public disclosure authorized - world bank · 2016. 7. 8. · 4. l’espoir. the world bank magazine...

32
1 L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006 Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized

Upload: others

Post on 28-Jan-2021

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 1L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006

    Pub

    lic D

    iscl

    osur

    e A

    utho

    rized

    Pub

    lic D

    iscl

    osur

    e A

    utho

    rized

    Pub

    lic D

    iscl

    osur

    e A

    utho

    rized

    Pub

    lic D

    iscl

    osur

    e A

    utho

    rized

    Pub

    lic D

    iscl

    osur

    e A

    utho

    rized

    Pub

    lic D

    iscl

    osur

    e A

    utho

    rized

    Pub

    lic D

    iscl

    osur

    e A

    utho

    rized

    Pub

    lic D

    iscl

    osur

    e A

    utho

    rized

    wb231615Typewritten Text74480

  • The World Bank Magazine - Abidjan / N° 0062 L’espoir

    801 BP 1850Abidjan 01, Côte d’IvoireTel : (225) 22 40 04 00Fax : (225) 22 40 04 [email protected] du Bureau Régional de la Banque mondiale (Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo, Bénin)

    Directeur de la PublicationPublisherMadani M. Tall

    Rédacteur en ChefEditor in chiefEmmanuel Noubissie Ngankam

    Rédacteur en Chef adjointEditorTaleb Ould Sid’Ahmed

    RelectureEditingMarie France Anet

    Comité EditorialEditorial BoardMadani M. TallLorenzo BertoliniIssa DiawMariko PhanseTaleb Ould Sid’AhmedMarie France AnetSaidou DiopEmmanuel Noubissie Ngankam

    CollaborationHerbert Yusimbom BohSylvie NÉNONENE

    Graphisme et ImpressionDesign and PrintingSNPECI

    SOMMAIREL’ÉVÈNEMENT

    DOSSIER

    4

    30

    20

    28

    La Zone Franc CFA face à la Crise Européenne

    Les enjeux de la réconciliation nationale

    en Côte d’Ivoire

    Burkina FasoPlaidoyer pour plus

    d’efficacité de l’Aide Publique au Développement

    revue du Portefeuille de la Banque mondiale au Bénin

    Mettre l’accent sur les résultats

    ZOOM SURL’ENSEA d’Abidjan

    Une étoile dans la nuit noire

    INSIDE THE BANKamadou ibrahim,

    Pourquoi je suis revenuà la Banque mondiale

    BANK IN ACTION

  • 3L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006

    Crises et opportunités Crisis and opportunities

    Par / By Madani M. TallÉ D I T O R I A L

    Je voudrais tout d’abord m’acquitter de l’agréable devoir de vous présenter mes vœux les meilleurs pour l’année 2012 et souhaiter que cette année apporte à chacun d’entre vous, santé et paix profonde.2011 a été une année difficile certes, mais elle aurait pu être pire pour les populations des pays dont mon équipe et moi avons la charge au nom de la Banque mondiale. La Côte d’Ivoire aurait pu s’embraser, les hoquets sociaux et les mouvements d’humeurs dans les rangs de l’armée auraient pu faire vaciller le Burkina Faso, l’élection présidentielle au Bénin était annoncée comme étant celle de tous les dangers, les grands chantiers de la transformation économique, sociale et politique du Togo restent ouverts bien que ce pays soit redevenu attractif comme nous le montrons en pages 25-27 de votre magazine.

    2012 sera, selon certains experts, bien plus difficile encore. La crise de la zone Euro qui n’a pas fini de révéler son ampleur, nous interpelle tous et singulièrement les dirigeants de nos pays. En pages 4 et 5, nous appelons à l’urgence de la pensée et de l’action en vue de prévenir certaines externalités de cette crise qualifiée de « la plus grave depuis la seconde guerre mondiale ». Au-delà de son caractère inouï, cette crise pourrait être une opportunité pour certains pays africains ayant des liens particuliers avec la zone Euro.Plus spécifiquement, la Côte d’Ivoire qui polarise encore les attentions du fait entre autres, de son rôle moteur en Afrique de l’Ouest, est engagée dans un ardu processus de normalisation dont l’une des dimensions, sans doute la plus prégnante et la plus complexe, est la réconciliation nationale. Nous y consacrons un volumineux dossier de 12 pages avec à la clé une interview de M. Charles Konan Banny, Président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR). Ce dossier est une contribution à la réflexion et n’a aucune prétention à l’exhaustivité tant la réconciliation, loin d’être de la seule responsabilité d’un individu ou d’une institution, est une quête multidimensionnelle qui requière la somme de toutes les intelligences, de toutes les compétences et de toutes les bonnes volontés. L’aboutissement de cette quête témoignera de la capacité ou non des Ivoiriens à transformer une décennie de crise en une formidable opportunité de création d’une nation.

    First, it is a pleasure for me to wish you the best for 2012. I hope this New Year brings to all of you health and inner peace. 2011 was certainly a difficult year, but it could have been worse for people in the countries my team and I are in

    charge of on behalf of the World Bank. Côte d’Ivoire could have blazed up; social hiccups and bitter mood in the army could have shaken Burkina Faso; the presidential election in Benin was heralded as that of all the dangers; the major economic, social and political transformations in Togo still to be completed even though this country has become attractive again as described on pages 25-27 of your magazine 2012 will, according to some experts, be even more difficult. The Euro zone crisis, which has not yet revealed its magnitude, is a challenge for all of us, particularly for the leaders of our countries. On pages 4 and 5, we are calling for urgent thinking and action to prevent some externalities of that crisis called “the worst since the second World War”. Beyond its unprecedented character, this crisis could be an opportunity for some African countries with special ties to the Euro zone.More specifically, Cote d’Ivoire, which is still the focus because of, among other things, its leading role in West Africa, is engaged in an arduous normalization process, one of whose dimensions, perhaps the most vivid and and the most complex, is the national reconciliation. We have devoted to this theme a 12-page analysis and commentary, including an interview with Mr. Charles Konan Banny, President of the Dialogue, Truth and Reconciliation Committee (CDVR). This article is a contribution to the debate and does not claim to be a comprehensive one, as reconciliation, far from being the sole responsibility of an individual or an institution, is a multidimensional quest that calls for everyone’s intelligence, competences and goodwill. The outcome of this quest will demonstrate the Ivorians’ ability or inability to turn a decade of crisis into a tremendous opportunity for the creation of a nation.

  • The World Bank Magazine - Abidjan / N° 0064 L’espoir

    le 21 Novembre 2011, un quotidien ivoirien jette un gros pavé dans la marre en annonçant la dévaluation imminente du Franc CFA. Dans un style révélateur de ses motivations, le journaliste étaye son article d’arguments et de détails dont la date exacte à laquelle interviendra la déferlante. Grace à la magie du web, l’information fait le tour du monde créant un buzz sur la toile. Une panique à la dimension du traumatisme provoqué par la dévaluation de 1994, s’empare des citoyens et des opérateurs économiques des 14 pays de la zone F CFA, panique amplifiée par le silence des ministres des finances et autres banquiers centraux qui semblent minimiser la portée et les effets dévastateurs de l’information. Les déclarations à l’emporte-pièce de certains officiels dont quelques-uns (et pas des moindres) n’hésitent même pas à évoquer les aspects positifs d’un éventuel ajustement monétaire, en rajoutent à la confusion. Les scénarios les plus alarmistes sont échafaudés et on assiste, médusé, à une gestion hésitante de l’information tant par les autorités monétaires nationales que par les deux Banques Centrales de l’UEMOA1 et de la CEMAC2 que sont la BCEAO3 et la BEAC4.S’il est évident que le faux « scoop » du journal Notre Voie a d’autres motivations qu’économiques et monétaires, il faut cependant lui reconnaitre, à tout le moins, le mérite d’avoir sonné le tocsin tout en attirant l’attention, sans le savoir ni le vouloir, sur un problème essentiel et de fond qu’est la gestion de la monnaie dans les pays de la zone CFA et l’avenir de cette zone monétaire à l’orée de la crise de l’Euro.

    1 - Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest qui comprend huit pays : La Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Togo, le Niger, le Burkina Faso, le Bénin, le Mali et la Guinée Bissau2 - Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale composée de six pays : Le Cameroun, le Tchad, le Congo Brazzaville, le Gabon, La République Centrafricaine et la Guinée Equatoriale

    3 - Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest 4 - Banque des Etats de l’Afrique Centrale

    La crise de l’endettement des pays européens qui s’avère être l’un des événements majeurs de l’année 2011, n’a hélas pas fini de révéler toutes ses dimensions et les mots commencent à manquer pour la décrire. Dans ses vœux aux Français le 31 décembre dernier, Nicolas Sarkozy ne s’est pas encombré d’euphémisme : « C’est une crise inouïe, sans doute la plus grave depuis la deuxième guerre mondiale », dit-il, emboitant le pas à la Chancelière allemande Angela Merkel qui, dans la même circonstance, prévient ses compatriotes de ce que « l’Allemagne va bien, mais l’année 2012 sera sans aucun doute plus difficile que celle qui s’achève ». Mais au-delà des mots, les maux persistent avec l’annonce officielle le 13 janvier 2012 de la dégradation de la note financière de neuf pays de la zone Euro dont… la France, par l’agence Standard and Poor’s. Si ce n’est pas (encore) le couperet, çà y ressemble. En fallait-il plus pour finir de rallier à la bérézina ambiante ceux qui doutent encore de la tragédie qui se joue sous nos yeux et qui a placé les pays de la zone Euro sous

    Ajustement Structurel? Voire ! Les faits et le langage de vérité de la part des deux principaux leaders du moteur européen démontrent à suffisance que le pronostic de Jacques Attali qui a pétrifié le monde entier en novembre dernier en annonçant que « la zone Euro ne passera pas Noel 2011 », n’a peut être été que retardé et la probabilité de sa réalisation reste forte et même très forte. Madame Christine Lagarde, Directrice Générale du Fonds Monétaire International (FMI) en a rajouté une couche lors de son séjour en Afrique du Sud au début du mois de janvier 2012 en prédisant une année particulièrement difficile pour les pays africains et singulièrement pour ceux ayant une relation privilégiée avec les pays de la zone Euro. Chaud devant !Au-delà des conséquences planétaires systémiques et cataclysmiques de la crise de la zone Euro, quel sera le sort des pays africains et singulièrement celui des 14 pays dont la monnaie commune le F CFA, est liée à l’Euro par un mécanisme tutélaire qui tire son essence du pacte colonial avec la France et consacré par le traité

    Par EMMANUEL NoUBISSIE NgANkAM

    La Zone Franc cFa Face à La crise européenne

    L’urgence de la penséeet de l’action

    Et si l’Euro était en péril…

  • 5L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006

    de Maastricht de 1992 instituant l’Union Economique et Monétaire européenne dont l’Euro est le principal socle ?Il importe de rappeler ici les fondements de ce qu’était alors la zone Franc et qui a survécu à l’avènement de l’Euro. Véritable héritage du découpage colonial de l’Afrique, le F CFA créé par la France le 26 décembre 1945, est depuis la mort du Franc Français le 1er janvier 1999, rattaché à l’Euro par une simple transposition des accords monétaires liant la France à 12 de ses anciennes colonies auxquelles se sont jointes la Guinée Equatoriale et la Guinée Bissau. Alors même que l’avènement de l’Union Economique et Monétaire européenne aurait dû ou pu sonner le glas de ces accords qui fondaient l’existence du Franc de la Communauté Financière Africaine en Afrique de l’Ouest (F CFA) émis par la BCEAO et le Franc de Coopération Financière en Afrique Centrale (F CFA) émis par la BEAC, la France a pu obtenir de ses partenaires européens une dérogation au traité de Maastricht qui en son article 109 stipule que « le conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut conclure des accords de taux de change avec des monnaies non-communautaires ». Par ailleurs, le protocole en annexe du traité prévoit à la demande de la France, qu’elle conserve le privilège d’émission dans les Départements et Territoires d’Outre-mer et qu’elle est habilitée à déterminer la parité du F CFA.Les accords monétaires évoqués plus haut, sont assis sur trois principes majeurs à savoir : (i) la parité fixe entre le F CFA et l’Euro sans aucune variation au jour le jour en fonction des demandes et offres de monnaies (1 Euro = 655,957 F CFA) ; (ii) la libre circulation des capitaux dans l’espace économique constitué par les 14 pays et la France, un principe qui, depuis le 2 août 1993, a été drastiquement restreint; et (iii) la convertibilité illimitée du F CFA garantie par la France. Cette garantie a une contrepartie majeure qui fonde de fait un quatrième principe qui est celui de la centralisation des réserves de change. Par ce principe, chacun des 14 pays est tenu d’ouvrir un Compte d’Opérations dans les livres du Trésor français, compte domicilié à la Banque de France et sur lequel sont déposés 50%5 des avoirs

    5 - Ce taux est passé de 100% à 65% puis à 50% depuis 2005

    extérieurs du pays. Les différents comptes d’opérations des Etats membres d’un même Institut d’Emission (BCEAO ou BEAC), se garantissant mutuellement. Ces principes qui fondent des Accords en vigueur depuis 1945 malgré quelques aménagements, sont aujourd’hui plus qu’ils ne l’ont jamais été, à l’épreuve des faits et des contraintes économiques. A la faveur de la crise de la zone Euro, la question monétaire dans les pays de L’UEMOA et de la CEMAC, devrait revenir au-devant de l’actualité en interpellant au premier chef les dirigeants de ces pays, les Gouverneurs des deux Instituts d’Emissions (BCEAO et BEAC), mais également les élites intellectuelles dont la discrétion pour ne pas dire le silence assourdissant face au cataclysme planétaire annoncé, devient pesant. Le cordon ombilical monétaire entre

    l’Europe (à travers la France) et les pays de la zone F CFA a créé un système de vases communicants qui consacre la vulnérabilité de ces pays aux maux dont souffrirait la zone Euro. Au milieu de ce silence, quelques voix quand même, dont celle de Kako Nubukpo6 qui dans une tribune publiée sur le site Ouestafnews, démontre l’inopportunité d’un ajustement monétaire (dévaluation du F CFA) dans le contexte actuel et pose « la question plus globale de la pertinence du régime de change et du coût d’une gestion monétaire extravertie pour les populations de l’UEMOA ». D’un point de vue strictement économique, le Pr Nubukpo suggère «un système de change flexible qui aurait alors l’avantage d’assurer aux autorités de la BCEAO un apprentissage progressif de la gestion monétaire et d’envoyer par le biais d’un taux de change moins rigide des signaux réguliers aux populations de la zone sur l’état de leurs économies…». Pour l’économiste Togolais, outre la question du régime de change

    6 - Kako Nubukpo est agrégé d’Economie et chef du pole analyse économique et recherche de la Commission de l’UEMOA

    entre le F CFA et l’Euro, le véritable enjeu pour les pays de l’UEMOA est « d’envisager les modalités concrètes de réalisation de la monnaie unique pour l’ensemble de la CEDEAO7 qui devrait être effective en 2020. Dans cette perspective, il convient de lever les symboles historiques permettant de dépasser un clivage entre francophones et anglophones qui n’a plus lieu d’être ». Le problème de la rigidité du taux de change est corroboré par d’autres acteurs de premier plan dont Jean-Michel Severino, ancien Directeur Général de l’Agence Française de Développement (AFD) qui dans l’édition 2659 de l’hebdomadaire Jeune Afrique rappelle que si le F CFA « a défavorisé les exportations des pays africains, ce n’est pas tant son niveau que son régime qui est en cause, car celui-ci induit une évolution monétaire déconnectée de la conjoncture

    africaine ». Il faudra, prescrit-il, « que les responsables africains réfléchissent sereinement aux bons mécanismes à lui substituer, mais qui ne devront ni mettre fin à l’union monétaire régionale ni couper totalement le lien entre l’Euro et le F CFA ». Serge Michailof, un autre ancien de l’AFD et de la Banque mondiale enfonce le clou lorsqu’il relève que « le F CFA surévalué a joué un rôle très négatif, mais surtout son caractère déresponsabilisant qui a été nuisible

    car il est piloté par l’ancienne puissance coloniale». Ce qui est dit est dit !En tout état de cause, les dirigeants des pays africains de la zone CFA ne peuvent plus se permettre d’être indifférents à ce qui se passe en Europe. Ils ne peuvent plus se permettre l’économie d’une réflexion courageuse et dépouillée de toute considération émotionnelle, sur la monnaie et son statut dans leurs économies. Au moment où la zone Euro tangue, ils auront le choix entre d’une part (i) agir en anticipant le Tsunami annoncé et en tirant au passage toutes les leçons de la crise européenne notamment en ce qui concerne les dures lois de la gestion des finances publiques, et d’autre part (ii) subir les externalités d’une catastrophe dont ils ne sont en rien responsables tout laissant passer une fois de plus l’opportunité historique de remise à plat d’un système qui a peut être fait son temps.

    7 - Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest qui comprend 15 pays (dont les 8 de l’UEMOA) et est peuplée de près de 300 millions d’habitants

    Au moment où la zone Euro tangue, les dirigeants de la zone franc Cfa auront le choix entre agir en anticipant le Tsunami annoncé ou subir les externalités d’une catastrophe dont ilsne sont en rien responsables.

  • The World Bank Magazine - Abidjan / N° 0066 L’espoir

    By EMMANUEL NoUBISSIE NgANkAM

    On November 21, 2011, an Ivorian daily threw a big cat among the pigeons by announcing the imminent devaluation of the CFA franc. In a style that reveals his motivations, the journalist supported his thesis with arguments and details including the specific date on which the tidal wave would occur. Thanks to the magic of the web, the information has gone around the world creating a buzz on the web. Panic commensurate with the scope of the trauma caused by the 1994 devaluation has struck citizens and economic operators in the 14 CFA zone countries. That panic has been exacerbated by the guilty silence of finance ministers and other central bankers who seem to minimize the scope and the devastating effects of the information. Some officials make hasty statements; some of whom (not the least) do not even hesitate to underscore the positive aspects of a possible currency adjustment, thus adding to the confusion. The most alarmist scenarios are constructed and here we are, dumbfounded at this ineffective information management by both national monetary authorities and the two WAEMU1 and CEMAC2 central banks that are BCEAO3 and BEAC4 respectively. While it is clear that the false scoop of the newspaper “Notre Voie” has motives other than economic and monetary ones, it is necessary to, at least, recognize its merit of ringing the alarm while, unintentionally or unknowingly, drawing attention to an important and critical issue, i.e. the management of the currency in the CFA

    1 - West African Economic and Monetary Union, which includes eight countries: Cote d’Ivoire, Senegal, Togo, Niger, Burkina Faso, Benin, Mali and Guinea Bissau2 - Central African Economic and Monetary Community comprising six countries: Cameroon, Chad, Congo Brazzaville, Gabon, Central African Republic and Equatorial Guinea3 - Central Bank of West African States4 - Bank of Central African States

    zone countries and the future of the currency on the brink of the Euro crisis.The debt crisis in European countries, which happens to be one of the major events of 2011, has unfortunately not finished revealing all its dimensions and no words could be equal to the task of describing it. In his Happy New Year wishes to the French on December 31, Nicolas Sarkozy was straightforward: “This is an unprecedented crisis, probably the worst since World War II,” he said, striking step with German Chancellor Angela Merkel who, in the same circumstance, warned her countrymen: “Germany is fine, but the year 2012 will undoubtedly be more difficult than the one that is ending.” But beyond the words, the problems persist with the official announcement, on January 13, 2012, of Standard & Poor’s downgrading of the financial ratings of nine euro zone countries including France. Even if this is not the chopping block (yet), it looks like it. Were more words needed to convince those who still did not want to believe in the tragedy unfolding under their very eyes, a tragedy that has put the euro zone countries

    under structural adjustment? I doubt it. In any case, facts and the language of truth of the leaders of the EU’s top two countries amply demonstrate that the forecast of Jacques Attali, who petrified the whole world last November when he announced that “the Euro zone will not survive beyond Christmas 2011,” was just delayed and that the likelihood of its occurrence remains strong and even very strong. Mrs. Christine Lagarde, Managing Director of the International Monetary Fund (IMF), has added a layer during her stay in South Africa at the beginning of January 2012 by predicting a particularly difficult year for African countries, and especially for those with a privileged relationship with countries of the Euro zone. Watch out ahead!Beyond the global systemic and cataclysmic consequences of the crisis in the Euro zone, what is the fate of African countries and particularly that of the 14 countries whose currency, the CFA, is pegged to the Euro by a guardian mechanism which draws its essence from the colonial pact with France and is enshrined in the 1992 Maastricht Treaty establishing the European Economic

    The cFa Franc Zone coping wiTh The european crisis

    Urgency of thoughtand action

    What future for cfa franc ?

  • 7L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006

    and Monetary Union of which the Euro is the main base ? It is important to recall here the foundations of what the Franc zone was then and which has survived the introduction of the Euro. A true legacy of the colonial division of Africa, the CFA, created by France on December 26, 1945, has, since the death of the French Franc on January 1, 1999, been pegged to the Euro by a simple transposition of the monetary agreements between France and 12 of its former colonies joined by Equatorial Guinea and Guinea Bissau. The advent of the European Economic and Monetary Union should or could have heralded the death of these agreements on which the existence of the West African Financial Community Franc (CFA) issued by BCEAO and the Central African Financial Cooperation Franc (CFA) issued by BEAC, but France was able to get a derogation from its European partners for the Maastricht Treaty, which in Article 109 stipulates: “the Council may, acting unanimously on a recommendation from the Commission, conclude formal agreements on an exchange rate system with non-Community currencies.” Moreover, the protocol annexed to the Treaty provides, at the request of France, that it retains the privilege of issue in its Overseas Departments and Territories and is entitled to determine the parity of the CFA.The monetary agreements mentioned above are based on three main principles: (i) a fixed parity between the CFA and the Euro without any day to day variation that would depend on currency supply and demand (1 Euro = 655.957 CFA), (ii) the free movement of capital in the economic area consisting of the 14 countries and France, a principle which, since August 2, 1993, has been drastically restricted, and (iii) the unlimited convertibility of the CFA guaranteed by France. This warranty is a major consideration which establishes a de facto fourth principle, which is the centralization of the foreign exchange reserves. Per this principle, each of the 14 countries is required to open an Operations Account in the books of the French Treasury. That account is held at the Banque de France and 50%5 of the country’s foreign

    5 - That rate decreased from 100% to 65%, then to 50% in 2005.

    assets are deposited into it. The various operations accounts of the member states of the same Issuing Institution (BCEAO or BEAC) guarantee each other. Despite some adjustments, these principles, on which the agreements in force since 1945 have been based, are, today more than they have ever been, tested by facts and economic constraints. In the light of the crisis in the Euro zone, the monetary issue in WAEMU and CEMAC countries should become topical again by calling, first and foremost, on the leaders of these countries, the Governors of the two Issuing Institutions (BCEAO and BEAC), but also on the intellectual elites whose discretion, if not deafening silence, in the face of the global cataclysm announced, is becoming heavy. The monetary umbilical cord between Europe (through France) and

    CFA zone countries has created a system of communicating vessels that aggravates their dependence and vulnerability. In the midst of this silence, still a few voices, including that of Kako Nubukpo, who, in an article published on the Ouestafnews website, demonstrates the inappropriateness of a currency adjustment (devaluation of the CFA) in the current context and raises “the broader question of the relevance of the exchange rate regime and the cost of an externally-based currency management for the WAEMU people.” From a strictly economic point of view, Professor Nubukpo6 suggests “a flexible exchange rate system which would then have the advantage of gradually teaching monetary management to BCEAO authorities and sending, through a less rigid exchange rate, regular signals to the people of the area on the state of their economies ...” For that

    6 - Kako Nubukpo is an Associate Professor of Economics and Head of the Economic and Re-search Analysis Node of the WAEMU Commission.

    Togolese economist, in addition to the issue of the exchange rate regime between the CFA and the Euro, the real challenge for WAEMU countries is to “consider the practical arrangements for implementing the single currency for all ECOWAS7 countries, which should be effective in 2020. In this prospect, it is appropriate to remove the historical symbols so as to overcome the historical split between Francophones and Anglophones which has no reason to exist anymore”. Jean-Michel Severino, former Director General of the French Development Agency (AFD), and other leading key players corroborated the issue of exchange rate rigidity. Mr. Severino, in the 2659 issue of the weekly Jeune Afrique recalls that while the F CFA “has penalized African countries’ exports, it is not due so much to its level but to its regime, as it

    leads to a monetary development disconnected from the African situation”. He proposes “that African leaders must think calmly of the right mechanisms to replace it, but these mechanisms should neither put an end to the regional monetary union nor totally cut off the link between the Euro and the F CFA”. Serge Michailof, another former employee of the AFD and the World Bank drives home the point, stating that “the overvalued F CFA has played a negative role, but most importantly its

    disempowering character has been harmful, for it is controlled by the former colonial power”. What is said is said! In any case, African leaders of the CFA zone can no longer afford to be indifferent to what is happening in Europe; they can no longer shy away from courageous brainstorming, devoid of all emotional considerations, on the currency and its status in their individual economies. While the euro zone is pitching, they will have to choose between; (i) acting in anticipation of the predicted Tsunami by drawing all the lessons from the European crisis, particularly with respect to the harsh laws of public finance management, and (ii) undergo the externalities of a disaster they in no way bear responsibility for while missing, once again, a historic opportunity to overhaul a system which has seen its days.

    7 - Economic Community of West African States, which comprises 15 countries (including the 8 WAEMU countries) and has a population of nearly 300 million.

    While the euro zone is pitching, cfa zone leaders will have to choose between acting in anticipation of the predicted Tsunami or undergo the externalitiesof a disaster they in no waybear responsibility.

  • The World Bank Magazine - Abidjan / N° 0068 L’espoir

    DOSSIER Par TALEB oULD SID’AhMEDDOSSIER

    Après près de 15 ans de crises multiformes qui ont déstructuré la société ivoirienne, laissant des plaies béantes et des traumatismes profonds, l’heure est à la réconciliation. La Réconciliation Nationale, tout le monde la veut, tout le monde en parle, parfois avec des mots qui hélas ne traduisent pas toujours le langage de l’apaisement et de la vérité ; Ce qui peut être compris comme des réminiscences de nombreuses années de haine enfouie. Quelle que soit la charge émotive que véhiculent ces mots, l’expression du besoin, du désir et de la quête de la réconciliation semble partagée par l’immense majorité des ivoiriens. C’est en tout cas notre vœu dont l’une des manifestations est un dossier que nous consacrons au thème de la réconciliation en Côte d’ Ivoire. Il s’agit en fait d’un débat que nous ouvrons sur des questions diverses tels la Gouvernance, l’Houphouétisme, la relance économique etc. Nous donnons également la parole à M. Charles Konan Banny, Président de la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR), et à quelques jeunes ivoiriens qui espèrent d’un avenir meilleur pour leur pays.Ont contribué à ce Dossier : Madani M. TallEmmanuel Noubissié NgankamTaleb Ould Sid’ahmedRobert YunguJean-Noël Gogoua

    Gouvernanceet Réconciliationen Côte d’Ivoire

    les enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

    la Côte d’Ivoire semble à la croisée des chemins et voudrait définitivement tourner le dos au passé à travers entre autres, un processus de réconciliation dont le Président

    Ouattara en a fait sa seconde priorité après la sécurité. Ce processus qui se veut inclusif nécessitera certes un engagement individuel de chaque citoyen, mais plus que jamais, exigera de l’Etat incarné par les pouvoirs publics et les institutions de la République, une gestion irréprochable des ressources, de toutes les ressources nationales. C’est ici qu’apparait l’enjeu de la Gouvernance dans le processus de réconciliation.Le concept de Gouvernance dont la définition revêt une certaine complexité, est fondu dans un cadre normatif unanimement accepté par tous les spécialistes. Ce cadre est assis sur le triptyque Participation, Transparence et Redevabilité ou obligation de rendre compte. Avant de revisiter ce triptyque à l’aune de la réconciliation, quelques repères nous donnent la perception qu’ont un certain nombre d’institutions de renom, de l’état de la Gouvernance en Côte d’Ivoire. Selon l’indice de la qualité de gouvernance de la fondation Mo Ibrahim, la Côte d’Ivoire se situe à la 46ième place sur 53 en Afrique, très loin derrière le Ghana voisin qui occupe la 7ième place. L’Indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International, classe la Cote d’Ivoire au 154ième rang au monde sur 183 avec une note de 2,2 sur 10. Loin derrière le Ghana qui occupe le 69ième rang. Ces perceptions d’institutions internationales ne sont que le reflet d’une situation interne dont l’amélioration pourrait favoriser le « vivre ensemble » que les ivoiriens ont perdu et qui était pourtant leur marque de fabrique.Pour ce qui est de la participation, elle renvoie entre autres, à la notion de décentrement qui permet au citoyen à travers son représentant, de participer effectivement à la prise de décision ainsi qu’à la mise en œuvre de celle-ci. Cette participation se fait à la fois par le biais des institutions (parlement, collectivités locales) et de la société civile dont le rôle de sentinelle est de plus en affirmé. Dans le contexte ivoirien, la mise

    en place de nouvelles institutions longtemps différée du fait de la crise, est fondamentale. Ces institutions se doivent d’être maquées non seulement du sceau de la légalité, mais également et surtout de celui de la légitimité populaire. Après l’élection présidentielle d’octobre et novembre 2010 dont l’épilogue est survenu après, hélas, une douloureuse et longue parenthèse, les législatives du 11 décembre 2011, il faut l’espérer, doteront la Côte d’Ivoire d’un parlement dont le rôle de législateur et de contrôleur de l’action gouvernementale sera légitimé par la pluralité des opinions qui s’y exprimeront. C’est à cette condition qu’il pourra porter fièrement le label de « Représentation Nationale » car, le parlement est le lieu par excellence de l’expression de la démocratie et de la diversité. Dans le même ordre d’idée, les prochaines élections municipales sont essentielles car elles permettront de désigner et de légitimer l’exécutif local qui, selon le degré de décentralisation admis par les lois de la République, constitue le creuset de la participation du citoyen à la gestion de son environnement immédiat. La commune est le lieu où se forgent la conscience démocratique et la participation à la gestion de la cité. Le Maire, le Conseiller Municipal sont les voisins ou les parents à qui mandat est donné de gérer les ressources de la petite communauté. En Côte d’Ivoire et ce pour des raisons diverses, la participation du citoyen à la base reste relativement faible si on s’en tient à une étude diagnostique sur la Gouvernance menée il y a un an par la Banque mondiale, étude qui montre que seulement un citoyen sur 18 participe à des initiatives publiques d’élaboration des budgets communaux. Dans une interview accordée au quotidien Fraternité Matin le 28 décembre 2011, le Président de l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI), Monsieur Francois Amichia, formulait les attentes du citoyen par rapport aux prochaines consultations municipales. Le degré de décentralisation (transfert de pouvoirs et de ressources) et la légitimité populaire des prochains exécutifs communaux, fonderont la volonté de réconciliation des populations dès lors

  • 9L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006

    DOSSIERDOSSIERles enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

    qu’à la base elles auront elles-mêmes légitimé le leadership local et auront la latitude de leur retirer leur confiance le cas échéant. L’enjeu est d’autant important pour le processus de réconciliation que la diversité socioculturelle a été malmenée voire instrumentalisée donnant naissance à un lexique où l’on retrouve des termes tels que autochtones, allochtones, allogènes. Le leadership local qui sortira des prochaines consultations municipale sera t-il dépouillé de ces considérations ?Pour ce qui est de la Transparence et de la Redevabilité qui complètent le trépied de la Gouvernance, elles sont des catalyseurs de la réconciliation dans un pays qui sort péniblement de dix années de crise militaro-politique marquée entre autres par une partition de fait du pays et une gestion hors budget d’une partie des ressources nationales et particulièrement dans l’ancienne zone CNO (Centre Nord-Ouest). Disons le sans ambages ; cette période a été marquée par un déni de transparence et de redevabilité que personne ne souhaiterait voir rééditer. Des velléités de survivance de cette période que l’on observe encore ici et là sont des actes qui confinent à de la défiance à l’autorité de l’Etat. Certes, on ne sort pas de dix ans de conflit armé comme si l’on descendait d’un ring de boxe c’est-à-dire en s’embrassant ; mais l’Etat qui a le monopole de la violence légitime se doit de faire valoir son autorité afin de rassurer à la fois les citoyens, les investisseurs

    et les partenaires économiques et financiers. Les survivances de la chienlit, même si elles sont à la marge, ne constituent pas moins des pesanteurs sur la voie de la réconciliation, tant elles font peser des soupçons sur l’impartialité de l’Etat. Sur un plan normatif, de nombreux chantiers restent ouverts

    notamment, le parachèvement de la réforme des marchés publics, source des plus grandes concussions, la poursuite de la réforme de la justice avec entre autres, la mise en place effective d’une cour des comptes, d’un tribunal du commerce, la participation plus active de la société civile à la gestion des affaires publiques notamment par l’accès aux comptes publics, la mise en place d’un cadre législatif et réglementaire contre la corruption etc. A cet effet, après l’adhésion à la Convention

    des Nations Unies contre la Corruption et l’élaboration de la Charte Ethique et d’un Code de Déontologie pour les membres du gouvernement, une loi sur la déclaration de la fortune des membres du Gouvernement, des élus et autres gestionnaires de la fortune publique, serait de nature à rassurer l’opinion publique sur les orientations nouvelles des autorités. De tels engagements, s’ils étaient effectivement appliqués sans faiblesse de quelle que nature que ce soit, emporteraient l’adhésion à une cause commune.

    Cred

    it pho

    to : J

    ean-M

    arie

    Wogn

    in

    La vice-présidente de la Banque mondiale magnifie la réconciliation.

    La participation, la transparence et la redevabilité sont des catalyseurs de la réconciliation dans un pays qui sort péniblement d’une longue crise marquée entre autrespar la partition du pays.

  • The World Bank Magazine - Abidjan / N° 00610 L’espoir

    en créant la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), le Président Alassane Ouattara a non seulement réalisé une

    promesse faite lors de sa campagne électorale, mais il a pris le risque d’ouvrir la boite de pandore qui pourrait livrer des vérités dont certaines ont été longtemps enfouies, dissimulées ou falsifiées. Au-delà des missions confiées à la CDVR dont le mandat est circonscrit dans le temps (deux ans), la réconciliation qui s’abreuve aux sources du dialogue et surtout de la vérité, interpelle TOUS les ivoiriens et singulièrement les élites intellectuelles qui se voient ainsi offrir une opportunité historique de mettre leur intelligence au service de la communauté, de jouer le rôle qui est le leur à savoir celui de phare, d’éveilleur de conscience et de gardien des valeurs. Exemple de réussite économique et d’intégration sociale, la Côte d’Ivoire qui sort péniblement d’une quinzaine d’années de crises multiformes, était pourtant bien partie si l’on s’en tient à l’apparente prospérité de ce pays dont le charismatique leader historique, Félix Houphouët-Boigny, avait fait des choix que d’aucuns croyaient bâtis sur du rock et qui ont d’ailleurs inspiré un cadre normatif dénommé Houphouétisme. La question de fond qui se pose à la CDVR et aux élites ivoiriennes aujourd’hui est celle de savoir si l’on peut raisonnablement comprendre les fondements des crises ivoiriennes en vue de les exorciser sans questionner, voire revisiter la philosophie politique qui a servi de socle à plus de trente

    années de règne sans partage du «Père de la Nation» ? Si cette ingénierie politique était si pertinente, d’où vient-il que l’héritage du « Vieux » ait été si lourd à porter au point où la Paix, valeur cardinale qu’il plaçait au-dessus de toutes les autres, ait été dévoyée et piétinée ?Véritable idéologie au sens marxiste du terme, c’est-à-dire un système de représentation sociale au service d’un dominant ou d’une classe dominante, l’Houphouétisme, dont se réclame aujourd’hui l’essentiel de la classe politique ivoirienne, avait une capacité mobilisatrice et fédérative assise certes, sur des valeurs telle la culture de la paix

    et du dialogue, mais l’Houphouétisme était selon l’un des éminents intellectuels africains, l’anthropologue et historien ivoirien Harris Memel-Fotê de regrettée mémoire, bâti sur un trépied constitué de : (i) l’ouverture sur l’extérieure dont l’une des retombées a été l’afflux de la main d’œuvre étrangère ayant contribué au « miracle » ivoirien ; (ii) la gestion patrimoniale des ressources publiques, conceptualisée par Jean-François Bayart. Cette forme de patrimonialisme assimilée par certains anthropologues à la philosophie du «Grilleur d’arachides» qui se gave à force de goutter pour apprécier la cuisson. Mais, n’est pas grilleur d’arachides qui veut. Il doit

    réconciliation en côte d’ivoire :

    Le président Félix Houphouet Boigny : il était la paix incarnée mais…

    Faut-il revisiter l’Houphouétisme ?«Pardonner ne signifie pas ignorer l’offense, ni camoufler d’une étiquette trompeuse un acte répréhensible. Pardonner signifie plutôt que la faute n’est pas un obstacle à la relation. Le pardon est le catalyseur qui créé les conditions nécessaires à un nouveau départ».Martin Luther King

    DOSSIER Par TALEB oULD SID’AhMEDDOSSIER les enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

  • 11L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006

    surtout appartenir à la clientèle politique, un réseau qui a fonctionné comme un rhizome ; (iii) le mythe de l’idéologie ethnocentrique de l’Etat et de l’idéologie aristocratique de l’ethnie.Ce troisième pilier a été questionné par Memel-Fotê qui part du constat que la Côte d’Ivoire est un patchwork d’une soixantaine d’ethnies regroupées en quatre grandes familles linguistiques que sont les Akan (Baoulé, Agni, Abron, Alladian, Avikam, Attié, Abbey et les lagunaires), les Kru (Bété, Wé, Dida, Bakwé, Guéré, Néyo), les Mandé (Malinké, Dan, Kwéni), les Voltaïques ou Gur (Sénoufo, Koulango, Lobi). Ces deux derniers groupes situés essentiellement dans la partie septentrionale du pays sont faussement assimilés aux Dioula (commerçants et musulmans selon l’imagerie populaire).Selon Memel-Fotê, Houphouët-Boigny qui était Akan (Baoulé) a assis son pouvoir sur le mythe de la prédisposition de ce groupe à exercer le pouvoir avec une prééminence pour les Baoulé et les Agni. Cette hiérarchisation extrêmement dangereuse car porteuse des germes de la frustration et de la division, a été vécue et acceptée pour ne pas dire tolérée pendant plus de trente ans, aidée en cela par la relative prospérité du pays et un système accommodant de redistribution de la rente.La vérité historique nous rappelle que dès le milieu des années 80, la première secousse tellurique que connait la Côte d’Ivoire, c’est la crise économique qui ébranle les bases du système rentier qui avait jusque là fonctionné sans heurt. Cette fissure dans la méthode Houphouët fait le lit d’une opposition politique qui donne de plus en plus de la voix face à un pouvoir usé et au « Vieux » fatigué et malade. La première salve est donnée en Octobre 1990 quand un Kru du nom de Laurent Gbagbo, ose l’inimaginable et obtient près de 20% de suffrage à la première élection présidentielle pluraliste. Certes La Baule est passée par là, mais c’est un véritable « Tsunami » que seule l’anthropologie politique de la Côte d’Ivoire permet de comprendre. La brèche est ainsi ouverte et ne se refermera plus jamais car la vulnérabilité du système est mise en évidence.

    L’Houphouétisme se délite et la société ivoirienne que l’on croyait parfaitement intégrée, révèle ses limites structurelles. Les événements s’enchainent : La mort du Vieux en 1993, précédée un an plus tôt par la publication de la « Charte du Grand Nord » qui ne fait aucun mystère des revendications de l’élite Mandé et Gur à ne plus jouer les seconds rôles au sein du PDCI et à prendre toute sa place sur la scène politique nationale. La création du RDR et les élections de 1995 pour lesquelles Alassane Ouattara est disqualifié, le coup d’Etat de Décembre 1999, le chiffon rouge de l’ivoirité, barbarie ethnonationaliste, construction intellectuelle revêche qui a causé tant de dégâts malgré la confession de certains de ses concepteurs et contemplatifs, les élections présidentielles de 2000 qui voient la consécration de …Laurent Gbagbo, un Kru (Bété), la rébellion de Septembre 2002, forme d’expression (?) des élites du Grand Nord, et l’épilogue d’Avril 2011 qui signe la fin d’une violente et meurtrière crise post-électorale et consacre l’accession à la magistrature suprême d’Alassane Dramane Ouattara, un « Dioula ». Qui l’eut cru ? Certes la Côte d’Ivoire a vacillé (pour ne pas dire plus), certes, la quête d’une nation et la cohésion sociale ont été éprouvées, mais sauf à être de mauvaise foi ou de lire l’histoire à l’envers, ce pays est resté debout grâce à certains piliers sur lesquels Houphouët-Boigny l’avait bâti. Mais ces piliers, pour solides qu’ils soient, pourraient ne pas résister au discours manichéen de certains pamphlétaires qui veulent qu’il y ait d’un côté de bons et de l’autre de mauvais Ivoiriens suivant que ceux-ci appartiennent à tel parti politique ou à telle ethnie. Tout en

    évitant l’Houphouétisme à rebours, ceux qui ont pris leur revanche sur l’histoire, ont l’impérieux devoir d’inviter les ivoiriens à se parler à eux-mêmes, sans faux-fuyant et sans pudeur. Il ne devrait pas avoir dans ce pays à qui la nature a tant donné, une caste de gouvernants et une de gouvernés. Il ne devrait pas avoir d’Ivoiriens à part et des Ivoiriens à part entière. Il ne devrait pas avoir ceux qui labourent et ceux qui moissonnent. L’aire de la rente, il faut l’espérer, est définitivement révolue et ce sera à chacun selon son travail et ses mérites. Il faut également l’espérer, l’heure de l’égalité des chances a sonné et que cette nouvelle donne sera portée non seulement dans le discours, mais dans les faits, l’exemple venant d’en haut.La réconciliation nationale appelle à un devoir de mémoire et même d’inventaire notamment de la part de tous ceux qui ont été formés au moule du PDCI-RDA et qui peu ou prou se sont réclamés ou se réclament encore de l’Houphouétisme dont les indéniables acquis ne sauraient justifier que soient tues ses carences voire ses perversions. L’ethnicisation outrancièrement dangereuse du pouvoir en a été et pour ceux qui contesteraient les thèses de Harris Memel-Fotê, ils devraient à tout le moins, avoir la grandeur de vue de reconnaitre que pour n’avoir pas été un Saint, le « Père de la Nation » a peut être commis la faute coupable de n’avoir pas pu, su, ou voulu mettre de l’ordre dans la maison Côte d’Ivoire avant de s’en aller. Que cette faute serve de leçon à ceux qui souhaitent, veulent et œuvrent pour que la Côte d’Ivoire se réconcilie avec elle-même. CQFD (Ce Qu’il Fallait Démontrer)

    DOSSIERDOSSIERles enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

    Le mythe de l’idéologie ethnocentrique de l’Etat et de l’idéologie aristocratiquede l’ethnie portait lesgermes de la crise.

  • The World Bank Magazine - Abidjan / N° 00612 L’espoir

    L’INvITé : ChArLES koNAN BANNyPrésident de la Commission Dialogue, vérité et réconciliation (CDvr)

    Monsieur le Président, la CDVR créée par ordonnance du Président de la République le 13 juillet 2011 a été officiellement portée sur les fonts baptismaux le 28 septembre 2011. Trois mois après, où en êtes vous avec la phase opérationnelle de votre mission ? La CDVR a-t-elle été dotée des moyens à la dimension des enjeux de son mandat ?La Commission ayant été instituée au milieu de l’année budgétaire 2011, la dotation de l’État en sa faveur n’a pas atteint pour l’instant la hauteur qu’on pouvait légitimement attendre. Mais les démarches en cours permettront, j’en suis persuadé, de corriger cette faiblesse. Ajoutons à cela que la Commission a sollicité le concours de quelques partenaires bilatéraux, multilatéraux et internationaux pour l’aider à mener à bonne fin la mission qui lui a été assignée. Ces requêtes donneront sûrement des résultats.

    L’ordonnance qui crée la CDVR stipule qu’elle a pour mission « d’œuvrer en toute indépendance à la réconciliation et au renforcement de la cohésion sociale entre toutes les communautés vivants en Cote d’Ivoire ». Cette ordonnance charge la CDVR d’élaborer une typologie des violations des droits humains susceptibles d’être l’objet de ses délibérations. Cette typologie a-t-elle été élaborée? Si oui, quelle est-elle ?La typologie des violations ne varie guère d’une crise à l’autre. On connaît les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les assassinats ciblés, les viols, les destructions de biens publics ou privés, les atteintes graves à la liberté, les enlèvements, la spoliation des biens, etc. Mais la commission n’est pas encore parvenue au stade de l’élaboration d’une typologie attestée par les faits. Il appartiendra aux commissions spécialisées qui seront mises en place, notamment celle chargée des investigations, de dire quels types de violations se retrouvent dans le cas ivoirien.

    Nommé à la tête de la Commission Dialogue et Réconciliation (CDVR) en mai 2011, Charles Konan Banny a le profil de l’emploi. Haut commis de l’Etat, il a un sens élevé de la chose publique. Ancien Gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), il connait mieux que quiconque, l’interpénétration entre la Côte d’Ivoire et la sous-région. Ancien Premier Ministre dans un contexte de crise de 2005 à 2007, qui mieux que lui connait les faces visibles et invisibles de la déstructuration de la société Ivoirienne ? Il a la réputation d’être élitiste et cassant ; peut être parce qu’il a horreur de la médiocrité. A l’abord, on découvre un homme certes extrêmement rigoureux, mais dont l’humanisme, les grandes qualités intellectuelles et le rêve qu’il entretien pour son pays, rappellent qu’il sort du moule de Houphouët-Boigny à qui il se réfère très souvent.

    DOSSIERDOSSIER Par TALEB oULD SID’AhMEDDOSSIER

    DOSSIERles enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire les enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

    Charles Konan Banny avec foi et détermination

  • 13L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006

    Les origines des crises ivoiriennes sont multiples. J’évoquerais ici le foncier notamment rural, l’exclusion sous toutes ses formes, la question identitaire, le déni de nationalité, la lute pour la conquête et l’exercice du pouvoir. Si la CDVR veut exorciser tous ces maux, elle ne pourra faire l’économie de scruter leurs racines. En a-t-elle les moyens ? Et puis, deux ans qu’est la durée de votre mandat, n’est ce pas un peu court pour ne pas dire impossible ?La Côte d’Ivoire n’en est pas à sa première tentative de recherche des origines de la crise qui la frappe depuis plus de 15 ans. On se souvient du Forum organisé en 2001 par l’ancien Président de la République, tout comme du projet de Forum de dialogue national conçu du temps où j’exerçais les fonctions de Premier ministre ! Toutes ces expériences ont permis de rassembler une importante documentation qui fera l’objet d’une revue critique de la part de la Commission avant que la Commission spécialisée chargée des questions heuristiques n’effectue ses propres recherches. Aurons-nous tout achevé en deux ans ? Le travail de la Commission ne sera jamais achevé ! La Côte d’Ivoire devra de toute façon se doter d’un observatoire qui donne l’alerte pour prévenir la survenue des crises dans notre pays.

    Dans une note intitulée « De l’Etat N’zassa1 à l’horizon national », vous placez le Pardon au cœur de la mystique de la réconciliation et vous déclarez « le succès de la mission de réconciliation passe par une exigence de réparation des préjudices subis ». N’y a-t-il pas là une sorte d’ambivalence entre l’impérieuse nécessité du pardon et l’exigence de réparation des préjudices ?Au contraire ! La réparation des préjudices subis ouvrira la voie

    1 - Appellation donnée en Côte d’Ivoire aux pagnes bigarrés confectionnés

    par le recollement de plusieurs morceaux d’autres

    au pardon accordé par les victimes des exactions. Les victimes seront elles-mêmes convaincues de la nécessité de pardonner à leurs bourreaux si ces derniers reconnaissent leurs fautes et rendent ainsi possible la réhabilitation de ceux qu’ont affectés leurs actes répréhensibles.

    Monsieur le Président, vous n’avez de cesse de rappeler que la mission de la CDVR n’interfère pas avec celle de la justice. Pourriez-vous clarifier cette démarcation ? Dans le contexte ivoirien et au regard du profil de tous ceux qui ont été peu ou prou impliqués dans des actes d’atteinte aux droits humains, peut-on envisager la réconciliation sans amnistie ?Chacun doit accepter de répondre des fautes ou des crimes qu’il a commis. En outre, le rétablissement de la cohésion sociale et le maintien de la paix passent nécessairement par la sanction des fautes. L’impunité, à l’inverse, menace la cohésion sociale et conduit à l’enracinement de la violence et des violations des droits humains.

    Qu’est-ce que l’amnistie, sinon la rémission des fautes ? Pardonner, c’est en quelque sorte remettre la faute commise en dehors des sanctions pénales. Il n’est pas exclu, du reste, que le pardon soit associé à des remises de peine comme cela arrive dans toutes les justices du monde.

    On peut relever pour le déplorer, une certaine déconnexion entre la quête de la réconciliation et les attitudes de certains ivoiriens. Je pense ici à certains organes de presse ou à une catégorie de citoyens qui semblent ramer à contre-courant. Je pense également au manque de synergie entre les actions parfois bienveillantes de certaines élites et les activités de la CDVR. Ceci ne laisse t-il pas augurer de ce que la quête de réconciliation n’est pas (encore) en Cote d’Ivoire la chose la mieux partagée.Si tout le monde était tendu comme un seul homme vers l’objectif de

    DOSSIERDOSSIER Par TALEB oULD SID’AhMEDDOSSIER

    DOSSIERles enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire les enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

    La citoyenneté ivoirienne se construira par l’intégration et non par l’ostracismeet l’exclusion.

    Les membres de la Cdvr : ils incarnent l’espoir de tout un peuple.

  • The World Bank Magazine - Abidjan / N° 00614 L’espoir

    la réconciliation, la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation n’aurait pas de raison d’être. C’est parce que la Côte d’Ivoire a subi une grave crise de confiance qu’il a paru indispensable de désigner un arbitre pour raccorder les Ivoiriens divisés. Quand, par surcroît, le pays sort d’une guerre civile, les rancœurs ne peuvent pas disparaître par enchantement. Nous savons que notre tâche n’est pas aisée, que nous devrons nous armer de patience et d’opiniâtreté pour amener les personnes réticentes à s’engager dans le processus de réconciliation. Si nous parvenons à susciter la confiance de tous les protagonistes, nous atteindrons l’objectif de la réconciliation.

    A l’observation de la société ivoirienne, on a la nette impression que la déstructuration sociale se nourrit des inégalités, de la précarité et de l’exclusion, qui semblent s’accroître chaque jour davantage. Les jeunes n’ont plus de repère. Ils sont plus de 4 millions au chômage. Le système éducatif est en déliquescence. Les principales universités d’Etat sont fermées. Deux promotions de bacheliers ont perdu tout espoir de franchir le seul d’un amphithéâtre sauf à être de famille aisée pour s’expatrier. Qu’est-ce que cela vous inspire dans la perspective de la réconciliation nationale ? La CDVR se sent-elle interpellée par ce type de préoccupation ?Le problème que vous évoquez est ancien. Il résulte de la croissance rapide du pays, de l’explosion démographique, des progrès de la scolarisation, de la survenue de la crise économique des années 1980 et de l’inadéquation des solutions envisagées pour résoudre les problèmes posés. Personne ne le nie ! La Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation sait, comme chacun, que sans une large composante économique, la réconciliation ne sera qu’un vœu pieux. Les problèmes sérieux évoqués par votre question, ont alimenté dans le passé la politique d’instrumentalisation de la jeunesse, cette jeunesse devenue aujourd’hui un véritable « Lumpenprolétariat », pour parler comme les marxistes ! La CDVR place pour cette raison la jeunesse au cœur de ses préoccupations.

    Le peuple ivoirien est incontestablement profondément croyant si on en juge par la fréquentation des maisons de prêche (églises, temples, mosquées). Vous-même avez récemment placé votre mission sous la bienveillante protection de la Sainte Vierge Marie. Et si la tragédie ivoirienne qui dure depuis près de 15 ans était un châtiment de Dieu.Je suis assurément un croyant et la philosophie religieuse à laquelle j’adhère me persuade que rien d’humain ne s’accomplit sans la volonté divine. Je suis convaincu que la main de Dieu intervient dans le cours de la vie des hommes. Je sais également que Dieu est bon et qu’il ne jette pas la malédiction sur ses créatures, mais au contraire les guide avec amour sur le chemin de la vérité et de la repentance.

    Monsieur le Président, qu’est-ce qu’être Ivoirien aujourd’hui ?La question « qu’est-ce qu’être ivoirien ? » est la plus sérieuse qui se

    posera dans les plus brefs délais aux citoyens ivoiriens. Ils devront y répondre avec intelligence en ayant à l’esprit les préceptes du Président Houphouët-Boigny. La citoyenneté ivoirienne se construira par l’intégration et non par l’ostracisme et l’exclusion. Le Président Houphouët-Boigny a rêvé ce pays comme une oasis cosmopolite accueillante à tous les hommes. Là est la source des progrès

    considérables réalisés en trois décennies par la Côte d’Ivoire. Le Président Houphouët-Boigny voulait construire une Société de Confiance en Côte d’Ivoire. Sa confiance en l’homme a entraîné le progrès. Notre défiance a freiné le développement. La Côte d’Ivoire n’a pas d’autre choix que de revenir à ces fondamentaux. Nous devons jeter aux orties la culture de la citadelle assiégée et concevoir une nouvelle citoyenneté ivoirienne généreuse et humaine. Si nous ne le faisons pas par notre propre volonté, les faits nous y contraindront.

    Y a-t-il une question qui vous tient particulièrement à cœur et que nous n’avons pas abordée ?Je voudrais simplement m’adresser aux Ivoiriens

    par le truchement de votre publication pour les appeler au dialogue et à la réconciliation. Je profite également de votre tribune pour rappeler aux bailleurs de fonds que la Côte d’Ivoire est un pays-région et qu’en l’aidant à retrouver son équilibre par la réconciliation, elle aura aidé toute l’Afrique de l’Ouest. La pauvreté nourrit le repli sur soi et l’hostilité aux autres. La prospérité, quant à elle, se partage plus aisément. Alors aidez la Côte d’Ivoire à retrouver la prospérité et toute l’Afrique de l’Ouest y gagnera.

    La pauvreté nourrit le repli sur soi et l’hostilité aux autres. La prospérité, quant à elle, se partage plus aisément.

    Le président de la Cdvr : « Nous savons que notre tâche n’est pas aisée »

    DOSSIERDOSSIER Par TALEB oULD SID’AhMEDDOSSIER

    DOSSIERles enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire les enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

  • 15L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006

    M. anzouMana, 44 ans, chômeur, père de quatre enfants, Abidjan.« Nous souhaitons passer à autre chose »La Côte d’Ivoire de demain sera meilleure que celle d’où nous venons de sortir. C’est à l’avenir de nos enfants que nous pensons. Si ça va pour eux, ça ira pour nous. Que l’Etat fasse l’effort d’occuper tout le monde à faire autre chose que la guerre . Chacun vivrait en total respect par rapport à l’autre si tout le monde avait du travail. La réconciliation doit passer par le pardon ; le refus de se venger. Je lance un appel à tout le monde pour qu’on puisse s’entendre, comme au temps du Président Félix Houphouët Boigny. C’est le moment de regarder vers le futur, oublier le passé, malgré les blessures qu’il a pu engendrer. Ce qui s’est passé est dur, mais il faut s’entendre quelque soit notre ethnie. Je suis avec les Bété, les Dida, les Gouro et on s’entend bien. Nous voulons passer à autre chose.

    Mlle Yéo djelika, 29 ans, jeune femme d’affaires« Une nouvelle vision pour la Côte d’Ivoire »A mon âge, je ne me fais pas trop d’illusion : Un pays instable n’a aucun avenir. Mon profond désir est de voir mon pays retrouver pleinement paix et quiétude. J’en appelle donc aux autorités pour mettre fin définitivement au climat

    d’insécurité qui nous rend la vie très difficile Il faudrait aussi penser à l’emploi des jeunes et à la construction d’hôpitaux. Je pense à la réouverture des universités pour que les étudiants retrouvent rapidement le temple du savoir. Je voudrais que mon pays ait une nouvelle vision. Et que nous vivions dans la paix pour qu’il y ait une forte réconciliation. Nous avons plusieurs ethnies en Côte d’Ivoire qui prouvent que nous ne sommes pas divisés ; au contraire, nous sommes ensemble ! Nous devrons constituer une équipe forte et dynamique pour avancer afin que la nouvelle vision soit vraiment dans la fraternité. Ensuite, que l’Etat aide les PME victimes de la crise post –électorale à se relancer pour participer à la renaissance économique de la Côte d’Ivoire, car les PME en constituent le fer de lance.

    HerMann Hokou, 25 ans, Secrétaire exécutif du Réseau Jeunesse Paix et Développement« J’ai foi en la jeunesse ! »Ma vision de l’avenir est optimiste. La Côte d’Ivoire fait face à des problèmes structurels tels que l’éducation, l’emploi des jeunes, etc. Il faudrait du temps pour régler tous ces problèmes . Une autre Côte d’Ivoire doit naître, décomplexée et unie pour relever tous ces défis. Je constate qu’aujourd’hui, les clivages idéologiques et certaines croyances tendent à disparaître. De nouvelles dynamiques se

    créent entre tous les jeunes du monde, grâce aux réseaux sociaux. On se rend compte qu’il y a un héritage commun à préserver. Des aspirations communes naissent et de grandes actions sont mises en œuvre. Le rôle important joué par les jeunes dans les révolutions arabes en dit long sur ces mutations sociopolitiques. Les jeunes sont tous unanimes sur ce qu’ils ne veulent plus. L’avenir sera différent, l’espoir est permis.

    Maïga aBdoulaYe, 12 ans, élève en classe de 5ème, Attécoubé, Abidjan.« On est dans le présent »Je veux que la Côte d’Ivoire soit bien. Que les gens se réconcilient. On doit oublier ce qui s’est

    passé ; maintenant on est dans le présent. Je veux que

    le président construise beaucoup d’écoles. Quand je grandirai, qu’il me donne un travail pour que je puisse nourrir papa et maman.

    Ce qu’ils pensentde la Côte d’Ivoire de demain Des années de furie politico-militaire ne réussiront pas à leur faire oublier que par-dessus tout, les plus grandes tragédies ont toujours une fin. Leur cote d’ivoire à eux, ils la veulent débarrassée des scories de la haine et l’intolérance, résolument tournée vers la paix, la justice et le pardon. Ils ont tous le regard tourné vers l’avenir et ne souhaitent pas interroger le passé. Anzoumana, Djélika, Hermann et le jeune Maïga font partie de ces nombreux Ivoiriens qui aspirent à une seule chose : vivre, tout simplement.

    DOSSIERDOSSIER Par TALEB oULD SID’AhMEDDOSSIER

    DOSSIERles enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire les enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

  • The World Bank Magazine - Abidjan / N° 00616 L’espoir

    Les sources de croissance ou les déterminants économiques de la réconciliationLa débâcle économique du milieu des années 80 à la quelle s’est greffée la crise militaro-politique qui a duré de 2002 à 2011, ont contribué à la déstructuration de la société ivoirienne et à la régression économique. La fin de la crise postélectorale en avril 2011 à sonné le glas du cauchemar et tous les espoirs sont désormais permis. L’une des priorités majeures annoncées par les autorités est la réconciliation nationale, préoccupation multidimensionnelle dont l’une des facettes est d’ordre économique. Il va de soi que les ivoiriens, notamment les jeunes qui ont le plus souffert des crises, seront plus enclins à se réconcilier qu’ils verront s’éloigner le spectre de la misère, de la précarité et de l’exclusion. Redonner au jeune ivoirien sa dignité humaine passe entre autres, par la reprise économique et une croissance forte dont les fruits seraient équitablement redistribués. Le nouveau Gouvernement doit adopter de toute urgence une stratégie de croissance qui permettra de créer des emplois et de faire reculer la pauvreté, envoyant ainsi un message clair que le pire est passé et que l’avenir est prometteur.Dans ce contexte, la Banque mondiale a commis à l’attention du Gouvernement, un rapport sur les sources de croissance, rapport qui pourrait servir de guide dans les choix stratégiques permettant de capitaliser sur les nombreux atouts dont regorge la Côte d’Ivoire. Ce rapport dont le résumé est repris ci-dessous, se focalise essentiellement sur les exportations basées sur des ressources naturelles d’origine agricole qui ont toujours été le socle de l’économie ivoirienne et le demeurent.

    La Côte d’Ivoire a été un exemple de succès économique au cours des 20 premières années de son indépendance, mais un brusque revirement s’est amorcé en 1980 et dès 1993, le revenu par habitant du pays est retombé à son niveau de 1960. La dévaluation du franc CFA a déclenché une reprise de l’économie, mais celle-ci a été rapidement fragilisée par une crise politique à partir de 1999. La détérioration de la situation politique à la fin des années 90 a conduit à un bref conflit armé et à la division du pays en deux parties distinctes en 2002. Cette crise sociopolitique, ajoutée à l’incurie économique, à la corruption et au retrait de l’appui des donateurs, a eu d’importantes conséquences néfastes sur l’économie, les infrastructures et les institutions. Depuis 2000, la croissance de la Côte d’Ivoire a été parmi les plus faibles d’Afrique subsaharienne: le taux moyen annuel de croissance du PIB s’élevait à -1,0% entre 1999 et 2003, se redressant légèrement pour s’établir à 1,6% seulement au cours de la période 2004-2008. En 2009, la croissance économique a

    enfin dépassé le taux de croissance démographique (3,8% contre 3,0%) pour la première fois depuis de nombreuses années. Malheureusement, une recrudescence de la crise postélectorale en fin 2010-début 2011 a encore une fois porté un coup dur à l’économie. Le déclin de la Côte d’Ivoire aura donc été presque aussi spectaculaire que son essor. Le revenu moyen par habitant est retombé au niveau atteint à l’indépendance en 1960. Le taux de pauvreté, qui ne s’élevait qu’à 10% en 1985, a augmenté pour s’établir à environ 43% en 2008, et il est probablement encore pire en 2011.1Le pays a besoin, de toute urgence, d’une croissance rapide et inclusive pour faire reculer la pauvreté, créer des emplois, donner l’espoir d’un meilleur avenir et contribuer à panser les plaies du tissu social

    L’amélioration du climat de l’investissement est une nécessité impérieuse si le secteur privé va être en mesure de créer l’emploi si attendu. Au classement Doing Business, la Côte d’Ivoire occupe le 167e rang sur 183

    1 - Banque mondiale, Évaluation de la pauvreté, 2011. Le seuil national de pauvreté utilisé s’élève à environ 1,50 dollar par jour, selon le taux de change.

    DOSSIER Par TALEB oULD SID’AhMEDDOSSIER les enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

    Comment mieux attirer les investisseurs ?

    PIB par habitant: 1960 - 2009

  • pays, loin derrière le Ghana voisin qui occupe la 67e place. Si l’instabilité politique est le plus important obstacle, la plupart des principales variables connaissent des problèmes. Des réformes transversales de l’environnement des affaires seront importantes pour stimuler l’investissement et la croissance dans les industries manufacturière et tertiaire, et elles sont moins sujettes aux abus que les interventions ciblées. Elles sont toutefois moins susceptibles d’assouplir les contraintes des sous-secteurs reposant sur l’exploitation des ressources naturelles, lesquels tendent à être plus singuliers. D’autres rapports couvrent adéquatement le programme plus général d’amélioration du climat de l’investissement, notamment les enquêtes Doing Business, le Rapport de l’enquête sur le climat de l’investissement, l’Étude diagnostique par pays des infrastructures en Afrique et le Programme d’évaluation du système financier. Aussi le présent rapport s’intéresse-t-il principalement aux sous-secteurs reposant sur l’exploitation des ressources naturelles.

    Les exportations de ressources naturelles ont été le moteur de la croissance du pays et elles le resteront à moyen terme. Les exportations sont susceptibles de croître rapidement, car elles ne sont pas sujettes aux contraintes des limites du modeste marché national. L’impact de la production des ressources naturelles se fait sentir dans beaucoup d’autres secteurs, grâce aux interactions en amont et en aval — intrants, transformation, transport, services financiers, taxes et consommation finale. En général, seule une poignée de sous-secteurs clés constituent la locomotive des économies se trouvant au premier stade de développement. En Côte d’Ivoire, ces filières ont été celles du cacao et du café pendant des années, bien que diverses autres activités se soient également développées. Dans les années 2000, le rôle de locomotive a échu aux hydrocarbures. Quelques-uns des sous-secteurs traditionnels sont actuellement en proie à des difficultés, tandis que d’autres se renforcent. Chaque sous-secteur ayant ses particularités, il importe de les examiner séparément en vue de déterminer leur potentiel, leurs contraintes et le degré requis d’intervention étatique.

    La transformation à valeur ajoutée a longtemps été un élément central de la politique gouvernementale en Côte d’Ivoire, mais il convient d’examiner sa pertinence en se fondant

    sur l’analyse de cas particuliers. Un degré de transformation est inévitable dans certains cas (coton, sucre, huile de palme, caoutchouc), tandis que dans d’autres, un produit peut valoir moins après sa transformation (ananas, thon). En règle générale, le produit de base fait partie d’une chaîne de valeur mondiale et le pays producteur n’est compétitif que dans certains segments. Le développement national requiert une transformation structurelle, mais avant d’encourager de nouvelles activités, un gouvernement doit s’assurer que les avantages procurés

    à l’économie nationale justifient toute mesure incitative. Le coût de la création d’un emploi dans la production du beurre de cacao est de 400 fois supérieur à celui d’un emploi dans la transformation du cajou, et la perte de recettes fiscales est importante. Alors, si la création de l’emploi et la réduction de la pauvreté sont des priorités, la transformation du cajou semblera mériter plus d’attention. Par contre, si les autorités croient que le pays devrait entrer dans la fabrication du chocolat, il devra éventuellement aborder les étapes plutôt intensives en capital de la transformation du cacao. La politique ivoirienne officielle consistant à ajouter de la valeur de façon indistincte mérite d’être étudiée en profondeur et nuancée avec l’aide d’une analyse coût-bénéfice de chaque sous-secteur.

    La filière du cacao ne figure pas parmi les principaux thèmes du rapport, bien que le cacao demeure la plus importante denrée d’exportation. La raison en est que le cacao n’est pas considéré comme une importante source de croissance et qu’un débat est en cours sur la définition d’une nouvelle stratégie reposant sur une analyse et un examen approfondis. Le défi consistera à éviter un recul de ce sous-secteur et à forger un consensus autour du nouveau cadre institutionnel. Le rapport se borne à traiter de la question de la valeur ajoutée et à situer le cacao dans le contexte plus général de la diversification sous forme d’exploitation de cultures plus rentables.

    Les sous-secteurs jadis importants du café et de l’ananas semblent en situation de déclin. Les petits exploitants abandonnent ces deux cultures en faveur de solutions de rechange plus prometteuses. Des marchés spécialisés peuvent exister, en particulier dans la sous-région, et les autorités doivent faire leur possible pour faciliter les activités des grands exportateurs d’ananas, mais sans recourir aux subventions. Toutefois, ces filières ne sont plus des sources de croissance.

    La banane et le sucre éprouvent eux aussi des difficultés, mais ils sont plus prometteurs. Les niveaux d’exportation de la banane ont été maintenus, grâce au rôle dominant des grands exploitants qui ont probablement besoin de peu d’appui en dehors d’une amélioration du climat de l’investissement. Les prix du sucre se sont récemment améliorés et l’industrie sucrière devrait rester compétitive sur le marché national en expansion. Les deux denrées ont par ailleurs d’importantes

    17L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006

    DOSSIERDOSSIERles enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

    L’amélioration des revenus des planteurs du cacao reste une priorité.

  • The World Bank Magazine - Abidjan / N° 00618 L’espoir

    possibilités de débouchés dans la sous-région. Parmi les cultures de première nécessité, le maïs présente le meilleur potentiel de croissance, basé sur le marché régional. Le marché de l’UEMOA accuse un important déficit de maïs et la demande est susceptible de croître plus rapidement que la population, car l’augmentation de la consommation de viande suscite une demande d’aliments pour animaux. Il existe de bonnes possibilités d’accroître les faibles rendements actuels. La rotation du maïs et du coton signifie qu’une résurgence de la filière coton favoriserait également la production du maïs.

    Les filières agricoles les plus prometteuses sont celles du caoutchouc, de l’anarcade, du coton, du riz et de l’huile de palme. Elles sont susceptibles de croître de 10% par an ou plus. Le caoutchouc et l’anarcade (ou cajou) croissent rapidement depuis un certain temps, et les récentes plantations d’hévéas garantissent une expansion supplémentaire. Le coton se redresse sous l’effet notamment de l’augmentation des prix mondiaux et il peut enregistrer une croissance considérable tout simplement en retrouvant les niveaux antérieurs de production. La production d’huile de palme avait stagné, mais on assiste à un regain d’intérêt de la part du secteur privé, maintenant que les cours mondiaux se sont raffermis. De ces cinq filières, celle du riz est peut-être la moins prévisible. Le marché intérieur offre un grand potentiel de croissance et l’augmentation des prix mondiaux a rendu à nouveau compétitives quelques formes de production nationales. Cette filière est toutefois lourdement tributaire d’un concours efficace et coordonné de l’État, condition indispensable à son décollage.

    Il est temps de passer de l’exportation de la noix de cajou brute à sa transformation sur place. La Côte d’Ivoire est maintenant le plus grand exportateur mondial de noix de cajou brutes. Le climat de l’investissement n’a guère été favorable au renforcement de la capacité de transformation, mais la situation devrait s’améliorer. Plus de 100 000 emplois pourraient être créés, surtout dans le nord pauvre, si toute la récolte était décortiquée, avec en outre des possibilités de produire de l’électricité en utilisant les coques comme biocombustibles. Pour ce faire, il faudrait toutefois certaines incitations bien gérées pour éviter de pénaliser les agriculteurs ou de protéger les entreprises inefficaces. En cas de recours à une taxe à l’exportation, ses fonds doivent être orientés vers

    un programme visant à accroître les rendements de la culture, lesquels sont nettement inférieurs à ceux des pays concurrents. Les travaux de recherche publics et les services de vulgarisation font cruellement défaut, l’organe interprofessionnel est faible et un plus solide cadre de réglementation est nécessaire pour améliorer la coordination sans entraver le dynamisme du secteur privé.

    La filière caoutchouc est en plein essor et requiert peu d’intervention publique. Les cours mondiaux devraient rester élevés, car ils sont liés au prix du pétrole (principale composante du caoutchouc synthétique). L’organe interprofessionnel fonctionne déjà convenablement et doit être davantage habilité à réglementer les activités, en ce qui concerne notamment l’entrée de nouveaux acheteurs et le respect des engagements contractuels. Le principal défi consiste à donner aux agriculteurs pauvres la possibilité de participer à cette expansion, compte tenu des coûts de l’investissement initial et de la longue période qui s’écoule avant la mise en saignée des nouveaux hévéas. Le caoutchouc offre une grande possibilité de diversification, au niveau tant du planteur que du pays. Une certaine imposition de niveau modeste peut se justifier, surtout si elle sert à réduire la pression subie par les cacaoculteurs surtaxés et à appuyer le développement rural par le biais de mécanismes comme le Fonds d’investissement en milieu rural.

    L’huile de palme connaît une renaissance et elle appuie un éventail d’opérations à valeur ajoutée. La Côte d’Ivoire n’a pas besoin d’aller au-delà de la sous-région pour trouver un marché important et en croissance, même s’il y aura lieu de déployer des efforts pour s’assurer que les autres pays de l’UEMOA et de la CEDEAO respectent leurs accords de libre-échange. Une action concertée sera nécessaire pour réduire les coûts en vue de soutenir la concurrence des fournisseurs asiatiques, mais le secteur privé (notamment des investisseurs asiatiques) est bien placé pour prendre l’initiative à cet égard. Dans cette filière aussi, l’organe interprofessionnel jouera un rôle central, à condition que son pouvoir soit renforcé par la nouvelle loi proposée. Il convient d’adopter un code destiné à s’attaquer aux problèmes environnementaux et sociaux, conformément aux principes définis par la Table ronde internationale sur la production durable d’huile de palme.

    DOSSIERDOSSIER Par TALEB oULD SID’AhMEDDOSSIER

    DOSSIERles enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire les enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

    Pépinière de cacao au Centre R&D Nestlé à Abidjan.

    Repenser le système éducatif pour répondre aux besoins du marché.

  • 19L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 006

    Le coton peut contribuer à augmenter les revenus dans quelques-unes des régions les plus pauvres du pays. Cette filière a toutefois gravement pâti de 10 années de crise, et elle requiert un programme prospectif pour rétablir la confiance et créer un consensus parmi les parties prenantes. Les producteurs tiennent absolument à dépendre moins des égreneurs pour les intrants et les conseils, mais pour que cet objectif soit atteint, il sera nécessaire de rationaliser leurs organisations et de renforcer considérablement les capacités de celles-ci. Le financement, la recherche, la production de semences, la vulgarisation et le contrôle de la qualité méritent tous l’attention, et les problèmes ne peuvent être résolus à court terme sans un certain appui public. Les perspectives d’amélioration du prix mondial sont de bon augure pour la production rizicole nationale. L’autosuffisance est peu probable, mais il existe un bon potentiel de substitution efficace des importations. On dénombre 11 systèmes différents de production de riz, qui ne sont pas tous compétitifs face aux importations. La riziculture pluviale intensive avec utilisation de variétés améliorées et d’engrais présente le plus grand potentiel. La mise en valeur des bas-fonds, au moyen notamment des techniques à faible coût de diversion continue de cours d’eau, offre des possibilités supplémentaires de développement. Le pays demeurera cependant tributaire des importations pour la moitié de la consommation totale dans un avenir prévisible, aussi importera-t-il d’éviter des droits de douane élevés, des coûts d’importation superflus ou un pouvoir de monopole, qui contribuent tous à accroître les prix payés par les consommateurs pauvres.

    La filière pêche se trouve dans une situation très inquiétante et mérite peut-être d’être repensée de fond en comble. La Côte d’Ivoire court le risque de perdre sa position de grand exportateur africain de thon dans la région Atlantique, en raison de l’arrivée d’acteurs mondiaux sur le marché ghanéen. Il peut se révéler nécessaire de s’associer à des partenaires similaires pour renforcer l’industrie ivoirienne du thon. Des améliorations au port d’Abidjan, afin de préserver son rôle en tant que hub pour la pêche au thon dans la sous-région, pourraient être essentielles pour la viabilité de l’industrie. Par ailleurs, il convient de prêter davantage attention à la pêche artisanale vu la dépendance aux importations. La filière souffre de grands problèmes de gouvernance, notamment liés à la gestion et à la surveillance des ressources halieutiques, ainsi qu’au contrôle des flottes industrielles qui mettent à mal la pêche artisanale.

    Enfin, le secteur extrêmement important de l’énergie est confronté à d’énormes problèmes à court terme, mais il est fort prometteur si ces difficultés peuvent être surmontées. Le secteur énergétique est une source d’exportations — pétrole brut, produits pétroliers et électricité — ainsi qu’un fournisseur d’intrants essentiels pour le reste de l’économie. Après avoir insufflé une nouvelle vie à l’économie ces 10 dernières années, ce secteur souffre aujourd’hui d’un manque d’investissement. Il convient de procéder de toute urgence à l’exploration en mer en vue de confirmer la probabilité des nouvelles réserves requises pour compenser la baisse de la production des puits existants et d’assurer la disponibilité du gaz naturel qui est très important pour les producteurs d’électricité et le secteur industriel. Entre-temps, la connexion

    au gazoduc ouest-africain doit être réalisée, pour assurer l’accès au gaz ghanéen ou nigérian. Le secteur de l’électricité se trouve dans une situation critique. Les solutions sont bien connues: importants investissements dans l’entretien, nouvelle participation du secteur privé, renégociation des contrats gaziers, ajustements réguliers des prix et réduction des pertes commerciales, entre autres. Le manque de volonté politique d’entreprendre des réformes a été le principal obstacle.

    Le taux de change n’est pas analysé ici, mais l’on ne saurait en faire abstraction. Il s’agit du plus important facteur qui influe sur la compétitivité d’un pays. Il revêt une importance accrue dans le cas de la Côte d’Ivoire, compte tenu de la parité fixe entre sa monnaie et l’euro, devise qui s’avère relativement forte. Ce n’est pas par hasard que la seule période de croissance importante qu’a connue le pays au cours des 30 dernières années est celle qui a suivi immédiatement la dévaluation de 1994. Les autorités ivoiriennes devront éviter les pressions inflationnistes qui accroissent le coût des intrants et des facteurs de production nationaux, et poursuivre l’amélioration des sources microéconomiques de compétitivité pour compenser l’absence de l’instrument macroéconomique d’ajustement du taux de change. Une analyse approfondie s’impose.

    Une stratégie de croissance exige le consensus, la coopération et l’esprit d’initiative au sein du gouvernement, et la collaboration avec le secteur privé. Des mécanismes institutionnels appropriés sont nécessaires pour hiérarchiser, coordonner et promouvoir les réformes de la politique, et y affecter des ressources. Quelques éventuels éléments de base sont en place, comme la plateforme public-privé, les organismes de promotion des exportations et des investissements, et la stratégie de réduction de la pauvreté. Cela étant, il existe de nombreux programmes et initiatives concurrents. Dans d’autres pays, le succès a souvent été assuré par un petit groupe de techniciens de classe mondiale bénéficiant d’un appui politique au plus haut niveau, qui définissent une stratégie et sont capables de faire adopter des décisions et de veiller à leur mise en œuvre. Les Ivoiriens devront réfléchir non seulement sur le contenu d’une stratégie de croissance, mais aussi sur le cadre institutionnel indispensable pour la soutenir.

    DOSSIERDOSSIER Par TALEB oULD SID’AhMEDDOSSIER

    DOSSIERles enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire les enjeux de la récOnciliaTiOn naTiOnaleen côTe d’ivOire

    Atelier de fabrication de pagne wax à Abidjan.

  • The World Bank Magazine - Abidjan / N° 00620 L’espoir

    de manière globale, la moyenne de durée de vie des projets et programmes de développement sous financement de la Banque mondiale et la plupart des autres partenaires se situe entre 4 et 5 ans. Pour mieux atteindre les objectifs assignés au départ, il est important d’en mesurer régulièrement la performance tant au niveau des décai