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LA PAROLE est au x ( ) ! peuple s ( ) www.caravanedesdixmots.com >> numéro 3 >> octobre 2010 >> Le magazine du Forum international des Caravanes francophones > Hospitalité > Francophonie > En piste ! > Diversité > Paroles > École > Peuple(s) > Pêche > Pognon > Utopie Lyon >> Montreux 8 >> 23 octobre 2010 LE FORUM EN… DIX MOTS !

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LA PAROLE est au x (

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www.caravanedesdixmots.com >> numéro 3 >> octobre 2010

>> Le magazine du Forum international des Caravanes francophones> Hospitalité

> Francophonie

> En piste !

> Diversité

> Paroles

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> Peuple(s)

> Pêche

> Pognon

> Utopie

Lyon >> Montreux

8 >> 23 octobre 2010

LE FORUM EN… DIX MOTS !

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Montreux, 21-24 octobre 2010 : le XIIIe Sommetde la Francophonie réunit sur les bords duLéman les chefs d’États et représentants dessoixante-dix pays membres ou observateurs del’Organisation internationale de la Francophonie(OIF). À l’issue du Sommet, l’OIF rend publiqueune “Déclaration de Montreux” centrée autourde trois thèmes principaux : la place de laFrancophonie dans la gouvernance mondiale ;les solidarités francophones face aux grandsenjeux du développement durable ; la languefrançaise et l’éducation dans un monde globa-lisé : les défis de la diversité et de l’innovation.

Trois ans plus tôt, en 2007, sur ce même terri-toire suisse, un groupe d’experts a rédigé pourl’UNESCO la “Déclaration de Fribourg”, qui metles droits culturels – “expression et exigence dela dignité humaine” – au cœur de la question desdroits de l’homme. Le texte souligne en particu-lier le droit pour toute personne à “accéder etparticiper librement à la vie culturelle”, à “exer-cer librement ses propres pratiques culturel-les”, à “participer au développement cultureldes communautés dont elle est membre”comme au “développement de la coopérationculturelle”.

Du 8 au 23 octobre 2010, de Lyon à Montreux, unecinquantaine d’artistes et de militants culturels,venus d’une vingtaine de pays et de quatre conti-nents, ont sillonné les routes de Rhône-Alpes et deSuisse. Objectif de ce 3e Forum international desCaravanes francophones : à partir de la sélectionannuelle des “dix mots” partagés par tous les “cara-vaniers”, donner sens à une francophonie des peu-ples en actes, fraternelle et multiple, solidaire etjoyeuse. En somme, une “déclaration” d’amour à lalangue française, à la diversité culturelle et au dia-logue entre les cultures.

Plus encore que de faire partager ces deux bellessemaines de rencontres, cette nouvelle livraison deLa parole est au(x) peuple(s) ! entend réaffirmer,grâce à quelques mots-clés – au nombre de “dix”,évidemment –, les valeurs et les convictions qui fon-dent, sept ans après sa création, le projet de la“Caravane des dix mots”. Un projet dont l’ambitionpeut se résumer ainsi : faire que les diverses“Déclarations” rédigées à l’initiative des organisa-tions internationales trouvent à s’incarner, au seinde multiples territoires, dans des échanges, des dia-logues, des découvertes… associant toutes et tous.

Oui, “quel beau pays que les autres !”*.

• Partenaires membres du comité d’orienta-tion du Forum international des Caravanesfrancophones: délagations à la languefrançaise de Belgique, du Canada – Québec,de la France, de la Suisse; Assessorat de l’éd-ucation et à la culture de la Régionautonome Vallée d’Aoste, ministère de laCulture, du Patrimoine classée, des Languesnationales et de la Francophonie duSénégal ; Organisation internationale de laFrancophonie.

• Principaux partenaires de la Caravaneinternationale des dix mots:Organisation internationale de laFrancophonie, ministère des Affairesétrangères et européennes (Directiongénérale de la coopération et dudéveloppement international), ministère dela Culture et de la Communication(Délégation générale à la langue françaiseet aux langues de France; Directionrégionale des affaires culturelles de Rhône-Alpes), Agence nationale pour la cohésionsociale et l’égalité des chances, RégionRhône-Alpes (Direction de la culture;Direction de l’Europe, des relations interna-tionales et de la coopération).

• Principaux partenaires du 3e Forum inter-national des Caravanes francophones:Département fédéral des Affairesétrangères de Suisse: “En route vers leSommet” Montreux 2010;Patronage par l’UNESCO dans le cadre del’Année 2010 du rapprochement des cul-tures;Partenaires média: TV5-Monde, RFI, CapCanal, Rhône-Alpes TV, Le Tout Lyon, presselocale et régionale.

ILS SONTPARTENAIRES DU FORUM

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Hôte. Sans doute undes mots les plus sin-guliers de la languefrançaise.D’abord,

parce qu’il signifie aussi biencelui (ou celle) qui reçoit quecelui (ou celle) qui est reçu(e).Ensuite parce que, si l’on en croitl’étymologie, le mot dérive dulatin hospes, qui signifie…l’”ennemi” ! L’aventure du Foruma permis d’expérimenter diver-ses formes d’hospitalité.

Il y a d’abord l’hospitalité “institutionnelle”, celle des col-lectivités qui ont dit “oui” à laproposition d’accueillir pendantvingt-quatre heures ce convoiinsolite, avec son long car jaune,ses deux caravanes et leurssuperbes dromadaires, les voitu-res aux couleurs de TV 5 Monde…Saluons donc les élus et les tech-niciens des villes-étapes qui,d’Oyonnax à Zurich, deLausanne à Saignelégier, ont

accepté, sur la foi des documentsdu Forum et des entretiens avec

les organisateurs, de donnerasile à cet extravagant “barnum”.Au-delà de l’accord officiel, il y aaussi, bien sûr, les lieux – équi-pements culturels, établisse-ments scolaires, centres sociaux– et les associations qui ont co-organisé ou hébergé ateliers,spectacle, forums citoyens ourencontres avec les auteurs : lescaravaniers se souviendront

longtemps de la disponibilité etde la gentillesse de bien de leurshôtes d’un jour.

Mais il n’y a pas que l’accueil desactivités prévues au cours de lajournée : il y a aussi les lieux oùla joyeuse troupe – parfoisbruyante… – a établi ses quar-tiers pour un repas ou une nuit.À cet égard, sans parler de l’ex-périence singulière du “bunker”désaffecté (cf. encadré), si les

caravaniers sont à même decontribuer à un “Guide Michelin”des auberges de jeunesse – faut-il dire que, dans telle d’entreelles, la qualité de l’accueil rele-vait plus du poste de garde quedes fondamentaux de l’hôtelle-rie ? –, ce dont ils se souvien-dront longtemps, c’est desendroits où ils ont été reçus chezl’habitant. Demandez à tel ou teld’entre eux de narrer sa soirée à0yonnax autour d’un couscous“royal” ou les petits déjeunersdégustés dans les Franches-Montagnes ! À les entendre, oncomprend qu’à l’heure de l’in-ternet et des réseaux sociaux,l’homme, cet “animal social” aencore bien besoin d’une vraierencontre…

Opéra… Sion “Bunker”Ayant à cœur d’être à la hauteur de la légendairehospitalité suisse, les hôtes valaisans du Forum ontaccueilli une partie des caravaniers… dans un abriantiatomique!

Si – outre, bien sûr, les montres, les chocolats et lesbanques – il y a une chose qui, pour l’étranger, està la mesure de la réputation helvétique, c’est bienl’organisation de ce pays – neutre, rappelons-le –en matière de défense et de protection civile. Ainsi,on trouve des abris antiatomiques dans lesmaisons, des dispositifs anti-char dans les forêts,des mines prêtes à faire sauter les ponts, les tun-nels ou les chemins forestiers en cas d’alerte. Bref,c’est quoi déjà, le premier des “dix mots” 2011?Ah oui: accueillant.

Cela dit, à leur réveil, les caravaniers – militairespour une nuit – ont eu l’agréable surprise dedécouvrir Marie-Émilie, une habitante du village.Résidant non loin du bunker et informée du pas-sage de la Caravane dans le Valais, elle a, le ther-mos de café déjà chaud, ouvert tout grand lesportes de sa maison. Le soir même, Ivan etChristelle, les boulangers, cuisiniers pour l’occasion,offraient chez eux le verre de l’amitié, proposantdes montagnes de pain, de raisins et d’autres pro-duits locaux. C’était quoi déjà, le premier des “dixmots” 2011? Ah oui, c’est ça: accueillant.

Résumons : un bunker anti-atomique, des habi-tants aux portes ouvertes et des organisateurssédunois aux petits soins. La Caravane aura eu soncompte d’aventure, il n’y aura donc aucuneréclame à Sion!

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BIENVENUE ! BENVENUTO !BAINVEGNI ! WILLKOMMEN !

Au cours de ses deux semaines d’itinérance, de Lyon à Montreux, le 3e Forum international desCaravanes francophones a été accueilli dans une quinzaine de villes-étapes. Une occasion pour lescaravaniers de mesurer que l’hospitalité reste, dans notre monde où règne la marchandise, unevaleur bien vivante.

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QUAND LES LANGUESACCUEILLENTLES DROITS CULTURELS

Villeurbanne, 8 octobre2010 : le Rize – nomdonné au “CentreMémoires et Société”,

créé il y a quelques années àl’initiative de la Ville – accueillela journée de rencontre desacteurs de la langue française enRhône-Alpes. Organisée chaqueautomne depuis les débuts dujeu des “dix mots”, en 1999, cettemanifestation a pour objectif deréunir des organismes de toutenature – à vocation culturelle,pédagogique, sociale, socio-

culturelle… – ayant en communde mener des actions culturellesautour de la question de la lan-gue. Au programme : des inter-ventions d’experts et des tablesrondes destinées à faciliter lepartage des expériences.

Exceptionnelle, l’édition 2010 decette rencontre l’est à plusieurstitres : d’abord parce que satenue coïncide avec le pro-gramme d’action que le Rizeconsacre aux langues en cetautomne ; mais aussi parce que,

au-delà des participants rhônal-pins, l’assistance rassemble denombreux caravaniers venus –Forum oblige – d’une quinzainede pays différents. Les organisa-teurs ont tenu compte de cetteheureuse conjonction etdemandé à certains des carava-niers étrangers de prendre partaux tables rondes… une occa-sion d’enrichir le partage d’ex-périences.

“Avec nos mots” : tel est le titrequi a été donné à la rencontre.

Et, chacun à sa façon, les diffé-rents intervenants ont déclinécette invite. Ainsi de PatriceMeyer-Bisch, chercheur àl’Institut interdisciplinaired’éthique et des droits del’homme de l’Université deFribourg, lieu central de laréflexion sur les droits culturels,à l’origine de la “Déclaration deFribourg” adoptée en 2007. C’estprécisément la question de“l’hospitalité de la langue” qu’avoulu traiter l’orateur, insistantsur la dimension centrale desdroits culturels dans la problé-

matique des droits de l’homme,soulignant l’égale dignité descultures et leur nécessaire inter-action. À l’entendre, on se disaitqu’il en va des cultures et deslangues, au fond, comme despersonnes et des familles : dansles échanges qui les relient, l’es-sentiel est que, de chaque côté,chacun joue pleinement son rôled’hôte, dans les deux acceptionsdu mot.

Quand Patrice Meyer-Bisch enest venu à évoquer le “grenier àmots” mis en œuvre par sonInstitut, il apparaissait que, déci-dément, oui, la langue avait par-tie liée avec la question desdroits de l’homme : “En obser-vant et recueillant dans unegrande diversité de langues lesmots principaux qui constituentles droits humains”, explique lechercheur, “nous voulons arriverà une meilleure compréhensionde l'universalité de notre patri-moine commun et en particulierles sources des droits humains. Ils'agit de voir si, dans les languesanalysées, il y a des (couples de)

mots qui montrent que la logiquedes droits de l'homme est imbri-quée dans la/les société/s quiparlent cette langue”. L’Institutest ainsi intervenu au Mali (lan-gues bamanan et tamasheq)ainsi qu’au Sénégal (wolof). Lebénéfice attendu est double :d’abord enrichir “les sourcesanthropologiques des droitshumains, puisées par le moyendes langues dans la diversité descultures” ; ensuite, “permettre auxdifférentes populations de s’ap-proprier les droits humains àpartir de leurs ressources cultu-relles”. Venus de Rhône-Alpesou d’ailleurs, les participantsont, pour beaucoup d’entre eux,ressenti la même impression :au-delà de la dimension juridi-que apportée par les recherchesde l’Institut, comme une valida-tion de la démarche que, quoti-diennement, ils mènent auprèsde leurs différents publics. Sûrqu’ils auront été nombreux à lireattentivement la “Déclaration deFribourg” et à consulter le site del’Institut (www.unifr.ch/iiedh)…

Les caravaniers ont pu expérimenter en vraie grandeur, à travers les différents territoires traver-sés, la notion d’hospitalité. Mais, comme l’a montré la rencontre “Avec nos mots” qui a ouvertl’aventure du Forum, cette même notion est, de façon plus métaphorique, au cœur du projet desCaravanes : l’hospitalité toujours, mais cette fois entre les cultures et les langues.

Linguistes en herbeL’aula de la “HEP BEJUNE” – “Haute École pédagogique/ Bernepartie francophone, Jura et Neuchâtel” – s’est remplie de jeunesauditeurs de huit à dix ans. Ils sont une bonne centaine, à laque-lle se sont ajoutés une trentaine de futurs enseignants et unedizaine de caravaniers. Si tout ce monde est réuni à Bienne ence mardi 19 octobre 2010, c’est que le 3e Forum internationaldes Caravanes francophones a invité, en coopération avec unautre Forum, celui du “bilinguisme”, la linguiste HenrietteWalter. Au fond, c’est un peu comme si, en elle, trois personnesétaient invitées : d’abord, l’éminente universitaire, spécialistede la phonologie – l’étude des sons liés à une langue –, auteured’une thèse sur “La dynamique des phonèmes dans le françaiscontemporain”, régulièrement invitée, sur toute la planète, parses collègues; la médiatrice chevronnée des mots, que ses mul-tiples livres (Le Français dans tous les sens, L’Aventure deslangues en Occident, Honni soit qui mal y pense, Arabesques…)ont fait connaître et apprécier d’un vaste public; enfin, la mèreet grand-mère, qui s’est toujours efforcée de sensibiliser lesenfants – en commençant par les siens propres – à la formida-ble épopée des langues.

Très vite, aux questions posées par Henriette Walter, les répons-es fusent. L’origine du mot épinard? Espagnol? Non, pas plusqu’italien ou provençal, mais persan. Et le dromadaire, la mas-cotte des caravaniers ? C’est du grec ! Pendant près de deux

heures, va défiler l’histoire de la langue française – une histoirepassionnante, riche de multiples emprunts, aux langues ger-maniques comme à l’arabe, aux parlers régionaux de la Francecomme aux idiomes d’Amérique centrale ou latine. Et HenrietteWalter de souligner les “cadeaux” que les langues se font entreelles, comme le montrent les aller-retour de certains termesentre le français et l’anglais. En conclusion, d’autres questionsjaillissent : “Combien y a-t-il de langues?” ; “Pourquoi dit-onseptante en Suisse et soixante-dix en France?” ; “Parle-t-onencore latin aujourd’hui ?”. Autant de questions auxquelles,avec sa bienveillance coutumière, répond, pour le plus grandbonheur de la jeune assistance, Henriette Walter. L’universitaireautant que la médiatrice. Sans oublier la mère et grand-mère.

Patrice Meyer-Bisch lors de son interventionau Rize deVileurbanne

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LE FRANÇAIS APPARTIENT À CEUXQUI LE PARLENT !

Lors du 1er Forum inter-national des Caravanesfrancophones, en 2006,les participants ont

affirmé cette nécessité d’enfinfaire entendre la parole despeuples francophones dans untexte en forme de manifeste,”l’appel de Bucarest”.

En prélude au XIIIe Sommet dela Francophonie avec un grandF, qui se tient du 22 au 24 octo-bre prochain à Montreux, le

3e Forum international desCaravanes francophones a sou-haité à nouveau porter témoi-gnage de cette francophonieavec un petit f, conviviale etproche du terrain. Par contrasteavec une Francophonie institu-tionnelle, souvent résumée à unappareil, un peu guindé etcoupé des réalités locales, qui seréunit tous les deux ans pourdécider ex cathedra de pétitionsde principe sur l’avenir de sesquelque deux cent vingt mil-

lions de locuteurs dans lemonde. Cette Francophonie ins-titutionnelle souffre d’uneméconnaissance manifeste etsuscite le plus souvent indiffé-rence et incompréhension.

Pour tout dire, elle passe mêmepour carrément “ringarde” etpeine à intéresser ceux-làmêmes qui lui donnent corps etsens. Une sorte de défiance pèsesur cette institution, nourrie parles ambiguïtés du colonialisme

qui a tracé ses contours géo-politiques et présidé à sa desti-née. Ce ressentiment reste fortdans les nombreux pays quiconstituent les forces vives etl’avenir (démographique) de lafrancophonie, notamment sur lecontinent africain. Caraujourd’hui encore, la Francereste omniprésente et tient lescordons de sa bourse. “La Franceest le robinet financier de laFrancophonie, cette ostie queParis donne au reste du monde enéchange de quelques jolisconcepts, comme la diversité”,fustige Paul Ernst, directeur del’institut Fernand-Coq àBruxelles.Face à ce côté obscur de laFrancophonie, le Forum inter-national des Caravanes franco-phones promeut une franco-phonie plus lumineuse,porteuse d’espoir, riche de ren-contres et révélatrice de ladiversité des cultures.

Lors de son périple itinérant deLyon à Montreux, le Forum a

ainsi suscité des échanges trèsfraternels entre les participants,issus d’une quinzaine de pays,mais aussi, même si cela c’estavéré plus difficile, avec lespopulations rencontrées enRhône-Alpes et en Suisse.

“Je crois que cette caravane nedéfend pas la langue française entant que telle, mais l’ouvertured’un espace francophone inter-national […] La francophonietelle qu’elle devrait être est unesorte de sang nouveau qui couledans nos veines”, estime DjibrilGoudiaby, artiste de la caravanesénégalaise.

“Il faut que chaque femme et cha-que homme qui parle françaissoit réconforté, encouragé, dansson accent, ses hésitations, sesspécificités. Si on veut que lefrançais soit davantage parlé, ilfaut qu’il devienne plus humble etplus démocratique. Car c’est unechance immense qui permet de secomprendre, de Kinshasa àLausanne… Mais les uns et les

autres voient trop souvent celacomme une aliénation. J’aimeraisqu’ils le voient comme unechance : le français appartient àtous ceux qui le parlent. LesFrançais doivent lâcher et lesautres assumer que c’est leurlangue et que c’est extrêmementpratique”, estime WilfriedN’Sondé, écrivain d’originecongolaise.

Pour Thierry Auzer, présidentde l’association “La Caravanedes dix mots”, “nous ne sommespas en opposition avec laFrancophonie institutionnelle,car nous sommes complémentai-res. Tout ce qu’elle proclame,nous le mettons en pratique.Nous démontrons effectivementque la francophonie est porteused’un certain nombre de valeurs,d’une complicité de fête, de ges-tes, de dits, d’un partage de lalangue qui, pour moi, est lepréambule d’une lecture dumonde de demain”.

Déployée sur trente-six territoires de quatre continents, l’aventure internationale de la Caravanedes dix mots témoigne d’une idée de la francophonie toute simple : oui, la langue française appar-tient à celles et à ceux qui la parlent, dans la diversité de leurs cultures !

SI ON VEUTQUE LEFRANÇAISSOITDAVANTAGEPARLÉ, ILFAUT QU’ILDEVIENNEPLUS HUM-BLE ETPLUSDÉMOCRA-TIQUE

”Le “coup de gueule”de Boualem SansalÉcrivain algérien, Boualem Sansal est de ces personnes quiécoutent plus qu’elles ne parlent. Ainsi, c’est les oreilles plei-nes d’histoires venues d’Afrique, de Hong-Kong, de Montréalet d’ailleurs qu’il repart à Alger. Emportant avec lui ses convic-tions, ses engagements et ses révoltes. Et s’il quitte l’aven-ture de la Caravane en ayant “chaud au cœur” d’avoir ren-contré cet ensemble “cosmopolite, composé de personnes àla fois si différentes par leurs cultures et si semblables parleur humanité”, l’auteur du Village de l’Allemand repart toutde même avec “un petit pincement au cœur”. Ainsi, avantde quitter la Caravane, il lâche son dernier “coup de gueule” :“Cet événement magnifique, réunissant ces cultures si diffé-rentes et louant la langue française et les échanges, n’auraitpas eu lieu en Afrique. Et si merveilleuse que soit cette expé-rience, elle prouve que, quoi que nous fassions, nous n’exis-tons que par l’Occident. Quelle tristesse ! Nous ne nousregroupons jamais par nous-mêmes pour organiser ce genrede manifestations. Ce n’est pourtant pas faute de manquerde cultures, en Afrique. Le Maghreb est assez symptomati-que de cet effet. J’ai par exemple connu un grand nombred’auteurs du Maroc ou de Tunisie… en France. Je trouve celad’une grande tristesse […].

Il en va de même pour la francophonie. En Algérie, commedans beaucoup de territoires d’Afrique, la francophonie n’estpas assumée. Deuxième pays du monde par le nombre de fran-cophones, l’Algérie n’est même pas membre de l’Organisationinternationale de la francophonie (OIF) et ne veut absolumentpas l’être […] car, pour ses dirigeants, le français a encorel’image de la langue du colonisateur ! En réalité, ce discoursest d’une grande hypocrisie dans un pays où l’administrationet l’éducation se font en français. Il faut absolument sortir decette contradiction et défendre notre français d’Algérie, teintéde sa culture et de mots arabes. Car ce n’est pas à Paris qu’ilfaut défendre la francophonie, c’est à Alger, N’Djamena,Ouagadougou, en Roumanie, etc. Partout où il est parlé et oùil est menacé”.

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!LA DIVERSITÉ EN PISTE

La Caravane en piste ! : sous ce titre, le Forum a proposé au cours de son itinéranceun spectacle réunissant sur scène une vingtaine d’artistes venus de différents pays etpratiquant diverses disciplines. Une façon de condenser en une heure la philosophiedu projet : montrer en quoi le partage de la langue française peut être un formidablerévélateur de la diversité culturelle.

Chanteuse indienne,comédiens sénégalaisou malgaches, slameursuisse, conteur béni-

nois, danseuses argentine etmozambicaine, clowns français…tous se sont donné rendez-vousau Dromadaire Café. En un peuplus d’une heure, ils composent,à partir des différentes presta-tions qu’ils ont imaginées, unspectacle imprégné de leurs cultures respectives.

Le Dromadaire Café voit ainsi sesuccéder, dans une mosaïquemultidisciplinaire aux traditionsartistiques, sonorités et accentsdifférents, une dizaine de numé-ros (le chiffre pouvant varierd’une représentation à l’autre, enfonction des arrivées et desdéparts des caravaniers). Lepublic découvre un spectacle enforme de patchwork regroupantplusieurs cultures issues de qua-tre continents en même tempsque diverses disciplines artisti-ques. Un spectacle en formeaussi de performance puisque,vingt-quatre heures avant la pre-mière, les artistes ne s’étaientencore jamais rencontrés ! Ce quiexplique le parti pris de juxtapo-ser des séquences proposées parles différentes équipes plutôt quede tenter un spectacle global quiassocierait les différents inter-prètes. Le Dromadaire Café four-nit néanmoins l’unité de lieu etles transitions sont assurées avechumour et conviction – et un

superbe accent québécois ! – parla comédienne Léa Traversy, dansle rôle de la “serveuse automate”(cf. encadré). Au final, un revigo-rant passage en revue des cultu-res présentes dans les pays fran-cophones, permettant demesurer la richesse que repré-sente, au sein de la Franco-phonie, la diversité des culturesque ce spectacle révèle.

Bien sûr, chaque représentationest une nouvelle aventure, puis-que les comédiens doivent tenircompte des départs et arrivées decertains, ainsi que des lieux plusou moins adaptés au décor, plus

ou moins équipés, qui accueillentle spectacle. Ainsi, jusque dans la“mise en danger” que constituechaque nouvelle représentation,

La Caravane en piste ! résume laphilosophie du Forum : faireconfiance aux équipes de chaqueterritoire, susciter la rencontredes différents artistes, offrirgénéreusement au public un tra-vail collectif au service d’uneaffirmation renouvelée desvaleurs fondamentales que véhi-cule le projet.

Quelles que soient les difficultésrencontrées et les éventuellesimperfections, le résultat est là :

la diversité culturelle, grandconcept repris à l’envi dans tousles discours institutionnels, est,dans La Caravane en piste !,en action. “Entendre tous cesaccents, c’est merveilleux”, souli-gne Marie-Émilie, une Québé-coise désormais installée dans leValais. “Bien sûr, ça me fait plaisird’entendre le mien, qu’on n’entendpas souvent ici, mais toutes cessonorités, ça fait vraiment chaudau cœur”.

Câlice, la vie est belle au Dromadaire Café!Au Dromadaire Café, cadre du spectacle La Caravane en piste !, c’est la“serveuse automate” qui accueille les consommateurs-spectateurs. Incarné surscène par la comédienne québécoise Léa Traversy, le personnage sert de “filrouge” au spectacle, donnant ainsi une forme d’unité à cette mosaïque dediversité.

Introduisant chaque numéro, Léa doit donc trouver les mots pour assurer lestransitions: “C’est agréable de sentir que je suis un peu le pivot de ce specta-cle. J’ai senti que j’avais la responsabilité d’accueillir les artistes sur le plateauet de créer avec eux les liens pouvant rendre le spectacle possible. En fait deliens, j’ai eu la sensation qu’il y avait de vraies cordes entre les autres et moi!Ça m’a fait prendre conscience que je faisais vraiment partie de ce projet”.

Comme beaucoup d’autres caravaniers, Léa s’est lancée dans le projet du Forumun peu à l’inconnu, sans même connaître les numéros des différentes équipes;elle a aussi dû s’adapter aux différents départs et arrivées, aux changements etaux péripéties: “Quand le rôle m’a été proposé, j’ai tout de suite eu envie derelever le défi. Je trouve ça important, de croire en ce projet. Important deconstater que toutes ces personnes ont arrêté leurs vies pendant trois semainespour vivre une aventure inédite avec quarante autres personnes qu’elles neconnaissaient pas. Et au final, c’est vraiment extraordinaire. Je suis aussi fièrede faire partie de ce projet que de participer à de grosses productions. En fait,je me sens comme une petite fille qui joue devant ses parents!

Vasumathi Badrinathan, musicienne indienneLucrecia Paco, comédienne mozambicaineGuy-Ernest Kaho, conteur béninoisPatrick Sapin et Amaury Jacquot, circassiens rhônalpinsJulien Grosjean, musicien rhônalpinChristiane Ramanantsoa, metteure en scène malgacheAndry Nantenaina Rasolonjanahary, comédien malgacheJocelyn Ravalison Hajanaina, comédien malgacheDjibril Goudiaby, comédien sénégalaisLéa Traversy, comédienne québécoiseAbSTRAL, slameur suisseDavid Attali, calligraphe et vidéaste, Hong-KongGeneviève Blais, auteure québécoiseGérald Rigaud, crieur public croix-roussienAdrian Barbu, dessinateur roumainEgidio Fumo, coordonnateur de la caravane mozambicaineBoubou Ahmet Diakhaté, comédien sénégalais

Thierry Auzer, metteur en scènePascal Barraud, régisseurPhilippe Van Daele, technicienAnaïs Le Carvennec, assistante technique

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1. Lucrecia Paco, danseuse (Mozambique)

2. AbSTRAL, slameur (Suisse)

3. Vasumathi Badrinathan, chanteuse (Inde) / Atelier conte etchant, Sion

4. Geneviève Blais, écrivaine (Québec, Canada) et Guy-ErnestKaho, conteur (Bénin) / Atelier conte et lecture, Oyonnax

5. Geneviève Blais, écrivaine (Québec, Canada)

6. Amaury Jacquot et Patrick Sapin, clowns (Rhône-Alpes, France)

7. Sylvie Thomas de Saavedra, danseuse (Argentine)

8. Djibril Goudiaby, comédien (Sénégal)

9. Sylvie Thomas de Saavedra, danseuse (Argentine) / Atelierdanse, Genève

10. Atelier Voix chantée / rythmée, Saignelégier (Jura)

11. Christiane Ramanantsoa, comédienne et metteure en scène(Madagascar)

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1. Wilfried N’Sondé, écrivain (Allemagne), et DavidAttali, calligraphe (Hong-Kong) / Atelier calligraphieet écriture, Zurich

2. Andry Nantenaina Rasolonjanahary, comédien(Madagascar)

3. Moulaye Dicko, vidéaste (Mali) / Atelier son, Ecully

4. Lucrecia Paco, danseuse (Mozambique), et EgidioFumo, coordonnateur (Mozambique)

5. Lucrecia Paco, danseuse (Mozambique) / Atelierdanse, Genève

6. Gérald Rigaud, crieur public (Rhône-Alpes, France)

7. Vasumathi Badrinathan, chanteuse (Inde)

8. Julien Grosjean, musicien (Rhône-Alpes, France) / Atelier son, Saignelégier (Jura)

9. Guy-Ernest Kaho, comédien (Bénin), et Jocelyn Ravalison Hajanaina, comédien (Madagscar) / Atelier conte et théâtre

10. Guy-Ernest Kaho, comédien (Bénin)

11. David Attali, calligraphe (Hong-Kong) / Atelier calligraphie, Lausanne

12. Julien Grosjean, musicien (Rhône-Alpes, France), et AbSTRAL, slameur (Suisse) / Atelier slam et son, Sion

13. Amaury Jacquot, clown (Rhône-Alpes, France)

14. Improvisation musicale, Saignelégier (Jura)

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“Inventer une genèse du monde”

Wilfried N’Sondé, écrivain

“La foule au sein de la ville

Elle se faufile

Folle

Perdu le fil de son film

Pile pile la ville défile”

Atelier slam et son, Sion

“Nous aurions grand tort de nous enfermer

nous-mêmes dans un monde où les autres

n’auraient pas leur place par manque de

compréhension… Parce que, si on ne se

comprend pas, on n’est pas près de s’entendre…”

Michel Faillettaz, consul général de Suisse à Lyon

“La francophonie en Suisse, c’est comme uneplante tropicale qu’on voudrait faire pousser très au nord”

Technicien son, Sion

“Le Forum ? Une camaraderie imprévue, de la gaieté, une communion beaucoupplus qu’une communication”

Adrian Barbu (Roumanie)

“Le pays dans lequel je me sens lemieux, c’est ma langue, mon Heimat[ma patrie]”

Sandrine Charlot Zinsli, présidente de l’association Auxarts etc. (Zurich)

“La francophonie, c’est quelquechose d’intime qui me donneaccès à des valeurs uni-verselles”

Lucia Hurajova (Slovaquie)

“L’homme est uneterre étrangère”

Guy-Ernest Kaho (Bénin)

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La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 19La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 18

L’ART, L’ÉCOLE ET LA

LANGUE : UN DRÔLE DE MÉNAGE À TROIS

Disons-le, le premiercontact des carava-niers avec le publiccollégien a été très

électrique ! Installé dans lacour du collège Ampère àOyonnax, le caravansérail a étévertement chahuté par unecentaine de lycéens déchaînés.La tentative de dialogue atourné court…Toutefois, quand la mise encontact des scolaires avec lescaravaniers a été préparée enamont, les échanges ont été bien

plus constructifs. Ainsi, àl’Université de Genève, les étu-diants “FLE” (“français langueétrangère”) se sont investis avecenthousiasme dans un atelier dedanses animés par les caravanesargentine et mozambicaine. ÀBienne, deux gymnases (lycées)ont participé à trois forums desjeunes citoyens (cf. p. 20-21), tan-dis qu’à la Haute École pédagogi-que, cent vingt enfants de huit àdix ans découvraient avec curio-sité la folle épopée de la languefrançaise racontée par la linguiste

Henriette Walter (cf. p. 7). ÀPorrentruy (Jura), la visite de l’ex-position Amérique, Amériques ! aété le support d’un échangeautour de la littérature et de lasociété québécoises avec deslycéens attentifs… quoique peuloquaces. Enfin, à Delémont, unerencontre sur le “parler jeune” etl’influence des technologies del’information et de la communica-tion sur leurs formes d’expressiona suscité des échanges vifs etamusés, les élèves confiant auxcaravaniers des exemples de SMS

récemment reçus: “Hé couz, t’es amdz? t’a pris ta poste? J ri1 tchékéo d’voir, é twa?” (“eh, cousin, t’es àDelémont [Montdezou en verlan]?T’as pris ton bus? Je n’ai rien com-pris aux devoirs, et toi ?”). Lescaravaniers sénégalais ont rap-pelé leur contribution à l’enrichis-sement du français avec des motstels que essencerie (“station-ser-vice”), désormais entré dans ledictionnaire. Quant aux jeunesJurassiens, ils ont mesuré que leurlangue empruntait des mots ausuisse alémanique, comme schle-keries (“sucreries”).

L’action artistique peut-elle faci-liter l’apprentissage du français àl’école ? C’est autour de cettequestion que l’INRP – Institutnational de recherche pédagogi-que – a réuni, dans le cadre duForum, divers intervenants. PourAbraham Bengio, directeuradjoint des services à la RégionRhône-Alpes,“il y a un lien évidententre action artistique et perfor-mance scolaire. Nous avons besoindu détour efficace de l’action artis-tique pour permettre aux élèves deretrouver confiance en eux”. Etd’ajouter que chaque langue est“une vision du monde” autantqu’une façon de “découper la réa-lité par des syntaxes différentes”.“Les artistes sont là pour faireentendre la sensibilité, la connota-tion, l’être-au-monde qui est aucœur de la langue”, estimeAbraham Bengio. Pour lui, le lienentre langue, enseignement et art,c’est “le culte de la diversité et l’at-tachement aux nuances”.

Une enseignante à l’INRP rappe-lait cependant que si “la vocationde l’école est d’être au plus près del’individu et de ses potentialités, ily a une injonction très forte pourrentabiliser le temps scolaire.Aujourd’hui, en France, on passetout le travail scolaire à la mouli-nette économique”. Une actionartistique tendue vers un objectifd’émancipation individuelle etcollective est-elle conciliableavec une telle vision à courtterme ? “Ce doit être un acte derésistance, ou de toute évidence unmaquis !” assure Paul Ernst,directeur de l’institut Fernand-Coq à Bruxelles.

Écoliers, collégiens et lycéens ont formé le gros des troupes du public du 3e Forum internationaldes Caravanes francophones. Ils ont participé à des ateliers d’expression, des échanges sur l’his-toire de la langue ou le “parler jeune” et même chahuté le caravansérail. La question de l’éducationest en effet centrale pour les caravaniers, pour beaucoup enseignants ou éducateurs, qui essaientde concilier action artistique et pédagogie.

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Vous avez participé au trois Forumsinternationaux des Caravanes franco-phones. Qu’est-ce qui vous intéresse,en tant que pédagogue, dans ce pro-jet?La Caravane des dix mots est pour nous unfacteur de multiplication des contextesd’utilisation de la langue française. Dansnos pays, l’élève n’a bien souvent mêmepas un livre chez lui ; on se bat pour avoirles moyens de maintenir les collégiens etles écoliers dans un contact avec la langue.Les “dix mots” sont un jeu où l’on se sentlibre. C’est un prétexte pour mettre les jeu-nes dans un contact suivi avec la languefrançaise, dans un usage qui sort des limi-tes de l’école.

En quoi l’action artistique peut-ellerejoindre des objectifs pédagogiques?L’approche pédagogique, quand elle prendprétexte de la démarche artistique, placele plus souvent l’apprenant dans uncontexte moins contraignant, moins stres-sant que l’école, de sorte que, sur le planpsychologique, les enfants se sentent pluslibres. Par exemple, pendant le Forum, àDelémont, les jeunes nous ont dit que lacodification du langage dans leurs SMSétait une façon d’échapper à la censure etau contrôle des profs. C’est bien la preuveque l’utilisation de la langue avec ses nor-mes syntaxiques, ses principes normatifs,son utilisation académique, peuventconstituer un blocage.

Or, pour donner à cette langue une chancede survie dans le temps, il faut une démy-thification de ces principes normatifs, etcela, en acceptant une approche ludiqued’utilisation et d’apprentissage de la lan-gue. Jusqu’ici, les spécialistes et didacti-ciens se sont trop érigés en censeurs, quicorrigent les fautes, font des leçons degrammaire.

Comment sortir de cette “censure” quipèse sur la langue?Il faut une dédramatisation de la langue;la créativité et l’inventivité ne sont possi-bles que si les enfants sont libérés dansl’utilisation de la langue. Il faut que, dansleurs modalités d’expression, les enfants sesentent libres au plus profond d’eux-mêmes. Or, la situation scolaire est unesituation de censure par excellence, oùaucune déviance n’est permise dans l’usagede la langue.Pourtant, chaque enfant est porteur de vir-tualités qui ne demandent qu’à se maté-rialiser à travers des activités telles que lacréation littéraire par exemple. J’ai souventencouragé les clubs de français d’expres-sion poétique, la création de journaux sco-laires, en fondant notamment le Festivalinternational de journaux lycéens deDakar. J’ai toujours milité pour cela dansma situation de classe; en fait, j’ai souventété audacieux en matière pédagogique!

“Il faut une dédramatisationde la langue”Trois questions à Abou M’Bow, professeur de français de formation, aujour-d’hui directeur du livre et de la lecture au ministère de la Culture du Sénégal etfidèle complice du Forum international des Caravanes francophones.

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La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 21La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 20

“Le but de ce Forumdes enfants citoyensest d’offrir unespace de parole

aux jeunes. De manière générale,on les questionne plutôt sur lethème du vivre ensemble, maispour l’occasion, nous avonsrecentré les débats autour du‘vivre ensemble, avec plusieurslangues’”, explique Saïd Idamine,l’animateur des forums. Inciterles jeunes à débattre de la lan-gue, du français ou du plurilin-guisme n’étant pas forcémentchose aisée, le Moutard miseaussi sur le côté ludique. “Lesinterventions sont toujours les

plus interactives et ludiques pos-sible. S’agissant du français, lebut est de les emmener sur autrechose que la grammaire ou laconjugaison, mais d’aller au-delà,vers les cultures, les villes, lesperspectives etc. On pose desquestions et on les laisse vraiments’exprimer. On ne vient pas déli-vrer un message mais initier unvrai dialogue. Une fois que c’estlancé, ça marche”.Il faut également adapter lesméthodes, car la question de lalangue et du plurilinguisme n’apas partout la même importance.Programmées à Oyonnax et àBienne, ville-phare du bilin-

guisme en Suisse, les interven-tions ne sont pas préparées de lamême manière. Les résultats nesont pas non plus analogues : àOyonnax, le forum a eu lieu justeaprès le “chahut” provoqué parl’irruption des caravanes dans lacour du collège. Une fois sonnéela fin de la récréation, les mêmesenfants ont été vite repris enmain par Saïd et Cécile. Le débatput alors s’installer. Et le métis-sage culturel de la villed’Oyonnax s’est révélé lorsqueles enfants ont été amenés àmentionner les différentes lan-gues qu’ils connaissaient. “EnSuisse, au contraire”, souligne

Saïd, “ce débat est beaucoup plusprésent. Les jeunes parlent prati-quement tous plusieurs langues,parfois jusqu’à sept ! Mais il y aaussi beaucoup de germanopho-nes, donc on les a motivés en par-lant des expressions françaises eten cherchant leurs correspondan-ces en allemand”. Installé àBiel/Bienne pour une journée, leforum a également bénéficié dela participation d’HenrietteWalter, linguiste émérite (cf. p. 7).“C’était d’ailleurs assez marrant”,s’amuse Saïd ; “le forum étant unendroit où chacun peut s’exprimerlibrement, Henriette était du coupau même niveau que les lycéens !”.

Conçu comme une interventionponctuelle, le forum s’inscritaussi dans un processus d’ap-prentissage citoyen : “C’est pourça qu’on essaye en amont de réu-nir tous les acteurs, afin de bienpréparer les rencontres. C’est trèsdifficile à mettre en place maisc’est notre souhait, car certainsdébats ne sont soulevés ni dans lesétablissements scolaires, ni ausein de la famille”.

FRANCOPHONES…ET CITOYENSTout est dans le nom : “Forum des enfants citoyens”. Créées en 1999 par le Moutard, ces rencontresentendent inciter les jeunes à débattre ensemble de sujets de société. Accompagnant le Forum surune partie de son itinérance, Cécile Martinon et Saïd Idamine ont abordé avec de jeunes Français etSuisses des questions linguistiques, et notamment le plurilinguisme.

LES INTER-VENTIONSSONT TOU-JOURS LESPLUSINTERACTI-VES ETLUDIQUESPOSSIBLE

>> TRIBUNE >> EGIDIO FUMO*

Terre lusophone, entouré de pays anglophones, le Mozambique est, par excel-

lence, un territoire multilingue. Sa langue officielle est le portugais, mais il

existe aussi une trentaine de langues autochtones d’origine bantoue. Dans ce

contexte, le français n’occupe qu’une place secondaire… d’où l’intérêt, pour

les enseignants et formateurs, d’un projet comme celui de la Caravane des

“dix mots”. Décodage avec Egidio Fumo, coordonnateur de la Caravane mozam-

bicaine et enseignant.

LE FRANÇAIS ENTERRE LUSOPHONE

Dans le système scolairenational, le français n'estenseigné que pendant lesdeux ans du lycée, pour ceuxqui choisissent les lettres. Il ya aussi deux universités quiforment des professeurs de“français langue étrangère”(FLE) et des établissementsprivés où l'enseignement dufrançais est ouvert à tous lespublics : c’est le cas du Centreculturel franco-mozambicain(CCFM), où j’enseigne. Mais,malgré les efforts institution-nels fournis ces dernièresannées, la langue françaiseest encore quasiment consi-dérée comme une “languelointaine” et n’est parlée quepar une petite minorité de la

population.Au Mozambique, un projetcomme celui de la Caravanene peut être qu’un gain, dansla mesure où il permet de tra-vailler la langue pour elle-même, avec toujours commeobjectif sa pratique et la com-munication, même en dehorsdu milieu scolaire. Pour lesformateurs, les “dix mots”sont un outil pour créerdiverses activités pédagogi-ques. Par exemple, nousavons organisé, à l’occasionde la Journée de la franco-phonie, un concours de slamavec dix écoles de Maputo [lacapitale du Mozambique],dont la contrainte était, pré-cisément, l'utilisation des

“dix mots”. Nous avons privi-légié le travail en binômepour chaque école et avonsété surpris non seulementpar la prestation des partici-pants mais aussi par la bonnequalité de leurs productions,orales comme écrites.

Au sein de la Caravanemozambicaine, nous avonsobservé une certaine ouver-ture envers la langue fran-çaise, après seulement sixmois de travail avec desfuturs professeurs de “FLE”et avec des lycéens de la péri-phérie de Maputo. Cetteouverture a été surtout signi-ficative pour les lycéens, quin’osaient pas parler en fran-çais entre eux. Les ateliersartistiques mis en place par laCaravane ont été d’unegrande aide, parce qu’ils leuront montré que la languefrançaise, ce n’était pas seu-lement la grammaire et l’or-thographe, mais ce pouvaitêtre aussi la musique, les artsplastiques, le théâtre et ladanse. En plus d’aider à la dif-fusion de la langue française,ces ateliers ont égalementété de véritables découvreursde talents.

* Coordonnateur de la Caravanemozambicaine, Egidio Fumo estégalement enseignant au Centreculturel franco-mozambicain(CCFM) et formateur d’enseignantsà l’Université pédagogique deMaputo.

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La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 23

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(S)

C’est jour de marché àLausanne et les ruesjouxtant l’Hôtel de Villeaccueillent de nom-

breux étals de fruits ou légumes,de fromages ou de charcuteries,voire de petits stands de produitsexotiques. Emmenée par unétrange personnage, une théoried’individus non moins étrangesmonte à l’assaut de la colline.Équipés de parapluies identi-ques, ils avancent tel un long ser-pent ondulant dans les rues, dis-tribuant des papiers aux passantsplutôt interloqués. Parfois, unesorte de garde-champêtre munid’un porte-voix prend la parole etapostrophe la population, évo-

quant une mystérieuse Caravane.Parmi les habitants venus faireleur marché, certains passentrapidement leur chemin maisd’autres s’arrêtent, amusés, etparfois engagent la conversationavec les joyeux drilles qui vien-nent les solliciter. Dans toutes lesvilles que le Forum a traversées,une déambulation a ainsi étéorganisée afin d’informer leshabitants de la présence de laCaravane dans leur ville et de lesinviter à participer aux ateliers etspectacles proposés.

Ces déambulations ont parfoisrencontré quelques obstacles.Ainsi quand – un dimanche, il est

vrai – les deux seules réactionsobservées ont été… un aboiementde chien (après tout, “quand lacaravane passe…”) et un habitants’exclamant :“Oh, arrêtez de gueu-ler, y en a qui téléphonent ici !”. ÀGenève, la déambulation a donnélieu à quelques situations cocas-ses, comme une discussion entreAdrian, le caravanier roumain, etquelques Roms passant par là :“Pas le temps pour ce genred’amusement, nous devons retour-ner mendier”, lâche l’un deux enrepartant, un temps amusé parces hurluberlus. À Lausanne, lecortège des caravaniers a rencon-tré un stand de l’UDC (partinationaliste suisse) : il

LES MOTS SONT

DANS LA RUE !“La parole est au(x) peuple(s) !”, “aller à la rencontre des populations” : plus facile à écrire qu’àfaire. Car inviter les habitants d’un territoire à s’exprimer sur des thèmes tels que la diversité culturelle ou la francophonie n’est pas toujours chose aisée. Pour essayer d’atteindre cet objectif,le Forum a multiplié les déambulations festives des caravaniers. Avec, ici ou là, quelques déconve-nues et des situations parfois cocasses.

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La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 25La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 24

De Rhône-Alpes au Québec, laCaravane se développe par lebiais de deux modalités consti-tutives : les “micro-trottoirs” etles ateliers artistiques. Les pre-miers permettent de proposerà chacun, au hasard des ren-contres, le jeu des “dix mots”,révélant ainsi une parole spon-tanée dans l’espace public.Pour les artistes, la démarches’apparente à celle du cirqueou du théâtre de rue, et sup-pose en premier lieu ouverture,enthousiasme et respect de lapersonne.

La Caravane propose uneapproche artistique et ludiquede la langue française, maisoffre diverses possibilités de sel’approprier selon la réalité denos territoires ; à des fins artis-tiques, culturelles, péda-gogiques, sociales… Au-delà dela conception et de la diffusiond’outils de communication, lesateliers artistiques nécessitentde créer, en amont, des parte-nariats avec les organismesd’accueil. D’où l’importance deco-construire des projets adap-tés à chaque structure, defaçon que le projet de laCaravane s’insère dans le pro-jet global du lieu qui la reçoit.

Cette coopération peut êtrerenforcée par la diffusion et lacréation de réseaux précis quipermettront l’échange dessavoir-faire, le partage desexpériences et la circulation desidées. En Rhône-Alpes, la

Caravane a inscrit son action ausein des réseaux de lutte con-tre l’illettrisme, du milieu car-céral, des établissements sco-laires, de lutte contre lesdiscriminations. Au Québec, ladiffusion de l’action passeranécessairement par des relaisciblés, capables de relayer l’in-formation, notamment auprèsdes réseaux de l’immigration etd’apprentissage de la langue.

Cette troisième édition l’amontré : ce qui vaut à l’échelled’un territoire vaut aussi pourle Forum. Pendant quinzejours, ce dernier a proposé dans

les villes-étapes des déambula-tions festives interpellant lepublic aussi bien que des ate-liers préalablement organisésavec des structures d’accueil. Etl’on a bien vu que la réussited’un tel événement ne peut pasuniquement se satisfaired’outils promotionnels clas-siques mais que le projet prendtout son sens dans la construc-tion préalable de partenariatsforts et la mise en œuvre d’unimportant travail de sensibilisa-tion. Un travail qui repose à lafois sur l’utilisation d’outils decommunication adaptés et surle tissage méticuleux de

réseaux permettant l’appropri-ation d’un tel projet par lesstructures comme par lescitoyens.

Veillons toutefois à ne pastomber dans le piège d’uneévaluation uniquement quan-titative : même si le nombre depersonnes touchées importe,l’essentiel réside dans la qual-ité de la rencontre. Tous lespeuples ne sont-ils pas d’abordcomposés de personnes?

* Après avoir coordonné pendant troisans la Caravane Rhône-Alpes, Anne-Céline Genevois anime aujourd’hui laCaravane québécoise.

RENCONTRER LE(S) PEUPLE(S) ?

>> TRIBUNE >> ANNE-CÉLINE GENEVOIS*

fallait voir Boubou AhmetDiakhaté, le caravanier sénéga-lais, distribuant des programmesdu Forum à côté de la célèbre affi-che montrant des moutons blancschassant de Suisse un moutonnoir… Et, à ses côtés, le crieurpublic vantant haut et fort lesmérites d’une “Suisse de demain,

métissée et contre tous les conser-vatismes”.Tous les artistes de rue le savent :il n’est pas facile de détourner lepassant de l’activité qui l’occupe;les choses peuvent se compliquerquand, en France, la grève et lesmanifestations occupent le ter-rain ou quand, en Suisse, pour

cause de vacances scolaires, biendes familles ont déserté la ville.Reste que ces déambulations ontsuscité de beaux échangesimpromptus et qu’on a mêmerevu au spectacle ou dans les ate-liers certaines personnes rencon-trées le matin dans la rue. Missionaccomplie!

Un mime au pays des “dix mots”Pour interpeller les badauds lors de leurs déambula-tions, les caravaniers s’appuient principalement surdeux artistes. Le premier, Gérald Rigaud, est crieurpublic de son état, représentant autoproclamé du“ministère des Rapports humains”, et aime rien moinsque de haranguer la foule. Son rôle: provoquer l’in-térêt des passants et proclamer haut et fort les objec-tifs et la philosophie du projet de la Caravane. Sanss’interdire d’énoncer de temps à autre quelques fortessentences, du genre : “Heureux les fêlés, car ils lais-sent passer la lumière!”. Le second, venu de Lyon, anom Amaury Jacquot et mène la joyeuse troupe decaravaniers… en silence : “Le principe est simple”,explique-t-il ; “en file indienne, tout le monde imitela personne de devant. Je trouve que le corps parlede lui-même. Pas besoin de parler si Gérald etquelques caravaniers s’adressent aux passants; ce quicompte, c’est d’effectuer des actions incongrues qu’onn’a pas l’habitude de voir dans la rue”.

Annoncer en silence une manifestation consacrée à lalangue: un comble! Mais Amaury n’en est pas à unparadoxe près, puisqu’il applique également ceprincipe à sa participation au spectacle La Caravaneen piste! “Aujourd’hui, je ne fais quasiment plus quedes spectacles silencieux. Je suis clown et j’ai fait l’é-cole du mime Marceau. Or, à un clown, on demanded’être burlesque. Et, même si la parole est souventrassurante, je trouve que c’est la meilleure manièrede laisser s’exprimer la poésie : par l’action”. Unnuméro entièrement muet pour un spectacle autourdes “dix mots”: pas mal, non? “Pour ce numéro, nousavions choisi le mot fil; donc, quand à la fin je dérouledans le public un rouleau de scotch, je pense que çaparle de soi-même”.

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La vocation de la Caravane est de s’adresser à tous, quels que soient l’âge, le contexte social, la maîtrise de la lan-

gue, la situation géographique et culturelle. L’itinérance est donc inscrite dans ses gènes : toutefois, il ne suffit pas

de se rendre dans un territoire donné pour susciter la rencontre, spécialement avec celles et ceux qui sont le plus

éloignées de l’offre culturelle institutionnelle.

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La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 27La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 26

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Adrian Barbu est pro-fesseur de français àl’Université de Cluj etbédéiste, entendez

dessinateur de bandes dessinées.Unique représentant de Rou-manie, il a participé au Forumpour “le plaisir de dessiner, d’en-seigner, de parler aux jeunes, defaire de nouvelles connaissances,de transmettre quelque chosed’utile, de nouveau et d’amusant”.C’est grâce à… Pif Gadget qu’il aappris le français, une languequ’il enseigne aujourd’hui àl’Université Babes-Bolyai dansles facultés de sociologie, assis-tance sociale, journalisme, psy-chologie, pédagogie et sciencespolitiques.Capable de converser longue-ment de culture traditionnelleindienne comme de politiquesinternationales, de Nietzsche oude musique traditionnelle bre-tonne, Adrian est également unfan de bandes dessinées. Commele prouvent les dessins qui par-sèment ce numéro, il estaujourd’hui lui-même dessina-teur et n’a désormais besoin quede trente secondes d’observationpour croquer quelqu’un.

Réservé, Adrian rassemble en luiune bonne volonté, une bonnehumeur et un solide humour quifont de lui un personnage émi-nemment sympathique. “Je suisfan de l'humour amer, un peu ico-noclaste, parfois noir, qui, au lieude donner des réponses préfabri-quées, voire classiques ou dogma-tiques, se contente de poser desquestions et de (re)mettre en dis-cussion des choses universellementacceptées comme telles ; en fait,j'aimais bien Coluche, surtout le

côté politique, même si je ne com-prenais presque rien !”.Sarcastique, il ajoute : “n’ayantaucune sympathie politique, seule-ment des antipathies, la politique,même roumaine, ne m'intéressepas trop… Mais toute occasion derire est salutaire et bienvenue”.

Malgré la grande maîtrise dont ilfait preuve en la matière, Adrianespérait également profiter decette manifestation francophonepour parfaire son français. Car, enRoumanie, cette langue perd du

terrain et les occasions de la par-ler ou de l’entendre sont de plusen plus rares. “En parlant presquetoujours aux gens qui le compren-nent moins que moi, je le désap-prends. Je deviens ‘franc-aphone’”. Ayant dû quitter leForum avant la fin, Adrian a pro-voqué un pincement au cœur descaravaniers,Adrian est reparti“enlaissant derrière [lui] une tranched'âme”. Allez, Adrian, foi de cara-vanier, d’autres occasions se pré-senteront!

LES MÉMOIRES D’ADRIAN

PERMIS DE PÊCHE

Malgré une francophilie historique, la Roumanie n’est pas forcément le pays auquel on pense enpremier lorsque l’on parle de francophonie. Pourtant, le 3e Forum international des Caravanes francophones comptait parmi ses caravaniers un citoyen de ce pays. Et pas n’importe lequel !

“Aller à la pêche au sens des mots” : c’est, depuis l’origine, le projet de la Caravanedes dix mots. En se développant dans de multiples territoires, l’aventure a révélé lebien-fondé de l’intuition originelle. Mais ce qui caractérise aussi cette étonnante his-toire, c’est l’énergie que, partout, elle mobilise comme la jubilation qu’elle suscite. Ensomme, la “pêche” que manifestent les caravaniers comme leurs publics.

De la Suisse, on connaîtvolontiers les Alpes, lesrives du Léman ouZurich: mais plus rares

sont les visiteurs qui ont un jourtraversé, dans le canton du Jura,les Franches-Montagnes, ce pla-teau situé à mille mètres d’altitudeentre Porrentruy et le Doubs, larivière qui sert de frontière avec leJura français. Dommage pour ceuxqui ignorent encore ces magnifi-ques paysages plus que verts, avecleurs hauts sapins et leurs pâtura-ges, où paissent les chevaux quifont l’orgueil du territoire.

Pouvait-on imaginer qu’un jour, lahalle-cantine de Saignelégier,haut lieu du célèbre “Marché-concours” hippique, vibrerait, toutau long d’une folle soirée, aux

accents métissés de toutes lesmusiques – le jodel comme leschants sénégalais, le tango argen-tin comme les rythmes deMozambique, l’accordéon façonPaname comme la musiqueconcrète? Tel fut pourtant le caslors du passage du Forum danscette sympathique bourgade: unecentaine de personnes s’étaientrassemblées pour écouter les pro-ductions des dix ateliers artisti-ques “voix chantée / rythmée” etles diverses propositions des artis-tes caravaniers. Stimulée par lesprésentations de Gérald Rigaud, lecrieur public du Forum, l’assis-tance a applaudi aux diverses res-titutions avant de communier avecles artistes venus de quatre conti-nents dans une séquence effrénéeoù se mêlaient tous les rythmes et

tous les sons. Point commun detoutes les propositions: le bonheurévident de tous les participants àcette mémorable soirée.

En cela, cette manifestationjurassienne – amplifiée sansdoute par la solide tradition fes-tive des locaux – s’est pleinementinscrite dans la “charte d’objec-tifs” que l’association “LaCaravane des dix mots” a concluepour la période 2010-2014 avecses principaux partenaires insti-tutionnels : placé sous la doubleinvocation de René Char (“Lesmots qui vont surgir savent denous des choses que nous ignoronsd’eux”) et d’Elias Canetti (“saisirles hommes dans leur diversité estune aspiration élémentaire qu’ilconviendrait de cultiver”), ce textesouligne en particulier que “toutle monde a le droit de s’exprimer,avec les moyens qui sont les siens”et “la langue est un vecteur deliens, et aussi un jeu, un en-jeu… ilfaut jouer avec les mots”.

C’est là sans doute ce qui caracté-rise un projet comme celui de laCaravane : dans la diversité desterritoires et des contextes –comme en témoignent les filmsproposés chaque année – la pro-position des “dix mots” se traduitpartout par une intense jubilationqui saisit aussi bien les artistesque les participants aux ateliersou aux diverses animations. Mais,après tout, pourquoi des activitésculturelles ne pourraient-ellessusciter la joie et la gaieté?

PERMIS DE PÊCHE

JE SUIS

FAN DE

L'HUMOUR

AMER, UN

PEU ICONO-

CLASTE,

PARFOIS

NOIR...

“”

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La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 29La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 28

> PO

GN

ON

Blé, flouze, oseille, pépètes, pèze, pognon, sous, capital, finance, fortune, galette,monnaie, recette, fonds, pactole, grisbi, pécule, saint-frusquin, matelas, rente, cail-lasse, brique, picaillons, ressources, somme, pièce, flèche, billet, maille, thune… :argent est un des termes qui compte le plus grand nombre de synonymes. Derrièreces mots, il y a une – dure – réalité : pour mener à bien une aventure internationaleaussi complexe et ambitieuse que le Forum international des Caravanes franco-phones, il faut des moyens. Thierry Auzer, initiateur du projet, aujourd’hui président del’association, joue cartes sur table.

Comment avez-vous construitle projet et le budget de ce 3e

Forum international desCaravanes francophones ?Nous avions appris à Québecque le pays qui recevrait le XIIIe

Sommet de la Francophonieserait Madagascar. Dès le len-demain du 2e Forum, en octo-bre 2008, nous avons travaillésur cette hypothèse, jusqu’aurenversement du présidentmalgache, en février 2009. Nousavons ensuite attendu l’an-nonce officielle du choix de laSuisse comme pays hôte, le16 décembre 2009, pour, dès lelendemain encore, imaginernotre 3e Forum. Il a fallu trans-former pour Montreux tout cequ’on avait imaginé pourMadagascar ! Très vite, on aimaginé ce projet itinérant deLyon à Montreux avec un maxi-mum d’étapes afin de rencon-trer le plus de populations.C’est à partir de là qu’on a puétablir un budget initial quiétait de 550.000 euros pour dix-sept jours de Forum avec lavenue des caravaniers d’unetrentaine de pays. Cette sommecorrespondait à un budget pré-visionnel incluant aussi tous lesfrais de structure et les salairesdes personnes qui travaillenttoute l’année à la réalisation duForum et permettant de payerdécemment l’ensemble des per-sonnes engagées dans ce projet.Notre idée était que tous lescaravaniers venus du monde

entier soient aussi rémunéréspour l’ensemble des prestations(animation d’ateliers, participa-tion au spectacle La Caravane

Qui contribue au financementde ce projet?Ce budget était tout à fait viableselon la structuration des recet-tes que nous avions imaginée.Les organismes internationauxet pays partenaires étaient solli-cités à hauteur de 25 % (OIF,Commissariat d’organisation duXIIIe Sommet, Belgique, Canada-Québec, Italie-Vallée d’Aoste),toutes les villes, départements,régions ou cantons, en France eten Suisse, pour 20 %, les autrespartenaires français pour 40 %, etenfin, 15 % provenaient d’autresressources, du mécénat et duparrainage.Nous avions peu de temps poursolliciter les partenariats tout enconstruisant le projet. On a reçubeaucoup de promesses et d’en-gagements plus ou moins tenus.Certains ont finalement renoncéà être partenaires, d’autres ontrevu leur concours à la baisse.Heureusement, nous avons pubénéficier du soutien fidèle denos partenaires du Comitéd’orientation (ministère de laCulture – DGLFLF et DRAC –,Région Rhône-Alpes, ministèredes Affaires étrangères, ACSE –Agence nationale pour la cohé-sion sociale et l’égalité des chan-ces). Et de l’appui enthousiaste duDépartement fédéral des affairesétrangères (Suisse). Au final, ceprojet aura été réalisé malgré unediminution de 250.000 euros deson budget initial.

Pourquoi une telle diminu-tion ?Le faible engagement de l’OIF –

10.000 euros – et le retrait dequelques villes-étapes, tout celaà deux semaines de l’ouverturedu Forum, nous ont contraints àsupprimer in extremis le dépla-cement d’un certain nombre decaravaniers. Nous avons égale-ment dû renoncer à plus de lamoitié des actions de communi-cation. Enfin, c’est grâce à l’im-plication bénévole d’un certainnombre de professionnels, touspostes confondus, que nousavons pu préserver la quasi-totalité de cette magnifiqueaventure. Malgré l’ensemble deces sacrifices, le budget n’esttoujours pas bouclé puisque, àce jour, la totalité des recettesréellement perçues est de270.000 euros.

Sur les trois Forums, on se rendcompte que la participation del’OIF n’a absolument pas pro-gressé alors qu’il y a à ce jourtrente-six caravanes francopho-nes sur quatre continents, soittrois fois plus qu’en 2006 ! Laréalisation des trois premiersforums représente au total unbudget d’environ 1 million d’eu-ros, auquel l’OIF n’apporte que30.000 euros, soit moins de 3 %.Pour un projet qui est pourtantau cœur des valeurs portées parles pères fondateurs de laFrancophonie et que ses diri-geants actuels citent volontiersen exemple…

Comment envisagez-vous l’ave-nir du Forum international desCaravanes francophones?Nous sommes aujourd’hui face

à une situation paradoxale : leprojet a fait la preuve de sa per-tinence, puisque non seulementil n’arrête pas de susciter descandidatures de Caravanes surtoute la planète mais en plus, àchaque Forum, les partenaires etles publics touchés sont de plusen plus nombreux. Et pourtant,cette aventure pourrait bien nepas pouvoir se poursuivre fautede soutiens financiers à la hau-teur des résultats observés…

Au-delà des problèmes finan-ciers, il y a aussi dans le projetde la Caravane un gisementinternational de compétences etd’expertises (action culturelle,éducation artistique, pédagogie,dialogue des langues et des cultures…) qui pourrait fort bienêtre mis au service de program-mes francophones institution-nels, à l’échelle nationale ouinternationale. Au fond, laCaravane des dix mots, c’est unevaleur ajoutée pour faire pro-gresser la connaissance de lafrancophonie auprès du plusgrand nombre… La parole estau(x) peuple(s) !

est en piste !...) qu’ils assure-raient pendant le Forum, ce quirendait possible leur présencesur une durée de dix-sept jours.

NERF DE LA GUERRE OU…

GUERRE DES NERFS ?

Au-delà des concours institutionnels qu’il areçus en France comme en Suisse (cf. p. 2), le3e Forum international des Caravanes franco-phones a bénéficié du soutien actif de person-nes que les organisateurs tiennent à remercierchaleureusement :Élise Agostino, Alain et Patricia Auzer, Liliane Bajard,

Xavier Ballandras, Nadine Belly, Ann Berzine, Tommy

Boisseau, Marie-Thérèse Bonadonna, Virginie Borel,

Matteo Capponi, Sandrine Charlot-Zinsli, Chantal

Charvy, Bruno Chevallet, Marie Delorme, Nicola Di

Pinto, Claudine Donzé, Serge Dumais, Béatrice

Farrugia, Laurent Gajo, Chloé, Neidjib et Olivier

Gamaz, Marie-Noëlle Georges, Jean-Louis Gonnet,

Audrey Gonod, Marie Gouriano, Delphine Guedra,

Joëlle Guidez, Aline Héritier, Saïd Idamine, Nicolas

Journoud, Natacha Kmarin, Stéphane Lam,

Marjolaine Larrivé, Ophélie Leboeuf, Martine

Lenoble, Marie-Jeanne Liengme, Corinne Marie,

Alexandra Martinez, Cécile Martinon, Martine

Marzloff, Tatiana Monney, Jean-Emmanuel Porteret,

Cathy Praeger, Thierry Renard, Céline Rouch,

Stephan Roszyk, Sylvie Schopper, Frédéric Tessier,

Annie Testard, Athénaïs Theodossopoulos, Frédéric

Touchet, Mireille Védrine, Marie Vignoles, Françoise

Villars.

ON A REÇUBEAUCOUPDE PRO-MESSES ETD’ENGAGE-MENTSPLUS OUMOINSTENUS

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La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 31La parole est au(x) peuple(s) ! > numéro 3 > octobre 2010 > 30

> L’ÉQUIPE DU FORUM

Thierry Auzer

Anaïs Eschenbrenner

Pauline Huillery

Élise Courouble

Valeria Bonin

Anaïs Le Carvennec

Johanna Gutierrez

Athina Kantifely

Association Caravane des dix mots

115 avenue Lacassagne, Lyon 3e - France

Tél. : + 33 (0)4 78 54 30 02 - Fax. : + 33 (0)4 72 60 95 12

[email protected]

Rédaction :- Pierre Belmont

- Egidio Fumo

- Anne-Céline Genevois

- Anne-Caroline Jambaud

- Michel Kneubühler

Conception graphique :

- Véro Martin

Photos :

- Jean-Marie Refflé

Impression :

Chirat. F-42. Saint-Just-la-Pendue

Dépôt légal : octobre 2010

Directeur de la publication :Thierry Auzer

La parole est au(x) peuple(s) !

Association Caravane des dix mots

115, avenue Lacassagne, F - 69003 Lyon

Tél. : + 33 (0)4 78 54 30 02

[email protected]

> UT

OP

IE ET SI DEMAIN...Il y a deux sens possibles au mot utopie : soit, il peut signifier “chimère”, une illusionhors de portée qui relève de l’imaginaire ou du vœu pieux ; soit, plus proche de soninventeur, Thomas More, le mot peut se comprendre comme un dessein dont la réali-sation, à certaines conditions, est possible. C’est bien sûr la deuxième acception queprivilégie le projet de la Caravane. Petit inventaire des souhaits émis par les porteursde cette belle ambition.

Et si, demain, francophonie rimaitavec humanisme ? Et si le partagede la langue française contribuaità l’instauration universelle d’uneréelle démocratie ? Et si, un jour,la langue française appartenaitréellement à celles et ceux qui laparlent ?

Et si, grâce au partage de la lan-gue, un dialogue constructif serenforçait entre cultures et civili-sations ? Et si le recours à unelangue commune rapprochaitauthentiquement les peuples etrenforçait leurs solidarités ?

Djibril Goudiaby :

“Je suis de ceux qui voyagent dans les rêves…”Comédien de la compagnieBou Saana, basée àZiguinchor (Sénégal), DjibrilGoudiaby est un habitué duForum international desCaravanes francophones.Déjà en 2006, il avait fait sen-sation sur le plateau de laCroix-Rousse, à Lyon, enentonnant sur la place duMarché, un dimanche matin,des chants de son pays. On l’arevu en 2009, à Aoste, don-nant quelques extraits duspectacle en solo qu’il a pré-senté au Festival d’Avignon,Le Destin du clandestin. Lacompagnie Bou Saana, aveclaquelle il se produit, a éga-lement beaucoup tourné enFrance et en Italie, avecnotamment une formidableadaptation de Allah n’est pasobligé, le roman du grandécrivain ivoirien Ahmadou

Kourouma, décédé à Lyon en2003. Militant de la franco-phonie, il rêve, dans le sketchqu’il a composé pour le spec-tacle La Caravane en piste !(cf. p. 10-11), d’un État fran-cophone à l’échelle mon-diale, avec un gouvernementunique composé de ministresvenus de différents pays…

“Je crois que cette caravanene défend pas la langue fran-çaise en tant que telle, maisplutôt ce qu’elle permet, l’es-pace francophone internatio-nal. Dans mon sketch, je parled’État francophone. C’est uneutopie, mais je suis de ceuxqui voyagent dans les rêves.Je parle aussi d’un Blanc quia obtenu un ministère auSénégal. Si l’on prend juste laforme, c’est beau. Bien sûr,sur le fond, c’est discutable,

mais c’est cette idée d’univer-salité initiée par Senghor,lorsqu’il disait, par exemple :‘J’ai enseigné le français auxpetits Blancs’, à laquelle ilfaut continuer à croire. Car jecrois vraiment que la franco-phonie telle qu’elle devraitêtre est une sorte de sang

nouveau qui coule dans nosveines et que, dans ce nouvelespace francophone, il n’yaura ni Blanc, ni Noir, niaucune différence stigmati-sante. Chaque personneappartenant à cet espace seraconsidérée comme un ami,un frère”.

Et si l’Organisation internationalede la Francophonie soutenaitvraiment les projets qui sont enphase avec ses objectifs et sesambitions ?

Avec de tels “si”, c’est sans doutetoute la francophonie que l’onmettrait en bouteille… Cela n’em-pêche pas les responsables desCaravanes :

- d’affirmer haut et fort le rôlemajeur de la médiation artistiqueet culturelle dans le processusd’appropriation d’une langue ;

- d’attester la capacité de la lan-gue française à créer les condi-tions d’un projet commun à plu-sieurs pays relevant de culturesdifférentes ;

- de revendiquer le rôle de la lan-gue française comme vecteurd’échanges et de rencontres,comme révélateur de la diversitédes cultures et des langues,comme accélérateur de la diffu-sion des valeurs humanistes.

“Une ambition d’une francophonie proche des gens,

une francophonie des peuples, une francophonie de proximité,

qui ne s’enfermerait pas dans des carcans institutionnels,

mais qui irait au-devant de chacun,

précisément dans ce qu’il a de singulier”

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www.caravanedesdixmots.com

partage de la langue

dialogue des cultures

tout le monde en parle

la caravane le fait !