francophonie et relations internationales

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    Copyright 2009 ditions des archives contemporaines et en partenariat aveclAgence universitaire de la Francophonie (AUF)

    Tous droits de traduction, de reproduction et dadaptation rservs pour touspays. Toute reproduction ou reprsentation intgrale ou partielle, par quelqueprocd que ce soit (lectronique, mcanique, photocopie, enregistrement,quelque systme de stockage et de rcupration dinformation) des pagespublies dans le prsent ouvrage faite sans autorisation crite de lditeur, estinterdite.

    ditions des archives contemporaines41, rue Barrault75013 Paris (France)

    Catalogue : www.archivescontemporaines.com

    ISBN : 978-2-914610-95-7

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    Entrepris linitiative du comit de coordination et de suivi duprogramme thmatique Aspects de ltat de droit et dmo-cratie de lAgence universitaire de la Francophonie, cetouvrage est issu de deux sminaires de recherche, animspar le professeur Jean-Marie Crouzatier de luniversit dessciences sociales de Toulouse-I (France), qui se sont tenus Gore (Sngal), en avril 2008 et Iasi (Roumanie), en sep-tembre 2008, et runissant des juristes, des politologues etdes philosophes.

    Ont particip ces sminaires et la rdaction de cet ouvrage :M. Mamadou Badji, professeur luniversit Cheikh Anta Diopde Dakar (Sngal), M. Andr Cabanis, professeur luniversit

    des sciences sociales de Toulouse-I (France), M. Jean-MarieCrouzatier, professeur luniversit des sciences sociales deToulouse-I (France), M. Ciprian Mihali, professeur luniversit Babs-Bolyai de Cluj-Napoca (Roumanie) et M. GeorgesPoede, professeur luniversit Alexandru Ioan Cuza deIasi (Roumanie).

    M. Claude-Emmanuel Leroy, directeur dlgu du programme

    Aspects de ltat de droit et dmocratie , a supervis cesrencontres et llaboration de louvrage.

    MM. Cabanis et Crouzatier se sont occups de relire, corriger,harmoniser et relier les diffrentes contributions. Ils ont assurla coordination de lensemble de louvrage et sa rdactionfinale.

    M. Badji a rdig la premire partie ; M. Crouzatier a rdig la

    seconde partie ; M. Cabanis a rdig lintroduction et la con-clusion.

    La bibliographie a t slectionne par les auteurs.

    Ce volume est le rsultat dune laboration collective, interdis-ciplinaire et internationale francophone, soutenue par lAgence

    Avant-propos

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    universitaire de la Francophonie. Il se veut une contribution la rflexion mene au sein de la Francophonie sur son projetet son avenir. Les opinions exprimes nengagent que leursauteurs.

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    ACCT Agence de coopration culturelle et techniqueACP tats dAfrique, des Carabes et du PacifiqueAG Assemble gnrale des Nations uniesAIF Agence intergouvernementale de la Francophonie

    ALECSO Organisation de la Ligue arabe pour la culture,lducation et la science

    ALENA Association de libre-change dAmrique du NordAPD Aide publique au dveloppementASEAN Association des nations dAsie du Sud-EstAUF Agence universitaire de la FrancophonieCS Conseil de scurit des Nations unies

    FMI Fonds montaire internationalOEA Organisation des tats amricainsOIF Organisation internationale de la FrancophonieOIG Organisation intergouvernementaleOMC Organisation mondiale du commerceONG Organisation non gouvernementaleONU Organisation des Nations uniesPMA Pays les moins avancs

    PME Petites et moyennes entreprisesUA Union africaineUE Union europenneUNESCO Organisation des Nations unies pour lducation,

    la science et la culture

    Liste des abrviations,acronymes et sigles

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    En 1871, Onsime Reclus forgeait un nologisme : franco-phonie . Quatre ou cinq ans aprs, Friedrich Ratzel, du ctde la Prusse, en crait un autre : gopolitique ! Peut-onvoir dans ce constat une simple concidence temporelle ou unvritable symbole ?

    Ceci tant, si la littrature abonde dsormais en ouvrages degopolitique, et si elle savre aussi particulirement riche entravaux consacrs la francophonie, force est de constaterquelle est sensiblement plus modeste quant ceux qui ontpour objet dtude la gopolitique de la francophonie et il afallu attendre ces toutes dernires annes pour voir appa-ratre, souvent de manire collatrale, le poids des perspec-

    tives gopolitiques dans les rapports dvolus la francopho-nie. Cest dire lintrt prsent par cet ouvrage pluridiscipli-naire, et dont la rdaction a associe des juristes, des philo-sophes et des politistes.

    En levant maintes ambiguts.

    La gopolitique, rappelons le, sefforce de relier entre eux lesprincipaux facteurs dynamiques rendant compte de

    lorganisation des tats-nations ou des entits supra ta-tiques, pour aboutir une synthse quant leur spcificit et leurs potentialits. Parmi ces facteurs, certains sont relati-vement stables, voire sculaires (les tendances lourdes ,comme les donnes de la gographie, le poids de lhistoire,des cultures... ou des langues !) ; dautres, beaucoup plusconcentres dans le temps (les variables ).

    Et lanalyse gopolitique repose prcisment sur la comparai-son, pour un espace donn, des poids respectifs de ces ten-dances lourdes et de ces variables.

    Dans ce contexte, lun des intrts majeurs de la thmatique gopolitique et francophonie peut donc lgitimement

    Prface

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    sexprimer par cette interrogation : lheure du systme inter-national post bipolaire et du processus de mondialisation,existe-t-il une spcificit gopolitique de la francophonie, engnral et des espaces francophones, en particulier ? Avecune interrogation connexe : la francophonie peut-elle tre uninstrument gopolitique efficace pour faire face aux tentatives(difficilement niables) daffirmation dun imperium anglo-saxon ?

    Quant la francophonie, ce concept recouvre de facto quatreralits fondamentales, qui confortent la spcificit de lalangue franaise et donc tout lintrt de lapproche gopoli-tique de semblable concept. Car, sil dsigne dabord lensemble des francophones rels , ce dernier dvoileaussi une unit spatiale considrable, lchelle des cinqcontinents ; il place la France au cur de liens culturels (ausens large du terme) sculaires, voire multisculaires et il

    sapplique enfin, depuis quelques dcennies, une associa-tion dtats-nations , notion incontournable des analysesgopolitiques, autour de lutilisation dune langue commune.

    Chacun a pu le constater : la mise en place et lessor desinstitutions internationales, les flux de plus en plus complexesdinformations, dchanges, ne pouvaient pas ne pas troublerle jeu linguistique classique, un jeu gnralement pratiqu par

    les tats. Dans un univers o le concept mme de terra inco-gnita est rduit sa plus simple expression, o la vision pro-phtique dun Paul Valry ( le temps du monde fini com-mence ) est singulirement concrtise, la francophonie seprsente aujourdhui comme un vaste espace culturel, poli-tique et go-conomique. Il reprsente, nous le verrons,quelques 10 % de la population mondiale (dont plus du quartest dj le fait de la seule Chine de Pkin !) : des horizonsdEurope occidentale (o ses sept adhrents disposent destatuts institutionnels trs varis) aux quatre membres partentire des Carabes, de la pninsule indochinoise lAfriquesubsaharienne, des tous rcents partenaires des marchesorientales de lEurope, au Pacifique sud, a fortioriau continentamricain, lespace francophone, tir sur lensemble de la

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    Prface

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    plante est aussi, aujourdhui, un espace en voie de constantlargissement. Et ceci concourt de toute vidence lintrt et lactualit de la donne gopolitique spcifique lentit fran-cophone.

    Cet espace est, par ailleurs, aussi une ralit macro-conomique de tout premier ordre. Avec quelques 12 % de laproduction marchande mondiale, et plus de 15 % deschanges commerciaux transnationaux, la richesse globaledes tats de la francophonie ne peut souffrir, au-deldindniables ingalits, de contestation.

    Le rayonnement rcent et actuel, remis ici ou l en question,reste patent. Et, sil est peu parl comme stricte langue ma-ternelle, au regard de langues comme le mandarin ou le ben-gali, le franais est largement diffus dans le monde, y com-pris comme langue denseignement.

    Or, le rayonnement dune langue savre, surtout depuis lesprocessus de mondialisation et de rtraction virtuelle delespace-terre ( le village plante cher McLuhan) un sur-puissant vecteur culturel, et un instrument potentiel majeur depromotion de la paix internationale.

    Un dfi capital, parmi beaucoup dautres. Au cur des difficul-ts goconomiques de la plante, le moins que lon puisse

    crire, aujourdhui, cest que lhumanit a dfinitivement aban-donn son statut daire de certitude lre des certitudes ,un statut qui caractrisait le monde bipolaire, pour se parer,bien involontairement, des attributs daire dincertitudes, lre de lincertitude

    Hobbes rappelait, dans son Lviathan, que la parole est,avant tout, une trompette de guerre . Elle peut tre aussi

    un efficace instrument de rassemblement.

    Ernest Renan, en Sorbonne, la fin du XIXe sicle (une p-riode dcidment riche en initiatives au plan de la promotiondu vecteur linguistique) soulignait en la matire son rle noncoercitif : La langue invite se runir, elle ny force pas.

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    Constat lucide qui ne peut nous inviter aussi nous projeter,quelques deux mille ans en arrire, et mditer sur les parolesqui furent, semble-t-il, dlivres deux plerins sur le chemindEmmas : Restons ensemble, il se fait tard !

    Jacques SoppelsaPrsident honoraire de luniversit de Paris Panthon Sorbonne

    Prsident de lAcadmie internationale de gopolitique

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    Quelle est la place de la francophonie dans les relations inter-nationales ? Comment est-elle apparue ? Quel est son rle ?Dbattre de ces questions suppose pralablement desaccorder sur les termes.

    QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR RELATIONSINTERNATIONALES ?

    Une premire approche peut conduire y voir lensemble desrelations existant entre divers acteurs et qui traversent lesfrontires. Ces relations peuvent prendre des formes et desdimensions diverses, tels le conflit et la coopration. Quantaux acteurs, ils se sont diversifis : les tats acteurs tradi-tionnels sont rejoints par les organisations internationales,les ONG, les firmes multinationales et les rseaux transnatio-naux en tous genres, ces derniers parfois, en marge de lalgalit. Pour dterminer le rle des acteurs non tatiques, ilfaut sinterroger sur la faon dont sorganisent les relationsinternationales. En dautres termes, quelle est la nature dusystme international ? Diffrentes approches thoriquestentent de rpondre cette question ; leurs postulats trsdivers ont suscit de vastes dbats, partir des annes vingt.

    Seul le constat fait lobjet dun consensus : le systme interna-tional se distingue des systmes nationaux par son principedorganisation anarchique (alors quun systme national esthirarchique). Il nexiste pas en effet de gouvernement centralau plan mondial pour imposer une rgulation des comporte-ments des acteurs.

    Au-del de ce consensus, les thories des relations interna-

    tionales divergent quant aux consquences de cette anar-chie : ralistes et noralistes estiment que lanarchie entraneune mfiance mutuelle entre les tats qui considrent quilsne peuvent compter que sur eux-mmes : les gosmessacrs , pour reprendre la formule du gnral de Gaulle,dominent et justifient tout. Pour les institutionnalistes libraux,

    Introduction

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    lanarchie peut tre encadre par des institutions internatio-nales qui favorisent une coopration ; ils se rattachent ainsi lancien courant idaliste, et la thorie trs en vogue de la gouvernance mondiale reprend bien des arguments an-ciens (notamment celui selon lequel la mondialisation rendraitcaduque le concept de souverainet). Constructivistes etnormativistes mettent laccent sur la structure du systmeinternational constitue de normes et dinstitutions qui enca-drent et dterminent fortement les acteurs. Enfin les diff-

    rentes approches marxistes insistent sur leffet structurant desrapports dexploitation conomique entre classes dominanteset domines, entre centre et priphrie

    Ces thories sont autant de grilles pour analyser le contexteinternational actuel, cest--dire la mondialisation et la globalisation (mais lemploi mme de ces termes ne cons-titue-t-il pas un choix implicite entre ces visions ? Et dans ce

    cas, ne faut-il pas les remettre en question ?) ; elles permet-tent de questionner les ides reues sur le phnomne de mondialisation , concernant sa gense (est-il aussi rcentquon le prtend ?), ses manifestations (lmergence dun village plantaire ouvert et fraternel ou, au contraire, dunejungle conomique et politique o saffrontent des intrtsparticuliers contradictoires), et ses consquences (le phno-mne est immanquablement prsent comme le fruit dunprocessus naturel et irrversible : il est pourtant faciledidentifier dans la socit internationales des mondialisa-teurs et des mondialiss ).

    QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR FRANCOPHONIE ?

    Sans majuscule, le terme renvoie un mouvement issu de la

    base, de la socit civile, un ensemble dinstitutions nongouvernementales qui uvrent directement et indirectement promouvoir le franais comme langue de travail, dchangeset de culture ; la francophonie est forme par des centainesdtablissements scolaires, universitaires et culturels, desmilliers de chercheurs partiellement ou entirement de languefranaise, des dizaines de milliers dassociations qui se don-

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    Introduction

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    nent pour mission la pratique et la diffusion du franais : ta-blissements privs religieux ou lacs, alliances franaises,diteurs, acadmies et socits savantes, comits et conseils,associations, fdrations et unions en tous genres qui permet-tent 175 millions de personnes sur les cinq continentsdtudier (2e langue tudie dans le monde) et de parler fran-ais (9e langue parle dans le monde). Mais cet ensemble est-il cohrent ? Ne faut-il pas identifier la francophonie par r-gions : celle du Maghreb, celle de lAfrique noire, de lAsie, de

    lEurope centrale et orientale ?Avec une majuscule, le terme dsigne des institutionsintergouvernementales rassembles au sein de lOIF (leSommet, la Confrence ministrielle, les Confrencesinterministrielles, le Conseil permanent, le secrtairegnral) ; ainsi que le Forum francophone des affaires, TV5,luniversit Senghor dAlexandrie Au total, lOIF regroupe un

    tiers des membres de lONU ; elle entretient desreprsentations permanentes New York, Genve, Bruxelles et Addis-Abeba ; elle est reconnue commepartenaire par toutes les OIG Mais cet ensemble gocultureloriginal est travers de profondes lignes de fracture entreconomies et socits du Nord et du Sud ; il est aussi lenjeudune concurrence entre ses deux principaux contributeurs la France et le Canada qui ont une conception diffrente dela francophonie et dont la rivalit est la fois politique,conomique et institutionnelle ; il est enfin rejoint par des tats(Thalande, Autriche) dont le caractre francophone est loindtre vident. La question est : quattendent les tats-membres de lorganisation de la Francophonie sous lesdiverses formes quelle a successivement prises ? Ou, si lonprfre : lOrganisation internationale de la Francophonie, ne

    dans les annes soixante-dix et qui a progressivement changdepuis, rpond-t-elle aux attentes de ses membres, en cedbut du XXIe sicle ? Ou encore : existe-t-il un projetfrancophone ?

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    COMMENT EST-ON PASS DE LA FRANCOPHONIE A LA

    FRANCOPHONIE ?Les institutions de la Francophonie sont nes au dbut desannes soixante-dix pour couronner les initiatives privesvenues de la socit civile :

    - le rseau des Alliances franaises, mises en place partir de 1883 et qui se sont multiplies depuis le XIXesicle, jusqu atteindre le chiffre de 1 200, rpartiessur tous les continents,

    - lAssociation internationale des journalistes de lapresse de langue franaise (AIJPLF), cre en 1950et devenue Union (UIJPLF), en 1970,

    - la Communaut des radios publiques de langue fran-aise qui remonte 1955, largie, en 1978, par le

    Conseil international des radios-tlvisionsdexpression franaise (CIRTEF),

    - lAssociation des universits partiellement ou enti-rement de langue franaise (AUPELF), installe en1961, complte en 1987 par lUniversit des rseauxdexpression franaise (UREF) pour constituerlAUPELF-UREF, avant de se transformer, en 1999,

    en Agence universitaire de la francophonie (AUF),- lInstitut international de droit dexpression et

    dinspiration franaises (IDEF), en 1961,

    - lAssemble internationale des parlementaires delangue franaise (AIPLF), en 1967, devenue Assem-ble parlementaire de la Francophonie (APF), en

    1998,- la Fdration internationale des professeurs de fran-

    ais (FIPF), en 1969,

    - lAssociation internationale des maires et respon-sables des capitales et mtropoles partiellement ou

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    Introduction

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    entirement de langue franaise (connue sous lesigle plus bref dAIMF), constitue en 1979

    Cette numration dinstitutions aussi diverses que possible etapparues sans aucun ordre logique apparent peut donner lesentiment dun inventaire la Prvert. En fait, la successiondes initiatives relve dune rationalit implicite, dabord orien-te vers lenseignement du franais, ce qui constitue videm-ment un pralable, touchant ensuite les grands mdias, avantde stendre aux tablissements denseignement suprieur et,enfin, la classe politique, travers ses divers niveauxdlection.

    La premire structure publique, lAgence de coopration cultu-relle et technique (ACCT), cre le 20 mars 1970, Niamey,entre 21 tats, nest quune agence de coopration au budgetet aux ambitions politiques modestes : mme si la France a

    surmont sa prdilection pour le bilatral, elle demeure rti-cente la perspective dtre accuse de nocolonialisme ;quant la volont du Qubec dtre partie prenante de cetteinstance internationale, elle se heurte au refus du gouverne-ment fdral canadien. Ce sont, en fait, les chefs dtat despays francophones dAfrique qui se montrent, danslensemble, les plus motivs. Il faudra attendre seize ans pourque le veto dOttawa soit lev, et que le complexe postcolonial

    franais soit surmont : en 1986, le prsident Mitterrand runit, Versailles, le premier Sommet des chefs dtat et de gou-vernement ayant en commun le franais. Mais le Sommet necre pas dorganisation ; la Francophonie se met en place defaon pragmatique, sans base juridique, jusqu ladoption dela Charte de la Francophonie, Hanoi, en 1997. Lors duSommet de Hanoi, un secrtariat gnral de la Francophonieest institu, dirig par un secrtaire gnral, porte-parole etreprsentant officiel de la Francophonie au niveau internatio-nal et qui remplace lancien secrtaire gnral de lACCT.Mais la Charte nest pas un trait ; et la Francophonie resteune entit sans fondement conventionnel.

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    Tout au moins, ses structures deviennent-elles plus coh-rentes et lisibles, en novembre 2005, aprs ladoption, par leSommet dAntananarivo, dune charte modifie qui cre uneseule organisation : lACCT, rebaptise en 1999 : Agenceintergouvernementale de la Francophonie (AIF), qui disparatau profit de lOIF, place sous lautorit dun secrtaire gn-ral, dun Conseil permanent (les reprsentants des chefsdtat et de gouvernement) et dune Confrence ministriellede la Francophonie, tandis que le Sommet de la Francopho-

    nie, instance suprme runie tous les deux ans, dfinit lesorientations et lit le secrtaire gnral, tous les quatre ans. Ilreste sinterroger sur le point de savoir si les institutionsissues de ce processus lent et encore inabouti (faute de con-vention pour fonder juridiquement lOrganisation) sont repr-sentatives et efficaces. Reprsentatives, cest--dire suscep-tibles de rendre compte de la Francophonie, dans toute sadiversit. Efficaces, cest--dire dynamiques et suffisammentcohrentes pour permettre lOrganisation de poursuivre sesobjectifs.

    QUELLE EST LINFLUENCE DE LA FRANCOPHONIE ?ET DABORD QUEL EST SON RLE ?

    Pour juger de son action, il faut recenser les missions que la

    Francophonie sest fixes, et les moyens dont elle sest do-te ; puis mesurer les rsultats, sans oublier de considrer lebilan dans le regard des trangers la francophonie(quelle est limage de la francophonie aujourdhui dans lemonde ?). Les missions ressortent nettement des dclarationsadoptes par les sommets et confrences, et des rapports dusecrtaire gnral : la langue franaise et lducation, la cul-ture dmocratique des Droits de lhomme, la diversit cultu-

    relle, le renforcement de la concertation et de la solidaritNord-Sud.

    La premire mission la langue franaise et lducation semble aller de soi ; elle soulve nanmoins de nombreusesquestions : quelle est la situation de la langue franaise ausein des instances internationales, rgionales et universelles ?

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    Introduction

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    Que recouvrent les termes de locuteurs et de parlantsfranais dans les statistiques qui recensent les personnesparlant franais dans le monde ? Existe-t-il une expertisefrancophone dans le domaine des systmes ducatifs ?

    Depuis les annes quatre-vingt-dix, la promotion de la dmo-cratie est une priorit des Nations unies. La Francophoniecontribue cet effort : par ses prises de position (dclarationde Bamako, dclaration de Saint-Boniface) ; mais aussi parses programmes daccompagnement des processus lecto-raux, de consolidation de ltat de droit, de promotion de laculture des Droits de lhomme, et de coopration juridique etjudiciaire.

    Concernant les prises de position : quelle est la dfinition desnotions de dmocratie , de Droits de lhomme etd tat de droit dans les dclarations de la Francophonie ?

    Existe-t-il une conception francophone originale par rapport celle des Nations unies ? Concernant les programmes : sont-ils un simple accompagnement des programmes des Na-tions unies, un complment utile et pertinent ?

    Cette problmatique et ces questions conduiront traitersuccessivement des territoires de la francophonie travers laprsentation de lidentit et du projet francophones (I), puis

    des enjeux de la Francophonie travers lvaluation du deve-nir des rfrences communes et de la cohrence de la d-marche (II).

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    Premire partie

    Les territoires de laFrancophonie

    Objet dtude1, ralit gopolitique2, communaut de fait ru-nissant des pays utilisant, titre divers, une langue commune,

    le franais3

    , la Francophonie continue de susciter dbats etcontroverses4.

    Si linstitutionnalisation du fait francophone5 allait ds le d-part, maner de deux sources distinctes et recouvrir deuxaxes de proccupations prioritaires6 , les bouleversements

    1 Collectif (2004), Penser la Francophonie : concepts, actions et outils linguis-

    tiques, actes des premires Journes scientifiques communes des rseaux dechercheurs concernant la langue, Ouagadougou (Burkina Faso), 31 mai 1erjuin 2004, AUF/ditions des Archives contemporaines, Paris.2 Barrat, Jacques et Moisel, Claudia (2004), Gopolitique de la Francophonie :Un nouveau souffle ? Paris, La Documentation franaise.3 Chaudenson, Robert, (2007/3) La place de la langue franaise dans lafrancophonie , Hrodote, n 126, pp. 129-141.4 La francophonie : conflit ou complmentarit identitaire ? Thme du col-loque organis par le dpartement de langue et de littrature franaises de lafacult des lettres et des sciences humaines de luniversit de Balamand, 16 20 avril 2007, Tripoli (Liban).

    5 La convergence naturelle des intrts et des besoins des pays francophones apermis linstitutionnalisation progressive de cet ensemble goculturel. Cf. XavierDeniau (2003), La Francophonie, Paris, PUF, p. 49.6 Desouches, Christine (1986/12), Francophonie : difficile gestation dunensemble cohrent , Gopolitique africaine, Bruxelles, p. 106.

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    Premire partie : Les territoires de la Francophonie

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    culturels, conomiques et politiques qui accompagnent lamondialisation impriment cet ensemble goculturel unevolution particulire : aux discours humanistes et tiers-mondistes dantan, tend se substituer une conception politi-co-diplomatique de la Francophonie. Cette volution prsenteau moins lavantage dapprhender dune faon dynamique unconcept qui semblait, bien des gards, ne recouvrir que dessens multiples, masquant de fait des incertitudes et des ambi-guts difficiles lever. En effet, pendant longtemps, la Fran-

    cophonie a t perue travers les prismes dformants dunvaste regroupement de pays visant perptuer des lienssculaires entre la France et ses anciennes possessions co-loniales, au lieu dapparatre comme une conqute perma-nente par laquelle il convient dassumer une identit, fondesur lindpendance et sur la solidarit, ainsi que sur le refus delalignement et du sous-dveloppement . Aujourdhui,lensemble francophone a volu, au point de cristalliser deuxralits diffrentes, mais complmentaires :

    1. Dans son acception la plus large, la Francophonieenglobe lensemble des actions de promotion de lalangue franaise et des valeurs quelle vhicule, sansconsidration des pays dans lesquels cela sinscrit ;

    2. Au sens politique et institutionnel, elle qualifie

    lorganisation internationale qui regroupe les 68 tatset gouvernements7 qui ont choisi dadhrer saCharte8 et qui ont en commun une triple diversit, spi-rituelle (le sentiment dappartenir une mme com-munaut, cette solidarit qui nat du partage des va-leurs communes aux divers individus et communau-ts francophones), gographique (lensemble despeuples, des hommes et femmes dont la langue, ma-ternelle, officielle, courante ou administrative, est le

    7 53 membres, 2 associs, et 13 observateurs.8 La Charte de la Francophonie a t adopte le 15 novembre 1997, Hanoi(Vietnam).

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    Premire partie : Les territoires de la Francophonie

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    franais), politique (tous les types de rgimes poli-tiques, tous les niveaux de libert).

    Plus quun mouvement linguistique, la francophonie circonscritun espace gopolitique, une zone dinfluence9 dont le pri-mtre est dterminer.

    Encadr n 1. Charte de la Francophonie(23 novembre 2005 ; extraits du prambule)

    La langue franaise constitue aujourdhui un prcieux hritage commun

    qui fonde le socle de la Francophonie, ensemble pluriel et divers. Elle estaussi un moyen daccs la modernit, un outil de communication, derflexion et de cration qui favorise lchange dexpriences.

    Cette histoire, grce laquelle le monde qui partage la langue franaiseexiste et se dveloppe, est porte par la vision des chefs dtat et degouvernement et par les nombreux militants de la cause francophone etles multiples organisations prives et publiques qui, depuis longtemps,uvrent pour le rayonnement de la langue franaise, le dialogue descultures et la culture du dialogue .

    9 Combe, Dominique (1995), Potiques francophones, Paris, Dunod, pp. 13-14.

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    Lidentit

    francophoneOrganisation vocation universelle, la Francophonie est, parnature et par choix, une communaut de fait ouverte sur lemonde, ainsi que sur les peuples et les cultures qui la compo-sent. Elle est une alliance intertatique dote dorganes per-

    manents chargs de la ralisation dactions de coopration,mais il est impossible de classer lOIF dans lune des catgo-ries des organisations intergouvernementales : ni selon ledomaine de spcialit, puisque lOIF soccupe de politique,dconomie et de culturel (sans en avoir toujours lesmoyens) ; ni sur le plan gographique, puisque ce groupetransrgional a vocation accueillir les tats de tous les con-tinents. Sagit-il dailleurs vraiment dune organisation inter-

    gouvernementale, au sens juridique du terme, ds lors quelOIF repose sur une charte porte dclarative et non sur untrait fondateur ? Ensemble htrogne et polymorphe, laFrancophonie nen a pas moins une identit, la formation delaquelle participent la culture et la langue. Il nest pas inutilede faire ressortir les fondements de cette identit10. Mais, toutdabord, quest ce que lidentit francophone ? Quentend-on

    exactement par cette expression ? Est-elle constituedlments qui se limitent lhistoire commune des paysmembres, aux valeurs communes partages, aux intrts

    10 Le concept mme didentit, aux contours variables, est difficile cerner.Cest donc dessein que nous vitons de le dfinir, ses caractristiques nom-breuses inclinant du reste au compromis.

    Chapitre

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    communs, au partage de la langue franaise, une dyna-mique propre de laction ? Quel est limpact de la mondialisa-tion sur elle ? Quels sont les leviers dactions essentiels ?Quels sont les perspectives et les enjeux en cause ?

    A.UNE ENTIT PLURIELLE

    Une lecture attentive des thses actuellement dfendues parlOrganisation internationale de la Francophonie (OIF), acteur

    important de ladoption, en 2005, par lUNESCO, de la Con-vention sur la protection et la promotion de la diversit desexpressions culturelles, permet daffirmer que lidentit fran-cophone est une ralit fuyante, qui ne peut tre saisie quentermes de mdiation, de dfense de la diversit culturelle etde dialogue des cultures et des civilisations. En effet, leprojet politique port par la Francophonie est celui de la plura-lit11 et de la diversit culturelle. Llan qui anime lensemble

    francophone est indissociable des questions que posent laprsence de lAutre et le jeu de la diffrence polysmique.Cette diffrence rompt luniformit.

    Les distorsions conomiques sont frappantes entre les pays,notamment africains, parmi les moins avancs du monde(selon les standards de lONU) et les pays les plus riches dela plante (France, Canada, Belgique, Suisse). Les tats

    francophones dAfrique, dAsie et dOcanie runissent prsde 60 % des langues de la plante12. elle seule, la franco-phonie ocanienne rassemble 160 langues (dont le franais)pour 450 000 habitants !13 Ces constats tmoignent dunegrande diversit. Cette diversit des situations aurait pu cons-tituer une faiblesse pour la Francophonie. Mais, au contraire,cette diversit peut sanalyser comme une force dans la me-

    11 Diouf, Abdou (2008), Au service du pluralisme culturel , Manire de voir,n 97, fvrier-mars, p. 53.12 Bambridge, Tamatoa (2004), Dynamiques, promesses et incertitudes ,Herms, n 40, p. 264.13Idem.

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    sure o elle figure la pluralit du monde14. Dans nombre depays, le franais est langue officielle, sans tre la langue ma-ternelle. Cest le cas de plusieurs pays dAfrique subsaha-rienne (Sngal, Mali, Guine, Burkina Faso, Bnin, CtedIvoire, Togo, Niger). Lidentit francophone est vcuecomme un atout supplmentaire, une identit sajoutant lidentit nationale. Ces pays sont membres de lOIF qui inter-vient, pour leur apporter de laide.

    Dans dautres pays, le franais nest pas la langue officiellemais est enseign souvent comme premire langue trangreet peut, parfois, tre langue de travail pour une partie de lapopulation (cas de lAlgrie, de la Mauritanie, du Maroc, de laTunisie, du Liban). La plupart de ceux-ci sont membres delOIF, mais pas tous (lAlgrie par exemple). On peut avancerlide que dans ces pays, lidentit francophone est supplan-te par lidentit nationale. Il existe aussi une catgorie de

    pays comprenant peu de locuteurs francophones, mais quisont, des titres divers, membres de lOIF tels que lAlbanie,la Bulgarie, le Cambodge, lgypte, le Laos, la Moldavie, laRoumanie, le Vietnam Ici, lidentit francophone est sansconteste marginale, voire rsiduelle, lidentit lie la culturenationale tant plus marque15. Reste le cas des minorits qui,hors des catgories prcdentes, parlent le franais, quandbien mme elles prouvent des difficults le faire dans leurenvironnement local et qui, pour des raisons culturelles, histo-riques, voire familiales, souhaitent conserver la langue et laculture franaises. Dans ce cas de figure, ce sont des indivi-dus trs attachs la culture franaise, et qui connaissent peuou prou lOIF. Leur identit francophone est plutt vcuecomme un moyen de se valoriser, de se distinguer, au sein deleur propre pays. Il en va de mme, quoique de faon moins

    dramatise, pour ce qui est de la Suisse romande.

    14 Deniau, Xavier, La Francophonie, op. cit., p. 121.15 Sur les raisons qui poussent ces pays adhrer lOIF, voir RobertChaudenson, La place de la langue franaise dans la francophonie , inHrodote 2007/3, n 126, particulirement pp. 136-137.

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    La France, qui occupe une place centrale au sein de lOIF, estparadoxalement ltat dont les citoyens, locuteurshistoriques de cette langue, ne sont pas encoresuffisamment conscients de leur identit francophone16. LaBelgique prsente une autre facette de lidentit francophoneet de ses difficults. Ici, il est question dinscuritlinguistique17 et dvanescence identitaire au sein de lacommunaut Wallonie-Bruxelles.

    Cette typologie, schmatique du concept didentit franco-phone, montre que ce concept est gomtrie variable, quilcorrespond des situations diversifies au sein de lensemblegoculturel que constitue la francophonie mondiale. Au de-meurant, le dialogue est indispensable pour tracer les con-tours dune identit plurielle. une poque o prdominentrationalisation conomique, standardisation culturelle et rgnede la technique, la Francophonie aurait-elle pour mission de

    faire prvaloir une humanit plurielle et respecter les indivi-dualits et les diffrences ? Dans quelle mesure lexpansionde la Francophonie viserait-elle prserver et encouragerlexistence des identits nationales ?

    Seules, celles-ci ne peuvent pas se dfendre face la mon-dialisation. Unies, fdres dans le cadre dun espace gopo-litique, dune zone dinfluence de taille considrable, ces iden-

    tits deviennent plus fortes. Dans cette perspective, la Fran-cophonie assure sa mdiation en tant quinstrument en prisesur les relations internationales contemporaines, ensefforant dans les problmes qui touchent le gouvernementdu monde, de faire triompher lquilibre et la diversit.

    Par ailleurs, le partage dune langue apparat comme le par-tage dune vision du monde fonde sur les mmes valeurs de

    civilisation. En effet, le lieu, le contact, louverture que dgage

    16 Cf. Loyer, Barbara (2007/3), Langue et nation en France , Hrodote,n 126.17 Francard, Michel, (dit.) (1993), Linscurit linguistique en communautfranaise de Belgique, Service de la langue franaise, Bruxelles.

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    la littrature francophone sont insparables dune certainereprsentation du monde. Grce cette reprsentation sur-gissent des questions qui cimentent la modernit de la littra-ture francophone18 : mmoire du pays natal, potique deslieux, recherche des origines, alination, etc. Lalliance desidentits et des cultures se manifeste autour des valeurs delibert, dgalit, de solidarit, de dmocratie lies au respectdes Droits de lhomme, de ltat de droit et des liberts. Cesidaux prtendent fonder une socit profondment humaine,

    quilibre et o lhomme serait au dbut et la fin du dve-loppement. Toutefois, si lon songe aux moyens dploysjusqu ce jour, il sen faut de beaucoup pour que les rsultatssoient la hauteur de ces idaux.

    B.UNE UNIT MENACE

    Lidentit francophone nest pas durablement stable et reste

    fragile. Quelques constats simposent : sur le plan politique, laFrancophonie est en pleine expansion. Les relations entrehistoire, langue et politique ne sont plus imbriques ; au con-traire, elles sont extrmement varies au sein du fait franco-phone qui se dploie, depuis peu, en Europe centrale et in-tgre de nouveaux membres, tant en Afrique quen Asie. Cestque la Francophonie doit, linstar de lUnion europenne,

    faire face aux enjeux de llargissement. Mais sagit-il prci-sment ici de la mme chose ? Par ailleurs, le Sommet deHanoi avait consacr la Francophonie politique par ladoptiondune charte, le 15 novembre 1997, qui la dote dun nouvelordre institutionnel avec la cration dun poste de secrtairegnral de la Francophonie. Cette mutation confrait laFrancophonie une prsence au monde en mme tempsquelle lui donnait un responsable politique, un concepteur de

    sa politique, une personnalit denvergure internationale ca-

    18Cf. Moura, Jean-Marc (1999), Littratures francophones et thories postcolo-niale, Paris, PUF ; Piron, Michel, Littratures franaises hors de France ou Le problme des littratures franaises marginales , Bulletin de lAcadmieroyale de langue et de littrature franaises, vol. XLVI, n 1, pp. 246-262.

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    pable de mettre en uvre la politique arrte par lOIF. Lafonction dintermdiation de la Francophonie tait assure.

    Or, aujourdhui, la voix du secrtaire gnral de lOIF parattouffe alors que luniversalisme marchand impose sesmodes dintervention partout, faisant triompherlunilatralisme, et la multipolarit humaniste recule. lexamen, lon constate que le statut juridique du secrtairegnral parat fragile et ne lui permet pas de jouer le rle depremier plan qui est attendu de lui. Aujourdhui, la mdiationfrancophone nest ni efficace ni attractive. Cest pourquoi laposture dfensive dans laquelle se trouve lOIF devrait pouvoirtre revisite. la recherche du fait francophone, doit succ-der un effort dapprofondissement et daffinement des butsque la Francophonie sest fixs19 :

    une culture, disait Andr Malraux dans son allocution lors de laConfrence des pays francophones de Niamey (17 fvrier 1969),cest avant tout une volont. [] La culture ne shrite pas, ellese conquiert. Ce qui doit nous unir, cest lobjet de cette con-qute. La francophonie est une conqute permanente. Elle doitaussi tre une volont de chaque jour .

    Encadr n 2. La culture de la fraternit, Andr Malraux, discoursprononc la Confrence des pays francophones, Niamey,

    17 fvrier 1969 (extrait).

    Seule, la culture francophone ne propose pas lAfrique de se soumettre lOccident en y perdant son me ; pour elle seule, la vieille Afrique de lasculpture et de la danse nest pas une prhistoire ; elle seule lui proposedentrer dans le monde moderne en lui intgrant les plus hautes valeursafricaines. Nous seuls disons lAfrique, dont le gnie fut le gnie delmotion, que pour crer son avenir, et entrer avec lui dans la civilisationuniverselle, lAfrique doit se rclamer de son pass. Nous attendons tousde la France luniversalit, parce que, depuis deux cents ans, elle seulesen rclame.

    Messieurs, en ce temps o lhritage universel se prsente nos mainsprissables, il madvient de penser ce que ce sera peut-tre notre culturedans la mmoire des hommes, lorsque la France sera morte ; lorsque, au

    19 Chatton, Pierre-Franois, et Bapst Mazuriik, Joanna (1991), Le Dfi franco-phone, Bruxelles, Bruylant.

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    lieu o fut Florence, au lieu o fut Paris sinclineront les joncs murmu-rants et penchsAlors, peut-tre trouvera-t-on quelque part une inscrip-

    tion semblable aux inscriptions antiques, qui dira seulement : En ce lieunaquit, un jour, pour la France et pour lEurope, puis pour la France,lAfrique et le monde, la culture de la fraternit.

    Espace goculturel, au caractre par nature htrogne, laFrancophonie est appele se poser la question du lien quidevrait prvaloir : simple juxtaposition de valeurs ou synthsetranscendant les identits nationales, les singularits eth-

    niques et thiques ?Sur le plan conomique, la plupart des pays francophones se

    situent dans lhmisphre sud et sont en proie la prcarit20.Ils esprent trouver, dans cet ensemble goculturel, lesmoyens dassurer leur dveloppement conomique21. Or, lunedes faiblesses de la Francophonie est son incapacit orga-niser un espace conomique vritable22. Les atermoiements

    observs dans la gestion du volet conomique ne rassurentpas quant la prise en compte du dveloppement : la Fran-cophonie manque, en effet, de symboles forts ayant un impactconomique suffisant. La prcarit est telle que le partage desvaleurs de libert et de dmocratie devient, pour les pays duSud, problmatique et improbable.

    La libert, qui sapparente aujourdhui la libert

    dentreprendre, donc la puissance du march, semblelemporter sur la valeur de dmocratie. Le march imposepartout sa loi, sa dure loi au Nord comme au Sud avec desconsquences incalculables en termes daccroissement de lapauvret, de la prcarit et de la marginalisation de couchesimportantes de la population.

    20 Le continent africain est particulirement vis, parce quil regroupe les paysles plus dmunis de la plante.21 Deniau, Xavier, La Francophonie, op. cit. , p. 125.22Cf. La Francophonie, espace politique et conomique pour la France et lespays en voie de dveloppement, rapport ENA, promotion Condorcet, 1991.

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    Des rflexions devraient tre engages, dune manire con-crte, pour mettre en place des conditions de renforcement dela coopration conomique en structurant mieux et de faonvisible les activits du Forum francophone des affaires23, demanire en faire un instrument dune stratgie conomiqueet commerciale en Francophonie. Cest ce prix quelensemble francophone sera capable dlaborer un partena-riat pour le dveloppement de lidentit francophone en larendant plus forte, plus attrayante et porteuse de sens pour

    tous.

    23 Cr en 1987, lors du Sommet de la Francophonie au Qubec, le Forumfrancophone des affaires regroupe les partenaires conomiques et dabord lesentreprises des pays francophones pour contribuer au dveloppement deschanges, aux transferts de savoir-faire et la diffusion des bonnes pratiques.

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    Le projet

    francophoneExiste-il un projet francophone ? Quel est le rle de la Franco-phonie ? Quelle est son influence ? Pour juger de son action, ilfaut envisager les missions que la Francophonie sest fixes, etles moyens dont elle sest dote. En effet, sur le plan de la

    gopolitique mondiale, lvolution qui semble se prciser estcelle dune mise en uvre de stratgies diverses qui, au moinsdans les prises de position institutionnelles, en font un acteuractif des relations internationales ; il nest pas sans intrt denmesurer les rsultats, sans oublier de considrer le bilan dansle regard des trangers la Francophonie (quelle est limage de la Francophonie aujourdhui dans le monde ?).

    A.COMMUNAUT LINGUISTIQUE ET AMBITION POLITIQUELes missions ressortent nettement des dclarations adoptespar les sommets et les confrences24, et des rapports du se-crtaire gnral25 : la langue franaise26 et lducation, la cul-

    24 Ainsi, de la neuvime Confrence des chefs dtat et de gouvernement des

    pays ayant le franais en partage qui sest tenue Beyrouth, en 2002 ; elle aconsolid le rle international de la Francophonie et dmontr sa capacit compter parmi les instruments qui contribuent matriser les effets pervers de lamondialisation. Le dixime Sommet de la Francophonie, tenu Ouagadougou,en 2004, a permis de doter la Francophonie dun cadre stratgique dcennal.25 En 1997, Hanoi, la Francophonie sest dote dun secrtaire gnral, lafois responsable politique et concepteur. Cette personnalit denvergure interna-tionale met en uvre la politique arrte par les sommets.

    Chapitre

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    ture dmocratique des Droits de lhomme27, le renforcementde linfluence de la Francophonie dans les relations internatio-nales, la diversit culturelle, le renforcement de la concertationet de la solidarit Nord-Sud.

    La premire mission la langue franaise et lducation semble aller de soi. Elle trouve, en effet, sa justification dansles textes fondateurs de la Francophonie :

    lide de donner, la fois, forme et contenu la communaut

    de fait qui existe entre des pays utilisant, titre divers, unelangue commune, le franais, est ancienne 28.

    Elle part du postulat que la pratique dune mme langue, ph-nomne rsultant lui-mme de liens historiques complexes,entrane une solidarit particulire, susceptible damliorer lasituation des diffrentes parties, en transcendant les facteursde conflits dintrts qui, par ailleurs, peuvent les opposer.

    Ds lors, la Francophonie investit lessentiel des modestesmoyens que lui abandonne laction politique, dans lducationconue comme linstrument dune stratgie de la diffusion dela langue franaise.

    Cette mission soulve nanmoins de nombreuses questions :quelle est la situation de la langue franaise au sein des orga-nisations intergouvernementales rgionales et universelles ?Que recouvrent les termes de locuteurs et de parlantfranais dans les statistiques qui recensent les personnesparlant franais dans le monde ? Existe-t-il une expertisefrancophone dans le domaine des systmes ducatifs ?

    26 Chaudenson, Robert (2007/3), La place de la langue franaise dans lafrancophonie , Hrodote, n 126, pp.129-141.27 La dclaration de Bamako dote la Francophonie de valeurs communes en lamatire.28 Desouches, Christine (1986), Francophonie : difficile gestation dun en-semble cohrent , in Gopolitique africaine, Bruxelles, d. Eurafrica News,dcembre, pp. 105-127.

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    Certains jugent que lvolution rcente montre que la fran-cophonie institutionnelle, en choisissant de devenir un mini-clone de lONU et un conglomrat informe de pays nonaligns, sans grande volont politique, a renonc mener unerelle politique de diffusion de la langue franaise en son sein.Elle a fait le choix dune action caractre politique dont leSommet de Bucarest a montr les limites 29. Les moyensconsacrs la langue franaise, au niveau modeste et quoti-dien des ralits du terrain, sont trs rduits. La politique

    lemportant, trs frquemment, sur les programmes en faveurde la diffusion de la langue franaise, la Francophonie setrouve ainsi enferme dans une sorte de cercle vicieux ,dont elle aura de plus en plus en plus de mal sortir :

    on tudie langlais (avant tout autre langue trangre et de plusen plus souvent comme seule langue trangre), on utiliselanglais sitt que lon est hors de son pays, on publie en anglais,

    prsente ses communications en anglais dans les runionsscientifiques ou dans les dbats politiques, parce que cest lalangue la plus rpandue, la plus connue, celle dans laquelle on ale plus de chance de se faire entendre, etc., mais ce faisant oncontribue soi-mme, chaque jour, renforcer cette emprise delanglais 30.

    Au demeurant, si lon mesure le poids dune langue launedu nombre de ses locuteurs, la langue franaise reste la deu-

    xime langue internationale tudie aprs langlais, parta-geant avec cette dernire, le rare privilge dtre parle surles cinq continents31.

    29 Chaudenson, Robert, La place de la langue franaise dans la Francopho-nie , art. cit. p. 141. Lors du Sommet de Bucarest, en effet, lessentiel desdbats a oppos lgypte et le Canada au sujet des victimes de la guerre duLiban, relguant ainsi au second plan la discussion sur lducation, qui pourtantaurait d tre le thme majeur du Sommet.30 Lger, Jean-Marc (1987), La Francophonie : grand dessein, grande ambi-gut, Qubec, Hurtubise HMH, p. 173.31 Cf. Attali, Jacques, Gopolitique de la langue franaise , [Internet] :http//www.dflti.ionio.org/user_pages/politis/web/Jacques%20Attali.Consult le 05/09/2008, 22 :13.

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    On peut donc dire quelle est une langue mondiale, ce qualifi-catif tant renforc par le fait que nombre de pays32 lutilisentdans leurs relations internationales.

    Concernant la deuxime mission, la promotion de la dmocra-tie, elle est, depuis les annes quatre-vingt-dix, une prioritdes Nations unies. La Francophonie contribue cet effort. Ellesattache raffirmer et promouvoir des objectifs elleassigns par sa Charte33 (approfondissement de la dmocra-tie, des droits et liberts, de ltat de droit au sein de lespacefrancophone, entre autres34) par ses prises de position (dcla-ration de Bamako, dclaration de Saint-Boniface) et par sesprogrammes daccompagnement des processus lectoraux,de consolidation de ltat de droit, de promotion de la culturedes Droits de lhomme, et de coopration juridique et judi-ciaire. Son action sorganise autour de la prvention descrises et des conflits, et de ladoption de sanctions gradues

    lencontre de pays connaissant une rupture de ltat de droitou des violations massives des Droits de lhomme.

    En vrit, si cet engagement dmocratique doit se traduirepar des actions de coopration de la Francophonie sinspirantdes pratiques et des expriences positives de chaque tat etgouvernement membres 35, le constat est celui dune timiditde laction, labsence dun grand dessein , le verbe se

    substituant pour linstant au pragmatisme.

    32 Une quarantaine lONU.33 Charte de la Francophonie, Hanoi, 15 novembre 1997, titre 1, art.1.34

    LActe final du Symposium international portant sur les pratiques de la dmo-cratie, des droits et des liberts dans lespace francophone Bamako + 5 (Bamako, 6 8 novembre 2005) va plus loin dans ses prises de position : Enaffirmant notamment que "dmocratie et Francophonie sont indissociables", lespays membres de lOIF ont voulu signifier fortement que partager une langueconduit aussi partager des valeurs, des principes et des rgles .35 Dclaration de Beyrouth, IXe Confrence des Chefs dtat et de gouverne-ment des pays ayant le franais en partage, Beyrouth, 18 20 oct. 2002.

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    Encadr n 3. Dclaration de Bamako(3 novembre 2000 ; extraits des articles 2 et 3)

    1. La dmocratie, systme de valeurs universelles, est fonde sur lareconnaissance du caractre inalinable de la dignit et de lgale valeurde tous les tres humains ; chacun a le droit dinfluer sur la vie sociale,professionnelle et politique et de bnficier du droit au dveloppement ;

    2. Ltat de droit qui implique la soumission de lensemble des institutions la loi, la sparation des pouvoirs, le libre exercice des droits de lHommeet des liberts fondamentales, ainsi que lgalit devant la loi des citoyens,femmes et hommes, reprsentent autant dlments constitutifs du rgime

    dmocratique ;3. La dmocratie exige, en particulier, la tenue, intervalles rguliers,dlections libres, fiables et transparentes, fondes sur le respect etlexercice, sans aucun empchement ni aucune discrimination, du droit lalibert et lintgrit physique de tout lecteur et de tout candidat, du droit la libert dopinion et dexpression, notamment par voie de presse etautre moyen de communication, de la libert de runion et de manifesta-tion, et de la libert dassociation ;

    4. La dmocratie est incompatible avec toute modification substantielle durgime lectoral introduite de faon arbitraire ou subreptice, un dlairaisonnable devant toujours sparer ladoption de la modification de sonentre en vigueur ;

    5. La dmocratie suppose lexistence de partis politiques gaux en droits,libres de sorganiser et de sexprimer, pour autant que leur programme etleurs actions ne remettent pas en cause les valeurs fondamentales de ladmocratie et des Droits de lhomme. Ainsi, la dmocratie va de pair avecle multipartisme. Elle doit assurer lopposition un statut clairement dfini,exclusif de tout ostracisme ;

    6. La dmocratie requiert la pratique du dialogue tous les niveaux aussibien entre les citoyens, entre les partenaires sociaux, entre les partispolitiques, quentre ltat et la socit civile. La dmocratie implique laparticipation des citoyens la vie politique et leur permet dexercer leurdroit de contrle

    [] Francophonie et dmocratie sont indissociables : il ne saurait y avoirdapprofondissement du projet francophone sans une progression cons-tante vers ladmocratie et son incarnation dans les faits ; cest pourquoi,la Francophonie fait delengagement dmocratique une priorit qui doit setraduire par des propositions et des ralisations concrtes ; que, pour laFrancophonie, il ny a pas de mode dorganisation unique de la dmocratieet que, dans le respect des principes universels, les formes dexpressionde la dmocratie doivent sinscrire dans les ralits et spcificits histo-riques, culturelles etsociales de chaque peuple

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    Cette orientation appelle du reste quelques questions. Con-cernant les prises de position : quelle est la dfinition desnotions de dmocratie , de culture dmocratique intriori-se , de Droits de lhomme et d tat de droit dans lesdclarations de la Francophonie ? Existe-t-il une conceptionfrancophone originale par rapport celle des Nations unies ?Chacune de ces notions est interprte de faon trs variableselon les auteurs. Il est vrai quil nest pas inhabituel, dans lesconfrences internationales, que le vague des concepts soit

    utilis par les ngociateurs pour faciliter la conclusion delaccord, chacun donnant le sens qui larrange aux termesauxquels il est cens adhrer sans rserve. En mme temps,lon peut regretter quune institution qui fait lloge du franaiscomme dune langue qui puise sa supriorit au plan diploma-tique, dans sa prcision, ne montre pas plus de rigueur termi-nologique dans ses documents les plus solennels.

    Ces questions sont dautant plus pertinentes que lesymposium international sur les pratiques de la dmocratie,des droits et des liberts dans lespace francophone( Bamako + 5 ) se borne relever que les Droits delhomme et la dmocratie en mergence marquentdsormais de faon caractrise lespace francophone, oils sont appels saffermir , tout en rappelant, toujours dansla dclaration de Bamako, que, dans le respect desprincipes universels, il nexiste pas de modle unique de ladmocratie, que la dmocratie et le dveloppement sontinterdpendants 36.

    La rfrence ltat de droit est intressante, en ce sens quenon seulement ce thme sest mondialis, mais encore ilbnficie, depuis le dbut des annes quatre-vingt-dix, duneconscration explicite sur le plan international : inscrit dansune srie de textes et de documents internationaux, il estdsormais rig en vritable standard , auquel tout tat est

    36 Symposium international sur les pratiques de la dmocratie, des droits et desliberts dans lespace francophone (Bamako, 6 8 novembre 2005), Acte final, Bamako + 5 .

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    Le projet francophone

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    tenu de se conformer 37. Mais les programmes francophonesrelatifs ltat de droit sont-ils un simple accompagne-ment des programmes des Nations unies, ou un compl-ment utile et pertinent ?

    Concernant la troisime mission, le renforcement delinfluence de la Francophonie dans les relations internatio-nales, la Francophonie devrait pouvoir jouer un rle fonda-mental, susceptible dimprimer la direction des affaires dumonde, une impulsion particulire. Cependant, selon certains, cette volont dissimule mal une posture dfensive dosemblait sourdre un malaise. La Francophonie apparat, eneffet, traverse par des crises du rel , [] un tat induitpar diverses contradictions, parmi lesquelles cet idal de con-ciliation entre lutopie et le rel, continment revendiqu maisimpossible concrtiser 38.

    Cest dire que la Francophonie ne peut mme pas passerpour une alliance intertatique, en raison du caractre htro-gne des membres et des socits la composant, mais aussiparce que spatialement, voire culturellement, le fait franco-phone est trs discontinu, polymorphique. Du reste, la reven-dication dun statut dentit gopolitique ne fait pas delle uneorganisation internationale : la Francophonie est encore marque par labsence de fondements juridiques et institu-

    tionnels la hauteur dune si grande ambition ; que lon songe la lenteur du processus de son institutionnalisation qui neprendra son essor quaprs 1986, pour tre vritablementnotable avec le Sommet de Cotonou en 1995 et surtout celuide Hanoi en 1997 39, que lon songe aussi lmergence dela Francophonie sur la scne de la mdiation, privilgiant ainsi

    37 Chevallier, Jacques (2003), Ltat de droit, Paris, Montchrestien, [4e d.].38 Martin, Michel-Louis (2008), La Francophonie, objet de la thorie desrelations internationales : brves remarques de synthse , in Guillou, Michel etTrang Pham Thi Hoai (dit.), La Francophonie sous langle des thories desrelations internationales, Lyon, Iframond/universit Jean-Moulin, pp. 241-250.39Idem.

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    en matire de politique trangre la dlgation dautresacteurs, notamment rgionaux.

    Toutefois, lhtrognit de la scne internationalesaccentue, les quations du pouvoir et de la puissance secomplexifient et se concrtisent dans une indtermination quilaisse ouverte la question des contours de lordre mondialcontemporain. Les bouleversements institutionnels et poli-tiques qui accompagnent ces changements impriment lhgmonie des grandes puissances une direction particu-lire : par exemple, le monde ancien domin par lestats-Unis finit, la pax americana perd ses vertus stabilisa-trices.

    Dans un tel contexte, les spcificits de la Francophonie qui,dans le pass et laune dun jeu de paradigmes tendant ensouligner la priphricit, passaient pour des faiblesses ,

    savrent, en quelque sorte, maintenant des avantages qui laprojettent parmi les acteurs internationaux pertinents 40. Ainsi,son caractre multipolaire, sa nature ambigu, en font uninstrument plus en adquation avec les relations internatio-nales contemporaines, capable, par exemple, de fonctionnerselon des modes multilatralistes, en tandem avec dautresorganisations internationales, voire dans dautres aires go-culturelles, au titre de la puissance-influence , actuellement

    en cours sur le plan des transactions politiques mondiales,comme le montre ltat de la coopration entre lOIF et lONU,ou doprer galement de manire autonome, en attirant,voire en fdrant les actions de socits civiles mergentes,en produisant ainsi de la norme.

    Ce volet sest enrichi rcemment dun lment supplmen-taire, compos de principes et de concepts nouveaux : la

    responsabilit de protger ou scurit humaine , la prven-tion des conflits et lobligation de non-indiffrence (dclarationde Saint-Boniface). Cest un volet qui soulve tout autant dequestions que les prcdents, mme si se fait jour, un effort

    40Idem.

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    la fois conceptuel et thorique pour y apporter des r-ponses41 : les notions de scurit humaine et de respon-sabilit de protger sont-elles ici dfinies autrement quedans les textes internationaux ? Ces notions correspondent-elles une conception francophone des relations internatio-nales, et/ou rpondent-elles aux intrts des membres de lacommunaut francophone ? Et incidemment : pourquoi ladclaration de Saint-Boniface na-t-elle pas t examine lorsdu Sommet de Bucarest ? En revanche, la dclaration finale

    du Sommet de Qubec y fait vigoureusement rfrence42

    .Dans larticle 17 de la dclaration finale du Sommet deQubec, les chefs dtat et de gouvernement sengagent prendre les mesures suivantes en faveur de la paix, de lagouvernance dmocratique et de ltat de droit :

    Encadr n 4. Dclaration finale du Sommet de Qubec(extrait de larticle 17)

    - [] conforter laction de lOIF en matire dalerte prcoce, dediplomatie prventive et de mdiation, en liaison troite avec lONU etles organisations rgionales ;

    - renforcer les capacits des tats francophones en matire de main-tien de la paix, et les encourager fournir lONU et aux organisa-tions rgionales comptentes, dans la mesure de leurs moyens, descontingents francophones (militaires, policiers et civils) afindaccompagner les transitions et de consolider la paix ;

    - consolider ltat de droit en soutenant les institutions dmocratiques,y compris les parlements nationaux et la dmocratie locale soustoutes ses formes dont les assembles et administrations rgionaleset locales, et en encourageant la tenue intervalles rguliersdlections libres, fiables et transparentes ; cet effet, nous appuyonslaction de la Francophonie en matire dassistance lectorale et

    41 Voir ce sujet le travail commun men par le groupe de rflexion inter-rseaux de lAUF (2008) : La scurit humaine et la responsabilit de protger.Lordre international humanitaire en question, Paris, ditions des Archivescontemporaines.42 Nous nous engageons [] mettre en uvre de faon beaucoup plusvigoureuse le dispositif des dclarations de Bamako et de Saint-Boniface etlassortir dengagements concrets .

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    dobservation et dvaluation permanentes des pratiques dmocra-tiques, des droits et des liberts dans lespace francophone ;

    - ratifier les principaux instruments internationaux et rgionaux relatifsaux droits de lHomme et assurer leur pleine mise en uvre ;

    - garantir la libert de presse dans notre espace et au-del, et assurerune meilleure protection des journalistes, dans le respect des lois etdes textes internationaux, notamment les articles 19 et 20 du Pacterelatif aux droits civils et politiques ;

    Suit une liste de 12 lieux de tensions, rpartis en 12 articles

    (art. 22 34) pour lesquels la dclaration indique, en termessoigneusement balancs, la position de la Francophonie entreles protagonistes et ses vux dapaisement : Mauritanie,Djibouti, Hati, Cte dIvoire, rgion des Grands Lacs, Tchad,Darfour, Moldavie, Gorgie, Isral et la Palestine, Liban, tatsctiers du golfe dAden et de locan Indien. Cette liste inter-roge le lecteur tant par les lieux de tension qui y figurent quepar ceux qui en sont absents.

    Devenue un acteur identifiable des relations internationales, at-tractif et influent, la Francophonie entre dans un systme interna-tional concurrentiel, complexe et incertain et paralllement intro-duit de la tension en son sein. Ainsi, ladmission de paysdEurope centrale et orientale, en recherche dinfluence [], touten contribuant largir latlas de la Francophonie qui elle offreune incontestable valeur ajoute, a en mme temps dplac le

    centre de gravit de la Francophonie vers les pays du Nord et acr parmi les membres les plus anciens des pays du Sud, no-tamment africains, qui se considraient comme le pilier du sys-tme, un sentiment de frustration alors mme quils cherchent projeter une nouvelle image de nations sur la voie de la dmocra-tisation et du dveloppement conomique, dots de moyens etde potentialits considrables mais quun afro-pessimisme per-sistant [] donne ignorer 43.

    Un constat simpose : derrire cette volution des missions dela Francophonie se cachent en ralit des perceptions etreprsentations plus difficiles harmoniser et des tensions

    43 Martin, Michel-Louis, La Francophonie, objet de la thorie des relationsinternationales : brves remarques de synthse , op. cit.

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    rsultant dun risque de fonctionnement deux vitesses apaiser 44. De mme, des craintes qui se font jour chez cer-tains, propos dune implication trop marque dans le rgle-ment des conflits rgionaux, surtout sils devaient sassortir desanctions, les conduisant souhaiter que la Francophonie nesaventure pas trop hors de son domaine daction traditionnel,car de telles actions sont susceptibles de savrer des sourcesde divisions45.

    Mais nest-ce pas le prix payer de lacquisition du statutdacteur dinfluence dans la politique mondiale et dune vocation intervenir sur les grands dossiers internationaux du moment,mais surtout de pouvoir garantir ses membres lassurancedune identit propre, dune altrit, au sein dun systme mon-dialis dont ils ne sauraient se soustraire. 46

    B.PLURALIT CULTURELLE ET SOLIDARIT CONOMIQUE

    Sagissant de la quatrime mission, la diversit culturelle, onsait le rle dcisif qua jou la Francophonie dans ladoption lUNESCO de la dclaration, puis de la convention pour lapromotion et la protection de la pluralit des expressions cul-turelles. Cest la Francophonie qui a fait de la diversit cultu-relle un enjeu dcisif, et a catalys les nergies lusophone ethispanophone notamment. Elle a constitu depuis, un lmentimportant de laction de lOIF. Mais, cette action dcisive nemasque-t-elle pas labsence dune politique culturelle franco-phone ? Sinon comment expliquer le passage de la notion

    44Idem.45 Prise de position de Jacques Chirac au Sommet de Hanoi en 1997 : la sanc-tion nest pas la tradition de lespace francophone [] cela relve de lONU .Sa position est sans ambigut : La France nest absolument pas daccord

    pour que la francophonie serve de support des sanctions (Cabanis, Andr(2007), Regard de lhistorien , in Existe-t-il une culture juridique franco-phone ?, Toulouse, p. 251). Cf. aussi les actes dun rcent colloque publis parM. Guillou et par Trang Ph. Thi Hoai (dit.), La Francophonie sous langle desthories des relations internationales, op. cit. (o les professeurs Andr Cabaniset Albert Lourde, particulirement, staient attachs relever ces distorsionspar rapport aux missions de la Francophonie).46 Martin, Michel-Louis, op. cit.

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    d exception culturelle (Sommet de Maurice, 1993) cellede diversit culturelle (Sommets de Cotonou, 2001 etOuagadougou, 2004) ? On sait galement que la Francopho-nie fait du dialogue des cultures (thme du Sommet deBeyrouth, 2002), un lment essentiel de son message et deson action sur la scne internationale47, consciente que lasituation internationale est aujourdhui contraste et largementcontradictoire : dune part, la standardisation des modes devie et de consommation menace dempcher toute diversit

    culturelle dans le monde ; et pourtant, dautre part, des conflitsculturels se multiplient et prennent le relais des imprialismesdhier. Or, la Francophonie na toujours pas dfini les condi-tions dun dialogue effectif et fructueux entre les cultures.

    Les deux approches exception et diversit culturelles sontcomplmentaires. Ainsi, la convention sur la diversit cultu-relle, consacrant le droit des tats et des gouvernements

    maintenir, tablir et dvelopper des politiques de soutien laculture et la diversit culturelle, ladoption de laquelle laFrancophonie a contribu, prtend mettre fin l inscuritculturelle , rsultat de lhgmonie culturelle des tats-Unis.Pour autant, son approche dfensive en montre les li-mites. Dune part, face la mondialisation culturelle, ellesinscrit dans une approche tatique qui considre les poli-tiques publiques comme la meilleure protection de la diversitculturelle ; or, les politiques nationales nempchent pas Hol-lywood daccaparer chaque anne 85 % des recettes cinma-tographiques mondiales. Dautre part, et surtout, pour treefficaces, les politiques publiques supposent des moyens quine se limitent pas aux instruments juridiques Quel est

    47 Par culture, il faut comprendre la gamme entire des modes acquis decomportements humains et, considrs sous leur aspect symbolique,lensemble des uvres passes et prsentes des socits humaines []. Pardialogue des cultures, il faut entendre un ensemble complexe de processusintentionnels dchanges pratiques, processus co-formateurs des systmessymboliques propres chaque culture : document de rflexion autour duthme du Sommet Le dialogue des cultures , IXe Sommet de la Francopho-nie, Beyrouth, oct. 2002.

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    lavenir du fonds de coopration prvu par la convention sur ladiversit culturelle? Globalement la convention nest-elle pasune ligne Maginot face aux avances technologiques ?

    Dans le domaine conomique et commercial cinquimemission , la Francophonie est un ensemble trs htrogneet peu attractif : son poids dmographique (660 millionsdhabitants, soit 10 % de la population mondiale) et cono-mique (10 % de la richesse mondiale ; 15 % des changescommerciaux) nest pas ngligeable ; mais 80 % des ri-chesses produites par les pays francophones le sont par lespays du Nord ; et la croissance conomique de lensemblefrancophone est faible. De plus, les pays membres delespace francophone nont pas les mmes intrts cono-miques, ni les mmes objectifs : la France dune part, le Ca-nada dautre part, les pays du Sud, enfin, ont des approchesdiffrentes lgard de la Francophonie car ils ont des at-

    tentes diffrentes.Ds lors, la solidarit conomique semble se limiter aux dcla-rations de principe ; les ralisations francophones restent trscibles : expertise en ngociations commerciales multilat-rales, coopration juridique et judiciaire notamment dans ledomaine du droit des affaires, aides aux PME/PMI, aides auxentreprises culturelles, formation et recherche. Peut-on imagi-

    ner une stratgie de dveloppement adapte lensemble delespace francophone, des expriences de solidarit sur unechelle plus vaste que les micro-projets et le dveloppementlocal ? La Francophonie ne doit-elle pas encourager et faciliterles relations Sud-Sud ? Comment procder ?

    Encadr n 5. Dclaration de Ouagadougou(27 novembre 2004 ; extraits de la premire partie)

    Nous constatons que la mondialisation a creus les carts conomiqueset sociaux entre les pays et en leur sein, et que les moins avancs peinent profiter de la croissance mondiale et des nouvelles technologies. LaFrancophonie doit, cet gard, participer de faon toujours plus forte etplus cohrente leffort gnral visant crer les conditions qui donnerontaux pays les plus pauvres et leurs populations les moyens dune inser-tion russie dans le systme conomique mondial.

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    Attachs la coopration multilatrale pour la recherche de solutionsjustes et durables aux grands problmes internationaux, nous prenons

    lengagement de rendre toujours plus efficaces le rle et laction delOrganisation internationale de la Francophonie (OIF) dans les enceintesinternationales, en mettant en uvre le Cadre stratgique dcennal adop-t lors du prsent Sommet [...]

    Nous sommes convaincus que la solidarit, que revendique la Francopho-nie depuis ses origines, saura faire de la mondialisation une dynamiquematrise et essentiellement positive pour lensemble de lhumanit. Unesolidarit effective et pleinement partage est indispensable pour garantirun dveloppement la fois durable et quitable, prenant en compte tousles grands enjeux plantaires [...]

    Pour nous, Chefs dtat et de gouvernement des pays membres de laFrancophonie, le dveloppement sera durable sil repose sur cinq piliers, savoir la gestion matrise et saine des ressources naturelles, un progrsconomique inclusif et continu, un dveloppement social quitable faisantappel la tolrance et sappuyant sur lducation et la formation, desgaranties de dmocratie et dtat de droit tous les citoyens et une largeouverture la diversit culturelle et linguistique .

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    Seconde partie

    Les enjeux de la

    Francophonie

    Malgr les lignes de fracture qui la traversent diffrencesentre pays du Nord et du Sud, mais aussi divergences entrepays du Nord (France et Canada, notamment), et mconnais-

    sance rciproque des socits du Sud la Francophoniepropose une analyse pertinente de la situation internationale.Sur les phnomnes lis la mondialisation et la globalisa-tion, elle formule un diagnostic lucide et pose les bonnesquestions : quels sont les moyens propres assurer la plurali-t culturelle dans un monde en proie luniformisation cultu-relle ? Comment mettre fin la pauvret et assurer un dve-

    loppement durable ? Que faire pour promouvoir la paix, ladmocratie et le respect des Droits de lhomme ?

    Restent examiner les rponses quelle leur apporte : lesobjectifs quelle se fixe sont-ils pertinents ? La dmarchequelle adopte pour les atteindre est-elle cohrente ? Cesinterrogations sont cruciales : en effet, il ne faut pas sen teniraux intentions. Dune part, la francophonie aime se prsen-

    ter comme une communaut tout fait originale qui orienteson action en fonction de valeurs culturelles, idologiques etpolitiques (dmocratie, Droits de lhomme et tat de droit). Or,ces valeurs ne sont, lvidence, pas spcifiques la Fran-cophonie puisquelles animent la plupart des organisationsinternationales. Ds lors, quelle est la diffrence, la particulari-t, la marque francophone ? Dautre part, la Francophonie

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    Seconde partie : Les enjeux de la Francophonie

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    affirme tre un acteur dsintress sachant dgager par laconcertation et sa mdiation des compromis justes. Mais, si lamdiation ncessite intelligence et bonne foi, elle ne peutaboutir que lorsque le mdiateur a les moyens de faire prva-loir sa volont. Il ne suffit pas davoir une vision juste ; encorefaut-il en convaincre les protagonistes. Quels sont les moyensdont dispose la Francophonie pour ce faire ?

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    Le devenir des

    rfrencescommunes

    Lavenir de la construction francophone dpend du ciment queconstituent les valeurs communes tous ses membres : ce

    qui implique que ces dernires soient clairement dfinies etpermettent didentifier la spcificit de lorganisation ; sonavenir dpend aussi du caractre judicieux de la stratgiemise en uvre, cest--dire dune adquation entre les objec-tifs dfinis et les moyens mis en uvre pour les atteindre.

    A.LORIGINALIT DES RFRENCES COMMUNES

    Lexpression rfrences communes figure dans le para-graphe 1.3 du Cadre stratgique dcennal de la Francopho-nie48 qui dfinit la Francophonie dans le systme internationalcomme une organisation prsente sur tous les continents, etfonde sur une convergence dintrts et le partage de rf-rences communes . Ces dernires justifient la prtention dela Francophonie dexercer une influence dans les affaires

    internationales dune manire originale et spcifique. Il fautsarrter sur ces affirmations.

    48 Organisation internationale de la Francophonie, Xe Confrence des chefsdtat et de gouvernement ayant le franais en partage, Ouagadougou, 26 27novembre 2004.

    Chapitre

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    Lanalyse du contenu des dclarations de la Francophonie afait apparatre (voir la premire partie) que la Francophonieparticipe au consensus international sur les principes univer-sels de dmocratie, Droits de lhomme et tat de droit ; on asouvent le sentiment que ses dclarations se bornent dupli-quer les textes onusiens. Daucuns considrent donc lgitimede sinterroger sur la plus value apporte par cette organi-sation lorsquelle quitte son domaine originel - culturel et du-cationnel pour aborder les champs politique et conomique.

    Une analyse plus fine de la dclaration de Bamako et destextes qui ont suivi49 fait, cependant, apparatre une certaineoriginalit, non sur les concepts, mais dans la dmarcheadopte pour les mettre en uvre : tout dabord, lorganisationlie dmocratie, respect des Droits de lhomme, paix et dve-loppement durable. Elle considre luvre denracinementtoujours plus profond de la dmocratie comme le meilleur

    antidote lclatement des conflits. Cette approche a tconsacre par la dclaration de Saint-Boniface, selon laquelleles tats et le gouvernements francophones persuads quelinstauration du dialogue des cultures et des civilisations,comme laffermissement de la solidarit entre les Nations,sont de nature rduire les tensions, prvenir les conflits et renforcer la lutte contre le terrorisme , se disent convaincus que la prvention des crises et des conflits repose aussi surla scurit de lindividu, la satisfaction de ses besoins vitaux,notamment celui de vivre en paix, le respect de tous sesdroits, y compris le droit au dveloppement, toutes exigencesconditionnes par lexistence dun tat de droit dmocra-tique . Ainsi, la construction dun tat soucieux des Droits delhomme et des rgles du pluralisme et de la dmocratie restela meilleure assurance contre lclatement des conflits in-

    ternes.

    49 Notamment le texte final du symposium international sur les pratiques de ladmocratie, des droits et des liberts dans lespace francophone, dit Bamako + 5 ; ou encore, les rapports de lobservatoire des pratiques de ladmocratie, des droits et des liberts.

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    Ensuite, lorganisation adopte une dmarche pdagogique enprcisant de manire dtaille les exigences : la dclarationde Bamako ne se contente pas de proclamer des principesgnraux en matire de dmocratie et de Droits de lhomme ;elle dtaille les engagements pris et prcise pour chacundeux les pratiques suivre et les actions mener. Ces pra-tiques et actions font lobjet dun mcanisme de suivi spci-fique assur par lobservatoire des pratiques de la dmocratie,des droits et des liberts, au sein de la Dlgation la paix,

    la dmocratie et aux Droits de lhomme, place sous lautoritdu secrtaire gnral : cet observatoire value de faon per-manente la situation dans les pays de la Francophonie, as-siste les gouvernements pour renforcer leurs capacits, alerteventuellement le secrtaire gnral en cas de violations desdispositions en vigueur, et le conseille sur les initiatives n-cessaires. Lobservatoire sappuie sur le rseau des institu-tions de la Francophonie (reprsentations permanentes delOIF, Assemble parlementaire de la Francophonie, coursconstitutionnelles, bureau de la Confrence des ministres dela Justice), ainsi que des organisations non gouvernemen-tales et des associations francophones.

    Paralllement, lOIF entretient une coopration troite avec lesorganisations intergouvernementales, tant universelles quergionales, pour mettre en place des actions conjointes, ouadopter des positions communes. Cest notamment vrai, lorsdes coups dtat, ou en cas dutilisation non dmocratique desconstitutions, ou encore si des violations rptes des Droitsde lhomme sont observes. Dans tous les cas, la dmarchefrancophone se veut prventive et privilgie la mdiation pourle rglement des conflits, sans cependant sinterdire de con-damner et de sanctionner50. Mais la sanction reste lultime

    recours : les mcanismes francophones prsentent la particu-larit de reposer, avant tout, sur laccompagnement et

    50 Larticle 5 de la dclaration prvoit les mcanismes de rglement des conflitset de sanctions ; il a t appliqu pour la premire fois, lors de la crise togolaise,en 2005.

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    lassistance aux tats dans le rtablissement des principesdmocratiques ; il sagit de conseiller et daider plutt que destigmatiser les carts.

    Encadr n 6. Contribution des rseaux institutionnels et des OING au 2erapport sur Ltat des pratiques de la dmocratie, des droits et des

    liberts dans lespace francophone (2006)

    Dans la perspective de llaboration du 2e rapport de lObservatoire, laDlgation la paix, la dmocratie et aux Droits de lhomme (DDHDP) asaisi ses diffrents partenaires de ses attentes en termes de collecte et de

    mise disposition des donnes relatives, dune part, au titre delengagement sur la consolidation de ltat de droit, au fonctionnement desinstitutions, ainsi qu lidentification des dysfonctionnements rencontrscomme des pratiques positives dveloppes par les acteurs institutionnelset, dautre part, dans le cadre du 4e engagement sur la culture dmocra-tique et les Droits de lhomme, la situation des dfenseurs des Droits delhomme, de la libert de la presse, de la mise en uvre des droits co-nomiques, sociaux et culturels.

    En portant un clairage spcifique sur les conditions de lindpendanceeffective des structures, les rseaux ont galement mis la disposition dela DDHDP une information circonstancie sur les problmatiques significa-tives de ltat des institutions dans lespace francophone (multiplicit etperfectionnement des structures ; dveloppement des modes daccs auxinstitutions ; autorit et publicit des dcisions et rapports ; capacitsdaction des institutions et accs des membres et agents aux dispositifs deformation ; effectivit de lautonomie, notamment budgtaire, des institu-tions ; approfondissement de la culture dmocratique, etc.)

    Huit rseaux institutionnels ont directement contribu llaboration du 2e

    rapport, dans son chapitre consacr la consolidation de ltat de droit, endonnant aussi les moyens dune comparaison entre institutions de mmescomptences. Il sagit de :

    1. LAssociation des Institutions suprieures de contrle ayant en com-mun lusage du franais (AISCCUF),

    2. La Confrence internationale des barreaux de tradition juridiquecommune (CIB),

    3. LAssociation des Cours constitutionnelles ayant en partage lusagedu franais (ACCPUF),

    4. LAssociation des ombudsmans et mdiateurs de la Francophonie(AOMF),

    5. LAssociation africaine des Hautes Juridictions francophones(AAHJF),

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    6. LAssociation des Hautes Juridictions de cassation des pays ayant enpartage lusage du franais (AHJUCAF),

    7. LAssociation francophone des Commissions nationales de promotionet de protection des Droits de lhomme (AFCNDH),

    8. enfin, lUnion des Conseils conomiques et sociaux et institutionssimilaires des tats et gouvernements des pays membres de la Fran-cophonie (UCESIF). De mme, lObservatoire a bnfici des tudesmenes par la Fdration internationale des Droits de lhomme(FIDH), Reporters sans frontires (RSF), lObservatoire des droits cul-turels de Fribourg, ainsi que le Comit syndical francophone pour

    lducation et la formation (CSFEF) Rapport de lObservatoire, 2006, p. 22.

    Enfin, concernant les objectifs, les rapports de lobservatoiremettent en lumire des insuffisances, des lacunes, voire deschecs. Mais dans le mme temps, ils semploient relativiserles buts que fixent, souvent sans nuances, les institutionsinternationales en matire de dmocratisation, de bonne gou-

    vernance et dtat de droit. Le rapport 200651 dtaille parexemple les effets pervers de la consolidation force de ladmocratie et de ltat de droit dans nombre dtats du Sud :risque de surinvestissement institutionnel pour des tatsincapables de dgager les moyens humains et matriels n-cessaires pour donner consistance aux dispositifs conformesaux standards internationaux ; prolifration dinstitutions (no-

    tamment juridictionnelles et parajuridictionnelles) toujours plusspcifiques et sophistiques ; difficults intrioriser ltatde droit et faire fonctionner des institutions surdimension-nes et inadaptes ; dangers du mimtisme institution-nel

    En montrant le dcalage entre dune part, les objectifs affichsau nom dune vision idale de la dmocratie et en vertu de

    rgles existant aujourdhui en Europe (mais qui nexistaientpas il y a seulement vingt ans), et dautre part, les effetsproduits dans les pays du Sud, lobservatoire reconnat etjustifie la ncessit de la diversit : la leon qui se dgage la

    51 Pp. 34 39.

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    lecture de ce rapport est quil nexiste pas une conceptionuniforme et impose de la dmocratie et de ltat de droit.Cest dailleurs une des assertions souvent oublie de la d-claration de Bamako :

    Pour la Francophonie, il ny a pas de mode dorganisationunique de la dmocratie [] les formes dexpression de la dmo-cratie doivent sinscrire dans les ralits et spcificits histo-riques, culturelles et sociales de chaque peuple. 52

    LOIF renoue ainsi avec la vocation premire de la Franco-phonie : la promotion de la diversit culturelle ainsi que poli-tique, juridique et sociale L rsiderait loriginalit : moinsdans les valeurs universelles que dans la manire de seles approprier et de les mettre en pratique.

    Est-ce suffisant pour justifier lengagement de la Francophoniesur ce terrain largement occup par les Nations unies et des

    organisations rgionales spcifiques (le Conseil de lEurope,lOrganisation des tats amricains, lUnion africaine, notam-ment) ? Quelle est la plus-value francophone ? la re-cherche dune voie spcifique et originale ,lorganisation semble tente de toucher tout, de consacrerde longs dbats la rdaction de rsolutions dj adoptesdans dautres enceintes internationales, non contraignantesde surcrot. Plutt que de vouloir prendre position sur toutes

    les questions internationales, lOrganisation ne devrait-ellepas se recentrer sur des interventions qui correspondent savocation premire et ses traits spcifiques : dialogue descultures, protection et promotion de la diversit linguistique,multilatralisme et solidarit ? Cest dans ces champsdintervention quelle peut jouer le rle dun groupe de pres-sion efficace sur la scne mondiale, comme la prouv

    ladoption, son initiative, de la convention sur la protection etla promotion de la diversit des expressions culturelles par laConfrence gnrale de lUNESCO, le 21 octobre 2005.

    52 Dclaration de Bamako, 3-2.

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    Le devenir des rfrences communes

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    B.LA PERTINENCE DES OBJECTIFS

    La ncessit de ragir contre lparpillement des