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    I S B N : 2 - 8 4 5 9 7 - 1 1 4 - 1I S S N : 1 6 3 3 - 5 9 7 XNumro dixmai 200418,30 e

    C O N T R e T e M P

    Chic o de Olive i ra

    H a roldo Dilla Alfonso

    Nalu Farias

    F rank Gaudichaud

    Pablo Gonzales Casanova

    Adolfo Gilly

    Janette Habel

    Ernesto Herre ra

    Claudio Katz

    Eustache Kouvlakis

    Joao Machado

    B raulio Moro

    S e rgio Rodriguez Lezcano

    P i e r re Salama

    Charles-Andr Udry

    Raul Zibechi

    LAmrique latine re b e l l eC o n t re lord re imprial

    7 LAm riq ue lat ine re b e l l e . C o n t re lor d re imp ria leJanette Habel Le volcan latino-amricain

    1 1 I . D A NS L E S G R I F F E S DE L E M P I R E

    1 2 Chico de Olive i ra LAmrique latinedans la tourmente librale

    2 5 Claudio Katz Au-del du nolibralisme3 7 P i e r re Sa lam a La tendance la stagnation revisite5 8 Ernesto Herre ra et Charles-Andr Udry Crise continentale

    et alternative radicale7 5 B raulio Moro Les intrts europens en Amrique latine

    8 7 I I . M U T A T I O N S E T T U M U L T E S

    8 8 Joao Machado Brsil, un an et demi de gouvernement Lula

    1 0 3 Aldolfo Gilly Bolivie une rvolution duX X Ie

    s i c l e?1 1 2 H a roldo Dilla Alfons o O va la socit cubaine? Acteurslarvs, thtres incertains et scnarios cryptiques

    1 2 7 Janette Habel Sur les procs La H a v a n e1 3 0 Raul Zibechi Rsistances populaires aux privatisations1 3 9 Nalu Farias La longue marche des femmes latino-amricaines

    14 3 R P L I Q U E S E T C O N T R O V E R S E S

    1 4 4 S e rgio Rodrigu ez Lezc ano P e r s o n n e et le Cyclope1 5 8 Pablo Gonzalez Casanova Les E s c a r g o t s zapatistes1 6 6 F rank Gaudichaud Retour sur les leons chiliennes1 7 9 Eustache Kouvlakis Critique de la citoyennet (2),

    Marx et La Question juive

    xHSMIOFy971141z

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    C O N T R e Te M P Snumro dix,mai 2004

    LAmrique latine re b e l l eC o n t re lord re imprial

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    CO N T R eT e MPnumro dix, mai 2004

    LAmrique latine re b e l l eC o n t re lord re imprial

    CONTRETEMPS

    numro un, mai 2001Le retour de la critique sociale Marx et les nouvelles sociologies

    numro deux,septembre 2001Seattle, Porto Alegre, Gnes Mondialisation capitaliste et dominations impriales

    numro trois, fvrier 2002Logiques de guerre Dossier: mancipation sociale et dmocratie

    numro quatre, mai 2002Critique de lcologie politique D o s s i e r : Pierre Bourdieu, le sociologue et lengag e m e n t

    numro cinq,septembre 2002Proprits et pouvoirs Dossier: Le 11 septembre, un an aprs

    numro six, fvrier 2003Changer le monde sans prendre le pouvoir? Nouveaux libertaires, nouveaux communistes

    numro sept, mai 2003Genre, classes, ethnies: identits, diffrences, galits

    numro huit, septembre 2003Nouveaux monstres et vieux dmons: Dconstruire lextrme droite

    numro neuf, fvrier 2004Lautre Europe : pour une refondation sociale et dmocratiquenumro dix, mai 2004LAmrique latine rebelle. Contre lordre imprial

    Les ditions Textuel, 200448, rue Vivienne

    75002 Paris

    ISBN: 2-84597-114-1ISSN: 1633-597XDpt lgal : mai 2004

    O u v r age publ i avec le

    du Centre national

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    C ON T R e Te M P Snumro dix,mai 2004

    7 LAm riqu e lat ine re b e l l e . C o n t re lo rd re imp ria leJanette Habel Le volcan latino-amricain

    1 1 I . D A NS LE S G R I F F E S D E L E M P I R E

    1 2 Chico de O live i ra LAmrique latine dans la tourmente li2 5 Claudio Katz Au-del du nolibralisme3 7 P i e r re Sa lam a La tendance la stagnation revisite5 8 Ernesto Herre ra et Charles-Andr Udry Crise continentale

    et alternative radicale7 5 B raulio Moro Les intrts europens en Amrique lati

    8 7 I I. M U T A T I O N S E T T U M U L T E S

    8 8 Joao Machado Brsil, un an et demi de gouvernement 1 0 3 Aldolfo Gilly Bolivie une rvolution du X X Ie s i c l e?1 1 2 H a roldo Dilla Alfons o O va la socit cubaine? Acteur

    larvs, thtres incertains et scnarios cryptiqu1 2 7 Janette Habel Sur les procs La H a v a n e

    1 3 0 Raul Zibechi Rsistances populaires aux privatisatio1 3 9 Nalu Farias La longue marche des femmes latino-amri

    1 4 3 R P L I Q U E S ET C O N T R O V E R S E S1 4 4 S e rgio Rodrigue z Le zcano P e r s o n n e et le Cyclope1 5 8 Pablo Gonzalez Casanova Les E s c a r g o t s zapatistes1 6 6 F rank Gaudicha ud Retour sur les leons chiliennes1 7 9 Eustache Kouvlakis Critique de la citoyennet (2),

    Marx et La Question juive

    C O N T Re T eM P S numro

    CONTRETEMPS

    Directeur de publication:Daniel Bensad

    Comit de rdaction:Gilbert Achcar; Christophe Aguiton; Antoine Artous; Daniel Bensad ; Sophie Broud;Sbastien Budgen; Sbastien Chauvin; Karine Clment; Philippe Corcuff; Lon Crmieux;Jacques Fortin; Janette Habel; Michel Husson; Bruno Jetin; Samuel Johsua; Razmig Keucheyan;Thierry Labica; Ivan Lematre; Claire Le Strat; Michal Lwy; Lilian Mathieu; Braulio Moro;

    Sylvain Pattieu; Willy Pelletier; Philippe Pignarre; Isabelle Richet; Michel Rovre;Catherine Samary; Patrick Simon; Francis Sitel; Josette Trat; Enzo Traverso; Emmanuel Valat.

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    L A m r i que r e b e l l e . C o n t r e l o r d r e i m p r i a l

    Janette Habel

    S o c i o l o g u e luni versi t de Paris XIII.

    Le volcan latino-amricain

    La situation du continent latino-amricain est marque par lampleur des mob

    sociales, par la crise de la dmocratie re p r s e n t a t i ve , par limpassgique (le manque dalternative et de perspective crdible de transfosocio-politique), par loffensive conomique politique et militaire de WasLanne 2004 constitue un tournant important pour les ngociations ciales et l intgration rgionale sur le continent. L ALCA (la Zone change des Amriques) fait lobjet de ngociations difficiles, notammle Brsil. Mme si lchance (prvue pour 2005) de la signature du Traitpas respecte, le projet impuls par Washington pro g resse et plusieursc o m m e rciaux bilatraux (avec le Chili et le Mexique) ou rgionaux (le CAmrique centrale) ont t signs. Dautres gouvernement la ColoRpublique dominicaine, l quateur ont pris langue avec le gouve rn o rd-amricain pour ngocier des traits bilatraux de libre - c h a n g e .Le climat social est cependant de plus en plus tendu. Certains tats (de faillis ) connaissent aujourdhui une vritable implosion, cotmoigne leffondrement dHati. Des forces sociales nouvelles merpauvres, les nouveaux pauvres , et ceux menacs de le devenir (lAcompte 50 % de pauvres). La migration massive vers les villes dchitivement les solidarits villageoises et de proximit. Mais les socitamricaines, marques par des profondes disparits sociales sont ausdmergence de nouveaux mouvements contestataires.Les rvoltes populaires et les mouvements insurrectionnels des derniresont la consquence des transformations imposes par la restructura tructuration nolibrale des annes 1980-1990. Les recettes o rt h o d oxeses par le FMI privatisation des entreprises publiques, drgulation dremise en cause des droits sociaux, paiement des intrts de la dette une rsistance de plus en plus massive. Pa rtout, des manifestants sopppillage des re s s o u rces naturelles, leur privatisation, la baisse dras

    niveau de vie. Cest le cas notamment en Bolivie o la population sest deux reprises dans la lutte pour la dfense des biens publics et en lc o n t rel a privatisation de leau dans la rgion de Cochabamba, entraaugmentation des tarifs de 400 %! En septembre-octobre 2003, un moi n s u r rectionnel est parvenu chasser le prsident Sanchez de Losada2.

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    le prsident fantoche Pedro Carmona, Chavez fut ramen au poune formidable mobilisation populaire4. Lopposition na pas renonautant resserrer le nud coulant dmocratique autour dun Pdmocratiquement lu et fomenter le chaos pour justifier un coup dAu Salvador (dont des troupes participent loccupation de lIrresponsables tatsuniens nont pas hsit intervenir dans la campasidentielle. Otto Reich, reprsentant de la Maison Blanche pour lAlatine et Roger Noriega sous-secrtaire dtat, ont mis en ga

    Salvadoriens contre une ventuelle victoire du FMLN et soutenu de fadidat de lAlliance rpublicaine nationaliste (ARENA), un parti dont teur Roberto dAubuisson, instigateur de lassassinat de larchevquSalvador Mgr Romero, ft qualifi dassassin psychopathe par ladeur amricain de lpoque.

    Une impasse politique et stratgiquePlus le mouvement social prend conscience des relations entre le pouvfinance, le chmage, le dmantlement des protections sociales et despublics, la prise du continent dans les griffes des multinationales, la prition et le pillage des re s s o u rces naturelles, et plus le dbat devient stra t et touche au fond des problmes. En dpit de la perte de lgitimit vernements, la capacit donner des solutions politiques la crise eve par lhtrognit de la conscience et la diversit des exprienceset politiques. L l a b o ration dune perspective stratgique est galemdue plus difficile par la complexit de la conjoncture internationale nale, dautant que les traditions c a u d i l l i s t e s latino-amricainpersonnalisation du pouvoir ne favorisen t pas les ra p p rochements ncDe surcrot, les espoirs ns de certaines expriences ont vite t dBrsil pouvait reprsenter une alternative grce sa taille et la prforces politiques et syndicales organises tels que le PT, la CUT, le Moublier lappui dun secteur progressiste de lglise. Un an et demi bilan ne rpond pas aux attentes6. Pour le juriste Fabio Konder, banquiers et le peuple, le gouvernement Lula a choisi les banquiersLexprience Zapatiste est loppos. Aprs un silence prolong, lement Zapatiste a annonc la formation de Juntes de Bon Gouvernla construction de rseaux de municipalits autonomes rebelles

    peuples indignes, une nouvelle exprience du pouvoir (du contre-afin dorganiser la rsistance de ceux qui luttent pour la dmolibert, et la justice pour tous 7.Auteur du livre Changer le monde sans prendre le pouvoir, lconomHolloway a traduit sa manire limpasse dans laquelle sont plongs

    C O N T Re T eM P S numro

    Les changements introduits dans les campagnes par le modle agra i re nolib-ral expliquent lessor des mouvements indignes et paysans. Au Mexique, lesZapatistes continuent re vendiquer lautonomie et la dignit pour les commu-nauts indiennes. En quateur, le mouvement indien Pachacutik et la CO NA IE ,qui furent l ava n t - g a rde des manifestations populaires, ont quitt le gouve r-nement du Prsident Lucio Gutierrez en raison de son orientation nolibra l e .Paralllement les convergences entre les luttes de travailleurs salaris du sec-teur public, du secteur priv et des chmeurs se sont approfondies. En

    Argentine, les luttes des sans emploi se poursuivent malgr les tentatives dercupration des Piqueteros par le gouvernement Kirchner. La Rpubliquedominicaine a connu en janvier 2004 deux jours de grve gnrale massive-ment suivie. Depuis la privatisation du patrimoine public, ltat a doubl endeux ans la dette externe du pays. Au Salvador, neuf mois de mobilisationscontre la privatisation de la sant ont rassembl dans un mme combat lesmdecins, les personnels hospitaliers et la population.Les formes de lutte se sont radicalises (affrontements avec la police, occupa-tions dusines ou ddifices publics, blocage de routes); la mise en place decoordinations plus larges que les mouvements sectoriels sinscrit dans uneperspective nettement anti-gouvernementale. Le retour de la dmocratie, tantvante aprs la chute des dictatures, a du. En Hati, dix ans aprs avoir res-taur la dmocratie , les Marines sont de retour Port-au-Prince avec lac-cord de lONU et lappui de 800 soldats franais. En effet, des forces de lagendarmerie nationale franaise sont particulirement prpares faire faceaux dsordres et aux meutes que connat Hati 3.Le mpris envers des classes dirigeantes corrompues, incapables de mettre enuvre des politiques publiques de dveloppement et de rpartition exiges pardes populations en voie de pauprisation acclre, est croissant. Les lites for-mes Harvard, qui clbraient hier les bienfaits du Consensus de Washington etdu libre-change, sont discrdites. En quelques annes, 5 prsidents ont tre n verss par des mobilisations populaire s: de la Rua en Argentine, Sanchez deLozada en Bolivie, Abdulah Bucaram et Djamil Mahuad en quateur, sans oublierle pruvien Fujimori en fuite au Japon. Dautres ex-prsidents, tels Menem enArgentine, Salinas De Gortari au Mexique, ou Mateo Aleman au Nicaragua sontpoursuivis pour de graves dlits de corruption lis au narco-trafic.Au Venezuela en revanche, cest un Prsident dmocratiquement lu, soutenu

    par les classes populaires, qui est menac au nom de la dfense de la dmo-cratie. Certains rclamaient l'organisation d'un rfrendum. Et bien, ils l'onteu. Et ils l'ont perdu dclarait Hugo Chvez lors de la confrence de pressequi suivit son retour Miraflores le palais prsidentiel aprs lchec ducoup d'tat du 11 avril 2002. Alors que les tats-Unis avaient reconnu de facto

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    1 Central America Free Trade Area.

    2 Voir dans ce numro deContreTempslarticle dAdolfo Gilly.3 IHT27 et 27mars 2004 Kimberly Zisk

    Marten Getting it right in Haitithis time around .

    4 Lire Chavez sauv par le peuple,Le Monde diplomatique, mai2002.

    5 Le Monde diplomatique, avril2004.

    6 Voir dans ce numro deContreTempslarticle de Joao Machado.7 Voir dans ce numro deContreTemps

    les articles de Pablo Gonzals Casanovaet de Sergio Rodriguez Lazcano.

    1 0 C O N T Re T eM P S numro d

    Dans les griffde lemp

    Dossier coorpar Daniel Bensad et Braulio

    vements et les associations populaires. La bureaucratisation et la corruptiondes partis et des syndicats, lchec des rvolutions, les dfaites et les dcep-tions du XXe sicle nourrissent en effet des thorisations abstraites qui ren-contrent un cho certain sur le continent. Cest en Argentine que la dfianceenvers les forces politiques organises a sans doute pris la forme la plusaigu. Le soulvement populaire a cri: Que se vayan todos! (Quils senaillent tous!). Mais ce re jet sans alternative des politiciens et de la politiqueinstitutionnelle a aussi permis quils reviennent tous par les urnes.

    Enfin Cuba est encore un symbole de rsistance limprialisme sur le conti-nent. Mais le castrisme nest plus un projet politique alternatif crdible.Dans ce contexte dinstabilit sociale et politique, la stratgie amricainepoursuit plusieurs objectifs: lavance des ngociations de lALCA, sa prioritconomique et commerciale, et la consolidation de son hgmonie politiqueet militaire. Divisant pour mieux rgner, Washington cherche dans les ngo-ciations commerciales en cours isoler et affaiblir tous ceux qui rsistentpeu ou prou ses prtentions impriales, notamment le Venezuela et leMercosur. LALCA est en effet bien plus quun simple trait de libre-change.La problmatique de lintgration continentale est envisage non seulementsous langle conomique, mais aussi juridique, institutionnel et politique. Onassiste ainsi un remodelage institutionnel autour de lOrganisation des tatsAmricains (OEA), avec la Charte Dmocratique lgitimant un droit ding-rence dont les prmisses sont dj luvre Caracas ou Port-au-Prince.Enfin la redfinition de la scurit hmisphrique prend prtexte de la cro i s a d ec o n t rele terrorisme pour justifier la criminalisation des dirigeants sociaux etpolitiques, le recours croissant ltat dexception, le harclement policier dest ra vailleurs en grve, les perquisitions domiciliaires. Linfluence militaire tat-sunienne se re n f o rce, avec la ralisation dexe rcices militaires conjoints entrearmes latino-amricaines et nord-amricaines, en Argentine dabord, puis auPa raguay en juin 2 0 03, sans oublier la prsence de conseil lers militai res enColombie. Cest ce qui explique les pressions exe rces par Washington pourg a rantir limmunit juridique ses soldats. Entre la doctrine de la souve ra i n e t limite et la guerre prve n t i ve, les risques encourus par le continent re n d e n tplus ncessaire que jamais la globalisation des rsistances.

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    avait pas lpope de sa dignit et les immenses sacrifices de son peuGaleano, nos veines resteront ouvertes, peut-tre beaucoup plus qpass dans lequel senracine cette mtaphore. La mondialisation sforme en une puissante succion, au travers de laquelle le travail des hde lAmrique latine scoule vers lextrieur.D e r r i rele diagnostic gnral se cachent des spcificits. On peut mela transformation trs rapide du Mexique comme principal export a t e vers les tats-Unis cela dans le cadre du Trait de libre comm

    lAmrique du Nord, ALENA, sign en janvier 1994 entre le Canada, lUnis et le Mexique; c e qui na pas libr ce pays du poids de sa dette exet de sa dclaration de dfaut au dbut des an nes 1990. De cette expna nullement rsult la rsolution de lingalit sociale au sein du peut faire rfrence lchec fracassant et lincroyable involl A rgentine, autrefois, dans les dbuts du XXe sicle, la cinquime coplus importante du monde. Le Chili a connu un dveloppement moins partir de la dictature de Pinochet. Mais, lheure de solder les comt ra vailleurs doivent avaler l a potion amre de la scurit sociale priva De toute faon, lisolement chilien par ra p p o rt lAmrique latine fait dce pays presque exclusivement du march nord-amricain. Et, de faia recul en termes de division sociale du travail. Il est retourn la cdune conomie de production de biens primaires, exportatrice, sapde plus, sur le bon et vieux cuivre toujours tatisLes conomies uruguayenne et para g u a yenne souffrent directemer g ression de lconomie argentine et de la politique nolibrale en B r s i l ; le Merco sur (marc h commun runissant le Brsi l, lArl U r u g u a y, le Pa ra g u a y ; le Chil i s y est associ depuis 1996 et la Bolivi1997), dans cette situation, na pas pu insuffler ces deux pays un dynLa Colombie sest transforme en une tragdie. Elle est en train de denon-tat et une non-nation. L q u a t e u r, le Prou et la Bolivie ont sospasmes si violents que mme la science sociale la plus prcautionner i s q u e rait pas faire un pro n o s t i c : on peut passer, quasi sans mdiaSe n d e roLumin oso Fujimori, et de ce dernier To l e d o ; dexprimenla Thatcher en Bolivie, entre autres avec Gonzalo Sanchez de Lozad1993, puis nouveau en aot 2002, avant dtre contraint la dm17 o c t o b re 2003) Evo Morales (dirigeant du Mouvement pour l e so

    MAS qui a runi 30 % des voix aux dernires lections); de la dollimpose au forceps, au rcent soulvement indigne anticapitaliste.Le Venezuela a connu la corruption la plus diffuse sous la direction dplus social-dmocrate quait connu le continent (lAction dmocraCarlos Andres Perez, lu la prsidence en 1989 et suspendu en 19

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    D a n s l e s g r i f f e s d e l e m p i r e

    Chico de Olive i ra

    Sociologue brsilien.

    LAmrique latinedans la tourmente librale

    Ce texte de Francisco Oliveira est issu dune confrence rcente du presti-gieux sociolog ue brsili en. Il tente de saisir les nouvelles configura tionssociales en Amrique latine, suite lacclration de l a pauprisation et desdstructurations sociales provoques par lexternalisation des conomies

    sous les contraintes de la mondial isation du capital.

    Ma source dinspiration est vidente: il sagit du livre classique dEduardo Galeano Le sVeines ouve rtes de lAmrique latine (1). Ces veines ouve rtes peuve n t - e l l e s t re transformes en voies ouve rtes pour se libre r, pour rduire les ingalitsinternes lAmrique latine, pour renouer avec le dveloppement conomique,pour occuper une nouvelle place dans le monde contemporain. Va-t-il sep ro d u i reune transformation dialectique des veines ouve rt e s en voieso u ve rt e s ou continuerons-nous lire Borges comme le matre de nos mira g e s ,et le titre de Galeano continuera-t-il avoir toute sa vigueur?Il est inutile de rpter de manire inconsistante ce que lon peut tro u ve r, sousune forme originale et suffisante, dans les ra p p o rts de la Cepal (Commissionconomique pour lAmrique latine) : les deux dernires dcennies furent mar-ques par la stagnation, la rgression ou, au mieux, dans quelques cas, unec roissance mdiocre. LAmrique latine fut a s s e rvie par le nolibra l i s m e ,quand bien mme cet nonc est quelque peu mystificateur pour ce qui a tra i t la dernire priode du sicle pass et celle qui continue aujourd h u i .LAmrique latine est la rgion o rgne la plus grande ingalit, encore plusg rande quen Afrique. Lingalit a augment dans nos socits entre le dbutdes an nes 1990 et les pre m i res annes du XXIe sicle. Le Mexique et le Brsil,sur ce terrain, nont pas connu de changements. En ce qui concerne des soci-ts qui, par le pass, taient plus galitaires, comme lArgentine ou lUruguay,

    ces dernires furent projetes vers une i n g a l i t a r i s a t i o n ra d i c a l e .Lexception cette ralit est Cuba, dont le progrs mutil sans cesse par lim-prialisme nord-amricain na pas pu tre men bien dans lensemble ducontinent latino-amricain dvast par la stagnation. Cuba doit faire face aurisque du socialisme dans un seul pays , qui serait un anachronisme sil ny

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    insrer dfinitivement les conomies de lAmrique latine dans la fisation du capital, lequel diminuait de faon extrme le pouvoir de ltnal dans la nouvelle vague de dmocratisation.La rponse des forces politiques qui ont assum le pouvoir tatiquepriode post-dictature consista acclrer le rythme pour mener bivail de financiarisation, essayant dinsrer les diffrents pays, au trdiverses formules, dans la trappe dune mondialisation suppose ristique homognisante (qui rapprocherait long terme la situa

    socits lchelle mondiale). Ainsi, ont disparu les barrires protectdouanires au nom du libre commerce; ainsi, ont t privatises deprises tatiques qui furent les piliers de lindustrialisation (dans dcomme lArgentine, le Mexique, le Brsil, lUruguay) depuis les annainsi furent drglements, sous diverses formes, les marchs du trstructuraient un tat de bien-tre trs prcaire. Quelques pays onloin. Le Mexique, par le biais de son intgration lAlca, a perdu sa de pratiquer une quelconque politique conomique propre; lArgentiprivatis et mis en place une dollarisation qui aboutit liminer toutestections non douanires annulant la fonction dun fragile Mercosuarrive au point dinscrire dans sa Constitution la parit entre le peso lar, enlevant par consquent aux lecteurs la capacit de gouverner. Daprs Menem, poussa au paroxysme cette dstatisation de la monnLe Brsil, au cours des deux mandats de quatre ans de Fernando C a rdoso (de 1995 2002), a privatis tout le puissant complexe industique, lexception de Pe t ro b ras, au moyen dune cession de la proprb o u l e vers les structures de pouvoir et les relations entre les classes, celles quelles entretenaient avec la politique. Restait ds lors un impp a rc indust riel priv, min par l ouve rt u recommerciale indiscrimine eo u ve rt u re identique aux investissemen ts. Il serait trop long, fastisuperflu, face au formidable ensemble de donnes, danalyses et dintions de la Cepal, de re c o n s t r u i re l es pr incipaux dsastres qui sexprt ra vers des indicateurs conomiques les plus coura n t s .Cette implosion des relations de classes a des consquences au ptique. Les tensions sociales se sont radicalises un niveau imprvimplosion exigeait une avance politique dune telle ampleur quil nrecommand dattendre. Les hauts niveaux de chmage et de travail

    rampant dplacrent du centre de gravit politique auquel elles tavenues les catgories sociales organises dans le travail formel. LleLuiz Inacio Lula da Silva (en octobre 2002) la prsidence de la Rbrsilienne na pas abouti une monte du pouvoir syndical comme apouvoir politique du PT. Sa signification est diffrente. Le chmage et

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    m a l versations, emprisonn quelques mois). Il fait face, aujourdhui, demanire quasi quotidienne, aux tentatives de dstabiliser la rvolution boliva-rienne dont le leader est Hugo Chavez, dstabilisation qui a t jusqu unetentative de coup dtat contre la prsidence de la Rpublique, mene direc-tement par le prsident de lassociation du patronat. Cette situation exprimele fait que, de manire frquente, la bourgeoisie se passe des institutions poli-tiques et de ses ex-reprsentants intermdiaires.

    Le miracle de la dmocratisation Depuis la crise des dictatures, fin des annes 1980, un souffle de libert a par-couru lAmrique latine. Dans toutes les parties du continent, on a assist une relance de la politique sous limpulsion dune union des mouvementssociaux, en ascension; dun syndicalisme rnov (ce fut le cas au Brsil); dumaintien de la crise de la dette extrieure; de la cration de nouveaux partisde masse ayant une composante de travailleurs, comme lillustre lexemple duPT (Parti des travailleurs) au Brsil ou du MAS en Bolivie ; de la rconciliationentre des forces dmocrates-chrtiennes et social-dmocrates au Chili; durejet populaire de la corruption dun Carlos Andres Perez au Venezuela etdune identification massive avec lidologie bolivarienne (dindpendance etde justice sociale) ; de la fin du bain de sang au Guatemala. Tout cela a aboutiau miracle de la dmocratisation de lAmrique latine. Et, avec lui, sestaffirm lespoir de faire disparatre les expriences nolibrales socialementquasi gnocidaires. Pour la premire fois dans lhistoire latino-amricaine,dans aucun de ses trente-cinq pays ntait en place un rgime dictatorial. Ilsemblait que le mlange grotesque de dictature, de chefs, de tyrans la plu-part du temps brutalement sanguinaires et de quelques rgimes dmocra-tiques avait laiss la place laffirmation de la dmocratie.Quelque chose de compltement imprvu sest produit. Peut-tre avions-noussous-estim le sale travail des dictatures et les destructions ayant min lastructure sociale, ayant stimul les ingalits, ayant atteint la capacit destats de rguler les conflits et ayant frapp lidentit entre projet national pourles classes dominantes et projet national pour les classes domines, ayantabouti une dterritorialisation de la politique qui transforme nos tats natio-naux en un anachronisme. Une sor te de situation schizophrnique stait pro-duite. Les bourgeoisies avaient renonc un projet national (projet de relative

    indpendance politique proclame face limprialisme) et, de cettemanire, lespace politique se transformait en passant dune apparente lib-ration un confinement pour les classes domines. En effet, la mondialisationdu capital a absorb la vague de dmocratisation de la fin des annes 1980et 1990 avec toute une srie de consquences. Les dictatures avaient russi

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    pue des vieilles classes dominantes pruviennes. Le prsident Toarriv avec dans ses bagages ses tudes Harvard et il connat djcessus de perte de crdibilit qui rend son doctorat sans efficacit.

    tats nationaux et tat dexception La politique institutionnelle tourne en rond dans la mesure o les coet les limites imposes par la mondialisation du capital rendent insuperflues les institutions dmocratiques et rpublicaines. Les banq

    trales sont la vritable autorit nationale et ce ne sont pas des insdmocratiques. Selon la thorie de Carl Schmitt, est souverain celui qde ltat dexception . Et qui en dcide entre nous ? Les tats natitransforment, effectivement, en tat dexception : toutes les ppubliques sont des politiques dexception. On a presque dollArgentine pour ceux qui possdaient des dollars et des titres libellslars; on a dollaris en quateur avec le mme objectif. Au Brsil, ontenu une monnaie survalue pour attirer des capitaux spculanouveau, le rosaire serait interminable grener; toutefois, il est imde signaler que, grce ce rosaire, les tats nationaux et leur politiquetransforms en tats dexception et cela dans un double sens. Tout daexistent pour protger les intrts de la finance de march. Ensuite, tiennent le gros des populations dans un tat dindigence, dexceptien rendant fonctionnelle la pauvret, qui est la pire des exceptions.

    La politique institutionnelle a attir les forces populaires les plus tratrices vers ce qui se structure comme un pige. En effet, ce sont ces nof o rces populaires qui sont arrives finalement au seuil du pouvoir et sonues les excutrices de lexc e p t i o n: des excdents budgtaires dcidstement avec le FMI (allusion laccord du gouvernement Lula qui a e xcdent primaire, donc avant paiement des intrts de la det te, de 4PIB ); une acclration de lintgration lALCA (Zone de libre-chaAmriques, pi lote par les tats-Unis) ; une soumission lOM C; une co un non-contrle des changes et aux libres changes commerc i a u x .LAmrique latine a oubli la leon de lasymtrie du rapport de forcecentre et la priphrie. Les bourgeoisies nationales, dans cette confide forces, se sont compltement subordonnes aux impratifs de la msation, renonant la politique. Elles prfrent mettre leur confiance

    dispositifs voqus par Michel Foucault: dans les procdures limitedes institutions, dans ces automatismes qui annulent la politique.Le cas brsilien lillustre satit. Comme le gouvernement Lula, quitait dtre un gouvernement de transformation, a pass tous les compny a pas dopposition politique, mme pas dopposition dun quelcon

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    informel dans un pays comme le Brsil concernent environ 60 % de la popula-tion active en Argentine, ce pourcentage est encore plus haut et ont crune nouvelle classe que le lexique politique de la gauche et de la sciencesociale est incapable de qualifier: ce ne sont pas des travailleurs infor-mels , ce sont des chmeurs, mais pas des chmeurs sans emploi; ce ne sontpas des masses marginales , cest un lumpensinat(par analogie prolta-riat ou paupriatat), sans reprendre la connotation si dprciative quavaitce terme lorsquil tait utilis par Adolphe Thiers.

    Pourquoi donc cette dnomination, mme si elle est provisoire, est-elle impor-tante? Parce que cest dans la politique que cette couche peut devenir lumpenou, plus exactement, cest dans lantipolitique que cela peut se produire.Autrement dit, virtuellement, sont cres les conditions dun populisme decaractre nofasciste, pour la premire fois dans lhistoire de lAmriquelatine; puisque linterprtation du populisme au dbut de lindustrialisation(en Amrique latine) fut souvent une erreur sociologique et politique.Cette puissante dstructuration sociale a suscit une implosion dans les rap-ports de reprsentation politique. Qui reprsentent donc aujourdhui les par-tis politiques issus des anciennes structures sociales?Le justicialisme argentin (le pronisme) est divis entre de puissantes frac-tions bureaucratiques et, y compris, de type maffieux. Qui reprsente-t-il? Les

    p i q u e t e ro s (les chmeurs org a n i s s )? Demandez-leur ! Le Pa rti des tra-vailleurs au Brsil reprsente-t-il les 60 % du total des informels , au

    Brsil? Les partis politiques traditionnels de Colombie reprsentent-ils les for-ces en conflit depuis plus de trente ans (allusion laffrontement militairecontinu qui marque la vie colombienne depuis la fin des annes 1940), unesituation qui sest aggrave avec lentre en scne des paramilitaires? EvoMorales du MAS, le nouvel homme des cocaleros (paysans pauvres cultivantla coca), reprsente une nouveaut effective, parce que les partis boliviens,depuis longtemps, ont perdu leur insertion populaire. Le MNR (Mouvementnationaliste rvolutionnaire parti qui sest trouv la tte de la rvolution de1952, qui aboutit la nationalisation des mines et diverses rformes den-vergure) sest converti en une oligarchie depuis fort longtemps. Le prsidentrenvers Sanchez de Lozada tait membre du MNR, comme lest le nouveau,Carlos Mesa Gisbert. Le mouvement indigne dquateur (trs actif depuis1994 et reprsent entre autres par la Confdration de nationalits indignes

    dquateur Conaie ) est aussi une nouveaut et sinscrit dans le mme filonque le processus en cours en Bolivie. Au Prou, Fujimori reprsenta une rac-tion librale une situation danarchie; mais les fortes structures oligar-chiques du pays, qui disposent dun immense appareil de cooptation, lontrapidement intgr et transform en principal symbole de limpunit corrom-

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    sur une fraction de la population, selon les prceptes dveloppBanque mondiale et des agences de lOnu), alors que les politiquesmulaient une redistribution plus grande de la richesse au cours de ldu capitalisme des pays du centre, cest--dire les politiques dites desociale, sont annihiles dans les pays de la priphrie par les privatisles rformes, vritable escroquerie smantique.Comme les forces organises des tra vailleurs ont t fortement rodp e rdu leur capacit de proposer des politiques alternatives et de les m u v re ou dempcher les contre-rformes, les tats nationaux en Alatine frisent ce que la littra t u repolitique caractrisait, dans le passdu populisme. Mais cette caractrisation est errone. Cela dans la medans le pass, le populisme signifiait linclusion par la voie passm a n i re autor itaire des classes laborieuses dans la poli tique. Alors qupopulisme (acceptons la formule) re c o u v reune excl usion des tra vaillepolitique et leur transformation en objets de mesures compensatoirc o n t rela pauvret). La masse marg i n a l e sest transforme, par le politiques qui rendent la pauvret fonctionnelle, en arme de rserve m(masse de chmeurs, chmeuses et hyper- p r c a i res fa isant pressionconditions de tra vail et de re p roduction de la force de tra vail), ncela gestion des processus les plus primitifs de mise au tra vail, pour obtiennent une place fonctionnelle dans laccumulation du capital. vidce nest pas la pauvret qui est lorigine de cette accumulation. Ces

    lution m o l c u l a i re - d i g i t a l e (la rvolution des biotechnologies et dmatique) dans les pays du centre qui fait de la pauvret un facteur fonde l accumulation du capital. Les conomies de lAmrique latine appara u j o u rdhui, la famil le des o r n i t h o ry n q u e s (Francisco de Ol i ve i rapublier sous ce titre un livre analysant la situation au Brsil ainsi que lformation sociologique du PT), une combinaison arrogante de hauts de consommation ostentatoire, daccumulation du capital place commandement de la rvolution m o l c u l a i re - d i g i t a l e , de pauvret de l u m p e s i n a t moderne asservi par le capital financier et dincapacitfico-technique tro u ver une concrtisation socio-conomique. L A rgenta donn lunique Prix Nobel dans une branche de la science, celle de lalogie-biologie-mdecine. Ce potentiel dort aujourdhui dans la Recoletier trs riche de Buenos Aire s ) ; cest l que gt ce qui pouvait tre une p

    de futur pour la nation.Pourquoi le dfi est-il plus grand aujourdhui que celui de la priode loppementisme qui trouvait dans la brave Cepal son principal porteTout dabord pour une raison stratgique fondamentale. Alors que la passe se caractrisait par un change ingal (Samir Amin) entre

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    teur conomique. On est donc face au paradoxe suivant: les forces quigagnent les lections luttent entre elles, alors que les classes dominantescontinuent mettre en uvre des conflits. La rforme agraire au Brsil en estun exemple. Le MST (Mouvement des paysans sans-terre) cherche ce que legouvernement rponde aux ncessaires installations de paysans (mise disposition de terres et appuis techniques). Le gouvernement sy refuse, peut-tre pas par manque de volont politique, mais cause du cadre budgtairedtermin par lexcdent primaire impos par le FMI. Et les mdias provoquenten exacerbant les lments du conflit entre le MST et le gouvernement Lula. Ilen dcoule un affaiblissement des deux et les positions contre la rformeagraire commencent se renforcer.Peut-on tre arriv au bout de lagenda nolibral? Y compris cela doit tremis en question, dautant plus si lon prend lexemple du gouvernement Lulaqui approfondit les rformes nolibrales. Mais si lon considrait mmeque lagenda nolibral avait t men bon port, la question qui se pose estplus complique: que faire pour soigner lusure organisationnelle profondedes classes laborieuses, pour restaurer le minimum de capacits rgulatricesdun tat totalement dvast? Comment relancer la croissance conomique silinvestissement tatique, qui fut dcisif pour lindustrialisation de lAmriquelatine, est trangl par le service pesant des dettes interne et externe? Etencore plus si cet tat se trouve sans moyens dagir cause des privatisa-tions? La confiance dans le march comme mcanisme efficace dallocation

    des ressources doit tre mise en question, avec plus de force encore quedurant les annes dores de la Cepal (les annes 1950 et 1960). Car la distri-bution des richesses sest dgrade et, ds lors, les investissements se dirigentseulement vers les secteurs qui rpondent aux demandes des classes dispo-sant de hauts revenus, redoublant la concentration perverse qui fut constateet dnonce par Celso Furtado.La croissance conomique, avec une redistribution de la richesse chaque foisplus ingalitairement concentre et sans tat comme instrument de rgulationdun projet de transformation, prend les traits dun bourreau excutant sespropres promesses.Ne pouvant agir sur le terrain des politiques de dveloppement, les tatsnationaux en Amrique latine ne peuvent plus quadministrer des politiquesde mise en action fonctionnelle de la pauvret pour le systme. Il sagit de

    politiques dexception, qui transforment ltat en un tat dexception. Les pro-fessionnels du marketing politique ont invent des termes comme la boursescolaire , la bourse alimentaire , le premier emploi . Faim zro estlexpression la plus prtentieuse de toutes. Elle met de plus en lumire lecaractre antiuniversel de ces politiques (le projet Faim zro se concentre

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    de la mondialisation qui soumet le pays, de la dnonciation de la dgde lenvironnement, du manque dthique en politique, de la forte dtion des structures du march du travail; et cela sappuyant sur unedclare de scurit sociale qui balaie lincapacit chronique de lcoproduire les emplois ncessaires, sur un combat contre le clientlisnpotisme des lites politiques traditionnelles, pour une distributirichesse qui permet de sortir le Brsil de cette position obscne faisala quatrime des socits parmi les plus ingalitaires de la plante caLe gouvernement de Lula contredit, en pratique, cette quasi-hgAu contraire, il accepte de refaire tout ce quil a combattu. Afin quetombions pas dans le registre dune simple dnonciation morale, qcontinue dtre ncessaire et continuera tre un lment de la polest urgent dapprofondir les causes structurelles de telles dviationsAu-del des particularits de nos pays, qui indiquent diverses voies ppour lAmrique latine, il y a un trait structurel qui, une fois de plusrelief une possible communaut de nations, de peuples, dethnies, de dans ce continent. Dans le pass, notre colonisation ibrique (opar lEspagne et le Po rtugal) a abouti la destruction de nos culturest o n e s ; puis il y a eu limprialisme anglais et, par la suite, nord - a Actuellement, la mondialisation du capital est un phnomne nouvconduit annihiler les classes sociales historiques qui ont constrp ro p re et prcaire histoire. Y compris cette histoire qui fit de nos class

    nantes, de faon vo l o n t a i re ou invo l o n t a i re, les agents de la dominadomination implacable dans la majeure partie des cas et brutale dans dLa mondialisation liquide tout cela. Cette mondialisation, dont le noma p p ropri est l a virtualit impriale des tats-Unis sexprime au tra verspuissantes tendances.La pre m i re rside dans la dnationalisation de la politique et la dans la dpolitisation de lconomie; ce qui en termes juridiques estdterritorialisation de la politique et judiciarisation de la marchandisp remier terme, il faut entendre la supra-territorialit des politiquec i res, montaires, budgtaires, de commerce e xtrieur, de patentes et de proprit intellectuelle. En dautres mots, il sagit dula Banque mondiale, de la Banque interamricaine de dveloppemel O rganisation mondiale du commerce. Cela signif ie que les politiqu

    nales sont soumises, rglementes, diriges, surveilles par les mtiques de la mondialisation.Cest la perte de lautonomie des tats nationaux. Les monnaies nasont une fiction. Les politiques budgtaires sont fixes de lextrien o n - respect des normes implique des pnalits. On tablit les dpen

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    teurs de matires premires (Amrique latine) et producteurs de biens manu-facturiers (le centre dynamique) situation qui pouvait tre contrecarre parlindustrialisation, option par excellence de la Cepal , la mondialisationactuelle est, avant tout, celle du systme financier. La plus importante contra-diction ne rside pas dans le fait que ce sont les transnationales elles-mmesqui sont prsentes dans le processus dindustrialisation de substitution dim-portations ce qui aggrave la dpendance financire et constitue lun de seslments structurants. Elle rside dans la monnaie mondialise, dans le dollaret leuro (dans une moindre mesure pour ce dernier) qui sont les lments quiconstituent les deux bouts de la boucle du fonctionnement des conomieslatino-amricaines de la priphrie. En dautres termes, ce qui finance lacti-vit productive latino-amricaine, cest la monnaie internationale et il ny apas dindustrialisation substitutive de la monnaie internationale. Dans cecas, le remde tue (allusion la volont dassurer le flux de devises en accro-chant une monnaie au dollar, en levant les taux dintrt, en libralisant,ect.). Lquation de la dpendance est plus complexe et sa solution aussi.

    Sortir de la contrainte imprialistetant donn les conditions rapidement nonces, les nouvelles revendicationssont plus radicales. Le renversement de Sanchez de Lozada par une puissanteunion du mouvement des cocaleros avec le mouvement indigniste et la cen-trale ouvrire bolivienne (COB) cest--dire presquune rptition de la rvo-

    lution de juin 1951 qui avait port au pouvoir Victor Paz Estenssoro du MNR,avec lappui des mineurs et des paysans , indique que la Bolivie traverse unesituation rvolutionnaire. Les forces et les mouvements qui ont renversSanchez de Lozada ont t contraints de se positionner hors des frontires dusystme: Felipe Quispe (dirigeant Aymara, trs actif dans la ville dEl Alto etsecrtaire de la centrale syndicale des travailleurs paysans de Bolivie) la com-pris de faon lucide. Ce mouvement sera-t-il la hauteur? La stagnation gn-rale et un certain recul en Amrique latine creront-ils les conditions pourcirconvenir laudace des classes laborieuses en Bolivie ? Lisolement de Cubanous oblige rflchir deux fois avant de clbrer une victoire; il faut tirerune conclusion: la victoire nest quun commencement.La victoire du gouvernement de Lula constitue un autre cas qui doit servirdavertissement. Elle peut susciter lillusion de lhgmonie des forces labo-

    rieuses. Nanmoins, si lon analyse laction prsidentielle, la vrit pourrait setrouver dans le camp oppos. Toute la longue accumulation des mouvementssociaux brsiliens, y compris le propre mouvement syndical duquel Lula amerg, a produit une quasi-hgmonie, selon les termes mmes de Gramsci:une direction lgitime des mouvements de la socit, accompagne dun rejet

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    Toutefois, cest la mise lcart scientifico-technique de nos pays quisente un danger supplmentaire. Lentre dans le nouveau paradigmc u l a i re-digital sest effectue avec la mondialisation. Et cette dernfinanant nos conomies et les tats nationaux, a transform lpargninsuffisante de nos pays pour financer les investissements des pays duNotre dpendance sest transforme en une insertion dans les circuitsrisation externes, mme si la ralisation de la valeur est interne (ventmarchs de la priphrie des biens durables contrls par les transnadu centre). Cela nous oblige suivre les modes de consommation qFurtado a dj dnoncs. Et, au-del, cela nous contraint des invments et une mise lcart, bien que nos systmes de production,deuxime rvolution industrielle, aient dj t insuffisants. De lcette tragi-comdie actuelle qui fait que des indignes (Amrindienhabitants des bidonvilles sont accrochs leurs tlphones portabquils souffrent de la faim.

    Nouvelles rvolutions dmocratiques Tout ce processus conduit une certaine obsolescence des classes classiques. Les dominants, qui nont jamais fait une vritable rvolutgeoise, ne peuvent maintenant aspirer rien. Les domins ont t crles rvolutions scientifico-techniques, par la mondialisation, par les rerations productives et par labsence dun adversaire national, qui nut

    plus les mdiations des institutions politiques reprsentatives, puisplus rien reprsenter. Et, sil nexiste plus de reprsentation, quoi vir la politique? Et, sil nexiste plus dtat national, quoi peut conqute du pouvoir?Les tats latino-amricains sont contraints effectuer une rvolution dtique qui se transcende elle-mme, qui ne signifie donc pas adopter simles rgles de la dmocratie formelle. Cette dernire sest transformpanace, en une ngation de son historicit. Une rvolution dmocratiqt i ve commence par redistribuer srieusement la richesse, frappant un cc o n t relobscne ingalit latino-amricaine. Devant limpossibilit depolitique des classes tra d i t i o n n e l l e s; il sagit de dpasser cette rvolup o s e r, dans la pratique, une poli tique de citoyennet de classe. Tous lesus en cours en Amrique latine indiquent cette radicalit. Prenons le ca

    tin. On ne peut avoir confiance dans la re s t a u ration de la normalit, laction de Nestor Kirchner (actuel prsident argentin venant du p Pa rti justiciable et lu par dfaut, aprs le re t rait de Menem) a surpr iticisme des Argentins et le ntre. Mais cette re s t a u ration de la normc o n d u i ra pas trs loin ce grand pays austral quest l Arg e n t i n e .

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    ampleur comme leurs allocations part i c u l i res. Il est d conseil l de fa ire desdpenses l i b ra l e s pour ce qui a trait au personnel de s services publics.Les m a rc h s ragissent, disqualifiant laction des gouvernements (sort i ede capitaux, exigence de taux dintrt plus levs pour oprer des prts,etc.). Les agences de notations, qui mesurent les risques encourus par lese n t reprises prives, font monter ou descendre ledit r i s q u e - p a y s (ce quijoue un rle important pour la fixation des taux dintrt). Avec cet instru-ment, elles dtournent les investisseurs, stimulent la fuite ou lentre decapitaux, (d) valorisent les titres de la dette des pays sans que rien ne sesoit pass court terme dans lvolution des comptes extrieurs: ce sontles prophties auto-ralisantes des marchs. Des niches spcifiques dec o m m e rce, de finance internationale, de droits de patente, de proprit intel-lectuelle sont tablies par lOMC de manire telle quelles ne peuvent pas t re appliques aux pays aujourdhui mergents ou s ubmergs si cela estlhumeur des marc h s .La judiciarisation des marchandises est un mouvement p lus mort e l .Pu i s q uelles intgrent, en elles, leur pro p re lgislation qui fait fi des lgisla-tions nationales. Le cas le plus trivial est devant nous lorsque lon re n t re lamaison avec une bande vido et aujourdhui un DV D : sur ces produi ts onpeut lire, avant de les vo i r, les conditions remplir pour lusage de telles p ro p r i t s (droits de proprit i ntellectuelle). I l y a une s upermarc h a n-d i s e : selon Marx, lorsque le consommateur achte une marchandise, il est

    p ro p r i t a i re de sa valeur dusage. Aujourdhui, la valeur dusage continue t rel a proprit du ve n d e u r : le c onsommat eur ne peut pas donner ce qu i la achet lusage quil lui plat. De fait, il y a une modification dans la pro p r i t capitaliste. Le plus gra ve se produit dans le domaine des biens pharmaceu-tiques. Par exemple, les pays ne peuvent pas tenter dutiliser des mdica-ments sans payer les droits de patentes et, y compris, dans ce cas, derespecter l es conditions dusage qui c onvienne nt aux p ro p r i t a i re s . Le casdes mdicaments antisida est une belle exception dont le dve l o p p e m e n tdoit tre examin la lumire de tous les autres cas.Les transgniques portent dans leurs nouveaux codes gntiques le veto sui-va n t : ils ne peuvent tre choisis par l es citoyens qui les utilisent: ces dernire sg raines transgniques ne peuvent devenir semence et la marchandise rduit lad i versit un lment unique, ce qui a t dnonc par Vandana Shiva, annu-

    lant de la sorte le potentiel culturel, technique et sc ientifique des pro d u c t i o n sindignes. Limage constitue un lment final de la judiciarisation de la mar-chandise. Les droits sur limage, en dernire instance, font perd re la valeur du-sage dun simple re g a rd humain : on ne peut re g a rder que si lon paie.S i n s t a u re, de la sorte, le monde de la ccit v irt u e l l e .

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    D a n s l e s g r i f f e s d e l e m p i r e

    Claudio Katz

    c o n o m i s t e , uni ver sit de Bue nos A i r e s ,

    membre du cercle des conomistes de gauche.

    Au-del du nolibralisme

    Lapplication des politiques nolibrales en Amrique latine aboutit dfin des annes 1990 une explosion de luttes populaires, au renverseplusieurs gouvernements par la rue, des victoires lectorales de laCette explosivit et cette polarisation des ra p p o rts so ciaux remettent a lord re du jour la question des alternatives politiques et des forces caples port e r. Lconomiste argentin Claudio Katz dresse le tableau des tenluvre et des contradictions rsoudre .

    Quel est le bilan du nolibralisme en Amrique latine? A-t-il triomph en simdes gouvernements les plus dive r s? A-t-il chou en provoquant lelensemble de la population? La rponse dpend de llment que logie dans la dfinition du nolibralisme, dans la mesure o ce modle nation capitaliste re c o u v re une pratique conomique, un projet daccuet galement une offensive sociale visant faire plier les tra vaille

    m e t t re en place des rgimes politiques autoritaires. Il faut analyser ce p roduit sur ces quatre terrains lors de la dernire dcennie pour saisinant antilibral qui se produit actuellement.

    La zone de libre change des Amriques (Alca) et la detteMme si lengouement des classes dominantes pour les privatisatioverture et la drgulation a faibli ces dernires annes, la doctrine ncontinue inspirer la politique conomique de lestablishment sur terrains stratgiques: lALCA (Zone de libre change des Amriqudette extrieure.Les tractations pour dfinir une zone de libre commerce visent accrexportations nord-amricaines vers la rgion avec, en contrepartie, grande ouverture du march des tats-Unis aux exportateurs latin

    cains. Mais les deux partenaires nont pas du tout le mme poids. La puissance fait pression sur les gouvernements de son arrire-couquils rduisent les tarifs douaniers sur lindustrie, les ser vices et la pintellectuelle. En contrepartie, elle offre des concessions trs limitterrain des subsides lagriculture et des barrires douanires.

    1. Voir, pour sa traduction franaise,ditions Plon, coll. Terres humaines ,rd., traduction lencontre(www.alencontre.org).

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    Dans le cas du Brsil, il faut dmythifier le mythe Lula et re m e t t rela politiqueau niveau des organisations populaires. Il faut sopposer aux risques dune p r i i s a t i o n du PT ( r f rence l institutionnalisation du Pa rti de la Rvo l u t i o nInstitutionnelle du Mexique PRI). Le cas vnzulien nous indique les limitesde la dmocratie formelle, au mme titre que dautres cas. Et aujourdhui, laBolivie nous interroge nouveau avec les limites qui sexpriment.En vrit, il existe plusieurs orientations pour lAmrique latine. Et les rduire une forme unique, comme cela fut fait par le pass, serait une faute gra ve. Mais,toutes ces voies passent par une dmocratisation radicale visant largir lin-fluence des masses sur les grands processus, au-del du rejet de ce que la mon-dialisation a impos aux classes traditionnelles. Lactivit intellectuelle etacadmique a pour missions dinterprter, avec urgence, les situations nouvelles.Et cela non pas pour se substituer aux acteurs rels mais pour les aider dans lep rocessus devant forger une nouvelle identit dpassant les limites des classeset des tats nationaux tels quon le peroit dans la conjoncture prsente.

    18 octobre 2003

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    des salaires tout en prvoyant des compensations pour ces mmes bqui ont expropri les petits pargnants. Comme il ny a pas dargepayer lensemble des cranciers, le gouvernement donne la prioritment des organismes internationaux (FMI, BM, BID), troitement tats-Unis et aux grands capitalistes argentins, au dtriment des peteurs trangers de titres. Ces pargnants ont t encourags par lesbanques acqurir les bons argentins insolvables. Kirchner dissimpolitique derrire un discours daffrontement avec lestablishment fin

    checs conomiques et infortunes socialesLe nolibralisme a chou en tant que projet des classes dominantnales visant tendre leur march, consolider leur base daccumulaaugmenter leur prsence sur le march mondial. La perte de positcapitalistes latino-amricains sur la scne internationale sest confirmla dernire dcennie, quelques exceptions prs comme le Chili. Cevrifie avec la stagnation du PIB per capita, la chute des investistrangers (en particulier en comparaison avec la Chine et le Sud-Etique), et lemballement de lendettement. Dans ces conditions les pprosprit cycliques dpendent toujours davantage de la conjonctucire ou commerciale internationale. Ainsi, la reprise espre cette anla consquence de la rduction des taux dintrts dans les pays do(et laffluence induite de capitaux court terme dans la rgion) et d

    mentation des prix de certaines matires premires, comme le ptrolou le cuivre.Paradoxalement, cet chec conomique rsulte du succs de la politiqtionnaire du nolibralisme, avec la rgression sociale gnralise par loffensive du capital sur le travail. Les preuves de cette agressinnombrables. Entre 1980 et 2003, le chmage officiel est pass de11 %, le salaire minimum a chut en moyenne de 25 % et le travail incr de 36 46 %, dans un continent qui connat les plus fortes insociales dans le monde (10 % de la population concentre 48 % des reet les 10 % les plus pauvres se partagent peine 1,6 % de ce total).Cest sur cette terrible escalade dagressions que reposent les bnfles capitalistes ont obtenus court terme avec laugmentation du taploitation. Mais ces profits ne se sont pas tendus lensemble de

    dominante parce que le rtrcissement du march interne et lappament collectif ont contract la base daccumulation. En outre, les ouet les privatisations ont affaibli la comptitivit locale et accentu lades entreprises rgionales face leurs concurrentes. Sur le plan flaugmentation incontrlable de la dette extrieure qui a favoris

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    Le libre change sans restriction qui inspirait la version initiale de la ZLEA a d t reabandonn face aux rticences du patronat brsilien (et dans une moindrem e s u re argentin) lever les mesures de protection de son industrie et des ser-vices. Cest donc une variante l i g h t qui est actuellement en discussion envue dun accord qui exe m p t e rait les parties dengagements stricts et de dlaisp re m p t o i res. Mais cette nouvelle option des firmes nord-amricaines et deleurs part e n a i res rgionaux continue dsavantager lensemble de lconomiel a t i n o - a m r i c a i n e .La ZLEA nest quune instance de ngociation visant renforcer la dominationcommerciale des tats-Unis et freiner lexpansion europenne dans largion. Les ngociations saccompagnent daccords multilatraux dans lecadre de lOrganisation mondiale du commerce (OMC) et de conventions bila-trales quimpulsent les capitalistes latino-amricains le plus directementassocis des compagnies tatsuniennes. Ce qui sest pass avec lAlena(Accord de libre change nord-amricain) au Mexique montre que ce secteurdu patronat accrot ses profits au dtriment du reste du pays qui subit lesconsquences des privatisations bancaires, de la destructuration rgionale,de la crise agricole et de lexplosion de lmigration. Cet exemple illustre aussileffet probable des accords signs rcemment entre le Chili et diffrents paysdAmrique centrale.Sur le plan financier, le modle nolibral sest impos dans la rgion par lebiais du paiement de la dette extrieure et de la tutelle quexerce le FMI sur la

    politique conomique de chaque pays. Cette ingrence est beaucoup pluscontraignante que le remboursement des intrts, parce quelle implique lasubordination systmatique de la croissance, de linvestissement public etdes revenus de la population aux priorits du paiement des cranciers. La sou-mission au FMI a t prdominante dans les annes 1990 sous les prsidencesn o l i b rales de Salinas au Mexiqu e, de Menem en Argenti ne ou deSanguinetti en Uruguay et elle reste la rgle pour leurs continuateurs dclars(Lagos au Chili, Fox au Mexique, Toledo au Prou). Mais mme ceux qui criti-quaient auparavant lorthodoxie montariste appliquent les ajustements exi-gs par le FMI quand ils arrivent au pouvoir. Le Brsil de Lula est lillustrationla plus flagrante de cette conversion. Pour garder la confiance des ban-quiers, il maintient des taux dintrt levs, une mission restreinte et desrductions de la dpense publique qui assurent des profits exceptionnels aux

    financiers. Cest pourquoi la rcession persiste, le chmage atteint desrecords, la pauvret stend et les programmes daide sociale sont freins.Cest un cours analogue que suit Kirchner en Argentine, aprs avoir souscritun accord dexcdent fiscal de 3 % du PIB pour abonder les intrts dunedette manifestement frauduleuse. Cet accord oblige maintenir le blocage

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    sans gnraliss (quateur), localiss (Colombie) ou rgionaux aveimpact national (Chiapas). La lutte sociale revt encore des connexplosives quand elle est imbrique avec le dveloppement dun conimprialiste (Venezuela).Cette diversit de mouvements (composante indigne dans les zonesappui urbain dans le sud) saccompagne aussi dun change novateuriences de lutte entre diffrents secteurs opprims. Les organisations paet les travailleurs du secteur informel des villes ont ainsi assimil lede rsistance des mineurs en Bolivie. En Argentine, lespiqueteros ontu un mouvement combatif de sans emploi nourri par lexprience acdanciens dirigeants du mouvement syndical.Le dveloppement de la protestation sociale a balay les illusions qpossibilit damliorer le niveau de vie par le recours aux privatisatiodrgulation. Cette prise de conscience antilibrale des secteurs podistingue lAmrique latine dautres rgions comme lEurope occido subsistent de larges expectatives en matire de retombes de lde march . Plus significative encore est la rapparition de convictiimprialistes qui contrairement lessentiel du monde arabe ne pas la forme de mouvements fondamentalistes de rejet religieux ou e

    Les limites du tournant antilibralLa rapparition de gouvernements prconisant la reconstruction du

    lisme rgional autonome traduit ce dclin du credo nolibral. Ce nouvjet est re vendiqu avec force par les rgimes de centre-gauche (Lula aK i rchner en Argentine) loppos des gouvernements qui sinscrivenment dans la continuit (Uribe en Colombie, Toledo au Prou, Lagos aMais le mme pro g ramme est aussi par tag par les prsidents issexplosion sociale (Mesa en Bolivie, Gutierrez en quateur) et par ceuxface un affrontement svre avec limprialisme (Chavez au Ve n e z u e l aCe tournant est impuls par les mmes classes dominantes qui, annes 1990 dnonaient toute tatisation et toute interventionorientation formellement antilibrale confirme que les bourgeoisinales nont pas disparu dans la rgion. Il est vrai que leur associatle capital tranger et la rcession conomique a rduit leur poids etradicalement leur stratgie antrieure fonde sur lindustrialisatio

    tutive et le dveloppement endogne . Mais les classes capitalistnales subsistent et continuent tenir les commandes du pouvoir. Cprtendent que ces groupes ont disparu avec la transnationalisatisorption imprialiste ou la carence de projets autonomes oublient cificits de la bourgeoisie nationale. Ce groupe dominant dans

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    groupes a galement fini par affecter lensemble des capitalistes locaux.Lampleur de ce passif rduit svrement lautonomie de la politique fiscale etmontaire indispensable pour contrer les cycles rcessifs.

    Soulvements, sujets et consciencesLa tentative nolibrale de faire plier la rsistance populaire et de dtruire lestraditions de lutte des peuples dAmrique latine a subi une succession degraves revers. Le renversement par la rue de plusieurs prsidents raction-naires est la preuve la plus palpable de ces checs. Ces soulvements quiont secou lquateur en 1997, le Prou en 2000, lArgentine en 2001 et laBolivie en 2003 sont des vnements beaucoup plus significatifs que lesrevers lectoraux qua galement subis la droite (Venezuela, Brsil).Les analystes de lestablishment sont bon droit terroriss face une esca-lade des meutes populaires qui font craquer les institutions par des actions collectives qui sen prennent aux rgimes constitutionnels 1. Cessoulvements ont pris la forme de rvolutions, de rvoltes et de mobilisationsen fonction de lintensit de la lutte, des revendications en jeu et de leurimpact politique. Linsurrection en Bolivie est lexemple rcent le plus impor-tant (voir larticle dAdolfo Gilly dans ce mme numro de ContreTemps). Larvolte qui a secou lArgentine na pas atteint cette dimension insurrection-nelle mais elle sest traduite par une irruption exceptionnelle qui a unifiles travailleurs, la classe moyenne et les chmeurs dans une dnonciation

    commune du rgime politique ( Quils partent tous! ). Les 17000 manifesta-tions et les 47 barrages routiers comptabiliss en 2002 illustrent lampleur dece soulvement.Les grves et les occupations de terres au Brsil ont marqu de leur ct un pro-cessus de mobilisation qui na pas dbouch sur une rbellion. Cette di ffre n c ea vec lArgentine est due des traditions de l utte diffrentes et au cara c t repluslimit de la crise conomique (qui ne saccompagne pas dappauvrissementsd ramatiques ni dexpropriations de petits pargnants). Lula a ainsi succd F. H. Cardoso dans le respect du calendrier lectoral, alors que Kirchner am e rg dun dramatique processus de recomposition du contrle politique capi-taliste mis mal par lesp i q u e t e ro s et les assembles populaire s .Dans tous les mouvements de protestation en Amrique latine, les salaris deltat ont jou un rle trs actif. Ce secteur agress par les coupes budg-

    taires systmatiques quimpose le FMI a dirig la rsistance au Prou et enUruguay et jou un rle significatif dans la rvolte Saint-Domingue. La grvegnrale reste la forme daction classique de la mobilisation populaire et danscertains cas comme au Chili le monde ouvrier recommence jouer un rlepropre. Dans dautres pays la rsistance a pris la forme de soulvements pay-

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    pour les faire aboutir. Les prsidents de ces rgimes fustigent le nlisme mais prservent son hritage ractionnaire en impulsant des postlibraux qui avalisent les contre-rformes sociales des anneSon impact continental fait du cas Lula la tentative pro g ressiste la plutante en Amrique latine. Lancien ouvrier mtallurgiste, depuis son ap o u vo i r, a t couve rt dune avalanche dloges de la part du monfinance et de lentreprise lchelle internationale. Cet enthousiasmeseulement sa politique nolibrale, mais aussi ladoption de rformt i o n n a i res comme celle des re t raites, que le PT a vait toujours combque les gouvernements prcdents n a vaient pas os adopter. Lulacette fonction typique de la social-dmocratie qui ralise les ajustemela droite n a r r i vait pas opre r. L e xclusion des parlement aires opposjet de lo i sur les re t raites est son tour typique de l a tra j e c t o i re c lassdirigeants rformistes qui excluent leur aile gauche pour offrir des re s p o n s a b i l i t leurs mandants capitalis tes. Les justifications de cettation reposent sur la mise en avant de menaces fantasmagoriques (vernement rsiste la dstabilisation imprialiste ) et sur la justificattaques sociales contre les tra vailleurs comme tant des actes de justlimination de privilges ), en passant la trappe le pro g ramme de fiscales, sociales, cologiques et dmocratiques que prconisait le PTSi la politique initiale de Lula permettait de sinterro g e r, sa gestion dua lev toute ambigut. Il met en uvre une t roisime vo i e dans

    s o u s - d velopp su ffocant de misre, en dveloppant une politique noment loigne de tout projet transformateur (comme cel ui qu a vaiS a l vador Allende au Chili) mais, qui plus est, hostile tout affrontemelimprialisme ( loppos de Chavez au Venezuela). Au-del des attela population nourrit toujours lgard de ce gouvernement, il faut quesans rserve son volution tant il est impossible de construire une almancipatrice en cachant la ralit. Lula dirige un gouvernement capitconnat les c o n t ra d i c t i o n s et les c o n f l i t s pro p res tout rgmmes caractristiques sociales. Les ve rtus que beaucoup lui attribuepolitique extrieure indpendante , la promotion du Merc o s u r ) nepas des traits pro p res divers gouvernements antrieurs.La politique de Lula a une grande importance pour lensemble de lAlatine, parce quelle offre une justification au cours antipopulaire dau

    vernements de centre-gauche. On dit souvent que si on ne peut pasde cap au Brsil, la marge de manuvre est bien moindre encore dans plus petits . Cest un argument quaffectionne le courant pro g resA rgentine, ou en quateur pour justifier la rsignation face un prsidabandonn lalliance initiale avec le mouvement paysan et indigne

    C O N T Re T eM P S numro d

    priphriques ne russit pas assurer la prosprit conomique, ni rivaliseravec les grandes corporations. Mais il ne se dilue pas non plus au sein dunbloc avec limprialisme car la concurrence mondiale bloque cette fusion.Cest pourquoi les capitalistes locaux prservent leurs intrts propres et seconfrontent leurs comptiteurs trangers.Le programme rnov dun capitalisme autonome rgional exprime la persis-tance de ces tensions, mais ne constitue pas un projet viable. Lchec de lin-tgration rgionale, et particulirement du Mercosur, est lexemple le plusfrappant de cette absence dhorizons. En dix ans, les membres du Mercosurnont pas russi crer une monnaie commune, ni surmonter leurs diver-gences en matire de barrires douanires et de subventions. Comme chaqueclasse dominante locale ngocie bilatralement avec le FMI des calendriersdajustements budgtaires trs spcifiques, il est toujours plus difficile dta-blir des politiques fiscales, douanires ou financires communes. La perspec-tive de la ZLEA exerce, en outre, une pression dissolvante sur un marchexclusivement sud-amricain. la diffrence du pass, la relance dun programme de capitalisme rgul etautochtone ne sappuie pas actuellement sur des dictatures assurant lesconditions de la croissance mais prtend se baser sur des rgimes constitu-tionnels. Elle rencontre galement un obstacle nouveau: la per te gnralisede prestige des dmocraties autoritaires . Au terme de deux dcennies deprofondes frustrations populaires, lautorit de ces systmes est sape par

    leur politique antipopulaire. Ils constituent des structures semi-rpressives,huiles par le clientlisme et soutenues par des appareils lectoraux contr-ls par des groupes dominants. Toutes les dcisions dimportance sont prisespar llite bureaucratique qui administre les tats, avec laval passif duParlement et de la Justice.Lespoir dobtenir des amliorations sociales par la consolidation de ces rgi-mes a t srieusement branl quand ils sont apparus comme un cadre p o l i-tique adquat pour que la classe capitaliste mette en uvre une effroy a b l er g ression sociale. Il en est rsult une perte de lgitimit politique qui semanifeste dans la dsintgration de partis traditionnels (AD et Copei auVenezuela), lrosion des vieilles i nstitutions (le PRI au Mexique, le ra d i c a-lisme en Argentine) et la faillite dapprentis c a u d i l l o s (Menem en Arg e n t i n e ,Fujimori au Prou, Collor au Brsil) ou dalchimies politiques soutenues par

    les tats-Unis (Toledo au Prou, Banzer en Bolivie).

    Postlibralisme antipopulaire Les nouveaux gouvernements de centre-gauche qui mergent dans la rgionsont hostiles aux revendications populaires et au recours la mobilisation

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    plier toutes les exigences du FMI. Ce type de renoncements a une longue his-t o i re en Amrique latine et prend une forme effarante dans le cas dAristide enHati. Le cur des pauvre s , qui promettait dradiquer lhritage de misreet de terreur laiss par la dictature, sest transform en un tyran caribentypique ds quil est parvenu au pouvoir avec laide des marines.Analyser le cours actuel des gouvernements de centre-gauche est vital face la perspective de trois nouvelles victoires lectorales de la gauche dans lesprochains mois. Au Salvador, le Front Farabundo Mart contrle dj la moitides municipalits et pourrait gagner llection prsidentielle. Il devra alors

    arrter sa position face au trait de libre commerce avec les tats-Unis. EnUruguay, le succs rcent de la gauche dans le rfrendum contre la privatisa-tion du ptrole confirme la forte probabilit dune large victoire aux lectionsnationales. Mais le pays connat une crise sociale comparable celle delArgentine. Il ne pourra la rsoudre sans remettre en cause les accords avecle FMI avaliss par la direction du Frente Amplio. En Bolivie, la situation explo-sive peut tout moment porter au pouvoir le MAS dEvo Morales. Mais sonattitude face au mouvement insurrectionnel de novembre dernier ne laissepas prsager quil sengagerait dans une lutte consquente pour les revendi-cations sociales.

    Scnarios et manuvresLa capacit actuelle de limprialisme nord-amricain de faire face au vo l c a n

    latino-amricain sest notablement rduite en comparaison avec la priodedessor nolibral. Cela se manifeste en premier lieu sur le plan militaire. Po u rcontrler directement les principales re s s o u rces naturelles de la rgion, lestats-Unis ont besoin de re n f o rcer leur prsence militaire. Mais le bourbier ira-kien a fix de srieuses limites une telle intervention. Limprialisme ne peutpas ouvrir de nouveaux fronts tant quil est menac par la perspective dun nou-veau Vietnam au Moyen-Orient. Les faucons du Dpartement dtat mnentbien campagne contre les menaces terro r i s t e s mais sans prciser la ciblespcifique de leurs attaques. Limpasse de la guerre en Colombie contribuep robablement cette indfin ition. Uribe a tent sans rsul tat une escaladed a g ressions de type dict atorial, avec la lgalisation des para m i l i t a i res et lacration force dun million dinformateurs. Il a aussi perdu le rfrendum quid e vait lgitimer, outre cette action militaire, un ajustement brutal du budget

    social et lopposition de centre-gauche a emport la mairie de Bogota.L i n t e rvention de troupes imprialistes en Amrique l atine est freine galementpar la disparition croissante des prsidents inconditionnellement allis auxtats-Unis. Seuls quelques gouvernements centre-amricains ont accompagncette fois-ci les troupes yankees en Irak et mme l es part e n a i res privi lgis que

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    sont le Mexique et le Chili se sont abstenus lONU davaliser cette invatats-Unis voient par ailleurs leur domination rgionale contre par trotions adverses Cuba, au Venezuela et en Bolivie.Les tentatives de Bush pour crer une situation explosive Cuba ennant le dtournement dembarcations, en entranant des provocMiami, en renforant lembargo et en encourageant limmigrationrptent des gaffes commises depuis 40 ans. Il ny a pas de signe dforte influence sociale des agents de limprialisme dans lle et les des tats-Unis nont pas isol le rgime du reste de lAmrique la

    contraire, elles ont renforc la sympathie pour la rvolution. Le contrala fermet anti-imprialiste de Fidel Castro et le comportement des gments lche-bottes inspire le respect dans la rgion.Au Venezuela, limprialisme continue conspirer aux cts de la droilchec des deux tentatives de putsch il cherche maintenant imposerendum pour chasser Chavez du pouvoir. Le courant dopposition nat limprialisme amricain a de nombreux antcdents dans la rgionau Panama, Velazco Alvarado au Prou) mais ce qui retient lattentiocas du Venezuela, cest le niveau croissant dorganisation des quartsyndicats et du milieu universitaire. Si la polarisation politique et sopays rappelle celle qua connue lArgentine dans les annes 1950 (bourgeoise au rgime, fracture entre la classe moyenne et les travailniveau de radicalisation au sein des forces armes sapparente bie

    tage la rvolution des illets au Portugal. En multipliant les provdans un pays vital pour leur approvisionnement en ptrole, les tjouent avec le feu.Enfin, le renversement de Lozada en Bolivie a marqu un nouveasvre pour limprialisme, qui traite ce pays comme une simple coltats-Unis persistent exiger lradication par larme de la culture det lexploitation des richesses en gaz, sans prendre en compte lesquentrane cette pression dans la situation convulsive du pays.Dans ce cadre politique adverse, laide que peuvent apporter Bush cipaux allis en contrepartie de lois sur limmigration (Mexique), dfinanciers (Chili) ou de promesses dinvestissements (Prou) savrsante pour dsamorcer le chaudron rgional. Cest pourquoi le prsideamricain traite cordialement Kirchner et fait lloge de Lula, avec l

    ces gouvernements pourront agir comme intermdiaires dans les cochappent linfluence de la diplomatie nord-amricaine. Il sagit ende circonscrire Chavez pour modrer ses dfis et le pousser camobilisations populaires et dviter un vide du pouvoir qui conun gouvernement populaire en Bolivie. Laccord pour une trve obte

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    raux et de gestion municipales fructueuses. Londe de choc produitrevers conscutifs la chute du sandinisme a conduit un regain dde cette politique ds les annes 1980. Cela a empch ces secprendre la mesure des limites que rencontrent ces expriences de goment local. Mme si elles permettent de sessayer de nouvelles fodmocratie, contribuent modifier les rapports de forces, et facilitenrition de nouveaux dirigeants populaires, ces initiatives ne rsolvenvieux dilemme des socialistes entre la gestion rgime capitaliste ou versement. La gestion social-dmocrate emprunte la premire voie et

    mettre fin aux souffrances que subissent des millions de latino-amCeux qui se situent dans le camp des gouvernements de centre-gauche le dos la mobilisation populaire et une bataille consquente contrlibralisme qui ouvre une perspective anticapitaliste. Mais la deuxipose galement des problmes aigus. Le dfi rside dans la constructique doptions socialistes et ne peut se rduire senthousiasmermagnifiques projets davenir sans mesurer leur crdibilit auprs vailleurs. Proposer une alternative socialiste oblige aussi reconnatcune transformation sociale nest viable si on esquive la questioconqute du pouvoir. Il est de mode aujourdhui de rejeter cette vidproclamant quil faut changer le monde sans prendre le pouvoir thses de John Hollowayin ContreTemps, n 6). Mais les promoteursvoie ne proposent pas le moindre exemple pratique de cette politiqu

    capitalistes ne sont pas prts renoncer contrler ltat, commenprims pourraient-ils rsoudre leurs problmes cruciaux sans sempapouvoir pour le transformer au service de la majorit? Peut-tre esprent-ils crer des lots cooprativistes pour promouvoir des expdgalitarisme sans relations mercantiles. Mais de telles expriencesmanifestement insuffisantes pour inverser la tragdie de la pauvretmage et de lexploitation qui accable la majorit de la population.Il y a de nombreuses faons de contribuer au dveloppement dune cosocialiste, mais sengager aux cts des luttes pour les re vendicationsest la condition sine qua non de tout projet politique anticapitalisaction passe par la rsistance la militarisation et la recolonisationde la ZLEA, la lutte pour la cessation de paiement de la dette et la ruple FMI. De telles mesures sont indispensables pour reconstituer le

    dachat du peuple et promouvoir une authentique intgration rLavenir de lAmrique latine dpend dans une large mesure de la capla gauche radicale dfinir un projet alternatif loccasion de cchances dcisives. Cette alternative se dveloppera si le socialismeun cours nouveau Cuba, si la rsistance anti-imprialiste vient

    C O N T Re T eM P S numro d

    Morales par les missaires de Kirchner et Lula aprs la chute de Lozada est una vant-got de cette fonction m o d ra t r i c e que le Dpar tement dtat assigneaux gouvernements progressistes du Cne sud . La diplomatie latino-amricaine avait jou un rle analogue dans les annes 1980 en mettant endifficult la table des ngociations les sandinistes dj aux abois face auxagressions de la contra .

    Les alternatives gaucheLchec conomique et le dclin politique et idologique du nolibralisme,

    alors que ses modles sappliquent toujours en pleine explosion de rvoltespopulaires, posent de srieux dfis la gauche. Les dilemmes les pluscomplexes concernent la position adopter face aux nouveaux gouverne-ments de centre-gauche qui virent droite tout en suscitant des expectativesdans la population. Nombre dintellectuels sont conscients de cette volution,mais sy rsignent tristement. En affirmant quil nexiste pas dalternative ,ils reprennent le mme argument fataliste que les nolibraux dans lesannes 1990. Dautres avancent que la conciliation avec la droite est le prix payer pour un capitalisme rgul ou latino-amricanis. Mais il nexpliquentpas pourquoi les socialistes devraient opter pour ce systme particulierdexploitation, ni ce qui permettrait de construire au XXIe sicle ce qui na pultre pendant quelque 200 ans.Ceux qui avalisent la politique actuelle de Lula, Kirchner ou Gutierrez ferment

    les yeux devant la ralit et ne jugent pas ces gouvernements de centre-gauche laune de leurs actes concrets, mais celle de leurs promesses et deleurs discours. Ils ne veulent pas voir que la voie capitaliste que ces rgimesont choisie nest pas un simple pisode, ni une option facilement rversible.Cest un choix qui traduit la communaut dintrts liant les bureaucraties aupouvoir aux classes dominantes.Dautres analystes estiment que les rformes sociales viendront quand cesgouvernements se seront stabiliss. Mais lexprience de ces dernires dcen-nies en Amrique latine dmontre tout le contraire. En consolidant leur pou-voir, ces rgimes renforcent leurs alliances avec la droite et abandonnent lesderniers vestiges de leurs positions contestataires. Les dirigeants du courantprogressiste ont perdu depuis longtemps la capacit de sopposer la rsis-tance des capitalistes (fuites de capitaux, boycotts et actes de dstabilisation)

    face toute rforme sociale significative. La gauche qui avalise ces rgimestend alors se convertir en une force domestique et strile.Dimportants secteurs de la gauche latino-amricaine ignorent cette ralit,parce quils ont opt pour la vieille stratgie social-dmocrate visant conqurir le pouvoir progressivement par une succession de succs lecto-

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    D a n s l e s g r i f f e s d e l e m p i r e

    P i e r re Salama

    Professeur dconomie luniversit de Paris XIII.

    La tendance la stagnation revisite

    Dans cet article, Pierre Salama montre que les rgimes de croissance do

    financire en Amrique latine provoquent une tendance la stagnation.s e rve empiriquement, mais elle est peu thorise. En sinspirant des travCepal des annes 1960, et plus part i c u l i rement de Celso Fu rtado, icomment le mode de croissance spcifique de ces conomies, depuis le dannes 1990, favorise le comportement rentier des investisseurs et condcroissance par tte faible et volatile, qui mine en retour la croissance.

    Dans les annes 1980, les principales conomies latino-amricaines rompentt re n d de croissance forte des annes 1950 1970 et connaissent des dde grande ampleur. Le service de la dette externe slve plusieurs pPIB et se traduit par un tra n s f e rt net de capitaux de ces pays vers les

    des pays dvelopps. Mme non assur intgralement, ce service de partir dun terreau inflationniste, provoque une acclration de la haprix et, dans plusieurs pays, lhyperinflation se dveloppe, persiste sat i r, de ra res exceptions prs, un c ara c t reexpl osif. La croissance parla priode est soit ngative, soit proche de zro. Le taux dinvestissemeet on assiste une monte en puissance des activits financires condans lachat de bons du trsor. La distribution des re venus, de plusingale, se traduit par une bipolarisation au dtriment des couchesmodestes et des deux tiers des couches moyennes. La pauvret et la pextrme augmentent. Lensemble de ces caractristiques sinscrit contexte de poursuite du protectionnisme, dinefficacit croissante de p e rte de crdibilit de ses politiques conomiques, de paiement ds i g n i f i c a t i ve du service de la dette externe.

    Dans les annes 1990, ces conomies connaissent un processus sorapide de libralisation de lensemble des marchs: libralisation brcompte marchandises et du compte capital de la balance des pairetrait de ltat de lconomique (rduction substantielle des subvelindustrie notamment lexportation, puis privatisation massive,

    C O N T Re T eM P S numro

    1 Botana Natalio. Las impugnacionesa la legitimidad democrtica .La Nacin, 26-10-03.

    2 www.netforsys.com/claudiokatzr

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    pouvoir conomique de la droite au Venezuela, si une alternative saffirmeface la direction du PT au Brsil, si un ple politique de gauche saffirmeparmi lespiquetero s et les travailleurs en Argentine et si la rvolution pro-gresse en Bolivie. Le postlibralisme sapparenterait alors en Amriquelatine au renouveau du socialisme.

    27-02-042

    Traduit de lespagnol par Robert March

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    sest attnu et que les ingalits de re venus, situes un niveau extrlev, ne croissent pas de manire significative, sauf lors des priodeso u ve rte et des premiers lendemains de reprise conomique. Troisimec a ractristique de ce rgime de croissance institu dans les annes une forte volatilit du taux de croissance qui, la diffrence de celle olors de la dcennie perdue des annes 1980 est moins leve et se situt re n d l g rement croissant sur la priode. Cette volatilit ne prend cepas les mmes formes au Brsil et en Argentine ou au Mexique, troimies dont le poids en Amrique latine est dterminant. Cette volatil

    effets dh y s t r i s i s i m p o rt a n t s : la hausse de lampleur de la pauvret suit y compris lors des pre m i res annes de reprise et il faut attendre annes pour que ce processus cesse, vo i re sinverse. Quatrimement,mes de croissance se caractrisent par une internationalisation financp ro n o n c e : louve rt u re soudaine et de grande ampleur du compte capbalance des paiements insre immdiatement ces conomies dans cec o n venu dappeler lconomie monde , alors que la libralisation bcompte marchandises naboutit pas, lexception du cas mexicain, laplace dconomies ouve rtes, les taux douve rt u re, bie n que plus l evsre l a t i vement modestes. Cest cette dominante financire de leur rc roissance qui confre ldu PIB une forte et singulire volatilit, dans la mesure o les deux verlconomie, le f i n a n c i e r et le r e l , ont des sensibilits diffre

    chocs externes. Lobligation dattirer des capitaux lorsque ceux-ci n o m b re insuffisant par ra p p o rt aux besoins de financement, ou de frefuite de capitaux, incitent en gnral les gouvernements hausser cblement les taux dintrt, variable dajustement privilgie, gnrarcession ou de son aggra vation lorsque celle-ci est dj prsente.On peut caractriser ces rgimes de croissance par trois traits : une dofinancire forte et singulire, une intervention de ltat rduite dansmique, une reproduction des ingalits un niveau lev.

    I. La tendance la stagnation:La thse de la tendance la stagnation a t dveloppe par la Cepal et t i c u l i rement par Celso Fu rt a d o. Cette thse explique que la tendance

    gnation a deux origines : la pre m i re vient de limpossibilit de pourp rocessus de substitution des importations lourdes en raison de la rigidsante de la structure des importations. La contrainte externe, hier sdynamisme ( la croissance tire par le march intrieur ), se transforpeu en son contra i re. La poursuite du processus suscite en effet des i

    C O N T Re T eM P S numro d

    pour les intrts privs, nationaux et trangers, source dun essor de la cor-ruption); rduction massive des prts bonifis au profit dune hausse des tauxdintrt censs rduire la rpression financire suppose. La libralisationplus tardive, probablement plus prudente, du march du travail se manifeste la fois par une prcarisation croissante dans lutilisation de la force de tra-vail et des parcours de vie caractriss essentiellement par un dcrochage dessalaires rels de la productivit du travail.Cette libralisation des marchs crdibilise la nouvelle politique conomiqueauprs des marchs financiers internationaux et des rsidents. L h y p e r i n f l a t i o n

    d i s p a rat avec la stabilisation re l a t i vedu taux de change nominal. Mieux, cedernier tend sapprcier avec lafflux de capitaux spculatifs attirs par lapolitique des taux dintrt levs, par lassurance quils pourront ra p a t r i e rleurs capitaux avec des cots de transaction faibles, acclrant lapprciationdu taux de change rel provoqu par la rduction rapide de leur cart dinfla-tion avec les pays dvelopps. La fin des hyperinflations amliore pour untemps bref le re venu des catgories les plus modestes et les plus pauvre sparmi les pauvres connaissent une augmentation sensible de leur pouvoirdachat. Lampleur de la pauvret rgresse de plusieurs points. Cette amliora-tion du pouvoir dachat, la rduction de lpargne dautres couches de la popu-lation plus aises, gonflent la demande finale, diminuent les capacits dep roduction oisives et la croissance re p a rt lorsquelle tait absente sanse f f o rt dinvestissement dans un premier temps. Les mcanismes, keynsiens,

    qui ont permis ce re n versement de situation ont t maintes fois dcrits et nousne re v i e n d rons pas dessus.Les effe ts de cette libralisation sont loin de corre s p o n d reaux attentes. Cert e s ,lhyperinfl ation a disparu et ces conomies se tro u vent, avec dix ans de re t a rd ,en harmonie avec la priode non inflationniste que connaissent les principalesconomies dveloppes et les conomies semi industrialises dAsie depuis ledbut des annes 1980. Mais, force est de constater plusieurs points ngatifs:p re m i rement, le taux de croissance moyen de la dcennie 90 est trs en dedes taux de croissance moyens des annes 1950, 1960 et 1970 jusqu la crisede la dette de 1982. Pour un ensemble de raisons, ces conomies ne par-viennent pas une augmentation sensible et surtout durable du taux de cro i s-sance, linverse de ce quon observe dans de nombreux pays asiatiques.Deuximement, le retour de la croissance lors des annes 1990 na pas conduit

    une amlioration de la situation des plus pauvres, lexception des deux pre-m i res annes de stabilisation re l a t i ve des prix. Une fois passs les pre m i e r seffets positifs produits par la fin de lhyperinflation, on observe une difficultc e rtaine rduire lampleur de la pauvret. lexception de lArgentine dansles annes 1990, on peut toutefois noter que le processus de bipolarisation

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    basses de revenus (la majeure partie de la population) ne peuvent accbiens durables importants, notamment et surtout ceux produits par lautomobile. Cest pourquoi dans la littrature, on a pu nommer ccomme tant des biens de luxe , reprenant ainsi lexpression deafin de les opposer aux biens ouvriers, ou biens de consommation non dLoriginalit de lapproche de la Cepal est quau-del des raisons hisqui sont lorigine de ces ingalits profondes (modes de colonispeuplement de ces pays), la poursuite des dformations de la distriburevenus sexplique pour lessentiel par le rgime de croissance adop

    A - Un petit retour en arrire :Lindustrialisation accompagne lconomie exportatrice. Elle est plus oi m p o rtante selon la nat ure du produit expor t, l i n t e n s i t du