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SE SOUVENIR ENSEMBLE : LA MÉMOIRE COLLECTIVE À TRAVERS LE PRISME DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE Pierre Bouchat et Olivier Klein De Boeck Supérieur | « Cahiers de psychologie clinique » 2019/2 n° 53 | pages 183 à 204 ISSN 1370-074X ISBN 9782807392656 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2019-2-page-183.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.134.105.63 - 29/11/2019 15:51 - © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.134.105.63 - 29/11/2019 15:51 - © De Boeck Supérieur

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Page 1: Se souvenir ensemble - Université libre de Bruxelles

SE SOUVENIR ENSEMBLE : LA MÉMOIRE COLLECTIVE À TRAVERS LEPRISME DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE

Pierre Bouchat et Olivier Klein

De Boeck Supérieur | « Cahiers de psychologie clinique »

2019/2 n° 53 | pages 183 à 204 ISSN 1370-074XISBN 9782807392656

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2019-2-page-183.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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183DOI: 10.3917/cpc.053.0183

* Université catholique de Louvain.

** Université Libre de Bruxelles.

SE SOUVENIR ENSEMBLE : LA MÉMOIRE COLLECTIVE À TRAVERS LE PRISME DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE

Pierre BOUCHAT *

Olivier KLEIN **

Résumé Dans cet article, nous examinons, à l’aide de plu-sieurs illustrations, la façon dont la mémoire collective a été conceptualisée en psychologie sociale. Nous examinons d’abord des approches centrées sur l’individu avant d’abor-der des approches plus résolument sociales. Une idée géné-rale guide ce travail : la mémoire collective se modifie au gré des préoccupations contemporaines. Nous traitons en parti-culier des rapports entre la mémoire collective et différents construits psychologiques, tels que les émotions, les attitudes et l’identité sociale. Nous clôturons cet article par une ouver-ture vers les implications cliniques de cette approche.

mots-clés Mémoire collective, Attitudes, Psychologie Sociale, Pacifisme.

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184 Se souvenir ensemble : la mémoire collective à travers le prisme de la psychologie sociale

1 Bien qu’Halbwachs soit généralement considéré comme un sociologue, il est également un des fondateurs de la psychologie sociale française (Tavani, 2018).

SOCIAL PSYCHOLOGY HAS STUDIED COLLECTIVE MEMORY SINCE THE EARLY XXTH CENTURY

AbstRAct In this article, we consider through several illus-trative examples how the concept of collective memory has been conceptualized in social psychology. We first exam-ine perspectives centered on the individual before tackling approaches that rely on a more collective angle. A general idea guides the present work: collective memory changes as a function of contemporary concerns. We specifically consider the relations between collective memory and various psycho-logical constructs such as emotions, attitudes and social iden-tity. We finally consider possible clinical implications of this approach.

KeywoRds Collective Memory, Attitudes, Social Psychology, Pacifism.

« Avec l’individu comme avec le groupe, le passé est continuel-lement refait, reconstruit en fonction des intérêts présents »

Bartlett (1932, p. 309)

La notion de mémoire collective est issue des travaux du (psycho)sociologue Maurice Halbwachs1. Son maître, Émile Durkheim, avait développé le concept de « représentation col-lective » pour désigner des représentations fixes et partagées au sein d’un groupe social et qui influencent inconsciemment chacun de ses membres. Le projet intellectuel d’Halbwachs consistera à théoriser les relations entre psychologie et socio-logie (Mucchielli, 1999). Comme on le sait, pour Durkheim, le « fait social » a une primauté sur la conscience individuelle : dans une grande mesure, Halbwachs poursuivra dans cette lignée, insistant sur les fondements sociaux de la conscience individuelle. La notion de mémoire collective jouera à cet égard un rôle important dans cette articulation. À partir de 1925 et jusqu’à sa mort en 1945, Halbwachs oscille entre deux conceptions du concept, conceptions qui structurent toujours une partie des recherches actuelles (voir Halbwachs, 1925/2013, 1941/2008, 1950/1980). La première conçoit la

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mémoire collective comme un ensemble de mémoires indi-viduelles partagées par les membres d’une communauté, qui supportent l’identité collective de cette communauté (Wertsch & Roediger, 2008). La seconde envisage la mémoire collec-tive comme transcendant les membres d’un groupe donné et s’incarnant dans des symboles et artéfacts (par exemple, les monuments, œuvres d’art, …) maintenus par la société (Olick, 1999). On voit naître ici deux tendances dans la conception de la mémoire collective. Une première, assumant sa dimension psychologique et considérant principalement la mémoire comme existant dans l’esprit, et l’autre, concevant la mémoire comme existant à l’intérieur mais également au-delà des individus.

Les travaux fondateurs d’Halbwachs ont donné lieu à de nombreuses recherches en sociologie, histoire et philosophie, et la notion de mémoire collective en est venue à renvoyer à des concepts aussi différents que le mythe, la tradition politique, les traces mnémoniques, les souvenirs individuels partagés, les représentations collectives, etc. La pluralité des définitions, d’objets et des traditions de recherche fondées sur des épistémologies, méthodologies et ontologies diffé-rentes, n’ont pas facilité l’institution de la mémoire collec-tive comme objet propre de la psychologie sociale (Bouchat, 2017). Et bien que Bartlett se soit emparé de cette notion et l’ait adaptée à la psychologie dès les années 30 (voir Bartlett, 1932), ce n’est que relativement récemment que les psycho-logues aient étudié cette notion au sein de programmes de recherche structurés.

Deux approches principales

Nous l’avons évoqué plus haut, les façons de concevoir la mémoire collective ont rapidement différé et en sont arrivées à structurer une partie de la recherche actuelle. Classiquement, deux approches sont distinguées : une approche centrée sur les individus et une approche centrée sur les groupes. L’approche individu-centrée s’intéresse principalement aux processus cognitifs à la base de la création, du partage et de la consolidation de la mémoire (mais aussi de l’oubli). L’étude des mémoires flash et de la transmission de mémoires

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personnelles à travers les générations sont des contributions majeures de cette approche (voir point suivant). On a tou-tefois pu reprocher à ces perspectives de ne pas prendre en compte les propriétés émergentes de la mémoire collective, c’est-à-dire, de considérer la mémoire collective comme un agrégat des mémoires individuelles (voir Olick, 1999). À cette critique, Hirst et collègues (2018) répondent qu’en der-nier ressort, c’est bien l’individu qui se rappelle, même s’il se rappelle en tant que membre d’une société. En résumé, l’ap-proche individu-centrée, considère la mémoire en interaction avec des éléments qui le dépassent : c’est bien l’individu qui se rappelle, mais au sein d’un contexte, d’une culture et de groupes particuliers.

L’approche centrée sur les groupes adopte une autre échelle. Elle s’intéresse aux mémoires partagées au sein et à travers divers groupes sociaux. Dans ce cas, la notion de mémoire collective est relativement proche de celle de représentations sociales de l’histoire (voir Liu & Hilton, 2005). Par exemple, si l’on s’en tient à leurs définitions, les deux concepts sont d’une grande proximité : La mémoire collective peut être définie comme « des représentations du passé dans l’esprit des membres d’une communauté, qui contribuent au senti-ment d’identité de la communauté » (Manier & Hirst, 2008, p. 253). Les représentations sociales de l’histoire, quant à elles, correspondent à des constructions sociales du passé qui prennent la forme de symboles, modèles et événements qui font partie de la culture du groupe et qui « conditionnent son sens du passé, de ce qu’il est et de ce qui peut l’être » (Liu & Hilton, 2005, p. 538). De plus, les deux concepts confèrent un rôle central aux notions d’identités collective et individuelle, de communication, de langue et de groupe (Viaud, 2003). Nous constatons que dans le cas de l’approche groupale, la mémoire existe à la fois dans la tête des individus mais éga-lement au-delà. Les recherches privilégiant cette approche s’intéressent, entre autres, aux liens entre mémoires, identités et relations intergroupes.

Ces deux approches de l’étude de la mémoire collective ne sont pas les seules et d’autres distinctions sont tout aussi pertinentes. Il en va ainsi de la distinction entre approches bottom-up et top-down (recouvrant partiellement les précé-dentes ; voir Hirst et al., 2018). Les recherches adoptant une

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2 Pour une revue de la littérature sur cet aspect, voir l’excellent article de Hirst, Yamashiro, & Coman (2018).

3 Néanmoins, de nombreux types d’événements (négatifs mais également positifs) entrainent la création de souvenirs flash. Ainsi par exemple, une étude récente met en évidence l’existence d’un tel phénomène pour l’armistice du 11 novembre 1918 (Luminet & Spijkerman, 2017).

4 Pour une revue de la littérature, voir l’ouvrage de référence de Luminet et Curci (2017).

perspective bottom-up s’intéressent aux processus cognitifs permettant d’expliquer comment une mémoire ou un souve-nir en vient à se former puis à se partager (voir par exemple : Coman & Hirst, 2012). Elles s’intéressent ainsi aux proces-sus cognitifs individuels et interindividuels. Les approches top-down s’intéressent quant à elles, principalement à des mémoires largement partagées (nationales ou de groupes) puis essayent d’identifier les processus en jeu dans leur for-mation et maintenance.

Mémoire individuelle et mémoire collective

“Entre les deux pôles de la mémoire individuelle et de la mémoire collective, n’existe-il pas un plan intermédiaire de

référence où s’effectuent les échanges entre les mémoires vives des personnes individuelles et la mémoire publique des

communautés auxquelles nous appartenons ?”

Ricoeur (2000, p. 161)

L’une des caractéristiques de l’approche centrée sur les indi-vidus, est qu’elle s’est attachée à étudier les interactions entre mémoire « individuelle » et mémoire collective2, explorant l’es-pace décrit par Ricoeur. Il en va ainsi des recherches sur les sou-venirs flash et sur la transmission intrafamiliale de souvenirs.

Les souvenirs flash sont de vifs souvenirs des circonstances personnelles dans lesquelles un individu reçoit la nouvelle d’un événement collectif surprenant. Ils se situent ainsi à l’intersec-tion de la mémoire autobiographique et de la mémoire collec-tive. L’un des exemples les plus classiques de souvenirs flash concerne les événements du 11 septembre 20013. La plupart des individus se rappellent en effet avec un degré élevé de détail où ils se trouvaient et ce qu’ils étaient en train de faire quand ils en ont appris la nouvelle4. Dans ce cas, la mémoire d’une expérience individuelle est façonnée socialement et à travers leur mémoire, les individus ont l’impression de faire partie de « l’Histoire ». Selon Páez et collègues (2009), souvenirs flash et mémoire collective constitueraient deux façons d’étudier un même phénomène (Licata & Mercy, 2015).

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5 Cette définition est caractéristique de la mémoire communicative, telle que théorisée par Assmann (2008).

L’étude de la transmission de mémoires personnelles à tra-vers les générations d’une même famille se situe également à l’intersection des mémoires individuelle et collective. Ces mémoires personnelles sont principalement transmises orale-ment et ne perdurent bien souvent que de trois à quatre géné-rations5. Ce processus a été étudié entre autres en lien avec les mémoires autobiographiques de la Seconde Guerre mon-diale (Stone, van der Haegen, Luminet, & Hirst, 2014). Avec les années, les mémoires personnelles de guerre transmises aux plus jeunes générations au sein des familles disparaissent ou sont intégrées, avec plus ou moins de distorsions, à une mémoire de la guerre partagée à l’échelle de la communauté (Stone et al., 2014). Dans ce cas également, existence indivi-duelle et histoire s’entrecroisent, de même que mémoire per-sonnelle et mémoire collective.

Dans le reste de cet article, nous allons développer un ensemble de caractéristiques et de fonctions de la mémoire col-lective. Pour ce faire, nous présenterons un ensemble d’études adoptant une approche groupale de la mémoire collective. La plupart de ces études s’ancrent d’une part dans le contexte des relations intergroupes en Belgique, et d’autre part, dans l’étude des représentations partagées de la Première Guerre mondiale en Europe. Leurs objets sont donc des mémoires relativement largement partagées d’événements distants.

Quelles caractéristiques pour la mémoire collective ?

Nous venons de voir que la notion de mémoire collective est caractérisée par de multiples définitions et qu’elle recouvre de nombreux concepts. Dans cette section, nous allons nous pencher sur trois caractéristiques essentielles de cette notion et les développerons au moyen d’exemples empiriques.

Un caractère dynamique

“As we remember the past, we reconstruct it in accordance with our present ideas of what is important and what is not” (Berger, 1963, p. 54). La phrase précédente illustre à merveille l’une des caractéristiques de la mémoire collective : celle-ci

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se transforme constamment en fonction de la situation sociale dans laquelle les membres d’un groupe évoluent. Cette obser-vation a été clairement énoncée à la fois par Halbwachs, pour qui la mémoire « ne retient du passé que ce qui est vivant ou capable de vivre dans la conscience du groupe qui l’entre-tient » (1950/1980, p. 80) et par Bartlett (cf. citation en exergue). Cette caractéristique-clé n’a pourtant été mise en évidence de manière empirique qu’en 2015.

Dans une étude sur les relations intergroupes en Belgique, Bernard Rimé et ses collègues se sont demandé ce qu’il se passe lorsque la mémoire collective transmise à la nouvelle génération par la génération de leurs parents et grands-parents est incompatible avec la société dans laquelle les membres de cette nouvelle génération vivent au jour le jour. Ces cher-cheurs sont partis du postulat que les mémoires collectives qui remplissent une fonction dans un contexte social particu-lier devraient progressivement disparaître lorsque les chan-gements dans ce contexte les rendent non pertinentes (Rimé, Bouchat, Klein, & Licata, 2015). Afin de tester cette idée, ils se sont focalisés sur le contexte belge.

L’histoire des relations entre groupes linguistiques belges est marquée par des périodes de tensions intenses. Depuis l’indépendance en 1830, et jusqu’aux années 1950, les rela-tions entre communautés linguistiques sont marquées par un haut niveau d’inégalités économiques. Le sud du pays (fran-cophone) est fortement industrialisé et relativement prospère, alors que le nord (néerlandophone) est caractérisé par de hauts niveaux de pauvreté (Zolberg, 1974). Sur ces inégalités économiques, se greffe la marginalisation politique et cultu-relle des Belges néerlandophones par une élite francophone. Cette expérience de misère économique et de marginalisation conduit rapidement au développement d’une mémoire col-lective de frustration et d’humiliation (Klein, Licata, Van der Linden, Mercy, & Luminet, 2012). Parallèlement, le ressenti-ment provoqué par la marginalisation perçue donne progres-sivement naissance à un mouvement nationaliste flamand et à des tensions entre les deux communautés (Klein, Bouchat, Azzi, & Luminet, 2017). Néanmoins, durant les “30 glo-rieuses”, la situation économique et politique change radica-lement. La désindustrialisation touche de plein fouet le sud du pays, alors que le nord commence à prospérer. Parallèlement,

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6 Cet item (« Historiquement, les francophones/flamands ont souffert du comportement des flamandes/francophones ») était présenté dans les deux langues et visait à appréhender simplement la mémoire de victimisation de la communauté linguistique d’appartenance par l’autre communauté, au cours de l’histoire de la Belgique.

7 Ces trois groupes ont été construits sur base de la théorisation par Mannheim du concept de génération (1928/1952). Selon lui, une génération caractérise un groupe d’individu possédant des perceptions du monde et des mémoires similaires. Mannheim considère que différentes générations possèdent différentes mémoires collectives du passé historique.

8 Le détail des analyses est accessible dans l’article source (Rimé, Bouchat, Klein, & Licata, 2015).

des compromis politiques entre les deux communautés mènent peu à peu à la fédéralisation de la Belgique. Une frontière linguistique est créée en 1962, suivie du renvoi des étudiants francophones de l’université de Louvain, pour culminer par la création de trois régions aux compétences étendues en 1993 (régions Flamande, Wallonne et Bruxelles-Capitale). Depuis lors, de nouvelles réformes de l’Etat accentuent la fédérali-sation. Selon plusieurs observateurs (Luminet, Licata, Klein, Klein, Rosoux, Heenen-Wolf, van Ypersele, & Stone, 2011 ; Vos, 2002), la méfiance envers l’État belge et le soutien au séparatisme d’une partie de la population flamande sont en partie ancrés dans une mémoire collective de victimisation de la part des francophones (Rimé et al., 2015). Cependant, tant sur le plan politique - depuis la fixation de la frontière linguistique et la promulgation du fédéralisme - que sur le plan économique, la situation des jeunes générations de néer-landophones contraste avec ces mémoires de victimisation (Bouchat & Rimé, 2018).

Rimé et al. postulent qu’étant donné que la mémoire col-lective de victimisation des néerlandophones n’est plus aisé-ment compatible avec la situation de relative prospérité de la Flandre, cette mémoire devrait tendre à disparaître chez les néerlandophones les plus jeunes. Afin de tester empiriquement ce raisonnement, ils ont mesuré le niveau de mémoire collec-tive de victimisation auprès de trois générations de Belges francophones (N = 1226) et néerlandophones (N = 1457)6. Ces générations correspondent respectivement à la période pré-fédérale (1920-1957), à celle de la fédéralisation des ins-titutions (1958-1982) et à la période post-fédéralisation (1983 et plus tard)7. Les résultats de leurs analyses montrent que globalement, les néerlandophones considèrent avoir souffert plus que les francophones8. Néanmoins, du côté flamand, la mémoire de victimisation tend à diminuer significativement au sein de la génération la plus jeune. Ces résultats confir-ment donc l’hypothèse de Rimé et collègues : les jeunes néer-landophones, qui n’ont pas connu la marginalisation vécue par leurs ancêtres, estiment que les souffrances historiques de leur propre groupe sont moins graves que celles des néer-landophones des générations plus âgées. La mémoire col-lective semble donc avoir évolué en fonction de la situation sociale vécue par les plus jeunes ou, en d’autres termes, les

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changements dans le contexte dans lequel vivent les membres du groupe entraînent des changements dans la façon dont ils se souviennent du passé de leur groupe.

Mémoire collective et mythes fondateurs

Après avoir envisagé le caractère dynamique de la mémoire collective, penchons-nous à présent sur une deuxième carac-téristique : dans de nombreux cas, les représentations de l’his-toire d’un groupe s’organisent autour de mythes fondateurs (Hilton & Liu, 2017 ; Liu & Hilton, 2005). S’appuyant sur les travaux de l’ethnologue Bronisław Malinowski (1926), Liu et Hilton considèrent que ces mythes sont des récits sur l’origine du groupe et sa mission historique. Ceux-ci sont modifiés et renégociés au fil du temps afin de tenir compte de l’évolution des circonstances dans lesquelles évolue le groupe (voir plus haut). Nous verrons plus loin que les fonctions principales de ces récits sont de renforcer l’ordre social, de façonner l’iden-tité sociale et de structurer la vision du monde des membres du groupe. Ces récits sont, entre-autres, composés d’événements historiques articulés autour de personnages marquants, de dates emblématiques et de stéréotypes (Liu & Hilton, 2005). Ils sont largement partagés et dans de nombreux cas, consi-dérés comme la « réalité historique ». Les résultats des pre-mières études sur les représentations de l’Histoire révèlent un large consensus interculturel à propos des événements et per-sonnages historiques les plus importants aux niveaux national (Huang, Liu, & Chang, 2004) et international (Cabecinhas et al., 2011 ; Liu, 1999, 2005 ; Páez, Liu, Techio, Slawuta, Zlobina, & Cabecinhas, 2008).

S’inscrivant dans la continuité des travaux de Liu et Hilton, une étude récente s’est intéressée aux représentations parta-gées à l’échelle européenne, du déclenchement de la Première Guerre mondiale (Bouchat et al., 2019). Les auteurs de cette étude sont partis du constat que, cent ans plus tard, nous en savions toujours très peu sur la manière dont les individus se représentent le déclenchement de cet événement d’impor-tance majeure. Afin d’en savoir plus, ils ont demandé à 1906 étudiants en sciences humaines, à travers 20 pays d’Europe, de classer par ordre d’importance 14 raisons potentielles du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Les résultats

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9 Ainsi, le pattern est sensiblement similaire entre pays d’Europe de l’est et de l’ouest, entre vainqueurs et vaincus de la Grande Guerre, mais également entre pays plus et moins frappés par la crise de 2008 et entre pays plus et moins développés.

obtenus mettent en évidence l’existence d’un large consensus au niveau européen : le déclenchement de la guerre est attri-bué aux dirigeants des nations impliquées alors que la respon-sabilité des populations est minimisée. Cette représentation ou mémoire du déclenchement de la Grande Guerre semble donc organisée autour d’une opposition entre élites avides de pouvoir et peuples victimes. En outre, cette représentation est largement consensuelle et dépasse les clivages historiques et idéologiques classiques et contemporains9. Les auteurs de cette étude suggèrent que la Grande Guerre fonctionnerait toujours actuellement comme un récit fondateur en négatif de l’intégration européenne : à l’avidité des puissants s’oppose-rait l’idée d’une Europe des peuples, construite autour de la valeur de paix.

Bien que la plupart des pays d’Europe traversent une période de paix de plus de 70 années, le niveau de défiance par rapport aux élites politiques et économiques est extrêmement élevé (OCDE, 2017) et le niveau d’inégalités économiques est similaire à celui de la fin du 19ème siècle (Piketty, 2014). D’après Bouchat et al., les représentations du déclenchement de la Grande Guerre pourraient correspondre à un contre-modèle sur la base duquel les institutions européennes ont été construites. Le mythe en négatif constitué par la Première Guerre mondiale s’adapterait donc au contexte contemporain (voir point précédent) : L’Europe pacifique et démocratique serait née des cendres d’une guerre provoquée par le natio-nalisme et l’ego des dirigeants. En ce sens, la Grande Guerre ne peut être considérée comme un “accident” et la mémoire collective du premier conflit mondial semble encore fonc-tionner comme un réservoir symbolique permettant de ser-vir d’avertissement contre la résurgence possible d’un conflit armé (Bouchat et al., 2019).

Mémoire collective et émotions

Les émotions jouent un rôle clé dans la transformation d’un événement collectif en mémoire collective (Pennebaker & Banasik, 1997). Elles influencent à la fois la formation et la consolidation de la mémoire. Les souvenirs flash en sont un premier exemple (voir plus haut). L’intensité émotionnelle et particulièrement celle de la surprise, jouent un rôle clé dans

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la création de ces souvenirs à l’intersection de l’individu et de la collectivité. En sus de sa formation, d’autres mécanismes émotionnels contribuent au partage et à la consolidation de la mémoire. Le principal est le partage social des émotions (Rimé, 2009a, 2009b). Lorsqu’un individu traverse un épisode émotionnel, il va, dans la plupart des cas, en parler autour de lui. Ce partage émotionnel, mais également cognitif, entraine une transmission de l’émotion et de l’information à de nou-veaux individus (partage primaire) qui dans de nombreux cas (dépendant de l’intensité émotionnelle de l’événement), les transmettront à d’autres individus (partage secondaire). Le partage social permet ainsi l’émergence rapide de mémoires partagées d’événements collectifs. Il contribue en outre à la consolidation des mémoires partagées.

Ce phénomène est exacerbé dans les contextes de commé-moration. Dans son sens moderne, la commémoration est une pratique culturelle qui consiste à rappeler dans le présent un événement passé. C’est une manifestation de la mémoire qui peut prendre la forme de monuments (Prost, 1984 ; Savage, 2007), d’images (Schwartz, 1982) et plus souvent de célé-brations (Cottret & Henneton, 2010). L’objet des commé-morations réside généralement dans des événements perçus comme importants par une société ou un groupe d’individus (souvent des victoires et des événements fondateurs). La commémoration est ainsi définie comme un acte politique et remplit une fonction clé dans la consolidation de l’identité sociale et de la mémoire collective (Bouchat, 2017 ; Bouchat, Klein & Rosoux, 2016). Lors des commémorations, les indi-vidus se rassemblent, leurs consciences se font écho et les émotions des uns et des autres se stimulent mutuellement. Ces processus circulaires conduisent au développement d’une forte exaltation de l’assemblée. Les participants font ensuite l’expérience d’une communion émotionnelle intense les ren-dant particulièrement perméables aux messages présents dans leur environnement (Páez & Rimé, 2014). Cette expérience de synchronisation émotionnelle donne ensuite lieu à un intense partage social via lequel l’identité, les valeurs et les croyances partagées sont réaffirmées entre participants et au-delà (Páez et al., 2015). Ces différents phénomènes illustrent à quel point les émotions jouent un rôle majeur dans la formation, la transmission et la consolidation de la mémoire collective.

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Après ce passage en revue de trois caractéristiques princi-pales de la mémoire collective, nous allons nous pencher sur ses fonctions au niveau psychosocial.

Quelles fonctions psychosociales ?

Au même titre que les représentations sociales de l’histoire, la mémoire collective ne se résume pas à un ensemble orga-nisé de représentations du passé, mais remplit un ensemble de fonctions majeures au niveau psychosocial. Nous en dis-tinguons au moins trois : façonnement de l’identité sociale, orientation de l’action et des relations intergroupes et consti-tution d’un prisme d’interprétation du monde.

Mémoire et identité sociale

Le rôle identitaire de la mémoire collective est à ce point cen-tral qu’il est ancré dans plusieurs de ses définitions (voir plus haut). Dans de nombreux cas, les nations construisent leur identité sur des représentations de leur histoire (László, 2013 ; Pennebaker, Páez, & Rimé, 1997 ; voir également plus haut). Cette mémoire d’un « passé commun » contribue à mainte-nir l’unité et la continuité du groupe à travers l’évolution des situations. Ou comme le notent Liu & Hilton, cette mémoire en vient à « conditionner le sens de ce qu’il [le groupe] était, de ce qu’il est et de ce qu’il peut être » (2005, p. 538).

En outre, le maintien d’une image favorable de leur groupe (« identité positive ») constitue l’une des motivations impor-tantes des membres de groupes sociaux (Hogg, Abrams, Otten, & Hinkle, 2004). Dans de nombreux cas, les membres d’un groupe ont dès lors tendance à gommer certains événe-ments historiques menaçant leur identité sociale et à mettre à l’avant-plan d’autres épisodes plus positifs (Baumeister & Hastings, 1997). Les résultats de l’étude sur les raisons du déclenchement de la Grande Guerre peuvent être interprétés selon ce prisme (Bouchat et al., 2019 ; voir également Laszlo, Ferenczhalmy, & Szalai, 2010). En effet, dans la période actuelle de défiance et de croissance des mouvements « anti-systèmes », le fait d’attribuer une responsabilité importante aux élites et à « disculper » les masses populaires, permettrait

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de préserver l’identité positive des étudiants s’assimilant aux peuples.

Cette « distorsion » mémorielle est d’autant plus marquée dans le cas des mémoires des souffrances infligées à d’autres groupes dans le passé. En effet, l’étiquette de « bourreau » est potentiellement menaçante pour l’identité sociale (Klein, Licata, & Pierucci, 2011). Ainsi par exemple, les résultats d’une étude menée auprès d’Hindous et de Sikhs montrent que les individus les plus hautement identifiés à leur groupe, tendent à rappeler significativement moins d’incidents impli-quant de la violence de leur groupe à l’encontre d’un exo-groupe, que les individus les plus faiblement identifiés (Sahdra & Ross, 2007). On voit ici que l’identité sociale influencerait à la fois le contenu et l’accessibilité des mémoires collectives.

Mémoire et attitudes

Mémoire collective, identité sociale et attitudes intergroupes sont intimement liées. En conditionnant l’identité sociale des groupes, la mémoire collective légitime également des formes spécifiques d’ordre social et de culture politique (Liu & Sibley, 2009). La mémoire collective et spécifiquement les mythes fondateurs, confèrent aux groupes nationaux un sta-tut spécifique dans leurs relations internationales et peuvent légitimer leurs programmes politiques (Liu & Hilton, 2005). En outre, les groupes sociaux existent toujours par rapport à d’autres groupes qu’ils évaluent plus ou moins positivement ou négativement.

Le rôle de la mémoire collective dans le façonnement des attitudes a été particulièrement étudié dans le cas des mémoires de victimisation. Selon Staub et Bar-Tal, « Les groupes encodent dans leur mémoire collective des expériences impor-tantes, et plus particulièrement des expériences de grande souffrance, qui peuvent maintenir un sentiment de blessure et d’injustice à travers les générations » (2003, p. 722). La plu-part des recherches sur les liens entre mémoire collective de victimisation et attitudes ont montré que la mémoire de victi-misation était principalement liée à des attitudes intergroupes négatives. Par exemple, dans une étude sur la « mentalité d’assiégé » (siege mentality) chez les Israéliens, Bar-Tal et Antebi (1992) ont montré que la perception de victimisation

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10 Les résultats de l’étude sur les représentations du déclenchement de la Grande Guerre (voir plus haut) en sont un exemple.

passée était positivement liée aux attitudes militaristes. Dans une autre étude, Wohl et Branscombe (2005) ont montré que les souvenirs de victimisation historique étaient associés à une plus grande distanciation à l’égard des membres du groupe des « ex-bourreaux ». Néanmoins, d’autres études tendent à présenter des résultats plus contrastés. En effet, en fonction du niveau auquel la victimisation historique est appréhendée (e.g., la victimisation d’une société dans son ensemble ou la victimisation d’un membre de sa famille), l’impact sur les attitudes est opposé. Ainsi, une étude menée auprès de 2423 étudiants de 15 pays européens ayant été impliqués dans la Première Guerre mondiale a montré qu’au niveau sociétal, plus le nombre de victimes était élevé (e.g., pourcentage de pertes par rapport à la population globale durant la guerre), plus les citoyens de ce pays ont des attitudes pacifistes éle-vées. En revanche, au niveau individuel, les victimes de guerre exprimaient des attitudes moins pacifistes que ceux dont la famille avait été épargnée (Bouchat et al., 2017, voir aussi Elcheroth, 2006).

En résumé, ces travaux montrent que des attitudes actuelles peuvent être prédites par des épisodes historiques de victi-misation : alors qu’au niveau individuel, le ressentiment demeure présent, au niveau collectif, la victimisation mène à des attitudes intergroupes plus positives. Afin d’expliquer ces effets, ces chercheurs ont suggéré qu’à un niveau individuel/familial, prévaut une logique vindicative. Au niveau socié-tal, par contre, les sociétés les plus éprouvées mettraient en place des institutions permettant de développer un ensemble de représentations de leur histoire favorisant la coexistence pacifique10. Mémoire collective de victimisation et attitudes paraissent dès lors intimement liées.

Un prisme d’interprétation du monde

Une troisième fonction-clé de la mémoire collective, est de fournir aux individus des prismes particuliers d’interpré-tation du monde. Ainsi par exemple, un groupe possédant une mémoire forte de victimisation peut en arriver à voir de monde de manière particulièrement menaçante (e.g., Schori-Eyal, Halperin, & Bar-Tal, 2014). Cet effet est particulière-ment bien illustré dans une étude menée par Valérie Rosoux

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et ses collègues (Rosoux, Bouchat, & Klein, 2019). Son objectif principal est de comparer l’évolution des mémoires de la Grande Guerre d’une part chez les “couples” franco-allemand, et d’autre part, dans l’ex-Yougoslavie (Serbie et Bosnie). Pour ce faire, les auteurs partent des résultats d’une étude sur les mémoires de la guerre, menée auprès de 917 étudiants de ces quatre pays. Ces résultats montrent que les Français et les Allemands reconnaissent une responsabilité élevée dans le déclenchement du conflit à leur propre pays, alors que les jeunes Serbes et Bosniaques ne reconnaissent que faiblement la responsabilité de leurs ancêtres. De plus, les Jeunes Français et Allemands se représentent « leurs » sol-dats comme aussi violents que les soldats ennemis. Ce n’est absolument pas le cas des jeunes Serbes et Bosniaques qui se représentent leurs soldats comme beaucoup moins violents que les ennemis. En outre, il semble exister d’importantes divergences culturelles en ce qui concerne la perception des souffrances actuelles résultant de la Grande Guerre. Là encore, lorsqu’il leur est demandé à quel point leur pays souffre encore actuellement de la Grande Guerre, les jeunes d’Europe de l’Ouest paraissent partager une perception de souffrance très peu élevée et relativement similaire. Au contraire, les partici-pants de Serbie et de Bosnie-Herzégovine sont caractérisés par des perceptions de souffrance actuelle sensiblement plus élevées. Au même titre que les autres variables, la perception de souffrances actuelles directement liées à la guerre semble être indépendante de l’appartenance des pays à un camp ou l’autre durant le conflit.

Selon les auteurs, la présence de ces différences est intime-ment liée aux mémoires collectives des différentes nations. Du côté franco-allemand, une politique volontariste de rap-prochement et la création d’un récit de la guerre « à plusieurs voix » ont progressivement été mises en place. Ces récits par-tagés contribuent à la coexistence amicale des deux peuples et à la reconnaissance de leur responsabilité passée. Le cadre des Balkans constitue une sorte d’antithèse de ce proces-sus. Pour une part importante des populations serbes et bos-niaques, la mémoire collective évolue progressivement vers une exaltation du passé qui identifie la nation à la victime et le voisin à l’agresseur (Rosoux et al., sous presse). Par ailleurs, jusqu’à récemment en Serbie, les souffrances endurées durant

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la Première Guerre mondiale ont été exacerbées et incluses dans une série d’événements victimaires parfois très anciens (tels que la bataille de Kosovo en 1389 ; Bouchat et al., 2018 ; voir aussi Bieber, 2002). Sous cet angle, comment s’étonner des résistances qui se manifestent à l’encontre d’une vision “politiquement correcte” du passé ? Ces travaux montrent la nécessité d’appréhender l’interprétation d’événements parti-culiers dans le contexte de récits englobants qui leur confèrent une signification plus précise.

Conclusion et ouvertures vers la clinique

Les travaux que nous avons passés en revue s’inscrivent dans une psychologie sociale qui, si elle cherche à comprendre les facteurs qui expliquent le contenu et l’évolution des mémoires, n’a pas pour vocation d’appréhender ou, encore moins de soulager, la souffrance psychique qui peut être asso-ciée à ces mémoires. Sa volonté « généraliste » d’isoler des tendances moyennes limite sans doute une telle ambition. Toutefois, sans être cliniciens, il nous semble que certains de ces travaux puissent nourrir la réflexion des cliniciens.

Par exemple, des travaux sur la victimisation collective (Wohl & Van Bavel, 2011) montrent une association entre l’identification à la communauté juive et les symptômes de stress post-traumatiques. Toutefois, celle-ci se manifeste uni-quement chez les descendants de survivants de l’Holocauste. Chez les non-descendants, en revanche, la corrélation est inverse (négative). Les auteurs montrent que cette inversion est due au fait que le sujet de l’Holocauste faisait l’œuvre de davantage de discussions familiales chez les personnes non descendantes de survivants que chez les descendants et ceci était d’autant plus vrai chez les personnes fortement identi-fiées à la communauté juive. En d’autres termes, il semble que l’identification à son groupe ait un effet protecteur chez les non descendants (en tant que source de soutien social). Chez les descendants en revanche, s’identifier à son groupe accentue également le sentiment de victimisation mais sans qu’il soit possible de le « contenir » par l’entremise de la discussion familiale, laissant la voie ouverte aux symptômes traumatiques.

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Au-delà de cet exemple particulier, et de manière plus générale, il nous semble que la lecture des travaux des psy-chologues sociaux sur la mémoire collective, loin de révolu-tionner une pratique clinique dont l’intérêt pour la mémoire est évidemment constitutif, permet de tracer certains des déterminants et enjeux sociaux et collectifs qui pèsent sur cette mémoire individuelle. Une intégration de l’approche psychosociale à la clinique implique de reconstituer l’indi-vidu singulier qui se dissimule derrière les lignes de forces qu’esquisse la psychologie sociale de la mémoire collective. Mais cette démarche nous paraît plus complémentaire qu’an-tithétique. Ainsi, l’approche centrée sur l’individu, permet de replacer l’expérience de vie du patient dans l’Histoire et de l’ancrer dans une généalogie familiale – dont les cliniciens savent l’importance. L’approche groupale, quant à elle, per-met de se rappeler à quel point nos existences quotidiennes sont influencées par des représentations du passé intimement associées à des appartenances particulières. En effet, comme nous venons de le développer, les mythes fondateurs dans les-quelles s’inscrivent nos cultures et les mémoires partagées au sein de nos groupes d’appartenance permettent à la fois de comprendre qui nous sommes, comment nous interprétons le monde et pourquoi nous agissons de telle ou telle manière envers les membres d’un autre groupe. Si ces enseignements semblent parfois trop généraux par rapport aux sujets sin-guliers que rencontre le clinicien, nous sommes convaincus qu’ils peuvent néanmoins s’avérer précieux pour faire sens de leur expérience.

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