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The Indian Queen Opéra de Henry Purcell 5-12 octobre 2019 Direction musicale Emmanuelle Haïm Mise en scène Guy Cassiers Le Concert d’Astrée Sa 5 octobre à 18h Ma 8 octobre à 19h30 Me 9 octobre à 19h30 Ve 11 octobre à 19h30 Sa 12 octobre à 18h

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The Indian Queen Opéra de Henry Purcell

5-12 octobre 2019 Direction musicale Emmanuelle Haïm Mise en scène Guy Cassiers Le Concert d’Astrée Sa 5 octobre à 18h Ma 8 octobre à 19h30 Me 9 octobre à 19h30 Ve 11 octobre à 19h30 Sa 12 octobre à 18h

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p. 3 Préparer votre venue p. 4 Résumé p. 5 Qui est qui ? Schéma des personnages p. 6 Les personnages p. 8 Le plan du semi-opera p. 11 Henry Purcell p.12 La musique baroque p. 13 Le semi-opéra, genre et contexte de création p. 14 Le guide d’écoute p. 24 The Indian Queen à l’Opéra de Lille p. 25 Note d’intention p. 26 Les décors p.27 Les costumes p. 29 Repères biographiques : chef d’orchestre et metteur en scène p. 30 En classe : autour de The Indian Queen p. 31 La voix à l’opéra p. 32 L’Opéra de Lille p. 35 L’Opéra : un lieu, un bâtiment et un vocabulaire

Contact

Service des relations avec les publics

Claire Cantuel / Marion Dugon

Léa Siebenbour

03 62 72 19 13

[email protected]

OPÉRA DE LILLE

2, rue des Bons-Enfants

BP 133

59001 Lille cedex

Dossier réalisé avec la collaboration

d’Emmanuelle Lempereur, enseignante

missionnée à l’Opéra de Lille.

Juillet 2019.

Merci à Nicolas Flodrops, responsable de la

bibliothèque et des études musicales du

Concert d’Astrée.

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• • • Préparer votre venue

Ce dossier vous aidera à préparer votre venue avec les élèves. L’équipe de l’Opéra de Lille est à votre disposition pour

toute information complémentaire et pour vous aider dans votre approche pédagogique.

Si le temps vous manque, nous vous conseillons, prioritairement, de :

- lire la fiche résumé et le plan du semi-opéra (p. 4 et 8)

- écouter quelques extraits de l’opéra (guide d’écoute p. 14)

- lire la note d’intention (p. 25)

Si vous souhaitez aller plus loin, un dvd pédagogique sur l’Opéra de Lille peut vous être envoyé sur demande. Les

élèves pourront découvrir l’Opéra, son histoire, une visite virtuelle du bâtiment, ainsi que les différents spectacles

présentés et des extraits musicaux et vidéo.

Recommandations

Le spectacle débute à l’heure précise et les portes sont fermées dès le début du spectacle, il est donc impératif d’arriver

au moins 30 minutes à l’avance.

Il est demandé aux enseignants de veiller à ce que les élèves demeurent silencieux afin de ne gêner ni les chanteurs ni

les spectateurs. Il est interdit de manger et de boire dans la salle, de prendre des photos ou d’enregistrer. Les

téléphones portables doivent être éteints. Toute sortie de la salle sera définitive.

Nous rappelons aux enseignants et accompagnateurs que les élèves demeurent sous leur entière responsabilité

pendant toute leur présence à l’Opéra et nous vous remercions de bien vouloir faire preuve d’autorité si nécessaire.

Témoignages

L’équipe de l’Opéra souhaite vivement que les élèves puissent rendre compte de leur venue et de leurs impressions à

travers toute forme de témoignages (écrits, dessins, photographies, productions musicales). N’hésitez pas à nous les

faire parvenir.

Durée totale du spectacle : environ 3h entracte compris

Chanté et parlé en anglais, surtitré en français

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• • • Résumé

The Indian Queen est un semi-opéra en cinq actes composé par Henry Purcell en 1695, sur un livret de John Dryden et Robert Howard. Il s’agit d’une nouvelle production de l’Opéra de Lille, en coproduction avec le Théâtre de Caen, l’Opera Vlaanderen, et Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, mise en scène par Guy Cassiers. Le Concert d’Astrée joue sous la direction de la chef d’orchestre Emmanuelle Haïm.

Introduction

Incas, Mexicains, rêves de conquistadors et passions exaltées… C’est à une double renaissance qu’invitent le célèbre metteur en scène Guy Cassiers et Le Concert d’Astrée. Celle d’une œuvre méconnue, tout d’abord, la vibrante Indian Queen, qui permet à Emmanuelle Haïm de révéler sous un jour nouveau les splendeurs étincelantes de la musique de Henry Purcell, dont Didon et Énée ou King Arthur sont les joyaux les

plus connus. Renaissance également d’une forme, celle du semi-opéra anglais, qui associe musique et chant bien sûr, mais dont l’action dramatique se développe en parallèle, avec une véritable pièce de

théâtre. Des souffrances de la belle Orazia aux passions ennemies du grand Inca et de la reine Zempoalla, l’intrigue est jouée sur scène et dédoublée, sublimée par la musique bouleversante de Purcell. Guy Cassiers aborde cette forme particulière de façon contemporaine et passionnante. Dans ce Mexique rêvé à Londres à la fin du XVIIe siècle, il s’est attaché, au-delà des aventures héroïques, à “un feuilleton familial et un drame politique“. Il propose un voyage aussi harmonieux qu’halluciné, dans les jeux infinis du pouvoir et les géographies de l’imaginaire.

Les interprètes

Les comédiens : Zempoalla interprétée par Julie Legrand Traxalla interprétée par Ben Porter Acacis interprété par Matthew Romain Inca interprété par Christopher Ettridge Orazia interprétée par Elisabeth Hopper Montezuma interprété par James McGregor Amexia interprétée par Katy Brittain Les chanteurs : Zempoalla, Amexia interprétées par Anna Dennis (soprano) Quivera, Orazia interprétées par Rowan Pierce (soprano) Acacis, First Follower of Envy interprétés par Nick Pritchard (tenor) Indian Boy, Fame interprétés par Hugo Hymas (tenor) Montezuma, Ismeron, High Priest interprétés par Gareth Brynmor John (basse) Envy interprété par Tristan Hambleton (basse) God of Dreams, First Aerial Spirit interprétés par Carine Tinney (soprano) Second Aerial Spirit interprétée par Zoe Brookshaw (soprano) Second Follower of Envy interprété par Ruairi Bowen (tenor)

Les instruments de l’orchestre et les tessitures de voix du chœur

L’orchestre du Concert d’Astrée : 2 flûtes à bec, 2 hautbois, 1 basson, 1 trompette, percussions, 2 luths, 2 clavecins

(1 joué par Emmanuelle Haïm), 1 orgue, 5 violons I, 4 violons II, 3 altos, 2 violoncelles, 1 viole de gambe, 1 contrebasse.

Le chœur du Concert d’Astrée : 2 sopranos, 2 altos, 1 ténor, 2 basses.

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• • • Schéma : qui est qui ?

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• • • Les personnages

Il est important de comprendre l’élaboration des personnages dans un semi-opéra anglais. Le théâtre est aussi important

que l’opéra, et les rôles parlés sont en général confiés aux personnages principaux. Le chant, quant à lui, a davantage la

fonction de commenter l’action et de divertir le spectateur. Il est donc confié aux personnages secondaires.

Dans cette version, les airs ajoutés permettent un rééquilibrage des rôles principaux.

Les Incas – Péruviens

L’Inca (rôle parlé)

Chef suprême des Péruviens (Incas) et père d’Orazia. Il apparaît au début de l’acte I. Il propose au général de son armée, Montezuma, une récompense pour ses succès militaires, pensant à l’octroi d’un royaume. Il entre dans une grande fureur lorsqu’il apprend que Montezuma lui demande la main de sa fille. Dans l’acte II, il est prisonnier des Aztèques et les rapports de forces s’inversent. Montezuma espère le convaincre et ainsi obtenir réparation, mais l’Inca reste figé sur ses positions et préfère la mort au déshonneur. Son retour à la fin de l’acte V permet enfin le pardon et le mariage de sa fille avec Montezuma, devenu roi légitime. C’est donc par lui que le drame commence et se termine. Il incarne au préalable l’autorité suprême, à la fois militaire et patriarcale, mais affaibli, son pouvoir est terni par la défaite et ses mauvais choix. Orazia (rôle parlé et chanté - Soprano)

C’est la fille du chef des Incas, au centre des convoitises. Pour elle, on trahit son camp, on souhaite tuer et on se tue. Montezuma, amoureux demande sa main et face au refus de son père, entre au service des Mexicains. Acacis, second amoureux et rival de Montezuma n’obtiendra pas les faveurs d’Orazia et choisit le suicide. Traxalla, le général de Zempoalla, troisième amoureux, utilise la force et le chantage pour parvenir à ses fins, mais Orazia est une femme d’honneur et son choix est définitif : Montezuma ou la mort. Elle apparaît dans l’acte I, mais ce sont les hommes qui parlent. Au début de l’acte II, les rôles sont inversés et elle ordonne à son père de se battre plutôt que d’attendre la mort. Présente dans les actes suivants, elle incarne la force de caractère et ses choix affirmés : la mort plutôt que le déshonneur ; le sacrifice plutôt que la mort de son père ou de Montezuma. Le personnage est cependant plus complexe qu’il n’y paraît car il est rongé par les dilemmes et la jalousie envers Zempoalla, et passe des larmes à la colère et des regrets aux décisions péremptoires. Dans la version originale de Purcell, elle n’a qu’un air chanté (voir le guide d’écoute). Dans la version Haïm/Cassiers, un duo est ajouté dans l’acte V.

Inca et Aztèque Montezuma (rôle parlé et chanté - Basse)

Général victorieux des armées péruviennes, mais rejeté par l’Inca, qui refuse que sa fille épouse un inconnu illégitime, il trahit son camp et entre au service de l’armée mexicaine adverse. De nouveau, il est accueilli en héros, chef de guerre reconnu par le peuple Aztèque. Cette fois, c’est Zempoalla qui le juge dangereux pour son pouvoir et le fait incarcérer, promis au sacrifice. Les personnages soulignent tous son caractère belliqueux et impétueux. Acacis et Orazia lui reprochent son emportement et lui conseillent de réfléchir sereinement à la situation. Sensible et reconnaissant de l’amitié que lui porte Acacis, il le blesse pourtant en duel. Amoureux d’Orazia, il n’accepte aucune proposition pour la sauver, préférant leur mort à tous les deux. C’est l’intervention miraculeuse d’Amexia qui met fin aux dilemmes et au sacrifice. Par sa mère, il devient roi légitime du Mexique, se fait pardonner de l’Inca et épouse Orazia, mais au prix de nombreux morts. Elle a un air au 4

ème acte : They tell us that you mighty powers abose.

Les Aztèques – Mexicains Zempoalla (rôle parlé et chanté - Soprano)

Reine illégitime des Aztèques. Elle arrive au pouvoir en faisant tuer son frère par son général Traxalla avec qui elle entretient des relations ambiguës. Aucune confiance entre ces deux personnages, puisque leurs liens se sont construits sur la trahison. Elle est l’opposée de son fils Acacis : cruelle et prête à tuer tous ceux qui menacent son pouvoir. Consciente toutefois de ses faiblesses, elle cherche des réponses auprès du mage Ismeron et dans ses rêves. Cette « Indian Queen » se révèle être une héroïne bien atypique dans l’histoire de l’opéra. Usurpatrice, manipulatrice et piètre mère et sœur, elle se révèle bien seule lorsqu’Amexia retrouve son trône. L’unique choix honorable pour elle réside dans le suicide et le repos de son âme tourmentée. Purcell lui compose un unique air : I attempt from Love’s sickness to fly in vain dans l’acte III. Acacis (rôle parlé et chanté - Ténor)

Fils de la reine Zempoalla. Il apparaît dans la scène 1 de l’acte I, prisonnier de Montezuma. L’Inca offre sa vie au général vainqueur, qui lui rend immédiatement sa liberté, face à l’héroïsme dont il a fait preuve pendant la bataille.

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Acacis place son amour pour Orazia au-dessus de son patriotisme et de ses liens filiaux. Ainsi, il ne comprend pas la vengeance de Montezuma qui la met en danger. Il est prêt à tous les sacrifices. Ce personnage, le plus sensible et le plus vertueux de cette histoire, incarne la bonté et la sagesse, rejetant la guerre et la violence sous toutes ses formes. Il force le respect de Montezuma et d’Orazia. L’amitié qu’il lie avec son ennemi Montezuma est bien sincère et puissante. C’est par dépit amoureux qu’il le provoque en duel, préférant la mort au rejet de sa bien-aimée. Lucide sur l’illégitimité du pouvoir de sa mère cruelle et sans pitié, il la renie au moment de se suicider. « Vous êtes ma honte ». Dans la version originale, ce rôle est uniquement parlé. Ici, des airs sont ajoutés, comme c’est le cas pour le rôle de Montezuma. Traxalla (rôle parlé)

Général de Zempoalla. Il apparaît dès l’acte II et est très présent jusqu’à la fin de l’opéra. C’est le « méchant » de l’histoire, le bras armé de la reine et probablement son amant. Il réfléchit peu, répond à ses instincts, obéit aux ordres de Zempoalla (tuer son frère, le roi du Mexique), puis s’émancipe lorsque ses intérêts sont bafoués. Lui aussi tombe amoureux d’Orazia. Le rejet ferme qu’elle lui oppose augmente encore sa violence, et la jalousie qu’il porte à Montezuma, objet du désir de la Reine. À la fin de l’acte V, trahit par Zempoalla, il est poignardé par Montezuma. Amexia – (rôle parlé et chanté)

Epouse du roi assassiné et mère de Montezuma. Elle est la reine légitime mais bannie par Zempoalla. Son retour inopiné – tel le Deus ex machina dans l’opéra baroque - permet d’acheminer le drame vers une fin heureuse. Zempoalla comprend son rêve et met fin à ses jours pour échapper au déshonneur. Montezuma apprend qu’il est le fils du roi des Aztéques et d’Amexia. Son mariage avec Orazia peut enfin avoir lieu en même temps que la paix retrouvée entre les deux pays. Elle chante un air ajouté à la partition par Emmanuelle Haïm : A prince of glorious race descended, at his happy birth attended. Ismeron (rôle parlé et chanté - Basse) et les autres rôles chantés Le personnage du mage ou le thème de la magie et du surnaturel est souvent évoqué dans les opéras de Purcell (King Arthur, Fairy Queen…). Zempoalla, inquiète et confuse le questionne à propos d’un rêve et de Montezuma. Ismeron invoque le dieu des rêves et les esprits de l’air, ce qui engendre des airs emplis de chromatismes, figuralismes, caractéristiques du style de Purcell. Rappelons que le semi-opéra se compose de théâtre et d’airs chantés. Les rôles principaux sont en général parlés et les rôles secondaires chantés. On entendra également, un garçon et une fille Indienne (Quivera), La Gloire et l’Envie (ou Jalousie), le Dieu des rêves et les quatre esprits de l’air, un grand prêtre, l’Hymen et les messagers. (Voir guide d’écoute p. 14).

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• • • Plan du semi-opera

Version Emmanuelle Haïm / Guy Cassiers Pour se repérer dans la version qui vous est proposée, voici le plan de l’œuvre telle qu’elle vous sera présentée, avec en bleu les musiques originales, et en vert les musiques ajoutées pour cette version.

Musique pour orchestre : (version de référence n°1-4) Premier air / hornpipe / second air / hornpipe / ouverture

Prologue : le garçon indien et Quivera (version de référence n°5-8) Wake Quivera / Why should men quarrel / By ancient prophecies / Duet if these be they we welcome /

Their looks are such that mercy / If so, your goodness / Air de trompette

ACTE I Scène 1 : Inca, Orazia, Montezuma, Acacis, des prisonniers, des péruviens.

1- L’Inca et Montezuma : L’Inca propose une récompense à Montezuma pour sa victoire au combat ainsi que le choix du sort d’Acacis. Montezuma lui demande la main de sa fille, que L’Inca refuse avec véhémence car ses origines sont inconnues.

2- Montezuma et Acacis : C’est au tour de Montezuma d’exprimer sa colère. Il choisit le camp ennemi afin d’assouvir sa vengeance et libère Acacis qui ne comprend pas cette décision.

3- Acacis et l’Inca : Acacis est libre et prévient l’Inca du danger. On comprend qu’il est lui aussi amoureux d’Orazia, et qu’il place cette passion au-dessus de sa nation. L’Inca se reproche d’avoir laissé partir Montezuma et craint sa vengeance.

Symphonie / Canzona (orchestre) (version de référence n°9)

Scène 2 : Mexico : Zempoalla, Traxalla, un messager et leurs suites.

La Reine indienne Zempoalla pleure la mort de son fils Acacis. Traxalla, son général, ne regrette pas le meurtre du frère de celle-ci pour qu’elle accède au trône, en étant bien plus digne à ses yeux. Un messager annonce qu’Acacis est en vie, et l’espoir renaît.

Adagio / Allegro (orchestre) (version de référence n°9)

ACTE II Scène 1 : Inca, Orazia, Montezuma, Traxalla, Acacis, trois soldats.

Montezuma, passé dans le camp des Aztèques mexicains, a gagné une bataille contre les Incas et capturé leur chef et sa fille.

1- Orazia implore son père de fuir et de ne pas attendre la mort. L’Inca abandonné des dieux et fataliste accepte son destin. Entrent trois soldats prêts à célébrer leur prise de choix.

2- Montezuma les fait fuir. L’Inca lui reproche son orgueil et Orazia sa rage et ses passions débordantes. Montezuma reconnaît ses excès et souhaite se racheter pour que ce soit l’Inca qui l’implore désormais.

3- Entrée de Traxalla et des soldats qui réclament la prise de guerre, repoussés par Montezuma. 4- Entrée d’Acacis, respecté par tous pour sa clémence et sa bienveillance. Il s’inquiète des larmes d’Orazia et dévoile une

fois de plus son amour pour elle. >>Lost is my quiet for ever. (Acacis et Montezuma)

Scène 2 : Zempoalla, Traxalla

Traxalla informe sa reine qu’un étranger a capturé le prince Inca et sa fille et qu’il est célébré par le peuple. De plus, il est protégé par Acacis. Zempoalla ordonne à son général de les enlever afin de les exécuter.

>>Musique pour orchestre

Scène 3 : Montezuma, Acacis, un messager

Acacis est empli du chagrin de voir sa mère devenue reine illégitime grâce à son général Traxalla, qui a tué le Roi, son oncle. Amexia, reine légitime et enceinte, est obligée de fuir. Il en fait part à son meilleur ami Montezuma, qui loue ses vertus et sa grandeur d’âme. Un messager annonce, que contre les ordres d’Acacis, Traxalla s’est emparé de l’Inca et de sa fille Orazia. Montezuma, furieux et vindicatif court les délivrer. Acacis, plus réfléchi, se range pourtant à ses côtés par amour pour Orazia.

2ème

air de trompette (version de référence n°8) La Gloire : I come to sing great Zempoalla (version de reference n°9-14)

Chœur : We come so sing great Zempoalla L’Envie et deux suivants : What flattering noise is this

La Gloire : Scorn’d Envy here’s nothing L’Envie : I fly from the place where flattery reigns

L’Envie et deux suivants : What flattering noise is this La Gloire : Begone, curst fiends of Hell

Chœur : We come so sing great Zempoalla Danse (version de référence n°15)

>>Menuet

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ACTE III Scène 1 : Zempoalla, Acacis, Montezuma, Orazia, Traxalla

1- Acacis et Montezuma sont amenés devant la reine Zempoalla. À ses yeux, son fils trahit son sang et elle découvre le fameux guerrier Montezuma porté en triomphe par son armée. Traxalla dégaine son arme et veut le tuer, empêché par Acacis. Zempoalla est troublée par ce Montezuma et voit naître un sentiment amoureux. Elle ordonne qu’on l’enferme dans une prison séparée de celle d’Orazia.

2- Zempoalla restée seule avec son fils Acacis : elle lui réitère son amour maternel, mais reste ferme sur ses intentions de tuer Orazia. Acacis lui répond qu’il se tuera si elle meurt. Tout ce sang versé en son nom, il le méprise autant que le trône. Zempoalla essaie de le convaincre qu’il s’agit d’une erreur de jeunesse.

3- Zempoalla et Traxalla : le général réalise que Montezuma a pris sa place dans le cœur de Zempoalla, et que la reine ne l’exécutera pas. Mais il est tombé lui aussi amoureux d’Orazia et tente de négocier en vain, sa libération.

Danse (version de référence n°17)

Scène 2 : Ismeron et Zempoalla

Zempoalla regarde le mage endormi, et pense que son sommeil à elle, empli de cauchemars, est moins serein que le sien. Elle le réveille. Il l’écoute raconter son rêve et tente de la rassurer. Ils invoquent les dieux.

Ismeron : Your twice ten hundred deities (version de référence n°18)

Ismeron demande à Zempoalla d’être patiente et termine ses sortilèges. Ismeron : By the croaking of the toad (suite du n°18)

Le Dieu des rêves se dresse. Symphonie pour 2 hautbois (version de référence n°19)

Le Dieu des rêves : Seek not to know what must not / Enquire not then who / All must submit (suite du n°19)

Accablée, la Reine n’obtient pas des Dieux la réponse souhaitée. Ismeron invoque alors les esprits de l’air pour tenter de ramener l’harmonie dans son âme troublée.

Duo contre-ténor/ténor : Ah ! How happy are we / We the spirits of the air (version de référence n°21 et 22) Chœur : We the spirits of the air

Zempoalla : I attempt from love’s sickness (version de reference n°23) Chœur : We the spirits of the air

Zempoalla crie sa colère et ordonne au mage de faire naître l’amour dans le cœur de Montezuma, sinon, elle détruira les temples de ces Dieux qui l’ignorent.

>>Dance of fantastick spirits de Locke

>>Ouverture de Dioclesian de Purcell

>>Dance of furies, Dioclesian de Purcell

Entracte

ACTE IV

>>The Tempest, curtain tune, de Locke

Scène 1 : Traxalla, Montezuma et Orazia

Dans la prison où est enfermé Montezuma, Traxalla entre, précédé d’Orazia. Amoureux d’elle, il fait une proposition : si elle l’épouse, Montezuma sera libre, sinon ils mourront tous les deux. Face au refus, Traxalla dégaine, prêt à les tuer. La reine entre et empêche in extremis le meurtre de Montezuma en menaçant Orazia de son poignard. Si Traxalla tue Montezuma, elle tuera Orazia. Montezuma affronte la reine et préfère la mort plutôt que la vie qu’elle lui propose : « Vous, et la vie que vous m’offrez, je les hais. » Zempoalla et Traxalla ne se font plus confiance mais cèdent devant le couple amoureux et les laisse à leur exécution. (coupure des textes originaux)

Zempoalla : >>So when glitt’ring Queen of night (Ode “The Yorshire feast song)

Scène 2 : Acacis et Montezuma

Acacis réaffirme son amitié à Montezuma, mais lui demande de se battre pour la femme qu’ils aiment tous les deux : « Chacune de nos vies, nous la devons à l’amitié de l’autre ; Mais l’amour reprend ce que l’amitié a donné : L’amour a ses cruautés, mais l’amitié aucune ; Et nous nous combattons sans avoir de querelle ».

Duo : >>By beauteous softness mix’d with majesty (Ode “Now does the glorious day appear / For Queen Mary” –

2ème

partie vocale composée) Ritournello : postlude orchestral du duo précédent

Acacis a été blessé par Montezuma. Retour d’Orazia qui demande à Acacis d’être raisonnable et d’accepter qu’elle soit amoureuse de Montezuma et non de lui. Orazia s’inquiète pour son père. Zempoalla et Traxalla constatent la blessure d’Acacis et se saisissent du couple, décidés à les exécuter ensemble.

Orazia : They tell us that you mighty powers above / Ritornello / To suffer for him. (version de référence n°25)

Montezuma est prêt à affronter son destin. Traxalla trouve dans la vengeance le plaisir qu’il n’a pas en amour. Acacis annonce son suicide.

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ACTE V Chœur : While thus we bow (version de référence n°27)

Grand prêtre et chœur :You who at the altar stand / All dismal sounds thus (version de référence n°28)

Zempoalla, l’Inca, Traxalla, Acacis : le temple du soleil où le couple doit être sacrifié ainsi que l’Inca. La reine se querelle avec son général et lui reproche sa traîtrise. Acacis se tue et renie sa mère.

>>A new ground, Purcell : musique pour clavecin arrangé pour orchestre.

>>Here the Deities approve, Purcell : chant et clavecin arrangé pour orchestre.

Les messagers annoncent le peuple qui arrive en nombre et acclame Montezuma, mais aussi l’arrivée de la Reine légitime Amexia, qui révèle que Montezuma est son fils. Traxalla propose d’en finir vite avec Montezuma, mais Zempoalla libère ses liens et lui donne son poignard. Il tue Traxalla.

>>In nomine : pièce orchestrale

Amexia raconte à son fils une partie des longs périples qu’elle a dû traverser. Montezuma exprime sa gratitude envers son père. Zempoalla ne peut supporter tous ces événements et se tue. L’Inca accepte l’union de Montezuma et de sa fille.

A prince of glorious race (air à préciser) / Ritornello

Montezuma rend hommage à la mémoire d’Acacis et célèbre son union future avec Orazia.

Duo : >>Awake ye dead, Livre II d’Harmonia sacra

Épilogue de Montezuma sur l’ancien et le nouveau monde :

[…] On verra des spectacles jamais vus jusqu’ici, Il est dur de trouver des idées jamais vues ; Vous savez tout sur tout de ce vieux monde,

Nous nous risquons alors dans le Nouveau, […] C’est un véritable voyage vers les Indes perdues […]

Pavane (à déterminer)

Chœur : >>Man that is born of a woman, (Funeral sentences)

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• • • Henry Purcell (1659-1695)

Henry Purcell est un compositeur anglais du 17ème siècle qui dans son œuvre associe la tradition anglaise et les avancées novatrices françaises et italiennes. Musicien complet, sa production variée et abondante (environ 800 œuvres) aborde tous les genres.

Issu d’une famille de musiciens professionnels, Purcell suit naturellement la formation qui lui ouvre les portes de musicien officiel du roi. Enfant, il rentre dans le chœur de la Chapelle royale, puis lors de sa mue, il devient conservateur des instruments. Doté d’un talent

précoce en écriture, il devient très vite compositeur ordinaire pour les violons. Enfin le poste d’organiste de la chapelle de l’Abbaye de Westminster lui sera confié jusqu’à sa mort.

Il assimile très vite le patrimoine traditionnel de la musique anglaise de l’âge d’or (Byrd, Gibbons) et les grands courants novateurs tant français (Lully) qu’italien (Corelli), qu’il transcende. Sa technique et son intérêt pour la

composition pure en font un virtuose de l’écriture, il joue de son art avec complexité et subtilité. L’un des premiers maîtres de la modulation, il s’amuse avec les modes mineur et majeur, avec la basse obstinée nouvellement apparue, les dissonances sans résolution, inspiré par une ligne mélodique inventive, personnelle, émouvante et aussi surprenante. Dans le domaine vocal, Purcell possède le génie de la langue anglaise. Ses anthems sont marqués par la tradition élisabéthaine et jacobéenne. Son génie lyrique triomphe dans la musique de scène, masques, opéras et semi-opéras. Henry Purcell en 5 dates :

1679 : Nommé organiste de Westminster Abbaye

1680-81 : mariage qui lui donnera 6 enfants

1683 : première œuvre publiée, recueil de 12 sonates pour cordes à 3, de style italien

1689 : il produit le 1er grand opéra anglais, Dido and Eneas (Didon et Enée)

1695 : il meurt prématurément. Ce décès est sans doute dû au surmenage d’un homme à la santé fragile

Henry Purcell en 5 œuvres :

1680 : Fantasias pour violes

1683 : Magnificat and Nunc dimittis

1691 : King Arthur

1692 : Ode à Sainte Cécile

1695 : The Indian Queen

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• • • La musique baroque : fiche de synthèse

Succédant à la Renaissance et précédant le Classicisme, le baroque couvre une grande période dans l’histoire de la musique, s’étendant du début du XVIIème siècle au milieu du XVIIIème siècle, de façon plus ou moins uniforme selon les pays considérés. Le mot baroque serait né du mot portugais barroco qui désigne des perles de forme irrégulière. Ce terme est d’abord

utilisé dans l’art et l’architecture avant d’être appliqué à la musique. Le mouvement baroque se caractérise par l’exaltation des sentiments, les effets de contrastes, la prolifération et la déformation des volumes et des formes, le goût pour l’illusion, l’exubérance des ornements… L’ère de la musique baroque débute, conventionnellement, en Italie avec l’Orfeo, opéra de Claudio Monteverdi (1567-

1643) – véritable créateur du genre opéra – et se termine avec les contemporains de Johann Sebastian Bach et Georg Friedrich Haendel. Bien des œuvres de l’époque baroque sont tombées dans l’oubli à la fin du XVIIIème siècle pour n’être redécouvertes qu’au milieu du XXème siècle. Au cours de la période baroque, la musique instrumentale s’émancipe : elle ne se contente plus de son rôle d’accompagnement des polyphonies vocales, mais fait ressortir ses propres possibilités techniques et expressives. C’est aussi un moment important pour l’élaboration de la théorie musicale : la gamme tempérée et les modes majeur et mineur apparaissent, posant ainsi les bases de l’harmonie classique. Les principaux pôles de la musique baroque sont l’Italie, l’Allemagne et la France dont les styles sont fortement opposés, malgré des influences réciproques. La musique baroque est marquée par un style fleuri et une grande expressivité. Elle se caractérise notamment par l’importance du contrepoint puis par une harmonie qui s’enrichit progressivement, par l’importance donnée aux ornements et par la technique de la basse continue. L’avènement de la basse continue (également appelée continuo) –

partie instrumentale confiée à la basse et soutenant les parties supérieures – est une nouvelle manière de concevoir l’écriture sonore. En projetant la mélodie hors de l’architecture polyphonique, la basse continue a permis l’épanouissement des genres vocaux (opéra, oratorio et cantate). La basse continue était exécutée par un instrument grave monodique (violoncelle, viole de gambe ou basson…) jouant la ligne de basse notée par le compositeur, et un instrument polyphonique (clavecin, orgue, luth...) réalisant le chiffrage d’accords noté au-dessus de la basse, donc improvisant un accompagnement harmonique. La basse obstinée, procédé d’écriture musicale également très apprécié pendant la période baroque, place à la partie de basse un motif ou un chant constamment répété pendant toute la durée du morceau et sur lequel les parties supérieures réalisent des variations. La naissance de l’opéra coïncide avec cette mise en avant de la ligne mélodique et du texte. On parle de bel canto

baroque. Les recherches furent alors nombreuses, aboutissant par exemple à la création du récitatif soumis aux lois du discours parlé. Au service d’une écriture nouvelle, se développent les voix tout à fait particulières des castrats dont la virtuosité inouïe provoque l’admiration à travers toute l’Europe. En effet, à cette époque, la supériorité est donnée aux voix aiguës. Les sopranos et castrats se disputent alors les rôles titres et la hauteur du chant est le reflet du rang social. Ainsi est-il courant d’entendre un castrat chanter le rôle d’une princesse et d’attribuer un rôle de prince à une soprano. La mise en avant du texte correspond sans doute à une volonté d’exprimer avec force l’univers des passions des personnages : les héros juxtaposent les thèmes de la vie et de la mort, de l’amour, de la jalousie et de la vengeance avec une intensité jusque-là inégalée. L’alternance entre le récitatif et l’aria participe de cette esthétique du contraste et permet aux chanteurs de briller dans la reprise de l’aria (le da capo) en proposant une variante très ornée et virtuose. L’orchestre baroque bénéficie d’un effectif centré d’une part sur la basse « réalisée » par un instrument polyphonique (orgue ou clavecin par exemple), soulignée par un instrument monodique (viole de gambe, basson par exemple) et d’autre part sur la mélodie. Généralement, l’orchestre est composé d’une vingtaine d’instruments. Les cordes en constituent la base, les hautbois et les flûtes vont par paire tandis que les cuivres ne s’y rencontrent que lorsque leur timbre est nécessaire à l’action. Les instruments sont toujours choisis avec précision afin de renforcer le caractère de l’aria ou du récitatif accompagné. De nombreuses études mettent aujourd’hui en valeur la véritable richesse de la musique baroque et posent, entre autres, la question du diapason (dont la hauteur a oscillé tout au long de la période), la question du tempo, de l’ornementation, et de la réalisation de la basse continue. En ce sens, cette musique permet une interprétation sans cesse renouvelée, aboutissement d’une recherche partagée entre les musiciens.

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• • • Le semi-opéra, genre et contexte de création

Mask et semi-opéra

L’opéra est né en Italie au début du XVIIème siècle sous l’impulsion de compositeurs comme Claudio Monteverdi ou Francesco Cavalli. Ce genre a gagné progressivement l’Europe du Nord mais chaque nation se l’est approprié tout en conservant ses propres formes artistiques. En Angleterre, c’est le théâtre élisabéthain qui est en vogue, William Shakespeare en est le principal représentant depuis la fin du XVIème siècle. La vaste production tout au long du siècle suivant est favorisée par un régime politique fort qui forme et protège des compagnies d'acteurs et par la construction de théâtres permanents aux abords immédiats de Londres. Son écriture théâtrale s'adresse autant à l'élite aristocratique qu'au menu peuple, mêlant les genres comique et tragique. C’est dans ce contexte que naît l’opéra anglais qui n’est en fait qu’un divertissement théâtral en musique. Au début du XVIIème siècle, le Masque – en anglais Mask, genre spécifiquement britannique – présente aux entractes des danses

scéniques intercalées d’airs ou duos, parfois de chœur, sans lien direct avec le sujet de la pièce théâtrale. Au cours de l’histoire, les frontières entre masque et opéra deviennent de plus en plus tenues et ces pièces théâtrales se transforment en semi-opéra. Purcell traite le genre à la manière de l’intermède dans la comédie-ballet, comme chez Molière-Lully à la même époque. Par exemple, ses intermèdes de The Fairy Queen sont entièrement détachables de l’action basée sur A Midsummer Night’s Dream de Shakespeare.

The Indian Queen, contexte de création

The Indian Queen est d’abord une pièce de théâtre écrite par Sir Robert Howard avec le concours de John Dryden. Sa première représentation a lieu en 1664, soit 30 ans plus tôt que la mise en musique de Henry Purcell ! À partir de 1689 à Londres, des conflits éclatent au sein de la compagnie de théâtre officielle entre les comédiens et leur direction. En 1694, alors que la crise subsiste toujours, Thomas Betterton - l’un de meilleurs comédiens et adaptateur de pièces en semi-opéra - suggère de monter The Indian Queen afin de fédérer la troupe et lui offrir du travail. Son auteur Robert Howard ayant pu être un soutien et un allié politique pour donner raison aux revendications des comédiens. Mais faute d’une issue favorable, des comédiens – dont Betterton – créent en 1695 une compagnie dissidente. Néanmoins engagée dans la création de The Indian Queen, l’ex-compagnie de théâtre officielle est contrainte de recruter de nouveaux comédiens-chanteurs à peine expérimentés, ce qui explique le peu d’airs confiés aux rôles principaux dans la partition de Purcell. La première représentation aura lieu en juin 1695, quelques mois avant la mort de celui qu’on nommera l’Orpheus Britannicus, c’est à dire Henry Purcell. Le masque de l’Amour et de l’Hymen composé par son frère Daniel Purcell est probablement un ajout pour une reprise du semi-opéra en 1696. Cette musique posthume prend place dans le 5ème acte de l’œuvre. Emmanuelle Haïm a fait le choix de ne pas la conserver et de la remplacer par des extraits d’autres œuvres d’Henry Purcell.

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• • • Le guide d’écoute

Étudier la musique dans un opéra… pourquoi ? Il nous semble intéressant – important – que vos élèves aient déjà entendu quelques airs de The Indian Queen avant de venir assister à une représentation. Connaître l’histoire et s’affranchir des surtitres, reconnaître un air déjà entendu, s’étonner de la différence entre ce qu’on s’était imaginé d’un personnage et la réalité donnée à voir sur scène… ce sont autant de plaisirs qui aideront les élèves à profiter au mieux de leur expérience de spectateur. Ce guide d’écoute est donc là pour vous accompagner, vous donner des pistes d’écoutes et de commentaires pour étudier certains passages de cet opéra avec vos élèves. Vous trouverez ci-dessous une sélection de quelques extraits majeurs de The Indian Queen, détaillés dans la suite de ce document. I/ La musique orchestrale Découvrir ou redécouvrir la musique de Purcell. Le style est ici analysé dans l’ouverture et la symphonie de l’acte II.

Cette première partie du guide d’écoute vous permettra de comprendre l’influence de la musique française ou les particularités de la musique anglaise. II/ Les airs

Un semi-opéra contient autant de textes que de musique. Les airs sont en général confiés aux rôles secondaires qui viennent illustrer musicalement les parties théâtrales. Dans cette production de l’Opéra de Lille, Emmanuelle Haïm et Guy Cassiers ont rajouté dans la partition originale des airs de Purcell empruntés à d’autres œuvres. Les premiers rôles peuvent ainsi exprimer leurs sentiments en musique. Vous trouverez ci-dessous les airs détaillés de Quivera : Why should men quarrel, avec une explication du fameux ground ; celui de La Gloire : I come to sing great Zempoalla et de l’Envie : What flatt’ring noise is this, avec ses nombreux figuralismes ; l’air du magicien Ismeron aux incantations mystérieuses et imagées : Ye twice ten hundred deities / By the croaking of the toad, ainsi que la complainte d’Orazia : They tell us that you mighty powers above. III/ Les chœurs Voici la description de deux chœurs à l’écriture et aux caractères bien différents. We the spirits of the air et All dismal sounds. Les chœurs commentent l’action et renforcent l’émotion des airs.

Version de référence : Purcell, The Indian Queen, The Academy of Ancient Music, Christopher Hogwood, John Mark Ainsley, Emma Kirkby, David Thomas, Gerald Finley, Decca, 1995.

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I / La musique orchestrale

1- L’ouverture. CD1 n°1-4

La forme semi-opéra, genre essentiellement anglais, donne une part belle aux pages orchestrales. La traditionnelle ouverture à la française est ici précédée par une succession de danses aux caractères et tempi variés : First music (air – hornpipe

1), Second music (air-hornpipe), Overture, Trumpet Tune

2. On retrouve ce type d’introduction dans l’opéra Fairy

Queen. Les musiques étaient souvent interchangeables quand on connaît l’ampleur du travail commandé à Purcell. Les morceaux sont courts, de forme binaire (2 parties répétées) dans la même tonalité de Fa majeur. L’ouverture change de tonalité (en Do mineur) et présente une écriture à la française avec ses rythmes pointés, une écriture harmonique (en accords), et son caractère solennel. La deuxième partie, radicalement différente affiche une légèreté sautillante et de nombreuses modulations qui dévoilent les rebondissements de l’histoire qui va nous être racontée.

2- Symphonie. Acte I, CD 2 n°9 >>Écouter l’extrait (ctrl+clic)

La symphonie qui introduit l’acte I est particulièrement intéressante et révélatrice du style musical de Purcell. Elle se compose de 4 parties : Moderato / Canzona / [scène 2 parlée] / Adagio / Allegro.

- Moderato Malgré la présence de la trompette, des deux hautbois, et d’une tonalité de Do majeur, l’ambiance de ce 1

er mouvement

reste mélancolique. Cela s’explique sans doute par une écriture verticale3 assez solennelle et un silence sur le 4

ème

temps qui laisse la phrase en suspension. Purcell nous donne aussi l’impression que cette musique est en marche, qu’elle avance, et ce grâce aux modulations

4

sur chaque mesure pratiquement ; pour se terminer en mouvement contraire5 sur un accord parfait de do majeur.

- Canzona

De l’italien canzone, qui signifie chanson, ce genre était très répandu au XVIIème siècle dans la musique vocale et instrumentale. De caractère léger et dans une écriture imitative

6, les vents répondent aux motifs des cordes. Le côté

dynamique est souligné par les deux formules rythmiques qui inondent la partition : puis dans la deuxième partie :

- Adagio Retour d’un caractère triste, sombre en mi mineur sur une basse chromatique descendante, uniquement aux cordes, autre élément récurrent du langage musical de Purcell. Là aussi la musique se termine par un magnifique mouvement contraire expressif.

- Allegro La symphonie s’achève sur un mouvement rapide en ternaire et dans un do majeur enjoué et victorieux. Le retour des trompettes et hautbois ajoute une connotation militaire. L’écriture alterne entre un esprit fugato et des passages harmoniques (à la fin), ce qui engendre un dynamisme communicatif !

1 Danse populaire anglaise à 3 temps.

2 Emmanuelle Haïm a choisi de ne pas jouer cet air de trompette présent sur la version de référence, mais on l’entendra dans la scène 3 de l’acte II.

3 Ecriture en accords. Tous les instruments jouent en même temps. (Mêmes rythmes et notes différentes). Pour en savoir plus sur l’écriture verticale et

l’écriture horizontale : https://www.youtube.com/watch?v=l3EZKZ3T718 4 La modulation est un changement de tonalité.

5 Lorsqu’une ligne mélodique est descendante en même temps qu’une ligne mélodique est ascendante. Cela engendre de l’émotion et une impression de

réunion car les deux lignes se rejoignent. 6 Un motif court est répété aux autres instruments tel un écho.

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Avec les élèves :

- Aborder la musique orchestrale de Purcell est un impératif pour profiter un maximum du spectacle. Tout d’abord, l’introduction nous présente l’œuvre à entendre, et nous met dans les meilleures conditions pour entrer dans l’histoire qui va être racontée. - Les élèves auront des places de choix pour voir l’orchestre avec ses instruments anciens (clavecin, luth…) et la direction d’Emmanuelle Haïm. - La musique anglaise du XVIIème siècle de Purcell peut sembler complexe au premier abord, mais il n’en n’est rien lorsqu’on connaît les moyens expressifs qu’il utilise de manière récurrente, facilement identifiables à l’écoute. Cette analyse musicale de la symphonie vous aidera dans cette démarche.

II / Les airs

1- Why should men quarrel, Quivera (soprano), acte I, prologue. CD n°1 n°6 >> Écouter l’extrait de ʺl’air de Quiveraʺ (ctrl+clic)

Le prologue, sorte d’ouverture vocale de l’opéra, présente deux jeunes indiens (un garçon et une fille nommée Quivera). Monologues, récit, et duo déclinent le thème de l’innocence face à la folie guerrière des hommes. QUIVERA QUIVERA Why should men quarrel here, Pourquoi les hommes se querelleraient ici, Where all possess où chacun possède As much as they can hope for by success? autant qu’il peut espérer ? None can have most where nature is so kind Nul ne peut dominer là où Nature est si bonne As to exceed man’s use though not his mind. qu’elle excède leurs besoins, sinon leur esprit. L’air de Quivera est particulièrement intéressant pour son ground : basse obstinée ou ostinato mélodique et rythmique, autre figure de style caractéristique de la musique de Purcell. Un ground est donc une phrase d’accompagnement qui va être répétée de manière obstinée tout au long de l’air. Il permet au compositeur de montrer toutes ses qualités d’invention en s’imposant la contrainte de la répétition. Le plus souvent le ground évolue sur un tempo lent et un

caractère solennel ; ici le tempo est rapide, dans une mesure à 2/2 et la musique légère grâce au dialogue des flûtes. Mais le rythme serré et la tonalité de do mineur révèlent l’inquiétude de la jeune fille. Avec les élèves :

- Repérons ce ground, facile à chanter. À partir de As much jusqu’à his mind, il subit des variations harmoniques (modulation : changements de tonalité). Écoutons-les et reprenons le chant sur le retour de Why why… À propos du ground, le plus célèbre est extrait de l’opéra Didon et Enée de Purcell, lorsque Didon annonce son suicide : When I’m laid >> Écouter l’extrait de Didon et Énée (ctrl+clic) jusqu’à 0’58.

Duo de flûtes à bec. Le rythme

saccadé montre l’inquiétude.

La basse obstinée ou ground qui

sera répétée une dizaine de fois.

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2- I come to sing great Zempoalla : La Gloire (ténor) et chœur. What flatt’ring noise is this : L’Envie (basse) et ses deux serviteurs (contre-ténor et ténor) : Acte II, CD1 n°10-12 et 14

>> Écouter l’extrait de ʺI come to sing great Zempoallaʺ (ctrl+clic)

Voici un air chanté par des personnages secondaires, comme c’est le cas dans les semi-opéras. Purcell utilise une forme qui lui est chère : deux personnages affrontent leurs différents points de vue. Ils sont accompagnés d’un chœur et de figurants solistes selon une structure établie : La Gloire et chœur / l’Envie et deux serviteurs / Gloire seule / Retour de l’Envie et du fameux air / Triomphe de la Gloire et reprise du chœur. Cela permet une réminiscence des airs à la manière de refrains et engendre un dynamisme scénique. On retrouve ce schéma formel à de nombreuses reprises dans The Indian Queen. Haendel qui arrive à Londres au début du XVIIIème siècle imposera une forme nouvelle, à la mode italienne : l’aria da capo (forme A B A’) qui laisse la part belle à la virtuosité et rompt avec ce type de structure. FAME AND CHORUS LA GLOIRE ET CHŒUR

I come to sing great Zempoalla’s story, Je viens chanter l’histoire de la grande Zempoalla, Whose beautiful sight dont la beauté So charming bright charmante et rayonnante Outshines the lustre of glory. éclipse l’éclat de la gloire. I come to sing great Zempoalla’s story... Je viens chanter l’histoire de la grande Zempoalla… ENVY AND TWO FOLLOWERS L’ENVIE ET DEUX SERVITEURS What flatt’ring noise is this, Quels sont ces sons flatteurs, at which my snakes all hiss? Qui font siffler mes serpents ? I hate to see fond tongues advance J’ai horreur des langues mielleuses qui high as the gods the slaves of chance. Élèvent au rang de dieux les esclaves du hasard. What flatt’ring noise is this… Quels sont ces sons flatteurs…

FAME LA GLOIRE Scorn’d Envy, here’s nothing that thou Envie méprisée, il n’est rien ici que tu puisses Canst blast: foudroyer : Her glories are too bright to be o’ercast. Sa gloire est trop splendide pour être ternie. ENVY AND TWO FOLLOWERS L’ENVIE ET DEUX SERVITEURS I fly from the place where flattery reigns ; Je fuis l’endroit où règne la flatterie, See, see those mighty things that before voyez ces êtres puissants, que de tels esclaves Such slaves like gods did adore adoraient avant comme des dieux, Contemn’d and unpitied in chains. Enchaînés sans pitié et méprisés. I fly from the place where flattery reigns ; Je fuis l’endroit où règne la flatterie, I hate to see fond tongues advance… J’ai horreur des langues mielleuses… What flatt’ring noise is this… Quels sont ces sons flatteurs… FAME LA GLOIRE Begone, curst fiends of Hell, Disparaissez, maudits démons de l’Enfer, Sink down where noisome vapours dwell, retombez dans les abîmes aux vapeurs repoussantes While I her triumph sound Tandis que je célèbre son triomphe To fill the universe around à travers tout l’univers. CHORUS CHŒUR I come to sing great Zempoalla’s story… Je viens chanter l’histoire de la grande Zempoalla… Le traitement musical qui oppose ces deux personnages est particulièrement réussi : tonalité de Do Majeur, rythmes simples, tutti avec trompettes, chœur, nuance forte, et mesures binaires pour la Gloire ; tonalité de do mineur, rythmes rapides et complexes, cordes uniquement, trio, nuance piano, et mesures binaires puis ternaires pour l’Envie. Ce personnage apporte du grotesque et de l’humour à cet opéra tragique

7. Il répond avec ironie à l’emphase de la Gloire.

7 Les scènes grotesques sont toutes présentes dans les opéras pourtant tragiques de Purcell.

La ligne vocale

précipitée est doublée

par l’accompagnement,

et coupée par des

silences. Cela crée un

effet fort remarquable.

On retrouve cet aspect

précipité et fuyant aux deux

violons.

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L’emploi de nombreux madrigalismes ou figuralismes8, est aussi une des marques de fabrique de la musique de Purcell.

En effet, le compositeur apporte un soin tout particulier au lien étroit entre le texte et la musique. En voici quelques exemples : Avec les élèves :

- Montrer le caractère comique de l’Envie et l’opposer au caractère « pompeux » de la Gloire. - Comprendre la structure des airs de Purcell. - Repérer les figuralismes. - Il est facile de chanter et mémoriser le chœur We come to sing great Zempoalla.

3- Ye twice ten hundred deities / By the croaking of the toad, Ismeron (basse), Acte III, scène 1, CD 3 n°18 >> Écouter l’extrait de ʺl’air d’Ismeronʺ (ctrl+clic)

Dans la première partie : récitatif

9, le mage Ismeron invoque le dieu des rêves afin qu’il réponde aux

questions de Zempoalla. L’air qui suit énumère les sortilèges tous plus cauchemardesques les uns que les autres. Ye twice ten hundred deities Ô vous, deux fois mille divinités, To whom we daily sacrifice, à qui chaque jour nous faisons sacrifice, Ye pow’rs that dwell with fates below vous, puissances qui habitez les profondeurs avec les parques And see what men are doom’d to do, et voyez ce à quoi les hommes sont condamnés Where elements in discord dwell : là où les éléments sans cesse se livrent combat, Thou god of sleep arise and tell toi, dieu du sommeil, lève-toi et révèle Great Zempoalla what strange fate à la grande Zempoalla quel destin étrange Must on her dismal vision wait. dépend de sa sombre vision. By the croaking of the toad Par le coassement du crapaud In their caves that make abode, qui demeure dans les grottes, Earthy dun that pants for breath bête de somme qui suffoque, With her swell’d sides full of death, ses flans enflés pleins de mort, By the crested adders’pride, par la fierté des vipères crêtées That along the clifts do glide, qui glissent le long des falaises, By the visage fierce and black, par ton visage cruel et noir, By the death’s-head on thy back par la tête de mort sur ton dos By the twisted serpents plac’d par le nœud de serpents qui For a girdle round thy waist, en ceinture pend à ta taille, By the hearts of gold that deck par les cœurs d’or qui ornent Thy breast, thy shoulders and thy neck: ton buste, tes épaules et ton cou : From thy sleeping mansion rise surgis de ton manoir ensommeillé And open thy unwilling eyes, et ouvre tes yeux réticents, While bubbling springs their music keep, tandis que coulent les sources babillantes That use to lull thee in thy sleep. Qui te bercent dans ton sommeil.

8 Les figuralismes se développent surtout à partir de la fin du XVIème siècle, notamment dans les madrigaux, d’où le nom de madrigalisme. C’est l’une des pratiques principales du style représentatif. Il consiste à suggérer de manière musicale une idée, une action ou un sentiment. Il va se répandre dans toute l’Europe particulièrement dans les opéras du XVIIème siècle. 9 Dans les opéras baroques, les récitatifs permettent de raconter l’histoire, et par conséquent de nous donner des informations. La voix peu mélodique,

plutôt déclamée épouse les inflexions de la voix parlée. Ils sont accompagnés de la basse continue (clavecin, luth, viole de gambe ou orgue).

Le « sss » accentué de l’Envie et

repris par les serviteurs image le

sifflement des serpents faisant

référence aux railleries perfides des

langues mielleuses.

Ici le figuralisme du triomphe mis en valeur par

ces longues vocalises sur le « i » mélodiques et

rythmiques.

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De nouveau, Purcell use de figuralismes pour évoquer musicalement le texte imagé. Il associe au personnage d’Ismeron les chromatismes

10, très nombreux dans cet extrait, qui lui donnent un caractère mystérieux et inquiétant.

Le récitatif commence en sol mineur dans une couleur sombre et un tempo lent. La voix est déclamée sur un accompagnement en accords qui ajoute de la solennité. Glissendo

11, dissonances

12 par frottements harmoniques : tous les effets sont utilisés pour caractériser ce personnage.

Après un court passage parlé entre Ismeron et Zempoalla qui attend les incantations, Purcell compose dans le prolongement du récitatif, un air d’une incroyable originalité pour l’époque. Il se divise en trois parties. La première en sol mineur également - mais subissant de nombreuses modulations - laisse la voix de basse s’exprimer pratiquement a cappella, les cordes lui répondant dans un jeu de dialogue. Le tempo plus rapide et surtout les rythmes pointés apportent du dynamisme. Les mots clés sont soulignés par de longues vocalises : pants, swell’d, glide, twisted, round. Il s’agit d’une véritable scène descriptive. La deuxième commence juste avant les paroles : From thy sleeping mansion rise, par une ligne chromatique ascendante aux violons 1 et 2 puis repris par la ligne vocale ainsi que tout l’orchestre. L’effet est d’autant plus puissant que les frottements harmoniques produisent des dissonances. Ce passage très tendu cède la place à une troisième partie dans une mesure à trois temps qui évoque le bercement propice au sommeil. L’air s’achève de façon calme et résignée, de manière à accueillir le dieu des rêves.

10 Un chromatisme est une suite de notes très rapprochées les unes des autres (de demi-ton en demi-ton) ici de la gamme chromatique. 11 On glisse d’une note à l’autre, notamment avec la voix ou les instruments à cordes. 12 Une dissonance est un frottement de deux ou plusieurs notes qui crée l’impression de « fausse note » dure à l’oreille.

Mouvement

contraire expressif

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Avec les élèves :

- Ce moment sera sans nul doute l’un de leurs préférés. - C’est aussi l’occasion d’apprendre du vocabulaire en anglais et de réfléchir à la mise en scène. Comment imaginent-ils cette scène de magie ? - Le chromatisme peut se figurer comme des marches montées une à une. Combien y en a-t-il ? - Bien identifier la partie récitatif et la partie air. Il faut à la fois comprendre le texte et entrer dans l’émotion. C’est important pour comprendre l’opéra en général. Pour compléter cette analyse, écoutez le fameux Air du génie du froid, (tessiture de basse) dans l’opéra King Arthur, toujours de Purcell. >>Écouter l’extrait de ʺl’air du génie du froidʺ (ctrl+clic)

4- They tell us that you mighty powers above, Orazia (soprano), Acte IV, scène 1, CD 4 n°25 >>Écouter l’extrait de ʺl’air d’Oraziaʺ (ctrl+clic)

Orazia et Montezuma ont été capturés par Traxalla. Séparés, seule dans son cachot, elle chante une complainte dans laquelle elle implore les dieux de sauver la vie de Montezuma. Sa joie sera celle de le savoir en vie ; et peu importe ses chaînes s’il est libre. They tell us that you mighty powers above On dit que vous, puissants pouvoirs célestes, Make perfect your joys and your blessings by love. Savez rendre parfaits vos joies et vos plaisirs par amour. Ah ! Why do you suffer the blessing that’s there. Ah ! Pourquoi acceptez-vous les délices qui sont là-haut To give a poor lover such sad torments here? Infligent au pauvre amoureux de tels tourments ici-bas ? Yet though for my passion such grief I endure, Cependant, bien que je souffre tant pour ma passion, My love shall like yours still be constant and pure. Mon amour comme le vôtre restera constant et pur. To suffer for him gives an ease to my pains ; Souffrir pour lui apaise mes tourments ; There’s joy in my grief and there’s freedom in chains. Il y a de la joie dans mon chagrin et de la liberté dans mes

chaînes. If I were divine he cou’d love me no more. Il ne pourrait m’aimer plus si j’étais divine, And I in return my adorer adore. Et moi j’adore mon adorateur. O, let his dear life then, kind gods, be your care, Ô, prenez donc soin, dieux cléments, de sa chère vie, For I in your blessings have no other share. Car je n’ai pas d’autre part à votre bénédiction. Dans cet air, Purcell exprime l’abnégation. Dans un la mineur plaintif, et une douce mesure à trois temps, la mélodie s’étire telle une vague, en longues phrases ascendantes puis descendantes. La basse continue légère et l’accompagnement de luth suggère une époque moyenâgeuse, où la dame exprime ses tourments. La forme simple est binaire : deux parties sont chacune répétées. La deuxième accentue les caractéristiques de la première : les phrases plus courtes fondées sur un rythme saccadé (2 doubles-croche) expriment la souffrance ainsi que les modulations, dont une surprenante en do majeur qui éclaire le discours, avant de revenir à la tonalité principale. La ritournelle qui suit reprend exactement cet air, mais en l’harmonisant et l’orchestrant pour cordes frottées. La douleur y semble exacerbée comme si les mots ne suffisaient plus pour l’exprimer. Orazia reprend ensuite sa complainte avec d’autres paroles : to suffer for him. Avec les élèves :

- Il est intéressant de faire écouter plusieurs airs aux caractères différents. Ici, la voix de soprano est mise en valeur ainsi que l’orchestration délicate et expressive de Purcell.

- À l’opéra, reconnaitre un air que l’on connait, procure du plaisir et donne des repères dans une œuvre parfois longue.

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II / Les chœurs

1- We the spirits of the air, Acte III, scène 2, CD3 n°22 >>Écouter l’extrait de “We the spirits of the air” (ctrl+clic)

Les esprits de l’air accompagnent le dieu des rêves invoqué par Ismeron dans l’acte 3. Ils annoncent les mauvaises nouvelles aux humains ici-bas. Dans l’opéra du XVIIème siècle, la fonction principale du chœur est de commenter l’action et de renforcer l’émotion. 2 SOPRANOS SOLO 2 SOPRANOS SOLO We the spirits of the air Nous, les esprits de l’air That of human things take care, qui prenont soin des choses humaines, Out of pity now descend par pitié nous descendons To forewarn what woes attend. pour annoncer les malheurs à venir

CHŒUR CHŒUR We the spirits of the air… Nous, les esprits de l’air…

2 SOPRANOS SOLO 2 SOPRANOS SOLO Greatness clogg’d with scorn decays, La grandeur entravée par le mépris toujours s’effondre, With the slave no empire stays. Nul empire ne saurait durer en s’appuyant sur l’esclavage.

CHŒUR CHŒUR We the spirits of the air… Nous, les esprits de l’air…

2 SOPRANOS SOLO 2 SOPRANOS SOLO Cease to languish then in vain, Cessez de vous lamenter en vain, Since never to be loved again. Puisque vous ne retrouverez jamais l’amour. CHŒUR CHŒUR We the spirits of the air… Nous, les esprits de l’air…

Voici donc la mélodie qui entrera dans toutes les têtes. Répété 6 fois (!), ce refrain répond aux couplets des deux contre-ténors (Ah ! How happy are we ! CD3 n°21) puis des deux sopranos (voir le texte ci-dessus), et enfin à l’intervention de Zempoalla (I attempt from love’s sickness to fly in vain, CD3 n°23).

À quatre voix (soprano, contre-ténor, ténor et basse) en écriture homophonique pour un effet immédiat, sa composition est d’une grande simplicité et efficacité. Quatre phrases courtes se terminant par une valeur de blanche, la première et la dernière dans un accord de tonique en la mineur et les seconde et troisième dans un accord de dominante

13.

Avec les élèves : la partition vous permettra de chanter ce chœur à une voix ou en polyphonie…

13 La tonique est la première note de la gamme (on l’appelle 1

er degré). Elle donne une impression de repos, de fin. La dominante est la cinquième note de

cette échelle (on l’appelle 5ème

degré) et donne une impression de suspension, de tension. En la mineur par exemple, l’accord de tonique sera la-do-mi (ou do-mi-la ou mi-la-do) et l’accord de dominante : mi-sol#-si (ou sol#-si-mi ou si-mi-sol#).

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2- All dismal sounds, Acte 5, dernière scène, CD 5 n°28 à 1’11. >> Écouter l’extrait de ʺAll dismal soundsʺ (ctrl+clic)

Ce chœur final dans l’opéra de Purcell (avant le masque de son frère Daniel qui célèbre l’hymen) est d’une toute autre atmosphère que celui des esprits de l’air : lourd, sombre, il annonce le sacrifice imminent du couple Orazia/Montezuma. All dismal sounds thus on these off’rings wait Ces sombres chants attendant ces offrandes, Your pow’r shown by their untimely fate ; leurs jeunes vies sacrifiées montrent l’étendue de votre puissance ; While by such various fates we learn to know, de si diverses destinées nous enseignent There’s nothing, no, nothing to be trusted here qu’il n’est rien, non, rien en quoi ici-bas avoir Below. confiance. L’ambiance solennelle en fa mineur, est marquée dès l’introduction par les rythmes pointés et le tempo lent adagio. Les

cordes frottées entrent les unes après les autres dans une écriture contrapuntique14

dense, créant des frottements harmoniques prononcés. Les longues lignes mélodiques semblent ne pas s’arrêter de descendre vers la mort. Ensuite, c’est au tour des voix d’emprunter les mêmes procédés.

14 Le contrepoint est caractérisé par l’entrée successive des voix qui reprennent le même incipit dans une écriture imitative.

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Purcell compose une partie centrale surprenante par son écriture verticale (de thus à fate) qui interpelle le spectateur, et par la brève modulation en do majeur, avant un retour à l’écriture dense et sombre dans la tonalité principale. Avec les élèves :

Ce chœur est à l’opposé de celui des esprits de l’air. Il est donc intéressant de comparer leur caractère et leur écriture. Celui-ci serait bien plus difficile à chanter ! Purcell aime exprimer ces émotions sombres et intenses aux limites du désespoir. C’est le cas aussi dans le chœur final de son opéra Didon et Enée. Écoutez cette écriture similaire : >> Écouter l’extrait de Didon et Enée (ctrl+clic)

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• • • The Indian Queen à l’Opéra de Lille

Direction musicale Emmanuelle Haïm Mise en scène Guy Cassiers Décors et costumes Tim Van Steenbergen Vidéo Frederik Jassogne

Lumières Fabiana Piccioli Dramaturgie Erwin Jans Assistant musical James Halliday Assistant à la mise en scène Benoit De Leersnyder Chef de chant Benoit Hartoin

Les comédiens :

Julie Legrand

Zempoalla

Ben Porter

Traxalla

Matthew Romain

Acacis

Christopher Ettridge

Inca

Elisabeth Hopper

Orazia

James McGregor

Montezuma

Katy Brittain

Amexia

Les chanteurs :

Anna Dennis

Zempoalla, Amexia

Rowan Pierce

Quivera, Orazia

Nick Pritchard

Acacis, First Follower of Envy

Hugo Hymas

Indian Boy, Fame

Gareth Brynmor John

Montezuma, Ismeron, High Priest

Tristan Hambleton

Envy

Carine Tinney

God of Dreams, First Aerial Spirit

Zoe Brookshaw

Second Aerial Spirit

Ruairi Bowen

Second Follower of Envy

- Le Concert d’Astrée, chœur et orchestre

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• • • Note d’intention sur la mise en scène

Un feuilleton familial et un drame politique The Indian Queen (1664-1695) de Henry Purcell est l’histoire de relations familiales profondément perturbées et d’une usurpation politique. L’histoire retrace aussi une guerre entre deux royaumes : celui des Incas et celui du Mexique. The Indian Queen raconte, comme beaucoup de drames classiques, l’histoire de héros et de guerriers aristocratiques. Il s’agit d’un « drame héroïque », un genre qui connut son essor durant la Restauration anglaise (1660-1700), la période qui a mis fin au protectorat rigoureux et puriste de Cromwell. Le drame héroïque se caractérise par des dialogues poétiques stylisés, des héros hors-norme, des héroïnes idéalisées, des actions sensationnelles et des lieux exotiques. Les drames héroïques, inspirés entre autres des tragédies de Pierre Corneille, traitent de thèmes tels que l’usurpation et le pouvoir légitime, la loyauté et la trahison, l’amour et le devoir. Dans ses pièces, Dryden fait preuve de compréhension du rôle de la sexualité et du genre, aussi bien dans le domaine privé que public. Certains de ses usurpateurs les plus corrompus et de ses héros les plus idéalisés sont des femmes, qu’il

dépeint avec beaucoup de nuances. Zempoalla en est un bel exemple. Focalisée sur les héros et les souverains, la narration ignore royalement les souffrances des « petites gens » : les simples soldats et la population qui paient le prix des actes politiques et militaires des classes supérieures. Dans The Indian Queen toutefois, une réalité cruelle se dissimule sous le beau langage raffiné et les exploits héroïques : une guerre fait d’innombrables victimes parce que deux hommes –Montezuma et l’Inca – ne parviennent pas à trouver un compromis et que leur orgueil constitue le moteur principal de leurs actions. En outre, il y a le contexte colonial. L’histoire se déroule en Amérique du Sud, un parfait exemple de l’exotisme, cette vision pittoresque d’autres cultures qui hante l’imaginaire occidental depuis la conquête des Amériques et qui continue à nous habiter. Le récit de la violence passé sous silence et le message colonial problématique sont pour Guy Cassiers les perspectives à partir desquelles mettre en scène à notre époque ce semi-opéra.

Image et contre-image Outre la musique, le chant et le texte, l’image – au sens de média visuel – jouera un grand rôle dans la mise en scène de Guy Cassiers. Celui-ci transpose l’interdisciplinarité existante vers un contexte contemporain. Le décor du spectacle se compose de cinq écrans de projection de tailles différentes qui peuvent être actionnés dans le sens vertical ou horizontal et adopter diverses configurations. La mise en scène souhaite montrer la façon dont le pouvoir se (re)présente lui-même par le biais d’images, mais aussi la manière dont un autre récit peut être raconté en parallèle de celui que le pouvoir expose. Le prologue (la conversation entre le jeune homme et la jeune femme) et l’épilogue (le monologue final de Montezuma) sont chantés et prononcés par des acteurs de couleurs, tandis que le reste des acteurs (les Péruviens et les Mexicains) sont blancs. Ainsi, le cadre du spectacle (le prologue et l’épilogue) constitue une sorte de déconstruction du discours colonial qui sous-tend The Indian Queen. Il n’y est pas fait référence à la colonisation de l’Amérique du Sud, mais plutôt de l’Afrique parce que celle-ci a eu plus de répercussions sur l’histoire européenne récente. L’histoire de la lutte entre les Incas et le Mexique est racontée simultanément de deux manières : par des projections (sur cinq écrans) et en direct (sur scène). L’histoire filmée est une autoprésentation du pouvoir que démonte ou démasque l’histoire relatée en direct. La version filmique est réalisée à l’avance et projetée sans son. Les acteurs parlent en direct, mais suivent le rythme de la projection, même si la synchronicité est par moments interrompue.

La version filmique raconte l’histoire avec exubérance. La rhétorique héroïque et l’idéalisation naïve des personnages sont traduites de manière théâtrale par des costumes, des couvre-chefs et des masques bigarrés et bizarrement agencés. Pour cette réalisation, Tim van Steenbergen s’est inspiré de la tradition et du folklore sud-américain (par exemple la journée des morts au Mexique), de la mode contemporaine, de la culture extrême du tatouage et des mouvements mondiaux de résistance. Il opère une distinction très nette entre les vêtements des Incas et des Mexicains. Le récit est visuellement fragmenté entre les cinq écrans de projection. Des zooms avant et arrière sur les costumes créent des motifs abstraits qui font en même temps office de décor pour les scènes interprétées en direct sur le plateau. La mobilité des écrans et les projections sont pleinement utilisées lors de l’affrontement entre Zempoalla et le devin Ismeron (les installations de Tony Oursier – de grands portraits en carton aux yeux et à la bouche découpés et collés par-dessus – ont servi de source d’inspiration). Les acteurs de la version en direct de l’histoire sont très sobrement vêtus. Entre l’histoire projetée et le récit raconté sur scène, on peut établir différentes relations : réflexion, contraste, abstraction, ralentissement, agrandissement, stylisation… Ce jeu formel constitue paradoxalement la rigueur et la gravité de la mise en scène.

Extraits de notes de travail de Guy Cassiers et Erwin Jans, juin 2018

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• • • Les décors

« The Indian Queen est qualifié de semi-opéra ou d’opéra dramatique. Ces qualifications indiquent un genre hybride : un laboratoire dédié à la rencontre de différentes expressions artistiques. »

La mise en scène de Guy Cassiers s’appuiera ainsi sur les interactions existantes entre ces différentes disciplines artistiques (le texte, la musique, le chant et les images) en leur donnant une dimension contemporaine. L’une des prémisses de cette mise en scène sera le jeu de contraste, via les tensions qu’il existe entre l’univers musical - dans lequel les chanteurs seront représentés comme des personnages mythologiques, qui observent l’histoire mais qui n’y prennent pas part - et l’univers théâtral - dans lequel les acteurs exposent le récit et entendent la musique. La mise en scène se jouera de l’alternance entre la musique et le texte : quand la musique commence, l’histoire est en suspens et inversement.

Principe scénographique

Le point de départ pour la scénographie de cette production de The Indian Queen est le baroque,

né à la fin XVIème siècle, à Rome, dans la foulée de la Contre-Réforme. Lors du Concile de Trente, il fut décidé que l’art était un moyen de transmettre les récits bibliques au peuple. Le baroque a donc joué un rôle non négligeable dans le projet colonial

européen. Les espagnols ont exporté le style baroque vers le Nouveau Monde où l’on s’en est avidement servi pour convertir les populations autochtones. La source d’inspiration pour la structure scénographique est la toile du Caravage « La

Flagellation du Christ », et plus précisément la tension entre le fond noir et la figure du Christ, riche en couleur, dont l’éclairage à la fois réaliste et dramatique semble émaner de ce fond obscur. » Ce principe est traduit par « un décor noir, très fonctionnel dans lequel flottent cinq écrans. Par opposition au décor noir et sobre, les images projetées sur les écrans sont de couleurs vives et de style maniériste, comme les tableaux baroques destinés à impressionner et à en imposer. La tension entre le fond rigoureux et les images exubérantes rappelle la tension entre la Réforme et la Contre-Réforme. » Le scénographe Tim Van Steenbergen a donc imaginé une scène dépouillée avec ce décor composé de cinq écrans de projection, dont la mobilité permettra de matérialiser dans l’espace scénique les transitions d’une action à l’autre, tout en figurant la chorégraphie induite par la musique de Purcell.

L’importance de l’image

Comme expliqué dans la note d’intention (p.25), l’image joue un grand rôle dans cette production. La lutte entre les incas et les aztèques sera ainsi exposée simultanément (les comédiens sur scène étant synchrones avec les comédiens sur les écrans) et de deux manières :

- par les projections sur les cinq écrans, où l’histoire se raconte avec exubérance, dans un univers baroque fait d’exploits héroïques développés dans des lieux exotiques, - en direct sur scène, où l’histoire présentée de manière plus sobre, témoigne d’une autre réalité. Le film est projeté sur plusieurs écrans en mouvements fluides et doux, sans coupure et donc en contradiction avec la dureté de l’histoire. Le récit des comédiens sur le plateau sera donc raconté en parallèle et en opposition à celui que le pouvoir expose : il critiquera la vision héroïque de l’histoire présentée par le livret. La narration ne se concentre-t-elle pas sur les héros et leurs ambitions en ignorant les impacts que les conflits entre deux peuples ont sur « les soldats et la population qui paient le prix des actes politiques et militaires des classes supérieures » ?

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• • • Les costumes

En principe, la scénographie (l’invention des décors de chaque scène de l’histoire) et la conception des costumes (l’imagination des costumes de chaque personnage) sont réalisés par deux artistes aux savoir-faire différents. Dans la mise en scène proposée par Guy Cassiers, Tim Van Steenbergen est à la fois scénographe et costumier. Cette organisation du travail s’explique par le fait que les costumes jouent un rôle central dans la scénographie du spectacle, puisqu’ils sont à la fois portés par les chanteurs et les comédiens sur scène et qu’ils constituent également des éléments de décor : « sur les cinq écrans qui fragmentent le récit visuellement, des zooms avant et arrière sur les costumes créent des motifs abstraits qui font en même temps office de décor pour les scènes interprétées en direct sur le plateau ». Tim van Steenbergen s’est notamment inspiré des traditions et du folklore sud-américain pour créer ses costumes. À travers ces différentes planches d’inspiration nous pouvons voir ici les ambiances qu’il a réalisées, à l’aide de plusieurs techniques (print, montages photos, maquettes, tables de tendance…) permettant de donner une première vision du résultat attendu. Ici pour créer l’univers d’Amexia :

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Comme expliqué dans la note d’intention (p. 25), l’histoire d’Indian Queen est racontée simultanément de deux manières

dans cette mise en scène, par des projections sur cinq écrans et en direct sur scène. Pour les costumes, on opère donc une distinction très nette entre « les vêtements chamarrés et très ornementés des images filmées, et les tenues noires, strictes et fonctionnelles des artistes sur scène ». Dans la version filmique, le récit sera raconté de manière théâtrale par « des costumes, des couvre-chefs et des masques bigarrés et bizarrement agencés ». Tim van Steenbergen s’est inspiré pour ces costumes de la tradition et du folklore sud-américain, de la mode contemporaine et de la culture extrême du tatouage : « Quand on regarde la façon dont l’être humain contemporain se pare, on arrive rapidement à la pratique du tatouage, dans la mesure où celle-ci aspire en général au même maniérisme et à la même symbolique que les ornements au temps du baroque. Nous réalisons d’une part de gros plans sur la peau tatouée et utilisons littéralement l’être humain tatoué, et d’autre part, nous nous servons des motifs des tatouages comme base pour les imprimés sur les tissus des costumes, qui peuvent être agrandis à la faveur de techniques filmiques et devenir de la sorte de véritables tableaux baroques mobiles. »

De nouveaux éléments modernes (comme un plumeau, une capuche de parka bordée de fourrure, un oiseau empaillé etc.) évoquent la même charge émotionnelle que d’anciens tableaux baroques. Tim van Steenbergen renvoie volontiers à l’œuvre du photographe néerlandais Hendrik Kerstens, qui parvient à égaler l’intensité d’un Rembrandt en affublant la tête de son modèle d’un sac en plastique. La présence de plumeaux fera allusion au monde des aztèques. Les chanteurs et les comédiens sur scène auront quant à eux des costumes sombres, qui pourront aller jusqu’à évoquer des uniformes de police, en contraste avec les personnages de l’univers baroque.

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• • • Repères biographiques

Emmanuelle Haïm

Après des études de piano et de clavecin, Emmanuelle Haïm choisit la direction d'orchestre. Elle fonde en 2000 Le Concert d'Astrée, qu’elle installe dès 2004 en résidence à l’Opéra de Lille. Ses interprétations et son énergie lui valent d’être surnommée par la presse anglaise « The Ms Dynamite of French Baroque ».

Elle se produit avec son ensemble sur les scènes les plus prestigieuses en France et à l’étranger (Opéra de Paris, Théâtre des Champs-Elysées, Lincoln Center de New York, Concertgebouw d’Amsterdam, Liceu de Barcelone…). Elle est aussi très régulièrement invitée à diriger des orchestres de premier plan, comme l’Orchestre Philharmonique de Berlin, l’Orchestre Symphonique de Birmingham, le Scottish Chamber

Orchestra, le Hessischer Rundfunk Orchestra de Francfort, le Los Angeles Philharmonic… Elle a été la première femme à diriger au Chicago Lyric Opera en 2007. Ses enregistrements pour le label Erato / Warner Classics avec Le Concert d'Astrée sont abondamment récompensés : Victoires de la Musique Classique, Echo Deutscher Musikpreis, nominations aux Grammy Awards… Fidèle représentante du baroque et du savoir-faire musical français, Emmanuelle Haïm est Chevalier de la Légion d’honneur, Officier de l’Ordre national du Mérite, Officier des Arts et des Lettres et Honorary Member de la Royal Academy of Music. Nordiste de cœur, elle est aussi l'Ambassadrice du Nord à travers le monde.

Guy Cassiers

Né à Anvers en 1960, le metteur

en scène Guy Cassiers

entreprend des études d'arts

graphiques à l'Académie des

Beaux-Arts d'Anvers, avant de se

tourner vers le théâtre. Depuis

2006, il assure la direction

artistique de la Toneelhuis. Son

langage théâtral singulier unit la

technologie visuelle à la passion

pour la littérature. Il a reçu le prix Thersites de la

critique flamande pour l’ensemble de son œuvre (1997),

le prix pour les arts de la ville d’Amsterdam et le

Werkpreis Spielzeiteuropa des Berliner Festspiele pour

son cycle sur Proust (2004). Au mois de mai 2017, Guy

Cassiers a reçu les insignes d’Officier de l’Ordre des

Arts et Lettres du ministre français de la Culture. De

2006 à 2008, Guy Cassiers s’est concentré, dans son

Triptiek van de macht (Triptyque du pouvoir) (Mefisto

for ever, Wolfskers et Atropa. De wraak van de vrede

(Atropa. La vengeance de la paix)), sur les relations

complexes entre l’art, la politique et le pouvoir. Il a

continué sur ce thème dans un nouveau triptyque

autour de De man zonder eigenschappen (L’Homme

sans qualités).

Outre le visuel, la musique joue un rôle toujours plus

important dans les spectacles de Cassiers, comme le

prouvent sans conteste les deux créations d’opéras

qu’il a montées en 2009 : House of the Sleeping

Beauties (Les belles endormies) (musique Kris Defoort)

et Adam in Ballingschap (Adam en exil) (musique Rob

Zuidam). Entre-temps, il a mis en scène le cycle

complet de L’Anneau du Nibelung de Wagner à Berlin

et à Milan (2010-2013).

L’intérêt croissant de Guy Cassiers pour l’histoire

politique européenne ressort dans des projets comme

Bloed & rozen. Het lied van Jeanne en Gilles (Sang &

roses. Le chant de Jeanne et Gilles – 2011), qui traite

du pouvoir et des manipulations de l’Église, et Duister

hart (Cœur ténébreux d’après Heart of Darkness de

Joseph Conrad – 2011) qui se situe dans le passé

colonial. Avec des productions telles que SWCHWRM,

Guy Cassiers ose donner une touche plus légère à ses

œuvres, que l’on retrouve aussi dans Middenin de

nacht (Au beau milieu de la nuit), une production

d’ensemble de la Toneelhuis en janvier 2012.

Ses deux grands projets pour la saison 2019-2020

seront les mises en scène The Indian Queen de Purcell

à l’Opéra de Lille, Antigone in Molenbeek (avec le

Quatuor Danel) et Tiresias (avec l’Antwerp Symphony

Orchestra) dans lequel les deux protagonistes

remettent en question, chacun à sa manière, les lois de

la société patriarcale (occidentale).

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• • • En classe : autour de The Indian Queen

Voici quelques pistes pédagogiques que vous pouvez aborder avec vos élèves, en fonction de votre discipline et de vos objectifs, pour poursuivre le travail autour de The Indian Queen.

Le contexte historique

Le livret de The Indian Queen est issu d'une tragédie de Robert Howard et John Dryden, représentée en 1664, reprise avec la musique de Purcell, le 29 avril 1696. Il traite de relations familiales profondément perturbées et d’une usurpation politique qui retrace aussi la guerre entre deux royaumes : celui des Incas (péruviens) et celui des Aztèques (mexicains). Ce « drame héroïque », genre qui connut son essor durant la Restauration anglaise (1660-1700), se caractérise notamment par la présence d’héroïnes idéalisées et la référence à des lieux exotiques dans le contexte historique de la conquête espagnole en Amérique latine. Malgré les apparences, cette histoire ne se base pas sur des faits historiques réels : les mexicains (aztèques) et les péruviens (incas) n’auraient pas pu s’affronter alors qu’ils vivaient dans des pays qui

n’étaient pas limitrophes. Ce livret fait également référence à des personnages qui ont vraiment existé comme Montezuma, empereur aztèque du Mexique entre 1505 et 1520 au moment de la conquête espagnole de l’empire Aztèque. Au début de The Indian Queen, Montezuma est présenté comme un général péruvien incas alors qu’en réalité il était aztèque et mexicain. > Il pourrait être intéressant d’évoquer le contexte historique et géographique en Amérique à l’époque de la conquête espagnole et de rappeler les noms des différentes civilisations précolombiennes. > Un travail autour de la notion d’exotisme et de la vision qu’un récit donne d’une situation historique pourrait aussi être développé.

Une critique du colonialisme

L’histoire de The Indian Queen propose une vision pittoresque des cultures et civilisations d’Amérique qui hante l’imaginaire occidental depuis la conquête de ce continent et qui continue à nous habiter. Guy Cassiers, à travers la mise en scène qu’il propose, a ainsi pris le parti de critiquer la vision colonialiste passé sous silence dans le récit. Dans le but d’actualiser ce discours, qui est encore présent chez les puissances occidentales, Guy Cassiers fait plutôt référence à la colonisation de l’Afrique, et non d’Amérique du Sud, parce qu’elle a eu plus de répercussions sur l’histoire européenne récente. La déconstruction du discours colonial qui sous-tend The Indian Queen se retrouvera dans la manière dont sont traités le prologue et l’épilogue qui encadrent l’histoire : « le prologue (la conversation entre le jeune homme et la jeune femme) et l’épilogue (le monologue final de Montezuma) sont chantés et prononcés par des acteurs de couleurs, tandis que le reste des acteurs (les Péruviens et les Mexicains) sont blancs. » La transposition contemporaine du discours induite par le texte se matérialisera également par la représentation de conflits existants à travers le monde

durant des passages ou la musique joue un rôle crucial (prologue, épilogue, dialogue entre Fame en Envy). À ces moments des photos prises par des reporteurs au court de plusieurs guerres (au Mexique, en Syrie, en Égypte) seront projetées.

> Il serait intéressant d’évoquer en classe le rôle de la mise en scène et ce que son propos dramaturgique apporte : la modernisation, la dénonciation ou la déconstruction d’un discours. > Différentes mises en scènes de The Indian Queen ou d’autres opéras comme Les Indes galantes pourraient aussi être comparées. Le but serait de déceler le propos défendu par chacune d’elle.

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• • • La voix à l’Opéra

Chaque voix est unique, la classification vocale est donc artificielle. On a cependant éprouvé le besoin de définir les voix en prenant en compte différents facteurs : l’étendue dans laquelle elle peut se mouvoir (sa tessiture), son timbre, sa puissance, le type de répertoire abordé (le baryton chez Verdi par exemple). À l’opéra, chaque voix correspond à un type de personnage. La classification des voix : On distingue généralement trois types de voix pour les femmes et trois pour les hommes :

+ grave + aigu

[femme] Contralto Mezzo-Soprano Soprano

[homme] Basse Baryton Ténor Contre-ténor/Haute-contre La soprano est la voix féminine la plus élevée, la basse est la voix masculine la plus grave.

Dans le baroque français, la dénomination des voix est différente : de la plus aiguë à la plus grave on trouvera généralement les voix de Dessus (équivalent à la voix de soprano aujourd’hui), Bas-dessus (mezzo-soprano), Haute-contre (contre-ténor), Taille (ténor), Basse-taille (baryton), Basse (basse). Par ailleurs, à l’époque baroque, les italiens appréciaient particulièrement la voix de castrat : chanteur masculin dont la voix n’avait pas mué du fait d’une opération (castration) pratiquée avant la puberté. Conservant ainsi son timbre originel, le castrat disposait d’une voix souple et agile couvrant l’étendue de trois octaves. Parmi les castrats les plus connu, on citera les noms de Farinelli (né en 1705), Caffarelli (1710) et Velluti (1780). La tessiture est l’étendue ordinaire des notes qu’une voix peut couvrir sans difficulté.

Le timbre de la voix

C’est la couleur de la voix, ce qui permet de l’identifier. Ce timbre est lié aux harmoniques émises par le chanteur, qui sont liées à sa morphologie et à sa technique : le corps agit comme une caisse de résonance et les résonateurs peuvent être modifiés lors de l’émission du son. Le chœur

C’est un ensemble de chanteurs qui interviennent à certains moments dans un opéra. Un chœur mixte est généralement formé de soprani, d'alti, de ténors et de basses. La puissance de la voix

Elle définit le maximum d’intensité qu’atteint la voix dans ses extrêmes : - voix d’opéra : 120 dB - voix d’opéra-comique 100 à 110 dB - voix d’opérette : 90 à 100 dB - voix ordinaire : au-dessous de 80 dB (voix des chanteurs de variété ou de comédie musicale)

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• • • L’Opéra de Lille

Historique

Après l’incendie, en 1903, de l’ancien théâtre construit en 1788 au cœur de la ville, la municipalité lance en 1907 un concours pour la construction d’un nouvel édifice. Le règlement met alors l’accent sur la prévention de l’incendie et recommande notamment de porter attention à la largeur et à la commodité des dégagements et des escaliers à tous les étages. Le projet lauréat de l’architecte Louis-Marie Cordonnier (1854-1940) a respecté cette consigne qui permet au bâtiment de bénéficier aujourd’hui de volumes exceptionnellement vastes dans tous ses espaces publics (zones d’accueil, foyer, déambulatoires,…). Le gros-œuvre du chantier s’est achevé en 1914, mais les travaux de finition n’ont pu être menés à leur terme à cause de la guerre. Les Allemands ont d’ailleurs très vite investi le lieu qu’ils ont meublé et équipé avec les

sièges et le matériel d’un autre théâtre lillois, Le Sébastopol. En près de quatre années d’occupation, une centaine de spectacles et de concerts y ont été présentés en faisant la part belle à Wagner, Mozart, Strauss, Beethoven. Après cette occupation germanique et une période de remise en état, le « Grand Théâtre » comme on l’appelait à l’époque a pu donner sa « première française » en 1923. En 1998, la Ville de Lille se trouve dans l’obligation de fermer l’opéra pour des raisons de sécurité. Un chantier de rénovation est mené par les architectes Patrice Neirinck et Pierre Louis Carlier de 2000 à 2003. L’Opéra de Lille a ouvert à nouveaux ses portes au public en décembre 2003 à l’occasion de Lille 2004 Capitale européenne de la culture.

La façade

Précédée d’un vaste perron et d’une volée de marches en pierre de Soignies, la façade est un symbole de l’identité lilloise. De composition néoclassique, elle fait preuve d’éclectisme en termes d’éléments architectoniques et décoratifs. Elle adopte le parti de composition du Palais Garnier, mais avec une morphologie générale différente. En pierre calcaire, très lumineuse, cette façade déploie trois strates architecturales (travées), qui correspondent à trois styles de parements. Le premier étage, étage noble, est rythmé par trois larges baies cintrées, conçues pour inonder de lumière le grand foyer. Ces baies participent pleinement à l’allure néoclassique et à l’élégance de l’édifice. Louis-Marie Cordonnier fournit l’intégralité des plans et dessins nécessaires à l’ornementation de la façade. Il accorda la réalisation (et non la conception) du motif du

fronton, illustrant la Glorification des Arts, à un artiste de la région lilloise : Hippolyte-Jules Lefebvre. Se détachant de la rigueur générale du bâtiment, le groupe sculpté s’articule autour d’Apollon, le Dieu des Oracles, des Arts et de la Lumière. Neufs muses l’accompagnent, réunissant ainsi autour de l’allégorie du vent Zéphir, la poésie, la musique, la comédie, la tragédie et d’autres arts lyriques ou scientifiques. Les deux reliefs allégoriques de l’étage noble (dessins de Cordonnier là encore), se répondent. À gauche, du sculpteur Alphonse-Amédée Cordonnier, une jeune femme tenant une lyre, représente La Musique. Des bambins jouent du tambourin et de la guitare. À droite, le sculpteur Hector Lemaire, a symbolisé La Tragédie. Les putti représentent des masques de théâtre et l’allégorie féminine, dramatique et animée, brandit une épée, environnée de serpents et d’éclairs.

Façade de l’Opéra de Lille ©Jb Cagny

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Le Hall d’honneur

L’entrée est rythmée par les marches d’escalier du perron depuis la place du théâtre et s’effectue par trois sas largement dimensionnés. Le visiteur pénètre dans le vestibule qui lui offre immédiatement une vue sur l’escalier d’honneur menant au parterre et aux galeries

des étages. Introduction progressive au lyrisme du lieu, le vestibule met en scène deux statues réalisées en stuc de pierre. À droite, « L’Idylle », de Jules Dechin, et en écho, « La Poésie » du sculpteur Charles Caby

Les Grands Escaliers Avec un programme d’aménagement et de décoration très riche, les escaliers instaurent un détachement volontaire avec l’environnement urbain et le lexique architectural encore réservé au vestibule. Propices à une « représentation sociale » (défilé des classes sociales du début du XXe siècle par exemple), les grands escaliers sont une cellule à valeur indicative, qui annonce le faste du lieu. Afin d’augmenter la capacité d’accueil de la salle, Cordonnier a privilégié une volée axiale droite, puis deux montées symétriques

divergentes. Une voûte à caissons remarquables, d’inspiration renaissance italienne, repose sur une série de colonnes en marbre cipolin. L’architecte chargea le sculpteur-stucateur André Laoust du décor des baies qui surplombent les escaliers et ferment l’espace entre le grand foyer et les galeries. Louis Allard est quant à lui auteur, d’après les esquisses de Cordonnier, des deux vases monumentaux (plâtre peint et doré), disposés sur les paliers d’arrivée (et initialement prévus pour le grand foyer).

La Grande Salle

Si les plans aquarellés de Cordonnier privilégiaient la couleur bleue, la volonté de reproduire une salle à l’italienne (un des derniers exemples construits en France) a fait opter l’ensemble des acteurs du chantier de l’époque pour le rouge et or, plus conventionnel. La salle est couverte d’une coupole. Elle comprend six loges d’avant-scène, une fosse d’orchestre, un large parterre et quatre balcons (quatre galeries). Le décor est particulièrement abondant. Les écoinçons comportent plusieurs groupes sculptés : La Danse, la Musique, la Tragédie et la Comédie.

De part et d’autre des loges d’avant-scène, quatre cariatides portent les galeries supérieures. Elles représentent les quatre saisons. Un groupe sculpté, au thème similaire de celui de la façade, est dédié à la Glorification des Arts, et affiche sa devise en latin : « Ad alta per artes ». Huit médaillons peints alternent avec des figures mythologiques (éphèbes sculptés). C’est Edgar Boutry qui réalisa l’ensemble de ce décor sculpté tandis que Georges Dilly et Victor Lhomme furent chargés conjointement de la réalisation des huit médaillons de la coupole. Ces peintures marouflées (toile de lin appliquée aux plâtres) ne présentent qu’un camaïeu de brun avec quelques rehauts de bleu.

Grande Salle de l’Opéra de Lille ©Jb Cagny

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Le Grand Foyer

Le grand foyer a été voulu par Louis-Marie Cordonnier comme un véritable vaisseau, qui s’allonge sur toute la façade de l’Opéra. L’espace, très élégant, fait preuve de dimensions exceptionnelles, au regard de celles rencontrées dans d’autres lieux théâtraux. Les volumes intérieurs, particulièrement vastes, sont le cadre d’une effervescence et de la déambulation du public lors des entractes, et continue à émerveiller le public par sa richesse ornementale. L’espace est éclairé par cinq grandes baies dont trois jumelées du côté de la place. Le décor du plafond et les deux tableaux ovales représentant La Musique et La Danse sont l’œuvre du peintre Georges Picard. En parallèle, les quatre grands groupes sculptés ont été réalisés par Georges-Armand Vérez, et forment un ensemble cohérent avec le programme d’ornementation, qui développe le thème des arts. Chaque mercredi à 18h, des concerts d’une heure sont organisés dans le Foyer. Récitals, musique de chambre, musique du monde… au tarif de 10 € et 5 €.

Les travaux de rénovation et la construction de nouveaux espaces (2000 à 2003)

En mai 1998, la Ville de Lille se trouve dans l’obligation de fermer l’Opéra et de mettre un terme à la saison en cours. Cette fermeture est provoquée par l’analyse des dispositifs de sécurité du bâtiment qui se révèlent être défectueux ; une mise en conformité de l’édifice face au feu apparaît alors nécessaire, tant au niveau de la scène que de la salle et de l’architecture alvéolaire qui l’entoure. Les acteurs du chantier définissent alors trois objectifs majeurs pour les travaux de modernisation et de mise en conformité de l’Opéra de Lille. Le premier est d’aboutir, en respectant évidemment l’édifice, à une mise aux normes satisfaisante et répondant aux réglementations existantes, en particulier dans le domaine de la sécurité des personnes. Le deuxième vise à améliorer les conditions d’accueil des productions lyriques, chorégraphiques et des concerts dans le cadre d’un théâtre à l’italienne tout en

préservant l’œuvre de Louis-Marie Cordonnier dont la configuration, les contraintes et l’histoire induisent une organisation spatiale classique. Il s’agit enfin de valoriser l’Opéra de Lille comme lieu de production et d’accueil de grands spectacles lyriques et chorégraphiques en métropole lilloise, en France et en Europe. Les travaux de rénovation menés par les architectes Patrice Neirinck et Pierre-Louis Carlier ont été l’occasion de construire, au dernier étage du bâtiment, une nouvelle salle de répétition. Le toit de l’Opéra a été surélevé pour offrir un grand volume à cet espace de travail qui est également accessible au public. Cette salle dont les dimensions sont environ de 15x14 mètres peut en effet accueillir 100 personnes à l’occasion de répétitions publiques ou de présentations de spectacles et de concerts.

Grand Foyer de l’Opéra de Lille ©Jb Cagny

Rénovations du Grand Foyer de l’Opéra de Lille Rénovations du lustre de la Grande Salle

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• • • L’Opéra : un lieu, un bâtiment et un vocabulaire

Le hall d’honneur = l’entrée principale Les grands escaliers mènent les spectateurs à la salle La grande salle = lieu où se déroule le spectacle Le grand foyer = lieu de rencontre pour les spectateurs après le spectacle et à l’entracte Les coulisses = lieu de préparation des artistes (maquillage, costumes, concentration) Les studios de répétition = lieu de répétition des artistes, de travail et d’échauffement avant le spectacle La régie = espace réservé aux techniciens qui règlent la lumière (et le son éventuellement) diffusés sur la scène

CÔTÉ SALLE (dans la grande salle, il y a d’un côté, les spectateurs…) :

- Les fauteuils des spectateurs sont répartis au parterre (ou orchestre) et dans les 4 galeries (ou balcons), 1138 places au total - La quatrième galerie s’appelle « le paradis » (parce que la plus proche du ciel) ou encore « le poulailler » (parce que c’est l’endroit où se trouvait à l’époque le « peuple ») - Les loges (celles du parterre étant appelé aussi baignoires) - La loge retardataire (située en fond de parterre) - La régie (située en 2

ème galerie)

CÔTÉ SCÈNE (…de l’autre côté, les artistes) : - La fosse d’orchestre (espace dédié aux musiciens pendant les opéras, en dessous de la scène ; seul le chef d’orchestre voit la scène et il dirige les chanteurs) - L’avant-scène ou proscenium (la partie de la scène la plus proche du public) - La scène ou le plateau (espace de jeu des artistes) (le lointain - l’avant-scène ou face // Jardin - Cour) - Les coulisses - Le rideau de fer sépare la scène et la salle. Il sert de coupe-feu.