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  • 8/14/2019 Fiche - Il Faut Relire Adam Smith

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    Cet homme nest pas celui que vouscroyez

    Il faut relire Adam Smith

    Bibliographie :Benot Prvost, Adam Smith : ver la fin du malentendu ? , inAlternatives conomiques, 2001/1, n9 : Lconomie politique , p.101-112. Jean-Daniel Boyer, Adam Smith Problem ou problmes des sciencessociales ? Dtour par lanthropologie dAdam Smith , in Revue franaisede socio-conomie, 2009/1, n3, p.37-53.Mickal Biziou,Adam Smith et lorigine du libralisme, Paris, PUF, 2003.

    Introduction :Ce quon dit dAdam Smith : La Richesse des nations, publi en 1776, estun des ouvrages majeurs de la science conomique. On a coutume defaire de son auteur le chantre du libralisme, et lon sattend donc trouver dans cet ouvrage des arguments favorables au libre-change.Mais Adam Smith nest pas celui que les manuels nous montrent, ledcouvreur du march autorgulateur. Il est urgent de relire (ou de lire deplus prs) son uvre, afin de redcouvrir aujourdhui ce que signifie lelibralisme conomique et de sortir des reprsentations caricaturales qui

    en sont le plus souvent donnes.On attribue souvent au libralisme conomique un refus de la politique, unoubli des valeurs morales ainsi quune trange religion du march (lemarch est cens veiller sur les hommes la faon dune providencedivine lacise). Or, ce genre de thses est trs loign de ce que penseSmith. Ce dernier affirme au contraire que ltat doit se soucier du bienpublic, que lconomie ne saurait fonctionner sans vertu et que lordre nonintentionnel du march produit certains effets pervers quil faut corrigerintentionnellement. Le libralisme conomique de Smith est, en fait,porteur dun idal moral et politique exigeant.A laune de cet idal moral et politique nonc par un grand esprit clair

    du XVIIIe sicle, il est possible de juger ce quest devenu le libralismeconomique aujourdhui.

    I. Le libralisme est-il un cynisme ?

    Selon une ide reue trs largement rpandue, le libralisme est unedoctrine moralement neutre, et donc finalement cynique. Lgosmeindividuel est la source de la richesse collective. Le libralismeconomique est donc un systme qui spcule sur le calcul individuel de

    lintrt bien compris. Il parie sur lgosme (sur lintrt exclusif quechacun se porte soi-mme), et non sur la vertu.

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    A. Ides reues sur le libralismeUne premire chose doit, sans doute, nous mettre la puce loreille :lide que le libralisme conomique serait cynique est sans doute une

    ide trop bien partage :- Cest lide des libraux (ils prtendent tre attachs au seul

    march, puisquil a fait ses preuves, au moins depuis la chute dumur de Berlin)

    - et cest lide des antilibraux (le libralisme conomique na pasde valeurs morales dfendre : do leur mot dordre de moraliserle march, qui a le vent en poupe depuis au moins un an et le dbutde la crise conomique que nous traversons actuellement).

    On peut donc trouver plus que douteuse cette entente des deux campsennemis sur le sujet. Le libralisme conomique est-il vraiment dpourvude valeur morale et de but politique ? Si tel tait le cas, deux systmessopposeraient donc :

    - lun, moralement louable, mais conomiquement inefficace,lhomme ntant en fait pas la hauteur de ceux qui lui veulent tantde bien

    - lautre, libral, sagement mais cyniquement, reposerait uniquementsur nos passions mesquines

    Linconvnient dun tel raisonnement, cest quil place lefficacitconomique du ct du cynisme, et la morale est sans main ( ils ont lesmains blanches, mais ils nont pas de main , disait Charles Pguy desmoralistes). Or, dans lactualit conomique rcente, on a vu un certain

    nombre dentreprises faire des choix moralement louables etconomiquement efficaces. Lexemple du commerce quitable montrebien quil nest pas toujours indispensable de choisir entre la morale etlconomie.Que reproche-t-on en fait au libralisme conomique ? On souligne lafois sont cynisme, son oubli des valeurs morale, et sa religion du march(il faut faire confiance linteraction des offres et demandes sur lemarch, comme on fait confiance Dieu) qui conduit une sorte defidisme conomique. La position du libral est donc, pour le moins,paradoxale : elle associe foi et cynisme ; oubli des valeurs morales etconfiance dans le progrs de lhistoire, le dveloppement conomique

    voire le dveloppement moral.Cette alliance trange est caractristique de la tradition moralistefranaise.

    B. La pense des moralistes franaisPour les moralistes franais, lhomme est perverti par le pch originel.Dieu le sauve dans le Ciel par sa grce, mais il lui permet aussi, enattendant, de mener une vie malheureuse quoi que prospre sur cetteterre.

    Extrait 1 :Quittez donc vos plaintes, mortels insenss ! En vain vous cherchez

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    associer la grandeur dune Nation avec la probit. Il ny a que desfous qui puissent se flatter de jouir des agrments et desconvenances de la terre, dtre renomms dans la guerre, de vivrebien son aise et dtre en mme temps vertueux. Abandonnez cesvaines chimres. Il faut que la fraude, le luxe et la vanit subsistent,

    si nous voulons en retirer les doux fruits. La faim est sans doute uneincommodit affreuse. Mais comment sans elle pourrait se faire ladigestion do dpend notre nutrition et notre accroissement. Nedevons-nous pas le vin, cette excellent liqueur, une plante dont lebois est maigre, laid et tortueux ? Tandis que ses rejetons ngligssont laisss sur la plante, ils stouffent les uns les autres etdeviennent des sarments inutiles. Mais si ces branches sont tayeset tailles, bientt devenus fcondes, elles nous font part du plusexcellent des fruits.Cest ainsi que lon trouve le vice avantageux, lorsque la justicelmonde, en te lexcs, et le lie. Que dis-je ! Le vice est aussincessaire dans un Etat florissant que la faim est ncessaire pournous obliger manger. Il est impossible que la vertu seule rendejamais une Nation clbre et glorieuse. Pour y faire revivre lheureuxSicle dOr, il faut absolument outre lhonntet reprendre le glandqui servait de nourriture nos premiers pres.

    Bernard Mandeville, La Fable des Abeilles, 1705.

    Mieux vaut parier sur ce que nous avons de pire quescompter lesdividendes dun comportement vertueux. Voil ce quon peut retenir de la

    pense des moralistes franais. Le cynisme lorigine du libralismeconomique rsulte de cette opposition frontale entre les agrments de lavie, la richesse de la socit et la vertu.Pour le montrer, on recourt souvent la mtaphore des abeilles : quandles abeilles, trouvent une fleur, gardent le secret pour elles seules, laruche prospre, mais le jour o une reine proltarienne dclare quechaque abeille doit prvenir ses camarades dune dcouverte, toutes ellesse prcipitent sur la mme fleur et la ruche priclite.

    En vertu de la conception de la nature humaine dveloppe par cesmoralistes, on ne peut envisager de mettre en place quelque dmarche

    normative que ce soit : lhomme est vicieux de nature, et il lui est doncimpossible de progresser sans aide extrieure (comprenez sans aidedivine). La pense des moralistes (Mandeville, La Rochefoucault) estinscrite dans une vision thologique du monde (largement hrite de SaintAugustin) qui diffrencie le royaume des hommes sur Terre (o ilssarrangent entre eux par les vices) de la Cit de Dieu (que lon gagne parla grce seule). De toute faon, ces deux sphres sont radicalementdissocies (on peut prosprer par le vice, sans que cela dtruise lasocit).On retrouve une telle alternative de nombreuses reprises dans lhistoiredes ides :

    - Chez Spinoza (1632-1677), la cit la plus juste pourrait se construiresi tout le monde tait sage, ce qui est illusoire, donc il faut spculer

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    sur ce que les hommes peuvent avoir de pire.- Chez Leibniz (1646-1716), nous sommes des monades, dployant

    nos programmes individuels, mais il y a au-del une monade desmonades qui vient organiser harmonieusement ces programmesindividuels.

    - Chez Kant (1724-1804), pour qui la construction dune Rpubliquejuste se fait en pariant sur la nature humaine (un bois trop courbepour quon y taille des planches droites) ou sur le libre jeu despassions de chacun (on imagine loption quil retient)

    Chez lensemble de ces penseurs, on retrouve cette opposition intrinsqueentre lambition dune morale normative et le constat que la naturehumaine nen est, hlas, pas capable. Cest pour rsoudre ce paradoxeque lon en vient imaginer Dieu, et supposer son intervention danslaffaire : si la nature humaine nen est pas capable et que, malgr tout, lanature et lhomme prosprent, cest que quelquun dautre remplace lavertu manquante dans le cur des homme, en loccurrence, Dieu. Le malest permis par Dieu pour permettre le meilleur des mondes possibles, ilpermet aux hommes de sentendre, mme sans vertu.

    Extrait 2 : Mandeville .[] prtend que les abeilles ne peuvent vivre laisedans une grande et puissante ruche, sans beaucoup de vices. Nulroyaume, nul tat, dit-il, ne peuvent fleurir sans vices. Otez la vanitaux grandes dames, plus de belles manufactures de soie, plusdouvriers ni douvrires en mille genres; une grande partie de lanation est rduite la mendicit. Otez aux ngociants lavarice, les

    flottes anglaises seront ananties. Dpouillez les artistes de lenvie,lmulation cesse; on retombe dans lignorance et dans lagrossiret .

    Voltaire

    Une telle vision du monde peut tenir dans ladage machiavlien selonlequel qui veut la fin, veut les moyens . Par exemple, chez lesmoralistes, on dfend lide quil ne faut pas trop payer les pauvres pourleur travail, mais les maintenir dans un tat de manque pour quils soienttoujours soucieux de travailler. Si on les paie trop, ils vont se laisser aller la paresse au lieu daller lusine. Cest un argument que lon retrouve

    chez les dtracteurs de lide du maintien de minimas sociaux parexemple.

    C. La pense dAdam SmithChez Smith on retrouve quelque chose qui ressemble cette alliancecontre-nature entre foi dans le march et cynisme, mais en fait cest trsdiffrent. Il ne faut pas lire trop troitement Adam Smith, et surtout ne passe contenter de la lecture dextraits de La Richesse des nations (1776).Dans cet ouvrage, Adam Smith dcrit comment par la recherche delintrt individuel et du profit et par les mcanismes du march, chaque

    citoyen contribue non seulement senrichir personnellement maisgalement accrotre la richesse de la collectivit. La recherche de

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    lintrt individuel est le plus sr moyen duvrer pour accrotre larichesse des nations et le rle de ltat doit tre strictement limit.

    Extrait 3 :

    Pour Adam Smith, ltat na pas se mler de la vie conomique : lesmcanismes du march valent toutes les lois du monde. Le march fondeson fonctionnement sur des milliers de dcisions individuelles o chaqueacteur conomique cherche naturellement les moyens de senrichirpersonnellement.Attention toutefois ne pas restreindre trop la comprhension de ceconcept de main invisible. Lexpression dAdam Smith est bien plusquune simple mtaphore : elle rsume un programme idologique, celuiqui vise faire du march lunique rgulateur de l'ensemble de la vieconomique. Cest pourquoi l'expression est si frquemment reprise, parceux qui sopposent ce programme, aussi bien que par ceux qui en sontpartisans. Attention aussi ne pas caricaturer la pense de Smith.

    Extrait 4 : [...] Ce nest que dans la vue dun profit quun homme emploie soncapital. Il tchera toujours demployer son capital dans le genredactivit dont le produit lui permettra desprer gagner le plusdargent. [] A la vrit, son intention en gnral nest pas en celade servir lintrt public, et il ne sait mme pas jusqu quel point ilpeut tre utile la socit. En prfrant le succs de lindustrie

    nationale celui de lindustrie trangre, il ne pense qu se donnerpersonnellement une plus grande sret ; et en dirigeant cetteindustrie de manire que son produit ait le plus de valeur possible, ilne pense qu son propre gain ; en cela, il est conduit par une maininvisible, remplir une fin qui nentre nullement dans sesintentions ; et ce nest pas toujours ce quil y a de plus mal pour lasocit, que cette fin nentre pour rien dans ses intentions. Tout enne cherchant que son intrt personnel, il travaille souvent dunemanire bien plus efficace pour lintrt de la socit, que sil avaitrellement pour but dy travailler .

    Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations[1776]

    daprs rdition, d. Flammarion, 1991.

    II. La pense de Smith repose sur une mtaphysique

    Le principe de la main invisible est le suivant : les individus remplissentdes fins qui nentrent nullement dans leurs intentions initiales etcorrespondent avec le bien commun.Mais la thorie de la main indivisible ne renvoie pas lide dunemanipulation de lhomme par Dieu. Elle repose sur une mtaphysique.

    Lextrait 4 contient lunique occurrence de la main invisible dans la

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Recherche_sur_la_nature_et_les_causes_de_la_richesse_des_nationshttp://fr.wikipedia.org/wiki/Recherche_sur_la_nature_et_les_causes_de_la_richesse_des_nations
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    Richesse des nations (1776). Cette expression, que lon rduit unemanire image de parler de la capacit autorgulatrice du march, setrouve dans une autre partie de luvre dAdam Smith, gnralementmoins connue, la Thorie des sentiments moraux, un livre de philosophiemorale dans lequel Smith propose une rflexion sur les valeurs, les

    objectifs moraux et politiques que peut se donner une socit (extrait 5).

    Extrait 5 : Le produit du sol fait vivre presque tous les hommes quil estsusceptible de faire vivre. Les riches choisissent seulement danscette quantit produite ce qui est le plus prcieux et le plusagrable. Ils ne consomment gure plus que les pauvres et, en dpitde leur gosme et de leur rapacit naturelle, quoiquils naspirentqu leur propre commodit, quoique lunique fin quils se proposentdobtenir du labeur des milliers de bras quils emploient soit la seulesatisfaction de leurs vains et insatiables dsirs, ils partagent tout demme avec les pauvres les produits des amliorations quilsralisent. Ils sont conduits par une main invisible accomplirpresque la mme distribution des ncessits de la vie que celle quiaurait eu lieu si la terre avait t divise en portions gales entretous ses habitants ; et ainsi, sans le vouloir, ils servent les intrtsde la socit et donnent des moyens la multiplication de lespce.

    Adam Smith, Thorie des sentiments moraux[1759],daprs rdition, PUF, 1999.

    Adam Smith est philosopheComment comprendre quun mme auteur puisse mener une rflexiondans ces deux domaines, de lconomie et de la philosophie morale ? Ilfaut le replacer dans son contexte : au XVIIIe sicle ce sont deux champsde la pense qui ne sont pas aussi fermement distincts (voire opposs)que de nos jours. Les savants du temps ne sont pas spcialiss comme ilssont devenus aujourdhui : les meilleurs prtendent mme une pense encyclopdique (qui embrasse lensemble des connaissances). EtAdam Smith ne fait pas exception : moraliste et conomiste, il est aussiphilosophe et scientifique. Sa pense se nourrit ces diverses sources, quipeuvent nous paratre clectiques, voire difficilement conciliables

    aujourdhui.Ainsi, en philosophe, Adam Smith distingue les causes finales et les causesefficientes. Utilisons lexemple de la circulation sanguine pour expliquer ladiffrence quil existe entre ces deux grands types de causes. Lorsquenous constatons quel rle joue la circulation sanguine dans le corpshumain, il ne nous viendrait jamais lide dimaginer que le sang remplitsciemment cette fonction essentielle qui est la sienne. On distingue donc :

    -la cause efficiente (soit la manire dont le sang circule)-la cause finale (soit les bienfaits quapporte une bonne circulation

    sanguine)Pour Smith lhomme, qui ne peut subsister quen socit, a t adapt

    par la Nature cette situation pour laquelle il a t fait . Il est vain, selonlui, de faire reposer sur la raison les motifs qui nous portent nous

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    conformer au bien commun, comme si ce dernier tait la cause finale denos actions. En fait, lAuteur de la Nature (Dieu pour Smith) a sagementdot lhomme du dsir, immdiat et instinctif, de servir les intrts de lasocit.

    Le monde social et le monde physique fonctionnent de mmeAdmiratif de la pense de Newton, et notamment de son systme dephilosophie naturelle, il cherche, comme de nombreux auteurs de sontemps, tablir un pont entre les raisonnements de la physique ou de labiologie et ceux des sciences sociales (morale, politique ou conomie).Son but est de constituer un systme thorique qui soit capable de rendrecompte de la mcanique susceptible de produire dans la socit une ordrecomparable celui qui rgne dans les mondes physique et animal. Axiomede base : le monde social est ncessairement ordonn comme le mondephysique, puisque ces deux mondes, qui constituent lunivers, ont uneorigine commune : Dieu. Son ambition est rellement de fonder, sur lemodle des sciences de la Nature, une vaste science humaine dnomme Philosophie morale , comprenant notamment la morale, lconomie,lhistoire, mais aussi la jurisprudence.Les choses tant donc, ncessairement, bien faites (puisque faites pasDieu), lhomme est habit de multiples passions qui le conduisent remplir des fins qui nentrent nullement dans ses intentions :

    - la faim et la soif le poussent la prservation de lespce- lamour le pousse la propagation de lespce- le self love le conduit rprimer ses intrts gostes pour se faire

    aimer des autres

    - la volont damliorer son sort le pousse au travail et lpargneEn dveloppant le concept de main invisible en conomie, Adam Smithne fait donc quappliquer certains mcanismes marchands un principedanalyse quil a dj appliqus en maints domaines.

    Un principe transcendantal est donc lorigine de la machine-monde, maisles lois qui conduisent lharmonie sont immanentes. Mais lesmcanismes dharmonisation sont induits par des comportementsindividuels. Si Smith fait preuve dun optimisme gnral, cest parce que lamain invisible est celle de Dieu : la nation moderne est, pour lui, unenation en marche vers plus de bien-tre matriel et plus de justice sociale.

    En cela, il diffre des moralistes franais.Il doit y avoir dans la pense dAdam Smith quelque chose de diffrentdune simple dnonciation cynique des vices humains et de la glorificationde Dieu qui met de lordre dans tout a. En ne pensant qu moi je fais lebien gnral : on ne peut pas sen tenir l, mme si cest effectivement cequi est dit. Mais le contexte dans lequel cette occurrence de la maininvisible apparat est fondamental. Toute sa pense est ptrie dunemtaphysique qui trouve dans lconomie une place aussi importante quedans les rflexions de Smith sur la morale. Cest un penseur de ladeuxime moiti du XVIIIe sicle : il ne faut surtout pas loublier.

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    III. Le libralisme est un humanisme

    Aucune socit ne peut prosprer et tre heureuse, dans laquelle la plusgrande partie des membres est pauvre et misrable.

    Au cur de la pense de Smith : la vertuExtrait 6 :

    Adam Smith dit que les hommes recherchent leur intrt priv et que cesttrs bien comme a, puisque cest la meilleure faon dont peut se droulerlactivit conomique. Mais ailleurs il dit que chercher uniquement sonintrt priv, cest vicieux. On peut (et mme on doit) tre vertueux danscette recherche, et les 4 vertus essentielles sont : matrise de soi,prudence, bienveillance et justice.La question sous-jacente qui se pose alors est la suivante : existe-t-il un

    capitalisme moral ? Le libralisme conomique reconnat-il que certainesvertus sont ncessaires au bon fonctionnement du march ? Enloccurrence, la rponse est nettement oui, et il ne faut donc pas lire tropvite les chantres du libralisme comme Adam Smith.

    Dclinons quelques-unes de ces vertus prnes par Smith.- Prudence : cf. lactuelle crise conomique. Si les spculateurs se laissentaller lappt du gain, cest le krach. Lhomme prudent idal soccupe deses intrts, travaille lamlioration de sa condition matrielle, maislentement, en se lanant dans des projets rflchis, pas le golden boy.- Justice : on doit la dfinit comme le fait de ne pas faire de mal autrui, la

    bienveillance consistant faire du bien autrui. La justice consiste nepas faire de mal autrui tant quautrui ne magresse pas, etventuellement le dfendre sil est agress par un tiers. Cest donner ceque lon doit autrui (pas la justice sociale , a cela relve de labienveillance), par exemple dans le cadre dun contrat de travail.Respecter le droit, cest respecter la morale, si le droit est bien fait (ce quinest bien sr pas toujours le cas).

    Un rle attribu ltat plus complexe quil ny paratLtat est-il seulement l pour rendre possible le bon fonctionnement du

    march ? Ou bien assume-t-il aussi une dimension morale ?Cest bien une conception morale de lintervention de ltat que dfend enralit Adam Smith :

    - Ltat doit veiller ce que les gens soient prudents les uns enversles autres (interdiction des prts taux usuraires, qui mettent lesbanques en prils, de mme que les gens qui empruntent, ce quisest pass avec la crise des subprimes)- Il doit empcher les gens de se nuire les uns aux autres (fairerespecter la justice)- Il doit imposer des devoirs de bienveillance (la justice sociale)

    Dans la pense de Smith, la main invisible et la main visible,coercitive, de ltat, sont deux mcanismes qui squilibrent

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    mutuellement.Quand ltat fait nimporte quoi, la socit humaine ne priclite pas mmesi elle avance un rythme moindre (cest la base de la thorie de lacroissance conomique : les individus sont dans lensemble assezprudents pour viter les catastrophes, en dpit de ltat).

    La main invisible corrige le manque de comptence de ltat. Et ltat, silest comptent, peut amliorer le fonctionnement de la vie invisible (enveillant ce que les diffrents individus recherchent leur intrt demanire prudente, juste et bienveillante).Les rapports humains tiennent travers des rapports de bienveillance(rapports parents / enfants par exemple). Pour que le lien social ne soitpas gravement atteint, dans des cas exceptionnel ltat peut faire des loispour imposer des devoirs de bienveillance aux citoyens (cas des relationsparents / enfants, qui nont normalement pas besoin de la loi, mais la loiexiste cependant pour que le lien social ne soit pas mis en danger).

    Au fondement de toutes les vertus : la sympathieSi le motif fondamental des actions humaines dans le domaineconomique parat tre lintrt, cest par la sympathie que les hommessemblent mus quand on lit la philosophe morale de Smith.La sympathie, cest le fait que les hommes prouvent les uns envers lesautres (le fait de ressentir les sentiments, la douleur dautrui). Une tellecapacit repose sur un prsuppos majeur : lhumanit est, selon Smith,compose de frres et dgaux.

    Extrait 7 :

    Par nature, la diffrence de gnie et daptitude entre unphilosophe et un portefaix est loin dtre aussi grande que celle quispare un dogue dun lvrier, un lvrier dun pagneul, ou ce dernierdun chien de berger .

    Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations[1776]

    daprs rdition, d. Flammarion, 1991.Dans lanthropologie (la conception de lhomme) smithienne, tous leshommes sont gaux par nature, et mus par des dterminations similaireset universelles, tablie originellement par une Divinit cratrice etbienveillante.

    Lhomme est dtermin par ses passions, qui sont de 5 grands types :- Les passions ayant le corps pour origine (passions physiques)Ce sont principalement la faim, la soif, et la passion sexuelle , quisont des composantes essentielles de lespce humaine etrapprochent lhomme de lanimal.

    - Les passions gostes , lies lamour de soiPour Smith, lindividu est dtermin par sa tendance se soucierdavantage de son propre sort et de sa propre situation que de ceuxde ses semblables

    - Les passions qui ont pour origine une disposition particulire ouune habitude de limagination

    Ce sont celles qui nous conduisent valoriser les situationsauxquelles nous prenons part, ce qui nous intresse nous-mmes et

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Recherche_sur_la_nature_et_les_causes_de_la_richesse_des_nationshttp://fr.wikipedia.org/wiki/Recherche_sur_la_nature_et_les_causes_de_la_richesse_des_nations
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    qui inclut donc autrui pourvu quil ait un lien avec nous (lintrtpour notre mtier ou nos tudes, nos parents ou nos amis).

    - Les passions asociales Celles-ci sont galement communes aux hommes et aux animaux.On compte parmi elles la haine, la vengeance, et plus gnralement

    toutes les formes de ressentiments. Elles nous conduisent nuirephysiquement autrui, lui causer torts et souffrances, conditiontoutefois quil nous ait caus du tort.

    - Les passions sociales Gnrosit, humanit, bont, compassion, amiti, estime mutuelleToutes ces passions visent le bonheur et le bien-tre dautrui.

    Au total, pour Smith, les forces gostes et asociales lemportent sur lespassions sociales, contribuant isoler chacun des tres vivants. Sil sentenait ces seules passions corporelles gocentriques, sociales ouasociales, lhomme serait un tre solitaire, semblable lanimal, etresterait ltat de nature. Mais les facults de lesprit dont il est dotexpliquent quil en soit autrement.Au fondement de lingalit : les structures sociales

    Optimum de Pareto ? Etat dans lequel on ne peut pas amliorer le bien-tre dun individu sans dtriorer celui dun autre.