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Organisations

CGAP Groupe consultatif d’assistance aux plus pauvres (Consultative Group to Assist the Poor)

CICR Comité international de la Croix-RougeCINAT Coalition des ONG internationales contre la tortureCPT Comité européen pour la prévention de la torture et des peines

ou traitements inhumains ou dégradantsCRS Catholic Relief ServiceDDC Direction du développement et de la coopérationDFAE Département fédéral des affaires étrangèresDFID Department for International Development (Royaume-Uni)FIZ Centre d’information pour les femmes

(Fraueninformationszentrum, Zurich)GTZ Agence allemande de coopération technique

(Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit)IDEA Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale

(International Institute for Democracy and Electoral Assistance)INEE Réseau inter-agences d’éducation d’urgenceISHHR Société internationale pour la santé et les droits de l’hommeODI Institut du développement d’outre-mer

(Overseas Development Institute)OIM Organisation internationale pour les migrationsOMS Organisation mondiale de la santéONU Organisation des Nations UniesOPSI Office for Psychosocial IssuesOXFAM Oxford Committee for Famine ReliefPAM Programme alimentaire mondialRHRC Reproductive Health Response in Conflict ConsortiumTdh Terre des hommesUNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et

la cultureUNHCR Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiésUNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfanceUNIFEM Fonds de développement des Nations Unies pour la femmeUSAID US Agency for International Development (Etats-Unis)

Abréviations courantes

AH aide humanitaireCI coopération internationaleDDR désarmement, démobilisation, réinsertionONG organisation non gouvernementalePCM/PSER gestion du cycle de projet/planification, suivi, évaluation,

réalisationPTSD syndrome de stress post-traumatique (Post-Traumatic Stress Disorder)sida syndrome d’immunodéficience acquiseVIH virus de l’immunodéficience humaine

Liste des abréviations

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Aperçu général

Aperçu général Depuis une dizaine d’années, le travail psy-chosocial et les réflexions qu’il suscite ont prisde plus en plus d’ampleur dans la coopéra-tion internationale. Il n’existe aujourd’hui plusaucune région de crise ou de conflit armé oùl’on omet d’évoquer, entre autres, les trauma-tismes psychiques et l’état émotionnel des vic-times. Si les méthodes et les approches psy-chosociales gagnent en importante, c’est pré-cisément parce que l’on a reconnu la néces-sité d’inclure dans les projets un appui auxprocessus de transformation des conflits quiintègrent la dimension genre. Mais nombrede personnes travaillant dans la coopérationne savent pas ce que recouvre exactement lanotion d’approche psychosociale. Alors qu’ilexiste une littérature fournie – dans laquelle ilest toutefois assez difficile de s’y retrouver etqui préconise parfois des approches contra-dictoires sur la question des traumatismes –,on ne trouve aucun ouvrage d’initiation à lathématique psychosociale dans le contexte dela coopération.

Le présent instrument de travail, appelémanuel ci-après, a pour but de combler cettelacune. Il explique au personnel de la DDC(centrale et bureaux de coopération) et desorganisations partenaires l’importance querevêt la perspective psychosociale dans desrégions en conflit ou en situation de post-conflit, ainsi que les tenants et les aboutis-sants d’un travail visant à améliorer la situa-tion émotionnelle et sociale de la populationconcernée. Ce manuel ne saurait toutefois sesubstituer à des ouvrages traitant de psycho-logie, de gestion des conflits ou des relationshommes-femmes, ni aux études menées dansles secteurs abordés, qui vont du VIH/sida àl’eau potable. Sa fonction est plutôt de propa-ger une manière de penser et de montrer sesapplications dans divers champs d’activitésde la coopération internationale.

Il n’est pas nécessaire de lire le manuel d’unbout à l’autre. Ses 21 fiches (ou chapitres)peuvent aussi être consultées séparément.Chacune d’entre elles comprend des défini-tions, des explications théoriques, des conseils

pratiques et des aide-mémoire, ainsi que desexemples et une liste d’articles et d’ouvragesutiles. Ces éléments permettent aux lecteursde se familiariser avec la thématique et derenforcer dans leurs projets les éléments sus-ceptibles de promouvoir l’empowerment despersonnes qui traversent des situations dou-loureuses pendant ou après un conflit. Lemanuel est divisé en trois parties, traitant cha-cune d’aspects différents de l’approche psy-chosociale:

Partie 1: Notions fondamentales de l’approchepsychosocialeLes fiches 1 à 7 fournissent un cadre deréflexion pratique sur le sujet. Elles définissentles notions fondamentales, proposent des ins-truments d’analyse et exposent les pointsessentiels de la perspective psychosocialedans la gestion de projet. Ces notions étantsystématiquement reprises dans les autresfiches du manuel, il est fortement recommandéde parcourir quelques chapitres de cette première partie.

Partie 2: Problématique psychosociale de différents groupes ciblesLes fiches 8 à 14 examinent les difficultés aux-quelles sont confrontées différentes catégoriesde personnes. Elles décrivent d’abord ce quicaractérise la marginalisation ou le disempo-werment de ces groupes, puis les questionspsychologiques et sociales à traiter pour aiderces populations à surmonter les répercussionsde la guerre et de la violence.

Partie 3: Aspects psychosociaux de différentssecteurs et champs d’activités Les fiches 15 à 21 portent sur certains domaines prioritaires de la coopération dansles régions en guerre ou en crise. On y décritla manière dont les activités ou approchesdéjà pratiquées dans ces domaines pourraientêtre consolidées pour apporter un soutienpsychologique et social plus efficace. Cesfiches servent à expliciter l’approche psycho-sociale et à stimuler la réflexion sur ce sujet.Elles ne constituent en aucun cas des directivesou un plan d’action.

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Aperçu général

Partie 1

Titre

Fiche 1Genre, transformation desconflits et approche psychoso-ciale: introduction

Fiche 2L’approche psychosociale: principes généraux et notions-clés

Fiche 3Aspects psychosociaux de lacoopération dans le cadre d’unconflit aigu

Fiche 4Dealing with the past

Fiche 5 Instruments d’analyse

Fiche 6Gestion du cycle de projet dansle travail psychosocial

Fiche 7Personnel de la DDC et desorganisations partenaires

Contenu

Qu’est-ce que l’approche psychosociale?Quels liens cette approche entretient-elle avec les problématiques du genre et de la transformation desconflits?

Quels sont les effets du disempowerment survenant pendantet après le conflit et quelles en sont les implications pourle travail d’empowerment?Explication des paires menace/peur, destruction/traumatisme et perte/deuil, ainsi que de la notion d’empowerment.

Comment un projet de coopération peut-il réagir à la fragmentation d’une communauté?Explications sur la manière d’aborder la peur chronique etla marginalisation des victimes.

Quels sont les prérequis d’une véritable réconciliation etd’une paix durable?Présentation de diverses manières d’aborder les crimescommis pendant la guerre et de soutenir les victimes.

5a. Analyse des perspectives d’empowermentAnalyse du disempowerment et esquisse des perspectivesd’empowerment (individus, familles, groupes et communautés).

5b. Analyse des traumatismes séquentielsIdentification des séquences traumatiques dans uncontexte spécifique.

Aide-mémoire: comment intégrer les principes de l’approchepsychosociale dans la conception, la mise en oeuvre etl’évaluation d’un projet?

Quels effets la peur et la détresse des participants au projet ont-elles sur le personnel?Mesures à prendre pour protéger l’équipe contre le burn-out, les traumatismes secondaires et les conflits internes.

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Aperçu général

Partie 2

Titre

Fiche 8Violence sexospécifique

Fiche 9Réfugiés et déplacés internes

Fiche 10Anciens combattants

Fiche 11Personnes disparues ou assassinées

Fiche 12Torture et prisonniers politiques

Fiche 13Traite d’êtres humains

Fiche 14VIH/sida

Contenu

Qu’est-ce que la violence sexospécifique et quels sont lesbesoins des victimes?Thèmes-clés de l’approche psychosociale pour la préventionet l’accompagnement des victimes; intégration des problèmesliés à la violence sexospécifique.

Quelles sont les principales préoccupations psychosocialesdes réfugiés et des personnes déplacées?Séquences traumatiques de la fuite ou de l’exil et moyensde venir en aide aux réfugiés.

Quels sont les principaux problèmes psychosociaux auxquels sont confrontés les anciens combattants et leursproches?Séquences traumatiques propres aux anciens combattantset moyens de leur venir en aide.

Comment se déroule le processus de deuil chez les prochesde personnes disparues ou assassinées?Séquences traumatiques propres aux familles de personnesdisparues ou assassinées et moyens de leur venir en aide.

Quelles sont les séquelles psychiques de la torture? Séquences traumatiques propres aux prisonniers politiqueset moyens de venir en aide à ces personnes et à leurs proches.

Quels sont les thèmes psychosociaux à traiter avec les victimes du trafic humain?Séquences traumatiques et aides possibles.

Comment les personnes séropositives peuvent-elles apprendre à mieux vivre avec leur maladie? Thèmes psychosociaux propres à chaque séquence de l’infection.

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Aperçu général

Partie 3

Titre

Fiche 15Dimensions psychosociales de la santé dans les régions enconflit

Fiche 16Éducation et formation

Fiche 17Emploi et revenus

Fiche 18Aide alimentaire et nutrition

Fiche 19Eau et assainissement

Fiche 20Logement

Fiche 21Catastrophes naturelles

Contenu

Comment le personnel soignant peut-il réagir aux répercussions du conflit?Approche des traumatismes et des réactions psychosoma-tiques dans les services de santé; traitement des victimes de mines.

Comment l’école peut-elle renforcer les capacités psycho-sociales des enfants et les éduquer à la paix?Partir du vécu des enfants; associer matières et méthodes;assurer la fonction d’intégration de l’école; soutenir lecorps enseignant.

Projets destinés à promouvoir les activités génératrices derevenus pour les victimes de conflits: pourquoi autantd’échecs?

Comment le sentiment d’impuissance et de dépendance serépercute-t-il sur l’état nutritionnel?Principaux aspects psychosociaux de l’aide alimentaire etperspectives d’empowerment pour les bénéficiaires.

Quel rapport existe-t-il entre hygiène et traumatisme? Principaux thèmes psychosociaux liés à l’assainissement et à l’approvisionnement en eau; perspectives d’empowerment pour les bénéficiaires.

Quelle importance la problématique des structures socialesrevêt-elle pour la viabilité des projets de construction delogements?Principaux thèmes psychosociaux liés aux solutions transi-toires ou durables et aux interventions destinées à promou-voir l’autonomie des bénéficiaires.

En quoi les traumatismes consécutifs à une catastrophenaturelle diffèrent-ils de ceux provoqués par la guerre et lapersécution?Principes d’aide psychosociale après une catastrophenaturelle.

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Genre, transformation des conflits et approche psychosociale: introduction

La coopération internationale etl’approche psychosocialeDepuis le début des années 90, et en particulierdepuis le génocide de 1994 au Rwanda, la préven-tion des crises et la gestion constructive des conflitssont devenues des thèmes centraux de la coopérationinternationale. Cette approche ne se limite pas auxsituations économiques et aux infrastructures à déve-lopper ou à reconstruire; elle examine notamment lesrépercussions de la violence sur les femmes, les hommeset les enfants, les processus de réconciliation, le respectdes droits de l’homme et le rétablissement de la cohésionsociale. Les risques d’échec seront considérables si lacoopération, dans ces domaines d’activités en partienouveaux, néglige la réalité psychologique et socialetelle qu’elle est vécue sur place. Pourquoi des ancienscombattants du Salvador exploitent-ils leur terre si mal –en dépit de la formation agricole dont ils ont bénéficié– qu’ils finissent par la perdre à nouveau? Pourquoides femmes ayant exercé un rôle important dans larésistance renoncent-elles à la fin de la guerre à touteactivité publique pour se retirer dans leurs foyers et selaisser maltraiter par leurs maris? Pourquoi voit-on nonseulement augmenter la violence domestique à Gaza,mais aussi diminuer l’aptitude des femmes à se dé-fendre? Pourquoi n’est-il pas possible d’oublier unpassé conflictuel, de tirer un trait définitif sur celui-ci?L’approche psychosociale aide à donner des réponsesà ce genre de questions, et fournit des principes généraux, des grilles d’analyse et des méthodes utilespour déployer un travail plus efficace et durable dansles divers domaines de la coopération – plus particu-lièrement dans les régions en conflit. Elle complèteainsi les instruments qui figurent dans les lignes direc-trices édictées par la DDC dans les domainesDéveloppement de la paix (2003) et Gestion des programmes sensible aux conflits (Conflict-SensitiveProgramme Management, CSPM; 2005), ainsi quedans les principes d’intégration de la problématiquehommes-femmes (Promouvoir l’égalité entre hommes etfemmes, 2003).

Fiche 1

DDC/Fritz Staehelin (Photo Filtre)

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Genre, transformation des conflits et approche psychosociale: introduction

Violence et perspective detransformation des conflitsLa violence exercée dans les zones en guerreet en crise présente des aspects à la foisdirects, structurels et symboliques. Tandis quela violence directe est exercée par des indivi-dus, la violence structurelle est inhérente àdes situations de pouvoir et de propriété quis’avèrent discriminatoires pour certains groupesde la population (femmes, pauvres ou minorités,p. ex.). Quant à la violence symbolique (selonBourdieu), elle émane de l’ordre symbolique(idéologie, culture, formes d’organisationsociale, institutions, principes juridiques, etc.),qui assure et reproduit les conditions de pouvoiret de domination existantes en les voilant, enles idéalisant ou en les déclarant normales etlégitimes.

La prévention ou le traitement d’un conflitvisent donc toujours à combattre la violencesous toutes ses formes et à améliorer la sécu-rité de la population au sens large du terme(voir encadré). De même que la violenceemprunte différentes formes, les conflits com-portent toujours des dimensions structurelles,culturelles, personnelles et relationnelles. Latransformation d’un conflit n’élimine pas laviolence, mais elle crée les bases d’une sociétémeilleure, plus équitable et plus pacifique:«C’est considérer les hauts et les bas deconflits sociaux comme des occasions vivantesd’instaurer des processus constructifs quicontribueront à réduire la violence, à promou-voir l’équité par des interactions directes, àétoffer les structures sociales et à répondreaux problèmes réels des relations humaines»(Lederach, traduction). Transformer un conflit,c’est donc atténuer la violence en faisant évo-luer la situation sur tous les plans, depuis lasociété en général jusqu’au monde intrapsy-chique des sentiments et des émotions.

La dimension genre dans les situations de conflitLes rapports de force qui se traduisent par dela violence directe, structurelle et symboliquesont particulièrement manifestes entre hommeset femmes. Ces rapports changent lors deconflits armés, et les nouvelles relations entreles sexes influent elles-mêmes sur le déroulementdu conflit. Ces changements de rôle et d’identitévarient fortement selon les spécificités localeset requièrent donc une analyse poussée enfonction du contexte. On enregistre néanmoinssouvent des similitudes sur certains points cen-traux: � Violence sexuelle

La violence exercée à l’encontre des femmes,en public et dans la sphère privée, augmente considérablement.

� Transfert de responsabilitésEn cas de difficultés économiques et deproblèmes de sécurité, les hommes peinentà remplir leurs fonctions traditionnelles deprotecteur et de soutien de famille. Lesfemmes recourent alors à des stratégies desurvie pour elles-mêmes et leurs enfants, etle paient cher en termes de santé mentale

Sécurité humaineLa sécurité humaine au sens large duterme est bien davantage que l’absencede conflits violents. Elle englobe droits del’homme, bonne gouvernance, accès àl’éducation et aux soins de santé, possibi-lité offerte à chaque individu de faire leschoix qui lui permettront de s’épanouir.Chaque pas fait dans cette directioncontribue à réduire la pauvreté, à pro-mouvoir la croissance économique et àprévenir des conflits. Un monde libéré dela peur, une vie à l’abri du besoin et uneplanète viable pour les générations futures– tels sont les éléments indissociables dela sécurité humaine et, partant, de lasécurité nationale.Rapport du Millénaire, Nations Unies,Kofi A. Annan, 2000

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Genre, transformation des conflits et approche psychosociale: introduction

et psychique. Elles assument des rôlesinhabituels dans la gestion des tâchescommunautaires et dans la transformationdes conflits; un certain nombre d’entreelles rejoignent les rangs des groupesarmés qui s’affrontent.

� Les femmes gagnent en autonomie, pas en pouvoirLa prise en charge de nouvelles tâchesprocure aux femmes des responsabilitésaccrues dans leur ménage et parfois auniveau de la communauté. Mais en géné-ral, ces changements ne modifient pasautomatiquement les rapports de forcedans le domaine politique. Les femmessont souvent absentes du processus depaix officiel, puis évincées des positionsqu’elles occupaient durant la guerre.

� L’identité liée au sexe est tenaceAlors que les fonctions effectives des femmes et des hommes changent dans uncontexte de guerre, on voit se maintenirles désirs et les fantasmes traditionnels devirilité et de féminité. Beaucoup disent«cela ne sera plus jamais comme avant»,mais hommes et femmes nourrissent toujours les idées d’avant-guerre et lesdéfendent. Les images intériorisées changentbeaucoup plus lentement que les réalitésextérieures, plus encore lorsque les chan-gements ne sont pas volontaires, mais qu’ilsrépondent à des épreuves traumatiques ouà la détermination de survivre dans unesituation de détresse.

Pour tenir compte de la dimension genredans la transformation d’un conflit, il est indis-pensable d’associer les femmes au processusde paix (voir encadré). Toutefois, une amélio-ration durable des relations hommes-femmespour tendre vers davantage d’égalité est unprocessus laborieux, parce qu’elle requiertdes changements à tous les niveaux: au seinde la société en général, dans chaqueménage et dans l’esprit de chaque individu.Les démarches suivantes, qui sont au coeur del’approche psychosociale, permettent de sou-tenir ce processus:

� examiner et discuter les émotions, le res-senti psychique, les expériences vécuespar les hommes et les femmes que l’onsouhaite aider, leur façon de se représenterle passé et l’avenir;

� soutenir des progrès susceptibles d’offriraux femmes la possibilité d’acquérirdavantage d’autonomie et d’accroître leurparticipation réelle aux structures du pou-voir;

� débattre publiquement de la violencesexospécifique et apporter une aide psychosociale aux victimes.

Résolution 1325 des NationsUnies: «Les femmes, la paix et la sécurité»C’est en 2000 que le Conseil de sécuritédes Nations Unies s’est penché pour lapremière fois de son histoire sur le rôle desfemmes dans la transformation des conflits.La résolution 1325 adoptée à ce sujetproclame officiellement qu’en situation deguerre ou de crise et dans les missions del’ONU, les femmes doivent participeréquitablement aux négociations et aurétablissement de la paix et de la sécurité.Elle exhorte en outre les États membres àprendre en considération la perspectivesexospécifique et les situations différentesdes femmes et des hommes pour la pré-vention de conflits, en cas de guerre etdurant la phase de reconstruction.

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Genre, transformation des conflits et approche psychosociale: introduction

Trois «loupes» pour comprendre la réalitéApproche psychosociale, transformation desconflits et perspective genre se recoupent et secomplètent mutuellement. Ce sont pourtant desdomaines différents sur les plans historique etscientifique; ils s’occupent de problèmes ana-logues, tout en ayant élaboré des principes etdes stratégies qui leur sont propres. Mais on

Approche psychosociale

Transformation des conflits

Genre

L’intersection des trois loupes constitue le champ d’analyse

du présent manuel

en cerne et comprend aujourd’hui de mieuxen mieux les interactions. On peut se repré-senter ces trois domaines comme autant deloupes servant à analyser la réalité. Le pré-sent manuel explique l’approche psychoso-ciale en tenant systématiquement compte deces recoupements avec les loupes «transfor-mation des conflits» et «genre».

RessourcesDDC (2003)Développement de la paix. Lignes directricesde la DDC. Berne: DDC.http://162.23.39.120/dezaweb/ressour-ces/resource_fr_24111.pdf

DDC (2003)L’égalité hommes-femmes en pratique: Unmanuel pour la DDC et ses partenaires.Berne: DDC. www.deza.admin.ch (Thèmes – Égalité hommes-femmes – Instruments généraux etthématiques)

DDC (2005)Conflict-Sensitive Programme Management(CSPM). Integrating Conflict Sensitivity andPrevention of Violence into SDC Programmes.http://162.23.39.120/dezaweb/ressour-ces/resource_en_24650.pdf

Lederach, J.P. (2003)The Little Book of Conflict Transformation.Intercourse: Good Books.

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L’approche psychosociale: principes généraux et notions-clésFiche 2

� L’approche psychosociale s’inté-resse à ce que ressentent les indi-vidus dans un contexte donné.

� Les notions-clés sont ici les pairesmenace/peur, destruction/trau-matisme, perte/deuil.

� La peur chronique engendre uneculture du silence et rend les indi-vidus inaptes à gérer les conflits.

� Dans les zones de conflit, lestraumatismes constituent une réac-tion à des mécanismes sociopoli-tiques destructeurs qui mettent àmal le psychisme d’un individu.Ils prennent la forme d’un proces-sus séquentiel.

� L’impossibilité d’entamer un pro-cessus de deuil normal constitueun problème central dans lecontexte des conflits violents.

� Le processus d’empowermentcommence nécessairement parune analyse de la forme et dudegré de disempowerment. Il nes’agit pas seulement de mieuxcomprendre sa situation person-nelle, mais aussi d’entreprendrequelque chose contre sa propresouffrance et de travailler à latransformation des structures depouvoir régissant la société.

Que recouvre le terme «psychosocial»? «Psycho» se rapporte à la psyché, ou encore à l’âme. Il en va de notrevie intérieure, de nos sentiments, réflexions et désirs, de nos croyanceset valeurs, de la perception que nous avons de nous-mêmes et de nosrelations avec autrui. Quant au mot «Social», il se rapporte aux rela-tions qu’un individu entretient avec autrui et à l’environnement danslequel il évolue. Il inclut aussi bien la réalité matérielle que l’ensembledu contexte socioculturel, formé notamment par le tissu complexe desrelations humaines, les multiples facettes de la vie culturelle, le secteurpublic au sens large et l’État. L’intérieur (psycho) et l’extérieur (social)s’influencent réciproquement. Le «psychosocial» s’occupe donc du vécusubjectif de l’individu en relation avec le milieu dans lequel il évolue.

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L’approche psychosociale: principes généraux et notions-clés

Un examen des activités menées dans lecadre de la coopération internationale met enévidence trois dimensions «psychosociales»: � L’aspect méthodologique de l’approche

psychosocialeL’objectif premier est de comprendre etd’améliorer la dynamique entre l’individuet son milieu social, sans privilégier l’unau détriment de l’autre. Il s’agit doncd’établir des liens entre les dimensions

Le champ psychosocial

moyens d’existence durables/infrastructures

processus individuels processus collectifs

Tout projet de coopération internationale vise d’une manière ou d’une autreà améliorer les moyens d’existence de la population, les infrastructureslocales, l’état psychique des gens et leurs relations sociales. Certains projetsse concentrent plutôt sur les individus, tandis que d’autres s’occupent del’infrastructure ou encore de processus collectifs concernant l’ensemble dela société. Quoi qu’il en soit, ces aspects sont présents dans n’importe quelprojet, puisque toute activité de coopération influe immanquablement surchacune de ces trois dimensions. L’approche psychosociale exige dès lorsque l’on prenne en considération et que l’on traite adéquatement les liensunissant ces trois dimensions.

individuelles et collectives de la réalité etde se forger une compréhension globaledes processus psychologiques et sociauxen en faisant la synthèse. Cette approchene se limite pas à des projets dits psycho-sociaux, mais peut s’appliquer à tout pro-jet de coopération.

� Fondements psychosociaux du développe-ment institutionnel Outre les aspects habituels du développe-ment institutionnel (efficacité, efficience,processus de communication, etc.), onconsidère ici les liens entre structuresorganisationnelles, personnel et domainesd’activités. Il s’agit d’améliorer la qualitédu travail et la prévention de l’épuisementprofessionnel (burn-out) en encourageant,d’une part, les collaborateurs à mieux seconnaître, s’écouter et se protéger et, d’autrepart, en contribuant à l’empowerment del’ensemble du personnel de projetconcerné par la gestion des conflits.

� Projets psychosociauxSpécifiquement destinés à traiter lesdimensions individuelles et/ou sociales dela destruction, ces projets sont menés engénéral dans les domaines de l’éducation,de la santé et de l’aide sociale. Ils com-prennent presque toujours une interventionauprès d’individus ou de groupes confron-tés à certains types de besoins et de pro-blèmes – par exemple les victimes ou lesauteurs de violences, ou encore les per-sonnes vivant dans une extrême pauvreté.

Processus sociaux

Menace

Destruction

Perte

Processus psychiques

Peur

Traumatisme

Deuil

Notions-clésDans les régions en guerre ou en crise,il existe des liens étroits entre processussociaux et processus psychiques:

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L’approche psychosociale: principes généraux et notions-clés

Menace/peur La peur est un processus psychophysiologiquequi nous aide à prendre conscience d’un danger ou à l’anticiper. Derrière les méca-nismes de protection auxquels nous recouronsquotidiennement – par exemple regarder àgauche et à droite avant de traverser une rue– il existe des processus d’apprentissage liésà l’expérience de la peur. Dans les situationsde menace imminente, on distingue trois typesde réaction à la peur: 1) la fuite, 2) l’attaque,3) l’effondrement et/ou la soumission absolue.

La peur et la culture du silenceLa peur est normalement un phénomène pas-sager, mais lorsque la menace est chronique,la peur le devient aussi. Elle s’inscrit dans lastructure psychique et devient indépendantedes circonstances qui engendrent la peur.L’individu reste alors psychologiquement sur ladéfensive, même lorsque le danger est passédepuis longtemps. La peur chronique reflète,au niveau de la société, les conditions de vieprévalant dans une région en guerre ou encrise. Les schémas de comportement se carac-térisent par une prudence qui conduit les indi-vidus à se replier sur eux-mêmes. On gardepour soi les sentiments et les opinions quipourraient trahir ses faiblesses; on évite à lafois de paraître vulnérable et de faire peser surautrui ses propres angoisses. Cette culture dusilence isole l’individu et affaiblit les familleset les communautés dans la mesure où lesgens ne partagent plus ce qui les préoccupe.En principe, les émotions réprimées finissenttout de même par s’exprimer tôt ou tard, maissouvent dans un contexte qui entrave, voireempêche toute reconnaissance et toute assimi-lation de ces émotions, ce qui accentueencore la peur et alourdit le silence.

Incapacité de gérer les conflits et difficulté àse protéger: deux conséquences directes de la peur chroniqueLes tensions permanentes se traduisent par del’irritabilité et par une attitude foncièrementagressive, tandis que la capacité de résoudredes conflits diminue. On cesse de parlerouvertement même des choses de la vie quoti-dienne, toute divergence d’opinion ou d’inté-

rêt, même insignifiante, étant ressentie commedangereuse. Il devient dès lors difficile dereconnaître objectivement quand une situationest sûre, et quand elle est dangereuse.Parfois, la peur est purement et simplementniée, ce qui constitue un sérieux danger aussibien pour soi-même que pour autrui.

Nécessité d’intégrer la peur, non de la surmonterCe n’est donc pas la peur qu’il faut surmonter,mais l’incapacité croissante de gérer les conflitset la négation de la peur. Une peur chroniqueperçue et reconnue comme telle perd sa forcedestructive et peut être intégrée progressive-ment dans la structure psychique de l’individuet dans les relations sociales. Les gens par-viennent de nouveau à mieux se protéger.

Destruction/traumatismeUn conflit qui se règle par la violence provoquetoujours des destructions – non seulementmatérielles, mais aussi au niveau des rela-tions sociales et de l’équilibre émotionnel. Leshabitants d’une maison bombardée perdentnon seulement leur lieu de vie: ils se voientprivés de protection et de sécurité et leur tissurelationnel se déchire. Les morts et les dispa-rus laissent des traces (photos, souvenirs, his-toires, moments partagés) chez les survivants.Le pendant psychique de la destruction maté-rielle est désigné par le terme de trauma-tisme. Un traumatisme change définitivementle regard que l’on porte sur le monde, mêmesi par la suite on parvient à réparer en partiece qui a été détruit.

Le traumatisme est un processusLe mot «traumatisme» vient du grec «trauma»qui signifie «blessure». Considéré sous l’anglepsychosocial, un traumatisme est une blessureémotionnelle profonde, une réaction à desprocessus sociopolitiques destructeurs quidépassent le seuil de tolérance du psychismehumain. Un effondrement traumatique peutrésulter d’un seul événement ou d’une séried’événements ayant des effets cumulatifs. Leprocessus sociopolitique qui est à l’origined’un traumatisme en caractérise aussi ledéroulement. Le traumatisme constitue donc

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L’approche psychosociale: principes généraux et notions-clés

lui-même un processus, qui est déterminé parles interactions entre l’environnement social etle ressenti psychique de l’individu. Il serait fauxde croire que les traumatismes psychosociauxsont uniquement la conséquence psychiqued’un événement précis. C’est ainsi que le trau-matisme d’un vétéran du Vietnam ne dépendpas seulement de ce qu’il a vécu durant laguerre, mais aussi de la manière dont il a étésocialement et politiquement intégré ou isoléaprès son retour au pays. De même, le trau-matisme vécu par les familles de personnesdisparues en Argentine évolue en fonctionnon seulement des événements subis durant ladictature, mais aussi de la manière dont cescrimes ont été traités par la suite. Le proces-sus traumatique se poursuit dans le sensd’une amélioration ou d’une dégradationaprès la fin d’une guerre, d’actes de violenceou de persécutions. Il est souvent possible dedéterminer quand un tel processus a com-mencé, mais rarement quand il prend fin.

Le traumatisme est un processus psychiquedont l’évolution est déterminée par les événe-ments sociopolitiques. Cette corrélation estmise en évidence par l’analyse des séquencesdu traumatisme – d’où le terme de traumatismeséquentiel – qui décrit le déroulement du pro-cessus selon une chronologie caractérisée pardes phases spécifiques. Hans Keilson, qui adécrit en premier cette notion, distingue, dansson étude sur les orphelins de guerre juifs auPays-Bas, les séquences suivantes: � occupation des Pays-Bas par les troupes

ennemies et début de la terreur exercéecontre la minorité juive;

� persécutions directes: déportation deparents et d’enfants, séparation de mèreset d’enfants;

� période d’après-guerre avec, au premierplan, les décisions de placement prisespar les autorités tutélaires (Keilson 1979).Deux options se dessinaient alors: laisserles enfants dans le milieu qui les avait pro-tégés durant la guerre, donc chez lesfamilles hollandaises qui les avaient cachés;ou les faire retourner dans le milieu juif.Ces deux possibilités présentaient dans tousles cas des avantages et des inconvénients.

Le présent manuel élargit le concept de Keilsonen définissant six séquences traumatiques,applicables partout dans le monde: – Avant le processus traumatique– Début de la persécution– Persécution aiguë: la terreur directe – Persécution aiguë: chronicisation– Période de transition– Après la persécution (Pour une description détaillée de ces séquences, voir fiche 5b.)

La plus importante de ces séquences trauma-tiques est presque toujours celle qui débuteaprès la fin de la persécution. Quand unemaison brûle, on mobilise toute son énergiepour essayer d’éteindre l’incendie et ce n’estqu’après coup que l’on mesure vraimentl’étendue des dégâts. Souvent, c’est dans cettephase seulement que les gens deviennentindividuellement et socialement malades. Il estpossible – et judicieux – d’apporter une aidedans chaque séquence traumatique, mais ilconvient de veiller à ce qu’elle soit adaptéeaux possibilités et aux limites de la séquenceconsidérée.

Traumatisme et milieu familialAu-delà de l’individu directement touché, lesprocessus traumatiques affectent tout sonentourage du fait qu’ils altèrent sa capacitéde communication et d’attachement. Le trau-matisme subi par un père de famille torturés’étend ainsi à sa femme et à ses enfants quil’ont attendu, qui ont craint pour sa vie et quiont affaire maintenant à un homme silencieuxet brisé, profondément transformé.

Même les membres de la famille nés plusieursannées après les événements traumatisantsfont partie du processus traumatique. Bienque les personnes affectées tentent d’oublierla terreur traumatique et de ne pas la trans-mettre à leurs enfants, elles ne peuvent l’évi-ter. En gardant le silence, elles s’isolent deleurs enfants; en racontant leur vécu (ce quiest de toute manière préférable), elle doiventparler de la terreur qu’elles ont éprouvée.Une survivante de l’holocauste, par exemple,cacha longtemps à sa fille ce qu’elle avait

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L’approche psychosociale: principes généraux et notions-clés

subi dans un camp de concentration; maiselle l’appelait toujours «mon petit ange blondde la mort». Sa fille apprit à connaître la peurtraumatique bien avant de savoir à quoi celapouvait correspondre. C’est ainsi que l’on«hérite» des traumatismes qui se transmettentd’une génération à l’autre.

Traumatisme, symptômes, évolutionLe traumatisme se traduit chez la personnequi l’a subi par une vulnérabilité qui l’accom-pagnera tout au long de sa vie et qui serasusceptible d’entraîner des symptômes mor-bides dans certaines circonstances, sansnécessairement déboucher sur une pathologievisible. Comme les processus traumatiques sedéroulent toujours dans un contexte social,culturel et politique bien précis, il convientaussi d’interpréter les éventuels symptômes enfonction de ce contexte. Ce qui est perçucomme un symptôme de traumatisme dans uncontexte donné peut avoir valeur de compor-tement sain dans d’autres situations.

Il convient d’éviter toute psychopathologisa-tion ou médicalisation abusive du trauma-tisme. Les partenaires d’un projet devraientélaborer leurs propres définitions des trauma-tismes et développer des formes de prise encharge spécifiques en fonction du contexte.Le diagnostic du syndrome de stress post-trau-matique (posttraumatic stress disorder, PTSD),par exemple, est insuffisant du fait qu’il selimite à la sphère individuelle et ignore lesdimensions culturelles et sociales. Un tel diag-nostic réduit le traumatisme à une maladieparmi tant d’autres, omettant ainsi – ou inter-prétant mal – le lien existant entre souffranceindividuelle et contexte politique. Réductrice,cette démarche aurait pour effet de marginali-ser encore davantage les personnes traumati-sées et d’accentuer leur souffrance.

Il faut éviter que de telles approches restrictivesnous conduisent à oublier le traumatisme ou à nier la gravité de cette profonde blessurepsychique. Il s’agit de décrire et de définir lessymptômes observés dans leur contexte.Certains symptômes signalés comme apparte-nant au diagnostic du PTSD (American

Psychiatric Association, Diagnostic andStatistic Manual of Mental Disorders, 4èmeédition, 1994) semblent se manifester dans laplupart des contextes sociaux: les victimesrevivent les événements traumatiques à demultiples reprises, sous forme d’images, depensées ou de perceptions involontaires, ouencore d’hallucinations (flash-back); elles évitentles stimuli associés au traumatisme (hébétude)et souffrent d’une hypervigilance persistante.Fréquemment, les expériences traumatiquesgraves débouchent après un certain temps surdes syndromes dépressifs. Toutefois, un mêmesymptôme peut se manifester dans nombre decontextes différents sans traduire nécessairementla même réalité. À relever par ailleurs qu’ilexiste une multitude d’autres symptômes quine figurent pas dans le diagnostic officiel duPTSD. C’est ainsi que l’on observe souventdes troubles du comportement: réduction del’aptitude à communiquer et à travailler, fragi-lisation des structures familiales, comportementasocial et affections psychosomatiques graves.Les traumatismes ajoutent à la difficulté d’élaborer les pertes subies. Comme ils recèlentdes expériences de violence extrême, ilsentravent souvent l’aptitude à faire preuved’une saine agressivité, notamment pour sedéfendre.

Min Bajracharya

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Guérison?Un événement traumatique ne s’efface jamaisplus de la conscience de la personne qui l’avécu. Le but ne saurait donc être une guéri-son au sens habituel du terme. La personnetraumatisée peut éventuellement apprendre àassimiler ce qui lui est arrivé et à s’extrairede son rôle de victime. Peut-être pourra-t-elleensuite mener une vie à peu près normale.Mais sa souffrance – qui comporte unedimension sociale de par son origine et sonévolution – ne disparaîtra jamais complète-ment. Il ne s’agit donc pas seulement d’ap-porter une aide à la personne traumatisée,mais aussi de favoriser la reconnaissance collective de ce traumatisme et de répondre à la nécessité de partager entre tous la souf-france extrême de quelques-uns dans le butde la rendre plus supportable. L’élaborationdes traumatismes n’est donc pas uniquementune question sociale et médicale, mais unaspect central des processus de paix (� Fiche 4:Dealing with the past).

Perte/deuilDans un contexte de menaces et de destruc-tions, les pertes sont inévitables. Des gensperdent leur logement, des villes sont détruites.Des parents, des amis, des connaissancesmeurent. Beaucoup voient s’évanouir leursprojets de vie, leurs espoirs, leurs désirs. Laperte est ce qui reste à l’individu lorsqu’on luia tout pris. Bien qu’elle soit étroitement liée àla menace et à la destruction, la perte doitêtre considérée comme une catégorie en soi.Les pertes et la façon de les gérer font partiedu vécu quotidien d’une communauté etdéterminent le processus macro-social, surtoutaprès la fin du conflit aigu. L’expression psy-chique de la perte ou, en d’autres termes,notre manière de réagir à cette perte, est ledeuil. La façon dont se déroule le processusde deuil est déterminante: c’est ainsi que lespertes subies resteront non élaborées ouqu’elles se transformeront en une histoire inté-grée, psychologiquement acceptée.

Les deux phases du processus de deuilUn processus de deuil se divise schématique-ment en deux phases. Au cours de la première,

il s’agit de reconnaître la perte, d’accepter uneréalité que l’on tend à nier dans un premiertemps. Tandis que certains proches invoquentle destin et promettent maints sacrifices àcondition de retrouver ce qu’ils ont perdu,d’autres se révoltent contre la perte et sesconséquences. Dans tous les cas, ils se sententseuls et abandonnés. L’émotion qui dominealors est la colère, qui ne disparaîtra qu’avecl’acceptation de la perte. Dans la phase suivante du processus de deuil, il s’agit d’ap-prendre à vivre désormais sans l’être cher.Les personnes en deuil passent en revue larelation perdue, se souviennent de ce quiétait bon et de ce qui était difficile chez lapersonne disparue. Elles prennent consciencede l’importance qu’elle revêtait dans leur propre existence et reconnaissent le caractèredéfinitif de la perte (Volkan 2000). Les senti-ments qui caractérisent cette phase corres-pondent mieux à ce que l’on entend habituel-lement par deuil. Les processus de deuil quine présentent pas de complications ont unedurée variable, mais s’étendent en règlegénérale sur une période minimale de un àdeux ans.

Processus de deuil perturbés et leurs répercussionsEn cas de perte violente, le processus dedeuil n’est jamais simple. Les circonstancesdu décès sont inconcevables et totalementinacceptables. Les familles sont souvent dansl’impossibilité de donner une sépulture digneà leurs morts, du fait qu’ils ont disparu ouque la cause du décès est politiquementcontroversée. La souffrance ne peut être réel-lement partagée avec autrui. De plus, les per-sonnes confrontées à une situation instable, àleurs propres traumatismes et à la nécessitéde lutter pour leur survie n’ont guère detemps et d’énergie à consacrer à leur deuil.Or, une personne qui ne peut faire son deuilet conclure ce processus est en danger, carelle ne parvient pas, émotionnellement parlant,à prendre congé du disparu et à renoueravec la vie. Dépressions, vulnérabilité accrueaux maladies, abus de médicaments et dedrogues sont des symptômes typiques de cetétat. Après un conflit, il est donc essentiel de

DDC/John Paul Kay (Photo Filtre)

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s’occuper des disparus et des morts; c’est là un thème central du processus de deuilindividuel, de la reconstruction d’une sociétéet du rétablissement de la paix (� Fiche 4: Dealing with the past; Fiche 11:Personnes disparues ou assassinées).

Au coeur de l’approche psy-chosociale: l’empowermentDans le monde entier, les efforts déployésdans le domaine psychosocial s’articulentautour des notions d’empowerment et dedisempowerment. Ces termes conviennentparfaitement à des milieux politiques fort dif-férents: pour les uns, cela correspond au ren-forcement de la responsabilité personnelle, àla suppression de structures sociales et audéveloppement de la logique propre à l’éco-nomie de marché; pour les autres, le but estd’éliminer les structures sociales inéquitableset d’offrir à l’individu les moyens d’organiserplus librement son existence. Ces deux cou-rants de pensée, qui jugent qu’il est importantde renforcer le pouvoir et la responsabilitéindividuels, se sont développés aux États-Unisdans les années 70. En 1976 est paru l’ou-vrage de Barbara Solomon intitulé «Blackempowerment: Social work in oppressedcommunities». Un an plus tard, les penseursnéo-conservateurs Peter Berger et Richard J.Neuhaus publiaient «To empower people». Àl’échelle mondiale, cette notion a été appro-fondie et étendue surtout par des organisa-tions féministes. Le terme d’«empowerment»est maintenant très utilisé dans le cadre de lacoopération internationale, même s’il nerépond pas toujours à une définition précise.

Le terme anglais empowerment est difficile àtraduire du fait qu’il désigne des processuscomplexes et variables. Le mot «power» signi-fie «pouvoir», mais aussi «force», «vigueur»,«compétence», «énergie», «maîtrise», «auto-nomie», «émancipation» et «autorité» (fonc-tion étatique, capacité d’agir). L’étude desprocessus d’empowerment décrit d’unemanière générale les dimensions suivantes dupouvoir: � Appropriation ou réappropriation de son

pouvoir individuel (power within); cela

Divers aspects de l’empowerment (émancipation) des femmes: � Empowerment personnel: saine valorisation, confiance en soi, respect de

soi; protection contre la violence, libre disposition de son corps, libertéset perspectives.

� Empowerment juridique: connaissance des bases légales; recours audroit en vigueur; influence sur la législation; droits des femmes reconnuscomme faisant partie intégrante des droits humains.

� Empowerment social: possibilité d’organiser sa vie, visibilité et présenceau sein de la société; participation à la vie publique; respect témoignépar les autres membres de la communauté ou du village; constitution deréseaux.

� Empowerment politique: identification de ses propres intérêts politiques,participation à des organes politiques; organisation politique; influencesur des institutions politiques; participation à des processus politiquesinternationaux; participation à des conférences de l’ONU.

� Empowerment culturel: influence sur l’ordre symbolique, participation àla définition des normes culturelles; maintien ou développement d’uneculture féminine; opinion publique favorable aux femmes; position dansles systèmes d’obédience religieuse.

� Empowerment économique: alphabétisation économique; propriété etmoyens de production; revenu et faculté de disposer d’argent; réductiondes liens de dépendance, des risques et du stress; organisation écono-mique; assurance sociale; possibilité d’influer sur la politique économique.

D’après Rodenberg et Wichterich 1999

correspond, d’une part, à la volontéd’analyser les contraintes de sa propresituation (adaptation, dépendance et/ousoumission) et de s’en libérer; d’autrepart, il s’agit de reconnaître que tout unchacun a le pouvoir d’influer sur son exis-tence et d’agir pour en changer le cours.

� L’idée du pouvoir communautaire (powerwith) découle du constat que l’on n’estpas seul, que l’on fait partie d’un groupeet qu’ensemble, on peut changer unesituation; il s’agit ici de réfléchir, d’agir etd’interagir au niveau communautaire.

� Le troisième niveau a trait à la modifica-tion des rapports de force dans la société.Il s’agit de s’affranchir de la soumission etde la marginalisation tout en réduisant lepouvoir exercé par les groupes dominants(power over). Le but devrait être le par-tage du pouvoir dans le cadre de proces-sus communautaires.

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L’approche psychosociale: principes généraux et notions-clés

Nous avons délibérément choisi de ne pastraduire le terme d’empowerment, étantdonné qu’il n’existe aucun équivalent françaiscapable de restituer les innombrables sensque recouvre cette notion. Le terme empower-ment désigne une dynamique conduisant àl’autonomie, laquelle implique pouvoir, indé-pendance, responsabilité personnelle – quisupposent eux-mêmes esprit critique, énergie,respect d’autrui, etc.

Le but de l’empowerment n’est donc pas seu-lement d’amener les individus à se sentir mieuxen les aidant à comprendre leur situation,mais aussi de les inciter à agir pour amélio-rer leur avenir. Cette attitude débouche surune authentique participation à des processusde société et offre la perspective réaliste demodifier les structures du pouvoir en place.

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Doray B. (1997)Centre international de l’enfance et de lafamille (CIDEF), programme Cedrate.Symposium «Les enfants de la guerre:Devenir, mémoire et traumatisme». http://psydocfr.broca.inserm.fr/colloques/cr/cedrate/intervcedrd.html

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Métraux J.-Cl.Au temps du silence, la nosographie restemuette. Les syndromes post-traumatiques enquestion, in Traumatismes de guerre,Actualités cliniques et humanitaires, pp. 41-46, chez Hommes et Perspectives

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Psychosocial Working Groupwww.forcedmigration.org/psychosocialConstitué de grandes ONG et de plusieursuniversités spécialisées des États-Unis, cegroupe propose un cadre de référence et desnormes générales applicables aux interven-tions d’ordre psychosocial. Ce site Internetcontient une bibliographie. Le PsychosocialWorking Group se trouve sur le site deForced Migration Online, qui donne accès àdes documents et à des directives concernantle travail avec des réfugiés et des populationsdéplacées.

Rodenberg B. et Wichterich C. (1999)Macht gewinnen - Eine Studie überFrauenprojekte der Heinrich Böll Stiftung imAusland. Berlin: Heinrich Böll Stiftung.Exposé de l’évolution de la notion d’empo-werment et des diverses manières de promou-voir ce processus. Contient une liste d’indica-teurs

Sironi Fr. (1999)Les stratégies de déculturation dans lesconflits contemporains: nature et traitementdes attaques contre les objets culturels, RevueSud/Nord, Les traumatismes, n°12, Érès.www.ethnopsychiatrie.net/actu/sudnord.htm

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DDC/Samer Mohdad (Photo Filtre)

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Aspects psychosociaux de la coopération dans le cadre d’un conflit aiguFiche 3

� Tout projet de coopération s’ins-crit inévitablement dans le dérou-lement du conflit. De ce fait, ilconvient de s’assurer en perma-nence que les activités menéesrépondent effectivement auxbesoins du contexte – enconstante évolution –, et qu’ellesne contribuent pas, au contraire,à attiser ce conflit.

� Un conflit ouvert accentue lesmécanismes d’exclusion et demarginalisation, surtout parmi sesvictimes directes. Les projets doivent donc veiller à ne pas ren-forcer cette tendance.

� Pour fournir un travail efficace dansun conflit aigu, le personnel deprojet doit avoir des connaissancesde base sur les conséquences dela peur, des traumatismes et de laperte de proches.

� La manière de gérer sa propre peurdoit faire l’objet de discussionsrégulières au sein de l’équipe.Refouler sa peur équivaut en effetnon seulement à mettre en péril lasécurité des autres collaborateurs,mais aussi à saper leur motivationet leur efficacité.

� Les conséquences de la peur et lamanière de la gérer constituentun thème central du travail réaliséauprès des groupes cibles.

Travailler dans un contexte de conflitLa coopération internationale s’inscrit de plus en plus souvent dans descontextes sociopolitiques fragiles, voire très conflictuels. Les activitésmenées dans le cadre d’un conflit s’articulent généralement autour detrois approches différentes: elles peuvent intervenir en marge du conflit,considéré alors comme un obstacle qu’il convient de contourner (to workaround the conflict); elles peuvent tenir systématiquement compte duconflit en essayant d’en atténuer les risques (to work in the conflict) ou,enfin, contribuer directement à la transformation du conflit (to work onthe conflict). Travailler en marge du conflit est une option courammentchoisie, mais elle est illusoire, car les projets en font inévitablement par-tie. En négligeant cette évidence, leurs responsables ne peuvent prendrepleinement conscience de la réalité vécue par la population et risquentde n’atteindre que les groupes les moins touchés par le conflit.

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Aspects psychosociaux de la coopération dans le cadre d’un conflit aigu

Pour sa part, la DDC s’efforce d’agir au coeurmême du conflit et d’en influencer le cours.Conformément à sa Gestion des programmessensible aux conflits (Conflict-SensitiveProgramme Management, CSPM), elle viseavant tout à prévenir la violence et à transfor-mer le conflit. Deux questions centrales seposent ici: � De quel type de conflit s’agit-il (principales

caractéristiques, virulence, évolution/transformation possible)?

� Quelles sont les interactions entre le conflitet le programme?

La première question sert à identifier les inter-ventions susceptibles d’atténuer la violence età mesurer la marge de manoeuvre disponible.La seconde permet de savoir si les activitésdu projet attisent involontairement le conflit(voir le principe Do no harm! [ne pas nuire])et de déterminer comment le programme peutcontribuer à transformer le conflit.

Pour transformer la violence directe, structu-relle et symbolique, la DDC favorise lesefforts visant à assurer l’empowerment desgroupes marginalisés. Dans le cadre d’unconflit violent, ce processus s’avère toutefoisextrêmement difficile et fragile, car la peurchronique et les traumatismes empêchent lesgens d’agir et de communiquer normalement,ce qui modifie en fin de compte toute ladynamique sociale.

Le problème central: fragmentation et exclusion Conséquences de la menace et de la peurL’insécurité est permanente et les gens sontrégulièrement confrontés à des événementsimprévus, dont ils ne parviennent à cerner niles causes ni la signification. En même temps,ils doivent toujours s’attendre au pire.Omniprésente, la peur détruit les réseauxsociaux, entravant la communication et lacompréhension mutuelle. La peur isole lesmembres de la communauté, qui ne parviennentplus à parler de leurs craintes, ni à entendrecelles des autres. Les gens désertent les lieuxde rencontre et se détachent du groupe. Ledialogue devient difficile même entre des personnes partageant les mêmes idées et opinions.

Altération de la structure sociale et des rôlesassumés au sein de la sociétéLes conflits violents modifient la structure de lasociété. Les gens assument de nouveaux rôleset en perdent d’anciens: des femmes assumentdes tâches traditionnellement dévolues auxhommes, des hommes perdent leur influencede chef de famille et des enfants deviennentsoldats. Nombre de gens sombrent dans lapauvreté, alors que d’autres s’enrichissent trèsrapidement. Chez bon nombre de personnes,ces processus engendrent un sentiment d’eu-phorie, mais aussi de grande confusion,d’inutilité et de dévalorisation. Les uns ne sontplus en mesure d’assumer leurs anciens rôleset d’autres remplissent si bien leur nouveaurôle qu’ils entrent en conflit avec leur ancienneperception d’eux-mêmes.

Marginalisation des victimesLa méfiance, la raréfaction des ressources etla polarisation croissante du pouvoir politiquecontribuent à accentuer les processus d’exclu-sion. Or la marginalisation menace tout parti-culièrement les victimes directes du conflit. Lacommunauté les isole et les stigmatise, car lesvoisins ont peur de la «contagion»: ils craignentde devenir eux-mêmes des victimes s’ils viennenten aide aux véritables victimes. De plus, lesvoisins et les amis se sentent souvent démunisface à la souffrance des personnes concernées.

DDC/Toni Linder (Photo Filtre)

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Aspects psychosociaux de la coopération dans le cadre d’un conflit aigu

L’exclusion et la stigmatisation des victimestémoignent de la fragmentation et de la des-truction de la communauté. Les gens s’habi-tuent à l’injustice, à la mort et à la disparitiondes valeurs. La méfiance, la peur et la loi duplus fort imprègnent la vie sociale. Les fonde-ments éthiques et les valeurs humaines s’érodentde plus en plus, une évolution que d’aucunsressentent comme une perte fondamentale.

Comment (r)établir des liens etpromouvoir l’empowerment?Mener des activités dans des régions enconflit exige une grande souplesse. Il fautsans cesse reconsidérer l’évolution du conflitet les interactions entre conflit et programme,et adapter les activités en conséquence. Poury parvenir, il faut comprendre et reconnaîtrela fragmentation sociale et psychique. Lesprojets doivent donc aussi avoir pour objectifde contrer cette tendance à l’éclatement.Voici les aspects dont il faut notamment tenircompte:

Promouvoir la communication et préserver les liens avec le monde extérieur Lorsque la peur, la méfiance et une liberté demouvement réduite rendent sporadiques leséchanges entre les habitants d’une communeou d’une région, voire les réduisent à néant,la promotion de la communication et la trans-mission d’informations fiables constituent unobjectif essentiel du projet. Il importe que lepersonnel maintienne le contact avec un maxi-mum de personnes et s’attache à renforcer lesrelations entre les citoyens d’une commune,par exemple en créant de nouveaux lieux derencontre ou en utilisant pour leur travail leslieux d’échange existants, qu’ils soient formelsou informels. En favorisant les échanges et ledialogue au sein même de l’une des partiesen conflit ou parmi les habitants d’un quartierou d’un village, on contribue à éviter que lesstructures communautaires se fragmententdavantage. Il est en effet inutile de vouloirétablir le dialogue entre les parties en conflits’il est absent dans leurs propres rangs.

Il importe dans tous les cas d’établir ou derenforcer les contacts de la population avec

le monde extérieur. L’abandon de projets oula fermeture de services gouvernementauxlocaux n’engendrent pas seulement une dimi-nution des ressources; ils accroissent aussi lapeur, le désespoir et le sentiment d’abandon.La décision de poursuivre ou d’interrompre unprojet ne devrait donc pas se fonder sur laseule possibilité d’atteindre les objectifs dedéveloppement. D’une part, le maintien deliens et de contacts est essentiel pour la survieémotionnelle et sociale de la population.D’autre part, la préservation des réseauxcontribue à préparer le travail post-conflit, quipourra s’appuyer sur les relations existantes.Voilà pourquoi le renforcement de la commu-nication et des réseaux sociaux devrait consti-tuer un objectif à part entière, qu’il convientd’inscrire dans le cadre logique des projets.

Gérer la peurLa méfiance permanente alliée au refus deparler de sa propre vulnérabilité offrent unestratégie de survie appropriée dans uncontexte imprévisible et empreint de violence.Cette stratégie a toutefois un coût: l’isolementémotionnel et social, qui alimente à nouveaula peur et la méfiance. Pour briser ce cerclevicieux, les projets doivent s’efforcer de créerdes espaces où les gens auront la possibilitéd’exprimer leurs faiblesses. Il faut aussi lesinviter à parler de leurs peurs, en respectantleur intimité, mais en veillant à ne pas restersuperficiel et distant. De tels entretiens ontpour objectif d’apprendre aux gens à gérerleur peur, non pas pour l’évacuer, mais pourmieux se protéger lorsqu’ils sont confrontés à une situation qui leur fait peur (ou dont ilsse sentent menacés) et à mieux faire face àl’isolement et à la solitude (lire les encadrésLes sentiments dans le conflit et Quelques propositions pour gérer la peur).

Aider les gens à comprendre ce qui leur arriveEn abordant la situation des participants à unprojet, les collaborateurs doivent faire preuvede prudence et de sensibilité, et veiller à nemettre personne en danger, ni eux-mêmes nileurs interlocuteurs. Bien que ce soit souhai-table, il est parfois impossible de parler

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Aspects psychosociaux de la coopération dans le cadre d’un conflit aigu

ouvertement d’une expérience traumatique. Lesparties à un conflit peuvent en effet considérerun débat sur ce type de sujet comme une attaque contre leur politique, et dès lors lecondamner. Dans de telles circonstances, ilconvient d’opter pour une approche indirecte:lors d’une discussion en groupe, dans lecadre d’un projet de santé par exemple, onn’évoquera pas directement l’enlèvement desmembres d’une communauté, mais les consé-quences du stress sur la grossesse ou, plusgénéralement, les effets de la peur sur le comportement et sur le développement desenfants. Lorsque les participants à un projetne veulent pas parler directement d’une arres-tation ou d’un enlèvement récent, on pourrales aider à exprimer leurs réactions et leurssentiments en abordant un cas similaire enre-gistré dans une autre région et en imaginantla situation des personnes concernées. Pourceux qui vivent une situation difficile etangoissante, il est rassurant de mieux connaîtreles effets des événements traumatiques sur lesenfants et les adultes, sur les familles et lacommunauté, et de pouvoir en parler. (� Aidepsychologique en situation d’urgence, fiche 15).

Les sentiments dans le conflit� Il peut s’avérer utile de dissocier ou de refouler ses sentiments pour éviter

des humiliations ou pour se préserver dans une situation dangereuse.Par la suite, il importe cependant de pouvoir exprimer ses sentiments,faute de quoi c’est la capacité même de ressentir qui est menacée.

� Même s’il est important d’être fort, il faut parfois prendre le risque de semontrer vulnérable. Pour être en mesure de se protéger, il est en effetindispensable de savoir reconnaître ses faiblesses face au danger.

� Même dans une situation désespérée, il est permis de rire, d’être joyeuxet de tomber amoureux. Il ne s’agit pas d’une trahison à l’égard de lasouffrance d’autrui, mais d’une attitude naturelle et saine.

� Le sentiment de culpabilité est souvent moins l’expression d’une véritablefaute qu’une tentative désespérée de travestir son impuissance: «Plus je suis responsable de mon propre malheur, plus j’ai contribué à le provoquer et moins je suis une victime.» Cette forme de «self-empowerment» transforme toutefois la destruction extérieure enautodestruction, bien plus difficile à combattre.

Gérer la transformation des rôles sociauxLa modification des rôles sociaux due à unecrise engendre toujours un conflit pour lesindividus. Ils doivent acquérir de nouvellescompétences et assumer davantage de res-ponsabilités. L’image de soi et l’identité despersonnes concernées s’en ressentent inévita-blement.

Dans une région en conflit, le personnel d’unprojet est souvent confronté à une modificationdes rôles sociaux, et plus particulièrement àcelle des rôles traditionnellement dévolus auxhommes et aux femmes. Au cours des discus-sions visant à trouver des solutions pratiques,par exemple pour les femmes qui doiventassumer une plus grande charge de travail ouaugmenter leur revenu, il importe d’abordersystématiquement les conséquences psycholo-giques de ces changements. Il n’est ainsi pasrare que les femmes ressentent les responsabi-lités supplémentaires comme un enrichissementou une émancipation. En même temps, ellesse sentent souvent peu sûres, voire coupablesd’avoir dû renoncer à leur mode d’existenceantérieur, qui correspondait davantage à laperception de la féminité au sein de la com-munauté. L’altération des rôles s’avère d’au-tant plus difficile à surmonter lorsqu’elle estvécue comme une perte (p. ex. un père quin’est plus en mesure de subvenir aux besoinsde sa famille).

Les processus d’empowerment ne peuventaboutir que si la perte est reconnue commetelle et que le bien-fondé de la répartition tra-ditionnelle des rôles peut être remis en ques-tion, autrement dit lorsqu’il est possible dethématiser la modification des rôles et d’ap-profondir cette question.

Venir en aide aux victimesL’aide aux veufs et aux veuves, aux orphelins,aux proches de disparus, aux femmes violées,etc. est le plus souvent confiée à des organi-sations menant des projets psychosociauxspécifiques. Or de tels projets n’existent pourainsi dire que dans les endroits qui abritentun grand nombre de victimes, c’est-à-dire dansles centres urbains et les camps de réfugiés.

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Aspects psychosociaux de la coopération dans le cadre d’un conflit aigu

Que faire, dès lors, avec les familles directe-ment touchées qui vivent hors de portée d’or-ganismes spécialisés?

Nombre de projets de la coopération interna-tionale n’ont pas pour objectif de fournir uneaide individuelle. Les tâches humanitairesplaident pourtant souvent en faveur d’un élar-gissement de la stratégie et d’un soutien auxpersonnes directement touchées. Symbolesvivants du conflit, les victimes sont stigmati-sées et isolées. En nous préoccupant de leursort, nous exprimons notre refus catégoriqued’ignorer les effets du conflit et les nouvellesdimensions de l’exclusion et de la marginali-sation. Ce travail donne par ailleurs au per-sonnel du projet l’occasion et l’autorité d’évo-quer publiquement le prix de la guerre.

L’aide aux personnes directement touchéespeut prendre différentes formes, mais unecondition est valable dans toutes les situa-tions: le coopérant doit avoir la capacité et lavolonté d’écouter ce que les victimes veulentlui raconter et de respecter leur souffrance (� Aide psychologique en situation d’urgence,fiche 15). En période de conflit aigu, il n’estguère possible de faire un processus de deuilcomplet. Dans la mesure du possible, ilimporte néanmoins de permettre aux prochesd’une personne assassinée d’accomplir lesrituels funéraires et la cérémonie funèbre etde pleurer la perte de l’être cher (� Fiche 11:Personnes disparues ou assassinées).

Les archives de la VicaríaSous la dictature de Pinochet, la Vicaría de la Solidaridad, de l’Églisecatholique du Chili, a fourni une assistance juridique aux victimes durégime. Pendant la seule année de sa fondation, en 1976, elle a pris encharge 11 000 cas. Pendant ce temps, elle a enregistré mois après moisdes centaines d’arrestations et recueilli les dépositions de témoins assermen-tés pour les diffuser à l’étranger. Elle a poursuivi son travail jusqu’en 1992,dans des conditions particulièrement difficiles. Au sortir de la dictature, ladocumentation de la Vicaría s’est révélée très précieuse pour les commis-sions chargées d’établir la vérité, pour divers procès et pour le versementde réparations par le gouvernement. Sans son travail, il aurait été beau-coup plus difficile de mener à bien le processus de paix et de réconciliationau Chili.

Moyens d’apporter un soutien aux personnes directement touchées:� Briser l’isolement: Établissement de contacts, visites régulières d’un membre

du personnel de projet ou d’une autre personne, intégration dans lesactivités de la communauté.

� Reconnaître la souffrance: Les activités concrètes et la recherche de solu-tions ne peuvent être envisagées que dans une deuxième étape. Il fautcommencer par écouter et comprendre les personnes concernées et cequ’elles ressentent. L’écoute active est essentielle. Elle consiste à écouteravec empathie et bienveillance, avec la volonté de comprendre la situa-tion de l’interlocuteur en s’attachant non pas à nier la destruction et lasouffrance vécues, mais à les reconnaître comme telles.

� Tisser des liens sociaux: Créer des liens avec des organisations qui pro-posent les prestations nécessaires (aide d’urgence, assistance et repré-sentation juridiques, bourses, formation professionnelle, vulgarisationagricole ou ressources financières [p. ex. crédits], orientation vers desservices de santé spécialisés, etc.).

� Sensibiliser la communauté: Il faut toujours mener un travail de sensibili-sation au sein de la communauté pour amener ses membres à mieuxcomprendre le vécu des personnes directement touchées, à favoriser leurintégration et à leur apporter le soutien requis.

� Documenter les violations des droits de l’homme: Il est nécessaire d’enregistrer avec précision toutes les violations des droits de l’homme,afin d’entreprendre un travail politique pendant le conflit et de faciliter la réhabilitation et la réinsertion des victimes après le conflit. Une des-cription précise de la forme et de l’ampleur des violations des droits de l’homme est indispensable pour entreprendre par la suite un travailcollectif sur le conflit. (� Fiche 4: Dealing with the past).

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Aspects psychosociaux de la coopération dans le cadre d’un conflit aigu

Soutien au personnelGérer les risques et la peurLes collaborateurs d’un projet mené dans unerégion en conflit sont souvent exposés à desrisques importants. Ils peuvent être arrêtés ouenlevés, pris entre deux feux, obligés de livrerdes informations aux parties en conflit, etc.Dans un tel contexte, la peur est permanenteet, à terme, elle mine le moral et la motivationdu personnel (� La peur chronique, fiche 2).

La DDC déploie de gros efforts pour protégerson personnel. Elle met l’accent sur l’analysedes risques, édicte des directives sur lamanière de traiter avec les parties en conflitet de gérer les situations à risques et organisedes cours dans ces domaines. S’il est vraique ces outils jouent un rôle crucial pour seprotéger des menaces, il est tout aussi vitald’apprendre à gérer la peur chronique, c’est-à-dire les émotions des collaborateurs soumisà des risques permanents.

Dans nombre de bureaux de la coopérationinternationale, les membres du personnel nesont pas habitués à parler ouvertement de leursémotions. Celles-ci sont cependant loin d’êtreun luxe, en particulier lorsque la sécurité dupersonnel est en jeu, car elles sont un élémentessentiel pour de la protection individuelle.Lorsque l’on ne parvient pas à comprendre età admettre la peur, elle devient elle-même unfacteur de risque. Les personnes qui viventdans un état de peur chronique en refoulantnéanmoins leurs craintes ne sont souvent plusà même d’évaluer correctement une situation:soit elles surestiment le risque, soit elles prennentdes risques inconsidérés et toujours plus grands.Chaque équipe de projet et chaque bureaude coopération devrait donc se doter d’unesalle de réunion où l’on ne parlera pas seulement des risques, mais aussi régulière-ment de la peur et de tout ce qui l’entoure.

Acquérir des compétencesDans les situations de conflit, il arrive souventque les membres du personnel évitent d’écou-ter les peurs et le vécu de la population cible.Par leur attitude, ils se protègent à doubletitre: d’une part, contre le risque auquel ils

Quelques propositions pour gérer la peurLorsque les membres du personnel n’ont pas l’habitude de parler de leurssentiments, il appartient aux responsables du projet de donner l’exemple.Il importe que les responsables abordent le thème de la peur lors de réu-nions officielles pour faire comprendre à l’équipe qu’il est légitime de s’in-terroger sur ses sentiments. Introduire une nouvelle culture de communica-tion exige de la part des responsables un travail permanent et desconnaissances préalables en matière de conduite d’entretien (� Fiche 7:Personnel de la DDC et des organisations partenaires).� Lors des séances de l’équipe, abordez la peur aussi naturellement que

d’autres sujets, tels que la sécurité. Expliquez, pour commencer, pour-quoi vous jugez important de parler de la peur et présentez ensuite leseffets de la peur chronique sur la motivation des collaborateurs et surleur sécurité, sur le fonctionnement d’une famille et d’une équipe. Àtoutes les séances suivantes, demandez aux personnes présentes ce quiles préoccupe et ce qui leur fait le plus peur. Dressez une liste et lais-sez les participants choisir le point dont ils souhaitent débattre.L’essentiel consiste alors à prendre au sérieux tout ce que les partici-pants expriment sur ce sujet. Des jugements ou des critiques empêche-raient toute discussion ouverte.

� Décrivez toujours des situations concrètes qui font peur, afin de mieuxcomprendre les craintes des gens. Il s’agit ensuite de les aider à mettredes mots sur leurs sentiments, même s’ils ne peuvent pour l’heure rien ychanger. Le fait de partager ses sentiments n’est pas seulement unmoyen utile pour élaborer des formes d’action plus efficaces; il a unsens et une valeur en soi et il importe dès lors de le considérer commeun objectif à part entière dans ce genre d’entretiens. Ces discussionsservent bien entendu aussi à esquisser des solutions pour mieux gérerla situation, à évaluer correctement les risques et à élaborer des mesurespermettant aux personnes concernées de mieux se protéger et contrôlerla situation.

� Plus les membres du personnel sont conscients de leurs propres peurs,plus il leur sera facile de travailler avec les organisations partenaires etavec les groupes cibles. Ils comprendront en effet plus aisément ce queressentent les autres et comment ils peuvent y réagir, et prendrontconscience que le fait de parler de la peur, au lieu de la nier, apporteun soulagement tout en augmentant la sécurité.

� La pression extérieure exacerbe souvent les conflits et les tensions ausein de l’équipe. Si l’on n’en prend pas conscience, un différend peuts’aggraver et s’éloigner de plus en plus d’une solution. Or c’est juste-ment dans les situations à risque qu’il importe de se soutenir et de seprotéger mutuellement. Il faut donc prendre conscience de cette spiraledu conflit, l’étudier et la briser en faisant appel, si nécessaire, à unsuperviseur externe.

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Aspects psychosociaux de la coopération dans le cadre d’un conflit aigu

s’exposeraient s’ils émettaient une critique àl’encontre de l’une des parties en conflit; d’autrepart, contre une confrontation directe avec uneforte souffrance ou des sentiments violents. Lasituation est particulièrement difficile si les col-laborateurs ont vécu la même expérience quela population cible (intimidations, enlèvements,etc.). Si l’on attend des collaborateurs qu’ilsréagissent aux problèmes de la population ens’associant à elle et en l’aidant sur la voie del’empowerment, ils doivent pouvoir aborderces sujets avec plus d’aisance, ce qu’ils nepourront faire que s’ils ont appris à reconnaîtreet à supporter leurs propres inquiétudes etcraintes. Il importe donc de leur donner l’oc-casion d’assimiler les expériences difficilesqu’ils ont traversées et de se faire une idéeprécise des effets de la violence politique surl’individu et la communauté. Lorsqu’ils auront

mené une réflexion suffisamment approfondiesur les conséquences d’un viol, sur l’influenceque des menaces proférées contre une famillepeuvent avoir sur le comportement et le res-senti d’enfants en âge scolaire, etc., alors ilsseront prêts à débattre de ces sujets avec lapopulation. Pour en arriver là, un simple atelierne suffit en général pas. Les collaborateursdoivent en effet avoir régulièrement l’occasionde travailler avec des personnes-ressources,afin d’approfondir leurs connaissances etleurs réflexions personnelles et d’apprendredes stratégies et des techniques pour aborderles différents thèmes de manière adéquate.(� Fiche 7: Personnel de la DDC et des organisations partenaires). Le cours sur lamédiation organisé par la DDC (� www.deza.admin.ch/formation) constitue ici un excellentcomplément.

Meinrad Schade

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Aspects psychosociaux de la coopération dans le cadre d’un conflit aigu

RessourcesAnderson M. B. (1999)Do no Harm: How Aid can Support Peace –or War. Boulder, Lynne Rienner Publishers

DDC (2005)Conflict-Sensitive Programme Management(CSPM). Integrating Conflict Sensitivity andPrevention of Violence into SDC Programmes.www.deza.admin.ch/ressources/resource_en_24650.pdf

DFID/GTZ (2005)A Guidebook to safe and effective develop-ment in conflict, Nepal. Excellente introduction à l’analyse de projetsdans le but d’y intégrer les principes d’unebonne coopération au développement et larègle «Do no harm» (ne pas nuire).

Garel P. (1999)Situations de violence sociale et interventionhumanitaire, Revue Prismes n° 28, Montréal.www.ceci.ca/w/i/n/m010989.htm

Josse, E. (2006) Le traumatisme dans les catastrophes humanitaires www.victimology.be/fr/articles/Traumatisme_catastrophes_humanitaires.pdf

OMS (1997)Introduction aux techniques de counselingdans la prise en charge des victimes de violence: manuel de formation des formateurs(guide). www.who.int

Summerfield D. (1996)L’impact de la guerre et des atrocités sur lespopulations civiles: principes fondamentauxpour les interventions des ONG et une analyse critique des projets sur le traumatismepsychosocial, Overseas Development Institute,Réseau «Aide d’urgence et réhabilitation»,Dossier thématique n°14, Londres.www.odihpn.org/documents/dossierthemati-que014.pdf

Volkan V. (2003) Das Versagen der Diplomatie. ZurPsychoanalyse nationaler, ethnischer und religiöser Konflikte. Giessen: PsychosozialVerlag.

FemmesONU (1998)Les droits humains de la femme: un guide auxdocuments officiels des Nations Unies,www.lawserver.wits.ac.za/humanrts/instree/women/fren-wmn.html

UNESCO (2003)Les femmes et la paix en Afrique: études de cas sur les pratiques traditionnelles derésolution des conflits.http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001332/133274f.pdfEnsemble d'études de cas effectuées au milieudes années 90 dans le cadre du programmeFemmes et culture de la paix (1996-2001).Ce document met en évidence une intéres-sante palette de pratiques traditionnelles enmatière de conflits et de construction de lapaix.

UNESCO, Powers J. (2004)Soutien à la lutte des femmes palestiniennes.http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001341/134105f.pdf

UNESCO, Smith E., Moghadam V. (2005)Consultation régionale sur l’autonomisationdes femmes dans la région des Grands Lacs. http://portal.unesco.org/shs/fr/file_down-load.php/e2edc115cf6e9bf0b10778711e5a7fc6Report.pdfCe rapport présente une description détailléed’une consultation régionale sponsorisée parl’UNESCO sur le thème «Promouvoir l’autono-misation des femmes dans la région desGrands Lacs», organisée à Addis-Abeba du30 mai au 1er juin 2005.

DDC/Toni Linder (Photo Filtre)

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Dealing with the pastFiche 4

� Un passé sur lequel on est obligé de garder le silence etqui se transforme en tabou ne peut être assimilé et constitueune sérieuse menace pour la stabilité présente et future.Un travail de mémoire public et collectif est dès lors indis-pensable pour réussir la transformation d’un conflit.

� La crédibilité morale et juridique du régime instauréaprès un conflit dépend de la manière dont il traite lescoupables et les victimes du passé.

� Pour offrir aux victimes des chances de se rétablir, il fautsystématiquement donner une dimension collective à leursouffrance et reconnaître que les ravages causés auxindividus font partie d’un processus plus ample, quiconcerne toute la société.

� Se réconcilier ne veut pas dire pardonner et oublier, maisse souvenir et changer.

� Transformer un conflit violent ne signifie pas l’éliminer; lebut doit être de développer l’aptitude à affronter et à gérerles conflits pour garantir le règlement pacifique des différends.

Le poids du passéSur le chemin qui mène de la guerre à la paix, de la destruction à la (re)construction, tout le monde –pour différentes raisons – voudrait oublier très vite lepassé: les coupables, parce qu’ils craignent la ven-geance; les victimes, parce qu’elles aspirent à laisserderrière elles les affres de la terreur; et les personnesqui affirment être restées en marge du conflit, parcequ’elles redoutent d’assister à de nouveaux conflits etd’être confrontées à leur propre responsabilité.Simultanément, toutes sortes d’acteurs cherchent àinstrumentaliser le passé, car chacun connaît l’énormeimpact que cela peut avoir sur l’esprit des gens. Quia vécu des atrocités ne peut pas les effacer de samémoire, quels que soient les efforts déployés pour yparvenir, et l’adage «le temps panse toutes les plaies»n’est qu’illusion. Nos pensées s’inscrivant toujours,consciemment ou non, dans un processus historique,nous nous forgeons notre avenir sur la base de notrepassé. Tout espoir de réussite dans la transformation

Peter Damman/Agence Focus

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Dealing with the past

d’un conflit, toute perspective de paix réellerepose en fin de compte sur l’aptitude de lasociété concernée à faire entrer les calamitésde la guerre dans l’histoire, car des événe-ments refoulés se transforment inéluctablementen spectres menaçants pour le présent etl’avenir. Le travail sur le passé est une tâchede longue haleine: en Allemagne, le débat surles victimes et les coupables reste un élémentpolitique sensible et important 60 ans après lafin de la Seconde Guerre mondiale.

RéconciliationSe réconcilier a toujours été une préoccupationcentrale après la fin de conflits armés. Ce sontau départ des ONG chrétiennes, motivées enpartie par des principes religieux, qui ont

engagé une réflexion théorique sur cette notionpour l’utiliser dans le traitement des conflits etla prévention des crises. Avec le temps, la«réconciliation» est devenue un conceptimportant du travail de paix dans presquetoutes les régions en crise. Des esprits critiquesfont souvent observer que les cultures islamique,hindouiste, juive, confucéenne, bouddhiste ou chrétienne donnent des définitions biendifférentes de la notion de réconciliation, etque cet instrument risque ainsi de servir unefois de plus la vision dominante du mondeoccidental et chrétien. Pour combattre unetelle tendance, on s’efforce de séculariser cettenotion et de lui donner un contenu valable etconvaincant quel que soit le contexte.

Les quatre composantes duprocessus de réconciliation� droit et justice

(justice rétributive, réparatrice, compensa-toire),

� travail de mémoire et processus de deuilcollectifs,

� éducation à la gestion des conflits,� équité sociale.

Droit et justice Souvent lié à l’instauration d’un régime démo-cratique, le retour à la paix exige une réforme

profonde du système juridique et un change-ment d’attitude chez les personnes – en parti-culier les juges – qui travaillent dans le cadrede ce système. Une phase de justice transi-toire (transitional justice) doit être consacréeà l’examen de l’injustice passée afin d’établirde nouvelles normes, de lever l’impunité etd’instaurer une culture des droits humains.

Il existe trois approches judiciaires des crimesdu passé, lesquelles présentent chacune desavantages et des inconvénients: il s’agit de lajustice rétributive, de la justice réparatrice et de

La réconciliation peut se définir comme un processus de longue durée, à la fois complexe etcontradictoire:

La réconciliation, c’est� faire en sorte qu’un avenir soit envisa-

geable,� établir ou rétablir des liens,� être capable de se confronter aux

actes et aux ennemis du passé,� entreprendre un processus de transfor-

mation sociale approfondi et durable,� reconnaître les événements du passé,

se les remémorer et en tirer des leçons,� admettre que ce processus ne peut

être que librement consenti.

La réconciliation n’est pas� une justification de l’impunité,� un processus exclusivement individuel,� une alternative à la vérité et à la

justice,� une réponse rapide,� un concept religieux,� une paix parfaite,� une exhortation à oublier ou à

pardonner.

Source: IDEA, 2003

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Dealing with the past

la justice compensatoire. Tandis que la justicerétributive vise plutôt à punir les coupables, lajustice réparatrice cherche avant tout à rétablirles victimes dans leurs droits et à instaurer unemédiation. Quant à la justice compensatoire,elle se préoccupe essentiellement de l’indemni-sation des victimes. Ces trois écoles ont chacune leur manière de chercher la vérité et de rendre justice.

La justice rétributive La justice rétributive recouvre les procédurespénales engagées devant des tribunauxnationaux et internationaux. En montrant queles criminels ne sauraient se soustraire à lajustice et rester impunis, elle a valeur designal fort. Mais ces procédures sont biensouvent longues et laborieuses, et elles nepeuvent être envisagées que si les rapportsde force le permettent et si l’on dispose desuffisamment de preuves. Si la procédure estmenée à l’échelon national, les questionsimportantes sont de savoir si la justice du paysa été impliquée dans les crimes perpétréspendant le conflit, et dans quelle mesure elleest corrompue. Par ailleurs, les politicienscraignent – surtout quand le pouvoir en placeest fragile – que ce genre de procès nerelance le conflit. Dans le cas de procéduresjudiciaires internationales, les populationsconcernées peuvent se demander dans quellemesure leur cause intéresse vraiment la cour.Aussi n’est-il pas rare que le tribunal se fasseaccuser d’appliquer la «justice du vainqueur».Il existe en outre des différences entre la perception locale de la justice et la pratiqueinternationale du droit, qui découle des traditions propres aux pays industrialisés occidentaux. Quoi qu’il en soit, la plupart desgens exigent l’ouverture de procédures pénalesaprès une guerre, en dépit des réserves quesuscite la justice rétributive. Son efficacité aété démontrée dans des pays tels que le Chiliet l’Argentine, où l’on a fini par inculper les auteurs de crimes de guerre après avoirvainement tenté, à de multiples reprises, detirer un trait sur le passé en promulguant deslois d’amnistie et autres textes de loi. Lorsquele nombre de coupables est très élevé, le nouveau gouvernement peut avoir intérêt à

Dans le cadre des commissions de vérité et de réconciliation et des procédures judiciaires, les anciennes victimes ont cinqrevendications principales à faire valoir: � Rétablissement officiel de leur dignité personnelle et de celle de leurs proches.� Adoption et ancrage juridique de mesures d’aide et de soutien propres à

favoriser autant que possible la réhabilitation et la réparation personnelleset sociales.

� Protection et respect pour les personnes disposées à parler de ce qu’ellesont subi. Il s’agit en particulier de protéger les témoins et de leur éviterde nouvelles humiliations devant le tribunal, surtout en cas de violencessexospécifiques. Des dispositions particulières doivent être prises pourque les femmes puissent déposer plus librement sur ce thème.

� Devoir, pour les coupables, d’assumer la responsabilité de leurs actes etde reconnaître publiquement qu’ils ne sont pas au-dessus de la loi. Cetaspect du châtiment est peut-être plus important aux yeux des victimesque des sanctions plus concrètes comme des peines d’emprisonnement.Ce point suscite toutefois des controverses.

� Prise en compte du caractère contradictoire de la vérité. Les victimes espèrentque les éclaircissements apportés les soulageront. Mais la vérité elle-mêmeest toujours douloureuse. Les pertes se révèlent définitives, les souffrancesinfligées vont en diminuant mais ne disparaissent pas complètement. Lavérité est donc au mieux un élément qui favorise le processus de deuil.

gagner le soutien de la grande majorité descitoyens, sans que ceux-ci n’aient à renierexplicitement leurs anciennes adhésions.Dans ce genre de situation, des procédurespénales présentent peu d’intérêt.

La justice réparatrice La justice réparatrice ne satisfait pas le désirde punir les coupables, mais elle rend auxvictimes leur dignité en reconnaissant officiel-lement l’injustice qu’elles ont subie. Il estgénéralement admis que la mise sur pied decommissions de vérité est un moyen utile derompre le silence sur les crimes du passé. Cescommissions élucident les actes qui ont étécommis en se basant sur les dépositions desvictimes et des auteurs de crimes, et donnent àla société dans son ensemble des informationsqui ont pour effet de rompre le déni et d’éviterle révisionnisme historique. Un tel processusapporte aux victimes une sorte de guérisonsociale. Quand l’État confirme officiellement auxfamilles le sort subi par leurs proches disparusou assassinés, il les aide non seulement à faireleur deuil, mais contribue aussi à extraire le

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Dealing with the past

problème de la sphère psychique individuellepour lui donner sa juste place dans le processussocial et politique. Mais il ne faudrait pas endéduire pour autant que le travail d’une com-mission de vérité permet de guérir les victimes.Le slogan «Revealing is healing» de la Truthand Reconciliation Commission sud-africainerepose sur un malentendu: la confrontationdes victimes avec ce qu’elles ont vécu est unprocessus complexe, très long et très pénible.

Plus l’équilibre politique est fragile après unconflit, plus les commissions d’enquête serontfaibles: il sera souvent impossible de menercertaines investigations en raison du pouvoirexercé par les responsables. Et même descommissions dotées de pouvoirs étendus,comme en Afrique du Sud, ne parviennentque dans une faible mesure à faire condam-ner les criminels: dans ce pays, les coupablesqui avaient avoué leurs crimes ont été amnis-tiés, ce qui a été très dur pour nombre de victimes. Le caractère public des travaux dela commission a aussi posé des problèmesaux victimes. En particulier des femmes quiavaient été violées ou torturées ont refusé de

déposer. Elles craignaient que leur témoignagese traduise par de nouvelles intrusions dansleur sphère intime et les amène à perdre lerespect d’autrui au lieu de le gagner.

Les commissions de vérité ne sont donc pasune alternative aux tribunaux. Justice rétribu-tive et justice réparatrice se complètentmutuellement et ne sont pas interchangeables.Il existe de nombreux recoupements entre cesdeux approches, puisque la préoccupationcentrale de toute procédure judiciaire estd’établir la vérité. Et si une commission devérité s’abstient normalement de poursuitespénales, elle peut en faire la recommandationou, comme la commission sud-africaine,accorder l’amnistie. Mais aucune de ces deuxformes de justice n’aboutit automatiquement àl’harmonie sociale. Ni la vérité ni la punitionne peuvent rendre aux victimes ce qu’ellesont perdu. Les conflits ne s’en trouvent pasréglés non plus; mais ils sont soumis à unenorme juridique qui contribue à garantir desprocessus exempts de violence. Ce travailfavorise la réconciliation, mais ne marque deloin pas la fin de ce processus.

Medicus Mundi

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Dealing with the past

La justice compensatoire: Depuis quelques années, on reconnaît de plusen plus la nécessité d’examiner systématique-ment le soutien et les compensations qu’ilconvient d’accorder aux victimes dans unesociété d’après-guerre. Il importe de distinguerclairement les compensations octroyées à titrede réparation des mesures psychosociales deréhabilitation et de réintégration.� Des prestations compensatoires sont sou-

vent judicieuses du fait qu’elles contribuentà soulager la détresse matérielle, mais ellesne sauraient en aucun cas réparer à ellesseules l’injustice subie. Et elles provoquenttoujours un dilemme moral: la famille d’undisparu, par exemple, a bien besoin del’aide matérielle apportée par l’État; maiscette compensation lui donne le sentimentde recevoir le prix du mort. Ce n’est paslà un argument contre la compensation ensoi, mais il faut tenir compte de cettedimension psychologique dans la formula-tion des textes de loi correspondants et dansles relations avec les familles de victimes.

Il est moralement un peu moins probléma-tique pour les bénéficiaires de se voiraccorder des compensations sous la formede droits – par exemple la gratuité dessoins de santé, des études ou de la forma-tion professionnelle. La difficulté consiste àdésigner les ayants droit à ces prestations.Dans un pays pauvre en infrastructures,ces dispositions suscitent inévitablementde la jalousie à l’égard des victimes pré-tendument privilégiées, d’autant plus sil’opinion ne reconnaît pas à certainescatégories de bénéficiaires la qualité devictimes (p.ex. réfugiés revenus de l’exilou membres d’un autre camp politique). Ilest également légitime de s’interroger surle caractère équitable de telles mesureslorsque des anciens combattants reçoiventdes compensations et des traitements defaveur, tandis que certaines de leurs victimesn’obtiennent rien. Il convient donc de préciser systématiquement pour quellesraisons certaines personnes bénéficient deprivilèges sociaux et d’autres pas.

L’assistance psychosociale aux victimes doit veiller aux pointssuivants� Il convient d’ancrer dans la loi les droits des victimes en matière de

réhabilitation. � Les activités de réhabilitation ne doivent pas se limiter à la santé publique,

mais s’étendre autant que possible aux secteurs communautaire et éducatif. Le partenariat entre ONG et pouvoirs publics est particulière-ment important dans ce domaine.

� Les spécialistes (enseignants, ecclésiastiques, guérisseurs locaux, éduca-teurs, infirmières, etc.) doivent acquérir des connaissances de base surles traumatismes psychiques afin de pouvoir aider dans leur domainespécifique les personnes qui en souffrent.

� Il faut éviter toute «psychopathologisation» de la population en employant,par exemple, des termes en usage dans la médecine occidentale (p.ex.«syndrome de stress post-traumatique») qui ne reflètent pas la sensibilitéculturelle locale. Par ailleurs, il importe de mettre en place une aide personnalisée pour les personnes gravement traumatisées. On s’efforcerade former des experts locaux disposant de compétences adaptées aucontexte (� Fiche 15: Santé).

� Les mesures envisagées doivent d’emblée porter sur le long terme. Ilconvient d’éviter de fausses promesses de guérison.

� Les mesures psychosociales de réhabilita-tion et d’intégration des victimes sont unélément essentiel de la transformationdurable d’un conflit. D’une manière géné-rale, les mesures nécessaires – allant de laréhabilitation physique (p.ex. prothèsespour les victimes de mines) jusqu’à la psy-chothérapie – dépassent ce que peut assu-mer un budget national. De plus, force estde constater que quelques années aprèsla fin d’un conflit, les donateurs internatio-naux ne prévoient plus guère de fondspour la réhabilitation. Simultanément, onse rend compte que les traitements sontbeaucoup plus longs et difficiles que nel’imaginaient à l’origine les bénéficiaires.Les recherches scientifiques effectuées surles survivants de l’holocauste ont révéléque les traumatismes engendrent des pro-blèmes psychiques à la vieillesse et destroubles chez les enfants des victimes, quise répercutent jusqu’à la troisième généra-tion. Mais il s’agit, hélas, d’un constatdont on ne tient pas compte dans la plani-fication des mesures de réhabilitation pourles zones en guerre ou en crise.

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Dealing with the past

Travail de mémoire et processus de deuil collectifsL’exorcisation du passé ne passe pas seulementpar des procédures juridiques; elle relève fondamentalement d’un processus culturel quiconcerne la société dans son ensemble. Lamémoire collective s’exprime et se développeau travers de journées et de lieux de commé-moration, de monuments et de débats publics,de productions artistiques et de documentaires(que ce soit par l’image, le son ou l’écriture).Un tel travail contribue à la transformation duconflit, en ce sens que les souffrances subiesperdent leur caractère individuel et (re)deviennentl’affaire de tous. Se souvenir, c’est analyser ettransformer le passé dans le présent, c’estengager un débat constamment renouveléafin d’ouvrir de nouvelles perspectives pourl’avenir. Structurer la mémoire par des symbolescollectifs constitue le moyen – jamais exemptd’antagonismes – de régler sans violence lesconflits du passé pour aller de l’avant. Bienentendu, ces processus sont exposés à un risque permanent de manipulation. Mais l’essentiel réside dans le fait que les symbolescollectifs et diverses formes de commémorationbrisent le «mur du silence» et contribuent ainsià engager un dialogue nouveau et différentau sein de la société.

Pour les victimes, le travail de mémoire collectifrevêt aussi une signification très personnelle.Le conflit social s’est incarné en elles et a laissédes blessures et des cicatrices très concrètes.Souvent, elles ressentent ces blessures commeune maladie qui n’affecte qu’elles. Si de nom-breuses victimes ont effectivement besoin d’untraitement individuel, force est de constater queleur guérison passe aussi par une approches’étendant à la communauté dans son ensemble.La reconnaissance obtenue par les victimesdans le cadre du travail de mémoire collectifse traduit par des bénéfices indéniables entermes de réintégration sociale, leur souffranceindividuelle devenant une souffrance partagéepar la communauté.

Un aspect primordial du travail de mémoireet des processus de deuil collectifs est deretrouver les disparus et d’inhumer les morts.

Dans la plupart des zones en guerre ou encrise, de nombreuses personnes ont disparu ouont été enterrées provisoirement, sans sépulturedigne de ce nom. Le recours à des médecinslégistes, à des équipes de sauveteurs et à desorganisations chargées de localiser les disparuset les morts vise à fixer les familles sur le sortde leurs proches et à leur permettre de leurdonner une sépulture décente (� Fiche 11:Personnes disparues ou assassinées). Les genspeuvent vivre avec leur souffrance, mais ils nesauraient oublier leurs morts.

Éducation à la gestion desconflitsLa fin d’un conflit armé et le début d’un pro-cessus de démocratisation obligent les gens àse réorienter. Des comportements jugés nor-maux pendant longtemps ne le sont plus.Dans la période de conflit aigu, la plupartdes gens se sont laissés aller à la passivité,ont attendu que d’autres prennent des déci-sions, pris le moins de risques possible et évitétoute discussion pour se protéger et assurerleur survie. Après le conflit, les initiatives per-sonnelles sont tout à coup bienvenues, onattend de la population qu’elle exprime sesdésirs et ses opinions, et que tout le mondeparticipe activement à l’organisation de lasociété. Cette réorientation n’est possible quesi a) les mécanismes de peur chronique inté-riorisée sont remis en question (� Fiche 2:L’approche psychosociale), et b) la soumissionet l’autoritarisme sont surmontés. Le respectdes droits humains qu’il s’agit d’instaurerdemande non seulement l’apprentissage etl’adoption des normes juridiques correspon-dantes, mais aussi un processus de matura-tion et de libération psychologiques.

Le développement de l’aptitude à gérer lesconflits ou, comme le dit T.W. Adorno, del’émancipation («Mündigkeit»), est une tâchefoncièrement éducative (� Fiche 16: Éducationet formation), mais pas uniquement. Nombrede processus sociaux – par exemple des élec-tions libres – sont porteurs d’enseignements.Au Chili, lorsque la dictature a pris fin etqu’un plébiscite a été organisé pour savoir sile peuple voulait qu’Augusto Pinochet reste au

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Dealing with the past

pouvoir, la plupart des citoyens ne croyaientpas, au début, que leur voix compterait. Oncraignait en outre que le résultat du plébiscitene soit pas reconnu par la dictature et donnelieu à une violente répression. C’est pourquoila campagne contre Pinochet a visé en prio-rité à donner du courage aux électeurs autourdu slogan «voter ‘non’ sans crainte et sansviolence». Le ‘non’ l’emporta, avec des consé-quences considérables pour l’avenir du pays.

Équité socialeUne réconciliation véritable n’est possible quesi l’on traite et élimine les causes structurellesd’un conflit (� Fiche 1: Introduction). Si lesdétenteurs du pouvoir continuent de gouver-ner au mépris des principes démocratiques, sila réalité sociale est faite d’exploitation éco-nomique et d’inégalités, toute perspective depaix est vouée tôt ou tard à l’échec. L’équitésociale reste donc un thème central du travailà accomplir pour surmonter le passé.

Mais si l’équité sociale est indispensable, ellemarquera au mieux l’aboutissement d’un pro-cessus de longue haleine. On s’emploieradonc à offrir à la population une vraie possi-bilité de participer à ce processus et de ledévelopper. Seule une telle démarche permeten outre de faire comprendre aux gens quecertains objectifs importants ne peuvent êtreatteints qu’à long terme.

Questions-clés pour le suivi d’un projet� Est-on au clair sur l’importance et la signification du travail de mémoire?

Prend-on en considération et intègre-t-on dans le travail du projet lesaspects tels que droit et équité, travail de mémoire et processus de deuilcollectifs, aide aux victimes et réhabilitation, éducation à la gestion desconflits?

� Le projet a-t-il une vision à long terme de la transformation du conflit, etses activités sont-elles adaptées à cette vision?

� Le projet s’attache-t-il à thématiser les causes persistantes de conflit auxéchelons micro- et macro-social?

� Au-delà des instances officielles, le travail de paix est-il mené dans lesdomaines où il existe des possibilités concrètes de coopération?S’emploie-t-on, en vertu du principe «Do no harm» (ne pas nuire), à ren-forcer les connectors (forces de paix locales ou facteurs de rapproche-ment) et à affaiblir les dividers (forces qui incitent à la violence et quifragilisent les liens sociaux)? (Principes énoncés par Mary Anderson).

� L’évolution du processus de paix, telle qu’elle se reflète dans le travaildu projet, est-elle examinée et documentée avec soin?

� Étudie-t-on une approche locale adaptée au contexte pour venir en aideaux victimes? Les dimensions politiques, sociales, sanitaires et économiquessont-elles dûment prises en compte?

� Quelle est la culture de gestion des conflits adoptée dans le cadre duprojet? Que fait-on pour développer une telle culture?

� Quels efforts le projet entreprend-il pour promouvoir dans son champd’action une bonne culture du dialogue? S’emploie-t-on à promouvoir lesprocessus de médiation, même modestes?

DDC/Andrée-Noëlle Pot/Keystone

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Dealing with the past

RessourcesAnderson M.B. (1999)Do No Harm: How Aid can Support Peace –or War, Boulder: Lynne Rienner Publishers

Anderson M.B. (Ed. 2000)Options for Aid in Conflict: Lessons from FieldExperiencewww.conflictsensitivity.org/resource_pack/8_do_no_harm_local_capacities_for_peace_pro-ject_323.html Bref exposé du principe «Do no harm» (nepas nuire).

Association Internationale de Recherche surles Crimes contre l’Humanité et les Génocides(AIRCRIGE)http://aircrigeweb.free.fr/

Berghof Center for Conflict Management(2005)Handbook for Conflict Transformation. www.berghof-handbook.netCe manuel accessible en ligne contient desarticles publiés par des leaders du débat surla transformation des conflits concernant lesnotions de base, les instruments et les leçonstirées de l’analyse et du traitement de conflits.Il retrace également les expériences acquisesavec les réformes structurelles et le contrôlede la violence, ainsi que les méthodes deréhabilitation et de réconciliation.

Boraine A. (2004)Transitional Justice as an Emerging Field. www.idrc.ca/uploads/user-S/10829975041revised-boraine-ottawa-2004.pdf

Doray B. (2001)Alliance pour un monde responsable, plurielet solidaire – Guerres, génocides, … faceaux situations extrêmes, restaurer l’humanitédans l’humain. www.alliance21.org/fr/proposals/

Hamber B. & Kelly G. (2004)A Working Definition of Reconciliation.Occasional paper published by DemocraticDialogue, Belfast www.brandonhamber.com/pubs_papers.htm

Discussion d’éléments centraux du processusde réconciliation.

Hamber B. & Wilson R. (2002)Symbolic Closure through memory, reparationand revenge in post-conflict societies. Journalof Human Rights, Volume 1, Number. 1,(March 2002), pp. 35–53. www.brandon-hamber.com

IDEA (2003)Reconciliation after Violent Conflict: AHandbook. International IDEA: Stockholm.www.idea.int/publications/reconciliationCe manuel donne un bon aperçu des principeset des principaux instruments du processus deréconciliation, en expliquant les avantages etles inconvénients que comportent chacune deces approches dans différents contextes.

Instituts et centres d’études qui traitent desaspects théoriques et pratiques du processusde réconciliation:� International Center for Transitional

Justice, US: www.ictj.org� Initiative on Conflict Resolution and

Ethnicity, UK: www.incore.ulst.ac.uk� Center for the Study of Violence and

Reconciliation, Südafrika: www.ijr.org.za� Research Initiative on the Resolution of

Ethnic Conflict (RIREC), www.nd.edu/%7Ekrocinst/index.html

Justice et Paix Mémoire et Oubli, comment se réconcilier?www.justicepaix.be/documents/2005-Memoireetoubli_000.pdf

Jewsiewicki B. (2004)Représentation du passé comme réparation –l’histoire après l’apartheid, in Cahiers d'étudesafricaines, dossier «Réparations, restitutions,réconciliations», pp.173–174 http://etudesafricaines.revues.org/docu-ment4692.html

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Analyse des perspectives d’empowermentFiche 5a

Mode d’emploiDescription des problèmes: Fragmentation et destruction Déterminez tout d’abord à quel niveau vous allez débuter l’analyse.� Travaillez-vous avec des clients? – Dans ce cas, commencez

au niveau de l’individu/de la famille, pour poursuivre par uneanalyse de la communauté/société. Si vos clients sont membresd’un mouvement politique ou d’un autre type de groupement, ilest recommandé d’analyser le problème au niveau du groupe.

� Travaillez-vous avec des groupes de personnes (groupes demères, de jeunes, de consommateurs, d’épargnants, etc.)? –Commencez alors au niveau du groupe. Analysez ensuite lerapport entre le groupe et la communauté/société. Choisissezensuite quelques membres du groupe pour procéder à uneanalyse individuelle ou familiale, selon le temps et les informa-tions dont vous disposez.

� Travaillez-vous plutôt au niveau de la société (travail de plai-doyer, gouvernance à partir de la problématique des ancienscombattants de tout un district ou des réfugiés de toute unerégion, etc.)? – Commencez alors par analyser la commu-nauté/société. Il est toutefois essentiel de procéder ensuite àl’analyse de cas individuels, pour affiner votre compréhensionde la situation du groupe cible et choisir des activités qui cor-respondent aussi aux problèmes personnels des membres dugroupe cible.

� Cet instrument sert à la fois à saisir la situation psychosocialedans toute sa complexité et àréduire suffisamment cette com-plexité pour qu’il soit possibled’agir.

� Cet instrument permet de recon-naître l’ampleur de la fragmenta-tion et de la destruction, et deconsidérer leur traitement commefaisant partie intégrante du pro-cessus d’empowerment. Il va desoi que ce processus n’est possibleque si les ressources disponiblessont utilisées à bon escient. Orles personnes concernées serontmieux à même de le fairelorsqu’elles auront admis l’éten-due des dégâts.

� Cet instrument sert à faire le lienentre les dimensions individuelles etcollectives, sociales et psychiques.

� Cet instrument est utile à n’im-porte quelle étape de la planifi-cation, de la réflexion ou del’évaluation. Le plus judicieux estde l’appliquer au sein del’équipe de projet ou avec legroupe cible.

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Analyse des perspectives d’empowerment

Les questions formulées ci-après vous aiderontà bien cerner les problèmes. Vous pouvez yrépondre dans l’ordre. Si vous n’êtes pas enmesure de répondre à une question, laissez-lasimplement de côté. Lorsque vous relevez desaspects qui ne correspondent à aucune ques-tion, mais qui font partie de la description duproblème, incluez-les dans votre analyse.

Rétablissement de liens: renouer ce qui a étédéchiréLorsque vous analysez les conséquences dela menace et de la peur, de la destruction etdes traumatismes, de la perte et du deuil,c’est-à-dire lorsque vous considérez la frag-mentation de la société dans toute son ampleur,vous pouvez entrevoir des pistes pour recréerdes liens et aider les gens à se rétablir. Ceprocessus favorise l’empowerment de l’indi-vidu, des groupes et de la communauté. Ilcomprend trois étapes:

Amélioration de la situation: formuler desobjectifsLa première étape consiste à formuler lesobjectifs à atteindre pour que la personne/lafamille aille mieux, pour que le groupedevienne plus fonctionnel et la communautéplus solidaire et ouverte à l’intégration.Inspirez-vous de la description des problèmespour répondre aux questions qui se posent enrelation avec la formulation de ces objectifs.Pour chaque problème décrit, il convientd’imaginer une solution et de la formulerensuite sous forme d’objectif. L’essentielconsiste à ne pas confondre l’objectif et lemoyen de l’atteindre. Il importe ici de sereprésenter concrètement ce qui doit changer.

Développement de moyens d’action: définirdes activitésAu cours de la deuxième étape, il convientd’examiner quelles sont les activités qui per-mettront aux individus et aux familles, auxgroupes et aux communautés d’atteindre lesobjectifs définis. Cette réflexion comprendtrois phases:

� Vous classez les objectifs par ordre depriorité. Exemple: une femme a été mal-traitée par son mari parce qu’elle n’a pasdonné naissance à un garçon; par ailleursla famille vit dans la pauvreté. Vous devezdonc définir l’ordre de priorité des diffé-rents objectifs à atteindre.

� Vous fixez vos priorités conformément à votremandat institutionnel. Dans quels domainespouvez-vous effectivement intervenir? Celadit, il est tout aussi important d’examinerce que vous pouvez entreprendre pourque les domaines qui ne sont pas de votreressort soient également traités. Commentpouvez-vous promouvoir la création d’unréseau ou motiver d’autres personnes àassumer une tâche donnée? Cette manièrede procéder vous permettra de comprendreclairement la contribution que vos activitésapportent au processus global d’empower-ment. Le risque que les arbres cachent laforêt, c’est-à-dire que vous perdiez la vued’ensemble en vous concentrant sur undomaine spécifique, diminuera ainsi, tandisque l’action gagnera en clarté et seramieux ciblée.

� Vous définissez les activités qui permet-tront d’atteindre l’objectif fixé. Cettedémarche se fonde sur les problèmesdécrits et les objectifs formulés.

Formulation d’objectifs réalistesAu cours de la dernière étape, vous vousattachez à formuler des objectifs réalistespour votre projet ou pour votre organisation.Cela signifie que vous ne devez pas formulerdes objectifs que vous souhaiteriez atteindredans l’idéal (comme sous 2), mais ce quevous croyez effectivement pouvoir réaliser.

L’instrument décrit ici a été élaboré sur la base du programmemené en faveur des survivants de la violence au Kwazulu-Natal: Highson-Smith, C. (2002). Supporting communitiesaffected by violence. A Casebook from South Africa. Oxford:Oxfam.

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Analyse des perspectives d’empowerment

Description des problèmes aux différents niveaux de la société: Menace/peur, destruction/traumatisme, perte/deuil

Communauté/société

Formulation d’objectifs réalistes

Fixer des priorités en tenant compte des possibilités et des priorités institutionnelles.

Amélioration de la situation: formuler des objectifs à partir de la description des problèmes

Développement de moyens d’action: Que faire?

GroupeIndividu/famille

Comprendre le disempowerment – Favoriser l’empowerment

Dis

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Objectifs pour la communauté/la société

Objectifs pour les individus/les familles

Objectifs pour les groupes

Activités au niveau de la communauté/de la société

Activités au niveau du groupe

Activités au niveau del’individu/de la famille

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Analyse des perspectives d’empowerment

Dimension matérielle

� Quels sont les ressources dela personne/famille?Son revenu est-il suffisant?

� Quelle est sa situation enmatière de logement?

� La personne/famille pos-sède-t-elle des biens ou desressources financièresqu’elle peut utiliser?

� La personne/famille pos-sède-t-elle des aptitudes quilui permettraient d’améliorersa situation matérielle?

� Depuis quand la situationmatérielle se présente-t-elleainsi? Comment se présen-tait-elle avant?

Dimension psychologique

� Comment la personneconcernée se sent-elle (peur,insécurité, sentiments refoulés,désespoir, colère, honte,etc.)?

� Qu’est-ce qui caractérise leclimat émotionnel dans lafamille (peur, soupçons réci-proques, manque de soutienmutuel, absence de limitesclairement établies, conflitspersistants, etc.)?

� Existe-t-il des maladies phy-siques dans la famille? Si oui,quelle est leur importance?

� Quels sont les forces de lapersonne/famille d’un pointde vue émotionnel et social?

� Quel est le rapport entre lasituation émotionnelleactuelle et le vécu de la personne et de sa famille?

Dimension sociale

� Existe-t-il des menaces?

� Quelles sont les relations ausein de la famille? Quelssont les conflits, les hiérar-chies et les alliances?

� Comment prend-on soin desenfants? Quelle protectionleur assure-t-on? Vont-ils àl’école?

� Quels sont les rapports avecles voisins/amis/collègues,etc.? La famille est-elle isoléeou possède-t-elle un réseausocial solide?

� L’existence de valeurs/tradi-tions sociales, ou la dispari-tion de valeurs ou de nor-mes ont-elles une influencesur le contexte social?

� Quels sont les aspects positifs du contexte social?Quels sont les éléments solides sur lesquels il estpossible de construire?

� Depuis quand la situation enest-elle au stade décrit?

Processus de disempowermentFragmentation et destruction: description des problèmes – individu/famille

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Analyse des perspectives d’empowerment

� Comment le groupe s’est-il formé?

� Comment le groupe se définit-il lui-même: thèmes principaux, tâches, objectifs, caractéristiques desmembres?

� Quels sont les facteurs qui stabilisent le groupe?– Facteurs externes (hostilité/bienveillance du monde extérieur, conditions politiques/sociales de

l’entourage, cadre légal, protection active par d’autres organisations, etc.).– Facteurs internes (solidarité, soutien mutuel, amélioration de la situation matérielle des membres du

groupe, acquisition de savoir, sécurité, etc.).

� Quels sont les facteurs qui déstabilisent le groupe ou qui poussent des membres à le quitter?– Facteurs externes: menaces, attitude de rejet de la part de l’entourage, etc.– Facteurs internes: conflits, hiérarchies trop rigides, mécanismes d’exclusion, méfiance, peur, etc.

� Le groupe se distingue-t-il fortement de son environnement social/des non-membres? Est-il difficile oufacile pour les non-membres d’entrer en contact avec le groupe?

� Depuis quand la situation en est-elle au stade décrit?

Processus de disempowermentFragmentation et destruction: description des problèmes – groupe

� Qui apporte un appui aux personnes/familles/groupes faisant l’objet de discriminations (réfugiés,anciens combattants, veuves, victimes de la violence sexospécifique, etc.) et s’occupe des thèmes etdes problèmes liés à leur situation?

� Qui pratique quel type de discrimination envers ces personnes/familles/groupes et envers les thèmesqui les concernent (écoles, église, services de santé, clubs, groupes de consommateurs, organismespolitiques, entreprises, fonds d’entraide, etc.)? Comment les personnes/familles/groupes concernés yréagissent-ils?

� Que pense l’opinion publique de ces personnes/familles/groupes, de leur situation et des thèmes quiles préoccupent? Qui influe sur l’opinion publique? Comment les personnes/familles/groupes concer-nés réagissent-ils face à l’opinion publique et comment l’influencent-ils? Comment les membres de lacommunauté et les personnes/familles/groupes concernés communiquent-ils entre eux? Leurs rapportssont-ils fortement marqués par de la haine, de la colère, de la peur, etc.?

� Quel est le comportement de la police/de la justice ou des juridictions traditionnelles à l’égard de cespersonnes/familles/groupes et de leurs problèmes? Quelle attitude les personnes/familles/groupesconcernés adoptent-ils face aux instances qui représentent la loi et l’ordre?

� Quel rôle les valeurs/traditions jouent-elles dans l’attitude des membres de la communauté à l’égardde ces personnes/familles/groupes et de leurs problèmes? Quand et comment ces valeurs/traditionsse transmettent-elles principalement? Quelles sont les possibilités de débattre de ces valeurs et de lesremettre en question?

� La présence des personnes/familles/groupes concernés augmente-t-elle/réduit-elle les ressourcesmatérielles des membres de la communauté? Comment ceux-ci perçoivent-ils l’aide fournie à ces personnes/familles/groupes?

Processus de disempowermentFragmentation et destruction: description des problèmes – communauté/société

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Analyse des perspectives d’empowerment

Individus/famillesQuelles activités permettraient deréaliser les objectifs fixés pour les

individus/les familles?

Amélioration de la situation: formuler des objectifs à partir de la description des problèmes

Formulation d’objectifs réalistes et concrets

Développement de moyens d’action: Que faire?

Pers

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d’em

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Réta

blis

sem

ent

delie

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Objectifs pour la communauté/la société

Que faut-il modifier pour que l’opinion publique soit moins

discriminatoire?

Que faut-il changer pour que lesorganisations et les institutions de la commune soutiennent mieux et

davantage les personnes/familles/groupes discriminés?

Quelles valeurs et traditions faut-ilremettre en question pour parvenir à surmonter les problèmes? Auprèsde quelles personnes/institutions

faut-il commencer ce travail?

Que faut-il changer pour améliorerl’accès aux ressources pour tous?

Quels objectifs, parmi ceux qui ontété formulés, pourraient susciter des

résistances chez les personnesconcernées ou aller à l’encontre de

leurs intérêts?

Objectifs pour les individus/ les familles

Quels aspects psychiques faut-il transformer?

Que faut-il modifier dans les relations familiales?

Quelles valeurs et traditions faut-ilremettre en question pour parvenir

à surmonter les problèmes?

Que faut-il changer dans les relations sociales?

Quels problèmes économiques/matériels faut-il résoudre?

Quels objectifs, parmi ceux qui ont été formulés, pourraient susciterdes résistances chez les personnesconcernées ou aller à l’encontre

de leurs intérêts?

Objectifs pour les groupes

Que faut-il modifier dans les objectifs et dans les activités

habituelles du groupe?

Que faut-il changer dans les relations internes du groupe?

Que faut-il modifier dans les relations que le groupe entretient avec l’extérieur?

Que faut-il modifier dans les ressources matérielles du groupe?

Quels objectifs, parmi ceux qui ont été formulés, pourraient

susciter des résistances chez les personnes concernées ou aller à

l’encontre de leurs intérêts?

Communauté/sociétéQuelles activités permettraient deréaliser les objectifs fixés pour la

communauté/société?

GroupesQuelles activités permettraient deréaliser les objectifs fixés pour les

groupes?

Fixer des priorités: Lesquelles de ces activités l’organisme est-il en mesure de mener lui-même? Quelles activités doit-il déléguer? À qui? Par quel biais? Le principe «Do no harm» (ne pas nuire) est-il respecté?

Perspectives d’empowermentRétablissement de liens: Analyse des problèmes et perspectives

concernant les moyens d’action

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Analyse des traumatismes séquentielsFiche 5b

Mode d’emploi� Il est indispensable de commencer par lire la fiche 2 (L’approche psycho-

sociale). Avant d’utiliser cet instrument, vous devez connaître la définitiongénérale d’un traumatisme.

� Cet instrument est une grille d’analyse, c’est-à-dire qu’il contient des éléments de base pour chaque séquence traumatique, à partir desquelsvous pouvez décrire un contexte psychosocial spécifique. Différents faitscaractérisent une situation: d’une part, des événements sociopolitiquesqui ont influé sur la vie de tous (un coup d’État ou une vague d’arresta-tions, p. ex.); d’autre part, des expériences individuelles qui ont marquéle groupe/le cercle de personnes avec qui l’on mène l’analyse (Mme X aété torturée, les proches de M. Y ont disparu, notre village a été incen-dié, etc.). Lors de l’analyse de chaque séquence, vous pouvez mettrel’accent sur l’un ou l’autre de ces deux niveaux en fonction de l’objectifde l’analyse: il variera selon que vous vous concentrez sur le développe-ment d’une région entière ou que vous vous préoccupez des individus,par exemple d’un groupe de femmes dans un village. Il est toutefoisrecommandé d’inclure les deux types de données dans l’analyse.

� Commencez par prendre connaissance de la grille d’analyse.Considérez qu’il existe six séquences distinctes et examinez dans quelleséquence se situe la région où vous travaillez. Logiquement, vous ne pouvez mener l’analyse du traumatisme séquentiel que jusqu’à laséquence dans laquelle vous vous trouvez. Votre analyse comprendradonc au minimum deux séquences et au maximum six.

Suite en dernière page

� Cet instrument aide à replacer le processus traumatique dansun contexte social et culturel spécifique et à comprendre leproblème actuel en fonction de son évolution dans le temps. Il vise à rompre le caractère intemporel de l’effroi qui accom-pagne une expérience traumatique en réintroduisant la notiondu temps avec sa succession de passé, de présent et de futur.

� Cet instrument permet de comprendre les souffrances et la destruction vécues par les individus dans le contexte social.

� Cet instrument peut être utilisé lors de la planification d’un projet, de même qu’à des fins de réflexion ou d’évaluation dutravail en cours. Il peut être appliqué judicieusement au seinde l’équipe du projet, avec le groupe cible ou avec des individus.

� Cet instrument peut être utilisé de manière indépendante oucompléter l’analyse des perspectives d’empowerment. Il neprévoit pas la définition d’activités, mais permet de comprendrela situation dans son ensemble pour développer des actions pertinentes.

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Analyse des traumatismes séquentiels

Avant le processus traumatiqueCaractéristiques de baseOn considère ici la situation dans laquelle les habitants vivent avant l’éclatement d’unconflit. Cette situation «normale» peut bien entendu être marquée par des événementstraumatiques, tels que des expériences individuelles (accident de voiture, p. ex.), laviolence structurelle (pauvreté) ou des événements historiques non maîtrisés (guerreset persécutions au cours des 50 dernières années).

TraumatismeSchéma des séquences

contexte social prédédu schéma de

Après la persécutionCaractéristiques de baseLe conflit est terminé. Il n’y a plus de persécution. La sécurité du droit est souvent lar-gement rétablie, la vie des gens n’est plus en danger. Cela ne suffit pas pour mettrefin au processus traumatique, même si la menace a disparu. Élément essentiel: c’est pendant cette phase seulement qu’apparaissent les pathologies individuelles etsociales à long terme. Actions possiblesMener des processus de deuil, évoquer et traiter les agressions, engager un processusde travail sur le passé, élaborer des perspectives à long terme, promouvoir la vérité,la justice et la réconciliation, traiter durablement les traumatismes. Actions impossiblesOublier le passé, empêcher le passé d’influer sur le présent.

Période de transitionCaractéristiques de baseNégociations de paix ou déclaration de cessez-le-feu. Si le conflit n’est pas complète-ment terminé, il n’y a plus de persécution directe. Parfois, certaines libertés réappa-raissent, d’autres fois la répression devient insupportable. La transition peut être trèsbrève ou durer des années. Cette période permet pour la première fois d’envisagerun avenir, tout en confirmant le caractère immuable du passé. C’est une période dechangement et de crises personnelles. Actions possiblesAider à surmonter la peur, activer/consolider les réseaux sociaux, favoriser la communication non violente, enterrer les morts, élaborer des perspectives à moyenterme, poursuivre les échanges d’expériences sur le conflit (récits parallèles), traiterles traumatismes.Actions impossiblesEntamer la réconciliation, garantir la sécurité.

FuiteExpulsion et fuite s’inscrivent toujours d

en exil appartient elle aussi à l’événemeelle est souvent ressentie de manière sim

l’exil et le retour présentent leurs (Fiche 9: Réfugiés e

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Analyse des traumatismes séquentiels

Début de la persécutionCaractéristiques de baseCette première phase traumatique désigne la période pendant laquelle le conflit s’envenime déjà, mais où la menace n’est pas encore immédiate ou absolue. Il existep.ex. une différence entre le fait d’être poursuivi, mais encore en mesure de secacher, le fait d’assister à l’arrestation d’un voisin ou celui d’être arrêté soi-même. Actions possibles Examiner les éléments relatifs à la protection individuelle et au danger pour aider les gens à mieux gérer la peur, renforcer les réseaux sociaux en tenant compte desnouvelles circonstances, échanger des expériences sur la manière de gérer la situation (récits parallèles).Actions impossiblesÉlaborer des projets à long terme, rétablir la confiance sociale, mener des processusde deuil à long terme.

s séquentielstraumatiques dans un

éfini – Élargissement Hans Keilson

Persécution aiguë: la terreur directeCaractéristiques de baseCette deuxième séquence se distingue par l’expérience traumatique directe et existen-tielle: arrestation, torture, assassinat, destruction. Actions possiblesFournir une aide d’urgence, enseigner des techniques de survie et d’autodéfense.Mener des interventions psychosociales de crise, établir des liens entre le processussociopolitique et l’expérience de souffrance personnelle, aider à gérer la peur, mettreà disposition des locaux sûrs.Actions impossiblesRéactiver le développement à long terme, évoquer et traiter les agressions, favoriserdes interactions non violentes, ménager des espaces de communication sûrs et fiables,mener des processus de deuil, entreprendre un travail à long terme sur les trauma-tismes.

Persécution aiguë: chronicisationCaractéristiques de baseSéquence étroitement liée à la précédente, les deux alternant parfois dans le cycle de la guerre. Au cours d’un conflit ou d’une persécution, on assiste parfois à desaccalmies. Des conflits ayant connu une escalade extrême comprennent toujours desphases de terreur aiguë, individuelle ou sociale, et des phases de terreur latente oude chronicisation.Actions possiblesSe protéger, stabiliser les réseaux sociaux, assurer un suivi psychothérapeutique,aider à gérer la peur, mener des processus (partiels) de deuil, laisser s’exprimer lafragilité, aider à reprendre confiance, créer des espaces de communication socialeplus fiables, échanger des expériences sur le conflit (récits parallèles), traiter les traumatismes.Actions impossiblesEntamer la réconciliation, élaborer des perspectives de changement à long terme,évoquer et traiter l’agressivité.

e/exildans la persécution directe. Mais la vie nt traumatisant. Du point de vue subjectif,

milaire à la période de transition. La fuite, propres séquences traumatiques.

et déplacés internes)

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Analyse des traumatismes séquentiels

� La fuite et l’exil constituent une forme particulière de traumatisme, qui possèdesa propre succession de séquences (� Fiche 9: Réfugiés et déplacés internes).

� Dans le cadre de votre analyse, lisezattentivement les caractéristiques de basede chaque séquence traumatique.Décrivez ensuite les éléments qui caracté-risent cette séquence dans l’histoire devotre pays et du groupe soumis à cetteanalyse.

� Commencez par la première séquence«Avant le processus traumatique». Sa des-cription évalue notamment les problèmesqui existaient déjà à ce moment-là tout en appartenant à l’ordre «normal» deschoses ou à la paix. Elle vise par ailleursà déterminer à quel moment cette périodea pris fin.

� La deuxième séquence «Début de la per-sécution» peut être plus ou moins brève.L’essentiel est de comprendre qu’il existetoujours une période pendant laquelle laterreur n’est pas encore totale, mais où on la sent arriver, où elle commence às’exercer.

� La troisième séquence «Persécution aiguë:la terreur directe» et la quatrième séquence«Persécution aiguë: chronicisation» sontétroitement liées et alternent souvent, desorte qu’elles peuvent présenter des élé-ments contradictoires. Il n’est pas toujoursfacile de les distinguer l’une de l’autre,mais il est essentiel d’y parvenir. Pendantune guerre ou sous une dictature, on passesouvent beaucoup plus de temps à attendreet à craindre de nouvelles catastrophesqu’à vivre des moments de destruction violente. Pendant cette période de latence,appelée chronicisation, il est parfois possiblede mener des activités de développementdont la réalisation serait impossible enpériode de terreur aiguë. D’où l’importancede distinguer ces deux séquences.

� La cinquième séquence «Période de transi-tion» peut être très brève, mais aussi rela-tivement longue. Il arrive souvent que leconflit reprenne pendant cette séquence etque l’on assiste à un retour vers lesséquences trois et quatre.

� La dernière séquence «Après la persécu-tion» est la plus complexe du point de vuepsychologique. La description de cetteséquence doit en particulier mettre l’ac-cent sur la situation des victimes, sur letype d’aide ou de prise en charge fournieou non et sur les processus de réconcilia-tion sociale, c’est-à-dire sur le traitementjuridique et social du passé, etc.

� Lorsque vous avez terminé la descriptionde la séquence traumatique actuelle,reprenez les descriptions de toutes lesséquences précédentes pour vous faire uneidée de l’ensemble. Ce faisant, vous devezsavoir que les séquences précédentesjouent toujours un rôle dans la séquenceactuelle, mais que de nouveaux élémentsviennent s’y ajouter. Votre travail ne seradès lors pas le même si un massacre estperpétré pour la première fois dans votrevillage au cours de la séquence actuelle,ou s’il s’agit de la répétition d’un événementsimilaire ayant déjà marqué une séquenceprécédente.

� Pour terminer, reprenez la description dela séquence traumatique actuelle et envi-sagez les activités concrètes que vous pouvez mener dans le cadre de votre projeten vous inspirant des «actions possibles»et des «actions impossibles» décrites dansla grille.

Suite de la première page

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Gestion du cycle de projet (PCM) dans le travail psychosocialFiche 6

Questions concernant les projets et les programmesLa planification ciblée de l’intervention psychosociale se fonde sur l’analyse de la situation, telle que décrite dans la fiche 5(Instruments d’analyse). Cette planifications’appuiera par ailleurs sur les instruments suivants: � Gestion de programmes sensible aux

conflits (Conflict-Sensitive ProgrammeManagement, CSPM) Comment le programme ou le projet ana-lyse-t-il le conflit et contribue-t-il à promou-voir la paix et à transformer le conflit?Comment le projet favorise-t-il la stabilitésociale et atténue-t-il les tensions sociales?Pour évaluer les hypothèses formulées enrelation avec ces questions, il faut mettreau point des indicateurs et les actualiseren permanence (� Ressources).

� Analyse différenciée selon le genreLes relations hommes-femmes évoluent dansles situations de crise. Les interventionspsychosociales doivent aider les femmeset les hommes à gérer cette évolution, touten veillant à promouvoir l’égalité des sexeset à ancrer cette égalité dans la société.Pour veiller à ce que la planification desprojets psychosociaux tienne dûment comptede la perspective genre, on se fondera surl’instrument «genre et planification ciblée»(� Ressources).

� Outre l’application des instruments d’ana-lyse du conflit et d’analyse différenciéeselon le genre, il convient de répondreaux questions suivantes pour assurer lagestion du cycle de projet (PCM/PSER)pour les interventions menées dans ledomaine psychosocial:

DDC/Marc Kollmuss (Photo Filtre)

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Gestion du cycle de projet (PCM) dans le travail psychosocial

Définir les objectifs des interventions psychosociales

Motifs

Le champ d’action est pluridimensionnelIl importe d’établir un lien entre la situation individuelle et la dyna-mique existant au sein de la communauté/société. Cela vaut aussibien pour les projets axés sur l’individu (conseils, p. ex.) que surceux qui concernent plutôt les structures politiques (activité de plai-doyer, p. ex.). Ce principe s’applique aux dimensions matérielles,sociales et psychologiques. S’il est vrai que chaque projet privilé-gie en principe l’un de ces trois aspects, il importe aussi, dans unesituation de conflit, de tenir compte des autres dimensions et deles intégrer judicieusement, que ce soit directement ou en réseauavec d’autres intervenants.

Des objectifs réalistes font partie intégrante du processus de guérisonLes habitants de régions en crise ont souvent tendance à minimi-ser l’étendue des pertes et de la destruction, car ils gardent l’es-poir que les choses vont s’arranger. De plus, ils attendent parfoisdes agences de coopération internationale qu’elles accomplissentdes miracles. Or les projets psychosociaux doivent aider les gensà reconstruire leur vie après avoir pris pleinement conscience de laréalité. Chaque séquence du conflit ou du processus traumatiqueouvre des possibilités dans ce sens, mais comporte aussi deslimites (� Fiche 5b: Analyse des traumatismes séquentiels), quivarient localement de cas en cas. Toutefois, il n’existe aucuneséquence traumatique dans laquelle il soit possible d’obtenir une«guérison» complète en l’espace de quelques semaines ou dequelques mois. Si les projets alimentent des illusions quant àleurs possibilités, ils s’inscrivent dans le déni qu’ils sont censéssurmonter. Force est d’admettre que les perspectives réelles de«guérison» se limitent ici le plus souvent à une reconnaissance, à un suivi et à une protection contre des épreuves encore plus traumatisantes.

Les liens entre groupes sont importants dans le cadre del’approche psychosocialeLe groupe cible vit dans un réseau de relations sociales. De ce fait,il entretient des contacts avec certains groupes et se distancied’autres. Il convient d’intégrer ces rapports parfois conflictuels, carils peuvent revêtir une importance décisive pour le déroulementdu conflit et pour le bien-être psychosocial d’un groupe donné. Exemples: Dans un projet d’intégration d’anciens combattants, ilest crucial que les activités profitent aussi à la population de leurcommune.

Question

Comment décrivez-vousles problèmes matériels,sociaux et psychologiquesde la population cible?

Avez-vous analysé lasituation au niveau micro(individu/petit groupe) et au niveau macro (communauté/société)?

Connaissez-vous les liensentre ces deux niveaux?

Les objectifs sont-ils réalistes ou trop ambitieux?

Sur la base de quels critères votre groupe cible a-t-il été défini?

La définition de votregroupe cible favorise-t-elle la cohésion ouaiguise-t-elle les tensionsdans la région couvertepar vos activités?

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Gestion du cycle de projet (PCM) dans le travail psychosocial

Processus de mise en oeuvre

De même, pour aider des victimes de violence à surmonter leurtraumatisme, il est souvent nécessaire d’étendre le travail à leurentourage social. La population locale devrait avoir accès aux équipements destinésaux personnes déplacées. Il n’est en général pas judicieux de définir le groupe cible demanière trop rigoureuse et restrictive: pour traiter des enfants trau-matisés, il faut bien sûr aussi parler avec leurs parents; pour tra-vailler avec des vétérans de la guerre, il faudra aussi prendrecontact avec leurs familles.

Le traitement psychosocial d’un conflit est toujours un travail delongue haleine«La guerre, c’est ce qui vient après les bombes, les années desouffrance désespérée avec un mari handicapé et sans argent,ou la lutte pour reconstruire lorsque tout ce que vous possédiez aété détruit.» (Bennett 1995) – Planifier le travail psychosocial surle long terme exige que l’on pense d’emblée à renforcer lescapacités organisationnelles du projet et à garantir un soutienfinancier et technique pour la formation et le perfectionnementdes collaborateurs. Dans certaines situations, il peut aussi s’avé-rer utile d’investir dans l’infrastructure de l’organisation parte-naire. En Bosnie, les donateurs ont par exemple versé des loyersexcessifs pendant des années. S’ils avaient d’emblée (co)financéla construction ou l’achat de logements ou de maisons, les ONGauraient pu mener plus facilement leurs activités, même après laforte diminution de l’aide étrangère.

Avez-vous planifié votreprojet en tenant comptede la nature durable duproblème?

Question

Les concepts et méthodesappliqués ont-ils été élaborés pour le contexteprécis dans lequel voustravaillez ou avez-vousrepris une approche existante?

Comment assurez-vousune communication régulière entre le person-nel engagé dans les

Motifs

Le travail psychosocial doit être réinventé dans chaque contexteTransposer une méthode d’un contexte à un autre sans la sou-mettre à un examen critique s’avère contre-productif. Ce sont lasituation, les possibilités et les besoins locaux qui déterminent laforme qu’il convient de donner à l’intervention psychosociale. Aulieu d’utiliser des notions générales telles que traumatisme, PTSD,etc., il faudrait mettre l’accent sur l’autodiagnostic et sur une description précise des problèmes rencontrés par les groupes auxquels on entend venir en aide. Il faut éviter de s’en tenir à uneanalyse purement médicale.

L’approche psychosociale passe par un travail interdisciplinaireLes dimensions matérielles, sociales et psychosociales étant étroi-tement liées, tous les membres de l’équipe doivent disposer desinformations nécessaires pour communiquer avec les spécialistes

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Gestion du cycle de projet (PCM) dans le travail psychosocial

d’autres secteurs du projet. Cette communication interdiscipli-naire ne s’instaure en général pas automatiquement, mais doitêtre assurée par des structures institutionnalisées.

Pour pouvoir favoriser l’empowerment d’autrui, il faut avoir soi-même suivi un tel processusDans nombre de sociétés, la communication hiérarchique et lasoumission des subalternes font partie du fonctionnement nor-mal, et ce schéma se retrouve dans la gestion du projet. Or cesont les collaborateurs de l’organisation responsable qui doiventpromouvoir l’empowerment du groupe cible. S’il n’est en prin-cipe pas possible de résoudre cette contradiction, on peut néan-moins l’atténuer par l’adoption de certaines mesures, telles quela participation de tous les membres de l’équipe aux décisionsimportantes relatives au projet ou à l’organisation chargée desa mise en oeuvre. Les responsables peuvent promouvoir et sou-tenir de tels processus. L’empowerment des collaborateurs et descollaboratrices implique aussi des mesures visant à favoriser leurperfectionnement et la reconnaissance de leurs compétencesprofessionnelles, dont la qualité augmente au fil de leur expé-rience (des conseillers et des conseillères qui ont participé ànombre d’ateliers de formation et qui ont acquis une vaste expé-rience pratique devraient par exemple être considérés commedes spécialistes, même s’ils n’ont pas suivi une formation univer-sitaire équivalente à celle d’un psychologue ou d’un travailleursocial).

La réflexion individuelle et la prévention du burn-out contribuentgrandement à assurer la qualité du travailLe sentiment, malgré tous ses efforts, de ne pas être à la hauteurd’une situation de crise, l’impuissance, la confrontation avec ledésespoir et la mort, mais aussi la peur que l’on ressent lorsquel’on travaille dans des conditions dangereuses, épuisent les res-sources des collaborateurs et débouchent finalement sur unedétérioration de la qualité du travail. La supervision et le suiviexternes ne sont donc pas un luxe, mais un appui indispensablepour toute l’équipe (� Fiche 7: Personnel de la DDC et desorganisations partenaires). La supervision par un spécialisteexterne et la supervision interne (conseils entre collègues) per-mettent aux acteurs d’analyser leurs propres sentiments et dereconsidérer les succès obtenus et les échecs essuyés pour trou-ver de nouvelles solutions novatrices.

différents volets de votreprojet?

Que faites-vous pour promouvoir l’empowerment des membres de l’équipe?

Vos collaborateurs (et lepersonnel de terrain) participent-ils à la prisedes décisions les concer-nant ou se limitent-ils àles exécuter?

Que faites-vous pour promouvoir l’empower-ment des membres del’équipe?

Vos collaborateurs (et lepersonnel de terrain) participent-ils à la prisedes décisions les concer-nant ou se limitent-ils àles exécuter?Avez-vous prévu dutemps pour la réflexionindividuelle?

L’équipe est-elle régulièrement superviséeou suivie par un spécialiste externe?

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Gestion du cycle de projet (PCM) dans le travail psychosocial

Suivi et évaluation

Motifs

Consigner les processus lancés joue un rôle déterminant pour lesuivi et le développement des activitésDans le contexte de crise, on n’a jamais le temps de tout faire etles membres de l’équipe ont tendance à être stressés. C’est pour-quoi on repousse souvent à plus tard le travail qui consiste à noterl’évolution de chaque client/patient ou les modifications enregis-trées au sein d’une communauté. Il est pourtant essentiel de trou-ver un système approprié et de ne pas se borner à récolter desdonnées quantitatives, mais d’enregistrer aussi les démarches quiont permis d’arriver à ces résultats. De tels documents sont indis-pensables pour bien comprendre le travail et adapter utilement lesprojets ultérieurs. Une bonne documentation contribuera par lasuite à une meilleure compréhension des processus et permettraainsi d’écrire une page d’histoire ou de transmettre une précieuseexpérience. La constitution d’une documentation est donc unthème-clé qu’il convient d’intégrer très tôt dans le projet.

La définition des indicateurs est une tâche ardueLes processus psychologiques et sociaux sont toujours complexeset leur évaluation est liée à des systèmes de valeurs spécifiqueset à des considérations subjectives. Il est dès lors difficile demesurer les progrès réels. Les projets tentent de contourner ceproblème en se contentant de données quantitatives (nombre depersonnes prises en charge, etc.) ou de déclarations d’ordregénéral («X enfants traumatisés ont été soignés et réintégrés dansla société», p. ex.). Un indicateur devrait pourtant moins servir àmesurer les résultats objectifs qu’à fournir des indications sur lechemin parcouru. À cette fin, les questionnaires et les tests s’avèrentmoins utiles que la description de cheminements individuels oul’appréciation personnelle d’une évolution. Il convient donc deconsigner le point de vue des personnes concernées et celui descollaborateurs et des collaboratrices chargés de leur prise encharge.

Un contexte en constante évolution exige de la souplesseIl est souvent impossible de prévoir l’évolution d’une situation d’ur-gence complexe. Dans le domaine psychosocial, il n’est de plusque rarement possible de disposer de connaissances suffisantessur le groupe cible et sur le contexte au stade de la planificationdu projet. Or, c’est justement ce qui n’a pas été exprimé et ce queles méthodes habituelles ne permettent pas d’appréhender quirevêtira par la suite une importance cruciale. Le travail devrait dèslors être soumis à une réflexion régulière, pour que les activités nesuivent pas aveuglément le plan prévu au risque de passer à côtédu problème, mais aussi pour qu’elles ne soient pas modifiées

Question

Outre les prestations, lesrésultats et les effets duprojet, consignez-vouségalement les processusde travail?

Les membres de l’équipeont-ils prévu assez detemps pour documenterleur travail?

Vos indicateurs reflètent-ils la complexitédu travail psychosocial?

Faites-vous preuve desouplesse dans l’adapta-tion des activités et desobjectifs?

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Gestion du cycle de projet (PCM) dans le travail psychosocial

RessourcesAssociation Africaine de l’Évaluation (2002)Principes directeurs de l’évaluation africaine.www.afrea.org

Bennett O., Bexley J., Warnock K. (éd.)(1995)Arms to Fight, Arms to Protect. Women Speak About Conflict. London: Panos.

Collectif d’Échanges pour la TechnologieAppropriée (Cota asbl) ( 2002)Organiser l’évaluation d’une action de développement dans le Sud, un guide pourles ONG du Nord, [email protected]

Commission des Communautés Européennes(1993)Manuel de Gestion du Cycle de Projet,Approche Intégrée et Cadre Logique, SérieMéthodes et Instruments.

DDC (2003)L’égalité hommes-femmes en pratique – Unmanuel pour la DDC et ses partenaires.Berne: DDC.

sans raison bien établie. La supervision peut s’avérer ici d’ungrand secours.

L’idéal consiste à mener une auto-évaluation assistée par unexpertLorsque les membres du projet ne consignent pas suffisammentles processus mis en place et que leurs activités ne font pas l’ob-jet d’une réflexion régulière, le meilleur moyen d’apprécier l’effi-cacité du projet est de procéder à une auto-évaluation assistée.Elle offre aux membres de l’équipe le temps nécessaire pour sepencher sur les difficultés de leur travail, analyser les change-ments au sein du groupe cible et élaborer des idées novatrices.C’est justement aux collaborateurs qui travaillent toujours souspression et qui n’ont pas assez l’occasion de mener ce type deréflexion que l’auto-évaluation assistée fournit la possibilité deprogresser sur les plans professionnel et personnel.

L’évaluation reflète-t-ellele processus du travailpsychosocial?

www.deza.admin.ch (Thèmes – Égalité hommes-femmes – Instruments généraux etthématiques)

DDC (2004)Conflict-Sensitive Programme Management(CSPM). Integrating Conflict Sensitivity andPrevention of Violence into SDC Programmes. www.deza.admin.ch/ressources/resource_en_24650.pdf

Denzin N., Norman K., Lincoln Y. (2000)Handbook of Qualitative Research. London: Sage.

Sites Internetwww.mande.co.uk www.eldis.co.uk

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Personnel de la DDC et des organisations partenairesFiche 7

� Les personnes qui travaillent dansune zone de conflit sont expo-sées à de multiples dangers. Lefait d’être soumis à des pressionsconstantes et d’être confrontéquotidiennement à la misère et àla détresse finit par rendremalade.

� Il appartient à l’institution d’assu-rer l’équilibre psychosocial de sescollaborateurs et collaboratrices.

� L’implication émotionnelle desmembres du personnel localdans les zones de conflit est uneforce pour autant qu’elle soitbien thématisée et gérée.

� Formation permanente et institu-tionnalisation de la réflexion sursoi sont les meilleures protectionscontre le burn-out.

Le mythe de l’invulnérabilitéLes personnes travaillant dans la coopération inter-nationale sont toutes affectées, à des degrés va-riables selon la fonction qu’elles occupent, par laprécarité, la peur, la souffrance et le désespoirdes populations locales. Il en résulte inévitable-ment des effets sur leur travail et leur bien-être.Pour être à même d’apporter une aide efficacedans une situation de catastrophe ou de crise, ilfaut – outre une bonne connaissance du contextelocal – un mélange subtil de proximité et de dis-tance, d’engagement émotionnel et de réflexionrationnelle, d’omnipotence (croire que l’on peuttout changer) assortie de l’aptitude à percevoir leslimites de son action, de force et de vulnérabilité.On risque toujours de ne plus pouvoir supportercette attitude positivement ambivalente et de selaisser gagner par le découragement ou, aucontraire, par des rêves de toute-puissance.Quand on affronte ces risques en connaissancede cause, il y a de bonnes chances d’échapper àces pièges. Cela dit, il est regrettable de voirqu’aujourd’hui encore, il existe de nombreuxdomaines de la coopération internationale où lesimple fait d’aborder ces sujets est ressenti commeun signe de faiblesse ou un dysfonctionnement. Ilne s’agit pourtant pas d’une maladie, mais d’unétat de compassion nécessaire et inévitable dans

DDC/Silvia Voser (Photo Filtre)

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Personnel de la DDC et des organisations partenaires

un contexte de traumatismes psychiques et dedestructions, qu’il est urgent de prendre encompte et de traiter adéquatement.

De nos jours, on n’utilise plus que rarement leterme d’«aide» dans la coopération interna-tionale; mais ce mot joue à juste titre un rôleimportant dans la motivation personnelle descollaborateurs et collaboratrices. Toute per-sonne qui exerce une fonction d’aide dansune situation de crise parvient à dépasser lesentiment d’impuissance, puisqu’elle agit, faitquelque chose d’utile, sans être anéantie.Cependant, il est vrai que même la meilleureaide n’empêchera pas une catastrophe deproduire des effets dévastateurs bien réels. Onest par conséquent aussi toujours confronté àdes sentiments qui semblent s’opposer àl’aide, tels que reconnaissance des pertes etdésespoir.

Personnel internationalLes membres du personnel international doivent posséder de solides compétencesinterculturelles, soit être capables d’analyserleurs conceptions de la vie et leurs valeurs,leurs actes et leurs réactions sous les anglesdu pouvoir et de la différence. Pour connaîtred’autres cultures, il faut être conscient quel’on se situe soi-même dans des rapports depouvoir personnels et professionnels, et savoirjeter un regard critique sur ses propres attachesculturelles et religieuses. Cette lucidité sur sesappartenances personnelles est particulièrementimportante lorsque les rapports de pouvoir nouspermettent d’imposer nos vues, par exempledans la définition de problèmes et l’esquissede solutions. La fascination de l’autre peutfacilement se muer en jugements et attitudesracistes, lorsque les frustrations provoquées pardes conceptions différentes du professionnalismeet de la culture organisationnelle ne sont pascontrebalancées par les aspects positifs desrelations nouées avec les représentants d’uneautre culture. À son tour, ce lien positif n’estpossible que si les collaborateurs internationauxacceptent de s’engager aussi sur le terraindes émotions avec les gens avec lesquels ilstravaillent et vivent.

Les membres du personnel international sontsouvent confrontés à des revendications et àdes sollicitations qui ne relèvent pas de leurcompétence. Quand ils refusent une aide ourenvoient l’auteur de la requête à une autreinstance, ils se sentent coupables et impuis-sants – même si leur décision était objective-ment correcte. Ils arrive aussi souvent qu’ilssoient excédés par des demandes «démesu-rées». Celui qui cherche de l’aide peut com-prendre rationnellement que la déléguée duCICR n’est pas en mesure de l’aider à retrou-ver sa femme. Mais en se montrant revendi-catif et en imaginant qu’elle pourrait fairequelque chose si elle le voulait vraiment, ilaccomplit un acte de stabilisation psycholo-gique qui lui permet d’éviter ou de surmonterprovisoirement ses propres sentiments d’im-puissance et de désespoir. Aussi les collabo-rateurs internationaux sont-ils confrontés quoti-diennement à des processus psychologiquescomplexes qu’ils doivent comprendre et sup-porter de leur mieux. L’espoir de résoudre cegenre de problèmes sur un plan purementrationnel s’avère toujours illusoire, ce quiaccroît le sentiment de frustration du personnelengagé dans la coopération internationale.

Les membres du personnel international ontun statut dont ils doivent se montrer dignes. Ilest par conséquent délicat pour eux dedemander de l’aide lorsqu’ils rencontrent desdifficultés personnelles – par exemple quandils se sentent déprimés ou frustrés. En particu-lier les personnes qui exercent des fonctionsde cadres ne peuvent que rarement faireappel à des structures d’accompagnementappropriées.

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Personnel de la DDC et des organisations partenaires

Moyens institutionnels d’assurer l’équilibre psychosocial des membres du personnelLa stabilité psychosociale des collaborateurs et collaboratrices de la coopération internatio-nale n’est pas un problème privé ou personnel, mais une responsabilité institutionnelle. Àtous les niveaux de l’organisation, il convient d’encourager la manifestation de sentiments et d’émotions, de ne pas exiger impassibilité et neutralité émotionnelle en toute circonstanceet d’éviter que les manifestations de fragilité, de peur, de colère ou de tristesse soient immé-diatement considérées comme des anomalies relevant de la compétence des psychologues.Les mesures suivantes, prises à la centrale de la DDC et dans les bureaux de coopération,peuvent contribuer à l’équilibre psychosocial du personnel:� formation appropriée des cadres, afin que ces thèmes soient régulièrement abordés

et discutés dans l’équipe;� lors des cours dispensés avant le départ à l’étranger, explication de la dimension

des processus psychosociaux dans le travail effectué dans des zones de conflit (traumatisme, peur, deuil);

� formation continue sur cette thématique;� offres d’accompagnement systématiques et non pas à titre exceptionnel (entretiens

directs, contacts téléphoniques, courrier électronique);� intégration de cette thématique dans le plan de sécurité;� lors de chaque passage au bureau de coopération ou à la centrale, le collaborateur ou

la collaboratrice décrit son état émotionnel dans son compte rendu (débriefing);� vacances, loisirs et fêtes; possibilité de partir régulièrement, de séjourner hors de la

zone de conflit proprement dite; fêtes, excursions, repas en commun, etc. pour souderl’équipe;

� code de conduite du personnel en vue de prévenir les risques de harcèlement (� Fiche 8).

Chargés de programmelocaux de la DDCLes collaborateurs locaux des bureaux decoopération sont relativement privilégiés, maistout de même frappés par la guerre commel’ensemble de leurs concitoyens. Pour assumerleur fonction de responsables de projet, il leurfaut être au clair sur la problématique de leurpropre vulnérabilité et comprendre les contra-dictions et les difficultés inhérentes à leur statutde membres d’organisations partenaires (voirci-dessous).

On attend à juste titre des membres du per-sonnel local qu’ils s’identifient, d’une part,avec les objectifs de la DDC et qu’ils exercent,d’autre part, une fonction de liaison grâce àleur connaissance approfondie de la langueet du contexte du pays. Des contradictionspeuvent néanmoins surgir entre leurs obliga-tions à l’égard de leur employeur et leurloyauté envers leurs proches et leurs valeurs.

Ces conflits ne sont pas graves en soi, maisils peuvent nuire au travail si on les passesous silence. Il est donc judicieux que la pro-blématique de la communication interculturelleet de la coopération internationale fasse l’objetde discussions régulières au sein de l’équipede la DDC.

Personnel des organisationspartenaires localesLe personnel des organisations locales faitpartie du groupe cible avec lequel il travaille,et ses membres sont souvent eux-mêmes trau-matisés, ce qui a inévitablement des consé-quences sur leur travail. Du fait qu’il partageles valeurs et les jugements des gens qu’il estappelé à aider et qu’il a vécu des expériencessimilaires, le collaborateur se sent proched’eux et jouit de leur confiance. Mais il arriveaussi souvent que cette fraternité rende lesrelations avec des bénéficiaires du projet trèsdouloureuses, voire insoutenables.

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Personnel de la DDC et des organisations partenaires

La référence à son propre vécu favorise l’em-pathie, mais mobilise aussi des mécanismesde défense. Un homme qui s’interdit la tristesselors de la perte d’un membre de sa famille aurade la peine à accepter que d’autres personnesse laissent submerger par la douleur. Une femmequi a fait de mauvaises expériences avec leshommes, et qui évite de ce fait des relationsétroites avec eux, n’acceptera que difficilementqu’une cliente ayant vécu une situation similairetombe amoureuse. Le grand avantage d’êtreproche des victimes ne reste un avantage quetant que l’on s’occupe en permanence des«taches aveugles», c’est-à-dire des processusinconscients de refoulement et de déni.

Dans une situation de crise, les personnes quien aident d’autres sont à certains égards pri-vilégiées. Leur vie a un sens, elles ne se sententpas complètement désarmées, et vont ainsimieux sur le plan psychique. Mais cet avantagerecèle lui aussi un danger: les membres dupersonnel croient devoir être forts, mêmelorsqu’ils se sentent perdus ou désespérés. En se figeant dans la pose du sauveteur, ilsrisquent de perdre leur crédibilité et le risquede burn-out augmente. De plus, le but del’aide doit être de se rendre superflue. Celuiqui a besoin de ce rôle pour supporter unesituation donnée mettra donc inconsciemmentun frein à l’autonomisation d’autrui.

Le travail dans les zones de conflit est dange-reux, et la peur chronique des membres du

personnel (� Fiche 2: L’approche ) rend ceux-ci moins aptes à gérer les conflits qui éclatentau sein de l’équipe. Les collaborateurs et

Faut-il recruter des victimes pourtravailler avec des victimes?Cette question se pose souvent: Est-il judicieux de confier le travail mené aveccertains groupes à des membres de cesmêmes groupes? Est-il bon qu’un collabo-rateur handicapé s’occupe de jeunes handicapés? Le groupe d’entraide desveuves doit-il être dirigé par une veuve? Lesecteur VIH/sida doit-il être placé sous laresponsabilité d’une personne elle-mêmeatteinte par le virus?Avantages: identification avec les problèmesdes autres, connaissance précise des pro-blèmes et des solutions possibles, crédibilitéauprès des parties impliquées, fonction demodèle pour les participants au projet.Inconvénients: le manque de distance peutprovoquer une sur-identification et conduireà une distanciation avec les participantsau projet. Lorsqu’il est possible d’assurerune réflexion régulière du personnel sur sespropres réactions et sentiments par rapportà son travail (supervision, accompagnement,réseau d’appui), l’engagement de personnesdirectement concernées peut constituer unsignal politique fort et s’avérer motivantpour les protagonistes.

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Personnel de la DDC et des organisations partenaires

Valeurs et conflits de valeurs – un exempleAu Népal, les femmes non mariées sont méprisées. Il n’est dès lors pas éton-nant qu’une conseillère en santé célibataire d’un certain âge se soit forte-ment identifiée avec une jeune veuve, mère d’un enfant sous-alimenté. Sapropre expérience de femme seule lui permettait d’imaginer ce que vivaitcette cliente, que la mort de son mari mettait du jour au lendemain au bande la société. Mais cette solidarité prit brusquement fin lorsqu’il devintnotoire que la veuve sortait parfois avec des amies et qu’elle rencontrait detemps à autre des hommes. La conseillère en santé eut un revirement intérieurqui la rendit hostile à sa cliente, et elles ne purent plus entretenir de vraiscontacts. Alors même qu’elle était consciente de la problématique hommes-femmes, la collaboratrice du projet de santé n’arrivait pas à accepter que laveuve transgresse les strictes règles de chasteté imposées aux femmes seules.

Cet exemple montre à quel point notre propre vécu peut déformer la percep-tion que l’on a d’une situation, avec des incidences néfastes sur le travail. Ilarrive souvent que les valeurs de l’institution et les convictions apparemmentconcordantes d’un collaborateur ou d’une collaboratrice soient en contradic-tion avec des valeurs et des certitudes intérieures généralement non formu-lées, lesquelles résultent de processus psychosociaux qui n’ont pas fait l’ob-jet d’une réflexion consciente. Les valeurs jouent un rôle important et positifdans la coopération internationale (� DDC 2003). Mais elles doivent êtreintériorisées puis discutées régulièrement au cours du travail; sinon elles res-teront sans effet ou, consciemment ou inconsciemment, elles seront renduesinopérantes.

collaboratrices réagissent aux agressions en serepliant sur eux-mêmes et en niant leur propreagressivité. Tout conflit risque alors de prendredes proportions dramatiques dans la mesureoù il devient la manifestation d’une multitudede conflits accumulés et non réglés. Il enrésulte presque toujours, à moyen terme, unedégradation au sein de l’équipe, qui se traduirapar un grand éclat ou par des divergencescroissantes.

Le personnel des projets psychosociaux estconstitué en majorité de femmes. Dans lessociétés patriarcales, on manifeste souventpeu d’estime pour les professions sociales,qui ne sont pas vraiment prises au sérieux.Dans cette optique, se soucier de la souf-france d’autrui est l’expression de fonctionstypiquement maternelles. Il est important queles projets prennent en considération cetteproblématique sexospécifique, aident lesmembres de leur personnel à obtenir unereconnaissance professionnelle et à prendreeux-mêmes leur travail au sérieux. L’équipe sedoit aussi d’affronter et de régler ouvertementles conflits entre exigences familiales (éduca-tion des enfants, travail domestique, résis-tance de la famille à l’exercice d’une activitéprofessionnelle, etc.) et obligations profession-nelles (efficacité au travail, heures de pré-sence, etc.).

DDC/Beni Güntert (Photo Filtre)

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Mécanismes de protection du personnel dans les zonesde conflit Pour éviter le burn-out et l’apparition de trau-matismes secondaires, et garantir ainsi laqualité du travail, il est nécessaire de mettreen place dès le départ des structures d’ac-compagnement sûres pour tous les projets.Les activités suivantes seront utiles à cetégard: � Structures participatives au sein de

l’organisationIl s’agit d’entretenir une culture de réflexionet de discussion vivante au sein de chaqueorganisation. Le climat général de l’institutionsera d’autant meilleur que davantaged’employés seront «autonomes» dans leurtravail – donc dotés de pouvoirs réels decodécision et d’organisation.

� Aptitude à gérer les conflitsIl importe de parler des sentiments éprou-vés et de régler les conflits. Il est judicieuxde prévoir à cet effet des cours spéciauxet des structures de supervision stables.Supervision et accompagnement ne sontpas synonymes de contrôle; ils ont pourbut de créer un espace sûr dans lequel lepersonnel peut discuter de ses problèmesau travail et des émotions ressenties.

� Rapports et feed-backUne documentation bien faite de son propre travail et la pratique du feed-backde la part des collègues et supérieurs fontpartie d’une bonne hygiène mentale etd’une protection efficace de l’équilibrepersonnel.

� Formation continueLa possibilité pour les membres du person-nel de participer régulièrement à des ate-liers et à des cours organisés, dans cer-tains cas, hors de la région du projet oumême à l’étranger, leur permet de réflé-chir à leur travail tout en échappantmomentanément aux contraintes quoti-diennes.

� Acquisition de compétences spécifiquesLe personnel qui travaille dans une zonede conflit doit apprendre à gérer dessituations extrêmes. Aussi est-il importantde prendre ses propres émotions au

Dangers pour le personneldans les zones de conflit� Burn-out

Il se manifeste par un engagement soitexcessif, soit insuffisant dans son travail,et par l’absence de limites ou, au contraire,par une trop forte rigidité. L’efficience autravail est mal évaluée: on a souvent lesentiment de travailler toujours plus, alorsqu’en réalité, c’est exactement le contrairequi se produit. On confond les priorités etil devient toujours plus difficile de faire ladistinction entre le domaine professionnelet la sphère privée. Avec le temps, on courtun fort danger de tomber physiquementet/ou psychiquement malade.

� Traumatisme secondaire (vicarious trauma)Travailler avec des personnes traumati-sées, et dans des conditions elles-mêmestraumatisantes, laisse des traces.L’omniprésence de la faim, de la mort etdu désespoir est psychiquement éprou-vante. Le fait même que la détresse desautres soit si bouleversante conduit à sous-estimer sa propre souffrance; de plus, nosprivilèges éveillent en nous des sentimentsde culpabilité. Les collaborateurs réagissentà ces situations d’abord par des erreursdans leur travail, puis tombent souventmalades à plus ou moins long terme.

� Processus de projection dans les relationsavec des patientsOn tend à projeter sa propre impuissanceou son désespoir général sur les clients età leur en faire porter le fardeau. Les struc-tures hiérarchiques des institutions et leurslacunes dans le traitement des conflits ren-forcent ce processus. Au lieu de sedemander pourquoi une certaine formed’aide ne fonctionne pas et quelles mesures pourraient être envisagées pouraméliorer la situation, on part du principeque l’on fait soi-même du bon travail et on rejette sur les clients la responsabilitéd’une situation de détresse persistante.Tandis que le travail se poursuit sur lepapier, il ne cesse de perdre en efficacitédans les faits.

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sérieux et d’examiner, notamment, lesquestions suivantes:� rapport personnel à la mort,� façon de réagir aux pertes/de les gérer,� peur et conscience de la peur,� vulnérabilité,� comportement dans les situations

suscitant un sentiment d’impuissance,� manière de gérer la colère.

Tous ces sujets seront examinés à la lumière deson expérience passée, les conclusions devantservir à comprendre ce que l’on vit sur lemoment. Il est alors important:

� d’éviter autant que possible les proces-sus de dissociation,

� de s’autoriser autant que possible desémotions, mais sans les imposer àautrui,

� de mettre des limites qui autorisent d’unepart un authentique engagement, maisqui ménagent d’autre part les espacesrequis pour sa propre hygiène mentale.

Dans bien des zones en crise, la mise enplace de structures d’accompagnement etd’appui n’est pas simple à réaliser. Mais lanécessité aiguise l’imagination. C’est ainsique pendant la dictature au Chili, une équipede thérapeutes a enregistré ses discussions decas sur des cassettes qu’elle envoyait ensuiteà Mexico. Des collègues y écoutaient ces cassettes et renvoyaient leurs commentairesau Chili.

DDC/Maya Tissafi

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Quelques conseils d’autoprotection quand on travaille dansdes situations extrêmes� Nous ne pouvons aider autrui que si nous sommes disposés à prendre

soin de nous-mêmes et à recevoir de l’aide. Nous ne pouvons ressentirde l’intérêt et de la sympathie pour d’autres que si nous en éprouvonspour nous-mêmes. Même dans la pire des catastrophes, il faut prendrele temps de réfléchir et d’étudier ses propres sentiments, et s’accorderdes moments pour soi, des plages de tranquillité qui favorisent la prisede recul.

� Prenez-vous au sérieux. Quand vous vous sentez malade ou bizarre,cherchez ce qui ne va pas. Quand vous ressentez de la joie, il faut vousen réjouir. Même dans une zone de catastrophe, vous avez le droit derire et de prendre plaisir à votre travail.

� Si vous vous sentez déprimé, irrité, confus ou particulièrement stressépendant une plus ou moins longue période, si vous souffrez d’insomnie,de migraines ou de troubles gastriques ou intestinaux, il est possiblequ’il s’agisse là de symptômes de problèmes psychiques. N’attendezpas que cela devienne insupportable – trouvez rapidement quelqu’un àqui vous pouvez vous confier.

� Quand vous parlez à quelqu’un de vos problèmes, assurez-vous qu’ilvous écoute et qu’il vous laisse vous exprimer. N’acceptez pas les con-seils donnés à la hâte. Une conversation avec, par exemple, un ami ouune conseillère est l’occasion de réfléchir à ce qui vous préoccupe.N’essayez pas de résoudre vos problèmes seul.

� Nous faisons tous des erreurs. Parlez avec vos collègues de vos difficul-tés au travail. Qui prétend être parfait ment inévitablement. Soyez hon-nête avec vous-même. Avouer une erreur ne portera pas atteinte à votreautorité.

� Si vous avez un conflit, essayez d’en discuter directement avec la per-sonne concernée. Ne faites pas circuler des rumeurs. Ne racontez riensur quelqu’un que vous ne voudriez pas lui dire en face. N’humiliez nivous-même, ni vos collègues de travail.

� Faites attention aux sentiments de colère et d’irritation en vous-même etchez autrui au travail. La plupart des gens ont peur de leur propreagressivité et de celle des autres, d’autant plus lorsqu’ils se trouventdans un contexte de violence. La colère refoulée se manifeste souventplus tard, au mauvais moment et dans les circonstances les plus défavo-rables. Apprenez à régler les conflits.

� Si vous apprenez ou vivez des choses atroces dans le cadre de votretravail, il est normal que vous y réagissiez. Si vous êtes par exemple enface d’une mère qui pleure son enfant mort, il est parfaitement naturelque vous soyez triste et pleuriez peut-être vous-même. Il n’y a pas demal à cela, au contraire. Mais votre propre tristesse ne doit pas vousempêcher d’offrir de l’aide à cette femme.

� Veillez à ne pas taire ou refouler des expériences qui vous accablent.Parlez-en avec d’autres personnes. Ainsi, ces événements vous pour-suivront moins dans vos rêves. Si vous n’avez temporairement personneà qui vous confier, mettez ces expériences par écrit.

RessourcesDDC (2003)L’égalité hommes-femmes en pratique – Unmanuel pour la DDC et ses partenaires.Berne: DDC. www.deza.admin.ch (Thèmes – Égalité hommes-femmes –Instruments généraux et thématiques)

Saakvitne K.W. et Pearlman L.A. (1996)Transforming the Pain.A Workbook on Vicarious Traumatization.New York: Norton

Wünsche P. et Dähne K. (2003)Care for Caregivers, in: online journal D+C,Magazine for Development and Cooperation, www. inwent.org/E+Z/content/archive-eng/01-2003/foc_art4.html

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Violence sexospécifiqueFiche 8

� La violence sexospécifique porteatteinte à l’intimité et donc àl’identité de la victime. C’est laviolence sexuelle qui recèle leplus grand potentiel destructeur.

� Le tabou dont la violence sexuellefait l’objet engendre un isolementémotionnel et une exclusionsociale qui aggravent encorel’humiliation subie.

� Deux mesures de nature complé-mentaire sont requises: préven-tion de la violence sexospécifiqueet soutien aux victimes et à leursproches.

� Il faut expliquer le rôle de la vio-lence sexospécifique dans uneguerre et exiger des comptes auxauteurs de violence.

� En associant réhabilitation,recherche et activités de plaidoyer,le travail contre la violencesexospécifique devient une formed’empowerment des victimes.

Qu’est-ce que la violence sexospécifique?L’auteur d’un acte de violence sexospécifique semble s’en prendreà la victime à cause de son sexe. En fait, celui ou celle qui commet un tel acte exerce une violence à travers le sexe en utili-sant la différence sexuelle pour imposer des rapports de force oudes normes sexospécifiques. Ce type de violence porte toujoursatteinte à l’intimité d’une personne et, étant de nature sexuelle, ilrecèle un potentiel destructeur maximal. Dans ces cas-là, il s’agitpour l’auteur de violence de démontrer sa force et sa supérioritéen humiliant et en rabaissant l’autre, et en ancrant cette puis-sance dans l’intimité et, partant, dans l’identité même de la vic-time. La violence sexospécifique est le plus souvent exercée pardes hommes à l’encontre de femmes, d’autres hommes et d’en-fants. Les femmes la reproduisent néanmoins dans leur comporte-ment à l’égard des hommes, dans l’éducation de leurs enfants etdans la manière de traiter leurs belles-filles. Dans les sociétéspatriarcales, la violence sexospécifique fait partie de la réalitésociale et de la structure psychique des hommes et des femmes.

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Violence sexospécifique

Pour changer ce rapport de violence, il fautdonc changer les comportements, les normeset les valeurs des hommes et des femmes.

Depuis 1998, le Statut de Rome de la Courpénale internationale considère les formes sui-vantes de violence sexospécifique comme descrimes de guerre ou des crimes contre l’huma-nité:� le viol, � l’esclavage sexuel et la traite d’êtres

humains, � la prostitution forcée, � la grossesse forcée, � la stérilisation forcée,� toute autre forme de violence sexuelle de

gravité comparable.

Au-delà des éléments constitutifs décrits par leStatut de Rome, on classe également les actessuivants dans la violence sexospécifique:� l’exploitation sexuelle, par exemple par

ceux qui devraient assurer aide et protec-tion (c’est le cas lorsque le collaborateurd’une organisation humanitaire exige desrapports sexuels en échange d’un soutienou de privilèges matériels, ou lorsqu’unsoldat assure un passage sûr en échangede services sexuels),

� la violence domestique, � le crime d’honneur et le crime lié à la dot,� le mariage forcé de mineurs,� la mutilation génitale,� toute forme de violence sociale, affective

et physique visant à imposer des normessexospécifiques.

Divers instruments internationaux condamnentla violence sexospécifique et appellent les

gouvernements à lutter activement contre cetteforme de violence1.

Recours à la violence sexuellecomme arme de guerreDepuis les années 90, des organisations defemmes et de défense des droits humains ontréuni une documentation précieuse sur le violet l’esclavage sexuel auxquels sont soumisesun grand nombre de femmes et de jeunes filles pendant les conflits armés. Le viol et laviolence sexuelle ont de tout temps servid’arme de guerre et de stratégie pour briserles résistances. Ils visent directement à détruireles femmes et, indirectement, à anéantir lesstructures de la société. Le viol n’humilie passeulement la victime, mais aussi sa famille. Eneffet, dans nombre de sociétés, l’honneur deshommes et du groupe social repose sur le corpsde la femme. La violence sexuelle engendre dessentiments de honte et d’humiliation extrêmes,tant chez la victime que chez ses proches.Ces derniers tentent alors de se protéger enstigmatisant la victime et en l’excluant. Pouréchapper à cette honte, les femmes victimesd’abus gardent le secret sur les sévices subis.Lorsqu’elles ne le peuvent pas, leur famille lesoblige souvent à garder le silence vis-à-vis del’extérieur. Or c’est justement cet isolementémotionnel et cette exclusion sociale quicomptent parmi les conséquences les plusgraves d’un acte de violence. Cependant, quelque soit le poids du tabou social qui entourela violence sexuelle, les femmes se trouventsouvent dans l’incapacité psychique dedénoncer l’épreuve subie et de s’en distancer.Blessées au plus profond d’elles-mêmes, il leurest extrêmement difficile de se défendre contreleur agresseur. Celui-ci s’est insinué dans leurcorps, sous leur peau, dans leur âme. Il leurest par conséquent difficile d’extérioriser leursouffrance et de s’en défaire. Au lieu de cela,nombre de femmes expriment l’atteinte subieen s’en prenant à leur propre corps et à ses«produits», les enfants. Une recrudescence de la violence physique et psychique à l’en-contre des enfants constitue donc l’une desconséquences de la violence sexuelle exercéecontre les femmes.

1 Convention sur l’élimination de toutesles formes de discrimination à l’égarddes femmes (1981), Déclaration desNations Unies sur l’élimination de la vio-lence à l’égard des femmes (1993),Déclaration et programme d’action deBeijing (1995) et Résolution 1352 duConseil de sécurité des Nations Unies(2000).

DDC/OMS (Photo Filtre)

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Violence sexospécifique

La violence sexuelle perpétrée contre les hommesest particulièrement fréquente en prison etsouvent utilisée comme moyen de torture (� Fiche 12: Torture et prisonniers politiques).Ils sont violés, contraints à des rapportshomosexuels, obligés de se présenter nus,etc. Les images d’Abou Ghraïb en sont desexemples éloquents: les prisonniers ne sontpas des combattants héroïques, mais un tasde corps nus dépourvus de toute dignité sousla botte des soldats. Cette humiliation et cettemeurtrissure constituent une atteinte directe àla masculinité des victimes. Dans une sociététrès patriarcale, le tabou et la stigmatisationqui vont de pair avec cette violence sontd’autant plus profonds: on parle encore moinsde la violence exercée contre les hommesque de celle perpétrée contre les femmes.

Violence domestique et conflitLes études menées dans différents pays parl’UNICEF ont montré que 20 à 50% des femmes sont victimes de violence domestique.C’est la forme la plus fréquente de violencesexospécifique et elle enregistre une recrudes-cence avant, pendant et après un conflit. Lamilitarisation de la société renforce la diffé-rence entre les sexes. L’image de l’hommearmé, en état de se défendre, s’oppose plusque jamais à celle de la femme soumise quile seconde, mais qui a besoin de sa protec-tion. Cette vision s’effrite cependant face à laréalité, qui oblige souvent les hommes à jouerun rôle passif et secondaire: lorsque la situa-tion économique est catastrophique, ils nesont plus en mesure de gagner un revenu suffisant; l’humiliation ressentie à l’égard dela force d’occupation ou le poids de larépression les empêchent de se protéger etde protéger leur famille. Les femmes assumentalors des tâches qui étaient jusque-là claire-ment dévolues aux hommes: elles apportentleur contribution au revenu familial et jouentun rôle dans la vie publique. Cette réorgani-sation des rôles provoque des conflits et iln’est pas rare que des hommes recourent à laviolence pour compenser leur frustration etleur insécurité. Cette tendance est encoreaccentuée par les brutalités et les traumatismes

subis par les hommes qui ont pris activementpart au conflit et qui ramènent la guerre dansleur foyer.

L’expérience de Monsieur M. après le coup d’État militaire au ChiliPendant sa détention, il a subi toutes sortes d’abus et de tortures. Pour lui, la pire épreuve a été de devoir se masturber en compagnie d’autres détenusdevant un officier. Un homme âgé, qui n’était pas parvenu à l’orgasme, aété cruellement battu. Monsieur M. a ressenti son propre orgasme commeune destruction extrême, comme une capitulation devant les militaires. Unefois libéré, il a souffert d’impuissance pendant des années et ce n’est quebien plus tard qu’il a pu parler de la cause de ses problèmes avec sa femme.Son impuissance était une tentative symbolique de se protéger rétroactive-ment contre l’humiliation subie. En même temps, elle reproduisait l’effetdestructeur à l’extérieur de la prison.

L’honneur familial sous l’occupationAux postes de contrôle de Cisjordanie et de Gaza, les Palestiniens et lesPalestiniennes subissent des humiliations quotidiennes. Selon l’écrivain israé-lien Yitzhak Laor, le traitement qu’on leur réserve sert à transmettre le mes-sage suivant à la population des territoires occupés: «Nous sommes omni-présents, nous partageons le territoire palestinien comme bon nous semble,nous vous contrôlons.» Dans les ménages palestiniens, les règles et les contrôles imposés aux femmes au nom de l’honneur familial se sont durcis ces dernières années.Les groupements de femmes font également état d’une recrudescence de laviolence domestique. On en vient à se demander s’il existe un lien entre laremise en question de la masculinité par la présence de l’occupant – quiengendre soumission, colère et sentiment d’impuissance – et la déterminationde nombreux hommes à défendre leur honneur par la violence là où ils peuventencore exercer leur pouvoir. Ce ne sont certes pas les structures patriarcalesqui ont inventé l’occupation, mais l’atteinte permanente à la dignité des êtreshumains, associée au soutien actif de structures traditionnelles du pouvoir(tel l’appui israélien aux tribunaux de la charia pour appliquer le droit de lafamille), n’ont fait qu’accentuer la rigidité des structures politiques et sociales.Si les femmes sont encore parvenues à s’organiser pendant la premièreIntifada et à débattre publiquement des relations hommes-femmes, ellesn’apparaissent plus guère sur la scène politique et ont été priées de réserverle débat sur ce genre de «sujet controversé» pour des temps meilleurs, lorsquela question nationale aura été réglée.

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Violence sexospécifique

Processus de disempower-ment dans la violence sexos-pécifique En période de conflit, on observe une forterecrudescence de la violence sexospécifique.Comme elle existe toutefois à plus ou moinsgrande échelle dans toute société, les explica-tions qui suivent ne valent pas uniquementpour les régions en guerre.

Ampleur de la destructionLes victimes ne parlant pas ouvertement deleurs blessures, il est difficile de se faire uneidée précise de la situation. Des instrumentsd’évaluation spécifiques (� Ressources) facilitentune première analyse. Cependant, seul untravail pratique avec ces personnes permetde mieux comprendre les conséquences émo-tionnelles et sociales pour elles-mêmes et leursproches. Le sujet étant tabou, le recours à desspécialistes externes peut faciliter l’entrée enmatière et l’évaluation.

Altération des relations sociales et des sentiments Nous énumérons ci-après les conséquences lesplus fréquentes de la violence sexospécifiqueet, en particulier, de la violence sexuelle.L’importance qu’on leur accorde varie toute-fois selon le contexte.

Individus/familles� stigmatisation sociale;� lésions physiques, éventuellement gros-

sesse non désirée, infection par le VIH oumaladie sexuellement transmissible;

� troubles fonctionnels psychosomatiques;� troubles dépressifs (désespoir, désintérêt

pour son entourage, perte d’appétit, mauvaise estime de soi, tendances suici-daires);

� modification du rapport à son proprecorps (perçu comme souillé et dégradé,sentiment de dégoût);

� troubles sexuels, perturbation de la dyna-mique du couple (peur et dégoût descontacts physiques);

� troubles relationnels (la peur, la distancia-tion et la méfiance dégradent les relationsavec les proches et les amis);

� dysfonctionnement dans le rôle de parent(attention réduite, violence à l’encontredes enfants);

� altération de l’image de soi et de la per-ception du monde (sentiment de faiblesse,de vulnérabilité et de non-appartenance);

� problèmes de toxicomanie, comportementautodestructeur.

Source: Medica Mondiale, 2004

Peter Damman/Agence Focus

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Violence sexospécifique

Communautés/société� altération des relations sociales;� coûts médicaux élevés;� forte mortalité maternelle;� baisse de la productivité;� distorsion de la notion de justice si la vio-

lence est niée et que les coupables restentimpunis;

� effondrement des valeurs;� renforcement des inégalités entre les sexes.

Perspective d’empowerment:prévention et aide L’aide aux victimes de la violence sexospéci-fique doit aller de pair avec la prévention.Dans tous les cas, le thème doit être abordésimultanément par plusieurs intervenants(hommes ou femmes selon le contexte).

Aide aux victimesL’aide aux victimes de la violence sexospéci-fique comprend non seulement les activitésmenées directement avec elles, mais aussi laformation du personnel dans les secteurs dela santé, de l’éducation, de la police et de lajustice, afin qu’il soit en mesure de réagir demanière appropriée face aux victimes. Parailleurs, le rétablissement de ces dernièresdépend avant tout de la manière dont lasociété traitera le crime après le conflit et dusort qu’elle réservera aux coupables (� Fiche4: Dealing with the past).

La dynamique d’un conflit entraîne toujoursune recrudescence de la violence exercéecontre les femmes, et celle-ci reste d’actualitédans les foyers même après la guerre. Lesprogrammes doivent dès lors être conçus surle long terme et disposer dès le départ de res-sources suffisantes pour développer les com-pétences spécifiques et protéger les membresde l’équipe contre l’épuisement professionnel.

L’aide aux victimes de la violence sexospéci-fique devrait comprendre au moins les élé-ments suivants et les aborder en tenantcompte du contexte:

«Elles ne veulent même pas qu’on les aide. Elles n’ont que cequ’elles méritent.» Dans l’aide aux victimes de violence sexospécifique, nous rencontrons souventdes gens qui ne viennent chercher de l’aide que très tard et qui replongentinéluctablement dans une situation empreinte de violence, non seulementparce que les relations sociales les y poussent, mais parfois – c’est du moinsce que l’on croit – parce qu’elles le veulent. Ce constat est frustrant pour lesmembres du personnel des services d’aide, qui en viennent tôt ou tard àpenser que les victimes sont elles-mêmes coupables, puisqu’elles refusent touteaide. La réalité est autre: les victimes n’ont pas seulement vécu la violence,elle est aussi devenue partie intégrante de leur identité. Elles se sententresponsables de l’épreuve subie et s’estiment indignes d’être aidées. Elles nesont même plus capables d’imaginer que le monde puisse être différent.Pour parvenir à échapper à la terreur, à l’abus et à l’oppression, il faut dela force et de l’amour-propre. Or ces qualités sont en grande partie détruiteschez beaucoup de victimes. Le fait qu’elles semblent vouloir perpétuer unerelation violente ou se soumettre à l’exploitation reflète leur profond désespoir,tout en leur offrant une protection partielle: quand on n’essaie pas dechanger, un échec est moins douloureux. La colère des collaborateurs contreles victimes qui ne se défendent pas confirme hélas le bien-fondé de cettestratégie de survie. Il existe un seul moyen de briser ce cercle vicieux: lavolonté de pas faire supporter leurs frustrations aux victimes, mais de lesaccompagner sur le long et difficile chemin de la transformation.

Individus/familles � Rompre l’isolement des victimes.� Mieux gérer la maladie/les blessures phy-

siques.� Développer des perspectives pour surmon-

ter la peur extrême et le stress.� Se donner les moyens de mieux maîtriser

son propre corps et sa propre situation. � Parler des sentiments de honte et de cul-

pabilité et rompre le tabou qui les entoure.� Renforcer la confiance en soi et en autrui.� Créer des perspectives pour améliorer la

gestion des relations hommes-femmes, dela maternité et de l’identité sexuelle.

� Améliorer la dynamique familiale etaccroître la tolérance au sein de la com-munauté. La réintégration des victimesdans leur groupe d’origine s’avère souventextrêmement difficile. Il convient d’envisa-ger sérieusement l’idée d’un déménage-ment et d’un changement du mode de vie.

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Violence sexospécifique

Communauté/société� Parler de l’instrumentalisation de la vio-

lence sexospécifique dans le cadre desconflits armés.

� Débattre du lien entre violence sexospéci-fique et rapports sociaux hommes-femmes,des rôles sexuels et de leur perception.

� Lutter contre la stigmatisation et oeuvrer en faveur d’une perception positive desvictimes et de leur reconnaissance.

� Juger les coupables (dealing with the past).

Prévention de la violence sexospécifique Les mesures visant à prévenir la violencesexospécifique portent sur les aspects suivants: a) Prendre des mesures pratiques pour éviter les

agressions, en particulier contre les femmes(aménager ou organiser les centres d’ac-cueil et les camps de réfugiés de manièreappropriée, développer des structuressociales qui assurent une protection, etc.).

b) Améliorer la protection juridique (crimina-liser la violence sexospécifique, etc.).

c) Faire évoluer l’opinion publique à l’égardde la violence sexospécifique. La violencedomestique et la violence sexuelle commearme de guerre devraient constituer unepratique intolérable pour la société etentraîner la condamnation des coupableset non pas celle des victimes.

d) Modifier le comportement des hommes. Ils’agit avant tout de débattre des rôlesassociés à l’identité masculine, ainsi que dela sexualité et de la violence masculines.

e) Promouvoir l’égalité des sexes, car lesrapports inégalitaires constituent le fonde-ment même de la violence sexospécifique.

La prévention passe par une collaborationdirecte avec des hommes de tous milieux, desjournalistes aux membres du club local defootball, des moniteurs de groupes de jeunesaux guides spirituels (� Ressources: l’UNIFEMa compilé des propositions dans ce domaine).

La prévention consiste aussi à mettre en évi-dence les conséquences de la violence sexo-spécifique. Ce travail de plaidoyer est souventassuré par des organisations d’aide aux victimes,qui mènent ces tâches avec des résultats

prometteurs. En alliant aide aux victimes,recherche et activités de plaidoyer, ces orga-nisations assoient leur crédibilité, tout en don-nant une dimension politique à leur assistancepsychosociale.

Code de conduite pour le personnel nationalet international On enregistre régulièrement des cas d’exploi-tation sexuelle de femmes et d’enfants par descollaborateurs d’organisations humanitaires.«Lorsqu’une jeune fille refuse d’avoir des rap-ports sexuels, on lui explique lors de la pro-chaine distribution de vivres que son nom nefigure pas sur la liste.» Voilà comment unefemme de Sierra Leone décrit les abus depouvoir perpétrés par ceux qui distribuentl’aide. Une enquête menée en 2002 par leHCR et l’ONG Save the Children dans descamps de réfugiés en Afrique occidentale adévoilé l’ampleur des abus commis sur desenfants. Imposer un code de conduite au per-sonnel national et international de la coopé-ration contribuerait à mettre fin à de tels abus.

Approche multisectorielle dela violence sexospécifique Pendant les guerres qui ont secoué l’ex-Yougoslavie, des projets spécifiques étaientencore mis sur pied et financés dans cedomaine selon le modèle occidental des mai-sons d’accueil pour femmes et des thérapiesindividuelles. Aujourd’hui, la coopérationinternationale privilégie une approche qui allieinterventions spécialisées et approche intégréedu problème dans tous les secteurs. Le gra-phique ci-dessous esquisse les liens entre lesdiverses activités envisageables dans les diffé-rents secteurs. Ce faisant, il faut se rappelerque la violence sexospécifique est un sujet trèssensible dans toutes les sociétés et qu’il fait, àcause de son caractère intime justement, l’objetde clichés et de préjugés faciles. Pour éviterd’aborder le sujet, certains se réfugient der-rière le paravent de la culture locale, commesi ces valeurs ne pouvaient être remises encause. D’autres, au contraire, pensent pou-voir lui appliquer des perspectives identitaireset des modèles occidentaux sans les adapterà la culture locale, comme s’il était possible

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Violence sexospécifique

Activités envisagées pour prévenir la violence sexospécifique et venir en aide aux victimes

d’ignorer – voire nécessaire de dépasser – lecontexte local dans les relations hommes-femmes. Pour développer, entre ces deuxextrêmes, une approche pertinente et efficacede cette thématique, une conscience pousséede la problématique genre ne suffit pas: elle

doit être accompagnée d’une compréhensionà la fois critique et empathique du contexteculturel et social.

SantéPréparer le personnel à aborder ce sujet, notamment en relation avec la santé génésique et le VIH/sida.

Promotion des revenusProposer des cours de

perfectionnement aux formateurs pour qu’ils sachent comment cette problématique

influe sur la motivation et la performance despersonnes en formation et comment ils

peuvent leur venir en aide.

Travail psychosocialAide aux victimes

Promouvoir les initiatives favorisant l’autonomie.

Contribuer à rompre l’isolement.Prise en charge psychologique.

Assistance juridique. Aide sociale.

PréventionFavoriser la prise de conscience de la féminité

et de la masculinité.Parler des manières de percevoir et de vivre

la sexualité et l’agressivité.Faire largement connaître la signification

et les conséquences de la violence sexospécifique.

FormationInviter les enseignants à

mener eux-mêmes une réflexion sur ce problème,pour qu’ils soient à même

d’aborder le sujet pendant les cours.

Aide alimentaire et autres formes d’aide humanitaire

Adopter un code de conduite pourle personnel et le faire respecter.

Confier la distribution d’aliments àdu personnel féminin.

GouvernanceVeiller à la participation des femmes au processus de paix.

Promouvoir la participation politique des femmes.

Intégrer la violence sexo-spécifique dans le processus «Dealing with the past». Créer le cadre légal nécessaire pour punir les coupables.

Poursuivre les coupables.Fournir la formation

requise au personnel.

Eau/logementOrganiser les camps de réfugiés de telle sorteque les femmes et les jeunes filles se sententen sécurité.

Aménager en conséquence les installations sanitaires et les locaux de lavage, éclairer les allées.

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Violence sexospécifique

RessourcesAdmira (2005) Work for Care. A Trainers' Manual. Sexual andDomestic Violence During and After War. www.transact.nlInstrument de travail très utile pour la planification de cours deperfectionnement sur le thème de la violence sexospécifique

African Rights (2004) Broken Bodies, Torn Spirits – Living withGenocide, Rape and HIV/AIDS. www.peacewomen.org/resources/Rwanda/marked.pdf

DDC (2003)L’égalité hommes-femmes en pratique – Un manuel pour laDDC et ses partenaires. Berne: DDC. www.deza.admin.ch(Thèmes – Égalité hommes-femmes – Instruments généraux etthématiques)

FamafriqueLes femmes marginalisées dans les instances de décision auRwanda: www.famafrique.org/

Association pour les droits de la femme et le développement www.awid.org/index.php

Medica mondiale e.V. (éd.) (2004)Sexualisierte Kriegsgewalt und ihre Folgen. Handbuch zurUnterstützung traumatisierter Frauen in verschiedenenArbeitsfeldern. Mabuse Verlag: Frankfurt a. Main. Une bonne présentation des formes et des conséquences de laviolence sexuelle.

RHRC (2004) Gender-Based Violence Tools Manual for Assessment &Program Design, Monitoring & Evaluation in Conflict AffectedSettings. New York. www.rhrc.orgIntroduction détaillée à l’analyse contextuelle, présentation deprogrammes envisageables et descriptions de postes à l’inten-tion des collaborateurs.

RHCR (2004) Checklist for Action. Prevention & Response to Gender-BasedViolence in Displaced Settings. GBV Technical Support Project.RHRC Consortium/JSI Research and Training Institute.www.rhrc.org

Le site Internet du Reproductive Health Response in ConflictConsortium (RHRC) (www.rhrc.org) contient également desliens vers d’autres manuels utiles.

Pro-femmes Rwandawww.profemme.org.rw/index2.html

Turshen M. et Twagiramariya C. (2004)Ce que font les femmes en temps de guerre: genre et conflit enAfrique. Santé, sociétés et cultures, Éd. L’Harmattan, Paris.Cet ouvrage est le premier consacré à la description et àl'analyse du vécu des femmes en Afrique pendant les guerresciviles.

UNICEF (2000)Domestic Violence against Women and Girls. Innocenti DigestN° 6. www.unicef.icdc.org/publications/pdf/digest6c.pdf

UNIFEM (2001)Putting Women First: Ethical and Safety Recommendations forResearch on Domestic Violence Against Women. www.unifem.org

UNIFEM (2000) With an End in Sight. www.unifem.orgCompilation d’expériences rassemblées dans la prévention dela violence exercée contre les femmes.

Le HCR, l’UNIFEM et l’UNICEF offrent de nombreux guides,aide-mémoire et manuels dans le domaine de la violencesexospécifique.

Vann B. (2002) Gender-Based Violence: Emerging Issues in Programs ServingDisplaced Populations. RHRCwww.rhrc.org/pdf/gbv_vann.pdfRésumé d’expériences, de normes et d’enseignements tirés deprogrammes pratiques.

Programme multisectoriel dans la région desGrands Lacs Dans la région des Grands Lacs, la DDC soutient un pro-gramme multisectoriel mené en faveur des femmes et desenfants victimes de violence sexuelle. Le volet médical pro-pose notamment des tests gratuits pour le dépistage du VIH/sida, tandis que le volet psychosocial comprend la Maisond’écoute, où les personnes concernées trouvent soutien émo-tionnel, assistance juridique et appui économique. En mêmetemps, le programme assure une formation aux collabora-teurs de différents secteurs qui travaillent avec des victimesde la violence sexuelle. Le troisième volet porte le titre de«plaidoyer» et vise à sensibiliser l’opinion publique. Le pro-gramme s’appuie pour beaucoup sur le réseau de diversesorganisations et acteurs locaux. En conséquence, la DDC necofinance pas directement les programmes des ONG, maisla plateforme au sein de laquelle elles se sont regroupéespour s’attaquer au problème de la violence sexuelle.

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Réfugiés et déplacés internesFiche 9

� Nul ne prend la fuite de sonplein gré. Elle résulte toujoursd’une contrainte et s’inscrit dansune situation d’urgence.

� Le processus traumatique que tra-versent les réfugiés ne s’arrêtepas à leur arrivée dans un payssûr; il ne fait qu’entrer dans unenouvelle phase.

� Des tensions apparaissent inévita-blement entre population localeet réfugiés. Des débats ciblés etdes échanges d’expériences per-mettent de les surmonter, mais ony recourt rarement. Il arrive quecertains attisent délibérément cestensions pour des raisons poli-tiques. On assiste alors à l’accu-mulation d’un grand potentielconflictuel, marqué à la fois parla projection de sa propre insécu-rité sur l’autre et par la mécon-naissance de son prochain.

� Même lorsqu’ils peuvent retournerdans leur pays d’origine, les réfu-giés ne retrouvent jamais la viequ’ils y menaient auparavant. Ilsont changé, et leur pays aussi. Àcertaines conditions, moyennantl’appui nécessaire, ils parviennentnéanmoins à prendre un nouveaudépart.

� Les déplacés internes ne fran-chissent certes pas les frontièresnationales, mais leur situation esttout aussi précaire que celle desréfugiés qui ont dû quitter lepays. Il est toutefois plus difficilede les recenser, ils n’ont pas destatut spécial et ne reçoiventaucune aide spécifique.

Séquences de la fuite et de la réémigrationToute guerre ou persécution entraîne son lot de réfugiés et dedéplacés internes. On en dénombre actuellement au moins 40 mil-lions de par le monde. Leur principal souci consiste bien souvent àcouvrir leurs besoins matériels et à préserver leur intégrité physiqueet leur vie, mais ils traversent aussi souvent de complexes processuspsychosociaux de destruction (traumatismes, pertes, manque desécurité, etc.). Ils rêvent de retour, mais celui-ci est pratiquementimpossible, puisque même la réémigration constituera au mieux unnouveau commencement, mais jamais un retour. Outre ces problèmesspécifiques, certains réfugiés et déplacés internes sont porteurs duVIH/sida, victimes de la violence sexospécifique ou menacés parcette violence dans les camps de réfugiés, d’autres on perdu unproche ou subi la torture. Ces thèmes, ainsi que les différentsaspects de l’aide aux réfugiés (logement, promotion des revenus,santé, etc.) sont traités dans d’autres fiches du présent manuel.

Peter Damman/Agence Focus

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Réfugiés et déplacés internes

Première séquence traumatique: Du début de la persécution à la fuite

Deuxième séquence traumatique: La fuite

Troisième séquence traumatique: Transition I – Période initiale dans le lieu d’accueil

Quatrième séquence traumatique: Chronicisation du provisoire

Cinquième séquence traumatique: Transition II – Retour

Sixième séquence traumatique: Après la persécution

Les réfugiés deviennent des réémigrants Les réfugiés deviennent des migrants

La fuite: un traumatisme séquentielÉlargissement d’un schéma décrit par Hans Keilson

DDC/Ana Feric

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Réfugiés et déplacés internes

La problématique particulière des déplacés internesLes civils en fuite qui franchissent une frontière nationale deviennent des réfugiés et ontainsi droit à une protection internationale. Pour les personnes qui fuient à l’intérieur de leurpropre pays, il est bien plus difficile d’obtenir aide et protection, car le droit internationalne reconnaît pas le statut de «déplacé interne». Dans les principes directeurs relatifs audéplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, établis en 1998 par l’ONU,le représentant spécial du Secrétaire général, Francis Deng, définit ce groupe de personnescomme suit:

«Les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont des personnes ou des groupesde personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment en raison d’un conflit armé, de situations de violencegénéralisée, de violations des droits de l’homme ou de catastrophes naturelles ou provo-quées par l’homme ou pour en éviter leurs effets, et qui n’ont pas franchi les frontièresinternationalement reconnues d’un État.» (cf. Terre des hommes, 2004)

Cette définition recouvre des réalités et des contextes politiques très différents: en Bosnie,par exemple, les «déplacés internes» sont les personnes qui ont été victimes, pendant laguerre et à l’intérieur des frontières de l’État actuel, de l’«épuration ethnique» menée alorsà grande échelle. Au Népal, en revanche, les habitants partent seuls ou en petits groupespour fuir la répression à laquelle ils sont exposés dans leur village, et se mêlent ensuite à lapopulation locale du lieu d’accueil. Il est alors souvent impossible de les distinguer de ceuxqui ont fui leur village à cause d’une situation économique qui ne cesse de se détériorer.

D’autres questions se posent: Les déplacés internes bénéficient-ils d’un statut particulier ausens de la définition ci-dessus? Si oui, pendant combien de temps? C’est en effet de l’octroid’un tel statut que dépend l’aide qu’ils reçoivent. En Angola, par exemple, on considèreque l’intégration des déplacés internes est achevée au bout de 6 mois et ils perdent alorstout droit à une assistance ultérieure.

Problèmes-clés et perspectives d’empowerment

La décision de fuir résulte toujours d’une contrainte et elle est marquée pardeux pensées contradictoires: la renonciation, née du désespoir et du constatqu’il n’existe pas d’autre issue, et le désir de sauver sa vie et celle des membresde sa famille.

Les déplacés internes croient souvent plus fermement que les réfugiés qu’ilspourront très vite retourner chez eux, puisqu’ils sont restés au pays. Or cetespoir est souvent déçu.

Questions-clés� La décision de fuir est-elle prise dans l’urgence ou a-t-on eu le temps de la

mûrir et de planifier son départ?

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Réfugiés et déplacés internes

� Cette décision est-elle prise par les personnes concernées elles-mêmes ouleur est-elle imposée (expulsion au terme d’une détention, p. ex.)?

� Des adieux sont-ils possibles?� À quel point les événements à l’origine de la fuite sont-ils traumatisants?

Perspectives d’empowermentAu cours de cette phase, où seule une assistance limitée est possible, il con-vient de considérer trois choses:� la menace,� la prévision d’éventuelles difficultés pendant la fuite et à l'arrivée dans le

lieu d'accueil,� la forme des adieux.

La fuite dure souvent plusieurs mois. Les réfugiés risquent parfois leur vie etsont exposés à de nouvelles expériences traumatiques. Alors qu’ils ont déjàtout perdu, ils doivent encore trouver la force de poursuivre un but, celui dese mettre en sécurité. Le chaos, une vue d’ensemble insuffisante et une peuromniprésente conduisent à des décisions qui ne sont pas toujours propices àla survie.

Les déplacés internes espèrent souvent pouvoir faire appel à des ressourcesqu’ils connaissent (des amis ou de la parenté, p. ex.), ce qui s’avère le plussouvent illusoire.

Questions-clés� La personne concernée est-elle seule, accompagnée de sa famille ou inté-

grée dans un grand groupe?� La fuite est-elle organisée de manière professionnelle (passeurs)?� Dans quelle mesure le réfugié est-il libre de prendre une décision lui-

même? À quel point est-il à la merci d’autrui?� La fuite conduit-elle dans un autre pays/une autre région linguistique?� Sur quelle durée la fuite s’étend-elle?� Où la fuite s’achève-t-elle (dans un camp de réfugiés/chez des amis)?� Quelles épreuves traumatiques les fugitifs traversent-ils pendant leur fuite?� Ont-ils des relations sociales sur lesquelles ils peuvent vraiment compter?

Perspectives d’empowermentComme pour la phase précédente, les possibilités de fournir une assistancesont limitées. Voici les priorités: � aide matérielle,� réflexion sur les menaces immédiates,� moments de repos.

L’arrivée à destination est souvent synonyme de choc. Le «refuge» ne garantitpas de véritable sécurité et ne correspond pas aux attentes. Les réfugiés sesentent dépassés par les innombrables problèmes qu’ils doivent résoudresimultanément pour assurer leur survie. Ils ont pour la première fois le tempsde prendre conscience des souffrances psychiques subies. Voici les princi-paux problèmes:

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Réfugiés et déplacés internes

� le logement (camp, abri collectif, logement individuel);� la situation juridique (autorisation de séjour, permis d’établissement, permis

de travail, protection contre les agressions criminelles);� la situation économique.

Les déplacés internes sont de plus dans une situation contradictoire. D’une part,on ne les distingue souvent pas de la population du lieu d’accueil; ils peuventdonc se cacher et s’intégrer facilement. De l’autre, ils ont le sentiment d’êtredevenus des étrangers et des exclus dans leur propre pays. Avec le temps, leursproches et amis se montrent moins serviables que prévu et des conflits com-mencent à éclater. Les déplacés se rendent alors compte qu’ils ne sont pas envisite, mais en fuite. Dans un camp ou dans un abri collectif, la situation desdéplacés internes s’avère particulièrement difficile: leurs besoins matériels sontcertes couverts, mais ils souffrent de la marginalisation et de la honte qu’ilsressentent à l’égard d’une population dont ils faisaient encore récemment partie.

Thèmes-clés� Sécurité: La clé de toute stabilisation réside dans la garantie des moyens

de subsistance (autorisation de séjour, logement, etc.).� Autonomie: Contraints de fuir, les réfugiés ressentent un fort sentiment

d’impuissance dû au fait que d’autres ont décidé de leur sort à leurplace. Les projets menés en leur faveur doivent donc, dans la mesure dupossible, les encourager à prendre des décisions et respecter leurs choix.

� Intégration: Des activités ciblées permettent de maîtriser et d’atténuer lesentiment d’être étranger et de ne pas appartenir à la société. Force esttoutefois de constater que cette démarche est particulièrement difficileavec les déplacés internes, car ils ne se considèrent généralement pascomme des «étrangers».

� Dans le cas des déplacés internes, il importe, surtout dans les premierstemps, de reconnaître leur situation particulière, de favoriser la compré-hension à leur égard au sein de la population d’accueil et d’obtenir dugouvernement national qu’il leur vienne en aide. Les déplacés internesdeviennent souvent des citoyens de seconde classe, perdent leurs droitsciviques (pour des raisons administratives), rencontrent des difficultés àscolariser leurs enfants, etc.

Perspectives d’empowerment� Assistance juridique.� Appui psychosocial, création de groupes.� Aide matérielle/abris.� Mesures visant à renforcer la capacité à mener des activités économiques,� Encouragement d’interactions avec la population du pays d’accueil.

Dans cette séquence, on peut distinguer deux étapes, étant entendu que tousles réfugiés ne franchissent pas nécessairement les deux:� Les réfugiés ou personnes déplacées s’adaptent aux circonstances, mais

continuent à considérer leur situation comme provisoire. Bien que cette attitudeles aide à préserver des liens étroits avec leur pays ou leur lieu d’origine et àdéfendre leur identité, elle constitue également un obstacle à leur intégration.

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Réfugiés et déplacés internes

� Les personnes concernées acceptent la situation et n’attendent plus vraimentde changement. Cette étape facilite l’intégration, mais opère une profondefracture dans l’identité individuelle, les anciens liens ne pouvant plus guèreêtre maintenus.

Thèmes-clés� Sur-adaptation ou sous-adaptation devenant chronique à moyen terme. � Insécurité.� Nouveaux traumatismes (xénophobie, difficultés administratives, querelles

et différends avec des amis et des proches, concurrence dans la recherched’un emploi, etc.).

� Difficulté à redéfinir sa propre identité.� Conflit générationnel pour ce qui est de l’intégration.� Conflit entre la loyauté envers le pays ou le lieu d’origine et l’identification

au pays ou au lieu d’accueil, entre le statut de réfugié et le désir de normalité.

� Deuil entraîné par la perte de sa patrie.� Dans le cas des déplacés internes: encourager leur intégration en tenant

compte de leurs problèmes spécifiques. Le statut particulier qui peut leurêtre accordé joue un rôle important dans un premier temps, mais il fautveiller à ce qu’il ne débouche pas sur une nouvelle marginalisation. Lesprogrammes de lutte contre la pauvreté doivent donc toujours s’adresseraussi bien à la population locale qu’aux déplacés internes.

Perspectives d’empowerment� Aide psychosociale (priorité: orientation vers l’avenir, perspectives de vie

à long terme). � Promotion de la capacité à mener des activités économiques. � Apprentissage de la langue.� Formation, perfectionnement et formation continue.

Cette séquence englobe le moment où intervient la décision – volontaire ounon – de rentrer au pays, le voyage de retour et la période qui suit immédia-tement l’arrivée dans le pays d’origine. Le retour forcé constitue en généralun nouveau traumatisme ou la répétition d’un traumatisme profond. Mais leretour volontaire est lui aussi toujours synonyme de crise.

Ce processus est également difficile et peut s’avérer traumatisant pour lesdéplacés internes, mais les risques sont moins élevés, puisque les distancessont plus courtes et que le retour peut être mieux préparé. Comme les dépla-cés internes ne bénéficient que rarement d’une reconnaissance et d’une aideofficielles, leur retour se fait souvent dans de moins bonnes conditions écono-miques que pour d’autres groupes. De plus, ils ne veulent pas tous retournerchez eux. S’ils sont parvenus, dans leur lieu d’accueil, à refaire leur vie surdes bases économiquement solides, le retour forcé vers une situation précairepeut être perçu comme une expulsion et entraîne un nouveau traumatisme oula répétition d’un traumatisme antérieur.

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Réfugiés et déplacés internes

Thèmes-clés� Le caractère volontaire du retour doit être garanti.� Situation économique précaire après le retour.� Le pays ou le lieu d’origine est perçu comme étranger. Le retour détruit les

rêves et les illusions. � Contre toute attente, il s’avère douloureux de quitter le pays d’exil/le lieu

d’accueil (même lorsqu’on l’a détesté). � Conflits avec des membres de la famille et d’anciens amis: difficulté à

communiquer et à partager des expériences différentes, perte de l’imageidéalisée dans les contacts quotidiens.

� Lorsque le séjour dans le pays d’exil/lieu d’accueil a duré très longtemps,des oppositions peuvent apparaître au sein de la famille, par exemplelorsque les parents veulent rentrer au pays et que les enfants préfèrent rester,car ils se sentent désormais beaucoup plus chez eux dans le pays d’exil.

Perspectives d’empowerment� Aide au retour (économique et psychologique). � Mise en rapport avec les structures d’assistance compétentes dans le

pays/lieu d’origine. � Informations et conseils sur tous les aspects de l’organisation de la nou-

velle vie après le retour au pays, appui psychologique.

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Les réfugiés deviennent des migrantsNombre de réfugiés ne retournentjamais dans leur pays. Ils restentdans la société d’accueil, s’intègrenttant bien que mal et/ou forment denouvelles minorités.

Thèmes-clés� Identité.� Appartenance.� Prévention de la ghettoïsation.� Promotion de la diversité culturelle

au sein de la population.

Perspectives d’empowermentLes projets ne concernent plus seule-ment les anciens réfugiés, mais lapopulation dans son ensemble. Ilsvisent avant tout à promouvoir lescompétences et la communicationinterculturelles, ainsi qu’une partici-pation effective des anciens réfugiésaux processus politiques et sociaux.

Les réfugiés deviennent des «réémigrants» Même si les personnes concernéesretrouvent progressivement leur sen-timent d’appartenance, il n’existepas de véritable retour possible.L’exil restera une page indélébilede leur histoire: une expériencepositive de par les nouvelles con-naissances acquises, négative parle sentiment de non-appartenance.Au sein d’une famille, la migrationforcée demeure un sujet de discus-sion sur plusieurs générations.

Thèmes-clés� Attitude de rejet de la part de

ceux qui ne sont pas partis, quitraitent les «réémigrants» detraîtres ou de lâches et qui lesconsidèrent comme des rivauxsur le marché du travail.

� Sentiment de culpabilité pouravoir décidé de fuir pendant lacrise.

� Problèmes d’adaptation.

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Réfugiés et déplacés internes

Population locale et réfugiés Des tensions apparaissent toujours entre cesdeux groupes. La population locale a peurdes étrangers, elle tente de défendre ses res-sources – souvent limitées – contre les nou-veaux-venus et tend à se montrer jalouse del’aide que la coopération internationale four-nit aux réfugiés. Les réfugiés souffrent, pourleur part, de l’interdiction de travailler, del’exclusion sociale et de leur isolement. Bienque les déplacés internes n’aient que rare-ment accès à des programmes d’aide, leursrelations avec la population locale n’en sontpas moins ardues.

Dans tous les cas, il importe de développeractivement les relations entre les deux groupesde population. Des contacts structurés permettentde se découvrir des intérêts communs, de parlerde ses peurs, d’aborder les conflits et, ainsi, deles désamorcer. Toute analyse des problèmesou étude visant à recenser les expériences etles besoins, devrait systématiquement faireintervenir les réfugiés et les habitants locaux,afin de mettre en évidence l’influence que le

Perspectives d’empowerment� Développement des compé-

tences, accès aux crédits et àd’autres mesures d’aide à l’inté-gration économique.

� Appui psychologique, groupesd’entraide.

� Mesures visant à favoriser lacompréhension entre les «réémi-grants» et la population locale.

� Débat et travail sociopolitiquessur le conflit entre les personnesrestées au pays et les «réémi-grants».

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Réfugiés et déplacés internes

changement de situation exerce sur ces deuxgroupes de population. Lorsque ceux-ci sontde culture et de langue différentes, il fautencourager les réfugiés à apprendre la languedu lieu d’accueil et la population locale às’intéresser à la culture des réfugiés.

Enfants réfugiésLes enfants réfugiés sont encore plus exposésau danger que les adultes. Ils ne comprennentsouvent pas ce qui leur arrive et leurs parentsne peuvent leur assurer une protection suffisante,car ils se sentent eux-mêmes menacés, blesséset angoissés. La situation des enfants mineursnon accompagnés est encore plus précaire,car ils n’ont plus personne pour veiller sureux. Ils sont souvent exploités (traite d’êtreshumains, travail des enfants, etc.) ou recrutésde force par les parties en conflit.

Il est donc recommandé d’adopter des mesuresspécifiquement destinées aux enfants réfugiés.Dans tous les cas et partout, il faudrait offriraux enfants la possibilité de se développer

(� Fiche 16: Éducation et formation), tout enutilisant les capacités qu’ils ont acquises dansleur lutte pour la survie. Les «groupes depairs» (présentant des affinités) jouent ici unrôle important; il faut donc veiller à ne pasentraver, mais à favoriser au maximum leurformation. L’essentiel consiste cependant àétablir des relations de confiance durablesavec des adultes capables de reconnaître lavaleur des jeunes réfugiés, de leur donner del’amour, de leur fournir un appui et de leurservir de personnes de référence. L’attitudeaimante des adultes revêt une importance toutaussi cruciale que leur capacité à fixer deslimites sans recourir à l’autoritarisme. Lesenfants disposeront ainsi d’espaces où ilspourront pleurer leurs pertes, donner librecours à leur colère, exprimer leurs décep-tions, reprendre confiance en eux et retrouverleur assurance.

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Réfugiés et déplacés internes

Modification conflictuelle desstructures relationnellesDans leur fuite, les réfugiés et les déplacésinternes sont en général confrontés à d’autresstructures organisationnelles, modes de com-munication, types de relations et valeurs.Dans un camp de réfugiés de l’ONU, c’estpar exemple le HCR qui assure la distributionde vivres et qui assume ainsi la fonction tradi-tionnelle du chef de famille, ce qui déclencheun processus de dévalorisation dans certainesfamilles. Des problèmes similaires assaillentles réfugiés issus de sociétés très patriarcales,qui arrivent en Europe et sont confrontés àdes relations d’un type nouveau, telle l’égalitédes droits entre hommes et femmes.

Menacés dans leur identité même, les réfu-giés se mettent en quête de certitudes et secramponnent à des traditions qui n’ont par-fois plus cours dans leur pays et auxquelles ilsne croyaient plus vraiment eux-mêmes. En sedéfendant contre un changement trop rapide

et trop brutal, ils adoptent une attitude exagé-rément traditionaliste qui risque de lesconduire à l’auto-exclusion. Le contact avecdes coutumes et des habitudes d’autres paysoffre néanmoins l’occasion de remettre enquestion ses propres traditions répressives.

Ces antagonismes provoquent des conflits ausein des familles ou des groupes de réfugiéset opposent le plus souvent les hommes auxfemmes ou une génération à une autre. Pourbeaucoup d’hommes, l’émancipation des femmes et des adolescents est une menacequi engendre un sentiment d’insécurité extrême.Ne sachant pas comment se comporter dansce genre de situation, les «perdants» poten-tiels de ces conflits risquent fort de réagir parla violence ou par une passivité due à dessentiments dépressifs. Les projets de promo-tion des femmes ou des jeunes devraient tou-jours – aussi dans l’intérêt des groupescibles– évoquer ce potentiel conflictuel dansle milieu familial et prévoir des mesures

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Réfugiés et déplacés internes

Le douloureux antagonisme entre ceux qui sont restés etceux qui rentrent au pays Au milieu des années 80, un groupe de jeunes Chiliens débattait de l’exilet du retour au pays. Ceux qui étaient restés prétendaient d’abord ferme-ment qu’eux seuls avaient vraiment souffert de la dictature, alors queceux qui s’étaient réfugiés à l’étranger s’en tiraient pour le mieux. N’enpouvant plus, une «réémigrante» éclata en larmes: «Il y a huit mois queje suis de retour au Chili. Depuis, on m’a arrêtée trois fois, on m’a battueet les policiers m’ont molestée. Ce n’est pas cela le plus grave, car je m’yattendais. Mais constater que mes camarades me considèrent comme dif-férente, étrangère au groupe, alors que j’ai pris les mêmes risques quetous les autres, que j’ai reçu les mêmes coups, subi les mêmes humilia-tions et ressenti la même peur, c’est trop pour moi. Ici, dans ce débat, je ressens la même chose. Pour vous, je serai toujours une étrangère,mais je ne peux rien y faire. Et pendant 10 ans, en exil, j’ai été «laChilienne», l’étrangère. Il m’arrive de penser qu’il n’y a pas de retourpossible.»Au cours de la discussion qui a suivi cet éclat, il est apparu à quel pointtous ces jeunes désiraient vivre dans un foyer uni et harmonieux et à quelpoint leur «chez soi» était marqué par la déchirure de la société chilienne.Or l’histoire nationale comprend désormais l’expérience aussi bien deceux qui sont restés au pays que de ceux qui ont dû s’exiler.

d’appui pour les hommes, ou des espaces dediscussion pour tous les membres de lafamille.

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Réfugiés et déplacés internes

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DDC/Samer Mohdad (Photo Filtre)

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Anciens combattantsFiche 10

Démobilisation et démilitarisationDésarmement, démobilisation et réinsertion des combattantssont des aspects essentiels du processus de démilitarisationdans des zones en phase d’après-guerre. La paix n’a unechance de perdurer que si les combattants renoncent à leuridentité de soldats et redeviennent d’authentiques civils. Ceprocessus est toujours long et laborieux. Il est nécessaire deprévoir des programmes consacrés aux problèmes spécifiquesdes anciens combattants; mais cela ne doit pas provoquerde nouvelles marginalisations ou stigmatisations, ni instaurerdes privilèges injustifiés par rapport au reste de la population.Par ailleurs, la problématique des anciens combattants n’estqu’un aspect de la démilitarisation. Celle-ci demande aussiun contrôle politique démocratique des forces armées etl’instauration d’une culture de règlement pacifique desconflits.

� La catégorie des anciens combat-tants s’étend à toute personneayant exercé une fonction dansles troupes belligérantes.

� Désarmement et démilitarisationsont des volets complémentairesdu processus de paix; la démobi-lisation ne constitue que la pre-mière étape de la démilitarisation.

� Les difficultés psychiques ne semanifestent souvent qu’après ladémobilisation. Les traumatismesrésultent non seulement de ce queles anciens combattants ont subi,mais aussi des atrocités qu’ils onteux-mêmes été capables de com-mettre.

� Hommes et femmes vivent leurcondition de soldat de manière àla fois analogue et très différente.Toutes les opérations de démobili-sation et de réinsertion doiventtenir compte de leur vécu et deleurs besoins spécifiques.

� Il s’agit de reconnaître et de trai-ter à la fois l’enfance saccagéedes enfants-soldats et le fait queles circonstances les ont contraintsà devenir adultes prématurément.

Dhruba Basnet

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Anciens combattants

Qui est considéré comme uncombattant? On désigne traditionnellement du nom decombattant toute personne enregistrée commetelle par sa hiérarchie militaire. Les troupesdes parties au conflit comptent aussi des com-battants irréguliers ou francs-tireurs engagéspour des périodes limitées, ainsi que beaucoupd’autres personnes – surtout des femmes et desenfants qui font de la propagande, transportentdu matériel, soignent les blessés ou sontcontraints à des services sexuels. Les Principes du Cap (Cape Town Principles) surla problématique des enfants-soldats proposentainsi de définir comme combattant tout per-sonne «…enrôlée dans une force armée ou ungroupe armé régulier ou irrégulier, quelle quesoit la fonction qu’elle exerce, notamment maispas exclusivement celle de cuisinier, porteur,messager […]. Cette définition englobe les filles

recrutées à des fins sexuelles…» (� Ressources).La question se pose aussi de savoir dans quellecatégorie placer les membres de la famille quiaccompagnent des combattants en assumantponctuellement une fonction d’auxiliaire. Faceà la réalité des guerres actuelles, il importe,dans l’intérêt d’une stratégie de démobilisationefficace, que l’on donne un sens aussi vasteque possible au terme de combattant, tout enle précisant le mieux possible en fonction desparticularités du contexte.

Dans l’esprit de la Résolution 1325 duConseil de sécurité de l’ONU, qui souligne la nécessité de prendre en considération lesbesoins différents des femmes et des hommesex-combattants dans les phases de démobili-sation et de réinsertion, ces opérations doiventêtre organisées selon des critères sexo-spécifiques.

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Anciens combattants

Certains anciens combattants sont des crimi-nels, tandis que d’autres sont des victimes, ouencore les deux à la fois. Certains ont étécontraints de prendre les armes, tandis qued’autres l’ont fait de leur propre volonté. Lesuns faisaient leur service militaire obligatoire,alors que d’autres se sont enrôlés dans l’ar-mée parce qu’ils s’identifiaient aux objectifsde libération et de changement de cette der-nière. La façon dont on aborde et traite cesdifférentes biographies exerce une influencecertaine sur les perspectives de réinsertion. Ilfaudrait donc que les programmes de retourà la paix évitent une approche uniforme desanciens combattants, qui s’avérerait arbitraireet potentiellement destructrice pour eux.

Séquences traumatiques del’existence des combattantsLes ex-combattants peuvent être des criminels,

mais ils sont souvent également des victimes.Ils ont commis des brutalités durant la guerre,ont assisté aux violences perpétrées par d’autres, et peut-être subi eux-mêmes de gravessévices. Il en résulte pour certains de profondescrises psychiques qui se manifestent déjà pendant la guerre. Mais c’est avec la fin deshostilités que ces problèmes se posent avec leplus d’acuité. L’identité de guerrier se vide detout sens puisque l’individu cesse de fairepartie de l’institution qui alimentait et proté-geait cette identité. Dans la vie civile, onporte un regard nouveau sur des événementsqui paraissaient normaux durant la guerre,que l’on considérait même comme l’accom-plissement de son devoir. Cette nouvelleconfrontation prend au mieux la forme d’unprocessus d’apprentissage complexe, maisrisque aussi de déboucher sur de graves crises d’identité.

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Thèmes clés et perspectives d’empowerment

De nombreuses raisons peuvent pousser une personne à s’enrôler dans unearmée: pauvreté, désir de vengeance, conviction idéologique ou goût del’aventure, etc. Pour les femmes, peut s’y ajouter la volonté de s’émanciper etde dépasser leur rôle traditionnel. Quand un conflit s’intensifie, les armées enprésence tentent de renforcer leurs rangs par des opérations de recrutementforcé. Les recrues potentielles essaient d’y échapper, mais sont poursuivies ouaccusées d’être dépourvues d’esprit patriotique.

Aussitôt après le recrutement, il s’agit de soumettre les futurs combattants auxrègles strictes de la hiérarchie militaire et de sa mission. L’instruction militairecomprend nécessairement un processus de désensibilisation à la violence,pour que les soldats soient capables d’affronter, de supporter et de perpétrerdes actes de violence extrême. La confrontation à des actes humiliants etdégradants joue un rôle important dans ce processus.

Questions-clésComment s’est fait le recrutement? A-t-il eu lieu sur une base volontaire ou forcée? A-t-il été associé à des violences contre les recrues ou contre leursfamilles? En cas d’enrôlement volontaire, quels en ont été les motifs?Comment s’est déroulé le processus de transformation du civil en militaire?Quel a été le degré de brutalité de la rupture avec l’ancienne identité?

La vie de soldat se caractérise par une obéissance absolue aux supérieurshiérarchiques, par des liens très étroits avec les camarades et par un désen-gagement moral, c’est-à-dire par l’abandon de ses propres convictions morales.Beaucoup de soldats sont ensuite hantés par les atrocités dont ils se sontmontrés capables pendant la guerre. Comment avaient-ils pu se laisser pourainsi dire griser par la violence? On peut ainsi se trouver traumatisé non seulement par la mort d’un camarade ou par les brutalités que l’on a soi-mêmesubies, mais aussi par la perte de sa propre humanité.

Les rôles contradictoires des femmesCertaines femmes prennent des fonctions dirigeantes et acquièrent des com-pétences et des expériences nouvelles. D’autres pratiquent avec leur armedes activités qui, traditionnellement, étaient plutôt réservées aux hommes.Mais elles sont en même temps exposées à des violences sexuelles exercéespar des hommes contre elles, contre les femmes recrutées d’emblée pour desservices (sexuels) et contre la population civile. Les combattantes font ainsipartie d’un système qui donne à certaines d’entre elles une chance des’émanciper et de sortir de leurs rôles traditionnels, tout en contribuant à une aggravation des sévices infligés aux femmes.

Questions-clésCombien de temps la personne en question a-t-elle été combattante? Quelleétait sa fonction? Comment s’est-elle comportée à l’égard de la populationcivile? Quelle a été son attitude envers les autres membres du groupe?Comment a-t-elle été traitée par les autres membres du groupe? Quelles

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Anciens combattants

attaques elle-même et sa troupe ont-elles subies? A-t-elle été prisonnière? A-t-elle été blessée?Qu’est-ce que cette personne a apprécié dans son vécu de combattant? Qu’y a-t-elle appris?

La démobilisation est le processus par lequel un combattant redevient officielle-ment un civil. Le programme standard de l’ONU (désarmement, démobilisationet réinsertion, DDR) comprend le rassemblement des combattants dans descamps, la reddition des armes et des uniformes, la démobilisation officielle quilibère les combattants de la hiérarchie militaire et, selon les programmes, letransport vers la destination souhaitée.Compliqué sur le plan politique et logistique, ce processus est maintenant orga-nisé en étapes avec des check-lists clairement définies (� Ressources) – lesquellesne s’occupent toutefois pas assez des problèmes psychosociaux. Dans certainscontextes sociaux et politiques, la démobilisation se déroule différemment ou defaçon moins structurée. Qu’il y ait ou non des programmes officiels, beaucoupd’hommes et de femmes ex-combattants réintègrent la vie civile de manière indé-pendante et sans passer par ces programmes. Leurs problèmes psychosociaux nesont pas différents pour autant de ceux des personnes démobilisées dans lesrègles; mais ils sont plus difficiles à traiter du fait que ces personnes échappentaux programmes prévus.

Thèmes-clés� Le processus de démobilisation est axé principalement sur les hommes en

possession d’armes. D’autres soldats et, surtout, soldates, ne sont pasenregistrés et restent à l’écart des camps, ou séjournent avec leurs famillesqui n’ont rien à faire officiellement avec la démobilisation. Dans les centresd’accueil, les besoins des femmes (p.ex. logement séparé, protectioncontre d’éventuelles agressions, soins de santé) sont en général insuffisam-ment pris en compte.

� La démobilisation met fin à une existence de soldat, mais ce n’est pasimmédiatement le début d’une nouvelle existence. Que la personne démo-bilisée se réjouisse ou non de la fin de la guerre, des souvenirs agréableset atroces envahiront maintenant son esprit. Simultanément, la peur del’avenir ira en augmentant. Les démobilisés se trouvent ainsi dans un étatde labilité psychique qu’il s’agit de stabiliser. Pour ce faire, il conviendraaussi et avant tout de stimuler la responsabilité personnelle.

� Le principal problème inhérent à cette phase consiste à enregistrer correc-tement les personnes démobilisées et à les ramener à leur lieu d’origineou à l’endroit où elles désirent reprendre leur vie civile. C’est là un pro-cessus complexe, parce que ces personnes ont de nombreux motifs (culpabilité, peur du rejet, désir de commencer une nouvelle existence) dene pas dire d’emblée la vérité sur leur origine, leur âge, leur statut fami-lial, etc., et qu’elles ont de la peine à s’imaginer concrètement un avenirdans la vie civile. Il ne s’agit donc pas d’une simple opération administra-tive, mais d’une véritable intervention psychosociale qui doit permettre,dans un climat de communication et de confiance, de récolter des don-nées fiables sur ces personnes, afin de pouvoir leur donner des conseilspertinents.

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Anciens combattants

Perspectives d’empowerment� Fournir des informations (sur les formations et les emplois possibles, sur la

situation qui règne aux lieux de destination, sur les droits et les devoirs desanciens combattants).

� Prodiguer des soins aux anciens combattants et les informer sur des ques-tions liées à la santé, notamment sur le VIH/sida. S’y ajoutent, pour lesfemmes, divers aspects de la santé génésique.

� Offrir un espace pour discuter des expériences traumatiques et de la manièredont la personne qui les a subies pourra les gérer dans sa vie future.

� Organiser des groupes de discussion sur les perspectives d’avenir et sur les peurs qu’elles suscitent.

� Organiser des groupes de discussion sur les droits humains et sur les droitsdes femmes.

Dans cette phase, l’attention se focalise souvent sur la question des moyensd’existence. Mais il est tout aussi important d’assurer la réinsertion des ancienscombattants dans leur famille, leur communauté et la société en général. Ceprocessus compliqué sera décisif pour l’avenir des soldats: redeviendront-ilsd’authentiques civils ou reprendront-ils leurs armes et mettront-ils en danger lasécurité des citoyens? C’est à ce stade que les anciens combattants qui se sontdémobilisés eux-mêmes sans participer à un programme officiel deviennentun sujet de préoccupation.

Thèmes-clés� Les programmes de réinsertion comprennent pour la plupart des presta-

tions matérielles, souvent sous forme d’argent versé au cours d’une cer-taine période; à cela s’ajoutent parfois l’attribution de lopins de terre, desformations et des équipements pour permettre aux anciens combattants dedémarrer leur nouvelle vie. Cette aide à la réinsertion économique peutprovoquer de la jalousie et une nouvelle stigmatisation dans les pays trèspauvres (p.ex. Angola). Les chances de réussite seront meilleures si onl’associe à des programmes d’accompagnement psychosocial (� Fiche17: Emploi et revenus).

� On constate très souvent des lacunes dans les soins apportés aux ancienscombattants atteints dans leur santé physique (invalidité) ou psychique(traumatisme). On se contente le plus souvent de leur dispenser des soinsprimaires en omettant, dans la plupart des cas, de leur offrir un appuipsychologique et un suivi médical spécialisé de longue durée.

� Problématique de la rupture d’identité: perte de pouvoir, insécurité faceaux règles de la vie civile, responsabilité personnelle, souvenirs traumati-sants, etc. Il est également important de savoir si l’on a acquis durant laguerre des connaissances ou des compétences qui pourraient être exploi-tées utilement.

� Confrontation des anciennes combattantes à leur image de femme (à leursyeux et à ceux d’autrui): après leur expérience de la guerre, elles ont sou-vent de la peine à se soumettre comme autrefois à leur famille. Certainesd’entre elles désirent retrouver une vie «intacte» et reprendre leur rôle tra-ditionnel. Quoi qu’il en soit, elles devront s’interroger sur cette questiondu conflit des rôles.

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� Problématique de l’hostilité à l’égard de connaissances d’avant-guerre enraison de leur différents vécus: une communauté peut rejeter certaines per-sonnes pour divers motifs – il arrive souvent que des femmes soient frap-pées d’ostracisme parce qu’elles ont transgressé les règles de la société,sur le plan sexuel notamment.

� Problématique de l’agression: comment remettre en question et «désap-prendre» la violence effrénée à laquelle on s’est habitué durant la guerre?Comment empêcher une augmentation ou une répétition de la violence auniveau des relations personnelles, notamment au sein des familles?

� Problématique liée aux crimes et au passé dans les communautés: beau-coup de combattants ont participé (parfois sous la contrainte) à desactions contre leur propre communauté. D’autres reviennent de la guerreperturbés, psychiquement malades et incapables de se réintégrer dans lasociété.

� Problématique de la colère et de la honte: certains anciens combattantsse sentent mis à l’écart de la société et de leur environnement social, etmarginalisés sur le plan politique. Dans d’autres contextes, les ancienscombattants se trouvent confrontés aux difficultés de l’idéalisation. Mêmefêtés en héros, ils peuvent ressentir honte et culpabilité pour les actesqu’ils ont commis, sans avoir le droit d’exprimer ces sentiments.

� Les anciens combattants qui se démobilisent eux-mêmes devraient êtreidentifiés puis intégrés à des programmes officiels. Il convient de s’occu-per des ambivalences propres à leur situation particulière.

Perspectives d’empowerment� Tenir compte des problèmes spécifiques des femmes dans l’organisation et

l’affectation des mesures de réinsertion (p.ex. si elles ne peuvent pas êtretitulaires d’un compte en banque ou posséder des terres).

� Veiller à ce que les cours de formation offerts prennent en compte l’expé-rience des anciens combattants; les femmes, notamment, doivent avoirl’occasion de se former dans des métiers qui ne sont pas traditionnelle-ment féminins. Il convient d’associer aide psychosociale et promotion desrevenus (� Fiche 17: Emploi et revenus).

� Associer les organisations féminines à la réinsertion des anciennes com-battantes.

� Encourager les associations d’anciens combattants à participer à la viepolitique, non seulement en défendant leurs intérêts mais aussi en jetantun regard critique sur leur vécu et leur identité durant la guerre; soutenirles organismes qui s’occupent utilement des besoins des femmes.

� Promouvoir, au sein de la communauté, le dialogue sur les problèmes deréinsertion des anciens combattants; expliquer cette problématique à lapopulation.

� Apporter au besoin un soutien psychologique spécialisé, non seulementaux anciens combattants mais aussi à leurs familles.

� Dealing with the past: les soldats doivent rendre compte de leurs crimes,même s’ils les ont commis sur ordre de leurs chefs (� Fiche 4).

� Intégrer les anciens combattants dans des programmes de reconstructionordinaires, tout en tenant compte de leur problématique particulière.

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Anciens combattants

Enfants-soldatsLe Protocole facultatif de l’ONU concernantl’implication d’enfants dans les conflits armés(2000) interdit le recrutement forcé de per-sonnes de moins de 18 ans. Des exceptionssont admises pour le recrutement de volon-taires dans les forces armées nationales, lalimite d’âge ayant été fixée dans ces cas-là à16 ans en raison de la pression exercée parla Grande-Bretagne, les États-Unis, la Russieet la Chine. Le Statut de Rome de la Courpénale internationale définit la conscriptionou l’enrôlement d’enfants de moins de 15 anscomme des crimes de guerre.

Les enfants passent par les mêmes séquencestraumatiques que les adultes. Il convient enoutre d’examiner à leur propos les aspectspsychosociaux suivants:

Début de l’existence de combattantCe sont les enfants des rues, très pauvres ouséparés de leurs familles en fuite qui risquentle plus de se faire enrôler. Des recrutementsforcés se produisent également dans les vil-lages, souvent associés à des brutalités ex-trêmes.

GuerreLes enfants apprennent avec la guerre àaccepter un ordre mondial primitif, danslequel les puissants dominent les faibles, oùl’on ne peut que commander ou obéir sansnuances. Sous ce régime, des enfants sontmartyrisés et infligent les mêmes traitements à d’autres. La guerre est en même temps uneaventure, un espace de camaraderie; lesenfants y apprennent dans des circonstances«excitantes» à se débrouiller dans des situa-tions complexes.

Durant la démobilisationIl s’agit d’abord de savoir si c’est l’âge aurecrutement ou l’âge à la démobilisation quiest déterminant pour l’enregistrement dans lacatégorie des enfants-soldats. Du point de vuepsychosocial, le critère décisif est l’âge aurecrutement. En même temps, un enfant enguerre devient vite adulte et doit être pris ausérieux en tant que tel. Le statut d’enfant-soldat

garantit une certaine protection à ceux qui enbénéficient; mais ils ne doivent pas pourautant être déliés de leurs responsabilités ouinfantilisés.

Les enfants-soldats sont toujours à la fois vic-times et coupables. Ils doivent être reconnussous ces deux aspects et recevoir l’aide dontils ont besoin. Chez nombre d’entre eux, letraumatisme n’apparaît clairement qu’après ladémobilisation.

Dans les camps, il faut protéger les enfants,et plus particulièrement les filles, contre l’in-fluence et les pressions exercées par desadultes.

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Anciens combattants

Peter Damman/Agence Focus

Pour un enfant-soldat, les difficultés ne commencent parfois qu’après la guerreLes troupes gouvernementales salvadoriennes tuèrent les parents de José alors qu’il avait 8 ans. Une année plus tard, le garçon se ralliait à la guérilla. Il y trouva une famille et lapossibilité de combattre les meurtriers de ses parents. Pendant des années, il fut un bonsoldat, sur lequel on pouvait compter et qui ne souffrait d’aucun trouble psychique. Aprèsl’accord de paix, José retourna à l’école, mais là, il n’était plus personne. Sans reconnais-sance sociale de la part de son entourage et sans le pouvoir qui lui conférait son arme, il n’était plus qu’un élève d’intelligence moyenne, sans fonction marquante et dépourvud’importance pour la communauté. C’est alors seulement que José tomba malade; la pertede ses parents et celle de sa seconde famille, la guérilla, le poussèrent au désespoir.Personne ne s’intéressait à son histoire, à ses actes héroïques, à son courage et à sa souf-france. Tout cela lui semblait vain. Ce que José a vécu est un traumatisme séquentiel, qui adébuté par le meurtre de ses parents et au cours duquel c’est la paix, paradoxalement, quia entraîné l’effondrement des structures sur lesquelles reposait sa stabilité psychique.

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Anciens combattants

Durant la réinsertionEnfants et adultes ont souvent des idées diffé-rentes sur la réinsertion. Les enfants aspirentà être acceptés par leurs parents et par leursfrères et soeurs. Les parents souhaitent queleurs enfants se soumettent à nouveau auxnormes en vigueur, se comportent correcte-ment à l’égard de l’autre sexe et manifestentdu respect envers les adultes – surtout enversceux qui ont un statut plus élevé (Jareg 2003).

Lors de la réinsertion d’enfants-soldats, ilconvient de vouer une attention particulièreaux points suivants: � Médiation entre parents et enfants. Les

deux parties doivent s’habituer à la nou-velle situation, car l’une et l’autre ontchangé depuis leur séparation. Il faut lesaider à redéfinir leurs rôles et à établirdes relations exemptes de violence.

� Relations entre jeunes ex-combattants etcommunauté: discussions sur les respon-sabilités réciproques et sur les formesd’appui possibles.

� Enseignement et apprentissage organi-sés: les programmes de formation et deloisirs ne devraient jamais être réservésaux seuls ex-combattants, mais proposésà tous les enfants de la communauté. Ilconviendra peut-être d’organiser descours de rattrapage pour que des ado-lescents ex-combattants ne soient pascontraints de suivre l’école avec desenfants beaucoup plus jeunes qu’eux. Lesenseignants devraient être informés de laproblématique des ex-combattants etsavoir comment aider ces enfants.

� Soutien psychologique pour favoriserl’assimilation de ce qui a été vécu durantla guerre, autant que possible en rapportavec d’autres activités – école, jeux,groupes de pairs, etc.

� Formation et promotion d’activités rému-nératrices: comme les anciens combat-tants adultes, les jeunes devraient pou-voir tirer parti des aptitudes spécifiquesacquises pendant la guerre.

� Jeux et détente: les jeux sont importantspour compléter les autres interventionsévoquées ici, et non pas pour les rempla-cer. Ils offrent la possibilité d’exorcisersymboliquement des conflits émotionnelset donnent l’occasion de vivre certainsaspects de l’enfance perdue.

Comme les ex-combattantes adultes, les fillesont des problèmes spécifiques qui tournenttoujours autour de la difficulté d’être accep-tées en dépit de ce qu’elles ont vécu. Les fillesrejetées par leur famille courent de gros risquessur les plans psychique et social.

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Anciens combattants

Rituels de purification Dans beaucoup de pays africains, les organi-sations qui s’occupent des enfants-soldats ontobservé le pouvoir que possèdent les rituelspar lesquels on purifie, à leur retour, les com-battants des méfaits de la guerre. Il existe dif-férentes sortes de cérémonies, mais elles onttoutes en commun le fait de reconnaître queles enfants ont à la fois subi et commis desactes graves durant la guerre, et qu’ils neseront pas capables de réintégrer l’ordremoral et social de leur groupe sans aide exté-rieure. Dans le cadre de la cérémonie depurification, les enfants passent souvent quelque temps seuls ou en compagnie d’unguérisseur dans un espace de transition situéà l’écart de la communauté pour se préparerà leur retour. Les symboles de l’identité guer-rière (vêtements, uniformes, etc.) sont ensuitedétruits lors d’un rituel visant à apaiser l’espritdes morts. Ces cérémonies aident la commu-nauté à reprendre en son sein l’enfant conta-miné par la mort et la terreur, et renforcentsymboliquement ses liens avec les membresde sa famille et de son groupe.

La coopération internationale reconnaîtaujourd’hui les propriétés thérapeutiques desrituels de purification pour surmonter lesconséquences psychologiques et sociales dela guerre. Elle aussi devrait adopter uneapproche plurielle, à l’instar des personnesconcernées, qui recourent généralement àtoutes les méthodes de guérison qui leur sontoffertes. Les rituels de purification ne per-mettent en effet pas de combattre le chômageou l’analphabétisme. Et souvent, ils ne sontpas assez efficaces pour dissiper la méfianceet la colère des victimes du groupe arméauquel appartenait le combattant démobilisé.Il convient dès lors de prendre des mesuressociales complémentaires pour assurer la réin-sertion des anciens combattants.

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Anciens combattants

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Watteville de N. (2002)Addressing Gender Issues in Demobilizationand Reintegration Programs. Washington: The World Bank. www.womenwarpeace.org/issues/ddr/DDRWatteville.pdfExposé des besoins spécifiques des femmes etdes filles durant la démobilisation et la réin-sertion. Sont joints au document un question-naire pour l’évaluation des besoins des sol-dates et une liste de mesures envisageables.

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Personnes disparues ou assassinées Fiche 11

� Les morts violentes sont toujours untraumatisme qui perturbe les proces-sus de deuil.

� Les processus de deuil individuels etcollectifs exigent que deux condi-tions essentielles soient préalable-ment remplies: connaître les circons-tances du décès et pouvoir donneraux morts une sépulture digne.

� Les proches de disparus sont plon-gés dans une incertitude qui lesempêche à la fois de poursuivrenormalement leur vie et de faire ledeuil.

� Les proches de personnes assassi-nées restent souvent pris dans l’étaude la terreur et ne parviennent pas,même à long terme, à surmonterleur douleur.

� La condamnation sociale des crimeset le soutien apporté aux famillesdes personnes disparues ou assassi-nées sont essentiels pour la transfor-mation du conflit.

La perte: un thème-cléPour aider les gens dont des proches ont disparu ou ont été tués, il estessentiel de traiter cette perte sous l’angle psychosocial. Ces événementssont toujours traumatisants et bouleversent les processus de deuil.(�Fiche 2: Deuil). Mais ce sujet est également important sur le plan poli-tique, du fait que les morts sont la preuve la plus concrète de la destruc-tion. C’est la manière dont sera traitée cette problématique après la findu conflit qui déterminera les chances de voir la culture de guerre rem-placée par une culture de coexistence pacifique (� Fiche 4: Dealingwith the past).

Les disparusLe dilemme des famillesContrairement aux personnes qui ont été informées des circonstancesdans lesquelles un membre de leur famille est mort, ou qui ont pu inhu-mer son corps, les proches de disparus restent dans l’incertitude. Ils sontsans nouvelles de la personne aimée ou n’ont que des informationscontradictoires sur ce qui lui est arrivé et n’ont pas vu son corps. Il leurappartient donc de décider seuls à quel moment l’espoir d’un retour doitêtre abandonné. S’ils se résolvent à l’idée que la personne disparue estmorte, ils auront le sentiment de l’avoir trahie ou de l’avoir eux-mêmestuée. Et si, par esprit de loyauté, ils se comportent comme si cette per-sonne était vivante, ils nieront quotidiennement la perte vécue. Cedilemme est un paradoxe inévitable qui déstabilise complètement les proches de disparus.

Meinrad Schade

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Personnes disparues ou assassinées

Malgré tout, les familles finissent par s’habi-tuer peu à peu à leur nouvelle réalité. Elles seréorganisent dans le cadre de la recherche desdisparus. L’instabilité et l’incertitude perdurentet commencent à faire partie du fonctionnement«normal» de la famille. Tout projet d’avenirsans la personne disparue – par exemple unefemme qui initie une nouvelle relation amoureuseou qui se consacre à des activités qui n’ont

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rien à voir avec la recherche de son mari –entraîne des conflits de loyauté et provoquede lourds sentiments de culpabilité.

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Thèmes-clés et perspectives d’empowerment

Lorsque les proches de personnes disparues cherchent à obtenir des rensei-gnements sur le sort de ces dernières, on leur répond en général par lamenace et l’intimidation. Ces parents sont souvent isolés, les autres membresde la communauté ayant peur de se solidariser avec eux.

Thèmes-clés pour le soutien à apporter aux familles� Chercher les personnes portées disparues, collecter des informations sur

ce qu’elles sont devenues.� Reconnaître et comprendre le dilemme.� Traiter les conflits de loyauté suscités par la disparition et soutenir des

activités orientées vers l’avenir.� Rompre l’isolement, rechercher des contacts avec d’autres personnes qui

ont vécu une situation similaire et/ou avec lesquelles la famille peut parta-ger son vécu.

� Apprendre à gérer la peur et la souffrance.� Reconnaître les sentiments contradictoires que l’on nourrit à l’égard de

soi-même, de sa famille et du disparu.� Représenter symboliquement la situation transitoire entre ce que l’on était

(mère, père, époux, épouse, etc.) et ce que l’on sera au moment où lamort de la personne disparue aura été établie (veuf, veuve, etc.).

� Permettre une reconnaissance de la perte réelle sans qu’il en résulte unecondamnation à mort de la personne disparue.

Perspectives d’empowerment� Conseils et assistance juridiques.� Conseils psychosociaux, groupes d’entraide.� Aide à l’organisation autonome des personnes concernées.� Soutien aux droits de l’homme dans ce domaine.

Les membres d’une famille contraints de quitter le pays se sentent encore plusdésarmés du fait qu’ils n’ont pas la possibilité de rechercher directement lesdisparus. En plus des sujets évoqués ci-dessus, il s’agit donc de traiter avecles proches en exil les problèmes liés aux sentiments d’impuissance et de cul-pabilité provoqués par l’impossibilité d’agir concrètement en raison de la dis-tance qui les oblige à interrompre leurs recherches.

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Personnes disparues ou assassinées

Après la fin du conflit, il s’agit en premier lieu d’éclaircir le sort des disparus.Leur décès se confirme tôt ou tard dans la plupart des cas. Il faut alors queles proches acceptent cette perte définitive. La découverte du corps facilite leprocessus de deuil, mais constitue souvent un traumatisme en soi lorsque ladépouille (p.ex. squelette) ne ressemble pas à la personne disparue. Si l’on neretrouve pas le corps – parce qu’il a été brûlé ou placé en un lieu inaccessible –,il reste toujours un fragment d’incertitude. En conclusion, le deuil est toujoursun processus difficile.

Thèmes-clés pour le soutien à apporter aux proches� Obtenir une certitude sur le sort du disparu.� Trouver une «dernière demeure» concrète ou symbolique pour le défunt.� Accompagner cette nouvelle phase du processus de deuil.� Aider à surmonter la peur liée au fait de devoir réorienter sa vie.� Dealing with the past (� Fiche 4).

Perspectives d’empowerment� Conseils psychosociaux.� Aide aux familles pour:– engager les démarches nécessaires pour retrouver les corps et élucider

publiquement chaque cas; – faire pression pour obtenir la reconnaissance publique des crimes commis

et la punition des coupables;– obtenir des réparations;– organiser des rituels de deuil et honorer symboliquement les morts si les

corps ne sont pas retrouvés.

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Personnes disparues ou assassinées

Reconnaissance et représentation du statut«ni-ni»Une femme dont le mari est porté disparun’est ni épouse, ni veuve. En fait, elle n’est nil’une ni l’autre, et pourtant les deux à la fois.Les proches de personnes disparues viventdans un no man’s land pour lequel aucunesociété ne connaît de désignation. C’est pour-quoi il est essentiel de reconnaître la réalitéde ce statut intermédiaire pour la santé men-tale des personnes concernées. Le gouverne-ment chilien, par exemple, a instauré après lafin de la dictature une rente pour les famillesdes disparus. Celles-ci pouvaient ainsi obtenirdes prestations de l’État sans devoir prouverau préalable la mort de la victime. Les famillespeuvent aussi dépasser l’absence de statutsocial (liminalité) lorsqu’elles parviennent àfaire connaître publiquement l’existence et ledestin des disparus dans le cadre d’un travailde promotion des droits humains, et à parta-ger leur souffrance personnelle avec d’autresau moyen d’actions politiques. De cettemanière, elles peuvent représenter symboli-quement leur statut intermédiaire «ni épouse,ni veuve» en étant publiquement reconnuescomme des femmes de disparus.

Mères politisées Il s’agit en majorité de femmes qui s’organisenten conformité avec leurs rôles traditionnels demère et d’épouse lorsque des membres deleur famille disparaissent. Les Madres de laPlaza de Mayo argentines ont fait école avecleurs actions, et incité beaucoup de femmesd’autres pays à s’organiser. Mais avant d’obtenirune reconnaissance internationale, elles eurentun long chemin à parcourir en surmontant leurcrainte non seulement des militaires, mais aussides conventions sociales qui confinent lesfemmes à la sphère privée. Ces expérienceseurent pour effet de les politiser de façonradicale: elles ne tardèrent pas à mettre enquestion non seulement la junte, mais aussiles conceptions patriarcales de la féminité.

Les femmes qui gagnent en autonomie parleur résistance à la terreur se trouvent dansune situation ambiguë. Il est vrai, d’une part,qu’en agissant pour se défendre notamment

contre un sentiment d’impuissance traumati-sant, elles accroissent réellement leur champd’action. D’autre part, ce nouveau pouvoirs’obtient en vertu de pertes douloureuses, cequi lui donne un goût amer et peut provoquerdes sentiments de culpabilité, puisqu’il estcontraire à l’idée que ces femmes avaientauparavant de leur propre rôle. Le fait d’asso-cier le processus d’empowerment à l’identitéde «proche d’un disparu» est nuisible à longterme: les survivantes restent alors fixées surles membres de leur famille qu’elles ont perduset risquent de ne pas être prises au sérieuxen tant que personnes à part entière danstout domaine extérieur à cette problématique.

De la difficulté de s’accommoder des injustices subies«Ils nous les ont pris vivants, nous voulonsqu’ils nous les rendent vivants» proclamaientles Madres en Argentine. Elles voulaientcontraindre l’État non seulement à identifierautant que possible chaque mort et à faire lalumière sur les crimes, mais aussi à poursuivreen justice et à punir les coupables. Par leursactions, elles ont empêché que l’on oublie lesdisparus et que l’on nie le passé. Mais il nesuffit pas de connaître les faits pour lesaccepter et clore le processus de deuil. Cedernier ne fait qu’entrer dans une nouvellephase. Et la revendication des Madres – quitémoigne d’un certain déni de réalité – montreà quel point ce processus est complexe. Dece fait, il est non seulement utile, mais néces-saire, de prévoir un accompagnement socialdu processus de deuil sur plusieurs généra-tions, en gardant à l’esprit qu’il ne s’agit nid’oublier le passé, ni de contraindre les proches de victimes à pardonner ces crimes(� Fiche 4: Dealing with the past).

Les personnes assassinéesLa perte traumatiquePlus une mort est soudaine et brutale et moinselle est socialement acceptée et intégrée, plusle processus de deuil est difficile à accomplir.Les circonstances d’un décès et le jugementsocial porté sur celui-ci déterminent toujoursl’impact subjectif de cette perte. La situation esttotalement différente selon qu’une personne

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Personnes disparues ou assassinées

est décédée des suites d’une longue maladie,a été assassinée devant sa maison ou est tombée à la guerre en tant que soldat destroupes régulières.

Contrairement à ce qui se passe avec les per-sonnes disparues, la mort des personnesassassinées ou tombées à la guerre ne donnelieu à aucune contestation. Mais les circons-tances rendent son acceptation très difficile etprolongent indéfiniment le deuil: les survivantsne parviennent pas à se détacher du mort etrestent aux prises avec la terreur et le déses-poir. Ils sont envahis par la culpabilité et parune colère qu’ils dirigent contre eux-mêmes,par la passivité et le sentiment qu’il n’existeaucune issue. Il arrive souvent qu’ils souhaitentmourir pour se rapprocher du mort (� Fiche 2:Deuil).

Le processus de deuil reste durablement asso-cié à la peur des conflits et à leur violence.L’image intérieure que l’on garde de la per-sonne décédée est marquée par la brutalitéde sa mort et masque les sentiments multiples(amour et haine) qu’on lui portait de sonvivant. Il faut redécouvrir ceux-ci au cours duprocessus de deuil pour pouvoir vraimentfaire ses adieux au défunt et, en même temps,en conserver un souvenir intégral. Après unemort brutale, on a souvent tendance à nierses propres sentiments négatifs, afin de seprotéger symboliquement soi-même et la per-sonne décédée de l’agression réelle queconstituent les circonstances de sa mort. Lessentiments positifs à l’égard du défunt sontrenforcés, sans pour autant résister à l’imageintérieure de la terreur. C’est ainsi par exemplequ’un Angolais gardait le souvenir de sonpère décapité par des Portugais sous sesyeux. Il lui fallut de nombreuses années pourredécouvrir un père à la fois gentil, qui luiracontait des histoires, et dur, qui l’avait par-fois battu avec la plus grande brutalité.

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Personnes disparues ou assassinées

Séquence Thèmes-clés et perspectives d’empowerment

La période de persécution empêche généralement tout processus de deuil. Lescorps ne sont souvent même pas remis aux familles et les enterrements sont for-tement entravés. La famille est elle-même exposée à des persécutions. Dans lesphases chroniques du conflit, il est parfois possible d’inhumer les morts. Leprocessus de deuil peut alors commencer, mais il est entravé, dans le contexted’un conflit qui perdure, par le manque de sécurité (physique, matérielle).

Thèmes-clés pour le soutien à apporter aux familles � Parler de la mort, aider les survivants à mettre de l’ordre dans leurs réac-

tions et à comprendre celles-ci après l’assassinat.� Reconnaître les sentiments des survivants, ne pas les nier ni les repousser.� Organiser la vie quotidienne (revenu, logement, enfants) maintenant que

la personne décédée n’est plus là pour assumer son rôle.� Documenter les faits et le travail de promotion des droits humains, afin de

rassembler, dans la mesure du possible, des informations concernant cha-cune des victimes.

Perspectives d’empowerment� Apporter des conseils psychosociaux aux survivants.� Encourager des processus communautaires de soutien aux survivants.� Soutenir le travail de promotion des droits humains.� Adapter les rituels de deuil et d’inhumation aux circonstances.

Après la guerre, lorsque la situation sociopolitique est suffisamment stable, lessurvivants peuvent se consacrer à leur travail de deuil. Le fait de s’occuperpubliquement des morts contribue en outre à stabiliser encore davantage lasituation.

Thèmes-clés pour le soutien à apporter aux familles � Débloquer le processus de deuil. � Donner aux morts une sépulture définitive.� Aider à surmonter la peur liée au fait de devoir réorienter sa vie.� Dealing with the past (� Fiche 4).

Perspectives d’empowerment� Apporter des conseils psychosociaux.� Aider les familles à – accélérer l’exhumation et les obsèques des morts mal enterrés

(voir exemple du Zimbabwe);– lutter pour obtenir une reconnaissance officielle des crimes commis;– faire pression pour que les coupables soient traduits en justice et

condamnés;– obtenir des réparations.

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Personnes disparues ou assassinées

Rituels funéraires et cérémonies d’inhumationAu cours du rituel de deuil, amis et voisins seréunissent et montrent aux membres de lafamille qu’ils ne sont pas seuls avec leur cha-grin. Le fait que la communauté reconnaissecette perte transforme la douleur individuelleen souffrance partagée avec d’autres, aumoins ponctuellement. Ce rituel facilite ledeuil des personnes immédiatement concer-nées, mais exerce aussi un effet thérapeutiquesur la communauté, qui a été ébranlée parcette mort violente et affaiblie par la perted’un de ses membres.

Les cérémonies d’inhumation aident à accep-ter la mort et à honorer la personne décédée.Dans la plupart des cultures, on pense queles morts continuent d’exister dans une autredimension. Les rituels d’inhumation tentent defaciliter ce passage et définissent la nouvellerelation qui unit les vivants aux morts. «Nousaccomplissons ces rituels afin que la commu-nication entre les esprits des morts et lesvivants soit paisible» dit un guérisseur ango-lais, expliquant ainsi la signification de cettecérémonie pour l’ordre psychologique etsocial.

La problématique des veuvesDans la plupart des sociétés, hommes et femmes ont un statut totalement différent aprèsla mort de leur conjoint. Après la fin de lapériode de deuil officiel, les hommes reprennenten général la vie normale d’un membre masculin de la communauté. Il en va toutautrement pour les veuves: l’identité des femmesest presque partout fonction de celle de sonmari. Une femme qui, tout à coup, ne «faitplus partie de cet homme» – celui-ci n’étantplus là pour la protéger et la contrôler – estperçue comme une menace pour l’ordre social.Dans beaucoup de sociétés africaines commedans le contexte hindouiste, ces femmes sont souvent considérées comme impures etsoumises à des restrictions très strictes, parfoisjusqu’à la fin de leur vie. L’ethnologueMaurice Bloch constate que ces femmes sontassociées à l’aspect contaminant du mortdont elles «faisaient partie»; leur impuretérituelle et leur deuil sont le canal par lequel la

communauté règle son rapport à la mort(Ramphele, 1996).

Lorsque les belligérants fêtent leurs mortscomme des héros, leurs épouses deviennentdes symboles. Mamphela Ramphele (1996)décrit avec amertume comment la monopoli-sation des morts par le mouvement antiapar-theid sud-africain était souvent en contradictionavec les besoins des épouses en deuil: obligéesde participer à la commémoration sociale deleur mari combattant, elles n’avaient pas ledroit d’exprimer publiquement leur colère,leur frustration ou leur tristesse face à cetteperte. La signification politique donnée à lamort peut parfois aider les veuves ou lesmères de martyrs dans leur deuil, mais ellerisque aussi de l’inhiber lorsque la douleurpersonnelle – comme en Palestine – est jugéepolitiquement inopportune, ou si les femmesne sont plus perçues que dans leur rôle dereprésentantes des morts.

Le soutien psychosocial apporté aux veuvesdoit tenir compte de leur statut social, descontraintes que ces femmes ont intérioriséeset de leurs aspirations personnelles. Mais il

Guérison par l’honneur rendu aux mortsL’ONG zimbabwéenne Amani Trust fit une enquête dans 21 centres desanté du Matabeleland et constata en 1999, soit 12 ans après la fin de larépression exercée par le gouvernement central contre les Ndebele, que20% des patients avaient pensé au suicide au cours des deux semaines précédentes, et que 49% des personnes interrogées présentaient des symp-tômes de dépression. L’ONG offrit une assistance psychologique (traumacounselling) et ses psychologues virent que les gens attribuaient nombre deleurs problèmes émotionnels et sociaux au mécontentement des esprits deleurs ancêtres. À l’époque, les soldats avaient enfoui les personnes qu’ilsavaient tuées dans des charniers. Les esprits des morts ne pouvaient parconséquent pas trouver de repos. Amani Trust renonça au «trauma counselling»et lança dans les communes un processus au cours duquel les fosses communesfurent ouvertes, les morts identifiés par des méthodes simples de médecinelégale, puis dignement inhumés par leurs familles en présence de toute lacommunauté. Les honneurs publics rendus aux morts et la place réservée àceux-ci dans la vie de la communauté permirent aux vivants de faire intérieu-rement leurs adieux, de sorte que les événements ayant causé la mort deleurs proches appartiennent désormais au passé.Source: Eppel, 2005

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Personnes disparues ou assassinées

serait illusoire de chercher des solutions indi-viduelles à cette problématique des veuves:leur marginalisation doit être remise en ques-tion publiquement. Le processus social quiconsiste à surmonter la stigmatisation est unepartie essentielle de la transformation duconflit dans une perspective d’équilibre entrehommes et femmes.

Ressources Edelman L., Kordon D. et Lagos D. (1998)Transmission of Trauma. The Argentine Case.In: Danieli Y (ed.). International Handbook ofMultigenerational Legacies of Trauma. New York: Plenum Press.

Eppel S. (2005) Healing the dead to transform the living:exhumation and reburial in Zimbabwe. In: Borer, T. (ed.), Telling the Truths. TruthTelling and Peacebuilding in Post ConflictSocieties, University of Notre Dame Press,Notre Dame

Guzman Bouvard M. (1994)Revolutionizing Motherhood. The Mothers ofthe Plaza de Mayo. Wilmington: Scholarly Resources. Un remarquable historique du plus célèbremouvement spontané de proches de personnesdisparues; peut servir d’inspiration pour desfamilles qui se trouvent dans une situationanalogue.

Hamber B. and Wilson R. (2002)Symbolic Closure through Memory,Reparation and Revenge in Post-ConflictSocieties. www.brandonhamber.com/publications/jour-symbolicclosure.htm

Ramphele M. (1996)Political widowhood in South Africa: The embodiment of ambiguity. Daedalus.www.findarticles.com

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Torture et prisonniers politiques Fiche 12

� Nul ne survit en héros à la tor-ture. Quel que soit le comporte-ment adopté par la victime, il esterroné, puisqu’il trahit soit soninstinct de survie, soit ses convic-tions profondes.

� Les effets de la torture subsistentbien au-delà de l’acte en soi, carles victimes gardent le sentimentd’avoir participé activement àleur propre destruction.

� Même la libération est générale-ment vécue comme une expé-rience traumatisante.

� La torture et la détention pour desmotifs politiques exercent aussi uneffet traumatisant sur l’entourage.Il ne faut donc pas seulement pré-voir une assistance juridique etpsychosociale pour les victimes,mais aussi pour leurs proches.

Définition de la torture (Convention des Nations Unies contre la torture de 1984)Article 1: «Aux fins de la présente convention, le terme ‹torture› désigne tout acte par lequelune douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligéesà une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseigne-ments ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou estsoupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou defaire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimi-nation quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par unagent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instiga-tion ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou auxsouffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasion-nées par elles.»

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Torture et prisonniers politiques

TortureLa torture n’a jamais pour seul objectif d’obte-nir des informations, mais toujours de parvenirà la destruction effective et symbolique de lavictime. Il s’agit de la briser sur les plans phy-sique et mental, et de démontrer ainsi à sesamis, à ses compagnons de lutte et à tout sonentourage qu’il est impossible de vaincre l’op-presseur.

Par la torture, on inflige des douleurs physiquesinsupportables aux gens. Le viol et la violencesexuelle figurent toujours parmi les instrumentsde torture utilisés, indépendamment du sexede la victime (� Fiche 8: Violence sexospéci-fique). La violence physique donne naissanceà un dilemme mental qui brise toute résistancechez le détenu: soit il trahit ses convictionspolitiques et ses compagnons de lutte pourdéfendre sa vie, soit il défend ses convictionset accepte par là même de compromettre seschances de survie. Même les victimes n’ayantaucune activité politique et ignorant ce queveulent leurs bourreaux sont confrontées à cedilemme: comme elles n’ont rien à dire, ellesinventent quelque chose (qui ne peut êtrequ’un mensonge) et renforcent ainsi la menacequi pèse sur elles, ou elles s’enferment dansle mutisme, donnant l’impression de dissimulerdes faits et mettant ainsi leur vie en danger.Quel que soit son passé, le détenu doit en finde compte prendre une décision qui ne peutque lui être néfaste et qui porte toujours surdes éléments qui se trouvent au coeur mêmede ce qui donne un sens à la vie. La techniqueconsistant à soumettre les gens à une tensionextrême, puis à les placer face à une décisionvitale, qui sera de toute manière inacceptable,ne peut qu’engendrer la folie. En psychologie,ce piège, qui porte le nom de double contrainte(injonction paradoxale), ne peut être tenduque dans une situation de dépendance totale,telle la relation qui unit par exemple la mèreet son nouveau-né, mais aussi le bourreau et sa victime. La «mère-bourreau» n’entendtoutefois pas ôter la vie à l’«enfant», mais ladétruire. Le détenu torturé n’a pas d’autrechoix que de se soumettre à cette dépendance.S’il se révolte et subit sans cesse de nouveauxsévices, jusqu’à la mort, il sera peut-être

parvenu à ne rien dévoiler et à trouver uneissue libératrice dans la mort, mais il auratout de même dû se soumettre sans conditionà la volonté destructrice de son tortionnaire.S’il parle et abandonne toute résistance, il sesoumet toutefois aussi, et la vie perd tout sonsens à ses yeux.

Les conséquences destructrices subsistent long-temps après la torture, car la structure psy-chique de l’individu a été ébranlée dans sesfondements mêmes. Les victimes gardent lesentiment d’avoir participé activement à leurpropre destruction. Elles culpabilisent et sedévalorisent. On ne survit jamais en héros àla torture. Nombre d’anciens détenus tententmalgré tout de se convaincre, et de convaincreleur entourage, qu’ils sont demeurés intacts.Ils espèrent, et c’est bien compréhensible, êtremoins anéantis par la torture qu’ils ne le sont enréalité, et ils craignent de plus la compassiondes autres. À leurs yeux, cette compassion estdévalorisante, car elle confirme que leur bour-reau a atteint son objectif et qu’ils ne pour-ront plus jamais avoir de relation d’égal àégal avec autrui.

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Torture et prisonniers politiques

Le traumatisme causé par la torture ne détruitpas seulement la capacité d’aimer et de tra-vailler, mais aussi celle de haïr sainement. Ledegré de haine que les victimes ont expéri-menté les prive en général de la capacité dese mettre véritablement en colère contre cequ’ils ont vécu et, partant, de gérer ce vécu.Si leur attitude relève souvent de l’autodes-truction, il leur arrive aussi de se montrer vio-lents envers les membres de leur famille ouleurs amis. Le manque d’agressivité contrel’oppresseur ou le fait de la diriger contre soi-même ou contre des personnes aiméesprovient du fait que le bourreau s’est pourainsi dire glissé sous la peau de sa victime,prenant entière possession de son sentimentagressif.

Prisonniers politiquesLe droit international ne fournit pas de définitiongénérale du prisonnier politique. On considèrele plus souvent comme des prisonniers politiques les personnes qui sont arrêtées oucondamnées à de lourdes peines en raisonde leurs convictions politiques, qui n’ont pasle droit d’être défendues par un avocat, etc.

Les avis divergent quant au moment à partirduquel une personne ayant enfreint le droiten vigueur devient un prisonnier politique. Ilest relativement facile d’affirmer qu’un oppo-sant au régime est un prisonnier politique,même si la liberté d’opinion est interdite dansson pays et qu’il a donc violé la loi en expri-mant son avis. L’appréciation devient plus dif-ficile dans le cas d’une personne arrêtéeparce qu’elle a recouru à la violence pours’opposer au régime en place. Cette personnea-t-elle droit au statut spécial de prisonnierpolitique? Jusque-là, cette question a appelédes réponses très diverses en fonction ducontexte. Mais la décision de reconnaître àune personne la qualité de prisonnier politiquene s’appuie finalement pas tant sur le droit envigueur dans le pays concerné. Elle ressortbien plus des réflexions menées à l’échelleinternationale sur l’appréciation des relationspolitiques nationales et des conventions inter-nationales conclues dans ce domaine.

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Séquences Thèmes-clés et perspectives d’empowerment

L’arrestation et la torture qui lui succède souvent immédiatement sont desépreuves extrêmement traumatisantes, que les personnes concernées aient étépréparées ou non à cette éventualité. Les membres de la famille et les amissont, eux aussi, directement touchés par ces événements et font partie inté-grante de la situation traumatique.

Thèmes-clés� Manière dont l’arrestation s’est déroulée (en présence de membres de la

famille ou sans le moindre témoin, par surprise ou non, par des organesofficiels de l’État, la police secrète ou un groupe paramilitaire).

� Peur de la mort et risque de mourir pour le prisonnier, insécurité et peurpour les proches non emprisonnés.

� Est-il possible de garantir un niveau minimal de sécurité du droit (confir-mation de l’arrestation, notification des motifs, autorisation d’avoir descontacts avec l’extérieur et assistance juridique, non-recours à la torture)?

Perspectives d’empowerment� Assistance psychosociale et juridique pour les proches: – Déterminer le lieu de l’arrestation.– Obtenir la confirmation officielle de l’arrestation. – Trouver un avocat pour défendre la personne arrêtée. – Établir une communication directe avec la personne arrêtée. – Parler de l’insécurité et de la peur dans la situation actuelle. � Mobilisation d’appuis nationaux et internationaux.� Si possible, assistance psychosociale au détenu (avocat, délégué du

CICR, etc.): établir le contact avec des co-détenus, proposer au détenu deparler de ce qu’il ressent, analyser ensemble la menace et le conforterdans l’idée qu’il ne sert à rien de risquer sa vie par «héroïsme».

La vie en prison est marquée par la présence simultanée de règles très stricteset de l’arbitraire le plus absolu. L’incertitude quant à la durée de la détentionen fait partie. Les détenus ignorent souvent s’ils seront jugés et, si oui, quand;s’ils resteront en prison pendant des semaines ou des années. À l’inverse, lavie quotidienne est réglée jusque dans les moindres détails; les détenus sontinfantilisés et perdent toute autonomie. Les abus de pouvoir et les mauvaistraitements infligés sporadiquement ou régulièrement par les gardiens ne fontque renforcer ce processus. Parfois, les détenus créent des groupes basés sur la solidarité, d’autres fois leurs relations sont empreintes de violence, debrutalité et d’abus. Peu à peu, ils s’habituent cependant à leur condition. Cequ’ils considéraient naguère comme une situation d’exception et commel’anéantissement de leur vie devient leur monde.

De leur côté, les membres de la famille s’habituent à vivre sans le détenu.Même lorsque les visites sont possibles, on assiste à un détachement progres-sif. Les membres de la famille et les détenus évitent de parler de leurs soucispour ne pas s’inquiéter mutuellement, ce qui rend les échanges intimes deplus en plus difficiles.

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Thèmes-clés� Adaptation et acceptation du monde carcéral.� Gestion du souvenir traumatique de la torture.� Structure des relations entre les membres de la famille et le détenu. � Situation juridique du détenu et des membres de la famille.

Perspectives d’empowerment� Aide aux détenus:– Tout mettre en oeuvre pour obtenir le statut de prisonnier politique. – Assurer une protection juridique.– Oeuvrer pour l’amélioration des conditions de détention.– Fournir l’accès à l’information (journaux et livres, p. ex.).– Encourager la formation de groupes parmi les détenus. – Élaborer des perspectives d’avenir pendant la détention (perfectionne-

ment, écriture, recherche, etc.).� Assistance psychosociale pour les membres de la famille (entretiens sur

la peur et sur l’ambivalence des sentiments à l’égard du détenu et de soi-même, aide pour couvrir les besoins matériels, soutien pour surmonterles problèmes de communication entre le détenu et les membres de safamille, etc.).

� Mobilisation de la solidarité aux niveaux national et international.

Même si nombre de réfugiés rêvent pendant des années de leur libération,elle constitue en fin de compte une épreuve traumatisante. La vie en libertés’avère conflictuelle, car l’altération des relations avec les membres de lafamille devient patente. Beaucoup de choses ont changé et les anciens déte-nus se sentent souvent démunis et dépassés. Moins la libération correspondau rêve de liberté ayant permis de supporter des années de détention, pluscette expérience s’avère traumatisante.

Thèmes-clésGestion du traumatisme de la libération: � Adaptation à la vie en liberté. � Sentiments inattendus de perte à l’égard de la prison et des co-détenus. � Relations conflictuelles entre l’ancien détenu et les membres de sa famille. � Insécurité du droit et risque d’être à nouveau arrêté. � Lutte pour faire reconnaître, à titre rétroactif, le caractère illégitime de la

détention, considérée comme une violation du droit.

Perspectives d’empowerment� Assistance psychosociale pour les anciens détenus et les membres de leur

famille (réorientation, reconnaissance des diverses pertes pour toutes lespersonnes concernées, rétablissement de la communication directe, etc.).

� Assistance juridique et politique dans le but d’obtenir justice.

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Torture et prisonniers politiques

RessourcesAmnesty Internationalwww.amnesty.org

Barrois Cl. (1988)Les bases fondamentales du traitement destroubles psychiques de guerre. Annales dePsychiatrie, vol.3, n°2, 119–121.

Coalition des ONG internationales contre la torture (CINAT)www.apt.ch/cinat.htm

Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumainsou dégradants (CPT)www.cpt.coe.int/fr/

Comité international de la Croix-Rouge (CICR)www.icrc.org/

Société internationale pour la santé et les droits de l’homme (ISHHR)www.ishhr.org/

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Traite d’êtres humainsFiche 13

� Les mesures de prévention doiventtenir compte du fait que la traited’êtres humains est souvent le faitde personnes en qui les victimesavaient confiance.

� Sécurité et volonté des victimessont prioritaires dans toute actionvisant à leur venir en aide.

� Le degré de traumatisme dépendaussi de la manière dont les victimes sont traitées après leurlibération, que ce soit par lesautorités, par les organismesd’aide ou par leur famille.

Qu’est-ce que la traite d’êtreshumains?La traite d’êtres humains est une forme moderned’esclavage. On utilisait autrefois le terme detraite des blanches pour le commerce de femmeset de filles à des fins d’exploitation sexuelle.Aujourd’hui, la traite d’êtres humains englobetous les actes par lesquels on livre des personnesà un système d’exploitation qui viole leur droitfondamental de disposer d’elles-mêmes. Les femmes et les filles sont en général vendues àdes réseaux de prostitution, ou asservies commedomestiques. Enfants et adultes sont exploitéspour leur force de travail. Ce commerce estégalement pratiqué pour le prélèvement d’organes.

DDC/Silvia Voser (Photo Filtre)

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Traite d’êtres humains

Position par rapport auxséquences d’un conflitLa traite d’êtres humains existe aujourd’huipartout dans le monde, qu’il y ait ou non unesituation de conflit armé. Elle s’aggrave toute-fois sérieusement quand l’ordre juridique n’aplus cours, avec la destruction des réseauxprotecteurs et l’extension de la misère. Ce tra-fic est présent dans toutes les séquences d’unconflit (� Fiche 5b: Analyse des traumatismesséquentiels), mais se trouve considérablementfavorisé par la vulnérabilité des gens en fuite.Les femmes et les enfants des camps de réfu-giés sont particulièrement exposés à ce risque(� Fiche 9: Réfugiés et déplacés internes).

Les réseaux de trafiquants profitent du désirque l’on peut avoir de changer d’existence enémigrant. Ce trafic est favorisé par la demandequi se manifeste sur les lieux de destination etpar des lois sur l’immigration qui rendent lesvoyages légaux pratiquement impossibles.Cependant, la traite d’êtres humains ne serésume pas à l’activité du passeur, qui trans-porte illégalement des personnes à traversdes frontières contre rémunération, ni au faitde travailler dans des conditions d’exploita-tion. On parle de traite d’être humains ou de trafic humain en présence des facteurs suivants:� Perte de contrôle

La victime ne peut plus changer sa situa-tion, parce qu’elle est menacée, parceque ses dettes l’on fait tomber dans unétat de servitude, etc.

� Contrainte ou promesses fallacieusesLa victime est placée dans sa situation dedépendance par la force ou par la trom-perie.

� Violation de principes éthiques et légauxLe recrutement, le transport et la vente d’unêtre humain sont contraires à l’éthique, auxdroits humains et aux lois.

� But commercialL’exploitation d’une personne procure desgains financiers.

Ces facteurs décrivent clairement une situa-tion traumatique (� Fiche 2: L’approche psy-chosociale: principes généraux et notions-clés). Quand des femmes et des filles fontl’objet d’un commerce pour la prostitution oupour d’autres types d’exploitation sexuelle,cette traite est une forme de violence sexospé-cifique (� Fiche 8: Violence sexospécifique).

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Traite d’êtres humains

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Thèmes-clés et perspectives d’empowerment

Thèmes-clésLa traite d’êtres humains se trouve favorisée dans le pays d’origine par les facteurs suivants:� Mauvaise situation économique, possibilités de formation restreintes.� Justice et police inefficaces et/ou elles-mêmes impliquées dans la traite

d’êtres humains.� Vide juridique concernant la migration de travailleurs, absence de

protection contre l’exploitation liée à l’émigration. � Opinion publique peu informée concernant le sort des victimes et les

méthodes des trafiquants.� Discrimination des femmes, exploitation des enfants, grand nombre

d’enfants non protégés.� Flux migratoires (p. ex. exode rural).

Perspectives d’empowerment� Les mesures de prévention doivent être pluridimensionnelles et se concentrer

sur la protection des groupes particulièrement vulnérables (précarité écono-mique et sociale).

Exemples: la fondation Terre des hommes s’efforce de renforcer les mécanismesde protection des communautés de migrants (p. ex. réseaux de contacts entreles personnes qui cherchent du travail ailleurs et leurs familles); un projet pilotesoutenu par la DDC en Moldavie encourage les activités rémunérées de groupesparticulièrement vulnérables.

Thèmes-clésVoici des scénarios de recrutement courants:� Les victimes de la traite se laissent duper par des entremetteurs, des organi-

sations de placement, des annonces, etc.� Des parents, des voisins ou d’autres personnes proches servent d’intermé-

diaires, en connaissance de cause ou non, contre rémunération ou non. � Nombre de femmes – et surtout d’enfants – pris au piège de la traite d’êtres

humains voulaient au départ échapper à un contexte familial insupportableet généralement marqué par la violence.

� Des enfants sont parfois vendus par leurs parents, qui savent pourtant perti-nemment qu’ils les mettent en danger.

Le traumatisme dépend en partie du genre de recrutement et de la manière dontle processus se déroule jusqu’au moment où la victime perd complètement le contrôle de la situation. Si la victime a été trompée, elle a le sentiment quec’est de sa faute; et si elle a été abusée par des proches, le sentiment de trahison risque de compromettre sa capacité de faire confiance à autrui.

Perspectives d’empowerment� Il convient d’informer les victimes potentielles de la traite d’êtres humains

sur les agissements des trafiquants. Mais les campagnes d’informationn’ont qu’une efficacité très limitée lorsque le trafic implique des prochesagissant en toute connaissance de cause.

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Traite d’êtres humains

Il existe différentes formes d’exploitation, mais la situation vécue par la vic-time se caractérise toujours par la perte de contrôle sur sa vie et par un senti-ment d’impuissance. La personne exploitée est isolée du monde extérieur etmenacée de représailles contre elle-même ou des membres de sa famille sielle s’avise de chercher de l’aide.

Thèmes-clésLa personne exploitée peut être libérée par des actions ciblées de la police,par des interventions d’ONG ou grâce à des témoignages de la population(p. ex. clients de prostituées). Du fait qu’elles sont elles-mêmes témoins d’actescriminels et qu’elles connaissent des organisations impliquées, les victimeslibérées sont réellement menacées; elles souffrent en outre des répercussionsde leur exploitation.

La législation en vigueur dans la plupart des pays ne permet pas aux victimesd’y rester aussi longtemps qu’elles le voudraient – et qu’il le faudrait – pourqu’elles puissent se rétablir correctement.

Perspectives d’empowerment� Le point de vue et la volonté de la victime sont prioritaires. Cela va moins

de soi qu’il n’y paraît: on entreprend parfois des actions de sauvetagesans que la sécurité des personnes libérées soit garantie et sans que l’onpuisse leur offrir des perspectives susceptibles d’améliorer leur situation.Dans ces cas-là, les sauveteurs cherchent davantage à défendre leurs prin-cipes moraux ou les intérêts de l’organisation qui les emploie et dont lesuccès – à leurs yeux et à ceux de nombreux donateurs – se mesure àl’aune du nombre de personnes libérées de l’esclavage.

� Promotion des revenus: bon nombre de victimes ne sont entrées dans leprocessus de migration aboutissant à l’esclavage que dans le but de trouverune source de revenus; elles sont souvent endettées.

Thèmes-clésLe retour devrait toujours avoir lieu sur une base volontaire et il faut veiller àgarantir la sécurité des personnes libérées. Si on les refoule sans prendre deprécautions, elles risquent de retomber dans les filets des trafiquants du faitqu’elles leur doivent de l’argent et se trouvent dans une situation économiqueau moins aussi mauvaise qu’avant leur départ. De plus, elles courent ungrave danger si elles ont témoigné contre les trafiquants.

Perspectives d’empowerment� Établir des connexions avec des programmes spécialisés menés dans

les pays d'origine, afin de garantir la prise en charge des personnes libérées.

� Prendre des mesures ciblées pour protéger ces personnes.

Exemple: programme de protection des témoins au Brésil. Ce programmedemeure malheureusement l’exception. Les mesures de protection sont insuffi-santes dans la plupart des pays.

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Traite d’êtres humains

Thèmes-clésLe soutien psychosocial doit être adapté à la altération et à la fragmentationpsychiques préalablement diagnostiquées (� Fiche 5a: Analyse des perspec-tives d’empowerment). Principaux thèmes et problèmes à traiter: sentimentd’impuissance et violences subies; problèmes médicaux – VIH/sida, maladiessexuellement transmissibles, sous-alimentation, blessures, etc.; évent. menacesphysiques, stigmatisation du fait de son appartenance à telle communauté;détresse économique. Si la victime a été exploitée sexuellement, les consé-quences sont comparables à celles de la violence sexospécifique (� Fiche 8:Violence sexospécifique). Pour les enfants, le bilan est souvent encore beau-coup plus lourd: nombre d’entre eux ont été vendus, abandonnés ou trahispar des membres de leur propre famille et sont prêts à tout pour obtenir lemoindre signe d’affection. Ils souffrent souvent de graves lésions physiques,mais sont aussi profondément atteints dans leur développement psychique.

Le soutien apporté aux victimes doit porter sur les thèmes suivants: � Surmonter le sentiment de culpabilité – les victimes se sentent souvent cou-

pables de leur situation; elles doivent pouvoir considérer leur implicationavec réalisme et comprendre que les exploiteurs sont les seuls responsablesde leur souffrance.

� Dépasser le sentiment de honte.� Reprendre le contrôle de son corps et de sa situation.� Retrouver confiance.� Apprendre à gérer le stress et la peur.� Assurer le retour dans la famille d’origine et/ou le recommencement.� Améliorer la relation avec les enfants et le conjoint.� Aménager de nouvelles conditions matérielles d’existence.� Élaborer des perspectives pour une vie avec le VIH/sida.

Perspectives d’empowerment� Conseils, thérapie, groupes d’entraide.� Formation professionnelle (� fiche 17: Emploi et revenus).� Soutien à toute la famille durant la phase de réintégration, en particulier

pour les enfants; envisager éventuellement un travail avec des famillesd’accueil ou trouver une solution communautaire.

� Mesures visant à appuyer des démarches juridiques et à assurer la sécurité.� Mesures sociales pour effacer la stigmatisation des victimes (voir mesures

à prévoir en cas de violence sexospécifique, fiche 8).

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Sensibilisation du personnelL’habitude a été prise d’informer les expertssuisses, avant leur départ, sur la probléma-tique de la traite d’êtres humains. Sur placeégalement, il convient de sensibiliser le per-sonnel national et international, qui risque dese trouver confronté à ce problème dans lecontexte professionnel, mais aussi à titre privé

– par exemple en tant que clients de travail-leuses de l’industrie du sexe ou en tant qu’em-ployeurs de personnel de maison.

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Traite d’êtres humains

RessourcesLa traite d’êtres humains est un thème extrê-mement vaste; on trouve sur Internet desexposés détaillés et d’innombrables manuelssur chacun de ses aspects particuliers. Envoici une petite sélection:

www.childtrafficking.com – Ce site Internet enanglais de la Fondation Terre des hommesprésente une centaine de documents claire-ment classés par thèmes (migration, réintégra-tion, réhabilitation, etc.), bien choisis etaccompagnés d’un bref résumé.

DFAE (2004)Lignes directrices concernant les mesures deportée internationale visant à prévenir latraite d’êtres humains ainsi que la protectionde ses victimes. Ces directives constituent le cadre de réfé-rence pour la coopération internationale pra-tiquée par la Suisse dans le domaine de latraite d’êtres humains. Elles passent en revueles mesures de prévention et de réhabilitationà prendre dans les pays d’origine et de tran-sit à partir desquels des victimes de ce traficsont entrées en Suisse. La priorité va actuelle-ment aux pays de l’Est. Une extension de cetengagement aux pays du Sud est envisageable.(Commandes auprès de: DPIV, Section politiquehumanitaire et migration, Bundesgasse 32,3003 Berne; Michael Winzap: PAIV-Flü[email protected])

Dottridge M. (2004)Kids as commodities? Child Trafficking andWhat to do about it. Fédération internatio-nale Terre des hommes. www.tdh.chExposé et commentaire de divers aspects dutrafic d’enfants, à télécharger depuis le siteweb de Terre des hommes.

Kvinnoforum (2003)European Good Practice on Recovery, Returnand Integration of Trafficked Persons. A Studycommissioned by the Swedish Ministry ofForeign Affairs. www.kvinnoforum.org/PDF/goodpratice.pdfBon résumé des diverses interventions pos-sibles dans le domaine de la traite des femmesen provenance d’Europe de l’Est. Adressesdes organisations compétentes.

Organisation internationale pour les migrations (OIM)www.iom.int Informations sur les activités de l’OIM.Publication particulièrement recommandée:Revisiting the Human Trafficking Paradigm.The Bangladesh Experience. www.iom.int/DOCUMENTS/PUBLICATION/EN/Full_BangladeshTrafficking_Rpt.pdf

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VIH/sida Fiche 14

� Le VIH/sida est une menace sup-plémentaire dans les régions enguerre et mérite une prise enconsidération aussi attentive quela violence des armes et la faim.

� Les campagnes destinées à pro-mouvoir des rapports sexuels pro-tégés et l’accès aux préservatifssont donc un élément essentiel dela prévention, même dans leszones en conflit.

� La lutte contre la violence sexuelleconstitue d’ailleurs l’un des élé-ments-clés de la prévention.

� Aujourd’hui, être porteur du virusn’équivaut plus à une condamna-tion à mort. Les personnesconcernées ont donc besoin desoins, de conseils et d’un appuipour élaborer des perspectivesd’avenir et améliorer leur qualitéde vie.

� Il faut briser l’isolement que lastigmatisation impose aux séropo-sitifs.

� La mort reste un sujet importantdans la contexte du VIH/sida et ilfaut en parler.

� Il importe d’encourager les colla-borateurs à s’interroger sur leurspropres tabous.

Le VIH/sida: un thème-clé dans les régionsen conflit La désagrégation des structures sociales, de même que la recrudes-cence de l’exploitation et de la violence sexuelles pendant un conflit,multiplient les risques et augmentent la vulnérabilité. Le problèmes’aggrave d’autant plus que le système de prévention, de soins etd’aide psychosociale s’effondre. Le VIH/sida compte ainsi parmi lesthèmes-clés de chaque séquence d’un conflit et sa prévention exige uneapproche multisectorielle, à l’instar du traitement des conséquencesmédicales et psychosociales chez les personnes touchées. Le manuel«Mainstreaming du VIH/SIDA: intégrer la lutte contre le VIH/SIDA dansla coopération internationale» de la DDC, ainsi que les nombreuxmanuels et directives d’autres organisations fournissent d’excellentsconseils pratiques dans ce domaine (� Ressources). Cette fiche seconcentre sur certains aspects particuliers du VIH/sida et fournit aupersonnel de la DDC des indications sur la manière d’aborder ceproblème.

Medicus Mundi

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VIH/sida

sociaux. Les questions ayant trait à l’ap-proche psychosociale du problème, au typed’aide à fournir ou à ne pas fournir, à la stig-matisation et à la «déstigmatisation» revêtentdès lors une importance croissante. Cetteapproche est d’autant plus nécessaire quenombre d’organisations d’entraide activesdans la prévention du sida placent à nouveaudes convictions religieuses (et les sentimentsqui en découlent: culpabilisation, hostilité faceà la sexualité et rejet de certaines réalités)avant les connaissances scientifiquementprouvées.

Thèmes-clés et perspectives d’empowerment

Indéniablement lié à la sexualité, le VIH/sida fait l’objet d’un tabou. Dans les régions en guerre, l’intensification des rapports de force entre les sexes (� Fiche 1: L’approche psychosociale: introduction et Fiche 8: Violence sexo-spécifique) ne fait qu’aggraver le problème, tandis que l’effondrement desstructures sociales et du système de santé augmente les risques. Seule une analyse précise du contexte permet cependant d’apprécier les facteurs de risque. Il arrive en effet que la guerre restreigne la mobilité et réduise ainsi le risque d’infection. Dans toutes les situations, on retrouve néanmoins des thèmes-clés similaires.

Thèmes-clés� La vie sociale dans les régions en guerre est marquée par des idées sexistes

et la violence sexuelle.� L’omniprésence de la mort due à la situation politique relativise aux yeux

de beaucoup le danger, de prime abord très théorique, du VIH. � Le besoin d’intimité, de protection et de plaisir augmente en réaction à la

menace et au stress. En même temps, les gens sont souvent séparés de leurpartenaire sexuel habituel. Éloignés de leur patrie – soit parce qu’ils sontsoldats, soit parce qu’ils sont en fuite – ils manquent d’amis et de soutienmoral. Toutes ces données accroissent la prévalence de relations sexuellespeu durables et la multiplication des partenaires.

� Les femmes ont souvent moins la possibilité de choisir elles-mêmes leurs par-tenaires sexuels. De plus, pour survivre, elles sont souvent obligées d’accep-ter des rapports sexuels en échange de biens essentiels.

� En l’absence de femmes, les rapports sexuels entre hommes deviennent plusfréquents (à l’armée p. ex.), mais demeurent fortement stigmatisés.

Processus de disempowermentet perspectives d’empower-mentLe sida n’est plus aujourd’hui une condamna-tion à mort. Les traitements antirétroviraux(TAR) peuvent en effet améliorer sensiblementla qualité de vie et prolonger l’espérance devie. Toutefois, compte tenu de la menace demort qu’il fait planer, le sida n’en demeurepas moins un traumatisme psychique.L’infection par le VIH et la maladie du sidas’avèrent d’autant plus traumatisantes que laplupart des gens n’ont pas accès aux traite-ments TAR et que nombre d’habitants desrégions en guerre ou en conflit sont infectésde manière ciblée (viols), puis exclus de lasociété. Outre le caractère traumatique de lamaladie elle-même, on a donc affaire à desprocessus sociopolitiques lourds de consé-quences pour les individus et leurs réseaux

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� Dans les régions en conflit, il est difficile d’obtenir non seulement des infor-mations, mais aussi des préservatifs.

� La sexualité est toujours mue par l’instinct et le désir, et s’accompagne normalement d’un agréable abandon de soi. Ce n’est guère un domaineoù la raison s’impose aisément, ce qui ne dégage cependant personne desa responsabilité.

Perspectives d’empowerment� Garantir l’accès aux préservatifs.� Intégrer le VIH/sida dans toutes les activités est une priorité, à plus forte

raison dans les zones en conflit.� Contribuer à prévenir le sida en luttant contre la violence sexospécifique,

en particulier la violence sexualisée et la violence sexuelle comme arme deguerre (� Fiche 8: Violence sexospécifique).

� Promouvoir les activités rémunérées pour les femmes. � Lancer, selon les possibilités, des processus de communication sur la sexua-

lité au sein de tous les groupes concernés (briser le tabou). � Prévenir le VIH/sida et sa stigmatisation. � Valoriser le «bon sens» dans un domaine essentiellement «déraisonnable».

L’on ne peut pas – et l’on ne doit pas – interdire le plaisir, mais les gensdoivent être capables d’assumer certaines responsabilités pour satisfaireleurs désirs.

Le doute quant à sa propre séropositivité constitue un handicap qui empêchede décider de son avenir en toute connaissance de cause. La peur de savoirou d’être stigmatisé est souvent si forte qu’elle empêche les gens d’entreprendreles démarches nécessaires pour savoir où ils en sont. De plus, il n’est pas toujours possible de faire un test dans une région en guerre.

Le mode d’infection a une influence sur l’état psychique des personnes séro-positives. Une femme aura une attitude très différente face à la maladie et àelle-même, selon si elle a été infectée par des soldats ennemis au cours d’unviol ou par son mari. Dans le premier cas, elle doit surmonter des sentimentstels que l’impuissance, l’humiliation et la colère; dans le second cas, viennentencore s’y ajouter les questions sur les relations de couple, le poids de l’infi-délité et la perte de confiance.

Pendant un conflit, il n’est pas possible d’aborder et de traiter avec la mêmeefficacité toutes les questions fondamentales concernant le VIH/sida. Chaquesituation déterminera donc s’il est possible, et si oui dans quelle mesure, des’attaquer aux thèmes psychosociaux ci-après.

Thèmes-clés� Les tests doivent toujours être volontaires et, pour être utiles, s’accompagner

d’une prise en charge et d’un traitement appropriés. � Il est indispensable de lutter contre la stigmatisation des personnes qui se

soumettent à un test.� Il faut donner la possibilité aux femmes et aux hommes dont le test est

positif de parler de leurs sentiments, de leur situation et de leurs problèmes.

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VIH/sida

Ce faisant, il importe d’aborder, tant sur le plan cognitif qu’affectif, lechoc provoqué par le résultat du test et le mode d’infection. Il convientaussi de susciter la réflexion sur les relations actuelles, leurs possibilités etleurs limites.

� Chez les victimes de violence sexuelle, il faut ajouter à ces thèmes lesconséquences engendrées par l’atteinte à l’intégrité corporelle et à l’identitésexuelle (� Fiche 8: Violence sexospécifique).

� Il importe de faire comprendre aux personnes infectées et à leur entouragequ’être séropositif ne signifie pas être malade du sida. Elles doivent eneffet redéfinir leur mode de vie sur des bases différentes, mais rien n’exclutni amitié ni sexualité, du moment qu’elles veillent à ne pas propager levirus.

Perspectives d’empowerment� Offrir une prophylaxie post-exposition aux victimes de viols et au personnel

soignant. � Mettre des tests à disposition.� Fournir les moyens au personnel soignant de prendre en charge les per-

sonnes auxquelles il faut annoncer un résultat de test positif et de les assisterensuite pendant le traitement. Les membres de l’équipe soignante doiventmaîtriser leur peur du virus et leur détresse face à la souffrance des séropositifs.

� Soutenir des projets tels que Mapping our lives (� www.aidsfocus.ch) etdes groupes d’entraide (tels que People living with AIDS).

� Mettre sur pied des groupes de discussion et d’entraide psychosocialeconsacrés à la sexualité et fournir des conseils ciblés aux groupes à risque(les soldats, p. ex.).

� Organiser des campagnes pour promouvoir les rapports sexuels protégés.� Créer des structures, dans les pays où la prévalence du sida est élevée,

pour conseiller et traiter les femmes et les hommes séropositifs.

En l’absence de traitement, les séropositifs s’affaiblissent tôt au tard et de-viennent sujets aux maladies. Les frais de traitement augmentent, alors que leurcapacité de travailler diminue. Ils assument de moins en moins leur rôle social.Dans les zones en conflit, l’accès aux soins est souvent insuffisant, de sortequ’il peut s’avérer difficile d’obtenir le traitement approprié pour les maladiesengendrées par la déficience immunitaire. La société nie souvent les risques etla déchéance liés au sida, ou alors il arrive que certains malades sombrentdans le désespoir et la passivité. Tous les projets, même dans les régions enguerre, doivent dès lors s’efforcer de démêler les effets traumatisants engen-drés par le fait de se savoir gravement malade. Lutter contre la maladie etpour la vie, c’est aussi refuser de se soumettre à la logique de la guerre, quiaccorde de toute manière peu de valeur à la vie.

Thèmes-clés� Examiner les possibilités et les limites du traitement médical et de sa propre

capacité d’agir en tenant compte des rôles sociaux. � Aborder les sentiments des personnes concernées – honte, détresse, déses-

poir, peur, deuil, culpabilité et colère –, ainsi que la solitude et l’isolement

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engendrés par la stigmatisation et la peur de l’environnement social. � Traiter les problèmes engendrés par la maladie et la modification des

relations familiales (parents-enfants). � Briser le silence imposé par la société autour du VIH et du sida.� S’attaquer à l’infection ciblée d’être humains comme arme de guerre.

Perspectives d’empowermentLes moyens d’intervenir dépendent toujours du contexte. Le travail dans uncamp de réfugiés offre par exemple d’autres possibilités, mais comporte aussid’autres risques, que dans une région en guerre. Il faut donc adapter les pro-jets en conséquence: � Plaider pour l’accès à des traitements antirétroviraux. � Oeuvrer pour venir à bout de la stigmatisation sociale. � Soutenir des groupes d’entraide. � Appuyer les projets personnels et l’élaboration d’activités génératrices de

revenus adaptées à l’évolution de la maladie. � Venir en aide aux parents qui doivent expliquer à leurs enfants qu’ils seront

peut-être bientôt orphelins. � Favoriser le travail de mémoire, c’est-à-dire la réflexion sur sa propre

histoire: les personnes malades du sida, en particulier les mères et lespères, écrivent l’histoire de la famille, leurs traditions et leurs désirs. Cesrécits peuvent rassurer les enfants, car ils leur permettent de connaître leurs origines tout en gardant vivante la mémoire de leurs parents (� www.aidsfocus.ch). Le travail de mémoire permet aux malades de rester actifs, au lieu d’accepter passivement leur sort.

� Offrir une assistance psychosociale aux enfants dont les parents sont maladesdu sida.

� Proposer un accompagnement en fin de vie.

Les proches doivent surmonter la perte d’êtres chers et apprendre à vivresans eux. Pour les enfants, le décès de la mère ou du père peut être traumati-sant. Chez eux, l’absence de réconfort affectif et physique se traduit souventpar de graves problèmes de développement. La maladie et la mort desparents peuvent aussi plonger les enfants dans la pauvreté.

Thèmes-clés pour les enfants orphelins du sida� Organisation d’une nouvelle existence et protection contre les agressions

et les abus. � Deuil des parents. � Réconfort affectif par des adultes. � Mesures destinées à briser l’isolement et à empêcher la stigmatisation.

Perspectives d’empowerment� Utiliser des moyens légaux et des mesures axées sur la communauté pour

protéger les enfants contre le trafic d’êtres humains, d’autres formes d’ex-ploitation, etc.

� Trouver des solutions communautaires, des familles d’accueil, etc. (� Ressources) pour assurer la prise en charge des enfants.

� Développer les capacités requises pour assumer de nouveaux rôles et de

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VIH/sida

Le VIH/sida au travailLes collaborateurs et collaboratrices de laDDC sont confrontés au VIH/sida à doubletitre: d’une part, c’est un thème transversal àintégrer dans tous les projets; d’autre part,des collègues peuvent aussi tomber malades,voire mourir. Le manuel «Mainstreaming duVIH/SIDA: intégrer la lutte contre le VIH/SIDA dans la coopération internationale» dela DDC (� Ressources) décrit comment inclurela lutte contre le VIH/sida dans le projet etexplique les principes à respecter au sein del’équipe. Le code de conduite qui figure sur le CD-ROM de ce manuel met l’accent sur leprincipe de la non-discrimination et de la solidarité avec les personnes infectées. Il souligne un objectif, qui constitue peut-être larègle d’or dans ce domaine: instaurer un climat propice à la communication. Ce n’estpas si facile lorsqu’il s’agit d’un sujet aussitabou que le sida. L’Afrique du Sud compte parexemple plus de 5 millions de séropositifs, etpourtant les gens ne parlent qu’à mots couvertsde «cette chose». Les responsables de pro-grammes et les experts se réfugient souventderrière les aspects techniques et les donnéesstatistiques, et n’abordent guère le fond duproblème, la sexualité, la maladie, la mort, la

nouvelles responsabilités (assurer la subsistance, le rôle de chef defamille).

� Créer des contacts avec d’autres enfants qui se trouvent dans une situationsimilaire, tout en évitant leur marginalisation/séparation. Inclure d’autresenfants ayant des problèmes psychosociaux dans le projet.

� Former les enseignants, les travailleurs sociaux et les parents d’accueil, etles sensibiliser aux besoins spécifiques des orphelins du sida.

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àla

mor

t

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VIH/sida

culpabilité, la honte et l’humiliation. C’estcompréhensible, car il est toujours difficile deparler d’un tel tabou, surtout sur le lieu de travail, où la hiérarchie, la concurrence, lescertificats, etc. revêtent une importance cru-ciale et empêchent souvent de parler en touteconfiance au sein du groupe. Il faut pourtantque les membres de l’équipe prennentconscience de ce qui provoque leur peur ouleur rejet face au VIH/sida, et de la manièredont ils vivent les contacts avec les séropositifs.Les discussions ont pour objectif de les amenerà surmonter leurs peurs et leurs épreuves, quiinfluent – sans qu’ils en soient conscients –sur leur manière de s’attaquer à ce problème.Dans un contexte où les décès causés par lesida se comptent en nombre, un dialoguefranc et ouvert peut soulager tout le monde etpermet de faire une mise au point. Sur le lieude travail, il convient donc de réserver uncadre où les membres de l’équipe peuvent sepencher sur leurs propres sentiments. Dansbeaucoup de sociétés, de telles discussionssont plus efficaces lorsqu’elles ont lieu au seinde groupes non mixtes. Il peut aussi s’avérerutile de faire intervenir des animateurs ou desanimatrices externes possédant de bonnesnotions de psychologie.

DDC/John Paul Kay

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VIH/sida

RessourcesAssociation pour les femmes africaines faceau sida (AFAFSI) www.famafrique.org

DDC (2002) La politique de lutte contre le sida arrêtée parle DDC – 2002–2007. www.deza.ch

DDC (2004)«Mainstreaming du VIH/SIDA: intégrer lalutte contre le VIH/SIDA dans la coopérationinternationale». Un manuel avec un recueil dedocuments, de check-lists et d’exemples surCD-ROM pour la DDC et ses partenaires.Berne.Ce manuel donne également des pistes pourgérer le VIH/sida au travail. Le CD-ROMcontient des documents sur le VIH/sida dansles divers secteurs de la coopération interna-tionale.www.deza.ch/ressources/resource_fr_24553.pdf

DDC (2005) Gender & Humanitarian Aid. Why and HowShould SDC Integrate Gender intoHumanitarian Aid? Berne

Documentation généralewww.aidsfocus.ch Site internet de la Plateforme suisse«VIH/sida et coopération internationale». Explications sur le travail de mémoire et références d’excellents manuels sur ce sujet.Informations sur les débats en cours et sur lesactivités des organisations partenaires.

Inter-Agency Standing Committee (2003)Guidelines for HIV/AIDS interventions inemergency settings.www.humanitarianinfo.org/iasc (Products –HIV).Liste d’explications sur les interventions secto-rielles minimales visant le VIH/sida dans leszones en conflit et les situations d’urgence.Renvois à des ouvrages spécialisés et à dessites internet.

ONUSIDAwww.unaids.orgInformations et manuels

Spiegel P. (2004)HIV/AIDS among conflict-affected and displa-ced populations: dispelling myths and takingaction. Paper presented at: 20th meeting ofthe Inter-Agency Advisory Group on AIDS,Haut Commissariat des Nations Unies pourles réfugiés, du 9–10 février 2004; Genève.http://intranet.theirc.org/docs/Dispelling%20Myths%20and%20Taking%20Action%20-%20IAAG.pdf

EnfantsHUMULIZA (1999)Manual for Psychosocial Support of Orphans.Tanzania www.humuliza.orgExcellent ouvrage sur le travail avec lesenfants ayant perdu leurs parents.

Regional Psychosocial Support Initiativewww.repssi.orgCe site comprend des descriptions de projetsréalisés en Afrique australe, ainsi que desrapports et des manuels intéressants.

Femmes victimes de la violence sexuelleAfrican Rights (2004)Broken bodies, torn spirits – Living with geno-cide, rape and HIV/AIDS. www.peacewomen.org/resources/Rwanda/marked.pdfRemarquable étude sur les multiples problèmesdes victimes séropositives des viols perpétréspendant le génocide au Rwanda.

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Dimensions psychosociales de la santé dans les régions en conflitFiche 15

� Dans les situations d’urgenceextrême, les patients et les patientestraumatisés ont moins besoin d’untraitement psychiatrique indivi-duel que de mesures psychoso-ciales qui tiennent compte de leurtraumatisme et permettent de sta-biliser leur cadre de vie.

� Le tableau clinique et l’évolutiond’une maladie dépendent tou-jours des expériences vécues parles habitants des zones en conflit.

� Les traumatismes se traduisentsouvent par des troubles psycho-somatiques.

� Il faut donner les moyens au per-sonnel soignant d’identifier cescorrélations et d’aborder demanière appropriée l’épreuvetraumatique subie par les patients.

Santé psychique dans les régions en conflit Aux côtés de la prévention et de la gestion des maladies contagieuses, dutraitement des blessures et de la santé génésique, la santé mentale faitaujourd’hui partie intégrante des projets de santé recommandés par l’OMSdans les zones de conflit. L’intégration de mesures visant à promouvoir et àprotéger la santé mentale dans les soins primaires constitue un grand pro-grès, car les traumatismes ne sont pas simplement une maladie de plus. Lesprocessus traumatiques exercent en effet une influence décisive sur lestableaux cliniques et l’évolution des maladies, et doivent dès lors être prisen compte dans tout traitement.

Aide psychologique en situation d’urgence Dans la plupart des pays, les services de santé publique ne couvrent pasles besoins en soins psychologiques et psychosociaux même en temps depaix. Or, en cas de conflit, le besoin d’aide psychosociale augmente etdevient plus manifeste, tandis que les professionnels de la santé sont malpréparés à y répondre. De plus, les relations de confiance sont rares entrele personnel soignant et les patients, et le personnel des services de priseen charge ne possède guère d’expérience. Dans les régions en crise, ilimporte donc avant tout de mettre en place des structures pour garantir etpromouvoir la formation et le perfectionnement du personnel.

DDC/Marc Bleich (Photo Filtre)

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Dimensions psychosociales de la santé dans les régions en conflit

partie de facteurs qui n’ont aucun rapportdirect avec le secteur sanitaire. Aussi,pour améliorer la santé mentale des popu-lations en situation d’urgence, l’OMSrecommande-t-elle (2003) des activitésvisant à améliorer leur sécurité physique,à couvrir leurs besoins économiques et àprévenir l’effondrement des structuressociales (regroupement familial, réouver-ture des écoles, intégration sociale desveuves, regroupement des membres d’unemême communauté, etc.). Il convient enoutre de soutenir les rituels funéraires etde deuil, ainsi que les méthodes socialeset spirituelles de guérison propres à lapopulation concernée.

� Après la phase aiguë ou en cas de «chronicisation» du conflitOutre les projets sociaux et économiques,il importe de développer des capacitéssuffisantes pour fournir les «premierssecours psychologiques» à la population.Le corps médical et le personnel soignant,mais aussi les collaborateurs de projetscommunautaires et d’institutions de forma-tion, doivent acquérir des connaissancesde base sur les réactions traumatiques etles techniques de communication, pourêtre à même d’écouter les personnesconcernées et de leur offrir une aide adé-quate, sans pour autant se prendre pourdes thérapeutes et en veillant à ne pasaccroître encore la souffrance par desinterventions contre-productives (en pous-sant p. ex. les patients à en raconter plusqu’ils ne désirent). La formation doit doncaussi servir à prendre conscience de sespropres limites.

� Phase de consolidationÀ long terme, il faut structurer le secteurde la santé de telle sorte que la santé psy-chique en constitue un élément de base etque le personnel soit en mesure de recon-naître les tableaux cliniques typiques de laguerre et de prendre en considérationl’expérience vécue par les gens dans letraitement de tous les problèmes médicaux.Pour intégrer les projets de promotion de

Les interventions psychologiques doivent êtreadaptées au déroulement séquentiel des situa-tions d’urgence:

� Situation d’urgence extrêmeDans les situations d’urgence extrême, ilfaut commencer par cerner la réalité desproblèmes, faire connaître la volonté d’ai-der, mais n’imposer l’aide à personne.Après un événement traumatique, les réac-tions émotionnelles violentes n’ont riend’exceptionnel, bien qu’elles signaleraientun besoin de traitement en temps normal.Le besoin d’une aide professionnelle ne sefera peut-être sentir que par la suite. Ilconvient d’accorder une attention particu-lière aux personnes qui ne parviennent pasà extérioriser leur vécu et leurs émotions.À ce stade, il ne s’agit pas d’assurer untraitement spécifique des traumatismes, maisde proposer un service. Du point de vuepsychologique, on peut formuler la règlede base suivante: En pleine catastrophe, lapriorité consiste à organiser la survie. Cen’est que plus tard qu’il faudra appréciersi d’autres interventions sont nécessaires.

Comme ce manuel le souligne à maintesreprises, les mesures relatives à la santépsychique et sociale dépendent en grande

DDC/Silvia Voser (Photo Filtre)

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Dimensions psychosociales de la santé dans les régions en conflit

la santé psychique dans les soins pri-maires, on peut se fonder sur l’expériencede certaines ONG qui travaillent depuisde nombreuses années avec les personnestraumatisées et qui ont ainsi accumulé deprécieuses connaissances dans ce domaine.Une collaboration fructueuse entre les ser-vices nationaux de santé publique et lesONG spécialisées offre aussi à ces ONGla possibilité de poursuivre leur travail surle long terme. La société, qui pourra encorerecourir à ces services après la fin du conflit,profitera directement de cette collabora-tion. Car on admet que les traumatismesinfluant sur la santé se transmettent surtrois générations au moins.

Le traitement de personnestraumatiséesCertains patients ont besoin d’une aide spé-cialisée immédiatement après une situationd’urgence extrême ou au cours d’une phaseultérieure. Cette aide doit être assurée par lesservices de santé en collaboration avec desprojets (psychosociaux) spécifiques. Toutcomme le processus traumatique, le traitementde personnes traumatisées intervient toujourssur le long terme. Bien que certaines méthodesprétendent parvenir à soulager les gens enquelques séances, rien ne prouve jusqu’iciqu’il soit possible d’obtenir rapidement uneamélioration durable. Cette caractéristiquerelève de la nature même du traumatisme, qui repose aussi bien sur la vulnérabilité psy-chique que sur un processus sociopolitique.Le traitement d’un traumatisme a pour objectifd’amener le patient à accepter le mal subi età l’intégrer dans son expérience personnellesans qu’il devienne un élément destructeur. Leprocessus de deuil constitue donc toujoursl’un des éléments décisifs de ce traitement.Une anamnèse rapide fondée sur l’absence desymptômes est potentiellement dangereuse,car l’on tend à associer absence de symptômeset absence de souffrance ou de deuil, alorsqu’il s’agit justement de les dévoiler.

On admet en principe que le déroulement duprocessus traumatique varie selon le contexteculturel et sociopolitique; son traitement exige

donc des modèles adaptés aux besoins locaux(� Fiche 2: L’approche psychosociale). Si lesméthodes traditionnelles peuvent jouer un rôlepositif dans le traitement des personnes trau-matisées, elles ne sont toutefois pas préparéesà la destruction engendrée par les guerresmodernes. Le processus traumatique se pour-suivant pendant le traitement, la manièred’aborder le traumatisme, telle la définitionde la maladie, peut influer grandement surson évolution. En Amérique latine (au Chili,en Argentine et en Uruguay), des personnestraumatisées ont par exemple refusé d’êtretraitées dans des cliniques et se sont tournéesvers les organisations de défense des droitsde l’homme: elles désiraient certes suivre untraitement, mais pas sur la base d’un diag-nostic qui les auraient qualifiées d’aliénées,et plutôt à la suite d’une évaluation cliniquereconnaissant le lien entre leur souffrance personnelle et la persécution politique.

Le traumatisme et l’assistancemédicale ordinaireLa biomédecine se fonde sur un dualisme strictdu corps et de la psyché. Or la somatisation,à savoir l’expression physique de souffrancespsychiques ou sociales, revêt justement unegrande importance dans les régions en conflit.En Afrique, le personnel soignant a ainsiconstaté une aggravation ou une multiplicationdes symptômes du paludisme, des maux detête et des cas d’insomnie immédiatementaprès l’exil ou la perte d’un membre de lafamille. Les symptômes disparaissaient aprèsun travail sur le lien entre l’événement et l’af-

Reconnaissance des traumatismes par le système de santé Après la dictature, le Chili a offert la gratuité des soins de santé aux victimesdes persécutions, que leur maladie ait eu ou non un lien prouvé avec le trau-matisme subi. Par ailleurs, dans le cadre d’un programme national de santé,les cliniques publiques ont ouvert des services pour assurer le traitement depatients traumatisés. Ces services pouvaient adresser les patients traumatisésayant besoin de soins spécifiques à leurs médecins traitants, moyennant lesexplications idoines. Ce programme de santé a ensuite été étendu et les servicesaccueillent aussi les victimes de la violence domestique. Après la deuxièmeguerre mondiale, les Pays-Bas ont intégré dans l’anamnèse psychiatrique unequestion obligatoire sur les événements vécus pendant la guerre.

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Dimensions psychosociales de la santé dans les régions en conflit

fection. L’organisation Medica Mondiale acompilé les symptômes observés chez les vic-times de la violence sexuelle utilisée commearme de guerre (encadré). Comme toutes leslistes, celle-ci n’est bien entendu pas exhaus-tive, car les symptômes sont un langage sym-bolique qui ne peut être déchiffré que dans lecontexte du patient ou de la patiente. Le per-sonnel soignant travaillant dans les régions encrise doit être préparé à décoder ce langage.

Le traumatisme peut aggraver l’évolutiond’une maladie. Des examens médicaux effec-tués sur des patients chiliens traumatisés ontpar exemple montré qu’ils souffraient certesde la même affection que d’autres habitantsdu pays, mais que la guérison était, chezeux, plus lente et plus difficile car la maladierésistait davantage au traitement que chez lespersonnes non traumatisées. Certaines expé-riences traumatiques provoquent aussi desréactions d’angoisse complexes, dont le trai-tement médical doit tenir compte. Un patientcruellement torturé au moyen d’électrochocsrisque, des années plus tard, de ressentir uneprofonde angoisse pendant un simple électro-cardiogramme, car la procédure techniqueappliquée lui rappelle inévitablement les sévicessubis. Même si le patient en est conscient, ilne parviendra pas à contrôler ce type deréaction. Celle-ci altérera son rythme cardiaqueet faussera ainsi l’électrocardiogramme.

Santé génésiqueCe n’est qu’au cours des guerres qui ontsecoué l’ex-Yougoslavie et le Rwanda quel’on a compris l’impact de l’expérience trau-matique de la guerre sur la santé génésique.Jusqu’alors, les soins de santé réservés auxfemmes se limitaient au suivi prénatal et àl’assistance pendant l’accouchement; parfois,ils comprenaient aussi des soins post-partumet des conseils de planning familial (McGinn2004). La Conférence des Nations Unies surla population et le développement, réunie auCaire en 1994, a pour la première foisreconnu officiellement les besoins spécifiquesdes réfugiés et des personnes déplacées dansles domaines de la santé sexuelle et repro-ductive. Dans la foulée, des organisationsinternationales ont élaboré des principesdirecteurs et la santé dite génésique recouvreaujourd’hui les domaines suivants: � la maternité sans risques, � la violence sexospécifique,� les maladies sexuellement transmissibles et

le VIH/sida, � le planning familial, � la santé reproductive chez les jeunes.

Des directives et des manuels exhaustifs couvrentles divers aspects de la santé reproductivedans les régions en conflit. Ils donnent desexplications détaillées sur la dimension psy-chosociale de la violence sexospécifique, desmaladies sexuellement transmissibles et du VIH/sida, ainsi que de la santé reproductive chezles adolescents (� Ressources). Il apparaîtcependant que les directives et les explica-tions données pour la maternité sans risquescomprennent les mêmes priorités que cellesformulées pour la maternité sans risques dansun environnement stable et sûr. Or la guerrepeut sensiblement modifier les sentimentsmaternels d’une femme et ceux-ci déterminentà leur tour le déroulement de la maternité et del’accouchement, ainsi que les soins prodiguésà l’enfant (� Fiche 18). Une femme traumatiséene se considère pas nécessairement commeune victime de la violence sexospécifique. Deplus, il existe nombre d’autres raisons quipeuvent pousser une femme à éprouver dessentiments ambivalents face à sa grossesse ou

Troubles fonctionnels psychosomatiques chez les victimes de violence sexuelle� Troubles gastro-intestinaux tels que diarrhée chronique, constipation,

troubles au niveau de la vésicule biliaire, ulcère gastrique.� Hypertension artérielle, pression au niveau de la poitrine. � Hausse de la fréquence cardiaque. � Asthme bronchique.� Troubles du sommeil.� Vertiges.� Bourdonnements (acouphènes).� Tremblements.� Prédisposition aux maladies et aux infections.� Abaissement du seuil de la douleur: maux de tête, maux de dos,

tensions musculaires persistantes, douleurs articulaires. Source: Medica Mondiale, 2004

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Dimensions psychosociales de la santé dans les régions en conflit

à son nouveau-né: le fait, par exemple, qu’unde ses autres enfants a été tué auparavant ouqu’elle a dû fuir en laissant un enfant derrièreelle. Même les consultations de planningfamilial doivent donc prendre en compte l’histoire et la situation particulière de chaquecliente. Au cours de la phase de «chronicisation»d’un conflit, on observe en général un tauxde naissances relativement stable. La guerreou le conflit exercent néanmoins souvent uneinfluence décisive sur le désir d’enfant chez lescouples. Au milieu des années 90, les femmesde Sarajevo ont par exemple arrêté d’avoirdes enfants. À l’inverse, des femmes vivantdans d’autres situations continuent de mettreau monde le plus d’enfants possible (enPalestine, p. ex., où la démographie joue unrôle crucial dans le conflit, ou dans les campsde réfugiés au Soudan au milieu des années90, après que les réfugiés ont survécu à unmassacre; McGinn, 2004).

Traitement des victimes demines antipersonnelLa réhabilitation des victimes de mines repré-sente un problème spécifique dans la plupartdes régions en guerre. Leur traitement exigeen général une combinaison complexe desoins médico-orthopédiques, psychothérapeu-tiques et sociothérapeutiques. Les victimes desmines sont des estropiés, qui portent des signesvisibles – stigmates – de leurs blessures.Après la guerre, ils sont le plus souvent cachéset exclus. Ils ne peuvent plus s’intégrer sur lemarché du travail, qui fait de toute façon l’objetd’une vive concurrence. Même s’ils reçoiventune prothèse et suivent une rééducationappropriée, leurs problèmes sont loin d’êtrerésolus. Leur seule source de revenu consisteparfois à enlever leur prothèse et à mendier.La réhabilitation médicale est donc en totalecontradiction avec la stratégie de survie. Lasouffrance des victimes des mines prenant laforme de problèmes physiques particuliers, ontend à oublier qu’elles ont aussi subi un trau-matisme psychique: d’un instant à l’autre,elles sont privées de leur rôle social, de leursanté et de leur image de soi. Elles traversentainsi un processus de disempowermentextrême. Pour mener un travail utile auprès

des victimes de mines, les projets devraientdès lors se donner les objectifs suivants: � Coordonner les traitements médicaux

(orthopédique et physiothérapeutique) etpsychosociaux (formation, réintégration),ainsi que la réhabilitation. Ils doivent enpriorité promouvoir l’autonomie despatients.

� Remettre en question la stigmatisationsociale et l’éliminer.

� Intégrer les mines et les dangers qu’ellesreprésentent dans le travail d’informationet d’explication.

� Assurer le déminage.Il est souhaitable que les victimes des minesparticipent activement à ces différents efforts,car il ne s’agit pas de faire quelque chosepour elles mais avec elles.

DDC/Andrée-Noëlle Pot/Keystone (Photo Filtre)

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Dimensions psychosociales de la santé dans les régions en conflit

RessourcesDesjarlais R. et al (1996) World Mental Health. Problems and Prioritiesin Low-Income Countries. New York andOxford: Oxford University Press.

Jacquet Fr. (2002)Approche communautaire, santé mentale etprévention, in «Du lien au soin», Médecins duMonde et Centre Primo Levi. www.medecinsdumonde.org/publications/rapports/dulienausoin/file

McGinn T., Casey S., Purdin S. et Marsh M.(2004) Reproductive Health for conflict-affected people. Policies, research and programmes.Network Paper 45. Humanitarian PracticeNetwork. London: ODI. www.odihpn.org

Manuel SphèreNormes minimales dans le secteur des services de santé (chapitre 5)www.sphereproject.org/french/handbook/index.htm

OMS/FNUAP/HCR (1999)Reproductive Health in Refugee Situations –An inter-agency field manual.www.unfpa.org/emergencies/manual

OMS (2000) Reproductive Health during Conflict andDisplacement. A Guide for ProgramManagers.

OMS (2003) Mental Health in Emergencies. Mental andSocial Aspects of Health of PopulationsExposed to Extreme Stressors. Genève, OMS. www.who.int/mental_health/media/en/640.pdfBrèves lignes directrices sur l’intégration de lasanté mentale dans les soins de santé.

OMS (2002)Rapport mondial sur la violence et la santé,sous la dir. de Krug E. G., Dahlberg L.L., ZwiA. et Lozano-Ascencio R., Genève.www.who.int/violence_injury_prevention/violence/world_report/en/full_fr.pdf

Un tour à moto pour un patient amputé de la jambe Un projet en faveur des victimes de mines en Angola est parvenu à combinerla fabrication de prothèses par les personnes concernées avec des mesuressociothérapeutiques. Même dans ce projet, il est cependant apparu à quelpoint il est difficile de tenir compte du véritable traumatisme, sans stigmatiserles victimes en les confinant dans leur douleur au lieu de les considérer etde les reconnaître comme des êtres humains avec des besoins ordinaires: unpatient amputé de la jambe exigeait de son physiothérapeute de le conduireà une piscine proche, pour y faire sa séance de physiothérapie. Le physio-thérapeute a tenté de le faire renoncer à son projet, car il savait que le bassinde la piscine était vide. Le patient est toutefois entré dans une telle colèreque le physiothérapeute a fini par l’asseoir sur sa moto et l’emmener jusqu’àladite piscine. Cependant, même devant le bassin vide, le patient voulaittoujours nager. Le physiothérapeute s’est alors fâché. Pour terminer, ils sontretournés aux locaux du projet. Ce n’est que bien plus tard que l’on a pu tirer l’affaire au clair et comprendreque le physiothérapeute et son patient avaient été aveuglés par leur fixationsur la maladie et sur le handicap, qui les avait empêchés de percevoir un désirparfaitement humain, qui n’avait rien d’anormal: le patient a dû déguiser sonenvie de faire une virée à moto en un accès de folie. Le physiothérapeuten’a pu, dans un premier temps, admettre cette lubie qu’en supposant qu’ils’agissait d’un trouble psychique, et n’a pu que s’interroger sur sa réactionde colère en se demandant s’il n’aurait pas dû rester plus aimable.

DDC/John Paul Kay (Photo Filtre)

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Éducation et formationFiche 16

� En période de conflit, les pro-grammes scolaires procurent unsentiment de sécurité et de nor-malité aux enfants.

� Pendant le conflit, les enfants tra-versent diverses expériences qu’ilfaut intégrer et traiter dans lesprogrammes d’enseignement.

� Les activités de formation aidentgrandement à surmonter les trau-matismes et les souvenirs duconflit si elles n’occultent pas lesévénements vécus pendant lacrise, mais les utilisent commepoints de départ et d’ancrage.

� Il faut donner l’occasion aux for-mateurs, aux enseignants et auxéducateurs de se pencher sur leurpropre vécu et de se protégerdavantage, pour qu’ils soientmieux à même de venir en aideà leurs élèves.

Éducation et formation pour traiter les traumatismesPendant et après le conflit, l’éducation et la formation(jardin d’enfants, école, formation professionnelle, for-mation pour adultes, etc.) offrent une certaine sécuritéet de nouvelles perspectives d’avenir, en particulieraux enfants. De plus, les écoles et instituts de formationpublics constituent des lieux où parents et enfants issusde tous les segments de la société se retrouvent autourd’un même objectif. Des programmes de formationbien conçus peuvent dès lors contribuer à transformerle conflit et à traiter nombre de traumatismes en dou-ceur et avec efficacité. Pour être en mesure d’assumerce travail, les enseignants ont toutefois besoin d’unappui conséquent et de cours de perfectionnement, carleur formation ne les a en général pas préparés àmener ce genre d’activités.

Importance de l’éducation et de la formation dans les situations de crise1

Toutes les lignes directrices relatives à l’aide psychoso-ciale destinée aux enfants en situation de crise accordentune priorité absolue à la reprise ou à la poursuite del’enseignement. Voici pourquoi:

1 Source: Basic EducationCoalition.

DDC/Silvia Voser

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Éducation et formation

� En période de conflit, les programmes sco-laires procurent un sentiment de sécurité etde normalité aux enfants. Ils constituentune activité rassurante et salvatrice, quiredonne de l’espoir et de la dignité etouvre de nouvelles perspectives d’avenir.

� Des programmes bien conçus enseignentde nouvelles techniques de survie auxenfants. Ceux-ci apprennent par exempleà éviter les mines antipersonnel, à sedéfendre contre les abus sexuels, à maîtri-ser la colère et à développer leurs capaci-tés à gérer des conflits.

� Pour les enfants traumatisés, la scolaritépeut représenter une expérience fonda-mentale et bienfaisante, qui leur permettrade franchir un pas décisif vers la guérisonet la réintégration dans la société.

� Dans les camps de réfugiés, les écolesfournissent une occupation productive auxenfants et aux parents, et leur permettentde retrouver plus rapidement le cours dela vie normale après le conflit.

Thèmes-clés des programmesd’enseignement et de forma-tion en période de conflit Les principaux thèmes à prendre en comptedans les programmes d’enseignement et deformation pendant et après le conflit sont

présentés dans divers manuels fort utiles (� Ressources). Voici les thèmes-clés qu’ilimporte d’aborder et de traiter du point devue psychosocial:� Rapprochement avec les expériences de

la vie quotidienne En période de conflit, enfants et adultess’initient aux techniques de survie. Le côtépositif, c’est qu’ils apprennent à s’adapterrapidement à des situations inattendues, àmaîtriser leurs sentiments, à faire preuved’inventivité face au manque (faire beau-coup avec peu), à décider et à agir rapi-dement et avec efficacité, à distinguer l’es-sentiel de ce qui est secondaire. Nombrede gens deviennent d’excellents organisa-teurs, ils expérimentent la solidarité etl’amitié et comprennent mieux les proces-sus sociopolitiques. Du côté négatif, onpourrait dire qu’enfants et adultes perdentleur aptitude à réfléchir, qu’ils utilisent destechniques de défense et de survie qui neservent toutefois qu’à atteindre des objec-tifs à court terme et ne revêtent générale-ment guère d’utilité sur le long terme, nipour l’individu ni pour la société. Desvaleurs disparaissent, tandis que les gensapprennent que seule la loi du plus fortprévaut et que soumission et passivité per-mettent de survivre. Pendant un conflit,

DDC/Entraide protestante

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Éducation et formation

enfants et adultes apprennent donc beau-coup de choses. Selon le contexte, cesexpériences s’avèrent soit utiles et protec-trices, soit destructrices et contre-productives.L’enseignement doit donc se donner pourrègle de toujours prendre au sérieux et dene pas occulter les expériences vécues parles enfants, mais au contraire d’en fairedes instruments et des angles d’approche.Des programmes bien conçus aideront lesenfants à valoriser leurs compétences, àles développer et à s’en servir.

� Traitement des traumatismes Les établissements scolaires (jardins d’en-fants et écoles) ne peuvent pas remplacerune thérapie, mais ils constituent presquetoujours le lieu le plus propice pour abor-der les problèmes, les peurs et les pertesdes enfants. Il arrive souvent que lesenfants les expriment par le jeu ou qu’ilsracontent les événements vécus à un adulteen qui ils ont confiance. En écoutant cesrécits avec bienveillance, les enseignantset les éducateurs aident les enfants à sedétendre, voire à trouver des ébauches desolution. En recueillant les expériences desenfants, de leurs familles et de leurs com-munautés, enseignants et éducateurscontribuent à mettre en place des structuresqui favorisent une approche collective destraumatismes et à éviter, par là même, quela souffrance acquière une dimension troppersonnelle ou pathologique.

� Travail sur le conflit Le traitement des traumatismes va de pairavec le traitement du conflit qui sévit – ouqui a sévi – dans la région. Les jardinsd’enfants et les écoles sont les institutionsidéales pour aider les enfants à réglerleurs différends autrement que par la vio-lence et à s’interroger sur les événementset les problèmes liés au conflit. La phasedu conflit pendant laquelle enseignants etéducateurs mènent la réflexion sur les motifset les conséquences du conflit joue un rôledécisif. Ce n’est en effet que lorsque leconflit est définitivement achevé qu’il serapossible de songer à une réconciliation.Pendant le conflit, il convient surtout d’ex-pliquer aux élèves qu’il existe différentes

manières d’appréhender la réalité et derespecter les différences (� récits parallèles).De plus, de par son existence même, un établissement de formation contribuetoujours à transformer le conflit: le jardind’enfants ou l’école sont des lieux ouvertsà tous, et l’administration scolaire, demême que les enseignants, favorisent acti-vement l’intégration des enfants, en parti-culier de ceux qui restent en marge del’institution pour des raisons culturelles,économiques ou politiques, ou encore parpeur.

� Collaboration avec les familles et les communautés Les jardins d’enfants et les écoles offrentun lieu d’intégration non seulement pourles enfants, mais aussi pour leurs parents.Ils ne peuvent en effet que collaborer étroi-tement avec les parents, d’une part parceque le bien-être et les progrès scolairesdes enfants dépendent pour beaucoup dela situation psychosociale de leursparents, d’autre part parce que les établis-sements scolaires ont besoin de la partici-pation active des familles pour fonction-ner. Il faut ici s’efforcer de créer une rela-tion dans laquelle parents et enseignants/éducateurs se soutiennent mutuellement.

� Vulnérabilité des enseignants/éducateurs Les enfants ne sont pas les seuls à souffrirdu conflit. Les enseignants et les éduca-teurs traversent en effet les mêmes expé-riences que toute autre personne. En tantque membres influents de la communautéou en raison de leur rôle de «multiplica-teur», ils sont souvent soumis à de fortespressions pour les contraindre à se plieraux exigences des parties en conflit. Pourleur permettre de s’acquitter au mieux deleur travail, tout programme d’enseigne-ment doit investir en priorité dans le sou-tien aux enseignants et aux éducateursainsi que dans leur perfectionnement. Lesenseignants doivent en effet avoir l’occa-sion d’analyser leur propre situation et derenforcer leur propre protection.

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Éducation et formation

Perspectives d’empowermentdans le domaine de l’éduca-tion et de la formationLes stratégies pour aborder les thèmes-cléspsychosociaux sont détaillées dans les guidessur la formation en situation de crise, quicomprennent aussi des aide-mémoire fort utiles(� Good Practice, Guides for EmergencyEducation, INEE). Ces stratégies s’appliquentà tous les types d’éducation et de formation:écoles publiques, prise en charge des jeunesenfants dans les crèches et les jardins d’en-fants, formation des adultes et formationextrascolaire. En voici un résumé:

� Garantir que les enfants peuvent se rendreau jardin d’enfants ou à l’écoleIl faut identifier les motifs qui empêchentles enfants d’aller à l’école et en discuteravec les enfants, leurs familles et la com-munauté. Le chapitre «Les jeunes filles àl’école» donne quelques pistes à ce sujet.

� Aborder les thèmes-clés et les problèmes-clés Toutes les lignes directrices relatives à laformation pendant et après le conflit sou-lignent l’importance de traiter de certainsthèmes-clés du quotidien (VIH/sida, mines,divers aspects liés à la santé, capacité àgérer des conflits, etc.). Outre ces complé-ments à intégrer au programme, il s’agiten priorité d’aborder des sujets d’impor-tance locale et de les mettre en rapportavec les matières enseignées habituelle-ment. On constate ainsi régulièrement quenombre d’enseignants insistent, dans lecadre des modules consacrés à la santé,sur les mesures d’hygiène à respecter pourprévenir la diarrhée, mais qu’ils passentsous silence les réactions d’anxiété (voiraussi la Fiche 21: exemple concernant lestremblements de terre au Salvador). Lesenseignants et les éducateurs devraientêtre en mesure de parler avec chaqueélève de ses problèmes individuels, maisaussi d’aborder ces problèmes au sein dugroupe ou de la classe.

� Promouvoir des valeurs et des comportements démocratiques L’éducation à la paix comprend notam-ment les notions suivantes: tolérance faceà la différence, conscience et respect desoi, gestion pacifique des conflits, droitshumains, droits de l’enfant, justice, etc. Sices sujets revêtent une grande importance,il convient de ne pas les aborder en margedu reste de l’enseignement. Les écoles etles instituts de formation appartenant àl’ordre social, l’enseignement est souventorganisé de manière autoritaire. Il ne serttoutefois à rien que les enfants et les adultesapprennent les droits de l’homme par coeur;ils doivent plutôt acquérir et développerdes compétences qui les amèneront à respecter les différences et à se montrer

Récits parallèlesL’Israélien Dan Bar-On et le Palestinien Sami Adwan ont édité, en collabora-tion avec des enseignants et des historiens israéliens et palestiniens, un livred’histoire qui décrit comment chaque partie au conflit interprète les événe-ments marquants. Prenons l’exemple de la Déclaration Balfour de 1917: LesIsraéliens considèrent que la garantie faite par les Britanniques d’établir un«Foyer national juif» en Palestine est une réponse logique aux revendicationsdu mouvement sioniste, qu’ils considèrent comme une réaction à l’antisémi-tisme moderne, à la perpétuation des inégalités entre juifs et chrétiens enEurope et à la pérennité de certaines convictions religieuses. Pour lesPalestiniens, le geste des Britanniques ne fait que perpétuer la mainmisecoloniale européenne, qui a débuté avec Napoléon, s’est poursuivie auXIXe siècle et a privé les Arabes de leur indépendance nationale en 1916,avec la signature de l’Accord Sykes-Picot. Dans l’esprit des Palestiniens, l’an-née 1917 n’est ainsi, selon le livre d’histoire, que la première d’une sériede dates (1948, 1967 et 2002) synonymes de mort, de destruction et dedéracinement pour le peuple palestinien. Du point de vue israélien, au con-traire, ces dates se rapportent en priorité à des agressions arabes. Sur chaquepage du livre de Dan Bar-On et de Sami Adwan figurent deux colonnes,dont l’une retrace la version israélienne de l’histoire et l’autre la versionpalestinienne. Ces deux colonnes sont séparées par une troisième, vide,dans laquelle les élèves peuvent noter leurs propres commentaires et idées.La présentation parallèle des interprétations israélienne et palestinienne del’histoire montre aux écoliers qu’il n’existe pas une, mais plusieurs vérités.L’objectif n’est pas d’adopter la vision de l’autre ou de se réconcilier, ce quiserait tout simplement impossible dans la situation politique actuelle. Les élèves prennent néanmoins conscience de l’existence de l’autre, du fait qu’ilexiste des êtres humains dans les deux camps, avec leurs histoires, leurs victimes et leurs héros.

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Éducation et formation

solidaires. Pour qu’ils y parviennent, le lienentre éducation à la paix et les autresmatières d’enseignement doit être perceptible.

� Adapter le programme d’enseignement Les problèmes-clés des enfants et de leurscommunautés doivent être intégrés au pro-gramme d’enseignement. Pour favoriser laprise de conscience de soi et l’apprentis-sage de la tolérance, il faut, dès que pos-sible, éliminer des manuels les différentsstéréotypes associés aux femmes ou à cer-tains groupes sociaux ou ethniques. Lesplans d’études devraient être revus et cor-rigés d’entente avec les principaux groupesde la population. Pour les réfugiés, ilconvient de mettre au point un programmequi soit reconnu à la fois dans le paysd’accueil et dans le pays d’origine.

Où les enfants apprennent-ils la solidarité? En Sierra Leone, nombre de familles manquent de tout et rares sont lesenfants qui apportent à manger de chez eux à l’école. Les familles privilé-gient à cet égard les plus jeunes d’entre eux. Cependant, même au jardind’enfants, ceux qui ont quelque chose à manger ne le partagent pas avecles autres, mais ne mangent pas non plus tout, pour en garder pour leursfrères et soeurs aînés, qui les menacent de coups s’ils ne leur donnent pasde la nourriture sur le chemin du retour. Les éducateurs n’interviennent pas,tant les années de pénurie et de loi du plus fort les ont habitués à l’injustice,injustice qu’ils ne perçoivent même plus comme telle. Pourtant, où ailleursqu’au jardin d’enfants et à l’école est-il nécessaire de remettre l’injustice enquestion? Et où, sinon en ces lieux consacrés à l’éducation, enfants etparents pourront-ils débattre de l’origine des injustices et des causes de l’ex-ploitation, afin d’instaurer une nouvelle culture du partage et du soutien réci-proque? Pour que les enseignants et les éducateurs s’approprient des valeursdémocratiques et soient à même de dispenser une véritable éducation à lapaix, on doit leur donner la possibilité de réfléchir sur leur propre vécu etde comprendre que l’éducation à la paix n’est pas qu’une matière abstraitede plus à enseigner, mais qu’elle repose sur des règles qui s’appliquent auquotidien.

DDC/Fritz Berger

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Éducation et formation

� Mesures de soutien et de perfectionnementpour les enseignants/éducateurs En période de conflit, les enseignants/éducateurs doivent connaître un tant soitpeu les effets que la peur, les traumatismeset la perte de proches peuvent avoir surles enfants. Pour être efficaces, les coursde perfectionnement ne doivent cependantpas transmettre des connaissances psycho-sociales en dehors de tout contexte, maisaider les enseignants à aborder concrète-ment ces sujets en classe: Comment, parexemple, évoquer l’enlèvement d’un frèreou d’une soeur avec les élèves? Commentorganiser la leçon pour que les enfantssouffrant de troubles de la concentrationne perdent pas le fil? Quelles méthodessont à même de promouvoir la capacitédes enfants à gérer un conflit? Etc. Lesenseignants ont besoin d’un appui pourfaire le rapprochement entre les contenuset les méthodes. Cependant, les cours deperfectionnement ne doivent pas se contenterde leur enseigner les bons contenus et desméthodes participatives d’enseignement,mais aussi leur fournir l’occasion de remettre en question certaines valeurs etde rassembler leurs propres expériencesde modes d’existence plus démocratiques.

Les filles à l’école Dans les pays en développement, un quartdes filles sont scolarisées pendant moins de 5 ans. De plus, le taux et la durée de leurscolarisation diminuent presque toujours pen-dant et après un conflit. Si les filles ne vontpas à l’école, c’est parce que leur sécurité estmenacée, que la famille ne peut les y envoyerpour des raisons économiques ou que les restrictions sociales se font plus sévères pourles filles. En s’inspirant du problème de lasécurité des filles, on peut illustrer commentles écoles et les enseignants peuvent, en collaboration avec les enfants et les parents,aborder un thème conflictuel à différentsniveaux et contribuer ainsi à atténuer le trau-matisme, à transformer le conflit et à favoriserl’intégration des adultes.

DDC/Toni Linder (Photo Filtre)

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Éducation et formation

Travail psychosocial pour intégrer les filles dans les écoles

Problème: Les filles ne fréquentent pas l’école car elles risquent des agressions (sexuelles) à l’école ou sur le chemin de l’école.

Groupe cible

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Activités

� Venir en aide aux filles qui ont déjà été agressées. L’enseignante favoriseaussi activement une bonne intégration au sein de la classe.

� Organiser avec les enfants des débats sur la violence (sexuelle), sur leurscraintes et sur les moyens de se protéger: comment les enfants peuvent-ilsmieux maîtriser leur peur, comment les filles peuvent-elles se protégermieux, comment les enfants peuvent-ils se défendre les uns les autres etquelle aide attendent-ils des adultes?

� Apprendre aux enfants à faire preuve d’assurance et à négocier. Desgroupes d’enfants négocient des mesures de protection et des formesd’aide avec les adultes.

� Inviter les enfants à faire connaître leur avis sur la question à d’autresenfants et aux adultes par le biais de leur propre journal, de chansons,d’une pièce de théâtre ou de toute autre manière.

� Parler de la violence (sexuelle) avec les parents et de l’aide dont ontbesoin les filles concernées. Discuter de la peur qu’ils éprouvent au sujetde leurs enfants et des moyens de les protéger efficacement.

� Débattre du sujet avec le comité de l’école et adopter des stratégies pourprotéger les enfants.

� Collaborer avec les groupes existants, qui luttent contre la violencesexuelle et pour la défense des droits humains.

� Former les enseignants pour qu’ils soient à même d’aborder le sujet. � Renforcer les mesures de sécurité sur le chemin de l’école et dans les

écoles (accompagner les filles; bus scolaires; surveillance du périmètre de l’école, etc.).

� Adopter une attitude sans ambiguïté face à la violence (sexuelle) et engager le personnel à respecter un code de conduite.

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Éducation et formation

RessourcesAnnan J. et al (2003) Handbook for Teachers and Training for Teachers.www.forcedmigration.org/psychosocial/papers/WiderPapers/Widerpapers.htmCes manuels utilisent un langage simple pourexpliquer les notions psychosociales et com-prennent beaucoup d’exemples et d’exercicespratiques.

Basic Education Coalition www.basiced.org/facts/crisis_situations.pdf

Binet A. (1997)Enfants sans écoles, enfants de la guerre,réfugiés ou déplacés, n° 652, Paris, Éd. Érès.

Brauner A. et Brauner F. (1991)J’ai dessiné la guerre: le dessin de l’enfantdans la guerre, Éd. Elsevier, Paris.

Arguments pour/contre la prise en compte de thèmes psychosociaux dansl’enseignement et le travail éducatif � Contre: Les enfants sont encore trop petits. Il ne faudrait pas les surcharger avec des

choses qu’ils ne comprennent de toute façon pas. Pour: Même les plus jeunes sontconscients de ce qui se passe autour d’eux et réagissent. Pour chacun des thèmes, il fautbien entendu trouver un langage qui corresponde à chaque classe d’âge. La guerre etla mort font peur tant aux adultes qu’aux enfants. La plupart du temps, les adultes craignent d’aborder ces sujets car ils n’ont pas de réponse. Mais les enfants ont moinsbesoin de réponses que d’une oreille attentive.

� Contre: Je ne peux pas m’occuper des problèmes personnels de chaque enfant, car jesuis là pour me consacrer à tout le groupe. Pour: On trouve toujours du temps pour unentretien individuel, pendant la récréation par exemple. De plus, les problèmes person-nels sont souvent des sujets qui concernent tout le groupe et il arrive aussi que le groupepuisse contribuer à résoudre un problème individuel. Lorsque la mère d’un enfantdécède, par exemple, celui-ci est certes confronté à un problème personnel, mais lesthèmes liés à ce décès – la mort, le deuil, la peur, les questions sur ce que devient lecorps, sur l’existence d’une âme, etc. – concernent tous les enfants. En parler en groupepeut aussi aider l’enfant en deuil à se sentir moins seul.

INEE Interagency Network for Education inEmergencies (2002)www.ineesite.org/guides.aspInformations concentrées sur tous les aspectsde la formation en situation de crise, aide-mémoire fort utiles et littérature spécialisée.

Peace Research Institute in the Middle East(2003) Learning Each other’s Historical Narrative:Palestinians and Israelis. Beit Jallah: PrimePublication.

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Emploi et revenusFiche 17

� Les mesures visant à promouvoirdes activités rémunérées doiventfaire appel aux compétencesacquises avant la guerre, sanspour autant ignorer la cassureprovoquée par celle-ci.

� Les traumatismes diminuent lacapacité d’exercer une activitélucrative.

� Les femmes doivent vaincre denombreuses résistances, et éprouvent parfois un sentimentambivalent à l’égard de leur propre émancipation.

� Il est totalement contre-productifde vouloir dispenser des forma-tions standard à l’ensemble de lapopulation.

� Ces mesures donnent de meilleursrésultats lorsque les personnesencouragées dans l’exercice d’unmétier sont non seulement for-mées à cet effet, mais bénéficientsimultanément d’un accompagne-ment psychosocial.

Rôle-clé de la promotion des revenusLa détresse économique de certaines catégo-ries sociales est souvent une cause de conflitarmé, et elle en est toujours une conséquence.Ce problème devient particulièrement aiguaprès la guerre, lorsque l’aide internationalediminue alors que la misère subsiste.

Tout programme destiné à intégrer des ancienscombattants, à soutenir des réfugiés ou àfavoriser la réhabilitation des victimes de vio-lences contient un volet «promotion des reve-nus». Les conditions macroéconomiques etpolitiques d’une part, la situation psychoso-ciale du groupe cible d’autre part, font queles résultats obtenus dans ce domaine sontsouvent peu satisfaisants. DDC/Oswald Iten

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Emploi et revenus

Même dans un contexte stable, il est très dif-ficile d’aider des personnes indigentes à exer-cer une activité rémunératrice. Cette démarchecomprend quatre composantes: � renforcer l’estime de soi, analyser les pro-

blèmes et les obstacles psychosociauxd’ordre personnel;

� développer les compétences professionnelleset les relations personnelles (aptitudes etconnaissances techniques et personnelles,développement de réseaux sociaux);

� donner accès aux services financiers, aucrédit et à l’épargne, et apporter un sou-tien en matière de désendettement;

� améliorer les conditions générales (gestiondu conflit, création de bases légales pourgarantir l’accès de tous – hommes et femmes– aux ressources disponibles, politiquemacroéconomique propre à stimuler undéveloppement économique favorable auxclasses les plus pauvres, etc.).

Ces éléments, qui sont également valables pourles régions en crise, font l’objet d’une littératureabondante et de nombreux manuels (�Res-sources). Mais tous ces ouvrages n’évoquentguère les questions psychosociales essentiellesqu’il convient pourtant de se poser dans lesprojets visant à promouvoir les revenus auprèsde populations frappées par la guerre.

Thèmes-clés psychosociaux � Traumatismes

Un bon entrepreneur se caractérise parson assurance, sa sociabilité, sa créativitéet sa disposition à prendre des risques età se projeter dans l’avenir. Or il s’agit làde caractéristiques que ne partagentgénéralement pas les personnes qui ontvécu des événements traumatiques: si ellesont appris à se débrouiller dans des cir-constances extrêmes, à utiliser au mieux leursressources et à s’adapter en permanenceà de nouvelles situations, elles souffrentsouvent d’un manque d’assurance, seméfient de tout le monde et évitent lescontacts; elles aspirent à la sécurité et sontdéfaitistes; elles ne peuvent s’imaginerque leur situation puisse s’améliorer unjour �Fiche 2: L’approche psychosociale).Les différents groupes cibles sont traumati-sés pour diverses raisons et les thèmescentraux à traiter varient en conséquence(�Fiches 8 à 14). Mais toutes ces personnesont en commun d’apporter leurs problèmesavec elles dans un programme de promo-tion des revenus.

� Rupture et continuitéQuelle formation considère-t-on commejudicieuse dans un contexte économiquedonné, et comment l’organiser au mieux

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Emploi et revenus

pour préparer les participants à trouver unemploi ou à faire prospérer une petiteentreprise? Cette question se pose danstout programme de promotion des reve-nus, indépendamment du contexte, maiselle acquiert une acuité particulière dansles zones de conflit ou de crise, où elle seplace sous le signe de la rupture qu’ontprovoquée des événements dramatiquespour l’individu comme pour l’économie dupays. Les gens qui ont tout perdu ou quidoivent repartir à zéro, essaient toujoursde retrouver le fil de leur savoir et de leursexpériences d’avant-guerre. Mais cettedémarche s’avère souvent difficile, car lesconditions de l’époque n’existent plus. Onen arrive parfois à un déni de réalitécaractérisé. Au cours du processus de«guérison», il s’agit de s’adapter aux nou-velles conditions de vie et de travail touten protégeant et en utilisant l’identité issuede sa propre histoire. Négliger son expé-rience personnelle ou exclure l’identitéhéritée du passé est inévitablement syno-nyme d’échec économique. Il faut doncque les personnes à former aussi bien queles organisateurs du programme sachent à

la fois accepter la réalité de la rupture etrenouer les fils de l’expérience passée,afin de rétablir la continuité.

� Contradictions et résistances rencontréespar les femmesDans les régions en conflit, les femmessont généralement amenées à prendredavantage de responsabilités économiqueset il n’est pas rare qu’elles s’engagent alorspour la première fois dans une activitéextérieure à leur foyer. Elles ont toutefoisdes obstacles considérables à surmontersur cette voie, depuis la résistance de leurpropre famille jusqu’aux discriminationsjuridiques en passant par l’attitude sexistedes bailleurs de fonds.Mais quand elles réussissent, ellesgagnent en assurance et éprouvent unegrande fierté: elles constatent que leur tra-vail et leurs compétences dépassent large-ment ce que véhicule l’image tradition-nelle de la femme dans leur société. Ellesnourrissent en même temps des sentimentsde doute et de culpabilité, ainsi qu’unmépris ouvert ou latent pour le mari quin’est plus capable de faire ce qu’onattend de lui. Ces sentiments découlent

Un exemple négatif:En Bosnie, beaucoup d’ateliers furent ouverts pendant et après la guerre. Presque chaqueONG qui travaillait avec des femmes forma des couturières. Les femmes trouvaient cette formation intéressante et l’associaient à leur rêve d’un monde meilleur. Avant la guerre, l’industrie textile était une branche économique importante qui avait fourni du travail àbeaucoup de femmes. Mais ces infrastructures avaient été détruites par la guerre, et lesentreprises internationales faisaient depuis longtemps fabriquer leurs vêtements dans des paysoù l’on pratique des salaires nettement plus bas et qui offrent des conditions plus stables.Ces ateliers textiles s’apparentaient d’emblée à une utopie, mais cela n’empêcha pas lesresponsables d’ONG et leurs clientes de les défendre en dépit du bon sens économique.Les organisations étrangères participèrent financièrement à ce déni collectif.

Un exemple positif:Près de Sarajevo, après la guerre, un ancien ouvrier sidérurgiste refusa l’offre faite par uneONG de l’aider par un don généreux à se lancer dans l’agriculture. Au lieu de cela, il ouvritavec deux anciens collègues une forge installée dans une vieille grange. Ils ferraient deschevaux, et développèrent en outre un procédé de fabrication pour une pièce métalliqueparticulière qui était très demandée pour la construction de maisons. Ces ouvriers ont suréagir de façon créative à une situation nouvelle en tirant parti de leurs compétencesd’avant la guerre.

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Emploi et revenus

des rôles traditionnellement dévolus auxfemmes et aux hommes; il s’agit là d’imagesfortement ancrées dans les esprits, qui survivent des années ou des décennies àun bouleversement de la réalité extérieure.

L’image que les femmes ont de leur rôle etleur expérience professionnelle effectiveexercent une grande influence sur l’offreet la demande de cours de formation.Dans toute zone en crise, on forme desmilliers d’esthéticiennes, de coiffeuses etde couturières. C’est souvent absurde dupoint de vue économique, mais tout à faitcompréhensible en ce sens que les femmesadaptent leur activité à leurs ressources. À l’échelle mondiale, la grande majoritédes femmes salariées travaillent dans lessecteurs suivants: production et trans-formation alimentaires, habillement, santéet beauté, artisanat, tourisme, commerceet éducation.

Un programme de promotion des revenusdestiné aux femmes doit donc s’interrogersur les moyens de tirer parti des ressourcesdisponibles sans tomber dans les stéréotypessexistes; il doit aussi aborder les sentimentscontradictoires que leur nouveau rôle ins-pire aux femmes, de telle sorte que lesparticipantes puissent vraiment saisir lesnouvelles possibilités et responsabilités quise présentent à elles. Simultanément, untel programme doit toujours chercher –directement ou avec l’aide d’autres acteurs– à infléchir les conditions sociales et juridiques qui empêchent les femmesd’exercer une activité lucrative.

DDC/Silvia Voser

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Emploi et revenus

Perspectives d’empowermentdans la promotion des reve-nusIl est judicieux de combiner les mesures depromotion d’occupations rémunératrices avecdes activités visant à panser les plaies moralesde la guerre. Pour ce faire, il importe de tenircompte de toute la trajectoire de l’homme oude la femme que l’on accompagnera depuisle moment où cette personne a pris la déci-sion d’améliorer son revenu jusqu’à sa réus-site sur le marché. Cette manière de procéderpermettra aux participants d’élaborer dessolutions adaptées à leurs ressources et à leursbesoins personnels et de rompre leur isolementen établissant des contacts sociaux dans lecadre de comités d’entraide ou de groupesde pairs.

Processus de suivi permanent

Développement d’unevision individuellecompte tenu de:– l’histoire et de l’iden-

tité personnelles, -– des capacités/

aptitudes, – des traumatismes, –

des obstacles personnels et sociaux

Acquisition de compétencesprofessionnellesParticipation à une formationtechnique appropriée

et/ou

cours de management/forma-tion aux principes de la gesti-on d’entreprise

et/ou

acquisition d’aptitudes spéci-fiques, p. ex. technique denégociation, calcul/écriture,présentation de candidatures,etc.

Création de revenus

Recherche d’un emploi

et/ou

Activité indépendantedemande du soutien nécessaire, p. ex. petits crédits (microfinance)

production/commercialisation

réseaux, organisation personnelle

Suivi du processus par des groupes d’entraide ou des groupes psychosociaux, avec un soutien psychologique et pratique plus ciblé de certains participants en fonction des besoins. Développement permanent de

la vision individuelle et de son expression pratique.

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Emploi et revenus

Développement des compétences et accompagnement psychosocial

� Des organisations psychosociales assument le suivi des participants à des cours techniquesLe projet psychosocial accompagne les personnes décidées à améliorer leur situation éco-nomique et travaille en étroite collaboration avec des établissements de formation et desinstitutions de microcrédit.

� Les programmes de promotion des revenus prennent eux-mêmes en charge le soutien psychosocial des participantsLes programmes de formation sont complétés par un coaching permanent des participants,qui se poursuit au-delà de la période de formation.

Groupes de pairs sud-africainsLe KwaZulu-Natal Programme for Survivors of Violence accompagne des jeunes femmes quise sont inscrites à des cours de formation (skill development trainings) offerts par d’autresONG. Ces jeunes Sud-Africaines apprennent dans des groupes de pairs à mieux s’expri-mer et se présenter, y discutent de leurs difficultés en cours de formation et, dans une phaseultérieure, de leurs déconvenues lors de la recherche d’un emploi. L’appui du groupe lesencourage à poursuivre leur rêve d’exercer une activité professionnelle en dépit de la résistance de leur famille. Après des détours souvent compliqués, une bonne partie desmembres de ces groupes finissent par trouver un emploi stable. Sans le soutien apporté parle groupe de pairs, la plupart d’entre elles – qui ont souvent mis fin prématurément à leurscolarité – ne résisteraient pas aux frustrations suscitées par les difficultés inhérentes à laformation et à la recherche d’un emploi.

Conseils dispensés par SwisscontactSwisscontact repère des jeunes chômeurs de différents groupes ethniques et conclut aveceux un contrat d’apprentissage de 18 mois. Les participants suivent individuellement diffé-rents cours de formation, puis se spécialisent et conçoivent leur propre plan d’activité pro-fessionnelle. Durant cette période, ils participent régulièrement à des séances de groupe,échangent leurs expériences et organisent des activités culturelles. Ces discussions permettentd’aborder et d’analyser les difficultés émotionnelles et sociales des jeunes. Simultanément,le fait de travailler avec des membres de différents groupes ethniques contribue à la transformation du conflit. Ces jeunes sont accompagnés à travers tout le processus par unconseiller de Swisscontact.

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Emploi et revenus

Les auteurs des programmes de formationprofessionnelle rechignent souvent à assumerdes tâches d’encadrement, car ils estimentque cela ne fait pas partie de leurs priorités.Pourtant, force est de constater que les forma-teurs sont toujours confrontés aux problèmesdes personnes qui participent à leurs cours.Comme l’organisation n’entre pas en matièresur la problématique psychosociale, les ensei-gnants doivent décider seuls comment y réagir.S’ils sont eux-mêmes formés et soutenus pourmieux affronter ces situations, ils auront moinsle sentiment d’être dépassés et pourront améliorer les chances de réussite des partici-pants aux cours et, partant, de tout le pro-gramme.

Quelle que soit la manière dont on organisel’encadrement des participants, l’essentiel estd’assurer une communication véritable entreles acteurs concernés: la personne chargéede former un jeune doit se concerter réguliè-rement avec le responsable du groupe chargéd’assurer le suivi, afin que tous deux soient

au clair sur la meilleure façon de soutenirl’élève. Cet échange manque dans beaucoupde projets, de sorte que les éléments de for-mation et d’encadrement se déroulent enparallèle au lieu de se renforcer mutuellement.

Problèmes posés par le travail en groupeLe groupe joue un rôle important dans lesapproches présentées ici, mais le travail engroupe peut s’avérer délicat dans un contexteconflictuel. Un climat de méfiance omnipré-sente conduit les personnes à refuser de parti-ciper à un groupe ou de s’engager dans untravail. Dans le cadre d’une approche quianalyse judicieusement les répercussions duconflit, il est possible de thématiser la peursuscitée par les groupes. La démarche estplus difficile pour les structures qui misent surla cohésion des groupes sans s’intéresser auxcirconstances spécifiques d’une zone de crise,comme c’est le cas de nombreux programmesde microcrédit. C’est ainsi par exemple quele principe de la responsabilité solidaire pourgarantir des emprunts ne fonctionne souvent

DDC/Silvia Voser

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Emploi et revenus

pas. Les études consacrées à la microfinancedans des régions sortant d’un conflit montrentque les emprunteurs refusent souvent de collaborer dans le cadre de groupes et que lesbailleurs de fonds rejettent par conséquent lesréunions en groupe et les garanties collectives,ou bien limitent la taille du groupe à trois oucinq membres.

RessourcesEmploi et revenus, formation professionnelleet promotion: directives, instruments pourl’évaluation et l’élaboration de programmesdans ces domaines. www.deza.ch > Thèmes > Emploi + revenus

Égalité hommes-femmeDDC (2003)Manuel «Promotion de l’entreprenariat féminin – Les stratégies et outils du cycle deprojet».www.deza.ch > Thèmes > Emploi et revenus.Bon aperçu des problèmes particuliers quepose la promotion des femmes entrepreneurs,avec une série d’outils utiles.

EmpowermentMayoux L. (2003)From Marginalisation to Empowerment.Towards a New Approach in Small EnterpriseDevelopment. Paper presented to SDCEmployment and Income Division WorkshopSED and Empowerment, Gerzensee. www.intercooperation.ch/sed/2003/wks-sed-and-empowerment/presentations/mayoux.pdf

Formation professionnellewww.vetnet.ch Documentation approfondie sur la formationprofessionnelle. Description détaillée du sys-tème de conseil et d’assistance professionnelsde Swisscontact au Sri Lanka.

MicrofinanceConsultative Group to Assist the Poor (CGAP)www.cgap.orgLe Groupe consultatif d’assistance aux pluspauvres (CGAP) est un consortium de 28agences de développement visant à promou-voir l’accès des plus démunis à des presta-tions financières. Son site Internet donne deprécieuses informations concernant la microfi-nance en général, sans s’occuper spécifique-ment des situations de conflit.

Doyle K. (1998)Microfinance in the Wake of Conflict:Challenges and Opportunities. USAID.www.microfinancegateway.org/content/arti-cle/detail/14561Aperçu des méthodes de microfinance dansles zones de conflit.

Tamsin W. (2001)Microfinance during and after ArmedConflict: Lessons from Angola, Cambodia,Mozambique, and Rwanda (Durham, U.K.:Concern Worldwide/Springfield Centre forBusiness in Development, DFID.) www.cgap.org/about/faq10.html

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Aide alimentaire et nutritionFiche 18

� La dépendance face à l’aide ali-mentaire modifie les structuresfamiliales et les relations au seinde la communauté. Même dans lecas idéal où toutes les personnesconcernées reçoivent suffisammentde nourriture, il faut régler lesconflits sociaux qui ne manquentjamais de surgir.

� L’état nutritionnel est déterminépar la quantité de nourriture dis-ponible et par la qualité de l’ali-mentation. Celle-ci ne dépendpas seulement des connaissancesacquises en nutrition, mais ausside la situation psychosociale despersonnes concernées.

� Les tensions, les conflits familiauxou les traumatismes exercent uneinfluence sur l’état nutritionnel,notamment chez les femmesenceintes, les adolescentes et lesenfants. Les familles n’ont doncpas seulement besoin d’informa-tions nutritionnelles, mais souventaussi d’une aide psychosociale.

L’aide alimentaire: unemenace pour l’estime de soiLes mesures destinées à garantir la sécuritéalimentaire dans les régions en crise se taillentla part du lion dans les budgets de l’aided’urgence. Pour les bénéficiaires, le fait dedépendre de la distribution de denrées ali-mentaires constitue peut-être l’expression laplus flagrante de leur impuissance.L’incapacité de subvenir à leurs propresbesoins sape leur amour-propre et les structuressociales. Il n’est par ailleurs pas rare que lacharge émotionnelle et les traumatismesempêchent les gens de se nourrir correcte-ment. L’approche psychosociale dans ledomaine de l’aide alimentaire et de la nutri-tion se doit dès lors d’inclure aussi bien desmesures atténuant le disempowerment provo-qué par la distribution de nourriture que desconseils en alimentation mettant l’accent surle rapport entre état nutritionnel et choc

DDC/Zalmaï Ahad (Photo Filtre)

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Aide alimentaire et nutrition

psychosocial. Il importe par ailleurs de sensi-biliser le personnel des organisations d’aideà cette problématique. Jusqu’à présent, lesnombreuses directives internationales régissantla distribution de denrées alimentaires à diffé-rents groupes de population – notamment lesenfants, les femmes enceintes ou allaitantes, lesadolescentes, les personnes âgées, les maladeschroniques et les handicapés (� Ressources)– n’ont guère pris en considération l’influencede la peur, des traumatismes et du deuil surl’état nutritionnel.

Les thèmes-clés psychoso-ciaux de l’aide alimentaireUne grande partie de la littérature spécialiséese penche sur les moyens de garantir quel’aide atteint effectivement les populationsdans le besoin. La distribution de vivres est eneffet une forme complexe et politiquementsensible de l’aide. Mary Robinson a d’ailleursdéveloppé le principe «Do no harm» (ne pasnuire) en analysant la manière dont une aidealimentaire manipulée peut attiser un conflit.La restriction de l’accès aux denrées alimen-

taires est une stratégie de guerre et d’affirma-tion du pouvoir connue dans le monde entier.En même temps, l’aide alimentaire est unesource de revenus pour les parties en conflit.Dans ces conditions, les organismes d’aidesont confrontés à un double problème: trouverun moyen fiable pour que les denrées alimen-taires parviennent effectivement à la popula-tion cible, et en particulier aux personnes lesplus démunies, et veiller à ce que les partiesen conflit se servent le moins possible au pas-sage. (Pour en savoir plus sur les avantageset les inconvénients des stratégies et des prin-cipes appliqués de nos jours pour gérer cesproblèmes � Jaspars, 2000).

Du côté des bénéficiaires de l’aide, il convienten outre d’adopter des mesures appropriéespour traiter les thèmes-clés psychosociaux suivants: � Accentuation des inégalités et exploitation

engendrée par la pénurie La pénurie de nourriture accentue les inégalités et les situations d’exploitation,tant dans les familles qu’au sein de la

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Aide alimentaire et nutrition

communauté. Les structures du pouvoir etle mode de fonctionnement des famillesmettent alors plus particulièrement en danger les enfants, les personnes âgées,les handicapés et les femmes. Même enessayant de rester justes, les personnesconcernées ne peuvent que partager lapénurie. Des parents ne peuvent plusrépondre aux demandes de leurs enfantset satisfaire leurs besoins. Les tensions et lesconflits sont dès lors inévitables. Dans lescommunautés où les denrées alimentairesse font rares, on risque d’assister à unemarginalisation encore plus forte des personnes socialement défavorisées etdépourvues d’influence politique. Les femmes sont souvent obligées d’offrir desservices sexuels en échange de nourriture.

� Impuissance et passivitéLe processus politique et social qui rendles gens tributaires de l’aide alimentaireest le plus souvent traumatisant. Même siles gens sont reconnaissants de recevoirde quoi survivre, leur dépendance àl’égard de la distribution de vivres ren-

force leur sentiment d’impuissance et peutmême susciter de la colère à l’égard descoopérants.

� Modification des rôles sociauxLa pénurie de nourriture, puis l’arrivée del’aide alimentaire modifient la répartitiondes responsabilités au sein de la famille.Les hommes, qui subvenaient habituelle-ment aux besoins des leurs, ne peuventplus assumer ce rôle et se sentent dévalori-sés. Cette situation accroît la passivité etle désespoir au sein de la famille, tout enmultipliant les conflits.

Le HCR est le meilleur des marisDans un camp de réfugiés en Tanzanie, les maris hutus ayant fui le Burundise plaignaient du manque d’obéissance et de respect dont les femmes fai-saient preuve à leur égard. À leurs yeux, les femmes ne s’en tenaient plusqu’aux règles du HCR. La subsistance des familles n’était en effet plus assu-rée par les maris, mais par le HCR, qui applique des règles très strictes pré-voyant le même droit à l’alimentation, au logement et à la sécurité pour chacun, indépendamment de son sexe. Pour les hommes, les femmes étaientdésormais persuadées que «le HCR était le meilleur des maris». Même si lesfemmes appréciaient les nouvelles possibilités qui leur étaient offertes, lechangement éveillait parfois en elles des sentiments contradictoires.L’employée d’une ONG a ainsi expliqué qu’elle donnait la moitié de sonsalaire à son mari pour qu’il ne se sente pas humilié, car c’est elle qui gagnaitl’essentiel du revenu familial.Source: Turner, 1999.

� Effets de la peur, des traumatismes et dudeuil sur l’état nutritionnelMême lorsque la famille reçoit suffisam-ment de nourriture, la sous-alimentation nedisparaît pas toujours, car l’état nutrition-nel est étroitement lié à la situation psy-chosociale. Cette corrélation apparaît demanière flagrante dans les régions où lasous-alimentation est fréquente alors qu’onn’y souffre pas de pénurie alimentaire. Eneffet, les difficultés psychiques et socialesont un impact sur l’état nutritionnel cheznombre de personnes, et ce sont en parti-culier les jeunes enfants qui réagissent pardes troubles alimentaires et digestifs.L’expérience des parents ne revêt doncpas seulement une importance cruciale

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Aide alimentaire et nutrition

pour leur propre santé et leur propre ali-mentation, mais elle a aussi un impactdirect sur les chances de développement deleurs enfants. C’est ainsi que les victimes deviolence sexuelle ont souvent une attitudede rejet à l’égard de leur corps, et les soinsqu’elles apportent à leurs enfants s’entrouvent modifiés, amoindris ou chargésd’une certaine ambivalence (� Fiche 8:Violence sexospécifique). Les mères quitravaillent beaucoup ou qui vivent enconflit permanent avec leurs proches sontparfois incapables de se nourrir et denourrir leurs enfants correctement, mêmesi elles savent quelles règles il convientd’appliquer pour rester en bonne santé.La littérature spécialisée a d’ailleurs claire-ment démontré le lien de cause à effet quiexiste entre la dépression d’une mère et la

sous-alimentation de ses enfants. Aider lesmères est donc indispensable pour leurdonner les moyens de s’occuper demanière appropriée de leurs enfants.

Perspectives d’empowermentDans un premier temps, il s’agit d’acheminerla nourriture à l’endroit voulu et de la distri-buer le plus rapidement possible et demanière aussi équitable que possible. Les thèmes-clés psychosociaux évoqués ici nepourront donc en général être pris en comptequ’après un retour au calme et une certainestabilisation de la situation. Or la phase dedétente – c’est-à-dire lorsque les gens sontrassurés par la distribution régulière de nour-riture – joue un rôle déterminant pour l’évolu-tion du processus traumatique (� Fiche 2:L’approche psychosociale). C’est pourquoi ilimporte de donner l’occasion aux bénéficiairesde reprendre un peu le contrôle de leur vie.Les mesures décrites ci-après contribuent àrenforcer la situation psychosociale des populations tributaires de la distribution dedenrées alimentaires:� Promouvoir l’organisation autonome

Faire participer la population à la distribu-tion des denrées alimentaires contribue àrenforcer les structures communautaires.Dans ce contexte, il importe cependant detoujours veiller à atténuer les mécanismesd’exclusion existants. Ce qui compte, c’estque les groupes traditionnellement exclussoient équitablement représentés dans lecomité de distribution et qu’ils occupentaussi des postes stratégiques dans leréseau de distribution.

� Assurer la sécurité des femmesPour éviter au maximum l’exploitationsexuelle des femmes par des coopérants(sexe contre nourriture), il convient de pla-cer des femmes à des postes-clés dans lachaîne de distribution.

� Débattre des effets de l’aide alimentairesur les famillesHommes et femmes devraient avoir l’occa-sion de débattre des changements que laguerre, la fuite et la dépendance àl’égard de l’aide extérieure entraînent ausein des familles, ainsi que des conflits et

Allaiter en temps de guerreUn jour, un centre nutritionnel pour enfants sous-alimentés à Kaboul a étéappelé à traiter un nombre élevé d’enfants de moins de 6 mois quin’avaient pas été (suffisamment) allaités. Action contre la faim a déterminéque leur état était surtout dû au manque de connaissances des mères surl’importance de l’allaitement, ainsi qu’à leur situation psychosociale(Bizouerne, 2005). Elles vivaient en conflit quasi perpétuel avec leurs belles-mères, ne bénéficiaient d’aucun appui dans la famille et souffraient souventde troubles du sommeil, d’anxiété et de cauchemars. Elles ne pouvaient parconséquent pas s’intéresser à leur jeune enfant et ne s’en occupaient guère.

L’allaitement met clairement en évidence la corrélation directe entre alimen-tation et situation psychosociale. Nombre de mères n’ont pas assez de lait àcause des tensions qu’elles supportent quotidiennement. Les enfants tombentsouvent malades, parce que l’alimentation de substitution n’est pas hygiéniqueou difficile à digérer, mais aussi parce qu’ils réagissent très fortement, dansleur développement psychique, à l’ingestion de nourriture et à l’atmosphèredes repas. Lorsqu’elle donne le sein à son enfant, la mère ne se limite pas àle nourrir, elle communique avec lui et instaure une profonde relation deconfiance. Elle offre ainsi une sécurité – physique et symbolique – au bébé.Le jeune enfant ne sait rien de la guerre et des conflits familiaux, mais il sentla terreur dans la relation avec l’adulte qui le nourrit et réagit par des troublesalimentaires, de la diarrhée ou des éruptions cutanées. Ne sachant pas parler, les bébés s’expriment par le biais de l’ingestion de nourriture, de ladigestion et de la peau. Ce rapport entre état nutritionnel et situation psy-chosociale des enfants et de leurs parents subsiste aussi chez les enfantsplus grands, bien qu’il ne soit plus aussi manifeste.

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Aide alimentaire et nutrition

du sentiment de dévalorisation qui enrésultent. Ces thèmes devraient figurer àl’ordre du jour des divers groupes sociauxet culturels déjà existants. Il importe d’attirerl’attention des dirigeants communautaireset des responsables de groupes sur cesproblèmes pour qu’ils puissent mener judicieusement les débats.

� Promouvoir la sécurité alimentaireDans la plupart des cas, l’aide alimentaireest complétée à un moment donné par desmesures destinées à promouvoir la sécu-rité alimentaire (production primaire, créa-tion de sources de revenus). Ces mesuresrevêtent une importance cruciale pour per-mettre aux populations tributaires del’aide alimentaire de jouer à nouveau unrôle actif. Pour assurer le succès de cesactivités, il faut toutefois veiller à ce queles membres de l’équipe connaissent l’his-toire et le vécu des femmes et des hommesconcernés et soient à même d’y réagir (� Fiche 17: Emploi et revenus).

� Expliquer au personnel l’impact de l’étatémotionnel sur l’état nutritionnelNombre de collaborateurs et de collabo-ratrices de programmes alimentaires neconnaissent pas suffisamment la corréla-tion entre la situation psychosociale d’unefamille et le poids corporel des enfants oul’état nutritionnel des femmes enceintes etdes adolescentes. Or, dans les régions enguerre, chaque collaborateur doit connaîtrece lien de causalité, tout comme il doitsavoir que la seule diffusion d’informationssur la santé ne suffit souvent pas. En effet,des cours de ce genre peuvent exercerune pression supplémentaire sur les mères,qui risquent de penser qu’elles ne sontpas «de bonnes mères». De ce fait, ellesne suivent souvent pas les conseils reçusou font mine d’acquiescer dans un premiertemps, mais ne changent rien à leurs habitudes. En conséquence, le personnelde la santé tend à mésestimer les femmeset à les qualifier de paresseuses ou d’incultes (� Fiche 7: Personnel de la DDCet des organisations partenaires). Les pro-grammes doivent donc veiller à assurer unperfectionnement approprié du personnel.

� Fournir une aide psychosociale aux participantes au projetDans bon nombre de cas, une évolutionpositive de l’état nutritionnel, des enfantset des femmes enceintes notamment,passe par une amélioration de la situationfamiliale, par l’assimilation de l’expé-rience de la guerre et par l’acceptationdes conditions de vie actuelles. Un tel pro-cessus demande toutefois du temps et dela patience. Il serait peu réaliste d’exigerce travail d’un personnel médical ou para-médical sans cesse surchargé et peumotivé. Mais il existe d’autres possibilités,plus efficaces: les promoteurs de la santéou les systèmes d’entraide entre voisins(visites à domicile, groupes de discus-sions, groupes d’entraide, consultationsindividuelles, etc.). Dans tout travail degroupe, il convient d’observer si quelqu’unreste à l’écart, car ce sont souvent lesmembres les plus vulnérables et les plusmenacés de la communauté qui ne peuventse rendre aux réunions.

DDC/John Paul Kay

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Aide alimentaire et nutrition

RessourcesDirectivesEmergency Nutrition NetworkForum favorisant les échanges d’expériencesentre travailleurs du terrain et scientifiquesdans le domaine de la nutrition et de l’aidealimentaire www.ennonline.netVaste bibliographie comprenant des directivessur l’aide alimentaire et la nutrition en situa-tion de crise, ainsi que des guides spécifiquespour des programmes de nutrition infantile ensituation d’urgence.

Manuel SphèreNormes minimales dans les secteurs de lasécurité alimentaire, de la nutrition et del’aide alimentaire (chapitre 3). www.sphereproject.org/index.php?lang=FrenchDirectives générales en matière de sécuritéalimentaire, d’aide alimentaire et de nutrition

Problèmes de distributionJaspars S. (2000) Solidarity and Soup Kitchens: A Review ofPrinciples and Practice for Food Distributionin Conflict. HPG Report 7. London: OverseasDevelopment Institute. www.odi.org.uk/hpg/papers/hpgreport7.pdfAperçu des problèmes et des risques inhé-rents à la distribution de nourriture dans unesituation de conflit. Politiques et expériencesde différents organismes (CICR, CARE, CRS,PAM) appliquant des approches différentes.

Turner S. (1999) Angry young men in camps: Gender, ageand class relations among Burundian refu-gees in Tanzania. Working Paper No 9. HCR.www.unhcr.ch/refworld/pubs/pubon.htm

Corrélation entre traumatisme et sous-alimentationBizouerne C. et al. (2005)Conflict, Mental Health, Care andMalnutrition: Designing Relief Programmeswith Trauma in Mind. In: HumanitarianExchange No. 30, June 2005.www.odihpn.org/documents/humanitarianex-change030.pdfEngle P.L. et al. (1997)The Care Initiative – Assessment, Analysisand Action to Improve Care for Nutrition.New York: UNICEF.

OMS (1999)A Critical Link. Interventions for physicalgrowth and psychological development. A review. Genève: OMS www.who.int/child-adolescent-health/publica-tions/IMCI/WHO_CHS_CAH_99.3.htm

Weyermann B. (2003)Unraveling Malnutrition. Challenges of a psy-chosocial approach. Kathmandu/Lausanne:Terre des hommes.www.opsiconsult.com

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Eau et assainissementFiche 19

� Les projets menés dans le domainede l’eau peuvent et doivent s’atta-quer aux conflits communautaires.

� Le deuil et les traumatismes ontun impact sur la mise en oeuvredes projets d’infrastructure dansles domaines de l’eau et de l’as-sainissement. Cet impact peutaller d’une simple résistance àl’égard de solutions technique-ment valables à leur destructionpure et simple.

� La qualité de l’hygiène dans unlogement ou un lotissement pourréfugiés n’influe pas seulementsur leur état de santé, mais aussisur leur bien-être psychosocial. Lespersonnes traumatisées éprouventsouvent des difficultés à assurerleur propre hygiène et à prendresoin de leur entourage.

� Partout dans le monde, ce sonten premier lieu les femmes quiassurent l’approvisionnement eneau de la famille. Aujourd’huiencore, elles ne prennent pour-tant pas pleinement part à laconception et à la réalisation desprojets d’infrastructure dans cedomaine. En période de conflit,leur participation est d’ailleurssouvent entravée par la surchargede travail qu’elles assument suiteà la modification de la répartitiondes rôles.

L’eau: un thème prioritaire de l’aide d’urgence etde l’aide à la reconstructionL’eau n’a jamais été, et ne sera sans doute jamais, la seule et unique caused’un conflit violent, mais force est de constater qu’elle revêt une importancecroissante dans les guerres et les conflits. L’eau devient un instrument deguerre, en particulier lorsque l’on empêche activement des groupes de popu-lation d’y avoir accès. Les problèmes liés à l’eau n’en sont pas moins aussiune conséquence des guerres. Le manque d’eau et la pollution de l’environ-nement, qu’ils soient dus à la destruction d’infrastructures ou à l’expulsiondes gens de chez eux, représentent une grave menace pour la santé. L’accèsà l’eau potable et aux systèmes d’assainissement occupe dès lors une placeprioritaire dans l’aide d’urgence et la reconstruction. Souvent, il faut com-mencer par régler les aspects techniques de cette tâche. En tant que res-source vitale, l’eau possède une grande valeur symbolique et elle est inscritedans nombre de domaines de la vie. Avec leurs interventions, les spécialistesde l’eau fournissent donc aussi un travail psychosocial, tandis que les projetspsychosociaux contribuent parfois davantage à la reconstruction sociale ens’attaquant aux problèmes liés à l’eau qu’en se concentrant sur les consulta-tions psychologiques.

DDC/Zalmaï Ahad (Photo Filtre)

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Eau et assainissement

Résistance et dignité face aux latrines communautaires Lorsque plus de 70 000 réfugiés du Bhoutan sont arrivés en 1992 dans lesud du Népal, les organisations compétentes ont appliqué les normes inter-nationales et commencé par aménager des latrines communes dans lescamps, tout en lançant la construction de latrines familiales. Les réfugiésrefusaient cependant d’utiliser les latrines communes, car elles allaient à l’en-contre de leur conception profondément hindouiste de la sphère intime et del’hygiène. Chez eux, ils allaient dans les champs en veillant toujours à nepas utiliser une zone où quelqu’un d’autre s’était déjà rendu. À leurs yeux,chaque visite aux latrines communes équivalait à une souillure rituelle et, dèslors, à une atteinte au respect de soi. L’administration du camp ne savaitque faire, car il fallait 16 semaines pour construire un minimum de toilettesplus petites. En fin de compte, les responsables ont réuni des comités d’as-sainissement, qui ont parlé avec les gens en vue d’organiser la constructionde latrines familiales. Lorsque le choléra a éclaté peu après, les réfugiés ontbien dû se résoudre à utiliser les toilettes communes. Des débats approfon-dis ont alors été menés pour déterminer leur emplacement, leur conceptionet leur nettoyage, afin que les réfugiés puissent les utiliser (Chalinder A., inWater and Sanitation in Emergencies, p. 55).

En disposant d’informations plus complètes sur les tabous culturels, les orga-nisations d’entraide auraient peut-être pu éviter la crise des toilettes. Enmême temps, il était inévitable que les installations sanitaires fassent l’objetd’un conflit, car c’est sur elles que les réfugiés hindouistes ont rejeté toute lahonte, la colère et la tristesse provoquées par la perte de leur patrie et deleurs habitudes de vie. Les comités d’assainissement, qui sont finalement par-venus à aborder le sujet avec les habitants du camp, n’ont donc pas seule-ment contribué à améliorer l’hygiène. Ils ont aussi aidé les réfugiés à trouverdes moyens pour préserver leur respect de soi et leur dignité en exil.

Hygiène – thèmes-clés psychosociauxCe n’est pas un hasard si le Manuel Sphèreentame ses explications sur l’eau et l’assainis-sement par un chapitre consacré à la promo-tion de l’hygiène: les programmes menésdans le domaine de l’eau visent à améliorerla santé et le bien-être des populations, maisils ne peuvent produire les effets escomptésque si les gens connaissent les normes d’hy-giène appropriées et prennent sur eux de lesrespecter. Soulignons ici que l’hygiène est unsujet plus complexe qu’il n’y paraît. � Interdépendance entre hygiène et situation

psychosocialeDans la promiscuité des camps et deslogements collectifs, la prévention des

maladies exige des réfugiés qu’ils adoptentdes comportements qui sont nouveauxpour nombre d’entre eux et qu’ils doiventtout d’abord apprendre. Leurs nouvellesconditions de vie ne leur permettent d’ail-leurs guère d’atteindre le niveau d’hy-giène correspondant à leurs habitudes ouà leur culture. L’effort consenti pour parve-nir à un degré de propreté optimal recèledonc un potentiel conflictuel et s’avèred’autant plus malaisé que l’hygiène estaussi un reflet de l’amour-propre et de labonne santé. Or les personnes traumati-sées ont souvent de la peine à s’occuperde leur bien-être. Dans nombre de projetsd’empowerment destinés aux femmes, onconstate que l’amélioration de la confianceen soi et la guérison physique se reflètentdans l’apparence extérieure. Après lanégligence constatée au début, on voitpeu à peu les femmes reprendre de plusen plus soin d’elles-mêmes, de leursenfants et de leur logement. D’une part,une hygiène suffisante constitue donc unecondition indispensable pour que les gensse sentent mieux et en meilleure santé;d’autre part, ils doivent aussi avoir prisesur leur propre situation pour ressentir lebesoin de préserver leur hygiène et la pro-preté de leur environnement.

� Facteurs culturelsL’assainissement – l’élimination des déchetshumains, des ordures et des eaux usées,ainsi que la lutte contre les vecteurs patho-gènes – et en particulier le thème des toi-lettes, représente un problème aussi bientechnique que culturel. Un programme quine tient pas suffisamment compte desexpériences et des sentiments des gensdans ce domaine risque d’échouer. Il fautdonc, dans la mesure du possible, faireparticiper les usagers à la conception, àla construction et à l’entretien des lieuxd’aisance.

Approvisionnement en eau –thèmes-clés psychosociauxDepuis de nombreuses années, tout le mondes’accorde à reconnaître que l’installation ou larénovation de systèmes d’approvisionnement

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Eau et assainissement

en eau (potable) ne sont durables que si leursutilisateurs, et en particulier leurs utilisatrices,prennent part à la conception, à la construc-tion et à l’entretien de ces infrastructures.Dans un camp de réfugiés, la situation diffèretoutefois complètement de celle d’une communesise au beau milieu d’une région en conflit oude celle d’un quartier à reconstruire après laguerre.Dans tous les cas, il est essentiel de mener desnégociations avec tous les groupes concernés,afin de concilier les intérêts divergents dansles domaines suivants: emplacement des pointsd’eau, priorités d’utilisation, accès équivalentpour tous, etc. Étant donné que les thèmes-clés psychosociaux dépendent du contexte etde la situation spécifiques, il importe d’évitertoute généralisation. Trois sujets sont toutefoisinvariablement à l’ordre du jour:

� Fragmentation de la communautéPuisque chacun a besoin d’eau, les projetslancés dans le domaine de l’eau peuventservir de facteurs de rapprochement (ouconnectors, selon Mary Anderson): pourgarantir à tous un accès à l’eau, il est souhaitable d’obtenir la collaboration desreprésentants de divers groupes et fractionspolitiques et sociaux. Dans les communautésprofondément marquées par le conflit, laméfiance réciproque, la marginalisation demembres impopulaires et une communica-tion faussée risquent cependant d’entravercette collaboration. Pour qu’un projet at-teigne ses objectifs dans de telles condi-tions, il faut du temps et la capacité, de lapart du personnel de projet, à gérer effi-cacement les conflits et à engager desprocessus de transformation.

DDC/Franca Pedrazzetti

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Eau et assainissement

� Importance locale de l’eauCertains événements ou épreuves vécuspendant la guerre peuvent modifier l’atti-tude de la population à l’égard de l’eauet influer, par conséquent, sur les futursprojets lancés dans ce domaine. Les habitants d’un village en Angola refu-saient par exemple de creuser un puits àproximité de chez eux. Ce n’est que plustard que les techniciens ont compris quedes gens avaient été tués à cet endroit etn’avaient pas été enterrés selon l’usage.D’une part, la population ne voulait pasboire de l’eau captée à proximité d’uncimetière non officiel; d’autre part, ellecraignait les morts qui ne trouveraient pasle repos tant qu’ils n’auraient pas reçuune sépulture décente. Le projet devaitdonc non seulement assurer l’approvision-nement en eau du village, mais aussi favo-riser le processus de deuil. En 2005, de l’eau très sale et pleine desable s’écoulait des robinets de Douchanbe,capitale du Tadjikistan. Avant la guerrecivile, dans les années 90, l’eau avait tou-jours été très propre. Pour la population,l’eau souillée qui circulait dans le réseaun’était pas seulement un outrage et unemenace pour leur santé, mais un symbolequi leur rappelait quotidiennement la des-truction de leur pays. Dans ce cas, il étaitévident qu’une amélioration de la qualitéde l’eau ne modifierait pas seulement lesconditions d’hygiène, mais aiderait égale-ment la population à surmonter son trau-matisme.

� Participation des femmes Partout dans le monde, c’est aux femmesqu’il incombe en priorité de veiller à l’ap-provisionnement en eau de la famille. Leurparticipation aux projets constitue dès lorsune contribution décisive à leur succès.Bien que cette corrélation soit largementreconnue et figure dans toutes les directives(Manuel Sphère; Sever, 2004, etc.), laparticipation des femmes est régulièremententravée par leur surcharge de travail ou lemanque de sensibilité des collaborateursà la perspective genre. Dans les régionsen crise, les femmes assument d’autantD

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Eau et assainissement

plus de tâches qu’elles doivent faire le tra-vail des hommes absents. Or c’est juste-ment dans de telles situations qu’un sys-tème d’approvisionnement en eau bienconçu peut améliorer considérablementleur quotidien.

Stratégies d’empowermenten matière d’eau et d’assainissement� Bonne connaissance du groupe cible

Une connaissance approfondie du savoirlocal et des valeurs associées à l’eau et àl’hygiène évite de commettre des erreurscomme celles faites dans le cas des réfu-giés bhoutanais (lire l’encadré).

� Analyse du conflitPour que le projet contribue effectivementà transformer le conflit, les membres del’équipe doivent bien comprendre lanature de celui-ci et s’efforcer de garantirun même accès à l’eau pour tous. Pour cefaire, ils doivent être capables de jouer lerôle de médiateur et/ou disposer d’unecertaine expérience du travail communau-taire et du principe «Do no harm» (ne pasnuire) (M. Anderson).

� Traitement des traumatismes, soutien desprocessus de deuil La difficulté à s’entendre sur des solutionsà un problème peut être d’origine cultu-relle, technique ou financière. Lorsque lesopposants campent résolument sur leurspositions, il faut néanmoins s’interrogersur leurs motivations profondes.Défendent-ils peut-être l’identité d’avant-guerre ou l’ancien système (lire l’enca-dré)? Une certaine méthode ou l’impactpotentiel du projet suscitent-t-il de la peurchez les participants? De tels conflits nedoivent pas être perçus uniquementcomme des obstacles. Au contraire, uneopposition est l’expression de véritablesdifficultés. En examinant ces problèmes eten en débattant avec les personnesconcernées, les spécialistes de l’eau nefont pas qu’améliorer les chances de suc-cès du projet, mais contribuent aussi à lasanté psychosociale des participants.Même les spécialistes du domaine psycho-

social peuvent parfois traiter plus facile-ment le deuil et les traumatismes des genslorsqu’ils commencent par s’attaquer àleurs problèmes concrets tels que l’appro-visionnement en eau. À Mihatovici (Bosnie),l’aménagement d’une source a par exemplepermis de résoudre un conflit entre ungroupe de déplacés internes et la popula-tion locale: les déplacés de Srebrenicavivaient dans un camp qu’une collineséparait du village voisin. À mi-cheminentre le camp et le village se trouvait unesource, à laquelle les membres des deuxcommunautés venaient puiser de l’eau. Enaménageant ensemble les alentours de lasource en un lieu de rencontre, les deuxgroupes de population ont noué des contactssociaux et ont pu débattre de leurs diffé-rentes manières de voir les choses et deleurs préoccupations communes. De tellesdiscussions n’auraient que difficilement puavoir lieu dans le cabinet d’un thérapeuteet n’auraient certainement pas déployé lamême efficacité.

� Travail sur la corrélation entre hygiène etsituation psychosocialePour promouvoir efficacement une hygièneappropriée, le personnel de projet doitsavoir que les gens ne vont pas modifierleur comportement uniquement parce quequelqu’un leur recommande de le faire.En refusant ou en se montrant incapablesd’appliquer de nouvelles normes d’hy-giène, les réfugiés expriment peut-êtreaussi leurs sentiments face à la situationdans laquelle ils se trouvent. Dans lecadre de séances consacrées à la promo-tion de l’hygiène, et chaque fois que desconflits se produisent au sujet de l’entre-tien et de l’utilisation des installations sani-taires, il faut donc donner l’occasion auxbénéficiaires de réfléchir aux modifica-tions qui leur permettraient de prendremieux soin d’eux-mêmes et de leur envi-ronnement.

� Conditions pour garantir la participationpleine et entière des femmes Sensibilisé à la problématique genre, lepersonnel de projet s’efforce de lever lesobstacles qui empêchent les femmes de

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Eau et assainissement

Des pompes à bras pour prendre congé de l’ancien systèmeAu cours d’une mission exploratoire de la DDC en Moldavie, les représentantsdes services locaux des eaux demandaient aux coopérants de construire desinstallations dont les dimensions et la complexité technique rappelaient lesréseaux soviétiques. L’équipe suisse a dû faire preuve d’une grande force depersuasion pour convaincre les Moldaves d’accepter une autre solution, tech-niquement et financièrement plus réaliste (Kaufmann 2003). L’opposition despartenaires au système proposé (comprenant des fontaines et des pompes àbras), pourtant mieux adapté aux conditions locales, exprimait en fait la tris-tesse causée par la disparition de l’Union soviétique et leur fierté perdue.Dans le pays le plus pauvre d’Europe, le changement de système politiqueavait engendré une grande insécurité économique et privé le secteur publicd’une grande partie de ses ressources. Pour les fonctionnaires du service deseaux, l’abaissement du niveau technique de leurs installations à celui d’un«pays du tiers monde» constituait dès lors une cruelle vexation. Les gens associent souvent à l’eau des sujets qui ne la concernent pas directement. Dans la mesure du possible, il faut aborder ces sujets et résoudreles problèmes qu’ils recèlent. Il suffit parfois de faire montre de respect pourles sensibilités mises à mal et d’éviter ainsi aux partenaires du projet desubir de nouvelles humiliations et d’autres pertes.

participer aux consultations et aux réu-nions et, plus tard, à la gestion et à l’en-tretien des systèmes d’assainissement etde distribution d’eau (� pour des informa-tions complémentaires voir: Toolkit onGender in Water and Sanitation, 1996;Pour une approche intégrée de l’égalitéhommes-femmes dans les interventions dela DDC en matière de gestion de l’eau,d’hygiène et d’assainissement, 2004).

� Les femmes, l’eau et les installations sanitaires dans les camps de réfugiésLes points d’eau, les aires de lavage et lestoilettes doivent être conçus de manière àgarantir aux femmes l’intimité et la sécu-rité dont elles ont besoin.

RessourcesBächler G. (2003) L’eau: la voie bleue qui mène à la paix, in:L’eau et le développement. Expériences faitespar la Direction du développement et de lacoopération (DDC) dans le domaine de l’eau;pp. 34–37. Berne: DDC.

Chalinder A. (1994) Water and Sanitation in Emergencies. GoodPractice Review 1. Humanitarian PracticeNetwork, ODI. www.odihpn.org/documents/gpr1.pdf

DDC (2004) Genre et eau. Pour une approche intégrée del’égalité hommes-femmes dans les interven-tions de la DDC en matière de gestion del’eau, d’hygiène et d’assainissement.

DDC (2005)Eau 2015 – Principes de base et lignes directriceswww.deza.ch/ressources/resource_fr_25139.pdf

Eau et conflitswww.unesco.org./waterwww.thewaterpage.com/conflict.htm

Fong M.S. et al (1996) Toolkit on gender in water and sanitation.Washington: Banque mondialewww.sanicon.net/titles/title.php3?titleno=581

Kaufmann P. (2003) Distribution de l’eau dans les régions rurales:aide humanitaire pour l’eau potable, in: L’eau et le développement. Expériences faitespar la Direction du développement et de la coopération (DDC) dans le domaine de l’eau;pp. 38–39. Berne: DDC, 2003.

Manuel Sphère (2004)Normes minimales dans les secteurs de l’ap-provisionnement en eau, de l’assainissementet de la promotion de l’hygiène (chapitre 2). www.sphereproject.org/french/handbook

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LogementFiche 20

� La perte de son logement est pourl’être humain beaucoup plus graveque le préjudice matériel en soi.

� La construction de logements faittoujours partie d’un conflit; unprogramme de construction peutattiser des conflits sociaux et poli-tiques ou contribuer à un apaise-ment.

� Le processus de mise à disposi-tion et de gestion de nouveauxlogements peut aider les bénéfi-ciaires à se résigner aux pertespassées et à porter leur regardsur l’avenir.

� La participation des partiesconcernées à la réalisation delogements ne prend une dimen-sion psychosociale qu’au momentoù l’on dépasse la simple défini-tion des besoins matériels à satis-faire.

Le logement: davantage qu’un simple abriLe foyer est synonyme de protection et de sécurité; il exprime l’identité et ladignité de ses occupants. C’est pourquoi sa perte a toujours de sérieuses incidences psychiques et sociales, notamment du fait qu’une partie de l’identitépersonnelle disparaît avec elle.Les projets de construction mis en oeuvre avec la collaboration de la populationconcernée peuvent faire partie du processus psychosocial qui aidera les personnesrelogées à mieux surmonter leur perte et à élaborer de nouvelles perspectives.

Phase de transition – thèmes-clés psychosociauxUn logement provisoire (transitional shelter) est un abri situé dans un environnementsûr et sain, dans lequel les personnes accueillies peuvent vivre dans la dignité.Cette phase de transition s’étend depuis le début de la situation qui rend cettesolution nécessaire (p. ex. début des opérations d’expulsion, catastrophe naturelle)jusqu’au moment où une solution durable est trouvée (Oxfam 2005).

Les habitants de zones en crise tendent souvent à se faire des illusions sur l’étenduede leurs pertes. Ce phénomène apparaît aussi dans la phase de transition desprojets de logement. Bien que les expériences rassemblées un peu partout dans le monde montrent que cette phase dure souvent des années, voire desdécennies, la plupart des personnes directement concernées se comportentcomme s’il s’agissait d’une courte période au cours de laquelle on peut secontenter de solutions d’urgence ponctuelles. Ce déni de réalité est observableà tous les niveaux:

DDC/Dino Beti (Photo Filtre)

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Logement

� Les organisations chargées du finance-ment approuvent des budgets pour unepériode d’un an et évaluent les projetsselon une logique de rentabilité à courtterme; elles donnent la préférence au sou-missionnaire dont le devis présente le plusfaible coût par personne logée.

� L’organisation chargée de la mise en oeuvredu projet s’adapte à cette logique et éli-mine de son programme tout ce qui vien-drait gonfler l’investissement initial, mêmesi ces mesures accroîtraient les chancesde rendre le projet plus durable.

� Les milieux politiques et les autorités re-chignent souvent à mettre à dispositionsuffisamment de place et à prendre lesmesures juridiques et politiques nécessairespour assurer un séjour prolongé des nouveaux arrivants.

� Les occupants d’un logement provisoiresont traumatisés par les circonstancesdans lesquelles ils ont perdu leur foyer et

par la conjoncture politique qui les acontraints à faire usage de cette aide d’ur-gence. Ils ont de la peine à supporter lasituation qui règne à l’endroit où ils sesont réfugiés et dans l’espace où ils sontlogés, avec le manque de place et d’inti-mité, avec des structures collectives inhabi-tuelles et souvent ressenties comme dégra-dantes. Ils se réfugient dans l’illusion quece séjour ne va pas durer, adoptent uncomportement d’attente passive, tandisque la colère grandit et que les disputesse multiplient.

Il est donc essentiel, lors de la planification etde la mise en oeuvre de cette phase transi-toire, de reconnaître la nécessité de se fixerun horizon à moyen, voire à long terme. Unefois ces jalons posés, il importe d’aider lapopulation à élaborer des perspectives sur lelieu de séjour provisoire et de l’encourager àregagner son autonomie.

DDC/Toni Linder

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Logement

Impuissance et destructionDans un centre d’hébergement collectif en ex-Yougoslavie, les installationssanitaires furent complètement détruites à plusieurs reprises en l’espace dequelques mois. Elles étaient sommairement réparées par le personnel tech-nique de la municipalité, pour se trouver peu après démolies une nouvellefois. Le personnel de l’organisation d’aide responsable ne trouvait pas d’ex-plication à ce phénomène, et accusait les réfugiés logés dans le centred’avoir un comportement irresponsable. Mais lorsqu’un de ses membres sedonna la peine de discuter avec les résidents de ce qui les préoccupait, ils’avéra que ces gens avaient les nerfs à vif parce qu’une solution à leur pro-blème principal – le retour au pays – semblait plus improbable que jamais.De plus, le manque de place était extrêmement éprouvant pour les relationsfamiliales et la plupart de ces réfugiés n’avaient aucune possibilité degagner de l’argent. Dans cette situation d’impuissance, les gens ont agi dans un domaine où ils pouvaient exercer un certain pouvoir pour montrerque le centre était surchargé: ils dirigeaient leur colère sur les toilettes bou-chées en les cassant. La réparation faite par les artisans locaux ne résolvait nile problème de l’exil, ni celui des toilettes régulièrement bouchées. Cela nefaisait qu’attiser les sentiments de violence et de mépris. Des entretiensmenés avec les occupants ont permis de discuter des mesures à prendrepour empêcher les toilettes de se boucher et aussi de mieux comprendre lasituation difficile que vivaient ces réfugiés.

Perspectives d’empowermentdans la phase de transition Pour aborder efficacement cette thématique, ilest essentiel que les bénéficiaires participentdès le début à la préparation ou à l’améliora-tion des conditions d’hébergement. La naturede leur participation aux travaux de construc-tion ou de transformation varie en fonction dela situation. Oxfam (2005) fait une distinctionentre la phase d’urgence (emergency phase),dans laquelle l’afflux de réfugiés est considé-rable, et la phase de gestion et d’entretien(care and maintenance phase), qui débute aumoment où la situation se stabilise. Une popu-lation s’organise plus facilement lorsque sesbesoins élémentaires sont satisfaits. Mais ilconvient de mettre en place dès que possibledes structures permettant aux bénéficiaires de participer à la gestion et à l’entretien deleur lieu d’habitation, ce qui aura pour effetd’assurer le fonctionnement durable du centreet de favoriser le rétablissement psychosocialdes personnes traumatisées.

� Institutionnalisation du dialogueIl importe d’institutionnaliser des échangesréguliers entre les résidents de la structured’accueil et le personnel technique de l’or-ganisation qui en assume la gestion. Si lesdeux parties se réunissent non seulementpour résoudre des problèmes aigus, maisaussi pour discuter régulièrement desmesures permettant d’améliorer la viedans le centre et chercher des solutionsensemble, il sera possible d’éviter un cer-tain nombre de conflits sociaux et person-nels suscités ou attisés par les conditionsde logement. On veillera à ce que lesfemmes puissent exprimer leur point devue dans les délégations de résidents, carleur perception de la situation et leursbesoins sont différents de ceux des hommes.

� Participation aux travaux d’entretienDans la mesure du possible, il convientd’amener les résidents à effectuer lesréparations eux-mêmes. L’investissementrequis en matière de formation ne doit pasêtre évalué seulement à l’aune des fraisd’entretien. Le fait d’assumer la responsa-

bilité pour l’entretien de leur logementaide ces personnes déracinées à s’appro-prier leur cadre de vie et à s’y sentir mieux.De plus, l’acquisition de compétencestechniques est une qualification qui peuts’avérer utile par la suite. Cette observa-tion s’applique également aux femmes.

� Encouragement des initiatives de transformationTôt ou tard, les gens manifestent toujoursle désir de transformer ou d’agrandir leurhabitation. Il convient en principe d’ap-puyer cette tentative, qui permet à ces per-sonnes de mieux s’accommoder de leursituation, de prendre conscience de leurspropres besoins et de trouver des solutionspour les satisfaire. Cette manière de gérerla situation peut aussi avoir un effet stimu-lant dans d’autres domaines de l’exis-tence. Il importe dès lors de prévoir dès laconception et la construction d’un centred’hébergement que ses occupants yapporteront ensuite des modifications et

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Logement

d’être conscient du caractère bénéfiquede telles démarches.

� Défense des intérêts et lobbyingLorsque les personnes hébergées dans uncamp ou dans un centre collectif se sontorganisées entre elles, elles renforcent leurposition vis-à-vis de l’extérieur, que ce soità l’égard de l’organisation qui a mis enplace cette structure ou des autorités,notamment pour les convaincre de lanécessité de mettre davantage de place àleur disposition ou de permettre aux réfu-giés d’acquérir leur logement, etc.

� Développement de perspectivesL’autonomie acquise par la population –d’un centre d’hébergement par exemple –en s’organisant elle-même pour mieuxgérer et utiliser son espace habitable estdoublement profitable, car elle ouvre denouvelles perspectives aux résidents et les incite à s’impliquer davantage dansd’autres domaines (p. ex. éducation desenfants, survie économique, etc.). Les pro-jets de logement peuvent contribuer àdévelopper de meilleures perspectives en

ce qui concerne les moyens de subsis-tance (diverses formes de travail rémunéré,voir Oxfam 2005 et Barakat, 2003). Pource faire, ils bénéficient d’un réseau d’or-ganisations qui soutiennent les réfugiésdans l’élaboration de perspectives écono-miques, sociales (p. ex. intégration au lieude séjour provisoire) et politiques.

� Prise en compte des besoins spécifiquesdes femmes et des hommesDivers organismes, dont la DDC, ontdressé des check-lists pour assurer la priseen considération des besoins spécifiquesdes femmes dans les phases de planifica-tion et de mise en oeuvre (� Ressources).

Solutions durables – thèmes-clés psychosociauxDéjà durant la phase aiguë d’un conflit, maisau plus tard après la fin des hostilités ouaprès une catastrophe naturelle, on s’attelle àla remise en état ou à la reconstruction desmaisons. Les personnes qui ne peuvent ou neveulent pas revenir dans leur région d’origines’établissent durablement dans un nouvelendroit. Il arrive souvent que des structures

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Logement

d’accueil jusque-là temporaires soient transfor-mées en logements durables moyennant quelques travaux de construction et d’aména-gement complémentaires.

Pour les futurs occupants de ces logementsdurables, les principaux problèmes psychoso-ciaux qui se posent en relation avec la miseen oeuvre d’une solution définitive sont presquetoujours les mêmes:– surmonter le sentiment d’impuissance et la

passivité,– faire le deuil de l’ancien foyer,– assurer son intégration sociale et émo-

tionnelle à l’ancien/au nouveau lieu dedomicile,

– gérer les besoins de différents groupes, enparticulier des femmes et des hommes.

Pour gérer au mieux ces problèmes, il fautveiller à ce que chaque phase d’un projet deconstruction – conception, mise en oeuvre etentretien – associe équitablement tous lesmilieux concernés à cette entreprise: autori-tés, personnes à loger, voisins et profession-nels de la construction. Pour que la recons-truction soit socialement durable, les diffé-

rends doivent faire l’objet de négociationstransparentes. Et pour s’en donner lesmoyens, il faut que tout le processus soitencadré par des personnes ou des organisa-tions expérimentées dans la gestion desconflits, des phénomènes psychosociauxet/ou du développement communautaire.

Perspectives d’empowermentlors de la création de logements durables� Choix du site

Le choix du site, qui est capital pour l’inté-gration sociale des habitants, est influencépar des facteurs très divers: accès, sécurité,infrastructure, rapports de propriété etautres données juridiques, topographie, etc.Mais au-delà de tous ces paramètres, ilimporte de ne pas oublier que le choix dusite sera déterminant pour le processus dereconstruction sociale. Le lieu adopté favo-rise-t-il l’intégration sociale ou risque-t-il, aucontraire, d’entraîner une marginalisation?Favorise-t-il les contacts avec le reste de lapopulation ou plutôt la formation d’unghetto? Ce site définit durablement la relation qui s’instaurera entre les habitantsdes logements prévus et le reste de lapopulation. S’entendre sur un emplacement favorablepasse souvent par un processus conflic-tuel, durant lequel il est important dedemander et de discuter l’avis et les sou-haits de toutes les parties concernées. Siles autorités décident par exemple quel’orphelinat doit se construire dans la ban-lieue, il faut soumettre cette option à unexamen critique en pensant à l’intégrationdes orphelins. Si la population estime quele meilleur endroit pour les réfugiés sesitue hors de la localité – «où il y a del’eau et le moins à craindre», un proces-sus de planification qui inclut les dimen-sions psychosociales doit être conduit pourdiscuter ces points de vue jusqu’à ce quel’on aboutisse à des solutions valables.

� Décisions concernant l’architecture et lesmatériauxPour élaborer des solutions durables, il est

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Logement

très important d’engager des discussionssur les anciens lieux de vie des personnesà loger, sur les fonctions que comportaientces logements passés pour les femmes, leshommes et les enfants, sur leur aménage-ment et leur utilisation, sur ce que leursoccupants trouvaient agréable et pratique,sur ce qu’ils n’aimaient guère et feraientautrement aujourd’hui. Ces discussionscontribuent en même temps à faire ledeuil des foyers perdus. Si certaines per-sonnes manifestent tristesse ou colère aucours de ces échanges, on admettra quece sont là des réactions normales et nonpas une raison d’interrompre la séance.Le type de logement et les matériaux fina-lement choisis dépendront non seulementde ce que désirent les futurs habitants, maisaussi de diverses considérations techniqueset économiques. Ces facteurs doivent êtreexaminés avec les habitants: il est importantde les faire participer activement au pro-cessus de décision (et non de les interrogersur leurs besoins pour ensuite tout déciderà leur place). Il convient dès lors de leurexpliquer les contraintes pratiques et detrouver des compromis entre les désirs deshabitants et les mesures effectivement réalisables. De leur côté, les techniciensapprennent au cours de ces entretiens àconnaître et à respecter les informationsrelatives à ce que les futurs habitantsconsidèrent comme important pour leurexistence, et cherchent des solutions auxproblèmes techniques qui en résultent. Ceprocessus d’authentique participation peutsembler laborieux, mais il permet de mieuxcomprendre l’ouvrage en cours de réalisa-tion, en facilite l’appropriation émotion-nelle et diminue les risques de conflits futurs.Le plan initial devrait prévoir d’emblée lapossibilité pour les occupants de procéderpar la suite à des travaux d’agrandissementet de transformation.

� Rénovation de bâtiments publicsLors de la reconstruction de bâtimentspublics (p. ex. écoles ou hôpitaux ), il y alieu de consulter régulièrement non seule-ment les autorités compétentes, mais aussi

DDC/Immita Cornaz (Photo Filtre)

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Logement

Intégration de groupes socialementmarginalisés à l’aide de mesuresarchitecturalesEn Serbie, bien des années après laguerre, des réfugiés et des personnesdéplacées – surtout des gens âgés et desmères élevant seules leurs enfants –vivaient toujours dans des centres collec-tifs. Elles n’avaient pas réussi à s’organi-ser et à trouver leur place dans la nou-velle réalité du pays. Pour encourager l’in-tégration de ces groupes marginalisés, ladivision Aide humanitaire de la DDC asoutenu leur départ des centres collectifset construit des maisons dans lesquellesont emménagé à la fois des membres dugroupe cible et des autochtones. Les deuxbâtiments ont été construits à une grandedistance l’un de l’autre afin d’éviter uneforte concentration de familles pauvres.Chaque immeuble comprenait 5 apparte-ments pour 2 personnes et un grandappartement pour des familles d’accueil.La DDC a ainsi posé un premier jalonpour la construction de logements sociauxen Serbie; ce projet tenait compte desrelations solidaires nouées dans les centrescollectifs tout en évitant d’enfermer mèresseules et réfugiés âgés dans un ghetto.

les usagers professionnels (médecins, per-sonnel hospitalier, enseignants, etc.), dontla situation est similaire à celle des habi-tants de logements privés puisqu’ils devrontensuite travailler dans ces locaux. Leurparticipation contribue non seulement àassurer un aménagement plus fonctionnel,mais aide aussi les usagers à s’adapterplus facilement à leur nouvelle situation.

� Prise en compte de changements futursdans les plans initiauxIl arrive que les parties en présence dansle projet de construction entretiennent desrelations conflictuelles et défendent despositions si rigides que rien ne peut êtremodifié durant la phase de conception (p.ex. quand les gens s’entêtent à vouloir unemplacement séparé ou refusent catégori-quement l’utilisation collective d’une infra-structure). Mais les plans doivent aussitenir compte du fait qu’un rapprochemententre les groupes devra se faire tôt outard pour résoudre le conflit. Lotissementset bâtiments seront donc disposés demanière à faciliter des transformationssociales plutôt qu’à les bloquer.

� Participation au chantierLes maisons peuvent être construites pardes entreprises de construction, par leursfuturs occupants ou par la communauté.Chacune de ces solutions présente desavantages et des inconvénients techniqueset économiques (voir Barakat, 2003). Dupoint de vue psychosocial, il est souhaitabled’obtenir la plus grande participation possible des personnes à loger et des pro-fessionnels locaux de la construction, carc’est un excellent moyen de surmonter lapassivité et de promouvoir une identifica-tion avec le nouveau domicile. Les structuressociales s’en trouveront renforcées, mêmesi cela ne se fait pas automatiquement:quand on fait appel aux entreprises etfournisseurs de la région, il faut avoir uneidée précise des mécanismes locaux depouvoir et d’exclusion afin de pouvoir lescontrôler et les contrer par des mesuresappropriées.

� Hommes et femmesLes femmes et les hommes ont des concep-tions et des préoccupations différentesquant à leur logement. Il faut donc que lesfemmes soient représentées et aient voixau chapitre dans toutes les phases du pro-gramme, aussi bien lors de l’étude desplans qu’au moment de la construction. Enpériode de conflit ou de post-conflit, laconstruction est souvent l’un des rares sec-teurs d’activités rémunérés et elle devraitaussi être accessible aux femmes. Il fautparfois commencer par lever les obstaclesqui se posent à la participation des femmes,par exemple la résistance des hommes oula garde des enfants (à organiser aubesoin par le projet).

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Logement

RessourcesAlnap (2003)Practitioners’ Handbook.www.alnap.org/gs_handbook/c10.pdfInstructions pour l’étude et la réalisation parti-cipatives de programmes de logement.

Barakat S. (2003)Housing reconstruction after conflict anddisaster. Network Paper 43, HumanitarianPractice Network, London: ODI. www.odihpn.org/documents/networkpa-per043.pdfRécapitulation des avantages et des inconvé-nients de diverses méthodes de planificationet de mise en oeuvre de logements tempo-raires et durables.

DDC/Aide humanitaire (2004)Best Practices of Durable Solutions in theBalkans and the Caucasus. Commandes: DDC/AH, Aide humanitaire etCSA, Sägestrasse 77, Köniz, 3003 Berne;[email protected]

DDC (2005)Gender & Humanitarian Aid. Why and howshould SDC integrate Gender intoHumanitarian Aid? Berne

Oxfam (2005)Transitional settlements – displaced popula-tions. University of Cambridge. www.shelterproject.orgDirectives détaillées sur les aspects centrauxde l’étude, de la réalisation et de l’évaluationde projets de logements provisoires.

DDC/OMS (Photo Filtre)

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Catastrophes naturellesFiche 21

� Les catastrophes naturelles sontdes phénomènes plus «sociaux»qu’il n’y paraît à première vue.

� Les enfants, les femmes et leshommes frappés par un tel événe-ment ne doivent pas être traitésen spectateurs impuissants et ensimples bénéficiaires de l’aide,mais associés d’emblée et defaçon active à l’amélioration deleur situation.

� Secours et aide à la reconstruc-tion mettront l’accent sur la sécu-rité, le regroupement familial, lacommunication et l’accompagne-ment des processus de deuil, enévitant tout traitement des trauma-tismes isolé du contexte.

� L’adoption de mesures de préven-tion fait partie de la reconstruc-tion; elles aident les populationssinistrées à affronter et à dépasserles sentiments d’impuissance etd’abandon provoqués par lacatastrophe qu’elles ont vécue.

� Dès la phase initiale des secours,il importe de penser au caractèredurable de la reconstruction.

Thèmes-clés de la reconstruction après unecatastrophe naturelleÀ côté de l’assistance médicale, de l’aide alimentaire et des abris mis àla disposition des personnes sinistrées, les interventions psychosocialessont devenues un élément important de l’aide d’urgence et de la recons-truction après des catastrophes naturelles. Il s’agit d’aider les personnestraumatisées à assimiler leurs terribles épreuves, à surmonter la peur, lacolère et l’abattement, et à participer activement aux activités de recons-truction.

TraumatismeLe caractère soudain, brutal et terriblement dévastateur des catastrophesnaturelles a souvent un effet très traumatisant sur les personnes touchées.D’une seconde à l’autre, elles ont perdu tout ce qui faisait leur existence– parents et amis, foyer et travail. Sur le plan psychologique, les gens sonttout d’abord en état de choc; certains s’effondrent, tandis que d’autrescontinuent d’agir, mais de façon machinale, l’esprit ailleurs. D’autresencore deviennent hyperactifs. Peu à peu s’impose l’évidence que tout cequi apparaissait comme un cauchemar est vraiment arrivé. Le séisme estpassé, mais les destructions qu’il a laissées derrière lui sont toujours là etc’est maintenant seulement que l’on en mesure toute l’ampleur.

DDC/Marc Kollmuss

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Catastrophes naturelles

Les traumatismes provoqués par une catas-trophe naturelle constituent eux aussi un pro-cessus à caractère séquentiel, mais étantdéclenchés par un événement précis, ils sedistinguent à cet égard des traumatismesrésultant de phénomènes sociopolitiques.Contrairement à ce qui se passe avec cesderniers, personne ne conteste aux survivantsd’une catastrophe naturelle le droit de se sentir mal et de rechercher de l’aide. Mais làaussi, les conditions sociales s’avèrent sou-vent compliquées, du fait que les catastrophesnaturelles frappent en général plus durementles régions pauvres. Cependant, les chancesde surmonter le traumatisme collectif et d’ac-cepter les pertes subies sont meilleures ici quedans le cas de conflits armés: d’une part, letraumatisme a été causé par des élémentsnaturels et ne peut donc pas être imputé àautrui; d’autre part, il existe moins de diver-gences entre la perception individuelle et laperception collective des événements.

DeuilLa perte est accablante. Les survivants n’ontpas pu prendre congé des personnes dispa-rues dans la catastrophe et nombre d’entreeux ont vainement tenté de sauver des proches.Il est souvent impossible de trouver, d’identifieret d’enterrer les morts, et les familles n’ontpas vraiment le temps de s’occuper des

morts, alors qu’elles doivent mobiliser touteleur énergie pour assurer leur propre survie.Ces facteurs rendent un processus de deuilnormal presque impossible (� Fiche 2:L’approche psychosociale, et Fiche 11:Personnes disparues ou assassinées).

PeurAprès une catastrophe, la peur est omnipré-sente. Elle comporte plusieurs facettes: � souvenir obsessionnel des scènes trauma-

tiques, qui reflète les efforts fournis par l’or-ganisme pour surmonter le choc;

� peur panique devant n’importe quel événe-ment nouveau, du fait que l’on a perdu lacapacité de distinguer un petit dangerd’un grand et que l’on s’attend toujours au pire;

� crainte permanente d’une nouvelle catas-trophe; tentative instinctive de dépasserson sentiment d’impuissance par une sortede capacité prophétique à prédire un mal-heur futur, contre lequel on pourrait alorsmieux se protéger.

Perspectives d’empowermentSur le plan psychosocial, il est primordiald’éviter que les populations sinistrées se trouvent condamnées à une attente passive etimpuissante; elles doivent dès que possibleparticiper aux activités menées par la coopé-

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Catastrophes naturelles

Attendre des secours au lieu d’organiser soi-même sa protectionLe Salvador a subi en 2001 deux gravesséismes en l’espace de quelques semaines.Plus d’un quart de la population salvado-rienne se retrouva sans abri. Les habitantsde nombreux villages furent obligés des’abriter dans des tentes. Des écoles furentfermées. Sur ordre du gouvernement, les populations sinistrées attendirent l’arrivée d’unités militaires pour pouvoirentreprendre les travaux de déblaiement et de reconstruction. La saison des pluiesétait imminente et de nouveaux risques sepointaient à l’horizon. Mais les membresdes organismes d’entraide occupèrent lesenfants à peindre et à dessiner, ou encoreà faire du sport. Les écoles restèrent ferméeset il ne vint pas à l’idée des enseignants quedes leçons de biologie ou de géographiesur le terrain pourraient être une bonnechose. L’idée plaisait certes aux enfants,mais ni eux ni leurs parents ne furent vraiment pris au sérieux. Au lieu d’êtreencouragés à faire eux-mêmes quelquechose pour améliorer leur situation – parexemple creuser des tranchées de drainagepour prévenir des inondations lors de lasaison des pluies –, ils étaient condamnésà la passivité. On faisait jouer les enfants aulieu de leur donner l’occasion de participeractivement aux travaux de protection et dereconstruction – donc d’entreprendre quelquechose de concret contre leurs angoisses. Aulieu de combattre le traumatisme et la peur,cette stratégie d’assistance autoritaire eutpour effet de renforcer les sentiments dedépendance et d’impuissance, donc d’aggraver la situation psychosociale aulieu de l’améliorer.

ration pour surmonter les effets de la catas-trophe. Cette démarche accélère la conclu-sion des travaux de reconstruction tout en stimulant le rétablissement des personnes quiont vécu un choc psychique.

Catastrophes naturelles dansdes zones de conflitEn général, les catastrophes naturelles surve-nant dans un contexte de conflit armé nemodifient en rien la situation et il est difficile,voire dangereux dans certains cas, d’appor-ter de l’aide dans ces conditions. Les belligé-rants empêchent parfois les secours d’arriverjusqu’aux sinistrés et tentent d’exploiter lasituation sur le plan politique. Dans uncontexte de ce genre, les organisations agis-sant depuis l’extérieur doivent constammentgarder à l’esprit le principe «Do no harm»(ne pas nuire). Des procédures de médiationpeuvent aider à améliorer la sécurité du per-sonnel sur le terrain et à assurer une distribu-tion plus équitable de l’aide. Bien que lescatastrophes ne contribuent généralement pasà transformer un conflit, la possibilité se pré-sente parfois d’obliger les ennemis à collabo-rer temporairement et, sur cette base, de ren-forcer le processus de transformation.

La population d’une région où sévit un conflitse trouve déjà dans une situation traumati-sante. Ce vécu influence la manière de réagirau choc provoqué par une catastrophe natu-relle. Ce traumatisme se mêle inextricable-ment à celui qui découle du processus socio-politique. La catastrophe risque alors deconfirmer et de renforcer le sentiment d’im-puissance vécu dans le contexte social et poli-tique. Il faut donc que le soutien psychosocials’étende de façon systématique à la réalitéglobale vécue par les sinistrés.

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Séquence Thèmes-clés et perspectives d’empowerment

Dans bien des régions frappées par une catastrophe naturelle, on savaitdepuis longtemps qu’il s’agissait d’une zone à risque (sujette à des inonda-tions, des séismes, etc.). Mais prendre des mesures de prévention paraît sou-vent peu intéressant aux yeux des donateurs et des gouvernements, et les normes de sécurité (p. ex. règles de construction) ne sont pas respectées. Deplus, nombre de ces régions sont le théâtre d’une violence structurelle oudirecte, ce qui rend la prévention encore plus difficile.

Thème-clé� Prévention et préparation.

Perspectives d’empowerment� Organisation communautaire – en général, une commune parvient à se

réorganiser et à se remettre plus rapidement si elle était déjà bien organiséeauparavant.Exemple:organisationcommunautaire enTurquie(�DDC/AH2005).

� Urbanisme et construction adaptés aux conditions naturelles (code).� Mesures de protection structurelles (p. ex. digues, renforcement des bâti-

ments, etc.).� Préparation (p.ex. hôpitaux, sapeurs-pompiers, systèmes d’alerte, etc.).� Préparation individuelle (connaissance du comportement à adopter, écono-

mies/assurances, etc.).

Une catastrophe survient en un instant, mais s’étend en réalité sur des heures,voire sur plusieurs jours. C’est ainsi qu’un raz de marée passe en quelquesminutes; mais beaucoup de temps peut s’écouler avant que les gens soient ensécurité. Les événements de cette phase initiale déterminent la suite du pro-cessus traumatique. La situation est chaotique et marquée par la désorientation,le choc, les blessures et le dénuement le plus complet. Les sinistrés ont desréactions très diverses: ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui tentent defaire quelque chose pour eux-mêmes ou pour autrui; en agissant, ils ont lesentiment de contrôler un peu la situation. Mais beaucoup sont plongés dansun sentiment d’impuissance et de désespoir. Cette phase est donc celle de ladéstructuration traumatique initiale, mais aussi le début d’une réorganisationindividuelle et collective au service de la survie. Les secouristes venus de l’ex-térieur doivent ainsi non seulement évaluer l’ampleur des dommages, maisaussi prendre en considération et apprécier ce qui a déjà été fait par lessinistrés eux-mêmes.

La phase qui suit immédiatement la catastrophe et qui précède le moment oùles secours sont structurés depuis l’extérieur est en général très courte. Maiselle jouera par la suite un rôle majeur dans le processus de retour à la nor-male, car les événements de cette séquence marqueront le souvenir que l’ongarde de la catastrophe.

On s’emploie au cours de cette phase à assurer la survie immédiate et àébaucher des perspectives d’avenir, généralement avec une aide apportée del’extérieur. Il s’agit de trouver des réponses rapides à des situations d’urgence,

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tout en gardant à l’esprit les dimensions à long terme de l’assimilation de lacatastrophe vécue et de la reconstruction.

Thèmes-clés psychosociaux� Organiser la survie après une catastrophe.� Gérer les sentiments de perte, de peur et de désespoir.� Délimiter mentalement la catastrophe, comprendre ce qui s’est passé.� Elaborer des perspectives d’avenir.

Perspectives d’empowerment� Dès le départ, organiser l’aide dans une perspective de développement

et ne pas se limiter à l’optique du secouriste; il existe maintenant de nombreuses études et recommandations à ce sujet (� Ressources).

� Donner accès aux informations concernant les ressources et les services dis-ponibles, les causes de la catastrophe et son évolution prévisible (tremble-ments secondaires, nouvelles inondations, etc.).

� Réunir les familles, regrouper durablement les unités sociales et les logerensemble; faciliter les reprises de contact, organiser la recherche des disparus.

� Assurer un minimum d’intimité – par exemple en aménageant des espacespar familles.

� Rétablir une routine quotidienne, en particulier pour les enfants: rouvrir lesécoles dès que possible.

� Combattre les sentiments d’impuissance en faisant participer les sinistrésaux décisions concernant l’organisation de la vie quotidienne et de l’appro-visionnement.

� Apporter une première aide psychologique (� Fiche 15: Santé et OMS2003): écouter, apporter un soutien émotionnel, dire à la personne sinis-trée que sa tristesse et ses réactions à la catastrophe sont normales et nonles symptômes d’une maladie mentale, aider à rechercher des solutions per-sonnelles, encourager les contacts sociaux. Il s’agit avant tout de ménagerdes espaces de communication pour les gens qui se connaissent.

� Retrouver, identifier et inhumer les morts.� Soutenir les expressions religieuses ou culturelles du deuil collectif.� Les femmes sont particulièrement vulnérables dans le chaos qui suit une

catastrophe, avec des situations où le droit n’a parfois plus cours: mettre enplace des mécanismes de protection spécifiques (aménagement du loge-ment, système de distribution des ressources) et des instances chargéesd’enregistrer les plaintes.

� Les personnes frappées par une catastrophe reçoivent presque toujours dessecours en nature (paquets de denrées alimentaires, etc.); les experts sedemandent cependant de plus en plus si une aide financière ne serait pasune meilleure solution: d’un point de vue psychosocial, tout ce qui favorisel’autonomie des sinistrés est judicieux. On peut ainsi imaginer de nombreuxscénarios dans lesquels une somme d’argent favorise davantage l’autodé-termination que l’aide en nature – mais tout cela dépend du contexte spéci-fique (� Houghton 2005: liste des avantages et des inconvénients desprestations en espèces).

� Concernant les aspects psychosociaux de différents domaines (logement,eau, santé, etc.), voir les fiches correspondantes.

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Catastrophes naturelles

Cette phase dure souvent beaucoup plus longtemps qu’on ne l’imaginait audépart, alors que l’aide extérieure va en diminuant. La prévention de nouvellescatastrophes constitue un élément important du travail de reconstruction. Ellecomporte des aspects techniques, mais aussi des mesures de lutte contre lacorruption (qui s’exerce au mépris des prescriptions légales) et de lutte contreles inégalités sociales (qui rendent une partie de la population particulièrementvulnérable aux conséquences des catastrophes).

Thèmes-clés psychosociaux� On se rend désormais vraiment compte des pertes subies; pour beaucoup

de sinistrés, la disparition de proches s’accompagne d’une dégradationdurable de leurs conditions de vie matérielles et d’un changement de statut social (p. ex. veuves).

� Structures sociales transformées – par la mort ou l’émigration de nombreux membres de la communauté, mais aussi par des bouleversements sociaux (certains se sont enrichis, beaucoup sont devenus pauvres).

� Les processus de deuil individuels et collectifs ont besoin d’un espacesocial; culture du souvenir et commémoration revêtent une importancecentrale, notamment dans l’optique de la prévention.

� Il s’agit de développer des perspectives d’avenir compte tenu des nouvelles conditions de vie.

Perspectives d’empowerment� Promouvoir des mesures de prévention individuelles et collectives (prépa-

ration aux catastrophes) à la fois pour se prémunir contre de futurescatastrophes et pour dépasser les sentiments d’impuissance.

� Encourager et développer les processus de deuil.� Stimuler chez les professionnels (corps enseignant, personnel soignant,

etc.) la conscience et la compréhension du traumatisme, du travail dedeuil et de la peur chronique.

� Contrer le sentiment d’impuissance en favorisant la participation activedes personnes concernées dans les activités de reconstruction.

� Moyens d’existence durables: remplacer les moyens de production autantque possible sur le marché local, en faisant appel à des professionnelslocaux (constructeurs de bateaux, artisans du bâtiment, etc.), promouvoirles activités génératrices de revenus et la réanimation des marchés;apporter un soutien initial durant la saison non productive pour éviterl’endettement.

� Soutenir l’école non seulement pour les enfants, mais en tant que lieu dedéveloppement pour toute la communauté.

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EnfantsAprès le tsunami, l’organisation Save the Children Alliance a élaboré d’excellentes directivespsychosociales pour aider les enfants. Elle y énonce les cinq principes suivants:� Le manque de soutien émotionnel, la séparation d’avec les membres de la famille, la

tristesse et le désespoir des adultes ont davantage d’impacts négatifs sur un enfant que lacatastrophe en soi. Le fait de soutenir les adultes contribue donc toujours au bien-être desenfants.

� Il ne faut en aucun cas séparer des enfants de leurs parents. Il importe de soutenir lesactivités visant à retrouver les parents; si ceux-ci sont morts, les enfants doivent êtreconfiés à d’autres membres de leur famille. La garde informelle d’enfants par des adultesque ceux-ci connaissent n’est contre-indiquée que si l’enfant s’en trouve menacé – danstous les autres cas, il faut appuyer des systèmes (matériellement, émotionnellement, socialement) informels.

� Il faut éviter d’éloigner les enfants de la zone sinistrée et, si c’est inévitable, en informerdes adultes connus de ces enfants; il faut que toutes les mesures soient prises pour que lesenfants atteignent leur destination sains et saufs.

� Il importe de rétablir une situation de normalité quotidienne et donc de (ré)ouvrir écoles etjardins d’enfants aussi rapidement que possible.

� Il convient de créer des espaces conçus spécialement pour les enfants. Save the Children Federation 2004.

DDC/Marius Born (Photo Filtre)

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Catastrophes naturelles

RessourcesConcernant la transition premiers secours-développement:www.anlap.orgwww.odihpn.org

DDC/AH (2005)Prévention des catastrophes naturelles: Étudede cas – Projet de soutien local à la préven-tion des catastrophes - Turquie. www.deza.admin.ch/ressources/ressource_fr_24795.pdf

DDC (2005)Cash Projects – An innovative form of directsupport. www.deza.admin.ch/ressources/resource_en_24797.pdf

Houghton, R. (2005)Tsunami Emergency. Lessons from PreviousNatural Disasters. www.alnap.orgCet article contient également une check-listpour décider si l’aide doit être apportée enespèces ou en nature.

OMS (2003)Mental Health in Emergencies. Mental andSocial Aspects of Health of PopulationsExposed to Extreme Stressors. Genève: OMS. www.who.intBrèves directives concernant la prise encompte de la santé mentale dans les soins desanté.

Save the Children Alliance (2005)Psychosocial Care and Protection of TsunamiAffected Children – Guiding Principles. Ces principes utiles et concrets résument defaçon claire et concise l’état actuel du débatsur ce sujet. Ils soulignent l’importance desprocessus psychosociaux tout en mettant engarde contre une «psychopathologisation»contre-productive.

Save the Children Federation (2004)Separated Children: Care and Protection ofChildren in Emergencies A Field Guide. www.savethechildren.org.uk

Tsunami Help for Sri Lanka (2005)Psychosocial issues www.tsunamihelpsrilanka.blogspot.comInformations utiles, lignes directrices et résul-tats obtenus dans la zone frappée par le tsunami.

Van Ommern Mark et al. (2005)Mental Health in Emergencies. In: Bulletin of the World Health Organization83 (1), p 71-77. www.who.int/bulletin/volumes/83/1/enEn plus de cet article, il convient de signalerles commentaires de Derrick Silove et DerekSummerfield. Ces trois auteurs soulignent qu’ilest important d’appuyer les processussociaux.

DDC/Peter Mc Farren (Photo Filtre)

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