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[Date] Année Universitaire 2012 - 2013 UNIVERSITE PANTHEON SORBONNE PARIS I MASTER 2 PROFESSIONNEL OPERATIONS ET FISCALITE INTERNATIONALES DES SOCIETES Mémoire préparé sous la direction de Monsieur le Professeur Thomas Mastrullo Nicolas Ménard

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Page 1: [Date] Année Universitaire 2012 - 2013€¦ · 4 Dautres LBO attribuent au management de la cible une part significative du capital de la holding. Dans le « management buy out »

[Date] Année Universitaire 2012 - 2013

UNIVERSITE PANTHEON – SORBONNE – PARIS I MASTER 2 PROFESSIONNEL – OPERATIONS ET FISCALITE INTERNATIONALES DES SOCIETES

Mémoire préparé sous la direction de

Monsieur le Professeur Thomas Mastrullo

Nicolas Ménard

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1

SOMMAIRE

Introduction ………………………………………………………………………………………………………………………………..2

I – Le marché du Leveraged Buy-Out dans l’Union Européenne …………………………..5

A : La coexistence de plusieurs cultures juridiques et économiques …………………………………….………5

1. Les théories de Legal origin et de diversity of capitalism ………………………………………………..5

2. La réalité du marché LBO dans l’Union Européenne ………………………………………………..…..…8

a. L’évolution du marché ………………………………………………………………………………………………8

b. Les entreprises cibles de LBO dans l’Union Européenne …………………………………….…..10

b1. Propos généraux ………….……………………………………………………………….……10

b2. Les entreprises cibles en fonction des pays …………………………….………….11

B : L’Union Européenne : un espace juridique concurrentiel ………………………………………………..……13

1. Au niveau de la fiscalité des managers et des investisseurs dirigeants : la

problématique des « management packages » …….……………………………………………………….13

2. Au niveau de l’assistance financière ………………………………………………….………………………….15

3. Au niveau du droit du travail ……………………………………………………………………..……….………..16

4. Au niveau du droit des faillites …………………………………………………………………………………….17

II – La réalisation du Leverage Buy-Out dans l’Union Européenne ……………..……..19

A : Le financement du Leverage Buy-Out dans l’Union Européenne ……………………………….19

1. Les acteurs du financement ………………………………………………………………………………………….19

a. Les fonds d’investissement privés (private equity) ………..…………………………………..…..19

b. Les banques ……………………………………………………………………………………………………………20

2. La structuration fiscale des financements de LBO ………………………………………….……………21

a. La déduction des intérêts ……………………………………………………………………………………….21

b. Les mécanismes d’optimisation à disposition des sociétés ……………………………………..23

- La directive Mère-fille ……………………………………………………………….…………23

- L’intégration fiscale ……………………………………………………………………………..24

- La fusion ………………………………………………………………………………………………25

B : Le marché de la dette ………………………………………………………………………………………….…………..26

1. Le schéma classique d’un financement ……………………………………………………..…………………26

2. L’évolution du marché de la dette dans l’Union Européenne ……………………………..………..27

3. Le mur de la dette ………………………………………………………………………………………….…………….30

Conclusion …………………………………………………………………………………………………………………………….…..33 Bibliographie ……………………………………………………………………………………………………………..……………..34

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Introduction

Le Leveraged buy-out (LBO) est une opération qui permet à une ou plusieurs personnes

(les repreneurs, personnes physiques ou morales) d’acquérir une entreprise (la société cible).

La plupart du temps, une société holding est créée pour l’occasion. Elle s’endettera pour

financer la plus grande partie de l’acquisition. L’emprunt est ensuite remboursé grâce aux

remontées de trésorerie provenant de la cible.

Dès lors, si l’investisseur estime que son investissement est susceptible de générer des

flux de cash (cash-flows) suffisants pour rembourser l’emprunt nécessaire à l’acquisition, il

pourra utiliser cet emprunt comme un levier afin de rentabiliser l’investissement.

On assiste ainsi à une logique dite d’effet de levier.

Cette pratique consistant à racheter des entreprises en utilisant un endettement remboursé

à l’aide de cash-flows générés par la société cible est ancienne et existait déjà à un stade

moins développé depuis plus d’un siècle. Les premières opérations correspondant à la

définition contemporaine de LBO ont été observées aux Etats-Unis au début des années 1950.

La première grande opération est associée à McLean Industries, qui, en 1955, a acquis

plusieurs cibles importantes, dont Waterman, par endettement. Mais les véritables débuts du

LBO remontent à la constitution des fonds d’investissement dans les années 60. C’est

d’ailleurs à cette époque que Victor Posner1 invente l’expression de LBO. Les opérations se

multiplient par la suite dans les années 80 jusqu’à ce qu’elles deviennent incontournable.

Dans le cadre de l’Union européenne, La technique du Leveraged buy-out est d’abord

apparue au Royaume Uni puis en France dans les années 1980 avant de connaître un essor

dans l’ensemble des pays membres à la fin des années 90 jusqu’à la crise économique de 2007

qui a mis un frein aux opérations.

La principale caractéristique et le grand intérêt d’une acquisition par LBO résident dans

les trois effets de levier qu’elle conjugue en son sein.

Le levier économique ou financier est le plus important et a lieu lorsque le rendement de

la cible est supérieur au coût du capital nécessaire à l’endettement. En effet, si la cible dégage

un rendement supérieur au coût des capitaux engagés, les cash-flows qu’elle génère suffise à

rembourser la dette d’acquisition. L’acquisition par LBO devient alors possible.

Pour P. Vernimmen2 « l’effet de levier explique comment il est possible de réaliser une

rentabilité des capitaux propres (la rentabilité financière) qui est supérieur à la rentabilité de

l’ensemble des fonds investis, la rentabilité économique ».

Appliqué au LBO, l’effet de levier économique désigne l’incidence favorable que peut

exercer le recours à l’endettement auprès d’investisseurs externes sur la rentabilité de

l’opération.

1 Victor Posner (1918-2002) était un homme d’affaire Américain. Il était connu pour être l’un des chefs

d’entreprises les mieux payés de sa génération mais il était surtout un pionnier du rachat de sociétés par effet de levier (LBO). 2 Pierre Vernimmen (1946-1996) était un économiste français.

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On ne parle de levier économique que lorsque l’opération est rentable pour le repreneur.

Pour qu’il y ait effet de levier, la cible doit en effet générer des cash-flows au moins

équivalent aux coûts des financements utilisés pour son acquisition. Dans le cas contraire

l’opération sera déficitaire. On parlera alors d’ « effet de massue » par opposition à « effet de

levier ».

Le levier juridique consiste, principalement, à participer le moins possible tout en

contrôlant le plus possible. Il suffit alors d’acquérir la société en détenant la majorité des

droits de vote plus un. Cette majorité des droits permettra de prendre un certain nombre de

décisions, telles que la désignation des dirigeants ou le montant des dividendes à distribuer,

sans tenir compte de l’avis des actionnaires minoritaires.

L’effet de levier juridique résulte également de la mise en place d’une succession de

holdings « en cascade ». L’investisseur ne détient que la majorité simple de chacun d’entre

eux. Cela permet de démultiplier la puissance de contrôle d’un associé et de contrôler la

société cible avec un capital initial restreint. Cette détention partielle de chaque holding

permet à l’investisseur de limiter son engagement financier tout en conservant le contrôle du

groupe.

Le levier fiscal, quant à lui, tend à réduire le coût fiscal d’un tel montage et notamment

permettre la remontée, la moins onéreuse possible fiscalement, des cash-flows de la cible,

dédiés au remboursement de la dette d’emprunt. Dès lors ce levier dépend principalement de

la législation applicable aux sociétés concernées à savoir la société cible et la ou les sociétés

holdings.

Par exemple, la société holding s’endette fortement pour acquérir la cible et est

systématiquement déficitaire du fait de ses charges financières lourdes. L’intégration fiscale

de la société cible et de la société holding permet d’imputer le bénéfice de la première sur le

déficit de la seconde. L’économie d’impôt résultant de cette imputation constitue le troisième

levier de l’opération de LBO.

La pratique considère qu’il existe deux autres effets de levier. Le premier est opérationnel

et consiste, pour la société holding, à maximiser la performance de la société cible en

l’incitant à dégager le maximum de marge et de cash-flow possible. Le second est social et

consiste à améliorer le management de la société cible afin d’augmenter la performance de

celle-ci.

A côté ce cela, il faut garder à l’esprit que le LBO n’est qu’un terme générique.

Différentes variantes du montage en LBO sont envisageables. Cette possible diversification

illustre le fait que ce mécanisme constitue aujourd’hui une opération standard d’ingénierie

financière.

Parmi les LBO les plus traditionnels, quatre se distinguent. Le LBO financier met en

scène un fond de private equity qui détient le capital de la holding. Dans le LBO industriel, la

holding est détenue en totalité par un industriel qui écarte ainsi toute acquisition directe de la

cible. Dans le « leveraged build up » (LBU) une première cible acquiert d’autres sociétés qui

fusionnent et donnent naissance à une société de taille importante qui peut peser et se

développer sur le marché. Le « leveraged turn around » (LTA) porte sur des entreprises en

difficulté avec une stratégie fondée sur le redressement de la cible.

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D’autres LBO attribuent au management de la cible une part significative du capital de la

holding. Dans le « management buy out » (MBO), la cible est acquise par son équipe de

direction. Le « management and employees buy out » (MEBO) est du même type mais

implique managers et salariés, tous présents au capital de la holding. Dans le « management

buy in » (MBI), les investisseurs extérieurs acquièrent la cible et recrutent une nouvelle

équipe de direction pour la gérer. Le « buy in management buy out » (BIMBO) suppose un

management mixte, où l’équipe en place et les nouveaux managers cohabitent pour gérer la

cible.

Une autre catégorie de LBO implique que les cédants deviennent associés de la holding

de reprise afin de permettre leur sortie en douceur. Dans le « vendor buy out » (VBO), le

cédant est un associé minoritaire mai sensible de la holding de reprise, aux côtés du repreneur.

L’ « owner buy out » (OBO) est fréquent dans les sociétés familiales et permet à un associé de

réaliser la vente de son entreprise à lui-même en tant qu’associé unique de la holding.

Le « family buy out » pousse la logique de l’OBO à son extrême. Plusieurs membres d’une

même famille détiennent le capital de la holding dans une logique de transmission familiale

des droits sociaux de la cible.

Néanmoins, la façon de monter une opération de LBO, si elle cherche à maximiser les

effets de leviers énoncés, va évoluer au fil du temps et se différencier selon les pays membres

de l’Union européenne. Il y aura ainsi deux niveaux d’analyse distincts à prendre en compte.

En effet, on ne peut voir l’Union européenne comme un espace juridique et économique

homogène. Même s’il existe un marché unique et qu’il y a un mouvement d’harmonisation

dans certains domaines juridiques, il existe de grandes divergences entre chaque Etat

Européen. Ces divergences peuvent être d’ordre juridique, économique ou idéologique. Cela a

amené à une pratique des opérations de LBO adaptée à la culture de chaque pays Européens.

Si l’on retrouve toujours la volonté de maximiser les effets de levier, chaque pays proposera

certaines spécificités qui impacteront la réalisation de l’opération.

Ainsi le montage d’une opération au Royaume Unie ou en France sera différent aux

niveaux des rémunérations des managers par exemple. De même, les sociétés cibles de LBO

ne seront pas les mêmes en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni.

Cela va amener à comparer les législations de chaque Etat et ainsi à les mettre en

concurrence afin de déterminer les tenants juridiques essentiels à l’attractivité des

investisseurs pour les opérations de buy-out et ainsi comprendre l’évolution et la structure du

marché dans l’Union européenne.

Il y a un second niveau d’analyse mettant en évidence la mise en place d’une pratique de

certains aspects du LBO dans l’Union européenne plus harmonisé et basé sur le modèle

Américain. Cela se répercute surtout sur l’emploi de la dette dans les montages avec

l’adoption, au cours des années 2000, des nouveaux produits financiers provenant de l’autre

côté de l’Atlantique.

Ce sont ces deux niveaux d’analyse qu’il convient d’étudier dans le cadre de ce mémoire

sur la pratique du LBO dans l’Union européenne. Il apparaît dès lors important de commencer

cette étude par une analyse globale du marché du Leveraged buy-out dans l’Union européenne

(I) avant de voir plus précisément sa réalisation (II).

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I – Le Marché du Leveraged Buy-Out dans l’Union Européenne

Après être parti d’une approche relativement théorique en se basant sur l’hétérogénéité

juridique et économique des pays membres de l’Union européenne, il conviendra de

confronter les résultats avec la réalité du marché LBO dans l’Union européenne (A) Puis l’on

verra à travers quelques aspects juridiques essentiels lors d’une opération de LBO comment

s’est formé, à l’intérieur de l’Union européenne, un espace de concurrence juridique (B)

A : La coexistence de plusieurs cultures juridiques et économiques

Cette coexistence peut s’apprécier à un premier niveau de manière théorique à travers les

théories de Legal origin et de diversity of capitalism (1) mais celles-ci ne reflètent que

partiellement la réalité du marché des LBO dans l’Union européenne (2).

1 – Les théories de Legal origin et de diversity of capitalism

La théorie de « legal origin » a été développée initialement par La Porta34

. Cette théorie

se focalise sur les effets des systèmes juridiques sur les règlementations.

Elle se focalise plus exactement sur les effets que peut avoir un système juridique donné

sur le développement financier d’un Etat. L’originalité de cette approche est qu’elle peut tout

aussi bien être appliquée à d’autres domaines comme la règlementation du travail.

Le premier article de La Porta développe les conséquences de la concentration du pouvoir

économique entre les mains de quelques individus. Ainsi, au travers de ces travaux, on se rend

compte que suivant le système juridique en place, cette concentration n’aura pas les mêmes

effets5.

Dès lors, pour les systèmes de Common Law (comme le Royaume-Uni), il y a une

protection importante des intérêts des actionnaires minoritaires de sociétés. Ces systèmes

favorisent la transmission de richesse et la prédominance du marché boursier. A l’inverse,

dans le système de Droit Civil (comme la France), les intérêts des actionnaires minoritaires ne

sont pas protégés, ce qui favorise la concentration des richesses et un rôle secondaire du

marché boursier dans l’économie.

On considère, de façon générale, qu’il existe 5 systèmes légaux dont 4 systèmes de droit

Romano-germanique basé sur le droit civil.

- Le modèle Britannique qui est caractérisé par une tradition juridique de Common

Law. Cela se traduit par une forte protection des investisseurs et des créanciers et une

application renforcée de la loi. De plus, le marché du travail y est flexible.

- Le modèle Français se traduit par une faible protection des investisseurs et des

créanciers, une faible application de la loi et un marché du travail très règlementé.

3 Rafael La Porta est le Professeur de finances de la fondation nobel à la Tuck School Dartmouth College à

Hanover (New Hampshire) (États-Unis) 4 La Porta, R., Lopez-De-Silanes, F., Shleifer, A. and Vishny, R. W. (1998) ‘Law and finance’, Journal of Political

Economy, 106, 1113-1155 5 La Porta, R., Lopez-De-Silanes, F., Shleifer, A. and Vishny, R. W. (2000) ‘Investor protection and corporate

governance’, Journal of Financial Economics, 58, 3-27.

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- Le modèle Allemand a des caractéristiques similaires au modèle Français comme un

marché du travail peu flexible. Cependant, l’application de la loi y est la plus forte et

les investisseurs et créanciers bénéficient d’une meilleure protection.

- Le modèle Scandinave partage les mêmes caractéristiques que le modèle Allemand

excepté le fait que le marché du travail y est moins règlementé.

- Le modèle socialiste est actuellement divisé entre les pays ayant adopté le modèle

Allemand et Français.

Le modèle

Français

Le Modèle

Allemand

Le modèle

Scandinave

Le modèle

Britannique

Belgique

France

Italie

Pays-Bas

Portugal

Espagne

Autriche

Allemagne

Danemark

Finlande

Norvège

Suède

Irlande

Royaume-Uni

En développant ces arguments et, en particulier, la protection des investisseurs, on

pourrait croire qu’une forte protection serait un encouragement pour ces derniers à investir

dans les sociétés.

Ainsi, si l’on reporte cela à l’Union européenne, une première hypothèse serait que les

pays de Common Law devraient avoir le plus grand marché de LBO puisque les actionnaires

et les créanciers sont protégés. Au contraire, la France devrait avoir le plus faible marché

LBO et l’Allemagne et les pays Scandinaves s’intercaleraient entre.

Néanmoins cette théorie a fait l’objet de nombreux débats. Des critiques se sont élevées

contre les résultats basés seulement sur la protection des minoritaires. De plus, ces recherches

ne prenaient pas en compte la différence entre la protection théorique et la protection réelle

des créanciers. Il n’y avait de même aucune prise en compte de la jurisprudence qui

représente la source principale de droit dans les pays de Common Law.

Aussi certains auteurs ont considéré que la concentration d’actionnaires était surtout la

résultante de facteurs politiques et sociaux6.

D’autres études ont également contesté les résultats de La Porta. Ainsi, certaines ont pu

relever que dorénavant la protection des actionnaires dans les pays de droit civil avait

énormément évolué et qu’elle pouvait même être plus importante qu’aux Etats-Unis7

Récemment, La Porta a résumé la plus grande partie de son travail et a proposé une

interprétation plus générale. Il explique dorénavant comment la théorie de legal origin est

reliée au débat sur la variété des capitalismes, et considère que sa théorie représente surtout

une alternative et une explication à celle-ci8.

La théorie de « diversity of capitalism » est une deuxième approche tendant à classer les

Etats davantage selon des critères économiques.

6 Roe, 2000, Gourevitch and Shinn, 2005 ; Pagano and Volpin, 2005 ; Belloc and Pagano, 2009

7 Armour and Al (2009)

8 La Porta, R., Lopez-De-Silanes, F. and Shleifer, A. (2008) ‘The Economic Consequences of Legal Origins’, Journal

of Economic Literature, 46, 285-332.

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Les travaux de doctrine sur cette question mettent davantage l’accent sur les différences à

long terme entre les modèles.

Ainsi Hall et Soskice9

ont fait les premiers la distinction entre deux formes de

capitalismes :

- Les économies de marchés libérales (marché anglais et américain…)

- Les économies de marchés coordonnés (marché allemand, français…)

Les deux systèmes ont des avantages et des inconvénients et aucun ne semble supérieur à

l’autre.

Les économies de marchés libérales sont basées sur l’importance de la coordination des

marchés : un marché du travail souple, un haut développement du marché financier et une

concurrence élevée sur le marché de consommation.

Ainsi, la forte flexibilité du marché du travail est hautement compatible avec la grande

liquidité du marché financier qui impose une grande capacité d’adaptation au marché. Ce

système permet aussi de faciliter le financement des petite entreprises innovantes en

permettant d’embaucher des salariés qualifiés qui seront rémunérés par l’intermédiaire de

stock-options.

Néanmoins du fait d’une vision à court terme des marchés financiers et de l’important

turnover des employés, les économies de marché libéral ont de mauvaises performances pour

les innovations incrémentales10

et les investissements de compétence à long terme.

Au contraire, les économies de marchés coordonnés fonctionnent sous d’autres formes de

coordinations comme les coopérations ou les réseaux.

Le financement est organisé autour de la Banque et est dirigé vers le long terme. La

protection des salariés est grande et les sociétés font des alliances et des ententes entre elles

sur les marchés de consommation.

De plus, ces économies sont performantes sur l’innovation incrémentale mais moins

efficace sur les innovations radicales11

.

Or cette théorie semble assez simpliste et il est difficile de la voir appliquer par exemple

au Leveraged buy-out. En effet, Le LBO est un type d’investissement ayant des

caractéristiques relativement hybrides comparé avec le modèle de capitalisme.

Ainsi avec le modèle anglo-américain, un LBO permettrait aux actionnaires de faire

coïncider leur vision avec celles de leurs managers. Il permettrait de lever rapidement des

fonds d’investisseurs institutionnels comme des fonds de pensions et le marché financier

permettrait une sortie du LBO plus aisée.

A l’inverse, l’autre modèle est une alternative tout aussi crédible qui permet une

concentration des actions dans une seule entité (fonds de private equity par exemple) avec un

contrôle direct des dirigeants et l’utilisation de la dette bancaire comme mode de financement.

Dès lors, en suivant ces deux théories, le développement inégal du LBO en Europe

devrait pouvoir s’expliquer surtout par les différences de système juridique étant donné que

les différents modèles économiques seraient équivalents.

9 Hall, P. and Soskice, D. (2001), Varieties of Capitalism: The institutional foundations of comparative

advantage, Oxford, Oxford University Press. 10

Il s’agit d’améliorations modestes, graduelles et continuelles de techniques ou de produits existants. 11

L'innovation radicale s'accompagne d'un bouleversement technologique (invention de l’imprimerie…).

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En reprenant, les travaux de La Porta on peut supposer qu’une forte protection du marché

du travail entraîne une baisse de l’activité du LBO tout comme une faible protection des

créanciers ou des associés minoritaires. Néanmoins, cela reste théorique et au vue du marché

du LBO et de son développement, il semble que ces doctrines ne puissent expliquer la

pratique du LBO dans l’Union européenne.

2 – La réalité du marché LBO dans l’Union Européenne

a - L’évolution du marché

Le marché du LBO dans l’Union européenne s’est considérablement développé ces 30

dernières années. Ce marché est par nature cyclique. Il y a eu 3 principales périodes

d’accroissement des LBO. La première a eu lieu dans les années 80, aux prémices de son

développement. La seconde a eu lieu dans les années 90 et la troisième de 2004 à 2007

jusqu’à la crise des subprimes.

Durant ces années, les records en termes de LBO ont été systématiquement battus que ce

soit tant de part la taille des opérations de façon individuelle que de part la valeur globale du

marché.

Si on prend comme exemple le Royaume Uni. En 1997, le marché a franchi pour la

première fois la barrière des 10 milliards de Livres Sterling. Seulement trois ans plus tard, en

2000, il y avait eu plus de 20 milliards de deals réalisés.

En 2000, le premier LBO Européen supérieur à 3 milliards de Livres Sterling a été

réalisé12

. En 2005, il y avait déjà eu 20 000 opérations réalisées dans l’histoire du marché des

LBO dans l’Union européenne.

Or, excepté la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, le marché des LBO dans l’Union

européenne est resté peu développé jusqu’en 1996.

Comme le montre le schéma ci-dessus, on remarque qu’il n’y a pas eu une explosion du

nombre de LBO dans les années 2000.

Au sein de l’Union européenne il y a eu 738 LBO en 1996 contre 797 par exemple en

2004. Sur ces 738, 646 ont eu lieu au Royaume-Uni pour un montant de 12,55 milliards

d’euro. En 2004, il y a eu 701 LBO au Royaume-Uni pour un montant de 30 milliards d’euro.

12

Il s’agissait du rachat de MEPC par Leconport

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9

Dans le même temps en 2004 il y avait 22 LBO en France représentant 11,5 milliards contre

26 LBO en 1996 représentant 2.19 milliards d’euro. Les résultats sont identiques dans

l’ensemble des pays européens13

.

En conséquence, il y a une spécificité à soulever sur la croissance du marché du

LBO. Cette croissance n’est absolument pas due à la multiplication du nombre

d’opération, qui a en réalité stagné, mais plutôt à une explosion de leurs valeurs

financières.

Les chiffres montrent que le Royaume-Uni est de loin le pays avec la plus grande activité

de LBO. Mais s’il domine largement en nombres d’opérations, la France, l’Allemagne, l’Italie,

l’Espagne et les Pays-Bas ne sont pas en reste quant au montant des opérations.

L'année 2012 n'a pas été un bon millésime en Europe pour les opérations de LBO. Selon

les dernières statistiques du Centre for Management Buy-Out Research (CMBOR) la valeur

totale des transactions soutenues par des fonds de LBO a reculé de 21% par rapport à 2011,

passant de 63 milliards à 49,5 milliards d'euro. Cette tendance est surtout le fait des

transactions de taille moyenne (comprises entre 100 millions et le milliard d'euro).

Ce recul est imputable à plusieurs raisons. Ainsi, les incertitudes économiques sur la zone

euro pèsent sur les perspectives des entreprises susceptibles de susciter l'intérêt des fonds

d'investissement. Il n’est pas étonnant, dans cette situation, que seuls deux des dix principaux

LBO réalisés sur le marché européen soient originaires de la zone euro.

De plus, en 2012, le Royaume-Uni a retrouvé sa place de leader sur le marché LBO avec

19,4 milliards d’euros de transaction devant l’Allemagne et ces 6,5 milliards. La France qui

était leader en 2011 (15 milliards de transactions) a vu son marché diminuer de 60% pour

s’établir à 6,2 milliards. La cause de cette chute étant principalement liée à des incertitudes

politiques.

Malgré, la croissance du marché LBO dans l’Union européenne, la maturité des différents

marchés varie nettement. Un indicateur commun afin, de déterminer la maturité d’un marché

national, est de calculer le ratio entre le montant global des opérations de LBO et le produit

intérieur brut. Le choix dans ce mémoire a été de s’arrêter en 2008 pour l’étude de la maturité

étant donné que depuis la crise, ce marché est devenu imprévisible.

13

Source des chiffres : The European Private Equity and Venture Capital Association (EVCA)

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10

Comme on peut le constater sur le schéma ci-après, tous les pays de l’Union européenne,

excepté l’Irlande, ont connu une augmentation de la valeur moyenne des LBO par rapport au

PIB entre 1997-2002 et 2002-2008.

Ainsi les marchés les plus matures entre 2002 et 2008 (plus de 1,5%) sont le Danemark,

les Pays-Bas, la Suède et la Grande-Bretagne. Ces pays sont suivis par la Finlande, la France

et l’Allemagne avec un peu plus de 0,7%. Les marchés les moins développés sont l’Autriche,

le Portugal et l’Espagne où les LBO comptent pour moins de 0,5%

b - Les entreprises cibles de LBO dans l’Union Européenne

b – 1 : Propos Généraux

Une opération de LBO n'est, a priori, envisageable qu'avec des cibles présentant certaines

caractéristiques. Théoriquement, l'entreprise rachetée doit dégager des résultats et des flux de

trésorerie suffisants et assez stables dans le temps pour faire face aux flux de la dette

contractée par la société holding. La société reprise ne doit pas avoir des besoins

d'investissement trop importants.

C'est donc davantage une entreprise ayant atteint le stade de la maturité, évoluant dans un

secteur d’activité sans variation importante de conjoncture. Le risque industriel doit être

limité ; en effet, le financement par LBO va faire peser sur la société un risque financier

important. Les cibles retenues évoluent donc dans des secteurs où les barrières à l'entrée sont

importantes et où les risques de substitution sont faibles. Il s'agit souvent de secteurs de niche

dans lesquels la cible dispose d'une part de marché confortable.

Les cibles idéales étaient traditionnellement de pures « vaches à lait ». Au cours du temps,

on a observé une évolution graduelle vers des sociétés à plus forte croissance ou pour

lesquelles des opportunités de consolidation du secteur existaient. L'aversion au risque des

investisseurs se relâchant, certains fonds ont investi dans des secteurs plus difficiles dont les

revenus sont, par nature, volatils ou cycliques avec des investissements très importants et des

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11

mutations de marché très rapides, comme les équipementiers automobiles ou le secteur de la

technologie ou d'autres se spécialisant dans des entreprises en restructuration.

La crise de l'été 2007, l'arrêt brutal des opérations de LBO notamment après la faillite de

la banque Lehman Brothers, et la réouverture très progressive du marché des LBO depuis la

fin 2009 ont entraîné un retour vers des acquisitions plus rassurantes, c'est-à-dire des

entreprises de taille plus petite, rarement au-dessus de 3 Md€, générant des flux de trésorerie

avec une bonne visibilité permettant de rembourser leurs dettes.

b -2 : Les entreprises cibles en fonction des pays

Il existe d’importantes différences entre les pays en termes d’opportunités dans les LBO.

Par exemple, au Royaume Uni, la plupart des transactions résultent de restructurations de

grands groupes. Cela arrive fréquemment lorsque ces derniers cherchent à se recentrer sur leur

cœur de métier et cèdent par LBO des filiales. On parle de désinvestissement de sociétés côtés.

L’une des autres grandes sources de LBO en Angleterre a été la privatisation dans les

années 80 du secteur public.

Pour une privatisation réussie on peut prendre l’exemple d’Inmarsat14

. Il s’agissait d’une

compagnie de télécommunication. Inmarsat était au départ une organisation internationale

fondée en 1979. Son rôle était de fournir au niveau mondial des moyens de communications

sûr pour le commerce maritime.

A partir d’une clientèle de 900 navires dans les années 1980, la société a ensuite connu

une croissance rapide pour offrir des services similaires à d'autres utilisateurs au niveau

terrestre et aérien, jusqu'à ce qu’en 1999, elle soit devenue la première organisation

internationale à être transformé en une entreprise privée.

Apax et Permira ont acheté la compagnie en décembre 2003 pour 921 millions de livres

sterlings. Leur stratégie fut de poursuivre le développement de celle-ci à travers le monde

pour en faire un des leaders de la télécommunication (satellite). L’entreprise a ainsi lancé les

satellites Inmarsat- 4 et le Global Broadband Aera Network (BGAN) service. La compagnie a

été côté avec succès en bourse sur le marché Londonien en Juin 2005 avec une capitalisation

de plus de 1 milliards de livre sterling. Inmarsat gère maintenant les moyens de

communications de plus de 287.000 bateaux et avions. Aujourd’hui son BGAN est accessible

à travers 85% de la planète et pour 98% de la population.

Dorénavant, on assiste surtout, au Royaume-Uni à des LBO secondaires15

ou des LBO dit

« public to private »16

.

En France, à l’inverse le marché du LBO s’est accru et s’est centré autour des entreprises

familiales. Le moment de la succession constitue, dès lors, une opportunité pour les fonds de

private equity. Ainsi, en 2007, dernière année de forte activité avant la crise de mi-2007,

environ la moitié des LBO réalisés en France concernait des entreprises familiales. Un large

nombre de PME Françaises s’est créé ou fortement développé sous l'impulsion de leur

actionnaire majoritaire dirigeant durant les années 1960-1970. Arrivant à l'âge de la retraite,

14

International maritime satellite organization 15 Le LBO secondaire consiste à céder l'entreprise sous LBO à un autre fonds de LBO qui lui-même met en

place un nouveau montage. On peut également assister à des LBO tertiaire, voire des LBO quaternaire.

16 Cela consiste à monter un LBO sur une société cotée et à la sortir de la Bourse. Cette solution est le plus

souvent retenue pour les sociétés petites et moyennes délaissées par les investisseurs et dont le cours est peu liquide et visiblement sous-évalué par le marché

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12

ces dirigeants/actionnaires souhaitant céder leur entreprise sont tentés par les fonds de LBO

comme alternative à la cession au concurrent direct souvent perçu comme « le diable en

personne » ou à une sortie par la Bourse qui peut être difficile. Cette réaction peut être

exacerbée lorsque l'entreprise porte le nom de la famille, nom qui risque d'être perdu lors de la

cession à un autre industriel17

.

De même, ces dernières années, le désinvestissement des grands groupes Français a été

une source grandissante de LBO. Cela résulte d’une mutation de l’économie Française. En

effet, il y a eu un accroissement du besoin pour les sociétés d’optimiser la gouvernance des

sociétés et de créer de la valeur actionnariale. Dès lors, ce type de LBO est devenu une partie

majeure des cibles du marché Français du private equity. Près du quart en nombre, et plus

encore en volume, des opérations de LBO provenait de cessions de filiales ou de divisions de

grands groupes. Ceci est la conséquence logique de la concentration des activités des grands

groupes. De nombreux secteurs sont aujourd'hui tellement concentrés que lorsqu'une

entreprise d'une taille significative doit être cédée, seuls des acheteurs financiers peuvent

réglementairement acquérir l'entreprise dans son ensemble. Les conditions qui seraient

imposées par les autorités de contrôle des concentrations sont telles pour les acheteurs

industriels que le prix qu'ils peuvent mettre en avant n'est pas compétitif malgré les synergies

éventuelles. Ces opérations correspondent souvent aux opérations de taille plus importante.

Pour finir, plus de 30% des opérations correspondaient à des LBO secondaires, tertiaires

ou plus.

A l’inverse, il existe un contraste avec des pays comme l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie.

En effet, dans ces Etats, les fondateurs de petites et moyennes entreprises sont réticents à

l’idée de vendre leurs sociétés à des groupes de private equity ou à leur céder le contrôle. Cela

explique l’accroissement mineur de ces marchés.

Cela entraîne le fait que le désinvestissement et les LBO secondaires sont devenus les

principales formes de transactions dans ces pays.

Dans les anciens pays communistes ayant rejoint l’Union européenne, la transition

économique qui y a eu lieu a été la principale source d’opportunité puisque beaucoup

d’entreprises publiques ont été privatisées, bien que le volume des opérations ait nettement

décliné ces dernières années.

Excepté le Royaume-Uni, le marché Européen du LBO de type « public to private » est

mineur, en partie parce que ces pays ont peu de sociétés cotées. De plus, la culture peut aussi

jouer un rôle et il est probable que les managers et dirigeants de tels sociétés aient trop de

fierté dans le fait d’être côté pour considérer l’éventualité d’y renoncer.

Néanmoins, on voit d’emblée d’un point de vue théorique, que la France qui aurait dû

être un marché non attractif pour les LBO est aujourd’hui l’un des 3 leaders dans ce domaine.

Ces résultats pourraient résulter de différences juridiques existantes dans l’Union européenne.

17

Voir Exemple de la société Delachaux

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13

B : L’Union Européenne : un espace juridique concurrentiel

L’objectif de cette partie est de sortir du mécanisme stricto sensu du LBO, et de voir

suivant différents aspects du droit quels sont les atouts et éléments à prendre en compte pour

attirer les investisseurs et les convaincre de réaliser un LBO. L’étude se focalisera

principalement sur les 3 principaux marchés de LBO (France, Allemagne et Royaume-Uni).

Elle portera sur la fiscalité des managers (1), l’assistance financière (2), le droit du travail (3)

et le droit des faillites (4)

1 – Au niveau de la fiscalité des managers et investisseurs dirigeants :

la problématique des « management packages »

Le débouclage ces dernières années de nombreuses opérations de LBO a aiguisé au sein des

administrations fiscales européennes un appétit de rectification proportionnel aux gains

réalisés. Etaient mise en cause l’ingénierie financière et la structuration, au bénéfice d’équipes

dirigeantes, de « management package » (actions, bons de souscriptions d’actions, obligations

convertibles…) organisant le partage des gains issus de l’opération.

De nombreuses opérations onéreuses sont arrivées ces dernières années à maturité.

Comme on l’a vu dans la partie précédente, le montant des opérations n’a cessé d’augmenter

en valeur et les acteurs de ces opérations ont également vu leurs avantages augmenter. Il n’est

donc pas étonnant que leur débouclage ait ouvert l’appétit des administrations européennes.

La sophistication croissante de l’ingénierie financière n’y est pas étrangère, elle a permis

d’associer les managers aux gains réalisés lors de la cession des titres de la société « cible »

de l’opération de LBO. Le partage différencié de ces gains, leur imposition dans la catégorie

des plus-values de cession de valeurs mobilières ont suscité une attention particulière. Il est

évident que suivant la taxation de ces outils, un LBO peut perdre de son intérêt surtout dans

un cadre Européen.

Ainsi si l’on se fonde sur l’exemple du Royaume-Uni, en 2003, une législation a été mise

en place laissant penser que ces avantages pourraient se voir imposer suivant le barème de

l’impôt sur le revenu afin d’augmenter les recettes fiscales.

Néanmoins en Angleterre, cette législation ne fut point appliquée puisque le

HMRC18

trouva un mémorandum d’accord le 25 Juillet 2003 avec les grands fonds de private

equity.

Le résultat de cet accord est que le Royaume Uni est aujourd’hui le pays le plus attractif

fiscalement pour la mise en place des « management packages ». Les plus-values réalisées,

dans ce cadre, étant taxées au taux de 10%.

A l’inverse, dans le cadre de la France, la situation est plus conflictuelle19

:

18

Her Majesty's Revenue and Customs (HMRC) est un département non-ministériel du gouvernement du Royaume-Uni principalement responsable de la collecte des taxes et du paiement de certains services fournis par l'État 19

Voir article LBO : mauvais procès pour vraies plus-values : Article paru dans Option finance le 22 et 29 novembre 2010

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14

Il n’y a aucune loi en France qui traite spécifiquement de cette question et les profits

réalisés par des investissements LBO devraient en principe être imposés comme un gain en

capital. Cela a été confirmé par plusieurs arrêts du conseil d’Etat20

. Néanmoins,

l’administration fiscale française a procédé à de nombreux contrôles sur quelques LBO. Ils

ont requalifié le traitement fiscal de ces gains en considérant que les plus-values réalisées par

les managers ou les investisseurs dirigeants étaient disproportionnées et sans corrélation avec

l’investissement réalisé. L’administration a ainsi requalifié la plus-value en un BNC en se

prévalant de l’article 92.1 du CGI.

Même si le juge de l’impôt remet fréquemment en cause les rectifications de

l’administration fiscale, il n’en reste pas moins que les « management packages » sont

devenus rares dans les opérations de LBO impliquant une cible française. Dès lors, cela rend

le LBO français moins attractif.

En Allemagne, étant donné l’absence de règles spécifiques sur les « management

packages » les règles de taxations générales s’appliquent. Ainsi il n’y a aucune imposition en

Allemagne si la personne détient moins de 1% de la société durant les 5 ans précédant la plus-

value et qu’elle détient ces actions depuis au moins 1 an.

Le point essentiel, dans la législation Allemande, est la notion « beneficial ownership ».

Ainsi si le sponsor ou le fonds de private equity peut forcer un manager à transférer ses

actions et à sortir du capital ou si le risque du manager est limité par une clause alors

l’administration fiscale Allemande considèrera que le manager n’est pas le véritable

« beneficial ownership ». Dès lors sa plus-value sera imposée comme un revenu du travail à

un taux proche de 50%. Cependant, dans la règlementation Allemande, on voit bien que

l’exonération ici n’est réservée qu’à une faible part des managers n’ayant que très peu

d’actions. Pour les dirigeants investisseurs, les plus-values seront imposées comme un gain en

capital selon les règles classiques du droit allemand.

Cette question des « managements packages » est également litigieuse dans les autres

pays Européens. On observe souvent une hésitation entre l’imposition de ces plus-values

comme gain en capital ou comme revenu du travail. On retrouve cela en Espagne et en Suède.

En Espagne, les dividendes et les gains en capital résultant d’un LBO seront imposés comme

un gain en capital sauf s’il est considéré que le gain obtenu est disproportionné par rapport au

montant investit par le manager en comparaison des autres actionnaires.

En suède, l’imposition se fera comme un gain en capital si 3 conditions sont remplies : les

actions doivent avoir été acquises à la juste valeur de marché « fair market value », librement

transférables et non sujet à des restrictions de droits.

Dans tous les cas, on voit ici que seul le Royaume Uni a une législation attractive du fait

d’une sécurité fiscale et d’une faible taxation.

20

le Conseil d’Etat a affirmé, par un arrêt de principe en date du 18 janvier 2006, que l'administration n’est pas fondée à requalifier un gain en capital en revenu d’activité du simple fait que le cédant a très activement travaillé au développement de l'activité de marchand de biens de la société dont il était co-fondateur et directeur général, en tirant notamment parti de sa réputation d'expert en matière immobilière et du soutien financier du groupe majoritaire.

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15

2 – Au niveau de l’assistance financière

L’assistance financière dans la loi se définit comme l’assistance donnée à une société

pour acheter ses propres actions ou les actions de sa société holding. L’assistance peut avoir

plusieurs formes. Le type d’assistance le plus commun est une garantie financière donnée

pour un prêt ou une sûreté consentit à un tiers dans le but de souscrire ou d’acheter ses

propres actions.

A l’origine, l’assistance financière était par principe interdite au sein de l’Union

européenne. Cela résultait d’une directive du 13 Décembre 1976 et plus particulièrement de

l’article 23.

La rédaction initiale de l’article 23, al. 1 faisait clairement interdiction à la société

d’accorder quelque aide financière que ce soit à un tiers afin de permettre à celui-ci d’acquérir

ses actions : il était ainsi prohibé à celle-ci d’ « avancer des fonds », d’ « accorder des prêts »

ou de « donner des sûretés en vue de l’acquisition de ses actions par un tiers ». Cette

interdiction ne s’appliquait cependant pas aux transactions réalisées dans le cadre des

opérations courantes des banques et d’autres établissements financiers, ni aux opérations

effectuées en vue de l’acquisition d’actions par ou pour le personnel de la société (art. 23, al.

2), ainsi qu’aux opérations visées par l’article 20, al. 1 de la directive. Cette prohibition de

l’assistance financière avait pour objectif d’éviter que la société ne se vide de son patrimoine

en accordant des prêts ou des sûretés. Cette règle constituait un corollaire des règles relatives

à la souscription ou à l’achat par la société de ses propres titres (art. 19 et 20 de la directive).

La directive 2006/68/CE du 6 septembre 2006 vient assouplir, voire supprimer,

l'interdiction de principe de l'assistance financière et donne aux États membres la faculté

d'autoriser celle-ci - ces derniers étant cependant libres de maintenir une interdiction totale -

tout en la subordonnant à un certain nombre de conditions cumulatives.

Ces assouplissements, qui semblent s'inscrire dans un mouvement plus large de

relativisation de la conception classique du capital social, ont été accueillis avec étonnement

par plusieurs Etats européens (Allemagne, France).

Le nouvel article 23 § 1 de la deuxième directive est en effet rédigé comme suit : «

lorsque les États membres permettent à une société, directement ou indirectement, d'avancer

des fonds, d'accorder des prêts ou de donner des sûretés en vue de l'acquisition de ses actions

par un tiers, ils soumettent ces opérations aux conditions énoncées dans les deuxième,

troisième et quatrième alinéas ». Ces conditions ont un caractère cumulatif : tout d'abord,

l'opération de prêt ou de garantie doit avoir lieu à de justes conditions de marché sous la

responsabilité de l'organe d'administration de la société octroyant l'assistance, afin d'éviter que

le prêt ne soit consenti à un taux d'intérêt hors marché.

Ensuite, l'opération d'octroi de l'assistance doit être soumise, pour accord préalable, à

l'assemblée générale, qui statue à la majorité qualifiée après qu'un rapport écrit lui exposant

les motifs de l'opération et, entre autres, l'intérêt et les risques que celle-ci présente pour la

société, ainsi que le prix auquel le tiers est censé acquérir les actions ait été mis à sa

disposition. Ensuite, l'aide financière accordée aux tiers ne doit pas rendre l'actif net de la

société inférieur au montant du capital souscrit, augmenté des réserves que la loi ou les statuts

ne permettent pas de distribuer. Enfin, la situation du tiers bénéficiaire de l'assistance

financière « doit avoir été dûment examinée », afin de ne pas venir en aide financièrement à

une société en situation économique précaire.

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16

La France a, pour l'instant, fait le choix de ne pas revenir sur la prohibition de l'assistance

financière, toujours en vigueur à l'article L. 225-216 du Code de Commerce. La Chambre

commerciale de la Cour de cassation adopte d'ailleurs une interprétation stricte de ce texte.

Selon certains commentateurs, le maintien d'une telle position est inopportune car le

dispositif d'autorisation de l'assistance financière tel qu'aménagé par le droit européen serait

de nature à protéger les actionnaires et les créanciers sociaux de la société contre les risques

inhérents à une telle assistance.

À l'instar de le France, l'Allemagne a, elle aussi, maintenu la même position afin d'assurer

le respect du principe énoncé par sa législation, selon laquelle il est interdit de restituer leurs

apports aux actionnaires (dans le cas où les candidats acquéreurs sont actionnaires). Une

introduction en droit allemand des assouplissements prévus par la directive 2006/68/CE ne

serait donc possible que dans l'hypothèse où le législateur allemand prévoirait une réforme en

profondeur de sa législation.

A l’inverse, le système britannique, même avant l’entrée en vigueur de la directive, par

l’adoption du Companies Act 2006, a supprimé l’interdiction de l’assistance financière

lorsque celle-ci concerne l’acquisition de titres de sociétés ne faisant pas appel public à

l’épargne.

Ce Companies Act’s est applicable depuis Octobre 2008 et rend de fait, encore une fois,

la législation Anglaise plus attractive que celles des autres pays Européens.

3 – Au niveau du droit du travail

Les effets du LBO sur les salariés sont sans doute l’aspect le plus controversé. Les

organisations syndicales considèrent le LBO comme l’incarnation de la financiarisation, qui

prône la maximisation de la richesse des actionnaires, mais qui ne profite pas ou peu à

l’ensemble des salariés alors que le risque de faillite est renforcé. Ainsi, tandis que les

syndicats pointent des exemples de licenciements massifs à la suite de LBO, les fonds de

private equity mettent en avant des exemples de réussite où la société rachetée a embauché.

Néanmoins, on voit ici l’intérêt de la problématique, si le LBO entraîne inévitablement

une réduction des effectifs alors une législation du travail souple serait un atout certain.

Différentes études ont été menées sur le sujet quant aux effets du LBO sur les employés

en Europe.

Ainsi Amess and Wright (2007) ont étudié la question en prenant un échantillon de 232

LBO réalisé entre 1996 et 2006 au Royaume-Uni. Ils ont mis en évidence que l’opération

n’avait aucun effet sur l’emploi ou le niveau des salaires comparé aux entreprises du même

secteur. Cependant d’autres études vont en sens contraire. Ainsi Cressy et al. (2007), ont eu

des résultats contraires où le LBO entraînait une baisse de 7% des effectifs comparé aux

entreprises similaires.

Les résultats sur les LBO Français sont totalement différents. Boucly et al. (2009) ont

ainsi étudié 830 opérations et ont noté une progression de l’emploi de 13%. Une autre étude

Suédoise concluait que le LBO n’avait aucune incidence sur l’emploi…

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17

Cependant une étude récente de l’EVCA21

, réalisée sur l’ensemble de l’Europe, met en

évidence que globalement l’opération de LBO aboutit, dans la majorité des cas, à une

augmentation du nombre de salariés et des salaires.22

Or, quand bien même, des licenciements seraient nécessaires dans le cadre d’une

restructuration, il ne faut pas omettre la nature protectrice pour les salariés de l’Union

européenne. Il y a en Europe une forte tradition de protection des salariés ce qui a donné lieu à

de nombreuses réglementations affectant les LBO.

Ainsi est intervenu une directive Européenne 2001/23/CE prévoyant certaines garanties

pour les travailleurs en cas de transfert de l'entité économique les employant. Son article 3

pose notamment le principe selon lequel les droits et obligations résultant du contrat de travail

doivent être transférés du cédant au cessionnaire.

Or cette directive est applicable vis-à-vis des opérations de LBO. Dès lors, ayant été

transposé à l’ensemble des pays membres, aucun pays ne possède une législation attrayante

sur ce domaine.

La directive a été transposée à l’article L122-12 du Code du travail23

. De même, on

retrouve les mêmes dispositions dans la législation Anglaise24

.

Ainsi au regard de ces éléments, le droit du travail pourrait surtout poser des difficultés si

le non-respect des formalités de consultation des travailleurs pouvait bloquer ou annuler une

opération. Or l’ensemble des pays Européens ont une législation équivalente. Dans tous les

cas, si la consultation est nécessaire, le non-respect des formalités ne pourra remettre en cause

l’opération que le pays soit basé sur un système de cogestion (Danemark, Allemagne) ou un

système plus libéral (Royaume-Uni).

Au regard de tous ces éléments bien que le droit du travail de certains pays (France)

puisse apparaître comme un frein à la réalisation de LBO. Il s’avère qu’en réalité cette

opération est plutôt bénéfique en termes de création d’emploi et dès lors, l’éventuelle

souplesse d’une législation d’un Etat membre ne pourrait donner un atout sur le marché LBO

de l’Union européenne.

4 - Les Faillites

Il faut garder à l’esprit que le LBO est un mécanisme qui recourt à de la dette. Or, avant

la crise, de nombreuses opérations se sont faites avec un fort endettement. Cela augmente

d’autant plus le risque de faillite.

On peut parler de faillite lorsque la société cible n'arrive plus à remonter assez de

dividendes à la société holding pour que cette dernière puisse faire face aux échéances de sa

dette, et que les créanciers et les actionnaires de celle-ci n'arrivent pas à se mettre d'accord sur

un plan de recapitalisation et une renégociation des caractéristiques des dettes (montant, durée,

taux, covenants). Les magasins de vêtements Morgan ont connu ce sort peu enviable en 2009.

21

The European Private Equity and Venture Capital Association 22

The Impact of Private Equity-backed Buyouts on Employee Relations Research Paper - December 2008 23

S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. 24

The Transfer of Undertakings (Protection of Employment) Regulations 2006 (SI 2006/246) ou “ TUPE” est la règlementation Anglaise ayant transpose la directive 2001/23/CE.

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18

Il n’y a pas eu beaucoup d’études sur le nombre de faillites en Europe. On peut citer les

travaux de Lopez de Silanes et al. (2009) qui montrent qu’il y a environ 10% des opérations à

travers le monde qui aboutissent à une faillite.

Pour l’Union européenne, cela va d’un taux de 5% pour les pays Scandinaves, 8% pour la

France, 10% pour le Royaume-Uni jusqu’à 13% dans le cas de l’Allemagne.

Or effectivement, le droit des faillites peut se voir comme un élément important pour un

investisseur prudent. En effet, il y a de nombreuses divergences entre les droits de la faillite

dans l’Union européenne.

Si l’on se réfère aux dernières données Doing business au sujet des faillites en Europe, le

Royaume-Uni est au 9ème

rang tandis que l’Allemagne est 19ème

juste devant l’Espagne. La

France est en 43ème

position.

Il y a également de grandes différences au niveau de la liquidation entre les pays. Ainsi

en Angleterre et en Allemagne la priorité est donnée au créancier lors du partage de la

liquidation alors qu’en France existe un super privilège pour les salaires des salariés.

Dès lors on voit bien que dans une opération à fort endettement et à risque, l’investisseur,

en cas d’échec, et les Banques (qui restent les premiers créanciers) ne récupèreront aucun

retour d’une liquidation en France, alors qu’au Royaume-Uni, il y a un retour en moyenne de

62% pour les créanciers25

.

On comprend dès lors le recours fréquent aux holdings Luxembourgeoises dans les

opérations françaises afin d’éviter l’application du droit français des entreprises en difficulté.

Celui-ci permet, en effet, la mise sous sauvegarde d’un débiteur «qui, sans être en cessation

des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter» (C. com., art. L.

620-1). Cette perspective a suscité de vives inquiétudes depuis l’affaire Cœur Défense. 26

Ainsi en comparant un peu les chiffres, on peut comprendre pourquoi il y a relativement

peu de faillites en France. Les créanciers sont poussés au compromis, c'est-à-dire à des

abandons ou un rééchelonnement des créances car ils ne peuvent pas prendre le risque de ne

rien récupérer en cas de liquidation judiciaire.

En conséquence, on peut voir que l’Angleterre est bien le pays le plus attractif de l’Union

européenne cela lui permettant sans doute de maintenir sa place de leader. Elle possède, de

loin, la plus forte activité en termes d’opérations.

Néanmoins, malgré une législation assez contraignante sur certains aspects, la France

reste l’un des principaux leaders grâce à un grand vivier de PME. Malgré cela, les réformes

récentes en termes de fiscalité risquent de mettre un frein aux opérations ce qui est déjà le cas

en 2012.

Or il est évident que la seule étude du marché du LBO et de l’attractivité du droit du

travail ou des faillites n’est pas suffisante pour réellement prendre la mesure de la pratique des

LBO dans l’Union européenne bien que cela nous ai permis de tirer les grandes lignes de

celle-ci. Il convient ainsi de voir comment sont réalisés les LBO et s’il y a des différences

intracommunautaires fondamentales.

25

Voir The impact of Private Equity Investors on their Portfolio Companies, CMBOR 26

Cass. Com., 8 mars 2011

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19

II –La réalisation du Leveraged Buy-Out

dans l’Union Européenne

La réalisation du LBO dans l’Union Européenne pose deux problèmes majeurs. Celle de

son financement à travers une structuration fiscale adaptée (A) et le recours à la dette qui n’est

pas sans risque (B).

A : Le financement du Leveraged Buy-Out dans l’Union Européenne

Etudier le financement du LBO nécessite de déterminer ses principaux acteurs (1) avant

de voir plus précisément l’aspect juridique essentiel qui est la structuration fiscale de

l’opération (2).

1 - Les acteurs du financement

a - Les fonds d’investissement privés (private equity)

Les fonds de LBO ont pour objectif de réaliser des investissements très rentables dans les

entreprises qu’ils ciblent. Les entreprises sous LBO sont dédiées au service de l’actionnaire ce

qui peut donner lieu à des restructurations.

Ces fonds de LBO disposent de plusieurs catégories d’investisseurs. Les limited partners

apportent des ressources financières importantes mais restent en dehors de la gestion des

fonds. Les sponsors assurent la gestion des fonds (notamment les general partners). Ces

derniers investissent de manières progressives les sommes qui leur sont confiées en

sélectionnant les cibles. Cela amène à créer une relation d’agence entre l’apporteur de fonds et

le gestionnaire de ces derniers.

Chaque cible sera toujours détenue par une société holding distincte dont les fonds sont

les principaux actionnaires majoritaires. Lorsqu'un fonds a investi plus de 75% des capitaux

propres qui lui ont été confiés, un autre fonds est en général lancé. Chaque fonds est tenu de

rendre à ses investisseurs tout le produit des désinvestissements au fur et à mesure qu'ils se

produisent, si bien qu'ils ont vocation à être liquidés au bout d'une dizaine d'années le plus

souvent. La société de gestion, et donc les associés du fonds de LBO, est rémunérée sur la

base d'un pourcentage annuel des fonds investis (en moyenne 2% des fonds gérés) et d'un

pourcentage de la plus-value réalisée, parfois au-delà d'un taux de rentabilité minimum (8 à

9 % appelé hurdle) ; c'est le carried interest (environ 20% de la plus-value).

Ces fonds influencent grandement la gestion des firmes dont ils prennent le contrôle en

mettant en place leurs propres managers ou en conseillant les dirigeants. Ils disposent d’un

savoir-faire évident en matière bancaire et financière qui leur permet de participer activement

à la gestion de leurs cibles et de ne pas rester dans un rôle purement passif consistant à

apprécier les résultats.

Il existe en Europe plus de 100 fonds d'investissement actifs dans les LBO. Certains sont

spécifiquement européens comme BC Partners, Bridgepoint, Cinven, CVC, PAI, Permira,

Wendel, 3i…D'autres sont d'origine américaine comme Apollo, Blackstone, Carlyle, KKR,

TPG… Ces fonds de LBO ont généralement des spécialisations géographiques et des

caractéristiques d'investissement spécifiques (taille minimum, fonctionnement seul ou en

consortium…).

Les fonds de LBO peuvent investir aux côtés d'autres fonds de LBO afin de mieux

répartir leurs risques (on parle alors de « consortium ») ou de pouvoir s'attaquer à des cibles

plus grosses, ou d'un industriel qui ne détient qu'une participation minoritaire. Dans ce cas,

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20

l'industriel apporte sa connaissance du secteur et le fonds de LBO le savoir-faire en termes

d'ingénierie financière, juridique et fiscale.

Certains fonds sont cotés en Bourse depuis longtemps pour des raisons historiques (3i,

Wendel, Eurazéo) ; d'autres beaucoup plus récemment (Apollo, Blackstone, Carlyle, KKR).

Pour les plus petites opérations (inférieures à 10 M€), la dette est contractée auprès d'une

seule banque, souvent la banque de la cible.

Pour les opérations plus importantes, l'organisation de l'endettement est plus complexe.

Le financement est généralement mis en place par le fonds qui acquiert la cible en négociant

la dette avec un pool de banques dont il s'est attaché les services. Parfois, le vendeur demande

à des banques (qui peuvent être aussi la banque conseil du vendeur) de proposer un

financement à l'ensemble des candidats. On parle alors de staple financing.

b- Les Banques

En effet, dans une opération de LBO, les banques sont un acteur clé, tant en raison de leur

rôle de bailleurs de fonds que pour leur expertise en matière d’innovation financière. Les

banques européennes proposent donc, pour la plupart, aux fonds d’investissement et aux

entreprises une gamme complète de prestations et de produits : conseil en fusion-acquisition,

prêts seniors et dette mezzanine, prestations d’agency, syndication de dette, etc. Concrètement,

plusieurs lignes de métiers internes collaborent souvent à la mise en place de cette offre

globale de financement et de distribution de LBO.

Les stratégies des banques en matière de risque LBO sont variables. Elles adoptent

schématiquement trois stratégies à l’égard du développement de leur activité LBO :

− Soit elles privilégient la stratégie dite de « capital turnover », dans laquelle les

montants des prêts octroyés ne sont conservés que peu de temps en portefeuille, le

temps d’être cédés sur le marché secondaire (syndication, cessions aux acteurs de

marché). Ce sont alors les commissions générées qui sont prioritairement recherchées,

notamment celles d’arrangement et de syndication. Ce modèle est souvent appliqué par

les grandes banques anglo-saxonnes actives sur le marché international des LBO ;

− Soit elles choisissent un modèle, dit de « portfolio », dans lequel les prêts sont

majoritairement conservés au bilan de la banque, laquelle cherche, au-delà des

commissions perçues, à capter les revenus d’intérêts liés à la détention de la dette ;

− Enfin, certaines banques adoptent un profil équilibré entre ces deux modèles extrêmes

de risque LBO, on parle alors de modèle « balanced ».

Bien qu’elles appliquent donc des stratégies différentes, toutes les banques cherchent

néanmoins à diminuer à terme leur exposition au risque de crédit généré par les LBO. Certains

établissements soulignent toutefois la nécessité de conserver une exposition sur les dossiers

dont ils assument l’arrangement, à cause du double objectif de crédibiliser le dossier auprès

des investisseurs et de continuer à développer leurs relations avec les entreprises cibles, qui

faisaient souvent déjà partie de leur portefeuille de clientèle corporate avant l’opération de

LBO.

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21

2 La structuration fiscale des financements des LBO

Cette sous partie se focalise surtout sur la déductibilité des intérêts générés par le haut

niveau de dette utilisé lors de l’acquisition. C’est le problème majeur d’une opération de LBO.

Elle traite également de quelques mécanismes juridiques européens ou nationaux permettant

de maximiser le levier fiscal du LBO.

a - La déduction des intérêts

La déduction des intérêts d’emprunt est le point essentiel de toutes les opérations de LBO

que cela soit dans l’Union européenne ou aux Etats-Unis. La plupart des pays de l’Union

européenne permettent la déduction des intérêts dans le cadre d’un LBO. Néanmoins, la

plupart du temps, ces possibilités de déduction se trouvent limitées par des règles de sous-

capitalisation et diverses règles de limitations. Le tableau ci-dessous vise les principales règles

existantes dans les principaux marchés de LBO dans l’Union européenne.

Règles

générales

Déduction des

intérêts pour

les supports

d’acquisition

Règles de

sous-

capitalisation

Autres

limitations

Allemagne

Par principe déductibles

Pas de disposition spécifique

Pas de règle de sous-capitalisation, mais exigence de pleine concurrence pour les parties liées

Règle limitant les intérêts : • Déduction des charges d’intérêt limitée à 30 % de l’EBITDA • Exemptions (a) seuil (b) clause groupe (c) clause de sortie

Belgique

Par principe déductibles, mais limitation au taux d’intérêt du marché

Pas de disposition spécifique

Ratio dette/fonds propres égal à 1/1 Restriction applicable aux actionnaires nommés comme administrateurs : rapport dette/fonds propres égal à 7/1 Restriction relative aux paradis fiscaux

Possibilité de rejet de la déduction si les intérêts sont payés a un non résident et s’ils ne sont pas imposables dans le pays concerné

Espagne

Par principe déductibles

Acquisition intra-groupe • L’acquisition doit être réalisée pour d’importants motifs commerciaux, sans quoi la déduction n’est pas autorisée • Les taux d’intérêts de la dette finançant l’acquisition doivent correspondre a des conditions de pleine concurrence

Si le préteur est une partie liée non résidente de l’UE et si le rapport dette/fonds propres est supérieur a 3/1 fois, les charges d’intérêts excéden-taires sont traitées comme des dividendes

Les comptes courants d’actionnaires doivent être assortis d’un taux d’intérêt de pleine concurrence

France

Par principe déductibles, mais des limitations s’appliquent aux prêts consentis par les entités liées (qui comprend les intérêts payés à un tiers dans le cadre d’un intérêt garanti par une partie liée)

Application des règles générales. Dispositions anti-abus spécifiques à certaines opérations intra-groupe (Amendement Charasse)

Pas de déductibilité des charges d’intérêt supérieures aux limites suivantes : • Les prêts consentis par des parties liées sont supérieurs à 1,5 fois les capitaux propres de la société • 25 % du résultat d’exploitation net ajusté • Produits d’intérêts perçus des entités liées

Loi de finance 2013 : - Limité à 85% de leur montant net pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2012 -75 % de leur montant net pour les exercices ouverts à compter du 1

er janvier

2014

Italie

Par principe déductibles

Pas de disposition spéciale

Pas de règle de sous-capitalisation

Règle limitant les intérêts : • Déduction des charges d’intérêt limitée à 30 % de l’EBITDA

Royaume

-Unie

Par principe déductibles

Les intérêts dus au titre du prêt lié à l’acquisition (opération non commerciale) ne sont pas intégralement déductibles mais peuvent être compensés avec les bénéfices courants de la société ou du groupe, avec les revenus antérieurs non commerciaux et reportés

• Les intérêts payés à une partie liée ne sont pas déductibles sauf si le prêt est consenti dans des conditions de pleine concurrence • Si, dans le passé, un ratio dette/fonds propres de 1/1 et un taux de couverture des intérêts de 3/1 étaient augmentés, l’administration a désormais adopté une approche au cas par cas

Règles plafonnant la dette au plan mondial • Dans un grand groupe, la déduction des intérêts fait l’objet d’une restriction si la dette nette britannique du groupe dans son ensemble est supérieure à 75 % de l’endettement brut mondial du groupe

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22

On peut focaliser l’étude de la déduction des intérêts sur les 2 plus gros marchés de LBO

actuels.

D’un côté, au Royaume-Uni, une importante réforme fiscale a significativement

augmenté le coût fiscal des opérations de rachat à effet de levier et plus généralement des

fusions et acquisitions. Il s’agit de la réforme de 198627

qui a entraîné des changements

majeurs dans la structuration des LBO.

Néanmoins, depuis 1986, le Royaume-Uni a fait de grands efforts dans le but de réformer ses

règles de fiscalité des sociétés et les rendre compétitives pour les grands groupes. Les

entreprises sont en effet libres de demander une déduction des intérêts en fonction de la dette

d‘acquisition.

Le pouvoir exécutif britannique s’est demandé s’il fallait restreindre ce droit à déduction

des intérêts mais finalement il l’a toujours permise.

Il y a, bien entendu, un certain nombre de règles anti-abus et de lutte contre l’évasion

fiscale qui peuvent restreindre la déductibilité des intérêts mais le principe général est que les

intérêts de la dette d’acquisition sont toujours déductibles dans leur ensemble peu importe que

l’acquisition génère ou non une plus-value taxable au Royaume-Uni.

D’un autre côté, en Allemagne, le 25 Mai 2007, le Bundestag a adopté une réforme

fiscale. Cette réforme contenait ce que qu’on peut appeler « la barrière des intérêts »28

qui a

remplacé l’ancienne règle de sous-capitalisation.

Le mécanisme allemand de la « barrière d'intérêts » a été introduit à partir de 2008 dans le

cadre de la réforme de l'imposition des entreprises. L'objectif affiché de cette réforme était de

renforcer les fonds propres des entreprises en luttant contre la sous-capitalisation. En

particulier, il s'agissait d'éviter que les groupes soient incités à localiser leurs dettes en

Allemagne et leurs profits à l'étranger, procédé désigné comme «délocalisation des bénéfice ».

Le principe de la barrière d'intérêts est d'interdire la déductibilité des intérêts d'emprunt

au-delà de 30 % du résultat de l'entreprise avant impôts, intérêts, dotations aux

amortissements, et provisions sur immobilisations.29

Sont pris en compte les intérêts nets,

c'est-à-dire après déduction des intérêts perçus.

Toutefois, ce principe général de plafonnement est assoupli par une série d'exonérations30

.

Ce mécanisme, lorsqu'il vient à s'appliquer, est modéré par la possibilité de reporter en

avant, pour les exercices ultérieurs, le montant des intérêts non déductibles.

27

Tax Reforme ACT – (Tra 86) 28

Zinsschranke en Allemand 29

On parle d’EBITDA (Earnings before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization). 30

(1) un montant forfaitaire d'intérêts d'emprunt, fixé initialement à un million d'euros, puis porté à 3 millions

d'euros, continue d'être intégralement déductible ; (2) la règle ne s'applique qu'aux entreprises intégrées dans un groupe (« Konzern »), selon une définition du groupe spécifique au dispositif ; les entreprises n'appartenant pas à un groupe doivent prouver qu'il n'y a pas « financement extérieur de l'entreprise dommageable » (versement à un actionnaire significatif d'intérêts représentant plus de 10 % des intérêts nets de l'entreprise) ; (3) la règle ne s'applique pas lorsque l'entreprise démontre que son taux de financement propre est supérieur, ou inférieur de moins de 2 %, à celui de son groupe ; (4) la règle ne s'applique pas lorsque l'entreprise démontre qu'il n'y a « financement extérieur de l'entreprise dommageable » ni pour elle ni pour aucune entité du groupe.

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23

Le dispositif est souvent critiqué pour son caractère pro cyclique. En effet, le montant des

intérêts déductibles étant plafonné à une certaine proportion du résultat, plus ce dernier est

élevé, plus l'entreprise peut déduire ses intérêts d'emprunt et moins elle paiera d'impôts. A

l'inverse, plus son résultat est faible, moins elle peut déduire d'intérêts et plus elle devra payer

d'impôt. Cet inconvénient a cependant été considérablement réduit suite à l'introduction, en 2010,

d'une possibilité de reporter en avant, pour l'application de la barrière d'intérêts, le résultat des

exercices antérieurs. Ainsi, une entreprise ayant connu, en année N, un EBITDA31 très important,

au-delà de ce qui lui était nécessaire pour déduire l'intégralité de ses intérêts d'emprunt, pourra

reporter en année N+1 la partie du résultat « inutile » du point de vue de la barrière d'intérêts ;

cela permet aux entreprises de se constituer une forme de « stock de résultats » destiné à l'application de la barrière d'intérêts.

Cette règle est donc applicable, bien entendu, aux opérations de LBO ce qui fait perdre

énormément d’attractivité fiscale pour l’Allemagne. On peut noter que dans le cadre du livre vert

sur la convergence franco-allemande, la France avait envisagée l’instauration de ce système

Allemand. Cela n’a pas abouti mais depuis la loi de finance 2012 et particulièrement celle de 2013,

il y a eu l’instauration d’un mécanisme visant à limiter la déduction des intérêts (voir tableau ci-

dessus).

On voit à la lecture de ces éléments que la plupart des Etats permettent une déduction au

moins partielle des intérêts. Néanmoins il existe d’autres mécanismes permettant de plus ou moins optimiser le levier fiscal du LBO.

b - Les mécanismes d’optimisation à disposition des sociétés

-La Directive Mère-Fille

La Directive du Conseil 90/435/CEE dite « directive Mère-Fille » a pour but d'éliminer

les obstacles fiscaux frappant les distributions des bénéfices à l'intérieur des groupes de

sociétés dans l'UE:

- En supprimant les retenues à la source sur les paiements des dividendes entre les

sociétés associées d'Etats Membres différents, et

- En prévenant la double imposition des sociétés mères sur les bénéfices de leurs filiales.

Le 22 décembre 2003, le Conseil a adopté la Directive 2003/123/CE visant à élargir le

champ d'application et à améliorer la directive du Conseil 90/435/CEE concernant le régime

fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents.

Dorénavant, lorsqu'une société filiale est imposée sur les bénéfices distribués à partir

desquels les dividendes sont payés, l'Etat membre de la société mère devra soit:

- Exonérer les bénéfices de la filiale de toute imposition, ou

- Imputer l'impôt déjà payé dans l'Etat membre de la filiale sur son propre impôt.

31 Earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization

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La nouvelle directive prévoit l'imputation de l'impôt payé par les filiales de ces sociétés

filiales directes. Les Etats membres doivent imputer sur l'impôt dû par la société mère tous les

impôts sur les bénéfices distribués par les filiales successives en aval de la filiale directe. Ceci

garantit que l'objectif d'éliminer la double imposition est mieux réalisé.

Depuis le 1er

Janvier 2009, la société mère doit détenir au moins 10% des actions de la

société filiale pour que le régime Mère-fille s’applique.

Dans le cadre d’un LBO, la holding de reprise a vocation à acheter des actions de la

société cible en recourant principalement à l’emprunt. Le remboursement de l’emprunt

s’effectue grâce à la remontée des dividendes de la cible. Ce remboursement est plus facile si

les dividendes remontés sont sans charge fiscale ou presque. L’intérêt de ce régime est

d’éviter les doubles d’impositions qui auraient rendu difficile la constitution de véritables

groupes, le principe même de l’exonération des dividendes perçus par la société mère ayant

été consacré de longue date.

Ce régime présente l’inconvénient dans une opération avec effet de levier, de ne pas

permettre la déduction des charges financières liées à la dette d’acquisition. En effet la

holding de reprise ne dispose pas d’autre produit taxable que les dividendes reçus, qui ne sont

pas considérés comme un profit, sur lesquels imputer ses déficits. Dès lors, ce mécanisme ne

permet pas d’améliorer l’effet de levier fiscal au sein de l’Union européenne. Néanmoins, son

utilisation avec d’autres mécanismes permet une meilleure déductibilité.

- L’intégration fiscale

L'intégration fiscale consiste à consolider les résultats fiscaux de toutes les sociétés d'un

groupe. Ainsi, les résultats déficitaires d'une société du groupe ou d’une holding viennent

compenser les bénéfices des autres sociétés.

Cela permet de déterminer un résultat d’ensemble, dont l’unique redevable sera la

holding de reprise.

Pour la détermination de ce résultat chaque société du groupe détermine son résultat

individuel selon les règles de droit commun avec quelques corrections à réaliser, positives ou

négatives, en vue d’éliminer les doubles déductions ou doubles impositions et les effets de

certaines opérations internes.

Le résultat d’ensemble résulte alors de la somme algébrique de ces résultats individuels.

Dès lors les profits et pertes de chacune des sociétés du groupe se compensent, si bien que les

frais financiers, notamment ceux liés à la dette d’acquisition de la holding de reprise, vont

pouvoir s’imputer sur le résultat bénéficiaire de la société cible avant impôt, ce que ne permet

pas le régime mère fille.

De même au moment de leur distribution les dividendes n’auront pas encore subi

l’imposition. L’impôt payé au final par la tête de groupe sera réduit.

Néanmoins, l’intégration fiscale n’est pas une opération possible dans tous les Etats

membres de l’Union européenne. De même les conditions sont différentes. Ainsi, le principal

critère repose dans l’exigence de niveaux de participation plus ou moins importants de la

Société mère dans sa filiale.

En Allemagne et en Italie, le niveau de participation requis est de 50%. En Espagne et au

Royaume-Uni ce taux passe à 75%. La France a le plus haut niveau d’exigence avec un taux

de participation devant atteindre 95%.

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25

Ainsi dès lors, en comparant les diverses règles, bien que l’Allemagne et l’Italie ait une

exigence plus faible, leur règle de limitation à 30% de l’EBIDTA est un frein. Au final, le

Royaume-Uni a le meilleur régime.

Mais il existe une dernière possibilité permettant de structurer une opération de LBO afin

de faciliter la déduction des intérêts.

– La fusion

L’idée consiste, ici, à réaliser peu de temps après l’acquisition de la société cible, une

fusion entre celle-ci et la société holding. Cette fusion juridique s’accompagne d’une « fusion

fiscale », dès lors qu’il n’y a plus qu’une seule société, les charges financières nées de

l’acquisition des titres s’imputent sur les profits réalisés par la société cible.

L’intérêt d’une telle opération est également financier, en ce que la trésorerie et les actifs

de la cible se trouvent, suite à la fusion, au même niveau que la dette et les charges financières

de la holding. La société résultant de la fusion disposera ainsi directement de la trésorerie et

des actifs de la cible qu’elle pourra utiliser en vue de rembourser plus rapidement la dette

d’acquisition.

Néanmoins, suivant les Etats, la fusion sera plus ou moins intéressante. Ainsi, dans ce

cadre, le Royaume-Uni n’a pas une législation favorable tandis que la Belgique présente un

réel avantage (qui vient pallier l’absence d’un régime d’intégration fiscale).

Intégration

fiscale

Fusion à

l’endroit

Fusion à l’envers

Allemagne Déduction des intérêts soumise aux règles générales de déductibilité des intérêts

Déduction des intérêts soumise aux règles générales de déductibilité des intérêts

Déduction des intérêts soumise aux règles générales de déductibilité des intérêts

Belgique

Non applicable

Pas de restriction a la déductibilité des intérêts

Les intérêts dus au titre du prêt consenti en vue de l’acquisition de la société absorbante peuvent être remis en cause par l’administration fiscale

Espagne Déduction des intérêts soumise aux règles générales de déductibilité des intérêts

Déduction des intérêts soumise aux règles générales de déductibilité des intérêts

Déduction des intérêts soumise aux règles générales de déductibilité des intérêts

France

Application des règles générales mais une limitation supplémentaire au titre des intérêts peut s’appliquer dans le cas de certaines acquisitions intra-groupe de titres (Amendement Charasse)

Application des règles générales. Risque de non-déductibilité dans une hypothèse de « fusion rapide »

Application des règles générales. Risque de non-déductibilité dans une hypothèse de « fusion rapide »

Italie Déduction des intérêts soumise aux règles générales de déductibilité des intérêts

Déduction des intérêts soumise aux règles générales de déductibilité des intérêts

Déduction des intérêts soumise aux règles générales de déductibilité des intérêts

Royaume

Unie

Application des règles générales. Cependant, au niveau de HoldCo, la disposition relative aux opérations non commerciales peut affecter la déductibilité des intérêts

La fusion n’est pas une solution favorable en vertu du droit britannique

La fusion n’est pas une solution favorable en vertu du droit britannique

Dans tous les cas, étant donné la diversité des règles, les acteurs participant à une

opération de LBO pourront toujours arriver à optimiser fiscalement, au moins en partie,

l’opération en utilisant le mécanisme le plus intéressant et en le couplant à la directive mère-

fille.

Dans la réalisation d’un LBO, il y a en plus de l’apport de capitaux propres, le recours à

l’emprunt. Comme on l’a vu ci-dessus, la Banque représente le principal acteur de ce

financement par dettes. Néanmoins, le marché de la dette dans l’Union Européenne a vu,

récemment, l’apparition de nouveaux acteurs et semble être, du fait de la crise, en profonde

mutation.

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26

B – Le Marché de la dette

Le recours à la dette permet de mettre en œuvre le levier financier du LBO. En effet, Le

financement des opérations LBO repose en grande partie sur l’endettement. Celui-ci est

véhiculé par des dettes ayant des priorités de remboursement différentes et des risques et des

rémunérations croissantes.

A l’intérieur de l’Union européenne, le marché de la dette LBO s’est transformé depuis le

début des années 2000 avec l’arrivée de nouveaux acteurs spécialisés qui prennent part

dorénavant à ces opérations jusque-là majoritairement assurées par les banques. Ces nouveaux

entrants investissent en particulier dans les tranches non amortissables de la dette senior et

dans des produits de dette subordonnée. Leur offre s’appuie sur des ressources levées auprès

d’investisseurs institutionnels à travers des véhicules de dette titrisée.

1 - Le schéma classique d’un financement

Ce schéma repose sur une dette à trois étages : tout d'abord une dette classique

bénéficiant de garanties spécifiques et qui sera remboursée en priorité (que l'on appelle dette

senior), puis une dette subordonnée ou dette junior qui peut prendre la forme d'un

financement mezzanine ou d'un emprunt obligataire à haut rendement (high yield) dont le

remboursement intervient après celui de la dette senior, et enfin, en dernier lieu, les capitaux

propres.

La dette senior représente un montant généralement de l'ordre de 3 à 5 fois l'excédent brut

d'exploitation de la cible. Cette dette est composée de différentes tranches, de la moins risquée

à la plus risquée :

▪ La tranche A est remboursée linéairement en 6/7 ans ;

▪ Les tranches B et C, d'une durée plus longue, sont remboursables respectivement au

bout de 7/8 et 8/9 ans. La tranche C a toutefois tendance à disparaître.

La dette subordonnée peut prendre deux formes principales :

- la forme d'une dette obligataire à haut rendement (high yield)

Il s’agit d’une émission d'obligations cotées à haut rendement afin de financer les LBO les

plus importants. En effet, pour offrir une liquidité suffisante aux investisseurs, la taille de ces

émissions ne doit pas être inférieure à 200M€. Ce financement présente l'avantage de n'être

remboursable qu'in fine après une durée de 8 à 10 ans. Le remboursement n'est assuré que si la

dette senior a été elle-même remboursée, c'est la notion de subordination.

- La forme de bons de souscription (dette mezzanine)

Il s’agit d’un financement hybride entre dette senior et fonds propres. La dette mezzanine

prend souvent la forme d’obligations convertibles (OC) ou d’obligations adossées à des bons

de souscription d’action (OBSA) qui permettent donc aux prêteurs d’accéder à terme à une

partie du capital de la société. Le remboursement de la dette mezzanine intervient in fine après

le remboursement de la dette senior. Les sommes débloquées dans le cadre de la dette

mezzanine doivent permettre d’atteindre, en prenant en compte la dette senior, un endettement

total égal à environ 4 à 7 fois l'EBE32

.

32

Excédent brut d’exploitation

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27

Le financement par dettes subordonnées permet :

- De profiter de l'effet de levier au-delà de ce que les banques acceptent de prêter ;

- D’avoir un endettement sur une durée plus longue que les crédits classiques, à un taux

supérieur dont une partie peut prendre la forme d'une dilution potentielle ;

- De bénéficier d'une plus grande souplesse dans la remontée des flux de trésorerie de

la cible vers la société holding. Le remboursement du financement mezzanine, et

éventuellement le paiement des intérêts, sont définis selon des modalités propres et

interviennent après ceux de la dette senior ;

- De mettre en place une opération qu'il n'aurait pas été possible de monter avec

seulement des capitaux propres et des dettes senior, voire même de remplacer la dette

senior (mezzanine dite unirate).

Dans l’Union Européenne, chaque tranche a un taux d'intérêt spécifique qui dépend de ses

caractéristiques. Jusqu'à l'été 2007, le coût de la dette senior d'un LBO était supérieur de 200 à

300 points de base33

au taux sans risque (Euribor).

2 – L’évolution du marché de la dette dans l’Union Européenne

L’augmentation des effets de levier est allée de pair avec une diversification des types de

financements utilisés, avec notamment le recours croissant à des tranches de dettes

remboursables in fine (senior B et C, second lien, mezzanine) et à la titrisation. Au premier

semestre 2007, juste avant la crise, 70% des LBO européens ont été financés avec un recours

à une dette mezzanine ou second lien (en plus de la dette senior), contre 50% en 2003.

Certaines opérations étaient même financés par 90%, voire 100% de dette in fine, ce qui peut

conduire à des difficultés de remboursement lors des sorties, si les prix de cession s’avèrent

plus faibles que prévu. Le recours massif à ce type de montage est d’ailleurs la principale

cause de ce qui est appelé aujourd’hui « le mur de la dette » (voir ci-après – p.30).

De plus, on a assisté ces dernières années à un recul de la dette bancaire. Le crédit

bancaire est longtemps resté la principale source de financement des opérations de LBO dans

l’Union européenne. La dette senior (tranche A) représente 23% au total de la dette, contre

0,8% aux Etats-Unis. Néanmoins jusqu’en 2007 une hausse de la part de la dette plus risquée

est intervenue.

L’attitude des nouveaux acteurs sur le marché du LBO en cas de difficulté des sociétés

cibles a également représenté une source de risque additionnelle34

. Les Investisseurs

institutionnels (véhicule de titrisation, hedge funds, organismes de retraite et fonds de

pension) détiennent aujourd’hui plus de 50% du marché de la dette LBO en Europe. La

montée en puissance des préteurs non bancaires a eu un impact profond sur la structuration

des montages, avec une multiplication des nouveaux instruments de la dette (surtout

concernant la dette junior), et une hausse sensible de la part de la dette remboursable in fine.

33

100 points de base=1% 34

D. Nouy, « système bancaire et risque Private Equity/LBO », 2008, Revue d’économie financière, n°93, p.125 – 144

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28

Plus précisément, depuis quelques années, sur le modèle américain, d’autres formes de

financement se sont mises en place. Celles-ci sont en évolution constante. Les opérations du

LBO recourent de plus en plus à des titrisations et à des financements hybrides.

La titrisation est une technique financière qui consiste à transformer des actifs non

liquides en titres liquides. L’entreprise lève des capitaux (émission de titres) sur la base des

flux financiers qui seront générés dans l’avenir par des actifs tout en conservant la gestion

quotidienne de ces actifs. Ces flux financiers générés par l’actif serviront de base au

remboursement des titres.

Les LBO dans l’Union européenne, ont ainsi eu recours de façon croissante à la

titrisation au cours des années 2000 de plusieurs façons :

- Titrisation d’actifs de la cible

Lors du montage du LBO, où à l’occasion d’un refinancement ultérieur, des actifs de la

cible, le plus souvent des créances commerciales, sont titrisées afin de lever des fonds à un

coût inférieur et/ou en quantité supérieure à ce qui serait possible via d’autres catégories de

dettes. La titrisation utilisée lors du LBO sur la société Fraikin en est le parfait exemple.35

- Titrisation de créances LBO

Les banques qui ont financé l’opération en dette senior ou mezzanine cèdent leurs

créances à des véhicules de titrisation telle que les CLO (collaterized loan obligations), qui se

financent en émettant plusieurs tranches d’obligations ayant divers niveaux de risque et de

rémunération. Cette technique, pratiquement inexistante en Europe au début des années 2000,

est devenue courante en 2006 et 2007 pour financer les plus gros LBO

La titrisation permet donc aux entreprises d’avoir accès à de nouvelles formes de

financement. L’entreprise doit cependant disposer d’actifs de qualité pour avoir recours à ce

type de montage. La tendance générale est donc au mélange des techniques de financements

classiques LBO avec celles de financement d’infrastructures, de projets ou d’actifs

immobiliers. Ces financements hybrides ont le vent en poupe dans la mesure où ils ont un

coût moins élevé et permettent d’obtenir un effet de levier plus important. Les marges de

titrisation (entre 0,8 et 1%) ou de prêts hypothécaires (entre 1 et 1,2%) sont largement

inférieures aux marges d’un crédit revolving à 2% ou aux marges des dettes seniors.

Parmi les types de transactions de titrisation où les actifs sont des créances quelconques

sur des entreprises, on trouve notamment les CDO ou Collateralised Debt Obligations. Ces

derniers sont déclinables en Collateralised Bond Obligations (CBO où les actifs titrisés sont

des obligations) et en Collateralised Loan Obligations (CLO où les actifs titrisés sont des

crédits).

L’arrivée sur le marché de ces CDO ou CLO a ainsi crée un flux de demandes pour des

financements de maturité longue, en favorisant le recours à des tranches B et C mieux

rémunérées que les tranches A dites senior, non amortissables et remboursables in fine,

normalement après la revente de l’entreprise cible.

L’appétit des investisseurs pour le risque les a conduits, jusqu’à la crise, non seulement à

accroître leurs investissements dans les fonds de LBO, dont certains réunissaient plus de 15

Md$, mais aussi à souscrire une part croissante de dettes des LBO que les banques leur

35

Fraikin, numéro un sur le marché français de locations de véhicules industriels a fait l’objet d’un rachat LBO par Eurazeo en 2003. La titrisation a permis en 2004 de lever 420 millions d’euros à des conditions beaucoup moins coûteuses que les financements traditionnels.

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recédaient directement ou indirectement via des CDO/CLO. Le rôle des banques de LBO

devenait alors essentiellement un rôle de montage et de distribution.

Ainsi, il est évident qu’entre le début du développement du LBO dans l’Union

européenne jusqu’en 2007, le marché de la dette LBO a considérablement évolué dans

l’ensemble des pays. La crise de 2007 a mis un frein à cela et a permis le retour à des

montages moins risqués.

Dès lors, les opérations sont aujourd’hui principalement financées par les fonds propres

apportés par les fonds de private equity ou par l’industriel rachetant la cible.

On peut ainsi synthétiser l’évolution par le schéma ci-dessous :

Ainsi, un montage type de LBO était-il passé de :

Néanmoins, malgré le retour à des opérations moins risquées et faisant appel à une plus

grande proportion de fonds propres (40 à 60% aujourd’hui). Les LBO montés avant la crise

arrivent à terme et la dette engagée se doit d’être remboursée.

Dans une période de ralentissement économique, il n’est pas évident que les fonds de

private equity puissent faire face à leurs engagements. Dès lors, on a pu se poser la question

de la pérennité du LBO face au « mur de la dette ».

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3 - Le mur de la dette

Une entreprise cible de LBO peut connaître trois niveaux de difficultés. Elle reste

rentable ce qui lui permet de faire face au remboursement de ses dettes, mais elle ne satisfait

plus aux clauses associées aux prêts bancaires qu’elle a contractés. Elle demeure rentable

mais ne parvient plus à payer les frais financiers et à rembourser l’endettement du holding.

Elle devient non rentable du fait du retournement de conjoncture, et il devient nécessaire de

restructurer la dette d’acquisition ainsi que l’organisation industrielle de la firme cible. Dans

tous les cas, il faut tout de même, renégocier la dette. On peut alors parler de DBO ou

Deleveraged buy out36

c'est-à-dire de diminution de l’endettement. Dans les cas les plus

critiques, on peut faire appel à des « fonds de retournement ».

Or, aujourd’hui ce problème de renégociation des dettes est amplifié par les montants

faramineux arrivant à échéance ce qui risque de mettre en péril l’industrie du LBO dans

l’Union Européenne.

Dès 2014, il y aura 140 milliards de dettes arrivant à échéance dans le marché du LBO

dans l’Union Européenne ce qui constituera le point critique du « mur de la dette ».

Plus précisément, en 2012, Linklaters a publié un rapport mettant en lumière des

montants exorbitants correspondant au montant de la dette arrivant à échéance entre 2012 et

2016. La somme global représentait 550 milliards de dollars.

Ce rapport explique les difficultés liées au refinancement des LBO en Europe.

Il y a tout d’abord une difficulté liée au secteur bancaire. Les nouvelles normes

prudentielles Bâle III ont commencé à s’appliquer de façon progressive depuis 2013. Elles

impliquent un renforcement drastique des exigences en termes de fonds propres

réglementaires et introduisent de nouvelles contraintes en matière de quantification du risque

de liquidité et d’effet de levier. Dès lors le recul du secteur Bancaire devrait se poursuivre et il

est peu probable que la solution émane de ces derniers.

Selon ce rapport, on devrait donc assister à un effacement des banques dans les années à

venir tandis que de nombreuses entreprises trouveront une solution grâce au marché européen

ou américain des High Yield. Ce rapport suppose que les CLOs auront un rôle dans l’avenir du

marché s’ils arrivent à respecter les nouvelles conditions de marchés.

36

« Les LBO en pleine restructuration », AGEFI, 02/04/2009 Fabrice Anselmi

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On voit que le mur de la dette est à l’image du marché LBO. Ainsi le Royaume-Uni, avec,

172 milliards de dollars de dette arrivant à maturité entré 2012 et 2016 est le pays membre qui

a le plus à craindre. Suivent ensuite la France avec 86 milliards et l’Allemagne.

Cette situation intervient principalement parce que le ralentissement économique a un

impact direct sur la génération des cash-flows, et donc sur la capacité de remboursement des

firmes. Ceci est observé ensuite parce que les opérations de LBO qui datent de la période

2006-2008 ont été conclues avec des leviers de dettes élevés, lesquels ne sont plus en

adéquation avec les niveaux de rentabilité d’aujourd’hui ou de demain.

L’agence de notation Standard and Poor’s (S&P) avait également alerté sur le risque de

défaut de nombreuses opérations de LBO dans l’Union Européenne. Ainsi après le début de la

crise, on a constaté une augmentation importante du nombre de défauts. Au troisième

trimestre de l’année 2009, le pourcentage de défauts était de 16,1% alors que juste avant la

crise, il était stable à 1,5% (2004 – 2005 – 2007)37

.

Néanmoins, alors qu’on aurait pu craindre que se forme une véritable bulle LBO ainsi

qu’une grave crise, la situation semble s’être améliorée. Ainsi, il n’y a eu que 4.8 % de défaut

au troisième trimestre 2011. Mais les incertitudes liées à la crise de l’Euro ont provoqué de

nouvelles turbulences (8,5 % de défaut au dernier trimestre 2012).

Or, depuis le début de l’année 2013, on assiste à un « boom » sur le marché de la dette.

Cela a permis le sauvetage d’importantes opérations de LBO qui avaient été réalisées avec un

haut niveau d’endettement pendant l’apogée du marché, juste avant la crise de 2007.

Durant les 3 premiers mois de cette année, les sponsors financiers ont refinancé trois fois

plus de dette qu’à la même période l’année dernière.

37

Pour l’ensemble des chiffres voir “Leveraged Finance : Defaults In Europe Remain Elevated, Although The LBO Debt Hangover Is Easing, 13 Mars 2013”

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Selon S&P, un total de 3,9 milliards de dollars provenant de sponsors financiers a été

engagé pour la recapitalisation et le refinancement des LBO en Europe durant le premier

trimestre de cette année. Il s’agit d’une hausse considérable en comparaison des 0,97 milliards

à la même période en 2012.

Standard and Poor’s nous apprend également que pour les sponsors financiers, le

refinancement et la recapitalisation des opérations de LBO ont représenté 50% de leur activité

en Janvier et Février ce qui constitue un record.

De manière globale, le marché des yield bond a permis le refinancement de 14,5 milliards

de dette en Janvier et Février. Cela représente également un record.

En conséquence comme le présageait le rapport Linklaters, le marché des yield bond est

effectivement le moteur du refinancement des dettes des LBO dans l’Union européenne et

semble prendre le pas sur le secteur bancaire qui est freiné par les nouvelles normes de Bâle

III. Il faudra observer le marché et voir ce qu’il adviendra en 2014.

On a donc pu voir dans cette partie l’importance du financement des LBO et la

problématique de l’utilisation de la dette. On peut observer que comme dans le cadre de notre

première partie, le Royaume-Uni présente une législation plus favorable globalement au

montage des opérations de LBO que les autres pays Européens. De plus, les opérations

européennes se sont inspirées des Etats-Unis en utilisant des montages de plus en plus risqués.

Néanmoins la crise de 2007 semble avoir remis de l’ordre mais il y a toujours la présence

d’un risque lié « au mur de la dette » qui n’est que partiellement résolu.

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Conclusion

Cette étude a permis de mettre en relief le caractère évolutif de la pratique du LBO dans

l’Union européenne. En effet, celle-ci n’est pas figée et ne cesse d’évoluer avec les réformes

juridiques, économiques et fiscales provenant du droit communautaire ou des législateurs

nationaux.

Ainsi on peut observer que malgré une harmonisation de certains domaines juridiques, la

pluralité de législations existantes permet d’envisager de nombreux montages afin de

maximiser l’intérêt du LBO et en particulier son levier fiscal.

Il est de même évident que cette opération reste étroitement liée à la conjoncture

économique. Ainsi la crise de l’euro a empêché le redémarrage amorcé par le marché des

LBO.

Les LBO ont connu un emballement considérable dans l’Union européenne avant la crise

financière qui a débuté en Juillet 2007. La crise a ralenti le rythme des opérations et réduit

également les enjeux économiques.

Il semble ainsi peu probable, dans un futur proche, d’assister de nouveaux à des méga-

LBO dans l’Union Européenne comme celui ayant été bouclé au début de l’année sur la

Société Dell38

.

De plus, du fait de la crise, de nombreux pays membres ont procédé à des réformes

fiscales et juridiques pénalisant leur marché économique vis-à-vis des investisseurs nationaux

et étrangers.

Pour autant, on aurait tort de considérer que le LBO fait face à un avenir qui le

condamnerait. En dépit des critiques formulées, l’utilité de la technique est incontestable et lui

assure de réelles perspectives d’avenir.

Si l’on prend comme exemple la France, le marché LBO, malgré une certaine hostilité du

pouvoir politique, a pu contenir la baisse et semble repartir sensiblement au premier trimestre

2013 avec 33 opérations réalisées contre 39 pour l’Angleterre.

Toutefois, la pérennité de ce produit ne pourra se faire qu’au prix de montages moins

risqués qu’il y a quelques années. Les modèles économiques et juridiques étant différents

entre les pays d’Europe Continentale et les Etats-Unis, l’utilisation des produits financiers

américains dans de grandes proportions semblent incompatibles avec les caractéristiques des

marchés européens.

Le nécessaire rééquilibrage entre apports en fonds propres et endettement qui a lieu

constitue un retour à une pratique plus prudente sur le plan financier des LBO européens qui

devrait se poursuivre durant les prochaines années.

38

La société Dell a fait l’objet d’un LBO par son PDG-fondateur Michael Dell et le fonds de capital investissement Silver Lake, dans une transaction qui valorise l'entreprise 24,4 milliards de dollars dont 13 à 15 milliards de dette soit plus de 50% du montant.

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Bibliographie

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2012

Michel Albouy - Christophe Bonnet, « OPA, OPE et LBO » Economica 2008

Pascal Quiry, Yann Le Fur, Pierre Vernimmen, « Finance d'entreprise » Edition 2013

Patrick Navette, « Fusions et acquisitions » EMS 2012

Publications:

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EVCA, “Yearbook 2012 Activity Data on Fundraising, Investments and Divestments by Private

Equity and Venture Capital Firms in Europe” Brussels 2012

EVCA, “The Impact of Private Equity-backed Buyouts on Employee Relations” Research Paper -

Décembre 2008

CMS Bureau Francis Lefebvre, « Tax Connect » Juin 2011

Joacim Tåg, “The Real Effects of Private Equity Buyouts” Research Institute of Industrial Economics

(IFN) Stockholm IFN Working Paper No. 851, 8 Septembre 2010

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Origins and Diversity of Capitalism” Montesquieu - Bordeaux IV University

Saloni Deva, “Determinants of Leveraged Buyouts: LBO Financing and Country Legislature” Masters

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Standard and Poor’s, “: Defaults In Europe Remain Elevated, Although The LBO Debt Hangover Is

Easing”, Leveraged Finance 13 Mars 2013

Articles

Alec Macfarlane, “Boom in debt market rescues European buyout firms” Financial News 08 Avril

2013

Olivier de Saint-Chaffray, Luc Jeillais, « mauvais procès pour vraies plus-values » Option finance 22

et 29 novembre 2010