………………………………….p. 54 A-Existence d’un conflit armé commençant le 11 septembre……………………………..p. 54

1- Le 11 septembre : début d’un nouveau conflit armé……………………………...p. 54 2. L’absence de deux parties aux conflits……………………………………………p. 56

B. Les Talibans et les membres d’Al-Qaïda ne sont pas couverts par les Conventions de Genève……………………………………………………………………………………..p. 57

1. Les membres d’Al-Qaïda et les Talibans : ni civils, ni combattants……………...p. 57 2. Appréciation d’une telle situation…………………………………………………p. 58

Section 2 : La théorie du CICR : le droit des conflits armés s’appliquent aujourd’hui……p. 60 Paragraphe 1 : Les conflits actuels ne remettent pas en cause le droit des conflits armés…p. 60 A- Le concept de « guerre contre le terrorisme » n’existe pas……………………………..p. 60

1. Approche historique de la relation guerre et terrorisme…………………………..p. 60 2-Définition juridique du terrorisme…………………………………………………p. 61

B. La classification conflit armé international/ conflit armé non international, s’applique aux conflits armés contemporains………………………………………………………………p. 62

1. L’existence d’un conflit armé……………………………………………………..p. 62 2. La distinction entre conflit armé international et conflit armé non international…p. 62

Paragraphe 2 : Les Conventions de Genève couvrent les personnes capturées en Afghanistan………………………………………………………………………………...p. 63 A. Statut des personnes capturées……………………………………………………….....p. 63

1. Les Talibans : prisonniers de guerre…………………………...………………….p. 63 2. Les membres d’Al-Qaïda : des civils internés ?......................................................p. 64

B-Appréciation d’une telle approche………………………………………………………p. 65 1. Les points positifs…………………………………………………………………p. 65 2. Les points négatifs………………………………………………………………...p. 65

Chapitre 2 : Vers une nouvelle définition du combattant……………………………...p. 67 Section 1 : L’apport de la notion d’intérêt mutuel………………………………………...p. 67 Paragraphe 1 : L’intérêt mutuel………………………………………………...………….p. 67 A-Définition……………………………………………………………………………….p. 67

1. L’intérêt mutuel est différent de la réciprocité…………………………………...p. 67 2. La notion d’intérêt mutuel dans les conflits armés d’aujourd’hui………………..p. 68

B- Pertinence de la notion d’intérêt mutuel…………………………………………….....p. 69 1. Les réalités humaines……………………………………………………………..p. 69 2. Les contraintes matérielles………………………………………………………..p. 70

Paragraphe 2 : Application de l’intérêt mutuel à deux conflits armés……………………..p. 71 A. La guerre du Yémen…………………………………………………………………....p. 71

1. Un cadre juridique mal déterminé………………………………………………...p. 72 2. Le traitement des personnes capturées……………………………………………p. 72

B. La guerre du Vietnam…………………………………………………………………..p. 73 1. Une situation juridique controversée……………………………………………..p. 73 2. Les personnes capturées : entre vide juridique et protection de prisonnier de

guerre………………………………………………………………………………………p. 74 Section 2 : La redéfinition du combattant au prisme de la Coutume……………...………p. 76 Paragraphe 1 :L’élargissement du champ d’application…………………………………...p. 76 A- Un cadre d’application trop étroit……………………………………………………....p. 76

1. Au regard des conflits armés internationaux……………………………………...p. 76 2. L’existence de moyens légaux pour dépasser ce cadre……………………….......p. 77

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B-L’élargissement à la lumière de la Coutume……………………………………………p. 78 1. Tout participant à un conflit a des devoirs propres……………………………….p. 78 2. Tout participant à un conflit a des droits particuliers……………………………..p. 78

Paragraphe 2 : Contenu et conséquences d’une redéfinition………………………………p. 79 A- L’apport conceptuel…………………………………………………………………….p. 79

1. Un apport doctrinal attendu………………………………………………………p. 79 2. Assurer l’efficience de cet apport doctrinal………………………………………p. 80

B- La Portée d’une redéfinition……………………………………………………………p. 81 1. Réaffirmer la place unique du combattant………………………………………..p. 81 2. Garantir la protection de tous……………………………………………………..p. 82

Conclusion générale………………………………………………………………………p. 84 Table des Annexes………………………………………………………………………...p. 87 Annexe 1…………………………………………………………………………………...p. 88 Annexe 2…………………………………………………………………………………...p. 89 Annexe 3…………………………………………………………………………………...p. 90 Annexe 4…………………………………………………………………………………...p. 92 Annexe 5…………………………………………………………………………………...p. 93 Annexe 6. ………………………………………………………….....................................p. 94 Annexe 7. ………………………………………………………………………………….p. 95 Annexe 8…………………………………………………………………………………...p. 96 Annexe 9…………………………………………………………………………………...p. 99 Annexe 10……………………………………………………………………………..….p. 100 Source et bibliographie……………………………………………………………….....p. 101 Index des noms de lieux et de personnes…………………………………………….....p.107 Table des matières……………………………………………………………...……….p. 110