journal du théatre de la science

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Une publication de CAP SCIENCES - REGION AQUITAINE THEATRE DE LA SCIENCE 2008-2009 CAP SCIENCES L’homme et le Paysage Lieu de représentations / p.2-3 A l’image du paysage / p.4 Fabrique de l’aménagement / p.5 Une valeur économique / p.6-7 Espace légiféré et encadré / p.8 Creuser le paysage / p.10-11

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journal du théatre de la science

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THEATRE DE LA SCIENCE 2008-2009

CAP SCIENCES

L’homme et le Paysage

Lieu de représentations / p.2-3A l’image du paysage / p.4Fabrique de l’aménagement / p.5Une valeur économique / p.6-7Espace légiféré et encadré / p.8Creuser le paysage / p.10-11

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LE THÉATRE DE LA SCIENCE

« Chacun s’ap-proprie une s p a c e

territorial qui comprend sonespace de mobilité : entreson domicile, son travail,ses loisirs, les services qu’ilrecherche, ses espaces deconsommation. (…) Les

études montrent que toutcitoyen perçoit les paysagestraversés comme un élémentfondamental constitutif deson territoire » expliqueMichel Prat, directeur de laCPAU (1) Aquitaine.

On comprendra alorsaisément que toucher à ce

territoire c’est toucher àl’âme de ses habitants.D’où les réactions de résistance quand on veutinsérer une nouveautédans le paysage, qu’il soitun aménagement urbanis-tique (éolienne, moyen detransport, lotissements, …)ou paysager.

Il est donc difficile de parlerdu paysage sans évoquerles relations que leshommes entretiennentavec lui.

La tentation du paysage

Pour faire un peu d’histoire,Serge Briffaud, professeurà l’Ecole d’architecture etde paysage de Bordeaux,rappelle (2) que la perceptiondu paysage est liée dès lemoyen âge à la culturejudéo-chrétienne. Il prendpour exemple une lettre dePétrarque (XIVème siècle)où l’auteur raconte sonascension alpine et sedélecte de l’horizon offert àlui : « Pétrarque comprendtout à coup qu’il est en trainde commettre un péchéterrible en jouissant duspectacle qui s’offre à luipar ce panorama. Commepunition, il s’impose deredescendre dans la plainesans prononcer une paroleet refuse de parler pendantplusieurs jours. C’est unélément fondamental duregard occidental, quiexplique pratiquementtoute la culture du paysage

occidental avant le XVIIIe

siècle et le début du XIXe.C’est aussi une des racinesde notre propre regard.Pendant longtemps, pourque le paysage puisse êtrevalorisé, il a fallu évitercette tentation dont il étaitporteur, il a fallu imaginerdes chemins détournés, quipermettaient de satisfairecette attitude tout en élimant ce côté tentateur. »

L’humanisme religieux duMoyen Age et de laRenaissance a transcendécette vision. On peut dèslors poser un regardcontemplatif sur le paysagecar ce « qui ramène àDieu ; c’est précisémentl’action humaine, la possibilitéqu’a l’homme de révélerDieu, les signes du divin,dans le paysage. » Dès lors,les hommes et notammentles moines appelés « défricheurs », vont valoriserle paysage. (cf étangs deBrenne en Indre).

On peut se demander sicette vision judéo-chrétiennedu paysage n’a pas laisséquelques traces dans notreperception actuelle.

Espace desymboles

Outre notre perceptionjudéo-chrétienne, il existetoute une cosmogonie autourdu paysage. Par définition,lieu de vie des hommes, ilest parfois constitutif deleur culture et cosmogonie.

Si notre vision occidentale

Un lieu d’identitéet de regards

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Les représentations du paysage sont trèsfortes et importantes pour les hommes. Parler

du paysage, c’est parler de son âme. Le lien à la terre est omniprésent

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des paysages a évolué, onn’y place plus le diable, ilreste le lieu de tous lessymboles. Ne dit-on pasd’un paysage magnifique,qu’il est un « paradis terrestre » ? On s’imaginele paradis comme ungigantesque jardin enchan-teur. Chaque fleur ou arbrea sa symbolique propre,souvent issu du monde reli-gieux mais aussi plus « païen », profane. Qu’est-ce que ce lien au religieuxsignifie aujourd’hui ?

Parce qu’il fait partie deleur cadre de vie, le paysa-ge (la terre) est devenueobjet de convoitise pour leshumains. Autrefois, lesseigneurs et les royaumesmontraient leur puissancenon pas seulement par leurrichesse mais aussi parl’étendue de leur terres.Vaincre l’autre, ce n’est pasuniquement lui dérober sesrichesses matérielles, c’estle déposséder de sesterres. Cette vision sembleavoir marqué notre rapportau paysage.

Aujourd’hui alors que les

terres n’appartiennent plusseulement aux nobles, chacun veut posséder sapartie de terre. Créer unfoyer, n’est-ce pas construire(ou occuper) une maisonsur un territoire bien délimité ?Dans le cas de la construc-tion des châteaux, lesarchitectes devaient faireen sorte que les jardins (quisont devenus de plus enplus importants dans laconstruction des châteaux)ne soient visibles quedepuis le château, pourmarquer la propriété decette richesse. De même,les fenêtres et les terrassesdes châteaux devaient per-mettre le regard contempla-tif sur le parc et la forêt, quis’étendent à perte de vue.

PropriétéPlus globalement, les

hameaux, les villages, lesdépartements semblentappartenir à une commu-nauté même quand leshommes n’ont pas de titre

de propriété sur ces pay-sages. Pour preuve, l’iden-tité des habitants qui se faitpar territoire. On est de tellevallée ou de telle zone géo-graphique précise. Et, siquelqu’un veut toucher àcette zone, c’est une levéede bouclier d’autant plusforte que la personne oul’institution ne fait pas partiede la communauté, de cetteterre.

De même, les « étran-gers » ne peuvent pas tou-cher aux ressources de« notre » bois ou près.L’exemple le plus communest la cueillette des champi-gnons. Aller chercher descèpes sur un territoire quin’est pas le sien est malperçu et pour peu que laplaque d’immatriculationmontre que l’on n’est mêmepas du département, lesréactions peuvent être vio-lentes.

Plusieurs interrogationsviennent alors à l’esprit. Lepaysage peut-il s’appro-prier. N’est-il pas un biencommun ? Un « patrimoinecommun » comme le pro-

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clame le Conseil del’Europe dans son préam-bule de la Convention euro-péenne de paysage ?Perçoit-on le paysage de lamême manière si on estpropriétaire, géographe ;agriculteur, urbaniste, immobilier, touriste, … ?

Si les hommes se sontappropriés le paysage, cadre de leur vie, pourquoiles artistes représentent-ilsles paysages vierges detoute trace humaine ? n

(1)Conférence Permanente sur

l’Aménagement et l’Urbanisme

(2)Cf A la découverte du paysage_/Texte d’AlexandreMarsat

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LE THÉATRE DE LA SCIENCE

Le paysage est sourcede nombreuses illus-trations. On a tous en

tête des photos et destableaux de paysages. Debeaux paysages... Il estintéressant de se penchersur ces arts graphiques,de prime abord réalistes,car cela nous donne à voirquelle est la perceptiondes paysages de cesartistes et de leurscontemporains.

L’exemple le plus récentde l’image du paysage estYann Arthus-Bertrand. Lesuccès de ses publications,au-delà de la qualité deses clichés, prouvent unréel intérêt pour les pay-sages.Ses photos nous invitent àla balade, au rêve, ellesnous transportent dansdes paysages que l’on neconnaît pas. Sont-ilsréels ? Derrière cettequestion polémique secache une véritable inter-rogation. Il est évidentqu’un cadrage de photo estpar définition subjectif.On nous montre donc unchoix, une sélection. C’estun parti-pris. L’ « es thé t i sa t i on »des images du paysageest poussée à l’extrême.En effet, sur les clichésdes photographes qu’ils

soient amateurs ou profes-sionnels on retire tout élé-ment qui viendrait enlaidirl’image ou rompre leslignes. Une belle photo depaysage est ce qui estfigé, telle une carte postale.Impossible d’imaginer unephoto de paysage avecdes pylônes électriques,des lampadaires, desroutes, un hangar agricole,des silos à grains, …Toute trace humaine est

effacée, alors même queces éléments humainsdessinent le paysage.Parfois, ils sont présents ;et c’est loin d’être unefaute de goût. Au contraire,la route, le chemin de ferapparaissent car ils permettent de lancer desperspectives, de démarquerdes couleurs dans les

champs, entre tournesolset jachères. On ne souhai-te pas prendre en photosdes voitures sur cesroutes car elles sontdevenues des traits dedessin auxquels on a retirétoute utilité humaine.Même les habitats n’apparaissent que s’ilsapportent un plus graphique comme lesmaisons blanches et rougesdu Pays basque que l’on

n’imagine pas absentesd’un paysage basque.Les arts graphiques révèlent la perception dupaysage suivant lesépoques.Par exemple, au XVIIIe,Piranesi, Vasi et d’autresartistes reproduisent leruines gréco-romaines. Monde gréco-romain qui

A l’image du paysageest glorifié durant ceXVIIIe siècle.Les peintres semblent eneffet refléter la perceptionde leur époque sur le pay-sage. Leurs tableaux sym-bolisent la divinité puis labeauté des nouveauxparcs des jardins clas-siques. Pour ce qui est duXXe siècle, l’évolution dela peinture du paysage a-t’elle suivie la perceptiondu paysage ?

Pourquoi les photo-graphes retirent-ils deleurs photos tous ces éléments ? La finalitén’est-t’elle qu’esthétique ?Répondent-ils à unedemande de magnificencede leur public ? Que pen-sent les sociologues desreprésentations du paysage ?

L’image est-elle imagi-nation ? Les arts nousrenseignent-ils sur notreperception des paysa-ges ? n

_/Texte d’AlexandreMarsat

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Le paysage même s’ilest protégé par deslois comme on le

verra plus tard (page 8)est depuis longtempsmodifié par les hommesqui ont crée des corpsspécifiques à cette modifi-cation. On comprend alorsque l’existence du paysagenécessite aussi une« fabrique du paysage ».

Le premier métier quivient à l’esprit quand onparle de paysage est leterme de paysagiste.Plusieurs grandes écolesforment ces paysagistesdont les plus connuessont les écoles nationalessupérieures du paysagede Versailles, Bordeaux etLille d’où sortent desarchitectes paysagistesau bout de quatre ans. Cemétier s’est développéaprès les années 60, faceau développement urbainet la naissance des villesnouvelles. Auparavant,cette profession n’existaitpas en tant que telle.

Pourquoi ? A t-il fallufabriquer du paysageface à l’urbanisation crois-sante ?

Ce nouveau métier estl’aboutissement desmétiers de jardiniers d’au-trefois, considéré alorscomme les dessinateursde parcs et jardins. Mais si l’on peut dessiner desjardins privés, peut-ondessiner un paysage dansson ensemble ? Commele rappelle PierreDonadieu, professeur àl’ENS du paysage deVersailles, « ce sont lespouvoirs publics qui,confrontés à la demandesociale de cadre de vie,firent progressivementappel aux paysagistes et contribuèrent puissam-ment à construire la com-mande de paysage ». Leprofesseur rappelle qu’en1979, le ministère del’Environnement créa laMission du paysage, quifut relayé dans les dépar-tements par les Conseils

d’architecture, d’urbanis-me et d’environnement(CAUE) puis par les Parcsnaturels régionaux et lesdirections départemen-tales de l’équipement(DDE).On est alors entré dansune véritable fabrique dupaysage planifiée etencadrée. La loi Voynetviendra, en 1999 complé-ter cette organisation desterritoires (1).

Mise enscène

Si aujourd’hui, lafabrique du paysage estpensée d’un point de vueglobal, il faut rappeler quedepuis des siècles, les jar-diniers ont façonné lesparcs et jardins faisantappel à tous nos senspour créer de l’émotion. Ilsont évidemment connuleur heure de gloire sousLouis XIV et Le Nôtre.Dès la Renaissance et « pour la première foisdepuis l’Antiquité, on ima-gine des sortes de scéno-graphies paysagères pourmettre en scène le territoi-re lui-même pour le plaisirdu regard, au senslarge », comme le sou-ligne Serge Briffaud.

Mais, la fabrique dupaysage ne s’arrête paslà. De tout temps et endehors d’un cadre trèsorganisé comme aujour-d’hui, les hommes ontfaçonné le paysage parl’habitat ou encore parl’exploitation des terri-toires pour leurs vertusvivrières (paysans) ouéconomiques (mines,agriculture, …)

Fabrique de l’aménagementL’aménagement du ter-

ritoire est aussi créateurou modificateur de pay-sages. Un tracé d’auto-route, des grands bar-rages qui noient les envi-rons, une urbanisationacceptée ou au contraireune protection du naturelou un retour vers ce qui aexisté (comme les restau-rations historiques de jar-dins), … on crée toujoursdu paysage. Il fautd’ailleurs rappeler que lepaysage ne s’arrête pas àla lisière des villes maisqu’il existe un paysageurbain comme il existe unpaysage rural. Les plusgrandes transformationsqui passent aujourd’huiinaperçues, sont sansaucun doute les cheminsde fer comme l’expliqueJean-Robert Pitte « Sonimpact sur le paysage estconsidérable. Lesespaces ruraux tradition-nels sont balafrés par lescicatrices des lignes dontles tracés rectilignes ou àtrès grand rayon de cour-bure contrastent avec lagéométrie approximativedes champs, des che-mins et des routes et àplus forte raison, avec lesfantaisies de la nature(relief, hydrographie).Une telle chose ne s’étaitplus vue (à l’exceptiondes canaux) depuisRome. » n

(1) http://www.projetdeterritoi-

re.com/spip/dossier.php3?id_ru

brique=73

_/Texte d’AlexandreMarsat

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Un peu d’histoi-re… L’épisodec o n s i d é r é

comme le plus marquantet surtout le plus visiblepour le paysage est larévolution industrielle quil’a profondément transforméalors que les grands pôlesindustriels se dévelop-paient.

L’exploitation minière anécessité l’exploitation dusol sur des espaces trèslarges. De plus, il a falluconstruire des habitatspour les ouvriers quiaffluaient vers ces centresd’emplois. On peut objecterque l’augmentation de lapopulation les siècles pré-cédents a généré laconstruction d’habitats.

Certes, mais cesconstructions de maisonsn’ont pas eu la mêmeampleur qu’au XIXe sièclecar l’augmentation decette population s’est faiteprogressivement. Or, là ily a eu, au XIXe siècle,une concentration massiveet rapide de populationpour laquelle il a falluconstruire des habitatsnouveaux.

Cet exemple montreque l’activité économiqueet les nécessaires aména-gements du territoire quivont avec ont participé dela transformation des pay-sages. De même l’arrivéedu chemin de fer et l’implantation de garesauprès des centres urbains

a contribué à l’urbanisa-tion périphérique desvilles. Il est d’ailleurs inté-ressant d’observer queces centres urbains déve-lopperont leur activité éco-nomique grâce à cesimplantations. On est iciau plein coeur de l’aména-gement du territoire.

Autrefois, une poste dechevaux, une route royale,un chemin de fer ; aujour-d’hui une ligne TGV, unaéroport, une autoroute etc’est le développementéconomique qui est assuré.Parfois, ces aménage-ments répondent à desbesoins, et d’autres fois,cela permet de créer unenouvelle économie (lesfrères Pereire et Arcachon,qui ont prolongé une lignepour créer une ville nou-velle et un secteur écono-mique nouveau).

Aujourd’hui, l’aména-gement du territoire vaencore plus loin. Les col-lectivités contrôlent lespermis de construire pour

L’économie du paysagemaîtriser l’urbanisation ouau contraire protéger despaysages (voir page 8Lois et paysages) et ceque l’on a appelé lesmoyens de communication.

Un secteurorganisé

Si les paysages ont detout temps été utilisés parles hommes pour leurs res-sources naturelles et le plussouvent pour des raisonsvivrières, il est à noter quel’on passe sous Louis XIV àune exploitation du paysa-ge et avant tout des forêts,minutieusement organisée.D’une économie decueillette, de prélèvement,on évolue vers une écono-mie organisée à cause desbesoins du royaume.Colbert met en effet enplace une politique de laforêt avec la rédaction de lagrande ordonnance de1669. Les forêts sont alorsune ressource importantepour un royaume enguerres qui a besoin debâtir des navires en masse.Un bateau nécessitantentre 1000 et 2000 troncsd’arbres, il faut organisertout un secteur et le rendrepérenne. Auparavant, onprélevait des troncs sansse soucier du devenir de laparcelle qui se transformaitalors en taillis. Dès lors, onreplante des arbres pourpouvoir les ré-exploiter parla suite. Jean-Robert Pitteexplique (1) qu’avant cetteordonnance on pillait « sys-tématiquement les grandsarbres sans favoriser lacroissance des jeunes

Economie et paysage, une association qui peut surprendre voire choquer

et pourtant, les deux sont très liés : l’unes’est servie de l’autre pour se développer

et l’autre s’est vu largement modifié par lapremière pour son développement.

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troncs droits, les futaiesétaient presque un souve-nir et partout les taillis pré-valaient ». Grâce à l’actionde Colbert, l’exploitationforestière était née.

C’est dans cet espritque Brémontier va aména-ger les dunes landaises àpartir de 1786. Au XIXe

siècle, 700.000 hectares depins maritimes seront plan-tés dans les Landes, modi-fiant durablement le paysa-ge de ce département et luioffrant une économie quiperdure aujourd’hui encoreet n’a de cesse de se per-fectionner. Pour exemple,la création du pôle de com-pétitivité Pin maritime dufutur a pour but de valorisercette ressource et derendre cette filière, quiemploie plus de 30.000personnes en Aquitaine,encore plus performante etcompétitive. On se rendalors compte de l’intérêt de« rentabiliser » et d’orga-niser le paysage n

(1)Histoire du paysage français

_/Textes d’AlexandreMarsat

ouverts à la visite souhaite développer cesegment particulier en se lançant ici et là,à grands frais, dans des restaurations « historiques » de jardins.

Argument d'attractivitéLes jardins et les paysages dans leurensemble sont devenus au fil de ces dernières décennies un argument d’attractivité omniprésent. Il suffit d’aller sur les sites internet desgrandes métropoles mais aussi despetites communes pour s’en rendrecompte. On découvre sur la plupart dessites des villes un onglet spécifique sur lesparcs et jardins avec toujours une cartepour en faire le tour ; et les outils decommunication ont été développés pourcette mise en valeur. Dans les communesrurales ont met en avant la campagnedont on dispose pour séduire les internautes.Plus l’urbanisme est fort, plus il semblenécessaire d’aménager des espaces ditverts. La communauté urbaine de Bordeaux regorge de ces parcs dont onne cesse de vanter l’existence dans lesmairies. A Blanquefort, le parc Majollan, àBordeaux (outre les différents jardins) onvalorise le parc floral, à Pessac, leBourgailh, à Gradignan, le Parc duMoulineau… plus l’urbanisation s’accélèreplus ces espaces verts sont mis en valeur.Tout cela dans l’unique but de vanter lecadre vie auprès des futurs citadins qu’ilfaut attirer.

Cet engouement populaire pour lesparcs et jardins pourrait donner naissanceun tourisme de masse. Doit-on céder àcette tentation économique ? Quelles enseraient les conséquences ? En quoicette nouvelle prise en compte d’espacesverts influe sur les politique publiques ?

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Le paysage est aujourd’hui sans aucundoute un argument touristique percutant.Les comités départementaux de tourismeont élevé les jardins au rang de patrimoineau même titre que les monumentshistoriques. Des guides consacrésuniquement aux parcs et jardins sontmême édités.En Touraine, les jardins sont autant misen avant que ses châteaux auxquels ilssont pourtant attachés. On connaîtparfois plus les jardins que les châteaux.L’exemple type est Villandry : on parletrès peu de son château alors même queles jardins ont été créés pour embellir labeauté architecturale de ses bâtiments.Aujourd’hui on peut même visiter lesjardins des châteaux sans pénétrer dansces derniers. Des billets à part ont étécréés aux entrées des châteaux et descircuits à thème ont été développés.Quand on sait que plus de trente millionsde touristes par an visitent les jardins enFrance, ont comprend l’intérêt de mettreen avant cette économie transformée envéritable branche d’activité touristique àla fin des années 90.La France est aujourd’hui au deuxièmerang mondial du tourisme des jardinsderrière l’Angleterre, où 3 500 jardinssont inscrits dans le Gardens of Englandand Wales Open for Charity. La Francequi compte moins de 1000 jardins

Une valeur ajoutéeomniprésente

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Le paysage, res-senti comme ungrand espace de

liberté est pourtant régipar de multiples lois, avecdes enjeux différents.Comme on l’a expliquépage 2 et 3, le paysageest ressenti comme unespace de valeur commu-ne, le modifier c’estatteindre notre identité.

Comme il a été nécessaire de réglementerl’économie, le marché dutravail ou encore la circu-lation routière, on a légiféréle paysage. Quel élu ouquel citoyen n’a pas étéfreiné dans ses ambitionsd’aménagements par lesdifférentes règles et lois ?Elles servent toujours àprotéger le paysage et lanature.

La Loi littoral a, parexemple, permis deconserver en l’état desétendues très convoitées.Comme cette dernière,toutes les lois promul-guées sur le paysage ontpour objectif de protégerle paysage, souvent en lefigeant. Mais la législation

ne s’arrête pas à ces loisgénéralistes, il existe toutun tissu de règles et d’arrêtés qui le protège.Au niveau local, les élusfixent le PLU qui n’ad’autre objectif que d’encadrer l’aménagementdu territoire local en décidant sur quelle parcelleon peut construire ou non,et en usant de la possibilitéde classer des zones dites« vertes » qui deviennentalors intouchables. Lespropriétaires terriens n’ontdonc pas la possibilité defaire ce qu’ils veulent deleurs terrains.

Le paysage étant unevaleur commune, un indi-vidu seul ne peut pasdécider de l’avenir d’unepartie du paysage.

Patrimoinecommun

Le Conseil européenexplique d’ailleurs dans lepréambule de la conventioneuropéenne du paysageson importance : « Le but

du conseil de l’Europe estde réaliser une union plusétroite entre sesmembres, afin de sauve-garder et de promouvoirles idéaux et les principesqui sont leur patrimoinecommun, et que ce but estpoursuivi en particulier parla conclusion d’accordsdans les domaines écono-mique et social ». Le pay-sage est alors élevé augrade de patrimoine com-mun européen. Ce textesigné en 2000 donne aupaysage une valeur toutenouvelle. C’est l’aboutis-sement de nombreuseslois et règles précédemmentadoptées par les étatsmembres qui ont établipetit à petit une véritablepolitique publique du pay-sage.

Certains poussent laprotection du paysage jus-qu’à l‘arrêt de l’importationde plantes et la protectiontotale des plantes endé-miques. On protège lesespèces rares. A Bordeaux,l’angélique d’estuaire aretardé l’aménagementdes quais ; et on ne

compte plus les grandschantiers arrêtés ou retar-dés pour la sauvegarded’une espèce. Il est clairque le patrimoine paysa-ger prévaut.

On retrouve cettenotion de patrimoine, sousun sens différent, pour leclassement Unesco quicomprend trois listes (1) :le patrimoine culturel, lepatrimoine naturel (paysa-ge) et le patrimoine mixte(culturel et naturel).Modifier un élément de cepatrimoine ou ne pasassurer sa protection etc’est la perte de ce classe-ment comme cela s’est vuavec le sanctuaire del'oryx arabe à Oman ouencore la menace quiplane sur Bordeaux pourl’évolution de son paysage(ponts), car cela modifie-rait un « ensemble urbainet architectural exception-nel. » (2) ou encoreDresde, car cela « porte-rait atteinte à l’intégrité dupaysage ».

Toutes ces lois, classe-ments et règles font dupaysage un espace intou-chable.

Par définition le pay-sage est en constanteévolution naturelle, enincessante création, enperpétuel mouvement. Lalégislation a pour but de leprotéger ; le préserver detoute attaque humaine.Cependant, est-ilimmuable ? Peut-on s’ar-roger le droit de le figer,d’empêcher finalementson évolution ? n

(1)http://whc.unesco.org/fr/list

(2)ht tp: / /whc.unesco.org/fr

/list/1256

_/Texte d’AlexandreMarsat

Un espace légiféré et encadré

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Sam. 6 décembre 08 de 14h à 18hRencontre inaugurale à la Bibliothèque Mériadeck de Bordeaux

Qu’est ce que l’homme nomme paysage ?

Lun. 15 décembre 08 de 18h à 20hRencontre à l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine

Aménagement du paysage :Affaire d’élus ou d’experts ? Et les citoyens ?

Sam. 17 Janvier 09 de 14h à 18hRencontre à Cap Sciences Hangar 20 àBordeaux

Paysage, pays et identité

Lun. 26 janvier 09 à 20hSoirée cinéma au Jean Eustache Pessac (33)Projection du documentaire “Paysages manufacturés”

Jeu. 12 février 09 de15h à 17hRencontre organisée avec l’OAREIL à l’Athénée Municipal deBordeaux

Bordeaux Unesco : patrimoine sanctuaire oupatrimoine vivant ?

Sam. 14 mars 09 14h à 18hControverse à la Médiathèque de Pessac(33)

Paysage et patrimoine : quels enjeux ?

Jeu. 8 avril 09 de 18h30 à 20hRencontre à l’Ecole Nationale Supérieured’Architectureet de Paysage de Bordeaux

Le paysage entre protection et évolution

Jeu. 16 avril 09 à 20h30Soirée cinéma à l’Utopia BordeauxProjection en avant-première du film “My Winnipeg”

Sam. 30 Mai 09 à 14h30Parcours-découvertedépart à CôtéSciences Floirac

Paysages du quotidien à Floirac.

CAP SCIENCESH a n g a r 2 0Q u a i d e B a c a l a n3 3 3 0 0 B o r d e a u xT é l 0 5 5 6 0 1 0 7 0 7F a x 0 5 5 7 8 5 9 3 8 1mél:[email protected]

U N I O N E U R O P E E N N E

avec le soutien

Le journal du théâtre de la science / 2008 - 2009Directeur de publication : Bernard AlauxRédacteur en chef : Alexandre MarsatComité de rédaction : Bernard Alaux,Bernard Favre, Alexandre Marsat et MariannePouget Rédacteur : Alexandre MarsatPhoto : Pierre BaudierDirection artistique : Patrice BrossardPAO : Mathieu DelteilRemerciements : Patrick Baudry, SergeBriffaud, Bernard Brunet et Pierre Culan Impression : Korus édition, Eysines

Le Théâtre de la Science est organisépar CAP SCIENCES, Centre de Culture Scientifique, Technique et Industrielle Région Aquitaine, avec la contribution d’un conseil scientifique constitué de représentantsdes universités et centres de recherched’Aquitaine.

Infos pratiquesAccès gratuit à toutes les rencontres.Pour les soirées cinéma, billets en vente au Cinéma Jean Eustache et à l'Utopia aux conditions habituelles.RenseignementsJean Eustache 05 56 46 00 96 -Utopia 05 56 52 00 03Inscription au parcours découvertede Floirac auprès de Cap Sciences 05 56 01 07 07

langue, et tout récemment, mai 68 …et alors.

Pour sa 13 e édition, Cap Sciencespropose d’explorer le thème desrapports que l’homme entretient avecle paysage : l’homme et le paysage.

Le paysage est une notion complexe.Chacun de nous a ses propres représen-tations du paysage, ses repères auxquelsil est associé. Un paysage est perçudifféremment selon que l’on esturbain ou rural, habitant ou touriste…Il prend aussi un sens différent enfonction des civilisations, des cultures. Le rapport de l’homme au paysage aévolué au fil des siècles. La perceptionet l’intérêt du paysage remontent auMoyen-Age. A la Renaissance, il estdevenu un genre pictural, sourced’inspiration artistique, objet d’étudesdans de nombreux domaines.

Le Théâtre de la Science aété créé en 1996 par Philippe Brenot,psychiatre et anthropologue, sur uneidée de Boris Cyrulnik. Ce concept a étéimaginé pour aborder des questionsde société et enrichir la réflexion desinitiés et non initiés.

L’objectif du Théâtre de la Science estde croiser les points de vue autourd’un fil rouge thématique à caractèrescientifique en favorisant les échangesentre des experts et le public.

Le Théâtre de la Science est uneprogrammation culturelle qui comprenddifférents types de manifestationsorganisées dans plusieurs lieux culturelsde Bordeaux et d’Aquitaine : rencontres-débats, soirées ciné-débats, contro-verses, parcours-découverte.Les précédentes éditions ont développéles thèmes tels que le bien-être,planète en danger, des mots à la

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LE THÉATRE DE LA SCIENCE

A la découverte du paysage. Lectures et méthodes d’analyse.Paysage et outils de planification Bulletinn°39 – Février 2004

La ConférencePermanente surl’Aménagement etl’Urbanisme (CPAUAquitaine) a rassemblédans ce numéro lescomptes-rendus d’uncycle de deux ateliersqu’elle a organisé autourdu paysage. SergeBriffaud, par uneapproche historique nousrenvoie aux origines culturelles de notreregard paysager.Universitaire et élu local,Serge Morin pose le paysage comme un véritable outils d’aménagement. BernardFolléa envisage la paysagecomme une page d’écrituredes sociétés dans leur

espace. Jean NoëlTournier démontre que lepaysage est égalementau coeur de l’évolutiondes zones urbaines périphériques. MichelPérigord explique lesliens entre l’image, l’imaginaire et le paysage.Augustin Berque envisagel’attitude moderne enversles formes bâties dansune approche paysagère.Pierre Donadieu replacela médiation paysagisteau coeur du projet d’aménagement. Puis,plusieurs spécialistes sepenchent sur le paysageet les outils d’applicationsde l’aménagement et del’urbanisme, se basantsur des exemples girondins.

Histoire du paysagefrançaisJean-Robert Pitte. EditionTallandier

Mus par la soumission aucosmos, puis par la

volonté de transformer lemonde, les hommes ontsans cesse remodelé lepaysage. De la préhistoire auxaménagements les plusrécents, l'auteur suit lesinnombrables transforma-tions du cadre de vie,dont nous sommes à lafois les héritiers, lesauteurs, les utilisateurs et les observateurs :urbanisme monumentalet espace symétriquementordonné de la Gauleromaine ; villes enclosesde murailles et « blancmanteau d'églises » de laFrance médiévale ; citésnouvelles du GrandSiècle, surgies de l'imagination des princes ;landes reboisées, maraisasséchés, villes remodeléespar l'industrie triomphante;campagnes défigurées etsurexploitées, mornesbanlieues du XXesiècle… Autant d'aspectsd'une aventure riche etfascinante, qui fait dupaysage un témoin privilégié de notre histoireculturelle. Alors que la qualité de la vieet la qualité des paysages,inextricablement liées,constituent une préoccu-pation essentielle desFrançais, cette édition estrevue et mise à jour.

Clé pour le paysageMichel Périgord, PierreDonadieu. Géophrys,2005

La notion contemporainede paysage exprime larelation complexe deshommes au monde sensible et matériel. Mots ou images, elle trie,réduit et déforme lemonde, mais le rendaccessible et compré-hensible pour le senscommun qui idéalise oucondamne ce qu'il voit. Cadre, support, ressources ou milieu dela vie, le paysage fondeles identités individuelleset sociales sur desformes et des signes.Parce que l'utilisation decette idée promet aumonde de devenir plushabitable et à la sociétéde devenir plus humaine,elle suscite de manièreinépuisable les projetsd'adaptation des sociétésà l'espace local et global.

Voici une liste sommaire de quelques livres qui ont aidé à la rédaction de ce dossier pour l’organisation

du Théâtre de la science 2008-2009 et vous permettront d’aller plus loin si vous souhaitez creuser

par vous-même le paysage

Paysage à creuser

Page 11: journal du théatre de la science

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LE THÉATRE DE LA SCIENCE

Comprendre un paysage. Guide pratique de recherche.Bernadette Lizet.François de Ravignan.Inra 1994

Comprendre un paysage,c'est d'abord le contempler,laisser affleurer toutesles questions qu'il suscite.Pourquoi, au milieu de la lande ouverte, sur la colline d'en face, cettemosaïque de couleurs,avec ces jeunes présclôturés, d'un vert cru ?Pourquoi ces tacheshomogènes de fougèresrousses,aux formes géométriques, détonnantsur la masse sombre desfourrés d'ajoncs ?Derrière chacun despourquoi, des hommes,des femmes qui cultivent, mangent,

coupent du bois, trans-portent, gardent destroupeaux, commercent,échangent, sedéplacent.

Petit guide de l'obser-vation du paysageJean-PierreDeffontaines, Jean Ritter,Benoit Deffontaines,Denis Michaud. 2006

Si le paysage est visiblepar tous, sa lecture sup-pose une attention parti-culière. Ce petit guideest un compagnon del'observateur pour luisuggérer quelquesrepères qui sont autantde points de passagedans son itinéraire d'ob-servation. Les auteurs dece guide, un géologue,un botaniste, un agrono-me et un enseignantagriculteur, ont croiséleurs savoirs et associéleurs compétences.

Paysages : de laconnaissance à l'actionEdité par Martine Berlan-Darqué , DanielTerrasson , YvesLuginbühl. 2007

Cet ouvrage rassemble

les travaux menés principalement en Europepour comprendre lefonctionnement des politiques de protectionet de gestion du paysagedans des cas concrets et

diversifiés. Il aborde successivement lesenjeux de l’action paysa-gère, les relations entrepaysage et espacepublic dans le contexteurbain, les conceptionsmobilisées pour élaboreret mettre en oeuvre despolitiques et, enfin, lesmodalités de participationdu public. Il est destinéaux acteurs impliquésdans la mise en oeuvredes politiques du paysage,mais aussi aux étudiants,aux enseignants et auxchercheurs intéresséspar le transfert desrésultats de la rechercheau bénéfice de l’actionpaysagère.P

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