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Revue de Biologie Médicale /N° 347 - MARS 2019 - 1 - - 1 - I. - INTRODUCTION La maladie hémolytique du fœtus et du nouveau- né survient lorsque des anticorps anti-érythrocytaires d’origine maternelle traversent la barrière placen- taire et, par reconnaissance d’antigènes spécifiques exprimés à la surface des hématies fœtales, induisent une hémolyse d’intensité variable. Si celle-ci est intense et survient dès le stade fœtal, une anémie sévère avec des épanchements dans les séreuses pou- vant aller jusqu’à un état d’anasarque – souvent mor- tel si une thérapeutique n’est pas instaurée – peut se développer chez le fœtus. Après l’accouchement, en plus de l’anémie évolutive potentiellement sévère, présente d’emblée ou plus tardive, l’hémolyse entraîne une accumulation de bilirubine ; elle peut se manifester par un ictère clinique précoce et de progression rapide, susceptible de se compliquer, en l’absence de prise en charge adaptée, par une atteinte neurologique grave : l’ictère nucléaire. IMMUNOLOGIE Anticorps anti-érythrocytaires Quantification des anticorps anti-érythrocytaires chez la femme enceinte C. TOLY-NDOUR 1* , S. HUGUET-JACQUOT 1 , H. DELABY 1 , E. MAISONNEUVE 2 , A. CORTEY 3 , A. MAILLOUX 1 IMMUNOLOGIE Anticorps anti-érythrocytaires résumé Le suivi immuno-hématologique de la femme enceinte inclut la recherche d’anticorps anti-érythrocytaires (agglutinines irrégulières) à des temps précis, selon un calendrier défini par la Haute Autorité de Santé, tout au long de la grossesse. En cas de présence d’anticorps anti-érythrocytaires dans le sang maternel, une iden- tification de leur spécificité est indispensable. Si l’anticorps est associé à un risque de maladie hémolytique fœtale et/ou néonatale (anticorps dit « à risque obstétrical »), sa quantification est obligatoire et, selon sa nature, différents tests d’intérêt variable sont disponibles. Ces tests de quantification permettent d’apprécier le risque d’une atteinte hémolytique sévère du fœtus et/ou du nouveau-né, de prendre les dispositions adé- quates de suivi biologique et échographique de la grossesse et d’anticiper la conduite à tenir à la naissance. mots-clés : maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né, allo-immunisation fœto-maternelle, anticorps anti-érythrocytaires, agglutinines irrégulières. ———— 1 Unité fonctionnelle biologique et d'expertise en immuno- hématologie périnatale, Centre National de Référence en Hémobiologie Périnatale, Hôpital Saint-Antoine, Paris XII. 2 Service de médecine fœtale, Hôpital Trousseau. 3 Unité fonctionnelle de soins et expertise des incompatibilités fœto-maternelles érythrocytaires et des ictères néonatals, Centre National de Référence en Hémobiologie Périnatale, Hôpital Trousseau, Paris XII. * Auteur principal : [email protected]

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Revue de Biologie Médicale/N° 347 - MARS 2019

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I. - INTRODUCTION

La maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né survient lorsque des anticorps anti-érythrocytairesd’origine maternelle traversent la barrière placen-taire et, par reconnaissance d’antigènes spécifiquesexprimés à la surface des hématies fœtales, induisentune hémolyse d’intensité variable. Si celle-ci estintense et survient dès le stade fœtal, une anémiesévère avec des épanchements dans les séreuses pou-vant aller jusqu’à un état d’anasarque – souvent mor-tel si une thérapeutique n’est pas instaurée – peut sedévelopper chez le fœtus. Après l’accouchement, enplus de l’anémie évolutive potentiellement sévère,présente d’emblée ou plus tardive, l’hémolyse

entraîne une accumulation de bilirubine ; elle peutse manifester par un ictère clinique précoce et deprogression rapide, susceptible de se compliquer, enl’absence de prise en charge adaptée, par uneatteinte neurologique grave : l’ictère nucléaire.

IMMUNOLOGIE Anticorps anti-érythrocytaires

Quantification des anticorpsanti-érythrocytaires

chez la femme enceinte

C. TOLY-NDOUR1*, S. HUGUET-JACQUOT1, H. DELABY1, E. MAISONNEUVE2,A. CORTEY3, A. MAILLOUX1

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GIEAnticorps anti-érythrocytaires

résuméLe suivi immuno-hématologique de la femme enceinte inclut la recherche d’anticorps anti-érythrocytaires(agglutinines irrégulières) à des temps précis, selon un calendrier défini par la Haute Autorité de Santé, toutau long de la grossesse. En cas de présence d’anticorps anti-érythrocytaires dans le sang maternel, une iden-tification de leur spécificité est indispensable. Si l’anticorps est associé à un risque de maladie hémolytiquefœtale et/ou néonatale (anticorps dit « à risque obstétrical »), sa quantification est obligatoire et, selon sanature, différents tests d’intérêt variable sont disponibles. Ces tests de quantification permettent d’apprécierle risque d’une atteinte hémolytique sévère du fœtus et/ou du nouveau-né, de prendre les dispositions adé-quates de suivi biologique et échographique de la grossesse et d’anticiper la conduite à tenir à la naissance.

mots-clés : maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né, allo-immunisation fœto-maternelle, anticorpsanti-érythrocytaires, agglutinines irrégulières.

————1 Unité fonctionnelle biologique et d'expertise en immuno-hématologie périnatale, Centre National de Référence enHémobiologie Périnatale, Hôpital Saint-Antoine, Paris XII.

2 Service de médecine fœtale, Hôpital Trousseau.3 Unité fonctionnelle de soins et expertise des incompatibilitésfœto-maternelles érythrocytaires et des ictères néonatals,Centre National de Référence en Hémobiologie Périnatale,Hôpital Trousseau, Paris XII.* Auteur principal : [email protected]

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GIEAnticorps anti-érythrocytaires

Les recommandations nationales de la Haute Auto-rité de Santé pour le suivi biologique de la femmeenceinte implique la recherche systématique d’agglu-tinines irrégulières (ou recherche d’anticorps anti-érythrocytaires) lors du premier trimestre de la gros-sesse (1) : elle permet le dépistage des grossesses àrisque. Si ces anticorps sont décelés, l’identificationde leur spécificité est obligatoire (2) et leur quantifi-cation est nécessaire s’ils sont susceptibles d’induireune maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né.Cette quantification doit être régulière tout au longde la grossesse car les taux d’anticorps peuvent aug-menter en cas de grossesse incompatible.

Les autres éléments du suivi biologique à mettre enplace dans ce contexte visent à apprécier la probabi-lité d’une grossesse incompatible en phénotypant leprocréateur (recherche de la possibilité d’une trans-mission par le père à son enfant des antigènes corres-pondant aux anticorps maternels) et /ou en réalisantun génotypage fœtal (3) (examen pouvant être effec-tué sur du sang maternel, en cas d’immunisation anti-D (RH1), anti-Kell (KEL1), anti-c (RH4) ou anti-E(RH3)).

Lorsque les taux d’anticorps maternels sont élevés,un suivi échographique du fœtus doit être entreprishebdomadairement avec des mesures du pic systo-lique de vélocité à l’artère cérébrale moyenne qui, encas de valeurs élevées (> 1,5 multiples de la médiane),signent indirectement l’existence d’une anémiefœtale modérée à sévère (4, 5). Si les mesures sontélevées à plusieurs reprises et/ou en cas d’épanche-ment dans les séreuses constatés lors de l’échogra-phie, une ponction de sang fœtal sera réalisée, suiviele cas échéant d’une transfusion fœtale.

Après la naissance, en cas d’incompatibilité, dessignes de maladie hémolytique néonatale plus oumoins sévères sont immédiatement présents ou peu-vent se développer : hyperbilirubinémie dès les pre-mières heures de vie, anémie d’emblée ou d’appari-tion plus tardive, au cours des 6 premières semainesde vie. La photothérapie intensive, les transfusionssanguines voire les exsanguino-transfusions, associéesà des traitements médicamenteux (administrationd’albumine, d’immunoglobulines...), permettent sou-vent de contenir l’évolution de la maladie hémoly-tique (6). De nos jours, les cas graves d’ictèrenucléaire dû à l’accumulation de bilirubine libre auniveau des noyaux gris centraux entraînant desséquelles neurologiques sont de plus en plus rareschez l’enfant, quand le diagnostic de l’allo-immuni-sation a été préalablement établi et la maladie hémo-lytique bien anticipée.

Après un rappel des principales spécificités desanticorps à risque, nous décrirons les différentestechniques de quantification des anticorps anti-éry-

throcytaires disponibles et discuterons de l’interpré-tation des résultats de ces tests, de leur place et deleur intérêt dans le suivi de la femme enceinte.

II. - DANGEROSITÉ DES ANTICORPSANTI-ÉRYTHROCYTAIRESSELON LEUR SPÉCIFICITÉ

La détermination de la spécificité des anticorpsprésents dans le sang maternel, grâce aux techniquesd’identification des agglutinines irrégulières, est pri-mordiale car la dangerosité des anticorps n’est pas lamême selon l’antigène cible (Tableau I).

On distingue ainsi :

• Les anticorps dits à risque anténatal, c’est-à-direcapables d’induire une anémie fœtale sévère,dont les trois principaux sont, par ordre de fré-quence décroissante, l’anti-D (RH1) (80 % descas), l’anti-Kell (K, KEL1) (13 % des cas) et l’anti-c(RH4) (2 % des cas) (7). Ils peuvent déclencherune anémie fœtale dès la quinzième-seizièmesemaine d’aménorrhée pour l’anti-D et l’anti-Kell, et dès la vingtième pour l’anti-c. L’anti-D etl’anti-c sont responsables d’une hémolyse essen-tiellement périphérique. L’anti-Kell a, de plus,une action centrale, détruisant les progéniteursérythroïdes (8, 9).

• Les anticorps à risque essentiellement post-natal,représentés par les anticorps dirigés contre lesantigènes du système ABO, les autres antigènesdes systèmes RH et KEL, les antigènes des sys-tèmes FY, JK et MNS, ainsi que d’autres anticorpsplus rares dirigés contre d’autres antigènes degroupe sanguin, qui touchent parfois une partierestreinte de la population (par exemple anti-Mur en Asie du Sud-Est, ou anti-Dia chez les His-paniques). Parmi cette catégorie d’anticorps, onretrouve dans la littérature des cas exceptionnelsd’atteinte anténatale, essentiellement au troi-sième trimestre de la grossesse et le plus souventen présence de taux élevés d’anticorps maternelscirculants (10-32) (Tableau I). Les cas d’anémiefœtale décrits avec l’anti-M (MNS1) suggèrentégalement que cet anticorps pourrait agir par unmécanisme d’action centrale, similaire à celui desanticorps anti-Kell (20).

• Enfin, il existe des anticorps dits « sans risqueobstétrical », en général parce que l’antigène cor-respondant n’est pas ou est très peu exprimé à lasurface des globules rouges fœtaux (sang de cor-don). C’est le cas par exemple de ceux dirigéscontre les antigènes des systèmes LE ou LU, desanticorps anti-P1 (P1PK1) ou encore des anti-HI.Parfois l’expression de l’antigène n’est pas res-

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GIEAnticorps anti-érythrocytaires

Anticorps anti-érythrocytaires

Groupe sanguin

Système RH

Système KEL

Système MNS

Système FY

Système JK

Système P1PK1

Système LU

Système LE

Autres systèmesde groupessanguins

Systèmes H et I

Système ABO

Auto-anticorps& auto-papaïne

Spécificitéde l’anticorps

Anti-D (RH1)

Anti-C (RH2)

Anti-E (RH3)

Anti-c (RH4)

Anti-e (RH5)

Anti-Cw (RH8)

Anti-G (RH12)

Autres anti RH dont « anti-publicet anti-privé », anti-antigènes liés…

Anti-Kell (KEL1)

Anti-Kpa (KEL3)

Autres anti-KEL dont« anti-public »

Anti-M (MNS1)

Anti-N (MNS2)

Anti-S (MNS3)

Anti-s (MNS4)

Anti-U (MNS5)

Autres anti-MNS dont « anti-privé »

Anti-Fya (FY1)

Anti-Fyb (FY2)

Autres anti-FY dont« anti-public »

Anti-Jka (JK1)

Anti-Jkb (JK2)

Autres anti-JK dont « anti-public »

Anti-P1 (P1PK1)

Anti-Lua (LU1)et Lub (LU2)

Anti-Lea (LE1),-Leb (LE2), autres

Anti-H, anti-HI

Anti-A (ABO1)

Anti-B (ABO2)

Auto-anticorps & auto-papaïne

Risque d’anémiefœtale sévère

(Hb < 6 g/dL avant terme)

Oui (fréquent - dès 15SA) (7)

Non

Oui (rare) (10)

Oui (dès 20SA) (7)

Oui (exceptionnel) (11)

Oui (exceptionnel) (12)

Oui (exceptionnel) (13)

Oui (exceptionnel)(14, 15)

Oui (fréquent - dès 15SA) (7)

Oui (exceptionnel) (7)

Oui (exceptionnel)(16-19)

Oui (rare) (20)

Non

Oui (exceptionnel) (21)

Non

Oui (exceptionnel) (22)

Anti-Vw (exceptionnel) (23)Anti-Mur (exceptionnel) (24)

Oui (exceptionnel) (32)

Non

Non

Oui (exceptionnel) (7)

Non

Non

Non

Non

Non

Anti-Vel (exceptionnel) (25)Anti-LAN (exceptionnel) (26)Anti-Jra (JR1) (rare) (27)Anti-Dia (exceptionnel)(29)Anti-Coa (exceptionnel) (30)

Non

Non

Oui (exceptionnel) (31)

Non

Risque de maladiehémolytiquenéonatale (7)

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Non

Non

OuiAnti-Ge3 (28)

Non

Oui

Oui

Non

Techniquesde quantification

disponibles en France

Titrage/dosage pondéral/microtitrage

Titrage / dosage pondéral

Titrage / dosage pondéral

Titrage / dosage pondéral

Titrage / dosage pondéral

Titrage

Titrage / dosage pondéral

Titrage ± dosage pondéral

Titrage

Titrage

(Titrage si hématies-test informatives)

Titrage

/

Titrage

Titrage

Titrage /dosage pondéral

Titrage (si hématies-test informatives)

Titrage

Titrage

Titrage (si hématies-test informatives)

Titrage

Titrage

Titrage (si hématies-test informatives)

/

/

/

Titrage (si hématies-test informatives)

/

(Titrage)

(Titrage)

/

Tableau I - Principales spécificités des anticorps anti-érythrocytaires et risque obstétrical (d’après l’expérience du CentreNational de Référence en Hémobiologie Périnatale et les données de la littérature internationale publiée depuis 2000).

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GIEAnticorps anti-érythrocytaires

treinte aux érythrocytes (cas de l’anti-H). Lesauto-anticorps, tout comme l’anti-N (MNS2)(exceptionnellement identifié chez les Cauca-siens, assimilable à un auto-anticorps du fait de laprésence de cet antigène sur la glycophorine B),sont également sans risque pour l’enfant car trèspeu d’entre eux arrivent à franchir le placenta.S’ils se fixent parfois sur les hématies de l’enfant,ils n’induisent pas généralement d’hémolysefranche.

III. - TECHNIQUES DE QUANTIFICATIONDES ANTICORPS ANTI-ÉRYTHROCYTAIRES

Lorsqu’un anticorps « à risque » est identifié, il estprimordial et obligatoire de le quantifier (1, 2). Eneffet, la quantité et l’affinité des anticorps circulants(c’est-à-dire leur capacité à reconnaître l’antigènecible) dans le sang maternel conditionnent la gravitéde l’atteinte fœtale et néonatale. Les anticorps anti-érythrocytaires peuvent être quantifiés par diffé-rentes méthodes, dont la plus répandue reste letitrage par le test indirect à l’antiglobuline (test deCoombs indirect). Le dosage pondéral permet dedoser plus précisément les anticorps dirigés contre lescinq principaux antigènes du système RH et contreles antigènes de fréquence élevée (anticorps dit« anti-public »), en déterminant une concentrationcalculée à partir d’un étalon international. D’autrestechniques, non utilisées en routine, existent égale-ment comme l’évaluation du pouvoir d’activation,par les anticorps maternels, des récepteurs Fc pré-sents à la surface des monocytes/macrophages.

Par ailleurs, la physiopathologie de la maladiehémolytique du nouveau-né est complexe et il estimportant de considérer que la quantité d’anticorpsmaternels n’est qu’un paramètre parmi de nombreuxautres (autres facteurs maternels, facteurs placen-taires et fœtaux) qui peut influer sur la maladiehémolytique fœtale et néonatale. Ainsi, pour un titreou une concentration en anticorps donné, les symp-tômes observés pourront être complètement diffé-rents d’un fœtus ou d’un enfant à l’autre. On ne peutdonc raisonner que par la notion de « seuil critique »,c’est-à-dire la quantité d’anticorps à partir de laquelleon considère qu’il y a un risque qu’une anémiefœtale ou une maladie hémolytique néonatale gravese développe.

La quantification des anticorps doit être répétéetout au long de la grossesse car, en cas de grossesseincompatible, l’immunité de la mère peut être stimu-lée suite à des passages minimes d’hématies fœtalesdans sa circulation sanguine, et les taux d’anticorpspeuvent augmenter parfois de manière très impor-tante. C’est notamment le cas pour l’anti-D pourlequel une hausse des taux est observée dans près de

50 % des grossesses incompatibles, quel que soit leterme de la grossesse, même si ces « réactivations »sont plus fréquentes au troisième trimestre (33). Il enest de même, bien que plus rarement, avec les autresanticorps du système RH, en particulier l’anti-c etexceptionnellement avec les anti-Kell. La fréquenceoptimale des quantifications dépendra, non seule-ment de la spécificité de l’anticorps, mais aussi de sontaux de base et du terme de la grossesse. Le tableau IIprésente les fréquences de quantification recomman-dées par le Centre National de Référence en Hémo-biologie Périnatale.

A) Le titrage des anticorps anti-érythrocytaires

Le titrage par le test indirect à l’antiglobuline per-met la quantification de tous les anticorps anti-éry-throcytaires, quelle que soit leur spécificité, à partirdu moment où l’on dispose d’hématies tests expri-mant l’antigène correspondant. Elle repose sur leprincipe d’hémagglutination.

Les IgG, monomériques, autrefois appelées « anti-corps incomplets » par opposition aux IgM pentamé-riques, ne peuvent induire une agglutination sponta-née des globules rouges en milieu salin. En effet laforce de répulsion entre les hématies en solution(potentiel zeta) est telle que la distance minimaleentre deux hématies est supérieure à la distancemaximale possible entre les deux bras de la moléculed’IgG. Dans la technique de titrage, l’utilisationd’une antiglobuline (anti-IgG), de nature IgM et /ouIgG, permet, en « pontant » plusieurs moléculesd’IgG fixées sur une hématie, d’induire une hémag-glutination.

1) Le titrage en milieu liquide, dit « en tube »,par le test indirect à l’antiglobuline

Indications

Cette technique reste la plus utilisée car sa mise enœuvre est simple : elle consiste à établir un « titre »,reflet à la fois de la concentration et de l’affinité del’anticorps, en déterminant la dilution maximale del’échantillon qui induit encore une réaction d’hé-magglutination visible à l’œil nu. Elle est utilisablepour tous les types d’anticorps, du moment que l’onpossède au moins une hématie-test porteuse de l’an-tigène correspondant.

Méthode

Lors du suivi d’une femme enceinte, son sérumdoit toujours être analysé en parallèle avec un sérumrecueilli antérieurement. Dans la technique de réfé-rence, des séries de dilution (de raison 2) du sérumdans du chlorure de sodium isotonique sont réalisées

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GIEAnticorps anti-érythrocytaires

Anticorps anti-érythrocytaires

Tableau II. - Seuils critiques préconisés par le Centre National de Référence en Hémobiologie Périnatale pour la mise en placed’un suivi échographique et clinique anténatal et fréquence des titrages/dosages recommandée.

SA = semaine d’aménorrhée.* Fréquence des titrages/dosages pouvant être rapprochée en cas de taux de base élevé ou d’une réactivation de l’immunisation.

Spécificitéde l’anticorps

Anti-D (RH1)

Anti-c (RH4)

Anti-E (RH3)

Autres anti-RH

Anti-Kell (KEL1)

Anti-Jra (JR1)

Autres spécificitésà risque obstétrical

Test de quantification

Titrage (tube)

Dosage pondéral

Titrage (tube)

Dosage pondéral

Titrage (tube)

Dosage pondéral

Titrage (tube)

Dosage pondéral(pour anti-C (RH2),anti-G (RH12),anti-e (RH5)et anti-public)

Titrage (tube)

Titrage (tube)

Titrage (tube)

Fréquence des titrages/dosages*

Au premier trimestre, puistoutes les 2 semaines à partir de 18SA

Au premier trimestre, puistoutes les 2 semaines à partir de 18SA

Au premier trimestre, puistous les mois à partir de 18SA, puistoutes les 2 semaines à partir de 28SA

Au premier trimestre, puistous les mois à partir de 18SA, puistoutes les 2 semaines à partir de 28SA

Au premier trimestre, puistous les mois à partir de 28SA

Au premier trimestre, puistous les mois à partir de 28SA

Au premier trimestre, puistous les mois à partir de 28SA

Au premier trimestre, puistous les mois à partir de 28SA

Au premier trimestre, puistous les mois dès 16SA

Au premier trimestre, puistoutes les 2 semaines à partir de 18SA

Au premier trimestre, puis

à 37SA, si titre initial < 4

ou à 32 et 37SA, si titre initial = 4

ou à 28, 32 et 37SA, si titre initial > 4

Seuil de mise en place d’un suiviéchographique fœtal

(risque d’anémie fœtale sévère)

16 (dès 18SA) mais pouvant être adapté en fonction du dosage pondéral

5 UI/mL = 1 μg/mL = 250 UCHP/mL(dès 18SA)

4 (dès 18SA) mais pouvant être adapté en fonction du dosage pondéral

500 UCHP/mL ≈ 7,5 UI/mL (dès 18SA)

8 (dès 28SA) mais pouvant être adapté en fonction du dosage pondéral

700 UCHP/mL (troisième trimestre)

Anti-e (RH5) et « anti-publics » : 8(dès 28SA) mais pouvant être adaptéen fonction du dosage pondéral

Autres anticorps : 16 (dès 28SA) mais, selon la spécificité, pouvant être adapté

en fonction du dosage pondéral

Anti-e (RH5) et « anti-publics » :700 UCHP/mL (dès 28SA)

Anti-C (RH2) et anti-G (RH12) :1 000 UCHP/mL (dès 28SA)

16 (dès 16SA)

16 (dès 18SA)Dosage pondéral recommandé

en supplément pour préciser le risque

64 (dès 28SA)

Cas particulier

anti-M : titre global 64 / titre des IgGseules 16 (dès 28SA)

dans des tubes en verre. Chaque dilution (100 μl) estmise au contact d’une suspension à 4 ± 1 % d’héma-ties-test (50 μl) porteuses de l’antigène correspon-dant. Il est recommandé d’utiliser un mélange d’aumoins trois hématies-test d’expression hétérozygotepour l’antigène afin de limiter les variations de titredues à une expression non uniforme de l’antigèneselon les donneurs, qui est parfois observée pour lessystèmes dits à « fort effet dose » que sont les systèmesMNS, FY et JK (2).

Après une incubation de 60 ± 15 min à 37 ± 2° C etune centrifugation du milieu réactionnel, une pre-mière lecture du titre, avant l’ajout de l’antiglobuline,est effectuée par certains laboratoires. En cas de posi-tivité, il reflète souvent la présence dans le sérumd’IgM spécifiques de l’antigène. Les hématies sontensuite lavées plusieurs fois avec du chlorure desodium isotonique. Le culot d’hématies est remis ensuspension dans 100 μl d’une solution d’antiglobu-line anti-IgG humaine. La réaction d’agglutination

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GIEAnticorps anti-érythrocytaires

est ensuite observée après une courte et lente centri-fugation et une douce remise en suspension deshématies. Le titre en anticorps correspond à l’inversede la dernière dilution du sérum permettant uneagglutination macroscopiquement visible à l’œil nu.Le point final de lecture en milieu liquide corres-pond à l’intensité d’agglutination (+) (Figure 1).

Certains laboratoires utilisent en plus le score deMarsh évaluant plus finement l’affinité des anticorps.Il se calcule en additionnant les aspects d’agglutina-tion observés pour chaque dilution de l’échantillonsérique (Figure 1). Ainsi, un aspect (+) est associé auscore 2, 1+ au score 5, 2+ au score 8, 3+ au score 10,et 4+ au score 12. Pour un titre donné, plus le scoreest élevé, plus l’affinité des anticorps est importanteet plus l’anticorps est donc dangereux.

Exemple 1 : si la dernière dilution du sérum Apour laquelle une réaction d’hémagglutination estobservée est celle au 1/8, le titre du sérum sera de 8.Si l’aspect de l’hémagglutination est noté 3+ avec lesérum non dilué, 2+ avec la dilution ½, 1+ avec ladilution ¼ et (+) avec la dilution 1/8, le score deMarsh est de (10+8+5+2) 25.

Exemple 2 : si l’aspect de l’hémagglutination estnoté 1+ avec le sérum B non dilué, 1+ avec la dilution½, (+) avec la dilution ¼ et (+) avec la dilution 1/8,le sérum a également un titre de 8 mais un score plusfaible (5+5+2+2 = 14). Cet anticorps sera considérécomme moins dangereux que celui pour lequel lescore est égal à 25.

Interprétation

Plus le titre des anticorps sériques maternels estélevé et plus le score de Marsh est grand, plus lerisque de survenue d’une maladie hémolytique dufœtus et du nouveau-né sévère est important. Si letitre du sérum diffère de deux dilutions ou plus parrapport à un sérum précédent, l’augmentation dutitre est considérée comme significative. On considé-rera alors que l’immunisation est en progression(notion de réactivation).

Des titres « seuils », à partir desquels on estimequ’il y a un risque d’anémie fœtale sévère, ont été éta-blis. Ils varient selon les pays et la nature des anticorps(3, 34, 35). Pour l’anti-D, le titre de 16 est communé-ment admis comme critique, mais d’une institution à

Fig. 1 - Titrage des anticorps anti-érythrocytaires : intensité d’hémagglutination et scores de Marsh, selon les techniques en tube(haut) et en gel (bas).

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l’autre, la valeur seuil peut varier de 8 à 32 (34). Pourl’anti-Kell, les données sont moins précises. Si cer-tains affirmaient dans les publications antérieures à1995 que des cas graves de maladie hémolytique dufœtus et du nouveau-né survenaient avec des titresbas, des études plus récentes (36) et les données denotre centre n’en observent pas avec des titres < 16.Pour l’anti-c, il n’y a pas à proprement parler de titrecritique décrit dans la littérature. Les titres seuils uti-lisés pour l’anti-D sont en général extrapolés pourl’anti-c. L’anti-c est souvent peu affin et les titres trou-vés sont, la plupart du temps, faibles à modérés. Selonl’expérience du Centre National de Référence enHémobiologie Périnatale, des cas de maladie hémo-lytique néonatale, parfois sévère, ont été observés avecdes titres de 8 et le dosage pondéral des anticorps, dèsle titre de 4, est une vraie valeur ajoutée pour pouvoirmieux apprécier ce risque. Pour les autres anticorps,peu de renseignements sont disponibles dans la litté-rature. Il n’a toutefois pas été décrit d’anémie fœtalesévère pour des titres ≤ 32 (35). Le seuil critique uti-lisé au Centre National de Référence est de 64, avecune exception pour l’anti-E et l’anti-Jra.

Comme pour l’anti-c, la détermination de laconcentration des anti-E par dosage pondéral, dès letitre de 8, permet de mieux estimer le risque. L’anti-Jra (JR1) est un anticorps dirigé contre un antigènede forte fréquence (« anti-public »). Sa prévalence estfaible mais un certain nombre de cas d’anémie fœtalesévère ont été décrits avec cet anticorps qui sembleparticulièrement dangereux d’un point de vue obsté-trical. Pour cet anticorps, le Centre National de Réfé-rence recommande un suivi échographique fœtalspécifique dès le titre de 16 (27).

L’anti-M a la particularité de souvent associer desIgG et des IgM respectivement capables et incapablesde franchir la barrière placentaire. Le titrage de lafraction IgG seule est conseillé à partir d’un titre glo-bal de l’anticorps égal à 32 : il nécessite au préalabled’inactiver le pouvoir hémagglutinant des IgM entraitant le sérum avec du dithiothréitol (DTT) quicasse les ponts disulfure et donc les pentamères. Untitre global de l’anti-M ≥ 64, avec un titre de la frac-tion IgG seule ≥ 16 est considéré comme à risque.

L’ensemble des titres seuils pour la technique detitrage, utilisés au Centre National de Référence, estrépertorié dans le tableau II.

Le titrage des IgG anti-A et anti-B présente unintérêt très controversé pour prédire le risque demaladie hémolytique fœtale et néonatale sévère parincompatibilité ABO. Il nécessite de traiter au préa-lable le sérum avec du DTT pour inactiver les IgM etne titrer que la seule fraction IgG. Les IgG anti-A etanti-B comprennent parfois une forte proportion

d’IgG2 dont le pouvoir hémolytique est faible carcette sous-classe d’IgG est moins bien reconnue parles récepteurs Fc sur les monocytes et active moinsbien le complément que les IgG1 ou les IgG3. Deplus, l’expression des antigènes A et B n’est pas res-treinte aux érythrocytes et n’est pas intégrale chez lenouveau-né. Pour ces raisons, le titre des IgG totalesmaternelles n’est pas forcément un bon reflet durisque hémolytique néonatal. Ce titrage n’est doncpas réalisé de manière systématique chez toutes lesfemmes de groupe sanguin O, enceinte d’unconjoint d’un autre groupe. Cependant, il peut pré-senter un intérêt, surtout au troisième trimestre degrossesse, chez les femmes dont un enfant précédenta développé une maladie hémolytique néonatalesévère par incompatibilité ABO. En effet, dans cecas, le titre des IgG maternelles semble associé à lagravité de l’atteinte néonatale, mais sans valeur seuilclairement établie (37).

Avantages et inconvénients

La technique de titrage en tube présente l’avan-tage d’être réalisable assez facilement et rapidementpar de nombreux laboratoires. Par ailleurs, elle restetrès performante et très informative. En effet, elle esttrès sensible à l’affinité des anticorps vis-à-vis de leurantigène cible et donc à leur pouvoir hémolytique.Un anticorps très affin, de faible concentration, peutavoir un titre plus élevé qu’un anticorps peu affinmais dont la concentration est élevée. Le titrage et ledosage pondéral d’un anticorps sont donc desmesures complémentaires. Ainsi, à concentrationégale, un anticorps dont le titre est élevé sera beau-coup plus à risque d’induire une maladie hémoly-tique sévère chez le fœtus ou le nouveau-né qu’unanticorps dont le titre est modéré.

Toutefois, le titrage des anticorps anti-érythrocy-taires par le test indirect à l’antiglobuline en tube estpeu reproductible et les résultats intra- et inter-labo-ratoires varient considérablement. Ceci est dû à unelecture discontinue des valeurs, source d’imprécision,et à un point final d’hémagglutination dépendant denombreuses variables (hématies-test, nature etconcentration de l’antiglobuline…) difficiles à stan-dardiser (38). Une autre source importante de varia-tion des résultats est la fluctuation de la lecture dutest d’un opérateur à l’autre. Pour un échantillondonné, les titres trouvés peuvent être distants de qua-tre dilutions (données du Centre National de Réfé-rence). Pour limiter ce problème de reproductibilitéet ses conséquences, la législation française recom-mande d’analyser simultanément un sérum et unsérum collecté précédemment et conservé congelé.Par ailleurs, l’introduction d’un contrôle de qualitéinterne de titre connu lors de chaque série d’analysesest impérative (2).

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2) Titrage en gel

Indications

Se développant depuis plusieurs années sur dessupports de type colonne-filtration, les indications dutitrage en gel sont les mêmes que pour la techniqueen tube.

Méthode

Le principe de la technique est similaire à la pré-cédente sauf que la distribution des hématies-test etles dilutions de plasma/sérum sont réalisées dans lesmicropuits d’un support et que l’antiglobuline estincluse dans celui-ci. Le milieu dans lequel les héma-ties sont déposées peut être du chlorure de sodiumisotonique ou un milieu de basse force ionique (BFI),tel que celui utilisé pour la recherche/identificationdes anticorps anti-érythrocytaires. Ce milieu accélèrela réaction de fixation des anticorps sur les antigèneset permet la liaison des anticorps de faible affinité.

On distingue deux types de support :

• Des microbilles sur lesquelles est fixée l’anti-glo-buline qui peut être de type polyvalente (anti-IgG+ anti-C3d), permettant de mettre en évidence àla fois les IgG et les IgM, ou de type anti-IgGpure. Elles baignent dans un tampon à base d’al-bumine bovine contenant également des poten-tialisateurs macromoléculaires.

• Une matrice gel au sein duquel baigne une solu-tion d’antiglobuline polyvalente ou d’anti-IgG,dans un tampon BFI comportant différentesmolécules potentialisatrices.

Une autre différence avec la technique tube est quela lecture du titre se fait en général en point final 1+.

Interprétation

En raison de la présence de molécules potentiali-satrices dans les supports colonne/filtration, les résul-tats observés sont souvent différents de ceux obtenuspar la technique en milieu liquide. Ils peuvent l’êtreégalement d’un type de support à l’autre selon lanature de l’antiglobuline ou de la composition dutampon dans lequel baigne le support. Par ailleurs,comme pour la technique en tube, les hématies-testpeuvent être d’expression hétérozygote ou homozy-gote pour l’antigène et faire ou non l’objet demélange, ce qui peut être une source de variation desrésultats. Les hématies-test peuvent être mises en sus-pension dans un milieu salin ou BFI, une conditionqui influe également sur le résultat de l’analyse.

Si les résultats paraissent en général surestiméspour les anticorps du système RH, cette tendance estmoins manifeste pour ceux dirigés contre d’autressystèmes de groupe sanguin, notamment pour l’anti-

Kell dont le titre sérique est parfois sous-estimé (39,40). De plus, il semblerait que des échantillons, ayantun même titre par la technique en tube, puissentavoir des titres variant jusqu’à cinq dilutions d’écartpar cette technique.

À ce jour, aucun titre critique corrélé avec des don-nées cliniques n’a été établi. Les laboratoires étantpassés à la technique de titrage en gel utilisent sou-vent les mêmes titres seuil qu’avec l’autre techniquepour l’anti-D et l’anti-c ; en revanche, pour l’anti-Kell,ils n’ont souvent pas de titre seuil : pour chaquepatiente présentant une allo-immunisation anti-Kell,quel que soit le titre sérique, est programmé un suiviéchographique fœtal hebdomadaire avec une mesurede la vitesse systolique maximale au niveau de l’artèrecérébrale moyenne fœtale.

Avantages et inconvénients

L’avantage de ces techniques est la possibilité deles automatiser, depuis la dilution du sérum jusqu’àla lecture de la réaction : on peut donc préjugerd’une diminution de la variabilité inter-opérateur etainsi d’une meilleure reproductibilité des résultatsdes analyses. De plus en plus de pays les utilisent doncen routine. En France, si la technique de référenceen tube restait préconisée jusqu’à l’arrêté du 15 mai2018, aujourd’hui il n’y a plus aucune recommanda-tion quant à la technique à exécuter (2). Cet arrêtéouvre donc la voie au développement de techniquescolonne/filtration automatisables, mais il soulève leproblème de l’interprétation des résultats au vu del’absence de seuils critiques cliniquement éprouvés.

La prise en compte des résultats de titrage des anti-corps par cette nouvelle technique sera probable-ment initialement prudente et risque d’induire uneaugmentation importante du nombre de grossessesconsidérées comme à risque, avec des suivis cliniquespas toujours nécessaires pour les patientes. Si desseuils plus précis sont ensuite établis avec l’expé-rience et le recul, ils risqueront de différer de ceuxde la technique en tube, ce qui impliquera unebonne communication de la part des biologistes pourne pas induire de confusion chez les gynécologues-obstétriciens et les pédiatres habitués depuis desdécennies aux valeurs seuils de la technique en tube.

3) Autres techniques de titrage

Avec l’automatisation, d’autres techniques detitrage se développent actuellement : en micro-plaque, par des techniques d’immunocapture. Cestechniques pourraient connaître un essor dans lesannées à venir. Comme les techniques colonnes/fil-tration, elles devront être éprouvées cliniquementpour pouvoir définir des seuils critiques qui sont sus-ceptibles d’être également distincts des valeurs seuils

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établies par les techniques en tube et en gel. Les labo-ratoires les utilisant auront un rôle primordial deconseil auprès des cliniciens lors de la remise desrésultats d’analyse.

B) La concentration des anticorps

1) Le dosage pondéral des anticorps anti-érythrocytairespar hémagglutination en flux continu

Indication

Cette technique décrite dans la pharmacopéeeuropéenne reste celle de référence pour l’estima-tion de la concentration des anticorps anti-D. Commele titrage, elle repose sur le principe de l’hémaggluti-nation, mais celle-ci se fait dans un flux continu, ausein d’un auto-analyseur.

La technique de dosage pondéral est assez labo-rieuse mais elle permet d’établir asssez précisémentla concentration des anticorps et s’avère très utiledans la prise en charge des patientes présentantune allo-immunisation dirigée contre les cinq prin-cipaux antigènes du système RH (anti-D [RH1],anti-C [RH2], anti-E [RH3], anti-c [RH4] et anti-e[RH5]).

Méthode

Les dilutions de sérum et la suspension de globulesrouges portant l’antigène correspondant à l’anticorpsà doser (les hématies utilisées sont de phénotypeD+C+E+c+e+ (RH:1,2,3,4,5)) sont propulsées par despompes dans un long circuit constitué de tubuluressouples et de tubes en verre, horizontaux ou enroulésen spires de façon à assurer leur mélange en perma-nence (Figure 2). Le mélange est segmenté par de

Fig. 2 - Schéma d’un circuit de dosage pondéral par hémagglutination en flux continu (adapté de (41)) et photos d’auto-ana-lyseurs.

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l’air dans le but de bien séparer les différentes dilu-tions de sérum qui, sans ce procédé, auraient ten-dance à se chevaucher les unes sur les autres.

Pour induire l’agglutination des hématies sensibi-lisées dans le circuit, il existe plusieurs alternatives.Dans tous les cas, ce n’est pas l’ajout d’une antiglobu-line mais l’addition d’une solution de macromolé-cules qui va permettre l’hémagglutination. En effet,cette solution a pour effet d’augmenter la constantediélectrique du milieu, donc de diminuer le potentielzêta ; ceci facilite le rapprochement physique deshématies à une distance telle que les molécules d’IgGdeviennent capables de fixer une hématie sur chacunde leurs bras et donc d’induire une agglutination. Lespentamères d’IgM peuvent toujours induire uneagglutination et cette méthode ne permet pas de dis-tinguer la part d’hémagglutination due aux IgG decelle due aux IgM dans le cas où ces deux classesd’immunoglobulines seraient présentes.

La technique de Rosenfield met en jeu des hématiesbromélinées avec une solution de polyvinylpyrrolidone.La broméline est, comme la papaïne, une enzyme pro-téolytique qui, en détruisant notamment les glycopho-rines porteuses de nombreux acides sialiques, diminuela charge négative globale des hématies et donc lepotentiel zêta. En éliminant un certain nombre de pro-téines de surface, la broméline favorise aussi l’accessi-bilité et donc la reconnaissance des antigènes du sys-tème RH par les anticorps, y compris ceux de faibleaffinité. La technique de Gunson, dont le principe estsimilaire à celui de la technique Rosenfield, recourt àune autre macromolécule, la méthylcellulose.

La bromélination des hématies peut être réaliséedans le circuit, la broméline étant introduite avec lesérum et les hématies « natives » dès le début du cir-cuit (technique dite « 1 temps »). Ou bien elle esteffectuée d’abord hors circuit selon les modalitéshabituelles, et ensuite les hématies bromélinées sontincorporées dans le circuit (technique dite « 2temps »). Afin de permettre leur bonne conservationavant et pendant l’analyse, les hématies sont mises ensolution dans du Ficoll ou du sérum AB, évitant ainsiune hémolyse consécutive à l’agitation magnétique.

Le circuit est composé de trois parties :

• Une partie où a lieu la fixation des anticorps etl’agglutination, dans des spires formant desbobines de différentes tailles, mises bout à bout.Les macromolécules (polyvinylpyrrolidone ouméthylcellulose) induisent un rapprochementphysique des hématies : c’est la formation des« rouleaux ». Les anticorps présents dans lesérum peuvent alors se fixer sur les hématies etles agglutiner.

• Une partie permettant la sédimentation et le pié-geage des agglutinats. Une solution isotoniquede chlorure de sodium arrive dans le circuit justeavant une bobine qui permet un bon mélange etune bonne dilution de la suspension de globulesrouges. Cela a pour conséquence la disparitiondes rouleaux, tout en préservant les agglutinatsimmunologiques. La suspension circule ensuitedans des arcs horizontaux de façon à sédimenterpréférentiellement les agglutinats qui sontensuite éliminés du circuit grâce à un couple de« pièges ».

• Une partie consacrée à l’hémolyse et à la lecture.Les hématies restées libres dans le circuit sonthémolysées par un détergent (Triton X100).L’hémolysat est alors acheminé vers l’unité delecture constituée d’un spectrophotomètre mesu-rant la densité optique de la solution à 540 nm.Le calcul des concentrations est réalisé grâce àune gamme issue du standard international anti-D 01/572 de l’OMS, qui est repositionnée régu-lièrement pour réajuster les valeurs en fonctiondes modifications de celui-ci avec le temps.

Interprétation

L’incertitude de mesure de ces techniques est tellequ’on considère qu’une concentration en anticorpsvarie significativement si elle diffère de plus de 30 %par rapport à l’antécédent. En cas d’une augmenta-tion > 30 %, on considérera alors que l’immunisationest en phase de réactivation.

La technique en 2 temps est réalisée dans desconditions réactionnelles qui permettent de doserl’ensemble des anticorps spécifiques de l’antigèneétudié. Elle est très sensible et tous les anticorpsdeviennent « agglutinants », quelle que soit leur affi-nité initiale (38).

L’étalon anti-D de l’OMS est une solution d’immu-noglobulines polyclonales préparées à partir d’untrès grand nombre de sujets immunisés contre l’anti-gène correspondant. Lorsque la solution d’anticorpsà doser a la même composition que l’étalon, les par-ticularités fonctionnelles des anticorps (affinité, apti-tude à former des complexes immuns, polymor-phisme isotypique, allotypique et idiotypique) sontsimilaires ; le dosage pondéral est alors le reflet de laconcentration réelle en anticorps. Si la solution d’an-ticorps à doser est différente – ce qui est souvent lecas puisque la réponse polyclonale d’un individu,dont le système immunitaire a ses propres particula-rités, est comparée à celle de nombreux donneurs –le dosage pondéral exprime alors une concentration« apparente », dont la valeur dépend des paramètrespropres à chaque technique. Les valeurs obtenues

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avec les différentes techniques peuvent donc être dis-cordantes. Des variations peuvent être observées, nonseulement selon la nature de la macromolécule choi-sie mais aussi en fonction du type d’auto-analyseurutilisé. Si la variabilité inter-laboratoire des résultatsest moindre que pour le titrage, elle reste tout demême non négligeable et il est donc préférable quele suivi d’une grossesse soit toujours effectué dans lemême laboratoire.

Par ailleurs, les conditions analytiques de la tech-nique de dosage « 1 temps » diffère sensiblement decelles de la technique « 2 temps » et, par conséquent,les résultats obtenus sont fréquemment distincts. Latechnique « 1 temps » est particulièrement sensible àl’affinité des anticorps et à la nature des isotypes. Elledose essentiellement les IgG1 car les IgG3 sontdétruites par la broméline introduite dans le circuit.L’action de la broméline est par ailleurs moindre quedans la technique « 2 temps » car elle est réaliséedans le circuit durant un laps de temps court ; ellen’est donc pas aussi franche que lorsque les hématiessont pré-bromélinées. En conséquence, la concentra-tion en anticorps trouvée par cette technique estessentiellement le reflet des IgG1 de haute affinité(42). Il s’agit de la sous-classe d’anticorps la plus dan-gereuse en période anténatale car elle traverse préco-cement le placenta, dès la treizième semaine d’amé-norrhée (43, 44). Pour un sérum contenant une forteproportion d’IgG1 anti-D de haute affinité, unevaleur élevée sera donc obtenue avec cette technique.La concentration « apparente » trouvée sera mêmeparfois plus élevée que celle fournie en recourant àla technique « 2 temps ». À l’inverse, pour un sérumcontenant majoritairement des IgG3, une valeur plusbasse sera obtenue avec la technique « 1 temps ». Cesdiscordances de résultats observés, pour un sérumdonné, avec les deux techniques ne sont pas uninconvénient. Au contraire la comparaison des deuxvaleurs permet de préciser le risque hémolytique desanticorps et, complétée avec le résultat du titrage, demieux apprécier leur dangerosité globale. Ainsi, plusle ratio concentration par le dosage « 1 temps » /concentration par le dosage « 2 temps » est élevé(proche, voire > 1), plus le potentiel hémolytique del’anticorps durant la période anténatale est impor-tant et plus le risque qu’une anémie fœtale sévère sedéveloppe augmente (33).

Historiquement, la concentration seuil établie avecles auto-analyseurs utilisés en Angleterre (selon la tec-nique de Gunson) pour l’anti-D était fixée à 4 UI/mL(45). Elle a ensuite été réhaussée à 15 UI/mL (46) ;toutefois, les deux valeurs sont toujours en vigueur.Les recommandations britanniques distinguent unseuil de risque modéré à 4 UI/mL, nécessitant deréférer la patiente vers un centre spécialisé pour unsuivi échographique fœtal avec mesure de la véloci-

métrie à l’artère cérébrale moyenne, et un seuil derisque élevé à 15 UI/mL (35). En France, historique-ment, un seuil de 5 UI/mL (ou 250 UCHP/mL) avaitété proposé (technique de Rosenfield) (42), et savéracité a récemment été confirmée sur une cohortede patientes suivie par le Centre National de Réfé-rence en Hémobiologie Périnatale (33).

Pour l’anti-c, les recommandations anglaises dis-tinguent également des seuils de risque modéré à7,5 UI/mL, et élevé à 20 UI/mL (35). Au Royaume-Uni, l’étalon international anti-c (référence OMS84/628) est employé pour doser cet anticorps dontla concentration est donc exprimée en UI/mL ; tou-tefois, le dosage pondéral n’est effectué que pour lesanti-D et anti-c. En France, le choix a été différent :les cinq anticorps principaux du système RH sontdosés, tous par la même technique, en utilisant l’éta-lon international anti-D comme référence. Ainsi,seule l’expression de l’anti-D est en UI/mL. Pourtous les autres anticorps, le résultat est rendu enunité arbitraire locale : les UCHP/mL. Des seuils derisque ont été établis par l’expérience : 500UCHP/mL pour l’anti-c (correspondant à la valeurde 7,5 UI/mL utilisée en Angleterre), 700 UCHP/mLpour l’anti-E et l’anti-e et 1000 UCHP/mL pourl’anti-C (Tableau II).

Avantages et inconvénients

La technique de dosage pondéral nécessite de dis-poser d’un auto-analyseur à flux continu, automatede moins en moins commercialisé devant un nombredevenu restreint d’applications de cette techniqueautrefois beaucoup plus utilisée. L’entretien de l’ap-pareillage est primordial et son utilisation requiertune certaine expertise pour la gestion des fuites,casses, encrassements ou tout autre bouchage detubulures ou de spires de verre.

Comme nous l’avons vu, les résultats obtenus d’untype d’auto-analyseur à un autre ne sont pas complète-ment corrélés et il est important de toujours effectuerles dosages dans le même laboratoire. La fidélité inter-médiaire de la technique, bien que nettement meil-leure que celle des titrages, montre un coefficient devariation qui reste toutefois assez élevé (entre 5 à 20 %selon les études) (7) : les résultats restent en effetinfluencés par un certain nombre de facteurs : fraî-cheur des hématies, précision des dilutions, tempéra-ture d’incubation, conditions environnementales…

Cette technique n’est pas applicable à la quantifi-cation des anti-Kell. En effet, les essais de dosage deces anticorps par hémagglutination en flux continune se sont pas révélés probants : problème de repro-ductibilité, manque de corrélation avec les donnéescliniques. Ceci est probablement dû aux caractéris-

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tiques intrinsèques des anticorps anti-Kell. Ces anti-corps forment de fins agglutinats, qui se délitent faci-lement et qui sont parfois difficilement quantifiés parun œil non exercé, ce qui explique probablement lanotion parfois rapportée que les anti-Kell peuventêtre dangereux, quel que soit leur titre. Cette carac-téristique un peu particulière des agglutinats induitspar les anti-Kell est sans doute aussi à l’origine dumanque de robustesse de la technique de dosagepondéral de ces anticorps par hémagglutination enflux continu.

En revanche, pour les anticorps du système RH, ledosage pondéral apporte une vraie valeur ajoutée enplus du titrage. Il détecte plus précocement les réac-tivations de l’immunisation (33). Il a également étémontré que la concentration des anticorps maternelsanti-D est corrélée à la bilirubinémie des premièresheures de vie chez les nouveau-nés (33). Le dosageanti-D selon la technique « 1 temps » a, de plus, unetendance à être corrélé à la précocité de la survenuede l’anémie fœtale (33).

Concernant les anticorps anti-c, qui présentent engénéral un titre modéré du fait de leur affinité ini-tiale souvent peu importante, la concentration établiepar le dosage pondéral par la technique « 2 temps »permet de mieux apprécier le risque hémolytiquepost-natal. Pour un titre donné, plus la concentrationen anticorps est élevée plus le risque d’une atteintenéonatale sévère augmente. De même, si le titredépasse 4, le risque de développement d’une anémiefœtale sévère sera d’autant plus grand que la concen-tration en anticorps est élevée (données non publiéesdu Centre National de Référence).

Pour les anticorps anti-E, anti-e et anti-C, le dosagepondéral associé au titrage permet également uneévaluation plus précise du risque de maladie hémoly-tique.

2) Les autres techniques de dosage pondéral et dedétermination de la concentration des anticorpsanti-érythrocytaires

Indications

À notre connaissance, elles ne sont pas actuelle-ment utilisées en France. Elles ne mettent pas en jeuun processus d’hémagglutination. Leurs indicationssont les mêmes que pour le dosage pondéral. Cestechniques peuvent toutefois être généralisées à d’au-tres spécificités d’anticorps, dont l’anti-Kell, dumoment que l’on dispose d’hématies-test informa-tives. Des étalons internationaux n’existent que pourles anti-D et anti-c et les concentrations de ces anti-corps peuvent être ainsi exprimées en UI/mL.

Méthodes

Les techniques ELISA

Il s’agit d’un dosage immuno-enzymatique sur unsupport solide (microplaque de 96 puits le plus sou-vent), dont il existe plusieurs variantes :

• Des hématies entières ou des bouts de membrane« intègres » sont fixés au fond des puits d’unemicroplaque. Le sérum des patientes, après uneéventuelle dilution, est incubé directement dansla plaque à 37 ± 2° C. L’ajout d’une antiglobulineliée à une enzyme (ELISA indirect) ou d’unautre anticorps spécifique de l’antigène lié à uneenzyme (ELISA compétitif) permet, après addi-tion du substrat, le développement d’une réac-tion enzymatique. Le substrat chromogène setransforme alors en un produit coloré dont il estaisé d’estimer, par colorimétrie, la concentrationpar comparaison avec une gamme étalon (47).

• D’autres techniques impliquant des étapesmanuelles supplémentaires ont aussi été dévelop-pées, comme le SOL-ELISA. Dans cet essai, qui amontré son intérêt pour les dosages de l’anti-D(48) et de l’anti-Kell (49), le sérum de la patienteest préalablement incubé à 37 ± 2° C avec unesuspension d’hématies porteuses de l’antigèneconsidéré. Après plusieurs lavages, la membranedes globules rouges sensibilisés est solubilisée parajout de Triton X100 ou par élution acide. LesIgG (totales ou sous-classes) dans le lysat ou dansl’éluat sont ensuite dosées par ELISA indirect.

Les techniques en cytométrie de flux

Les hématies porteuses de l’antigène sont préala-blement incubées à 37 ± 2° C en phase liquide (tube)en présence du sérum de la patiente. Une antiglobu-line de type anti-IgG couplée à un fluorochrome estalors ajoutée au mélange réactionnel et il ne faut pasque celle-ci conduise à une hémagglutination. À cettefin, l’antiglobuline n’est pas le plus souvent uneimmunoglobuline complète mais du fragment Fabqui comprend les paratopes et porte donc la spécifi-cité de l’anticorps. Le fragment Fc, duquel dépen-dent les caractéristiques fonctionnelles des anticorpsdont la capacité à induire une agglutination, estabsent. Grâce au flux, les hématies passent ensuite,l’une après l’autre, devant un laser qui excite le fluo-rochrome et induit l’émission d’une fluorescencedont l’intensité est proportionnelle au nombre demolécules d’IgG fixées sur les globules rouges. Cettetechnique apporte ainsi plusieurs informations : nonseulement le pourcentage d’hématies reconnues parles anticorps sériques de la patiente, mais aussi le

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nombre moyen de molécules d’IgG fixées par globulerouge (50).

Interprétation des résultats

Comme pour l’hémagglutination en flux continu,une concentration peut être établie à l’aide d’unegamme et exprimée soit en UI/mL pour l’anti-D etl’anti-c si l’étalon international correspondant est uti-lisé, soit en unités arbitraires pour les autres spécifici-tés d’anticorps. Les seuils critiques pour l’anti-D etl’anti-c sont similaires à ceux définis pour l’hémagglu-tination en flux continu. Pour les autres anticorps, lesvaleurs seuils restent à déterminer par chaque labo-ratoire selon son expérience.

Avantages et inconvénients

Les techniques ELISA comportent beaucoupd’étapes manuelles et sont assez laborieuses. Il sem-ble très difficile d’arriver à conserver la conformationdes antigènes membranaires dans les techniques indi-rectes et par compétition. Pour l’anti-D, les résultatsobtenus par ELISA et hémagglutination en fluxcontinu semblent corrélés, et les coefficients de varia-tion sont similaires (48).

Les techniques de dosage par cytométrie de fluxsont difficiles à mettre au point du fait de la difficultéà choisir l’anticorps secondaire marqué par le fluoro-chrome afin qu’il ne provoque pas une hémaggluti-nation lors de la phase d’incubation. Elles sont égale-ment difficiles à standardiser car, selon les dilutionsde sérum et la concentration de la suspension d’hé-maties utilisées, les résultats peuvent être très varia-bles (50).

Les techniques ELISA et de cytométrie de flux onttoutefois l’avantage, par rapport à la technique d’hé-magglutination en flux continu, de pouvoir doser denombreuses spécificités d’anticorps et de différencierla proportion des sous-classes d’IgG. Une étude mul-ticentrique (20 laboratoires) a comparé les résultatsobtenus pour neuf sérums contenant un anti-D pardosage pondéral sur auto-analyseur, ELISA (par com-pétition) et cytométrie de flux : les concentrationstrouvées étaient globalement bien corrélées et aucuntest ne semblait supérieur à un autre (51).

3) Cas particulier du microtitrage anti-D

Indications

Le microtitrage est une technique mise en place enFrance à la fin des années 1990 à la suite de la géné-ralisation de l’immunoprophylaxie Rh anténatale(ciblée en cas d’actes invasifs ou de traumatismes ;systématique à la vingt-huitième semaine d’aménor-

rhée) (7). Cette technique n’est applicable que pourl’anti-D et ne quantifie que des basses concentrationsd’anticorps (en raison d’une perte de linéarité au-dessus de 24 ng/mL [6 UCHP/mL ou 0,12 UI/mL]).Elle permet de s’assurer du caractère « passif » desanti-D en comparant la concentration trouvée avecune concentration attendue, à l’aide d’abaques fon-dés sur la pharmacocinétique du médicament ou, aucontraire, de dépister un début d’immunisation fai-ble chez une patiente.

Méthode

Reposant sur le principe de l’hémagglutination,cette technique met en jeu des supports de typecolonne/filtration et des hématies de phénotypeD+C-E-c+e+ (RH:1,-2,-3,4,5) traitées par la papaïne(« papaïnées »). Une alternative avec des hématiesnatives reste possible, notamment en cas d’auto-papaïne pouvant induire une surestimation du résul-tat. Le phénotype des hématies-test est choisi demanière à ce qu’elles soient compatibles avec d’au-tres anticorps parfois associés à l’anti-D, commel’anti-C ou l’anti-E. De cette manière ces anticorps (sion excepte l’anti-G) ne peuvent pas interférer dansle titrage.

Une solution de standard d’immunoglobulinesanti-D (6 ng/mlL [1,5 UCHP/mL ou 0,03 UI/mL])si la technique utilise des hématies tests papaïnées ou24 ng/mL [6 UCHP/mL ou 0,12 UI/mL] si ellerecourt à des hématies-test natives) est diluée en sériede raison deux dans les six puits du supportcolonne/filtration. Les sérums sont dilués de lamême manière, dans une solution isotonique dechlorure de sodium, et les intensités de l’hémagglu-tination sont comparées. La concentration en anti-Dest calculée en multipliant l’inverse de la dernièredilution réactive de l’échantillon avec la concentra-tion de la dilution du standard ayant la même inten-sité de réaction (Figure 3).

Interprétation des résultats

Si la concentration en anti-D trouvée est inférieureou égale à celle attendue d’après les abaques établisau vu de la pharmacocinétique des IgRh (7), il s’agitd’un anti-D « passif ». Si elle est supérieure, la pré-sence d’une immunisation anti-D peut être évoquée ;l’évolution des concentrations sériques en anticorpspermettra de le confirmer. Dans ce cas, il reste égale-ment important de prêter une attention particulièreà l’identification des anticorps pour s’assurer de l’ab-sence de potentielles interférences sur le résultat (pré-sence d’une « auto-papaïne » ou d’un autre anticorps).Cette technique a montré tout son intérêt pour lespatientes de phénotype D négatif (RH:-1) en l’ab-sence d’informations sur une éventuelle injection de

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Rhophylac (immunoglobuline anti-D), et pour touteintensité de réaction incohérente par rapport à la dated’injection annoncée. Elle peut permettre de corrigerdes faux diagnostics d’« anticorps passifs » ou, plusrarement, des faux diagnostics d’immunisation (52).

Avantages et inconvénients

Cette technique présente peu d’inconvénients parrapport à sa valeur ajoutée car elle est facile à mettre enœuvre pour tout laboratoire d’immuno-hématologie etest automatisable, au moins pour la dilution et distribu-tion des sérums et des hématies. Elle nécessite toutefoisde disposer d’un étalon raccordé à l’étalon internatio-

nal, ce qui peut être l’élément limitant. Il reste recom-mandé, pour toute valeur trouvée ≥ 24 ng/ml, de com-pléter le microtitrage par un dosage pondéral pouravoir une valeur plus précise de la concentration (pertede linéarité).

C) Les tests fonctionnels cellulaires

1) Indications

Ces tests ont été développés dans les années 1980-1990 mais, du fait de leur pénibilité technique, ils nesont quasiment plus utilisés dans un contexte de pré-

Fig. 3 - Microtitrage des anticorps anti-D : méthode de calcul de la concentration (en haut) et interprétation des résultats (en bas).

Fig. 3 - Microtitrage des anticorps anti-D : méthode de calcul de la concentration (A) et interprétation des résultats (B).

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Anticorps anti-érythrocytaires

diction du risque de maladie hémolytique du fœtuset du nouveau-né, hormis en Hollande où le test decytotoxicité, historique, est exécuté en premièreintention. Ils visent à mettre en évidence la capacitéfonctionnelle des IgG maternelles ayant reconnuleurs antigènes sur les érythrocytes, à activer lesmonocytes/macrophages lors de leur fixation sur lesrécepteurs Fc. Différents types de tests existent, mesu-rant la cytotoxicité exercée par les monocytes vis-à-visdes globules rouges sensibilisés (ADCC – Antibody-dependent cellular cytotoxicity) (53), la réponse métabo-lique des monocytes activés par production de dérivésde l’oxygène (CLT - Chemiluminescence test) (54) ou laphagocytose des hématies par les monocytes (MMA -Monocyte monolayer assay) (55) (Figure 4).

Méthodes

Le sérum de la patiente est mis au contact d’héma-ties porteuses de l’antigène correspondant à l’anti-corps recherché et de monocytes isolés du sang dedonneurs ou provenant d’une culture cellulaire(lignées). Dans le test ADCC, les hématies sont mar-quées par un radioélément (51Cr) et l’intensité de lalyse cellulaire est appréciée par une mesure de laradioactivité libérée grâce à un compteur gamma. Lepourcentage de lyse est exprimé par rapport à unelyse maximale des hématies réalisée par un détergent(Triton X100). Dans le test CLT, les radicaux oxygé-nés résultant de l’activation des macrophages vont,

en présence de luminol, émettre une lumière mesu-rée à l’aide d’un luminomètre. La réponse lumineusegénérée par les « puits échantillons » est divisée parla réponse lumineuse émise par les « puits contrôlesnégatifs » : le ratio ainsi obtenu est appelé indexopsonique. Ce ratio peut être rapporté en pourcen-tage s’il est comparé au ratio du témoin positif, ce quipermet de limiter la variabilité des résultats inter-essais. Dans le test MMA, la proportion de monocytesayant phagocyté des hématies est déterminée parmicroscopie : l’index phagocytique correspond aunombre de globules rouges ingérés pour 100 mono-cytes.

Interprétation

Dans le cas du test ADCC, une lyse > 3 % est consi-dérée comme positive ; > 10 %, elle est associée à unrisque hémolytique modéré et sévère à 20 %. Dans lecas du test CLT, un index opsonique > 2 est associé àun risque de maladie hémolytique du fœtus et du nou-veau-né. Un pourcentage de 5 % est associé à unrisque modéré et de 10 %, à un risque sévère (54).Enfin, dans le test MMA, un index phagocytique > 4 estconsidéré comme le seuil critique associé à un risquede développement d’une maladie hémolytique dufœtus et du nouveau-né sévère. Un pourcentage >20 % de monocytes ayant phagocyté au moins un éry-throcyte est également associé à un risque élevé demaladie hémolytique (56).

Fig. 4 - Principe des tests cellulaires ADCC, MMA et CLT.

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Avantages et inconvénients

Les tests ADCC semblent les mieux corrélés à l’at-teinte fœtale et néonatale (57). En effet, ils évaluentla capacité fonctionnelle des anticorps à induire ladestruction des hématies par les monocytes/macro-phages, ce qui permet une évaluation de plusieursfacteurs pouvant intervenir dans la physiopathologiede la maladie, contrairement à la simple quantifica-tion des anticorps. Le test CLT est une bonne alter-native car il dispense de l’utilisation de radio-isotopes.Le test MMA semble un peu moins bien corrélé à l’at-teinte fœtale et néonatale car il semble dépendreessentiellement des IgG3 et moins des IgG1 dontl’implication dans la physiopathologie de la maladiehémolytique du fœtus et du nouveau-né semble pour-tant prépondérante (44).

On avait plus fréquemment recours à ces tests dansles années 80-90 car la surveillance clinique des cas« à risque » impliquait la réalisation d’actes invasifs,avec menace de perte fœtale et de réactivation del’immunisation (amniocentèse et détermination dela bilirubinamnie et de l’indice de Liley : ponction desang fœtal et mesure du taux d’hémoglobine fœtale).On recherchait donc les tests biologiques les plus pré-dictifs du risque réel d’anémie fœtale sévère afin delimiter les actes invasifs aux patientes les plus à risque.Depuis les années 2000 et l’avènement du dépistageéchographique de l’anémie fœtale sévère par desmesures hebdomadaires de la vitesse systolique maxi-male au niveau de l’artère cérébrale moyenne fœtalepar échographie Doppler (4), ces tests cellulaires ontété progressivement abandonnés au profit du titrage,plus facile à mettre en œuvre.

IV. - CONCLUSION

De nombreux tests de quantification existent maisil n’y a pas de test biologique idéal permettant de pré-dire la sévérité de la maladie hémolytique du fœtus etdu nouveau-né en raison de la complexité de sa phy-siopathologie impliquant des paramètres à la foismaternels, placentaires et fœtaux. Les tests de quanti-fication ne sont informatifs que d’une partie du méca-nisme, ce qui explique la très grande variabilité destableaux cliniques observés pour un résultat donné.Ils ne peuvent être interprétés que par rapport à unseuil pour définir le risque d’anémie fœtale sévère,instaurer éventuellement une surveillance clinique etéchographique spécifique de la grossesse et/ou orien-ter la patiente pour qu’elle accouche dans un établis-sement permettant une prise en charge adaptée de lamaladie hémolytique du nouveau-né.

Les différentes techniques de quantification sonttoutefois complémentaires ; comme nous l’avons vu,les résultats des titrages, des dosages pondéraux voire

des tests fonctionnels cellulaires, donnent des infor-mations différentes qui, cumulées, permettent demieux appréhender le risque global de maladiehémolytique du fœtus et du nouveau-né et sa sévérité.

Nous avons également évoqué le fait que, suite à lamise en place dans les années 2000 du dépistage noninvasif de l’anémie fœtale sévère par mesure de lavitesse systolique maximale au niveau de l’artère céré-brale moyenne fœtale, par échographie Doppler, cer-tains laboratoires avaient abandonné des techniqueslaborieuses (tests cellulaires mais aussi dosage pondé-ral par hémagglutination en flux continu) malgréleur intérêt (limitation du suivi par échographie Dop-pler aux seules patientes réellement à risque, détec-tion plus rapide des réactivations d’immunisation etanticipation des transfusions fœtales ou de l’accou-chement). Ainsi, aucun laboratoire français n’effec-tue aujourd’hui de test cellulaire et le nombre delaboratoires réalisant la technique de dosage pondé-ral par hémagglutination en flux continu est passé de5 en 1991 à 2 après les années 2000.

Le titrage reste la technique de prédilection de parle monde en raison de la simplicité de son exécutionet parce qu’elle permet de quantifier rapidement lesanticorps anti-érythrocytaires, quelles que soient leursspécificités, si l’on possède au moins une hématie-testinformative, porteuse de l’antigène. Elle est égale-ment en pleine évolution avec l’arrivée de techniquesautomatisables, que ce soit sur support colonne/fil-tration ou par d’autres méthodes. Ces nouvelles tech-niques, encore peu éprouvées cliniquement, pose-ront tout de même la problématique des nouveauxseuils de risque à établir.

Au Royaume-Uni et en France, le dosage pondéraldes anticorps anti-érythrocytaires par hémagglutina-tion en flux continu reste utilisé. S’il se substitue com-plètement au titrage pour l’anti-D et l’anti-c auRoyaume Uni, en France, il est effectué en complé-ment du titrage afin de préciser le risque d’atteintefœtale et néonatale (2). Cette technique n’est pas réa-lisée systématiquement, certains laboratoires ne l’envi-sageant que lorsque le titre de l’anticorps dépasse uncertain seuil (8 pour l’anti-D et l’anti-E, 4 pour l’anti-c).L’arrêté de mai 2018 reste peu précis quant aux moda-lités du suivi immuno-hématologique de la femmeenceinte. Si des recommandations ont été émises parle Centre National de Référence en HémobiologiePérinatale (3), il n’y a pas de titres seuils nationale-ment définis, ni de fréquence de titrage/dosage offi-ciellement établie selon la spécificité de l’anticorpsidentifié, comme cela peut être le cas au Royaume-Uni. Un groupe de travail au sein de la Société Fran-çaise de Transfusion Sanguine s’est récemment consti-tué et œuvre à harmoniser les pratiques et à établir desrecommandations plus précises à ce sujet, au vu desdonnées de l’expérience nationale et de la littérature.

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Anticorps anti-érythrocytaires

Les dosages d’anticorps par ELISA et cytométriede flux ne sont pas actuellement effectués en France.Ils se sont développés dans certains pays, commeceux de Scandinavie qui n’utilisaient pas la techniqued’hémagglutination en flux continu. À notre connais-sance, seule la Hollande continue à effectuer des testsfonctionnels cellulaires « en routine » dans uncontexte obstétrical. Ces tests restent toutefois inté-ressants et on pourra y avoir recours pour compren-dre un tableau clinique non corrélé au titre de l’an-ticorps trouvé (maladie hémolytique du fœtus et dunouveau-né sévère et associée à un titre bas des anti-corps maternels ou au contraire peu sévère et asso-ciée à un titre élevé).

Dans leur ensemble, ces tests de quantification res-tent incontournables pour le suivi des grossesses com-pliquées par une allo-immunisation anti-érythocy-taire. Ils doivent rapidement être mis en œuvre, dès

qu’un anticorps à risque est identifié chez une femmeenceinte. Leurs résultats doivent être accompagnésd’une interprétation décrivant le risque fœtal et néo-natal associé (2). De plus, des conseils pour le suiviclinico-biologique de la grossesse (fréquence desquantifications d’anticorps, nécessité ou non demesurer la vitesse systolique maximale au niveau del’artère cérébrale moyenne fœtale) et pour la priseen charge du nouveau-né (bilan d’incompatibilité àfaire à la naissance, risque d’avoir recours à de la pho-tothérapie intensive ou à des actes transfusionnels)doivent être formulés. Ils doivent être transmis, dansles plus brefs délais, à l’obstétricien qui suit lapatiente, en fin de grossesse au pédiatre qui seraamené à prendre l’enfant en charge, et également àtous les intervenants de la chaîne transfusionnelle (2).

Conflit d’intérêt : aucun.

(1) Haute Autorité de Santé. Recommanda-tions professionnelles – Suivi et orienta-tion des femmes enceintes en fonctiondes situations à risque identifiées – 2007mise à jour 2016.https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/suivi_des_femmes_enceintes_-_recommandations_23-04-2008.pdf

(2) Arrêté du 15 mai 2018 fixant les condi-tons de réalisation des examens de biolo-gie médicale d’immuno-hématologie éry-throctyaire. JORF n°0116 du 23 mai 2018.https://www.legifrance.gouv.fr/affich-Texte.do?cidTexte=JORFTEXT000036932278

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